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© L’Harmattan, 2017

5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Paris

http://www.editions-harmattan.fr

ISBN Epub : 978-2-336-79838-7


NAWAL EL SAADAWI

Traduit de l’arabe par


Abdelhamid Drissi Messouak

La femme et le sexe
ou
Les souffrances
d’une malheureuse opprimée
OUVRAGES DE NAWAL EL SAADAWI

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE
Mémoires d’une femme docteur, 1958
La femme et le sexe, 1969
Femme au degré zéro, 1975
La face cachée d’Ève, 1977
La chute de l’Imam, 1987
Dieu démissionne au sommet, 1996
Mémoires de la prison des femmes, 2002

OUVRAGES DU TRADUCTEUR
Les stratégies de compréhension et de production des pronoms personnels
français chez des écoliers marocains. Thèse de 3e cycle. 1983. Université
Paris 7 Jussieu
La compréhension des agrammaticalités françaises : règles et stratégies
sous-jacentes. Thèse d’état. 2001. Université Sidi Mohamed Ben Abdellah.
Fès
La grammaire du français moderne. 2006. Editions Le Manuscrit. Paris :
Tome 1 Les mots sujets à variations
Tome 2 Les mots invariables
Tome 3 Le système verbal
Tome 4 La phrase française
Abdessamad Dialmy : Sociologie de la sexualité arabo-musulmane :
Editions L’Harmattan
Avant-propos et traduction de l’arabe par Abdelhamid Drissi Messouak
SOMMAIRE

Couverture
4e de couverture
Copyright
Titre
Ouvrages de Nawal El Saadawi
SOMMAIRE
PRÉFACE
Exergue
PRÉAMBULE
Les souffrances d’une malheureuse opprimée !
NAWAL SAADAWI LA FEMME ET LE SEXE UN PETIT MOT
PRÉSENTATION
LE CORPS DE LA FEMME
LE CONCEPT DE VIRGINITÉ
LA FILLE
L’ÉDUCATION ET L’INHIBITION
LA NATURE EST INNOCENTE
LES VÉRITABLES CAUSES
DES RELATIONSUTILITAIRES
LE MAÎTRE ET L’ESCLAVE
DES VALEURS CONTRADICTOIRES
LA FAMILLE ET LA CIVILISATION
QU’EST-QUE L’AMOUR
LE CAMOUFLAGE
DES PAS SUR LE CHEMIN
Adresse
PRÉFACE

Quand les choses sont belles, elles vous donnent une espèce de frisson,
fulgurant comme un décret du Destin. Voici :
Ce frisson, infiniment agréable, est né à la lecture de LA FEMME ET LE
SEXE De Nawal El Saadawi. Quant au décret, ce n’est autre que cette
alarme que l’auteure sonne, moins comme avertissement de l’approche d’un
danger que comme déclaration d’amour au monde de la connaissance du
sexe avec, comme pivot, la femme.
Ce bel ouvrage – où de page en page vous allez vous régaler de moult
précieuses informations sur ce sentiment noble qu’est l’amour – je l’ai
découvert d’abord dans la traduction qu’en a faite Docteur Abdelhamid
Drissi Messouak.
Lors d’une entrevue, lentement il feuilletait ce livre dont il se délectait à
m’évoquer le contenu. Passionnément. J’ai avalé ma salive, ravalé mes
mots et mes pensées : derrière ce qu’il disait, il y avait tant d’amour pour
l’amour en présence ; il y avait un sincère appel à un dialogue empreint
d’écoute et de respect mutuel entre homme et femme ; il y avait ce
« combat » de Nawal El Saadawi qui, refusant catégoriquement de laisser la
femme vivre dans l’ombre, avec comme étiquette le sinistre mot « tabou »,
s’est forgée, via son livre, le concept de liberté ; il y avait surtout cette
remarquable traduction – de l’arabe au français – qui a donné à cet ouvrage
une dimension universelle sur le plan géographique, et offert un bien à
l’humanité.
Docteur Abdelhamid Drissi Messouak s’était d’ailleurs attaché, autant
que faire se peut, à mettre l’accent sur la « bonne » traduction qui, comme
chacun sait, ne doit pas manquer de difficultés, ni parfois d’obstacles.
Et que me demande mon ami Docteur Drissi à présent ? Une préface… Si
peu que cela ?
J’ai alors su qu’auteur et traducteur viennent d’inaugurer une recherche
que je qualifierais d’ouverte. J’ai également su que les deux, en parfaite
symbiose et complémentarité, souhaitent que cette recherche qui a déjà vu
le jour, occupe dans le monde entier la place qu’elle mérite, n’en déplaise
aux sceptiques et contrairement aux oracles de mauvais aloi.
Docteur Abdelhamid Drissi Messouak constate qu’à l’instar des
traditionalistes prêts à crier au blasphème, certains modernistes n’hésitent
pas à attaquer les idées de Nawal El Saadawi : qui jugeant hâtivement que
l’auteure n’ayant pas donné de définition à cet amour, son texte reste de la
logorrhée ; qui prétendant que si la formulation du texte tend dans la
négation, c’est uniquement pour désigner l’ignorance des gens… La
réaction du traducteur ne se fait pas attendre. En effet, montrant son côté de
fervent défenseur d’un thème dont il est envoûté, et toujours en quête de
plus de complémentarité entre écriture et traduction, il s’explique :
« Implicitement, à travers les propos négatifs, l’auteure met aussi en
évidence ce que devrait être un véritable amour, sincère, authentique et
solide… peut-être avec une note de souffrance pour équilibrer tout cela,
mais la souffrance n’est-elle pas inhérente à la vie ?… Quant au manque de
définition de l’amour, entérine-t-il en défenseur responsable, ne suffit-il pas
que Nawal El Saadawi nous présente une description pertinente de ce
sentiment, description qui ne se prétend ni exhaustive, ni indiscutable ? Ce
qu’elle avance est d’une rigueur irréprochable ».
C’est dire que Docteur Abdelhamid Drissi Messouak est pleinement
conscient de l’inestimable valeur du livre qu’il est fier d’avoir traduit. Et il
l’a si bien fait que la lecture en devient captivante et l’accès
enthousiasmant.
Ne serait-ce pas agir en faux-monnayeur que de me voir commenter cette
révolution culturelle qui est en marche, de me voir préfacer cette étude qui
se suffit à elle-même ? Ne serait-ce pas, aussi, agir de même que d’ajouter
ma signature d’écrivain arrivé-arrivé !
Aussi longtemps qu’il reste un exemplaire de l’œuvre de Nawal El
Saadawi et un lecteur pour la traduction par Docteur Abdelhamid Drissi
Messouak, ces deux personnes qui mettent leurs servitudes au bien de
l’humanité, ne sont pas oubliées.
Muettement, j’envoie une pensée émue à Docteur Drissi dont nul
n’oserait qualifier la traduction de trahison : lors de la relecture du livre
traduit, dont j’étais chargé, que de fois m’a-t-il soucieusement consulté en
quête de mon humble avis sur le sens et la traduction de tel ou tel mot,
surtout technique ! Et puis…
Et puis, je n’ai pu ranger mon matériel que vingt jours plus tard, une fois
préface et relecture achevées.

ABDELALI LAHLOU
Effondrée dans un fauteuil, elle pleure son sort
Et celui de son époux hideux, déjà mort.
Sereinement, elle endurait ses supplices.
Impassible, elle résistait à ses caprices.
Pauvres femmes éternellement opprimées !
Viendra le jour où vous ne serez plus brimées.
Le salut divin ne tardera pas à venir.
Ténébreux destin, vole ! Tout va bientôt finir.
PRÉAMBULE

Les souffrances d’une malheureuse opprimée !

C’est une malheureuse ; elle est opprimée. Elle est aussi une opprimée
malheureuse. Quel que soit le syntagme anagrammatique – ou l’anagramme
syntagmatique – quelle que soit la nature des mots – un adjectif qui
supplante un nom et vice versa – elle est dans une situation déplorable, dans
un état de frustration permanent. C’est la femme ! Victime du système
patriarcal, décrié, dénoncé, si injuste. J’ai l’impression d’écouter la voix
d’une femme se lamenter, gémir face à la toute-puissance, à l’omnipotence,
à la prétendue omniscience d’un mâle en quête d’une proie facile, à la
recherche d’un objet de jouissance soumis, d’une esclave subissant les
ordres implacables et insatiables d’un homme qui ne pense qu’à éjaculer,
sans prendre en compte la personnalité et la dignité de cette malheureuse,
non seulement opprimée mais aussi réduite à l’état animal. Pauvre femme
digne de tous les éloges, de tous les mérites, qui ne demande qu’à se libérer
du joug d’une société impitoyable ! C’est tout cela que décrit la femme
médecin, la sociologue, la romancière, l’humaniste, la féministe Nawal El
Saadawi. Elle le fait avec brio, non pas lyriquement comme je viens de
l’exprimer, mais rationnellement et rigoureusement. En tant que médecin,
elle commence par une description anatomique et physiologique du corps
de la femme pour mettre fin à beaucoup de préjugés sur le fonctionnement
des organes de la femelle humaine, à propos desquels circulent des idées
toutes faites et des informations erronées. C’est de cela que se nourrit le
régime patriarcal, l’homme arrogant, qui a l’impression qu’il est en position
de force par rapport à sa partenaire, laquelle doit être confinée dans un rôle
subalterne et ne pouvant servir qu’à le satisfaire sur le double plan, érotique
et des travaux ménagers. Il va sans dire que le système patriarcal et ses
acolytes tracent la destinée de la femme dont la principale fonction réside
dans les travaux ménagers et l’éducation des enfants. Nawal El Saadawi a
rejeté cette dichotomie – homme fort, femme faible, homme dominant,
femme soumise – pour nous convaincre que la gent féminine est loin d’être
ce que le patriarcat a voulu qu’elle soit, en l’occurrence un être inférieur.
Nawal El Saadawi l’a prouvé à partir de ses enquêtes et celles d’autres
éminents chercheurs. Elle a eu le courage de dénoncer non seulement le
système patriarcal mais aussi tout ce qui dans la religion rabaisse la femme
et la prive de ses droits les plus élémentaires. L’ouvrage de cette féministe
pure et dure est une référence pour tous ceux qui veulent se libérer des
préjugés destructeurs d’une société, laquelle doit s’épanouir selon les
normes scientifiques rigoureuses et les idées progressistes sans a priori.
Abdelhamid Drissi Messouak
NAWAL SAADAWI
LA FEMME ET LE SEXE
UN PETIT MOT

La symbiose résultant de l’adhésion des lectrices et des lecteurs aux idées


de la première édition du livre « la femme et le sexe », accompagnée d’un
épuisement rapide du premier stock, et des demandes pressantes d’une
réimpression, tout cela m’a amenée à les satisfaire et joindre au nouveau
contenu certains points essentiels qui manquaient à cette première édition.
Dans les revues et les magazines, la première édition a reçu l’appui
précieux de divers écrivaines et écrivains et a suscité un grand nombre de
débats, partout, dans les maisons, les bureaux et lors de séminaires. J’ai
reçu beaucoup de lettres de la part de lectrices et de lecteurs me demandant
davantage d’informations, qu’ils estimaient nécessaires. J’étais heureuse
d’avoir reçu ces appuis et j’ai la ferme conviction que la majorité des
individus qui composent notre société sont enthousiasmés par l’accès au
monde de la connaissance.
Il y avait malgré tout quelques individus (et je loue Dieu qu’ils ne
représentent qu’une petite minorité) qui ont été effarées par la connaissance
comme la lumière qui éblouit fortement les yeux habitués à l’obscurité. A
ce sujet, j’ai reçu un petit nombre de lettres qui désapprouvaient la diffusion
de ce type de connaissances, exactement comme la main qui se lève pour
protéger les yeux contre la lumière. Il est certain que la dissimulation des
vérités est plus forte et pire que le mal qui résulte de leur dévoilement.
Celui-ci peut effrayer dans certains cas jusqu’au frémissement mais ces
frissons sont utiles en ce qu’ils éveillent fortement l’esprit et lui inculquent
une vision claire.
Ainsi, je remercie du plus profond de mon cœur toute main qui a jugé
utile de me transmettre un message, qu’il soit de soutien ou de réprobation.
Je voulais bien répondre à toutes les lettres par les réponses appropriées
mais cela s’avérait impossible. Je remercie également tous ceux qui, dans la
presse, ont approuvé ce travail par un mot sincère.
PRÉSENTATION

Je garde toujours à la mémoire l’image de cette jeune fille, bien que dix
années se soient écoulées depuis que je l’avais rencontrée. J’exerçais mon
métier de médecin dans un cabinet spécialisé. Le médecin, à l’époque,
subissait toutes sortes de pressions s’il dépassait, par sa pensée et ses
sensations, les limites tracées par la profession médicale traditionnelle, et se
libérait par son puissant penchant naturel du style superficiel qui a
caractérisé nos études médicales passées, qui a fait perdre au malade son
humanité, son identité, et l’a morcelé en membres désunis, isolés de l’esprit
et dissociés de la société.
Ce jour-là, je pensais fermer mon cabinet ; en effet, après avoir passé
quinze années consacrées aux études et à l’exercice de la médecine, dans
mon pays et ailleurs, j’étais convaincue que la plupart des patients ne sont
pas à vrai dire des malades, que seules leurs mauvaises conditions sociales
les amènent à se croire victimes d’une maladie permanente et que la plupart
des cas pathologiques guérissent seuls par la force de la nature et la volonté
de l’homme.
Je m’adressais à ma conscience, et je délibérais pour fermer mon cabinet,
quand la jeune fille en question entra pour me voir. Elle attira mon intention
par ses yeux hagards d’où sourdait un regard craintif et bizarre. Tout
semblait demander avec sollicitation une aide pressante. Au fil du temps,
tous les traits de la jeune fille se sont complètement effacés de ma mémoire,
mais son regard y reste encore gravé, au point de faire partie de moi-même.
Elle n’était pas seule ; elle était accompagnée d’un homme qui dit d’une
voix grave et furieuse :
« Je vous prie docteur de l’examiner ! »
Je m’adressai à la jeune femme en lui disant : « de quoi vous plaignez-
vous ? ». Elle garda le silence. L’homme ajouta avec fureur et de sa voix la
plus grave : « Nous nous sommes mariés hier et j’ai découvert qu’elle
n’était pas vierge ».
Je m’adressai cette fois à lui : « Comment avez-vous pu découvrir
cela ? »
Il répondit avec colère : « C’est connu : je n’ai pas vu couler de sang ».
La jeune fille voulait s’exprimer mais il l’interrompit en disant : « Elle se
prétend innocente ; c’est pourquoi je suis venu chez vous pour que vous la
consultiez ».
Après que je l’eus examinée, il s’avéra que la mariée possédait un hymen
intact mais qui comptait parmi ceux qu’on appelle en médecine le genre
« élastique », qui s’élargit et se rétrécit sans se déchirer et sans qu’une seule
goutte de sang ne se verse.
J’ai expliqué au mari avec une grande précision le cas de sa femme ; il
était bien informé et a beaucoup voyagé dans des missions. Il m’a semblé
l’avoir convaincu et j’ai vu sa femme pousser un soupir de soulagement
comme si elle respirait pour la première fois après une longue asphyxie.
Mais le cas n’était pas aussi simple. Quelques jours plus tard, elle est
revenue seule. Son visage n’était plus celui d’une jeune fille de dix-huit ans
comme je l’avais connue, mais celui d’une vieille femme qui a pris de l’âge
avant terme et dont la physionomie était bien marquée par la douleur et la
tristesse, avec une expression bizarre qui rappelle la mine des morts que
j’avais bien côtoyés en exerçant ma profession de médecin.
Elle dit d’une voix forte : « Il m’a répudiée et cela aurait tourné au
scandale si mon père n’avait pas gardé le secret ».
Je lui répondis : « Et votre père, comprend-il ? »
Elle hocha la tête par un signe de négation ; ses yeux pâles se sont
enveloppés d’un nuage, signe de larmes qui ont coulé et se sont desséchées
jusqu’au mûrissement total.
Elle dit : « Personne ne connait mon innocence sauf vous docteur. A
présent, je vis dans la crainte d’une vengeance de mon père ou mon frère ».
Je suis allée voir son père et je lui ai exposé le problème. Je lui ai
expliqué que sa fille était vierge et que l’hymen est du genre élastique qui
ne se déchire que lors de la naissance du premier enfant. Le père fut étonné
d’avoir entendu cette vérité scientifique, frappa ses mains l’une contre
l’autre et dit avec colère : « Cela veut dire que ma fille a été victime d’une
injustice ? »
Elle dit : « Oui ».
Il répondit : « Et qui est responsable de cette injustice ? »
Je rétorquai : « Vous, son mari et sa famille ».
Il répondit avec colère : « C’est vous les responsables, médecins ! Parce
que vous connaissez ces vérités et vous les cachez, et sans cet incident qui
est survenu inopinément à ma fille, je n’aurais rien su. Pourquoi
n’expliquez-vous pas ces choses à tout le monde ?
C’est votre premier devoir, de manière qu’aucune de ces filles innocentes
ne soit une victime ».
J’ai alors décidé de revenir à mon bureau et d’écrire quelque chose sur la
question, mais j’ai compris que le problème nécessitait une thérapie
multidimensionnelle. Ce n’est pas un sujet propre à la médecine, il est aussi
d’essence sociale, économique et morale. La médecine y représente une
seule composante.
Les années se sont succédé avec leurs lots de problèmes divers et de
nombreux drames vécus par des jeunes filles, des femmes et des enfants,
victimes de l’ignorance répandue et des traditions dominantes. Certaines
sont mortes suite à un avortement, des garçons après une circoncision, sans
compter les victimes d’un accouchement dans de mauvaises conditions, les
meurtres et les agressions dus à une perte de virginité réelle ou supposée,
auxquels on peut ajouter les décès psychologiques et sociaux après un
drame, ou autres. Comme elles sont nombreuses les causes qui condamnent
la femme à mourir psychologiquement et à mener une existence dans un
état de délabrement proche de la mort, celle-ci étant préférable dans
beaucoup de cas !
Mes nombreux voyages dans plusieurs pays m’ont beaucoup aidée à
cerner les conditions de la femme dans les diverses sociétés, qu’elles soient
développées ou sousdéveloppées, capitalistes ou socialistes.
J’ai pu également, à travers mes lectures scientifiques – autres que
médicales – historiques et littéraires, comprendre comment et pourquoi la
femme est victime des différentes entraves à sa liberté et à sa dignité.
Qui plus est, mon expérience en tant que femme me dote de la
connaissance des sensations profondes du sexe féminin. En effet, le monde
a besoin d’informations véridiques sur la femme, susceptibles de changer
les concepts erronés qui l’avaient définie et de réviser les idées qui ont
circulé à son égard dans le monde, lesquelles étaient exprimées dans la
plupart des cas par des hommes.
Par conséquent, ces idées n’exprimaient pas la réalité propre à la femme
mais étaient tout simplement un point de vue de l’homme sur la gent
féminine. Le fossé qui sépare la vérité du point de vue est par conséquent
assez profond.
LE CORPS DE LA FEMME

Il est certain que l’histoire de la mariée, par laquelle j’ai présenté mon
ouvrage, m’astreint à commencer ce chapitre par quelques informations et
vérités médicales anatomiques, propres aux organes génitaux de la femme,
informations ignorées et dont l’ignorance est génératrice d’un
obscurantisme et d’une oppression supérieurs à ceux générés par
l’incompréhension des autres organes, de n’importe quelle espèce vivante.
Commencer par définir les organes du corps de la femme ne signifie
nullement que l’ignorance de la constitution de son corps est plus répandue
ou plus dangereuse que la méconnaissance de sa constitution psychique ou
mentale.
Les conditions sociales ont depuis longtemps contraint la femme à être un
simple corps et ont mis aux oubliettes ses caractères mentaux et psychiques,
de sorte qu’avec le temps on a fini par ignorer qu’elle en dispose comme
son partenaire l’homme.
De ce fait, on sait que l’ignorance de la femme par l’homme ne signifie
pas seulement celle de la constitution du corps de sa partenaire, de ses
désirs, et des fonctions physiologiques du sexe. Cela implique aussi
l’ignorance de ce qui est plus important et plus dangereux. C’est la
compréhension humaine de la femme, d’un être humain qui lui ressemble
parfaitement.
Il est certain que ces interdits et ces contraintes imposées à la femme par
la société et plus particulièrement à ses organes reproducteurs (pour des
causes que je citerai par la suite) ont contribué à dénaturer le sens de la
relation sexuelle, assimilée dans les mentalités au péché, au délit et à la
souillure, et toute autre expression de bassesse susceptible de dissuader les
gens de parler du sexe, en ignorant beaucoup de choses sur la femme et la
sexualité.
L’ignorance ne signifie pas seulement l’absence d’informations ; la
propagation des connaissances erronées est, de ce fait, la pire des
ignorances. Ainsi, il est préférable que l’homme n’en possède aucune plutôt
qu’il dispose de fausses informations qui nuisent à son tempérament et à
son intelligence naturels.
Ainsi, les informations erronées sur le sexe et les organes génitaux se
sont répandues en raison des dissimulations et de l’aspect confidentiel qui
sous-tendent les informations véridiques, à l’instar des rumeurs qui
circulent dans le secret et que les gens se transmettent discrètement, au
moment où les vérités, d’une bouche à l’autre, tombent à l’eau les unes
après les autres.
Ainsi, bien que le corps de la femme eût un peu plus de chance que son
esprit et son psychisme et qu’il ne fût pas l’objet du rejet précité, la société
ne l’a pas laissé à l’état naturel.
L’idée erronée qui s’est répandue depuis longtemps, selon laquelle
l’homme est le maître de la femme, et que celle-ci n’est qu’un objet de
jouissance et un instrument de procréation, a permis à la société d’extirper
de son corps ce qui lui convient et de négliger ce que bon lui semble, de
manière à la réduire à un simple utérus qui engendre des enfants.
L’obscurité et la négligence se sont alors répandues sur les organes de la
femme qui ne jouent pas un rôle de procréation et de naissance. Certains de
ces organes se sont arrachés complètement du corps de la femme, surtout
les organes génitaux sensibles au plaisir sexuel.
Combien d’hommes ont vécu avec une femme pendant des années sur
des rapports sexuels fréquents, ont eu avec elle une dizaine d’enfants puis
sont morts sans se rendre compte que cette femme possède des organes
reproducteurs autres que le vagin, qu’ils ont connu à travers leurs rapports
sexuels, et l’utérus porteur de leurs enfants, et sans se rendre compte que
ces deux organes, qui ont servi à la fécondation, sont moins sensibles que
les autres au sexe, parce que leur rôle essentiel n’est pas le plaisir sexuel
mais la gestation et l’accouchement !
Il est certain que le « clitoris » (organe extérieur reproducteur de la
femme) est l’organe qui a le plus de chance d’être ignoré, méconnu et
négligé. Dans certains cas, la société lui porte un regard de haine et l’extirpe
au moyen d’un bistouri comme on le fait pour l’appendice.
En effet, le clitoris, dans le corps de la femme, n’est point un appendice
mais un organe essentiel, au moyen duquel la femme connait le plaisir
sexuel. Il se distingue (comme le pénis chez l’homme) par sa constitution
de tissus susceptibles de provoquer l’érection au moment de l’excitation
sexuelle et par un plus grand nombre de nerfs sensibles au plaisir érotique.
C’est lui qui conduit l’activité sexuelle du début jusqu’à la fin, et sans lui, la
femme n’aurait jamais atteint le summum de la jouissance qui coïncide avec
l’éjaculation, et par laquelle se termine le rapport sexuel.
Le clitoris ressemble au sexe de l’homme par sa forme, sa constitution, sa
forte sensibilité et son rôle important dans la sexualité. Ceci ne semble être
ni étonnant ni étrange, du moment qu’ils ont la même origine sexuelle et
que les cellules qui fabriquent le clitoris sont les mêmes que celles qui
créent le phallus. Mais ce qui se produit lors de l’évolution des gènes, c’est
que le clitoris chez la femme arrête son évolution dans une certaine phase,
et que le phallus la continue pendant une période plus longue.
Mais, alors que la société a décidé pour des raisons économiques que le
seul rôle de la femme est de procréer et de s’occuper de son mari, ainsi que
de ses enfants, sa privation du plaisir sexuel l’a trop préoccupée pour
pouvoir remplir le rôle qui lui a été assigné.
Il en a résulté que l’homme a ignoré et négligé le clitoris de la femme et
n’a connu que le vagin qui est son seul objet de jouissance.
En raison de cette ignorance, l’homme a imaginé que, du moment qu’il
atteint le sommet de la jouissance par la voie vaginale, il en sera de même
pour la femme. C’est son égoïsme qui l’a dissuadé de reconnaitre sa faute et
de découvrir la voie royale qui mène vers la jouissance de sa partenaire.
Certains hommes ont dû comprendre que le col de l’utérus (la partie
inférieure de l’utérus qui ferme l’ouverture supérieure du vagin) est la
membrane la plus sensible au plaisir chez la femme et se persuadent que le
sexe de l’homme, s’il touche ce col lors du rapport, déclenche le summum
de la jouissance sexuelle. D’où il suit la conviction que la taille du phallus
est un élément important dans la performance sexuelle et que l’homme le
plus puissant sexuellement est celui qui dispose du plus grand et du plus
long pénis, parce que cette longueur lui permet d’atteindre le col de
l’utérus.
Ces hommes ne réalisent pas que la taille de l’organe n’implique
nullement la performance sexuelle chez eux et que le col de l’utérus n’est
pas la membrane la plus sensible à la jouissance comme ils le croient ; au
contraire, il est le moins sensible au plaisir sexuel, à tout plaisir, à toute
douleur, fût-elle celle qui résulte d’une brûlure par le feu ou par le courant
électrique. La preuve en est que quand la femme est atteinte d’un ulcère du
col de l’utérus, et qu’elle consulte son médecin, il la soigne par une
cautérisation électrique du col de l’utérus sans avoir recours à une
quelconque drogue et sans qu’elle ressente la moindre douleur.
La nature a privé le col de l’utérus de toute sensibilité, afin que la femme
ne meure pas de douleur quand la tête du nouveau-né passe par l’ouverture
de ce col étroit ; on sait aussi que le col de l’utérus et le vagin construisent
le canal d’où nait l’enfant et que ces deux membranes doivent se dilater et
s’élargir pour que le nouveau-né puisse descendre sans douleur ou avec une
petite sensation de douleur supportée par une mère ordinaire. L’utérus et le
vagin sont conçus pour l’accouchement et non pour la jouissance sexuelle.
Mais l’homme ignore cela et se concentre dans son rapport sexuel avec la
femme sur le vagin et le col de l’utérus en négligeant le clitoris ; c’est l’une
des causes qui font que la majorité des femmes se marient, accouchent de
plusieurs enfants, puis meurent sans jamais atteindre le sommet de la
jouissance.
Parmi les informations erronées, l’homme a l’impression qu’il est le seul
à éjaculer quand il atteint la jouissance maximale, alors que la femme aussi
possède sa propre éjaculation lors du coït. Mais l’homme ne saisit pas ce
phénomène car la femme n’atteint que rarement le faîte du plaisir, quelle
que soit la durée du rapport, et l’une des causes en est que l’homme ignore
les organes sensibles de la femme et surtout le clitoris.
Les recherches entreprises dans Kinsey Reports (1953) ont montré que
100 % des hommes connaissent le sommet de la jouissance avant l’âge de
17 ans alors que 30 % seulement des femmes en font de même avant le
mariage, et que le summum du plaisir sexuel n’est pas véritablement connu
par les femmes avant l’âge de 35 ans et ce en raison de l’expérience, ou de
l’augmentation de la quantité de sang qui alimente les organes de la femme
après la grossesse, ou de son désir de venir à bout de ses problèmes
psychologiques etc.
Une enquête réalisée (1960) sur un échantillon de 540 femmes mariées a
mis au jour le fait que la plupart d’entre elles n’ont jamais connu d’orgasme
avec leurs maris et que cette relation conjugale n’a pas assouvi leur
appétence sexuelle, mais les a satisfaites moralement, en ce sens qu’elles se
sentaient proches de leurs partenaires et qu’elles étaient à leur service ; cette
satisfaction morale est une compensation au désir d’atteindre l’orgasme.
De la même façon, on a déduit de certaines recherches entreprises en
1964 que la femme ne concevait pas le sommet de la jouissance sexuelle
comme étant un élément important parmi les signes de sa féminité et qu’au
cas elle aurait atteint l’orgasme, celui-ci ne serait pas naturel mais plutôt
artificiel ou le résultat d’un entraînement.
Parmi les résultats auxquels sont parvenus Masters et Johnson, on peut
retenir ce qui suit :
1. En faisant abstraction des différences anatomiques, l’orgasme chez
l’homme et chez la femme est le même sur le plan physiologique. Dans les
deux cas, nous retrouvons les mêmes actions physiologiques telles que la
réaction et la réponse des muscles, tout autant que le flux du sang dans les
organes jusqu’à un certain degré ; l’orgasme est ainsi le produit des muscles
eux-mêmes chez l’homme et chez la femme.
2. Il n’y a pas d’orgasme proprement vaginal en l’absence d’un orgasme
clitoridien ; les deux constituent une seule unité anatomique. L’orgasme est
lié à un seul processus qui ne varie pas avec le type et le lieu de l’excitation
sexuelle.
3. Le clitoris joue un rôle important et fondamental dans l’orgasme de la
femme.
4. La femme est très sensible aux influences psychologiques, de sorte
qu’elle doit se débarrasser de ses complexes, de sa peur ou sa timidité, du
moment que toute dissipation réduit son degré émotionnel.
D’autres informations ont été rapportées dont les plus importantes sont :
1. Le clitoris est plus important et plus sensible au plaisir sexuel que le
tiers de la partie inférieure du vagin. De ce fait, la recherche de la
jouissance sexuelle à partir du vagin, en tant qu’organe de maturation
sexuelle et psychologique de la femme, n’est point naturelle.
2. Le vagin est constitué de deux parties. La partie supérieure, qui
représente les deux tiers du vagin, n’est point sensible et ne joue aucun rôle
dans la jouissance sexuelle. Quant à la deuxième partie et qui forme le tiers
inférieur restant, elle est sensible au sexe mais est d’une sensibilité moindre
que celle des lèvres de la vulve, celles-ci étant moins sensibles que le
clitoris.
On dit à ce sujet que les femmes qui s’imaginent pouvoir atteindre
l’orgasme par la seule voie vaginale, ignorent l’excitation qui a lieu au
niveau du clitoris et essaient par là de manifester leur « maturation
sexuelle ». Dans ce sens, il existe une idée psychologique erronée qui fait
croire à la femme que la maturation sexuelle signifie que le vagin est
l’origine du plaisir sexuel et que l’excitation du clitoris n’est que l’un des
désirs de l’enfant et de l’adolescent et non celui de la femme mûre.
La jouissance sexuelle chez la femme est unique ; il n’existe pas un
plaisirs strictement clitoridien, et un autre de type vaginal. Les organes de la
femme sont étroitement liés entre eux sans aucune rupture. Toutefois, cette
dissociation entre les deux types de jouissance a eu lieu artificiellement à
cause des idées de Freud et de la théorie de l’analyse psychologique, qui ont
considéré le clitoris chez la femme comme un organe masculin positif qui
s’est glissé par erreur dans le corps de la femme.
A cause de cela, les femmes ont de plus en plus tendance à préférer
l’excitation par voie vaginale pour des raisons psychologiques, et celle de
type clitoridien pour des raisons sexuelles.
Devant cette confusion et cette incompréhension, en raison également du
complexe psychologique, et de l’idée selon laquelle la jouissance sexuelle
est une tare et un péché, la plupart des femmes ne connaissent rien de
l’orgasme, et tout ce qu’elles ont appris du sexe c’est ce faible plaisir ou
l’autosatisfaction en rapport avec leur désir de satisfaire l’époux.
On décrit trois sortes d’orgasme chez la femme. Le genre bas, le genre
moyen et le genre élevé. Celui-ci est similaire à l’orgasme chez l’homme ;
la femme ne peut l’atteindre qu’après une expérience déterminée et après
qu’elle s’est débarrassée de ses complexes psychologiques, de sa peur et sa
honte, et qu’elle a répondu au plaisir par la voie naturelle. Si la femme avait
mené une vie naturelle dépourvue d’intimidation et de complexes depuis
son enfance, elle atteindrait l’orgasme facilement et naturellement d’égal à
égal avec l’homme.
L’insensibilité féminine à l’égard du sexe est appelée scientifiquement
frigidité ; c’est la maladie sexuelle et psychologique la plus répandue chez
les femmes. Je ne pense pas qu’il existe des statistiques scientifiques et
rigoureuses qui indiqueraient d’une manière ou d’une autre le taux des
femmes atteintes de frigidité, puisque elles-mêmes ignorent le sexe, la
jouissance sexuelle, l’orgasme, qu’il y a un plaisir dans le sexe et qu’elles
peuvent être frigides. Il est connu médicalement que la frigidité est
accompagnée, lors du rapport sexuel, d’une forte excitation vaginale ; cette
excitation a même lieu sans aucune influence directe sur les organes
génitaux de la femme pendant l’acte. La cause en est que beaucoup de
femmes souffrent de l’angoisse d’atteindre l’orgasme, cette angoisse étant
plus forte que son désir ou sa volonté d’y accéder.
Les complexes psychologiques et sexuels de l’homme se répercutent sur
la femme et il en résulte une frigidité. Les plus importants résident peut-être
dans la dissociation qu’il fait entre l’amour et le sexe, en ce sens qu’il désire
dans la plupart des cas la femme qu’il n’aime pas ; quant à l’autre femme, il
se trouve incapable de s’unir avec elle sexuellement, ou peut le faire à
condition qu’elle reste la jeune amante vierge et chaste, autrement dit une
femme frigide. Les épouses elles-mêmes pensent que la frigidité est une
caractéristique de la femme respectable, qui se vante d’être frigide. La
jouissance naturelle devient alors l’apanage des seules prostituées et
concubines. Beaucoup d’hommes se réjouissent de ce dédoublement de leur
personnalité et disposent chacun d’une épouse frigide quasi abandonnée et
d’une maîtresse désirée mais méprisée.
LE CONCEPT DE VIRGINITÉ

La plupart des gens ignorent beaucoup de choses sur ce qu’on appelle


l’hymen et pensent que toute fille dispose de cette membrane dans son
corps, que cette membrane doit un jour être percée lors de la première
relation entre la jeune fille et l’homme et que le résultat de cette pénétration
doit toujours être l’écoulement d’un sang rouge vu sur les draps. Est-ce
vrai ? La réponse à cette question est : non.
L’hymen n’est pas un type unique ; il en existe plusieurs. Le plus connu,
et qui se trouve chez 75 % de femmes, est une membrane fine et élastique
qui ferme l’entrée du vagin ; en son milieu, se situe un petit trou circulaire
par lequel passe le sang menstruel tous les mois, un trou étroit où le bout
des doigts peut s’introduire. Cette membrane, si elle se déchire (pour des
raisons diverses, entre autres le rapport sexuel avec l’homme), il s’ensuit un
écoulement de quelques gouttes de sang ; la jeune fille ressent une légère
douleur ou n’en ressent pas du tout et cela est en rapport avec la dimension
du phallus et le type de dépucelage.
Les jeunes filles restantes (25 % approximativement) sont nées avec des
membranes diversifiées d’où ne coule aucune goutte de sang pendant le
rapport sexuel. Parmi ces types de membranes, il existe le genre élastique
où peut s’introduire le sexe de l’homme sans douleur et sans écoulement de
sang. Un autre type est celui d’une membrane avec une ouverture courbée
de sorte que son périmètre devient plus large que l’ouverture circulaire ; il
s’ensuit un rapport sexuel sans déchirure, surtout quand la taille du phallus
est inférieure à la moyenne.
On recense aussi la membrane aux multiples petits trous semblables à
ceux du tamis, qui se déchire facilement sans douleur et sans sang. On sait
également qu’il existe un petit pourcentage de jeunes filles qui naissent sans
hymen ; dans d’autres cas rares, il est possible que des femmes viennent au
monde avec une membrane épaisse et fermée, nécessitant pendant la
puberté l’usage du bistouri pour permettre au sang menstruel de sortir.
D’un point de vue médical, l’on sait que l’hymen ne joue aucun rôle
physiologique ou biologique, à l’instar de l’appendice. Sa présence ou son
absence ne sont point nocives pour la santé de la femme ; de la même
façon, peu importe que l’ouverture soit circulaire et sinueuse ou de forme
régulière. L’essentiel pour la médecine est qu’il y ait une ouverture par où
passe le sang menstruel.
On sait également que les organes du corps humain, qu’ils soient
génitaux ou pas, sont différents par leur taille et qu’aucun corps ne
ressemble parfaitement à un autre, comme le sont les empreintes digitales.
Chacun de nous possède son propre corps, sa propre constitution et ses
propres empreintes. Les organes génitaux des hommes et des femmes sont
également dissemblables. De même que la taille du phallus diffère d’un
homme à un autre, l’ouverture de l’hymen ne peut être définie par sa taille
selon des critères précis. Et malheur à celle qui se marie par hasard avec un
homme dont le périmètre du phallus est inférieur de quelques millimètres à
celui de l’ouverture de son hymen !
Une jeune fille de la campagne, âgée de 16 ans environ, est venue me
voir avec son mari. Elle avait le teint blafard et l’aspect chétif ; on aurait dit
une fillette de 12 ans, tant sa stature était inférieure à la moyenne. J’ai cru
un instant que la sous-alimentation était la cause de l’atrophie de son corps.
La pâleur de son teint m’a fait croire qu’elle souffrait d’une intoxication.
Quand elle s’est débarrassée de ses habits larges de la campagne, j’ai
remarqué la grosseur de son ventre. Son mari dit qu’ils se sont mariés
depuis un an et qu’elle est enceinte de cinq ou six mois.
Je lui posai la question classique : « Quand le sang menstruel a-t-il cessé
de couler ? »
Elle répondit qu’elle n’avait jamais connu de règles.
Son mari dit qu’elle est encore jeune, qu’elle n’a pas encore atteint sa
majorité et que c’est la grossesse qui a dû empêcher l’apparition des règles.
En examinant la jeune femme, j’ai pu découvrir qu’aucun fœtus de cinq
ou six mois ne se trouvait dans son ventre mais une simple enflure aux traits
confus ; naturellement, j’ai eu recours à l’examen de l’utérus en passant par
le vagin et j’ai découvert un fait qui m’a étonnée. Le vagin était
complètement fermé par une membrane épaisse et élastique qui s’est
comprimée avec une grande plasticité, au point que le bout de mon doigt
était sur le point de toucher le col de l’utérus, n’étant séparé de lui que par
l’épaisseur de la membrane.
Je demandai à l’époux ce que lui rappelait la nuit de noce.
Rapidement, il dit : « La nuit de mes noces, j’ai contacté ma femme et je
n’ai pas vu de sang, mais je n’ai point douté parce qu’elle était encore
enfant et n’avait pas atteint sa puberté ».
Je répondis à l’époux que sa femme était encore vierge, qu’elle était née
avec un hymen élastique et fermé et que cette enflure dans son ventre c’est
du sang menstruel qui s’est accumulé au fil des mois sans trouver d’issue à
l’extérieur.
A l’aide d’un bistouri, j’ai ouvert la membrane et le sang accumulé jaillit
à l’extérieur. La jeune fille s’est levée comme si elle avait ouvert les yeux
pour la première fois après une maladie chronique ou une intoxication de
longue durée.
J’ai lu une fois qu’un meurtre résultant d’une situation pareille avait eu
lieu. La police a découvert le cadavre d’une jeune femme enceinte et tout le
monde convenait qu’on l’avait tuée pour préserver l’honneur. Mais le
médecin légiste, après autopsie, annonça que la grosseur du ventre de la
femme n’était pas due à une grossesse mais au sang menstruel accumulé
pendant des mois à cause d’un hymen épais et fermé.
Combien d’accidents douloureux nous ont été transmis par la presse
écrite ! Peut-être que le récit le plus récent que j’ai lu est relaté dans la
revue médicale irakienne en date du 21 janvier 1972 et signé par un
médecin légiste irakien connu du nom de Wasfi Mohamed Ali ; il dit ceci :
« Je me souviens de l’une de mes séances devant le grand tribunal de
Bagdad où je fus consulté pour le comportement d’un médecin officiel et
pour dire s’il correspond à l’éthique professionnelle médicale. On lui a
demandé d’examiner une fille pour voir si elle avait perdu sa virginité dans
un passé proche ou lointain ou si elle était toujours vierge. Ce qui a motivé
le juge à demander cet examen c’est que l’époux avait informé sa belle-
famille la nuit de ses noces qu’il doutait de la chasteté de la fille, pour la
raison qu’il n’avait observé aucun écoulement de sang pendant le coït. Le
médecin examina la fille puis sortit ; sa famille demanda avec insistance le
résultat de l’analyse ; le médecin leur affirma que la fille était depuis
longtemps déflorée. Ils reçurent la nouvelle comme une foudre et la fureur
de son cousin paternel était telle qu’il la tua un jour après, bien qu’elle
confirmât, comme l’avait reconnu le légiste, que la déclaration du médecin
était nulle et non avenue et que personne ne l’avait touchée. Le juge forma
une commission pour examiner le cadavre ; celle-ci établit son rapport sur
la base d’une absence de déchirure de l’hymen, celui-ci étant du genre
élastique ; il s’est alors avéré que le diagnostic du médecin était erroné ».
Dans ce même article, le docteur Wasfi Mohamed Ali a écrit que la
membrane élastique n’est pas rare en Iraq comme il ressort de son enquête
réalisée durant plusieurs années. Il s’est alors établi selon les dernières
statistiques que le pourcentage de son existence est le suivant :

LE GENRE LE NOMBRE LE POURCENTAGE


MOYEN 1265 41,32
EPAIS 959 31,32
FIN 495 16,16
ELASTIQUE 343 11,20
TOTAL 3062 100,00

Le nombre et le type des membranes virginales – conformément à la


nature de sa texture – examinées à l’institut médical juridique (médecine
légale) – Bagdad durant les années 1940-1970.
Parmi les vérités médicales les plus connues, comme je l’avais signalé
précédemment, je rappelle que l’hymen possède une petite ouverture qui se
rétrécit et s’élargit et peut aussi présenter des sinuosités ou une courbe
régulière ; dans la plupart des cas, il se déchire avec une légère douleur et
quelques gouttes de sang. Cette réalité prouve, naturellement, que la
membrane est fine, car si elle était épaisse et ferme, il ne serait pas facile de
la déchirer de cette façon, et la femme déflorée ressentirait une plus grande
douleur accompagnée d’une hémorragie plus forte.
Il existe des cas rares où la membrane est anormalement épaisse ; sa
déchirure, la nuit des noces, s’avère alors douloureuse pour la jeune fille, ce
qui nécessite parfois le recours à un médecin ; la déchirure de la membrane
est, dans ce cas, suivie d’une hémorragie et non pas de la sortie de quelques
gouttes de sang.
Or, la membrane la plus courante est l’hymen qui se déchire lors de la
première rencontre avec l’homme, accompagnée d’une légère douleur et
quelques gouttes de sang. Cependant, il arrive parfois qu’il se déchire pour
d’autres causes avec la même sensation et le même écoulement.
Une jeune fille de 18 ans est venue me voir avec son père. C’est une
sportive qui pratique le sport hippique et le cyclisme. Le père a lu quelque
part, comme par hasard, dans une revue, que certains sports comme le
hippisme, le cyclisme ou le saut en hauteur peuvent provoquer la déchirure
de l’hymen chez la jeune fille. Depuis ce jour, il vivait dans l’angoisse et
interdit à sa fille de pratiquer ses sports préférés. Il voulait s’assurer de
l’intégrité de son hymen avant qu’elle ne se marie avec son cousin
maternel.
J’ai demandé à la jeune fille ce qu’elle pratiquait comme sport et si elle
se rappelait avoir ressenti une légère douleur ou l’écoulement d’un peu de
sang lors d’un petit accident. Elle répondit qu’elle ne s’était exposée à rien,
que son père exagérait son inquiétude et l’avait privée de ses sports
préférés, qu’elle aimait autant que sa vie. Puis elle dit avec tristesse : « Si le
mariage signifie que je dois renoncer à pratiquer le sport, je ne veux point
me marier et je préfère celui-ci à l’union conjugale ».
J’étais absolument convaincue du droit de la jeune fille à faire du sport et
je conseillai au père de s’abstenir de son inquiétude et de laisser sa fille
pratiquer celui qu’elle préfère ; mais il n’était pas convaincu et insista pour
que je l’examinasse.
Après que je l’eus examinée, il apparut que l’hymen était du genre
normal avec une ouverture circulaire régulière, mais dans l’un de ses côtés,
il y avait une petite fissure de deux ou trois millimètres, laquelle provenait
d’une déchirure latérale de l’hymen au moment d’un mouvement sportif
violent. J’ai expliqué au père le phénomène, une explication qui a accentué
son inquiétude et son trouble. Il m’a alors demandé si la petite déchirure
avait fait perdre la virginité de sa fille et si aucun sang ne coulerait la nuit
de ses noces. J’ai dit au père la vérité qui est que ce type de déchirure avait
accentué l’élargissement de l’ouverture de la membrane et qu’il est possible
qu’il n’y ait pas de sang la nuit des noces, surtout si elle tombe sur un époux
dont le phallus est en dessous de la moyenne.
La colère du père redoubla d’intensité ; il trembla en disant avec
embarras : « Que faire docteur ? »
Je répondis : « Rien ; il faudrait tout simplement expliquer la chose à
l’homme qui demanderait en mariage votre fille ».
Le père dit avec une profonde tristesse : « C’est la plus grande
catastrophe qui m’ait le plus choqué ».
Je répondis : « Quelle catastrophe ? Si vous perdiez un œil, cela aurait été
le moindre mal pour vous ? Et vous faites un drame en perdant cette
membrane que vous considérez être la plus chère ! ».
Puis je réconfortai le père en lui expliquant que le plus précieux chez sa
fille n’est pas cet hymen qui s’était déchiré sans qu’elle ressentît quoi que
ce fût, en pratiquant son sport, mais est plutôt, comme chez la plupart des
gens, son libre-arbitre, sa franchise vis-à-vis de soi-même et une
participation à la construction d’une vie meilleure pour elle et pour la
société.
Mais il dit : « Et qui va croire docteur que c’est le sport ; quiconque
douterait de son honneur et de sa chasteté ».
Sa fille répondit avec colère : « J’ai confiance en moi-même et les doutes
m’importent peu ; et l’homme qui douterait de ma réputation, je ne
l’accepterai pas ».
J’ai apprécié la jeune fille pour sa confiance en soi, mais le père était sur
le point de craquer et me demanda de lui délivrer un certificat médical qui
attestât que le déchirement qui avait eu lieu avait pour cause le sport et non
autre chose. Je lui remis le certificat pour le calmer ; il le prit
soigneusement, et avec beaucoup de précaution, entre ses mains, comme
s’il détenait sa vie elle-même, prit sa fille par la main et partit.
Une jeune fille de 20 ans, est venue me voir accompagnée de sa mère,
directrice d’une école primaire. La mère me demanda d’examiner sa fille
pour la tranquilliser sur le caractère intact de son hymen. Je lui demandai de
m’expliquer ce qui l’avait poussée à douter de cette intégrité. Elle répondit
avoir découvert que sa fille s’était habituée chaque matin, en se lavant, à
mettre ses doigts sur l’hymen pour mesurer la taille de son ouverture, et
qu’elle craignait que sa fille, par ce mouvement, n’eût altéré sa membrane
sans le vouloir.
Quand j’eus interrogé la fille, elle répondit que sa mère la mettait souvent
en garde contre le saut ou le bond sur la corde, de crainte que son hymen ne
se déchirât ; la fille aimait le bond sur la corde et le pratiquait à l’école.
Mais les paroles de sa mère s’étaient ancrées dans sa mémoire et l’avaient
poussée à craindre sans cesse pour son hymen ; un jour, pendant qu’elle se
lavait, son inquiétude atteignit son paroxysme ; elle mit son doigt pour
s’assurer que son hymen était intact ; quand elle eut découvert par le bout
de son doigt la petite ouverture, elle s’effara et crut que la membrane s’était
déchirée. Mais l’une de ses amies lui dit que chaque membrane possède une
petite ouverture d’où sort le sang menstruel. A partir de ce moment, la fille
n’avait cessé de mesurer cette ouverture pour s’assurer qu’il s’agit d’une
ouverture étroite qui ne s’élargit pas au fil des jours après le bond sur la
corde.
Après l’avoir examinée, j’ai confirmé ce qu’elle avait dit ; son hymen est
resté intact avec une ouverture qui s’était élargie non à cause du saut sur la
corde ; mais du moment qu’elle mettait continuellement son doigt dans
l’ouverture, son pourtour commença à se relâcher quelque peu et
l’ouverture s’élargit.
Il arrive souvent que l’ouverture s’élargisse chez les jeunes filles qui
pratiquent la masturbation à outrance pendant la puberté.
La femme dit avec frayeur : « Est-ce que cela influera sur sa virginité ? »
Je dis la vérité à la mère, comme quoi sa fille, quand elle se marierait, ne
verrait peut-être pas une goutte de sang couler lors de son premier contact.
La mère était sur le point de s’effondrer mais je l’ai calmée et lui ai
délivré un certificat prouvant l’innocence de la fille. Celle-ci était
effectivement innocente. La véritable pécheresse c’était la mère, par
l’éducation malsaine dont a été victime sa fille, car elle faisait naître en elle
l’effroi et l’angoisse vis-à-vis de l’hymen. La mère elle-même était
innocente car elle ignorait l’éducation saine ; la principale responsable c’est
la société qui a choisi comme critère de l’honneur une membrane fine dans
le corps de la femme, et exposée à toutes sortes de lésions, de relâchements,
de blessures, de déchirures… Nous pouvons imaginer le dommage
psychologique intense subi par les jeunes filles, dans notre société, quand
elles réalisent qu’à l’extrémité finale de leur vagin loge une membrane fine
qui représente ce qu’elles ont de plus précieux et dont dépendent leur
avenir, leur honneur et leur vie, qu’elles sont tenues de la préserver par tous
les moyens, et, le cas échéant en s’abstenant de faire un mouvement ou de
pratiquer un sport, en marchant les jambes collées l’une contre l’autre,
qu’elles doivent vivre dans une angoisse permanente et un fantasme
insoutenable en pensant à leur hymen, qu’elle perdent tous les ingrédients
d’un esprit fort et d’un corps sain et solide ; il s’ensuit qu’elles mènent une
vie terne, froide et assoupie, où elles essaient chaque nuit de prouver leur
honneur en ignorant et en négligeant tout mouvement ou toute jouissance
susceptibles de dévoiler leur expérience sur ce qu’on appelle le sexe.
Nous disposons actuellement de certaines informations sur cette
membrane que beaucoup d’entre nous ignorent, et nous savons que
l’absence de sang la nuit des noces n’implique pas nécessairement que la
jeune fille a pratiqué auparavant le sexe. Si nous ajoutons aux 25 % des
filles nées déflorées par référence au concept de virginité en vogue les 5 %
de celles qui la perdent pour une raison étrangère au sexe, nous aurons
compris que 30 % environ des filles sont victimes d’une injustice flagrante
la nuit des noces. Comment se fait-il que la société accepte de dénoncer ces
jeunes filles et qu’elle les sanctionne alors qu’elles ne savent rien du péché
à cause duquel elles ont été sanctionnées ?
Mais la société dit qu’il est nécessaire d’avoir une preuve tangible de la
chasteté de la jeune fille et que si une minorité est opprimée d’un point de
vue médical, la majorité des jeunes filles (70 %) peuvent être jugées sur
leur honneur par cette membrane ; sinon comment évaluer la chasteté de la
jeune fille ?
Une jeune étudiante qui, au départ, avait refusé avec effarement que je
l’examinasse par la voie vaginale, prétendant qu’elle était toujours vierge,
m’a raconté ceci : il y avait un amour réciproque entre elle et l’un de ses
collègues à l’université ; ils ne pensaient pas au mariage parce que l’avenir
de son copain n’était pas assuré en raison de ses échecs universitaires. Mais
ils se rencontraient et pratiquaient de temps en temps le sexe ; le contact
était superficiel de sorte que l’hymen resta intact ; mais un spermatozoïde
est parvenu, lors de l’un de ces rapports, à traverser l’ouverture de l’hymen,
puis se mouvoir vers l’utérus. La jeune fille est tombée enceinte : un
embryon se trouvait dans son ventre en dépit de sa virginité.
Elle me demanda de la débarrasser de son embryon par une opération
chirurgicale sur le ventre, afin qu’elle puisse conserver sa virginité. Je
m’excusai et refusai de pratiquer cette opération. La fille partit mais je pus
la rencontrer quelques années après et appris qu’un autre médecin extirpa le
fœtus de son ventre, qu’elle s’était mariée avec un ingénieur ayant réussi sa
carrière et eut deux enfants.
Je me suis imaginé l’attitude de cet ingénieur heureux qui, la nuit de ses
noces, se livrait aux préparatifs traditionnels afin de s’assurer de la virginité
de sa femme et manifestait sa joie de trouver sa membrane intacte. Il lui
importait peu de voir une longue déchirure sur le ventre de son épouse, de
voir une déchirure de n’importe quelle taille sur son cœur, son foie ou son
cerveau. Mais qu’il voie une déchirure sur son hymen, même de la taille
d’un millimètre, est une catastrophe.
Je ne crois pas que la société puisse ignorer l’existence des moyens
artificiels qui rendent à la fille sa virginité, qu’elle avait perdue pour une
cause ou une autre ; ainsi, le sang qu’on voit la nuit des noces n’est pas
toujours celui de la mariée mais peut être celui d’une poule qu’on avait
placée dans un petit sac, ou celui des règles quand la mariée s’empresse,
alors qu’elle est réglée, de montrer le sang menstruel, prétendant qu’il est
celui de la virginité perdue, et toutes sortes de subterfuges dont usent les
sages-femmes et les femmes ayant une expérience sur l’homme et sur la
vie.
Comme les récits et les cas que j’ai vus de mes propres yeux abondent
quand j’étais médecin à la campagne ! Les traditions bizarres relatives au
mariage étaient toujours répandues dans certains de nos villages, quand la
« sage-femme » arrivait, prenait la mariée par ses jambes comme on prend
une poule avant l’égorgement et présentait ses doigts aux longues griffes
pointues comme un couteau ; le plus souvent, la sage-femme dilate l’hymen
de la mariée, assèche le sang qui coule sur une « serviette » blanche que le
père de l’épouse happe et hisse, afin que tous les invités l’aperçoivent et
voient de leurs propres yeux le témoignage de son honneur et de l’honneur
de sa fille.
J’ai assisté moi-même à certaines de ces fêtes et ma curiosité était telle,
dans certains cas, que je m’asseyais à côté de la sage-femme pour observer
de près ce qu’elle faisait. Une fois, la sage-femme introduisit avec violence
son doigt dans le vagin de la mariée et quand il n’y eut qu’un léger
écoulement de sang, elle lésa de son ongle pointu la paroi du vagin, un
geste qui eut pour effet un écoulement abondant du sang, au point que la
serviette s’y noya ; il en résulta des cris de joie accompagnés des sons du
tambour ; je dis à la sage-femme d’une voix basse qu’elle avait provoqué
une blessure au vagin ; elle me chuchota à l’oreille en prétendant que cela
était nécessaire pour que le sang fût abondant, vu que les gens jugent la
chasteté de la mariée en fonction de la quantité de sang qui coule de la
serviette.
La sage-femme expérimentée dit : « Quand je ne faisais que briser
l’hymen, le sang qui s’y dégageait était trop faible pour être bien vu par les
vieux cultivateurs aux langues déliées. Pour cela, j’ai appris à léser au
moyen de mon long ongle la paroi du vagin pour causer cette hémorragie.
Par là, j’ai acquis une bonne réputation dans le pays, de sorte que toutes les
familles veillaient à ce que je fisse moi-même (et pas les autres sages-
femmes) l’opération de la défloration pendant les fêtes ».
La plupart des médecins qui avaient exercé à la campagne ont rencontré
beaucoup d’accidents douloureux causés par cette manière bizarre de briser
l’hymen par le doigt. Dans certains cas, c’est delui de l’époux qui déflore,
et les dégâts qui en résultent sont plus graves encore, parce que ce doigt
épais appartient à un novice, habitué seulement à se servir de la bêche. Il
s’introduit avec violence et ignorance dans le vagin de la jeune fille, déchire
les tissus fins et s’enfonce dans la chair et les nerfs, provoquant des
lacérations irrémédiables durant toute la vie. Je n’oublierai jamais cette
mariée qu’on m’avait conduite au milieu de la nuit de ses noces, victime
d’une hémorragie forte au niveau de son vagin ; après que je l’eus
examinée, il m’apparut avec une clarté évidente un grand trou sur la vessie
provoqué par le doigt long et épais du mari, qui est passé par la paroi du
vagin pour atteindre celle de la vessie en la trouant profondément. On
dénombre de nombreux cas d’accidents pareils rencontrés par les médecins
qui ont exercé à la campagne.
Ce livre ne suffirait pas si je voulais exposer les cas que j’ai vécus dans
mon cabinet et à l’extérieur, et qui prouvent, si besoin est, que l’existence
de l’hymen et l’écoulement du sang ne signifient rien du tout.
Quand ces vérités se clarifient pour certaines personnes, elles
s’interrogent avec effroi : mais comment évaluer l’honneur de la jeune
fille ? Comment alors définir le concept de l’honneur chez ces personnes ?
Est-il uniquement la sauvegarde de leurs organes génitaux ? La jeune fille
chaste est-elle celle qui protège son hymen sans en faire de même pour sa
pensée, sa franchise, sa capacité dans le travail et la productivité ? La jeune
fille qui ment devient-elle chaste rien que parce qu’elle est née avec un
hymen ? La chasteté peut-elle être une caractéristique anatomique, présente
ou absente, de l’organisme ? Et si l’hymen est la preuve tangible de
l’honneur de la femme, qu’en est-il pour l’homme ?
Certaines gens estiment que la chasteté de l’homme n’a pas besoin d’être
prouvée. Cela signifie-t-il qu’ils sont tous, selon le point de vue de la
société, chastes ? Certains répliquent que l’honneur de la femme n’est pas
comparable à celui de son partenaire ; « L’homme ne peut être déshonoré
que par la vacuité de ses poches » ; c’est l’une des sentences populaires les
plus répandues dans notre société. Cela signifie qu’il conserve son honneur
intact tant qu’il travaille et dispose de ressources, abstraction faite de ses
relations sexuelles avec les femmes ; pire encore, l’homme, dans notre
société, se vante de ses innombrables contacts avec les femmes et considère
ce fait comme une sorte de victoire et de succès.
A partir de là, nous réalisons que la société dispose de certains critères de
l’honneur, et qu’elle a imposé la pudeur aux femmes seules ; il en a résulté
un phénomène social curieux, qui est que la femme évite l’homme pour
préserver son honneur ; mais lui, la traque parce qu’il la désire sans que cela
entame sa réputation. L’homme continue à harceler la femme en usant de
tous les artifices, tels que l’amour ardent, une promesse de mariage ou une
fidélité éternelle imperturbable etc.
Un jour, j’ai reçu dans mon cabinet une jeune fille de 17 ans environ, pâle
et chétive ; les doigts de ses mains étaient crevassés et enflés.
Immédiatement, j’ai senti qu’elle était une servante dans une famille
moyenne ; chaque jour, elle lavait des tas d’assiettes couvertes de graisse,
de beurre fondu refroidi et de ragoût d’une qualité médiocre ; elle pleurait
en frémissant de tout son corps frêle ; alors qu’elle sanglotait, je remarquai
que son ventre était gonflé. Elle me narra son histoire. Elle était entrée au
Caire avec son père en provenance de la campagne pour travailler comme
bonne chez un haut fonctionnaire au ministère de la Justice. Elle dit qu’il
était le procureur du ministère ou quelque chose de ce genre. Dans cette
grande maison d’une famille de plusieurs membres, elle travaillait jours et
nuits, lavait, essuyait, aidait le cuisinier dans la cuisson des repas et à servir
la table. Elle entassait la viande dans des assiettes devant les membres de la
famille et il ne lui restait plus que des miettes. Le premier de chaque mois,
le père arrivait, prenait son argent et retournait au village. Le cuisinier
dormait dans une chambre sur la terrasse ; quant à elle, elle dormait sur un
divan en bois situé dans la cuisine. Elle acceptait sa situation et travaillait
sans relâche pour satisfaire sa maîtresse de maison et son père dans son
village. Tout allait dans le bon sens sauf que la maîtresse de maison apprit
un jour la nouvelle du décès de l’un de ses proches et s’absenta de la
maison pendant quelques jours.
La jeune fille essuya ses larmes puis dit : « Je ne pouvais imaginer que
Monsieur le bey puisse faire cela ».
Je répondis : « Qu’a-t-il fait ? »
Elle s’exclama : « Il est venu me voir la nuit ».
« Et après ? »
« J’ignorais tout et je croyais que rien ne pouvait survenir ; quand la
maîtresse de maison est retournée chez elle, j’ai eu peur de lui dire quoi que
ce soit ; les jours se sont écoulés et je sentis que mon ventre grossissait ; je
croyais qu’il s’agissait d’une simple grosseur ; mais la maîtresse de maison
remarqua mon embonpoint ; elle m’interrogea et me menaça de me mettre à
la porte ; je lui racontai tout. Je croyais qu’elle allait punir son mari mais
elle fit l’inverse, me congédia et menaça de me dénoncer auprès de son père
si je prononçais le nom de Monsieur le bey. J’ai dû fuir mon père car s’il
avait su la vérité, il m’aurait tuée. Je suis allée voir un médecin pour un
avortement mais il m’a renvoyée de son cabinet en prétendant que la loi
interdit l’avortement, alors que j’ai appris de certaines personnes qu’il
pratiquait l’opération pour un coût de vingt livres ; mais moi je n’avais en
ma possession que 70 piastres que j’ai économisés du bakchich que je
recevais des invités de ma maîtresse ».
Je ne pense pas que quelqu’un puisse accuser cette misérable jeune fille
d’être impudique, mais en dépit de tout, elle est au regard de la société une
fille enceinte, sans que cela résulte d’un mariage ; par conséquent, elle est
sans honneur ; elle mérite donc un châtiment. Cette malheureuse jeune fille
affronte toute seule la société et peut mettre fin à sa vie, comme son père est
capable de l’abréger ; elle peut également succomber en voulant se
débarrasser de son fœtus ou mener une vie méprisable et inerte semblable à
la mort. Quant à son maître le bey, il continue à mener une vie prospère
dans cette vaste société étendue, jouissant de sa vie, de son succès et de son
honneur sauvegardé sous la protection de la société et de la loi.
Je crois que nul n’est censé ignorer les agressions et les accidents
auxquels sont exposées les fillettes, dans certaines circonstances. A peine la
fillette a-t-elle atteint l’âge de huit ans qu’un jeune, frivole, la surprend par
une agression fortuite ; ce jeune peut être un serviteur, un portier ou un
membre de sa famille. Je n’entends pas par membre de la famille le cousin
maternel ou paternel uniquement, il peut être l’oncle également, maternel
ou paternel et même parfois le frère.
La fillette peut oublier l’incident comme elle peut se le rappeler
vaguement, comme un rêve harcelant, et se surprend en grandissant, lors de
la nuit de ses noces, à constater qu’elle n’est plus vierge. Il lui arrive de ne
point oublier le choc, qui reste gravé dans sa mémoire, la torturant et
nuisant à sa santé psychologique durant toute sa vie, abstraction faite du
châtiment qui la traque perpétuellement quand elle grandit, et le plus
souvent, elle n’y échappe pas.
Ce qui accentue le drame, c’est que l’homme-agresseur ne divulgue pas
le secret et ne reconnait pas son forfait pour sauver la jeune fille ; il va
parfois même jusqu’à contribuer au châtiment ou le parapher de ses propres
mains pour la condamner, et par là même sauver son honneur et celui de sa
famille.
Nous avons souvent entendu parler de ces drames ; le plus récent est celui
relaté par le bulletin d’information en date du 10 mai 1972 sous le nom de
« l’oncle paternel avait aimé sa nièce et le frère de celle-ci l’avait contraint
à l’empoisonner ». Sur le même sujet, on avait écrit que les gens ont
l’impression que ces drames sont exceptionnels, mais du moment qu’ils ont
lieu dans le secret le plus absolu, personne n’en est au courant, bien qu’ils
soient fréquents. Dès l’âge de huit ans, la fillette peut perdre facilement sa
virginité et oublier l’incident.
Je crois que nous avons besoin de bien comprendre ce qu’on entend par
honneur. Qu’est-ce que l’homme honorable ? Si l’honneur est la franchise, à
titre d’exemple, l’homme franc, ainsi que la femme, deviennent des
personnes honorables. Les critères moraux définis par la société doivent
s’appliquer à tous les individus, abstraction faite du sexe, de la couleur de la
peau et de la classe sociale. Une société qui croit en la chasteté du sexe
comme valeur, doit la concevoir pour tous les membres de la société ; si elle
est valable pour un sexe et pas pour l’autre, pour une classe sociale et pas
pour l’autre, cela signifie que cette chasteté n’est pas une valeur morale
mais une loi imposée par l’ordre social établi. On a vu dans les sociétés
capitalistes comment les dirigeants imposent aux travailleurs et aux salariés
des valeurs morales déterminées, garantissant leur ascétisme dans la vie et
leur engagement militaire en vue de défendre les intérêts de ces dirigeants
et leurs ambitions colonialistes, au moment où ces derniers jouissent des
valeurs de cupidité, de convoitise et de profit qui vont croissant, et des
excès dans tous les plaisirs interdits pour les classes démunies.
Les hommes ayant été les maîtres dans leur société, ils ont invité les
femmes à se conformer aux valeurs de l’honneur et de la chasteté pour
garantir la soumission de celles-ci, alors qu’eux, se permettent de jouir de
tout ce qui est considéré comme un péché chez la femme.
La société passe sous silence les mobiles économiques et d’exploitation
qui sont derrière ces valeurs, et mettent en avant des mobiles moraux parmi
lesquels l’honneur, la vertu et la chasteté. Et quand nous demandons à la
société pourquoi elle impose la chasteté à la femme seule, elle répond que
cela est naturel parce que la femme n’est pas l’homme, et que c’est la nature
qui a créé toutes les différences entre l’homme et la femme et non la
société. Quand nous demandons à la société quelles sont ces différences,
elle s’écrie en affirmant qu’elles sont colossales, entre autres que c’est la
femme qui porte dans son utérus le fruit de la relation sexuelle. La société a
toutefois oublié que la grossesse et l’accouchement ne sont devenus une
contrainte chez la femme que sous l’effet de la société elle-même quand elle
avait décidé que le fœtus qui se développe dans ses viscères et qui se nourrit
de son sang et de sa chair ne lui appartient pas vraiment mais appartient
plutôt à l’homme. Il prend le nom de son père et devient un enfant légitime
reconnu par la société ; quand il ne prend pas le nom d’un homme, la
société le condamne à mort alors qu’il est encore nourrisson.
C’est la société qui, pour des raisons qui lui sont propres, assujettit la
femme ; quant à la nature, elle est innocente vu que les vérités scientifiques
et médicales que je vais citer dans ce qui suit confirment que les différences
colossales qu’on a établies entre l’homme et la femme ne sont point une
création de la nature.
LA FILLE

Quand la fille naît, et bien qu’elle soit incapable de prononcer un mot ou


d’exprimer quoi que ce soit, elle peut parvenir à comprendre, grâce aux
regards qui l’entourent, qu’elle n’est pas comme son frère, et dès qu’elle
commence à marcher à quatre pattes, elle s’habitue à la prudence et à la
peur vis-à-vis de ses organes génitaux.
Le plus souvent, les filles s’épanouissent dans une ambiance pleine de
mises en garde et d’intimidations, en rapport avec la découverte de leurs
membres génitaux ou leur contact. La mère ou le père sont consternés
lorsque la petite fille de cinq ans étend sa main pour découvrir ses organes,
et la rabrouent avec fermeté et violence ; parfois on lui inflige un châtiment
corporel ou on lui adresse des injures afin qu’elle ne recommence pas.
Cependant, on doit reconnaitre que même les garçons sont réprimandés
quand ils agissent de la même manière ; mais la part d’intimidations et de
mises en garde réservée à la fille est bien supérieure à celle du garçon en
raison des contraintes et des interdits imposés par la société au sexe
féminin, et plus particulièrement ceux qui touchent ses organes génitaux, de
sorte que son esprit s’imprègne, plus que chez le garçon, de peur,
d’inhibition, de complexes psychologiques et sexuels, lesquels empêchent
son épanouissement naturel et sa maturation lors des différentes phases de
sa vie.
Les mères et les pères ne comprennent pas qu’il est naturel et plus sain
aussi que les enfants, garçons ou filles, touchent leurs organes génitaux,
désirant se découvrir eux-mêmes parce qu’ils ressentent aussi un certain
plaisir au moment des attouchements.
Ainsi, toutes les personnes, sans exception, ressentent un désir sexuel qui
a besoin d’être assouvi. C’est un désir naturel et salubre, semblable à celui
des repas, ressenti par tous les individus, durant les différentes phases de la
vie.
Et comme l’appétit gastronomique varie d’une personne à l’autre et selon
les circonstances, le désir sexuel aussi varie et s’exprime par des moyens
qui diffèrent en fonction des individus. Mais sa fonction essentielle est
d’assouvir le besoin naturel chez l’homme, de confirmer son existence,
d’enrichir sa vie physique, psychologique et intellectuelle, et de préserver le
genre.
L’intensité du désir sexuel diffère selon les diverses étapes de l’existence
mais n’apparaît pas, comme le pensent beaucoup, subitement, à l’âge de la
puberté ; c’est une partie importante de notre nature ; notre constitution se
développe en fonction de notre épanouissement, depuis la naissance jusqu’à
la fin de la vie. Certains savants considèrent que le désir sexuel ne faiblit
pas avec l’âge mais continue son activité jusqu’à la fin de la vie ; d’autres
spécialistes du sexe pensent que, parfois, il se fortifie et s’intensifie jusqu’à
un âge avancé, d’une manière significative, période qu’ils ont appelé « la
seconde jeunesse » ; ils ont attribué ce phénomène au fait que l’appareil
génital est le plus ancien des appareils, le plus fort fonctionnellement, et
que le déclin des soucis de l’homme d’une part, et l’accroissement de sa
maturité sexuelle de l’autre, sont susceptibles d’accroître sa puissance et
son activité sexuelles malgré son avancement dans l’âge.
Ces mêmes savants, et, à leur tête le chercheur anglais Cooper, nient
l’existence de ce qu’on appelle l’âge du désespoir, aussi bien chez l’homme
que chez la femme.
Il est donc naturel que le désir sexuel s’exprime pendant l’enfance et
l’adolescence d’une manière différente par rapport à l’âge de maturité.
Quand le nourrisson tète le sein de sa mère, il assouvit sa faim et comble un
vide, suivi d’une plénitude jouissive. Au même temps, il commence à jouir
du premier contact avec une personne qui n’est pas la sienne ; c’est en soi
une jouissance.
Après le sevrage, il suce ses doigts pour se remémorer la sensation de la
satisfaction passée. La bouche demeure alors chez l’enfant, pendant quelque
temps, le symbole d’un membre explorateur de toutes les curiosités qui
l’environnent, et qu’il ne connaissait pas avant.
Les enfants, garçons et filles, touchent leurs organes génitaux d’une
manière saine et naturelle, désirant par là se découvrir eux-mêmes, parce
que cet attouchement leur procure quelque plaisir qui n’est en rien nocif et
qui, à l’inverse, semble nécessaire pour l’épanouissement et l’évolution
naturels du corps, de l’esprit et de l’intelligence de l’enfant.
Les enfants des deux âges, entre cinq et onze ans, se livrent à des jeux
innocents sans nocivité ; l’un d’eux est le jeu du « médecin » ; il consiste à
attribuer ce rôle à un enfant, lequel examine le corps de l’autre enfant avec
discrétion, intérêt et curiosité, comme n’importe quel médecin. Dans
certains cas, les enfants échangent entre eux les contacts de leurs membres
d’une manière directe ; ils vont parfois jusqu’à imiter le contact sexuel
pratiqué par les grands.
Tout ceci n’est aucunement nocif pour l’enfant, qu’il soit un garçon ou
une fille, et ne présente aucun danger ; le mal et le danger résident dans la
mise en garde et l’intimidation dont il est victime de la part des adultes, en
raison de son comportement naturel.
Je me souviens encore, quand j’étais enfant, avoir ressenti, le plus
souvent, une grande épouvante, et regardé mes doigts frémir d’effroi, quand
ma main touchait par hasard mes organes extérieurs. Parfois, il m’arrivait
de craindre que mes habits ne se frottassent contre ces membres et je
pensais que ce contact était susceptible de provoquer un mal ou une
détérioration grave pouvant influer sur ma vie tout entière.
Cette crainte se développait en moi jusqu’à atteindre son paroxysme le
jour où j’ai compris qu’il existe là une membrane fine qui se trouve à un
endroit proche de la surface, entre les jambes, que je devais éviter de sauter
très haut à partir d’une échelle, de m’exposer à une déchirure pouvant être
la cause pour moi et ma famille d’une grande catastrophe.
Quand j’ai un peu avancé dans l’âge, l’espèce de peur qui me faisait
redouter le saut et marcher à pas légers, maladifs et prudents, s’est
modifiée : je commençai à craindre les étrangers et à éviter de sortir seule.
J’ai pu comprendre qu’un certain danger me guettait dans ce monde
extérieur et qu’il m’incombait de ne pas communiquer avec les étrangers et
surtout les hommes, sinon il m’arriverait un grand malheur.
J’ai pu, je ne sais comment, établir une relation entre les hommes et cette
fine membrane située près de la surface, entre les jambes. Ainsi, chaque fois
que je m’asseyais par hasard à côté d’un homme qui n’est pas un membre
de ma famille, je serrais mes cuisses l’une contre l’autre, avec force, afin
que l’air respiré par cet homme ne s’infiltrât pas entre mes jambes et ne me
causât aucun dommage.
Je ne savais comment la peur atteignit ce summum mais je demandai, un
jour à ma mère, après qu’elle eut donné naissance à ma sœur cadette,
comment et pourquoi ce sont les mères qui enfantent ; elle me répondit
qu’elles accouchent quand elles se marient. Je demandai naturellement,
comme tous les enfants, pourquoi cela a lieu lors du mariage. Elle répondit
parce qu’elle vit avec le père, mange avec lui et respire l’air qu’il respire.
J’imaginais alors, avec l’esprit d’un enfant, que c’est l’air qui s’accumule
dans le ventre de la femme pour constituer ce fœtus qui fait gonfler son
ventre ; mais cette idée me surprit et je ne pus l’accepter ; je dus alors poser
une autre question à ma mère : « comment l’air peut-il fabriquer un
enfant ? ». Après quoi, je vis les prémices de la colère et de la gêne
apparaître sur le visage de ma mère, qui m’éloigna de sa main en disant
avec mauvaise humeur : « Arrête tes questions ! Va faire ton lit ! »
Je ne crois pas que quelqu’un puisse imaginer (à part les femmes) ce que
ressent une fillette quand elle ouvre les yeux un matin et aperçoit un sang
rouge couler entre ses cuisses. Je me rappelle toujours la couleur de mon
visage ce jour-là. Il était blanc, mes lèvres également avec une teinte
bleutée, mes bras frémissaient et mes cuisses tressaillaient. J’imaginai un
moment que la catastrophe que je craignais s’était produite et qu’un homme
étranger s’était introduit la nuit dans ma chambre pour occasionner ce mal.
J’imaginais cela bien avant et je m’assurais toujours avant de dormir que les
fenêtres qui donnaient sur l’avenue étaient bien fermées.
Ce qui est curieux, c’est que la veille de ce triste jour, on nous a présenté
à l’école une leçon sur la maladie de bilharziose qui atteint les cultivateurs
quand ils descendent à pied dans les canaux d’eau ; la bilharziose pénètre
alors leurs corps et provoque des sensations de brûlure lors des mictions
ainsi qu’un sang rouge dans l’urine.
C’est pourquoi j’ai cru que l’une des causes de cette catastrophe, c’est
que j’étais atteinte par la maladie maudite de bilharziose, et je pensais en
même temps que cette petite ouverture située entre mes cuisses avait pour
seule fonction de permettre la sortie de l’urine.
Et avec l’ingénuité d’une fillette de dix ans, je crus que cette maladie
pouvait guérir seule d’un instant à l’autre.
Mais elle ne prit pas fin et s’aggrava même d’heure en heure ; le dernier
jour, je fus obligée de vaincre la peur et la honte que je ressentais, je suis
allée voir ma mère pour lui demander de m’emmener chez le médecin.
Ce jour-là, je fus étonnée de voir ma mère agir avec calme et froideur,
sans qu’elle fût effrayée par la maladie grave de sa fille. Je commençai, par
son intermédiaire, à connaître la vérité, lorsqu’elle me dit que cette maladie
touche toutes les filles et toutes les femmes, qu’elle se répétera tous les
mois pendant quelques jours et que le dernier jour, je dois faire mes
ablutions pour me débarrasser de ce sang impur par un sérieux lavement.
Ces mots ont résonné dans mes oreilles : maladie mensuelle ! Sang
impur ! On doit se purifier par un sérieux lavement. J’ai alors appris à
travers mon imagination d’enfant que l’impureté de ce sang s’appelle
« annajassa » (souillure), que celle-ci est un état défectueux et déplorable, et
que je devais cacher les manifestations de cette maladie aux yeux de tout le
monde et surtout aux yeux de mon père qui voyait en moi une jeune fille
exemplaire, et qui admirait mon intelligence et mes brillantes études ; je
priai ma mère de garder le secret.
Je restai enfermée dans ma chambre pendant quatre jours consécutifs,
n’ayant pas le courage d’affronter mon père, mon frère et même le petit
serviteur, et quand j’allais au bain, je regardais autour de moi de peur que
quelqu’un ne m’aperçût ; et avant d’en sortir, je lavais le pavé
minutieusement comme si j’effaçais les traces d’un crime honteux ; puis je
me lavais les mains et les bras avec de l’eau et du savon des dizaines de fois
pour ne laisser aucune trace de l’odeur de ce sang impur.
Outre tous ces problèmes psychologiques et physiques auxquels s’expose
la fillette lors de sa puberté, en raison de l’ignorance et de la
méconnaissance de ses organes et ses désirs, elle commence, en accédant à
l’âge de la puberté, à vivre dans des contraintes et interdictions qu’elle
affronte naturellement avec plus de peur, de repli sur soi et de refoulement.
Il va de soi que le désir sexuel des enfants augmente d’intensité à la
puberté, laquelle est accompagnée de changements profonds chez l’homme
en raison du déséquilibre créé entre les différentes glandes endocrines, et
d’une forte augmentation dans la sélection des glandes gonadiques ; ces
changements physiques et physiologiques sont accompagnés d’un profond
changement dans l’esprit, la pensée et les sentiments de l’homme.
Les psychologues affirment que l’être humain, dans ce stade particulier, a
besoin de se libérer de ces contraintes et ces mises en garde pour saisir
l’occasion de s’épanouir, de murir et de recouvrer son autonomie vis-à-vis
des autres.
Mais c’est l’inverse qui se produit : les mises en garde et les contraintes
prennent de l’ampleur au moment de la puberté plus qu’à toute autre
époque. Le garçon s’y expose lui aussi mais à un degré moindre que celles
subies par la fille. Ces mêmes contraintes, auxquelles il s’expose, sont
différentes de celles vécues par celle-ci. Il en est de même pour le regard
porté par la société sur la puberté et ses signes chez le garçon et chez la
fille, lequel regard diffère aussi en fonction du sexe.
Pendant que la société reconnait le droit à la jouissance pour le garçon,
elle le nie chez la fille. En ce sens, on peut dire que la puberté de l’homme
est positive dans la mesure où elle confirme son instinct sexuel et son désir
à l’égard du sexe opposé ; quant à celle de la femme, elle signifie la
dénégation et le rejet du sexe. Il devient alors naturel que le garçon courtise
la fille et que si elle y consent, elle tombe dans la perversion ; il va sans dire
que l’inverse est inconcevable.
La fille ressent les différences colossales établies par la société entre elle
et son frère, le garçon. Celui-ci sort, joue, saute, fait des cabrioles ; quant à
elle, si elle s’assoit et que son habit laisse transparaître un centimètre de sa
cuisse, sa mère lui jette un regard griffu aigu afin que sa fille cache ces
signes extérieurs de l’organe génital. La fillette ressent dès l’âge de dix ou
onze ans que tout chez elle symbolise ces apparences impudiques, qu’elle
doit camoufler et cacher.
Il est donc naturel que la jeune fille ressente une certaine animosité : à
l’égard de son corps, de ses organes génitaux et de son sexe ; elle met en
rapport tous ces éléments avec l’homme qu’elle finit par haïr.
Il arrive à la jeune fille de résister et de lutter pendant un certain temps
contre le sort que lui réserve la société avec une main de fer impassible.
Dans une partie de mes mémoires d’une jeune fille de dix ans, j’ai écrit :
« Dès que je m’évadais dans mon monde d’enfant, avec mes livres illustrés
et mes crayons colorés, ma mère m’entraînait vers la cuisine et me disait :
ton destin est dans le mariage ! Le mariage ! Ce mot détestable que ma
mère ne cessa de répéter jusqu’à ce que je l’eusse haï ; je ne pouvais
l’entendre sans imaginer devant moi un homme ventru à l’intérieur duquel
se trouve une table culinaire. L’odeur du mari resta gravée dans mon esprit
de sorte que j’ai détesté le nom du mari et l’odeur du repas ».
L’ÉDUCATION ET L’INHIBITION

L’homme, quels que soient les attributs qu’il a hérités, reste dépendant de
ceux qu’il a acquis à travers le milieu environnant et l’éducation reçue, et
qui façonnent les caractères de sa personnalité et leur forme finale. Or,
l’être humain vit dans une société qui l’influence et qu’il influence, et la vie
est une interaction permanente entre l’homme et son milieu social.
Par cela, l’échange est le fondement même de la vie humaine dans la
société, depuis la naissance jusqu’à la mort. L’homme se distingue du reste
des animaux par sa capacité à dominer ses sentiments et ses choix. Cette
capacité s’épanouit à travers les différentes étapes de la vie. Ainsi, l’enfant,
dans la première phase de son existence, se trouve incapable de compter sur
soi, puis apprend par la suite à le faire. Autrement dit, il perd graduellement
son négativisme et sa dépendance vis-à-vis des autres pour acquérir le
caractère positif, la capacité de choisir et la liberté d’agir : c’est cela le sens
de l’épanouissement.
L’épanouissement ne signifie pas qu’il est exclusivement corporel.
Comme le corps de l’enfant s’épanouit, s’épanouissent également son
intelligence et son esprit et cela représente la tendance vers une plus grande
autonomie de la personnalité, la capacité de choisir, la liberté personnelle et
la responsabilité. Il est nécessaire et fondamental pour la libération de
l’homme des volontés d’autrui et de ses imitations.
Mais la société, dans ses différentes formes, et relativement à son style,
ses lois, et ses influences, inhibe la femme, et cette inhibition entrave son
épanouissement intellectuel et psychologique, bloque sa libération du
négativisme et du recours aux autres ; elle reste alors semblable à l’enfant
dans ses premières étapes du développement, sans autonomie, sans
positivité ni liberté d’initiative. Mais elle diffère de lui en ce que son
organisme n’est plus celui d’un enfant ; il est devenu un corps grand et mûr.
Ceci semble être la cause de ce qu’on voit des femmes grandes et mûres
par leur corps, mais se trouvant dans un stade d’immaturité quant à leur
esprit et leur raison ; ce sous-développement représente la principale cause
des perversions et des problèmes sociaux, psychologiques et sexuels.
L’immaturité est la cause principale de la plupart de ces problèmes, ceux
de la femme comme ceux de l’homme. L’homme, bien qu’il soit plus
chanceux que la femme dans sa liberté et les opportunités de sa maturation,
est exposé lui aussi à des contraintes sociales qui entravent son mûrissement
psychologique et intellectuel ; on doit également reconnaitre que la
ségrégation entre l’homme et la femme dans la société, et les fortes
contraintes subies par celle-ci, accentuent la sensation qu’elle a de son
négativisme, laquelle débouche sur une amplification de son
assujettissement et de son masochisme.
Le négativisme féminin n’est pas naturel ; il est plutôt le résultat des
contraintes de la société et ses entraves à l’épanouissement de la femme ; il
en est de même pour les autres caractères qui lui sont collés, ainsi qu’à sa
féminité, par la société, et qui ne sont point naturels mais étrangers à la
femme saine.
La fille nait libre puis apprend dès sa naissance comment elle devient une
femelle tout comme le garçon apprend comment il devient un mâle. Et
comme le dit « Margaret Meede », la jeune fille apprend à s’asseoir en
resserrant ses cuisses, à préserver sa virginité, à être pudique vis-à-vis de
son corps puis attend son rôle négatif de femme dans la vie. Quant au
garçon, il remue ses cuisses en toute liberté, se vante de son corps et accède
au monde des hommes d’une manière positive. Si la fille avait eu la
possibilité de recevoir l’éducation qu’acquiert le garçon, ces ségrégations
entre l’homme et la femme ou entre la masculinité et la féminité n’auraient
pas existé.
De son côté, Simone De Beauvoir a dit que les caractères de la féminité
sont le produit artificiel de l’état d’infériorité où la société met la femme.
Sur le même sujet, Kennith Walker a écrit dans son livre « le sexe et la
société » que la sensation qu’éprouve le mâle à l’égard de sa masculinité et
la femelle pour sa féminité, la signification de ces sensations, l’obligation
d’assouvir son désir sexuel, et les circonstances dans lesquelles se produit
cet assouvissement, tout cela est tributaire de la société qui les environne
avec ses traditions, ses contraintes, au foyer ou à l’école, plus qu’il ne l’est
de leurs traits de caractère hérités du père et de la mère.
Les psychologues traditionalistes, et à leur tête Freud, ont négligé le rôle
de la société et son influence sur la constitution de la vie sexuelle de
l’homme ; ils s’intéressaient à celui-ci dans son aspect intérieur plus qu’ils
ne le faisaient pour l’environnement extérieur ; avec cela, ils ont beaucoup
perdu, et il s’est confirmé que la théorie de Freud avait montré sa
déficience, laquelle théorie disait que ce qui commande notre
comportement conscient ce sont des mobiles de l’inconscient ; il s’est alors
avéré que tout changement dans la forme et le contenu de notre prise de
conscience n’est qu’une réaction ou une interaction pour transformer autour
de nous l’environnement, car les conflits qu’endure l’enfant et que Freud
avait attribués à la frustration sexuelle et la jalousie ne sont que le résultat
d’une interaction entre l’homme et les forces ainsi que les contraintes
sociales qui lui sont imposées.
On doit reconnaitre que Freud et ses adeptes s’étaient trompés dans leur
représentation de l’esprit de la femme, de ses désirs et sensations. Cette
erreur est sous-jacente au fait qu’ils n’ont pas pu évaluer les forces et les
contraintes sociales, et leur effet sur l’esprit de la femme, et que, également,
ils étaient des hommes, non des femmes.
Ainsi, la fille affronte depuis son enfance les contradictions de la société ;
c’est au moment où elle se méfie des hommes, craint le sexe et se voit
imposer la chasteté qu’elle se trouve incitée à être un objet de jouissance et
qu’elle apprend comment être un simple corps, et comment mettre ce corps
et ses parures à la disposition de l’homme pour l’attirer.
Il s’ensuit que cette contradiction se répercute sur la personnalité de la
femme sous une autre forme, contradictoire ; elle accepte l’homme et le
rejette à la fois. Elle dit non pour signifier oui. A cet égard, la société croit
que ce comportement reflète la nature de la femme et oublie que cette
contradiction lui a été imposée.
De ce fait, l’éducation que reçoit la fille chez elle ou au sein de la société
crée beaucoup de problèmes et de complexes psychologiques. Ainsi, elle
s’habitue tout le temps, depuis son enfance, à s’occuper de son corps, de ses
habits, de sa beauté, sans disposer du temps nécessaire pour accorder une
quelconque importance à ses études et au développement de ses capacités
intellectuelles et psychologiques ; elle supporte les difficultés esthétiques et
les souffrances de son embellissement et s’entraîne à camoufler sa nature et
sa réalité.
Combien de filles sont atteintes par l’angoisse et diverses maladies
psychologiques en raison de leur ardent désir d’assimiler les critères
objectifs de la beauté ! La fille sent alors que son avenir se détermine par
rapport à la longueur de son nez, la largeur de ses yeux et l’épaisseur de ses
lèvres. Et quand elle voit que son nez est plus long ou plus court que la
normale, elle vit dans une angoisse permanente ; elle a honte de son nez et
le cache parfois de sa main par un mouvement spontané ; elle imagine à tort
qu’elle doit dissimuler l’odeur naturelle de son corps ou que cette odeur
n’est pas parfumée comme elle doit l’être ; elle s’humecte alors de parfum
plusieurs fois par jour. Une autre constate que ses dents sont saillantes ou
plus grandes que la norme ; elle refuse alors de sourire ou de rire et si cela
se produit, elle contracte ses lèvres ou pose la main sur sa bouche.
On ne peut imaginer combien la jeune fille se soucie des futilités ; ainsi,
quelques millimètres de moins dans la longueur de ses cils posent un
problème aigu à l’une d’entre elles, quelques gouttes de pluie l’effraient
parce qu’elles altèrent son allure et son penchant pour un balancement sur
un talon long et de haute qualité ; de la même façon, certaines femmes ne
peuvent affronter les autres sans mettre sur leurs joues des poudres, des
ombres et des lignes.
Naturellement, il existe des jeunes filles qui se libèrent de cette angoisse
et des problèmes psychologiques propres à ces critères de beauté, mais elles
restent prisonnières du concept étriqué de la beauté, prisonnières de la
pensée que leur avenir c’est l’homme et le mariage, au moment où
l’élément masculin se prépare à l’avenir et participe à la construction de la
société.
Cette éducation amoindrit les ambitions de la fille qui se convainc que les
années de ses études et de son travail ne sont qu’un espace de temps qui
doit se terminer par un résultat positif dans la recherche d’un mari.
Il résulte de cette éducation que le mari devient la vie tout entière de son
épouse alors que celle-ci ne constitue qu’une partie de la vie de l’homme.
Et du moment que la femme s’était éduquée depuis son enfance dans le
reniement de son sexe et l’inhibition de ses désirs, elle se trouve
naturellement incapable d’assumer le rôle sexuel, qui lui échoit, avec
l’homme, et se voit taxée de frigidité, situation qui amène le mari à user de
son droit de répudiation ou à la garder chez lui comme servante, en se
permettant de jouir avec d’autres femmes.
La nature n’a pas fait de distinction entre l’homme et la femme, en ce
sens que chacun d’eux a un désir sexuel et une énergie qui doivent
s’orienter dans le bon sens. Parmi les particularités de cette énergie c’est
qu’elle nait puis disparait, nait puis disparait, et c’est ainsi que perdurent
l’énergie ou la force qui meuvent l’homme, tant qu’il vit.
Si par hasard l’être humain s’expose durant sa vie à des forces extérieures
qui inhibent cette énergie, celle-ci ne se perd ni ne s’inhibe au sens propre
du terme mais se dévie et s’oriente vers une direction autre que la direction
saine. C’est pour cela que l’énergie sexuelle de la femme se dévie en raison
des contraintes de la société et provoque chez les créatures féminines
beaucoup de maladies psychologiques et nerveuses. Ces douleurs intenses
dont souffre la femme pendant les règles et l’accouchement ne sont dues
qu’à la déviation de cette énergie de son cours naturel pour détruire l’esprit
de la femme.
Le psychisme de la femme se trouve défiguré et malade en raison des
effets de l’énergie brisée sur son esprit. Depuis la naissance jusqu’à la
vieillesse, elle apprend à renier le sexe et à étouffer sa curiosité pour le
savoir de sa propre personne aussi bien dans ses rapports sexuels que dans
ses autres relations ; quand arrive le temps où elle doit ressentir le plaisir du
sexe, elle se trouve dans un état d’impuissance, car le moule où elle était
placée était devenu si solide qu’elle vainquait son désir naturel et sa
curiosité.
La société, par ses contraintes sur la femme, veut qu’elle soit privée de
désir sexuel ou de sexe. De leur côté, les psychologues énoncent des
théories qui expliquent et justifient ce qui se passe dans la société. Ainsi,
Freud disait que la femelle est un mâle sans appareil reproducteur, et la
féminité une masculinité sans désir sexuel ou sans « libido ».
De leur côté, les moralistes et les juristes établissent des principes et des
lois qui contraignent la femme à adopter un comportement en conformité
avec la vision de la société à son égard et le rôle qui lui a été assigné.
Quant aux psychiatres, ils jouent un rôle actif dans l’application des
principes de la société et l’annulation des autres en rapport avec la
personnalité de la femme au nom de l’adaptation sociale.
L’éducation que reçoit l’enfant durant sa vie entrave son épanouissement
naturel ; il ne rate aucun instant pour s’affronter lui-même ou prendre une
décision autonome par rapport à la volonté des grands qui l’éduquent. Et
comme le dit David Cooper, l’éducation moderne apprend à l’enfant la
politesse et la soumission et détruit sa personne et sa personnalité.
Kenneth Walker exprime la même idée en affirmant : « Nous apprenons,
du berceau jusqu’au tombeau, à remplacer la valeur de notre personne par
l’acquiescement à la société et le développement de notre personnalité et
notre âme par l’adaptation morale ».
L’éducation que reçoit l’enfant dans notre société moderne est une série
continue d’interdits, de tares, de péchés inacceptables. Il se trouve alors
contraint d’inhiber ses désirs ; il se vide de sa substance et s’emplit de ceux
d’autrui. Il est alors certain que cette éducation soit une mort lente de l’âme
humaine, de sorte qu’il ne reste plus de l’homme qu’une carcasse externe
inerte ; c’est un homme qui a perdu sa vie, se comportant comme un ressort
manipulé par les autres.
Il n’est pas douteux que la part de cette éducation reçue par la fille est
beaucoup plus grande que celle du garçon, la part de son inhibition étant
bien supérieure à celle de ce dernier. De ce fait, l’écrasement de sa
personnalité est plus fort et pire.
En effet, au moment où l’on permet au garçon de sortir et de fréquenter
ses amis, on isole la fille chez elle dans l’intention de la protéger du danger
propre au monde extérieur. Elle ressent alors la peur des étrangers et
éprouve la sensation qu’elle peut être une proie à n’importe quel moment ;
elle se recroqueville alors à l’intérieur du foyer, un endroit sûr, ne sachant
pas que cette sécurité est un danger en elle-même, parce qu’elle l’isole de la
société et extirpe de jour en jour ses racines de la vie et de son expérience ;
c’est ainsi qu’elle meurt, alors qu’elle est toujours en vie.
Il existe tout de même beaucoup de filles qui luttent contre cette mort
lente.
Dans mon enfance, j’étais parmi ces filles qui luttaient et résistaient. Je
refusais de travailler à la maison et d’aider dans la cuisine ; je persistais à
fréquenter l’école. Je refusais de laisser pousser mes cheveux ou de
m’obliger à les tresser ou à mettre des rubans. Je ne comprenais pas
pourquoi ma mère s’intéressait à mes habits, à mes robes et m’en achetait
beaucoup, au moment où on refusait de m’acheter un livre pour ma lecture.
J’étais plus forte dans mes études que mon frère, et personne ne me
félicitait, personne ne manifestait la moindre joie, et quand j’échouais une
seule fois dans le perfectionnement de la cuisine on me faisait des
remontrances.
Les filles se différencient des garçons dans leur lutte contre les
discriminations artificielles, en fonction de leur personnalité et leurs
conditions de vie. Une fille se bat jusqu’à l’âge de la puberté et
brusquement, les règles apparaissent sans qu’elle s’y attende et provoquent
en elle un choc ; elle se soumet à son sort et pense que c’est la nature qui l’a
châtiée, comme elle l’entend autour d’elle. Une autre, plus ambitieuse et
plus confiante en soi, persévère dans sa lutte, au point de renier son corps,
inhiber ses désirs, et chanter sa victoire dans la vie en défiant les hommes.
Il est rare de tomber sur une fille qui vit naturellement sa vie en tant que
corps, esprit et cerveau, et qui satisfait ses désirs physiques, mentaux et
intellectuels sans que la société la contraigne à annuler l’un au détriment de
l’autre.
La société ne se sent pas capable de reconnaître que la femme peut briller
et exceller sans se métamorphoser en homme. Mais exceller et briller, pour
la société, est l’apanage des hommes seuls ; quand une femme montre
indéniablement son ingéniosité, la société le reconnait mais la
dépersonnalise en tant que femme et la range du côté de la masculinité.
Oh ! Combien de fois le mot « homme » me hanta chaque fois que je
réussissais dans mes études ou mon travail ! Quand je tenais ma parole ou
mes promesses, ils disaient : « C’est un homme », comme si la femme
n’avait pas de parole et ne pouvait tenir sa promesse. Si j’accélérais mes pas
ou je portais des chaussures plates, ils disaient : « C’est un homme »,
comme si la femme devait marcher lentement, nonchalamment, avec
indolence et relâchement sur un talon haut. Si je pratiquais un sport et
acquérais des muscles forts, ils disaient : « C’est un homme », comme si la
femme devait avoir des muscles faibles et un corps chétif, pouvait tomber
par terre au moindre souffle de l’homme et voir ses os se briser à la moindre
poignée de la main de l’homme.
Ce dernier concept dévoile la relation sadomasochiste qui caractérise la
plupart des rapports entre l’homme et la femme. Ainsi, c’est l’homme qui
est le sadique, qui conquiert, viole et casse, et c’est la femme, la
masochiste, qui subit la conquête, le viol et la casse ; l’homme est toujours
l’agent, la femme la patiente, le premier étant positif, la seconde négative.
La société oblige la femme à être la personne négative, masochiste, et
considère cela comme relevant de sa nature. Freud vient confirmer
scientifiquement la fonctionnalité de ce concept et attribuer à l’homme le
sadisme et à la femme le masochisme.
Lorsque j’eus atteint l’âge de 16 ans, je me suis trouvée dans l’internat
d’une école. J’ai alors su que ma famille avait peur que je prisse les
transports en commun, avait peur que je fusse victime de la mixité et de
l’exposition aux caprices et aux séductions des garçons. J’ai tout de suite
compris, grâce à l’éducation reçue, à la lecture des livres scolaires et de
morale, et à tous les commentaires, les avis et les comportements qui
m’environnaient, que le contact avec les jeunes hommes était le plus grand
défaut et le plus grand danger qui pussent détruire mon avenir et ma
réputation de jeune fille pudique.
Mais je sentais que je contenais en moi-même une énergie colossale qui
m’attirait vers l’autre sexe. J’entendais tous les jours, à la radio ces
chansons enflammées sur l’amour, ces appels et ces gémissements de
chanteuses à destination de leurs amants ; je devins de plus en plus ardente.
Je me culpabilisais et ressentais la hantise des remords ; quand je
dormais, je rêvais que j’étais dans les bras d’un homme inconnu. Ma
sensation d’avoir péché s’accentua avec la sensation d’avoir trouvé en cela
un plaisir.
Je ne me comprenais pas comme il le fallait. Mes comportements étaient
contradictoires. Alors que je m’enflammais au fond de moi-même,
j’apparaissais froide et glaciale. Je ne simulais pas la froideur. En réalité, je
n’aimais pas les jeunes hommes, je les détestais. Quant à ce jeune que je
voyais dans mes rêves, il était différent. Je ne saisissais pas la différence, il
leur ressemblait beaucoup. Mais je croyais qu’il était un homme différent
des autres et qu’il m’était destiné à moi seule. J’ai perdu plusieurs années
de ma vie à chercher cet homme et j’ai découvert tardivement qu’il était un
être imaginaire, introuvable, qu’il était simplement créé par mon
imagination romantique et que le véritable homme naturel était bien
meilleur.
Le romantisme est une maladie qui touche les jeunes filles en raison de la
grande contradiction dans laquelle elles vivent, de cette inhibition imposée
à leurs instincts, au moment où la société regorge de chansons romantiques
maladives, de littérature et d’arts romantiques morbides qui règnent encore
au 20e siècle.
La plus grande manifestation de la maladie romantique apparait chez la
jeune fille quand elle dissocie le corps de l’homme et l’homme lui-même.
C’est une espèce de schizophrénie attribuée par la jeune fille à l’homme
pour éviter le sentiment de culpabilité. En effet, conformément à
l’éducation et aux traditions en vogue, elle met en rapport le péché et le
contact avec le corps de l’homme, de sorte que le seul à convenir à son
inhibition est celui qu’elle invente par son imagination.
Quand elle grandit, elle vit une grande déception en découvrant une
réalité bien différente de la fiction ; elle est choquée de trouver chez
l’homme un corps, un organe reproducteur, une chair et du sang, de trouver
un homme qui crache, entre dans le cycle de l’eau et urine comme toute
personne ; elle ne reçoit pas le baiser de l’homme avec le même frisson que
celui qu’elle reçoit de son partenaire de rêve ou prince charmant. On pourra
imaginer à quel point la jeune fille vit malheureuse, au début de sa vie
conjugale, avec la déception de sa frigidité continuelle. Elle peut malgré
tout, si elle a la chance de tomber sur un homme mûr et conscient (ce qui
est très rare), guérir de la maladie du romantisme et commencer à jouir de
sa vie naturelle après de longues années.
Germaine Greer a décrit cette situation dans son livre « la castration de la
femelle » : « Comme la plupart des filles, je rêvais de mon prince charmant
qui me porterait sur un cheval blanc et me réveillerait par ce baiser magique
que j’ai vu à travers les récits littéraires les plus connus. Mais, quand, par la
suite, j’ai reçu le premier, le second et d’autres baisers et que je n’ai pas
obtenu les résultats souhaités, je ressentis une grande déception ; ce n’est
que plusieurs années après, quand j’eus atteins le summum de la jouissance
(l’orgasme) que je connus, par surprise, le sens de ce baiser magique décrit
dans mes lectures ».
L’énergie sexuelle chez l’être humain, qu’il soit homme ou femme, est
une énergie gigantesque et puissante, et elle exprime mieux que toute autre
les lacunes de l’homme et son désir de perfection. L’atmosphère sexuelle
nait d’un désir du corps, du cerveau et de l’esprit dans la recherche de ce
qui satisfasse tous leurs besoins. Cet instinct fort est capable de stimuler
toutes les facultés de l’homme relatives à l’imagination et la création. Et
comme le mentionne Nietzsche, l’énergie sexuelle chez l’homme s’étend,
de par sa nature, jusqu’au plus haut sommet de l’existence de l’homme, de
son esprit et de son âme.
Et du moment que l’énergie, quand elle s’inhibe, ne se perd ni ne s’égare
mais se dévie par rapport à son itinéraire naturel pour prendre une autre
direction, l’énergie sexuelle inhibée chez la fille se dévie aussi dans une
direction qui n’est pas celle de l’homme.
Beaucoup de savants ont commencé dernièrement à reconnaitre l’erreur
des statistiques d’Alfred Kinsey, qui estimait que 93 % des garçons se
masturbaient contre 62 % seulement de filles qui le faisaient, une fois au
minimum. De la même façon, beaucoup de concepts scientifiques sur la
masturbation, féminine et masculine, qui étaient en vogue, s’avéraient faux.
Tout être humain, qu’il soit homme ou femme, passe par l’un des stades de
sa vie en trouvant un plaisir sain et naturel au moment où il touche ses
organes reproducteurs et les caresse, jusqu’à atteindre l’orgasme. On peut
dire alors que la plupart des garçons et des filles se masturbent pendant une
période de leur vie, puis s’en abstiennent en passant à une étape plus mûre,
qui est celle de chercher ce plaisir avec l’autre sexe.
Certains psychologues sont convaincus que la masturbation chez le
garçon et la fille pendant cette période limitée est un acte salutaire pour la
maturité et la découverte du plaisir sexuel et son expérience. Ils se sont
alors persuadés que les informations théoriques sur la jouissance sexuelle
diffèrent de la pratique.
Lors d’une rencontre avec un médecin, professeur à la faculté de
médecine de Berlin, directeur éditorial de la revue « Ta santé » en
Allemagne de l’Est et responsable des réponses aux questions des lecteurs
et des lectrices de cette revue, il m’a dit : « Quand une jeune fille m’envoie
une lettre me disant qu’elle se masturbe, et qu’elle ressent un péché et de la
peur, je lui explique qu’au contraire, la masturbation, pendant une période
limitée, est bénéfique pour elle, lui permet de mûrir rapidement, de
comprendre ce qu’est le plaisir sexuel et de ne trouver aucune difficulté
pour atteindre l’orgasme avec l’homme qu’elle choisit ». Il a expliqué aussi
que parmi les causes qui empêchent la plupart des femmes d’atteindre
l’orgasme avec leurs maris c’est qu’elles ne sont pas passées par toutes les
étapes de la maturation sexuelle, parmi lesquelles celle de la masturbation,
en raison des préjugés et des concepts dénaturés attribués à cet acte et qui
ont incité beaucoup de filles (et de garçons aussi) à s’en éloigner. Il suffit
qu’elle ait été désignée par le terme « l’habitude secrète » (en arabe) pour
qu’elle soit vue comme un vice et comme une maladie sexuelle. Cette étape
peut être considérée comme saine pendant l’adolescence, quand elle n’est
pas accompagnée par un sentiment de péché et de peur, car elle aide la fille
ou le garçon à découvrir le plaisir du sexe et affaiblir la tension sexuelle.
Cela ne signifie pas, comme le souligne ce professeur à la faculté de
médecine de Berlin, que la fille doit abuser de cette pratique, car cet excès
présente de nombreux aspects négatifs, parmi lesquels le fait que la jeune
fille n’atteint pas rapidement le stade de la maturité ultérieure pour
accomplir l’acte sexuel avec l’homme, comme elle sent, quand elle y
accède (et cela arrive tardivement), que sa relation avec son partenaire ne la
satisfait pas autant qu’elle s’y était habituée lors de la masturbation. Il est,
de ce fait, certain que les sociétés qui imposent des contraintes à la femme
et la brouillent avec l’homme, encouragent ses filles à user excessivement
de la masturbation, lesquelles se trouvent, en conséquence, privées d’une
maturité naturelle, et atteintes, pour la plupart, dans leur vie conjugale, par
une frigidité ou impuissance sexuelle.
J’ai découvert, lorsque j’ai relu mes anciens mémoires, écrits quand
j’étais interne dans l’établissement « Helwanschool for girls »
d’enseignement secondaire, que durant les cinq années passées dans cette
institution, j’ai vécu un amour fantastique et violent qui a dominé tous mes
sentiments. L’amant n’était autre que « Miss Sonia », notre enseignante de
langue anglaise. Je versais des larmes amères quand elle disparaissait, ne
me souriait pas ou ne me disait pas bonjour. Je sautais de joie jusqu’à
atteindre le plafond ou presque quand elle me complaisait une fois pendant
la séance et m’autorisait à être la première à lire la leçon. Une fois, j’ai
veillé jusqu’à l’aube pour lui écrire une longue lettre de reproche parce
qu’un jour, je m’étais absentée pendant une séance sans qu’elle m’eût
demandé le motif de mon absence.
Je n’étais pas la seule fille à avoir aimé son enseignante ; toutes les autres
filles de la classe aimaient certaines d’entre elles, chacune selon son goût et
son choix. Que de conflits s’étaient produits entre les filles en raison de
l’émulation concernant l’amour d’une seule enseignante.
Les psychologues disent que ce type d’attirance et d’attachement envers
le même sexe, qui concerne aussi bien les garçons que les filles, est naturel
pendant une période déterminée de l’épanouissement humain et de la
maturité sexuelle, et qu’il ne peut être considéré comme une inversion
sexuelle.
La véritable inversion est que l’homme demeure figé dans ce stade sans
passer au stade de maturité suivant qui le porte à apprécier l’autre sexe et
trouver avec lui la jouissance qu’il cherchait.
Mais les contraintes de la société et les interdits qui frappent la jeune fille
quant à ses relations avec l’homme l’encouragent à voir ses sentiments se
figer lors de cette phase ; ses relations avec les autres femmes deviennent
alors différentes de ces relations amoureuses passagères et ne sont plus que
des relations organiques sexuelles qui substituent à l’homme la femme avec
une jouissance strictement homosexuelle.
Et du moment que la femme est plus exposée aux contraintes de la
société que l’homme, elle se trouve plus facilement victime de l’inversion
sexuelle. Mais les statistiques et les recherches scientifiques ne confirment
pas cette donnée parce que la plupart sont au service de l’homme et portent
sur les déviations ou les déficiences qui le touchent. Quant à la femme, les
savants ne sont point enthousiasmés pour entreprendre des études sur les
causes de ses diverses perversions, des déficiences et de la frigidité
auxquelles elle est fréquemment exposée.
La cause est dans ce cas assez claire. En effet, le rôle de la femme, de
l’avis de la société, se centre sur la procréation ; et du moment que la
frigidité de la femme ne l’empêche pas de procréer, la société n’accorde
aucune importance à cette froideur et lui oppose une froideur plus forte.
La procréation est ce qui intéresse le plus la société, pour son influence
directe sur les intérêts économiques de l’homme. La preuve en est ce qui se
produit dans le cas de la limitation des naissances ou de leur extension.
Quand la société souffre d’un sous-peuplement et, par conséquent, d’une
insuffisance de la main-d’œuvre nécessaire pour la production, elle fournit
tous les efforts pour la découverte des moyens susceptibles d’accroître la
fertilité et de venir à bout des agents provocateurs de la stérilité féminine ;
mais quand la main-d’œuvre dépasse les besoins de la production et que la
société se trouve menacée économiquement par la croissance de la
population, elle concentre ses efforts pour la découverte des moyens de
contraception et de stérilisation des femmes.
Mais que la plupart des femmes ne ressentent aucun plaisir sexuel durant
leur vie conjugale n’intéresse en rien la société.
La femme a recouvré certains de ses droits dans les pays développés ;
c’est pourquoi les recherches des dernières années commençaient à
s’orienter vers les causes de la frigidité chez la femme, des inversions
sexuelles ou autres déviations auxquelles elle est exposée. Il est possible
que cela nous explique la cause de l’expansion de l’inversion sexuelle
parmi les femmes. La vérité est que cette progression n’est pas due à la
liberté acquise par la femme mais aux progrès accomplis par les recherches
qui portaient sur la femme ; en effet, cette liberté recouvrée graduellement
par les femmes contribue indubitablement à vaincre l’inhibition qu’elles
endurent et en même temps à vaincre toutes sortes de maladies et de
déviations, parmi lesquelles l’inversion sexuelle.
A cet égard, les spécialistes négligeaient dans leurs recherches sur les
causes de l’inversion sexuelle chez l’homme le rôle de la société et ses
contraintes, pour ne s’intéresser qu’aux causes biologiques de l’inversion.
Leurs découvertes dans ce domaine d’activité est que la baisse du taux de
l’hormone masculin dans le sang (en raison de l’inertie de certaines cellules
qui n’« assimilent » pas l’existence des testicules) influe sur un centre du
cerveau responsable des relations sexuelles, ce qui implique que l’homme a
un penchant homosexuel.
Et du moment qu’il n’existe rien chez l’homme qui puisse être expliqué
uniquement par référence à la biologie, toute conclusion ne prenant pas en
considération les diverses questions sociologiques aboutit à une recherche
individuelle. Il est préférable pour les chercheurs, dans un souci d’économie
de l’effort, du temps et de l’argent, qu’ils fassent des recherches, au sein de
la société, sur les causes de l’inversion plus qu’ils ne le font dans les
cellules de l’homme. Le sexe n’est pas une fonction involontaire autonome
par rapport à l’environnement, et l’inversion sexuelle, comme la carence
sexuelle, est l’une des manifestations d’un arrêt de l’épanouissement de la
personnalité, à cause des contraintes de la société.
A cet égard, des recherches et des rapports ont prouvé que les cas
d’inversion sexuelle entre les mâles n’existent pratiquement pas dans les
établissements mixtes où les garçons et les filles cohabitent ; on a aussi
constaté un accroissement de ces cas dans les prisons et les centres de
détention, chez les soldats et dans les internats des établissements scolaires,
autrement dit dans tous les lieux qui séparent les hommes des femmes.
Ce constat est naturel et n’est point étrange, car l’énergie sexuelle chez
l’homme est forte ; elle ne se perd ni ne se gaspille ; elle doit passer par un
chemin pour retourner et naître à nouveau. Si elle trouve la voie naturelle
obstruée, elle dévie vers une autre. Si l’homme ne trouve pas le sexe
opposé, il s’oriente vers le même sexe ; s’il ne le trouve pas en raison de
son isolement, il se substitue aux autres et pratique la masturbation. Dans le
cas d’une privation extrême, il a recours aux animaux et plus précisément à
la campagne où les animaux habitent dans la même chambre que l’homme
et dans le cas des vieilles veuves quand la femme ne trouve rien d’autre que
son cher chien fidèle.
L’homme, si nombreuses que soient ses qualités héritées, celles qu’il
acquiert de son milieu environnant et à partir de son éducation sont les
seules qui constituent ses qualités personnelles et les formes finales de
celles-ci. Pour cela, il est nécessaire de saisir l’importance de l’éducation
véridique depuis l’enfance. De ce fait, la génétique moderne a confirmé que
les qualités acquises à partir de son éducation se transmettent d’une
génération à l’autre et que l’être humain, grâce à cette éducation saine qu’il
aurait reçue depuis son enfance, peut acquérir de belles qualités physiques,
psychologiques et sociales, et les transmettre à ses enfants. Et comme le
souligne le généticien russe Mitchourine, on peut intervenir dans
l’amélioration du genre humain et ses patrimoines, et créer sans
discontinuer des générations meilleures. On ne doit donc pas attendre des
bienfaits de la nature ; il nous incombe plutôt de les arracher et d’inciter
l’homme à opérer un changement meilleur.
LA NATURE EST INNOCENTE

Beaucoup de personnes sont embarrassées face aux causes potentielles


pour lesquelles la société place la femme dans une position inférieure à
celle de l’homme, lui impose des contraintes et des pressions qu’elle
n’impose pas à l’homme, et lui assigne un rôle déterminé dans la vie,
s’appuyant essentiellement sur les travaux ménagers et l’éducation des
enfants.
Peu de personnes comprennent les véritables causes de ces différences
colossales établies par la société entre l’homme et la femme, cette société
qui prétend que c’est la nature qui en est l’origine.
Mais les vérités scientifiques prouvent que cette discrimination sexiste est
artificielle, une invention de la société, et change en fonction de l’espace,
du temps et du régime politique. En outre, les sciences médicinales,
anatomiques, physiologiques et biologiques prouvent que l’homme est
bisexuel, qu’il n’existe pas de personnes 100 % mâles ou 100 % femelles,
qu’à l’intérieur de chaque homme il existe une femme et inversement, et
que les hormones des mâles et des femelles sont séparées chez les deux
sexes ; mais le taux de l’hormone femelle l’emporte chez la femme comme
c’est le cas de l’hormone mâle qui prédomine chez l’homme ; seulement,
ces taux varient d’une personne à l’autre, d’un âge à l’autre et en fonction
du temps. En effet, les vérités scientifiques et psychologiques ont confirmé
que l’homme n’est pas bisexuel uniquement sur le plan biologique mais
aussi au niveau psychologique et existentiel. Ainsi, on a mis en évidence
deux types de sentiments chez l’homme : le sentiment paternel et le
sentiment maternel ; chez toute personne, il existe deux potentialités, l’une
mâle et l’autre femelle et chaque sexe fait apparaître les potentialités que lui
a offertes la société, alors que les autres restent à l’état latent.
Cela signifie que les hommes font apparaître leurs caractères masculins et
dissimulent leurs équivalents féminins alors que les femmes font l’inverse.
Relativement au même sujet, on a déduit de certaines recherches que les
femmes inventives, dotées d’une capacité de créativité et d’innovation,
manifestent un penchant pour la masculinité alors que les hommes qui
disposent de ces mêmes qualités l’ont pour la féminité, pour la raison que
ces personnes distinguées, qu’elles soient des femmes ou des hommes, se
sentent capables de s’écarter des traditions de la société et ne souffrent pas
de l’inhibition qui touche les esprits non inventifs.
De la même façon, on sait que beaucoup de gens sacrifient, depuis leur
jeunesse, leur ingéniosité et leur capacité créative dans le but de dissimuler
l’une de leurs potentialités, masculine ou féminine, et de conserver les
caractéristiques de leur sexe, mâles ou femelles soient-ils.
Karen Horney a écrit ceci : « La bisexualité chez l’être humain apparait
plus clairement chez les enfants, car, ils ne comprennent pas comme les
grands l’identification de leur sexe. On voit chez certains des désirs
bisexuels innocents et ingénus ; la fille ressent parfois être un garçon et
celui-ci une fille. Mais la société délimite pour chacun ses qualités et son
rôle en inhibant la sensation du garçon pour sa féminité et celle de la fille
pour sa masculinité ». A cause de cela, les désirs masculins qui apparaissent
parfois chez la fille n’ont pas pour but de jalouser son frère mâle (comme le
croit Freud) parce qu’il possède un organe reproducteur mais parce que ces
désirs existent effectivement dans la nature pour les deux sexes. Nous ne
distinguons pas clairement le désir du garçon d’être une fille parce que la
société favorise le mâle ; c’est pourquoi il semble difficile pour lui de
renoncer à ses qualités et devenir une fille ; quant à celle-ci, les
particularités du garçon l’encouragent à montrer son penchant masculin.
Si l’appareil reproducteur, relativement à certaines de ses parties et de ses
fonctions, varie, selon qu’il appartient à la femme ou à l’homme, il reste le
même en revanche par rapport aux autres, et ce, pour la raison que les
organes de l’homme sont aussi ceux de la femme quant à l’origine
anatomique. Mais l’organe reproducteur chez l’homme s’est mieux épanoui
et a vu sa taille grandir plus que celui de la femme, lequel est resté petit
pour constituer le vagin. Les autres organes extérieurs de la femme ont
comme équivalents les deux kystes extérieurs de l’homme. Les testicules
sont ici les ovaires mais ils descendent du ventre jusqu’aux cuisses et ainsi
de suite.
Si la fonction du testicule est de sécréter les spermatozoïdes, celui de
l’ovaire de sécréter les ovules, et que le fœtus se développe dans l’utérus de
la femme et non dans celui de l’homme, cette variation de fonctionnalité de
l’un ces organes n’est pas une preuve de ces différences colossales établies,
entre l’homme et la femme. A titre d’exemple, le taux de la mélanine,
supérieur chez les noirs, ne justifie pas ces discriminations énormes établies
entre les blancs et les noirs.
Du point de vue biologique, physiologique et anatomique, l’homme
diffère de l’homme et la femme de la femme, vu que chaque être humain
possède son propre corps, comme une empreinte, et qu’il est impossible
pour une société juste de faire la distinction entre les personnes dans leurs
droits et leurs devoirs en raison d’une quelconque différence physiologique
ou biologique relative à l’un de leurs organes.
Si c’est la femme seule qui porte le fœtus pendant neuf mois dans son
utérus avant qu’elle ne lui donne naissance, cela ne signifie pas que son seul
rôle dans la vie est la grossesse et l’accouchement. Et si c’est l’homme seul
qui porte le testicule sécrétant les spermatozoïdes, cela ne signifie pas que
son seul rôle est de les sécréter et de féconder la femme. L’homme ne peut
mener sa vie tout entière en jouant un seul rôle assumé par un seul de ses
organes. De même, la femme ne peut vivre seulement en tant qu’utérus et
l’homme en tant que testicule, sinon cela signifierait un retard et une
annulation de toutes les fonctionnalités des autres organes et appareils.
La génétique et la science des chromosomes ont prouvé que la faiblesse
et la négativité imputées à la nature de la femme n’ont aucun fondement
scientifique ; il s’avère plutôt que la constitution de la femme au niveau
physique offre à celle-ci plus d’occasions que l’homme sur le plan de la
solidité de sa constitution ou de la positivité dans la vie. En conséquence, la
pensée de la souveraineté de l’homme par rapport à la femme, parce qu’il
est le sexe fort et positif, n’est qu’une invention de la société.
Le nombre de mâles nés à travers le monde dépasse celui des femelles
(106 mâles contre 100 femelles) et malgré cela, le nombre de mâles égale
celui des femelles à l’âge de 50 ans dans les pays industrialisés. Mais dans
les pays agricoles relativement sous-développés, le nombre de mâles
équivaut à celui des femelles à l’âge de 25 ans.
Ce taux élevé de la mortalité chez les mâles par rapport aux femelles fait
qu’à l’âge de 80 ans, il ne reste plus que 70 hommes contre 100 femmes.
En sachant que le sexe du nouveau-né se détermine à travers les
spermatozoïdes et que le liquide séminal comprend un nombre égal de
spermatozoïdes de type mâle et de spermatozoïdes de type femelle, il est
nécessaire qu’il naisse partout et en tout temps un nombre égal de mâles et
de femelles.
Cependant, si on prenait en compte certaines études sur l’avortement, il
deviendrait clair que le pourcentage des embryons masculins dépasse de
loin celui des femelles. C’est pourquoi, lors de l’accouchement, nous
constatons que le nombre des naissances mâles dépasse celui des femelles
par un taux variant entre 150 et 120 mâles contre 100 femelles. Ce grand
nombre des naissances mâles s’explique par une tentative de la nature de
compenser le grand nombre de décès des mâles dans tous les stades de la
vie. Autrement dit, c’est une opération compensatoire de la nature qui vise à
combler la faille engendrée par la faiblesse relative du mâle face à la
maladie et à la mort.
La science a d’ailleurs prouvé que la longévité de la femme est
supérieure à celle de l’homme d’environ sept ans ; on a imputé ce
phénomène au fait que les hommes, dans leur vie, supportent plus de
charges que ne le font les femmes. Mais, il s’est avéré que cette explication
était fausse après le déroulement d’une enquête approfondie sur une
population de 30 000 religieuses et 10 000 religieux vivant dans les mêmes
conditions matérielles, sociales et psychologiques ; il en a résulté encore
que la femelle vit en moyenne 7 ans plus que le mâle, phénomène
observable aussi chez le commun des mortels.
Quelle est alors la cause de cette longévité supérieure de la femme ?
Le progrès accompli par la génétique humaine et les recherches
entreprises sur les différentes espèces animales ont révélé que la faiblesse
relative de l’homme par rapport à la femme face à la maladie et la mort
résulte de la différence entre le patrimoine génétique de l’homme et celui de
la femme. Ainsi, la structure génétique chez l’être humain se compose de
24 paires de particules héréditaires appelées chromosomes. Elles sont
situées dans le noyau de toutes les cellules du corps humain. Si on observait
l’une de ces cellules au moyen d’une loupe qui multiplierait par 2000 sa
dimension, on verrait à l’intérieur des chromosomes, en forme de fils
minces, 23 paires, chacune renfermant deux chromosomes parfaitement
semblables appelés autosomes (ou chromosomes organiques asexués),
semblables aussi bien chez le mâle que chez la femelle ; quant à celui qui
détermine le sexe de l’embryon (mâle ou femelle), c’est la vingt-quatrième
paire qui s’appelle la paire chromosomique sexuée et qui ressemble aux
autosomes par sa forme mais en diffère par sa fonction puisqu’elle choisit
entre le mâle et la femelle.
En ce sens, on a découvert que cette paire dans la cellule femelle est
constituée de deux chromosomes semblables appelés (x x) ; quant à la
cellule mâle, elle est composée d’un seul chromosome (x) ; le deuxième, de
taille plus petite, est appelé chromosome (Y) ; il contient également moins
de fils de la matière héréditaire qui commandent les différentes opérations
biologiques ; outre cela, sa fonction est moins positive que celle du
chromosome (x). En conséquence, quand le spermatozoïde qui contient le
chromosome (Y) fertilise l’ovaire, il affaiblit le taux de féminité nécessaire
pour créer un embryon femelle ; de ce fait, l’embryon mâle hérite, en sus de
sa masculinité, un certain nombre de traits de caractères en rapport avec son
sexe et qui l’affaiblissent vis-à-vis de la femelle ou le dénaturent.
L’apparition de poils touffus dans plusieurs parties du corps de l’homme
semble répugnante parfois ; il s’est alors avéré que la faiblesse relative du
sexe mâle face à la maladie et à la mort est en relation dans de grandes
proportions avec le chromosome mâle (Y), petit et relativement négatif, et
que tout changement ou défiguration touchant certains fils héréditaires
chromosomiques a des répercussions très dangereuses sur les opérations
chimiques vitales (analyse et assimilation) dans les cellules, et, par là
même, sur les différents appareils du corps humain. Le déroulement des
opérations chimiques vitales a lieu au moyen d’enzymes et de fils
héréditaires qui s’appellent aussi « gènes » et qui sont responsables de la
formation des enzymes.
Et du moment que les cellules chez la femelle comprennent une paire de
chromosomes sexués de type (X), toute insuffisance ou défiguration
touchant les embryons de ces deux chromosomes pourront être compensées
facilement au moyen de gènes naturels se trouvant dans les autres
chromosomes. Mais si une insuffisance ou une difformité dans la formation
ou le fonctionnement des gènes mâles situés dans le chromosome (Y) se
produisent, elles ne peuvent être réparées en raison de l’inexistence d’un
autre chromosome du même type chez le mâle.
Il résulte de cet état de fait l’apparition d’une inertie organique ou
fonctionnelle causée par l’absence de certains enzymes de base ou la
formation d’autres enzymes malsains. A partir de là, on a constaté
l’apparition de certaines maladies héréditaires liées au sexe des mâles
comme l’hémophilie (l’hémorragie héréditaire résultant d’un manque de
coagulation du sang), une maladie se transmettant par voie chromosomique
femelle et qui touche seulement les enfants mâles en raison de l’inexistence
du chromosome remplacé. Pour la même raison, les autres maladies
héréditaires touchent les mâles comme celle du daltonisme, de certains
types d’anémie, de l’atrophie musculaire et ainsi de suite. Le nombre de ces
maladies atteint la centaine et ne touchent que le mâle.
Il est alors possible que la faiblesse immunitaire relative des hommes
face aux maladies de la circulation sanguine soit due aussi à ces
manifestations héréditaires.
L’appareil des glandes endocrines joue un rôle important par rapport aux
maladies de la circulation sanguine, vu que les testicules chez le mâle
sélectionnent l’hormone masculin (la testostérone) sous l’influence continue
des centres cérébraux supérieurs et d’une partie du cerveau appelée
hypothalamus (sous les deux noyaux), lequel commande les émotions
primaires et l’appareil des glandes endocrines ; mais chez la femelle,
l’ovaire sélectionne deux hormones femelles dont l’un est celui de
l’estrogène et l’autre du progestérone.
Il est maintenant admis que l’hormone estrogène offre une certaine
protection à l’appareil de la circulation sanguine comme cela se reflète dans
la diminution inattendue de la capacité féminine à lutter contre les maladies
de la circulation sanguine quand la femme atteint l’âge de la ménopause. Ce
phénomène apparait chez elle, à cet âge, et surtout dans les cas de crises
cardiaques « qui touchent l’homme à tous les âges » mais épargne les
femmes, atteintes seulement après la ménopause. Par ailleurs, il y a des
gens qui estiment que certains comportements masculins comme la
tendance à la violence sont étroitement liés à la structuration hormonale du
mâle. A cet effet, des expériences ont été menées consistant à injecter à
certaines femelles animales l’hormone connue sous le nom de la
testostérone mâle ; il en a résulté un comportement violent chez ces
femelles.
Malgré la rigueur scientifique des expériences susmentionnées, la science
moderne commence à douter de ces pratiques de laboratoire, du moment
que le critère des composantes environnementales et éducatives n’est pas
disponible. Il n’est pas douteux que les traits de caractère et les
comportements de l’homme dans sa vie quotidienne sont tributaires de
l’éducation qu’il reçoit depuis son enfance, et des contraintes sociales
auxquelles il est exposé, et non en fonction des taux des hormones qui
circule dans son sang ; la preuve en est que les femmes américaines sont
plus enclines à la violence que les hommes dans d’autres pays.
La science de la biologie moderne a précisé que la femme est plus forte
biologiquement que l’homme. Quant à la force musculaire, qui était
associée à la vie tribale, il n’est pas douteux que l’homme était considéré
comme supérieur. Cependant, il est devenu évident que cette supériorité
dans la force musculaire était tributaire du métier exercé par l’homme dans
sa carrière plus qu’elle ne l’était de sa constitution biologique, en ce sens
que l’homme cultivé de la ville est moins musculeux qu’un employé
agricole à la campagne et que la cultivatrice égyptienne est plus musculeuse
qu’un fonctionnaire cairote.
En outre, la force musculaire, dans la société moderne, n’a plus une
importance particulière. En ce sens, la victoire dans les guerres modernes
n’est plus en relation avec la force musculaire de l’homme ; au contraire,
les facteurs de supériorité intellectuelle et de progrès technologique en
rapport avec les instruments de destruction massive représentent l’élément
déterminant. Dans d’autres guerres comme celle du Vietnam, la victoire
s’appuie sur la foi profonde en une juste cause.
A cet égard, les résultats des recherches médicales sociologiques
indiquent que la prétendue supériorité des hommes sur les femmes n’était
qu’une simple propagande inventée par les hommes eux-mêmes ; de ce fait,
les enfants mâles sont les principales victimes de ces accidents mortels qui
touchent les personnes de moins de 15 ans (67 % de ces accidents touchent
ces enfants mâles). Quant aux personnes majeures, les femmes ne sont
responsables que de 10 % des accidents de la route, 6 % des accidents
mortels en cas de conduite des voitures par comparaison aux mêmes
distances ; elles ne sont également responsables que d’un pourcentage
réduit de cas d’exclusion et de crime : 1,5 % des condamnations de prisons,
10 % d’amendes, 10 % d’amendes et de jugements avec arrêts d’exécution,
moins de 3 % dans les états d’ébriété par comparaison aux hommes qui
pratiquent le même métier et font partie du même environnement éducatif et
social.
Les cas de suicide chez les hommes sont trois à cinq fois supérieurs à
ceux de la femme suivant les lieux.
De la même façon, le nombre des habitués des boissons spiritueuses est
dix fois supérieur à celui des femmes.
Et malgré les caractères de faiblesse et de sentimentalité attribués à la
femme, celle-ci supporte mieux que l’homme l’exclusion et les agressions.
On a constaté, à ce titre, que les maladies psycho-organiques (maladies
organiques résultant d’une inadaptation aux contraintes sociales et
sentimentales) ne touchent pas les femmes dans les mêmes proportions que
l’homme. Le nombre d’hommes atteints d’un ulcère de l’estomac est trois
fois supérieur à celui des femmes. Il est cinq fois supérieur dans le cas des
crises cardiaques.
On sait également que la femme s’expose plus que l’homme à des
contraintes sociales sévères et à des troubles psychologiques liés au cycle
menstruel et à la ménopause, laquelle agit sur les centres nerveux reliés aux
glandes endocrines ; pourtant, le nombre d’hommes soignés dans les
hôpitaux de psychiatrie dépasse de loin celui des femmes. Et malgré l’accès
de beaucoup de femmes au domaine de la vie publique et au monde du
travail, rien n’a changé dans cette situation. Ainsi, le nombre d’hommes
désespérés qui se livrent à la drogue, au crime, ou qui se suicident, dépasse
largement celui des femmes, bien que celles-ci supportent dans leur vie une
double tâche, celle du foyer et celle du métier, et dans de mauvaises
conditions sociales, celles-là mêmes qui la privent de plusieurs de ses droits
accordés à l’homme. Certains chercheurs affirment d’ailleurs que l’appareil
cérébral et neurologique devient de plus en plus sensible à être exposé au
dysfonctionnement, chaque fois qu’il évolue davantage et, par conséquent,
devient plus sensible. Par là, ils prétendent que la femme jouit d’une plus
grande capacité à résister, car son appareil cérébral et neurologique est
d’une moindre évolution ; cette allégation n’a pas un caractère scientifique
parce cet appareil est le même chez la femme et chez l’homme ; les
statistiques et les recherches effectuées dans certains établissements
primaires ont ainsi confirmé que les filles, en général, sont plus intelligentes
que les garçons et qu’elles obtiennent des performances supérieures dans
l’assimilation, l’intelligence et la force mémorielle.
Conformément aux recherches de certains scientifiques, les enfants
femelles parlent avant les enfants mâles et les premiers se développent plus
rapidement que les seconds. Des savants ont ainsi soutenu que la supériorité
des filles sur les garçons dans leurs études ne peut être imputée à une
intelligence supérieure mais à l’éducation, puisqu’elles consacrent plus de
temps aux études. Cet état de fait est confirmé par certains chercheurs qui
ont assuré que la distinction de la fille par rapport au garçon baisse pendant
la puberté, et au-delà, en raison de l’inhibition qu’elle endure, suite à
l’éducation rigoureuse qu’elle reçoit, aux conflits, aux contradictions et aux
contraintes que lui impose la société.
Margaret Mead a d’ailleurs confirmé, par ses recherches, que c’est la
société et non la nature qui détermine le penchant des enfants et le constitue
depuis ses débuts, qu’ils soient mâles ou femelles. Elle a entrepris une
recherche originale dans l’île de Manus en Nouvelle-Guinée, à partir de
laquelle elle a confirmé l’existence d’une erreur de l’opinion publique,
selon laquelle l’amour que portent les enfants féminins pour le jeu de la
poupée « mariée » a pour cause des motifs femelles naturels, et le désintérêt
des enfants masculins pour ce type de jeu est tout simplement dû à une
différence biologique essentielle dans leur réponse existentielle. Margaret
Mead a choisi cette île parce que le jeu de la poupée n’y était pas connu.
Quand elle a présenté une partie de ce jeu à un groupe d’enfants mâles et
femelles, ce sont les premiers qui s’y étaient intéressés et non les secondes ;
ils ont même chanté et l’ont bercée pour qu’elle dorme comme le fait la
fillette avec sa poupée dans notre société. Margaret Mead a donné comme
explication à ce phénomène les mœurs et les traditions de l’île Manus qui
font que ce sont les hommes qui s’occupent des enfants (puisqu’ils ont
assez de temps libre) alors que les femmes travaillent à l’extérieur du foyer.
Certains savants ont essayé ces dernières années de déterminer
l’influence du sexe sur le cerveau. Il est ainsi admis que les hormones du
sexe pénètrent le cerveau avec le sang. Mais jusqu’ici, les recherches
scientifiques n’ont confirmé l’existence d’aucune relation entre cette vérité
physiologique et la capacité de pensée et de comportement.
Certains pensaient que la capacité intellectuelle de la femme est moindre
que celle de l’homme parce que son cerveau pèse moins que celui de son
partenaire ; mais il apparaît que cette pensée était fausse avec la
confirmation que le poids du cerveau de la femme par rapport au poids de
son corps dépasse celui du cerveau de l’homme relativement à celui de son
corps.
Puis la vérité s’est clarifiée, qui est que le poids du cerveau n’a aucune
relation avec la force intellectuelle.
Certains spécialistes pensent que la femme est plus intelligente que
l’homme parce que le lobe frontal de son cerveau (qui est considéré comme
le centre de l’intelligence) est plus développé que celui de l’homme. Quoi
qu’il en soit, le cerveau n’est pas encore bien connu. La science n’est pas
encore parvenue à pénétrer les secrets de ses fonctionnalités.
Relativement à la génialité, la célébrité et la créativité, il n’y a pas de
recherches qui prouvent que l’homme est plus proche de la célébrité que la
femme. Mais le nombre d’hommes de génie dépasse celui des femmes en
raison des conditions sociales dans lesquelles vivent celles-ci et qui les
empêchent d’accéder à la génialité. Et comme l’affirme Marie Estelle
« l’homme ne doit pas se flatter d’être plus doué que la femme tant qu’il a
plus de chance d’accéder à l’enseignement supérieur et au marché du
travail ; c’est comme s’il était fier de frapper un homme ligoté ».
On peut souligner à cet effet que le nombre peu élevé de femmes géniales
n’est pas dû à des différences de sexe comme on l’a cru par erreur, parce
que la créativité est étroitement liée à la sensibilité et l’autonomie. Et
conformément aux principes et à l’ordre établis par la société, l’autonomie
est une caractéristique de l’homme seul ; c’est pourquoi les femmes perdent
leur autonomie et par là même le pouvoir créateur.
En psychologie, on dispose d’une vérité scientifique qui prouve
l’existence d’une relation entre l’inhibition et la baisse de la capacité
intellectuelle chez l’homme ; ainsi, la capacité créative et innovatrice repose
sur l’absence d’inhibition, et comme on l’a souligné, l’originalité repose sur
l’accord libre de l’homme avec ses sentiments. Et du moment que
l’inhibition de la femme depuis sa naissance jusqu’à sa mort est bien
supérieure à celle de l’homme, il va sans dire que sa capacité intellectuelle
diminue à cause de cette inhibition.
Il est également vrai que l’isolement de la femme chez elle où elle
s’occupe des travaux ménagers et de l’éducation de ses enfants l’empêche
de vaquer aux activités et aux expériences nécessaires pour le
développement de ses capacités intellectuelles. La psychologie féminine
s’est assez développée ces dernières années pour amener les psychologues à
prouver que les anciens concepts sur la femme étaient erronés. Ainsi, il a
été dit : « La psychologie spécifique de la femme n’est qu’un ensemble de
sédiments des désirs de l’homme et ses déceptions ».
Il s’est alors avéré que les différences psychologiques colossales entre
l’homme et la femme, décrites par Freud, sont dénuées de fondement.
Harold Kelman a bien dit : « Freud a vécu dans une société patriarcale et
s’est épanoui dans un foyer où l’homme était le maître et la femme
l’esclave ». Freud s’était trompé sur la compréhension de la femme ; ses
idées ont été extraites des cas pathologiques qu’il avait constatés chez des
femmes européennes réduites au chômage et à l’apathie, des cas de femmes
malades et des cas d’anomalies chez les classes bourgeoises dans la société
viennoise corrodée ; ses disciples, ses imitateurs et ses partisans, spécialisés
en psychologie, ont jugé, après lui, de la même façon les femmes.
La mentalité de Freud représentait celle du 19e siècle quand le cerveau
humain commençait son ouverture et ses connaissances des sciences de la
nature. Il n’avait pas encore réalisé l’influence de la société et des
conditions de vie sur la pensée de l’homme. En tant qu’élément masculin, il
a inventé « une psychologie masculine » s’appuyant sur le fait que le sort de
l’être humain se limite à ses organes reproducteurs et anatomiques.
Les idées de Freud sur la psychologie de la femme se fondent sur le fait
que la fille découvre pendant son enfance qu’elle ne possède pas le même
organe reproducteur que son frère ; il s’ensuit qu’elle éprouve un sentiment
de jalousie envers lui. Il dit justement : « Les femmes ne sont pas des
femmes telles quelles mais des mâles auxquels il manque l’organe
reproducteur. Elles refusent cette réalité, la réalité de la castration ; elles
vivent dans l’espoir de posséder un jour un membre reproducteur malgré
tout ».
La femme saine selon Freud est celle qui substitue au désir de posséder
un organe reproducteur celui d’avoir un enfant, ce qui implique que la
maternité chez la femme n’est qu’un désir secondaire par rapport au désir
essentiel, qui est d’avoir un organe reproducteur.
Freud dit également que la fille reproche à sa mère qu’elle la prive de cet
organe ; c’est pour cela qu’elle s’éloigne de sa mère pour se rapprocher de
son père dans l’espoir d’avoir un enfant. Mais, bientôt, elle ressent une
déception à l’égard de son père parce qu’elle considère qu’il la trompe en
n’exhaussant pas son vœu de procréer ; suite à cela elle se libère de son
penchant oedipien, se soumet à sa tâche féminine et accepte sa maternité
comme son rôle sexuel par le biais de la douleur, de l’humiliation et de
l’acceptation du viol.
Ceci est la psychologie de la femme saine, naturelle selon Freud ; quant à
la femme malsaine, c’est celle qui se trouve incapable d’assumer sa
maternité et vit toujours dans une peine profonde parce que privée de
l’organe du mâle ; elle refuse ainsi catégoriquement son rôle de femelle et
devient encline à la masculinité en jouant le rôle d’un mâle.
A cet égard, beaucoup de savants ont confirmé le caractère erroné de ces
idées comme le souligne Karine Horney (l’une des meilleures spécialistes
des médecins psychologues) : « La fille ne jalouse pas le garçon parce qu’il
possède un organe reproducteur mais en raison des avantages offerts par la
société au mâle ». Karine Horney partage d’ailleurs le point de vue
d’Harold Kelmane et d’autres spécialistes sur l’influence qu’ont eue la
culture juive et la société dans laquelle a vécu Freud sur ses idées. A ce
propos, Horney affirme : « La culture Juive, telle qu’elle ressort de la Torah
est une culture patriarcale masculine, et cette vérité se manifeste dans la
religion juive, de sorte qu’il n’existe dans cette culture aucune déesse
féminine ni déesse mère comme les déesses mères anciennes. Dans le récit
d’Adam et Eve, la religion juive a nié la capacité de la femme à procréer et
attribué ce pouvoir à l’homme en affirmant qu’Eve est née à partir d’une
côte d’Adam. Une malédiction s’est alors abattue éternellement sur Eve, ne
pouvant jamais enfanter sans douleur et sans peine. Eve était aussi la cause
du malheur d’Adam parce qu’elle l’avait incité à manger un fruit de l’arbre
du savoir, une incitation de nature sexuelle ». Karine Horney estime que la
religion juive, par ses idées, a détérioré les relations entre l’homme et la
femme depuis l’aube des temps jusqu’à nos jours et suscité entre eux la
haine et l’angoisse ; c’est sur cette haine et cette angoisse que Freud a fondé
ses idées.
Quant à la psychologie moderne, elle a tendance à éliminer ces
différences colossales artificielles entre le psychisme de la femme et celui
de l’homme ; certains spécialistes considèrent que l’individu est bisexuel
psychologiquement et biologiquement. Ainsi, il existe deux types de
sentiment chez l’homme : le sentiment paternel et le sentiment maternel ; de
ce fait, chaque homme est doté de deux potentialités, l’une mâle et l’autre
femelle. Certains savants voient même que la constitution psychique de la
femme, comme sa constitution biologique, est plus solide que celle de
l’homme. Elle est ainsi considérée, selon eux, comme la plus forte et non la
plus faible, comme cela s’est propagé.
Il se peut alors que cette croyance s’accorde avec celle des anciens temps
où les dieux étaient la mère et la femelle. La déesse mère ne symbolisait pas
la maternité spirituelle mais la maternité naturelle primaire. Dans les
anciens temps, elle était la déesse de la terre et représentait la fertilité de
celle-ci ; elle créait la vie nouvelle et l’alimentait. C’est cette force naturelle
chez la femme, une force primitive, qui a imprégné l’homme d’admiration.
Il est, de ce fait, connu scientifiquement que l’être humain se trouve
incapable, de par sa nature, de dissimuler son admiration pour une
puissance donnée sans ressentir une haine vis-à-vis de cette puissance qu’il
ne possède pas et dont dispose un autre. Il est généralement admis que la
haine génère la peur, celle-ci engendrant à son tour la haine ; c’est pourquoi
la peur de l’homme vis-à-vis de la femme est très ancienne, enfouie dans
l’inconscient, devenant plus aigüe pendant la période de fertilité de la
femme et apparaissant clairement chez des tribus anciennes.
Certaines tribus africaines croient que la femme, si elle passe au-dessus
de la jambe d’un homme endormi, celui-ci devient impuissant. De la même
façon, on pense que la femme peut, par magie, rendre son mari impuissant
avec des organes reproducteurs déficients. Il existe même actuellement,
dans la campagne égyptienne une croyance selon laquelle la femme peut
ensorceler son mari s’il l’abandonne, et en faire un homme impuissant. Les
habitants Meri du Bengale, eux, interdisent aux femmes de consommer,
comme les hommes, la chair du tigre pour qu’elles ne soient pas robustes.
Une autre tribu, en Afrique orientale, ne divulgue pas les secrets de l’action
du feu afin que les femmes ne dominent pas leurs partenaires ; elle croit
aussi que l’homme qui contacte la femme réglée tombe raide mort. Il existe
aussi divers exemples sur la peur qui saisit l’homme en présence des signes
de fécondation de la femme comme la menstruation, la grossesse et
l’accouchement. Une seule explication à cette peur peut être fournie, c’est
que la femme est une créature qui dispose d’une force occulte capable de
communiquer avec les esprits, capable de procéder à des actes magiques et
de nuire à l’homme.
Ainsi, il était naturel que l’homme luttât contre sa peur de la femme par
divers moyens, parmi lesquels son mépris des caractères biologiques
naturels de la femme, tels que la menstruation, la grossesse et
l’accouchement, son mépris des organes de la femme, la glorification des
organes de l’homme et d’autres moyens défensifs auxquels a recours le
peureux contre l’objet qui l’effraie. La peur qu’éprouve l’homme vis-à-vis
de la femme est surtout d’ordre sexuel, parce que, au moment de l’acte, il
lui offre son organe reproducteur alors qu’elle lui soutire son sperme, sa
robustesse et le laisse épuisé, sans force aucune. Il en ressort qu’on croit de
plus en plus que la femme retire la puissance de l’homme durant l’acte
sexuel. Dans les mythologies africaines, c’est la femme qui cause la mort
dans le monde. De la même façon, on pense que c’est l’ancienne déesse
mère qui répand la mort et la destruction. C’est comme si l’homme primitif
comprenait que celui qui crée la vie est aussi capable de la prendre.
L’histoire ancienne nous a toujours révélé des vérités bizarres qui mettent
en lumière ces idées en rapport avec la relation homme femme et les
concepts erronés sur celle-ci, au double plan physique et psychologique.
Freud était certainement parmi les hommes qui ont souffert de leur peur
latente vis-à-vis de la femme ; et comme il était célèbre, il a tiré de sa peur
des vérités scientifiques dont on n’a découvert malheureusement le
caractère erroné que récemment.
LES VÉRITABLES CAUSES

Les véritables causes qui ont incité la société à établir ces différences
colossales entre l’homme et la femme ne sont plus méconnues de ceux qui
lisent l’histoire et étudient le mécanisme des développements sociaux-
économiques à travers les diverses époques de l’humanité, depuis la
naissance de l’homme jusqu’à nos jours.
Mon but n’est point de les énumérer et de les analyser du début jusqu’à la
fin ; je me contenterai d’exposer certaines vérités qui dévoilent ces causes
et qui montrent que c’est la société qui les a inventées, et qu’elles ne sont
point d’ordre naturel.
A l’époque de la chasse et celles de la préhistoire, l’homme primitif se
déplaçait d’un endroit à un autre pour subvenir à ses besoins ; les hommes
et les femmes vivaient ensemble et se mariaient entre eux ; quand les
enfants naissaient, ils devenaient des membres de la tribu ou du clan,
abstraction faite de leurs relations avec le père ou la mère. Les frères et les
sœurs n’avaient pas un seul père ou une seule mère. Ils étaient les enfants
de la tribu sans aucune distinction. La femme épousait plusieurs hommes et
l’homme plusieurs femmes ; on a surnommé ce type de relations multiples
le mariage collectif.
En effet, certains chercheurs, spécialistes de l’ère préhistorique, sont
parvenus à pénétrer ce monde des relations collectives, qui les indignaient,
du fait qu’ils avaient cru cette société de l’homme primitif sauvage et peu
civilisée. Mais l’un d’eux, plus courageux et plus sincère, a pu décrire ces
relations sexuelles ; de son côté, « Friedrich Engels » explique dans son
ouvrage « Origine de la famille » comment a évolué la relation
matrimoniale pendant la préhistoire et que la multiplicité des relations
conjugales ne signifie pas une dégradation de l’homme primitif, comme le
mariage unique n’implique pas la grandeur de l’homme moderne. A ce
sujet, Engels écrit : « Si l’unicité dans le mariage représentait l’apogée des
vertus, l’être vivant le plus vertueux serait à coup sûr le ténia dont chaque
partie du corps (parties qui varient entre 50 et 200) comprend deux organes,
un mâle et une femelle ». On sait également qu’il n’existe aucune relation,
chez les mammifères, entre le degré d’intelligence et le type de relation
sexuelle.
On a pu découvrir par la suite l’ordre maternel qui régnait pendant les
périodes primitives et berbères. Dans ces familles collectives, il n’était pas
facile d’identifier le père mais la mère était connue parce qu’elle donnait
naissance aux enfants ; c’est pourquoi ceux-ci relevaient de la filiation
maternelle, et la mère était le nerf de la famille.
La femme assumait les principales tâches de la vie quotidienne et était
d’un niveau hiérarchique supérieur à celui de l’homme ; c’est pourquoi la
tribu la respectait beaucoup.
Plus tard, l’homme connut l’élevage du bétail et ne possédait que sa
maison, ses habits, son matériel culinaire, ses canots de pêche et ses outils
esthétiques ; il ne produisait que son repas. Mais l’élevage du bétail et des
moutons, certains travaux miniers primaires, le textile puis la culture ont
augmenté sa production devenue supérieure à ses besoins ; il accumula des
richesses et devint propriétaire de sa terre.
Et puisque la procréation de l’homme n’était pas aussi rapide que celle du
bétail, le propriétaire primitif commença à ressentir qu’il avait besoin
d’autres personnes qui pussent l’aider dans la culture et l’élevage. Il
commença ainsi à conquérir d’autres tribus et faire des prisonniers pour les
conduire chez lui et les employer comme des esclaves et des travailleurs.
Le propriétaire primitif n’avait pas pu permettre à ses enfants d’hériter de
sa terre parce que ces derniers étaient les descendants légitimes de leurs
mères et que la terre était attribuée aux proches de la mère conformément à
la relation de sang.
Quand la productivité augmenta avec une accumulation de richesses et de
propriétés, l’homme imposa de plus en plus sa domination et soutira à la
mère son droit initial pour attribuer la filiation paternelle et l’héritage de sa
terre à ses enfants.
Engels a bien dit que la perte de la filiation chez la mère était un grand
échec historique pour la femme. L’homme avait aussi dominé son foyer et
la femme était devenue son esclave, au service du désir paternel et de la
procréation ; il s’est aussi permis de la tuer comme on tuait son esclave.
Le système s’est développé de plus en plus au bénéfice de l’homme bien
entendu ; celui-ci a contraint la femme à être en sa seule possession afin que
ses enfants ne fussent pas confondus avec ceux des autres, et s’est même
offert le droit de la multiplicité des épouses et des concubines, de sorte que
l’unicité conjugale était appliquée à la femme seule.
C’est à partir de cette période qu’apparaissaient les valeurs morales qui
condamnaient la femme à la chasteté et à l’unicité conjugale et accordaient
à l’homme la liberté de contact avec les partenaires qu’il désirait et la
polygamie. La femme dut alors se soumettre aux lois qui lui retiraient la
filiation maternelle si le père ne la reconnaissait pas. L’homme retira
également à la mère son droit au fœtus qui se développait en son sein et se
l’octroyait, lui attribuant un nom qui lui permettait de devenir un enfant
légitime ayant droit à l’héritage et méritant de vivre dans la société, ou le
reniant sans lui accorder son nom de famille, auquel cas l’enfant n’était plus
légitime, mais condamné par la société à la mort, ainsi que sa mère, ou à
une vie d’humiliation qui équivalait à la mort.
La société occultait les mobiles économiques exploitants, qui sont nés
avec l’apparition de la propriété privée, en imposant la chasteté à la femme,
et non à l’homme, et mettait en avant des mobiles moraux. Mais les vérités
historiques et scientifiques prouvaient, dans chaque étape du
développement de la société, que les valeurs morales et les lois obéissaient
à des nécessités économiques. Preuve en est les changements qui ont eu lieu
sur les relations entre l’homme et la femme quand la société est passée de
l’agriculture à l’industrialisation et de l’industrialisation à la technologie et
l’équipement moderne. Il en est de même pour les relations entre l’homme
et la femme, dans certains pays, quand la société est passée du capitalisme
au socialisme.
Pendant les premières périodes de l’industrialisation, la société était
pauvre et subissait les mauvais effets de la forte diminution du niveau de
vie des gens ; la naissance des enfants hors mariage menaçait également la
société économiquement. Dans cet état de fait, la femme ne travaillait pas et
ne subvenait pas à ses besoins ; elle dépendait de l’homme ; ainsi, les
contraintes morales devenaient plus dures chez la femme, amenant une
interdiction de la relation sexuelle en dehors du mariage et dénonçant les
enfants illégitimes.
Avec la reprise économique liée au développement industriel,
l’augmentation des richesses, l’élévation du niveau économique et culturel
des gens, et partant la forte diminution de la natalité, la société commença à
souffrir du sous-peuplement conséquent ; elle toléra la naissance des enfants
sous toutes ses formes, qu’elle eût lieu lors des mariages ou en dehors des
mariages.
C’est cela qui se produit actuellement dans certains pays développés
comme la Suède ; le développement industriel a, de ce fait, généré une
augmentation sans précédent des richesses, comme la civilisation, le
progrès culturel et l’accès de la femme au marché du travail ont eu comme
conséquence une baisse sensible des naissances. Par ailleurs, en raison de
l’augmentation continue des richesses et la baisse incessante de la main-
d’œuvre et de la population, la société suédoise, à titre d’exemple, s’est vue
obligée d’offrir des récompenses à toute mère qui donnait naissance à un
enfant, qu’elle fût mariée ou pas. De ce fait, la mère célibataire bénéficiait,
pour son enfant, d’une gratification de la société, au lieu de la sanction
imposée dans le passé, et faisait jouir l’enfant illégitime de tous les droits
dont jouissait l’enfant légitime.
Il existe un autre facteur économique, qui est l’accès de la femme au
travail en dehors de son foyer ; la société ne lui avait pas permis de jouer ce
nouveau rôle, qu’elle lui a ensuite imposé en raison uniquement d’une
nécessité économique née de l’industrialisation. Par la force des choses, la
société avait un immense besoin de la main-d’œuvre et spécialement
pendant les périodes de guerres, quand les conflits armés absorbaient
beaucoup celle de l’homme ; la société fut alors contrainte de demander de
l’aide aux femmes et même aux enfants. Mais, ces dernières, naturellement,
ne bénéficiaient pas, dans cette société exploitante, de l’égalité avec les
hommes, relativement aux salaires et aux autres droits du travail ; mais elles
se sont libérées de leur enfermement dans le foyer et de leur dépendance à
l’égard des hommes, qui subvenaient à leurs besoins ; la femme se trouvait
alors capable de subvenir aux besoins de son enfant, que l’homme le
reconnût ou pas. De là, elle a pu obtenir, dans plusieurs pays industrialisés,
son ancien droit naturel de léguer son nom à son enfant. Ces sociétés ne
faisaient plus la différence entre les enfants qui portaient le nom de la mère
et ceux qui portaient celui du père dans une relation conjugale ou
extraconjugale. Dans certains pays, l’enfant portait les deux noms en même
temps et, plus tard, il choisissait celui qu’il préfère. Certaines personnes
s’étonnent quand elles découvrent que les valeurs morales varient et
changent en fonction des nécessités économiques ; parfois, elles sont même
surprises quand elles comprennent que les vérités scientifiques elles-mêmes
changent en fonction du changement socio-économique. Il n’est donc pas
étrange que des théories et des vérités sur les sciences en rapport avec
l’ordre social, comme les sciences juridiques, sociales ou économiques
soient modifiées ; mais que des vérités et des théories scientifiques liées à
des disciplines comme la médecine ou la psychologie changent, cela
signifie que la science, dans les sociétés exploitantes, est exploitée elle-
même et que les savants deviennent, à l’instar des juristes et du corps
policier, l’un des jouets du pouvoir.
Certains psychologues ont, par ailleurs, découvert récemment que
beaucoup de vérités et de théories diffusées dans la société capitaliste, et à
sa tête Sigmund Freud, étaient erronées. Un exemple parmi d’autres est
celui de la « sublimation », une terminologie mise au point par Freud pour
l’opération de l’orientation énergétique sexuelle chez l’homme vers des
actes non sexuels dans la société.
Les nouveaux psychologues estiment que le concept de « sublimation »
résulte des impératifs économiques qui ont caractérisé la société capitaliste
au début de l’ère d’industrialisation, lors de son passage de l’agriculture à
l’industrie. La société, à cette époque, avait des potentialités limitées, quand
l’industrie se fondait non sur le machinisme mais sur l’effort physique de
l’homme ; c’est pour cela qu’elle avait grandement besoin de la sueur des
travailleurs et leurs efforts, nuits et jours. La société ne pouvait alors
concrétiser cela que par la force, au moyen de la servitude matérielle ou
sociale mais aussi en faisant du travail et de l’industrie une nécessité morale
qui se basait sur la création de valeurs du même type, glorifiant le travail et
le considérant comme étant sacré et non seulement comme une simple
tâche.
Il en résulte que l’accumulation du capital lors de la première crise du
capitalisme était accompagnée d’un ensemble de valeurs morales
s’appuyant sur la chasteté, la purification, le refus des plaisirs de la vie et la
droiture sous toutes ses formes ; elles étaient appelées des valeurs puritaines
(ou d’une pureté grandiose).
Ces valeurs puritaines sont apparues en Angleterre et dans d’autres pays
sous la forme d’une morale protestante fanatique.
A l’époque, les psychologues, et à leur tête Freud, avaient transmis aux
gens ce concept qu’ils avaient appelé « la sublimation », et dont le
fondement est que l’homme qui inhibait son instinct sexuel et le canalisait
vers des actes étrangers, sublimait cet instinct ; autrement dit, il le dirigeait
vers des actes, ayant plus de valeur et plus de grandeur.
Quand la société eut atteint un haut niveau d’industrialisation, quand le
niveau de vie eut augmenté et que les heures de travail eurent diminué,
quand le travail ne s’appuyait plus sur la force physique de l’homme et que
la force humaine était devenue plus coûteuse, quand le progrès
technologique et le développement économique eurent nécessité davantage
l’utilisation des machines et du matériel, à ce moment-là, les valeurs
morales puritaines et leurs équivalents ont disparu. Il était donc devenu
naturel pour une société de consommation de ne plus glorifier l’interdiction
des plaisirs de la vie, l’épargne, la sublimation et d’autres valeurs qui
limitait la consommation de l’individu.
Au lieu de tout cela, la société était devenue dans l’obligation d’inventer
pour elle d’autres valeurs morales en rapport avec la satisfaction des désirs
de l’homme et de ses besoins ; elle a même créé chez lui des besoins
nouveaux et une glorification du sens de la dépense et de la jouissance
existentielle.
Il n’est pas douteux, dans ce sens, que le dernier changement qui a eu lieu
sur la vision que portent les pays capitalistes développés sur les valeurs
morales, et sur l’orientation de ces pays vers l’élimination des tabous
traditionnels relatifs à la relation entre l’homme et la femme et vers la
libération du sexe de ses anciennes contraintes, ne s’est réalisé qu’en
fonction du changement des moyens d’accumulation du capital.
La « sublimation » et l’orientation de l’énergie sexuelle vers des actions
nouvelles ne sont plus nécessaires comme elles l’étaient auparavant, du
moment que la satisfaction du désir sexuel n’a plus aucun effet sur la
productivité comme elle l’avait été dans une société non mécanisée.
Certains savants affirment que, en sus de ce qui avait été dit, la liberté
sexuelle était devenue nécessaire pour protéger la société capitaliste contre
la subversion et la révolution. Ainsi, il a résulté de l’avancée technologique
et mécanique une diminution de la quantité d’effort et du temps que
l’homme consacrait au travail ; avec l’augmentation des loisirs chez
l’homme, les esprits commençaient à constater les aspects négatifs du
système capitaliste et les manifestations de l’inégalité et de l’injustice dont
pâtissent les classes démunies dans la société. De ce fait, les capitalistes ont
préféré canaliser cette énergie vers le sexe, de peur qu’elle ne s’accroisse et
devienne une force de subversion et de révolte contre la société établie.
Malgré tout, cette situation n’implique pas seulement une liberté sexuelle
accrue ; ainsi, l’intérêt peut également évoluer, dans cette société de
consommation, vers la création factice de certains besoins chez l’homme
pour acheter des produits et d’en être le propriétaire ; ces acquisitions
deviennent artificielles quand l’homme s’astreint à acheter des choses dont
il n’a pas besoin mais qu’il veut posséder tout simplement.
Les sociétés capitalistes diffèrent quant au style qu’elles utilisent pour se
libérer de la morale puritaine selon les différentes traditions héritées. Les
sociétés, suédoise et danoise, à titre d’exemple, ont hérité des traditions
fortes qui interdisaient le crime et la violence alors que celles qui
interdisaient le sexe sont moins fortes. L’inverse est valable aux Etats-Unis
d’Amérique où la société a hérité (à cause d’un grand nombre de guerres
civiles et de conflits raciaux) de traditions qui permettaient l’agression et la
violence et les rendaient plus acceptables par la société que l’émancipation
sexuelle. C’est pourquoi la société américaine est devenue plus permissive à
l’égard de la violence et du crime qu’elle ne l’est vis-à-vis de la liberté
sexuelle.
Quand j’étais à New York en 1966, j’ai failli être assassinée au milieu du
jour sur la place de Washington par des balles perdues qui venaient d’une
longue voiture élégante occupée par des jeunes.
En raison des nombreux crimes et de leur extension, les autorités de la
ville de New York ont renforcé (au cours de l’année que j’avais passée dans
cette ville) le dispositif de sécurité, surtout dans les trains souterrains ; pour
ce faire, il y avait dans chaque wagon un policier au moins. Mes amies
américaines me conseillaient aussi de ne pas sortir la nuit.
J’ai également séjourné en Suède et au Danemark en 1971 ; je descendais
parfois de ma chambre d’hôtel à minuit pour aller me balader dans les
avenues de Stockholmou de Copenhague, calmes et sécurisés, désertes, à
l’exception de la présence certains amoureux.
J’ai pu naturellement voir de mes propres yeux le degré de liberté
sexuelle que permet la société suédoise et danoise à ses citoyens, hommes
et femmes, et être au courant de certaines recherches entreprises au cours
des années passées en Suède, qui prouvaient que 97 % des maris et des
épouses avaient déjà pratiqué l’acte sexuel avant le mariage et que 2 %
seulement des hommes et des femmes ne l’avaient pas fait. Les jeunes des
deux sexes sont ainsi devenus de plus en plus enclins à rejeter l’idée d’un
mariage avec un contrat écrit.
Dans ces pays, il n’existe plus de différence entre l’homme et la femme
au niveau de la liberté sexuelle ; et de même qu’il pratiquait le sexe quand il
le voulait en choisissant la partenaire qu’il voulait, elle en faisait autant.
Ainsi, les valeurs morales qui considéraient l’acte sexuel sans contrat de
mariage comme une faute et un péché ne sont plus de mise. Sur le même
sujet, on avait entre autres souligné que « l’égalité entre l’homme et la
femme sur le plan économique et politique impose aussi une égalité morale.
Ainsi, le résultat le plus logique en est que la moralité de la femme, dans
l’avenir, deviendra la même que celle de l’homme victorien chrétien
respectable. Cela implique naturellement la décadence de la moralité
chrétienne ».
Il n’est pas douteux que l’autonomie économique de la femme, qui
résulte de son travail à l’extérieur du foyer, est le facteur fondamental de
l’égalité de la femme avec l’homme dans ses droits et ses devoirs, parmi
lesquels le droit à la liberté sexuelle. Il existe, certes, un autre facteur qui a
joué aussi le même rôle ; c’est celui de la découverte des moyens
contraceptifs. Ainsi, la relation sexuelle ne peut plus aboutir à la naissance
d’un enfant sans la volonté de la mère.
De la même façon, le droit de la mère à l’avortement est maintenant
garanti dans certaines sociétés évoluées ; la tendance à la permissivité dans
l’avortement est également de plus en plus manifeste dans beaucoup
d’autres, parmi lesquelles celle des Etats-Unis ; les femmes ont ainsi
recouvré, dans beaucoup de pays, leur droit à un avortement propre, sous
les auspices d’un médecin, à un prix modique, sans risque d’être exploitées
par certains quand l’opération est financée illégalement.
Ces sociétés ont d’ailleurs reconnu (pour les causes déjà énoncées) le
droit de la femme à la jouissance sexuelle comme pour l’homme ; cela a eu
comme conséquence l’intérêt accordé par les scientifiques à la femme et
aux causes qui constituent un obstacle à son plaisir érotique. De ce fait, il
est possible que la cause la plus importante soit ce qu’on appelle la frigidité
qui touche les femmes inhibées et victimes des contraintes sociales.
Kinsey, de son côté, a entrepris en 1953 une recherche sur des femmes
américaines n’ayant pas pratiqué le sexe avant le mariage ; il s’est alors
avéré que 40 % d’entre elles n’avaient pas connu l’orgasme pendant la
première année de leur mariage et que 35 % pendant les dix premières
années.
Les chercheurs et les savants ont alors redoublé d’efforts dans leurs
études sur la frigidité de la femme et en ont déduit que l’inhibition et les
contraintes sociales sont la principale cause de cette frigidité. Les
recherches naturelles se sont multipliées quant aux effets de l’inhibition et
de la privation sur la femme et l’homme, au même titre, et à tous les âges,
depuis l’enfance jusqu’à la vieillesse ; elles ont abouti au fait que
l’inhibition et la privation laissent des traces fort nocives sur le corps de
l’être humain, son état psychique et son intelligence pendant les différentes
étapes de sa croissance, depuis la naissance jusqu’à la mort, et que les
mauvais effets sur l’appareil neurologique et endocrinien ne sont pas
moindres que ceux en rapport avec l’appareil génital, mais plutôt
supérieurs.
Tout appareil dans le corps a besoin d’être stimulé pour se développer ; il
en est de même pour l’appareil génital qui, privé de stimulation, sera privé
également de développement.
Le degré de privation de la stimulation est proportionnel au degré de
privation de la croissance ; si la première (ou l’inhibition) est forte,
l’appareil génital est atteint d’une atrophie, qu’on appelle médicalement
atrophie constitutionnelle émanant d’une apathie fonctionnelle ; la personne
touchée est victime d’une impuissance sexuelle, et cela se manifeste chez
celles qui sont inhibées et qui se privent de toute pratique sexuelle et qui,
une fois mariées tardivement, sont atteintes de cet état connu médicalement,
qu’on appelle « langueur sexuelle due à l’abstinence » ; cette privation ou
inhibition forte mènent à un retard dans le développement mental, et il en
résulte une faiblesse dans la compréhension, le sentiment et le
comportement. Le docteur Youssef Hilmi Jannina, professeur spécialisé en
maladies nerveuses à l’université du Caire, avait décrit l’influence de
l’inhibition sexuelle sur le système nerveux en affirmant : « On sait que la
privation du cerveau des influences sonores et lumineuses pendant
l’enfance conduit à la mutité, à la surdité ou la cécité ; en effet, si le cerveau
est à ce point touché par ces privations de ces influences externes acquises,
quel serait son sort s’il était privé de ces influences sexuelles instinctives
propres à la survie ? » Il assure également que beaucoup d’éducateurs
continuent à croire que la sublimation précoce des instincts est la meilleure
protection contre les révoltes et la perversion et que cette conviction est
fausse parce que l’acte de sublimation sexuelle conduit par les centres
cérébraux supérieurs demande une énergie sexuelle, laquelle, à son tour,
demande une matière qui nécessite un développement et un murissement
sexuels ; ce développement implique une stimulation ; cela signifie que
toute sublimation n’a lieu, selon lui qu’après l’opération d’épanouissement
et de maturation sexuels et ce qu’ils nécessitent comme stimulation
continue.
DES RELATIONSUTILITAIRES

Il résulte de ce qui précède que les impératifs économiques dans les


sociétés capitalistes évoluées ont accordé à la femme quelques libertés et
quelques droits dont l’avaient spoliée, avant, d’autres impératifs
économiques.
Et comme le nègre se convainc que la couleur noire dont la nature avait
peint son visage n’est pas une preuve de son asservissement à l’homme
blanc, la femme se convainc également que la grossesse, sa spécificité
naturelle, ne justifie pas qu’elle soit l’esclave de l’homme, sa propriété ou
sa suivante.
Mais cela ne constitue que quelques pas sur le chemin de la libération des
femmes, leur indépendance et leur égalité réelle par rapport à l’homme ; le
chemin à parcourir reste ardu, semé des embûches dressées par les hommes
féodaux et capitalistes ; je dirai même aussi que la minorité des femmes du
monde évolué qui ont recouvré une partie de leurs droits restent encore
privées de beaucoup d’autres, dont bénéficient les hommes, et qu’elles
continuent d’être confrontées à de nombreux problèmes dans leur travail en
dehors du foyer et chez elles, dans l’éducation des enfants, dans l’obtention
d’une rémunération semblable à celle des hommes et dans l’exercice des
hautes fonctions et des responsabilités gouvernantes monopolisées par
l’homme pour soi.
Ainsi, beaucoup de sociétés évoluées continuent à exploiter les femmes
dans leurs travaux à l’intérieur et à l’extérieur du foyer. A cet égard, les
statistiques et les recherches entreprises en Europe de l’Est et de l’Ouest ont
confirmé que les femmes ouvrières mariées représentent les catégories
sociales qui disposent de moins de temps de repos. Ainsi, la femme travaille
le même nombre d’heures que l’homme à l’extérieur du foyer puis retourne
chez elle pour servir son mari et ses enfants. Mais, les mouvements
progressistes à travers le monde ont commencé à mettre au jour cette
grande exploitation des femmes ; de même, certains pays, qui avaient
tendance à appliquer le système socialiste égalitaire, ont commencé à
épargner à la femme les difficultés de la garde des enfants et de leur
éducation et à alléger pour elle les charges des travaux ménagers, par divers
moyens. Cependant, combien de pays ne sont pas encore parvenus à
concrétiser cet espoir pour toutes les femmes, de sorte que ne bénéficient de
la garde qu’une petite minorité d’enfants, au moment où la majorité
écrasante des mères ouvrières sont épuisées par le travail à l’intérieur et à
l’extérieur du foyer, d’autant plus que l’homme, dans beaucoup de pays
développés, continue à croire que les travaux ménagers et l’éducation des
enfants relèvent de la responsabilité de la femme seule, ignorant que celle-
ci participe aussi aux frais occasionnés par le foyer et l’éducation des
enfants.
Quand j’étais en Allemagne de l’Est en novembre 1971, j’avais su que
l’Etat n’était capable de mettre à la disposition des citoyens que 30 % des
maternelles et des crèches dont ont besoin pour leurs enfants les femmes
ouvrières et qu’il existe un grand problème dont souffrent la majorité des
mères ouvrières, vu que l’homme allemand persiste à croire que les travaux
ménagers et l’éducation des enfants relèvent de la seule responsabilité de la
femme, qu’elle soit ouvrière ou qu’elle s’occupe seulement de son foyer. Et
comme me l’ont affirmé des psychologues allemands, la solution à ce
problème demande du temps, jusqu’à ce que les concepts socialistes
égalitaires soient bien ancrés dans l’esprit de l’homme allemand, surtout
que l’Allemagne était naturellement bien imprégnée du système nazi ;
Hitler disait à ce propos que la vie de la femme se réduisait aux enfants, à la
cuisine et à l’église et qu’il n’y aurait aucun conflit entre les deux sexes tant
que chacun assume le rôle que la nature lui a imposé.
Ainsi, les idées d’Hitler sur la femme concordaient-elles avec celles de
Freud, d’autres chercheurs nazis ou colonisateurs capitalistes.
Il s’ensuit qu’on est à même de comprendre que la femme ouvrière dans
les pays les plus développés reste toujours responsable de son travail au
foyer et à l’extérieur de la maison ; ce problème constitue toujours une
entrave à la marche vers une véritable égalité entre l’homme et la femme et
empêche celle-ci de prouver ses vraies capacités de travail et de production.
Cependant, certains pays développés ont pu ressentir la gravité de ce
problème, et des voix se sont élevées pour appeler à une remise en cause du
concept traditionnel en rapport avec le rôle des deux partenaires. Cette
nouvelle vision s’appuie sur une réalité : c’est que la femme travaille en
dehors de son foyer comme l’homme ; de ce fait, ce dernier doit participer
avec son épouse aux travaux ménagers et à l’éducation des enfants.
Le concept traditionnel selon lequel la femme est seule responsable de
l’éducation des enfants et des travaux ménagers et que le travail en dehors
du foyer relève de la responsabilité de l’homme est un concept erroné, dont
la source est la situation sociale où la femme avait été placée ; il en a résulté
un sous-développement de celle-ci et son incapacité à émerger dans la vie
sociale, dans les sciences et les arts, et surtout des enfants à l’état psychique
fragile. Ainsi, certaines recherches et études ont montré que les conflits de
type agressif sont ancrés dans l’esprit de la plupart des enfants en raison de
l’influence grandissante qu’exerçait la personnalité de la femme sur sa
progéniture pendant les premières années de leur vie, alors qu’ils ne
ressentaient aucunement la personnalité de leur père.
Il n’est pas douteux que le phénomène du solide attachement de l’enfant
à sa mère et sa haine vis-à-vis de son père (complexe d’Oedipe) est le
résultat du déséquilibre dans la relation sentimentale entre l’enfant et ses
parents, de la profonde affection de celui-ci pour sa mère, qui use de tout
son temps pour l’éduquer, et de son éloignement du père, qui se trouve
convaincu que l’éducation des enfants est du ressort de la mère. Certains
pays développés ont commencé à associer les hommes et les femmes dans
l’éducation des enfants et faire en sorte que l’enfant soit imprégné des deux
images, celle du père et celle de la mère ; mais, il n’est pas nécessaire, dans
ces sociétés, que le père soit l’auteur biologique de la conception, comme il
n’est pas nécessaire également que la femme soit une mère porteuse, car ces
deux types de parents peuvent faire preuve d’incapacité plus que quiconque
dans l’éducation des enfants ; celle-ci est donc du ressort d’hommes et de
femmes ayant bien assimilé le sens de la véritable éducation.
L’enfant ne choisit pas son père et sa mère qui lui sont imposés ; en quoi
donc l’enfant serait-il coupable s’il était né de parents qui ne savent pas
l’éduquer, subvenir à ses besoins et lui offrir les occasions favorables pour
son enseignement et son épanouissement ?
En quoi l’enfant serait-il coupable s’il était né de parents n’ayant pas
contracté un acte de mariage ? L’enfant, tout enfant, a le droit absolu de
vivre, de manger, d’apprendre et de travailler sans prendre en considération
la situation familiale de ses parents, qu’ils soient mariés ou pas, qu’ils
soient séparés ou non, qu’ils soient capables de travailler et d’avoir des
ressources ou pas. L’enfant né ne doit pas être jugé sur les circonstances de
sa venue au monde car il n’avait pas participé à cette action et n’avait pas le
choix entre le consentement et le refus. De toute façon, il fait partie de ce
monde sans le vouloir et sans le savoir ; il est donc injuste et déraisonnable
qu’il soit évalué en fonction d’une action qu’il n’a pas voulue, qu’il n’a pas
connue et à laquelle il n’a pas participé. Les sociétés qui font la différence
entre les enfants, et les sanctionnent pour ce qui a eu lieu avant leur
naissance, sont des sociétés qui ont atteint un degré maximal de cruauté et
d’oppression, parce qu’elles condamnent de petits innocents n’ayant pas
participé au délit pour lequel la société les a condamnés et ne pouvant en
aucune manière se défendre. Mais cette cruauté n’est que le prolongement
de la cruauté et de l’oppression dont est victime la femme et que dissimule
l’homme, qui n’accorde pas à celle-ci l’honneur de se marier avec lui ;
comment alors la société peut-elle sanctionner la mère célibataire ?
Comment peut-elle la châtier sans renier cet enfant auquel elle a donné
naissance et le priver de l’honneur d’avoir le nom du mari ?
J’ai reçu dans mon cabinet une jeune dame d’une trentaine d’années qui
souffrait de douleurs et d’une inflammation de l’utérus. Je l’ai interrogée
sur la vie qu’elle menait et j’ai appris que son père travaillait dans l’un des
services gouvernementaux. Un veuf de cinquante-cinq ans, un marchand de
tissus aisé, qui possédait un lot de terrain, s’est présenté pour la demander
en mariage alors qu’elle n’avait que dix-huit ans. Le père n’hésita pas à la
marier. La fille vécut douze ans avec un homme vieux qui lui était inconnu.
Elle n’eut pas d’enfants. La relation sexuelle avec lui la mettait dans une
situation drôle de dégoût et se terminait par un état maladif singulier
caractérisé par une douleur dans l’utérus et des nausées.
La jeune femme me dit avec amertume : « Je sentais, docteur, chaque
nuit, que je vendais mon corps comme une prostituée à ce vieux bizarre, en
contrepartie de quelques sous qu’il avait offerts à mon père ».
Peut-on alors dire que ce type de relation entre le mari et sa femme est
une relation noble ?
L’honneur consiste-t-il pour le père à offrir sa fille comme marchandise
au nom du mariage ?
L’honneur est-il, pour un vieux, d’acheter une jeune fille ayant l’âge de sa
petite-fille ?
L’honneur est-il en rapport avec la vie que mène une jeune fille pendant
toutes ces années contre son gré et son humanité, privée de toute jouissance
et de tous ses droits, y compris celui de la maternité ?
Donc, ce n’est pas le contrat de mariage qui fait l’honneur de la relation
entre l’homme et la femme. Il ne suffit pas pour une personne de contracter
un acte de mariage pour être noble.
Ainsi, la conversion de la femme en une denrée qui se vend et s’achète au
nom du mariage est une sorte de prostitution déguisée en une légalité
factice, qui se contredit avec l’essence de l’honneur et son sens sublime. Le
fait est que l’honneur, dans sa nature, se contredit avec la falsification, la
possession d’un être humain et son exploitation par un autre ; l’honneur est,
intrinsèquement, contre l’asservissement et l’esclavagisme ; il appelle au
respect de la dignité humaine et établit une relation entre les hommes sur la
base de l’intimité, de l’amour, de la volition réciproque et du choix libre.
L’honneur est contre la commercialisation sur les êtres humains, qu’ils
soient des esclaves ou des femmes ; par conséquent, il s’oppose au mariage
basé sur le caractère mercantile et la vente de la femme moyennant l’argent.
L’honneur, essentiellement, interdit ce type de mariage et le considère
comme illégal parce que c’est une union contre l’honneur de l’homme, sa
dignité, sa libre volonté et son choix émanant de son sentiment sincère.
Mais, comme les gens oublient l’essence de l’honneur et comme la
société méconnait le sens fondamental du mariage entre l’homme et la
femme ! Avec le temps, ce sens et son contenu réel se perdent, les gens
s’accrochent à la forme pour la conserver, celle-ci devenant une alternative
au contenu ; c’est alors que le contrat de mariage, ou un papier, se
substituent à l’amour, à la volition, à la dignité et à l’honneur. Ainsi, les
mesures prises pour le mariage deviennent quasiment semblables à des
mesures de ventes ou de locations immobilières, le mariage se vidant de son
contenu, de ses valeurs humaines et se fondant sur des relations
commerciales.
Il est donc probable que ceci soit la cause de l’échec dans beaucoup de
mariages, un échec visible, aboutissant au divorce, ou un échec discret, se
manifestant par des adultères en nette progression dans la plupart des
sociétés, par la stérilité et la froideur de la relation entre les deux époux,
celle-ci étant dénuée de toute gaieté et sombrant dans le dégoût et les
vexations ; une sorte d’aversion de l’époux pour l’épouse ou l’inverse
s’installe alors ordinairement ; il en résulte que l’homme, dans cette société,
mène deux vies contradictoires, une vie conjugale socialement apparente et
factice et une vie réelle secrète loin de la société. Nous ne pouvons nier
l’effet de ce dédoublement sur la personnalité humaine : des déviations
psychologiques, physiques et mentales, des problèmes sociaux et
l’émergence d’un climat malsain où vivent les enfants, qui s’épanouissent
avec des personnalités faibles et morbides, et suivent naturellement le
même chemin emprunté par leurs pères et leurs mères.
La relation entre l’homme et la femme perd de son honneur et de son
objectif suprême si elle se fonde sur des objectifs commerciaux et
utilitaires. C’est cela le sens de la prostitution, vu que la péripatéticienne est
la femme qui perçoit un salaire de sa relation avec l’homme. Le prostitué
est également celui qui offre une rétribution en contrepartie de son contact
avec la femme.
Il n’est pas douteux que c’est l’homme qui court après la femme
prostituée, qui la paie et qui l’encourage à pratiquer la prostitution ; en
conséquence, sa part de responsabilité doit être plus grande que celle de la
femme ; malgré cela, la société la condamne seule et n’use du terme
« prostitution » que par référence à la femme.
Ainsi, si le mot « prostituée » désigne la femme qui accepte une relation
sexuelle avec l’homme pour des raisons commerciales et utilitaires, cette
définition doit toucher toute femme qui agit ainsi. De ce fait, il n’ya pas de
différence entre la relation conjugale basée essentiellement sur l’intérêt
commercial et utilitaire et la prostitution. Peut-être existe-t-il une différence
purement formelle en ce sens que l’acte de mariage n’est qu’une formalité
et que la rémunération offerte à la femme diffère par sa forme de celle
attribuée à la prostituée ; mais, substantiellement, les deux relations sont
dépourvues du véritable amour sans lequel les deux relations ne sont plus
nobles.
Les statistiques et les recherches ont d’ailleurs montré qu’il existe une
relation inversement proportionnelle entre le nombre des travailleurs et des
travailleuses sexuels dans une société donnée et l’émancipation des
femmes, ainsi que l’égalité entre les deux sexes dans cette société, puisque
plus les femmes se libèrent et recouvrent leur égalité par rapport aux
hommes, plus le nombre de ceux qui se livrent à la prostitution diminue.
Car l’on sait que certains pays socialistes développés étaient sur le point
de mettre un terme à l’existence de ce type de femmes qu’on appelle
communément des prostituées. La femme, dans ces sociétés, avait appris,
travaillé pour enfin toucher un salaire comme l’homme ; de ce fait, il n’y
avait plus aucune femme qui subvenait à ses besoins et ceux de sa famille
en commercialisant son corps.
Nombreux sont alors les touristes privés de sexe qui ressentent une
grande déception quand ils voyagent dans l’un de ces pays ; ils sont surpris
de ne point trouver ces types de divertissement et ces maisons closes qui
font étalage des relations sexuelles, et se baladent à travers les avenues à la
recherche d’une prostituée qu’ils ne trouvent guère.
Lors de ma visite en Allemagne de l’Est en 1971, j’ai constaté que dès le
coucher du soleil, certains hommes arabes quittent Berlin Est et se ruent
vers Berlin Ouest ; la cause en est simple : la femme à Berlin Est travaille
comme l’homme, et la société socialiste ne fait pas du sexe un commerce
ou une denrée. Mais à Berlin Ouest, il existe des sexes-shop qui exposent
des films sexuels à caractère commercial et des maisons closes qui se
répandent dans les sociétés capitalistes pour exploiter les prostituées dans la
commercialisation du sexe, et soutirer de l’argent aux touristes étrangers.
Sur ce, il semble clair et évident de bien considérer la grande différence
entre la vision de la société socialiste et celle de la société capitaliste sur la
femme. Dans la première, la femme est un être humain possédant un corps,
un esprit, une intelligence, et égale l’homme ; dans la société capitaliste, en
revanche, elle se réduit toujours à un corps qu’on exploite dans le travail au
foyer et dans la commercialisation du sexe.
Ceci n’est point étonnant ; Marx et Engels, les fondateurs de la
philosophie socialiste dans le monde, ont été les premiers à dévoiler les
aspects de l’exploitation de la femme, son esclavage et leurs véritables
causes, inhérentes à la société capitaliste ; à ce propos, ils ont souligné, dans
la plupart de leurs publications des pensées philosophiques, que le
capitalisme a fait de la femme un simple outil de procréation et une
marchandise qui se vend et s’achète au nom du mariage.
Ainsi, certains pays capitalistes développés comme les Etats-Unis, ont
commencé d’encourager les femmes à retourner au foyer après que les
besoins de la production se furent passés de leurs services ; effectivement,
les statistiques ont prouvé, ces dernières années, que l’épouse américaine
laisse tomber son travail et reste dans son foyer dès qu’elle donne naissance
à son premier enfant.
Et comme l’ont souligné certains chercheurs, la femme américaine
commença à décliner depuis 1920, de sorte que son ambition pour le travail
hors du foyer diminua ; elle s’intéressa surtout au mariage, à l’enfantement
et à l’éducation des enfants.
Ainsi, le nombre de femmes et de mères qui ne travaillent pas n’a cessé
d’augmenter depuis 1920 pour atteindre 70 % de femmes en général ; mais
en Allemagne de l’Est, 81,5 % des femmes travaillent contre 18,5 % qui ne
le font pas. Aux Etats-Unis, par contre, la plupart des femmes travailleuses
occupent des emplois subalternes qui ne nécessitent aucune compétence de
haut niveau comme le secrétariat et les travaux d’artisanat, lesquels
n’exigent aucune expérience ni savoir-faire.
L’on sait aussi que la femme américaine n’est présente dans les secteurs
d’activité artistiques et des fonctions de haut niveau qu’à une proportion
très réduite. Le nombre de celles qui travaillent dans les secteurs de la
médecine, du droit, de l’ingénierie et de la recherche scientifique réunis ne
représente pas plus de 7 % par rapport à celui des femmes qui travaillent,
selon les statistiques de l’année 1950 ; de même, 6 % seulement des
médecins américains sont des femmes et 4 % des avocats et des magistrats
le sont ; à l’inverse, en Union Soviétique, 75 % des médecins sont des
femmes.
J’ai fait un voyage en Union Soviétique au mois de juin 1969, visité ses
villes et ses campagnes au nord et au sud, de Leningradà Moscou, Almaty,
Tachkent, et vu de mes propres yeux beaucoup de femmes qui travaillaient
dans tous les secteurs scientifiques et médicaux et qui occupaient plusieurs
postes de haute responsabilité, que ce soit dans le domaine des sciences ou
celui de la vie sociale et politique. J’ai vu la même chose lors de ma visite
en Allemagne de l’Est ; ainsi, le pourcentage des femmes magistrats dans ce
pays est de 34 % et parmi les 500 membres du parlement 159 sont des
femmes alors qu’en Allemagne de l’Ouest il n’y a que 34 femmes sur 518
parlementaires.
On sait qu’aux Etats-Unis la femme a peu de place dans la vie politique.
Lorsqu’une mère américaine ambitionne, naturellement en tant qu’être
humain, de travailler en dehors de son foyer, les psychologues et les
sociologues américains lui conseillent de rester chez elle avec ses enfants
pour prévenir une maladie psychique chez ceux-ci, pouvant résulter de
l’absence de la mère, maladie qu’ils appellent la privation de maternité.
Quant à la privation de paternité, qui est un phénomène général et répandu,
étant donné que le père travaille toute la journée loin de ses enfants, aucun
de ces spécialistes ne la mentionne ou avertit de son danger.
La société capitaliste prétend, en amplifiant le phénomène, que le mal
psychique pouvant résulter du travail de la mère en dehors de son foyer est
une réalité nocive ; elle le fait savoir afin de contraindre la femme à rester
chez elle en demeurant exploitée.
C’est ainsi que les nouveaux sociologues progressistes ont découvert
l’erreur de ces pensées psychologiques et scientifiques, qui n’apparaissaient
que pour falsifier et cacher les vérités effectives. Ils nous assurent que
l’histoire de l’humanité, dans ses anciennes périodes préhistoriques, au
moyen-âge puis au 17e et au 18e siècle n’avait jamais connu ce qu’on
appelle la maternité à plein temps comme cela s’est produit au 20e siècle
dans la classe moyenne. Les mères avaient d’autres tâches en dehors de
l’agglutination, toute la journée, autour des enfants, lesquels participaient
aux travaux du foyer et de l’extérieur et étaient en plus bonne santé
psychique que les enfants de notre époque moderne. La mère, à ces époques
lointaines, ne souffrait pas, comme celle d’aujourd’hui, de l’ennui et de
l’isolement, et ne passait pas dix heures à moisir seule avec ses enfants.
Ceci prouve, si besoin est, que la femme vit sous la domination de
l’homme depuis qu’on l’avait privée de son droit naturel à la vie ; elle
grandissait et s’épanouissait en fonction de la société exploitante ; elle
apparaissait sous diverses formes : les unes se cachaient derrière un voile de
progrès falsifié et de civilisation moderne factice, comme lorsqu’on
permettait à la femme de fumer ou de dénuder ses jambes et ses cuisses en
portant une mini-jupe ; les autres dévoilaient manifestement la domination
de la femme par l’homme, comme cela avait lieu quand celui-ci incitait sa
partenaire à rester chez elle, soit par la force et la contrainte soit par la
persuasion et le camouflage.
Il se peut que la véritable cause qui a encouragé la plupart des femmes
dans le monde à être convaincue de rester chez elle soit ces pseudo-théories
scientifiques qui prétendent que la femme, lorsqu’elle sort pour travailler et
laisse ses enfants, leur cause un grave préjudice psychique. Il en est de
même pour ces théories qui voulaient convaincre la femme que, pour
asseoir sa féminité, la meilleure voie serait la procréation et l’éducation des
enfants.
A rebours de ces théories, les recherches scientifiques ont confirmé
l’erreur de tous ces concepts et même révélé que l’homme avait exploité les
enfants pour asservir la femme, qui s’occupait d’eux dans le foyer ; de
même, certaines recherches entreprises ont prouvé que l’épanouissement de
l’enfant n’est pas influencé par l’absence de la mère travaillant hors de son
foyer, que cette absence ait lieu pendant les trois premières années de sa vie
ou après.
Suite à ce camouflage, la mère était convaincue que l’éducation des
enfants était de son seul ressort, et quand elle pense au travail, elle éprouve
un sentiment de culpabilité, croyant fermement qu’elle serait la cause du
mal causé à ses enfants. Dès qu’elle ambitionne, un tant soit peu, de
travailler en dehors de son foyer, l’homme l’affronte en lui disant : « Et les
enfants ? ». C’est alors qu’elle se tait sans pouvoir apporter de réponse. La
femme mûre et consciente peut, en l’état actuel des choses, répondre à cette
question en soulignant que l’entière disponibilité de la mère pour ses
enfants est aussi préjudiciable pour elle que pour eux et que la
responsabilité paternelle n’est pas moindre que la responsabilité maternelle.
A cause de cela, l’homme doit poser la question aussi bien à la mère qu’à
soi-même.
Ainsi, il s’est confirmé scientifiquement que la meilleure façon d’éduquer
les enfants est celle qui consiste à les mettre avec d’autres enfants, dans une
maternité où se trouveraient des hommes et des femmes spécialisés dans
l’éducation saine ; vient ensuite la contribution, au même titre, du père et de
la mère dans les soins accordés à l’enfant, et le partage équitable de leur
temps pour s’occuper d’eux et les accompagner à la maison.
Les fondements de l’éducation psychologique moderne consistent à
trouver chez l’enfant un équilibre entre ses propres visions sur le père et sur
la mère et à créer en lui des sensations équilibrées sur le rôle de chacun au
niveau du devoir, des soins et de l’affection.
Mais la société capitaliste dénature les vérités scientifiques pour mettre
devant la femme des obstacles matériels et psychologiques susceptibles de
l’empêcher de sortir et, à la fin, la contraindre, si elle persiste à vouloir
travailler, à choisir entre le travail dans son foyer et le travail à l’extérieur,
en mettant l’accent sur le danger et le péché qui la guettent si elle fait le
deuxième choix.
La femme consciente a commencé ainsi à comprendre les styles de la
société capitaliste et ne ressent plus ni embarras, ni indécision, ni sentiment
de péché quand elle choisit de travailler en dehors de son foyer ; dès lors,
elle commence à réaliser que le travail à l’extérieur représente sa vie, sa
préservation en tant qu’être humain et le seul moyen d’affirmer sa
personnalité, comme elle saisit le vrai sens de la maternité et ses
responsabilités, le vrai sens de la paternité et ses responsabilités.
Il n’est pas douteux que l’homme n’affronte jamais ce type de problème
dans sa vie et que la société ne le laisse pas choisir entre le travail au foyer
et le travail à l’extérieur. La société estime que l’homme n’est pas
responsable des travaux du foyer, qui relèvent de la seule responsabilité de
la femme.
En sus de tout cela, la femme affronte de nombreux problèmes quand elle
parvient à prendre la décision de travailler à l’extérieur ; elle trouve, dans la
société, des obstacles dans l’exercice de son métier ou dans le domaine
d’activité où elle peut exceller ; outre ces obstacles, les problèmes
conjugaux et ceux de son foyer sont un frein à la maîtrise de son travail et
son perfectionnement ; de ce fait, la société dresse un mur devant la femme
à chaque étape qu’elle franchit dans l’exercice de sa profession, outre la
privation de ses droits au travail et l’amputation de son salaire, qui peut être
la moitié de celui de l’homme pour la même activité, dans la plupart des
cas.
Mais ces problèmes ne doivent pas dévaloriser la femme ni entraver sa
détermination à travailler à l’extérieur de la maison, car la maison est la
tombe de la femme, son humiliation, sa honte et sa servilité ; la maison
signifie qu’elle se prive des expériences de la vie qui la font murir et
assoient sa personnalité en tant qu’être humain, comme elle implique
qu’elle ne dispose pas de revenues et qu’elle reste dépendante de l’homme
pour subvenir à ses besoins.
La femme qui a besoin d’aide ne peut pas se libérer de sa relation
utilitaire avec l’homme, et son mariage avec lui doit être étroitement lié à
l’intérêt économique et social, à la protection, à la satisfaction des besoins
et à d’autres causes qui inscrivent cette union conjugale dans les relations
commerciales, où s’inscrit également la prostitution.
LE MAÎTRE ET L’ESCLAVE

Le monde où nous vivons se distingue par une grande rapidité dans le


progrès scientifique et une cadence très lente dans le progrès humain ; de ce
fait, le fossé se creuse entre le mûrissement mental et matériel d’une part et
le mûrissement social et humain de l’autre.
Ainsi, les deux dernières guerres mondiales, et celles qui continuent
d’enflammer plusieurs régions dans le monde, en risquant de déclencher
une troisième guerre mondiale, ne sont que l’aboutissement d’une société
d’hommes qui a atteint une maturité sur le plan intellectuel et scientifique et
une baisse du niveau sentimental et humain, une société d’hommes qui
cherche la concurrence, la propriété et l’acquisition d’un maximum de biens
matériels, une société où prévaut les valeurs commerciales plutôt que celles
de l’homme, une société où les valeurs sociales de l’être humain s’appuient
sur l’évaluation de ce qu’il « possède » et non de ce qu’il « est ».
La propriété est la cause de la violence et de l’égoïsme dans notre monde
actuel ; elle est la pierre d’achoppement qui se dresse devant le progrès
humain ; l’homme pourrait posséder la terre, les bâtiments, les moyens de
production ou autres, mais la plus dure des propriétés est celle de l’homme
qui possède l’homme.
Nous avons vu, à travers l’histoire, comment les maîtres ont possédé les
esclaves ; ceux-ci s’achetaient et se vendaient comme une marchandise ; et
dès lors qu’un maître en achetait un, il devenait son serviteur, sans
contrepartie financière. Il ne pouvait abandonner son travail, sauf si son
chef le mettait en liberté ou le vendait dans le marché des esclaves à un
autre maître. Il était du devoir de l’esclave de bien obéir à son maître qui, à
son tour pouvait faire de lui ce qu’il voulait, sans rendre de compte à qui
que ce fût ; il extirpait aussi au moyen d’un bistouri les testicules de
l’esclave, qui devenait un homme sans masculinité, travaillant pour le
compte des femmes de son maître sans que celui-ci craignît quoi que ce fût.
Cet asservissement n’est pas sans rappeler celui de la femme, la propriété
de l’homme ; en effet, celui-ci achète la femme par la dot qu’il lui offre, et
il est stipulé dans la première clause de l’acte de mariage, que l’épouse est
la propriété du mari et qu’elle lui doit une obéissance absolue ; elle sert son
mari à la maison, sans contrepartie financière ; si par hasard elle se plaint,
tombe malade, ou faiblit, l’homme a le droit absolu de la répudier.
Je voudrai, à ce sujet, vous transmettre le contenu de l’une des clauses de
mariage dans notre société : c’est l’article 67, qui stipule que « l’épouse ne
peut être entretenue par son mari si elle refuse délibérément de se donner à
lui d’une façon injuste, ou se trouve contrainte à ce choix pour une raison
qui n’obéit pas à celle de son époux ; elle ne peut l’être également si elle est
écrouée, même injustement, ou arrêtée, ou violée, ou si elle apostasie, ou si
ses parents l’empêchent de satisfaire son mari, ou si elle se trouve dans un
état qui ne lui permet pas de jouer son rôle d’épouse ».
Il n’est pas douteux que ce texte est une preuve tangible sur le type de
relation entre l’époux et l’épouse, laquelle relation pourra être assimilée à
celle qui prévaut entre le maître et l’esclave, celui-ci bénéficiant pourtant,
selon les traditions de l’esclavagisme des soins médicaux en cas de maladie,
et le maître étant dans l’obligation de prendre soin de lui jusqu’à la guérison
complète ; quant à la femme, elle ne bénéficie pas de ce droit ; si elle tombe
malade sans pouvoir assouvir l’appétit sexuel de son mari, il lui est permis
de l’éjecter et de la mettre dehors, avec comme conséquence la fin de sa
prise en charge, le vagabondage dans les rues, la mendicité ou la
prostitution. De même, si l’épouse est incarcérée, même injustement, ou
agressée et violée, il est de son droit de l’expulser et d’arrêter de
l’entretenir.
Il en est de même si l’épouse sacrifie sa jeunesse pour son mari et ses
enfants puis s’épuise, déprime, tombe malade ou se trouve incapable de
rester fidèle à ses engagements, autrement dit si elle atteint un stade où elle
ne peut plus être utile en tant qu’épouse ; le mari peut alors l’éjecter comme
un pépin.
L’expression « n’est plus utile en tant qu’épouse » signifie que la relation
conjugale, dans son fondement et son essence, s’appuie sur le profit que tire
l’homme de sa femme, sur son exploitation affreuse, plus affreuse que celle
du maître vis-à-vis de son esclave, qui s’embarrasse de le mettre en vente
quand il est malade, plus affreuse que celle du propriétaire vis-à-vis de son
salarié ; quant à la femme, si elle attrape une maladie (en vertu de la loi sur
le mariage), elle retourne chez ses parents qui se chargent de la soigner,
étant admis que le mari n’est pas responsable de ces soins.
Et quand par hasard la femme est répudiée à tort ou à raison, son coût
diminue sur le marché matrimonial comme toute marchandise dont le prix
diminue après usage.
Dans une recherche entreprise par le conseiller du Centre National des
Recherches Sociales et Criminelles, sur les principaux facteurs qui nuisent à
la bonne marche organisatrice de la natalité dans notre société, le chercheur
souligna que le facteur le plus important est le déclin du statut de la femme
égyptienne pour les raisons suivantes :
- Vu que la famille égyptienne est d’obédience patriarcale et non
matriarcale, que, en conséquence, ce sont les mâles qui sont responsables, et
que la filiation est paternelle et non maternelle.
- Vu que la femelle est considérée comme la maîtresse de maison et que,
en conséquence, ses rôles sociaux en dehors de son foyer sont extrêmement
limités : (la femme est gouvernée par son foyer : proverbe).
- Vu qu’on interdit à la femme égyptienne l’exercice de certains travaux
considérés comme dangereux, et que seuls les hommes exercent (comme les
métiers de dirigeant, législateur, théologien, magistrat, soldat, policier à titre
d’exemple).
- Vu que le droit de voter et d’être élue pour la femme égyptienne, à un
âge déterminé, représente un choix.
- Vu que la femme se marie pour être au service de son époux, la notion
de service incluant tous les rôles qu’elle est censée assumer, comme celui
du travail au foyer, celui d’une mère vis-à-vis de ses enfants, celui de
l’amante etc.
- Vu que la place de la femelle égyptienne se dévalorise quand son mari
prend une autre femme.
- Vu que la place de la femelle égyptienne se dévalorise si elle ne se
marie pas ou atteint l’âge où il est impossible de se marier.
- Vu que la femelle égyptienne affronte les tournants de la vie et voit sa
dot évaluée en fonction de son état « vierge ou célibataire ». Ainsi, si elle
est vierge, elle est la marchandise la plus chère ; si elle est divorcée ou une
vieille célibataire, elle est la moins chère ; et malheur à la femelle majeure
qui ne s’est pas mariée, « la désespérée » ; son coût est au plus bas de
l’échelle.
- Vu que dans la plupart des cas la femme égyptienne est forcée de se
marier.
- Vu que la mariée est considérée par le mâle comme un simple objet de
jouissance.
- Vu que l’épouse vit continuellement dans la crainte du fantôme de la
coépouse.
- Vu que la femelle égyptienne est répudiée parce qu’elle ne procrée pas
d’enfants mâles, ou parfois pour des futilités.
- Vu qu’il est préférable de ne pas divulguer le nom de la femelle
égyptienne si elle est mariée ou mère.
- Vu que l’enfant mâle est préféré par le père et la mère.
- Vu que la femme égyptienne, quand elle est accompagnée dans la rue
par un homme, marche derrière lui.
- Vu que le concept de femme est employé dans un sens péjoratif et
considéré comme une insulte et une médisance s’il est usité pour s’adresser
à un homme.
- Vu que la femelle mariée n’a pas droit au divorce, à moins que cela ne
soit mentionné dans le contrat de mariage, ce qui est rare.
- Vu que la femelle égyptienne est demandée en mariage pour ses
origines et son nom de famille.
- Vu qu’il est interdit pour les femmes égyptiennes, à un âge déterminé, et
selon des circonstances déterminées, de se mêler aux hommes.
- Vu qu’on considère les femmes comme ayant une déficience mentale et
religieuse.
- Vu que les travailleuses égyptiennes expérimentées représentent un
faible pourcentage.
- Vu que les femmes égyptiennes expérimentées ou novices travaillent
sous la domination du mâle égyptien, dans la majorité des cas. Si on
considère que les femmes égyptiennes du monde rural travaillent dans de
mauvaises conditions, sous la domination des hommes également.
- Vu que la femme hérite moins que l’homme.
- Vu que le taux d’analphabétisme chez les femmes est très élevé,
pouvant atteindre parfois dans certains villages égyptiens 100 %.
Comme les esclaves étaient châtrés pour servir la femme de leurs maîtres,
les femelles dans notre société et dans plusieurs autres, étaient victimes
aussi d’une opération chirurgicale proche de la castration destinée à les
rendre chastes. Ainsi, dès que la fillette atteint l’âge de neuf ou dix ans et
avant la puberté, arrive ce qu’on appelle la « sage-femme », prend la
gamine par ses jambes comme on prendrait une poule qu’on va égorger et
extirpe au moyen d’un rasoir le clitoris. C’est une opération qu’on appelle
excision et qui était très répandue encore récemment dans notre société ;
certaines familles veillent encore à exciser leurs filles. Il était fréquent
qu’on m’appelât pour sauver la vie des fillettes suite à cette opération
affreuse. La sage-femme était ainsi convaincue que, si elle poussait son
rasoir au fond de la chair et extirpait le clitoris de ses racines, cela
garantirait la chasteté de la fillette et son grand renoncement au sexe ; le
rasoir tranchant provoquait une hémorragie abondante et parfois la mort si
elle n’était pas sauvée à temps. Bien évidemment, la sage-femme ne savait
rien sur la stérilisation, outre les inflammations souvent occasionnées par le
rasoir infecté ; quant au choc psychologique de cette opération humiliante
pour la fillette, il était sans aucun doute terrible ; l’image de ce petit carnage
reste gravée dans la mémoire de cette enfant, phénomène qui se répercute
sur sa vie conjugale en créant de nombreux problèmes, parmi lesquels cette
frigidité qui a des effets négatifs sur l’homme, avec ses perversions
sexuelles et son accoutumance à la consommation de la drogue.
Cependant, il existe d’autres sociétés qui ont imposé aux femmes des
opérations d’un autre type, plus cruelles que celle de l’extirpation du
clitoris. J’ai été surprise, en tant que médecin sur le point d’obtenir son
diplôme en 1955, quand j’eus examiné une femme soudanaise, pour la
première fois, et constaté que tous ses organes reproducteurs externes
étaient complètement extirpés, cédant la place à une ancienne et longue
blessure au milieu de laquelle se trouvait une petite ouverture circulaire par
laquelle sortait le sang menstruel. Il est donc naturel que ce type
d’ouverture de petite taille se déchire au moment de la naissance du premier
enfant provoquant une forte hémorragie et des conséquences graves.
On sait à travers l’histoire, à tous les temps, et dans des sociétés diverses,
qu’il y avait des cas nombreux et variés qui nous montraient comment la
société patriarcale se permettait la défiguration du corps de la femme et de
son psychisme au nom de la chasteté. En effet, l’histoire avait connu « la
ceinture de la chasteté », une ceinture en métal qui cachait les organes
reproducteurs de la femme, et où se trouvaient deux trous, l’un destiné à
uriner et l’autre à déféquer, deux ouvertures, celle de l’urine et celle de
l’anus.
Desmond Morris dit à ce sujet, dans son livre « le singe nu », que
l’histoire avait connu une époque où les organes reproducteurs externes de
la femme étaient fermés, avant le mariage, au moyen d’agrafeuses en métal,
ou d’un tissage au moyen de fils et d’une aiguille. Il a décrit à ce propos un
homme qui avait fabriqué dans les lèvres internes de sa femme deux trous
où il introduisit un cadenas en fer qu’il fermait à l’aide d’une clef après
chaque rapport sexuel, comme il le faisait pour sa boutique.
Certaines personnes s’étonnent de ces vérités historiques, mais je crois
que leur étonnement serait bien moindre s’ils se rappelaient que l’histoire
avait connu une époque où la société enterrait les filles vivantes.
Tout cela se produisait au nom de la chasteté et de la morale. Car, la
société qui extirpait le clitoris de la fille est convaincue que le clitoris est la
membrane la plus sensible au plaisir sexuel, de sorte que l’extirpation en
question fait perdre à la femme une grande partie de cette sensibilité, la met
dans un état de renoncement au sexe et garantit à son mari la chasteté. Cette
opération, ne ressemble-t-elle pas, au fond et dans son essence, à celle de la
castration des esclaves ? Ceci n’est-il pas une preuve que l’homme
possédait la femme comme il le faisait avec l’esclave ? Mais la possession
de celui-ci est interdite par la loi alors que les femmes, dans leur grande
majorité, restent des esclaves selon les traditions du mariage, du divorce et
de l’obéissance.
Au moment où la société impose à la femme la chasteté, la fait taire et tue
ses désirs, elle laisse l’homme libre et ne lui impose aucune continence ; au
contraire, elle l’encourage à jouir pleinement, à changer de femmes quand
bon lui semble, à déraciner les enfants comme il le souhaite, l’ordre établi et
la loi lui garantissant la protection civile, la légalité et la moralité.
Et maudite soit la femme qui répondrait aux avances de l’homme et ses
tentatives tenaces pour lui tendre un traquenard ; elle se doit de réprimer,
d’inhiber et de combattre le harcèlement de l’homme, ses tentations et ses
promesses ! La femme elle-même commença d’abandonner sa propre
valeur en tant qu’être humain, la crédibilité de ses sentiments pour garantir
l’honneur apparent de la société. Ainsi, elle apprit la falsification et sut
comment se comporter avec la société comme celle-ci le faisait avec elle,
comment satisfaire l’homme et pratiquer avec lui le sexe sans perdre sa
virginité ; elle apprit comment se vendre par un acte de mariage et inhiber
éternellement son véritable amour, ou le vivre en clandestinité.
Une jeune fille de 20 ans est venue me voir dans mon cabinet ; elle vivait
une crise psychologique ; un de ses proches l’aimait et venait souvent chez
eux. Elle ressentit elle-même un amour pour lui ; il lui promit le mariage
une fois qu’il aurait trouvé un appartement. Un jour, le jeune homme lui
rendit visite chez elle alors qu’elle était seule. Il ne put réprimer ses
sensations et voulut un contact physique mais elle se rappela qu’ils n’étaient
pas mariés et refusa ; il lui dit alors avec détermination que c’est l’amour
sincère qui devait les réunir par leur volonté et pas l’autorisation du
législateur et sa volonté ; elle fut convaincue par ces propos parce qu’elle
l’aimait franchement ; c’est ainsi qu’eut lieu entre eux un contact physique.
Elle ressentit un trouble mais le jeune homme lui promit qu’il allait
l’épouser. Cependant, la promesse ne fut pas tenue comme cela se produit
dans des cas pareils. Finalement, il lui dit qu’il ne pouvait épouser une
jeune fille qui se donnait à un jeune homme avant le mariage, même si cela
en était la cause.
La jeune fille reçut un choc psychologique comme en reçoivent toutes les
jeunes filles dans ces circonstances ; il lui était possible de perdre confiance
en les hommes et de les traiter comme elle fut victime du mensonge et de
l’imposture, mais elle était une jeune fille d’une personnalité et d’un esprit
forts, qui croyait en son entité et respectait ses sentiments et sa franchise ;
ce qui l’aida en cela c’est qu’elle travaillait et n’avait pas besoin d’être prise
en charge par un homme. Et quand un jeune homme se présenta pour la
demander en mariage et qu’elle sentit qu’elle avait un penchant pour lui,
elle lui apprit son secret avant le mariage, pour commencer avec lui une vie
dont le fondement serait la franchise et l’honneur. Mais le jeune homme ne
respecta pas sa franchise et l’abandonna rapidement. Je lui proposai de ne
point renoncer, à quelque prix que ce fût, fût-il celui de son mariage, à sa
franchise ; il lui incombait donc de chercher l’homme qui pût s’élever, par
sa pensée et ses sentiments, au-dessus des traditions formelles et respecter
sa franchise et sa personnalité.
Le droit de l’homme à la jouissance sexuelle est sacré pour la société et il
doit y accéder immédiatement et dès l’instant où il le réclame. Quant à la
femme, son devoir le plus sacré est de satisfaire le désir de l’homme quand
il le demande. Mais elle n’a pas le droit de ressentir un plaisir et si, par
hasard cela se produit, elle doit le masquer.
Les organes sexuels de l’homme, pour la société, ont une valeur et sont
dignes de respect ; il en est de même pour ses capacités sexuelles ; quant à
la femme, elle vit, durant son existence, dans une frigidité, en raison de
l’inhibition qu’elle subit ; la société ne s’en inquiète pas et n’accorde
aucune importance aux organes sexuels de la femme, n’étant pas dignes
d’être appréciés ; au contraire, ils sont décrits en des termes utilisés pour
déprécier et dévaloriser certains d’entre eux.
Comme la société apprécie les organes de l’homme, elle apprécie
également ce que secrètent ces organes ; en effet, elle porte un regard de
vénération vis-à-vis du sperme et le considère comme l’élixir de la vie et sa
quintessence pure. Il n’est pas douteux que ce liquide contient des
spermatozoïdes, dont un seul se joint à l’ovule pour constituer l’embryon.
Bien que le spermatozoïde et l’ovule s’équivalent quant à leur capacité de
former l’embryon, la société les différencie par rapport à la valeur, à
l’importance, au respect de chacun, et donne un bel exemple de l’inégalité
et de l’injustice qu’elle crée entre l’homme et la femme. Au moment où la
société glorifie et sacralise le sperme, elle considère la menstruation comme
étant un sang souillé et une impureté, alors qu’en vérité, le sang menstruel
contient chaque fois le seul ovule que sélectionne chacun des ovaires une
seule fois par mois, et qu’il n’existe pas ce qu’on appelle un sang souillé,
car le sang humain est le même, qu’il se situe à la tête, au foie ou dans les
organes reproducteurs. Et si le taux moyen du dioxyde de carbone s’élève
dans le sang qui circule dans les veines, cela ne signifie pas qu’il s’agit d’un
liquide souillé ; on l’appelle scientifiquement le sang non oxydé pour le
différencier de son équivalent oxydé qui circule dans les artères et
comprend un taux plus élevé d’oxygène.
Il n’est pas douteux que le sang est l’élément le plus précieux dans le
corps de l’homme ; c’est lui qu’on peut appeler élixir de la vie ; car c’est
par lui que se transmet la nutrition à l’homme et a lieu son épanouissement,
et sans lui il ne pourra survivre.
Bien que le sang qui coule suite à une blessure au cou ou au doigt soit le
même que celui qui sort de l’utérus de la femme pendant ses règles, en sus
de l’ovule que contient le second, le premier est valorisé alors que le second
est jugé comme malsain et impur. Certains hommes vont jusqu’à croire que
le simple geste de serrer la main d’une femme réglée altère leur pureté et
leur ablution. Cette croyance, assez répandue, selon laquelle la femme est
impure lors de sa menstruation, est en rapport, dans les anciennes
civilisations, avec la relation qu’elles établissent entre le sang et les
catastrophes, les blessures, l’attaque des animaux sauvages et la mort. Elle
est aussi reliée aux aspects négatifs entretenus par la peur ancienne que
ressentait l’homme envers la fécondation de la femme.
Le sperme est secrété plusieurs fois par jour, et chaque fois, il contient
des millions de spermatozoïdes, dont un seul féconde l’ovule en cas de
rapport sexuel entre l’homme et la femme ; tous les autres meurent. En
dehors de la relation avec la femme, ces millions de spermatozoïdes sont
éjectés à l’extérieur sans féconder quoi que ce soit dans les cas de pollutions
nocturnes, de masturbation ou autres.
Ainsi est née l’idée de faire peur aux adolescents masculins quant à la
pratique de la masturbation ou sur l’excès des pollutions nocturnes, en
raison de la surestimation que se fait la société du sperme, en leur montrant
que la perte de ce liquide précieux nuit à la santé de l’adolescent.
Mais il s’est avéré que cette conception était erronée, car la perte de ce
liquide, à cause de la masturbation ou des pollutions nocturnes, ne prive pas
l’organisme d’un élément important. En effet, l’hormone de la masculinité
que secrètent les testicules, et qui est l’élément important, ne jaillit pas à
l’extérieur avec le liquide séminal mais retourne directement dans le sang.
De ce fait, la perte du sperme en raison des pollutions nocturnes à répétition
ou de la masturbation n’est en aucun cas nocive pour l’homme ; elle est
plutôt bénéfique pour la santé.
Par ailleurs, l’inégalité entre l’homme et la femme se concrétise
clairement à travers la discrimination établie entre les deux sexes
relativement au sujet de la limitation des naissances.
La société, dans toutes les régions du monde, impose aux femmes la plus
lourde tâche et les encourage à avaler cette grande quantité de pilules
contraceptives, sans prendre en compte les répercussions sur leur santé
physique et psychique. Ce qui importe, c’est de trouver une solution au
problème de l’explosion démographique qui menace l’économie. De
longues années sont passées ainsi depuis l’utilisation de ces comprimés par
les femmes, avant que les chercheurs ne découvrent qu’ils dépriment 30 %
d’entre elles, outre certaines complications organiques ou psychologiques
qui surviennent chez un nombre réduit ou élevé de femmes.
Quant à l’homme, il ne porte pas, ou porte peu dans certains cas, ce lourd
fardeau. Et quand quelqu’un propose une parité entre l’homme et la femme
dans la responsabilité et la lourde tâche de limitation des naissances, pour
demander aux spécialistes de chercher les moyens de cette limitation chez
l’homme comme ils le font pour la femme, des voix hautes de protestations
s’élèvent. Et combien de contestations ont été élevées dans beaucoup de
sociétés contre l’opération de stérilisation superficielle chez l’homme alors
que la même opération, plus compliquée et plus dangereuse pour la femme
a reçu des encouragements, des adhésions, ou au moins un silence et une
absence d’opposition !
DES VALEURS CONTRADICTOIRES

La société met les femmes dans une forte contradiction ; car au moment
où elles subissent des opérations physiques et psychiques qui leur imposent
la chasteté, et tuent leur sensibilité à la jouissance sexuelle, on leur
demande de faire jouir leurs époux et satisfaire leurs désirs quand ils le
veulent et comme ils le veulent ; et quand l’épouse se trouve dans
l’incapacité de satisfaire le désir de son mari, il la répudie, ou épouse une
autre ; parfois, il l’abandonne, sort se délecter en dehors de chez lui avec
des prostituées ou d’autres femmes.
Au moment où la société autorise la diffusion, pour des raisons
économiques et commerciales, des chansons enflammées à caractère
érotique et gémissant, montre les films et les danses sexuels qui attirent les
pulsions, elle interdit aux filles et aux femmes de se laisser influencer par ce
flux intarissable, jour et nuit, provenant des appareils de radio, de
télévision, de cinéma, de théâtres et autres moyens d’informations.
Si la société veillait à la chasteté comme elle le prétendait, au maintien
des lois morales dont elle donnait l’impression de les maintenir pour
l’honneur, comment cette société expliquerait-elle son renoncement à ces
valeurs morales en autorisant la diffusion de scènes montrant des corps de
femmes nues, dans les films ou lors de soirées dansantes et l’exposition des
corps de femmes nues dans les revues, sur les annonces des vers de
bouteilles de vin et autres moyens de communication ? Cela n’est-il pas une
preuve que ce qui gouverne véritablement la société, ce ne sont pas les
valeurs morales mais les valeurs commerciales et la logique du gain et de la
perte ?
Comme il est facile pour la société de renoncer aux valeurs morales
quand elles s’opposent aux valeurs commerciales et de fermer les yeux sur
la débauche et la dégradation qui sévissent dans les arts vils et les moyens
de divertissement sordides, de ne point déplorer que le corps nu de la
femme soit le support de l’annonce publicitaire des marchandises pour le
profit ! Bien plus, les sociétés capitalistes commencent à autoriser la liberté
sexuelle aux hommes et aux femmes pour amasser les capitaux et renforcer
le système capitaliste exploiteur.
Bien évidemment, les femmes supportent plus que les hommes le fardeau
des travestissements de la société et paient plus que les hommes le prix fort
de la contradiction, à laquelle est confrontée la société, entre la valeur
commerciale et la valeur morale, parce que c’est l’homme qui monopolise
le pouvoir dans la société et c’est lui qui prend les décisions commerciales
et morales qui se contredisent.
La femme vit avec acuité cette contradiction ; en effet, elle doit être
froide, chaste et pure, n’ayant aucune sensation pour le sexe, et en même
temps, elle doit satisfaire sexuellement son époux à satiété ; en outre, son
corps, tels les organes génitaux, doit être caché en fonction des normes
morales établies ; mais il est également accessible, pouvant être dénudé
conformément aux échanges commerciaux et aux annonces commerciales.
Je ne crois pas qu’il puisse exister une exploitation aussi grande et un
mépris plus manifeste que ceux que vit la femme ; elle devient une proie
entre deux forces conflictuelles et contradictoires comme un morceau de
viande entre deux mâchoires féroces.
Tout ceci semble naturel dans une société où la femme a perdu les
composantes de sa personnalité, son humanité, puis est devenue un objet ou
un outil ; tantôt elle est le support d’une annonce, tantôt celui de l’achat et
de la consommation, tantôt un moyen de jouissance et de satisfaction des
désirs, tantôt un récipient pour enfants, tantôt une marchandise qui se vend
et s’achète au marché du mariage.
Bien évidemment, on la traite comme un objet : elle a plus de valeur
quand elle est neuve ou « vierge », n’ayant pas été utilisée auparavant, et
elle se dévalorise avec l’usage antérieur ou un précédent mariage ; elle
devient alors une femme de la moitié d’une vie, ne pouvant se marier
qu’avec un homme infirme ou malade, qu’on considère comme pouvant lui
convenir.
Les vertus tirent ainsi leur force de cette vision tronquée sur la femme ;
celle qui a de l’expérience sur les contacts humains est considérée non
seulement de moindre valeur que la femme novice mais est aussi l’objet
d’un rejet comme si l’expérience était une tare.
C’est parce que l’homme achète la femme par le mariage, pour qu’elle le
serve et soit un moyen de jouissance et un ustensile pour la procréation de
ses enfants, qu’il choisit une fille qui soit plus jeune que lui de plusieurs
années, afin que son corps reste frais et capable de procréer durant sa vie
tout entière, même si, lui, atteignait 90 ans. Un homme de quarante ans
n’hésite pas à épouser une fillette de 16 ans ; il se peut même qu’à l’âge de
cinquante ou soixante ans, il se considère comme pouvant convenir à une
jeune fille de vingt ans ou même moins…
L’homme accorde la priorité à la jeune fille novice, naïve ou ce qu’on
appelle « le chat aux yeux fermés », qui ne se connait pas assez, qui n’a pas
de désir corporel, qui ne sait pas que son esprit a des besoins et des
ambitions ; ceci est bien naturel relativement à la logique de l’achat et de la
vente ; en effet, celui qui va au souk pour acheter un esclave ou pour
chercher un travailleur salarié, choisit toujours le plus jeune, celui qui
puisse travailler sans se lasser, le moins intelligent, celui qui a peu de
besoins, qui mange sans rien demander d’autre ; en raison de quoi, sa
rentabilité est maximale et sa consommation réduite à sa plus simple
expression ; le propriétaire et l’employeur réalisent ainsi des bénéfices
substantiels.
De là vient le regard que porte l’homme sur la femme en tant que corps,
lequel doit rester éternellement jeune ; pour cela, le coût de la femme
diminue au fur et à mesure qu’elle avance dans l’âge ; à partir de cette
valeur, naît la vision de la société sur la jeunesse de la femme et sa beauté.
Sa jeunesse, ce sont ces années où elle est capable de travailler et de
procréer ; cela commence par la menstruation (en moyenne à l’âge de 15
ans environ) et se termine avec l’arrêt de celle-ci (à l’âge de 45 ans
environ).
En conséquence, la vie de la femme se rétrécit par rapport à celle
l’homme ordinaire ; son existence se réduit à trente ans (si la chance lui est
favorable et qu’elle peut échapper aux nombreux problèmes qui
l’attendent) ; et quand la menstruation cesse, on dit qu’elle atteint l’âge du
désespoir, comme si son existence arrivait à échéance.
Bien que la constitution physique et psychique de la femme l’aide à vivre
plus longtemps que l’homme dans la plupart des cas, la société condamne la
femme à vivre un âge presque de moitié celui de l’homme ; ainsi, quand
l’homme atteint, selon la société, le summum de la maturité et de la
jeunesse (40 – 45 ans), la femme atteint l’âge du désespoir ; alors qu’elle
accède aussi à l’âge de sa maturité et de sa jeunesse et qu’elle acquiert une
expérience, elle devient une vieille, stérile, qui n’a plus un rôle à jouer, et
qui est enterrée socialement alors qu’elle est toujours vivante.
Le concept de beauté prend ainsi ses racines dans cette vision étriquée sur
la femme ; en effet, la femme belle c’est la jeune fille au corps frais, même
si son esprit est ignorant ou déformé. La société évalue la beauté de la
femme en fonction des seuls critères physiques, laquelle beauté est
tributaire de la taille de son nez, de ses lèvres, de ses seins et de ses fesses ;
par contre, la femme est dépréciée si la taille de son nez est supérieure de
quelques millimètres à la moyenne ou si le tour de ses seins est inférieur de
quelques centimètres ; quant à l’homme, il n’a aucun défaut sauf celui de sa
poche vide, même s’il a deux nez au lieu d’un seul, même s’il est ventru.
A ce sujet, l’art et la littérature confirment ce concept étriqué de la
beauté. Beaucoup de chansons, de poèmes et de contes ont chanté cette
belle, aux cheveux qui tombent sur ses épaules fines et rondes, aux yeux
portant de longs cils, aux lèvres de couleur écarlate, aux seins proéminents,
à la taille svelte, aux jambes… etc. C’est comme si la beauté de la femme
n’était que celle de son corps ; quant à son intelligence et sa personnalité,
personne ne s’y intéresse.
De même que le concept étriqué de la beauté provient de la vision
également étriquée de la société sur la femme, de même le concept de
féminité exprime la même vision. Ainsi, la féminité c’est la faiblesse, la
crédulité, la négativité et la capitulation. Ce sont des qualificatifs qui,
toutes, sont en accord avec le rôle attribué par la société à la femme, lequel
consiste à servir et à satisfaire l’homme. La féminité c’est la femme qui doit
se distinguer par les qualités de serviteurs obéissants, faibles et capitulards.
Quant à la masculinité, elle réside dans les comportements seigneuriaux de
l’homme, en l’occurrence la force positive, la rigueur, la raison et la
sagesse.
De la même façon, l’honneur a tiré son concept de cette vision.
L’honneur de la fille est comme le bâton de soufre ; on s’en éprend une
seule fois et après, la fille voit son rôle s’achever et devient comme une
flaque d’ordures, à l’instar du bâton de soufre consumé. Quant à l’honneur
de l’homme, il reste intact des milliers ou des millions de fois, et n’est
jamais consumé.
Ces concepts ne changeraient jamais tant que la vision de la société sur la
femme, en tant que corps uniquement, reste la même. Ils ne changeraient
que quand la femme serait devenue pour la société une personne équilibrée
relativement à son corps, sa pensée et sa raison.
C’est alors que la beauté de la femme devient celle de son corps, de sa
pensée et de sa raison ; celle de l’homme le devient également. La beauté ne
doit pas être l’apanage de la femme seule ; toute personne, qu’elle soit un
homme, une femme, un enfant ou un individu d’âge mûr, doit être belle
dans le sens global du terme (la beauté du corps, de l’esprit et de la raison).
La beauté de l’esprit c’est celle qui brille à partir d’une pensée saine, sans
complexe ; elle est l’expression, dans les yeux, de la franchise et de
l’amour, le dynamisme de l’esprit, sa gaieté et son acceptation de la vie. La
beauté de la raison est celle qui rayonne à partir d’idées progressistes
susceptibles d’assurer à l’homme jour après jour davantage de progrès,
d’amour, de fraternité, de justice et d’égalité.
La beauté du corps n’est pas seulement la perception de critères établis,
mais la santé du corps, sa vivacité, sa légèreté et son aptitude à assumer ses
fonctions avec une capacité maximale. La stature n’est belle que si le corps
tout entier bouge avec élégance et agilité, afin d’atteindre un but et
exprimer un désir franc et authentique. Les beaux yeux ne sont vraiment
beaux qu’autant qu’ils expriment la franchise des sentiments et des pensées.
La beauté c’est la franchise et la franchise la nature, celle-ci étant l’aptitude
du corps, de l’esprit et de la raison à exercer leurs fonctions avec le
maximum de compétence possible. Les jambes sont faites pour marcher et
non pour se courber sous une jupe ; de même le cerveau a été créé pour
recevoir des informations et en tirer de nouvelles idées et non pour se figer
à l’intérieur de la cavité, prisonnier des anciennes idées et des balivernes.
Le malheur c’est le mensonge qui sort de l’œil, même si on le dessine avec
une grande ingéniosité par des lignes et des ombres modernes. De même, la
main est née pour travailler et créer ; quant à celle qui ne sait rien faire
d’autre que mettre de la crème sur ses doigts, elle est une main oisive, laide,
quelque doux et fins qu’ils soient. Pour ce qui concerne les organes
génitaux, ils sont nés pour exercer leur fonction sexuelle, non pour être
castrés ou amputés de certaines de leurs parties. L’honneur c’est
l’authenticité du corps, de l’esprit, et de la raison chez tout être humain,
qu’il soit un homme ou une femme ; de même, la féminité est la positivité
de la femme dans sa vie et sa capacité à faire fonctionner son corps, son
intelligence et son esprit avec le maximum de compétence ; la masculinité
est également la positivité de l’homme dans sa vie et sa capacité à faire
travailler son corps, son intelligence et son esprit avec le maximum de
compétence.
De ce fait, nous constatons que les différences entre l’homme et la femme
s’estompent comme s’estompent également les qualités et les concepts qui
les distinguent, et qui créent des incompatibilités entre les deux sexes.
LA FAMILLE ET LA CIVILISATION

La famille patriarcale, laquelle a vu le jour en même temps que la


propriété privée, qui s’est épanouie à l’époque féodale et s’est prolongée
jusqu’aux ères capitalistes, est en passe de traverser une phase décisive et
critique, après que la civilisation et le progrès industriel croissants ont
contribué à l’isoler progressivement, à diminuer le nombre de ses partisans,
à la couper de ses racines et de ses liens, au point que la famille réelle, en
lui fermant ses portes, l’avait comme mise à l’écart du monde qui, lui-
même l’avait comme abandonnée.
Les sociologues sont unanimes à penser que la famille, dans les sociétés
industrialisées évoluées, est parvenue au stade de la contradiction avec la
société ; il se peut alors que cela soit la cause de sa dislocation et devienne
un phénomène généralisé dans la plupart des pays développés. Le mari, par
la force des choses, soit il fuit sa femme, soit il pense à le faire ; l’épouse,
elle-même, soit elle a brisé les chaînes de l’ennui, de la solitude et du
travail, soit elle pense à les briser ; les enfants, de leur côté, se lassent de la
présence de leurs parents, fuient le foyer isolé et froid pour se rassembler au
sein de mouvements révolutionnaires rebelles, tels que les hippies, les
beatniks, les beatles, et s’aident des drogues et des excitants pour bâtir la
société qu’ils désirent.
Il n’est pas douteux que beaucoup de gens ne comprennent pas le
changement qui s’est opéré dans les relations sociales, en raison de sa
lenteur. Il en est de même pour les relations familiales, qui sont
naturellement influencées par l’ordre social. Si nous suivions le changement
social qu’a connu l’homme depuis le début jusqu’à la société agricole, puis
industrielle, nous comprendrions les changements qui ont eu lieu dans la
famille, conformément à l’ordre social. Nous pourrions aussi comprendre
les conséquences de l’industrialisation sur la famille, que la société agricole
avait constituée auparavant, si nous suivions ce qu’a construit la civilisation
(qui a résulté de l’industrialisation et du progrès scientifique) dans la
société. En effet, la civilisation a procédé à un partage de tous les travaux et
les fonctions qui avaient lieu au sein de la famille. Le partage économique
du travail dans la société moderne civilisée se fonde sur la séparation entre
les unités de production, qui se divisent à leur tour en une multitude de
branches et spécialités.
Dans notre civilisation moderne, on peut faire la différence entre des
spécialités et des secteurs différents comme l’économie, la politique, la
culture, les affaires sociales, les affaires religieuses etc.
De ce fait, la civilisation a été la cause d’une séparation entre les relations
qui étaient établies au sein de la famille sociale primitive. Il n’est pas
douteux que cette séparation a permis une sorte d’autonomie et l’isolement
d’un secteur par rapport à d’autres ; il n’était pas possible (sauf pour une
minorité de gens) qu’elle conservât sa vision globale de tous les secteurs et
qu’elle perçût l’influence de l’un sur l’autre.
Peut-être que le résultat le plus important de cette dissociation est celui
qui a découlé de la séparation entre les travaux d’un seul individu ; si ce
dernier travaille par exemple dans le secteur politique et le secteur culturel,
il est nécessaire qu’il assume deux fonctions et qu’il partage son temps
entre les deux centrales.
Cette séparation a eu lieu avec acuité et d’une manière claire quand les
travaux de production se sont déplacés en dehors du foyer comme se sont
déplacées également les relations de l’emploi ou les relations
professionnelles. Cette dissociation n’était pas seulement organique, car les
relations au sein des foyers se différenciaient nettement des relations dans la
grande société. Celles de la famille, dans leur essence, sont des relations
personnelles et sentimentales ; quant à celles des différents secteurs de la
société, elles sont essentiellement des relations utilitaires non
personnalisées.
Les sociologues ont ainsi divisé les fonctions essentielles, nécessaires
pour la continuité de l’existence de la société, en cinq parties.
- Premièrement : La fonction biologique ou de reproduction
Une condition essentielle pour la continuité et l’existence de la société est
celle qui consiste à remplacer les morts par les nouvelles naissances ; toutes
les sociétés, qu’elles soient primitives ou civilisées, remplissent cette
fonction.
- Deuxièmement : La fonction économique
Les besoins de la vie doivent être produits et répartis entre les membres
de la société.
- Troisièmement : La fonction politique
Toute société se doit de créer les outils au moyen desquels elle assure un
ordre intérieur et extérieur pour faire face aux conflits.
- Quatrièmement : La fonction éducative
Les jeunes, la nouvelle génération et les petits enfants doivent s’entraîner
pour devenir des membres actifs participant aux différentes activités de la
société.
- Cinquièmement : La Fonction religieuse
Il est nécessaire de trouver les moyens qui permettraient de venir à bout
des crises passionnelles et de conserver la sensation du sens de la vie, de
trouver une concordance entre les objectifs de l’individu et ceux de la
société.
Les sociologues soulignent à cet effet que ces fonctions étaient toutes
assumées dans la famille agricole avant l’avènement de l’ère industrielle. Il
y avait des familles nombreuses au sein desquelles vivait le père avec ses
enfants et ses petits-enfants. La famille produisait, consommait ce qu’elle
produisait et assurait son autosuffisance. Les enfants apprenaient de leurs
pères puis travaillaient avec eux. Les femmes et les filles s’occupaient des
travaux ménagers et de la préparation des repas.
La famille était en elle-même une unité politique et les chefs des tribus
exerçaient le pouvoir, prenaient les décisions et dominaient politiquement.
La force de l’individu dépendait de la force de sa famille ; l’individu ne
pouvait donc faire quoi que ce soit et n’avait aucun pouvoir. La situation de
la femme était devenue moins importante que celle de l’homme après que
celui-ci fut devenu le propriétaire de la terre, après qu’il l’eut privée de son
droit de maternité, après qu’il fut devenu l’auteur du droit de production, en
privant la femme de celui-ci et en lui octroyant seulement le droit à la
consommation ; l’homme est ainsi devenu celui qui entretenait sa femme,
qui travaillait pour lui.
Puis la société a évolué et l’industrie a émergé. La civilisation s’établit,
évolua et le tout exerça une influence sur la famille. A ce titre, les
sociologues affirment que le dernier tiers du vingtième siècle a vu deux
types de familles, qui sont le produit du développement industriel et de la
civilisation moderne. Le premier, le plus récent, est celui qui a commencé à
conquérir les sociétés évoluées dans certains pays d’Europe et certaines
régions de l’Amérique, et que les spécialistes appellent les familles
collectives ou les « communautés » ; le second type est celui de la famille
traditionnelle, répandue dans la plus grande partie de l’univers et que les
spécialistes appellent la famille monocellulaire, se composant uniquement
du père, de la mère et de leurs enfants. Quant aux familles collectives ou
communautés, elles se distinguent par un groupe de gens qui vivent
ensemble dans ces communautés et se partagent tout équitablement ; si un
mariage entre un homme et une femme a lieu, ils ne bénéficient que d’une
chambre et quand l’épouse donne naissance à un enfant, elle ne le conserve
pas dans sa chambre mais le confie à un jardin d’enfants créé à cet effet par
la communauté où un groupe de femmes et d’hommes spécialisés dans
l’éducation des enfants s’occupent d’eux. La mère a le droit, si elle le
désire, d’allaiter son enfant, de lui rendre visite dans le jardin d’enfants
pendant les moments de l’allaitement. Mais si elle ne peut pas l’allaiter par
manque de lait ou pour toute autre raison, il existe l’allaitement industriel.
Le père et la mère peuvent aussi rendre visite de temps en temps à leurs
enfants pour jouer et discuter avec eux.
Tous les travaux de la communauté sont ouverts équitablement aux
hommes et aux femmes ; la femme travaille comme l’homme et a les
mêmes devoirs et les mêmes droits que son partenaire ; elle ne perd pas son
nom avec le mariage et n’est pas responsable de l’éducation de ses enfants.
Dans cette communauté, tous les emplois particuliers en rapport avec la
production et la consommation ont lieu à l’extérieur du foyer. La
consommation de l’individu n’est donc aucunement tributaire d’une classe
de la famille sociale.
Certains chercheurs ont d’ailleurs entrepris des recherches sur ce type de
familles et ils en ont déduit que beaucoup de problèmes auxquels sont
confrontées les familles traditionnelles ont été résolus, de sorte que le père
et la mère se sont libérés de l’angoisse et de la charge propres à la
responsabilité de pourvoir aux besoins des enfants et de les protéger ; en
conséquence, la relation entre les pères et les enfants est devenue une
relation sentimentale, pure et libre, non entachée des demandes pressantes
économiques des enfants et de l’inquiétude durable des pères pour assurer
l’avenir de leurs enfants et les instruire. De son côté, la femme s’est libérée
de la responsabilité des travaux ménagers et de l’éducation des enfants pour
se consacrer comme l’homme au travail hors du foyer, puisque les
contraintes de la maison ne constituent plus une entrave ni un retard pour
exceller et développer ses aptitudes intellectuelles. Les enfants, aussi, se
sont libérés de la domination de la mère et du père, des disparités sociales et
économiques qui les séparaient en fonction de l’ascension ou du déclin de
leur classe et leur famille, et ont bénéficié tous des mêmes occasions
d’épanouissement, d’alimentation, d’éducation et de travail. Les chercheurs
ont aussi abouti au fait que beaucoup de maladies psychologiques et de
complexes qui touchaient l’enfant dans sa petite famille ont disparu. En
effet, l’enfant, dans celle-ci, vivait la plupart de son temps dans une solitude
farouche en raison de l’isolement imposé par le développement industriel et
la civilisation à la famille et de la nouvelle orientation vers la limitation des
naissances. Dans ce type de famille isolée et peu nombreuse, l’enfant est
privé de beaucoup de relations sociales et humaines nécessaires à sa santé
psychologique, à l’épanouissement et le mûrissement de sa personnalité.
Les recherches des spécialistes dans les sociétés industrialisées
développées ont effectivement abouti au fait que l’accroissement du
développement industriel avait accentué l’isolement de la famille dans sa
forme actuelle de sorte que les problèmes se sont multipliés en touchant
tous les membres, les pères, les mères, les enfants, au point qu’elle vivait
une situation entrant en conflit avec les intérêts de la société et entravant
son progrès.
Et du moment que la société doit exister et durer, la famille ne peut
continuer à vivre que si elle se transforme et prend une autre forme qui ne
se contredit pas avec la société.
A cet égard, un des chercheurs a décrit l’état où se trouvait la famille
dans la plupart des pays d’Europe et d’Amérique à notre époque ; il
souligne à cet effet que la majorité des familles sont constituées du père, de
la mère et d’un ou deux enfants, que fréquemment c’est le père qui travaille
et s’absente de la maison toute la journée alors que c’est la mère qui, le plus
souvent, reste chez elle pour préparer le repas, nettoyer la maison et
s’occuper des enfants.
Il s’est alors avéré que la longue absence du père a un effet négatif sur la
psychologie de l’enfant comme la présence permanente de la mère cause
beaucoup d’autres problèmes psychologiques, parmi lesquels le complexe
d’Œdipe. Les recherches du docteur Jaroslav Koch ont, à cet effet, confirmé
en Tchécoslovaquie que les capacités de l’enfant se trouvent dix fois
retardées en raison du rôle qu’il joue en tant qu’enfant d’une mère qui le
dorlote. Le docteur Jaroslav a réalisé son expérience sur des enfants
nouvellement nés dans un milieu moderne, un environnement déterminé,
loin de leur mère ; le résultat en est qu’ils sont devenus capables de gravir
les échelles en 8 mois seulement.
Et du moment que la plupart des familles limitent leurs naissances en
vertu du développement industriel et de la civilisation, il se trouve que
l’enfant, le plus souvent, n’a pas de frères ni de sœurs et perd, par là même,
beaucoup de relations nécessaires pour acquérir son expérience dans la vie.
Ces problèmes se répercutent sur l’enfant et ses parents, de sorte que la
relation entre les pères et les fils se détériore ; ainsi, dès que le fils atteint sa
majorité, il pense à fuir sa famille pour vivre avec la personne qu’il choisit.
Bien que le développement industriel ait aidé la femme à sortir pour
travailler à l’extérieur, et à recouvrer, en vertu de ce travail, certains de ses
droits spoliés, le rôle que lui a imposé la société relativement aux travaux
ménagers et à l’éducation des enfants la rend incapable, dans la plupart des
cas, de concilier entre le travail à l’extérieur et à l’intérieur du foyer,
situation qui la contraint à rester chez elle. A ce propos, les scientifiques
soulignent que si la société ne soulage pas la femme du fardeau des travaux
ménagers et de l’éducation des enfants, elle ne peut plus espérer accéder à
la parité, la liberté ou l’égalité des chances.
Et puisque l’éducation des enfants, leur instruction et les dépenses
afférentes relèvent de la responsabilité de la petite famille constituée d’un
père et d’une mère, la concrétisation de la justice et de l’égalité entre les
enfants et celle de l’égalité des chances ne peut avoir lieu, quel que soit
l’engouement de la société pour ces devises. A ce sujet, un sociologue a
entrepris une recherche en Suède sur des étudiants universitaires, et il
apparut que 14 % seulement des étudiants faisaient partie de la classe
ouvrière pendant que celle-ci représentait 52 % de la population suédoise.
De ce fait, un grand nombre d’enfants des familles ouvrières sont privés de
l’enseignement supérieur en raison de l’incapacité des pères de pourvoir
aux dépenses de l’éducation.
Les chercheurs divisent les relations au sein de la famille en trois types :
- Le mariage : où sont organisées les lois de la relation entre l’homme et
la femme.
- La paternité (ou la maternité) : c’est là où s’organise la relation entre les
générations successives.
- La fraternité : là, on détermine la relation entre les enfants d’un même
père.
Ainsi, le mariage se fonde sur la distinction faite entre les deux sexes.
Pour ce qui concerne l’homme, il travaille en dehors du foyer et pourvoit à
l’entretien de la famille ; quant à la femme, elle travaille chez elle tout en
étant prise en charge par le mari. De cette manière, le mariage s’appuie sur
la distinction qu’on fait entre l’homme et la femme et assure la relation
entre les deux partenaires relativement à celui qui pourvoit et celui qui est
pris en charge, entre le possesseur et le possédé, entre le serviteur et la
personne servie. Mais les lois du mariage et du divorce diffèrent d’une
société à l’autre dans leurs détails, alors que l’essence est la même, dont les
racines remontent très loin, depuis l’avènement de la propriété privée et
depuis que l’homme a spolié la femme de son droit naturel de la maternité,
dont la réitération se durcit dans la société féodale et qui se prolonge dans la
société capitaliste, dont le fondement est la propriété privée et
l’exploitation.
L’individu est ainsi surpris de découvrir certains modèles des lois du
mariage et du divorce dans les différentes sociétés. Les unes commencent
par signaler que le mari possède sa femme et qu’il peut bien la corriger.
Certaines accordent à l’époux le droit de la répudier si elle le trompe mais
ne le fait pas pour l’épouse si son mari la trahit. D’autres donnent le droit à
celui-ci de priver sa femme de son nom pour prendre le sien, de lui soutirer
son argent et gérer ses propriétés comme il le souhaite. Quelques-unes
dépossèdent la femme de son héritage en privilégiant les hommes proches
de l’époux. D’autres privent l’épouse de ses enfants en cas de divorce ou de
la pension alimentaire que doit lui verser son mari etc. de nombreux
modèles qui indiquent le type de relation que le mari impose à sa femme.
Quant au second type de relation dans la famille, il est celui de la
paternité et de la maternité. Ainsi, il est devenu clair chez les spécialistes
qui ont étudié ce genre de relation que l’autorité du père ou de la mère en
est la qualité suprême. En effet, la relation entre le père et son fils est celle
qui s’établit entre le détenteur d’un pouvoir et une petite personne qui en est
dépourvue. Elle est une relation entre un grand individu supérieur et un petit
inférieur, entre celui qui subvient aux besoins d’une famille et la personne
assistée, qui ne peut vivre sans cette aide. A ce propos, les savants
soulignent que ce type de relation doit obéir aux ordres de l’homme de
pouvoir et à l’obéissance de la personne soumise. Ceci explique ces
nombreux problèmes qui surgissent entre la génération des pères et celle
des enfants, ce châtiment infligé parfois par les pères à leurs enfants quand
ils les privent de nourriture ou des ressources propres à leur éducation, ce
conflit permanent entre les pères et les enfants, en raison du désir de ceux-ci
de se libérer de l’étreinte des pères, de la persistance de ces derniers dans le
façonnement des enfants à l’image qu’ils veulent, et leur placement dans le
moule qu’ils ont fabriqué auparavant.
Et comme le souligne David Cooper, le produit de l’éducation au sein de
la famille est formé d’enfants obéissants qui ont perdu leur esprit, leur
volonté et leur personnalité.
Outre cela, on peut mentionner les troubles psychologiques dont on a
confirmé que les enfants sont victimes en raison de la maternité excessive
qu’ils vivent avec leur mère. En effet, la mère, dans la petite famille froide
et isolée, compense son isolement en s’attachant avec force à son enfant ;
par cette affection maladive, elle retarde l’épanouissement et le
murissement de son enfant et le prive des moyens de développer sa
personnalité à cause de son incapacité d’autonomie vis-à-vis d’elle. Il s’est
alors avéré que les cas d’inversion sexuelle qui s’accroissent chez les mâles
ont pour cause, entre autres, cette maternité pathologique qui subsiste
encore dans les familles modernes. Ainsi, quand la mère sèvre son enfant,
elle se trouve incapable de le sevrer psychologiquement, non en raison de
son amour maternel vis-à-vis de son enfant mais à cause de son égoïsme
émanant de la sensation de son isolement et sa solitude. C’est alors que le
fils « choisit » l’inversion sexuelle dans une tentative d’accroître sa
sensation vis-à-vis de son corps au moyen d’une différence par rapport aux
autres. C’est une tentative de ne pas reconnaître que son égo ne se dissocie
pas de sa mère et de cacher son impuissance à parvenir à cette dissociation.
C’est aussi le désir du fils de satisfaire sa mère et de ne pas éveiller sa
jalousie en aimant un homme au lieu d’une femme.
Quant à la troisième relation au sein d’une famille, c’est celle de la
fraternité. C’est la seule qui repose sur l’égalité véridique car elle s’établit
entre des membres ayant les mêmes droits et les mêmes devoirs. Mais, à
notre époque, la famille a commencé de perdre petit à petit cette relation
égalitaire à cause de la limitation des naissances et la nette diminution du
nombre de frères et sœurs au sein de la famille.
A ce propos, les scientifiques affirment que c’est l’appauvrissement des
familles relativement à cette relation qui a incité les jeunes à la rechercher
hors du foyer par des rassemblements particuliers, où ils vivent une relation
fraternelle perdue, et que les rassemblements des hippies ou leurs
homologues ne sont que des tentatives de jeunes pour retrouver cette
relation fondamentale qui leur manque dans leur foyer.
Certains croient même que l’apparition de la famille collective intègre, ou
communauté, n’existe qu’en raison de l’incapacité de la petite famille à
subvenir aux besoins de ses membres, et que la relation fraternelle
représente le lien de base au sein de cette communauté ; en effet, les
enfants, dans leur foyer vivent ensemble et entretiennent une relation de
fraternité avec leurs camarades du même âge. Il s’est alors confirmé que ce
sont ces rapports qui aident au développement de leur personnalité et leur
confèrent une expérience de la vie sur les bases de l’égalité et de l’échange
juste, comme ils jouent un grand rôle dans l’enrichissement de leur esprit
par l’amour, la fraternité et le développement de leurs capacités de création
et d’innovation.
Dans la société industrielle moderne, l’isolement de l’enfant dans sa
petite famille appauvrit sa personnalité, le prive de l’expérience et des
relations humaines multiples, cultive en lui l’égoïsme et le repli sur soi,
comme sa relation avec son père et sa mère se base sur la contrainte et non
sur le libre choix ; si un enfant tombe sur un père buveur ou une mère
buveuse, il doit se conformer à ce sort parce qu’il ne peut en choisir
d’autres.
Certains chercheurs considèrent que la libération des enfants (dans les
communautés) de l’autorité des pères et des mères a accéléré leur
épanouissement physique, mental et psychologique, et que les contacts avec
leurs camarades les a débarrassés de l’égoïsme et de l’égotisme ; de même,
les parents se sont libérés de l’égoïsme qu’ils avaient développé au sein de
la famille et ont commencé à éprouver un sentiment d’amour envers les
autres enfants et les leurs ; les enfants, eux-mêmes, ont commencé à aimer
un grand nombre de gens et à ne plus avoir peur des étrangers.
Ces changements ont aidé à développer davantage le sentiment
d’humanité chez l’individu, de sorte que la relation biologique ou la
consanguinité ne s’imposent plus chez les individus, que le frère ne soutient
plus son frère à tort ou à raison seulement parce qu’il est son frère, que le
chef de service ne favorise pas son proche parce qu’il appartient à sa famille
et que le père ne chérit pas son fils en se montrant dur à l’égard des autres.
Les relations humanitaires volontaires se sont alors substituées aux relations
biologiques involontaires, de sorte qu’il n’existe plus aucun enfant qui
supporte les conséquences des fautes de son père ou de sa mère, aucune
femme qui travaille alors que l’homme domine ; ainsi, le mariage s’est
débarrassé de son concept utilitaire et la relation entre l’homme et la femme
s’appuie essentiellement sur le véritable échange d’amour.
Ces mêmes chercheurs soutiennent que la nouvelle famille collective,
malgré certains problèmes auxquels elle est confrontée, est parvenue à se
débarrasser de cette contradiction flagrante qui existait entre l’intérêt de
l’individu dans la petite famille et l’intérêt de la grande société. L’égoïsme
imposé par la famille au père, à la mère et aux enfants les isole de la société
et affaiblit leur capacité de ressentir les problèmes des autres.
Le père, dans les sociétés les plus développées dans le monde moderne,
peut, dans sa luxueuse voiture, passer devant un enfant endormi sur un
trottoir sans ressentir la moindre douleur, ou avoir la moindre sensation qui
le pousse à s’arrêter un instant, et retourne chez lui en déposant sur la joue
de son fils qui se repose, heureux dans son sommeil, sous les couvertures
les plus précieuses, un baiser de satisfaction et de bonheur.
QU’EST-QUE L’AMOUR

On peut dire à présent que « l’amour » qui unit les hommes et les femmes
dans notre monde moderne ou dans les sociétés passées, depuis que
l’homme a possédé la terre et avec elle la femme, n’est pas un amour
véridique. En effet, l’amour ne peut exister entre un maître et son esclave,
entre un agent d’autorité et la personne obéissante, ou entre un fort et un
faible, entre un supérieur et son subalterne.
L’amour ne peut avoir lieu pour l’intérêt ou l’utilitarisme, comme il ne
peut avoir pour but l’exploitation, l’intérêt économique ou la protection
sociale. La relation d’amour ne peut se réduire à une relation commerciale
comme il ne peut être acheté par l’argent, des biens immobiliers ou une
autorité.
Mais ce qui s’est produit à travers l’histoire c’est cet échec humain, qui a
fait qu’un sexe domine un autre, que la relation entre les hommes et les
femmes a perdu sa parité naturelle, alors qu’ils sont tous des êtres humains
et que la femme, comme l’homme, fait partie de l’humanité et dispose d’un
corps, d’un esprit et d’une intelligence.
En raison de cette perte, il n’est plus possible que la relation entre
l’homme et la femme soit basée sur l’amour véridique mais sur de
nombreux autres facteurs.
L’une des conditions d’une relation amoureuse est l’égalité. Celle-ci
signifie que les deux partenaires sont égaux. Si l’un des deux est un être
humain ayant un corps, un esprit et une intelligence, l’autre, par la force des
choses, possède ces qualités. De ce fait, l’amour ne peut être en rapport
avec une personne en possession de toutes ces composantes et un être ne
possédant qu’un corps. Car, l’amour, dans ce cas, perd sa condition
d’existence principale qui est l’échange corporel, psychique et intellectuel.
Mais la société a extirpé l’esprit et l’intelligence de la femme ; comment
l’homme peut-il dans ce cas échanger avec elle un sentiment d’amour ?
Tout ce qui pouvait les réunir c’est une sorte de relation sexuelle ; ce n’est
point de l’amour mais des mouvements sexuels involontaires qui attirent le
mâle vers la femelle pour la fécondation et la conservation de tous les êtres
vivants, depuis les vers jusqu’aux reptiles et mammifères.
Mais l’homme se distingue des animaux et des insectes par sa capacité à
se servir de sa raison et sa pensée d’une façon volontaire et consciente ;
quant à la relation sexuelle chez l’homme, elle diffère de celle de
l’ensemble des animaux, dans la mesure où il a bénéficié de ces qualités
psychiques et intellectuelles, lesquelles l’habilitent à faire un choix, à se
libérer et à se responsabiliser.
Un chercheur dit à ce propos : « L’homme est un être qui se distingue par
la prise de conscience et la volonté ; il est responsable de ses actes. Cette
responsabilité est la plus éminente des qualités chez l’homme. Tout
supplément d’ascension est un progrès à prendre dans ce sens. Ceci est la
cause de cette relation intime entre notre vie sexuelle et ladite ascension. Le
sexe n’est pas seulement un acte d’enfantement ; il est plutôt un processus
résultant des opérations d’évolution et d’ascension qui se sont produites
chez les êtres inférieurs, lesquels poursuivent intelligemment la réalisation
de leur évolution et de leur ascension au sein de l’être qu’ils orientent
toujours vers une entité meilleure ».
Cela signifie que le but de notre relation sexuelle est la création d’une
action de développement et d’ascension et son orientation vers l’avenir, la
création de plus d’authenticité, de liberté et de responsabilité chez
l’homme ; la nature a en effet créé le désir sexuel pour cet objectif
suprême ; c’est la raison pour laquelle il exerce une grande influence sur
l’être humain ; cette influence lui aurait été néfaste si ce désir avait dévié de
son chemin naturel à cause de l’inhibition et des contraintes de la société.
Le sexe n’est donc pas seulement le désir du corps, mais celui du corps,
de l’esprit et de l’intelligence. En raison de quoi, on ne peut définir le sexe
biologiquement et dire qu’il est essentiel pour la procréation, ou
physiologiquement pour expliquer qu’il est la cause des changements en
rapport avec le taux des hormones dans le sang. Le sexe est loin d’être
défini par ces explications opératoires limitées ; la procréation n’est que
l’une des nombreuses fonctions du sexe chez l’homme, dans toutes les
parties de son corps. Elle est la fonction de l’appareil reproducteur de
l’homme ; quant au sexe, il représente la fonction de tous les appareils de
l’homme, le corps, l’esprit et l’intelligence.
Le sexe est un acte humain en relation avec la nature de l’homme, non
pour la procréation mais pour le développement spirituel chez l’être
humain. Et comme le souligne « Bredif » dans son livre « le destin de
l’homme », « le sens de l’union de l’homme avec la femme n’est pas en
rapport avec la perpétuation de l’espèce mais avec le développement de la
personnalité de l’être humain et son désir obstiné d’accéder à la perfection
et l’éternité ». De même, Fletcher affirme : « La recherche de l’amour n’est
que la recherche de la connaissance d’une entité, et notre désir d’y accéder
n’est autre que notre souhait qu’il nous apprécie non pour ce que nous
faisons mais pour ce que nous sommes. L’amour contient un sentiment mais
n’est pas en lui-même un sentiment ; il comprend une admiration mais n’est
pas en lui-même une admiration. C’est ce qui reste quand on assouvit son
désir et qu’on consomme son sentiment ; c’est ce besoin de découvrir sa
réalité à travers la réalité d’une autre personne ».
Dans la plupart des religions qui sont apparues dans l’histoire de
l’humanité, Dieu est l’amour. L’amour est le dieu de la vie chez l’homme ;
il a son opposé qui est le dieu de la mort. L’amour bâtit et enrichit l’homme
et la vie, alors que son opposé les appauvrit et les détruit.
Quand l’enfant nait, il ne sait pas distinguer entre sa personne et le
monde extérieur. Il voit en lui-même et ce monde un seul ensemble ; c’est
pourquoi il aime les objets extérieurs comme il le fait pour sa personne. Il
aime la lueur de la bougie comme il aime sa main ; ainsi, quand la petite
flamme touche ses doigts et qu’il ressent une douleur, il comprend par là
que la bougie ne fait pas partie de lui-même. Petit à petit, l’enfant reconnait
sa personne et plus il la connait et l’aime, plus il s’attache à tout ce qui lui
ressemble. L’enfant aime la poupée ou la mariée parce qu’elle lui
ressemble. La vie humaine avait commencé quand Adam avait aimé Eve et
réciproquement ; chacun des deux a trouvé dans l’autre ce qui lui
ressemble, celui qui est le plus proche par comparaison aux autres animaux.
Germaine Greer dit à ce propos que la ressemblance est le soutien de
l’amour et non la différence. L’homme a mal compris quand il estime qu’il
aime la femme parce qu’elle diffère de lui ; en réalité, en raison de
l’amplification par la société des différences entre l’homme et la femme,
celui-ci préfère s’asseoir et veiller avec son ami plutôt qu’avec sa femme. Il
voit en l’homme une personne qui lui ressemble, avec un corps, un cerveau
et un esprit ; quant à la femme, il ne voit que son corps comme si elle
n’appartenait plus à sa classe.
Ceci est naturel du moment que l’amour s’appuie sur l’échange et que
l’échange ne peut avoir lieu entre un être de classe supérieure et un autre de
classe inférieure. L’échange ne peut être en rapport avec deux personnes
inégales ou non équivalentes. L’inégalité ou la différence créent une
situation où l’une des deux est plus forte. En conséquence, la relation entre
elles se transforme en une relation entre un fort et un faible ou entre un
supérieur et un inférieur. De là, l’égalité souhaitée dans l’échange n’est plus
de mise parce que le fort, de par son statut, exploitera le faible et que celui-
ci, en raison de sa faiblesse a besoin de la protection du fort ; il renonce à
certains de ses droits pour cette protection.
L’amour ne peut avoir pour base une relation où domine l’exploitation ou
le besoin de protection, quelle qu’elle soit. Il n’est aucunement lié au désir
de l’homme de manger, boire ou procréer. L’amour n’est pas basé sur la
volonté de l’être humain d’obtenir une protection ou une tutelle. Il n’est pas
une fuite des problèmes ni un désir d’obtenir un refuge, une domination ou
une sécurité sociale. L’amour n’est pas l’échange des intérêts ni la
recherche du repos dans la vie ou l’adaptation paisible à l’existence. Il n’est
pas une fuite de l’isolement, de l’ennui ou de l’échec.
L’amour n’est pas une propriété, ni une domination, ni un sentiment de la
part d’un seul partenaire, quel que soit ce sentiment.
Cet amour dont regorgent les chansons enflammées pleines de
gémissement et de lamentation n’est pas un amour ; n’est pas aussi un
amour celui qui a régné au dix-neuvième et au vingtième siècle où les récits
étaient pleins de souffrances amoureuses de la part d’un seul partenaire.
Ces qualités qui se sont propagées sur l’amour, comme quoi il est
aveugle, fou, une fatalité qui touche l’homme dès le premier regard comme
une épée meurtrière, devenant ainsi son prisonnier, lequel perd sa volonté,
sa conscience, sa vision, ne sont pas à vrai dire celles de l’amour.
L’amour n’est pas l’épée de Cupidon, qui se déclenche et touche
l’homme, n’est pas une maladie, ni un effondrement temporaire ; il n’est
pas non plus un état de despotisme sentimental ; il n’est ni de la folie ni un
sentiment aveugle.
Cet amour pathologique était le résultat naturel de la situation où se
trouvait la femme, depuis que la société lui soustrayait son esprit et la
considérait seulement comme un corps. Les qualités de l’homme
psychiques et mentales sont celles qui le distinguent des autres animaux ; ce
sont ces qualités qui lui assurent la capacité du choix, de la conscience et de
la volonté ; s’il les perd, il perd toute cette capacité.
Bien que la société n’ait pas spolié l’homme autant qu’elle l’avait fait
avec la femme, l’amour idéal ne peut se manifester chez un seul partenaire ;
l’homme ne peut partager ses qualités morales et psychiques avec un vide.
De ce fait, ces qualités de l’homme ne lui permettent pas de pratiquer
l’échange nécessaire pour son développement et son épanouissement ; leur
importance a diminué au même titre que les qualités psychiques et mentales
de la femme. Il ne reste plus alors pour l’homme et la femme que leurs
corps. Ainsi, le désir physique (amputé du désir psychique et mental) est un
désir débridé involontaire s’appuyant sur l’attirance involontaire qui a lieu
entre les substances en raison de leurs transformations chimiques et
physico-chimiques.
Cette attirance anarchique qui se produit entre deux masses est un attrait
inconscient, involontaire, sans aucun choix ni responsabilité.
Comme elle est loin, cette attirance aveugle, de la véritable relation
humaine de l’amour ! Car l’amour chez l’homme est un sentiment conscient
qui s’appuie fondamentalement sur une volonté et un choix libre.
L’amour est le plus noble des sentiments que peut éprouver l’homme
parce que à partir de là, ses constituants physiques, psychiques, et
intellectuels, tous ensemble, peuvent assurer leurs plus hautes et profondes
fonctions en s’infiltrant dans l’entité de l’homme. L’amour est un sentiment
conscient, compréhensible et profond ; il est même le seul sentiment qui
permette à l’homme d’atteindre la profondeur de sa personnalité.
Parmi les vérités scientifiques communément admises, l’être vivant,
quand il perd une partie de ses membres, il compense cette perte par une
amplification du rôle des autres parties. C’est ce qui s’est produit chez
l’homme. Cette amplification, qui s’est produite dans la relation corporelle
entre l’homme et la femme, n’est qu’une compensation à une perte de leur
relation mentale et psychique. Cette amplification de l’attirance physique
entre l’homme et la femme n’a eu lieu qu’en raison de la perte de l’attirance
mentale et psychique. En effet, l’amour a lieu du premier coup quand les
yeux de l’homme se posent sur la femme et qu’il aperçoit ses lèvres
charnues et fleuries, ses seins proéminents et ses fesses serrées. Les
chansons et les récits d’amour exaltent tous la beauté des lèvres, des
jambes, des seins, de la taille et des fesses.
Cela représente la principale cause de la propagation des relations
amoureuses pathologiques, aussi bien en littérature, en art, que dans la vie
quotidienne. Ce phénomène remonte jusqu’au jour où les gens se sont
divisés en deux groupes : un groupe supérieur qui mérite d’être le maître et
commande, représenté par les hommes, et un groupe inférieur qui ne mérite
que le suivisme, la soumission et l’obéissance : ce sont les femmes. Ainsi,
la femme a été victime de toutes sortes de pressions et de contraintes liées
aux lois établies par l’homme, le dirigeant. En effet, l’on sait que les
dirigeants établissent des lois qui s’appliquent uniquement aux personnes
dirigées et non aux autres.
La femme s’est vue alors obligée, face à ces pressions et contraintes
imposées, d’inhiber ses désirs naturels. La psychologie a mis en évidence le
fait que l’inhibition résulte de la peur en raison de la force contraignante, et
non du danger qui peut avoir lieu.
L’être humain se trouve ainsi obligé, face à cette force qu’il craint, de
procéder à sa propre élimination. Car l’inhibition est effectivement une
mise à l’écart devant les autres, l’élimination de la personne par rapport à
elle-même et sa substitution par les désirs d’autrui ; en effet, les actes de
soumission et d’obéissance engendrent une sorte de mise à l’écart de sa
personnalité.
C’est ce qui est arrivé à la femme. Elle s’est éliminée par rapport à
l’homme. Elle s’est débarrassée de sa personnalité pour obtenir la
soumission et l’obéissance, et en même temps la protection, la sécurité et
l’agrément de l’homme.
C’est une opération préventive à laquelle ont recours tous les êtres
vivants pour affronter les forces environnantes qui peuvent les menacer et
les apeurer. Le désistement face à la force est l’un des moyens de résistance
chez tous les êtres vivants depuis l’amibe jusqu’à l’homme.
L’évanouissement qui touche parfois l’homme quand il ressent le danger
n’est qu’une tentative pour s’éliminer devant cette force.
Il en est de même pour la simulation de la mort qu’on trouve chez
certains animaux quand ils sont devant une force supérieure.
Dans le cas extrême de la lutte et du désespoir, l’homme répond par
l’évanouissement, la paralysie, l’absence de sensation ou n’importe quel
autre moyen de rétraction temporaire. C’est un engourdissement des
sensations pour éviter la confrontation et le désespoir.
Cet engourdissement des sensations n’est pas seulement psychologique
ou mental ; il peut être de nature physique et organique. Tout organe du
corps est susceptible de perdre totalement sa sensibilité et être atteint de
paralysie.
La femme a lutté depuis son enfance et toutes les étapes de sa vie contre
l’inhibition qu’on lui a imposée, en se recroquevillant et en inhibant ses
sensations. Celles-ci se sont anesthésiées, refroidies et sont devenues
difficiles à stimuler.
La psychologie décrit comment l’homme résiste à l’inhibition et aux
différentes étapes qu’il traverse pour aboutir à une phase de froideur et de
blocage des sensations. En effet, depuis la naissance d’un désir chez
l’homme, des changements intérieurs ont lieu, lesquels créent l’énergie
nécessaire pour satisfaire ce désir par l’acte. Si cet acte ne se concrétise pas
et que le désir est inhibé, il se produit en lui une pression semblable à celle
de la vapeur, provoquant des sensations physiques et psychiques, qu’on
appelle en psychologie sentiment.
Les savants décrivent trois phases par lesquelles passe l’être humain lors
de la stimulation de ses sentiments, autrement dit quand il ressent un désir
qui ne soit pas effectivement satisfait.
Phase de l’apparition du stimulant : elle commence à la naissance du
désir chez l’homme au moyen d’un stimulant, accompagnée de
changements physiques comme l’augmentation du rythme des palpitations
cardiaques et l’essoufflement.
Phase de la résistance : dans cette phase, chaque organe chez l’homme se
prépare à l’action conformément à ce stimulant ; elle est une phase de
construction qui stimule l’homme, le fortifie et renouvelle son activité. De
ce fait, l’absence de tous les défis n’est pas véridique ; il s’avère alors
nécessaire pour l’homme d’affronter les défis et les difficultés pour leur
résister. S’il les vainc, il réussit sa maturité.
Mais si ces défis se montrent plus forts que lui, et le vainquent, il accède
à la troisième phase, celle de la dépression.
Phase de la dépression : c’est celle où l’homme devient moins sensible à
ces pressions et ces influences sociales. Sa peau devient moins vive et son
intelligence diminue. Autrement dit, il se replie sur lui-même, non
seulement pour fuir ces influences, mais aussi la vie elle-même. L’action
destructrice dépasse alors en lui l’action constructive. Elle est une phase
destructive où l’homme se tue petit à petit.
C’est cela qui se produit chez la femme. Elle résiste, puis, vaincue,
capitule devant son sort après être passée par une phase de dépression qui la
rend froide dans son corps, son esprit et son intelligence. C’est la raison
pour laquelle la femme n’est pas excitée sexuellement, dans la plupart des
cas, sauf si l’homme la frappe, lui déchire les cheveux, la pince ou la mord.
Ce désir dans la sensation de douleur n’est qu’un désir de créer un degré
supérieur d’émotion pour venir à bout de l’engourdissement qui touche ses
sensations.
La frustration est donc la cause du masochisme féminin et du sadisme
masculin. A partir de cette frustration, naissent l’amour pathologique et la
littérature pathologique qui exprime les douleurs, la privation, les
souffrances et les gémissements.
Le véritable amour ne repose pas sur la privation ; l’une de ses conditions
c’est la symbiose et la satisfaction des désirs. La privation c’est
« l’inaction » ou la frustration ; c’est un anéantissement de la personnalité
de l’homme ; quant à l’amour, c’est « l’absence de frustration » ; il consiste
à se conduire librement et à prendre soi-même une décision responsable.
L’action, ici, nous enrichit, abstraction faite de sa réussite ou son échec, car
c’est une action véridique de la personne elle-même et non une réaction
contre les autres.
L’action est l’une des conditions du véritable amour. Quant à l’amour
romantique, il est pathologique, sans action. C’est un amour qui s’alimente
de privation et vit à travers les réactions.
La femme frustrée ne peut que sacrifier son action et voir sa vie se
transformer en une réaction contre l’homme. C’est l’homme qui agit et c’est
la femme qui attend qu’il agisse ; toutes les expressions sexuelles décrivent
l’homme comme étant l’agent ; c’est lui le conquérant, l’envahisseur,
l’assaillant ; quant à la femme, elle est la patiente.
L’action est l’une des conditions du développement mental et
psychologique, la maturation de l’homme et son autonomie. Celui qui
n’agit pas n’apprend pas ; celui qui n’apprend pas ne mûrit pas et celui qui
ne mûrit pas ne recouvre pas son autonomie.
L’autonomie signifie que l’homme doit prendre lui-même une décision et
être seul responsable de ce qu’il fait ; c’est là où se trouve l’action. Quant à
la réaction, elle réside dans l’attente d’une décision des autres pour agir
selon celle-ci et leur responsabilité. C’est un homme faible, sans autonomie
ni maturité, qui agit conformément aux réactions des autres. Il a peur de la
responsabilité et lui préfère le repos de l’obéissance et de la soumission.
L’homme est d’autant plus homme qu’il possède une capacité de liberté,
de volonté, de choix et de responsabilité. L’amour entre deux personnes
devient alors un amour humain en fonction de ce qu’elles possèdent comme
capacité de liberté, de volonté, de choix et de responsabilité.
Mais la femme était incapable, en raison des contraintes sociales,
d’acquérir l’honneur de la responsabilité. L’homme a imposé à la femme
ses recommandations, sa protection, puis est devenu responsable d’elle. Le
père est responsable de sa fille, le frère de sa sœur ; le mari est aussi
responsable de sa femme et même le fils aîné de sa mère.
J’ai vu de mes propres yeux une altercation entre un jeune homme et sa
mère qui l’avait élevé et qui était âgée de 45 ans. Elle mettait ses habits
pour sortir quand le fils surgit pour lui dire qu’il est responsable de ses actes
devant la société.
Le mariage, dans son essence, et selon ses lois, impose à l’homme d’être
responsable de sa femme, responsable de subvenir à ses besoins,
responsable de ses agissements, responsable de ses entrées et sorties de la
maison ; les textes imposent à la femme de demander l’autorisation à son
mari si elle veut sortir, d’obtenir une autorisation écrite de son mari en cas
de voyage, sinon il lui sera interdit de voyager.
Priver la femme de ses responsabilités revient à priver sa personnalité de
son essence humaine, de sa nature et de sa distinction par rapport à
l’animal ; cette privation ne laisse à la femme que son enveloppe extérieure,
visible devant les yeux, que son enveloppe corporelle externe.
Il ne lui reste plus que de s’occuper de cette enveloppe externe ; elle la
masse, la câline, la débarrasse des cheveux quand elle s’épanouit ; tantôt
elle la dénude, tantôt elle la couvre ; elle l’entretient en dépensant tout ce
dont elle dispose comme argent, et en lui consacrant le maximum de temps.
La société, autour d’elle, confirme cette réalité. Ainsi, les journaux et les
revues, quand ils s’adressent à la femme, le font comme si elle n’était
qu’une couche de peau ayant besoin d’être massée au moyen de toutes
sortes de crèmes, des cils devant être nourris et renforcés, des lèvres ayant
besoin d’une crème à la couleur de rose, des cheveux devant être teints
comme la couleur de sa robe et ainsi de suite.
Quant à l’homme, quand il la rencontre, il déverse son sperme dans son
vagin, se débarrasse de sa tension biologique résultant de la pression de ce
liquide sur ses organes, et ressent un repos similaire à celui qu’il trouve
quand il vide sa vessie de l’urine ; puis il lui tourne le dos et parfois crache
tout près ou loin d’elle, selon son niveau social.
L’homme, naturellement, ne peut aimer la femme car il se considère
comme un être humain, alors qu’il l’assimile à un récipient. La capacité
d’aimer repose ainsi sur la capacité chez l’homme de comprendre la liberté
de l’autre, sa vérité et son respect ; elle s’acquiert quand l’individu ne se
conduit pas seulement en fonction de son désir mais comprend aussi l’autre,
le respecte et le reconnaît. C’est ce qui différencie la relation de l’homme
avec les objets et sa relation avec autrui, qui n’est pas un objet mais un être
vivant lui ressemblant parfaitement.
Cette ressemblance représente l’origine de l’amour. Car l’échange ne
peut avoir lieu sans similitude. La discrimination établie par la société au
détriment de la femme et en faveur de l’homme a créé entre eux une
dissemblance ; il en a résulté une impossibilité d’échange et une relation
centrée sur l’obtention d’un côté et la donation de l’autre.
Ainsi, l’homme se familiarise avec l’égoïsme, s’habitue à tirer profit
uniquement, à ne prendre en compte que son désir, en négligeant et
méconnaissant celui de la femme. La plupart des maris ne pratiquent l’acte
sexuel avec leurs femmes que s’ils le veulent, le désirent eux-mêmes, et à
leur façon, abstraction faite du désir de l’épouse et de sa disposition à le
faire. La législation matrimoniale impose à la femme de satisfaire le désir
de son mari et d’être disposée à le faire ; elle lui impose de satisfaire le
désir de son époux, à n’importe quel moment, de la nuit ou de la journée,
selon ses vœux et ses dispositions à lui ; si elle ne peut le faire parce qu’elle
est fatiguée ou malade, elle sera considérée comme inutile en tant
qu’épouse, peut être délaissée et perdre son droit de subsistance, qui revient
au mari.
L’égoïsme est la première qualité qui relie l’homme à la femme. De ce
fait, la jalousie qu’il ressent pour son épouse n’est que le reflet d’un certain
égoïsme et non la cause de l’amour. La femme devient l’une des propriétés
de l’homme tout comme sa voiture, sa bicyclette ou son âne. Il a peur
qu’elle ne lui soit volée et sa rancune vis-à-vis du voleur est plus forte que
sa rancune envers l’objet volé. De là, résultent ces scènes auxquelles on
assiste souvent dans la vie quotidienne, dans les productions artistiques et
littéraires et sur les écrans, quand l’homme surprend quelqu’un en train de
draguer sa femme ou sa maîtresse ; il retrousse ses manches pour le frapper
ou dégaine son sabre pour livrer un duel, au moment où la femme assiste en
spectatrice au combat.
Face à l’égoïsme de l’homme, la femme fait preuve de sacrifice. Elle se
sacrifie, donne, offre sa personne et capitule ; toutes ces expressions
décrivent la relation particulière entre la femme et l’homme.
De même que l’amour ne repose pas sur l’égoïsme, de même il n’est pas
tributaire du sacrifice. Ainsi, la femme qui dit à l’homme qu’elle se sacrifie
pour lui, est une femme qui ne ressent pas l’amour. L’amour n’est pas un
sacrifice de soi, ni un reniement de son identité. Il s’ensuit que la femme
qui renie son entité est une égoïste avérée. Elle se sacrifie pour une seule
cause : c’est qu’elle ne possédait pas sa personne ; elle sacrifie une chose
qu’elle ne possède pas.
Ainsi, l’homme qui perd son entité ou sa personne ne peut pas aimer.
L’amour est l’affermissement de la confiance de l’homme en son entité, un
prolongement de l’amour de soi pour aimer l’ensemble de l’humanité.
Mais, la femme, suite aux contraintes de la société et à l’inhibition, a perdu
son entité et sa confiance en soi. Ce qui prouve que la femme a perdu sa
confiance, ce sont ces nombreuses poudres par lesquelles elle essaie de
camoufler sa réalité et ces vernis épais qui lui servent de déguisement. La
femme a perdu sa confiance en soi au point de devenir incapable d’affronter
les gens selon son vrai visage. Il est rare de trouver une femme qui a assez
de courage et de confiance en soi pour sortir de chez elle, son visage propre,
dénué de poudres.
L’intérêt accordé par la femme aux expressions de sacrifice pour son
amour n’est qu’une sorte de commerce. C’est une personnalité non
autonome, qui a besoin d’une protection, celle de son mari ; elle prétend
alors qu’elle lui offre son âme, mais, en réalité, elle l’a perdue depuis
longtemps, quand elle avait accepté la suprématie et la tutelle de l’homme,
quand elle avait renoncé à son droit naturel d’assumer sa responsabilité et
de faire valoir sa volonté et sa liberté.
Mais la femme n’a pas devant elle une autre alternative. Le mariage
auquel elle aspire pour obtenir la protection du mari ne représente pas pour
elle les bienfaits de la sécurité. A l’ombre du mariage, elle est toujours
menacée d’être abandonnée par l’homme à tort ou à raison. Sans son époux
elle ne peut vivre. Elle a toujours besoin de l’homme pour qu’il subvienne à
ses besoins et la protège socialement, psychologiquement ou physiquement.
On est loin du besoin d’un véritable amour. En effet, l’amour est ce besoin
que ressent l’homme autonome après qu’il a assouvi tous les autres. Quant à
la femme, elle dépend de l’homme car sans lui, elle ne peut satisfaire les
impératifs de sa vie.
Cela nous explique beaucoup de phénomènes qu’on observe dans le
mariage ou dans la relation entre l’homme et la femme. Celle-ci fait tous les
efforts nécessaires pour attirer son mari, afin qu’il ne l’abandonne pas
facilement ; elle est à son service, lui obéit et satisfait tous ses désirs. Elle
feint parfois la stupidité et l’imbécillité pour croire ses mensonges, et la
futilité de son orgueil qu’elle alimente. Elle lui fait comprendre qu’il est le
seul homme au monde. Elle cherche à lui plaire par divers moyens ; tantôt,
elle joue la carte des enfants pour lui en donner le plus grand nombre, tantôt
elle se sert de l’instinct nourricier pour lui préparer chaque jour un plat
différent, tantôt elle a recours à l’instinct sexuel pour le satisfaire et
l’exciter.
Elle fait tout cela chaque jour, chaque nuit sans aucune lassitude. Elle sait
bien que les actes répétitifs engendrent l’habitude et que l’habitude, quand
elle s’établit chez l’homme, le domine, sans qu’il puisse s’en passer.
Le mariage qui perdure et qu’on appelle mariage réussi, ne se réalise pas
grâce à l’amour mais à cause de l’habitude ; quant au mari, il est comme un
morphinomane, guidé quotidiennement par sa morphine vers son épouse. Il
peut la détester, éprouver un dégoût envers elle ; il peut également ressentir
le besoin de la laisser tomber mais ses pas le guident tous les jours vers son
foyer, tout habitué qu’il est à le faire.
L’amour n’est point une habitude, ni une dépendance, ni un acte
involontaire, ni une action inconsciente. L’amour est un acte volontaire,
conscient, qui se produit à cause de la capacité humaine à choisir librement.
Cette capacité ne se trouve que chez l’homme libre.
L’autonomie est l’une des conditions de la maturation de la personnalité,
une maturation qui exige la formation de l’égo, celle-ci étant à son tour
l’une des conditions de l’amour.
C’est ainsi que nous comprenons que la capacité d’aimer est la plus
grande, la plus mature, la plus consciente chez l’homme. Il n’existe aucune
expression qui puisse traduire le besoin de perfection chez l’homme comme
celle de l’amour. L’amour naît chez l’homme après qu’il a satisfait tous ses
besoins. L’amour est une faim que ressent l’homme après qu’il a assouvi
tous ses désirs et ses instincts. Cet amour est capable d’éveiller toutes les
facultés de l’homme relatives à l’imagination, la création et l’explosion de
toutes les énergies physiques, psychologiques et mentales.
La vie sans amour est une vie défectueuse, en dépit des réalisations
accomplies par telle personne, dans n’importe quel domaine de l’activité.
Car l’amour est l’affirmation de l’identité ; de ce fait, l’homme ne peut
atteindre un objectif aussi noble que l’édification de son ego ; il ne peut
sans cette construction comprendre quoi que ce soit sur la réalisation des
autres objectifs.
Si le concept de « sublimation » a été découvert et qu’on a su que le sexe,
dans son vrai sens, est ce qu’il y a de plus éminent, et que l’honneur n’est
point le renoncement au sexe en s’y abstenant, mais qu’il est plutôt la
franchise, par là, l’homme équilibré physiquement, mentalement et
psychiquement devient crédible. L’honneur c’est la loyauté du corps, de
l’esprit et de la raison.
Si l’amour jaillissait de la volonté de l’homme, de sa liberté, de son
autonomie et que la civilisation savait qu’elle symbolisait la capacité de
l’homme à dominer ses motivations et ses instincts, l’homme progresserait
plus vite quand il serait devenu une volonté plus forte, et quand il se serait
libéré de la volonté des autres et des contraintes sociales qui lui ont été
imposées.
La volonté ne peut s’épanouir et s’affermir que par l’entrainement et la
pratique, à l’image des muscles du corps qui ne se fortifient que par la
pratique sportive régulière et les exercices physiques nécessaires pour
l’épanouissement continu, depuis l’enfance.
Les constituants de l’homme, physiques, mentaux et psychiques se
développent et évoluent depuis l’enfance jusqu’à la fin de la vie. Ce
développement repose sur le degré des informations et des expériences
acquises depuis la naissance jusqu’à la mort.
De même que les différents appareils du corps ne se fortifient que par
l’entrainement et la pratique effective des différentes activités corporelles,
de même que l’esprit ne se consolide que par l’entrainement et la pratique
effective de ses activités ; il en est de même pour la raison et pour les
différents appareils de l’homme, parmi lesquels l’appareil reproducteur.
Ces propos ne signifient pas que l’expérience sexuelle ne s’acquiert que
par la multiplication des rapports avec le maximum de personnes. Car
l’homme qu’on appelle « Don Juan » ou le « coureur des filles » est le
moins expérimenté des hommes sur le plan sexuel, dans son vrai sens ; par
conséquent, il échoue plus que les autres dans ses relations avec les
femmes, un échec qui est la cause de ses passages d’une femme à une autre.
Le sexe n’est pas un ensemble de mouvements exécutés, ni une fuite face
à un échec, ni une compensation face à une déficience. Le sexe c’est la
rencontre librement consentie de deux personnes qui se complètent ; si
l’une d’elles (qu’elle soit un homme ou une femme) acquiert une
expérience sexuelle, celle-ci devient une véritable expérience humaine qui
enrichit sa vie et l’aide dans l’épanouissement de sa personnalité, comme
elle augmente ses capacités de réfléchir librement et de créer.
La maturité humaine a lieu quand l’individu accumule des expériences
sur la vie et les personnes. L’homme ne peut murir et voir sa personnalité
s’accomplir s’il vit seul, loin des gens et de la société. Ainsi, la grande
majorité des femmes dans le monde ont été privées de murissement parce
qu’elles vivaient recluses chez elles et manquaient des expériences
nécessaires pour parfaire leur personnalité. En plus de cette privation, les
contraintes morales de la société ont obligé la femme à inhiber son désir
sexuel et en même temps son aspiration à sa liberté personnelle en général.
Le désir sexuel n’est pas seulement un désir physique mais aussi un désir
psychologique de l’amour et de la liberté.
La personnalité mûre est la seule à pouvoir désirer la liberté et la chercher
sans la craindre, car la liberté fait peur à l’homme immature et non
autonome ; à cause de cette peur, il lui préfère l’esclavage et la sécurité de
l’entente sociale.
La femme a vécu ces phénomènes. La société l’a privée de la maturation
de sa personnalité, de son autonomie, et elle s’est trouvée impuissante à
désirer la liberté.
L’isolement de la femme dans son foyer l’a privée de l’expérience et de la
prise de conscience ; en conséquence, elle est devenue ignorante de la vie,
de l’homme et de sa personne.
L’ignorance ne signifie pas seulement l’absence d’informations mais
aussi l’existence de fausses informations et de superstitions qui ont comblé
la tête de la femme, en raison des différentes traditions de la société.
Une femme atteint le comble de l’ignorance quand elle s’imagine que les
menstruations constituent une impureté, quand elle s’imagine que l’ablation
du clitoris est nécessaire pour qu’elle devienne pure et propre.
L’ignorance imposée à la femme l’a été naturellement à l’homme aussi,
parce que c’est lui qui a inventé ces rumeurs et ces fausses informations sur
la femme, les a propagées en faveur de sa souveraineté et sa domination.
L’ignorance de l’homme et de la femme sur leur relation a atteint un
degré assez bas, qui s’accentue proportionnellement à cette ignorance ; cette
relation ne peut atteindre le stade de l’amour sans qu’ils viennent ensemble
à bout de leur ignorance. Cette victoire impose d’abord que la relation entre
l’homme et la femme retrouve son origine naturelle, sans aucune
suprématie de l’un sur l’autre.
LE CAMOUFLAGE

La sortie de la femme de son foyer pour travailler est la pierre angulaire


sur laquelle repose le recouvrement de ses droits naturels en tant qu’être
humain.
Mais ce travail ne doit pas être une sorte de nouvelle exploitation de la
femme, ne doit pas avoir lieu sous la domination de l’homme, comme cela
se passe à la campagne, où les cultivatrices travaillent dans les champs et
chez elles sous la souveraineté de l’homme et conformément aux lois en
vigueur, qui bafouent les droits de la femme.
Le travail de la femme en dehors de son foyer, sous la domination de
l’homme, et selon les lois actuelles, n’implique qu’un surplus d’exploitation
de la gent féminine, comme cela se produit chez la travailleuse qui exerce
un double travail, à l’extérieur et chez elle, le surmenage physique et
psychologique qui en découle lui causant beaucoup de maladies et de
problèmes nuisant à sa santé ; elle est loin de l’émancipation et de la liberté
auxquelles elle aspire.
Le chemin que doit suivre la femme est ardu et pénible, lequel a besoin
d’une lutte incessante, d’une lutte consciente où elle comprend les
véritables causes qui entravent sa liberté et sa responsabilité, sans être
induite en erreur par ces mouvements de révolte propres à certaines femmes
à travers le monde pour se libérer à l’ombre des anciens concepts et de la
souveraineté de l’homme.
Ces types de mouvements non conscientisés ne profitent de temps en
temps qu’à une presse qui publie des sujets passionnants et recherchés, pour
une large diffusion apportant plus de gain.
La femme est donc tenue de ne pas se leurrer par ces fausses informations
et ces statistiques qu’exploitent certains mouvements qui combattent le
progrès.
Il est tout à fait naturel que les sociétés capitalistes, à travers le monde, ne
cèdent rien sans une lutte, et n’accordent pas leurs droits à ceux qu’elles ont
spoliés, et à leur tête les femmes, sans résistance. Les méthodes de lutte et
ses armes diffèrent d’une société à l’autre et d’une époque à l’autre. Tantôt,
on a recours à l’arme religieuse en se servant de sa pénétration dans l’esprit
de certaines sociétés, tantôt, on use de l’arme des valeurs morales en
exploitant l’attitude des gens qui ignorent qu’elles sont créées par la société
elle-même, tantôt, on se réfère à certaines statistiques et chiffres pour
convaincre les gens que les travailleuses sont moins rentables que les
travailleurs et appeler au retour des femmes dans leur foyer pour sauver
l’économie de l’effondrement, tantôt, on exploite certaines recherches
scientifiques pour prouver que la femme n’est utile que dans les services
sanitaires, le secrétariat, l’enseignement et certains travaux de seconde
importance ; elle ne peut donc occuper les hautes fonctions et exercer les
métiers de grande importance dans la société.
Des fois, on a recours aux psychologues, adeptes et disciples de Freud,
qui appuyaient le système capitaliste par des théories psychologiques
erronées. Ils visent, par leurs conceptions traditionnelles sous-développées
ou leurs nouvelles théories, qui se fondaient sur les mêmes concepts
anciens, à mettre en échec toute révolution faite par les femmes, par les
nègres, les jeunes, les travailleurs et toute autre catégorie lésée du peuple.
Ces freudiens traditionalistes, ou leurs disciples qui se considèrent
comme des néo-freudiens, s’efforcent d’expliquer les révoltes des jeunes,
des nègres ou des femmes par un dysfonctionnement psychologique de
l’être humain révolté, et non par une défaillance de l’organisation sociale
établie. Cette vision n’est qu’un prolongement de la conception freudienne
du soulèvement contre le pouvoir, lequel soulèvement n’est que le reflet du
complexe d’Œdipe, pour la raison que cette autorité représente la personne
du père face à la personne qui se révolte. Les néo-freudiens s’efforcent
d’exprimer ce nouveau concept par un autre style, en prétendant que la
révolte contre le pouvoir n’est qu’une expression extérieure de l’incapacité
de l’homme révolté à remédier aux conflits émotionnels internes de
l’inconscient.
A ce propos, un des disciples de Freud qui croit à l’analyse
psychologique écrit au sujet des jeunes qui sont contre la politique de Nixon
en publiant ceci dans le New York Times :
« Ces jeunes extrémistes souffrent de la négligence de leurs parents à leur
égard, lesquels les ont déçus dans la réalisation des objectifs propres à leur
personnalité, et vivent dans l’ignorance de leur existence en tant
qu’individus autonomes par rapport aux autres ».
Les mouvements révolutionnaires des ouvriers, des jeunes, des femmes et
des nègres, qui sont apparus avec le commencement de la crise économique
du début des années trente, et qui se prolongent à l’époque actuelle, ont été
la cause de la révision des idées freudiennes classiques, afin qu’elles
s’adaptent à la nouvelle réalité, après que la théorie de l’analyse
psychologique, qui se fondait sur l’instinct sexuel, et destinée au
comportement, eut fait preuve d’impuissance pour justifier la révolte de ces
mouvements révolutionnaires.
Il en est de même pour la sexologie qui, ces dernières années, aboutit à
des résultats et à de nombreux témoignages prouvant la fausseté de
certaines hypothèses fondamentales de Freud, parmi lesquelles nos deux
instincts du sexe et de la mort et les étapes sexuelles chez l’enfant, ainsi que
le complexe d’Œdipe.
On en a conclu que l’analyse psychologique n’est pas une vraie science,
mesurée par rapport aux critères des sciences de la nature.
Le rôle des nouveaux freudiens, parmi lesquels Erich Fromm et Herbert
Marcuse, ne consiste plus qu’en une aide octroyée à la société capitaliste
pour opérer des changements en faveur des idées classiques de Freud,
puisqu’elles conviennent à cette époque et qu’elles absorbent les richesses
des jeunes, des travailleurs, des femmes et des nègres.
Les capitalistes combattent toute révolution ou soulèvement contre eux,
par tous les moyens possibles, l’un d’eux étant la présentation des idées
exploitantes dans des tissus de diverses couleurs et sous des titres de
différentes formes, donnant l’impression qu’elles apportent des
changements alors qu’elles ne changent pas.
Dans ce contexte, il existe des tentatives scientifiques trompeuses
entreprises par les néo-freudiens pour associer les principes socialistes à
ceux de Freud, à l’instar de Marcuse et Reich. Ils dénaturent les vérités qui
expliquent la pensée, l’émotivité et le comportement humains et prétendent
que les révolutions des jeunes, des femmes et des nègres ne sont que des
conflits internes ou inconscients chez l’homme.
Comme le souligne un chercheur averti : « qu’est-ce qui peut le mieux
satisfaire la classe dirigeante à part convaincre les gens que leurs problèmes
ne sont que le résultat de leurs conflits inconscients internes ? L’histoire de
l’homme – par ses guerres, ses discriminations raciales, son oppression – ne
résulte-t-elle pas du système capitaliste ?! »
Les psychologues capitalistes incitent l’homme à trouver l’origine de ses
problèmes à l’intérieur de lui-même ; il s’ensuit que sa prise de conscience
diminue et qu’il ne contribue pas avec les autres à la recherche des
véritables causes.
La théorie de Freud sur l’analyse psychologique, et ses idées sur le
comportement coercitif inconscient, a dénaturé la lutte des jeunes, de la
femme, des travailleurs et des nègres pour asseoir les bases de la justice et
de l’égalité entre les hommes.
Chaque femme doit comprendre que la théorie de Freud sur l’analyse
psychologique attribue à la femme toutes les qualifications d’insuffisance
possibles comme l’hystérie, le masochisme, que les élèves de Freud et ses
partisans néo-freudiens s’accrochent à ces idées rétrogrades sur le sexe
féminin, qu’ils les propagent pour discréditer la valeur de tout mouvement
de contestation accompli par les femmes. A la suite de quoi, l’ensemble des
mouvements de libération et de prise de conscience de la femme rejette
toutes les idées de Freud, qu’elles soient anciennes ou nouvelles.
La femme mûre et consciente comprend que la révolte de l’homme n’est
pas due à des conflits internes, situés dans l’inconscient mais à des conflits
externes dans la société exploitante, que l’activité sociale de l’individu est
le principal facteur dans la constitution de son psychisme, que les parents,
la famille, la rue, le travail, les conflits sociaux, tous jouent un rôle
fondamental dans le fonctionnement des émotions, des comportements, des
attitudes et de la personnalité de l’homme. Et du moment que la prise de
conscience de l’individu est la conséquence de la réalité sociologique, elle
joue aussi le principal rôle dans la formation du comportement humain. La
femme consciente comprend que l’homme n’est pas un être déséquilibré,
impuissant et esclave de ses instincts, comme veulent nous le montrer Freud
et les spécialistes de l’analyse psychologique, mais un individu doté de la
capacité de volition, de choix libre et de changement du monde autour de
lui, à partir de son pouvoir révolutionnaire et moralisateur, qu’il est capable
également de se transformer lui-même et d’évoluer toujours dans le bon
sens et vers un changement meilleur.
La religion est, ce disant, considérée comme l’arme la plus forte utilisée
par la société capitaliste pour combattre les mouvements de contestation et
de révolte planifiés par les groupes persécutés du peuple, et surtout les
femmes, en raison de l’étroite relation entre les valeurs religieuses et les
valeurs morales qui les commandent exclusivement.
Il est clair que cette vague religieuse qui a commencé à envahir ces
dernières années certaines sociétés capitalistes développées comme les
Etats-Unis et l’Angleterre n’est que l’un des moyens de résistance dont se
sert la société capitaliste pour vaincre le progrès.
Lors de ma dernière visite en Angleterre, à la fin de l’année 1981, j’ai
remarqué que l’état donne de plus en plus d’importance à la religion et la
morale ; qui plus est, l’une des spécialistes dans le domaine de la
planification familiale estime que l’ignorance du sexe est un phénomène
général en Angleterre et que cette ignorance crée de nombreux problèmes,
le moindre étant l’augmentation du taux de personnes atteintes par les
maladies vénériennes ; malgré tout, les dirigeants, les députés, les hommes
de l’église et les responsables de l’enseignement s’opposent à l’idée de
l’enseignement de la sexualité sous prétexte de sauvegarder la religion et la
morale.
Pendant les quelques jours que j’ai passés à Londres, au mois de
septembre de la même année, je me suis informée plusieurs fois, dans la
presse, sur ces mouvements qui s’appellent eux-mêmes des mouvements
moraux, qui sont dirigés par des hommes sans scrupules appartenant à la
société capitaliste ; de temps à autre, des groupes de gens sortent dans les
avenues de Londres et ses quartiers principaux, portant des pancartes
appelant au retour du bercail de la religion et de la morale.
Cette vague s’étend à de nombreuses autres sociétés capitalistes ; aux
Etats-Unis, on a vu naître ces dernières années un certain nombre
d’associations religieuses et morales appelant les gens à suivre les
recommandations de l’église et à préserver les traditions en combattant
l’émancipation ou ce qu’elles appellent le laxisme moral.
Ces associations ont constaté que la découverte des pilules contraceptives
a joué un certain rôle dans l’égalité entre les hommes et les femmes et le
recouvrement par celles-ci de certains de leurs droits bafoués ; elles ont
commencé à combattre l’usage de ces pilules au prétexte que le pourcentage
des personnes atteintes par les maladies vénériennes comme la syphilis et
l’écoulement a augmenté ces dernières années dans le pays. Elles ont
imputé cette augmentation aux pilules contraceptives qui, selon eux, ont
aidé à la libération sexuelle et l’effondrement de la morale.
Ces associations mettent dans leurs devantures une banderole qu’elles
appellent l’armement moral, pour camoufler leur vrai visage, qui tente
d’encourager les gens à revenir en arrière pour que la société capitaliste
reste forte et bien ancrée.
Les mêmes associations exploitent l’ignorance des gens de beaucoup de
vérités scientifiques. Ainsi, l’augmentation des maladies vénériennes dans
toute société n’est pas due à la liberté offerte par les pilules contraceptives
aux femmes, mais à l’ignorance du sexe, qui se propage dans toutes les
régions du monde, sans exception. Il existe des sociétés orientales qui n’ont
pas permis l’accès des pilules contraceptives chez elles (pour des raisons
liées aux croyances religieuses), et malgré cela, le pourcentage des
personnes atteintes par les maladies vénériennes reste plus élevé que dans
tous les autres pays qui utilisent les pilules contraceptives.
Mais l’histoire regorge de ces types d’associations politiques et utilitaires,
qui portent des habits moraux et religieux, qui contredisent les vérités et
font douter sur ce qu’elles veulent, exploitant la sympathie des gens envers
tous ceux qui parlent au nom de la morale et de la religion.
Si l’association des armes morales aux Etats-Unis, par exemple, était
véritablement de nature morale, avec de vrais principes religieux, pourquoi,
dans ce cas, n’appelle-t-elle pas, au nom de la religion et de la morale, à
l’arrêt de la guerre du Vietnam ou à l’égalité entre le noir et le blanc ?
Pourquoi ses appels se limitent-ils à combattre la révolte interne chez
l’homme, à renouer avec la prière, les recommandations de l’Eglise et
l’obéissance à Dieu ? Pourquoi essaie-t-elle de convaincre les gens que le
déclin moral qui menace le monde n’est dû qu’à la révolte de l’homme qui
ne se contente pas de ce que lui a donné Dieu. Elle s’imagine peut-être que
Dieu ici c’est la société capitaliste.
Il n’est pas douteux que ce sont lesdites associations qui militent contre la
morale et la véritable religion, car elles se positionnent contre l’égalité entre
les hommes, contre la justice et contre la paix, en soutenant ceux qui
approuvent la guerre, qui appellent à la ségrégation raciale et en combattant
les mouvements de libération des noirs et des femmes, mouvements
qu’elles appellent mouvement de révolte et de désobéissance à Dieu.
Quant aux pilules contraceptives (et autres contraceptifs), elles ont joué
un rôle important dans l’atténuation de l’acuité sur l’ignorance sexuelle
endémique à travers le monde, en éclaircissant quelque peu le sens véritable
du sexe par une séparation entre l’acte de procréation biologique et l’acte
sexuel.
Aujourd’hui, le recours aux moyens contraceptifs, dans la plupart des
pays, améliore la qualité de l’acte sexuel en le faisant passer de la fonction
biologique au niveau de l’action humaine mûre, et substitue à l’action
procréative anarchique dominant l’homme, une autre opération humaine
que doit maîtriser en principe toute personne, par sa volonté et son choix
conscient. C’est cela le véritable sens du mot sexe.
La dénonciation de l’usage de la pilule contraceptive ou de la liberté,
qu’elle soit sexuelle ou autre, la dénonciation des révoltes des jeunes ou des
femmes, ne sont qu’un voile pour cacher le véritable criminel, en
l’occurrence le système de la société capitaliste, laquelle n’établit pas
d’égalité entre les hommes, une société qui apprécie la machine plus que
l’homme, une société qui sépare l’homme de la femme, le patron de son
travailleur, le blanc du noir, une société qui tue des millions d’êtres humains
dans les guerres de l’ambition et de l’exploitation, une société qui punit les
enfants, victimes des fautes de l’adulte, une société qui crédibilise un
contrat de papier plus que le sentiment de l’homme et sa volonté, une
société qui accepte la falsification dans les chambres à coucher comme elle
l’accepte dans les lieux sociaux.
La femme ne doit pas tenir compte de ces mouvements ; elle doit
poursuivre sa lutte pour la liberté et la responsabilité ; elle doit comprendre
que son principal devoir dans la vie n’est pas la procréation ni les travaux
ménagers, mais la contribution au changement de la société vers le meilleur
et l’aspiration au progrès humain.
Le développement humain c’est la capacité de l’homme qui s’astreint à
assumer des fonctions dans sa vie, supplémentairement aux fonctions
biologiques, aidé en cela par tous les êtres vivants, y compris les
organismes unicellulaires et toutes les formes de vie de moindre évolution.
DES PAS SUR LE CHEMIN

La question qui mérite d’être posée à présent est la suivante : comment a


lieu le changement ? Comment corriger les erreurs, comment vaincre
l’ignorance, comment changer les conditions sociales qui condamnent la
femme à l’inhibition et la contradiction qu’elle vit ? Comment vaincre
l’exploitation de la femme par l’homme dans les relations conjugales ?
Il est clair, eu égard à ce qui précède, que la libération de la femme ne
peut avoir lieu dans une société capitaliste, que l’égalité entre l’homme et la
femme ne peut se concrétiser dans une société qui fait la différence entre les
individus et les classes sociales. Par conséquent, ce qu’il faut que la femme
comprenne en premier lieu c’est que sa libération n’est qu’une partie de la
libération de toute la société du système capitaliste et de ses valeurs
commerciales et morales, et que sa lutte pour venir à bout des valeurs, des
traditions et de l’organisation du capitalisme est une lutte glorieuse.
La femme doit aussi comprendre que le socialisme, dans son vrai sens, en
rapport avec la justice et l’égalité entre les individus, n’est pas en soi une
réalité dès l’annonce des devises socialistes ou la proclamation des lois
socialistes. Le changement des lois est nécessaire mais il n’est pas suffisant
pour un vrai changement ; combien de lois sont restées lettres mortes.
L’opération du changement nécessite des efforts pénibles et de longue
haleine dans tous les domaines de la vie, dans sa diversité.
Il n’est pas douteux que parmi les facteurs essentiels qui concourent au
changement se trouve l’éducation, une éducation nouvelle qui repose sur
l’égalité absolue entre la femme et l’homme à tous les âges, depuis la
naissance jusqu’à la mort, une égalité dans les droits et les devoirs, à
l’extérieur, dans le foyer, y compris dans l’éducation des enfants.
Cela signifie que la fille, quand elle nait, ne doit pas sentir une différence
entre elle et son frère, entre elle et les enfants mâles, que ce soit à la maison,
à l’école ou dans la rue. La fille doit recevoir l’éducation qui épanouit son
corps, son esprit et son intelligence en la préparant au travail dans la société
et à la participation aux différentes activités ; il en est de même pour le
garçon. La fille doit comprendre dès son enfance que son rôle ne diffère pas
de celui du garçon et que les deux doivent se préparer sérieusement pour
assumer ce rôle. Elle est confiante et libre, n’a pas peur du sexe ; le rôle de
la mère et du père consistera alors à aider leur fille pour qu’elle comprenne
ses sentiments et ses désirs, et à traverser toutes les étapes nécessaires pour
la maturation de sa personnalité. L’intérêt de la mère et du père pour une
fille brillante dans ses études doit être le même que celui porté au garçon.
De même, l’importance accordée à l’habillement de la fille et à son
apparence doit égaler ceux du garçon. Et si la fille montre un penchant pour
l’audace, l’aventure et une plus forte personnalité par rapport à son frère, on
ne doit pas voir en elle une virilité ou un comportement atypique, ou
considérer qu’elle doit être calme, douce, docile, pacifique, ni imaginer son
frère comme devant être le plus fort, le plus courageux, le plus audacieux.
Les qualités naturelles de la fille doivent se développer et sa personnalité
doit exploiter toutes les occasions pour s’épanouir, sans qu’on la contraigne
à se doter de certains traits déterminés dont elle doit se parer, pour la simple
raison qu’elle appartient à la gent féminine. La fille peut dépasser le garçon
par son intelligence ou sa forte personnalité comme elle peut lui être
inférieure ; l’essentiel est que chaque enfant, qu’il soit un garçon ou une
fille, doit bénéficier de toutes les occasions qui feront émerger son talent ou
sa force, dans tous les domaines.
De même, un garçon doux, paisible, pudique ne doit pas être assimilé à
une fille ou être considéré comme ayant une faible personnalité. Car, tout
enfant a la sienne, et l’enfant pudique peut, par la suite, réussir dans des
activités artistiques qui siéent à sa personnalité et sa formation.
De la même façon, la fille audacieuse, hardie, ne doit pas être assimilée à
un garçon. Cette fille peut, ultérieurement, avoir du talent dans certaines
activités de commandement, politiques ou en rapport avec d’autres secteurs
qui conviennent à sa personnalité.
L’éducation n’est pas seulement un discours mais aussi un travail et un
modèle. Les enfants doivent ressentir que leur mère a les mêmes droits et
les mêmes devoirs que leur père, qu’elle sort pour travailler comme lui,
qu’elle participe aux frais du ménage et qu’ils se partagent les tâches
ménagères et celle de l’éducation des enfants.
La fille doit assumer les mêmes responsabilités et les mêmes travaux que
son frère le garçon. Elle va à l’école comme lui, discute comme lui et ne
doit pas supporter des travaux ménagers que, lui, ne supporte pas. Si l’ordre
ménager exige que chaque membre de la famille fasse son lit, le garçon doit
s’en charger comme sa sœur. Il doit également servir la table si la fille le
fait… De cette façon, aucun des deux ne doit sentir qu’il existe des travaux
déterminés propres à chaque sexe.
Cela ne signifie pas qu’on doit pas passer outre les penchants particuliers
et les dispositions particulières. Si, par exemple, la fille montre un penchant
pour des travaux jusque-là accomplis par les garçons seuls, comme la
réparation des outils électriques de la maison, les travaux de menuiserie, la
réparation des robinets ou autres, on doit encourager son penchant et
l’épanouir, et non lui signifier que ces travaux sont l’apanage des garçons,
qu’elle doit se perfectionner en cuisine par exemple.
De la même façon, si l’un des garçons montre un penchant pour la
couture ou le rangement de la maison, on ne doit pas l’en dissuader en
arguant que ces travaux sont du ressort de la femme et ne peuvent être
accomplis par l’homme.
Ce type d’éducation à la maison, depuis l’enfance, assoira les fondements
de la véritable égalité entre l’homme et la femme, et mettra fin à beaucoup
de problèmes psychologiques qu’endurent les hommes et les femmes, qui
croient rationnellement à l’égalité mais sont incapables psychologiquement
de l’appliquer, en raison de l’éducation fallacieuse qui a limité depuis
l’enfance le rôle de l’homme et de la femme dans leur existence.
Les enfants doivent comprendre graduellement leurs désirs naturels sans
les craindre. La fille doit ainsi sentir ses signes pubertaires, les changements
physiques qui peuvent affecter son corps, comment ont lieu les
menstruations, comment se développent les seins et les fesses, le sens des
désirs sexuels qu’elle ressent parfois et ainsi de suite.
Il en est de même pour le garçon qui doit s’adapter aux changements
propres à la puberté, de façon à ne pas paniquer face aux pollutions
nocturnes ni douter de ses capacités sexuelles ou autres. La fille et le garçon
ont les mêmes droits de liberté et de sensibilité à leurs désirs naturels, qui
sont nés avec eux et se développent avec eux.
L’éducation scolaire doit être le prolongement de l’éducation du foyer et
se baser sur le même concept. Rien ne doit séparer les élèves filles des
élèves garçons ; ils reçoivent les mêmes cours, les mêmes disciplines, sans
qu’il y ait des matières propres aux filles comme les travaux ménagers, la
couture, et des matières spécifiques aux garçons telles que l’agriculture, le
commerce ou autres. Toutes les classes doivent être mixtes, avec des filles
et des garçons tirant profit des mêmes matières comme les travaux
ménagers, la couture, l’agriculture, la menuiserie et autres.
Quand l’élève masculin suit des leçons d’art ménager, elles le rendent
dans l’avenir apte à partager avec la femme les responsabilités du foyer sur
le double plan psychologique et pratique. Ces leçons, outre qu’elles lui
fournissent les informations afférentes, le convainquent psychologiquement
que les travaux ne déshonorent pas l’homme s’il les accomplit et qu’elles
font partie de ses responsabilités, à égalité avec la femme.
Si, en revanche, la fille prend des leçons sur la menuiserie et
l’agriculture, elles la rendent capable de participer avec l’homme à tous les
travaux, sans ressentir la moindre gêne ou honte, et sans attendre que
l’homme les accomplisse.
Avec cela, les écoles ont besoin d’un nouveau style dans l’éducation,
d’un changement de certaines méthodes d’enseignement et d’un
remaniement dans les ouvrages de référence et les images offertes aux
élèves, garçons et filles.
Je rappelle que mon premier livre de lecture contenait l’image d’une
jeune fille qui portait une serviette de cuisine en bas de laquelle était écrit :
« Souad cuisine » et une autre, en face, montrant un garçon assis sur son
bureau, où on avait inscrit : « Imad écrit ». Ces types de livres et ces images
doivent être modifiés. La fille doit être aperçue sur son bureau avec un
garçon assis, à côté sur le sien, puis d’autres images où ils travaillent
ensemble dans un jardin ou dans une cuisine.
Ce livre ne suffira pas à décrire tout ce qu’il faut apporter comme
changements dans l’éducation et ses méthodes, que ce soit à l’école ou dans
les foyers ; ce qui m’intéresse essentiellement, c’est de me focaliser sur le
fait que la nouvelle éducation doit prendre en compte l’instauration de
l’égalité entre la fille et le garçon dans tous les domaines, que les deux
sexes doivent bénéficier équitablement des mêmes occasions
d’épanouissement, dans n’importe quel secteur qui conviendrait à leur
personnalité, leur penchant et leur capacité personnelle, abstraction faite du
sexe.
Outre cela, l’éducation a besoin de principes et de nouveaux fondements,
tant au niveau du contenu que celui du style. Il est nécessaire que
l’éducation se fonde sur la volonté de ne pas occulter la vérité et d’identifier
les constituants corporels, psychologiques et environnementaux de
l’homme. Quant à la méthode éducative, elle doit s’appuyer
fondamentalement sur la concertation, la participation positive des élèves,
mâles et femelles, à cette concertation, en les initiant à donner leur avis et à
ne pas rester silencieux, comme de simples appareils récepteurs qui
accueillent les informations et les opinions des autres en y adhérant, sans
aucune discussion.
Il est nécessaire que l’enseignant ou l’enseignante s’habituent à ce que
leurs élèves, garçons ou filles, les contredisent et ne soient pas du même
avis qu’eux ; c’est à partir de la discussion qu’on peut se convaincre et non
par l’obéissance, les origines sociales et la politesse. La sentence répandue
dans notre société, et selon laquelle on doit devenir l’esclave de celui qui
nous apprend une seule lettre, n’est plus de mise. L’esclave ne peut, en
effet, discuter avec son maître ou être en désaccord avec lui. Nos proverbes
populaires doivent se libérer des mots esclave et esclavage, quel que soit le
contexte, car la sensation d’être esclave, vis-à-vis de l’école, du père, de la
mère, du chef, ou de tous ceux qui représentent l’autorité, est une sensation
de sous-développement qui dresse un obstacle entre les gens, leur
maturation et leur indépendance.
Comme je l’avais signalé, le modèle que voit l’enfant (au foyer ou à
l’école) a une grande importance. La fille et le garçon voient dans le père et
la mère une référence, de même que chez l’enseignant et l’école. C’est pour
cela que la mère doit servir d’exemple à la femme qui croit en son travail à
l’extérieur du foyer, qui l’aime, qui l’apprécie et veille à le réussir, non en
raison du salaire qu’elle perçoit, mais parce qu’au moyen de ce travail, elle
définit son entité d’être humain.
A ce propos, Ruth Hartley a entrepris une recherche auprès d’un certain
nombre de mères américaines qui travaillaient et qui possédaient un haut
niveau intellectuel universitaire. Il s’est alors avéré que la plupart de ces
mères, même si elles exerçaient dans l’enseignement supérieur, qu’elles
assumaient des fonctions artistiques éminentes, qu’elles aimaient leur
travail, non seulement pour l’argent et le salaire, elles annonçaient à leurs
fils et filles qu’elles travaillaient pour gagner de l’argent. Cette chercheuse a
questionné ces mères pour leur demander pourquoi elles dissimulaient leur
attachement au travail et montraient seulement le côté matériel ; leur
réponse fut la suivante : « quelle autre excuse peut-on fournir pour justifier
notre sortie de la maison et notre éloignement de nos fils et nos filles ?
Quand nous leur expliquons que nous sortons et travaillons pour subvenir à
leurs besoins matériels, ils nous pardonnent pour le temps où nous les
quittons ».
La chercheuse estime que ces mères ne connaissent pas la véritable
éducation et ancrent dans l’esprit de leurs fils et filles une notion erronée du
travail en général, et celui de la femme en particulier. Car le travail, dans la
vie de l’homme, est une nécessité psychologique et sociale qui assure la
formation de sa personnalité et lui permet de changer la société dans le sens
mélioratif et progressiste. Quant au salaire que touche l’individu en
contrepartie de sa tâche, il n’est que l’un des résultats de ce travail et non
une fin en soi.
La mère qui sort pour travailler et se sent coupable de s’éloigner de ses
enfants, ne s’est pas débarrassée du sous-développement intellectuel et
psychologique qu’elle vit avec les autres femmes, en raison de l’éducation
fallacieuse qui réduit depuis le jeune âge la fonction de la femme à la
procréation et l’éducation des enfants.
La femme travailleuse doit se libérer de son sous-développement et
comprendre que son travail hors du foyer avec sa contribution dans
l’édification de la société et son développement est sa fonction essentielle
dans la vie, en tant qu’être humain. Quant à son rôle par rapport au mari, à
la procréation et à l’éducation des enfants, il est le même que celui de
l’homme relativement à ces fonctions ; autrement dit, les responsabilités
maternelles égalent les responsabilités paternelles dans l’exercice de ces
fonctions ; les deux ont besoin de nouveaux concepts sains qui établissent
l’égalité entre la mère et le père dans l’amour et l’affection pour leurs
enfants, et les soins qu’ils leur prodiguent. Le père réalise qu’il ne doit pas
passer toute la journée hors du foyer en ne voyant que rarement ses enfants
et en laissant toute la responsabilité des soins à la mère. La paternité, dans
son vrai sens, consiste pour le père à offrir à ses enfants son amour et son
affection et à leur consacrer un temps, qu’il passe avec eux. Il en est de
même pour la mère qui ne doit pas rester toute la journée à la maison, collée
à ses enfants, les entourant d’une affection morbide et dispensant le père de
ses responsabilités paternelles ; elle doit plutôt comprendre le véritable sens
de la maternité, c’est-à-dire la capacité d’offrir à ses enfants toutes les
occasions de murissement et d’autonomie, de même que l’affection et
l’amour à leur juste mesure, afin que les enfants recouvrent l’équilibre
nécessaire dans leur santé psychique.
Avec cela, la mère ne ressentira aucune culpabilité quand elle sort pour
travailler ; elle la ressentira si elle reste toute la journée chez elle avec ses
enfants. Il s’est bien confirmé que la mère qui passe tout son temps avec
eux nuit à leur santé psychologique, retarde leur maturation et leur cause
toutes sortes de complexes.
Lors des recherches entreprises aux Etats-Unis en 1950, il s’est confirmé
que les enfants des femmes travailleuses ne souffrent pas des problèmes
psychologiques dont souffrent les enfants des femmes au foyer.
En outre, le confinement de la femme dans son foyer est une annihilation
de son humanité et de sa capacité psychologique et mentale, lesquelles,
grâce au travail pour la société, se développent et évoluent.
Le travail aide à l’épanouissement de la femme, qui devient, de ce fait,
une personnalité autonome, formant par là même son identité. Une fois
cette personnalité constituée grâce à son travail, elle n’a pas besoin de vivre
pour ses enfants et de former son identité en les servant et en se mobilisant
pour satisfaire leurs besoins continus ; elles les collent, si bien qu’ils
perdent leur autonomie et ressentent une culpabilité dans le cas contraire ;
cette mère éprouve un sentiment d’amertume quand son jeune fils, par
exemple, recouvre son autonomie ou demande la main d’une jeune fille
pour l’épouser. Cette mère est le prototype de la belle-mère égoïste qui tient
à préserver son droit vis-à-vis de son fils, même après son mariage, et
éprouve de la rancune à l’égard de l’épouse, accusée de lui avoir ravi son
fils en réquisitionnant son amour et son estime. Quand l’époux rend justice
à sa femme, la mère l’accuse de ne point mériter qu’elle ait sacrifié sa vie
pour son éducation ; elle éprouve le regret de l’avoir offert à une personne
qu’elle n’a pas désirée ; c’est ainsi que le fils ressent de la culpabilité en
pensant que sa femme est responsable de ces problèmes et qu’elle gâche
leur vie commune. L’on sait pertinemment que le problème des belles-
mères est répandu dans toutes les régions du monde parce que la mère passe
tout son temps avec ses enfants à la maison.
Il n’est pas douteux que la tendance générale vers la limitation des
naissances place la femme non travailleuse dans une situation où elle met
toute sa vie et sa maternité monstre et maladive au service d’un ou deux
enfants, après qu’elle les a distribuées, dans le passé, à plusieurs autres, de
sorte que le mal pour chacun d’eux se trouve atténué proportionnellement à
l’augmentation de leur nombre. Qui plus est, la diminution du nombre des
enfants accorde à la femme plus d’années de vacuité et d’esseulement
tueurs ; suite à quoi, elle a plus besoin de travailler et de profiter de son
temps.
La compréhension de la véritable acception du travail et de ses objectifs
dans la formation de l’égo apporte le bonheur à toutes les travailleuses, de
sorte qu’en l’absence de procréation, la femme ne ressent pas qu’elle n’a
pas construit son entité, qu’elle n’a rien fait de sa vie et que la société porte
sur elle un regard archaïque, la considérant comme une femme stérile
n’ayant aucune utilité.
La réalisation de l’égo chez l’être humain, qu’il soit homme ou femme,
ne peut avoir lieu par la voie de la procréation ; en effet, que les femmes
soient satisfaites de leur vie et ressentent du bonheur avec la naissance des
enfants est une erreur et un signe de sous-développement. Le travail est une
nécessité humaine ; quant à la procréation, elle n’est qu’une fonction
biologique assumée par tous les êtres vivants, de l’amibe jusqu’aux singes.
L’homme qui ne comprend pas le sens du travail et son véritable objectif
ne peut le réussir, ne peut le rénover et le développer dans un sens meilleur ;
il se comporte comme une machine, l’exécutant et le répétant tous les jours,
sans création ni innovation ; il est certain qu’une personne pareille se
contente toujours des travaux subalternes, se sentant incapable d’exercer
des activités à plus grande échelle. C’est pourquoi la plupart des femmes
travailleuses, en raison de leur incapacité à croire au travail et à comprendre
son véritable objectif, se contentent d’exercer les métiers de secrétaires,
d’infirmières ou toute autre profession subalterne ; une minorité seulement
aborde certains champs d’activités artistiques de haut niveau où elle fait
preuve d’ingéniosité et de capacité à inventer et créer.
Selon les dernières statistiques sur le travail des femmes aux Etats-Unis,
il s’est confirmé que 14 % seulement d’entre elles exercent des tâches
professionnelles et artistiques de haut niveau ; quant à la majorité restante,
elle s’occupe des travaux de service, de secrétariat ou autres.
On a donc établi que l’épouse intelligente et ambitieuse qui, dans la
plupart des cas, brille dans un secteur déterminé, a peur de sa réussite
talentueuse ; elle rate ainsi l’occasion de briller, pour protéger sa vie
conjugale contre les problèmes, car le mari se trouve toujours embarrassé,
et jalouse sa femme quand celle-ci le dépasse ou réussit mieux que lui. Pour
remédier à cette situation, la femme ne doit pas renoncer à son intelligence
et donner une apparence d’idiotie pour s’abaisser au niveau intellectuel de
son mari ; c’est l’homme qui doit comprendre que le caractère
supérieurement éminent de sa femme n’est point un défaut par rapport à lui
et qu’il ne doit pas ressentir un complexe d’infériorité ; il n’est donc pas
nécessaire que l’époux soit toujours plus intelligent que sa femme et qu’il
réussisse mieux ; au contraire, si l’épouse est plus intelligente et réussit
mieux, cela ne doit pas affecter le mari, ni causer un effondrement de la vie
conjugale ou certains problèmes.
Mais si le mari persiste dans sa vision rétrograde sur son épouse, sur lui-
même et sur leur relation conjugale, la femme ne peut que sacrifier son
talent pour son époux ; dans ce cas, elle se trouve injuste envers elle-même
et envers la société, qui a besoin de ses compétences pour évoluer vers le
meilleur.
La jalousie des maris, leur égoïsme et la crainte que leurs femmes les
dépassent ne signifient nullement que ces dernières doivent demeurer
apathiques, défaites, pour satisfaire leurs époux ; il vaut mieux que ceux-ci
changent leur mentalité et leur vision ancienne sur l’épouse.
L’homme moderne consentirait à ce qu’une femme soit son chef dans le
travail qu’il exerce, sauf son épouse. Un cuisinier qui travaille dans un hôtel
cuisine pour des centaines d’hommes et de femmes qui affluent dans le
restaurant de l’hôtel, mais quand il retourne chez lui, il se sent troublé et
mal à l’aise s’il cuisine lui-même et que sa femme ne le fait pas ; il
considère que l’exercice de la cuisine chez lui est un mal, à l’opposé de son
métier dans l’hôtel qui n’en est pas un.
En réalité, la cuisine c’est la cuisine, abstraction faite de l’endroit où cela
a lieu, mais c’est la conception que se fait l’homme du mariage et de la
femme qui lui donne le sentiment que celle-ci se doit de le servir et le
nourrir, qu’elle est nécessairement moins intelligente, et qu’elle réussit
moins que lui dans la vie ; cela aboutit à une stabilisation de leur vie
conjugale qui s’oriente vers la voie habituelle voulue par la société.
Certaines personnes croient que le génie de la femme, la force de sa
personnalité et sa capacité de dominer et diriger lui font perdre sa féminité
et diminuent sa capacité sexuelle et sentimentale. Mais on a confirmé le
caractère erroné de cette pensée dans une recherche sur 130 jeunes
Américaines parmi celles qui ont acquis des niveaux universitaires élevés ;
on a découvert que plus la personnalité de la femme est forte et
dominatrice, plus sa jouissance sexuelle est intense et son pouvoir
sentimental véridique accru ; en effet, la femme à la personnalité forte, sent
qu’elle est libre, qu’elle a affirmé son entité et qu’elle a pu former son esprit
véridique et naturel, et tout cela s’avère nécessaire pour l’amour et le sexe
dans leur vrai sens.
Ce sont des femmes dans le vrai sens de la féminité ; quant à l’acception
traditionnelle du concept hérité de Freud et des théories de l’analyse
psychologique, des recherches rigoureuses sur la vérité ont confirmé qu’elle
est tombée en désuétude.
On a confirmé également que ces femmes travailleuses, à la personnalité
forte, sont plus heureuses que les autres femmes qui vivent dans leur foyer
et sont au service de leurs maris et leurs enfants ; Hoffmann (1961) a
découvert que la femme qui travaille est plus affectueuse dans sa relation
avec ses enfants que la femme sans activité, qu’elle est plus coopérative,
plus douce et plus calme ; à partir d’une autre recherche, on a déduit que
90 % de ces mères inactives ne souhaitent pas que leurs filles mènent une
vie pareille. Ceci explique le rejet, de la mère qui ne travaille pas, de sa vie,
même si elle laisse apparaître son consentement et sa conviction qu’elle a
affirmé sa personnalité grâce à son mari et ses enfants. Une femme pareille
découvre tardivement qu’elle a raté sa vie.
Le mouvement de libération des femmes dans notre société arabe, ou ce
qu’on appelle l’activité féminine, concentre ses efforts sur le changement
des lois qui régissent la relation conjugale entre les deux partenaires, ou ce
qu’on appelle les lois du statut personnel. Il est sûr que les changements de
ces lois nocives pour la femme est nécessaire pour affermir les principes de
l’égalité entre elle et l’homme, relativement à tous les droits et les devoirs,
mais le changement social souhaité exige que les nouvelles lois évoluent
vers une pratique quotidienne dans la vie privée et commune des gens, et
que les nouveaux concepts se dissolvent pour devenir la toile de fond de la
nouvelle société.
L’opération de transformation des lois en des fils dans la texture de la
société n’est pas une opération facile, car les gens s’enthousiasment pour le
changement des lois du mariage ou celles du statut personnel, approuvent
qu’on stipule des articles sur l’égalité entre la femme et l’homme, mais
résistent à la manifestation de cette égalité dans leur vie personnelle. C’est
pourquoi le mouvement de libération de la femme, ou l’activité féminine,
ne peut pas obtenir des résultats tangibles en se contentant de changer les
lois. Il semble nécessaire que la lutte pour le changement des lois doive
s’accompagner d’une lutte semblable et même plus importante dans le but
de réformer les institutions sociales d’où peut provenir l’application de ces
lois. Sans la réforme de ces institutions, les nouvelles lois ne peuvent
s’appliquer, restent lettres mortes, et la victoire tant souhaitée par les
femmes, suite au changement des lois, n’est plus qu’une victoire creuse
sans aucun sens, une absence de victoire, car l’égalité entre l’homme et la
femme n’a pas lieu et ne se traduit pas dans une réalité concrète vécue par
les gens.
Il ne fait pas de doute que les institutions de l’éducation et de
l’enseignement (les écoles, les instituts et les universités) sont celles qui ont
le plus besoin de réformer leur contenu et leur style, car l’éducation des
enfants, comme je l’avais souligné auparavant, est la base sur laquelle se
constituent la personnalité, la formation intellectuelle et psychique de
l’homme, à laquelle il obéit dans les différentes étapes de sa maturité.
Parmi les autres institutions qui ne sont pas de moindre importance, on
peut citer celles qui jouent un rôle culturel et informatif et qui englobent la
radio, la télévision, les revues, les journaux, les livres et autres moyens de
diffusion des informations parmi les gens. Ces institutions doivent se libérer
des valeurs commerciales qui cherchent le profit matériel par n’importe
quel moyen et peuvent, par conséquent, se passer de la publication des
sujets sensationnels et de l’exploitation du sexe ainsi que du corps de la
femme dans l’écoulement de leur marchandise auprès des gens.
Les nouvelles valeurs de l’égalité doivent supplanter celles qui ont un but
commercial. Les programmes de la radio et de la télévision sont tenus, dans
notre société qui aspire à ce que la femme égale l’homme, de diffuser des
programmes sur l’homme et la femme ensemble. Il faudrait alors que ces
programmes, appelés programmes pour les femmes, et qui présentent les
méthodes de cuisson, de lavement, l’exposition des habits et les préparatifs
esthétiques, soient supprimés ; il faudrait que les programmes culturels
soient adressés aussi bien à la femme qu’à l’homme et jouent un rôle dans
le changement de ce concept traditionnel qui limite la fonction de la femme
à la cuisine, le lavement et l’esthétique.
Il faut également éliminer tout ce qui est spécifiquement féminin dans les
journaux et les revues, sinon l’instruction donnée aux gens se répartira en
fonction de leurs différences, mâle et femelle. Ce programme ou cette
émission, appelés émission de la femme, qui lui donnent des conseils pour
qu’elle conserve la douceur de son sourire, l’abondance de sa chevelure et
la longueur de ses cils doivent disparaître. Cela ne signifie pas que ces
journaux et revues doivent boycotter la beauté et l’esthétique. Ce qu’on
demande, c’est que ceux-ci rendent compte du sens général de la beauté,
celles du corps, de l’esprit et de la raison. Ils doivent présenter aux gens,
hommes et femmes, toutes les informations qui les aideraient à prendre soin
de leur corps, leur esprit et leur intelligence. Bien évidemment,
l’embellissement du corps a besoin de moyens et de préparatifs déterminés
mais ils ne doivent pas être les seuls comme ils ne doivent pas concerner les
femmes seules mais toutes les personnes.
Il ne fait aucun doute que le mariage et la famille sont parmi les
institutions sociales qui doivent être réformées ; que les anciennes lois
matrimoniales changent ou pas, l’épouse doit connaître ses droits et ses
devoirs, savoir qu’elle est l’égale de l’homme et se comporter avec lui sur
cette base.
La femme doit réaliser qu’elle assume aussi la responsabilité, à égalité
avec l’homme, de subvenir aux besoins de la famille, tant qu’elle touche un
salaire équivalent à celui de son mari ; elle doit aussi comprendre que son
travail à l’extérieur de la maison n’est pas un luxe mais une nécessité, que
sa participation aux dépenses ménagères n’est pas du volontariat mais un
devoir qui s’impose équitablement pour les deux sexes.
De la même façon, le mari doit réaliser qu’il est aussi responsable des
travaux ménagers, de l’éducation des enfants tout comme sa partenaire qui
travaille, que les devoirs paternels équivalent à ceux de l’épouse et que le
temps qu’il passe avec ses enfants chez lui requiert la même importance que
celui de sa femme.
De même que le mari et la femme sont égaux dans leurs devoirs paternels
et maternels, de même ils doivent être égaux dans leurs droits paternels et
maternels sans que ceux du père soient supérieurs à ceux de la mère.
L’égalité entre l’homme et la femme ne se borne pas aux droits et aux
devoirs familiaux, sociaux, économiques et culturels ; elle englobe aussi
l’égalité dans les droits et les devoirs personnels et sexuels. La femme doit
comprendre que son droit d’atteindre l’orgasme est le même que celui de
l’homme ; ainsi, du moment que celui-ci demande à jouir, sans ressentir le
moindre embarras, elle doit aussi l’exiger sans aucune gêne, et faire en sorte
qu’ils jouissent pleinement tous ensemble. L’épouse doit comprendre que le
sommet de la jouissance sexuelle n’est pas seulement un devoir de l’homme
mais aussi de la femme ; elle doit, ce faisant, partager avec son mari
positivement toute chose et échanger avec lui toutes les opinions ; il n’y a
donc aucun mal, sauf celui de cacher ses véritables sentiments et en faire
apparaître d’autres.
L’épouse doit réaliser qu’en feignant d’avoir atteint l’orgasme alors
qu’elle n’est pas parvenue à l’obtenir, elle s’est discréditée ou a perdu son
honneur, car elle a menti. Ainsi, abstraction faite de son désir de satisfaire le
mari et d’assouvir l’égotisme de son époux, son comportement demeure un
mensonge et se répercute négativement sur sa psychologie, outre qu’il
induit en erreur son partenaire. Le mieux pour l’épouse qui n’atteint pas son
orgasme est de dire la vérité à son mari et qu’elle s’associe avec lui pour
éliminer les causes qui font qu’elle n’atteint pas cette jouissance.
Le mari traditionnel n’apprécie pas cette sincérité qui émane de son
épouse, et la considère comme une sorte de déshonneur pour la femme ; le
remède ne consiste pas pour cette dernière à cacher la vérité afin de
satisfaire l’homme traditionnel ; en revanche, celui-ci doit changer et
comprendre que le droit à la jouissance sexuelle de sa femme équivaut
absolument au sien et que l’honneur ne signifie pas le camouflage des
désirs et des sentiments véridiques mais plutôt la franchise dans
l’expression des sentiments.
Je ne crois pas qu’il m’incombe, dans ce livre, de fournir une explication
scientifique sur la technique de l’acte sexuel entre l’homme et la femme et
les étapes qu’ils traversent depuis les préliminaires psychologiques jusqu’à
la préparation, les câlineries, l’excitation des parties du corps sensibles et
l’aide qu’apporte l’homme dans la découverte de leurs corps respectifs et
dans la compréhension du meilleur moyen pour atteindre l’orgasme. Je n’en
ai pas besoin, parce que je suis persuadé que l’échec de la relation sexuelle
entre l’homme et la femme n’est pas dû à la méconnaissance de celle-ci de
la technique de l’acte sexuel mais à la grande ignorance, celle de l’homme
vis-à-vis de la femme en tant qu’être humain lui ressemblant et ayant,
comme lui, les mêmes droits et les mêmes devoirs dans la vie, y compris
ceux du sexe, ni à la méconnaissance de la femme de sa propre personne et
de sa valeur en tant qu’être humain égalant parfaitement l’homme dans tous
ses devoirs et ses droits, sexuels et autres.
La remise en cause de la vision de l’homme sur la femme, et de la vision
de la femme sur elle-même, est nécessairement suivie d’une amélioration de
toutes les actions qui les relient dans leur vie commune, y compris l’acte
sexuel. Celui-ci n’est pas seulement une simple technique, ou des
mouvements qui s’exécutent, ou des attitudes déterminées, n’a pas un temps
précis ou des caractéristiques données propres à une forme ou à des
dimensions des organes génitaux, ne correspond pas à des stades connus
qu’on traverse étape par étape avec une organisation précise qui ne se
modifie pas.
L’acte sexuel a une base stable et précise, sauf qu’il varie selon les
personnes, le temps et les circonstances. Il n’est guère possible pour
n’importe quel individu de déterminer, pour les mariés, comment doit se
dérouler l’acte ; seuls, ils peuvent découvrir, en s’aidant l’un et l’autre, le
meilleur moyen et la meilleure voie qui leur permettent de pratiquer l’acte
sexuel.
Les institutions qui suivent ne sont pas de moindre importance que les
autres déjà mentionnées. Ce sont celles du travail dans sa diversité et ses
champs d’action, politique, économique, professionnel, juridique,
décisionnel et autres. Ainsi, les lois égalitaires entre l’homme et la femme
dans les droits du travail et ses devoirs ne peuvent évoluer vers une vérité
pratique si la femme ne participe pas, en toute égalité, avec l’homme, dans
toutes ces activités, sans exception. Il n’est point de champs de la
connaissance ou de fonctions qui sont l’exclusivité de l’homme comme
celles de gouverneur, de législateur, de magistrat, de soldat, de policier ou
autres. Il est nécessaire d’accorder à la femme des occasions égales à celles
de l’homme dans l’exercice d’un travail qu’elle choisit et dans lequel elle
peut exceller. Ce n’est pas parce que l’homme est un mâle qu’il bénéficie de
traits de caractère physiques, psychologiques et intellectuels qui lui
permettront d’exercer mieux que la femme le métier de magistrat par
exemple. Une femme peut avoir plus de capacité pour exercer le métier de
juge que plusieurs hommes, et il serait injuste de la priver d’exceller dans
cette activité rien que parce qu’elle est femme. Il en est ainsi de tous les
autres secteurs.
Et du moment que le nombre des femmes travailleuses et instruites est
bien inférieur à celui des hommes, la représentativité de la gent féminine
dans toutes les institutions sociales, juridiques et politiques est aussi
inférieure à ce qu’elle devrait être ; bien que cette représentativité doive être
de l’ordre de 50 % au moins pour traduire précisément dans la réalité le
pourcentage des femmes par rapport à la globalité des cas, les chiffres
véridiques indiquent que la femme n’est pas représentée effectivement.
L’existence de cinq ou six femmes dans une assemblée de 300 ou 400
hommes ne peut être en aucun cas, considérée comme une représentation ;
c’est pourquoi cette assemblée, qu’elle soit législative ou exécutive, ne peut
s’enthousiasmer pour la défense des droits de la femme, de ses besoins
physiques, psychologiques et intellectuels, ou s’efforcer de promouvoir
l’égalité tant souhaitée entre les femmes et les hommes.
Il est nécessaire que s’accroisse le nombre de femmes travailleuses dans
tous les secteurs et en particulier dans les secteurs importants comme la
politique, la législation, la magistrature, les travaux artistiques,
professionnels de haut niveau, pour que ce nombre soit égal à celui des
hommes dans tous les domaines.
Dans ce cas, la voix de la femme serait entendue comme celle de
l’homme et la force sociale féminine deviendrait équivalente à celle de
l’homme. Avec cette voix sociale, la femme peut affirmer l’égalité à
laquelle elle aspire et faire passer les décisions et les lois de l’état de lettre
morte à celui d’une vérité pratique vécue quotidiennement par tous les gens.
Mais il existe une vérité qu’on ne peut pas occulter, un obstacle qu’on ne
peut ignorer, qui va à l’encontre de la capacité de la femme mariée à
travailler en dehors de son foyer ; c’est celui des responsabilités assumées
par la femme seule chez elle, telles que les travaux de cuisine et l’éducation
des enfants. Si la société préconise effectivement l’égalité entre l’homme et
la femme, il est alors nécessaire que cet obstacle soit levé par tous les
moyens, parmi lesquels celui de voir la société décharger la mère de ces
responsabilités en construisant partout des crèches, en multipliant le nombre
des restaurants publics qui dispenseraient la femme de cuisiner, en
chargeant des institutions du nettoyage des habits et d’autres du lavage des
foyers. En attendant le parachèvement de ces établissements, le mari doit
participer équitablement avec sa femme à la charge des travaux ménagers et
de l’éducation des enfants afin de ne pas la priver du travail en dehors du
foyer.
Demander à la femme travailleuse de concilier entre ses travaux
ménagers et sa profession sans l’aide de son mari ou de la société la met en
position de faiblesse et l’épuise physiquement, mentalement et
psychologiquement, de sorte qu’elle atteint une phase de dépression
préjudiciable à sa santé, sa rentabilité et ses occasions de briller dans son
travail, sans omettre à la poursuite de son travail. La solution ne consiste
pas pour la femme à laisser tomber son travail à l’extérieur du foyer comme
cela arrive souvent, car cet abandon signifie qu’elle a renoncé à sa vie en
tant qu’être humain. C’est pourquoi si elle se trouve contrainte un jour à
choisir entre sa profession et ses charges ménagères, il vaudrait mieux
qu’elle opte, en tant qu’être humain digne, pour son travail à l’extérieur du
foyer. Tous les sacrifices consentis par la femme pour sauvegarder son
travail hors de chez elle, sont moins graves à mon avis que ceux qu’elle fait
quand elle reste dans son foyer et se soumet à son sort, comme l’ont fait
avant elle sa mère et sa grand-mère. Malgré tout, ces sacrifices ne feront
qu’exacerber la colère de son mari et conduiront à l’échec de leur vie
conjugale. Mais celui-ci est un moindre mal pour la femme par rapport à un
échec dans toute sa vie et sa perte entre les murs de son foyer.
On n’est pas sans savoir que l’histoire confirme l’échec de la plupart des
femmes éminentes, parmi lesquels George Eliot, George Sand et Simone De
Beauvoir, dans leur vie conjugale ou leur rejet du mariage.
A mon avis, si le mariage et le travail de la femme à l’extérieur de son
foyer, où elle peut exceller, se trouvent dans un état conflictuel, ce qu’il faut
changer ce n’est point son travail et sa volonté de briller mais le mariage,
dont il faut réformer les fondements, les concepts et les lois, afin qu’il
puisse ne pas contrecarrer le travail de la femme et son excellence.
Enfin, tout ceci ne constitue que des pas sur la voie ; les femmes mûres et
conscientes se doivent de réaliser que le chemin à parcourir est encore long
et pénible, qu’il a besoin de plus de courage, de force, de patience et de
collaboration, de plus de connaissance et de prise de conscience ; ceci est
l’objectif de mon livre. Les femmes doivent comprendre que toute volonté
de réforme doit nécessairement s’orienter vers la société, vers les conditions
dans lesquelles vivent les gens, et les informations qui conquièrent leur
esprit et leur intelligence, depuis le jeune âge.
La femme est tenue quand même de réaliser que la réussite de son
mouvement de libération se fonde sur sa capacité à réussir dans sa
contribution au changement de la société afin de l’orienter vers une vraie
société socialiste assurant l’égalité et la justice entre les hommes,
abstraction faite de la couleur de leur peau, de leur sexe ou de leurs classes
sociales.

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