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La femme et le sexe
ou
Les souffrances
d’une malheureuse opprimée
OUVRAGES DE NAWAL EL SAADAWI
BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE
Mémoires d’une femme docteur, 1958
La femme et le sexe, 1969
Femme au degré zéro, 1975
La face cachée d’Ève, 1977
La chute de l’Imam, 1987
Dieu démissionne au sommet, 1996
Mémoires de la prison des femmes, 2002
OUVRAGES DU TRADUCTEUR
Les stratégies de compréhension et de production des pronoms personnels
français chez des écoliers marocains. Thèse de 3e cycle. 1983. Université
Paris 7 Jussieu
La compréhension des agrammaticalités françaises : règles et stratégies
sous-jacentes. Thèse d’état. 2001. Université Sidi Mohamed Ben Abdellah.
Fès
La grammaire du français moderne. 2006. Editions Le Manuscrit. Paris :
Tome 1 Les mots sujets à variations
Tome 2 Les mots invariables
Tome 3 Le système verbal
Tome 4 La phrase française
Abdessamad Dialmy : Sociologie de la sexualité arabo-musulmane :
Editions L’Harmattan
Avant-propos et traduction de l’arabe par Abdelhamid Drissi Messouak
SOMMAIRE
Couverture
4e de couverture
Copyright
Titre
Ouvrages de Nawal El Saadawi
SOMMAIRE
PRÉFACE
Exergue
PRÉAMBULE
Les souffrances d’une malheureuse opprimée !
NAWAL SAADAWI LA FEMME ET LE SEXE UN PETIT MOT
PRÉSENTATION
LE CORPS DE LA FEMME
LE CONCEPT DE VIRGINITÉ
LA FILLE
L’ÉDUCATION ET L’INHIBITION
LA NATURE EST INNOCENTE
LES VÉRITABLES CAUSES
DES RELATIONSUTILITAIRES
LE MAÎTRE ET L’ESCLAVE
DES VALEURS CONTRADICTOIRES
LA FAMILLE ET LA CIVILISATION
QU’EST-QUE L’AMOUR
LE CAMOUFLAGE
DES PAS SUR LE CHEMIN
Adresse
PRÉFACE
Quand les choses sont belles, elles vous donnent une espèce de frisson,
fulgurant comme un décret du Destin. Voici :
Ce frisson, infiniment agréable, est né à la lecture de LA FEMME ET LE
SEXE De Nawal El Saadawi. Quant au décret, ce n’est autre que cette
alarme que l’auteure sonne, moins comme avertissement de l’approche d’un
danger que comme déclaration d’amour au monde de la connaissance du
sexe avec, comme pivot, la femme.
Ce bel ouvrage – où de page en page vous allez vous régaler de moult
précieuses informations sur ce sentiment noble qu’est l’amour – je l’ai
découvert d’abord dans la traduction qu’en a faite Docteur Abdelhamid
Drissi Messouak.
Lors d’une entrevue, lentement il feuilletait ce livre dont il se délectait à
m’évoquer le contenu. Passionnément. J’ai avalé ma salive, ravalé mes
mots et mes pensées : derrière ce qu’il disait, il y avait tant d’amour pour
l’amour en présence ; il y avait un sincère appel à un dialogue empreint
d’écoute et de respect mutuel entre homme et femme ; il y avait ce
« combat » de Nawal El Saadawi qui, refusant catégoriquement de laisser la
femme vivre dans l’ombre, avec comme étiquette le sinistre mot « tabou »,
s’est forgée, via son livre, le concept de liberté ; il y avait surtout cette
remarquable traduction – de l’arabe au français – qui a donné à cet ouvrage
une dimension universelle sur le plan géographique, et offert un bien à
l’humanité.
Docteur Abdelhamid Drissi Messouak s’était d’ailleurs attaché, autant
que faire se peut, à mettre l’accent sur la « bonne » traduction qui, comme
chacun sait, ne doit pas manquer de difficultés, ni parfois d’obstacles.
Et que me demande mon ami Docteur Drissi à présent ? Une préface… Si
peu que cela ?
J’ai alors su qu’auteur et traducteur viennent d’inaugurer une recherche
que je qualifierais d’ouverte. J’ai également su que les deux, en parfaite
symbiose et complémentarité, souhaitent que cette recherche qui a déjà vu
le jour, occupe dans le monde entier la place qu’elle mérite, n’en déplaise
aux sceptiques et contrairement aux oracles de mauvais aloi.
Docteur Abdelhamid Drissi Messouak constate qu’à l’instar des
traditionalistes prêts à crier au blasphème, certains modernistes n’hésitent
pas à attaquer les idées de Nawal El Saadawi : qui jugeant hâtivement que
l’auteure n’ayant pas donné de définition à cet amour, son texte reste de la
logorrhée ; qui prétendant que si la formulation du texte tend dans la
négation, c’est uniquement pour désigner l’ignorance des gens… La
réaction du traducteur ne se fait pas attendre. En effet, montrant son côté de
fervent défenseur d’un thème dont il est envoûté, et toujours en quête de
plus de complémentarité entre écriture et traduction, il s’explique :
« Implicitement, à travers les propos négatifs, l’auteure met aussi en
évidence ce que devrait être un véritable amour, sincère, authentique et
solide… peut-être avec une note de souffrance pour équilibrer tout cela,
mais la souffrance n’est-elle pas inhérente à la vie ?… Quant au manque de
définition de l’amour, entérine-t-il en défenseur responsable, ne suffit-il pas
que Nawal El Saadawi nous présente une description pertinente de ce
sentiment, description qui ne se prétend ni exhaustive, ni indiscutable ? Ce
qu’elle avance est d’une rigueur irréprochable ».
C’est dire que Docteur Abdelhamid Drissi Messouak est pleinement
conscient de l’inestimable valeur du livre qu’il est fier d’avoir traduit. Et il
l’a si bien fait que la lecture en devient captivante et l’accès
enthousiasmant.
Ne serait-ce pas agir en faux-monnayeur que de me voir commenter cette
révolution culturelle qui est en marche, de me voir préfacer cette étude qui
se suffit à elle-même ? Ne serait-ce pas, aussi, agir de même que d’ajouter
ma signature d’écrivain arrivé-arrivé !
Aussi longtemps qu’il reste un exemplaire de l’œuvre de Nawal El
Saadawi et un lecteur pour la traduction par Docteur Abdelhamid Drissi
Messouak, ces deux personnes qui mettent leurs servitudes au bien de
l’humanité, ne sont pas oubliées.
Muettement, j’envoie une pensée émue à Docteur Drissi dont nul
n’oserait qualifier la traduction de trahison : lors de la relecture du livre
traduit, dont j’étais chargé, que de fois m’a-t-il soucieusement consulté en
quête de mon humble avis sur le sens et la traduction de tel ou tel mot,
surtout technique ! Et puis…
Et puis, je n’ai pu ranger mon matériel que vingt jours plus tard, une fois
préface et relecture achevées.
ABDELALI LAHLOU
Effondrée dans un fauteuil, elle pleure son sort
Et celui de son époux hideux, déjà mort.
Sereinement, elle endurait ses supplices.
Impassible, elle résistait à ses caprices.
Pauvres femmes éternellement opprimées !
Viendra le jour où vous ne serez plus brimées.
Le salut divin ne tardera pas à venir.
Ténébreux destin, vole ! Tout va bientôt finir.
PRÉAMBULE
C’est une malheureuse ; elle est opprimée. Elle est aussi une opprimée
malheureuse. Quel que soit le syntagme anagrammatique – ou l’anagramme
syntagmatique – quelle que soit la nature des mots – un adjectif qui
supplante un nom et vice versa – elle est dans une situation déplorable, dans
un état de frustration permanent. C’est la femme ! Victime du système
patriarcal, décrié, dénoncé, si injuste. J’ai l’impression d’écouter la voix
d’une femme se lamenter, gémir face à la toute-puissance, à l’omnipotence,
à la prétendue omniscience d’un mâle en quête d’une proie facile, à la
recherche d’un objet de jouissance soumis, d’une esclave subissant les
ordres implacables et insatiables d’un homme qui ne pense qu’à éjaculer,
sans prendre en compte la personnalité et la dignité de cette malheureuse,
non seulement opprimée mais aussi réduite à l’état animal. Pauvre femme
digne de tous les éloges, de tous les mérites, qui ne demande qu’à se libérer
du joug d’une société impitoyable ! C’est tout cela que décrit la femme
médecin, la sociologue, la romancière, l’humaniste, la féministe Nawal El
Saadawi. Elle le fait avec brio, non pas lyriquement comme je viens de
l’exprimer, mais rationnellement et rigoureusement. En tant que médecin,
elle commence par une description anatomique et physiologique du corps
de la femme pour mettre fin à beaucoup de préjugés sur le fonctionnement
des organes de la femelle humaine, à propos desquels circulent des idées
toutes faites et des informations erronées. C’est de cela que se nourrit le
régime patriarcal, l’homme arrogant, qui a l’impression qu’il est en position
de force par rapport à sa partenaire, laquelle doit être confinée dans un rôle
subalterne et ne pouvant servir qu’à le satisfaire sur le double plan, érotique
et des travaux ménagers. Il va sans dire que le système patriarcal et ses
acolytes tracent la destinée de la femme dont la principale fonction réside
dans les travaux ménagers et l’éducation des enfants. Nawal El Saadawi a
rejeté cette dichotomie – homme fort, femme faible, homme dominant,
femme soumise – pour nous convaincre que la gent féminine est loin d’être
ce que le patriarcat a voulu qu’elle soit, en l’occurrence un être inférieur.
Nawal El Saadawi l’a prouvé à partir de ses enquêtes et celles d’autres
éminents chercheurs. Elle a eu le courage de dénoncer non seulement le
système patriarcal mais aussi tout ce qui dans la religion rabaisse la femme
et la prive de ses droits les plus élémentaires. L’ouvrage de cette féministe
pure et dure est une référence pour tous ceux qui veulent se libérer des
préjugés destructeurs d’une société, laquelle doit s’épanouir selon les
normes scientifiques rigoureuses et les idées progressistes sans a priori.
Abdelhamid Drissi Messouak
NAWAL SAADAWI
LA FEMME ET LE SEXE
UN PETIT MOT
Je garde toujours à la mémoire l’image de cette jeune fille, bien que dix
années se soient écoulées depuis que je l’avais rencontrée. J’exerçais mon
métier de médecin dans un cabinet spécialisé. Le médecin, à l’époque,
subissait toutes sortes de pressions s’il dépassait, par sa pensée et ses
sensations, les limites tracées par la profession médicale traditionnelle, et se
libérait par son puissant penchant naturel du style superficiel qui a
caractérisé nos études médicales passées, qui a fait perdre au malade son
humanité, son identité, et l’a morcelé en membres désunis, isolés de l’esprit
et dissociés de la société.
Ce jour-là, je pensais fermer mon cabinet ; en effet, après avoir passé
quinze années consacrées aux études et à l’exercice de la médecine, dans
mon pays et ailleurs, j’étais convaincue que la plupart des patients ne sont
pas à vrai dire des malades, que seules leurs mauvaises conditions sociales
les amènent à se croire victimes d’une maladie permanente et que la plupart
des cas pathologiques guérissent seuls par la force de la nature et la volonté
de l’homme.
Je m’adressais à ma conscience, et je délibérais pour fermer mon cabinet,
quand la jeune fille en question entra pour me voir. Elle attira mon intention
par ses yeux hagards d’où sourdait un regard craintif et bizarre. Tout
semblait demander avec sollicitation une aide pressante. Au fil du temps,
tous les traits de la jeune fille se sont complètement effacés de ma mémoire,
mais son regard y reste encore gravé, au point de faire partie de moi-même.
Elle n’était pas seule ; elle était accompagnée d’un homme qui dit d’une
voix grave et furieuse :
« Je vous prie docteur de l’examiner ! »
Je m’adressai à la jeune femme en lui disant : « de quoi vous plaignez-
vous ? ». Elle garda le silence. L’homme ajouta avec fureur et de sa voix la
plus grave : « Nous nous sommes mariés hier et j’ai découvert qu’elle
n’était pas vierge ».
Je m’adressai cette fois à lui : « Comment avez-vous pu découvrir
cela ? »
Il répondit avec colère : « C’est connu : je n’ai pas vu couler de sang ».
La jeune fille voulait s’exprimer mais il l’interrompit en disant : « Elle se
prétend innocente ; c’est pourquoi je suis venu chez vous pour que vous la
consultiez ».
Après que je l’eus examinée, il s’avéra que la mariée possédait un hymen
intact mais qui comptait parmi ceux qu’on appelle en médecine le genre
« élastique », qui s’élargit et se rétrécit sans se déchirer et sans qu’une seule
goutte de sang ne se verse.
J’ai expliqué au mari avec une grande précision le cas de sa femme ; il
était bien informé et a beaucoup voyagé dans des missions. Il m’a semblé
l’avoir convaincu et j’ai vu sa femme pousser un soupir de soulagement
comme si elle respirait pour la première fois après une longue asphyxie.
Mais le cas n’était pas aussi simple. Quelques jours plus tard, elle est
revenue seule. Son visage n’était plus celui d’une jeune fille de dix-huit ans
comme je l’avais connue, mais celui d’une vieille femme qui a pris de l’âge
avant terme et dont la physionomie était bien marquée par la douleur et la
tristesse, avec une expression bizarre qui rappelle la mine des morts que
j’avais bien côtoyés en exerçant ma profession de médecin.
Elle dit d’une voix forte : « Il m’a répudiée et cela aurait tourné au
scandale si mon père n’avait pas gardé le secret ».
Je lui répondis : « Et votre père, comprend-il ? »
Elle hocha la tête par un signe de négation ; ses yeux pâles se sont
enveloppés d’un nuage, signe de larmes qui ont coulé et se sont desséchées
jusqu’au mûrissement total.
Elle dit : « Personne ne connait mon innocence sauf vous docteur. A
présent, je vis dans la crainte d’une vengeance de mon père ou mon frère ».
Je suis allée voir son père et je lui ai exposé le problème. Je lui ai
expliqué que sa fille était vierge et que l’hymen est du genre élastique qui
ne se déchire que lors de la naissance du premier enfant. Le père fut étonné
d’avoir entendu cette vérité scientifique, frappa ses mains l’une contre
l’autre et dit avec colère : « Cela veut dire que ma fille a été victime d’une
injustice ? »
Elle dit : « Oui ».
Il répondit : « Et qui est responsable de cette injustice ? »
Je rétorquai : « Vous, son mari et sa famille ».
Il répondit avec colère : « C’est vous les responsables, médecins ! Parce
que vous connaissez ces vérités et vous les cachez, et sans cet incident qui
est survenu inopinément à ma fille, je n’aurais rien su. Pourquoi
n’expliquez-vous pas ces choses à tout le monde ?
C’est votre premier devoir, de manière qu’aucune de ces filles innocentes
ne soit une victime ».
J’ai alors décidé de revenir à mon bureau et d’écrire quelque chose sur la
question, mais j’ai compris que le problème nécessitait une thérapie
multidimensionnelle. Ce n’est pas un sujet propre à la médecine, il est aussi
d’essence sociale, économique et morale. La médecine y représente une
seule composante.
Les années se sont succédé avec leurs lots de problèmes divers et de
nombreux drames vécus par des jeunes filles, des femmes et des enfants,
victimes de l’ignorance répandue et des traditions dominantes. Certaines
sont mortes suite à un avortement, des garçons après une circoncision, sans
compter les victimes d’un accouchement dans de mauvaises conditions, les
meurtres et les agressions dus à une perte de virginité réelle ou supposée,
auxquels on peut ajouter les décès psychologiques et sociaux après un
drame, ou autres. Comme elles sont nombreuses les causes qui condamnent
la femme à mourir psychologiquement et à mener une existence dans un
état de délabrement proche de la mort, celle-ci étant préférable dans
beaucoup de cas !
Mes nombreux voyages dans plusieurs pays m’ont beaucoup aidée à
cerner les conditions de la femme dans les diverses sociétés, qu’elles soient
développées ou sousdéveloppées, capitalistes ou socialistes.
J’ai pu également, à travers mes lectures scientifiques – autres que
médicales – historiques et littéraires, comprendre comment et pourquoi la
femme est victime des différentes entraves à sa liberté et à sa dignité.
Qui plus est, mon expérience en tant que femme me dote de la
connaissance des sensations profondes du sexe féminin. En effet, le monde
a besoin d’informations véridiques sur la femme, susceptibles de changer
les concepts erronés qui l’avaient définie et de réviser les idées qui ont
circulé à son égard dans le monde, lesquelles étaient exprimées dans la
plupart des cas par des hommes.
Par conséquent, ces idées n’exprimaient pas la réalité propre à la femme
mais étaient tout simplement un point de vue de l’homme sur la gent
féminine. Le fossé qui sépare la vérité du point de vue est par conséquent
assez profond.
LE CORPS DE LA FEMME
Il est certain que l’histoire de la mariée, par laquelle j’ai présenté mon
ouvrage, m’astreint à commencer ce chapitre par quelques informations et
vérités médicales anatomiques, propres aux organes génitaux de la femme,
informations ignorées et dont l’ignorance est génératrice d’un
obscurantisme et d’une oppression supérieurs à ceux générés par
l’incompréhension des autres organes, de n’importe quelle espèce vivante.
Commencer par définir les organes du corps de la femme ne signifie
nullement que l’ignorance de la constitution de son corps est plus répandue
ou plus dangereuse que la méconnaissance de sa constitution psychique ou
mentale.
Les conditions sociales ont depuis longtemps contraint la femme à être un
simple corps et ont mis aux oubliettes ses caractères mentaux et psychiques,
de sorte qu’avec le temps on a fini par ignorer qu’elle en dispose comme
son partenaire l’homme.
De ce fait, on sait que l’ignorance de la femme par l’homme ne signifie
pas seulement celle de la constitution du corps de sa partenaire, de ses
désirs, et des fonctions physiologiques du sexe. Cela implique aussi
l’ignorance de ce qui est plus important et plus dangereux. C’est la
compréhension humaine de la femme, d’un être humain qui lui ressemble
parfaitement.
Il est certain que ces interdits et ces contraintes imposées à la femme par
la société et plus particulièrement à ses organes reproducteurs (pour des
causes que je citerai par la suite) ont contribué à dénaturer le sens de la
relation sexuelle, assimilée dans les mentalités au péché, au délit et à la
souillure, et toute autre expression de bassesse susceptible de dissuader les
gens de parler du sexe, en ignorant beaucoup de choses sur la femme et la
sexualité.
L’ignorance ne signifie pas seulement l’absence d’informations ; la
propagation des connaissances erronées est, de ce fait, la pire des
ignorances. Ainsi, il est préférable que l’homme n’en possède aucune plutôt
qu’il dispose de fausses informations qui nuisent à son tempérament et à
son intelligence naturels.
Ainsi, les informations erronées sur le sexe et les organes génitaux se
sont répandues en raison des dissimulations et de l’aspect confidentiel qui
sous-tendent les informations véridiques, à l’instar des rumeurs qui
circulent dans le secret et que les gens se transmettent discrètement, au
moment où les vérités, d’une bouche à l’autre, tombent à l’eau les unes
après les autres.
Ainsi, bien que le corps de la femme eût un peu plus de chance que son
esprit et son psychisme et qu’il ne fût pas l’objet du rejet précité, la société
ne l’a pas laissé à l’état naturel.
L’idée erronée qui s’est répandue depuis longtemps, selon laquelle
l’homme est le maître de la femme, et que celle-ci n’est qu’un objet de
jouissance et un instrument de procréation, a permis à la société d’extirper
de son corps ce qui lui convient et de négliger ce que bon lui semble, de
manière à la réduire à un simple utérus qui engendre des enfants.
L’obscurité et la négligence se sont alors répandues sur les organes de la
femme qui ne jouent pas un rôle de procréation et de naissance. Certains de
ces organes se sont arrachés complètement du corps de la femme, surtout
les organes génitaux sensibles au plaisir sexuel.
Combien d’hommes ont vécu avec une femme pendant des années sur
des rapports sexuels fréquents, ont eu avec elle une dizaine d’enfants puis
sont morts sans se rendre compte que cette femme possède des organes
reproducteurs autres que le vagin, qu’ils ont connu à travers leurs rapports
sexuels, et l’utérus porteur de leurs enfants, et sans se rendre compte que
ces deux organes, qui ont servi à la fécondation, sont moins sensibles que
les autres au sexe, parce que leur rôle essentiel n’est pas le plaisir sexuel
mais la gestation et l’accouchement !
Il est certain que le « clitoris » (organe extérieur reproducteur de la
femme) est l’organe qui a le plus de chance d’être ignoré, méconnu et
négligé. Dans certains cas, la société lui porte un regard de haine et l’extirpe
au moyen d’un bistouri comme on le fait pour l’appendice.
En effet, le clitoris, dans le corps de la femme, n’est point un appendice
mais un organe essentiel, au moyen duquel la femme connait le plaisir
sexuel. Il se distingue (comme le pénis chez l’homme) par sa constitution
de tissus susceptibles de provoquer l’érection au moment de l’excitation
sexuelle et par un plus grand nombre de nerfs sensibles au plaisir érotique.
C’est lui qui conduit l’activité sexuelle du début jusqu’à la fin, et sans lui, la
femme n’aurait jamais atteint le summum de la jouissance qui coïncide avec
l’éjaculation, et par laquelle se termine le rapport sexuel.
Le clitoris ressemble au sexe de l’homme par sa forme, sa constitution, sa
forte sensibilité et son rôle important dans la sexualité. Ceci ne semble être
ni étonnant ni étrange, du moment qu’ils ont la même origine sexuelle et
que les cellules qui fabriquent le clitoris sont les mêmes que celles qui
créent le phallus. Mais ce qui se produit lors de l’évolution des gènes, c’est
que le clitoris chez la femme arrête son évolution dans une certaine phase,
et que le phallus la continue pendant une période plus longue.
Mais, alors que la société a décidé pour des raisons économiques que le
seul rôle de la femme est de procréer et de s’occuper de son mari, ainsi que
de ses enfants, sa privation du plaisir sexuel l’a trop préoccupée pour
pouvoir remplir le rôle qui lui a été assigné.
Il en a résulté que l’homme a ignoré et négligé le clitoris de la femme et
n’a connu que le vagin qui est son seul objet de jouissance.
En raison de cette ignorance, l’homme a imaginé que, du moment qu’il
atteint le sommet de la jouissance par la voie vaginale, il en sera de même
pour la femme. C’est son égoïsme qui l’a dissuadé de reconnaitre sa faute et
de découvrir la voie royale qui mène vers la jouissance de sa partenaire.
Certains hommes ont dû comprendre que le col de l’utérus (la partie
inférieure de l’utérus qui ferme l’ouverture supérieure du vagin) est la
membrane la plus sensible au plaisir chez la femme et se persuadent que le
sexe de l’homme, s’il touche ce col lors du rapport, déclenche le summum
de la jouissance sexuelle. D’où il suit la conviction que la taille du phallus
est un élément important dans la performance sexuelle et que l’homme le
plus puissant sexuellement est celui qui dispose du plus grand et du plus
long pénis, parce que cette longueur lui permet d’atteindre le col de
l’utérus.
Ces hommes ne réalisent pas que la taille de l’organe n’implique
nullement la performance sexuelle chez eux et que le col de l’utérus n’est
pas la membrane la plus sensible à la jouissance comme ils le croient ; au
contraire, il est le moins sensible au plaisir sexuel, à tout plaisir, à toute
douleur, fût-elle celle qui résulte d’une brûlure par le feu ou par le courant
électrique. La preuve en est que quand la femme est atteinte d’un ulcère du
col de l’utérus, et qu’elle consulte son médecin, il la soigne par une
cautérisation électrique du col de l’utérus sans avoir recours à une
quelconque drogue et sans qu’elle ressente la moindre douleur.
La nature a privé le col de l’utérus de toute sensibilité, afin que la femme
ne meure pas de douleur quand la tête du nouveau-né passe par l’ouverture
de ce col étroit ; on sait aussi que le col de l’utérus et le vagin construisent
le canal d’où nait l’enfant et que ces deux membranes doivent se dilater et
s’élargir pour que le nouveau-né puisse descendre sans douleur ou avec une
petite sensation de douleur supportée par une mère ordinaire. L’utérus et le
vagin sont conçus pour l’accouchement et non pour la jouissance sexuelle.
Mais l’homme ignore cela et se concentre dans son rapport sexuel avec la
femme sur le vagin et le col de l’utérus en négligeant le clitoris ; c’est l’une
des causes qui font que la majorité des femmes se marient, accouchent de
plusieurs enfants, puis meurent sans jamais atteindre le sommet de la
jouissance.
Parmi les informations erronées, l’homme a l’impression qu’il est le seul
à éjaculer quand il atteint la jouissance maximale, alors que la femme aussi
possède sa propre éjaculation lors du coït. Mais l’homme ne saisit pas ce
phénomène car la femme n’atteint que rarement le faîte du plaisir, quelle
que soit la durée du rapport, et l’une des causes en est que l’homme ignore
les organes sensibles de la femme et surtout le clitoris.
Les recherches entreprises dans Kinsey Reports (1953) ont montré que
100 % des hommes connaissent le sommet de la jouissance avant l’âge de
17 ans alors que 30 % seulement des femmes en font de même avant le
mariage, et que le summum du plaisir sexuel n’est pas véritablement connu
par les femmes avant l’âge de 35 ans et ce en raison de l’expérience, ou de
l’augmentation de la quantité de sang qui alimente les organes de la femme
après la grossesse, ou de son désir de venir à bout de ses problèmes
psychologiques etc.
Une enquête réalisée (1960) sur un échantillon de 540 femmes mariées a
mis au jour le fait que la plupart d’entre elles n’ont jamais connu d’orgasme
avec leurs maris et que cette relation conjugale n’a pas assouvi leur
appétence sexuelle, mais les a satisfaites moralement, en ce sens qu’elles se
sentaient proches de leurs partenaires et qu’elles étaient à leur service ; cette
satisfaction morale est une compensation au désir d’atteindre l’orgasme.
De la même façon, on a déduit de certaines recherches entreprises en
1964 que la femme ne concevait pas le sommet de la jouissance sexuelle
comme étant un élément important parmi les signes de sa féminité et qu’au
cas elle aurait atteint l’orgasme, celui-ci ne serait pas naturel mais plutôt
artificiel ou le résultat d’un entraînement.
Parmi les résultats auxquels sont parvenus Masters et Johnson, on peut
retenir ce qui suit :
1. En faisant abstraction des différences anatomiques, l’orgasme chez
l’homme et chez la femme est le même sur le plan physiologique. Dans les
deux cas, nous retrouvons les mêmes actions physiologiques telles que la
réaction et la réponse des muscles, tout autant que le flux du sang dans les
organes jusqu’à un certain degré ; l’orgasme est ainsi le produit des muscles
eux-mêmes chez l’homme et chez la femme.
2. Il n’y a pas d’orgasme proprement vaginal en l’absence d’un orgasme
clitoridien ; les deux constituent une seule unité anatomique. L’orgasme est
lié à un seul processus qui ne varie pas avec le type et le lieu de l’excitation
sexuelle.
3. Le clitoris joue un rôle important et fondamental dans l’orgasme de la
femme.
4. La femme est très sensible aux influences psychologiques, de sorte
qu’elle doit se débarrasser de ses complexes, de sa peur ou sa timidité, du
moment que toute dissipation réduit son degré émotionnel.
D’autres informations ont été rapportées dont les plus importantes sont :
1. Le clitoris est plus important et plus sensible au plaisir sexuel que le
tiers de la partie inférieure du vagin. De ce fait, la recherche de la
jouissance sexuelle à partir du vagin, en tant qu’organe de maturation
sexuelle et psychologique de la femme, n’est point naturelle.
2. Le vagin est constitué de deux parties. La partie supérieure, qui
représente les deux tiers du vagin, n’est point sensible et ne joue aucun rôle
dans la jouissance sexuelle. Quant à la deuxième partie et qui forme le tiers
inférieur restant, elle est sensible au sexe mais est d’une sensibilité moindre
que celle des lèvres de la vulve, celles-ci étant moins sensibles que le
clitoris.
On dit à ce sujet que les femmes qui s’imaginent pouvoir atteindre
l’orgasme par la seule voie vaginale, ignorent l’excitation qui a lieu au
niveau du clitoris et essaient par là de manifester leur « maturation
sexuelle ». Dans ce sens, il existe une idée psychologique erronée qui fait
croire à la femme que la maturation sexuelle signifie que le vagin est
l’origine du plaisir sexuel et que l’excitation du clitoris n’est que l’un des
désirs de l’enfant et de l’adolescent et non celui de la femme mûre.
La jouissance sexuelle chez la femme est unique ; il n’existe pas un
plaisirs strictement clitoridien, et un autre de type vaginal. Les organes de la
femme sont étroitement liés entre eux sans aucune rupture. Toutefois, cette
dissociation entre les deux types de jouissance a eu lieu artificiellement à
cause des idées de Freud et de la théorie de l’analyse psychologique, qui ont
considéré le clitoris chez la femme comme un organe masculin positif qui
s’est glissé par erreur dans le corps de la femme.
A cause de cela, les femmes ont de plus en plus tendance à préférer
l’excitation par voie vaginale pour des raisons psychologiques, et celle de
type clitoridien pour des raisons sexuelles.
Devant cette confusion et cette incompréhension, en raison également du
complexe psychologique, et de l’idée selon laquelle la jouissance sexuelle
est une tare et un péché, la plupart des femmes ne connaissent rien de
l’orgasme, et tout ce qu’elles ont appris du sexe c’est ce faible plaisir ou
l’autosatisfaction en rapport avec leur désir de satisfaire l’époux.
On décrit trois sortes d’orgasme chez la femme. Le genre bas, le genre
moyen et le genre élevé. Celui-ci est similaire à l’orgasme chez l’homme ;
la femme ne peut l’atteindre qu’après une expérience déterminée et après
qu’elle s’est débarrassée de ses complexes psychologiques, de sa peur et sa
honte, et qu’elle a répondu au plaisir par la voie naturelle. Si la femme avait
mené une vie naturelle dépourvue d’intimidation et de complexes depuis
son enfance, elle atteindrait l’orgasme facilement et naturellement d’égal à
égal avec l’homme.
L’insensibilité féminine à l’égard du sexe est appelée scientifiquement
frigidité ; c’est la maladie sexuelle et psychologique la plus répandue chez
les femmes. Je ne pense pas qu’il existe des statistiques scientifiques et
rigoureuses qui indiqueraient d’une manière ou d’une autre le taux des
femmes atteintes de frigidité, puisque elles-mêmes ignorent le sexe, la
jouissance sexuelle, l’orgasme, qu’il y a un plaisir dans le sexe et qu’elles
peuvent être frigides. Il est connu médicalement que la frigidité est
accompagnée, lors du rapport sexuel, d’une forte excitation vaginale ; cette
excitation a même lieu sans aucune influence directe sur les organes
génitaux de la femme pendant l’acte. La cause en est que beaucoup de
femmes souffrent de l’angoisse d’atteindre l’orgasme, cette angoisse étant
plus forte que son désir ou sa volonté d’y accéder.
Les complexes psychologiques et sexuels de l’homme se répercutent sur
la femme et il en résulte une frigidité. Les plus importants résident peut-être
dans la dissociation qu’il fait entre l’amour et le sexe, en ce sens qu’il désire
dans la plupart des cas la femme qu’il n’aime pas ; quant à l’autre femme, il
se trouve incapable de s’unir avec elle sexuellement, ou peut le faire à
condition qu’elle reste la jeune amante vierge et chaste, autrement dit une
femme frigide. Les épouses elles-mêmes pensent que la frigidité est une
caractéristique de la femme respectable, qui se vante d’être frigide. La
jouissance naturelle devient alors l’apanage des seules prostituées et
concubines. Beaucoup d’hommes se réjouissent de ce dédoublement de leur
personnalité et disposent chacun d’une épouse frigide quasi abandonnée et
d’une maîtresse désirée mais méprisée.
LE CONCEPT DE VIRGINITÉ
L’homme, quels que soient les attributs qu’il a hérités, reste dépendant de
ceux qu’il a acquis à travers le milieu environnant et l’éducation reçue, et
qui façonnent les caractères de sa personnalité et leur forme finale. Or,
l’être humain vit dans une société qui l’influence et qu’il influence, et la vie
est une interaction permanente entre l’homme et son milieu social.
Par cela, l’échange est le fondement même de la vie humaine dans la
société, depuis la naissance jusqu’à la mort. L’homme se distingue du reste
des animaux par sa capacité à dominer ses sentiments et ses choix. Cette
capacité s’épanouit à travers les différentes étapes de la vie. Ainsi, l’enfant,
dans la première phase de son existence, se trouve incapable de compter sur
soi, puis apprend par la suite à le faire. Autrement dit, il perd graduellement
son négativisme et sa dépendance vis-à-vis des autres pour acquérir le
caractère positif, la capacité de choisir et la liberté d’agir : c’est cela le sens
de l’épanouissement.
L’épanouissement ne signifie pas qu’il est exclusivement corporel.
Comme le corps de l’enfant s’épanouit, s’épanouissent également son
intelligence et son esprit et cela représente la tendance vers une plus grande
autonomie de la personnalité, la capacité de choisir, la liberté personnelle et
la responsabilité. Il est nécessaire et fondamental pour la libération de
l’homme des volontés d’autrui et de ses imitations.
Mais la société, dans ses différentes formes, et relativement à son style,
ses lois, et ses influences, inhibe la femme, et cette inhibition entrave son
épanouissement intellectuel et psychologique, bloque sa libération du
négativisme et du recours aux autres ; elle reste alors semblable à l’enfant
dans ses premières étapes du développement, sans autonomie, sans
positivité ni liberté d’initiative. Mais elle diffère de lui en ce que son
organisme n’est plus celui d’un enfant ; il est devenu un corps grand et mûr.
Ceci semble être la cause de ce qu’on voit des femmes grandes et mûres
par leur corps, mais se trouvant dans un stade d’immaturité quant à leur
esprit et leur raison ; ce sous-développement représente la principale cause
des perversions et des problèmes sociaux, psychologiques et sexuels.
L’immaturité est la cause principale de la plupart de ces problèmes, ceux
de la femme comme ceux de l’homme. L’homme, bien qu’il soit plus
chanceux que la femme dans sa liberté et les opportunités de sa maturation,
est exposé lui aussi à des contraintes sociales qui entravent son mûrissement
psychologique et intellectuel ; on doit également reconnaitre que la
ségrégation entre l’homme et la femme dans la société, et les fortes
contraintes subies par celle-ci, accentuent la sensation qu’elle a de son
négativisme, laquelle débouche sur une amplification de son
assujettissement et de son masochisme.
Le négativisme féminin n’est pas naturel ; il est plutôt le résultat des
contraintes de la société et ses entraves à l’épanouissement de la femme ; il
en est de même pour les autres caractères qui lui sont collés, ainsi qu’à sa
féminité, par la société, et qui ne sont point naturels mais étrangers à la
femme saine.
La fille nait libre puis apprend dès sa naissance comment elle devient une
femelle tout comme le garçon apprend comment il devient un mâle. Et
comme le dit « Margaret Meede », la jeune fille apprend à s’asseoir en
resserrant ses cuisses, à préserver sa virginité, à être pudique vis-à-vis de
son corps puis attend son rôle négatif de femme dans la vie. Quant au
garçon, il remue ses cuisses en toute liberté, se vante de son corps et accède
au monde des hommes d’une manière positive. Si la fille avait eu la
possibilité de recevoir l’éducation qu’acquiert le garçon, ces ségrégations
entre l’homme et la femme ou entre la masculinité et la féminité n’auraient
pas existé.
De son côté, Simone De Beauvoir a dit que les caractères de la féminité
sont le produit artificiel de l’état d’infériorité où la société met la femme.
Sur le même sujet, Kennith Walker a écrit dans son livre « le sexe et la
société » que la sensation qu’éprouve le mâle à l’égard de sa masculinité et
la femelle pour sa féminité, la signification de ces sensations, l’obligation
d’assouvir son désir sexuel, et les circonstances dans lesquelles se produit
cet assouvissement, tout cela est tributaire de la société qui les environne
avec ses traditions, ses contraintes, au foyer ou à l’école, plus qu’il ne l’est
de leurs traits de caractère hérités du père et de la mère.
Les psychologues traditionalistes, et à leur tête Freud, ont négligé le rôle
de la société et son influence sur la constitution de la vie sexuelle de
l’homme ; ils s’intéressaient à celui-ci dans son aspect intérieur plus qu’ils
ne le faisaient pour l’environnement extérieur ; avec cela, ils ont beaucoup
perdu, et il s’est confirmé que la théorie de Freud avait montré sa
déficience, laquelle théorie disait que ce qui commande notre
comportement conscient ce sont des mobiles de l’inconscient ; il s’est alors
avéré que tout changement dans la forme et le contenu de notre prise de
conscience n’est qu’une réaction ou une interaction pour transformer autour
de nous l’environnement, car les conflits qu’endure l’enfant et que Freud
avait attribués à la frustration sexuelle et la jalousie ne sont que le résultat
d’une interaction entre l’homme et les forces ainsi que les contraintes
sociales qui lui sont imposées.
On doit reconnaitre que Freud et ses adeptes s’étaient trompés dans leur
représentation de l’esprit de la femme, de ses désirs et sensations. Cette
erreur est sous-jacente au fait qu’ils n’ont pas pu évaluer les forces et les
contraintes sociales, et leur effet sur l’esprit de la femme, et que, également,
ils étaient des hommes, non des femmes.
Ainsi, la fille affronte depuis son enfance les contradictions de la société ;
c’est au moment où elle se méfie des hommes, craint le sexe et se voit
imposer la chasteté qu’elle se trouve incitée à être un objet de jouissance et
qu’elle apprend comment être un simple corps, et comment mettre ce corps
et ses parures à la disposition de l’homme pour l’attirer.
Il s’ensuit que cette contradiction se répercute sur la personnalité de la
femme sous une autre forme, contradictoire ; elle accepte l’homme et le
rejette à la fois. Elle dit non pour signifier oui. A cet égard, la société croit
que ce comportement reflète la nature de la femme et oublie que cette
contradiction lui a été imposée.
De ce fait, l’éducation que reçoit la fille chez elle ou au sein de la société
crée beaucoup de problèmes et de complexes psychologiques. Ainsi, elle
s’habitue tout le temps, depuis son enfance, à s’occuper de son corps, de ses
habits, de sa beauté, sans disposer du temps nécessaire pour accorder une
quelconque importance à ses études et au développement de ses capacités
intellectuelles et psychologiques ; elle supporte les difficultés esthétiques et
les souffrances de son embellissement et s’entraîne à camoufler sa nature et
sa réalité.
Combien de filles sont atteintes par l’angoisse et diverses maladies
psychologiques en raison de leur ardent désir d’assimiler les critères
objectifs de la beauté ! La fille sent alors que son avenir se détermine par
rapport à la longueur de son nez, la largeur de ses yeux et l’épaisseur de ses
lèvres. Et quand elle voit que son nez est plus long ou plus court que la
normale, elle vit dans une angoisse permanente ; elle a honte de son nez et
le cache parfois de sa main par un mouvement spontané ; elle imagine à tort
qu’elle doit dissimuler l’odeur naturelle de son corps ou que cette odeur
n’est pas parfumée comme elle doit l’être ; elle s’humecte alors de parfum
plusieurs fois par jour. Une autre constate que ses dents sont saillantes ou
plus grandes que la norme ; elle refuse alors de sourire ou de rire et si cela
se produit, elle contracte ses lèvres ou pose la main sur sa bouche.
On ne peut imaginer combien la jeune fille se soucie des futilités ; ainsi,
quelques millimètres de moins dans la longueur de ses cils posent un
problème aigu à l’une d’entre elles, quelques gouttes de pluie l’effraient
parce qu’elles altèrent son allure et son penchant pour un balancement sur
un talon long et de haute qualité ; de la même façon, certaines femmes ne
peuvent affronter les autres sans mettre sur leurs joues des poudres, des
ombres et des lignes.
Naturellement, il existe des jeunes filles qui se libèrent de cette angoisse
et des problèmes psychologiques propres à ces critères de beauté, mais elles
restent prisonnières du concept étriqué de la beauté, prisonnières de la
pensée que leur avenir c’est l’homme et le mariage, au moment où
l’élément masculin se prépare à l’avenir et participe à la construction de la
société.
Cette éducation amoindrit les ambitions de la fille qui se convainc que les
années de ses études et de son travail ne sont qu’un espace de temps qui
doit se terminer par un résultat positif dans la recherche d’un mari.
Il résulte de cette éducation que le mari devient la vie tout entière de son
épouse alors que celle-ci ne constitue qu’une partie de la vie de l’homme.
Et du moment que la femme s’était éduquée depuis son enfance dans le
reniement de son sexe et l’inhibition de ses désirs, elle se trouve
naturellement incapable d’assumer le rôle sexuel, qui lui échoit, avec
l’homme, et se voit taxée de frigidité, situation qui amène le mari à user de
son droit de répudiation ou à la garder chez lui comme servante, en se
permettant de jouir avec d’autres femmes.
La nature n’a pas fait de distinction entre l’homme et la femme, en ce
sens que chacun d’eux a un désir sexuel et une énergie qui doivent
s’orienter dans le bon sens. Parmi les particularités de cette énergie c’est
qu’elle nait puis disparait, nait puis disparait, et c’est ainsi que perdurent
l’énergie ou la force qui meuvent l’homme, tant qu’il vit.
Si par hasard l’être humain s’expose durant sa vie à des forces extérieures
qui inhibent cette énergie, celle-ci ne se perd ni ne s’inhibe au sens propre
du terme mais se dévie et s’oriente vers une direction autre que la direction
saine. C’est pour cela que l’énergie sexuelle de la femme se dévie en raison
des contraintes de la société et provoque chez les créatures féminines
beaucoup de maladies psychologiques et nerveuses. Ces douleurs intenses
dont souffre la femme pendant les règles et l’accouchement ne sont dues
qu’à la déviation de cette énergie de son cours naturel pour détruire l’esprit
de la femme.
Le psychisme de la femme se trouve défiguré et malade en raison des
effets de l’énergie brisée sur son esprit. Depuis la naissance jusqu’à la
vieillesse, elle apprend à renier le sexe et à étouffer sa curiosité pour le
savoir de sa propre personne aussi bien dans ses rapports sexuels que dans
ses autres relations ; quand arrive le temps où elle doit ressentir le plaisir du
sexe, elle se trouve dans un état d’impuissance, car le moule où elle était
placée était devenu si solide qu’elle vainquait son désir naturel et sa
curiosité.
La société, par ses contraintes sur la femme, veut qu’elle soit privée de
désir sexuel ou de sexe. De leur côté, les psychologues énoncent des
théories qui expliquent et justifient ce qui se passe dans la société. Ainsi,
Freud disait que la femelle est un mâle sans appareil reproducteur, et la
féminité une masculinité sans désir sexuel ou sans « libido ».
De leur côté, les moralistes et les juristes établissent des principes et des
lois qui contraignent la femme à adopter un comportement en conformité
avec la vision de la société à son égard et le rôle qui lui a été assigné.
Quant aux psychiatres, ils jouent un rôle actif dans l’application des
principes de la société et l’annulation des autres en rapport avec la
personnalité de la femme au nom de l’adaptation sociale.
L’éducation que reçoit l’enfant durant sa vie entrave son épanouissement
naturel ; il ne rate aucun instant pour s’affronter lui-même ou prendre une
décision autonome par rapport à la volonté des grands qui l’éduquent. Et
comme le dit David Cooper, l’éducation moderne apprend à l’enfant la
politesse et la soumission et détruit sa personne et sa personnalité.
Kenneth Walker exprime la même idée en affirmant : « Nous apprenons,
du berceau jusqu’au tombeau, à remplacer la valeur de notre personne par
l’acquiescement à la société et le développement de notre personnalité et
notre âme par l’adaptation morale ».
L’éducation que reçoit l’enfant dans notre société moderne est une série
continue d’interdits, de tares, de péchés inacceptables. Il se trouve alors
contraint d’inhiber ses désirs ; il se vide de sa substance et s’emplit de ceux
d’autrui. Il est alors certain que cette éducation soit une mort lente de l’âme
humaine, de sorte qu’il ne reste plus de l’homme qu’une carcasse externe
inerte ; c’est un homme qui a perdu sa vie, se comportant comme un ressort
manipulé par les autres.
Il n’est pas douteux que la part de cette éducation reçue par la fille est
beaucoup plus grande que celle du garçon, la part de son inhibition étant
bien supérieure à celle de ce dernier. De ce fait, l’écrasement de sa
personnalité est plus fort et pire.
En effet, au moment où l’on permet au garçon de sortir et de fréquenter
ses amis, on isole la fille chez elle dans l’intention de la protéger du danger
propre au monde extérieur. Elle ressent alors la peur des étrangers et
éprouve la sensation qu’elle peut être une proie à n’importe quel moment ;
elle se recroqueville alors à l’intérieur du foyer, un endroit sûr, ne sachant
pas que cette sécurité est un danger en elle-même, parce qu’elle l’isole de la
société et extirpe de jour en jour ses racines de la vie et de son expérience ;
c’est ainsi qu’elle meurt, alors qu’elle est toujours en vie.
Il existe tout de même beaucoup de filles qui luttent contre cette mort
lente.
Dans mon enfance, j’étais parmi ces filles qui luttaient et résistaient. Je
refusais de travailler à la maison et d’aider dans la cuisine ; je persistais à
fréquenter l’école. Je refusais de laisser pousser mes cheveux ou de
m’obliger à les tresser ou à mettre des rubans. Je ne comprenais pas
pourquoi ma mère s’intéressait à mes habits, à mes robes et m’en achetait
beaucoup, au moment où on refusait de m’acheter un livre pour ma lecture.
J’étais plus forte dans mes études que mon frère, et personne ne me
félicitait, personne ne manifestait la moindre joie, et quand j’échouais une
seule fois dans le perfectionnement de la cuisine on me faisait des
remontrances.
Les filles se différencient des garçons dans leur lutte contre les
discriminations artificielles, en fonction de leur personnalité et leurs
conditions de vie. Une fille se bat jusqu’à l’âge de la puberté et
brusquement, les règles apparaissent sans qu’elle s’y attende et provoquent
en elle un choc ; elle se soumet à son sort et pense que c’est la nature qui l’a
châtiée, comme elle l’entend autour d’elle. Une autre, plus ambitieuse et
plus confiante en soi, persévère dans sa lutte, au point de renier son corps,
inhiber ses désirs, et chanter sa victoire dans la vie en défiant les hommes.
Il est rare de tomber sur une fille qui vit naturellement sa vie en tant que
corps, esprit et cerveau, et qui satisfait ses désirs physiques, mentaux et
intellectuels sans que la société la contraigne à annuler l’un au détriment de
l’autre.
La société ne se sent pas capable de reconnaître que la femme peut briller
et exceller sans se métamorphoser en homme. Mais exceller et briller, pour
la société, est l’apanage des hommes seuls ; quand une femme montre
indéniablement son ingéniosité, la société le reconnait mais la
dépersonnalise en tant que femme et la range du côté de la masculinité.
Oh ! Combien de fois le mot « homme » me hanta chaque fois que je
réussissais dans mes études ou mon travail ! Quand je tenais ma parole ou
mes promesses, ils disaient : « C’est un homme », comme si la femme
n’avait pas de parole et ne pouvait tenir sa promesse. Si j’accélérais mes pas
ou je portais des chaussures plates, ils disaient : « C’est un homme »,
comme si la femme devait marcher lentement, nonchalamment, avec
indolence et relâchement sur un talon haut. Si je pratiquais un sport et
acquérais des muscles forts, ils disaient : « C’est un homme », comme si la
femme devait avoir des muscles faibles et un corps chétif, pouvait tomber
par terre au moindre souffle de l’homme et voir ses os se briser à la moindre
poignée de la main de l’homme.
Ce dernier concept dévoile la relation sadomasochiste qui caractérise la
plupart des rapports entre l’homme et la femme. Ainsi, c’est l’homme qui
est le sadique, qui conquiert, viole et casse, et c’est la femme, la
masochiste, qui subit la conquête, le viol et la casse ; l’homme est toujours
l’agent, la femme la patiente, le premier étant positif, la seconde négative.
La société oblige la femme à être la personne négative, masochiste, et
considère cela comme relevant de sa nature. Freud vient confirmer
scientifiquement la fonctionnalité de ce concept et attribuer à l’homme le
sadisme et à la femme le masochisme.
Lorsque j’eus atteint l’âge de 16 ans, je me suis trouvée dans l’internat
d’une école. J’ai alors su que ma famille avait peur que je prisse les
transports en commun, avait peur que je fusse victime de la mixité et de
l’exposition aux caprices et aux séductions des garçons. J’ai tout de suite
compris, grâce à l’éducation reçue, à la lecture des livres scolaires et de
morale, et à tous les commentaires, les avis et les comportements qui
m’environnaient, que le contact avec les jeunes hommes était le plus grand
défaut et le plus grand danger qui pussent détruire mon avenir et ma
réputation de jeune fille pudique.
Mais je sentais que je contenais en moi-même une énergie colossale qui
m’attirait vers l’autre sexe. J’entendais tous les jours, à la radio ces
chansons enflammées sur l’amour, ces appels et ces gémissements de
chanteuses à destination de leurs amants ; je devins de plus en plus ardente.
Je me culpabilisais et ressentais la hantise des remords ; quand je
dormais, je rêvais que j’étais dans les bras d’un homme inconnu. Ma
sensation d’avoir péché s’accentua avec la sensation d’avoir trouvé en cela
un plaisir.
Je ne me comprenais pas comme il le fallait. Mes comportements étaient
contradictoires. Alors que je m’enflammais au fond de moi-même,
j’apparaissais froide et glaciale. Je ne simulais pas la froideur. En réalité, je
n’aimais pas les jeunes hommes, je les détestais. Quant à ce jeune que je
voyais dans mes rêves, il était différent. Je ne saisissais pas la différence, il
leur ressemblait beaucoup. Mais je croyais qu’il était un homme différent
des autres et qu’il m’était destiné à moi seule. J’ai perdu plusieurs années
de ma vie à chercher cet homme et j’ai découvert tardivement qu’il était un
être imaginaire, introuvable, qu’il était simplement créé par mon
imagination romantique et que le véritable homme naturel était bien
meilleur.
Le romantisme est une maladie qui touche les jeunes filles en raison de la
grande contradiction dans laquelle elles vivent, de cette inhibition imposée
à leurs instincts, au moment où la société regorge de chansons romantiques
maladives, de littérature et d’arts romantiques morbides qui règnent encore
au 20e siècle.
La plus grande manifestation de la maladie romantique apparait chez la
jeune fille quand elle dissocie le corps de l’homme et l’homme lui-même.
C’est une espèce de schizophrénie attribuée par la jeune fille à l’homme
pour éviter le sentiment de culpabilité. En effet, conformément à
l’éducation et aux traditions en vogue, elle met en rapport le péché et le
contact avec le corps de l’homme, de sorte que le seul à convenir à son
inhibition est celui qu’elle invente par son imagination.
Quand elle grandit, elle vit une grande déception en découvrant une
réalité bien différente de la fiction ; elle est choquée de trouver chez
l’homme un corps, un organe reproducteur, une chair et du sang, de trouver
un homme qui crache, entre dans le cycle de l’eau et urine comme toute
personne ; elle ne reçoit pas le baiser de l’homme avec le même frisson que
celui qu’elle reçoit de son partenaire de rêve ou prince charmant. On pourra
imaginer à quel point la jeune fille vit malheureuse, au début de sa vie
conjugale, avec la déception de sa frigidité continuelle. Elle peut malgré
tout, si elle a la chance de tomber sur un homme mûr et conscient (ce qui
est très rare), guérir de la maladie du romantisme et commencer à jouir de
sa vie naturelle après de longues années.
Germaine Greer a décrit cette situation dans son livre « la castration de la
femelle » : « Comme la plupart des filles, je rêvais de mon prince charmant
qui me porterait sur un cheval blanc et me réveillerait par ce baiser magique
que j’ai vu à travers les récits littéraires les plus connus. Mais, quand, par la
suite, j’ai reçu le premier, le second et d’autres baisers et que je n’ai pas
obtenu les résultats souhaités, je ressentis une grande déception ; ce n’est
que plusieurs années après, quand j’eus atteins le summum de la jouissance
(l’orgasme) que je connus, par surprise, le sens de ce baiser magique décrit
dans mes lectures ».
L’énergie sexuelle chez l’être humain, qu’il soit homme ou femme, est
une énergie gigantesque et puissante, et elle exprime mieux que toute autre
les lacunes de l’homme et son désir de perfection. L’atmosphère sexuelle
nait d’un désir du corps, du cerveau et de l’esprit dans la recherche de ce
qui satisfasse tous leurs besoins. Cet instinct fort est capable de stimuler
toutes les facultés de l’homme relatives à l’imagination et la création. Et
comme le mentionne Nietzsche, l’énergie sexuelle chez l’homme s’étend,
de par sa nature, jusqu’au plus haut sommet de l’existence de l’homme, de
son esprit et de son âme.
Et du moment que l’énergie, quand elle s’inhibe, ne se perd ni ne s’égare
mais se dévie par rapport à son itinéraire naturel pour prendre une autre
direction, l’énergie sexuelle inhibée chez la fille se dévie aussi dans une
direction qui n’est pas celle de l’homme.
Beaucoup de savants ont commencé dernièrement à reconnaitre l’erreur
des statistiques d’Alfred Kinsey, qui estimait que 93 % des garçons se
masturbaient contre 62 % seulement de filles qui le faisaient, une fois au
minimum. De la même façon, beaucoup de concepts scientifiques sur la
masturbation, féminine et masculine, qui étaient en vogue, s’avéraient faux.
Tout être humain, qu’il soit homme ou femme, passe par l’un des stades de
sa vie en trouvant un plaisir sain et naturel au moment où il touche ses
organes reproducteurs et les caresse, jusqu’à atteindre l’orgasme. On peut
dire alors que la plupart des garçons et des filles se masturbent pendant une
période de leur vie, puis s’en abstiennent en passant à une étape plus mûre,
qui est celle de chercher ce plaisir avec l’autre sexe.
Certains psychologues sont convaincus que la masturbation chez le
garçon et la fille pendant cette période limitée est un acte salutaire pour la
maturité et la découverte du plaisir sexuel et son expérience. Ils se sont
alors persuadés que les informations théoriques sur la jouissance sexuelle
diffèrent de la pratique.
Lors d’une rencontre avec un médecin, professeur à la faculté de
médecine de Berlin, directeur éditorial de la revue « Ta santé » en
Allemagne de l’Est et responsable des réponses aux questions des lecteurs
et des lectrices de cette revue, il m’a dit : « Quand une jeune fille m’envoie
une lettre me disant qu’elle se masturbe, et qu’elle ressent un péché et de la
peur, je lui explique qu’au contraire, la masturbation, pendant une période
limitée, est bénéfique pour elle, lui permet de mûrir rapidement, de
comprendre ce qu’est le plaisir sexuel et de ne trouver aucune difficulté
pour atteindre l’orgasme avec l’homme qu’elle choisit ». Il a expliqué aussi
que parmi les causes qui empêchent la plupart des femmes d’atteindre
l’orgasme avec leurs maris c’est qu’elles ne sont pas passées par toutes les
étapes de la maturation sexuelle, parmi lesquelles celle de la masturbation,
en raison des préjugés et des concepts dénaturés attribués à cet acte et qui
ont incité beaucoup de filles (et de garçons aussi) à s’en éloigner. Il suffit
qu’elle ait été désignée par le terme « l’habitude secrète » (en arabe) pour
qu’elle soit vue comme un vice et comme une maladie sexuelle. Cette étape
peut être considérée comme saine pendant l’adolescence, quand elle n’est
pas accompagnée par un sentiment de péché et de peur, car elle aide la fille
ou le garçon à découvrir le plaisir du sexe et affaiblir la tension sexuelle.
Cela ne signifie pas, comme le souligne ce professeur à la faculté de
médecine de Berlin, que la fille doit abuser de cette pratique, car cet excès
présente de nombreux aspects négatifs, parmi lesquels le fait que la jeune
fille n’atteint pas rapidement le stade de la maturité ultérieure pour
accomplir l’acte sexuel avec l’homme, comme elle sent, quand elle y
accède (et cela arrive tardivement), que sa relation avec son partenaire ne la
satisfait pas autant qu’elle s’y était habituée lors de la masturbation. Il est,
de ce fait, certain que les sociétés qui imposent des contraintes à la femme
et la brouillent avec l’homme, encouragent ses filles à user excessivement
de la masturbation, lesquelles se trouvent, en conséquence, privées d’une
maturité naturelle, et atteintes, pour la plupart, dans leur vie conjugale, par
une frigidité ou impuissance sexuelle.
J’ai découvert, lorsque j’ai relu mes anciens mémoires, écrits quand
j’étais interne dans l’établissement « Helwanschool for girls »
d’enseignement secondaire, que durant les cinq années passées dans cette
institution, j’ai vécu un amour fantastique et violent qui a dominé tous mes
sentiments. L’amant n’était autre que « Miss Sonia », notre enseignante de
langue anglaise. Je versais des larmes amères quand elle disparaissait, ne
me souriait pas ou ne me disait pas bonjour. Je sautais de joie jusqu’à
atteindre le plafond ou presque quand elle me complaisait une fois pendant
la séance et m’autorisait à être la première à lire la leçon. Une fois, j’ai
veillé jusqu’à l’aube pour lui écrire une longue lettre de reproche parce
qu’un jour, je m’étais absentée pendant une séance sans qu’elle m’eût
demandé le motif de mon absence.
Je n’étais pas la seule fille à avoir aimé son enseignante ; toutes les autres
filles de la classe aimaient certaines d’entre elles, chacune selon son goût et
son choix. Que de conflits s’étaient produits entre les filles en raison de
l’émulation concernant l’amour d’une seule enseignante.
Les psychologues disent que ce type d’attirance et d’attachement envers
le même sexe, qui concerne aussi bien les garçons que les filles, est naturel
pendant une période déterminée de l’épanouissement humain et de la
maturité sexuelle, et qu’il ne peut être considéré comme une inversion
sexuelle.
La véritable inversion est que l’homme demeure figé dans ce stade sans
passer au stade de maturité suivant qui le porte à apprécier l’autre sexe et
trouver avec lui la jouissance qu’il cherchait.
Mais les contraintes de la société et les interdits qui frappent la jeune fille
quant à ses relations avec l’homme l’encouragent à voir ses sentiments se
figer lors de cette phase ; ses relations avec les autres femmes deviennent
alors différentes de ces relations amoureuses passagères et ne sont plus que
des relations organiques sexuelles qui substituent à l’homme la femme avec
une jouissance strictement homosexuelle.
Et du moment que la femme est plus exposée aux contraintes de la
société que l’homme, elle se trouve plus facilement victime de l’inversion
sexuelle. Mais les statistiques et les recherches scientifiques ne confirment
pas cette donnée parce que la plupart sont au service de l’homme et portent
sur les déviations ou les déficiences qui le touchent. Quant à la femme, les
savants ne sont point enthousiasmés pour entreprendre des études sur les
causes de ses diverses perversions, des déficiences et de la frigidité
auxquelles elle est fréquemment exposée.
La cause est dans ce cas assez claire. En effet, le rôle de la femme, de
l’avis de la société, se centre sur la procréation ; et du moment que la
frigidité de la femme ne l’empêche pas de procréer, la société n’accorde
aucune importance à cette froideur et lui oppose une froideur plus forte.
La procréation est ce qui intéresse le plus la société, pour son influence
directe sur les intérêts économiques de l’homme. La preuve en est ce qui se
produit dans le cas de la limitation des naissances ou de leur extension.
Quand la société souffre d’un sous-peuplement et, par conséquent, d’une
insuffisance de la main-d’œuvre nécessaire pour la production, elle fournit
tous les efforts pour la découverte des moyens susceptibles d’accroître la
fertilité et de venir à bout des agents provocateurs de la stérilité féminine ;
mais quand la main-d’œuvre dépasse les besoins de la production et que la
société se trouve menacée économiquement par la croissance de la
population, elle concentre ses efforts pour la découverte des moyens de
contraception et de stérilisation des femmes.
Mais que la plupart des femmes ne ressentent aucun plaisir sexuel durant
leur vie conjugale n’intéresse en rien la société.
La femme a recouvré certains de ses droits dans les pays développés ;
c’est pourquoi les recherches des dernières années commençaient à
s’orienter vers les causes de la frigidité chez la femme, des inversions
sexuelles ou autres déviations auxquelles elle est exposée. Il est possible
que cela nous explique la cause de l’expansion de l’inversion sexuelle
parmi les femmes. La vérité est que cette progression n’est pas due à la
liberté acquise par la femme mais aux progrès accomplis par les recherches
qui portaient sur la femme ; en effet, cette liberté recouvrée graduellement
par les femmes contribue indubitablement à vaincre l’inhibition qu’elles
endurent et en même temps à vaincre toutes sortes de maladies et de
déviations, parmi lesquelles l’inversion sexuelle.
A cet égard, les spécialistes négligeaient dans leurs recherches sur les
causes de l’inversion sexuelle chez l’homme le rôle de la société et ses
contraintes, pour ne s’intéresser qu’aux causes biologiques de l’inversion.
Leurs découvertes dans ce domaine d’activité est que la baisse du taux de
l’hormone masculin dans le sang (en raison de l’inertie de certaines cellules
qui n’« assimilent » pas l’existence des testicules) influe sur un centre du
cerveau responsable des relations sexuelles, ce qui implique que l’homme a
un penchant homosexuel.
Et du moment qu’il n’existe rien chez l’homme qui puisse être expliqué
uniquement par référence à la biologie, toute conclusion ne prenant pas en
considération les diverses questions sociologiques aboutit à une recherche
individuelle. Il est préférable pour les chercheurs, dans un souci d’économie
de l’effort, du temps et de l’argent, qu’ils fassent des recherches, au sein de
la société, sur les causes de l’inversion plus qu’ils ne le font dans les
cellules de l’homme. Le sexe n’est pas une fonction involontaire autonome
par rapport à l’environnement, et l’inversion sexuelle, comme la carence
sexuelle, est l’une des manifestations d’un arrêt de l’épanouissement de la
personnalité, à cause des contraintes de la société.
A cet égard, des recherches et des rapports ont prouvé que les cas
d’inversion sexuelle entre les mâles n’existent pratiquement pas dans les
établissements mixtes où les garçons et les filles cohabitent ; on a aussi
constaté un accroissement de ces cas dans les prisons et les centres de
détention, chez les soldats et dans les internats des établissements scolaires,
autrement dit dans tous les lieux qui séparent les hommes des femmes.
Ce constat est naturel et n’est point étrange, car l’énergie sexuelle chez
l’homme est forte ; elle ne se perd ni ne se gaspille ; elle doit passer par un
chemin pour retourner et naître à nouveau. Si elle trouve la voie naturelle
obstruée, elle dévie vers une autre. Si l’homme ne trouve pas le sexe
opposé, il s’oriente vers le même sexe ; s’il ne le trouve pas en raison de
son isolement, il se substitue aux autres et pratique la masturbation. Dans le
cas d’une privation extrême, il a recours aux animaux et plus précisément à
la campagne où les animaux habitent dans la même chambre que l’homme
et dans le cas des vieilles veuves quand la femme ne trouve rien d’autre que
son cher chien fidèle.
L’homme, si nombreuses que soient ses qualités héritées, celles qu’il
acquiert de son milieu environnant et à partir de son éducation sont les
seules qui constituent ses qualités personnelles et les formes finales de
celles-ci. Pour cela, il est nécessaire de saisir l’importance de l’éducation
véridique depuis l’enfance. De ce fait, la génétique moderne a confirmé que
les qualités acquises à partir de son éducation se transmettent d’une
génération à l’autre et que l’être humain, grâce à cette éducation saine qu’il
aurait reçue depuis son enfance, peut acquérir de belles qualités physiques,
psychologiques et sociales, et les transmettre à ses enfants. Et comme le
souligne le généticien russe Mitchourine, on peut intervenir dans
l’amélioration du genre humain et ses patrimoines, et créer sans
discontinuer des générations meilleures. On ne doit donc pas attendre des
bienfaits de la nature ; il nous incombe plutôt de les arracher et d’inciter
l’homme à opérer un changement meilleur.
LA NATURE EST INNOCENTE
Les véritables causes qui ont incité la société à établir ces différences
colossales entre l’homme et la femme ne sont plus méconnues de ceux qui
lisent l’histoire et étudient le mécanisme des développements sociaux-
économiques à travers les diverses époques de l’humanité, depuis la
naissance de l’homme jusqu’à nos jours.
Mon but n’est point de les énumérer et de les analyser du début jusqu’à la
fin ; je me contenterai d’exposer certaines vérités qui dévoilent ces causes
et qui montrent que c’est la société qui les a inventées, et qu’elles ne sont
point d’ordre naturel.
A l’époque de la chasse et celles de la préhistoire, l’homme primitif se
déplaçait d’un endroit à un autre pour subvenir à ses besoins ; les hommes
et les femmes vivaient ensemble et se mariaient entre eux ; quand les
enfants naissaient, ils devenaient des membres de la tribu ou du clan,
abstraction faite de leurs relations avec le père ou la mère. Les frères et les
sœurs n’avaient pas un seul père ou une seule mère. Ils étaient les enfants
de la tribu sans aucune distinction. La femme épousait plusieurs hommes et
l’homme plusieurs femmes ; on a surnommé ce type de relations multiples
le mariage collectif.
En effet, certains chercheurs, spécialistes de l’ère préhistorique, sont
parvenus à pénétrer ce monde des relations collectives, qui les indignaient,
du fait qu’ils avaient cru cette société de l’homme primitif sauvage et peu
civilisée. Mais l’un d’eux, plus courageux et plus sincère, a pu décrire ces
relations sexuelles ; de son côté, « Friedrich Engels » explique dans son
ouvrage « Origine de la famille » comment a évolué la relation
matrimoniale pendant la préhistoire et que la multiplicité des relations
conjugales ne signifie pas une dégradation de l’homme primitif, comme le
mariage unique n’implique pas la grandeur de l’homme moderne. A ce
sujet, Engels écrit : « Si l’unicité dans le mariage représentait l’apogée des
vertus, l’être vivant le plus vertueux serait à coup sûr le ténia dont chaque
partie du corps (parties qui varient entre 50 et 200) comprend deux organes,
un mâle et une femelle ». On sait également qu’il n’existe aucune relation,
chez les mammifères, entre le degré d’intelligence et le type de relation
sexuelle.
On a pu découvrir par la suite l’ordre maternel qui régnait pendant les
périodes primitives et berbères. Dans ces familles collectives, il n’était pas
facile d’identifier le père mais la mère était connue parce qu’elle donnait
naissance aux enfants ; c’est pourquoi ceux-ci relevaient de la filiation
maternelle, et la mère était le nerf de la famille.
La femme assumait les principales tâches de la vie quotidienne et était
d’un niveau hiérarchique supérieur à celui de l’homme ; c’est pourquoi la
tribu la respectait beaucoup.
Plus tard, l’homme connut l’élevage du bétail et ne possédait que sa
maison, ses habits, son matériel culinaire, ses canots de pêche et ses outils
esthétiques ; il ne produisait que son repas. Mais l’élevage du bétail et des
moutons, certains travaux miniers primaires, le textile puis la culture ont
augmenté sa production devenue supérieure à ses besoins ; il accumula des
richesses et devint propriétaire de sa terre.
Et puisque la procréation de l’homme n’était pas aussi rapide que celle du
bétail, le propriétaire primitif commença à ressentir qu’il avait besoin
d’autres personnes qui pussent l’aider dans la culture et l’élevage. Il
commença ainsi à conquérir d’autres tribus et faire des prisonniers pour les
conduire chez lui et les employer comme des esclaves et des travailleurs.
Le propriétaire primitif n’avait pas pu permettre à ses enfants d’hériter de
sa terre parce que ces derniers étaient les descendants légitimes de leurs
mères et que la terre était attribuée aux proches de la mère conformément à
la relation de sang.
Quand la productivité augmenta avec une accumulation de richesses et de
propriétés, l’homme imposa de plus en plus sa domination et soutira à la
mère son droit initial pour attribuer la filiation paternelle et l’héritage de sa
terre à ses enfants.
Engels a bien dit que la perte de la filiation chez la mère était un grand
échec historique pour la femme. L’homme avait aussi dominé son foyer et
la femme était devenue son esclave, au service du désir paternel et de la
procréation ; il s’est aussi permis de la tuer comme on tuait son esclave.
Le système s’est développé de plus en plus au bénéfice de l’homme bien
entendu ; celui-ci a contraint la femme à être en sa seule possession afin que
ses enfants ne fussent pas confondus avec ceux des autres, et s’est même
offert le droit de la multiplicité des épouses et des concubines, de sorte que
l’unicité conjugale était appliquée à la femme seule.
C’est à partir de cette période qu’apparaissaient les valeurs morales qui
condamnaient la femme à la chasteté et à l’unicité conjugale et accordaient
à l’homme la liberté de contact avec les partenaires qu’il désirait et la
polygamie. La femme dut alors se soumettre aux lois qui lui retiraient la
filiation maternelle si le père ne la reconnaissait pas. L’homme retira
également à la mère son droit au fœtus qui se développait en son sein et se
l’octroyait, lui attribuant un nom qui lui permettait de devenir un enfant
légitime ayant droit à l’héritage et méritant de vivre dans la société, ou le
reniant sans lui accorder son nom de famille, auquel cas l’enfant n’était plus
légitime, mais condamné par la société à la mort, ainsi que sa mère, ou à
une vie d’humiliation qui équivalait à la mort.
La société occultait les mobiles économiques exploitants, qui sont nés
avec l’apparition de la propriété privée, en imposant la chasteté à la femme,
et non à l’homme, et mettait en avant des mobiles moraux. Mais les vérités
historiques et scientifiques prouvaient, dans chaque étape du
développement de la société, que les valeurs morales et les lois obéissaient
à des nécessités économiques. Preuve en est les changements qui ont eu lieu
sur les relations entre l’homme et la femme quand la société est passée de
l’agriculture à l’industrialisation et de l’industrialisation à la technologie et
l’équipement moderne. Il en est de même pour les relations entre l’homme
et la femme, dans certains pays, quand la société est passée du capitalisme
au socialisme.
Pendant les premières périodes de l’industrialisation, la société était
pauvre et subissait les mauvais effets de la forte diminution du niveau de
vie des gens ; la naissance des enfants hors mariage menaçait également la
société économiquement. Dans cet état de fait, la femme ne travaillait pas et
ne subvenait pas à ses besoins ; elle dépendait de l’homme ; ainsi, les
contraintes morales devenaient plus dures chez la femme, amenant une
interdiction de la relation sexuelle en dehors du mariage et dénonçant les
enfants illégitimes.
Avec la reprise économique liée au développement industriel,
l’augmentation des richesses, l’élévation du niveau économique et culturel
des gens, et partant la forte diminution de la natalité, la société commença à
souffrir du sous-peuplement conséquent ; elle toléra la naissance des enfants
sous toutes ses formes, qu’elle eût lieu lors des mariages ou en dehors des
mariages.
C’est cela qui se produit actuellement dans certains pays développés
comme la Suède ; le développement industriel a, de ce fait, généré une
augmentation sans précédent des richesses, comme la civilisation, le
progrès culturel et l’accès de la femme au marché du travail ont eu comme
conséquence une baisse sensible des naissances. Par ailleurs, en raison de
l’augmentation continue des richesses et la baisse incessante de la main-
d’œuvre et de la population, la société suédoise, à titre d’exemple, s’est vue
obligée d’offrir des récompenses à toute mère qui donnait naissance à un
enfant, qu’elle fût mariée ou pas. De ce fait, la mère célibataire bénéficiait,
pour son enfant, d’une gratification de la société, au lieu de la sanction
imposée dans le passé, et faisait jouir l’enfant illégitime de tous les droits
dont jouissait l’enfant légitime.
Il existe un autre facteur économique, qui est l’accès de la femme au
travail en dehors de son foyer ; la société ne lui avait pas permis de jouer ce
nouveau rôle, qu’elle lui a ensuite imposé en raison uniquement d’une
nécessité économique née de l’industrialisation. Par la force des choses, la
société avait un immense besoin de la main-d’œuvre et spécialement
pendant les périodes de guerres, quand les conflits armés absorbaient
beaucoup celle de l’homme ; la société fut alors contrainte de demander de
l’aide aux femmes et même aux enfants. Mais, ces dernières, naturellement,
ne bénéficiaient pas, dans cette société exploitante, de l’égalité avec les
hommes, relativement aux salaires et aux autres droits du travail ; mais elles
se sont libérées de leur enfermement dans le foyer et de leur dépendance à
l’égard des hommes, qui subvenaient à leurs besoins ; la femme se trouvait
alors capable de subvenir aux besoins de son enfant, que l’homme le
reconnût ou pas. De là, elle a pu obtenir, dans plusieurs pays industrialisés,
son ancien droit naturel de léguer son nom à son enfant. Ces sociétés ne
faisaient plus la différence entre les enfants qui portaient le nom de la mère
et ceux qui portaient celui du père dans une relation conjugale ou
extraconjugale. Dans certains pays, l’enfant portait les deux noms en même
temps et, plus tard, il choisissait celui qu’il préfère. Certaines personnes
s’étonnent quand elles découvrent que les valeurs morales varient et
changent en fonction des nécessités économiques ; parfois, elles sont même
surprises quand elles comprennent que les vérités scientifiques elles-mêmes
changent en fonction du changement socio-économique. Il n’est donc pas
étrange que des théories et des vérités sur les sciences en rapport avec
l’ordre social, comme les sciences juridiques, sociales ou économiques
soient modifiées ; mais que des vérités et des théories scientifiques liées à
des disciplines comme la médecine ou la psychologie changent, cela
signifie que la science, dans les sociétés exploitantes, est exploitée elle-
même et que les savants deviennent, à l’instar des juristes et du corps
policier, l’un des jouets du pouvoir.
Certains psychologues ont, par ailleurs, découvert récemment que
beaucoup de vérités et de théories diffusées dans la société capitaliste, et à
sa tête Sigmund Freud, étaient erronées. Un exemple parmi d’autres est
celui de la « sublimation », une terminologie mise au point par Freud pour
l’opération de l’orientation énergétique sexuelle chez l’homme vers des
actes non sexuels dans la société.
Les nouveaux psychologues estiment que le concept de « sublimation »
résulte des impératifs économiques qui ont caractérisé la société capitaliste
au début de l’ère d’industrialisation, lors de son passage de l’agriculture à
l’industrie. La société, à cette époque, avait des potentialités limitées, quand
l’industrie se fondait non sur le machinisme mais sur l’effort physique de
l’homme ; c’est pour cela qu’elle avait grandement besoin de la sueur des
travailleurs et leurs efforts, nuits et jours. La société ne pouvait alors
concrétiser cela que par la force, au moyen de la servitude matérielle ou
sociale mais aussi en faisant du travail et de l’industrie une nécessité morale
qui se basait sur la création de valeurs du même type, glorifiant le travail et
le considérant comme étant sacré et non seulement comme une simple
tâche.
Il en résulte que l’accumulation du capital lors de la première crise du
capitalisme était accompagnée d’un ensemble de valeurs morales
s’appuyant sur la chasteté, la purification, le refus des plaisirs de la vie et la
droiture sous toutes ses formes ; elles étaient appelées des valeurs puritaines
(ou d’une pureté grandiose).
Ces valeurs puritaines sont apparues en Angleterre et dans d’autres pays
sous la forme d’une morale protestante fanatique.
A l’époque, les psychologues, et à leur tête Freud, avaient transmis aux
gens ce concept qu’ils avaient appelé « la sublimation », et dont le
fondement est que l’homme qui inhibait son instinct sexuel et le canalisait
vers des actes étrangers, sublimait cet instinct ; autrement dit, il le dirigeait
vers des actes, ayant plus de valeur et plus de grandeur.
Quand la société eut atteint un haut niveau d’industrialisation, quand le
niveau de vie eut augmenté et que les heures de travail eurent diminué,
quand le travail ne s’appuyait plus sur la force physique de l’homme et que
la force humaine était devenue plus coûteuse, quand le progrès
technologique et le développement économique eurent nécessité davantage
l’utilisation des machines et du matériel, à ce moment-là, les valeurs
morales puritaines et leurs équivalents ont disparu. Il était donc devenu
naturel pour une société de consommation de ne plus glorifier l’interdiction
des plaisirs de la vie, l’épargne, la sublimation et d’autres valeurs qui
limitait la consommation de l’individu.
Au lieu de tout cela, la société était devenue dans l’obligation d’inventer
pour elle d’autres valeurs morales en rapport avec la satisfaction des désirs
de l’homme et de ses besoins ; elle a même créé chez lui des besoins
nouveaux et une glorification du sens de la dépense et de la jouissance
existentielle.
Il n’est pas douteux, dans ce sens, que le dernier changement qui a eu lieu
sur la vision que portent les pays capitalistes développés sur les valeurs
morales, et sur l’orientation de ces pays vers l’élimination des tabous
traditionnels relatifs à la relation entre l’homme et la femme et vers la
libération du sexe de ses anciennes contraintes, ne s’est réalisé qu’en
fonction du changement des moyens d’accumulation du capital.
La « sublimation » et l’orientation de l’énergie sexuelle vers des actions
nouvelles ne sont plus nécessaires comme elles l’étaient auparavant, du
moment que la satisfaction du désir sexuel n’a plus aucun effet sur la
productivité comme elle l’avait été dans une société non mécanisée.
Certains savants affirment que, en sus de ce qui avait été dit, la liberté
sexuelle était devenue nécessaire pour protéger la société capitaliste contre
la subversion et la révolution. Ainsi, il a résulté de l’avancée technologique
et mécanique une diminution de la quantité d’effort et du temps que
l’homme consacrait au travail ; avec l’augmentation des loisirs chez
l’homme, les esprits commençaient à constater les aspects négatifs du
système capitaliste et les manifestations de l’inégalité et de l’injustice dont
pâtissent les classes démunies dans la société. De ce fait, les capitalistes ont
préféré canaliser cette énergie vers le sexe, de peur qu’elle ne s’accroisse et
devienne une force de subversion et de révolte contre la société établie.
Malgré tout, cette situation n’implique pas seulement une liberté sexuelle
accrue ; ainsi, l’intérêt peut également évoluer, dans cette société de
consommation, vers la création factice de certains besoins chez l’homme
pour acheter des produits et d’en être le propriétaire ; ces acquisitions
deviennent artificielles quand l’homme s’astreint à acheter des choses dont
il n’a pas besoin mais qu’il veut posséder tout simplement.
Les sociétés capitalistes diffèrent quant au style qu’elles utilisent pour se
libérer de la morale puritaine selon les différentes traditions héritées. Les
sociétés, suédoise et danoise, à titre d’exemple, ont hérité des traditions
fortes qui interdisaient le crime et la violence alors que celles qui
interdisaient le sexe sont moins fortes. L’inverse est valable aux Etats-Unis
d’Amérique où la société a hérité (à cause d’un grand nombre de guerres
civiles et de conflits raciaux) de traditions qui permettaient l’agression et la
violence et les rendaient plus acceptables par la société que l’émancipation
sexuelle. C’est pourquoi la société américaine est devenue plus permissive à
l’égard de la violence et du crime qu’elle ne l’est vis-à-vis de la liberté
sexuelle.
Quand j’étais à New York en 1966, j’ai failli être assassinée au milieu du
jour sur la place de Washington par des balles perdues qui venaient d’une
longue voiture élégante occupée par des jeunes.
En raison des nombreux crimes et de leur extension, les autorités de la
ville de New York ont renforcé (au cours de l’année que j’avais passée dans
cette ville) le dispositif de sécurité, surtout dans les trains souterrains ; pour
ce faire, il y avait dans chaque wagon un policier au moins. Mes amies
américaines me conseillaient aussi de ne pas sortir la nuit.
J’ai également séjourné en Suède et au Danemark en 1971 ; je descendais
parfois de ma chambre d’hôtel à minuit pour aller me balader dans les
avenues de Stockholmou de Copenhague, calmes et sécurisés, désertes, à
l’exception de la présence certains amoureux.
J’ai pu naturellement voir de mes propres yeux le degré de liberté
sexuelle que permet la société suédoise et danoise à ses citoyens, hommes
et femmes, et être au courant de certaines recherches entreprises au cours
des années passées en Suède, qui prouvaient que 97 % des maris et des
épouses avaient déjà pratiqué l’acte sexuel avant le mariage et que 2 %
seulement des hommes et des femmes ne l’avaient pas fait. Les jeunes des
deux sexes sont ainsi devenus de plus en plus enclins à rejeter l’idée d’un
mariage avec un contrat écrit.
Dans ces pays, il n’existe plus de différence entre l’homme et la femme
au niveau de la liberté sexuelle ; et de même qu’il pratiquait le sexe quand il
le voulait en choisissant la partenaire qu’il voulait, elle en faisait autant.
Ainsi, les valeurs morales qui considéraient l’acte sexuel sans contrat de
mariage comme une faute et un péché ne sont plus de mise. Sur le même
sujet, on avait entre autres souligné que « l’égalité entre l’homme et la
femme sur le plan économique et politique impose aussi une égalité morale.
Ainsi, le résultat le plus logique en est que la moralité de la femme, dans
l’avenir, deviendra la même que celle de l’homme victorien chrétien
respectable. Cela implique naturellement la décadence de la moralité
chrétienne ».
Il n’est pas douteux que l’autonomie économique de la femme, qui
résulte de son travail à l’extérieur du foyer, est le facteur fondamental de
l’égalité de la femme avec l’homme dans ses droits et ses devoirs, parmi
lesquels le droit à la liberté sexuelle. Il existe, certes, un autre facteur qui a
joué aussi le même rôle ; c’est celui de la découverte des moyens
contraceptifs. Ainsi, la relation sexuelle ne peut plus aboutir à la naissance
d’un enfant sans la volonté de la mère.
De la même façon, le droit de la mère à l’avortement est maintenant
garanti dans certaines sociétés évoluées ; la tendance à la permissivité dans
l’avortement est également de plus en plus manifeste dans beaucoup
d’autres, parmi lesquelles celle des Etats-Unis ; les femmes ont ainsi
recouvré, dans beaucoup de pays, leur droit à un avortement propre, sous
les auspices d’un médecin, à un prix modique, sans risque d’être exploitées
par certains quand l’opération est financée illégalement.
Ces sociétés ont d’ailleurs reconnu (pour les causes déjà énoncées) le
droit de la femme à la jouissance sexuelle comme pour l’homme ; cela a eu
comme conséquence l’intérêt accordé par les scientifiques à la femme et
aux causes qui constituent un obstacle à son plaisir érotique. De ce fait, il
est possible que la cause la plus importante soit ce qu’on appelle la frigidité
qui touche les femmes inhibées et victimes des contraintes sociales.
Kinsey, de son côté, a entrepris en 1953 une recherche sur des femmes
américaines n’ayant pas pratiqué le sexe avant le mariage ; il s’est alors
avéré que 40 % d’entre elles n’avaient pas connu l’orgasme pendant la
première année de leur mariage et que 35 % pendant les dix premières
années.
Les chercheurs et les savants ont alors redoublé d’efforts dans leurs
études sur la frigidité de la femme et en ont déduit que l’inhibition et les
contraintes sociales sont la principale cause de cette frigidité. Les
recherches naturelles se sont multipliées quant aux effets de l’inhibition et
de la privation sur la femme et l’homme, au même titre, et à tous les âges,
depuis l’enfance jusqu’à la vieillesse ; elles ont abouti au fait que
l’inhibition et la privation laissent des traces fort nocives sur le corps de
l’être humain, son état psychique et son intelligence pendant les différentes
étapes de sa croissance, depuis la naissance jusqu’à la mort, et que les
mauvais effets sur l’appareil neurologique et endocrinien ne sont pas
moindres que ceux en rapport avec l’appareil génital, mais plutôt
supérieurs.
Tout appareil dans le corps a besoin d’être stimulé pour se développer ; il
en est de même pour l’appareil génital qui, privé de stimulation, sera privé
également de développement.
Le degré de privation de la stimulation est proportionnel au degré de
privation de la croissance ; si la première (ou l’inhibition) est forte,
l’appareil génital est atteint d’une atrophie, qu’on appelle médicalement
atrophie constitutionnelle émanant d’une apathie fonctionnelle ; la personne
touchée est victime d’une impuissance sexuelle, et cela se manifeste chez
celles qui sont inhibées et qui se privent de toute pratique sexuelle et qui,
une fois mariées tardivement, sont atteintes de cet état connu médicalement,
qu’on appelle « langueur sexuelle due à l’abstinence » ; cette privation ou
inhibition forte mènent à un retard dans le développement mental, et il en
résulte une faiblesse dans la compréhension, le sentiment et le
comportement. Le docteur Youssef Hilmi Jannina, professeur spécialisé en
maladies nerveuses à l’université du Caire, avait décrit l’influence de
l’inhibition sexuelle sur le système nerveux en affirmant : « On sait que la
privation du cerveau des influences sonores et lumineuses pendant
l’enfance conduit à la mutité, à la surdité ou la cécité ; en effet, si le cerveau
est à ce point touché par ces privations de ces influences externes acquises,
quel serait son sort s’il était privé de ces influences sexuelles instinctives
propres à la survie ? » Il assure également que beaucoup d’éducateurs
continuent à croire que la sublimation précoce des instincts est la meilleure
protection contre les révoltes et la perversion et que cette conviction est
fausse parce que l’acte de sublimation sexuelle conduit par les centres
cérébraux supérieurs demande une énergie sexuelle, laquelle, à son tour,
demande une matière qui nécessite un développement et un murissement
sexuels ; ce développement implique une stimulation ; cela signifie que
toute sublimation n’a lieu, selon lui qu’après l’opération d’épanouissement
et de maturation sexuels et ce qu’ils nécessitent comme stimulation
continue.
DES RELATIONSUTILITAIRES
La société met les femmes dans une forte contradiction ; car au moment
où elles subissent des opérations physiques et psychiques qui leur imposent
la chasteté, et tuent leur sensibilité à la jouissance sexuelle, on leur
demande de faire jouir leurs époux et satisfaire leurs désirs quand ils le
veulent et comme ils le veulent ; et quand l’épouse se trouve dans
l’incapacité de satisfaire le désir de son mari, il la répudie, ou épouse une
autre ; parfois, il l’abandonne, sort se délecter en dehors de chez lui avec
des prostituées ou d’autres femmes.
Au moment où la société autorise la diffusion, pour des raisons
économiques et commerciales, des chansons enflammées à caractère
érotique et gémissant, montre les films et les danses sexuels qui attirent les
pulsions, elle interdit aux filles et aux femmes de se laisser influencer par ce
flux intarissable, jour et nuit, provenant des appareils de radio, de
télévision, de cinéma, de théâtres et autres moyens d’informations.
Si la société veillait à la chasteté comme elle le prétendait, au maintien
des lois morales dont elle donnait l’impression de les maintenir pour
l’honneur, comment cette société expliquerait-elle son renoncement à ces
valeurs morales en autorisant la diffusion de scènes montrant des corps de
femmes nues, dans les films ou lors de soirées dansantes et l’exposition des
corps de femmes nues dans les revues, sur les annonces des vers de
bouteilles de vin et autres moyens de communication ? Cela n’est-il pas une
preuve que ce qui gouverne véritablement la société, ce ne sont pas les
valeurs morales mais les valeurs commerciales et la logique du gain et de la
perte ?
Comme il est facile pour la société de renoncer aux valeurs morales
quand elles s’opposent aux valeurs commerciales et de fermer les yeux sur
la débauche et la dégradation qui sévissent dans les arts vils et les moyens
de divertissement sordides, de ne point déplorer que le corps nu de la
femme soit le support de l’annonce publicitaire des marchandises pour le
profit ! Bien plus, les sociétés capitalistes commencent à autoriser la liberté
sexuelle aux hommes et aux femmes pour amasser les capitaux et renforcer
le système capitaliste exploiteur.
Bien évidemment, les femmes supportent plus que les hommes le fardeau
des travestissements de la société et paient plus que les hommes le prix fort
de la contradiction, à laquelle est confrontée la société, entre la valeur
commerciale et la valeur morale, parce que c’est l’homme qui monopolise
le pouvoir dans la société et c’est lui qui prend les décisions commerciales
et morales qui se contredisent.
La femme vit avec acuité cette contradiction ; en effet, elle doit être
froide, chaste et pure, n’ayant aucune sensation pour le sexe, et en même
temps, elle doit satisfaire sexuellement son époux à satiété ; en outre, son
corps, tels les organes génitaux, doit être caché en fonction des normes
morales établies ; mais il est également accessible, pouvant être dénudé
conformément aux échanges commerciaux et aux annonces commerciales.
Je ne crois pas qu’il puisse exister une exploitation aussi grande et un
mépris plus manifeste que ceux que vit la femme ; elle devient une proie
entre deux forces conflictuelles et contradictoires comme un morceau de
viande entre deux mâchoires féroces.
Tout ceci semble naturel dans une société où la femme a perdu les
composantes de sa personnalité, son humanité, puis est devenue un objet ou
un outil ; tantôt elle est le support d’une annonce, tantôt celui de l’achat et
de la consommation, tantôt un moyen de jouissance et de satisfaction des
désirs, tantôt un récipient pour enfants, tantôt une marchandise qui se vend
et s’achète au marché du mariage.
Bien évidemment, on la traite comme un objet : elle a plus de valeur
quand elle est neuve ou « vierge », n’ayant pas été utilisée auparavant, et
elle se dévalorise avec l’usage antérieur ou un précédent mariage ; elle
devient alors une femme de la moitié d’une vie, ne pouvant se marier
qu’avec un homme infirme ou malade, qu’on considère comme pouvant lui
convenir.
Les vertus tirent ainsi leur force de cette vision tronquée sur la femme ;
celle qui a de l’expérience sur les contacts humains est considérée non
seulement de moindre valeur que la femme novice mais est aussi l’objet
d’un rejet comme si l’expérience était une tare.
C’est parce que l’homme achète la femme par le mariage, pour qu’elle le
serve et soit un moyen de jouissance et un ustensile pour la procréation de
ses enfants, qu’il choisit une fille qui soit plus jeune que lui de plusieurs
années, afin que son corps reste frais et capable de procréer durant sa vie
tout entière, même si, lui, atteignait 90 ans. Un homme de quarante ans
n’hésite pas à épouser une fillette de 16 ans ; il se peut même qu’à l’âge de
cinquante ou soixante ans, il se considère comme pouvant convenir à une
jeune fille de vingt ans ou même moins…
L’homme accorde la priorité à la jeune fille novice, naïve ou ce qu’on
appelle « le chat aux yeux fermés », qui ne se connait pas assez, qui n’a pas
de désir corporel, qui ne sait pas que son esprit a des besoins et des
ambitions ; ceci est bien naturel relativement à la logique de l’achat et de la
vente ; en effet, celui qui va au souk pour acheter un esclave ou pour
chercher un travailleur salarié, choisit toujours le plus jeune, celui qui
puisse travailler sans se lasser, le moins intelligent, celui qui a peu de
besoins, qui mange sans rien demander d’autre ; en raison de quoi, sa
rentabilité est maximale et sa consommation réduite à sa plus simple
expression ; le propriétaire et l’employeur réalisent ainsi des bénéfices
substantiels.
De là vient le regard que porte l’homme sur la femme en tant que corps,
lequel doit rester éternellement jeune ; pour cela, le coût de la femme
diminue au fur et à mesure qu’elle avance dans l’âge ; à partir de cette
valeur, naît la vision de la société sur la jeunesse de la femme et sa beauté.
Sa jeunesse, ce sont ces années où elle est capable de travailler et de
procréer ; cela commence par la menstruation (en moyenne à l’âge de 15
ans environ) et se termine avec l’arrêt de celle-ci (à l’âge de 45 ans
environ).
En conséquence, la vie de la femme se rétrécit par rapport à celle
l’homme ordinaire ; son existence se réduit à trente ans (si la chance lui est
favorable et qu’elle peut échapper aux nombreux problèmes qui
l’attendent) ; et quand la menstruation cesse, on dit qu’elle atteint l’âge du
désespoir, comme si son existence arrivait à échéance.
Bien que la constitution physique et psychique de la femme l’aide à vivre
plus longtemps que l’homme dans la plupart des cas, la société condamne la
femme à vivre un âge presque de moitié celui de l’homme ; ainsi, quand
l’homme atteint, selon la société, le summum de la maturité et de la
jeunesse (40 – 45 ans), la femme atteint l’âge du désespoir ; alors qu’elle
accède aussi à l’âge de sa maturité et de sa jeunesse et qu’elle acquiert une
expérience, elle devient une vieille, stérile, qui n’a plus un rôle à jouer, et
qui est enterrée socialement alors qu’elle est toujours vivante.
Le concept de beauté prend ainsi ses racines dans cette vision étriquée sur
la femme ; en effet, la femme belle c’est la jeune fille au corps frais, même
si son esprit est ignorant ou déformé. La société évalue la beauté de la
femme en fonction des seuls critères physiques, laquelle beauté est
tributaire de la taille de son nez, de ses lèvres, de ses seins et de ses fesses ;
par contre, la femme est dépréciée si la taille de son nez est supérieure de
quelques millimètres à la moyenne ou si le tour de ses seins est inférieur de
quelques centimètres ; quant à l’homme, il n’a aucun défaut sauf celui de sa
poche vide, même s’il a deux nez au lieu d’un seul, même s’il est ventru.
A ce sujet, l’art et la littérature confirment ce concept étriqué de la
beauté. Beaucoup de chansons, de poèmes et de contes ont chanté cette
belle, aux cheveux qui tombent sur ses épaules fines et rondes, aux yeux
portant de longs cils, aux lèvres de couleur écarlate, aux seins proéminents,
à la taille svelte, aux jambes… etc. C’est comme si la beauté de la femme
n’était que celle de son corps ; quant à son intelligence et sa personnalité,
personne ne s’y intéresse.
De même que le concept étriqué de la beauté provient de la vision
également étriquée de la société sur la femme, de même le concept de
féminité exprime la même vision. Ainsi, la féminité c’est la faiblesse, la
crédulité, la négativité et la capitulation. Ce sont des qualificatifs qui,
toutes, sont en accord avec le rôle attribué par la société à la femme, lequel
consiste à servir et à satisfaire l’homme. La féminité c’est la femme qui doit
se distinguer par les qualités de serviteurs obéissants, faibles et capitulards.
Quant à la masculinité, elle réside dans les comportements seigneuriaux de
l’homme, en l’occurrence la force positive, la rigueur, la raison et la
sagesse.
De la même façon, l’honneur a tiré son concept de cette vision.
L’honneur de la fille est comme le bâton de soufre ; on s’en éprend une
seule fois et après, la fille voit son rôle s’achever et devient comme une
flaque d’ordures, à l’instar du bâton de soufre consumé. Quant à l’honneur
de l’homme, il reste intact des milliers ou des millions de fois, et n’est
jamais consumé.
Ces concepts ne changeraient jamais tant que la vision de la société sur la
femme, en tant que corps uniquement, reste la même. Ils ne changeraient
que quand la femme serait devenue pour la société une personne équilibrée
relativement à son corps, sa pensée et sa raison.
C’est alors que la beauté de la femme devient celle de son corps, de sa
pensée et de sa raison ; celle de l’homme le devient également. La beauté ne
doit pas être l’apanage de la femme seule ; toute personne, qu’elle soit un
homme, une femme, un enfant ou un individu d’âge mûr, doit être belle
dans le sens global du terme (la beauté du corps, de l’esprit et de la raison).
La beauté de l’esprit c’est celle qui brille à partir d’une pensée saine, sans
complexe ; elle est l’expression, dans les yeux, de la franchise et de
l’amour, le dynamisme de l’esprit, sa gaieté et son acceptation de la vie. La
beauté de la raison est celle qui rayonne à partir d’idées progressistes
susceptibles d’assurer à l’homme jour après jour davantage de progrès,
d’amour, de fraternité, de justice et d’égalité.
La beauté du corps n’est pas seulement la perception de critères établis,
mais la santé du corps, sa vivacité, sa légèreté et son aptitude à assumer ses
fonctions avec une capacité maximale. La stature n’est belle que si le corps
tout entier bouge avec élégance et agilité, afin d’atteindre un but et
exprimer un désir franc et authentique. Les beaux yeux ne sont vraiment
beaux qu’autant qu’ils expriment la franchise des sentiments et des pensées.
La beauté c’est la franchise et la franchise la nature, celle-ci étant l’aptitude
du corps, de l’esprit et de la raison à exercer leurs fonctions avec le
maximum de compétence possible. Les jambes sont faites pour marcher et
non pour se courber sous une jupe ; de même le cerveau a été créé pour
recevoir des informations et en tirer de nouvelles idées et non pour se figer
à l’intérieur de la cavité, prisonnier des anciennes idées et des balivernes.
Le malheur c’est le mensonge qui sort de l’œil, même si on le dessine avec
une grande ingéniosité par des lignes et des ombres modernes. De même, la
main est née pour travailler et créer ; quant à celle qui ne sait rien faire
d’autre que mettre de la crème sur ses doigts, elle est une main oisive, laide,
quelque doux et fins qu’ils soient. Pour ce qui concerne les organes
génitaux, ils sont nés pour exercer leur fonction sexuelle, non pour être
castrés ou amputés de certaines de leurs parties. L’honneur c’est
l’authenticité du corps, de l’esprit, et de la raison chez tout être humain,
qu’il soit un homme ou une femme ; de même, la féminité est la positivité
de la femme dans sa vie et sa capacité à faire fonctionner son corps, son
intelligence et son esprit avec le maximum de compétence ; la masculinité
est également la positivité de l’homme dans sa vie et sa capacité à faire
travailler son corps, son intelligence et son esprit avec le maximum de
compétence.
De ce fait, nous constatons que les différences entre l’homme et la femme
s’estompent comme s’estompent également les qualités et les concepts qui
les distinguent, et qui créent des incompatibilités entre les deux sexes.
LA FAMILLE ET LA CIVILISATION
On peut dire à présent que « l’amour » qui unit les hommes et les femmes
dans notre monde moderne ou dans les sociétés passées, depuis que
l’homme a possédé la terre et avec elle la femme, n’est pas un amour
véridique. En effet, l’amour ne peut exister entre un maître et son esclave,
entre un agent d’autorité et la personne obéissante, ou entre un fort et un
faible, entre un supérieur et son subalterne.
L’amour ne peut avoir lieu pour l’intérêt ou l’utilitarisme, comme il ne
peut avoir pour but l’exploitation, l’intérêt économique ou la protection
sociale. La relation d’amour ne peut se réduire à une relation commerciale
comme il ne peut être acheté par l’argent, des biens immobiliers ou une
autorité.
Mais ce qui s’est produit à travers l’histoire c’est cet échec humain, qui a
fait qu’un sexe domine un autre, que la relation entre les hommes et les
femmes a perdu sa parité naturelle, alors qu’ils sont tous des êtres humains
et que la femme, comme l’homme, fait partie de l’humanité et dispose d’un
corps, d’un esprit et d’une intelligence.
En raison de cette perte, il n’est plus possible que la relation entre
l’homme et la femme soit basée sur l’amour véridique mais sur de
nombreux autres facteurs.
L’une des conditions d’une relation amoureuse est l’égalité. Celle-ci
signifie que les deux partenaires sont égaux. Si l’un des deux est un être
humain ayant un corps, un esprit et une intelligence, l’autre, par la force des
choses, possède ces qualités. De ce fait, l’amour ne peut être en rapport
avec une personne en possession de toutes ces composantes et un être ne
possédant qu’un corps. Car, l’amour, dans ce cas, perd sa condition
d’existence principale qui est l’échange corporel, psychique et intellectuel.
Mais la société a extirpé l’esprit et l’intelligence de la femme ; comment
l’homme peut-il dans ce cas échanger avec elle un sentiment d’amour ?
Tout ce qui pouvait les réunir c’est une sorte de relation sexuelle ; ce n’est
point de l’amour mais des mouvements sexuels involontaires qui attirent le
mâle vers la femelle pour la fécondation et la conservation de tous les êtres
vivants, depuis les vers jusqu’aux reptiles et mammifères.
Mais l’homme se distingue des animaux et des insectes par sa capacité à
se servir de sa raison et sa pensée d’une façon volontaire et consciente ;
quant à la relation sexuelle chez l’homme, elle diffère de celle de
l’ensemble des animaux, dans la mesure où il a bénéficié de ces qualités
psychiques et intellectuelles, lesquelles l’habilitent à faire un choix, à se
libérer et à se responsabiliser.
Un chercheur dit à ce propos : « L’homme est un être qui se distingue par
la prise de conscience et la volonté ; il est responsable de ses actes. Cette
responsabilité est la plus éminente des qualités chez l’homme. Tout
supplément d’ascension est un progrès à prendre dans ce sens. Ceci est la
cause de cette relation intime entre notre vie sexuelle et ladite ascension. Le
sexe n’est pas seulement un acte d’enfantement ; il est plutôt un processus
résultant des opérations d’évolution et d’ascension qui se sont produites
chez les êtres inférieurs, lesquels poursuivent intelligemment la réalisation
de leur évolution et de leur ascension au sein de l’être qu’ils orientent
toujours vers une entité meilleure ».
Cela signifie que le but de notre relation sexuelle est la création d’une
action de développement et d’ascension et son orientation vers l’avenir, la
création de plus d’authenticité, de liberté et de responsabilité chez
l’homme ; la nature a en effet créé le désir sexuel pour cet objectif
suprême ; c’est la raison pour laquelle il exerce une grande influence sur
l’être humain ; cette influence lui aurait été néfaste si ce désir avait dévié de
son chemin naturel à cause de l’inhibition et des contraintes de la société.
Le sexe n’est donc pas seulement le désir du corps, mais celui du corps,
de l’esprit et de l’intelligence. En raison de quoi, on ne peut définir le sexe
biologiquement et dire qu’il est essentiel pour la procréation, ou
physiologiquement pour expliquer qu’il est la cause des changements en
rapport avec le taux des hormones dans le sang. Le sexe est loin d’être
défini par ces explications opératoires limitées ; la procréation n’est que
l’une des nombreuses fonctions du sexe chez l’homme, dans toutes les
parties de son corps. Elle est la fonction de l’appareil reproducteur de
l’homme ; quant au sexe, il représente la fonction de tous les appareils de
l’homme, le corps, l’esprit et l’intelligence.
Le sexe est un acte humain en relation avec la nature de l’homme, non
pour la procréation mais pour le développement spirituel chez l’être
humain. Et comme le souligne « Bredif » dans son livre « le destin de
l’homme », « le sens de l’union de l’homme avec la femme n’est pas en
rapport avec la perpétuation de l’espèce mais avec le développement de la
personnalité de l’être humain et son désir obstiné d’accéder à la perfection
et l’éternité ». De même, Fletcher affirme : « La recherche de l’amour n’est
que la recherche de la connaissance d’une entité, et notre désir d’y accéder
n’est autre que notre souhait qu’il nous apprécie non pour ce que nous
faisons mais pour ce que nous sommes. L’amour contient un sentiment mais
n’est pas en lui-même un sentiment ; il comprend une admiration mais n’est
pas en lui-même une admiration. C’est ce qui reste quand on assouvit son
désir et qu’on consomme son sentiment ; c’est ce besoin de découvrir sa
réalité à travers la réalité d’une autre personne ».
Dans la plupart des religions qui sont apparues dans l’histoire de
l’humanité, Dieu est l’amour. L’amour est le dieu de la vie chez l’homme ;
il a son opposé qui est le dieu de la mort. L’amour bâtit et enrichit l’homme
et la vie, alors que son opposé les appauvrit et les détruit.
Quand l’enfant nait, il ne sait pas distinguer entre sa personne et le
monde extérieur. Il voit en lui-même et ce monde un seul ensemble ; c’est
pourquoi il aime les objets extérieurs comme il le fait pour sa personne. Il
aime la lueur de la bougie comme il aime sa main ; ainsi, quand la petite
flamme touche ses doigts et qu’il ressent une douleur, il comprend par là
que la bougie ne fait pas partie de lui-même. Petit à petit, l’enfant reconnait
sa personne et plus il la connait et l’aime, plus il s’attache à tout ce qui lui
ressemble. L’enfant aime la poupée ou la mariée parce qu’elle lui
ressemble. La vie humaine avait commencé quand Adam avait aimé Eve et
réciproquement ; chacun des deux a trouvé dans l’autre ce qui lui
ressemble, celui qui est le plus proche par comparaison aux autres animaux.
Germaine Greer dit à ce propos que la ressemblance est le soutien de
l’amour et non la différence. L’homme a mal compris quand il estime qu’il
aime la femme parce qu’elle diffère de lui ; en réalité, en raison de
l’amplification par la société des différences entre l’homme et la femme,
celui-ci préfère s’asseoir et veiller avec son ami plutôt qu’avec sa femme. Il
voit en l’homme une personne qui lui ressemble, avec un corps, un cerveau
et un esprit ; quant à la femme, il ne voit que son corps comme si elle
n’appartenait plus à sa classe.
Ceci est naturel du moment que l’amour s’appuie sur l’échange et que
l’échange ne peut avoir lieu entre un être de classe supérieure et un autre de
classe inférieure. L’échange ne peut être en rapport avec deux personnes
inégales ou non équivalentes. L’inégalité ou la différence créent une
situation où l’une des deux est plus forte. En conséquence, la relation entre
elles se transforme en une relation entre un fort et un faible ou entre un
supérieur et un inférieur. De là, l’égalité souhaitée dans l’échange n’est plus
de mise parce que le fort, de par son statut, exploitera le faible et que celui-
ci, en raison de sa faiblesse a besoin de la protection du fort ; il renonce à
certains de ses droits pour cette protection.
L’amour ne peut avoir pour base une relation où domine l’exploitation ou
le besoin de protection, quelle qu’elle soit. Il n’est aucunement lié au désir
de l’homme de manger, boire ou procréer. L’amour n’est pas basé sur la
volonté de l’être humain d’obtenir une protection ou une tutelle. Il n’est pas
une fuite des problèmes ni un désir d’obtenir un refuge, une domination ou
une sécurité sociale. L’amour n’est pas l’échange des intérêts ni la
recherche du repos dans la vie ou l’adaptation paisible à l’existence. Il n’est
pas une fuite de l’isolement, de l’ennui ou de l’échec.
L’amour n’est pas une propriété, ni une domination, ni un sentiment de la
part d’un seul partenaire, quel que soit ce sentiment.
Cet amour dont regorgent les chansons enflammées pleines de
gémissement et de lamentation n’est pas un amour ; n’est pas aussi un
amour celui qui a régné au dix-neuvième et au vingtième siècle où les récits
étaient pleins de souffrances amoureuses de la part d’un seul partenaire.
Ces qualités qui se sont propagées sur l’amour, comme quoi il est
aveugle, fou, une fatalité qui touche l’homme dès le premier regard comme
une épée meurtrière, devenant ainsi son prisonnier, lequel perd sa volonté,
sa conscience, sa vision, ne sont pas à vrai dire celles de l’amour.
L’amour n’est pas l’épée de Cupidon, qui se déclenche et touche
l’homme, n’est pas une maladie, ni un effondrement temporaire ; il n’est
pas non plus un état de despotisme sentimental ; il n’est ni de la folie ni un
sentiment aveugle.
Cet amour pathologique était le résultat naturel de la situation où se
trouvait la femme, depuis que la société lui soustrayait son esprit et la
considérait seulement comme un corps. Les qualités de l’homme
psychiques et mentales sont celles qui le distinguent des autres animaux ; ce
sont ces qualités qui lui assurent la capacité du choix, de la conscience et de
la volonté ; s’il les perd, il perd toute cette capacité.
Bien que la société n’ait pas spolié l’homme autant qu’elle l’avait fait
avec la femme, l’amour idéal ne peut se manifester chez un seul partenaire ;
l’homme ne peut partager ses qualités morales et psychiques avec un vide.
De ce fait, ces qualités de l’homme ne lui permettent pas de pratiquer
l’échange nécessaire pour son développement et son épanouissement ; leur
importance a diminué au même titre que les qualités psychiques et mentales
de la femme. Il ne reste plus alors pour l’homme et la femme que leurs
corps. Ainsi, le désir physique (amputé du désir psychique et mental) est un
désir débridé involontaire s’appuyant sur l’attirance involontaire qui a lieu
entre les substances en raison de leurs transformations chimiques et
physico-chimiques.
Cette attirance anarchique qui se produit entre deux masses est un attrait
inconscient, involontaire, sans aucun choix ni responsabilité.
Comme elle est loin, cette attirance aveugle, de la véritable relation
humaine de l’amour ! Car l’amour chez l’homme est un sentiment conscient
qui s’appuie fondamentalement sur une volonté et un choix libre.
L’amour est le plus noble des sentiments que peut éprouver l’homme
parce que à partir de là, ses constituants physiques, psychiques, et
intellectuels, tous ensemble, peuvent assurer leurs plus hautes et profondes
fonctions en s’infiltrant dans l’entité de l’homme. L’amour est un sentiment
conscient, compréhensible et profond ; il est même le seul sentiment qui
permette à l’homme d’atteindre la profondeur de sa personnalité.
Parmi les vérités scientifiques communément admises, l’être vivant,
quand il perd une partie de ses membres, il compense cette perte par une
amplification du rôle des autres parties. C’est ce qui s’est produit chez
l’homme. Cette amplification, qui s’est produite dans la relation corporelle
entre l’homme et la femme, n’est qu’une compensation à une perte de leur
relation mentale et psychique. Cette amplification de l’attirance physique
entre l’homme et la femme n’a eu lieu qu’en raison de la perte de l’attirance
mentale et psychique. En effet, l’amour a lieu du premier coup quand les
yeux de l’homme se posent sur la femme et qu’il aperçoit ses lèvres
charnues et fleuries, ses seins proéminents et ses fesses serrées. Les
chansons et les récits d’amour exaltent tous la beauté des lèvres, des
jambes, des seins, de la taille et des fesses.
Cela représente la principale cause de la propagation des relations
amoureuses pathologiques, aussi bien en littérature, en art, que dans la vie
quotidienne. Ce phénomène remonte jusqu’au jour où les gens se sont
divisés en deux groupes : un groupe supérieur qui mérite d’être le maître et
commande, représenté par les hommes, et un groupe inférieur qui ne mérite
que le suivisme, la soumission et l’obéissance : ce sont les femmes. Ainsi,
la femme a été victime de toutes sortes de pressions et de contraintes liées
aux lois établies par l’homme, le dirigeant. En effet, l’on sait que les
dirigeants établissent des lois qui s’appliquent uniquement aux personnes
dirigées et non aux autres.
La femme s’est vue alors obligée, face à ces pressions et contraintes
imposées, d’inhiber ses désirs naturels. La psychologie a mis en évidence le
fait que l’inhibition résulte de la peur en raison de la force contraignante, et
non du danger qui peut avoir lieu.
L’être humain se trouve ainsi obligé, face à cette force qu’il craint, de
procéder à sa propre élimination. Car l’inhibition est effectivement une
mise à l’écart devant les autres, l’élimination de la personne par rapport à
elle-même et sa substitution par les désirs d’autrui ; en effet, les actes de
soumission et d’obéissance engendrent une sorte de mise à l’écart de sa
personnalité.
C’est ce qui est arrivé à la femme. Elle s’est éliminée par rapport à
l’homme. Elle s’est débarrassée de sa personnalité pour obtenir la
soumission et l’obéissance, et en même temps la protection, la sécurité et
l’agrément de l’homme.
C’est une opération préventive à laquelle ont recours tous les êtres
vivants pour affronter les forces environnantes qui peuvent les menacer et
les apeurer. Le désistement face à la force est l’un des moyens de résistance
chez tous les êtres vivants depuis l’amibe jusqu’à l’homme.
L’évanouissement qui touche parfois l’homme quand il ressent le danger
n’est qu’une tentative pour s’éliminer devant cette force.
Il en est de même pour la simulation de la mort qu’on trouve chez
certains animaux quand ils sont devant une force supérieure.
Dans le cas extrême de la lutte et du désespoir, l’homme répond par
l’évanouissement, la paralysie, l’absence de sensation ou n’importe quel
autre moyen de rétraction temporaire. C’est un engourdissement des
sensations pour éviter la confrontation et le désespoir.
Cet engourdissement des sensations n’est pas seulement psychologique
ou mental ; il peut être de nature physique et organique. Tout organe du
corps est susceptible de perdre totalement sa sensibilité et être atteint de
paralysie.
La femme a lutté depuis son enfance et toutes les étapes de sa vie contre
l’inhibition qu’on lui a imposée, en se recroquevillant et en inhibant ses
sensations. Celles-ci se sont anesthésiées, refroidies et sont devenues
difficiles à stimuler.
La psychologie décrit comment l’homme résiste à l’inhibition et aux
différentes étapes qu’il traverse pour aboutir à une phase de froideur et de
blocage des sensations. En effet, depuis la naissance d’un désir chez
l’homme, des changements intérieurs ont lieu, lesquels créent l’énergie
nécessaire pour satisfaire ce désir par l’acte. Si cet acte ne se concrétise pas
et que le désir est inhibé, il se produit en lui une pression semblable à celle
de la vapeur, provoquant des sensations physiques et psychiques, qu’on
appelle en psychologie sentiment.
Les savants décrivent trois phases par lesquelles passe l’être humain lors
de la stimulation de ses sentiments, autrement dit quand il ressent un désir
qui ne soit pas effectivement satisfait.
Phase de l’apparition du stimulant : elle commence à la naissance du
désir chez l’homme au moyen d’un stimulant, accompagnée de
changements physiques comme l’augmentation du rythme des palpitations
cardiaques et l’essoufflement.
Phase de la résistance : dans cette phase, chaque organe chez l’homme se
prépare à l’action conformément à ce stimulant ; elle est une phase de
construction qui stimule l’homme, le fortifie et renouvelle son activité. De
ce fait, l’absence de tous les défis n’est pas véridique ; il s’avère alors
nécessaire pour l’homme d’affronter les défis et les difficultés pour leur
résister. S’il les vainc, il réussit sa maturité.
Mais si ces défis se montrent plus forts que lui, et le vainquent, il accède
à la troisième phase, celle de la dépression.
Phase de la dépression : c’est celle où l’homme devient moins sensible à
ces pressions et ces influences sociales. Sa peau devient moins vive et son
intelligence diminue. Autrement dit, il se replie sur lui-même, non
seulement pour fuir ces influences, mais aussi la vie elle-même. L’action
destructrice dépasse alors en lui l’action constructive. Elle est une phase
destructive où l’homme se tue petit à petit.
C’est cela qui se produit chez la femme. Elle résiste, puis, vaincue,
capitule devant son sort après être passée par une phase de dépression qui la
rend froide dans son corps, son esprit et son intelligence. C’est la raison
pour laquelle la femme n’est pas excitée sexuellement, dans la plupart des
cas, sauf si l’homme la frappe, lui déchire les cheveux, la pince ou la mord.
Ce désir dans la sensation de douleur n’est qu’un désir de créer un degré
supérieur d’émotion pour venir à bout de l’engourdissement qui touche ses
sensations.
La frustration est donc la cause du masochisme féminin et du sadisme
masculin. A partir de cette frustration, naissent l’amour pathologique et la
littérature pathologique qui exprime les douleurs, la privation, les
souffrances et les gémissements.
Le véritable amour ne repose pas sur la privation ; l’une de ses conditions
c’est la symbiose et la satisfaction des désirs. La privation c’est
« l’inaction » ou la frustration ; c’est un anéantissement de la personnalité
de l’homme ; quant à l’amour, c’est « l’absence de frustration » ; il consiste
à se conduire librement et à prendre soi-même une décision responsable.
L’action, ici, nous enrichit, abstraction faite de sa réussite ou son échec, car
c’est une action véridique de la personne elle-même et non une réaction
contre les autres.
L’action est l’une des conditions du véritable amour. Quant à l’amour
romantique, il est pathologique, sans action. C’est un amour qui s’alimente
de privation et vit à travers les réactions.
La femme frustrée ne peut que sacrifier son action et voir sa vie se
transformer en une réaction contre l’homme. C’est l’homme qui agit et c’est
la femme qui attend qu’il agisse ; toutes les expressions sexuelles décrivent
l’homme comme étant l’agent ; c’est lui le conquérant, l’envahisseur,
l’assaillant ; quant à la femme, elle est la patiente.
L’action est l’une des conditions du développement mental et
psychologique, la maturation de l’homme et son autonomie. Celui qui
n’agit pas n’apprend pas ; celui qui n’apprend pas ne mûrit pas et celui qui
ne mûrit pas ne recouvre pas son autonomie.
L’autonomie signifie que l’homme doit prendre lui-même une décision et
être seul responsable de ce qu’il fait ; c’est là où se trouve l’action. Quant à
la réaction, elle réside dans l’attente d’une décision des autres pour agir
selon celle-ci et leur responsabilité. C’est un homme faible, sans autonomie
ni maturité, qui agit conformément aux réactions des autres. Il a peur de la
responsabilité et lui préfère le repos de l’obéissance et de la soumission.
L’homme est d’autant plus homme qu’il possède une capacité de liberté,
de volonté, de choix et de responsabilité. L’amour entre deux personnes
devient alors un amour humain en fonction de ce qu’elles possèdent comme
capacité de liberté, de volonté, de choix et de responsabilité.
Mais la femme était incapable, en raison des contraintes sociales,
d’acquérir l’honneur de la responsabilité. L’homme a imposé à la femme
ses recommandations, sa protection, puis est devenu responsable d’elle. Le
père est responsable de sa fille, le frère de sa sœur ; le mari est aussi
responsable de sa femme et même le fils aîné de sa mère.
J’ai vu de mes propres yeux une altercation entre un jeune homme et sa
mère qui l’avait élevé et qui était âgée de 45 ans. Elle mettait ses habits
pour sortir quand le fils surgit pour lui dire qu’il est responsable de ses actes
devant la société.
Le mariage, dans son essence, et selon ses lois, impose à l’homme d’être
responsable de sa femme, responsable de subvenir à ses besoins,
responsable de ses agissements, responsable de ses entrées et sorties de la
maison ; les textes imposent à la femme de demander l’autorisation à son
mari si elle veut sortir, d’obtenir une autorisation écrite de son mari en cas
de voyage, sinon il lui sera interdit de voyager.
Priver la femme de ses responsabilités revient à priver sa personnalité de
son essence humaine, de sa nature et de sa distinction par rapport à
l’animal ; cette privation ne laisse à la femme que son enveloppe extérieure,
visible devant les yeux, que son enveloppe corporelle externe.
Il ne lui reste plus que de s’occuper de cette enveloppe externe ; elle la
masse, la câline, la débarrasse des cheveux quand elle s’épanouit ; tantôt
elle la dénude, tantôt elle la couvre ; elle l’entretient en dépensant tout ce
dont elle dispose comme argent, et en lui consacrant le maximum de temps.
La société, autour d’elle, confirme cette réalité. Ainsi, les journaux et les
revues, quand ils s’adressent à la femme, le font comme si elle n’était
qu’une couche de peau ayant besoin d’être massée au moyen de toutes
sortes de crèmes, des cils devant être nourris et renforcés, des lèvres ayant
besoin d’une crème à la couleur de rose, des cheveux devant être teints
comme la couleur de sa robe et ainsi de suite.
Quant à l’homme, quand il la rencontre, il déverse son sperme dans son
vagin, se débarrasse de sa tension biologique résultant de la pression de ce
liquide sur ses organes, et ressent un repos similaire à celui qu’il trouve
quand il vide sa vessie de l’urine ; puis il lui tourne le dos et parfois crache
tout près ou loin d’elle, selon son niveau social.
L’homme, naturellement, ne peut aimer la femme car il se considère
comme un être humain, alors qu’il l’assimile à un récipient. La capacité
d’aimer repose ainsi sur la capacité chez l’homme de comprendre la liberté
de l’autre, sa vérité et son respect ; elle s’acquiert quand l’individu ne se
conduit pas seulement en fonction de son désir mais comprend aussi l’autre,
le respecte et le reconnaît. C’est ce qui différencie la relation de l’homme
avec les objets et sa relation avec autrui, qui n’est pas un objet mais un être
vivant lui ressemblant parfaitement.
Cette ressemblance représente l’origine de l’amour. Car l’échange ne
peut avoir lieu sans similitude. La discrimination établie par la société au
détriment de la femme et en faveur de l’homme a créé entre eux une
dissemblance ; il en a résulté une impossibilité d’échange et une relation
centrée sur l’obtention d’un côté et la donation de l’autre.
Ainsi, l’homme se familiarise avec l’égoïsme, s’habitue à tirer profit
uniquement, à ne prendre en compte que son désir, en négligeant et
méconnaissant celui de la femme. La plupart des maris ne pratiquent l’acte
sexuel avec leurs femmes que s’ils le veulent, le désirent eux-mêmes, et à
leur façon, abstraction faite du désir de l’épouse et de sa disposition à le
faire. La législation matrimoniale impose à la femme de satisfaire le désir
de son mari et d’être disposée à le faire ; elle lui impose de satisfaire le
désir de son époux, à n’importe quel moment, de la nuit ou de la journée,
selon ses vœux et ses dispositions à lui ; si elle ne peut le faire parce qu’elle
est fatiguée ou malade, elle sera considérée comme inutile en tant
qu’épouse, peut être délaissée et perdre son droit de subsistance, qui revient
au mari.
L’égoïsme est la première qualité qui relie l’homme à la femme. De ce
fait, la jalousie qu’il ressent pour son épouse n’est que le reflet d’un certain
égoïsme et non la cause de l’amour. La femme devient l’une des propriétés
de l’homme tout comme sa voiture, sa bicyclette ou son âne. Il a peur
qu’elle ne lui soit volée et sa rancune vis-à-vis du voleur est plus forte que
sa rancune envers l’objet volé. De là, résultent ces scènes auxquelles on
assiste souvent dans la vie quotidienne, dans les productions artistiques et
littéraires et sur les écrans, quand l’homme surprend quelqu’un en train de
draguer sa femme ou sa maîtresse ; il retrousse ses manches pour le frapper
ou dégaine son sabre pour livrer un duel, au moment où la femme assiste en
spectatrice au combat.
Face à l’égoïsme de l’homme, la femme fait preuve de sacrifice. Elle se
sacrifie, donne, offre sa personne et capitule ; toutes ces expressions
décrivent la relation particulière entre la femme et l’homme.
De même que l’amour ne repose pas sur l’égoïsme, de même il n’est pas
tributaire du sacrifice. Ainsi, la femme qui dit à l’homme qu’elle se sacrifie
pour lui, est une femme qui ne ressent pas l’amour. L’amour n’est pas un
sacrifice de soi, ni un reniement de son identité. Il s’ensuit que la femme
qui renie son entité est une égoïste avérée. Elle se sacrifie pour une seule
cause : c’est qu’elle ne possédait pas sa personne ; elle sacrifie une chose
qu’elle ne possède pas.
Ainsi, l’homme qui perd son entité ou sa personne ne peut pas aimer.
L’amour est l’affermissement de la confiance de l’homme en son entité, un
prolongement de l’amour de soi pour aimer l’ensemble de l’humanité.
Mais, la femme, suite aux contraintes de la société et à l’inhibition, a perdu
son entité et sa confiance en soi. Ce qui prouve que la femme a perdu sa
confiance, ce sont ces nombreuses poudres par lesquelles elle essaie de
camoufler sa réalité et ces vernis épais qui lui servent de déguisement. La
femme a perdu sa confiance en soi au point de devenir incapable d’affronter
les gens selon son vrai visage. Il est rare de trouver une femme qui a assez
de courage et de confiance en soi pour sortir de chez elle, son visage propre,
dénué de poudres.
L’intérêt accordé par la femme aux expressions de sacrifice pour son
amour n’est qu’une sorte de commerce. C’est une personnalité non
autonome, qui a besoin d’une protection, celle de son mari ; elle prétend
alors qu’elle lui offre son âme, mais, en réalité, elle l’a perdue depuis
longtemps, quand elle avait accepté la suprématie et la tutelle de l’homme,
quand elle avait renoncé à son droit naturel d’assumer sa responsabilité et
de faire valoir sa volonté et sa liberté.
Mais la femme n’a pas devant elle une autre alternative. Le mariage
auquel elle aspire pour obtenir la protection du mari ne représente pas pour
elle les bienfaits de la sécurité. A l’ombre du mariage, elle est toujours
menacée d’être abandonnée par l’homme à tort ou à raison. Sans son époux
elle ne peut vivre. Elle a toujours besoin de l’homme pour qu’il subvienne à
ses besoins et la protège socialement, psychologiquement ou physiquement.
On est loin du besoin d’un véritable amour. En effet, l’amour est ce besoin
que ressent l’homme autonome après qu’il a assouvi tous les autres. Quant à
la femme, elle dépend de l’homme car sans lui, elle ne peut satisfaire les
impératifs de sa vie.
Cela nous explique beaucoup de phénomènes qu’on observe dans le
mariage ou dans la relation entre l’homme et la femme. Celle-ci fait tous les
efforts nécessaires pour attirer son mari, afin qu’il ne l’abandonne pas
facilement ; elle est à son service, lui obéit et satisfait tous ses désirs. Elle
feint parfois la stupidité et l’imbécillité pour croire ses mensonges, et la
futilité de son orgueil qu’elle alimente. Elle lui fait comprendre qu’il est le
seul homme au monde. Elle cherche à lui plaire par divers moyens ; tantôt,
elle joue la carte des enfants pour lui en donner le plus grand nombre, tantôt
elle se sert de l’instinct nourricier pour lui préparer chaque jour un plat
différent, tantôt elle a recours à l’instinct sexuel pour le satisfaire et
l’exciter.
Elle fait tout cela chaque jour, chaque nuit sans aucune lassitude. Elle sait
bien que les actes répétitifs engendrent l’habitude et que l’habitude, quand
elle s’établit chez l’homme, le domine, sans qu’il puisse s’en passer.
Le mariage qui perdure et qu’on appelle mariage réussi, ne se réalise pas
grâce à l’amour mais à cause de l’habitude ; quant au mari, il est comme un
morphinomane, guidé quotidiennement par sa morphine vers son épouse. Il
peut la détester, éprouver un dégoût envers elle ; il peut également ressentir
le besoin de la laisser tomber mais ses pas le guident tous les jours vers son
foyer, tout habitué qu’il est à le faire.
L’amour n’est point une habitude, ni une dépendance, ni un acte
involontaire, ni une action inconsciente. L’amour est un acte volontaire,
conscient, qui se produit à cause de la capacité humaine à choisir librement.
Cette capacité ne se trouve que chez l’homme libre.
L’autonomie est l’une des conditions de la maturation de la personnalité,
une maturation qui exige la formation de l’égo, celle-ci étant à son tour
l’une des conditions de l’amour.
C’est ainsi que nous comprenons que la capacité d’aimer est la plus
grande, la plus mature, la plus consciente chez l’homme. Il n’existe aucune
expression qui puisse traduire le besoin de perfection chez l’homme comme
celle de l’amour. L’amour naît chez l’homme après qu’il a satisfait tous ses
besoins. L’amour est une faim que ressent l’homme après qu’il a assouvi
tous ses désirs et ses instincts. Cet amour est capable d’éveiller toutes les
facultés de l’homme relatives à l’imagination, la création et l’explosion de
toutes les énergies physiques, psychologiques et mentales.
La vie sans amour est une vie défectueuse, en dépit des réalisations
accomplies par telle personne, dans n’importe quel domaine de l’activité.
Car l’amour est l’affirmation de l’identité ; de ce fait, l’homme ne peut
atteindre un objectif aussi noble que l’édification de son ego ; il ne peut
sans cette construction comprendre quoi que ce soit sur la réalisation des
autres objectifs.
Si le concept de « sublimation » a été découvert et qu’on a su que le sexe,
dans son vrai sens, est ce qu’il y a de plus éminent, et que l’honneur n’est
point le renoncement au sexe en s’y abstenant, mais qu’il est plutôt la
franchise, par là, l’homme équilibré physiquement, mentalement et
psychiquement devient crédible. L’honneur c’est la loyauté du corps, de
l’esprit et de la raison.
Si l’amour jaillissait de la volonté de l’homme, de sa liberté, de son
autonomie et que la civilisation savait qu’elle symbolisait la capacité de
l’homme à dominer ses motivations et ses instincts, l’homme progresserait
plus vite quand il serait devenu une volonté plus forte, et quand il se serait
libéré de la volonté des autres et des contraintes sociales qui lui ont été
imposées.
La volonté ne peut s’épanouir et s’affermir que par l’entrainement et la
pratique, à l’image des muscles du corps qui ne se fortifient que par la
pratique sportive régulière et les exercices physiques nécessaires pour
l’épanouissement continu, depuis l’enfance.
Les constituants de l’homme, physiques, mentaux et psychiques se
développent et évoluent depuis l’enfance jusqu’à la fin de la vie. Ce
développement repose sur le degré des informations et des expériences
acquises depuis la naissance jusqu’à la mort.
De même que les différents appareils du corps ne se fortifient que par
l’entrainement et la pratique effective des différentes activités corporelles,
de même que l’esprit ne se consolide que par l’entrainement et la pratique
effective de ses activités ; il en est de même pour la raison et pour les
différents appareils de l’homme, parmi lesquels l’appareil reproducteur.
Ces propos ne signifient pas que l’expérience sexuelle ne s’acquiert que
par la multiplication des rapports avec le maximum de personnes. Car
l’homme qu’on appelle « Don Juan » ou le « coureur des filles » est le
moins expérimenté des hommes sur le plan sexuel, dans son vrai sens ; par
conséquent, il échoue plus que les autres dans ses relations avec les
femmes, un échec qui est la cause de ses passages d’une femme à une autre.
Le sexe n’est pas un ensemble de mouvements exécutés, ni une fuite face
à un échec, ni une compensation face à une déficience. Le sexe c’est la
rencontre librement consentie de deux personnes qui se complètent ; si
l’une d’elles (qu’elle soit un homme ou une femme) acquiert une
expérience sexuelle, celle-ci devient une véritable expérience humaine qui
enrichit sa vie et l’aide dans l’épanouissement de sa personnalité, comme
elle augmente ses capacités de réfléchir librement et de créer.
La maturité humaine a lieu quand l’individu accumule des expériences
sur la vie et les personnes. L’homme ne peut murir et voir sa personnalité
s’accomplir s’il vit seul, loin des gens et de la société. Ainsi, la grande
majorité des femmes dans le monde ont été privées de murissement parce
qu’elles vivaient recluses chez elles et manquaient des expériences
nécessaires pour parfaire leur personnalité. En plus de cette privation, les
contraintes morales de la société ont obligé la femme à inhiber son désir
sexuel et en même temps son aspiration à sa liberté personnelle en général.
Le désir sexuel n’est pas seulement un désir physique mais aussi un désir
psychologique de l’amour et de la liberté.
La personnalité mûre est la seule à pouvoir désirer la liberté et la chercher
sans la craindre, car la liberté fait peur à l’homme immature et non
autonome ; à cause de cette peur, il lui préfère l’esclavage et la sécurité de
l’entente sociale.
La femme a vécu ces phénomènes. La société l’a privée de la maturation
de sa personnalité, de son autonomie, et elle s’est trouvée impuissante à
désirer la liberté.
L’isolement de la femme dans son foyer l’a privée de l’expérience et de la
prise de conscience ; en conséquence, elle est devenue ignorante de la vie,
de l’homme et de sa personne.
L’ignorance ne signifie pas seulement l’absence d’informations mais
aussi l’existence de fausses informations et de superstitions qui ont comblé
la tête de la femme, en raison des différentes traditions de la société.
Une femme atteint le comble de l’ignorance quand elle s’imagine que les
menstruations constituent une impureté, quand elle s’imagine que l’ablation
du clitoris est nécessaire pour qu’elle devienne pure et propre.
L’ignorance imposée à la femme l’a été naturellement à l’homme aussi,
parce que c’est lui qui a inventé ces rumeurs et ces fausses informations sur
la femme, les a propagées en faveur de sa souveraineté et sa domination.
L’ignorance de l’homme et de la femme sur leur relation a atteint un
degré assez bas, qui s’accentue proportionnellement à cette ignorance ; cette
relation ne peut atteindre le stade de l’amour sans qu’ils viennent ensemble
à bout de leur ignorance. Cette victoire impose d’abord que la relation entre
l’homme et la femme retrouve son origine naturelle, sans aucune
suprématie de l’un sur l’autre.
LE CAMOUFLAGE