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Il est grand temps de faire un (feint) éloge de la bêtise.

Cet artifice racoleur, en


endormant la méfiance de la bêtise, nous donnera par la suite davantage de forces et de poids
pour mieux la combattre. Cet éloge, donc, délibérément frelaté, consiste à louer et applaudir la
bêtise en affirmant qu’elle est une condition nécessaire et suffisante du bonheur. C’est le
principe de l’imbécile heureux. On pourra bien contester et dénigrer la qualité, la nature ou la
légitimité intellectuelle de ce bonheur-là, il n’en reste pas moins vrai qu’il se rencontre sur
Terre bien plus de gens heureux parmi les imbéciles que parmi les sages, et que les sages sont
globalement plus malheureux que les imbéciles. L’intelligence, avec ce qu’elle implique de
clairvoyance et de lucidité, a bien souvent pour conséquence de rendre l’homme malheureux.
Il est conscient de la domination hégémonique de la médiocrité, des progrès de la barbarie
individuelle et collective, du triomphe de la malhonnêteté et du vice sur la bonté et la vertu…
Comment, affligé d’une telle lucidité, ne serait-il pas, peu ou prou, malheureux ?
Aux antipodes, l’imbécile ne voit rien de tout cela, il ne se préoccupe guère que de ses propres
fonctions végétatives et, partant, il est apaisé, quand il n’est pas carrément serein ou béat.

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