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QVT à l'hôpital : après

la crise, quelles priorités ?

L’EXPERTISE WEKA
• Le mot de l'éditeur p. 3

• Édito p. 4

• Retour au travail en présentiel des télétravailleurs : attention aux risques psychosociaux p. 5


ACTUALITÉS

• Risques psychosociaux (RPS) à l’hôpital : manifestation, prévention et gestion p. 7


FICHE MÉTHODOLOGIQUE WEKA

• QVT à l’hôpital : après la crise, quelles priorités ? p. 15


WEBCONFÉRENCE

• La qualité de vie au travail p. 25


FICHE MÉTHODOLOGIQUE WEKA

• Un soignant bien traité est un bon soignant p. 29


Matthieu GIRIER, président de l’association des DRH des établissements hospitaliers (adRHess),
Sommaire

directeur du pôle des ressources humaines au CHU de Bordeaux


INTERVIEW

• Qualité de vie au travail, sécurité des soins et performance p. 31


FICHE MÉTHODOLOGIQUE WEKA

• U n plan Santé au travail est lancé dans la fonction publique p. 35


ACTUALITÉS

• F avoriser la qualité de vie au travail p. 37


FICHE MÉTHODOLOGIQUE WEKA

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LE MOT DE L'ÉDITEUR
La crise sanitaire du Covid-19 a laissé le milieu hospitalier, auparavant déjà en proie à des
difficultés croissantes, dans un état critique. L’un des problèmes les plus cruciaux est celui
du recrutement et de la fidélisation des personnels, et donc celui de l’attractivité, intime-
ment lié à l’épuisement physique et psychologique du personnel soignant, qui compro-
met gravement la qualité des soins voire la simple pérennité de certains services. Jérôme
Goeminne, dans la web-conférence présentée en page 16 de ce Livre blanc, parle de deux
pénuries actuelles, l’une médicale, qui va durer entre 10 et 15 ans, et l’autre paramédicale
qui devrait, elle, durer de 3 à 5 ans.
Les grandes difficultés auxquelles le milieu hospitalier fait face remettent naturellement
au centre du débat et des priorités la question essentielle de la qualité de vie au travail (QVT).
Les autorités et chaque établissement doivent s’investir pleinement dans cette réflexion
pour pallier au manque d’attractivité, et pouvoir continuer à assurer ce qui est l’essence
même de ce métier – et du service public : offrir aux patients une qualité et une sécurité
des soins au quotidien.
WEKA met à disposition ses ressources issues de l’expérience terrain de ses experts pour
aider les établissements à s’engager sur ces chemins de la qualité de vie au travail. Nous
sommes particulièrement fiers, sur ce sujet, de partager cette démarche avec notre
partenaire la CASDEN Banque Populaire, la banque coopérative de la Fonction publique,
dont la vocation est précisément d’accompagner les agents publics tout au long de leur
carrière.

Julien Prévotaux
Directeur éditorial

QVT À L'HÔPITAL : APRÈS LA CRISE, QUELLES PRIORITÉS ? 3


ÉDITO

Accompagner les agents de la Fonction publique dans leurs projets professionnels


et personnels, être à leurs côtés tout au long de leur carrière, c’est la vocation de
la CASDEN Banque Populaire, la banque coopérative de la Fonction publique.

Parce que la crise sanitaire replace au cœur des débats les conditions de travail des
personnels hospitaliers, parce que la Covid a révélé l’urgence d’améliorer pour ces
agents les conditions d’exercice de leurs métiers, la CASDEN Banque Populaire vous
invite à découvrir ce Livre Blanc « QVT à l’hôpital : après la crise, quelles priorités ? » tiré
de la web-conférence organisée le 12 mai dernier par notre partenaire WEKA, expert
et reconnu dans l’univers Fonction publique.

Entreprise de l’économie sociale et solidaire, banque engagée et responsable, la CASDEN


Banque Populaire partage les préoccupations des agents de la Fonction publique
hospitalière, et s’attache à les accompagner dans leur quotidien.

Les conseiller et mettre à leur disposition des outils leur permettant de mieux
gérer leur carrière, c’est cela que nous avons voulu faire avec notre partenaire WEKA.

Toujours dans une même volonté : valoriser les agents de la Fonction publique
dans leur métier, leur mission, mettre en lumière ces hommes et ces femmes qui
œuvrent au quotidien pour l’intérêt général.

Isabelle Rodney
Directrice Générale de la CASDEN Banque Populaire

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ITÉS
AC T U A L

Retour au travail en présentiel


des télétravailleurs : attention aux
risques psychosociaux
Dans une étude réalisée fin mai 2021, les salariés font part de leurs espoirs et
appréhensions sur le retour au travail en présentiel. Une vigilance renforcée doit être
apportée par les employeurs publics sur les risques psychosociaux (RPS).

D
ans le prolongement de l’accord-cadre du L’IMPACT DE LA CRISE SANITAIRE SUR
20 novembre 2009 sur la santé et la sécu- LES NOUVELLES FAÇONS DE TRAVAILLER
rité au travail dans la Fonction publique, le ET DE MANAGER PEUT GÉNÉRER
protocole signé le 22 octobre 2013 entre le gouver- DES RPS
nement et les partenaires sociaux, définit l’obliga-
Le retour sur le lieu de travail doit tout d’abord
tion des collectivités de réaliser un diagnostic des
s’accompagner d’un renforcement des règles sani-
risques psychosociaux (RPS), au même titre que
taires, en particulier, en ce qui concerne la désin-
tous les risques professionnels. Ce diagnostic doit
fection des postes de travail et le respect des
être intégré dans le document unique d’évaluation
« gestes barrière ». L’impact de la crise sanitaire sur
des risques professionnels et un plan de prévention
les nouvelles façons de travailler et de manager
des risques psychosociaux (RPS), assorti d’un plan
doit également être appréhendé.
d’actions doit être défini. L’apparition de risques
psychosociaux, après un retour en présentiel au En effet, si 81 % des Français voient globalement
bureau suite à une longue période de télétravail, de façon positive le retour au bureau, ils espèrent
doit faire l’objet d’une attention particulière. tout de même pour 76 % d’entre eux garder plu-

QVT À L'HÔPITAL : APRÈS LA CRISE, QUELLES PRIORITÉS ? 5


CE
NFÉREN

sieurs jours de télétravail par semaine. Les salariés compte des risques pschycosociaux apparaît donc
W E B - CO

désirent conserver « les acquis » induits pendant la à nouveau comme un sujet majeur de la vie en
crise sanitaire et permis par le télétravail, à savoir présentiel au travail.
de la souplesse et de la flexibilité ou encore le gain
de temps apporté par l’absence de transport.
Source : Retour au bureau et télétravail, les Français veulent avoir le choix,
Une vigilance renforcée devra être de ce fait Étude Norvatis, mai 2021
exercée par le personnel encadrant à l’égard de
l’ensemble des agents et des situations indivi-
duelles spécifiques, notamment dans le cadre d’un
retour partiel en présentiel après plusieurs mois de
télétravail intégral. L’objectif est de prévenir l’appa-
rition de risques psychosociaux.

LES SALARIÉS VEULENT QUE LA CRISE


SANITAIRE PUISSE ÊTRE PORTEUSE
DE CHANGEMENTS DANS LEUR
FAÇON DE TRAVAILLER
Le télétravail, la souplesse et la plus grande auto-
nomie accordée de fait aux salariés n’a pas été
vécue de manière homogène. Parfois, le télétravail
est ressenti comme ayant permis de concilier vie
privée et vie professionnelle et dans d’autres cas, il
a surtout été perçu comme une charge plus impor-
tante de travail, avec peu de déconnexion possible.
Ces ressentis disparates interrogent
les nouvelles façons d’encadrer et
L’objectif est de suivre les collaborateurs en pré-
sentiel et à distance. Les salariés
de prévenir souhaitent en effet que les modes

l’apparition de management soient modifiés


pour leur laisser plus d’autonomie.

de risques Ils veulent que la crise sanitaire


puisse être porteuse de change-
psychosociaux ments.
Les agents revendiquent une meil-
leure prise en compte de leur bien-
être physique et physiologique ainsi qu’une part
plus importante de convivialité et de sociabilité
dans leur milieu professionnel. Toutefois, les sala-
riés restent prudents, voire sceptiques, quant à la
façon dont les modes de management risquent
d’évoluer. Au regard de ces constats, la prise en

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WEK A
E
LOGIQU

Fiche 13113
ÉTHODO

Risques psychosociaux (RPS) à l’hôpital :


manifestation, prévention et gestion
FICHE M

2 outils associés

CONTEXTE
Les risques psychosociaux (RPS), s’ils constituent une menace patente au sein de
toutes les organisations, revêtent un caractère plus marqué encore dans les
établissements publics de santé. En effet, ceux-ci sont particulièrement exposés
aux risques psychosociaux et notamment à l’épuisement professionnel, dit burn-
out, car ils concentrent de nombreux facteurs de risques passés de conjoncturels
à structurels :

une vocation médicale ou soignante d’assistance aux personnes


vulnérables régulièrement bafouée par la maladie, la souffrance et la mort
des patients qu’ils soignent ;
des exigences de performance accrues inhérentes à la société autant
qu’au système de santé lui-même (hypertraçabilité, etc.) qui viennent parfois
altérer les conditions de travail ;
des familles elles aussi de plus en plus exigeantes et protestataires
qui contribuent aux situations professionnelles stressantes ;
des contraintes budgétaires toujours plus fortes et des plans
d’économie drastiques qui impliquent des réductions d’effectifs et
génèrent un climat délétère autant qu’elles contribuent à la fatigue tant
physique que psychologique des équipes.

Les hôpitaux doivent aujourd’hui se mobiliser activement pour parer à ces risques
psychosociaux car ils sont convaincus qu’il est fondamental et urgent de prendre
soin de ceux qui soignent.

▶ 1 - Définition des risques psychosociaux


Notion relativement récente dans le monde du travail, les risques psychosociaux ont été
sériés de manière progressive ces dernières années. On les définit communément comme
les « risques identifiés vis-à-vis de la santé mentale, physique et sociale, engendrés par les
conditions d’emploi et les facteurs organisationnels et relationnels susceptibles d’interagir
avec le fonctionnement mental ».

Ainsi, les RPS sont à l’interface de l’individu et de sa situation de travail. Les


principales composantes identifiées des RPS sont le stress mais aussi les violences
internes (harcèlement notamment) et les violences externes (exercées par des
personnes extérieures à l’hôpital, qui peuvent être les patients autant que les visiteurs).

Les accords conclus à l’unanimité par les partenaires sociaux en matière de stress (juillet
2008) et de harcèlement et violence au travail (mars 2010) permettent de s’appuyer sur des
définitions relativement consensuelles, qui reconnaissent le caractère plurifactoriel des
RPS. Il est ainsi communément admis que, dans les situations de RPS, coexistent des
facteurs individuels (relations interpersonnelles) mais aussi organisationnels (charge de
travail, gestion du temps de travail, etc.).

Il convient de souligner aussi le caractère subjectif de ce risque qui relève de la


perception propre à chaque individu, ce qui n’empêche ni de l’évaluer ni de le mesurer (à
l’instar de la douleur en milieu hospitalier), afin d’en apprécier l’évolution dans le temps.

QVT À L'HÔPITAL : APRÈS LA CRISE, QUELLES PRIORITÉS ? 7


A noter
Idéalement, il conviendrait de parler de « risques psychosociaux au travail », afin de
bien circonscrire le champ des responsabilités de l’employeur. Ce dernier est tenu d’agir
sur « ce sur quoi il a prise » et donc sur les déterminants des risques psychosociaux au
sein de l’hôpital exclusivement, sans violer l’intégrité psychique des intéressés.

▶ 2 - Les principaux risques psychosociaux à l’hôpital


S’ils s’intègrent parfaitement au cadre général précité, les risques psychosociaux hospitaliers
sont très spécifiques et en lien avec un environnement professionnel atypique. À ce titre,
l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) a été mandatée en 2016 pour évaluer la
gestion des RPS des personnels médicaux en établissement de santé.

On relève six grandes catégories de risques récurrents et prégnants à l’hôpital :

Le fonctionnement général des hôpitaux : il se situe désormais dans une logique à


dominante comptable, et l’organisation polaire a généré des scissions au sein de la
communauté médicale et accru sa souffrance au travail.
Les exigences et l’organisation du travail :
la généralisation des procédures, parfois à outrance, se substitue souvent à
l’autonomie dans le travail ;
le degré d’exigence au travail en matière de qualité, de délais et de productivité
fait peser une forte pression sur les professionnels ;
la vigilance et la concentration requises pour prodiguer les soins sont à mettre en
relation avec un environnement de travail qui manque parfois de sérénité.
Les relations avec les patients et les familles :
les patients et leurs familles sont de plus en plus exigeants, de plus en plus
agressifs et de moins en moins reconnaissants ;
ce sont les tensions qui caractérisent aujourd’hui communément les rapports
entre professionnels de santé et usagers du système de santé.
Les relations entre professionnels et avec le management :
la nature des relations avec les collègues est de plus en plus distanciée et leur
qualité se dégrade ;
la nature des relations avec les supérieurs se situe de moins en moins dans la
bienveillance et celles-ci se tendent ;
les manifestations de reconnaissance se font rares au travail tant sur le plan
pécuniaire (niveau de rémunération souvent faible) que dans les appréciations
professionnelles ;
l’encadrement n’apprécie pas toujours l’équité entre collègues en matière
d’organisation.
Les changements dans le travail :
le développement des nouvelles technologies sous-tend la multiplication de
techniques et pratiques médicales et soignantes nouvelles, et les professionnels
concernés doivent sans cesse se former et s’adapter s’ils veulent rester
compétents ;
la réforme de la tarification, même si elle date désormais de quelques années, a
un impact fort sur la performance attendue et les moyens octroyés ;
les restructurations hospitalières, telles que la création des groupements
hospitaliers de territoire (GHT) et des équipes médicales de territoire qui y sont
corrélées, perturbent les organisations du travail ;
l’insécurité de l’emploi s’est enfin généralisée à l’hôpital (taux de contractuels
souvent inclus dans le cercle vicieux de l’absentéisme).
Les valeurs et attentes des agents ne sont pas toujours prises en compte
dans le contexte actuel :
le développement professionnel est souvent relégué au second plan ; à titre
d’illustration, l’accès à la formation devient plus difficile dans des équipes à flux
tendu qui ne tolèrent plus la moindre absence ; l’équilibre entre vie
professionnelle et vie privée est souvent délétère ;
les conflits éthiques sont de plus en plus fréquents.

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A noter
Le stress n’est qu’une manifestation des RPS, ce n’est pas un facteur de risque tel
que communément admis.
Selon l’Agence européenne pour la santé et la sécurité au travail de Bilbao, « un état de
stress survient lorsqu’il y a déséquilibre entre la perception qu’une personne a des
contraintes que lui impose son environnement et la perception qu’elle a de ses propres
ressources pour y faire face. Bien que le processus d’évaluation des contraintes et des
ressources soit d’ordre psychologique, les effets du stress ne sont pas, eux, uniquement
de même nature. Ils affectent également la santé physique, le bien-être et la
productivité ».

▶ 3 - Les manifestations des risques psychosociaux à l’hôpital


Le syndrome d’épuisement professionnel des soignants (SEPS) ou burn-
out syndrome (BOS)
Ce nouveau concept est né aux États-Unis dans les années 1970. Il a été initialement
employé par le psychanalyste Herbert J. Freudenberger en 1974 pour décrire un état mental
de professionnels qui s’étaient dépensés démesurément dans leur travail et, par voie de
conséquence, s’étaient littéralement « consumés » (d’où le terme burn ). Cette notion fait
référence non seulement à des niveaux importants de performance attendue au travail, mais
aussi à des personnalités plus ou moins sensibles ou résistantes à la pression induite.
Christina Maslach, professeur de psychologie à l’université de Californie à Berkeley (UCB), a
décrit le burn-out des soignants comme un syndrome rassemblant épuisement émotionnel,
dépersonnalisation (traiter les patients de façon impersonnelle) et faible accomplissement
personnel.

A noter
Le syndrome d’épuisement professionnel des médecins et soignants à l’hôpital présente
trois dimensions essentielles :

l’épuisement émotionnel et physique ;


la déshumanisation de la relation avec le patient ;
la diminution du sentiment d’accomplissement de soi au travail.

Les nombreux changements structurels qui impactent l’hôpital public depuis quelques
années, et plus particulièrement les fortes contraintes économiques, induisent parfois des
méthodes de management qui peuvent apparaître brutales avec une impression de
productivité pouvant négliger les intérêts humains. Le paradoxe de la situation est d’autant
plus violent que la majorité des médecins et soignants manifestent un investissement
professionnel incommensurable. Ainsi, à la charge psychologique s’ajoute une charge de
travail, source potentielle d’épuisement professionnel.

Le harcèlement moral
« Le harcèlement moral au travail se définit comme toute conduite abusive (gestes, paroles,
comportement, attitude…) qui porte atteinte, par sa répétition ou sa systématisation, à la
dignité ou à l’intégrité physique d’une personne, mettant en péril l’emploi de celle-ci,
dégradant le climat de travail. » (Marie-France Hirigoyen, cf. Bibliographie.)

La loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale, qui reprend les éléments de
cette définition, donne une consistance juridique à la notion de harcèlement moral.

La Commission nationale consultative des droits de l’homme avait distingué dans l’un de ses
avis le « harcèlement institutionnel », qui participe d’une stratégie de gestion de
l’ensemble du personnel, le « harcèlement professionnel », organisé à l’encontre d’un ou
plusieurs salariés, précisément désignés, dans le but de les inciter à quitter l’organisation, et
le « harcèlement individuel » pratiqué dans un but gratuit de nuire à l’intégrité morale
d’autrui et d’asseoir sur celui-ci une forme de domination.

QVT À L'HÔPITAL : APRÈS LA CRISE, QUELLES PRIORITÉS ? 9


A noter
Le guide de la Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins (DHOS ;
devenue Direction générale de l’offre de soins [DGOS]), Harcèlement moral au travail : un
guide pour les établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux publics , publié en
2003, proposait déjà une typologie du harcèlement selon trois cas de figure prégnants à
l’hôpital :

le harcèlement individuel ;
le harcèlement institutionnel ;
le harcèlement transversal ou horizontal qui s’exerce entre personnels sans rapport
hiérarchique.

Le harcèlement moral peut ne pas être le fait d’un seul individu mais peut relever d’une
dynamique collective. Dans ce cas, le professionnel harcelé est souvent celui qui ne
souscrit pas à la critique des organisations et/ou de l’institution portée collectivement par
son équipe, ou celui qui n’adhère pas au déni des règles et normes afférentes au travail
attendu.

Les prérequis posés par la loi et permettant de caractériser le harcèlement moral sont les
suivants :

la répétition ;
l’intentionnalité (de nuire) ;
la dégradation des conditions de travail autant que de l’intégrité psychique de la
« victime » présumée.

▶ 4 - Les principaux leviers de la lutte contre les risques


psychosociaux à l’hôpital
Les acteurs de la lutte contre les RPS à l’hôpital
L’hôpital, en tant qu’employeur, représenté par son directeur

La loi confère à l’hôpital une obligation, de moyens autant que de résultats, en matière de
sécurité et de protection de la santé physique et mentale des professionnels qui y
travaillent. Il a l’obligation de prévenir, éliminer ou, à défaut, réduire toutes les situations de
stress, de harcèlement et/ou de violence au travail, avec la contribution des acteurs ci-après
cités et à l’aide des outils idoines.

Le CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail)

Il contribue à la protection de la santé et de la sécurité du personnel de l’établissement et


des agents mis à sa disposition, ainsi qu’à l’amélioration des conditions de travail. Il veille à
l’observation des prescriptions législatives et réglementaires prises dans ce cadre. Il est de
ce fait promoteur ou, au minimum, associé à la mise en œuvre des mesures pour prévenir,
éliminer ou réduire les situations présentant un risque psychosocial.

Le service de santé au travail de l’hôpital

Il a un rôle d’identification et d’alerte quant aux RPS car il est l’interlocuteur privilégié des
professionnels qui en subissent les conséquences. En matière de RPS, son rôle a été renforcé
puisque incombe désormais au médecin du travail un rôle pivot en matière de veille, d’alerte
et de prévention des situations de harcèlement et violence au travail et des situations de
stress au travail. Il peut être assisté dans cette mission par un ou des psychologues du
personnel ou un ou des assistants sociaux dédiés au personnel selon les moyens de l’hôpital.
L’accompagnement des étudiants et internes est aussi préconisé le cas échéant.

L’encadrement et les éventuels référents RPS désignés par l’institution

C’est avant tout la professionnalisation du management (nomination des chefs de service sur
la base de fiches de poste précisant les profils et les compétences attendues, charte de
management, formation initiale et continue au management, etc.) qui permettra d’impulser
plus de bienveillance au sein des pratiques de l’encadrement hospitalier, lequel contribuera,
ainsi formé, plus implicitement mais aussi plus activement à la prévention des RPS.

En complément d’une formation au management, c’est d’une sensibilisation spécifique aux


RPS dont l’encadrement hospitalier a impérativement besoin.

La participation de l’encadrement (hiérarchique et opérationnel) est en effet indispensable à


la libre implication des acteurs et à la facilitation de l’accès aux situations de travail
concrètes afin de les analyser. Leur collaboration permet de développer le lien entre
prévention des RPS, organisation du travail, caractéristiques de l’activité et des populations

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de professionnels concernés. Les cadres peuvent éventuellement être assistés dans cette
mission par des agents volontaires eux-mêmes sensibilisés, voire formés, à la prévention et
la gestion des risques psychosociaux.

Les outils de prévention et de gestion des RPS à l’hôpital


Le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP)

S’ils ne sont pas les seuls risques, les RPS doivent impérativement figurer dans le DUERP. Ce
document de référence doit analyser les causes et les conséquences des situations
afférentes en insistant sur les caractéristiques collectives des professionnels de l’hôpital
exposés à chacun de ces risques (métiers, ancienneté, formation, etc.). Les items
classiquement évalués dans ce cadre sont :

les exigences et l’intensité du travail ;


les exigences émotionnelles ;
l’autonomie et les marges de manœuvre ;
la qualité des rapports sociaux et des relations de travail ;
les conflits de valeur ;
l’insécurité de la situation de travail.

Cette évaluation des RPS doit être menée au moins une fois par an et lors de toute
réorganisation notable de l’établissement ou du service.

Le programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration


des conditions de travail (Papripact)

En regard du recensement des RPS (et autres types de risques) et de leur analyse tels que
présentés dans le DUERP précité, le directeur de l’hôpital, ou son directeur des ressources
humaines, est chargé d’élaborer un plan d’actions spécifique dénommé Papripact. Il associe
ainsi les représentants du personnel, et plus précisément le CHSCT, aux actions de
prévention mises en œuvre vis-à-vis, entre autres, des RPS, en lui présentant chaque année
le Papripact, ainsi qu’un rapport annuel qui fait le bilan de la santé, de la sécurité et des
conditions de travail ainsi que des actions menées au cours de l’année écoulée : le bilan de
l’hygiène, de la sécurité et des conditions de travail (BHSCT).

Les fiches d’événements indésirables (FEI)

Leur analyse singulière fine, autant que macro, par agrégats doit permettre de dégager les
RPS les plus récurrents au sein de l’hôpital et alimenter ainsi le DUERP et le Papripact de
manière plus ciblée et pertinente.

Outil
Trame type de document unique d’évaluation des risques professionnels
(DUERP)
Cet outil propose une trame type, sous forme de tableau, qui permet de répondre aux
exigences réglementaires qui caractérisent le DUERP (et des risques psychosociaux en
particulier) à l’hôpital.

Outil
Trame type de programme annuel de prévention des risques professionnels et
de l’amélioration des conditions de travail (Papripact)
Cet outil propose une trame type, sous forme de tableau, qui permet de répondre aux
exigences réglementaires qui caractérisent le Papripact à l’hôpital.

▶ 5 - L’approche par le développement des ressources


La qualité de vie au travail (QVT)
En juin 2013, l’Accord national interprofessionnel (ANI) sur l’égalité professionnelle et la
qualité de vie au travail a défini la notion de QVT comme étant « les conditions dans
lesquelles les salariés exercent leur travail, et leur capacité à s’exprimer et à agir sur le
contenu de celui-ci, déterminent la perception de la qualité de vie au travail qui en résulte ».

En décembre 2016, la ministre de la Santé, Marisol Touraine, présente la « Stratégie


nationale d’amélioration de la qualité de vie au travail. Prendre soin de ceux qui nous
soignent », véritable changement structurel intégré au fonctionnement de l’hôpital pour les
années à venir.

On en retient les dix principaux engagements suivants :

QVT À L'HÔPITAL : APRÈS LA CRISE, QUELLES PRIORITÉS ? 11


« Engagement 1 – Structurer la démarche pour garantir son suivi et son évaluation dans
la durée.
Engagement 2 – Adapter les formations initiales et continues pour développer la qualité
de vie au travail.
Engagement 3 – Revaloriser la médecine du travail et généraliser les services
pluriprofessionnels de santé au travail.
Engagement 4 – Reconnaître les sujétions particulières liées aux rythmes de travail
nécessaires à la continuité des soins.
Engagement 5 – Placer la qualité de vie au travail au cœur du dialogue et des politiques
sociales.
Engagement 6 – Redonner plus de place à l’écoute, à l’expression et aux initiatives
individuelles ou collectives au sein des équipes.
Engagement 7 – Favoriser la conciliation entre vie privée et vie professionnelle.
Engagement 8 – Accompagner le changement et sensibiliser l’ensemble des
professionnels à la qualité de vie au travail.
Engagement 9 – Mieux accompagner les cadres dans leurs activités de management.
Engagement 10 – Détecter et prendre en charge les risques psychosociaux. »

Les espaces de discussion sur le travail


Ces espaces de discussion visent à analyser les pratiques de travail et les rendre ainsi plus
« intelligentes » en mettant en exergue leur fonction formatrice. Ils ont permis de mettre en
œuvre de nouvelles approches de l’ingénierie de formation plus ancrées dans la réalité des
situations et des contextes de travail, plus facilitantes en termes de transfert des
apprentissages. Ces évolutions dans la conception des dispositifs de formation ont permis
d’explorer de nouvelles manières de former telles que la formation-action, la formation par
simulation, l’analyse des pratiques professionnelles, etc.

L’objectif réussi de ces nouvelles modalités d’acquisition des compétences est le savoir agir
en situation.

Les « environnements capacitants »


Le psychologue Pierre Falzon a défini le premier, en 2005, ce qu’il considère comme un
« environnement capacitant ». Il s’agit selon lui d’un « environnement qui permet aux
personnes de développer de nouvelles compétences et connaissances, d’élargir leurs
possibilités d’action, leur degré de contrôle sur leur tâche et sur la manière dont ils la
réalisent, c’est-à-dire leur autonomie ».

Ainsi, d’un point de vue préventif, c’est un environnement qui préserve les capacités futures
d’action des individus et les prévient ainsi de l’exclusion, pour au contraire favoriser leur
intégration et leur reconnaissance sociale. Formation et management bienveillant en sont les
principaux leviers.

La motivation au travail
Les RPS, on l’a vu précédemment, dépendent aussi de la personnalité des professionnels
concernés. Accompagner individuellement et collectivement ceux-ci par un management
bienveillant permet de prévenir les RPS. Au-delà du management bienveillant préalablement
préconisé, l’encadrement devra ainsi veiller à activer les différents leviers motivationnels
dont il dispose afin de développer chez les agents :

le sens de l’engagement, qui se traduit par une attitude active et impliquée dans le
travail avec la volonté de tenir compte de l’environnement et des possibilités
d’apprentissage ;
le sens de la maîtrise, qui témoigne d’une confiance en soi et d’une capacité
d’analyse comme de décision (il suppose de l’autonomie dans le travail) ;
le sens du défi, qui invite à préférer le changement à la stabilité.

NOTRE CONSEIL
Sachez reconnaître les symptômes précoces de l’épuisement professionnel :
irritabilité, agressivité, problèmes de mémoire et de concentration ;
symptômes psychosomatiques (problèmes gastriques, perte d’appétit, nausées) ;
anxiété, insomnie ;
isolement par rapport aux autres membres de l’équipe ;
indifférence aux patients.
Soyez attentif au risque de victimisation de certains agents. La « souffrance au
travail », le « burn-out » peut en effet servir d’excuse ou d’alibi pour justifier des
attitudes peu professionnelles, voire peu respectueuses envers autrui (patients ou
collègues).

ÉVITEZ LES ERREURS

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ÉVITEZ LES ERREURS
Ne confondez pas harcèlement moral et exercice normal de l’autorité. En effet,
l’autorité hiérarchique mal développée ou mal comprise peut parfois être l’objet, à tort,
d’une qualification de harcèlement par les subordonnés.
Ne confondez pas non plus le harcèlement avec une volonté de changer des pratiques
ou de réorganiser un service, pratique qui peut faire l’objet d’une désapprobation du
personnel envers un supérieur hiérarchique.
N’hésitez pas à sanctionner toute dérive apparentée ou avérée de harcèlement.

FAQ
Quels sont les risques de l’épuisement professionnel ?

Ils sont triples :

pour le professionnel concerné, des symptômes pouvant conduire à une dépression ou


de l’agressivité ;
pour le patient, des soins de mauvaise qualité ;
pour l’hôpital, une désorganisation du ou des services et un absentéisme accru.

ALLER PLUS LOIN


Références juridiques

Code du travail
Code pénal
Loi n° 2012-954 du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel, article 2 modifiant l’
article 222-33-2 du Code pénal
Loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale

Bibliographie

Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail,


« Prévention du harcèlement et de la violence sur le lieu de travail » , rapport, Office
des publications officielles des Communautés européennes, Luxembourg, 2003
DHOS, Harcèlement moral au travail : un guide pour les établissements sanitaires,
sociaux et médico-sociaux publics, avril 2003
J. Abittan, I. Fretigny, « Les risques psychosociaux à l’hôpital : pour une autre vision du
sujet au travail », Le Journal des psychologues , n° 326, mars 2015, p. 22
P. Canouï, A. Mauranges, Le Burn-out à l’hôpital. Le syndrome d’épuisement
professionnel des soignants, Masson, 2008
M.-F. Hirigoyen, Le Harcèlement moral. La violence perverse au quotidien , Éditions La
Découverte & Syros, 1998
M. Michel, L. Thibon, M. Walicki, Les Risques psychosociaux à l’hôpital : évaluer,
prévenir, agir, Éditions Lamarre, 2016

Site Internet

solidarites-sante.gouv.fr : site du ministère des Solidarités et de la Santé, rubriques Accueil


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qualité de vie au travail

OUTIL(S) TÉLÉCHARGEABLE(S) LES OUTILS ASSOCIÉS


Outil DTOU8344
Trame type de document unique d’évaluation des risques
professionnels (DUERP)

Outil DTOU8345
Trame type de programme annuel de prévention des risques
professionnels et de l’amélioration des conditions de travail
(Papripact)

QVT À L'HÔPITAL : APRÈS LA CRISE, QUELLES PRIORITÉS ? 13


FICHE(S) ASSOCIÉE(S)LES FICHES ASSOCIÉES
Fiche 8211
Les attributions des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions
de travail

Fiche 8669
Le rôle des comités techniques d’établissement dans le domaine des
conditions de travail

Fiche 8689
Le service de santé au travail

Fiche 8690
Le médecin du travail

Fiche 8691
Les activités opérationnelles du service de santé au travail dans les
établissements

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E
FÉRENC
W E B CO N

QVT à l’hôpital : après la crise,


quelles priorités ?
La web-conférence WEKA du 12 mai 2022, animée par Hugues Perinel, journaliste et fondateur
du Réseau Service Public, et organisée en partenariat avec la Casden Banque Populaire, a
permis de réunir deux experts autour du thème de la qualité de vie et du bien-être au travail.
Jérôme Goeminne, directeur général du GHT Cœur Grand-Est et président du Syndicat des
managers publics de santé (SMPS) et Perrine Cainne, directrice de l'organisation de l'attractivité
et de la fidélisation au CHU de Bordeaux et membre de l'ADRHESS, ont répondu à la question
centrale de cette web-conférence : « QVT à l’hôpital : après la crise, quelles priorités ? ».

Hugues Perinel
■ Hugues Perinel : Si le sujet des conditions de en compte quand on parle de QVT à l’hôpital ?
travail et le bien-être au travail est loin d'être nou- S’agit-il d'écoute, d'autonomie, de cadre de travail,
veau dans les établissements de santé, certains de santé ou bien de tout cela à la fois peut-être ?
l’ayant totalement intégré dans leur politique de
ressources humaines et leur politique sociale, la ■ Jérôme Goeminne : Pour contextualiser : le
crise sanitaire et l'épuisement physique et psy- bien-être au travail et la qualité de vie au travail
sont une priorité, doivent être une priorité, pour Jérôme Goeminne
chique extrême qu'elle a provoqué chez les per-
sonnels soignants a posé, ou reposé, cette ques- les établissements de santé, les établissements
tion de façon aigüe, et montré à quel point les sociaux et médico-sociaux publics. Pourquoi ? Le
personnels hospitaliers sont les vecteurs essentiels constat c’est qu’au quotidien, on nous parle de
de la qualité des soins et de la performance problèmes d'attractivité dans nos établissements.
globale. Mais passée la période d'adaptation et Au quotidien nos premières difficultés de fonction-
d'urgence, quelles sont les priorités ? Que prendre nement sont le manque d'un médecin, le manque Perrine Cainne

QVT À L'HÔPITAL : APRÈS LA CRISE, QUELLES PRIORITÉS ? 15


d'un soignant, le manque d'un cadre administra- Ce levier qualitatif est le seul levier immédiat que
tif, le manque d'un cadre soignant, etc. Au quoti- nous avons dans les établissements de santé pour
dien, nos difficultés sont de trouver les ressources réussir à être attractifs, pour réussir à pérenniser
humaines compétentes et en nombre suffisant nos effectifs dans nos structures, et pour réussir à
pour faire fonctionner et toujours mieux fonction- mieux travailler, mieux prendre en charge les usa-
ner nos établissements. Pourquoi avons-nous ce gers, les accompagnants et les accompagnés dans
problème d'attractivité ? La réalité c'est que nous les structures sociales et médico-sociales. Ainsi, la
sommes en pénurie médicale sur le territoire natio- qualité de vie et le bien-être au travail est encore
nal, pénurie qui va probablement durer entre 10 plus une priorité qu’elle ne l'a été par le passé. Évi-
et 15 ans. Même constat au niveau du personnel demment, les établissements s'investissent dans la
paramédical, nous avons augmenté les formations qualité de vie au travail, mais cela devient une prio-
dans les différents instituts de formation de soins rité au vu du contexte et au vu des problématiques
infirmiers et d’aides-soignants, mais il faudrait hospitalières, notamment l'attractivité.
attendre 3 à 5 ans avant d’avoir des marges de
manœuvre. Donc, pendant 10 à 15 ans une pénurie Alors comment faire ? Bien sûr, des questions se
médicale, et pendant 3 à 5 ans une pénurie para- posent au niveau des formations, au niveau de
médicale. l'organisation de nos établissements, de la charge
de travail, de la délégation de l'autonomie, des
Une dimension Si on regarde les autres corps de moyens et des outils fonctionnels. Mais je crois

sacrificielle trop métier à l'hôpital, on constate le


même problème. Dans la plupart
aussi qu'il est important, tant au niveau national
qu’au niveau régional et local, de redonner du sens.
importante est des territoires, et c'est une bonne
chose, nous avons un taux de chô-
Évidemment, nous avons un sens du service public
que nous défendons tous mais, trop souvent, des
présente chez mage qui a baissé, des personnes collaborateurs vont le faire avec un sens du sacri-

l'ensemble des incroyables qui sont employées,


des difficultés à trouver des cadres
fice, en se disant « il faut que ça tienne ». Malgré
la difficulté quantitative, malgré les difficultés du

collaborateurs dedessanté, des cadres administratifs,


ingénieurs, des directeurs. Nous
système de santé, je suis présent, je me surinves-
tis aux dépens de ma santé, et donc indirectement
hospitaliers allons donc être en difficulté quan- aux dépens de la structure, parce qu'il faut que ça
titative dans nos établissements de tienne. Une dimension sacrificielle trop importante
santé pour fonctionner. Pour comprendre l'impor- est présente chez l'ensemble des collaborateurs
tance de la qualité de vie au travail, il faut réaliser hospitaliers. Il faut donc redonner un sens, un sens
que le problème quantitatif auquel nous faisons qui ne serait pas un sens du sacrifice mais du tra-
face actuellement va durer. Cela semble évident vail en commun, du travail collectif pour prendre
mais, régulièrement, j'ai des contacts hospitaliers en charge nos usagers, nos accompagnants et nos
qui ne mesurent pas à quel point, ou refusent et accompagnés. Cela veut dire qu'il faut aujourd’hui
sont dans le déni de cette réalité. prioriser l'ensemble des chantiers de qualité de vie
au travail pour redonner un sens collectif, un sens
Par conséquent, si on veut fonctionner et toujours moins sacerdotal, moins sacrificiel à nos métiers.
mieux fonctionner, il faut investir d'autres champs Nous y croyons, nous en sommes acteurs et je pense
que le quantitatif. Il y a le champ de la valorisation, que nous devons tous réussir à travailler en ce sens.
qui n’est pas le sujet de cette web-conférence,
mais qui est un débat que nous avons au niveau ■ Hugues Perinel : La question serait-elle liée au
national. Il y a évidemment le champ qualitatif. fait que les soignants, par nature, à la différence

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d'autres univers professionnels, ne vont pas aban- nence en tension entre deux polarités : le fait de
donner le navire ? faire un métier très épanouissant, qui a du sens, qui
donne des perspectives de carrière et de faire un
■ Jérôme Goeminne : Complètement, c'est un
métier aussi très difficile, il ne faut pas
risque qu'il faut prendre en compte. Nous avons la
chance dans les établissements de santé, sociaux
se le cacher, avec des tensions et des L'une des
et médico-sociaux, d'avoir des collaborateurs qui
enjeux qui ont eu tendance à s'exacer-
ber pendant la crise.
priorités derrière
la qualité de
ont choisi un métier qui est tourné vers l'autre
avec un sens initial présent. Le problème est que, Effectivement la qualité de vie au travail
si jamais nous avons dans nos établissements une
dimension sacrificielle trop importante par rapport
était déjà une préoccupation majeure
avant la crise qu'on traverse, mais elle
vie au travail
à la santé, la vie personnelle ou la vie sociale, nous l'est d'autant plus aujourd'hui. Nous
n'arrivons pas à l'hôpital par hasard,
aujourd'hui est
risquons à un moment d'avoir deux syndromes,
qui existent dans toute organisation lorsqu'il y a nous arrivons avec des idéaux et une le besoin de
trop de surinvestissement. Il s’agit du risque du
burnout ou du risque de la sortie. Cette sortie est
vocation, et cela crée un risque de
déception ou de désenchantement reconnaissance
soit directe, soit l’agent reste dans l'établissement quand ces idéaux ne sont pas atteints
et en fait le minimum. ou quand on se rend compte que, finalement, on
ne peut pas forcément toujours donner le meilleur
Dans les deux cas, cela est nocif pour la struc- de soi-même. C’est ce qu'ont vécu les profession-
ture collective. Il ne faut évidemment pas que nels de santé pendant la crise justement et surtout
nous ayons des salariés en souffrance et qui vont vis-à-vis de la société. Au début de la crise, l'hôpi-
jusqu'au burnout parce qu'on pourra plus travailler tal était beaucoup mis en avant et les soignants
avec eux et l'équipe collective va souffrir de leur applaudis. C'était assez grisant et cela renforçait ce
absence. Et d’autre part, on ne peut pas non plus sentiment d'utilité et de sens qu'on donne à son
accepter que les collaborateurs quittent physique- travail. Puis, il y a eu un phénomène d'oubli dans
ment l’établissement pour aller ailleurs, ou bien la durée, voire même de critiques parfois, qui a un
qu’ils le quittent dans l'état d'esprit, c'est-à-dire impact sur les professionnels et peut être difficile
que l'investissement au travail devienne minima- à vivre.
liste. La priorité est donc de faire en sorte que le
Je pense que l'une des priorités derrière la qua-
collectif et chaque individu dans ce collectif s'y
lité de vie au travail aujourd'hui est le besoin de
retrouvent toujours davantage, parce que nous
reconnaissance, à la fois dans son propre établisse-
avons beaucoup de défis et de projets. Les établis-
ment, du reste de la communauté hospitalière, des
sements de santé, sociaux et médico-sociaux sont,
patients, et du reste de la société. L'ensemble des
par essence, des organisations qui sont mouvantes
établissements disent souvent que chaque profes-
et nous devons faire en sorte que ce mouvement
sionnel fait partie d'une chaîne de soins et que tout
ne soit pas perturbé par la pénurie médicale, par
le monde a vraiment une place importante, même
les problèmes d'attractivité, par les problèmes nor-
sans être en contact direct avec le patient. Il s’agit
matifs que nous aborderons ultérieurement.
donc de quelque chose d'important qu'il faut vrai-
■ Perrine Cainne : Je suis effectivement d'accord ment réaffirmer.
sur le fait que s'intéresser et travailler sur la qualité Au-delà de la crise, je pense que la société a évo-
de vie au travail à l'hôpital est essentiel, ça l'était lué, tout comme les attentes des professionnels en
déjà de toute façon avant la crise. Je pense que général, pas que dans le secteur de la santé, et que
quand on travaille à l'hôpital, on est en perma- l'hôpital doit également s'évoluer. Aujourd'hui, il

QVT À L'HÔPITAL : APRÈS LA CRISE, QUELLES PRIORITÉS ? 17


y a une demande légitime des professionnels de la qualité de vie au travail dans les établissements
pouvoir par exemple adapter leur temps de travail. de santé. Cela peut paraître surprenant parce que
Cette demande fait suite à la crise : il y a souvent eu l'autonomie des établissements va toujours dans
ce phénomène d'introspection, les personnes se le sens de dire qu'il faut davantage de marge de
sont intéressées davantage à ce qu'elles voulaient manœuvre et que, sur la qualité du travail, il faut
vraiment faire. Cela a mené soit à des reconver- faire confiance au terrain. Mais je pense qu'un
sions, avec des virages à 180 degrés, soit à l'adap- cadrage national est nécessaire pour obliger à ce
tation du temps de travail pour avoir un peu plus qu'il y ait un budget minimal par établissement
de temps à consacrer à ses autres domaines de dédié à la qualité de vie au travail, de la même façon
vie. Ainsi, on constate ce phénomène-là de refuser qu'on a dédié un pourcentage de la masse salariale
de dédier sa vie totalement au travail et effecti- obligatoire minimale pour la formation continue.
vement, comme le disait Jérôme Goeminne, c'est Pourquoi ? Parce que si on ne le fait pas, cela est rare-
un choc peut-être plus important à l'hôpital où on ment fait. Pourquoi doit-il être obligatoire ? Parce
avait cet aspect de vocation et de sacrifice. que dans nos établissements, dans le dialogue
social ou avec nos partenaires quels qu'ils soient
Il est important que les managers hospitaliers
(les organisations syndicales de centrales syndi-
prennent conscience de la nécessité de proposer
cales ou bien les représentants des chefs de service
finalement des organisations qui
Notre priorité soient flexibles, adaptables selon
et des cadres de santé), on a plutôt tous tendance,
culturellement, à privilégier le quantitatif et à déci-
numéro une les attentes des professionnels, qui
sont diverses. L'enjeu aujourd'hui
der de ne pas mettre de budget dans la formation,

est d'apporter
dans l'organisation ou dans le vivre ensemble. En
pour les RH est justement de bien
réalité, les deux sont compatibles et indissociables.
comprendre les attentes de chaque
une qualité et professionnel, et de pouvoir propo-
Il faut donc que nous fassions tous cet effort collec-
tif de dire que la qualité de vie au travail mérite un
une sécurité
ser des parcours et des modes d'or-
budget obligatoire minimale dédié et financé dans
ganisation ou des modes de travail
l'ensemble des établissements de santé.
des soins au qui y répondent, tout en ayant en
tête de faire en sorte que le collec- Ensuite sur la question des actions, que peut-on
quotidien tif fonctionne, malgré ces organi- faire une fois que l’on a ce budget dédié ? Le sacra-
sations et ces parcours diversifiés, liser. Il n’y a pas de solution miracle et donc d'orga-
car notre priorité numéro une est d'apporter une nisation miracle, il faut en parler dans chaque éta-
qualité et une sécurité des soins au quotidien. Cet blissement et leur faire confiance pour trouver leur
équilibre est essentiel. organisation en interne et pour avoir cette concer-
tation qui est l'essence de l'hôpital et du fonction-
■ Hugues Perinel : Quels sont les moyens à nement collectif. Il faut faire confiance à une entité,
mettre en place, que ce soit à court terme, moyen établissement, pôle ou service, peu importe, pour
terme et long terme ? Il y a, bien entendu, une définir son plan d'action pour la qualité de vie et le
grande diversité entre les établissements, j'ima- bien-être au travail. À mon sens, ce plan d'action
gine que l’on ne peut pas régler les choses de la doit se composer d’actions de court, de moyen et
même manière dans tous les établissements. Cela de long termes. Il faut structurer notre pensée et
doit-il passer par une discussion, en associant les avoir un vrai projet stratégique sur la qualité de vie
équipes au changement ? au travail dans nos collectivités.
■ Jérôme Goeminne : J’estime qu’il faut déjà que Les actions de court terme peuvent être des
nous fixions un cadre national obligatoire pour actions déjà vues dans certains établissements,

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comme des espaces détentes et des moments sionnels et les empêche finalement de faire un
collectifs. À moyen terme, on peut imaginer avoir travail de qualité. Cela crée aussi beaucoup de ten-
un happiness manager comme dans d'autres struc- sions mentales à gérer.
tures, déléguer des budgets, renforcer l'accompa-
Au CHU de Bordeaux, nous avons expérimenté
gnement individualisé des carrières, ce que nous dans un pôle deux nouvelles organisations. Nous
ne faisons pas suffisamment à l'hôpital. Enfin, sur le avons revu les maquettes organisa-
long terme, on peut mettre en place des organisa-
tions, des formations au relationnel et au manage-
tionnelles soignantes pour pouvoir y Nous devons
ment : autant de choses qui font que l’on vit mieux
intégrer deux types de professionnels
qui n'existaient pas auparavant, ou du être en mesure
dans un service, que l’on vit mieux collectivement.
Il y a aussi des moyens externes. L’établissement
moins qui n'étaient pas présents physi-
quement dans le service. Il s’agit d'une
de proposer, à
s’inscrit dans un système, ce qui fait qu’il peut être
plus ou moins bon dans le bien-être au travail et
part du préparateur en pharmacie, qui court terme, des
actions concrètes
va aider les équipes sur cet aspect phar-
je pense que c’est la raison d’une potentielle diffi- maceutique qui est son expertise. Nous
culté dans l'accompagnement de nos salariés.
Que ce soit sur la qualité de vie au travail, comme
le voyons, cela a déjà un impact sur la
qualité et la sécurité des soins et éga-
et pragmatiques
sur chaque sujet, l'hôpital est un lieu de concer- lement sur l’efficience médico-économique parce
tation. Je n’ai pas connaissance d'un hôpital où il que les stocks sont mieux gérés. Le deuxième type
y a un directeur, un médecin ou un soignant qui de professionnels faisant partie de cette expéri-
décide seul. À chaque fois, c'est collectivement mentation sont les SAAPI, les soignants d'accueil
que l’on va se mettre d'accord sur ce qu'il faut faire. et d'accompagnement des parcours et de l’inten-
Sur la question des organisations, on doit proba- dance. Ce sont des soignants qui ont des problé-
blement penser différemment le temps de travail, matiques de santé et qui sont là pour aider dans
les temps de présence, les professions médicales l'accueil des familles et des patients, dans la coor-
intermédiaires qui vont permettre de trouver dination des parcours, et qui permettent finale-
d'autres relais organisationnels pour s'organiser ment aux soignants du service de se recentrer sur
différemment. On doit également penser le télé- leur cœur de métier et d'être plus performant dans
travail et la télésurveillance mais il n’y a pas une leurs tâches au quotidien.
solution miracle qui va venir d'un directeur ou d'un La pénibilité est aussi un axe fort, je pense notam-
président d'une organisation syndicale. Il appar- ment au travail de nuit. La valorisation de cette
tient à chaque structure de le penser mais, dans pénibilité doit être reconnue, notamment par la
l’absolu, si on ne fait pas l'effort de le penser, rien rémunération mais aussi en mettant en place des
ne changera. plans d'action pour accompagner les profession-
nels de nuit, pour que leur parcours professionnel,
■ Hugues Perinel : Que faire de la compatibilité leur accès à la formation soit accompagné. Sou-
de ce besoin d’échanger en interne avec la perma- vent, ils se sentent isolés de l'hôpital et de l'accès
nence des soins ? à toutes ces choses que nous pouvons proposer.
■ Perrine Cainne : Je pense que nous devons être À moyen et long terme, il y a pour moi deux actions
en mesure de proposer, à court terme, des actions qui sont essentielles et qui rejoignent cette notion
concrètes et pragmatiques. Par exemple, dans les de qualité de vie au travail. Il s’agit tout d’abord
services, il y a la problématique des interruptions de mettre en lumière ce qui fonctionne bien dans
de tâches. Nous savons qu’il s’agit de quelque les hôpitaux, les succès et les réussites, sans pour
chose de quotidien qui est lourd pour les profes- autant cacher les difficultés. Il vaut mieux essayer

QVT À L'HÔPITAL : APRÈS LA CRISE, QUELLES PRIORITÉS ? 19


de sortir de ce marasme qui ne créé pas une éner- qu'elles soient à court terme, à moyen terme ou
gie positive pour avancer, que ce soit individuelle- à long terme, elles doivent laisser les différents
ment ou collectivement. Ensuite, il s’agit d’un chan- acteurs décider. Il faut avoir une orientation stra-
gement de culture : être dans la co-construction, tégique cadrée par les instances mais, par contre,
rendre les professionnels acteurs de leur quoti- il faut déléguer ce budget pour que les acteurs
dien professionnel et aller même peut-être vers ce s'en saisissent et décident ensemble. Je pense qu’à
qu'on appelle les organisations apprenantes qui plusieurs, on réfléchit mieux que tout seul. L’enjeu
me semblent être un modèle très intéressant pour est donc de réussir à apprendre à travailler tous
les hôpitaux. Je crois beaucoup au fait de mettre ensemble. Et à ceux qui disent que la QVT a déjà
en place des organisations par l’expérimentation été pensée, je dis qu’il faut toujours penser ce que
et de se laisser aussi le droit à l'erreur. l’on fait pour mieux le penser.

■ Hugues Perinel : Quel est le bon périmètre pour ■ Perrine Cainne : Pour revenir sur les attentes
mettre en place ces actions et pour faire prendre des professionnels, je crois qu’aujourd’hui les par-
conscience que la QVT est un levier managérial ? cours ne sont plus linéaires. Il est rare de voir des
S’agit-il des pôles territoriaux, des GHT ou des éta- professionnels faire 40 ans le même métier, dans la
blissements ? même entreprise, que ce soit à l'hôpital ou ailleurs.
■ Jérôme Goeminne : Au SMPS, et personnelle- Le territoire peut être une zone de réflexion inté-
ment également en tant que directeur des huit ressante pour cette question-là. J'ai tendance à dire
établissements du GHT Cœur Grand-Est, je pense à mes collaborateurs un message un peu disruptif,
que le territoire a un rôle à jouer. Ce rôle est dif- à savoir que la fidélisation, c'est aussi accompa-
férent selon l'ensemble des départements et des gner les professionnels vers la sortie. Je pense que
régions, chacun doit se l'approprier, mais il a un rôle certaines personnes ont envie d'aller voir ailleurs,
à jouer minimal qui est d'essayer de s’harmoniser d'avoir une autre expérience professionnelle.
tous vers le haut, de partager des expé- C’est aussi notre rôle en tant que manager, en tant

La fidélisation, riences, de se confronter à l'autre pour


toujours faire mieux. Le territoire et
qu'employeur, de les accompagner dans leurs
projets. De plus, si le départ se passe bien, le pro-
c'est aussi l'ouverture vers l'extérieur nous offrent
cet enrichissement mutuel. Je pense
fessionnel aura peut-être envie de revenir dans

accompagner les qu'on doit penser la QVT au niveau


l'établissement, s'il se rend compte que finalement
l'herbe n'est pas plus verte ailleurs, ou après avoir

professionnels du territoire pour tous se tirer vers le


haut avec des actions minimales égales
fait son expérience. Je crois beaucoup au change-
ment de paradigme par rapport à cela. On a ten-
vers la sortie sur le territoire car le danger sinon est
d'avoir des établissements qui vont en
dance à vouloir garder les professionnels alors,
qu’en réalité, la relation professionnelle s’appa-
faire une priorité, d'autres qui ne vont rente à la relation de couple, où finalement il faut
pas en faire une priorité, et donc d'avoir des effets entretenir une bonne qualité de relation et ne pas
de concurrence qui s'instaurent, qui joueront sur être trop possessif.
l’attractivité. Alors qu’à l'inverse, on pourrait en
faire une force commune.
■ Hugues Perinel : À l'hôpital, n’y a-t-il pas des
Après, il appartient à chacun de trouver le bon métiers qui sont particulièrement fléchés où la
périmètre, qu’il s’agisse des établissements, des mobilité n’est peut-être pas simple ? On peut chan-
pôles territoriaux ou des services. L’élément le plus ger d'établissement mais pas de métier du jour au
important est la confiance. Ces actions de QVT, lendemain, n’est-ce pas ?

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■ Perrine Cainne : Il est certain qu’il faut une cer- raction avec les autres unités, services, pôles de
taine motivation et un certain accompagnement, l'établissement ou du territoire. Cet investissement
mais ce n’est pas rare que l’on accompagne soit dans les managers de santé est indispensable.
des reconversions totales, soit des évolutions pro-
fessionnelles, qui permettent aux professionnels
Au GHT Cœur Grand-Est nous avons pris Ce n’est pas
d'évoluer à l'intérieur ou en dehors de l'hôpital.
la décision, en concertation avec les res-
ponsables médicaux, soignants, admi-
rare que l’on
■ Hugues Perinel : Nous avons évoqué rapide-
nistratifs, logistiques et techniques, de
consacrer un budget par établissement
accompagne
ment le thème de la formation. Nous avons l'im-
pression que des formations existent, bien enten-
aux managers de santé. Nous avons pris soit des
du, mais qu'elles sont plutôt axées sur les cœurs
la décision, pour le budget formation
2023, d'avoir un pourcentage du bud- reconversions
de métier et qu’il y a un déficit, dans la fonction
publique en général, sur la formation managériale
get formation dédié à tous les mana-
gers qu’ils soient médecin, soignant,
totales, soit
qui est si nécessaire quand on parle de de sujets
comme l’attractivité. Qu'en est-il exactement dans
administratif, logistique, technique ou des évolutions
vos établissements ?
directeur. Ce budget sera proportion-
nel au poids en ETP des managers dans professionnelles
■ Jérôme Goeminne : Il faut comprendre que l'ensemble de notre organisation. Nous avons pris
dans les établissements, nous avons tendance à cette décision parce que nous constatons ce que
sous-valoriser et mettre en place moins d'actions l'on constate tous, on investit insuffisamment dans
pour la formation des managers que pour la forma- les managers.
tion de l'ensemble des collaborateurs. Pourquoi ?
On doit investir les mobilités sur les territoires, et
Parce que culturellement, les managers de santé
les mobilités sur les différents métiers hospita-
se sont auto-bridés pour favoriser la formation de
liers. Il existe des cellules de mobilité inter fonc-
l'ensemble des collaborateurs. De plus, les com-
tions publiques mais seulement pour la territoriale
missions de formation regardent les différents
et l’étatique. À l’hôpital, cela n’existe pas. J'ai pu
budgets, qui est formé, et préfèrent former avec
débattre avec eux pour savoir pourquoi. En réa-
le même budget le plus grand nombre de collabo-
lité, c’est parce qu'ils ne connaissent pas l'hôpital,
rateurs plutôt que de choisir des formations plus
parce que nos métiers sont différents, ne sont pas
coûteuses pour l'encadrement. Donc nous avions
des métiers administratifs, au sens d’un ministère
un système qui empêchait la formation par le dia-
ou d'une collectivité territoriale. Il faut donc que
logue social et qui empêchait la formation parce
l’on s'en saisisse au niveau des territoires et que
que les managers s’auto-bridaient pour former
l’on construise ces cellules de mobilité. Perrine
d'abord leurs collaborateurs.
Cainne a raison, il y a énormément de possibilités
Il faut réussir à sanctuariser des budgets pour la d'évolution dans les hôpitaux. Les patients en ont
formation des managers. Ce sont les managers besoin mais ce serait aussi un super levier en res-
qui accompagnent leurs équipes au quotidien, sources humaines. L’avenir, c’est axer notre travail
qui vont faire que le collectif va naître, car ce n'est sur les professions médicales intermédiaires. Ne
pas simplement une équipe mais bien un collectif pensons plus corps, infirmier, médecin, pensons
qui est là pour travailler ensemble dans le même service aux patients, service aux usagers et là, il
sens, avec les mêmes valeurs, et le même objectif. y a toute une flopée de métiers d'avenir qui sont
Les managers vont faire en sorte que les membres possibles pour les catégories soignantes et aussi
de ce collectif s'entendent bien, travaillent bien pour les catégories administratives, logistiques et
ensemble et vont piloter les projets et aussi l'inte- techniques qui accompagnent ce mouvement.

QVT À L'HÔPITAL : APRÈS LA CRISE, QUELLES PRIORITÉS ? 21


■ Hugues Perinel : Qui dans l'organisation doit Réfléchir de cette manière sur les parcours mana-
mener ou accompagner les politiques au sein des gériaux est intéressant et donne aussi des perspec-
établissements ? Est-ce qu'il faut que ce soit une tives aux managers parce qu’il ne faut pas l’oublier,
cellule ou que ce soit l'ensemble des managers qui eux aussi ont besoin de sens et de perspectives.
s'en emparent ?
■ Hugues Perinel : La multiplication des réformes
■ Perrine Cainne : À l'hôpital, les managers de
et le rythme auquel elles se succèdent n'est-il pas
proximité ont un rôle vraiment stratégique. En
responsable aussi de l'usure des équipes ?
plus, ils ont un positionnement qui souvent n'est
pas simple, avec un quotidien difficile. Je pense ■ Jérôme Goeminne : Tout à fait. Le système
que c'est un échelon essentiel sur lequel on doit dans lequel évoluent les établissements hospi-
axer l'information et sur lequel on doit s'appuyer taliers sociaux et médico-sociaux a évidemment
parce qu’ils sont justement en contact direct avec un impact sur nos collectifs et sur nos individus.
les équipes de terrain. Premièrement, le système public hospitalier actuel
mais aussi social et médico-social pallie aux dys-
Pour vous donner un exemple concret au CHU de
fonctionnements systémiques. Je rappelle que
Bordeaux, on développe ce qu'on appelle un par-
c'est aux urgences qu’arrivent les patients faute
cours managérial, pour ces cadres proximité mais
de médecine de ville, que c'est aux urgences
également pour les cadres supérieurs, avec diffé-
qu’arrivent les patients faute de garde organisée
rents niveaux, toujours dans cet esprit d'individua-
les week-ends et la nuit sur le territoire, que c'est à
lisation. Je pense que c'est aussi le maître mot en
l'hôpital qu’arrivent des patients qui ne devrait pas
matière de QVT : il est nécessaire d’individualiser
venir à l'hôpital, faute de médecins sur les terri-
pour répondre aux attentes et aux besoins de
toires ou faute d'organisation sanitaire. L'hôpital
chacun. Sur ce parcours managérial, il y a plusieurs
pallie à beaucoup de dysfonctionnements sur son
niveaux : les compétences de base, qu'on apprend
territoire. Même chose pour les structures sociales
en formation initiale mais qui sont des et médico-sociales publiques, qui vont pallier à

Cette pression petites piqûres de rappel pouvant être


nécessaires (compétences techniques,
des dysfonctionnements des structures sociales
où médico-sociales privées, associatives ou à but
systémique où gestion de projet, gestion des plan-
nings), les soft skills (leadership, com-
lucratif.

l'hôpital doit tout munication non violente) et le manager Nous récupérons ainsi toute une pression d’usa-
gers qui doivent être pris en charge parce que le
coach. Avoir cette double casquette
faire à la place n'est pas évident parce que cela peut système a fait que d'autres ne les prenaient pas

des autres doit paraître un peu contradictoire avec le en charge. Ce n'est pas à nous de les prendre en
manager qui, d'un côté, doit vraiment charge mais on le fait car ce sont nos valeurs. Cette

être inversée encadrer, s'assurer du respect des pression systémique où l'hôpital doit tout faire à la
place des autres doit être inversée pour travailler
normes, être vraiment cette courroie
de transmission mais qui a aussi cette casquette dans un mode plus collaboratif, où chacun a des
de coach, ou en tout cas d'accompagnateur, dans obligations vis-à-vis des autres, où chaque institu-
tion a des obligations vis-à-vis du service public et
l'évolution soit de l'individu en les accompagnant
de son fonctionnement.
dans leur évolution de carrière, soit du collectif en
accompagnant les équipes dans la recherche et le Deuxièmement, il y a la pression administrative,
développement de leurs propres solutions. Enfin, au sens normatif du terme. Comment peut-on
au dernier niveau, le manager expert qui va être en imaginer qu'on réussisse à faire preuve de sou-
capacité de former. plesse dans notre fonctionnement au quotidien

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lorsque tous les projets que l’on met en œuvre, celui qui ne les atteint pas ? Ce n’est pas normal.
toute la bonne volonté, l'agilité et la concertation Comment peut-on expliquer que vous ayez la
que l’on met en œuvre sont, tous les ans sur 240 même valorisation si vous faites une
jours ouvrés, confrontés à 200 textes normatifs,
injonctions ou questionnaires ? Nous sommes plus
mission de service public dans des terri- Parler
toires difficiles, où il n’y a plus de service
administrés à l'hôpital, dans les structures sociales public et que vous ayez le même salaire positivement
et médico-sociales, que dans une administration.
Cette rigidité extérieure qui nous tombe dessus
que celui qui va être dans une structure
où il n’y a pas les mêmes difficultés de
de l'hôpital est
met forcément en difficulté les relations humaines. fonctionnement ? La question de valo-
risation et de reconnaissance salariale
bénéfique pour
Troisièmement, il y a la pression budgétaire. Com-
ment voulez-vous que l’on puisse mettre en place est centrale. Le système impacte aussi tous
des projets quand les règles budgétaires de l'hôpi- la qualité du travail, il faut donc amélio-
tal changent chaque année ? Il est urgent d'avoir rer les règles de l'hôpital et des structures sociales
une programmation quinquennale ou triennale et médico-sociales publiques pour pouvoir mieux
des moyens de nos structures publiques pour avoir vivre ensemble.
une vraie vision pluriannuelle et que nous soyons
assis sur nos fondamentaux budgétaires, sans avoir ■ Hugues Perinel : Pouvez-vous nous parler,
peur de l'avenir. En plus de la pénurie médicale et Perrine Cainne, de la campagne de communication
paramédicale que nous subissons, nous avons la que vous avez mis en place au CHU de Bordeaux ?
crainte permanente de se dire « combien d'argent ■ Perrine Cainne : Pour faire le lien entre cette
allons-nous avoir l'année prochaine ? ». Ayons une web-conférence et notre campagne de commu-
trajectoire pluriannuelle plus stable ! nication, je pense vraiment que travailler sur la
Enfin, il faut aussi que nous valorisions davantage qualité de vie au travail est une démarche de fond
nos collaborateurs, en terme salarial. Le manque qui est essentielle à faire dans nos établissements.
d'attractivité découle aussi du déséquilibre pré- Pourquoi ? Parce qu’une mauvaise QVT ou du
sent entre la pénibilité ressentie et sa gratification. moins de mauvaises conditions de travail génèrent
Comment peut-on expliquer, par exemple, qu'un de l'absentéisme, du turnover, des départs, des
gynécologue obstétricien qui fait des gardes, des difficultés de recrutement et tout cela va dégra-
astreintes et qui travaille la nuit à l'hôpital gagne der à nouveau la qualité de vie au travail. Il s’agit
l'équivalent en 3 jours et demi en ville, avec une véritablement d’un cercle vicieux et je pense que
demi-journée à la clinique, sans faire de travail la pour en sortir, il faut travailler sur les leviers de la
nuit et le week-end ? Ce n’est pas possible. qualité de vie au travail dont on a parlé depuis le
début. Travailler là-dessus est une démarche de
Le professionnel est sous-valorisé, sous-reconnu et
fond, qui prend du temps et qui peut être accom-
cela impacte son investissement dans l'établisse-
pagnée d'une démarche de communication à la
ment. Il faut aussi que nous valorisions davantage
fois interne et externe.
l'engagement car cela fait partie de la QVT, de la
reconnaissance. Comment peut-on encore expli- Cette campagne de communication que nous
quer que vous ayez le même salaire si jamais vous avons lancée au CHU de de Bordeaux visait à
vous engagez dans des institutions, dans des com- mettre l'accent là-dessus avec le slogan « Soignant-
missions, dans des missions transversales qu'un e soit fier-e » pour montrer qu'aujourd'hui les pro-
collègue qui ne va pas le faire ? Ce n’est pas normal. fessionnels de la santé sont fiers de leur travail et
Comment peut-on expliquer que quand vous attei- y trouvent du sens. Nous avons accompagné cela
gnez vos objectifs vous soyez rémunéré comme sur les réseaux sociaux de hashtags pour que les

QVT À L'HÔPITAL : APRÈS LA CRISE, QUELLES PRIORITÉS ? 23


professionnels puissent également expliquer on a besoin d'avoir le cœur et le cerveau qui vont
pourquoi ils étaient fiers de travailler, en l'occur- être les médecins mais on a aussi besoin d'avoir ce
rence au CHU de Bordeaux. Je pense que c'est pilotage de la direction des soins. Une direction
très important de faire ce genre de campagnes de des soins n'est pas une direction des ressources
communication, qui a eu un retentissement positif humaines, elle organise et pilote les projets, le
à Bordeaux et au niveau des autres établissements. quotidien, les soins et bien souvent l'organisation
Même si nous sommes tous en difficulté, nous médicale.
ne sommes pas là pour nous faire concurrence,
et parler positivement de l'hôpital est bénéfique ■ Hugues Perinel : De l’extérieur, nous avons
pour tous. l’impression qu’il existe d’ailleurs un binôme entre
le directeur des soins et les DRH.
■ Hugues Perinel : Sur les réseaux sociaux, nous ■ Perrine Cainne : Exactement. Je suis directrice
avons vu les réactions des différents syndicats et d'hôpital depuis 10 ans et j'ai toujours considéré
fédérations aux propos de Martin Hirsch, notam- que mes collègues directeurs des soins faisaient
ment sur la suppression des directeurs de soins. partie à part entière de l'équipe de direction, et
Une réaction à ce sujet ? encore plus depuis que je suis DRH. Je travaille
■ Jérôme Goeminne : Je pense qu’il est impor- toujours en binôme étroit avec mon collègue
tant de ne pas faire de procès sur un individu, un directeur des soins et chacun apporte son exper-
collègue, quel qu'il soit. De manière générique, tise complémentaire, cela est vraiment essentiel.
on ne peut pas penser l'hôpital sans les directeurs Je rejoins Jérôme Goeminne sur le fait qu'il est
des soins, sauf à travailler dans un hôpital qui est important que ce binôme fonctionne bien, s'en-
dysfonctionnant. Je note avec mes collègues que tende bien, pour que la politique RH et l'organisa-
tion des soins puissent se dérouler dans de bonnes
les hôpitaux qui ont plus de difficultés
J'ai toujours sont ceux où, justement, il n’y a pas de
conditions.

considéré que directeur des soins. Pourquoi ? Dans notre


métier, nous sommes tous tournés vers
mes collègues le soin, nous sommes tous des soignants
directs ou indirects, du directeur à l'agent
directeurs des d'entretien. Mais il y a une réalité, c’est le

soins faisaient soignant qui est auprès du patient 24 heures


sur 24, 365 jours par an. Ce n’est pas le
partie à part directeur, ni même les médecins. Et ces
soignants ont besoin d'être pilotés, d'être
entière de encadrés pour créer un collectif et pour

l'équipe de travailler ensemble. Ils ont besoin d’enca-


drants et ces encadrants ont besoin d'être
direction pilotés par un cadre supérieur de santé et
ses cadres supérieurs de santé ont besoin
d'un directeur des soins.
Au final, c’est le directeur des soins qui pilote toute
la colonne vertébrale de l'hôpital. Il n'empêche
qu’il a besoin de muscles, il n'empêche qu'il a
besoin d'organes, d'une direction des finances,

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WEK A
E
LOGIQU

Fiche 7949
ÉTHODO

La qualité de vie au travail


FICHE M

CONTEXTE
Si la qualité des soins est un enjeu majeur pour les établissements de santé (ES),
les contraintes qui pèsent sur le secteur hospitalier sont élevées avec des
conditions de travail qui ont évolué plus défavorablement que dans de nombreux
secteurs d’activité. L’importance de la qualité de vie au travail (QVT) vis-à-vis de
la qualité des soins (QDS) a conduit plusieurs pays à introduire la qualité de vie
au travail dans leur dispositif de certification. La HAS a décidé d’entreprendre
cette réflexion dans le cadre de sa mission de certification.

▶ 1 - Qualité de vie au travail


Il s’agit pour la HAS de développer les démarches sur la QVT en utilisant les leviers présents
dans la certification qui ont été introduits dans la V2010. L’intérêt pour la QVT est renforcé
avec les orientations stratégiques pour les évolutions ultérieures de la certification. En effet,
la QVT participe à la prévention des risques psychosociaux (RPS) en la situant au niveau des
enjeux d’organisation du travail, et la littérature scientifique comme des études empiriques
montrent l’existence d’un cercle vertueux liant QVT/conditions de travail et
QDS/bientraitance des patients.

▶ 2 - Contraintes et approche normative


Plusieurs travaux ont montré l’évolution des contraintes pesant sur les ES :

intensification du travail liée aux organisations ;


contraintes financières ;
développement des normes réglementaires ou professionnelles pour renforcer la
qualité et la sécurité des soins.

Les normes et la réglementation, au-delà de leur participation à l’amélioration des pratiques


et des organisations, rencontrent rapidement des limites dans leur efficacité, et peuvent
devenir contre-productives quand les stratégies d’amélioration de la qualité et de la sécurité
sont fondées exclusivement sur l’accumulation normative et le contrôle.

L’approche normative ne suffit pas à la maîtrise de la qualité et la sécurité des soins, et


d’autres approches touchant aux facteurs humains et organisationnels laissent à penser qu’il
est important de développer les capacités d’initiative et réflexives des organisations et des
professionnels, au plus près de la prise en charge des patients.

La QVT offre l’opportunité de l’arbitrage entre les différentes logiques à l’œuvre, parfois
difficiles à concilier.

▶ 3 - QVT et certification
Si les experts-visiteurs ont pour mission d’évaluer les démarches mises en œuvre pour
promouvoir la QVT, les dimensions à explorer sont multiples. L’appréciation de la démarche
QVT est fondée sur le lien établi entre QVT et qualité et sécurité des soins ainsi que sur les
points communs entre les thématiques qui impactent la QVT et celles de la certification
(management, ressources humaines, organisation des soins).

L’objectif de l’expérimentation est de tester et d’adapter une démarche d’investigation de la


thématique QVT dans le cadre de la certification en :

repérant les sources d’information les plus pertinentes ;


testant la faisabilité et l’utilité de la rencontre avec divers acteurs ;
identifiant les éléments d’appréciation repérés par les experts-visiteurs ;
comprenant les repères de l’évaluation des experts-visiteurs.

La QVT est, en effet, une notion complexe et à déterminants multiples, des facteurs
organisationnels pouvant être à l’origine des risques psychosociaux (RPS).

QVT À L'HÔPITAL : APRÈS LA CRISE, QUELLES PRIORITÉS ? 25


▶ 4 - Les risques psychosociaux
Sans définition juridique ou statistique, les risques psychosociaux (RPS) sont à l’interface de
l’individu et de sa situation de travail avec pour conséquences potentielles :

le stress ;
les violences internes (harcèlements moral et sexuel) ;
les violences externes (exercées par des personnes extérieures).

Les facteurs à l’origine des RPS peuvent être regroupés en 4 grandes familles de facteurs :

1/ Les exigences du travail et son organisation (autonomie, exigence pour la qualité et les
délais, etc.).

2/ Le management et les relations de travail.

3/ La prise en compte des valeurs et attentes des acteurs.

4/ Les changements dans le poste de travail.

Manifestation des RPS


Le stress répond à des situations de stress aigu et des situations de stress chronique, lorsque
cette situation est durable, entraînant des effets délétères sur la santé des salariés et des
dysfonctionnements dans l’entreprise. Le stress au travail a fait l’objet de plusieurs
modélisations qui ont contribué à déterminer précisément les dimensions permettant de le
mesurer.

Les risques psychosociaux ont un impact sur la santé et sur l’entreprise avec un lien entre
l’apparition de ces risques et l’absentéisme, le taux élevé de rotation du personnel, le non-
respect des horaires ou des exigences de qualité, des problèmes de discipline, la réduction
de la productivité, des accidents de travail et des incidents, la non-qualité.

▶ 5 - Dimensions de la QVT
La QVT est multidimensionnelle et croise de nombreuses autres thématiques du manuel de
certification, comme le management général de l’établissement, la gestion des ressources
humaines, l’organisation des soins, les démarches qualité etc. La QVT devra être intégrée à
l’analyse des thématiques de la certification.

La promotion de la QVT doit impliquer tous les niveaux de l’ES de la direction au cadre de
proximité. La politique institutionnelle doit favoriser le portage de la QVT dans chaque unité
de travail, avec des actions-repères favorisant la résolution de problèmes et des approches
pluriprofessionnelles. Cette politique peut être regardée au travers des documents comme le
projet d’établissement.

Les relations dans les équipes, dans les pôles et les unités/services sont une dimension
essentielle, avec le partage des valeurs, du projet du pôle, de l’unité/service. Un
fonctionnement harmonieux d’un collectif de travail avec un sentiment d’appartenance à ce
collectif améliore la QVT et la sécurité et la qualité dispensée, et cela avec une organisation
qui assure le moindre coût humain.

L’organisation du travail invite à prendre en considération les interruptions pendant les


soins, leur préparation avec le risque d’erreur, la gestion du temps, le choix des horaires, la
gestion des plannings, le temps de travail, l’articulation entre profession médicale et
personnel non médical.

Le contenu du travail hospitalier avec la confrontation à la maladie, à la mort, à la grande


dépendance, est source de souffrance pour les soignants. Les équipes de cancérologie,
d’hématologie, de soins palliatifs ont mis en place des dispositifs pour apporter un support
aux professionnels.

La QVT dans le champ du soin passe par les aspects relationnels du travail avec le temps
d’accueillir et d’accompagner le patient dans des conditions dignes.

La gestion des ressources humaines a un rôle à jouer pour la QVT, en accompagnant les
acteurs en difficulté, en développant des outils d’évaluation et de repérage de situations à
risque. Elle a pour fonction d’aider les structures des soins à concilier les contraintes et le
respect des aspirations et des besoins des individus. Il convient aussi d’être vigilant à la
formation continue et à l’accroissement des compétences. L’organisation du travail doit
pouvoir concilier la vie personnelle et le travail, avec des aides pour le logement, le
transport, la garde d’enfants, etc.

En ce qui concerne les situations à problème, les experts-visiteurs peuvent être conduits à
s’intéresser à la manière dont l’ES se mobilise autour des problématiques d’absentéisme et

26 Plus de contenu, d’actualités et d’informations sur www.weka.fr


de turn-over, de restructuration, de violence, de survenue d’événements indésirables
graves, etc. avec le rôle du médecin du travail ou du psychologue.

Pour les locaux, il convient de souligner l’importance de l’environnement de travail, de la


propreté, du confort thermique, de l’éclairage, ainsi que l’existence et la nature des locaux
sociaux (cafétéria, etc.).

▶ 6 - Management et valeurs
Il convient d’insister sur les pratiques de management favorables. Il existe en effet un risque
dans certains secteurs d’activité de désinvestissement des cadres pris par des reportings
croissants avec présence insuffisante sur le terrain, alors que les besoins d’écoute sont
importants.

Pour les valeurs, il est essentiel de remettre le travail et la qualité du travail centré sur le
patient au cœur des débats afin de permettre aux différents professionnels de se retrouver
sur un terrain commun.

▶ 7 - Organisation et collectivité
La QVT, intrinsèque à l’organisation, est un facteur d’émergence de la QDS au même titre
que le climat organisationnel ou la bientraitance. Il s’agit, pour la HAS, d’un état d’esprit
fondé sur la confiance, la sincérité, l’empathie et le respect, et d’une démarche participative
et progressive qui conduit à ré-interroger l’organisation du travail pour retrouver les marges
de manœuvre nécessaires pour la réalisation d’un travail de qualité. À ce point de vue, il est
important de rappeler que les performances économique et sociétale ne sont pas l’objectif,
mais le résultat d’une dynamique vertueuse.

Le groupe de travail ES a travaillé sur cinq témoignages d’ES, formalisés par le réseau
ANACT-ARACT, qui ont expérimenté l’articulation de l’amélioration conjointe des conditions
de travail et de la QDS dans différents contextes. Pour les membres de ce groupe souvent
impliqués dans la prévention des risques psychosociaux, il convient de proposer une
approche constructive pour intervenir au niveau des valeurs et de l’organisation du travail
dans la perspective de concilier bien-être au travail et les enjeux de production avec la
qualité et la sécurité des soins. Dans cette perspective, la QVT ne relève pas d’une démarche
normative, et il est essentiel d’accorder une attention importante aux contextes.

Dans un contexte particulièrement contraint, il devient nécessaire d’interroger


l’organisation, avec l’idée que la QDS peut, avec un sentiment de travail bien fait,
correspondre à un sentiment de QVT. La perte de reconnaissance du travail ou du sens au
travail est en revanche dangereuse pour la QDS. La QVT ne relève pas d’une gestion par
l’urgence avec multiplication de dispositifs.

L’événement susceptible de déclencher une prise en considération d’une dynamique de QVT


est à rechercher parmi les sujets prédominants d’actualité du contexte local ayant un impact
sur l’avenir.

Il est important d’éviter l’instrumentalisation de la QVT au service d’une performance


productive et de se disperser dans un ensemble d’initiatives éparses.

NOTRE CONSEIL
Sachez que la démarche requiert un apprentissage collectif mobilisant une pluralité
d’acteurs, chacun dans son champ de responsabilité. L’appropriation des enjeux s’opère
avec une logique interprofessionnelle renouvelant les modes de coopération, et un
dépassement des organisations trop hiérarchisées et cloisonnées.

ÉVITEZ LES ERREURS


N’oubliez pas que la dynamique visant l’amélioration de la QVT correspond à une démarche
progressive et participative, sur le long terme, avec un changement culturel et l’installation
de relations de confiance.

FAQ

QVT À L'HÔPITAL : APRÈS LA CRISE, QUELLES PRIORITÉS ? 27


FAQ
Quels sont les rôles de la politique et du management ?

Le portage politique de la QVT concerne le plus haut niveau de l’ES, avec discussion dans les
instances de décision et textes stratégiques. Les partenaires sociaux sont des acteurs
essentiels d’une réflexion sur la QVT, notamment par l’intermédiaire du CHSCT. Le dialogue
social doit s’articuler avec la CME.

ALLER PLUS LOIN


Bibliographie

HAS, ANACT, « Repères et principes d’une démarche qualité de vie au travail dans les
établissements de santé », juin 2013 (téléchargeable sur www.has-
sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2014-02/demarche_qvt_note_es.pdf)

HAS, ANACT, « Investiguer la qualité de vie au travail dans le cadre de la certification.


Synthèse des résultats de l’expérimentation », octobre 2013 (téléchargeable sur www.has-
sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2014-02/resultat_experimentation_qvt.pdf)

Site Internet

www.has-sante.fr : la HAS met à votre disposition des guides, méthodes et outils pour vous
permettre de mettre en œuvre vos projets

Abréviations et acronymes
QVT : qualité de vie au travail

QDS : qualité des soins

© Éditions WEKA - Tous droits réservés

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EW
INTERVI

Un soignant bien traité est


un bon soignant
Matthieu GIRIER, président de l’association des DRH
des établissements hospitaliers (adRHess), directeur du
pôle des ressources humaines au CHU de Bordeaux

■ WEKA : La crise sanitaire a un impact sur les Enfin, les hospitaliers sont des hommes et des
équipes engagées à l’hôpital. Quel regard portez- femmes qui ont le droit d’avoir des émotions,
vous sur ce moment si particulier qui n’est pas des difficultés : les hospitaliers ont besoin d’être
encore terminé ? accompagnés dans ces périodes difficiles, et c’est
■ Matthieu Girier : La crise nous apprend beau- la mission qui échoit aux directions des ressources
coup de choses. Elle a démontré ce que nous étions humaines hospitalières.
capables de faire. Elle a changé le travail en équipe, ■ WEKA : On imagine qu’il est difficile de parler ou
la capacité à trouver des solutions et à prendre des Matthieu Girier
même de travailler sur la qualité de vie au travail
décisions. La prise de décision est d’ailleurs plus dans ces conditions.
fluide, plus partagée et plus efficace. Elle a illustré
■ Matthieu Girier : C’est en effet compliqué : la
ce besoin de renforcer la participation des agents,
charge morale, mentale, physique est très lourde,
un besoin d’implication des personnels dans leur
pour tout le monde, qu’il s’agisse des soignants, ou
travail, dans les services, une envie de participer
des personnels médico-techniques, administra-
davantage aux choix collectifs.
tifs, techniques, ouvriers. Dans ce tunnel sans fin,
Cette façon de fonctionner montre qu’il y a un l’engagement est toujours là, parce que ceux qui
besoin à réorganiser les moyens hospitaliers. Pour ont fait le choix de rejoindre l’hôpital public l’ont
cela, il est nécessaire d’expliquer les décisions, fait pour des raisons d’engagement au service du
pourquoi on le fait et comment le faire ensemble. patient, pour les valeurs qu’il sous-entend : ces

QVT À L'HÔPITAL : APRÈS LA CRISE, QUELLES PRIORITÉS ? 29


moteurs sont cependant aujourd’hui en train de ou les nuits, vous pouvez décider d’installer un dis-
s’essouffler, et parler de qualité de vie au travail tributeur de repas. Il suffit de 3 m2 et de l’électricité.
peut être mal interprété dans le contexte actuel. Les repas peuvent être fournis par la cuisine cen-
trale de l’hôpital ou par un prestataire. C’est simple
Cette prise de parole est d’autant plus complexe
et ça change la vie des soignants qui n’ont pas à
qu’il est difficile d’en donner une définition. C’est
s’occuper de leurs repas une fois rentrés chez eux
un tout et ce n’est pas tant une somme d’actions,
après leur service.
c’est une façon de concevoir la structuration d’une
organisation, de promouvoir le bien-être, de ren- C’est aussi régler les problèmes de linge, un service
forcer l’équipe dans sa capacité à prendre des déci- qui doit être rapide et efficace. C’est permettre aux
sions ou à être attractive. Quand je pense qualité nouveaux soignants d’avoir une blouse et un accès
de vie au travail, je pense aussi à Margaret McClure au système informatique, dès le premier jour, et
qui parlait en 1983 d’hôpital magnétique. L’hôpital pas le quatrième jour. La qualité de vie au travail,
magnétique a la capacité d’attirer et de retenir le c’est un mélange de grandes choses et de choses
personnel soignant : si un soignant est bien traité, il plus petites.
sera un bon traitant. Et si un patient est bien traité,
■ WEKA : Un dernier mot sur votre engagement
il sera fidèle aux équipes qui le prennent bien en
auprès du think tank « Sens du service public » qui
charge. C’est un cercle vertueux : l’hôpital devient
regroupe des agents des trois fonctions publiques.
alors un lieu où il fait bon travailler et où il fait bon
Vous souhaitez participer à la campagne présiden-
être soigné.
tielle et être force de proposition en vue des élec-
■ WEKA : Que prendre en compte quand on parle tions. Quel est le sens de cet engagement ?
de qualité de vie au travail ? Qu’allez-vous prioriser ■ Matthieu Girier : Ce think tank est composé de
une fois la crise terminée ? 15 agents publics des trois fonctions publiques
■ Matthieu Girier : Il est primordial d’accueillir qui portent l’envie de moderniser l’Administra-
les agents correctement, que tout nouvel arrivant tion, et rendre un meilleur service aux citoyens.
se sente bien accueilli individuellement et Notre démarche vise à promouvoir un service
La qualité qu’il ou elle se sente reconnu. Cela passe public humain, de proximité, apaisé, de qualité
et qui prend en compte les besoins de la société :
de vie au par un environnement matériel et structurel
qui offre de meilleures conditions de vie au l’exemplarité, la proximité, le développement d’un

travail, c’est travail. Les attentes auxquelles nous devons


répondre sont très fortes à ce sujet.
service public durable et écologiquement respon-
sable, tout en développant une écoute démocra-
un mélange Cela passe donc par l’écoute, par le fait de
tique à destination des citoyens.

de grandes répondre à ce qu’on appelle communé-


ment les irritants du quotidien. Il s’agit pour
Propos recueillis par Hélène Leclerc

choses et de les directions hospitalières de répondre au

choses plus manque de potences de lit pour permettre


aux patients d’être pris en charge correcte-

petites ment, d’offrir des fauteuils et des lits fonc-


tionnels pour pouvoir s’asseoir et se relever
plus facilement, ou, du côté des agents, installer un
micro-ondes manquant dans une salle de repos.
Je pense aussi à d’autres exemples : lorsque vous
n’avez pas de service de restauration le week-end

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WEK A
E
LOGIQU

Fiche 7950
ÉTHODO

Qualité de vie au travail, sécurité des soins


et performance
FICHE M

CONTEXTE
Partageant des objectifs proches de l’amélioration continue de la qualité des soins
et de la gestion des risques, la qualité de vie au travail (QVT) donne un rôle
important aux professionnels dans l’analyse de leur travail et de leur
fonctionnement en équipe en même temps qu’elle appelle à un management
participatif. Le réseau Anact-Aract (agence nationale pour l’amélioration des
conditions de travail, associations régionales pour l'amélioration des conditions de
travail) en association avec la Haute autorité de santé (HAS) a dégagé les
moyens d’accompagnement des transformations que connaissent les
professionnels de santé, pour trouver une cohérence entre les nécessités
économiques et les ressources humaines, pour que le système de santé puisse
trouver la meilleure voie de fonctionnement.

▶ 1 - Management de la qualité et de la gestion des risques,


facteurs de QVT
Principes
Le management de la qualité et de la gestion des risques partage un certain nombre de
notions avec le contenu et les principes de la QVT. Le leadership implique une vision
commune, le sens du travail et la mobilisation collective des équipes. L’implication du
personnel nécessite l’engagement des professionnels dans leur travail, via les espaces de
discussion, pour améliorer l’organisation, la qualité du travail et la sécurité des soins.
L’approche systémique du management, développée dans le cadre de la sécurité des soins,
aux questions organisationnelles avec la notion d’organisation apprenante. Ces principes
convergent avec les dynamiques de la QVT.

Méthodes
La démarche d’amélioration de la qualité des soins et de la sécurité du patient reprend des
éléments méthodologiques similaires à la démarche de QVT, et repose sur des discussions
sur le travail et son organisation, avec des individus en interdépendance.

Cette démarche requiert des méthodes d’analyse, d’animation et de formalisation qui


permettent :

une identification des faits, une objectivation de la situation ;


une discussion autour des résultats de l’analyse de la situation, des causalités ;
la définition et le portage concertés d’actions.

Si certaines méthodes s’attachent à décrire les faits relatifs à un patient dans son parcours
ou un professionnel dans ses tâches, comme le « chemin clinique » et le « patient traceur »,
pour percevoir les difficultés de la pratique quotidienne, d’autres méthodes sont focalisées
sur l’analyse et la recherche des causes profondes, comme les méthodes d’analyse des
événements indésirables. Les méthodes les plus utilisées dans ce domaine sont les revues
de morbi-mortalité (RMM), les comités de retour d’expérience (CREX), les revues
d’événements médicamenteux (REMED)… Les déterminants sur lesquels elles cherchent à
agir sont de même nature que les dimensions de la QVT.

La grille d’analyse ALARM d’un événement indésirable associé aux soins conduit à la
recherche de facteurs qui peuvent expliquer sa survenue. Au-delà des facteurs individuels
liés au patient, cette grille conduit à s’intéresser au contenu du travail, aux conditions de
réalisation du travail, aux relations interpersonnelles et professionnelles, aux parcours
professionnels… Elle permet surtout de ne pas s’arrêter aux causes immédiates.

Une RMM menée de manière participative, pluri professionnelle, sans recherche de


coupable, permet de construire une connaissance commune et d’identifier des leviers
d’action pour améliorer l’organisation et/ou les pratiques qui représentent autant de

QVT À L'HÔPITAL : APRÈS LA CRISE, QUELLES PRIORITÉS ? 31


réponses aux enjeux de qualité des soins et de QVT. Le processus, en rassemblant les
professionnels, en organisant la discussion, en permettant à l’équipe de faire face
collectivement, en lui reconnaissant sa compétence, son expertise pour analyser
l’événement et proposer des solutions, contribue à améliorer la perception du travail bien
fait, les conditions de réalisation du travail, et la QVT. Les démarches de gestion des risques
peuvent être révélatrices de problèmes de QVT.

Pour que la congruence de la démarche QVT et des démarches d’amélioration de la qualité


des soins et de la gestion des risques s’opèrent, il est souhaitable qu’existe :

un partage sur l’intérêt de la démarche ;


la nécessité d'apporter aux professionnels une vision systémique des dispositifs
d'analyse de leurs pratiques et de faire reconnaître le temps dédié à cette analyse
dans l'activité d'un service.

Direction
La direction fait de l’amélioration continue des soins une priorité stratégique, en permettant
aux équipes de dégager du temps et des moyens pour y travailler, avec le droit à l’erreur,
les principes de l’organisation apprenante, et la confiance.

L’un des outils pour porter conjointement QVT et qualité des soins est probablement le
patient safety walkrounds pour lequel une expérimentation est actuellement menée par la
HAS auprès d’établissements de santé sous le nom de « rencontre sécurité du patient ». Une
équipe composée de managers issus de la gouvernance (direction générale et CME) va à la
rencontre d’une équipe médico-soignante, sur le lieu de travail, avec des échanges centrés
sur la sécurité des patients. La discussion est ouverte et respectueuse, entre les
professionnels composant ces deux équipes, pour identifier les problèmes rencontrés et
proposer des objectifs d’amélioration.

Certification
La certification ouvre des espaces de réflexion collective pour une culture commune et
apporte des outils qui peuvent être facteur de QVT :

l’identification des risques nécessite la mise en œuvre d’espace de discussion entre


professionnels de santé et direction ;
l'analyse de processus permet de décrire l’activité quotidienne des professionnels ;
la structuration d’une démarche d’amélioration continue favorise la mise en cohérence
des actions et des responsabilités entre le niveau stratégique et le niveau opérationnel.

▶ 2 - Patient safety Walk Rounds


Cette approche, aussi appelée Leadership Walk Rounds , executive Walk Rounds , repose sur
le postulat que l’engagement visible des leaders est important pour le développement d’une
culture de sécurité. Ce type d’intervention est rapproché du management-by-walking-
around, qui implique de la part des leaders une écoute, des discussions avec les équipes et
les usagers pour renforcer les valeurs des soins.

Il s’agit pour les leaders d’aller à la rencontre des professionnels et des équipes de première
ligne comme des cadres de proximité, pour discuter des problèmes de sécurité des patients
et des soins.

Les clés de réussite de ce type d’approche sont la simplicité des problèmes identifiés et
l’assurance donnée par des managers séniors de prendre la responsabilité de la mise en
œuvre des solutions.

▶ 3 - QVT et culture managériale participative


La qualité de vie au travail (QVT) se traduit par :

une culture managériale participative, développée par la direction, et reposant la


subsidiarité, le droit à l’erreur, le décloisonnement des acteurs, et la pluri
professionnalité ;
des modalités d’accompagnement des équipes avec prise en compte de l’impact sur
l’organisation et le contenu du travail des transformations et une reconnaissance de
l’expertise des professionnels sur leur travail et l’organisation ;
une convergence avec le management de la qualité et la gestion des risques.

Il s’agit de donner du pouvoir d’agir aux professionnels sur le terrain, la direction fixant une
stratégie, et déléguant aux managers et aux équipes la mise en œuvre d’une organisation
adaptée. Les échanges entre les équipes conduisent à une organisation plus transversale et
plus souple qui permet des prises de décision nourries également des expériences de
terrain.

32 Plus de contenu, d’actualités et d’informations sur www.weka.fr


Avec la subsidiarité, le pouvoir de décision revient au niveau hiérarchique compétent le plus
proche de l’action, c’est-à-dire au niveau d’un service et non au niveau du pôle ou de
l’établissement. Cela permet de réduire les circuits de décision et de validation, avec plus de
réactivité. Le droit à l’erreur permet la prise d’initiative, l’autonomie et l’expérimentation, et
une adaptation constante à l'environnement. Le décloisonnement permet de prendre des
décisions qui respectent le travail de chacun et la pluri professionnalité de mobiliser les
ressources venant des différents corps de métier.

Il s’agit de reconnaître et de valoriser les expériences de terrain, comme source de


performance sociale, organisationnelle, technique et économique.

▶ 4 - Accompagnement des équipes et transformations


Engagement de la direction
Elle doit s'engager à :

faciliter les échanges professionnels, et permettre aux équipes de faire des


propositions ;
soutenir les encadrants en diminuant leurs tâches administratives pour plus de
présence auprès des équipes ;
intégrer la dimension QVT dans les modalités d’évaluation du travail managérial ;
établir un circuit décisionnel clair intégrant la remontée d’informations du terrain ;
soutenir les équipes face à des changements d’activités pour renforcer leurs
compétences, et les cadres pour absorber les évolutions managériales ;
articuler le dialogue professionnel et le dialogue social en faisant du CHSCT, une
instance abordant aussi des enjeux centrés sur la réalité du travail.

Activité de travail
Pour pouvoir anticiper les répercussions possibles positives et négatives d’un changement
sur l’activité de travail, le réseau Anact-Aract a mis au point trois outils qui ont fait leurs
preuves dans la première vague de l’expérimentation nationale :

la « boussole » QVT qui permet, au démarrage de la démarche, de faire un


prédiagnostic ;
le « reportage photo » qui permet de disposer d’un support concret de situations
réelles ;
les « espaces de discussion sur le travail » pour partager les expériences du travail et
des propositions d’amélioration.

Mode opératoire
Il faut définir le périmètre de l’expérimentation, et les conditions de faisabilité et
d’évaluation en choisissant un objet concret par l’intermédiaire des instances ou par appel à
projets pour les unités, services, et pôles.

L’évaluation est réalisée par les professionnels mettant en œuvre l’expérimentation, qui
définissent a priori les critères qui permettront de juger de la pérennisation ou non de la
nouvelle organisation.

▶ 5 - QVT et équipes
La QVT nécessite l’élaboration d’un cadre construit collectivement au sein des équipes, et
précisant les règles partagées autour du métier et du fonctionnement en équipe. L’équipe
est facteur d’amélioration de la sécurité du patient, tout autant que d’amélioration de la
QVT.

Le programme d’amélioration continue du travail en équipe (Pacte) qui vise à améliorer de la


sécurité du patient, a en commun des déterminants avec les démarches de QVT, tels que le
diagnostic partagé au sein de l’équipe, avec des temps d’échanges sur les pratiques, sur
l’organisation, pour la mise en œuvre d’actions pour améliorer la sécurité du patient.

Il est à noter que la coopération entre les équipes reste un point faible pour les
établissements de santé, conduisant à des dysfonctionnements altérant la QVT et irritant
pour les professionnels, avec le manque d’information ou les interruptions de tâches. Le
renouvellement des équipes et la survenue de nouveaux enjeux conduisent à envisager
l’intégration de la culture de QVT dans tous les projets de l’établissement.

NOTRE CONSEIL

QVT À L'HÔPITAL : APRÈS LA CRISE, QUELLES PRIORITÉS ? 33


NOTRE CONSEIL
Savoir qu’il importe de renforcer la synergie avec la qualité des soins, la sécurité des
patients, en évaluant leur fonctionnement et leurs résultats, pour, le cas échéant, les faire
évoluer pour s’assurer qu’elles prennent bien en compte les attendus de la QVT.

ÉVITEZ LES ERREURS


Ne pas oublier que, qu’il s’agisse de management de la qualité des soins et de gestion des
risques ou de QVT, une mise en œuvre de démarches essentiellement prescriptives et
descendantes est nécessairement contre-productive.

FAQ
Quels ont été les apports de Pacte dans la QVT ?

Les équipes qui se sont investies dans Pacte ont témoigné d’une amélioration de leur QVT,
grâce aux discussions sur le travail à l'échelle du service. Pour certaines équipes, Pacte a
permis de libérer du temps pour réfléchir en commun au fonctionnement du collectif et aux
façons d’améliorer sa coordination, à l’identification des difficultés et aux moyens de les
résoudre. La meilleure visibilité du travail a facilité sa reconnaissance par la direction.

L’expérience de Pacte a entraîné un repositionnement de l’encadrement et de la direction,


vis-à-vis de la QVT.

ALLER PLUS LOIN


Bibliographie

Anact, Aract, HAS. La qualité de vie au travail au service de la qualité des soins. Du
constat à la mise en œuvre dans les établissements sanitaires, médico-sociaux et
sociaux. Septembre 2017.
HAS. Revue de littérature Qualité de vie au travail et qualité des soins . Janvier 2016.
ANACT. 10 questions sur la qualité de vie au travail . 2016.
Marita Danielsson, Siw Carlfjord & Per Nilsen. Patient safety walk rounds : views of
frontline staff members and managers in Sweden. International Journal of Nursing, Vol.
2(2), December 2015.
Mohammad Saadati, Mehdi Nouri, Robert McSherry. Patient Safety Leadership Walk
rounds : Promoting a Safety Culture in Developing Countries. Patient Safety and Quality
Improvement Journal. June-2016.
A. Frankel, E. Graydon-Baker, C. Neppl, T. Simmonds, M. Gustafson, T.K. Gandhi. Patient
Safety Leadership Walk Rounds. Jt Comm J Qual Saf. 2003 Jan;29(1):16-26.

Sites Internet

HAS : Guide démarche qualité 2017 et Revue de littérature de la qualité de vie au


travail
Anact : 10 questions sur la qualité de vie au travail

© Éditions WEKA - Tous droits réservés

34 Plus de contenu, d’actualités et d’informations sur www.weka.fr


ITÉS
AC T U A L

Un plan Santé au travail est lancé


dans la fonction publique
Fruit de deux ans de concertation avec les syndicats et les employeurs publics, un plan
de Santé au travail dans la fonction publique est lancé pour la période 2022-2025.

L
e plan de Santé au travail dans la fonction Le plan de Santé au travail est structuré autour de
publique a pour objectif de réaffirmer le rôle cinq axes majeurs, déclinés comme suit : prévenir
essentiel des instances de dialogue social la désinsertion professionnelle, favoriser la qua-
dédiées à la santé au travail dans l’élaboration des lité de vie et des conditions de travail, renforcer et
politiques de santé au travail. Les organisations améliorer le système d’acteurs de la prévention,
syndicales nationales saluent le premier pas que prioriser la prévention primaire et développer la
constitue l’adoption d’un premier plan Santé au tra- culture de prévention, développer le dialogue
vail dans la fonction publique, tout en dénonçant social et le pilotage de la santé et sécurité au travail.
le manque de moyens dédiés à sa mise en œuvre.
DES MESURES FORTES QUI ENTENDENT
CLARIFIER ET RENFORCER LES TIRER DES LEÇONS DE LA CRISE
ACTIONS MENÉES EN MATIÈRE SANITAIRE EN MATIÈRE DE SANTÉ AU
DE SANTÉ AU TRAVAIL TRAVAIL, MALGRÉ LES DOUTES
Le plan de Santé au travail dans la fonction publique
EXPRIMÉS PAR LES PARTENAIRES
contribuera à la mise en œuvre par les employeurs
SOCIAUX
des trois versants de la fonction publique, de leur Le soutien sur les territoires le nécessitant par la
responsabilité en matière de santé au travail. Il vise création et le développement de services de méde-
dans le domaine de la santé au travail à fédérer cine de prévention mutualisés, le renforcement de
l’ensemble des acteurs, mobiliser les énergies et la prévention en matière des risques psychosociaux
clarifier et renforcer les actions menées. et de la santé mentale grâce à la promotion du

QVT À L'HÔPITAL : APRÈS LA CRISE, QUELLES PRIORITÉS ? 35


secourisme en santé mentale ainsi que la mise en
œuvre d’une politique volontariste pour établir les
données sur la santé au travail, sont des mesures
fortes qui constituent le plan de Santé au travail.
Pourtant, si les orientations contenues dans le plan
sont estimées par les partenaires sociaux comme
nécessaires et pouvant faire accord, ils y décèlent
surtout une succession de guides, kits et, au mieux,
des formations pour un certain nombre d’agents.
La suppression des CHSCT et les difficultés prévi-
sibles dans l’installation des formations spéciali- Le plan
sées sensées s’y substituer, ne faciliteront pas non
plus selon eux la bonne appropriation d’un plan de Santé au
censé guider l’action publique pour la santé au
travail des agents jusqu’en 2025.
travail est
structuré autour
Source : Plan santé au travail dans la fonction publique 2022-2025, Direction
de cinq axes
générale de l’administration et de la fonction publique
majeurs

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WEK A
E
LOGIQU

Fiche 10934
ÉTHODO

Favoriser la qualité de vie au travail


1 outil associé
FICHE M

CONTEXTE
La performance d’une équipe, d’une structure, est directement impactée par la
qualité de vie des agents au travail : démotivation, conflit, incompréhension et
absentéisme peuvent être évités ou limités grâce à une approche systémique et
participative.

Cette fiche a pour objectif de mieux appréhender les bases, les enjeux et les
responsabilités relatifs à la qualité de vie au travail (QVT), mais aussi de cerner
les modalités de mise en œuvre d’une démarche visant à la favoriser. Il s’agit :

de s’approprier les bases de la QVT et de ses enjeux ;


d’établir un premier diagnostic à partir de constats et d’outils
méthodologiques ;
de dégager une vision systémique de la qualité de vie au travail ;
de se doter d’une approche managériale spécifique.

▶ 1 - Connaître ce qu’est la qualité de vie au travail et ses


enjeux
« Les conditions dans lesquelles les salariés exercent leur travail et la capacité à s’exprimer
et à agir sur le contenu de celui-ci déterminent la perception de la qualité de vie au travail
qui en résulte. » (Source : ANI du 19 juin 2013.)

Selon les termes de l’ accord national interprofessionnel (ANI) du 19 juin 2013 sur la qualité
de vie au travail, il s’agit donc de concilier :

l’amélioration des conditions de travail pour les salariés ;


la performance globale des entreprises ou des organisations.

Par ailleurs, le Code du travail ( art. L. 4121-1 ) fixe les responsabilités de l’employeur
qui « prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et
mentale des travailleurs ». Il y a là une obligation de moyens, mais aussi de résultat ( Cass.
soc., 3 février 2010, n° 08-44019 et n° 08-40144 – cf. rubrique « Pour aller plus loin »).

Vous devez donc à la fois répondre à des enjeux de qualité de vie et de performance de
l’organisation, mais aussi de responsabilité juridique.

Or, le bien-être au travail ne dépend pas que des aspects et risques physiques, matériels,
mais également de l’organisation, des pressions psychologiques de toutes sortes, de la
reconnaissance du travail réalisé, du sentiment d’accomplissement, etc.
La notion est donc tout à la fois subjective et multifactorielle.

Dans le cas d’agents en relation avec le public, le facteur émotionnel est important et ne doit
pas être sous-estimé : les situations qu’ils rencontrent peuvent être parfois difficiles à
entendre et être sources d’agressivité de par leur complexité.

Ainsi, l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact) a retenu six
dimensions individuelles déterminantes pour la qualité de vie au travail :

les relations sociales et professionnelles : reconnaissance du travail, respect,


écoute, considération des collègues et de la hiérarchie, information, dialogue social et
participation aux décisions ;
le contenu du travail : autonomie, variété des tâches, degré de responsabilité ;
l’environnement physique du travail : sécurité, bruit, chaleur, éclairage, propreté,
cadre spatial ;
l’organisation du travail : qualité de la prescription du travail, capacité d’appui de
l’organisation dans la résolution des dysfonctionnements, démarches de progrès
organisationnel, pénibilité, charge de travail, prévention des risques professionnels ;

QVT À L'HÔPITAL : APRÈS LA CRISE, QUELLES PRIORITÉS ? 37


la réalisation et le développement professionnels : rémunération, formation,
validation des acquis, développement des compétences, sécurité des parcours
professionnels ;
la conciliation entre vie au travail et vie hors travail : rythme et horaires de
travail, vie familiale, accès aux services, loisirs, transports…

▶ 2 - Établir un diagnostic
Avant d’enclencher toute démarche, vous devez établir un diagnostic, un état des lieux.
Vous devez favoriser dès le départ la participation et la confiance des agents autour des
enjeux qui leur sont propres.

Voici les outils à votre disposition :

La méthode du questionnaire à tous les agents a fait ses preuves.


Vous pouvez engager une enquête, éventuellement via le CHSCT.
Vous pouvez également vous appuyer sur des rapports de situations comparées, une
observation, des constats partagés, lors d’un séminaire managérial par exemple.
Basez-vous sur des indicateurs d’alerte : utilisez les données déjà existantes dans
l’établissement (document unique, taux d’absentéisme, etc.) et créez des données :
enquête sociale, bilan des expérimentations, diagnostic, etc.

Vous devez vous appuyer à la fois sur des données quantitatives et qualitatives : la
réalité objective compte autant que la perception des professionnels (cf. Quelques
indicateurs et outils d’évaluation et de diagnostic). Faites confiance aux acteurs de
l’établissement pour juger si un taux d’absentéisme, un taux de stress « moyen » ou une
dégradation de la qualité sont significatifs et s’ils exigent une action.

N’oubliez pas les espaces de discussion : ils sont essentiels pour apporter de la
connaissance collective, mais aussi pour favoriser l’appropriation de la démarche.
Vous pouvez également bâtir un diagnostic basé sur les six dimensions de la QVT
citées ci-dessus (cf. Étape 1).

Cependant, pour engager un diagnostic pragmatique, qui tienne compte de vos enjeux et de
vos moyens, choisissez vos priorités d’analyse en fonction de critères techniques tels que,
par exemple :

les priorités qui offrent les marges de progrès potentiel les plus fortes ;
les priorités en fonction de la nature du risque et de son impact ;
les priorités les plus faciles à objectiver, à mesurer et à piloter ;
les priorités qui présentent un effet de levier sur les autres facteurs QVT.

Vous n’êtes pas obligé de viser d’emblée l’exhaustivité – qui pourrait se faire au détriment
de la démarche participative.

▶ 3 - Dégager une vision systémique pour équilibrer les


contraintes et les ressources
Le diagnostic doit vous permettre de travailler de façon concertée à une vision systémique
de la QVT. Vous devez trouver un équilibre entre les contraintes et les ressources.

Ainsi, chaque facteur qui entre en ligne de compte de la QVT peut être considéré comme :

une source de protection : le contenu du travail par exemple, si on constate qu’il y a


maîtrise des savoirs, des savoir-être et savoir-faire, des expériences et des référentiels
métiers sur lesquels s’appuyer ;
une source de risque, s’il n’y a pas maîtrise des compétences ou s’il manque des
espaces de dialogue, d’échange sur les pratiques.

Vous ne devez pas considérer qu’il y a trop de contraintes en soi. C’est le déséquilibre entre
les contraintes et les ressources pour y faire face qui enclenche un mécanisme, un système
de risques psychosociaux et non pas une situation isolée.

Exemple : un contexte de confiance favorisant la coopération, la cohésion d’équipe et la


motivation peut permettre de faire face avec moins de stress à des situations d’accueil du
public difficiles, sur lesquelles vous n’avez pas toujours de prise.

Dans un cadre comme celui-ci, d’interdépendance des différents facteurs de QVT,


d’ajustements, de concertation, vous devez intégrer la nécessité de procéder par des
expérimentations, à évaluer au fil du temps.

Vous pouvez mobiliser pour cela la méthode de conduite du changement de « l’évaluation


embarquée », proposée par l’Anact, qui permet aux salariés de participer à la conception de
nouvelles organisations du travail.

38 Plus de contenu, d’actualités et d’informations sur www.weka.fr


Exemple de la méthode d’évaluation embarquée de l’Anact

Les salariés évaluent, en les expérimentant, les effets d’un changement sur leur
activité (ex. : mise place d’un nouveau logiciel, d’une nouvelle procédure, de nouveaux
horaires, etc.). L’évaluation est ainsi « embarquée » dans le projet de transformation :
elle se construit avec les retours des acteurs de terrain au cours de l’action.

Sur le plan méthodologique, vous devez former un ou plusieurs groupes de travail de 8 à


12 agents, qui vont :

établir une liste de leurs activités ;


choisir les plus fortement impactées par les modifications en cours ;
les analyser suivant trois critères : d’efficacité, technique et social ;
choisir leurs propres indicateurs ;
évaluer la transformation ;
formuler des propositions.

▶ 4 - Mobiliser l’encadrement
Identifiez les besoins à prendre en compte
Au-delà de l’organisation du travail et de la réponse aux objectifs assignés, l’encadrement
joue un rôle clé dans la QVT et en particulier en matière de prévention.

Vous devez tenir compte de la position complexe du manager vis-à-vis de sa hiérarchie ou


de son élu, mais également vis-à-vis des attentes de son équipe. La question d’une
communication adaptée devient centrale.

L’encadrement doit identifier les besoins de reconnaissance de leur travail pour les agents.
Ce qui ne signifie pas qu’il ne doit pas y avoir de recadrage, mais les éléments négatifs
doivent aussi être accompagnés de ce qui est positif, ce qui fonctionne bien.

Si tout est négatif, c’est que l’engagement dans le conflit ou dans l’émotionnel ne permet
plus de prendre du recul ou encore que le recadrage arrive beaucoup trop tard.

S’il est important de rester en lien avec les exigences du poste et les objectifs fixés, vous
devez vous appuyer sur les besoins de reconnaissance, de confiance et du sens du
travail de vos agents pour communiquer.

Tenir compte de ces éléments vous permettra de remobiliser votre équipe et de renouveler
la motivation.

Clarifiez les attentes quant à la posture managériale


La démarche de QVT est centrée sur un management participatif et bienveillant qui
vise la satisfaction des objectifs, mais aussi celle des collaborateurs. L’animation de l’équipe
et la relation aux individus doivent favoriser leur engagement et leur participation à la
performance.

La légitimité de l’encadrant ne repose plus uniquement sur la position hiérarchique mais sur
sa proximité relationnelle et sur sa capacité à guider, stimuler, appuyer sans forcément
imposer. Dans la mise en œuvre de la QVT, il doit adopter une posture d’humilité et ne pas
hésiter à questionner sur le travail de chacun, en particulier pour les métiers qu’il ne maîtrise
pas.

L’efficacité de la démarche dépend beaucoup de l’implication initiale de la hiérarchie, mais


aussi du respect et du suivi des idées émises. Vous devez favoriser de véritables débats,
faciliter les retours, en particulier dans l’application des suggestions. Interrogez-vous dès le
départ sur la clarté de vos intentions quant à la démarche participative : jusqu’où souhaitez-
vous aller ? Quels moyens êtes-vous prêt à dégager pour mener cette approche
participative, notamment en termes de temps ?

▶ 5 - Mettre en place une démarche projet


Les principales étapes sont :

le lancement et la constitution d’une équipe animée par un chef de projet ;


l’évaluation de l’existant et la recherche des meilleures pratiques ;
l’élaboration des solutions d’amélioration, avec des plans d’action, à la fin de chaque
étape.

À chaque étape, vous devez réunir le comité de pilotage du projet pour qu’il évalue et valide
les analyses et les propositions (cf. schéma ci-dessous). Cet aspect est important : vous

QVT À L'HÔPITAL : APRÈS LA CRISE, QUELLES PRIORITÉS ? 39


devez inscrire la démarche au niveau stratégique et la piloter de façon concertée
(positionnement du sujet, périmètre, acteurs mobilisés, animation…).

Schéma synthétique de la démarche de QVT

Schéma synthétique de la démarche de QVT

Les acteurs de la démarche projet QVT


Le comité de pilotage : il est composé généralement de membres de la direction.
Le chef de projet : il doit posséder une bonne connaissance du secteur concerné et
peut identifier les bons interlocuteurs. Il doit également avoir une bonne capacité de
travail en groupe, d’écoute, de synthèse. Il doit veiller à la clarté et à l’efficacité des
plans d’action, mais aussi à ce que ceux-ci soient réalistes, atteignables, pour éviter les
échecs et une décrédibilisation de la démarche. Il sera responsable du suivi du plan
d’action. Celui-ci doit bien décrire les objectifs, les modalités, les délais et les moyens
ainsi que les responsabilités déléguées.
L’équipe projet : elle comporte au moins une personne ayant des compétences RH et
un membre du CHSCT, en plus de personnes appartenant aux différentes catégories
professionnelles. L’idée est d’avoir une équipe représentative.
Un comité d’évaluation peut aussi être constitué au sein du CHSCT.

Les conditions de réussite


L’approche participative est essentielle dans une démarche de QVT. Vous devez donc :

associer les acteurs techniques, de terrain, et non pas seulement les acteurs
sociaux habituels de la prévention (DRH, préventeurs, CHSCT, etc.) ;
travailler sur la posture de chaque interlocuteur : chacun doit accepter de
suspendre son jugement et d’entendre des critiques ;
faire preuve de pédagogie : rendez les agents conscients des enjeux et positionnez-
les comme des acteurs, suscitez un nouvel état d’esprit, partagé par la plus grande
partie du personnel. Soyez patient et modéré dans vos attentes, car la pédagogie a
besoin de temps, d’étapes, de techniques d’animation pour être efficace ;
introduire les conditions du dialogue : méfiez-vous des opinions majoritaires ou
véhémentes. Attachez-vous à avoir une connaissance précise de la réalité du travail et
des personnes (aspirations, compétences, contraintes personnelles…). Une opinion
minoritaire peut apporter d’autres éléments de connaissance, d’autres points de vue.
Examinez-la avec attention et bienveillance.

NOTRE CONSEIL
Pensez à repérer également les ressources telles que les bonnes pratiques, les
expériences positives, les marges de manœuvre, et ne vous centrez pas uniquement
sur l’analyse de risques.
Faites du benchmarking pour connaître les meilleures réalisations dans des activités
similaires : le repli sur soi est un risque majeur ; la démarche de QVT est au contraire
l’occasion de s’ouvrir sur l’extérieur.

ÉVITEZ LES ERREURS

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ÉVITEZ LES ERREURS
Évitez de « cumuler » les indicateurs lors du diagnostic : visez la cohérence
autour de vos enjeux et de vos priorités plutôt que l’exhaustivité, où vous risquez de
vous perdre.
Prenez le temps de bâtir votre démarche participative, d’établir des plannings,
d’évaluer les moyens nécessaires : les concertations tronquées, les cadres de
discussion trop contraints ne permettent pas vraiment le débat et entraînent des
frustrations.
N’ayez pas une équipe projet trop nombreuse pour ne pas diluer les
responsabilités : trouvez le bon équilibre entre la représentativité et l’efficacité du
groupe.

FAQ
Si le climat est tendu, est-il opportun d’enclencher une démarche autour de la
QVT ?

Oui. C’est même une opportunité si la démarche de QVT est bien élaborée et réfléchie, car
elle sera l’occasion d’ouvrir des espaces de dialogue qui favorisent le règlement des conflits.

Est-il préférable de faire appel à un cabinet spécialisé ou de porter la démarche en


interne ?

Le « portage » est toujours interne et il est important de mobiliser les équipes pour une
bonne appropriation. Vous devrez discuter du recours à des expertises extérieures avec
l’équipe projet. Un apport d’un cabinet de consultant RH peut être utile pour
l’accompagnement méthodologique, l’animation et l’expérience accumulée.

ALLER PLUS LOIN


Références juridiques

Code du travail : article L. 4121-1


Accord national interprofessionnel (ANI) du 19 juin 2013 : « Vers une politique
d’amélioration de la qualité de vie au travail et de l’égalité professionnelle »
Cass. soc., 3 février 2010, n° 08-44019 et n° 08-40144 , relatifs au harcèlement et aux
violences au travail : l’employeur est responsable même s’il a réagi. La Haute Cour a
déclaré que : « l’employeur manque à son obligation de sécurité dès qu’un salarié est
victime de harcèlement ou de violences sur son lieu de travail, même s’il a pris des
mesures pour faire cesser ces agissements ». Cette position est basée sur l’application
de l’ article L. 4121-1 du Code du travail

Sites Internet

www.has-sante.fr : site de la Haute Autorité de santé (HAS), où consulter notamment :


Véronique Ghadi (service développement de la certification), Qualité de vie au
travail dans la certification V2014 , Le Webzine de la HAS , juillet 2014
Qualité de vie au travail : article très documenté et fournissant des outils pour
mener une démarche QVT, 11 septembre 2017
www.anact.fr : site de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail
(Anact), où télécharger la « revue de la qualité de vie au travail », Travail et
Changement, notamment les numéros de :
janvier-février 2013, n° 347 : « Les promesses de la qualité de vie au travail » ,
Dominique Vendroz (directeur de la publication)
janvier-février-mars 2015, n° 358 : « Discuter du travail pour mieux le
transformer », Hervé Lanouzière (directeur de la publication)

Cette revue propose des dossiers très bien documentés qui traitent de la QVT sous l’angle
sociologique, juridique, sanitaire, etc. Incontournable sur ce sujet

www.unccas.org rubriques « Observation et innovation sociales, ABS » > « Banque


d’expériences » : site de l’Unccas, où chercher notamment l’expérience du CCAS de
Villeneuve-le-Roi (Val-de-Marne), « Favoriser la QVT des agents à travers des
formations et des actions de prévention », 1 er janvier 2013

QVT À L'HÔPITAL : APRÈS LA CRISE, QUELLES PRIORITÉS ? 41


OUTIL(S) TÉLÉCHARGEABLE(S) LES OUTILS ASSOCIÉS
Outil DTOU7791
Quelques indicateurs et outils d’évaluation et de diagnostic

FICHE(S) ASSOCIÉE(S)LES FICHES ASSOCIÉES


Fiche 10929
Questionner les agents du CCAS/CIAS sur leur qualité de vie au travail

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Banque coopérative et entreprise de l’économie sociale et solidaire, la CASDEN
Banque Populaire accompagne ses Sociétaires dans leurs projets.
À l’origine banque de l’Éducation, la Recherche et la Culture, la CASDEN est
aujourd'hui la banque coopérative de la Fonction publique. Avec plus de 2 millions
de Sociétaires, elle poursuit son ambition de devenir la banque de référence
de la Fonction publique et d’être au plus proche des attentes et des besoins de
ses membres.
Construite sur un modèle alternatif et affinitaire, la CASDEN s’appuie sur des
valeurs de coopération et de solidarité, et partage avec ses Sociétaires le sens du
service public.
Elle a noué un partenariat durable avec les Banques Populaires, permettant à ses
Sociétaires de bénéficier d’une offre bancaire complète et de proximité.
Son réseau de militants, des Sociétaires volontaires et engagés, vient renforcer cette
proximité et l’esprit coopératif qui l’anime.
Au-delà de son métier de banquier, la CASDEN porte également une politique
d’engagement sociétal forte : elle est particulièrement active dans les domaines
de l’éducation, la recherche, la culture, le sport, l’éducation au développement
durable, l’économie sociale. La CASDEN est par ailleurs partenaire de nombreuses
structures ou organisations représentatives de tous les versants de la Fonction
Publique, Hospitalier, Territorial et État.
Une façon d’accompagner ses Sociétaires dans leur métier et d’être à leurs côtés
au quotidien.
Plus d’informations sur casden.fr

QVT À L'HÔPITAL : APRÈS LA CRISE, QUELLES PRIORITÉS ? 43


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Nous apportons des réponses pratiques et concrètes issues de l’expé-


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