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Cartographie
des organisations
LGBTQ en Afrique
de l’Ouest
Rapport final de Mariam Armisen
TABLE DES MATIÈRES
5 1. INTRODUCTION
5 1.1. NECESSITE D’UN FINANCEMENT SOUS CONDUITE LGBTQ EN AFRIQUE DE L’OUEST
6 1.2. LA RECHERCHE
6 1.3. LIMITES
8 2. CONTEXTE
8 2.1. CONTEXTE JURIDIQUE
9 2.2. BREF HISTORIQUE DE LA MOBILISATION COMMUNAUTAIRE DES PERSONNES QUEER
9 2.2.1 De l’activité sociale à l’activisme
10 2.2.2 Émergence des structures identitaires et priorisation des questions
11 2.2.3. Types d’activisme actuels et organisation
12 2.2.4. Collaboration et réseautage
32 7. ANNEXE
Les données à la base de ce rapport nous ont été recueilles par les consultantEs Awa Fall Diop, Caroline Bowah, Françoise Mukuku,
Ngozi Nwosu Juba et Simon Kaboré. Félix Zerbo, James Unegbu et Mme Mariam Sanogo ont transcrit les enregistrements des
entretiens organisés sur le terrain. Mariam Armisen a rédigé le rapport final avec des amendements considérables de Andrea Lynch.
La première version du rapport a été revue par Caroline Kouassiaman, Sarah Gunther et Wanja Muguongo. John McAllister a édité le
rapport. Ce rapport a été traduit de l’Anglais au Français par Geneviève Haines. La mise en page est de MAKEWELL et toutes les photos
sont de Mariam Armisen. Merci à toutes et tous les participantes !
Profonde gratitude à tous les activistes LGBTQ et membres des LGBTQ communautés, partenaires locaux et autres principaux alliés
qui ont bien voulu consacrer un peu de leur temps précieux à nos consultantEs lors des visites dans les pays.
Merci aussi à tous les bailleurs de fonds internationaux qui ont pris le temps de répondre à l’enquête en ligne.
Le soutien et la participation des bailleurs de fonds suivants a permis la réalisation de ce travail : Anonyme, American Jewish World
Service, Astraea Lesbian Foundation for Justice, Foundation for a Just Society, Ford Foundation et East African Sexual Health and
Rights Initiative (UHAI-EASHRI) et Open Society Foundation.
TERMINOLOGIE
Dans ce rapport, le/la lecteur/trice rencontrera les acronymes « HSH », « LGBTQ » et « (hommes) gays » : cette diversité
terminologique s’explique par l’histoire de la mobilisation des personnes LGBTQ en Afrique de l’Ouest, la diversité même de
l’auto-identification et la complexité de la différenciation entre un politique personnel d’unE répondantE et la manière dont
les organisations décrivent leur activité. Certaines organisations situent leur travail dans le secteur du VIH/sida et ciblent les
populations HSH, mais partagent ensuite, au fil de la discussion, leur aspiration à couvrir la thématique LGBTQ. Il arrive aussi
qu’un répondant s’identifie comme gay travaillant pour une organisation HSH. Il serait certes utile d’éclaircir l’ambivalence
HSH/LGBTQ, mais tel n’est pas l’objectif de ce rapport.
En Afrique de l’Ouest, les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, • L’état du mouvement – Cartographie de l’organisation
transgenre et queer (LGBTQ) vivent dans un environnement de plus LGBTQ et HSH en Afrique de l’Ouest résume les tendances
en plus hostile. La vague récente de lois homophobes, de violences géographiques de l’organisation LGBTQ, les problèmes
et d’arrestations recentrent l’attention sur les combats que mènent majeurs des communautés et des personnes LGBTQ,
les LGBTQ dans la région. Historiquement, les hommes gays et les stratégies et réponses communes des organisations
autres hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes et activistes LGBTQ et HSH, les lacunes actuelles et les
(HSH) bénéficient principalement de l’attention philanthropique (en questions non encore explorées par les organisations. Cette
particulier face à la pandémie du VIH/sida), marginalisant de ce fait section décrit aussi les conditions de travail des associations
les problèmes propres aux lesbiennes, aux femmes bisexuelles, aux et organisations LGBTQ et HSH. Elle se termine par un
personnes trans*1 et autres identifiées comme queer et au genre résumé des acquis, à ce jour, du mouvement émergent, tels
non conforme en Afrique de l’Ouest. Ces dernières années toutefois, qu’articulés par les participantEs à l’enquête.
de nouvelles organisations LGBTQ d’assise plus large font leur
apparition, souvent même sous la conduite de femmes queer ou • Sources d’appui – Cartographie des pourvoyeurs d’appui
au genre non conforme. Ces organisations se trouvent confrontées technique et des bailleurs de fonds et Sources de fonds
à de nombreux défis, parfois semblables, dans l’établissement de – Défis du financement donnent un aperçu du contexte
leur structure et le soutien de leur travail, et ce particulièrement en plus large des organisations LGBTQ et HSH en quête de
Afrique francophone où l’infrastructure de la société civile LGBTQ financement et de partenariats internationaux dans la
est relativement faible. région. Cette section présente une information de base sur
les principales organisations internationales actives dans
Face à ces défis – et du fait de l’intérêt grandissant des bailleurs la région sur le plan des droits et de la santé des LGBTQ et
de fonds envers l’activisme LGBTQ local, un groupe de bailleurs de HSH. Elle décrit aussi brièvement les difficultés rencontrées
fonds et d’activistes2 s’est réuni en 2013 pour proposer la création par les organisations LGBTQ et HSH d’Afrique de l’Ouest à
d’un fonds bilingue géré et dirigé par les activistes LGBTQ d’Afrique travers la mobilisation des ressources.
de l’Ouest. Elles ont commandité, dans un premier temps, une
analyse de la mobilisation communautaire et des organisations • Enfin, Attentes et recommandations pour un fonds LGBTQ
LGBTQ dans la région. Six consultantEs ont été chargéEs de la compile les conseils et recommandations des activistes,
recherche, auprès d’un total de 50 associations et organisations organisations et bailleurs de fonds, dans le but d’éclairer
et de 180 activistes originaires de neuf pays d’Afrique de l’Ouest l’approche, les priorités et la gouvernance du fonds.
(Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Ghana, Liberia, Mali, Nigeria,
Sénégal et Togo). Nous existons : Cartographie des organisations Bref aperçu de la mobilisation LGBTQ, ce rapport ne se veut pas
LGBTQ en Afrique de l’Ouest présente les conclusions de l’analyse exhaustif. Il dresse plutôt un tableau général du mouvement
en cinq sections : LGBTQ dans une région vaste et plurielle, et centre les diverses
perspectives et expériences des activistes et des organisations
• Contexte dresse un tableau récapitulatif de l’environnement présentes sur le terrain.
juridique dans lequel évoluent les LGBTQ, analyse les
tendances juridiques et politiques clés, présente un bref
historique de la mobilisation des personnes queer en
Afrique de l’Ouest, et présente enfin un aperçu général
des principales catégories actuelles d’activisme et
d’organisation, y compris les caractéristiques clés de la
culture régionale.
1.1. NÉCESSITÉ D’UN MÉCANISME DE envisagés principalement à travers le prisme de la santé publique,
FINANCEMENT GÉRÉ ET DIRIGÉ PAR LES tandis que les problèmes des lesbiennes, des femmes bisexuelles,
ACTIVISTES LGBTQ EN AFRIQUE DE L’OUEST des personnes trans* et autres identifiées comme queer et au
genre non conforme en Afrique de l’Ouest demeurent marginalisés.
En Afrique de l’Ouest, les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles,
transgenre et queer (LGBTQ) vivent dans un environnement de Un changement d’approche se manifeste toutefois, tandis
plus en plus hostile. L’adoption de la loi portant interdiction du qu’activistes et bailleurs de fonds commencent à reconnaître :
mariage homosexuel (SSMPA) au Nigeria, une nouvelle législation
semblable en Gambie, les campagnes visant le même objectif • les limites du prisme de la santé publique sur le plan des
au Burkina Faso et dans d’autres pays et la vague de violence et droits sexuels,
d’arrestations en Gambie, au Nigeria et au Sénégal, ont recentré • les dangers de la stigmatisation de la communauté HSH par
l’attention sur les combats que mènent les LGBTQ dans la région. son association au VIH/sida,
• le besoin d’accorder une priorité égale aux autres
Force est de reconnaître toutefois que l’attention reste focalisée communautés LGBTQ, en particulier les femmes queer, les
sur les hommes gays et autres hommes ayant des rapports personnes trans* et au genre non conforme.
sexuels avec des hommes (HSH). En Afrique de l’Ouest comme
ailleurs, la pandémie du VIH/sida a ouvert certains des premiers De nouvelles organisations LGBTQ, d’assise plus large, font leur
espaces d’activisme LGBTQ. Le ciblage résultant sur le segment apparition, souvent même sous le leadership de femmes queer
HSH de la population LGBTQ a façonné le mouvement LGBTQ ou au genre non conforme. Ces organisations luttent cependant
naissant et rétréci d’autant l’accès au financement et à l’appui pour subvenir à leurs besoins ou se développer, face aux
technique. Les droits des LGBTQ en Afrique de l’Ouest restent obstacles qui leur sont opposés :
2.1 CONTEXTE JURIDIQUE • Vide juridique où la loi ne criminalise pas les pratiques
homosexuelles, pas plus qu’elle ne protège les droits
La question de savoir si les exécutions des LGBTQ.
• Protection légale avec reconnaissance explicite des droits
prononcées pour des délits tels que
des personnes homosexuelles (Cap Vert seulement).
l’homosexualité et le lesbianisme sont ...
excessives est une affaire de point de vue ; L’Afrique de l’Ouest est depuis peu le terrain d’une montée de
telle peine paraissant disproportionnée pour l’homophobie soutenue par l’État. En janvier 2014, une loi portant
certains, peut très bien sembler tout à fait interdiction du mariage homosexuel (SSMPA) a été promulguée
appropriée et juste pour d’autres. au Nigeria, punissant d’une peine d’emprisonnement à
perpétuité certains actes homosexuels et rendant même illégale
– Joseph Ayalogu, ambassadeur du Nigeria
aux Nations Unies, 19 septembre 2006 l’organisation des LGBTQ.
L’Afrique de l’Ouest est une vaste et diverse région, où les lois L’enregistrement et l’exploitation de clubs,
applicables aux LGBTQ varient d’un pays à l’autre. Les contextes sociétés et organisations homosexuels, de même
juridiques se répartissent toutefois en quatre grandes catégories : que la participation à de tels associations et
que toute manifestation publique, directe ou
• Criminalisation explicite en vertu, généralement, des lois
indirecte, d’une relation amoureuse homosexuelle
coloniales « anti-sodomie ».
• Criminalisation implicite en vertu de textes vagues sont interdits au Nigeria. La violation de cette
condamnant les actes « indécents » ou « contre nature ». disposition constitue une infraction passible,
La SSMPA vient renforcer une législation déjà en place: Par ailleurs, l’âge du consentement est utilisé dans plusieurs
tous les états du sud du Nigeria criminalisent et punissent pays francophones pour réglementer davantage la sexualité
l’homosexualité d’une peine pouvant aller jusqu’à 14 ans entre personnes de même sexe. Au Bénin, bien que l’âge du
d’emprisonnement. Dans les états du nord soumis à la charia, la consentement hétérosexuel soit de 15 ans, il est fixé à 21 ans pour
sentence maximale applicable aux musulmans (et à tous ceux les relations homosexuelles. Le code pénal béninois dispose que :
qui consentent à son application)5 est la mort par lapidation. En
2014, la Gambie a également durci ses lois existantes moyennant « toute personne qui commet un acte indécent ou
la stipulation d’une peine d’emprisonnement à perpétuité pour un acte contre nature avec une personne du même
le délit défini d’« homosexualité aggravée »6. En février 2015, sexe âgée de moins de 21 ans sera passible d’une
au Burkina Faso (tombant jusque-là dans la catégorie du vide
peine de prison pouvant aller de six à trois ans et
juridique), un nouveau projet de loi a été introduit, cherchant à
d’une amende de 20 000 à 50 000 francs »10.
criminaliser l’homosexualité qu’il qualifie d’« animalité »7.
Sans agenda politique explicite, ces rassemblements n’en étaient Les HSH ont été plus exposés en termes de
pas moins politiques en soi. Car les personnes marginalisées reconnaissance, et de structures de soutien,
agissent politiquement dès le moment où elles créent des espaces voyez-vous. C’est pourquoi les associations
qui leur permettent de s’exprimer, d’être libres et de définir leurs
HSH semblent plus avancées sur le plan de
propres communautés. Cet héritage des rassemblements sociaux a
favorisé l’émergence ultérieure d’un activisme et de communautés
l’organisation, du leadership et de la coordination
LGBTQ explicites. Selon Dorothy Aken’Ova, fondatrice et directrice [par rapport aux] … associations de lesbiennes,
de International Centre for Reproductive Health and Sexual transgenre ou d’autres groupes vulnérables.
Rights (INCRESE) à Minna (Nigeria) : « Le début au Nigeria, disons
l’entrée en politique et en activisme, a été, en réalité, marquée par 2.2.2. Émergence des structures identitaires et
toutes sortes de groupes sociaux fragmentés et semi-organisés. priorisation des questions
» De même, au Togo, le Club des Sept Jours, première association
HSH du pays, est née d’un groupe d’amis « rassemblés par leurs Au début, les associations HSH prenaient en quelque sorte en
problèmes et leurs besoins communs » (Christian, chargé de compte l’ensemble de la communauté LGBTQ. Les lesbiennes et
programme, Club des Sept Jours). les femmes queer étaient souvent invitées aux événements de
promotion du dépistage du VIH, par exemple. Avec la priorisation
Vers la fin des années 1990 et le début des années 2000, la de la prévention du VIH/sida chez les HSH toutefois, et la pression
nécessité de faire face au VIH/sida, parmi les HSH, a ouvert des bailleurs de fonds en faveur de programmes exclusivement
quelques-uns des premiers espaces formels d’organisation des axés sur cette population, la marginalisation des autres minorités
hommes gays et au genre non conforme en Afrique de l’Ouest. À sexuelles n’a pas tardé. Les personnes lesbiennes, bisexuelles
travers différents contextes, l’organisation autour du VIH/sida suit et trans* se sont trouvées reléguées au rôle de pairs éducateurs
un schéma plus ou moins similaire : au service des HSH, sans considération pour leurs propres
3.1. SITUATION GÉOGRAPHIQUE Une façon consiste à inviter les leaders locales aux ateliers et
autres manifestations organisés en ville et de les aider ainsi à
En Afrique de l’Ouest, l’activisme LGBTQ reste principalement développer leurs compétences et à étendre leur réseau.
confiné aux villes, où l’anonymat urbain offre plus de liberté
individuelle et où l’espace public de certains restaurants et night- Pour raisons de sécurité, les noms de la plupart des associations
clubs favorise, par comparaison, plus de visibilité. La mobilisation et organisations ne sont pas publiés dans cette version du
communautaire en est plus simple, surtout durant les phases rapport. Le Tableau 2, en annexe, indique simplement le nombre
initiales de l’organisation. d’associations et d’organisations connues dans chaque pays
participant à cette enquête.
Plusieurs projets de recherche internationaux récents ont
relevé la situation de la santé sexuelle des HSH et gays dans les
milieux semi-ruraux et réaffirmé la nécessité de se rapprocher 3.2. ISSUES, PRIORITIES AND RESPONSES
de ces communautés. Différentes organisations HSH et, de plus
en plus, les organisations dirigées par les lesbiennes et les Il existe d’autres questions au-delà du SIDA.
femmes queer, ont depuis commencé à étendre leurs activités Je n’aime même pas le terme HSH, qui donne
au-delà des capitales. Presque toutes celles interviewées dans l’impression que tout ce que nous faisons, c’est
le cadre de cette enquête ont déjà adopté cette approche ou la
avoir des rapports sexuels du matin au soir. Nous
planifient. Elles se trouvent cependant confrontées à la question
de savoir comment créer une présence dans les communautés
voulons parler de nos droits humains. Que faire
de moindre envergure sans y exposer les personnes LGBTQ. quand nous avons contribué pendant des mois au
Services de santé L’une des lacunes les plus flagrantes dans le mouvement LGBTQ
L’objectif à long terme de certaines organisations HSH et gays émergent en Afrique de l’Ouest, est la sous-représentation des
est de gérer une clinique indépendante offrant une gamme de femmes queeret des personnes trans* parmi le leadership du
services de santé à leurs communautés. Plusieurs organisations mouvement. Nées d’initiatives VIH/sida entreprises dans la
ont déjà transformé une partie de leurs bureaux en centres de région, les organisations LGBTQ, en particulier celles mieux
dépistage et de counseling mais une seule, l’International Centre établies, sont généralement dirigées par des HSH et des gays.
for Advocacy and Rights to Health (ICARH) à Abuja, a réalisé
le rêve d’une clinique en propre. La plupart des organisations La culture de la mobilisation HSH et LGBTQ en Afrique de l’Ouest
proposent, au mieux, des services de santé de base ou reflète aussi celle patriarcale de la société au sens large. Aussi
complémentaires tels qu’un soutien psychosocial, des groupes de n’est-il pas rare de voir un certain sexisme sous-jacent dans
parole et la formation en pair éducation. Lorsqu’un membre de l’espace de l’activisme queer. Lors des reunions par exemple,
la communauté se trouve confronté à un problème de santé plus il n’est pas inhabituel – bien au contraire – de s’attendre à
grave, elles doivent faire appel aux réseaux de référence. ce que les activistes femmes se chargent de la logistique
Les associations et les organisations LGBTQ et HSH se Les organisations locales peuvent aussi se trouver confrontées à
trouvent confrontées à une multitude de défis : barrière de la d’impossibles exigences d’éligibilité. En plus d’onéreux rapports
langue, contraintes d’éligibilité, manque de capacité interne de financiers audités, certains bailleurs de fonds exigent des
mobilisation de fonds, priorités de financement non conformes organisations qu’elles justifient d’une expérience de la gestion
aux besoins des communautés et perceptions souvent négatives d’un certain niveau de financement. Ndèye Kébé, fondatrice et
des bailleurs de fonds à l’égard de la région. De plus en plus, présidente de Sourire de femme à Dakar (Sénégal) en voit le
les associations se trouvent aussi en concurrence avec les ONG résultat :
internationales qui élaborent leurs propres projets, mobilisent
les ressources et implémentent elles-mêmes les projets, en Ce cercle vicieux doit être brisé, parce que les organisations qui
affectant toutefois une petite portion des fonds aux associations n’ont jamais reçu de financement ne peuvent produire aucun
locales (principalement HSH) pour la réalisation d’activités rapport d’audit, et par conséquent ne peuvent être financées.
modestes. Les organisations locales s’en estiment souvent
lésées. Comme le souligne Dorothy, d’INCRESE, au Nigeria : La plupart des organisations de faible envergure ou émergentes
ne peuvent obtenir dans ces conditions que de maigre ressources
Les organisations internationales sont devenues les réalisatrices initiales, tandis que les ONG traditionnelles et internationales
de leurs propres projets. Elles apportent le financement, elles sont les seules éligibles pour des subventions plus importantes.
emploient le personnel auquel elles associent des locaux, puis Ironiquement, ces ONG reviennent ensuite vers les associations
elles vont sur le terrain et font la mise en œuvre. Nous qui avons locales pour la mise en œuvre des projets qu’elles ont proposés.
été sur le terrain pendant des années et qui avons de l’expérience
et des racines communautaires sommes mis de côté. La presque totalité des bailleurs qui financent les associations et
organisations LGBTQ se trouvent en dehors de la région. Urgent
Toutes les personnes qui ont contribué ont exprimé leurs attentes • Établir des processus simples de demande de subvention et
et leurs recommandations sur le mode de fonctionnement de soumissions de rapports.
approprié d’un fonds dirigé par les activistes LGBTQ. • Conduire régulièrement des visites de site pour constater
le travail des associations et organisation, et s’entretenir
Les suggestions données par les activistes et les autant avec le personnel et qu’avec les bénéficiaires.
organisations LGBTQ se répartissent en quatre
grandes catégories : 2. Priorités
1. Approche de l’octroi des subventions • Créer une plateforme où les activistes puissent se
rencontrer, s’organiser en réseau et définir leurs stratégies.
• Développer une compréhension approfondie du mouvement • Appuyer le réseautage et les alliances dans la région.
et sonder régulièrement ce qui se passe sur le terrain. • Financer les approches holistiques en matière de droits
• Effectuer une évaluation des besoins des nouvelles humains, en mettant l’accent sur les organisations LGBTQ.
associations avant d’entreprendre une relation de financement. • Fournir un soutien pluriannuel essentiel pour permettre aux
• Lancer d’abord un appel pour soumission de notes structures de renforcer leurs capacités institutionnelles et
conceptuelles et inviter ensuite les associations et d’élaborer et de mettre en œuvre des stratégies à long terme
organisations sélectionnées à soumettre des projets. (plaidoyer et lobbying compris).
• Effectuer des entretiens de suivi auprès des associations • Soutenir le développement organisationnel, y compris
et organisations qui ont soumis des projets pour s’assurer l’élaboration, la planification et la gestion de projets ainsi
qu’elles saisissent bien le contenu de leurs propositions. que la mobilisation de ressources.
Les recommandations des pourvoyeurs d’assistance Les bailleurs de fonds internationaux ont présenté les
technique, bailleurs de fonds locaux et organismes alliés recommandations suivantes :
se répartissent en trois catégories :
• S’associer aux initiatives existantes dans la région afin
1. Erreurs à éviter d’éviter des conflits potentiels.
• Faire en sorte que les pays et les activistes francophones
• Financer les organismes stratégiques alliés, et pas soient équitablement représentés et bénéficient d’un accès
seulement les associations LGBTQ et HSH. égal au financement, sans toutefois arrêter de décision
• Éviter le modèle de financement VIH, où beaucoup d’argent a prédéterminée quant à savoir si le fonds devrait être basé
été pratiquement gaspillé au début. dans un pays francophone.
• Définir un processus de financement concurrentiel et insister • Identifier un pays d’accueil offrant des conditions juridiques
sur la qualité des résultats. et fiscales favorables.
• Ne pas omettre les intervenants locaux, notamment les • Trouver le juste équilibre entre les priorités de la
philanthropes locaux. Les financements internationaux communauté, des structures et des bailleurs de fonds.
ne sont pas intarissables. Pour éviter le problème, il est • Assurer un pilotage prudent des rôles multiples, notamment
important de trouver des approches créatives pour engager celui d’activiste et de pourvoyeur de subventions.
les acteurs locaux dès le début. • Assurer un revenu durable et diversifié pour le fonds.
• Gérer soigneusement le fonds afin d’éviter une réaction
2. Établissement du fonds potentielle dans une région abritant des médias
sensationnalistes et homophobes.
• Bien réfléchir à la structure et à la gestion du fonds, pour • Appuyer la protection et la sécurité des activistes.
s’assurer qu’ils soient transparents, responsables et réactifs.
• Mettre en place un mécanisme qui implique des activistes de
différents pays, selon une diversité d’approches.
Le Code pénal amendé en 1949 dispose que: « Sera puni d'un emprisonnement de six mois à trois
ans et d'une amende de 20 000 F à 50 000 F quiconque aura commis un acte impudique ou contre
nature avec un individu de son sexe mineur de vingt et un ans ou moins22. » En 2008, une tentative de
BÉNIN
révision du Code pénal visant la décriminalisation de l’homosexualité entre adultes consentants mais
maintenant l’âge de consentement à 21 avec une personne de même sexe (contre 15 pour les actes
hétérosexuels) a échoué.
Aucune pénalisation de l’homosexualité. On peut être condamné pour attentat à la pudeur, corruption
BURKINA FASO
des jeunes ou prostitution seulement.
Aucune pénalisation de l’homosexualité, mais une disposition de l’Article 360 du Code pénal pénalise
CÔTE D’IVOIRE
certaines pratiques, comme l’attentat à la pudeur.
En 2004, l’Article 71 du Code pénal pénalisait l’homosexualité « comme un vice contre nature »,
mais la révision 2014 du Code pénal a supprimé cette disposition, légalisant ainsi effectivement
CAP VERT
les pratiques homosexuelles. En 2008, les Articles 45(2) et 406(3) du Code de travail ont interdit la
discrimination fondée sur l’orientation sexuelle.
L’Article 325 du Code pénal punit les actes homosexuels de six mois à trois ans d’emprisonnement et
GUINÉE CONAKRY
d'une amende de 100 000 – 1 000 000 de francs guinéens (environ 14 – 143 dollars américains).
En vertu du chapitre 14 (Article 14.74) du Code pénal : « Une personne ayant des rapports sexuels
déviants dans des circonstances non énoncées dans l’article 14.72 (en relation avec la sodomie
involontaire aggravée) ou 14.73 (portant sodomie involontaire) commet une infraction de premier
degré. » En outre, il définit le rapport sexuel comme tout acte « intervenant après pénétration, aussi
LIBERIA faible soit-elle », qu’il y ait éjaculation ou pas, et « le rapport sexuel déviant » signifie « contact
sexuel entre deux êtres humains qui ne sont pas mari et femme ou vivant ensemble comme mari
et femme même s’ils ne sont pas mariés légalement, consistant en un contact entre le pénis et
l’anus, la bouche et le pénis ou la bouche et la vulve ». La peine minimale encourue est de 1 an
d’emprisonnement.
L’Article 308 du Code pénal de la Mauritanie punit les actes homosexuels perpétrés par des hommes
musulmans par la mise à mort par lapidation. Les actes homosexuels entre deux femmes sont
MAURITANIE
passibles d’une peine d’emprisonnement de trois mois à deux ans et d'une amende d’environ 17 –
207 dollars américains.
La peine maximale pour les pratiques homosexuelles dans les 12 États du nord qui pratiquent
la charia est la mise à mort par lapidation. Les actes sexuels entre les hommes sont illégaux
en vertu du Code pénal applicable au sud du Nigeria et sont passibles d’une peine maximale de
14 ans d’emprisonnement. La Loi portant interdiction du mariage homosexuel (janvier 2014)
interdit le mariage homosexuel et les unions civiles homosexuelles, qui sont passibles d’une peine
NIGERIA
d’emprisonnement de 14 ans. Toute personne qui « célèbre une cérémonie de mariage entre personnes
de même sexe ou une union civile, assiste à une telle cérémonie, y contribue ou l’encourage » commet
une infraction passible d’une peine d’emprisonnement de 10 ans. La loi interdit également, sous
peine d'emprisonnement de 10 ans, « l’enregistrement des clubs, des sociétés et des organisations
homosexuels, leur subsistance, processions et réunions ».
L’Article 61 de la Loi portant infractions envers les personnes (1891) dispose que « Est condamné, à
la discrétion de la Cour, à la servitude pénale à perpétuité, ou à toute autre peine d’au moins 10 ans,
SIERRA LEONE
quiconque se rend coupable de l’abominable infraction de sodomie, commise sur un être humain ou
un animal. »
BÉNIN 1
BURKINA FASO 2 1
CÔTE D’IVOIRE 4 1
GHANA 2 0
LIBERIA 3 1
MALI 0 0
SÉNÉGAL 16 1
TOGO 4 1
9
Ibid. 21
D’après le site web de FHI 360, consulté le 15 juillet sur http://www.
fhi360.org/news/new-hiv-project-targets-most-risk-west-africa
10
Queer African Youth Network (2015): Il ne faut pas réveiller le lion qui
dort : cartographie juridique de la situation des personnes LGBTQ en 22
Toutes les citations incluses dans ce tableau proviennent de Laws on
Afrique de l’Ouest francophone. Homosexuality in African Nations. Library of Congress: http://www.loc.
gov/law/help/criminal-laws-on-homosexuality/african-nations-laws.
11
Goorjigéén – Mot wolof utilisé au Sénégal et en Gambie pour désigner php#_edn91
un homme gay ou efféminé.
23
Ce nombre varie suivant le nombre d’associations HSH et LGBTQ
12
Tchié tè mousso tè – Mot bambara de signification similaire à celle courantes au Nigeria donné par les activistes.
de goorjigéén, utilisé au Mali, au Burkina Faso et dans d’autres
communautés de langue bambara et dioula. 24
Trois groupes sont actuellement en cours d’établissement.