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Notes de lecture

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Les sectes, les religions, et leurs dérives,


déviances, et autres réjouissances

Notes de lecture

Encore un truc sur les sectes ? C'est bon, ça, coco, ça fait vendre...
Le mieux serait de pouvoir en rire, jusqu'à ce que quelques vénérables croyances
appartiennent définitivement au passé, et à l'histoire folklorique, - non mais, vraiment !?

Hélas, voir disparaître les marchands d'illusions, sublimes, forcément sublimes,


ce n'est pas demain la veille. Les escrocs, manipulateurs et bonimenteurs, ont pignon sur
rue, et pompent allégrement de fabuleux subsides, pas seulement dans la poche des
malheureux pigeons, pas seulement sur le dos des bonnes ouailles.

Garant de la Constitution française, et de son respect dans la République du même nom, ce


n'est pas le chanoine de Latran qui dira le contraire : les sectes, les croyances, et même les
religions, ne sont pas un problème... Mais seulement ce qu'elles font, et ce qu'elles font
faire, - ce qui va parfois du petit commerce, dérive sans lourdes conséquences, aux
manipulations cyniques et déviances les plus meurtrières, quand même.

L'administration publique dispose d'un organisme réputé lutter contre les dérives sectaires,
la Miviludes, qui vient de publier son rapport annuel.
Quelques notes de lecture, à partir de ce document public, à lire si ça vous chante.

Paco Alpi

Juin 2008

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Notes de lecture

Vigilance et lutte...?

:: Le rapport annuel 2008 sur l'activité de la Miviludes, - Mission interministérielle


de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, - qui dépend du gouvernement français
et du premier ministre, est, comme d'habitude, une source inestimable d'informations les
plus diverses, et d'interrogations tout autant.

Notes de lecture : Un petit tour d'horizon, et quelques remarques, au passage.

Que le phénomène religieux, qui date de la nuit des temps, ait entraîné ici ou là quelques
regrettables dérives, quelques bains de sang, guerres, exactions, massacres, attentats,
conflits, ethnocides, génocides, ... à n'en pas douter, suppose en effet quelque vigilance.

Inévitablement, semble-t-il, l'absurde provoque une interrogation, dont les vivants


reçoivent l'impact, ce qui mobilise alors leur énergie. Pourquoi donc un monde aussi
éphémère, injuste, brutal, inhumain, pourquoi tant de violences directes et indirectes,
pourquoi toute cette souffrance, cette solitude, cette misère, ce désordre, cette désolation
universelle ?

Les religions s'engouffrent dans cette problématique ; elles prétendent apporter une
réponse à l'absurde et à la souffrance concomitante, qui bien sûr, pour celles et ceux qui
accepteraient celle-ci, ferait cesser ou diminuerait le sentiment d'absurdité.

Il faut bien dire qu'il n'en est rien, que le sentiment d'absurdité demeure, masqué alors par
une croyance, du type : il existe un destin, une volonté divine, un chemin de délivrance, ou
de pardon, il existe une croyance qui vous délivre ou vous délivrera, plus tard, au paradis,
au nirvana, ou ailleurs, en tout cas, de la souffrance, de la soumission à la condition
humaine, et de son absurde logique.

Technique de consolation, illusion d'apaisement, le bon plaisir de croire.

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Notes de lecture

- Que chacun croie ce qu'il lui plaît, et comme il veut, - ce n'est pas seulement un droit
universel, c'est une évidence, par définition même de la croyance, une option qui se passe
allégrement de toute raison, et se contente de célébrer le doute, en l'occultant, - puisse que
personne n'en sait rien de façon certaine, autant croire ceci, ou cela, ou le contraire, - de
préférence quelque dogme consolateur et rassurant.

Que chacune ou chacun puisse croire ce qu'il lui plaît, et comme il veut, c'est une
conséquence logique de la possibilité d'une croyance, mais certaines religions, certaines
sectes, sinon toutes, avancent qu'elles détiennent une vérité vraiment vraie, tellement vraie
qu'elle a été énoncée par un émetteur absolument fiable, prophète, envoyé d'un dieu, ange,
thaumaturge ou sage illuminé, messager divin, ou simple saint, humain remarquable, -
tous incontestablement porte-paroles d'une absolue vérité.

Vérité qui demeure du registre de la croyance, et donc marquée inéluctablement du sceau


d'un possible doute. Rien ne ressemble plus à un mensonge, à une demi-vérité, qu'une
"vérité" sans preuve, et tellement "absolue" qu'elle en devient ineffable, sublime, et
invérifiable.

Dans le domaine des croyances, et le territoire des religions, quelques assertions méritent
examen : les vérités sont déclarées d'autant plus absolues qu'elles ne relèvent pas de la
connaissance scientifique, qui elle, se garde bien de prétendre à la vérité, mais vise plutôt le
vérifiable.

Croire n'est jamais ni certain, ni suffisant.

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Notes de lecture

- Esprit, es-tu là ?

:: Existe-t-il un "esprit" sectaire, dont les conséquences seraient néfastes, nocives,


dangereuses pour les autres, comme pour ceux-là mêmes qui en sont les porteurs, parce
qu'ils auraient alors comme des oeillères, une étrange surdité, l'impossibilité d'entendre
une autre version de leurs croyances, ou de leur vision du monde, une sorte d'intolérance à
la contradiction, d'allergie au doute, et d'hostilité plus ou moins ouverte à la liberté ?

Le fanatisme, l'étroitesse d'esprit, le manque d'intelligence et d'ouverture sont-ils des


conduites à risques pour les groupes sociaux, et peuvent-ils induire des comportements
dangereux, - poser la question ne suffit pas, - pour le fanatique convaincu, c'est toujours
l'autre qui est borné, et incapable d'accepter la vérité, et de s'y soumettre docilement.

Confondre la conviction et la certitude, prendre la croyance pour un objet indiscutable,


indubitable, vouer aux pires malheurs les pauvres incroyants qui osent douter, tel est
l'esprit sectaire, - et malheureusement, on ne peut douter ... qu'il existe, et qu'il est assez
courant. C'est plutôt l'esprit de tolérance, de non-sectarisme, qui paraît rare.

"Le fou a tout perdu, sauf la raison", dit le proverbe (Chesterton ?).
Le fanatique connaît l'extase d'être dans la vérité absolue, puisqu'il y croit, et cette intime
perception lui permet d'évacuer le reste, les autres et leurs opinions y compris.

Eminente jouissance, ineffable, addictive, déréalisante et aliénante, ivresse d'un pouvoir


d'autant plus "absolu" qu'il se réfère au domaine de l'esprit, et l'envahit.

Si le mot "secte" désigne, à l'origine, une doctrine religieuse ou philosophique,


"sectaire" a d'abord signifié "protestant", un groupe qui voulait réviser la doctrine
catholique, tandis que les orthodoxes se prétendaient détenteurs de la doctrine juste ou
correcte, la vraie foi, et que les catholiques, eux, se réclamaient de l'église "universelle"...

L'hérésie n'a pas toujours eu le sens péjoratif qu'on lui donne aujourd'hui : le mot grec
évoque l'idée de choisir, ou celle d'une option, - sous-entendu différente, non conforme.
L'église catholique a fait de l'hérésie une doctrine contraire au dogme, une opinion
condamnable, tandis que les Anglais y voyaient une pratique contraire aux bonnes moeurs,
Le lit de l'hérésie était fait, et paré pour l'Inquisition.

On imagine bien que les objectifs de la Mission interministérielle n'ont rien à voir avec les
hérésies, ni même avec les sectes, mais seulement avec les dérives ou les déviances issues
des croyances, dès qu'elles ont un caractère sectaire, intolérant ou fanatique, et dangereux.

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Notes de lecture

Dérives, déviances, danger...

:: Mais la Mission ne s'intéresse pas, semble-t-il, aux religions, tout simplement en


vertu du principe de laïcité. Elles ne s'intéresse pas non plus aux sectes, sauf exception, elle
se contente de lutter contre les "dérives" des sectes, - évitant ainsi qu'on lui pose la
question : et les religions, ne sont-elles pas des sectes, qui auraient réussi, au fil du temps, à
imposer leur influence, leurs croyances et leurs préceptes ?

La Miviludes lutte, "avec vigilance et détermination", contre les dérives sectaires, elle vise à
démasquer, "au-delà des apparences trompeuses, l’appétit mercantile, les techniques
psycho-spirituelles qui tendent à favoriser l’emprise mentale et autres pratiques
dangereuses pour les individus et les libertés fondamentales".

On notera le néologique "psycho-spirituel", les esprits qui parlent aux esprits, comme
désincarnés, délivrés des soucis matériels, sans doute, par quelque miracle... L'emprise
mentale est le résultat d'une technique relationnelle, de programmation, de dominance.

Les sectes ont certes de l'appétit, - elles distribuent des marchandises virtuelles,
trompeuses ou frelatées, elles ont des techniques astucieuses et manipulatrices, pour
influencer les esprits, et récolter des subsides, des dons, des clients, des adeptes, des
soutiens, directs et indirects, - jusque dans les plus hautes sphères nationales et
internationales.
Ce descriptif pourrait convenir à bien des trafics, il est vrai. Les charlatans et les escrocs ne
manquent pas, et le marché de la crédulité naïve est visiblement immense.

A quel moment y a-t-il danger, dérive, abus ?


Est-ce seulement quand la victime éventuelle prend conscience qu'elle a été trompée ?

On peut très bien imaginer qu'elle soit de fait escroquée et abusée, délestée de son temps et
de son argent, embarquée dans quelque aventure un peu suspecte, - sans même se douter
de la supercherie, par naïveté et crédulité, par simplicité d'esprit, et même par adhésion
convaincue à telle ou telle croyance, doctrine, ou pratique spirituelle...

N'importe quelle croyance fait l'affaire, il suffit que la secte soupçonnée de déviance, ait
réussi à créer une relation de dépendance et dominance, - d'emprise.

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Notes de lecture

Sectes, religions, croyances...

:: L'origine du mot secte, c'est l'idée de suivre, d'accepter une doctrine, de prendre
parti, d'accompagner, sur un certain chemin, quelque guide, évidemment bien intentionné,
mais parfois ignorant et dangereux. La secte propose de suivre quelqu'un dont la doctrine
s'attaque à l'absurde des autres croyances communes ou publiques, et se fonde sur l'intime
conviction d'un messager, porteur supposé d'une vérité nouvelle.

Mais comme en matière de croyances, il n'est pas de certitude, seulement des convictions,
la coexistence contradictoire des opinions dans leur diversité est inévitable.

Par définition, chacun est libre de faire le tri comme il l'entend, de croire ou non, telle ou
telle supposée vérité nouvelle. De préférence, en mesurant les conséquences, si possible.

Qu'il y ait, semble-t-il, coexistence de croyances multiples, d'opinions et de convictions


variables, ouvre un débat contradictoire, dont chacun peut juger, - sauf à prendre les
armes, évidemment, sauf à utiliser la force ou la violence, la coercition, l'intimidation, ou
encore des moyens illégitimes, trompeurs ou absurdes.
L'existence même des sectes, des religions, de leurs variantes, et leurs contradictions
innombrables ouvre une chance pour le débat démocratique, - et pour la liberté d'opinion.

Après tout, il existe un territoire où tout peut se discuter, même et surtout ce qui paraît
indiscutable, et ce domaine de libre discussion des idées, des opinions, des convictions, et
des doutes qui vont avec, c'est probablement celui de la philosophie, - une bonne fille, qui
supporte d'examiner minutieusement les délires et les folies communes, et les transforme
en patient questionnement.

Il existe un moyen de discuter tranquillement, des hypothèses et des théories, des opinions
et des exagérations, c'est tout simplement le débat démocratique, sur la place publique.
Encore faut-il que les médias, les institutions, fassent leur travail, et divulguent les
opinions et croyances absurdes ou dangereuses. Les impostures, et les imposteurs.

Il y a donc du pain sur la planche, sans nul doute.

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Notes de lecture

Satanisme, ou simple délire ?

:: Parmi les contributions qui constituent ce rapport Miviludes 2008, le ministère de


l'Intérieur n'a pas hésité à fournir quelques indices sur "le satanisme en France".

C'est une déviance, qui s'accompagne éventuellement de vandalisme, de racisme, de


profanations de lieux de culte ou de sépultures, et un phénomène récurrent, pas
nécessairement attribuable à une secte, ni même aux amateurs de musique Black Metal...,
publicité gratuite.

Pour contribuer à l'édification des lecteurs, les services avisés du ministère indiquent
quelques ressources, une doctrine, paraît-il, du style délires sataniques, et quelques petits
commerces, pas tous fétichistes, quelques associations éventuellement suspectes, le tout
plus ou moins apparenté à la mode "gothique".

En touillant un peu, on obtient un brouet qui évoque de très loin une "culture" trouvée sur
internet, où se mêleraient : "la sorcellerie, la démonologie, le vampirisme, la magie,
l’univers gothique, le Black Metal" (bis repetita). Pour faire bonne mesure, ajoutez l'adresse
d'un portail, celle d'un site, et vous trouverez sans doute l'exposé plutôt creux, insipide, et
sans réel intérêt.

Pourtant, il est vrai qu'il y a des personnalités fragiles, notamment à la période de


l'adolescence, et que l'idéologie peut alors avoir des influences néfastes. Nos spécialistes
des dérives sectaires citent deux doubles suicides, relativement anciens, en invoquant
l'attirance et l'influence de l'univers "gothique".

Quant à la relation éventuelle entre nazisme et satanisme, à peine évoquée, si elle était
vérifiée, elle permettrait peut-être des poursuites, pour apologie du racisme, de
l'antisémitisme, incitation à la haine, à la xénophobie...

Le problème des dérives quitte alors le pseudo-religieux, et vient sur le territoire de la


délinquance politique : il y a des opinions dangereuses, qu'il est interdit de manipuler,
parce que la provocation verbale peut se terminer par des passages à l'acte sordides,
imbéciles et odieux.

La dimension politique du sectarisme, l'extrémisme, le totalitarisme, aurait mérité un peu


d'attention.

Très sérieusement, nos experts du renseignement intérieur préfèrent citer une réunion
d'exorcistes catholiques, religieux et laïcs, qui se sont penchés doctement sur la question de
la montée du satanisme chez les jeunes.

On ne doute pas un seul instant des excellents résultats de ces cogitations.

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Notes de lecture

Enfin, citons la conclusion édifiante de cette contribution assez navrante :

"Dès lors le principe de précaution s’applique avant tout pour les mineurs, tant en ce qui
concerne la navigation sur Internet, que l’adoption de la culture gothique et de la musique
Black Metal."

Décidément...

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Méthodologie sectaire

:: Internet se prête, comme réseau informel de communication, à bien des dérives,


commerciales, idéologiques, et donc sectaires, bien entendu. Les amateurs d'émotions
fortes trouveront donc une petite méthodologie ordinaire de "la" secte, - dont l'objectif
supposé est d'échapper aux divers contrôles, notamment fiscaux, et de vendre, le plus cher
et le plus longtemps possible, une prestation d'apparence irréprochable. Le bonheur, le
paradis, l'éternité, l'illumination, le nirvana, l'épanouissement total, - la liste est longue,
des belles promesses virtuelles, évidemment insoupçonnables.

Structure illisible et cloisonnée, organisation pyramidale, recrutement discret,


marketing de séduction et d'addiction, telle serait la logique, à l'oeuvre dans quelques
sectes, ou quelques organisations, - sectaires ou purement commerciales, - et légèrement
frauduleuses.
Marchands de vent, d'air pur, d'idées fumeuses et autres fariboles inestimables, on peut
évaluer le risque, quand il implique la dépendance, juridique, financière, commerciale, des
acteurs et des clients, à une structure opaque, de préférence bien gardée (brevets, marques,
copyrights, royalties à des succursales diverses, comptes annexes dans les paradis fiscaux,
etc.).

En réalité, la liberté de conscience, de croyance, d'association, la liberté religieuse,


n'excluent en rien le droit des sociétés, le droit commercial, le droit fiscal, ni d'ailleurs
aucune des lois de la République, et du droit international.
La liberté a donc des limites, fixées par le droit, tout simplement.

Quelques mouvements actifs au plan international sont cités, - la scientologie, les


Témoins de Jéhovah, Moon, et les raéliens, - qui se réclament de la liberté religieuse, des
droits de l'Homme, pour justifier leur existence.

Et parfois pour contester le droit d'éventuelles victimes à chercher la protection


d'associations de défense, ou d'institutions officielles, comme la Miviludes, ou auprès de la
Justice.

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Notes de lecture

Les sectes font des victimes, quand elles plument des "clients" qu'elles prennent pour des
pigeons, quand elles circonviennent des personnalités fragiles ou vulnérables, les
déstabilisent, les font travailler "bénévolement", elles font des victimes quand leurs
convictions "religieuses" imposent de renoncer à un traitement médical, ou à la vie
familiale et sociale, sans parler des ressources financières, et autres biens.

Abus de faiblesse, exploitation de la vulnérabilité, de la crédulité, mésusage de l'autorité,


harcèlement, sujétion, emprise morale, affective, sociale, les prédateurs savent détecter
leurs cibles, et leur imposer le silence, trop souvent.

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Notes de lecture

Dérive sectaire ou sinistre déviance

:: Le cas bien documenté des pensionnats catholiques irlandais est exemplaire.


Il n'est pas cité dans le rapport 2008, mais la presse en a parlé, parcimonieusement.

Ces institutions catholiques et publiques sous tutelle de l'Etat irlandais accueillaient des
orphelins, des enfants handicapés, physiques et mentaux, des enfants placés, des pré-
délinquants, et fonctionnaient parfois comme des maisons de redressement.

Entre 1936 et la fin des années 1990, quelques milliers d'enfants confiés aux congrégations
religieuses catholiques ont subi privations, maltraitances, humiliations, violences,
agressions sexuelles, et viols, - en toute impunité, jusqu'à présent, - tant l'Eglise catholique
irlandaise était puissante, et capable d'imposer aussi le silence.

Le chiffre est effarant : sur quelque 35 000 enfants qui ont fréquenté ces établissements
exemplaires, plus d'un tiers, 12 500 ont été indemnisés par l'Etat irlandais, depuis 2000, en
raison de ces sévices. Selon le journal Le Monde, 2 000 dossiers resteraient à examiner.

Toutes les sociétés humaines, y compris les plus vertueuses, ont sans doute leur
lot de brebis galeuses, de sadiques, de pervers, de pédophiles, de prédateurs. Les
congrégations religieuses n'échappent sans doute pas à cette règle, quelle que soit la
religion.

Mais ce qu'il faut souligner ici, ce n'est pas tant la déviance sectaire, l'abus d'adultes
présumés responsables, sur des mineurs vulnérables. L'ampleur du scandale ne serait pas
telle, s'il n'y avait eu la loi du silence, celui des victimes, et celui de la hiérarchie catholique,
mais aussi celui des autorités étatiques, qui préféraient "fermer les yeux".

L'esprit sectaire cultive le silence, mais aussi le secret, sans doute pour que ne soit pas
dévoilé et connu le pot-aux-roses, - il s'agissait de manipuler non pas seulement les esprits,
mais les personnes, leurs corps, leurs biens, et même leurs vies.

Pour mémoire, la pédophilie est considérée comme une perversion sexuelle, condamnée
par la loi dans bon nombre de pays civilisés. En France, le viol sur mineur de 15 ans est un
crime, passible des assises. Et la non dénonciation de crimes, de maltraitances, d'abus
sexuels sur mineur, est également punie par la loi.

Le texte complet du rapport de la commission d'enquête irlandaise :


http://www.childabusecommission.com/rpt/pdfs/

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Notes de lecture

Cette histoire est-elle bien morale ?

:: Si les sectes, comme les religions, font parfois des victimes, parmi leurs adeptes,
parmi les proches et les familles de ces derniers, c'est au nom d'intentions forcément
louables, spirituelles, religieuses, philosophiques, ... mais pas toujours avouables, ni
morales.

Le rapport de la Miviludes indique qu'elles utilisent aussi, à l'encontre de leurs adversaires,


un arsenal d'outils et de méthodes parfaitement bien rodé : harcèlement, dénigrement,
insinuations, manoeuvres et prétextes juridiques, sans oublier la banale propagande, les
pressions de toute sorte, menaces diverses, campagnes d'opinion, opérations de
désinformation systématique, - le tout avec l'apparence de la plus parfaite bonne foi...

Quand il s'agit de manipuler les esprits, d'établir une emprise psychologique sur des cibles,
les fidèles, les adeptes, - les religions tout comme les sectes ont sans doute une longueur
d'avance, et une vénérable expérience de la chose.

C'est de pouvoir, qu'il s'agit, quand on évoque l'influence ou l'emprise, la


manipulation mentale. Les religions, les croyances, n'existeraient pas si elle n'exerçait pas
une influence certaine sur leurs adeptes, qu'elles désignent comme fidèles. Et au delà, sur
les sociétés auxquelles ils appartiennent.

Quant aux "infidèles", aux sceptiques, aux athées, aux non-croyants, aux agnostiques, et
autres mécréants, la réprobation les accompagne, avec des modalités qui varient du mépris
apparemment indifférent, des menaces aux pires condamnations publiques, en passant par
toutes les variétés d'ostracisme, d'exclusion, et de discrimination.

Par nature, le pouvoir, l'emprise, même supposé bienveillant cherche à obtenir quelque
résultat, ne serait-ce que générosité en retour, mais c'est plus souvent soumission,
obéissance, abnégation, docilité, servitude, qu'il obtient en promettant beaucoup, et plus
encore, sans autre obligation pour lui-même que son éventuel bon plaisir.

Ce modèle, hiérarchique, définit une relation à l'ordre social, que les religions, les sectes,
mais aussi les groupes utilisent, avec plus ou moins de savoir-faire, plus ou moins
d'élégance ou de perversité.

Les organisations religieuses, de toute obédience, structurent le corps social, et


leur vision du monde, selon un ordre vertical, dont le sommet est la divinité. Ce principe
divin, ineffable, indicible, sacré, est représenté par un chef, un guide, un maître spirituel,
supposé servir d'intermédiaire entre le sacré et le profane, entre la divinité et le peuple
ordinaire.

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Notes de lecture

Par construction, cette hypothèse produit une hiérarchie, où les croyants et les non-
croyants se distinguent par leur proximité supposée à l'ordre divin, et leur éventuel respect
pour la doctrine distinctive de la dite religion.

Ainsi, la religion est un vecteur social qui distribue inévitablement les bonnes et les
mauvaises places, en fonction de l'adhésion ou non à un schéma de pensée, et de la
conviction envers une croyance. Elle fonctionne alors comme facteur discriminant, et
comme source de conflit.

L'émergence des principes républicains, des droits fondamentaux, ne limite que


partiellement ce processus, d'ordonnancement des esprits, d'architecture sociale, et
d'organisation pratique des rapports sociaux.

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Notes de lecture

L'opinion mesurée des gendarmes

:: Parmi les contributions qui constituent ce rapport 2008, le ministère de


l'Intérieur a aussi demandé à la Gendarmerie nationale son point de vue sur le suivi et
l'action contre les dérives sectaires. Le document de la Gendarmerie paraît un peu plus
sérieux et structuré que celui déjà cité sur le satanisme.

Que se passe-t-il, du côté de la victime éventuelle d'une organisation sectaire, quand elle
devient assujettie et docile mouton soumis, persuadé de suivre le bon berger...
Assurément, elle se fait tondre, au mieux.
Au pire, le loup la dévore, sans autre forme de procès, selon la fable connue.

Abus de faiblesse, escroquerie et dominance abusive, extorsion de fonds à base d'ignorance,


promesses frauduleuses, vente fictive de biens imaginaires, tromperie sur la marchandise,
la liste des délits possibles est longue, et ne caractérise pas seulement les dérives sectaires.

Ce qui définit l'abus sectaire, c'est la mise en danger de la victime, de ses biens ou
de ses relations, sous le prétexte de croyances invérifiables ou infondées, ou sous
l'injonction d'une emprise organisée, d'une contrainte. Le phénomène n'est pas toujours
simple à détecter, quand il a lieu dans des cercles fermés, sous le sceau du silence. Le texte
fournit une liste d'infractions ; et de critères qui définissent l'emprise sectaire.

Ce que la société, les pouvoirs publics, les associations citoyennes, et chaque personne
adulte, peuvent faire pour contrer la menace sectaire, et les dérives qui s'en suivent, c'est
relativement simple : il suffit de veiller aux potentielles victimes, de prendre en compte les
comportements, d'ouvrir le débat sur les croyances, sur ce que celles-ci impliquent en
pratique.

Ce ne sont pas les croyances qui posent un éventuel problème, mais leurs possibles
conséquences, directes et indirectes. Quand elles deviennent nuisibles, et nocives. Et font
alors des victimes, précisément parmi les personnes déjà vulnérables, isolées, affaiblies,
fragiles.

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Notes de lecture

Phénomène sociétal

:: Pré-histoire, du temps des premiers humains, vient le groupe, familial, tribal,


clanique, cellule remuante et nomade, centrée sur la survie, la protection des petits, la
défense commune contre les prédateurs, le respect de la vie, la préservation des ressources,
la conscience étrange qui commence à s'exprimer en paroles et en signes, début d'une
histoire qui nous relie aux faits et gestes de nos ancêtres, et qui permet qu'il y ait un avenir.

Parfois, faute de territoire, d'espace, de ressources, le groupe unitaire ou primaire se


scinde, se divise, essaime. Aller voir ailleurs, vieille démangeaison.

Mais qui suivre ? L'ancien, qui a l'expérience, l'habitude, le savoir, - ou le plus jeune, qui a
le courage, le désir et l'envie d'autre chose, et ne manque pas d'énergie ? Lequel suivre, et
de qui alors se séparer, comment se départir, - est-ce vraiment affaire de croyance, d'espoir,
de choix, ou de décision ?

Au moment du départ, ceux qui suivent l'un sont de la secte, du parti, qui font bande à part,
qu'ils soient ou non minoritaires. Dans le village sédentarisé, la cité, le débat a changé, - à
qui confier le pouvoir, au tyran, aux anciens, aux tribus, aux familles, au peuple ? Au
monarque, ou aux notables ? Naissance de la démocratie, encore balbutiante.

La logique sectaire, quitter l'un pour suivre l'autre, produit des changements, modifie les
équilibres, et provoque, a priori, soit une amélioration, soit une dégradation des conditions
de vie, ce à quoi on peut juger les changements, à leur résultat. Et tout va bien, pourquoi
pas, si l'on peut modifier librement son jugement, selon les résultats, changer d'avis, et
prendre une autre route...

La dérive sectaire commence quand le choix est imposé, manipulé, forcé.


Elle se poursuit quand l'argument apparent s'avère trompeur, subtilement mensonger, ou
qu'il s'appuie sur l'ignorance, la fragilité, l'illusion. Quand les belles promesses sont paroles
vides, boniments ordinaires, gestes charlatanesques, le tout suivi de l'inévitable désillusion,
quelque temps plus tard.

La dérive sectaire commence avec le mépris, la menace, l'opprobre, le


dénigrement, l'exclusion, l'ostracisme, le bannissement, la haine, en direction des autres,
qui ne suivent pas le même chemin.

Elle voisine alors avec le totalitarisme, le sectarisme, la discrimination, le racisme,


l'intolérance et le fanatisme. Le nazisme n'était pas seulement une dérive politique, c'était
aussi un mouvement sectaire, et de surcroît populaire.

Mono-maniaque, elle encourage le délire, la ségrégation, et produit l'asservissement et la


violence. Mais pas toujours ouvertement, l'hypocrisie et le mensonge, la désinformation,
sont de la partie, parfois, probablement.

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Notes de lecture

Un léger décalage maniaque, un vocabulaire codé, comme en aparté, le retour récurrent à


une thématique unique, l'accusation sans fondement de causes forcément mystérieuses,
une certaine rigidité des attitudes, des comportements, le fanatisme et l'intolérance,
peuvent signer le sectarisme.

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Notes de lecture

Paradoxale liberté de conscience

:: Certes, la liberté d'expression, de croyance, de religion, implique que les opinions


sont libres, sauf exception : quand elles appellent et incitent à la violence et à la haine,
justement, ou portent atteinte aux libertés dites fondamentales. Sauf aussi, peut-être,
quand elles proviennent d'un dérèglement mental, d'une manie, d'une phobie, d'un délire.

Cependant, l'information, la parole, l'écrit, sont des moyens courants d'influencer l'opinion
et les autres. Le débat démocratique, la simple discussion ordinaire, la communication,
sous ses multiples formes, servent ou tendent à modifier les perceptions que les
interlocuteurs se font du monde.

C'est plutôt quand la discussion n'est pas possible, ou que le non-dit, les sous-entendus, les
insinuations sont la règles que l'esprit sectaire, et le risque de déviance, de manipulation,
sont probables.
La liberté de conscience suppose à la fois une conscience pleine et entière, en
capacité de jugement autonome, et la possibilité d'exercer cette conscience en toute liberté,
sans contrainte ni soumission à quelque ordre que ce soit.

C'est un droit intime, individuel, personnel, dans lequel nul autre n'a à s'immiscer, ni l'Etat,
ni la force publique, ni les organisations ou les groupes, ni quelque autorité que ce soit.
On peut bien choisir librement, en conscience, telle ou telle croyance, et s'en réclamer,
ouvertement, - mais c'est à la condition de pouvoir aussi changer d'opinion, librement, en
conscience, et de respecter le droit des autres à en faire autant, conviction n'est pas
certitude.
L'histoire, et l'actualité, ne manquent pas de groupes supposés religieux qui en
persécutent d'autres, allument des bûchers, fomentent des massacres, et pleurent ensuite
sur les âmes perdues pour la vraie foi, la leur. La barbarie guette, non pas seulement les
religions et les sectes, mais toutes les sociétés, y compris les plus civilisées.

Le processus de dérive vers la déviance, celle qui met l'autre en cause, en position de bouc
émissaire, l'accuse d'être a priori coupable, malfaisant, infidèle, hérétique, produit tôt ou
tard la violence, l'exclusion, la haine, et désigne donc l'autre comme victime, potentielle
puis réelle.
Passage à l'acte, le grand inquisiteur a trouvé une sorcière, et la peur fait le reste, personne
ne proteste. Rituel de purification, silence sur la barbarie, il faudra du temps pour qu'éclate
le scandale, et l'innocence de la victime. Persécutions : les bourreaux ne faisaient que leur
devoir, bien sûr, n'obéissant qu'aux ordres formels, de l'autorité toute-puissante.
Malgré ses propres dérives et déviances, la Révolution française met fin à la toute-
puissance de l'autorité ecclésiastique, et à la monarchie de droit divin.
Un premier pas vers la laïcité, et vers la démocratie.

°°°

16
Notes de lecture

Un danger pour l'éventuel adepte ?

:: A la différence des religions, qui sont censées respecter la dignité humaine, et la


liberté individuelle, y compris celle de ne pas croire, les sectes cherchent à "captiver" le
client, pour en obtenir la soumission aux "règles" de la secte, doctrines et cotisations
diverses comprises. Mais la frontière est ténue.

Les sectes ou les gourous visent l'assuétude, ou encore l'addiction, à travers des techniques
de manipulation mentale, de pression psychique, de formatage par les rituels, - à la limite
du lavage de cerveau. Dépendance psychique ; la victime consentante ne peut plus se
passer de son bienveillant pasteur, qui veille à bien doser les reproches, la culpabilisation,
bien réels, et les récompenses, purement virtuelles.

Dans cette hypothèse, il y a chez le sujet une perte de libre-arbitre, visible pour l'entourage,
et dommageable pour les proches, y compris au plan financier. De plus, la contre-partie de
l'adhésion de l'adepte conquis, en termes de pratiques et de comportements, s'apparente à
l'usage des drogues, où la conscience du monde, de la réalité, des liens sociaux, s'estompe
ou disparaît. Fragile béatitude.
Mais il est possible que la victime ne perçoive pas le dommage, au moins pendant un
certain temps, si elle a été suffisamment endoctrinée, et demeure sous emprise.

Le travail des pouvoirs publics, des associations, de la justice, des proches, s'appuie alors
sur la notion d'abus de faiblesse, ou sur celle d'escroquerie, entre autres, à condition d'en
avoir les preuves matérielles. Du travail pour les avocats, les psychologues, les psychiatres,
sans doute, mais aussi pour les enseignants et les éducateurs, en amont.

:: Le pire n'est pas certain, tous les groupes humains ne génèrent pas forcément de
la dictature et de l'oppression, de la manipulation et de la soumission, des loups et des
moutons, des prédateurs et des proies, sans oublier quelques habiles charlatans.

Ce qui permet d'éviter ce phénomène naturel, d'en limiter la menace, c'est la capacité des
groupes humains à s'auto-réguler, à évaluer et critiquer les règles et les doctrines, les
comportements et les pratiques, à en comparer les résultats, parfois discutables.

Cette régulation, que le pouvoir absolu interdit, n'est pas toujours suffisante. Faute
d'information, de connaissances, de culture. D'éducation. D'autres contrôles, dont celui de
la loi et de la règlementation, deviennent alors nécessaires.

Détournement de fonds : les sectes s'enrichissent, comme par miracle, et de manière


subreptice, accumulent des biens très matériels, puis tentent d'échapper à l'impôt, au droit
commun, dont celui du travail.

17
Notes de lecture

Enrichissement abusif, sur le dos des ouailles, des bénévoles, des adeptes, des clients, -
mais les sectes, les organisations confessionnelles ne sont pas les seules, il est vrai.
Le secret bancaire, les paradis fiscaux, les succursales multiples contribuent à l'opacité de
lucratifs systèmes, occultes et bien rodés.

Au chapitre des nouvelles religions, ou des minorités religieuses, le culte de l'argent facile,
l'adoration du sacrosaint profit, fournissent l'inspiration à des spéculations diverses, pour
des pratiques "spirituelles" qui ne le sont pas toujours. Sauf exception ?

°°°

18
Notes de lecture

Discrimination ou déviance

:: A considérer que les religions et les sectes ne présentent pas de différence


fondamentale entre elles, - sous l'angle de la liberté, - que chacun peut bien croire pour lui-
même ce qu'il veut, et/ou son contraire, pratiquer ou non le culte de son choix, tant qu'il ne
nuit pas à autrui, existe-t-il réellement un risque de "dérive sectaire", ou au contraire, un
désir rampant de normalité et de conformité sociale, finalement de l'ordre du préjugé, ou
de la discrimination, - qu'elle soit religieuse ou anti-religieuse ?

Le monothéisme, en théorie, aurait dû résoudre la question des rivalités, un seul dieu pour
tout le monde, donc une même croyance, ... avec seulement quelques nuances, à quelques
détails près... Les syncrétismes, les panthéismes, les oecuménismes, de même. L'esprit
sectaire a balayé ces tentatives, sans grand mal, ce qui implique en retour, une neutralité
vigilante envers toutes les croyances.

Sous l'étiquette de "dérive", c'est la déviance qui est visée, et non pas la croyance ou
l'affiliation religieuse quelle qu'elle soit. La déviance, dans ses formes diverses,
d'escroquerie commerciale ou de supercherie, d'abus de pouvoir, notamment sur les
mineurs, d'emprise mentale, notamment sur les personnes vulnérables, d'atteinte à la
liberté, à la moralité, aux bonnes moeurs, au droit commun.

Dès lors, ce sont ces déviances, ces abus, ces délits, qu'il faut prévenir, détecter, repérer, et
condamner s'il y a lieu. Et pas seulement dans le domaine religieux ou spirituel, mais dans
tous les registres, publics ou privés, de la société.

Le marginal, le non-conformisme, l'atypique ou l'original, ne sont pas la déviance, et si le


sectarisme est déviant, c'est par détournement des aspirations communes, par abus du
désir ordinaire d'être entouré et heureux, protégé et rassuré, quant à l'avenir.

Par ailleurs, toutes les victimes, d'abus, de violence, de pressions morales ou psychiques,
ont droit, naturellement, à aide et assistance, psychologique et juridique notamment.

Plus particulièrement les mineurs, parfois embarqués par leurs parents ou par des adultes
dans une aventure qui n'est pas la leur, et dans des conflits où le religieux n'est que le
prétexte à dominance, et à déviance.

°°°

19
Notes de lecture

Fantaisies thérapeutiques

:: A côté des exorcistes, des guérisseurs, des sorciers et rebouteux du temps jadis,
nous avons aujourd'hui le médecin, le psychiatre, le psychologue, le psychothérapeute,
psychanalyste ou non. Et une pharmacopée pléthorique.

Pas étonnant, qu'une société malade ait développé des spécialités professionnelles
destinées à tenter d'améliorer l'état des patients, des clients, des usagers, bref, des gens.

Et là encore, de même que les religions avaient fourni leur contingent de déviances
sectaires, il semble que les sectes actuelles s'intéressent au domaine flou de la
psychothérapie, en proposant parfois des techniques diverses, virtuelles, fantaisistes, et
parfois dangereuses.

Car il y a un marché, estimé en France à quelque 5% de la population, qui suit ou a suivi


une thérapie, selon un sondage déjà daté de l'an 2000. Les troubles qui relèvent de la
psychothérapie : notamment l'angoisse, la dépression, le malaise conjugal, le stress, les
troubles du sommeil, mais aussi le deuil, le traumatisme psychique, la phobie, et quelques
autres.
Toujours sur la base de ce seul sondage, le rapport extrapole audacieusement, à partir d'un
taux de satisfaction, ce qui aurait pu être par défaut risque ou mise en danger, pour les
patients insatisfaits.
Pas sérieux, confondre un sondage, une étude de marché, et la réalité des
pratiques, professionnelles ou non.

Il y a sans doute ici comme ailleurs, des charlatans et des escrocs, des usurpateurs de
diplômes, des faussaires et des manipulateurs, des stratégies commerciales douteuses, ce
qui est répréhensible notamment en matière de santé, et des professionnels malhonnêtes, à
la déontologie fragile.

Cela relève-t-il de dérives sectaires ? Ou du simple droit commun ?

A défaut de données sérieuses, à nouveau, un petit tour sur internet, où l'on trouve un
répertoire de méthodes, d'approches dites alternatives, des listes de produits et de
concepts, de pratiques, dont certaines ésotériques, et d'autres probablement farfelues.
Une évaluation à la louche de la formation des praticiens et professionnels de la thérapie,
n'améliore pas le tableau.

Faut-il classer dans le registre des dérives "sectaires", les marchands de recettes
médicinales ou alternatives aux effets magiques autoproclamés ? Ou faut-il parler
d'escroquerie organisée, d'exploitation abusive de la crédulité, de publicité mensongère, et
parfois de mise en danger d'autrui ?

20
Notes de lecture

Faut-il classer les dérives pseudo-thérapeutiques dans la catégorie des pratiques sectaires ?

Peut-être existe-t-il une similitude entre ces deux domaines, quand le pseudo-thérapeute
ou le gourou induisent une relation d'emprise, de maîtrise et de dominance sur le client,
par des méthodes de séduction, de persuasion, et d'injonction entremêlées. Le tout au nom
d'une "vérité" supposée incontestable, et bien entendu, toute-puissante.

La médecine, la psychiatrie, la psychologie, la psychanalyse, les psychothérapies, sont des


domaines où les connaissances, les pratiques, les résultats obtenus, demeurent
améliorables, à l'évidence. Ces corporations, honorables au demeurant quand elles
respectent la loi, et les bonnes règles de leur métier, ont bien sûr leur lot de fantaisistes,
puisque l'erreur est humaine.

Mais précisément, parmi les fantaisistes, il est probable que les charlatans et les escrocs
sont aussi de celles et ceux qui se réclament d'une vérité incontestable, d'un modèle exclusif
de tout autre, ou d'évaluations sans contrôle extérieur.

Ceci n'exclut pas que des crises, des traumatismes, des dépressions, des mythomanies, des
perversions, voire des délires déviants soient possibles, dans ces professions comme dans
les autres, - le contraire serait surprenant.

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21
Notes de lecture

Souffrance, croyance, déviance

:: A son tour, le ministère de la Santé donne sa contribution au rapport 2008 de la


Miviludes, sur la base d'une similitude entre les dérives sectaires et certaines
caractéristiques des nouvelles pratiques à visée thérapeutique.

La question de la souffrance traverse l'histoire de l'humanité, et celle des religions, en


particulier. Une part de la violence, sinon toute, résulte de la difficulté à résoudre, résorber,
alléger, supprimer, transformer cette souffrance.

La loi tente bien de fournir un premier interdit, ne pas tuer, ne pas nuire à autrui, mais la
souffrance demeure, comme signe de discordance, de dysfonctionnement. Les réponses
disponibles, pas toujours suffisantes, il faut bien le dire... Ce qui laisse place à des discours
et des pratiques dites alternatives, non conventionnelles, difficilement évaluables,
rarement évaluées.

Le corps social tente de répondre à la souffrance, par la médecine, la psychiatrie, la


psychologie, les psychothérapies, la psychanalyse, et par des institutions publiques et
privées, qui vont de la police et la justice, à l'assistance sociale, au traitement du chômage,
et à la protection de l'enfance, entre autres.

Dans les interstices de ce maillage, les sectes et les religions ont leurs bonnes oeuvres, leurs
missions, désormais humanitaires, et parfois leurs services d'aide ou d'assistance, au
personnes vulnérables, démunies, handicapées, dépendantes.

Sur le marché de l'économie sociale, ces institutions occupent une place non négligeable, et
une part de marché. Elles y trouvent l'occasion d'acquérir les signes de la bonne conscience,
bénévolement ou non, et de véhiculer leurs idéologies.

Quant à la formation des intervenants, bénévoles ou non, le moins que l'on puisse dire,
c'est qu'elle n'est pas toujours certifiée, ni même conforme à la réglementation.
La professionnalisation des bénévoles, acquise en partie sur le terrain, n'est pas toujours
sanctionnée par un diplôme reconnu, et dans ce cas, la pratique en tient lieu.

Dans le domaine de la santé, et des pratiques à visée thérapeutique, le titre de


psychothérapeute est désormais réglementé, ou à peu près, (article 52 de la loi du 9 août
2004), ce qui n'empêchera évidemment pas les charlatans de continuer à vendre leurs
salades, leurs rituels, et leurs bonnes paroles.

Les règlementations n'éviteront pas non plus les dérives professionnelles, qui utilisent la
relation d'aide, l'autorité du sachant, pour faire du chiffre d'affaires, et faire tourner la
boutique.

22
Notes de lecture

Tromperie sur la marchandise, publicité mensongère, abus de faiblesse ou d'autorité, ces


déviances du petit commerce paramédical sont condamnables, certes. Le sont-elles, jugées
puis condamnées ? C'est une autre question.

Les sectes et les religions "vendent" leur idéologie, elles en font la promotion, plus ou
moins publiquement, et leurs activités, parfois clairement commerciales, ne sont pas
vraiment contrôlées, pas toujours contrôlables.

Faut-il s'étonner qu'il y ait des dérives, et des abus, plus souvent qu'on ne croit ?

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23
Notes de lecture

Alternatives et aléatoires

:: "Pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique". Ce fourre-tout est doté


d'un acronyme, PNCAVT, pour faire sérieux. Lire médecines alternatives, et croyances les
plus diverses, dont certaines "prometteuses" et d'autres, "éventuellement" dangereuses.
Nous ne saurons lesquelles.

Médecine traditionnelle chinoise, approche holistique, théories énergétiques, acupuncture,


que valent les formations, et les instituts qui les dispensent ?
Que vaut l'information délivrée au grand public ?

Mésothérapie, technique antalgique ; résultats non évalués. Dans d'autres domaines, une
recherche scientifique est en cours. Homéopathie, ostéopathie, pour compléter la liste des
"spécialités" les plus courantes.
Sur les risques réels mesurés, nous n'en saurons pas plus...

Ce que l'administration peut chercher à détecter, et condamner éventuellement, c'est


l'exercice illégal de la médecine, la publicité mensongère, la mise en danger de la vie
d'autrui, la fraude, l'escroquerie, l'abus de confiance.

Il semble que la plupart du temps, les sectes et les religions ne s'engagent pas directement
sur le territoire proprement médical. Elles ont des activités à caractère social, économique,
et des visées morales et spirituelles, pour lesquelles elles prétendent modeler les esprits de
leurs adeptes.
Training autogène, répétons en choeur, tout va bien, et de mieux en mieux.

La manipulation mentale, l'endoctrinement des recrues, l'abus d'autorité, les pressions


diverses, visent à obtenir des comportements conformes aux intérêts de ceux qui les
pratiquent, certes. Mais là encore, le droit commun s'applique, quand la limite de la légalité
a été franchie.

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24
Notes de lecture

Vigilance internationale, balbutiements

:: Quelques jolis voyages. Les ministères, les administrations, les institutions,


fournissent parfois l'occasion de rencontres exotiques, d'aventureuses missions, et
probablement de découvertes inestimables. Rien de plus naturel, les dérives sectaires
traversent les frontières, tout comme les organisations à caractère sectaire, et les réponses
proposées diffèrent d'une culture à l'autre, ce qu'il faut bien examiner, in situ.

Québec, Croatie, Pologne, la Miviludes reste raisonnable. Colloques, conférences, tables


rondes, collecte d'informations, quelques interventions, sur la scène internationale, maigre
récolte au demeurant, semble-t-il.

Pendant ce temps-là, l'administration fiscale s'intéresse, comme elle peut, à la fraude et à


l'économie souterraine, à la vente de produits illicites ou dangereux sur internet, et aux
vendeurs réguliers non déclarés. Elle a dans ce cadre obtenu un droit de communication de
la part des opérateurs, fournisseurs d'accès et d'hébergement, pour certaines informations,
identité, volume et valeur des ventes, nature des prestations, etc.

Les dons aux bonnes oeuvres ouvrent droit à réduction d'impôt sur le revenu, quand il
s'agit d'associations cultuelles reconnues, et que leur statut permet l'utilisation de ces
libéralités, donations et legs.

L'administration fiscale peut faire opposition, une circulaire est en préparation, ... et sans
doute aucun, les congrégations religieuses, les associations cultuelles, les fondations de
bienfaisance, et les bonnes oeuvres en général examineront à leur tour ce document
minutieusement.

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25
Notes de lecture

Beaucoup de bruit pour pas grand-chose ?

:: Que fait la Justice ? Le rapport 2008 fait état de 16 nouveaux dossiers dans le
domaine de l'action publique contre les dérives sectaires. Même en comptant les affaires
toujours en cours, seize, c'est assez peu, finalement.
Le rapport cite quelques cas, quelques poursuites, quelques relaxes.
Quelques appels et pourvois en cassation.
Beaucoup de bruit pour pas grand-chose ?
Ou le signe d'un savoir-faire juridique plutôt perfectionné ?

Du côté de la protection judiciaire de la jeunesse, une dizaine de dossiers seraient en lien


direct ou indirect avec une problématique sectaire.
Et dans les affaires familiales, où l'un des parents aurait des relations avec une organisation
de type sectaire, seul prime l'intérêt de l'enfant, de son développement équilibré, au plan
psycho-affectif et dans l'organisation pratique de sa vie quotidienne.

Quelques exemples sont donnés, l'adhésion d'un parent à une croyance, mouvance sectaire
ou religion, n'est pas directement prise en considération dans le jugement en matière
familiale, mais seulement les conséquences pour le bien-être et le développement des
enfants, au cas où cette adhésion aurait des effets négatifs ou perturbants.

°°°

Logistique et sectes

:: En apparence, sectes et religions sont d'abord des organisations humaines,


centrées sur une croyance, une doctrine, une philosophie, ou quelque idéologie.
On peut donc en penser exactement ce qu'on veut, dès lors qu'elles n'appellent ni à la
haine, à la violence, à la discrimination, ni au racisme ou à l'antisémitisme, ni à aucune
pratique contraire au droit commun, aux libertés fondamentales.

Mais comme toutes les organisations humaines, sectes et religions ont des besoins
matériels, logistiques, de communication, de réunion, que sont censés fournir les adeptes
et les fidèles, sous la forme de dons, de cotisations, d'offrandes, de cadeaux, en fonction de
leurs disponibilités, de leurs moyens.

Générosité plus ou moins sollicitée, encouragée, ou même imposée, dont l'accumulation


permet toutes sortes d'activités, en principe conformes aux objectifs des dites
organisations.

26
Notes de lecture

Les fonds ne proviennent pas toujours des dons, directs ou indirects. Les sectes et les
religions produisent souvent des services ou des prestations, qui leur procurent
éventuellement des revenus supplémentaires.

Domaines concernés, entre autres : édition, publication, diffusion de textes, revues,


brochures, formation, éducation, hébergement, services d'accueil, alimentation, voyages,
fabrication, distribution d'objets rituels, insignes et gris-gris, médications et produits
cultuels divers, organisation et production d'évènements et de cérémonies, de fêtes et de
rituels.

Dès lors qu'il y a collecte de fonds, le risque existe, dans toute organisation humaine, d'une
tentation possible de détournement, et cela d'autant plus dans des structures opaques, et
soucieuses d'éviter l'impôt sur les bénéfices, et la TVA, qui frappent les sociétés
commerciales.

La tentation existe aussi de produire, à moindre coût, des prestations et des services, en
utilisant des bénévoles, pour remplir un certain nombre de tâches professionnelles, mais
censées relever de la "mission" de la secte ou de la religion, par exemple le recrutement de
nouveaux adeptes, et leur initiation à la doctrine, à ses obligations, morales ou financières...

Ces risques sont évidemment d'autant plus grands quand la dite secte, ou la dite
organisation, a pour objectif réel la collecte d'argent frais, par tous les moyens imaginables
possibles, et pour toutes les bonnes oeuvres humanitaires et urgentes qui soient...

Parmi les champs d'investigation, selon le rapport, la formation professionnelle et


personnelle, le business de la solidarité, de l'action sociale, des activités péri-scolaires,
l'aide aux personnes fragilisées ou vulnérables, les situations de désarroi, qui peuvent
donner des occasions d'emprise sur les cibles ou sur leurs proches, et comporter, par
ailleurs, des infractions au code du travail, et des risques de déviance sectaire non
négligeables.

La contribution du ministère du Travail, des Relations sociales, de la Famille et de la


Solidarité, au rapport 2008 avance le chiffre de "près de 60 000 enfants" vivant dans un
contexte de type sectaire.
Ce chiffre provient probablement de la commission d'enquête parlementaire 2006.
Sur ce nombre, combien de cas relevés de mauvais traitements, de négligences éducatives,
de défaut de soins, - quelques précisions auraient été éclairantes.

°°°

27
Notes de lecture

La prévention de la déviance sectaire

:: Au niveau local, l'action de la Miviludes s'inscrit dans le cadre de "conseils


départementaux de prévention de la délinquance, de l’aide aux victimes, de lutte contre la
drogue, les dérives sectaires et les violences faites aux femmes", dénomination qui laisse le
champ libre à l'interprétation.

Déviance sectaire, c'est un délit, puisqu'il y a des victimes, à savoir la construction d'une
relation de dominance et dépendance, violence et culpabilisation, atteinte à la liberté des
sujets, par abus de pouvoir, emprise sur la vie quotidienne, mentale, sociale, psychique des
éventuelles victimes. Visibles ou non, les dégâts peuvent aller très loin.

Pas si simple à détecter et prévenir, le phénomène de violence subtile, insidieuse, qui


détourne l'énergie d'un sujet, ses affects, son intelligence, sa conscience, pour en faire une
recrue, un pratiquant, un adepte, docilement soumis à une organisation dont il ignore, en
réalité, la structure et les objectifs "secrets".

Le sujet sait-il qu'il est l'objet d'une manipulation, d'une contrainte, d'une stratégie
aliénante, ou croit-il qu'il a enfin trouvé la voie de la vérité, le chemin du bonheur, de
l'épanouissement spirituel, de l'accomplissement personnel ?

Signe clinique : la monomanie, qui est une forme de délire, d'idée fixe obsessive,
qui envahit le champ mental, et produit une sensible rigidité psychique, d'où découle un
affaiblissement du discernement : la perte du bon sens commun, l'obnubilation maniaque.
Plus rien d'autre n'a d'intérêt, sauf... l'objet autour de quoi le sujet s'exalte, s'enthousiasme,
et s'égare.

Signe diacritique : l'intolérance, le fanatisme, la discrimination, certes, mais aussi


le refus de toute remise en cause, de tout appel à la raison, de toute critique. Rupture
sociale, familiale, perte des liens amicaux ou professionnels, isolement mental, fermeture
psychique. Le point de vue de l'autre n'existe plus, aucun débat n'est possible.

Le processus sectaire, de formatage des esprits et des comportements, s'apparente au


totalitarisme, dont la visée est de tout régenter, et d'exclure dès lors toute liberté d'opinion,
d'expression, et de croyance, d'interdire toute contestation, débat ou discussion.
C'est pour quoi il y a lieu de demeurer vigilant, dans toutes les phases de la vie sociale,
économique et politique.

Tant qu'il s'agit de choix individuel, de croyance personnelle, ni l'intégrisme, ni le


fondamentalisme, dans leurs versions puristes ou rigoristes, ne sont à proprement parler
des déviances, ou des dérives. Même si le risque existe d'emblée de crispations xénophobes,
et d'hostilités sectaires antipathiques, sans parler d'un sexisme plutôt courant, - mais pas
seulement parmi les personnes sectaires...

28
Notes de lecture

Ces options ne sont critiquables qu'au moment où elles impliquent des comportements
défavorables ou dangereux pour les autres, dont la famille, le conjoint, les enfants,
notamment.

Lorsque ces choix débordent de la sphère intime, individuelle, ces formes doctrinales
peuvent devenir des nuisances dangereuses, par la contrainte psychique ou morale qu'elles
tentent d'imposer, dans des cercles plus ou moins larges.

°°°

Ce que dit la loi française

:: La loi du 12 juin 2001 permet la dissolution des associations, organismes, et autres


personnes morales, dont les activités ont pour effet d'exploiter la sujétion psychologique,
dès lors qu'il y a condamnation pénale définitive, pour des motifs déjà longuement
évoqués, d'abus et de fraude.

Les textes permettent de sanctionner les dérives sectaires.


Dès lors que des faits répréhensibles sont avérés, - qu'ils soient le fait de sectes ou non.

Non-assistance à personne en danger, mise en danger de la vie d'autrui, exercice illégal de


la médecine, ou d'une profession réglementée, abus de faiblesse sur personne vulnérable,
violences, agressions sur mineurs, harcèlement, menaces, abus d'autorité, maltraitance,
manquement à l'obligation éducative, incitation à la violence, au suicide, escroquerie, abus
de confiance, publicité mensongère, infraction au code du travail, travail clandestin, fraude
fiscale, infraction aux règles de douane, non-déclaration de mouvements internationaux de
capitaux, etc.

Le problème de la lutte contre les déviances sectaires ne provient pas de la possibilité de la


répression, dont on voit bien qu'elle est prévue par la loi, quand une infraction ou un délit
est commis, puis constaté.

La difficulté provient des victimes consentantes et soumises, - qui ne portent pas plainte,
précisément par sujétion psychologique, par docilité, par séduction, peur ou contrainte, par
manque de discernement, d'information, ou qui ignorent que leur confiance est abusée.

Pour que l'abus soit détecté, il faut alors un faisceau de preuves, de signes, de
comportements, qui permette de lever ou de confirmer le soupçon éventuel.

A cette difficulté de détection s'ajoute un risque difficilement évaluable a priori, de passage


à l'acte catastrophique, de déviance brutale, de délire collectif, suicidaire, par exemple.

29
Notes de lecture

Sans même craindre le pire, la liberté d'opinion, de croyance, de religion, n'empêche en


rien le mensonge, l'hypocrisie, la fausse promesse, la stupidité, la cupidité, l'escroquerie et
les faux semblants, qui sont monnaie courante, quand même !

Prévention, information, éducation, vigilance, formation des acteurs sociaux, les réponses
de la société peuvent évidemment tenter de limiter le risque, toujours renouvelé.

Il reste que la société est loin d'être parfaite, et heureusement...

°°°

30
Notes de lecture

Du côté des libertés

:: Au beau pays des droits de l'homme, la liberté, l'égalité, la fraternité, et quelques


textes qui définissent, et délimitent, des principes fondamentaux, dont celui de laïcité, qui
pose que l'Etat ne se préoccupe pas de religion, ni de croyances, ni d'opinions.

Précisément parce que chacun dispose de la liberté de penser et croire ce qu'il lui plaît, et
de la liberté d'exprimer publiquement ses opinions, ses idées, ses croyances, - tant qu'il
s'agit d'opinions non contraires à la dignité humaine, et conformes à la loi, qui s'impose à
tous.

Jusqu'ici, pas problème, tout va bien. Le consensus public a ainsi établi l'interdiction des
incitations à la haine, à l'antisémitisme, au racisme, interdiction inscrite dans la loi.

Pourquoi alors s'inquiéter des sectes, ou plus exactement, des dérives sectaires, et des
risques que représentent, en effet, la plupart des sectes, sinon toutes ?

A quel moment la croyance, après tout affaire d'opinion, franchit-elle la limite, et devient-
elle "dérive", synonyme de danger, - pour l'ordre public, ou pour de potentielles victimes, -
croyantes ou non ?

Nous voilà libres de croire à peu près n'importe quoi, ou le contraire, et pourquoi pas, à la
seule et double condition qui cette croyance ne mette pas en danger autrui, d'une part, et
que cette croyance respecte la liberté d'autrui de ne pas croire la même chose : par
définition de la liberté de croyance et d'expression, aucune croyance ne peut être
obligatoire. Aucune croyance ne peut s'imposer à l'autre, sans qu'il soit libre de l'adopter ou
non, de la choisir ou pas, sans qu'il y trouve son propre choix, délibérément.

La liberté de croyance implique, nécessairement, la liberté de ne pas croire, ce qui s'appelle


le libre-arbitre, corollaire de la liberté de conscience.

:: Nous naissons libres et égaux, en droits, libres alors d'accepter telle ou telle règle
de quelque ordre que ce soit, d'adhérer et d'obéir librement à telle ou telle doctrine, - à ce
que prétendent aussi bien les sectes que les religions, les obédiences de tout type.

Liberté de croyance, donc, et d'opinion, qui suppose que chacun soit libre de croire ou de
ne pas croire, de suivre son propre jugement, mais aussi d'en changer, et de préférer alors
d'autres opinions, croyances, philosophies, idéologies.

31
Notes de lecture

Le problème des sectes, ce ne sont pas tant leurs idées, leurs croyances, si farfelues soient-
elles, ce sont les comportements et les actes qu'elles prétendent imposer, à leurs membres,
d'une part, à la société environnante, d'autre part.

Dans l'ordre religieux, tout est toujours ordonné selon un ordre supposé divin, et la société
elle-même devrait prendre la forme d'une hiérarchie conforme à l'imaginaire religieux,
assez pastoral. Théocratie, enfin la perfection et le bonheur ineffable ! En pratique,
évidemment, c'est une autre histoire, bien naturelle, de prédateurs aux discours bien rodés.

Le problème n'est pas celui des croyances, mais celui des implications pratiques, parfois
contraires au simple bon sens. Et dès lors, contraires au droit de ne pas croire, de ne pas
partager ni subir la dite croyance. Un débat devient alors utile et nécessaire, et les opinions
contradictoires doivent alors pouvoir s'exprimer, en droit et en liberté.

Respecter les croyances, certes, mais il n'y a aucune raison d'accepter sans discussion ce
qu'elles impliquent pratiquement, concrètement, au nom de leurs idées, aussi bien pour
leurs adeptes que pour les autres.

Respecter les croyances, pourquoi pas, mais seulement si elles respectent le droit de chacun
et chacune de ne pas croire, de croire autre chose, et de changer de croyance, en toute
liberté.

°°°

32
Notes de lecture

Projet de libre discussion

:: Au beau milieu du village, à proximité de la place principale, sinon au centre, le


temple, l'église, la mosquée, la chapelle, la synagogue, des lieux de culte et non loin, les
cimetières, souvent. Un peu plus loin, des quartier difficiles, des banlieues, des
campements de nomades, la zone. Urbain ou rural, l'espace est ponctué, de clochers, de
minarets, de statues, de totems, de pagodes, de temples, de tumulus, de stûpas, de
sanctuaires.

Le fait religieux, monuments et repères dans le paysage, existe incontestablement dans le


patrimoine commun de l'humanité, signal composite de splendeurs et de misères, et
terreau de quelques civilisations, dont quelques-unes subsistent.
Les civilisations sont mortelles, les religions, de même, semble-t-il.

Civilisation : organisation de la société civile, de sa culture commune, croyances et savoirs,


de son développement intellectuel, matériel et social.
Au beau milieu du village, quelques autres officines entrent en compétition, pour organiser
les festivités ordinaires, selon le calendrier en vigueur. Dans le respect des libertés
publiques, en principe. Pluralité des libertés, principe unique, de respect partagé.

Dans ce contexte mouvant, évolutif, pluriel, l'esprit sectaire tente de proposer, ou


d'imposer, une explication unique à la totalité des dysfonctionnements du monde, et de
désigner le fautif, la source du mal, - l'autre, le démon, ou quelque autre pauvre diable, une
autre croyance, le manque de foi et la mauvaise foi, et tutti quanti.

Quelques techniques d'endoctrinement plus tard, c'est-à-dire de formatage


psychique et mental, l'adepte potentiel a intégré le programme, et le suit à la lettre, sans
parvenir à se débarrasser du virus diabolique qu'il a gobé en même temps, et pour lequel,
naturellement, il devra payer, et fort cher, les services d'un bon guide spirituel, absolument
désintéressé.

Cette déviance, qui est une manipulation de la croyance, une instrumentalisation de l'esprit
religieux ou mystique, est-elle évitable ? Les croyances, en général, entretiennent des
relations ambiguës avec le doute : elles tentent de l'oublier, de l'occulter, de le mettre de
côté, précisément pour pratiquer le bon plaisir de croire.

Face à la conviction inamovible de l'esprit sectaire, reste la liberté de douter, d'examiner le


mécanisme à l'oeuvre, ses rouages, la beauté du discours, son fonctionnement économique
et financier, ses conséquences pratiques, concrètes, humaines.

Les religions, les sectes, les croyances, répondent peu ou prou à un besoin, foncièrement
humain. Répondre à des questions insondables, par exemple.

33
Notes de lecture

:: Il y a déviance et dérive quand ce besoin est utilisé pour obtenir autre chose, pas
seulement l'adhésion à une théorie, spirituelle, religieuse, idéologique ou sectaire, mais
aussi subsides et soutien, sous diverses formes, dont le recrutement et le prosélytisme.

Il y a déviance et dérive quand le consentement est obtenu par contrainte, par mensonge,
par intimidation, et par abus d'autorité. Par tromperie et abus de faiblesse.

Les principes républicains, les droits fondamentaux, sont-ils un antidote suffisant contre
les déviances sectaires ?

L'éducation, l'information, la formation des adultes, le débat démocratique, la vigilance des


professionnels, et celle des pouvoirs publics, évidemment, devraient permettre de limiter le
risque, et de détecter les tentatives les plus voyantes.

Et pourtant, imaginer une société sans sectarismes, sans prédateurs, sans profiteurs...

Encore un rêve un peu trop perfectionniste pour être honnête !

Ces quelques notes n'ont pas d'autre objectif que d'alimenter la réflexion, de
proposer, sans certitude aucune, quelques pistes, quelques idées et remarques. C'est un
texte améliorable, et donc critiquable, écrit à partir d'un rapport officiel, qui l'est aussi.

Remarques courtoises et suggestions utiles sont donc bienvenues.

http://pacoalpi.blogspot.com/
Un site incontournable et parfois futile ou inversement.

°°°

34
Notes de lecture

Notes de lecture, bilan provisoire

:: Répulsion, fascination, l'idée même de secte, de risque sectaire, le fantasme même


d'un groupe, dont le ressort secret serait, évidemment, quelque parfaite vérité, un infini
bonheur, réservé à quelques-uns, ceux qui accèderont au dit secret, les meilleurs sans
doute... Délire des illuminés, possédés d'une monomanie, banale dérive.

C'est une caractéristique étrange de la folie, non seulement elle envahit l'esprit de celui ou
celle qu'elle touche, lui faisant perdre le sens, mais de surcroît, cette invasion atteint aussi
les autres, qui perçoivent la perturbation, en reçoive l'angoisse, en écho, répulsion,
fascination. Déviance dangereuse, où la souffrance modifie le réel, et le fait vaciller.

Sous le masque de l'esprit sectaire, deux mécanismes antagonistes, de réprobation


consensuelle, - la secte fait peur, et à juste titre, - mais aussi de séduction discrète, y aurait-
il une part de vérité, - qui sait ?

Si l'esprit sectaire ne manipulait que des fantasmes, des concepts plus ou moins
imaginaires, des projets plus ou moins farfelus, des pratiques de l'ordre du placebo, sans
doute pourrait-on se contenter d'en sourire, - avec indulgence ?

De la douce dérive, simple petit commerce d'affects courants, à la déviance dure, agressive,
destructive, fanatique et meurtrière, le passage est possible, l'histoire récente et l'actualité
en donnent suffisamment d'exemples. Quelques attentats-suicide, quelques massacres en
ont fait la preuve, quand même.

Quant à l'histoire des religions, ... de quelle immense violence le concept exotique, oriental
et improbable de non-violence est-il né ?
L'ombre du terrorisme plane sur le sectarisme, et les conflits sanglants, les affrontements
meurtriers sous prétexte religieux perdurent. Un peu partout, pratiquement sans
exceptions.

De quels arguments la démocratie ordinaire dispose-t-elle face au risque de la folie sectaire,


et aux dangers réels de passages à l'acte sous des motifs pseudo-religieux, et purement
fanatiques ?

Ni la réprobation, ni la répulsion ne semblent suffire, pour contrer efficacement la


séduction ou la fascination que l'esprit sectaire sait utiliser, pour formater la vie des
adeptes, et leur offrir un accès plus ou moins coûteux à l'ineffable.

Le débat démocratique, sur les croyances, sur le respect de la laïcité, sur l'esprit
républicain, sur les libertés publiques, n'a jamais cessé d'être, encore et toujours, vraiment
nécessaire.

35
Notes de lecture

:: La lecture du rapport Miviludes 2008 laisse le lecteur sur sa faim.

Par excès de prudence, laïcité oblige, les religions et les sectes sont donc oubliées, par
neutralité de principe quant aux croyances, mais aussi parce que les dossiers en cours
restent confidentiels, tant que jugement définitif n'a pas été prononcé.
A cela s'ajoute l'impression que plusieurs portions du contenu ont été produites pour la
forme, et paraissent alors quelque peu superficielles.

La tentation est forte, visiblement, de minorer le risque sectaire, sous le prétexte


utile que les gens sont le plus souvent raisonnables, et décodent la plupart du temps les
impostures et les billevesées. Ils ne resterait alors que quelques grossières escroqueries,
commerciales, fiscales, douanières, et quelques margoulins assez benêts pour se faire
repérer.

La tentation inverse, qui laisserait planer la suspicion sur la plupart des croyances,
sur presque tous les groupements para-religieux, les associations bizarroïdes, les modes
plus ou moins exotiques, conduirait au contraire à un excès de précaution, ou à une
impossible ou liberticide prévention de tout non-conformisme.

Entre le risque de diaboliser les dérives potentielles, et celui de banaliser les déviances, la
voie moyenne est relativement périlleuse. Comme le reste, la vigilance et la répression ont
un coût, et leur absence, de même.

On aurait pu s'attendre à ce que la Miviludes "instruise", à charge et à décharge, le circuit


des croyances dangereuses, le petit cirque sectaire, et annonce un peu plus vigoureusement
les cas où elle a des doutes sérieux, des plaintes justifiées, des suspicions légitimes.
Mais c'est là le travail de la Justice, quand elle est saisie.
De même, la Mission n'a pas vraiment de pouvoir d'investigation, et sans doute pas les
moyens de détecter, avant qu'ils n'émergent, les risques majeurs de déviances, de passages
à l'acte violents, ou contraire aux libertés publiques.
Il lui reste, sauf erreur, un pouvoir d'information, de coordination interne avec les pouvoirs
publics, et de soutien aux associations confrontées aux dérives et déviances sectaires.

Que le débat public reste ouvert, et que la vigilance demeure à l'ordre du jour, c'est
probablement indispensable. Et même utile..., jusqu'à preuve du contraire !

°°°

36
Notes de lecture

Quelques références, parmi d'autres

•••

• La Fédération européenne des centres de recherche et d’information sur le


sectarisme
http://www.fecris.org

• L’Institut national d’aide aux victimes et de médiation (INAVEM)


http://www.inavem.org

• Une association reconnue d'utilité publique, d'aide aux victimes des sectes, et à leur
famille, L’Union nationale des associations pour la défense de la famille et de l’individu
victime de sectes (UNADFI)
http://www.unadfi.com

• Le Centre de documentation, d’éducation et d’action contre les manipulations


mentales (CCMM)
Un site dédié à la lutte contre les manipulations mentales, et quelques infos
www.ccmm.asso.fr

• La Défenseure des enfants


http://www.defenseurdesenfants.fr

• Le site de la Miviludes
http://www.miviludes.gouv.fr/

• Les sectes et les mineurs : un document remarquable, et édifiant.


Le rapport de la commission parlementaire d'enquête sur "les sectes et les mineurs".
Assemblée nationale, décembre 2006
http://www.assembleenationale.fr/12/rap-enq/r3507.asp

• Une bibliographie
http://www.prevensectes.com/biblio.htm

• Un dictionnaire de droit criminel, droit pénal, procédure pénale


Une référence pour les juristes.
http://ledroitcriminel.free.fr/index.htm

• Un site d'information et de prévention, actualisé et bien informé


http://www.prevensectes.com/home.htm

37
Notes de lecture

• Une association chrétienne qui ose parler des problèmes de déviance, de communautés
catholiques ou religieuses à risques, et de victimes, c'est plutôt rare.
www.avref.asso.fr

• Une remarquable documentation centrée sur les exploits de la scientologie, par un ancien
cadre de cette entreprise, sauf erreur .
www.antisectes.net

°°°

:: Quelques autres ressources et références

• secte, croyance, laïcité, vérité, civilisation, quelques définitions

http://www.cnrtl.fr/definition/secte

http://www.cnrtl.fr/definition/croyance

http://www.cnrtl.fr/definition/la%C3%AFcit%C3%A9

http://www.cnrtl.fr/definition/v%C3%A9rit%C3%A9

http://www.cnrtl.fr/definition/civilisation

• définitions, lexique

http://www.cnrtl.fr/definition/

• La justice face aux dérives sectaires


http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/084000443/0000.pdf

• Le rapport intégral sur les abus sur mineurs dans les institutions catholiques irlandaises,
http://www.childabusecommission.com/rpt/index.php

• La commission d'enquête irlandaise sur les enfants détenus et abusés


http://www.childabusecommission.ie/

• La bibliothèque des rapports publics, un gisement de quelque 6000 références


http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports/index.shtml

38
Notes de lecture

• Tout sur la scientologie, ou presque...

http://en.wikipedia.org/wiki/Portal:Scientology

http://fr.wikipedia.org/wiki/Scientologie

http://www.scribd.com/doc/2203598/le-gourou-demasque

http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/05/25/l-avenir-de-l-eglise-de-scientologie-
en-jeu-devant-le-tribunal-correctionnel-de-paris_1197449_3224.html

... Liste non exhaustive

°°°

39
Notes de lecture

°°°

Les sectes, les religions, et leurs dérives,


déviances, et autres réjouissances
Table des matières

Vigilance et lutte...?
- Esprit, es-tu là ?
Dérives, déviances, danger...
Sectes, religions, croyances...
Satanisme, ou simple délire ?
Méthodologie sectaire
Dérive sectaire ou sinistre déviance
Cette histoire est-elle bien morale ?
L'opinion mesurée des gendarmes
Phénomène sociétal
Paradoxale liberté de conscience
Un danger pour l'éventuel adepte ?
Discrimination ou déviance
Fantaisies thérapeutiques
Souffrance, croyance, déviance
Alternatives et aléatoires
Vigilance internationale, balbutiements
Beaucoup de bruit pour pas grand-chose ?
Logistique et sectes
La prévention de la déviance sectaire
Ce que dit la loi
Du côté des libertés
Projet de libre discussion
Notes de lecture, bilan provisoire

Quelques références, parmi d'autres

:: Notes de lecture
sur le rapport Miviludes 2008

Edition numérique : Paco Alpi

Juin 2008


• Licence Creative Commons, Attribution, Pas d'usage commercial

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