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par
Mohamed BASSIM
Equipe de Recherche et d’Etudes sur le Genre (EREG)
Université Hassan II de Casablanca
Introduction
La famille demeure l’institution privilégiée de la
socialisation et de la transmission des valeurs. C’est aussi
l’espace essentiel où un ensemble de personnes sont apparentées
par la consanguinité et/ou l’alliance.1 Cette instance familiale
constitue un lieu où s’exercent les rapports de pouvoir entre les
hommes et les femmes. En effet, la famille est un espace où ses
membres entretiennent des rapports de domination, d’oppression
et de soumission. Cela veut dire que les relations sociales
manifestent des rapports de pouvoir installant ainsi une hiérarchie
entre les sexes. Cela dit, le rapport social entre les sexes est donc
toujours hiérarchisé2 et inégalitaire mettant les hommes en
position dominante infériorisant ainsi les femmes. Autrement dit,
il y a un ensemble de représentations sociales qui cristallisent et
légitiment la hiérarchie entre les hommes et les femmes dans
l’institution familiale. En ce sens, François Singly atteste que
« La famille est devenue de plus en plus un espace dans lequel les
1
DECHAUX, J.H. 2009 : Introduction / Une sociologie du changement
familial », Sociologie de la famille, La Découverte, Repères, Paris,
www.cairn.info/sociologie-de-la-famille--9782707158031-page-3.htm,
consulté le 18 Juin 2016 à 10heures.
2
SEGALEN, M., et MARTIAL, A., 2013 : Sociologie de la famille,
Armand Colin, Paris, p. 18.
17
individus pensent protéger leur individualité (valorisée en tant
que telle) et « un organe secondaire de l’Etat » qui contrôle,
soutient, régule les relations des membres de la famille»1.Tel est
le cas du model familial que Abdelhak Serhane ne cesse de
mettre en exergue à travers sa création littéraire. Cet écrivain, qui
est l’un des piliers de la littérature marocaine d’expression
française, dévoile dans la quasi-totalité de ses écrits romanesques
les rapports oppressifs et inégalitaires qui marquent la famille
marocaine traditionnelle, et qui accordent de manière flagrante un
tas de privilèges à la gente masculine au dépens de la gente
féminine. Dans cette dimension, les écrits fictionnels de cet
auteur dévoilent la conception traditionnelle de la famille qui
anéantie le rôle de l’épouse au moment où « la supériorité
masculine domine la conception de l’existence 2».En fait,
Abdelhak Serhane révèle une domination étouffante du père qui
condamne les siens à l’inexistence et au silence. Il fait écho avec
la réalité vécue dans sa famille rurale à l’époque de son enfance,
sous la forme d’une autobiographie romancée. Par conséquent, il
aborde de manière explicite les problèmes sociaux, notamment
ceux qui sont en étroite relation avec la famille marocaine qui est
jusque-là lourdement régie par les normes patriarcales.
Ce travail vise à approfondir la connaissance des formes
hiérarchiques et de l’autorité au sein de la famille à travers un
roman marocain intitulé L’homme qui descend des montagnes
d’Abdelhak Serhane. Dans cet ouvrage, l’auteur brosse l’image
d’un père tyrannique et autoritaire, tandis que la mère est toujours
cantonnée dans une image de soumission, de mutisme et
d’obéissance. En effet, le système patriarcal constitue un rempart
entravant l’émancipation de la mère. En revanche, Abdelhak
Serhane met en scène la figure d’un père violent et autoritaire à
l’égard de sa femme et de sa filiation.
1
DE SINGLY, F., 2010 : Sociologie de la famille contemporaine,
Armand Colin, Paris, p.5.
2
NAJIB, R., 1994 : La représentation de la femme l’œuvre d’Abdelhak
Serhane, Bulletin of Francophone Africa, N°5, pp. 28-40.
18
De ce fait, nous allons tenter de démontrer tout au long
de cet article comment s’instaurent les rapports de pouvoir entre
les sexes et dans quelle dimension l’auteur dénonce-t-il ces
rapports hiérarchiques en installant une forme de contre-pouvoir.
Pour ce faire, nous allons adopter l’approche genre comme un
outil d’analyse permettant de décortiquer et d’analyser les
rapports inégaux entre les hommes et les femmes. Le genre en
tant que théorie sociologique permet d’appréhender la différence
entre les hommes et les femmes socio-culturellement construite et
interroge la hiérarchie établie entre les sexes comme le démontre
Christine Delphy : « Cette peur révèle une vision statique, donc
essentialiste, des hommes et des femmes, corollaire de la
croyance que la hiérarchie serait en quelque sorte surajoutée à
cette dichotomie essentielle»1.
1
DELPHY, C., 2008 : L’Ennemi principal, penser le genre, Tome 2,
CNRS, Paris, p.99.
2
SERHANE, A., 2009 : L’homme qui descend des montagnes, Seuil,
Paris, p.29.
19
persécuteur1. Il est le maitre de sa maison, le maitre de sa femme,
le maitre de ses enfants. C’est une fatalité lourde de conséquences
sur la mère. Celle-ci devrait supporter son destin. Elle est mise à
l’écart, réduite au silence et au mutisme. Son rôle se résume dans
la servitude de son époux et dans l’assouvissement de ses besoins
surtout charnels. Par ailleurs, le père fait preuve, tout au long de
l’œuvre, d’une grande virilité dans son rapport à l’égard de sa
femme. Pour lui, la femme n’est qu’un corps, objet de désir et de
plaisir. Ce corps maigrichon est considéré par le père comme une
simple machine à procréer. De surcroit, ce personnage de la mère
subit d’intenses abus sexuels de son époux. Cela atteint le degré
de violation. En ce sens, l’auteur énonce qu’« en imaginant le
sexe monstrueux de mon père défonçant la chair tuméfiée de ma
mère, arc-boutée au fond du lit et pensant probablement au
meilleur moment d’assassiner son mari sans éveiller de
soupçons 2». Ainsi, s’offre au lecteur un véritable acte de virilité
violente qui massacre le corps fétiche de la mère. A ce propos,
Najib Redouane présente cette perversion du père comme « la
perspective de la subordination absolue et de la soumission totale
que s’inscrit l’essence même de la femme-épouse3 ».
Par conséquent, ce rapport du couple père/mère dans le
roman d’Abdelhak Serhanem et au-devant de la scène un modèle
traditionnel s’opposant catégoriquement à celui qui a été
constamment présenté par Fatéma Mernissi. Elle envisage une
notion du couple qui reconnait l’existence de la femme. Celle-ci
devrait jouir naturellement d’une reconnaissance sociale. A cet
égard, la sociologue atteste que « mon père aimait tant sa femme
qu’il était malheureux de ne pas accéder à ses désirs. Il ne
1
Najib, R., 1994 : La représentation de la femme dans l’œuvre
d’Abdelhak Serhane, Bulletin of Francophone Africa, N°5, pp. 28-40.,
p. 32.
2
SERHANE, A., 2009 : L’homme qui descend des montagnes, Seuil,
Paris, pp. 36, 37.
3
NAJIB, R., 1994 : La Représentation de la femme dans l’œuvre
d’Abdelhak Serhane, Bulletin of Francophone Africa, N°5, pp. 28-40.
20
cessait de proposer des compromis1 ». Il en ressort, un nouveau
comportement conjugal qui fait rupture avec le système familial
traditionnel et patriarcal qui est bien élucidé dans le roman de
L’homme qui descend des montagnes.
1
MERNISSI, F., 1997 : Rêves de femmes, Le Fennec, Casablanca. p. 99.
2
De BEAUVOIR, S., 1949 : Le deuxième sexe, Gallimard, Paris, p.
445.
3
SERHANE, A., 2009 : L’homme qui descend des montagnes, Seuil,
Paris, p. 27.
21
général, bien intégrées par la communauté »1. Ainsi, Abdelhak
Serhane fait allusion à cet état de figure et dit à propos de
l’obéissance exagérée de sa mère qu’« Elle s’adressait à son mari
comme s’il était absent. Signe de respect affecté qui signifie que,
en présence du maître des lieux, la petite femelle ne prononcerait
pas un mot, ne lèverait pas la voix et baisserait les yeux jusqu’à
terre pour éviter que la foudre ne s’abatte sur elle et l’anéantisse
comme une punaise 2».Cette résignation fait l’objet d’une image
métaphorique entre la mère et une vache soumise « Mi accepta
cette nouvelle offense sans broncher. Elle était soumise et
résignée. Mi est vache soumise et résignée 3».
22
vue d’acquérir un sens de la famille, il postule que« l’évolution
du sens de la famille et de l’individu s’effectue en référence à une
conception d’un individu moins soumis à des autorités
extérieures, mais comprenant par une augmentation d’une
régulation personnelle"1.
1
DE SINGLY, F., 2010 : Sociologie de la famille contemporaine,
Armand Colin, Paris, pp., 56, 57.
2
SERHANE, A., 2009 : L’homme qui descend des montagnes, Seuil,
Paris, p. 41.
23
ces abus sexuels exercés sur le corps de la mère. Dans cette ligne
de pensée, Abdessamad Dialmy montre que « dans la relation
sexuelle conjugale, le recours au pouvoir est condamné 1».
Par conséquent, il s’avère que le rapport du père/mèreest
conflictuel. Le père se comporte en maitre détenteur d’autorité2.
Il est indifférent aux souffrances et aux misères de son épouse.
Ses gémissements et ses pleurs ne parviennent aucunement à
émouvoir son patriarche. L’attitude tyrannique du père éclipse
tout espoir d’entretenir des rapports égalitaires et détendus à
l’égard de sa femme. Face à ce despotisme paternel, la mère
utilise des stratégies de l’évitement.
1
DIALMY, A., 2009 : Critique de la masculinité au Maroc, Warzazi,
Rabat, p. 98.
2
BENZAKOUR-CHAMI, A., 1987 : Regards de femmes, Regards
d’hommes, Wallada, Casablanca, p.42.
24
Quand ils deviendront des hommes, on en reparlera. A partir de
ce moment je ne veux plus voir leur mine misérable »1 .
Il appert manifestement de cette attitude du père que son
autoritarisme absurde est traumatisant pour ses jeunes enfants.
C’est une véritable entrave dans leur socialisation familiale. Ce
constat est affirmé par Anne-Marie Fontaine qui énonce
que « l’autoritarisme parental est intégré par les adolescents
dans un réseau de significations cohérent. Cet aspect fonctionnel
de l’autoritarisme est plus fréquemment rapporté par les jeunes
de niveau socio-économique bas dont les parents sont par
ailleurs plus autoritaires »2.
1
SERHANE, A., 2009 : L’homme qui descend des montagnes, Seuil,
Paris, p. 36.
2
Fontaine, A.M et Pourtois, J.P, Regards sur l’éducation familiale,
représentation, responsabilité, intervention, Paris- Bruxelles : De Boeck
Université, 1998, p. 24.
3
SERHANE, A., 2009 : L’homme qui descend des montagnes, Seuil,
Paris, p. 36.
25
rapidement vers un désir de mort, perçue comme une mort
libératrice pour toute la famille »1.
C’est en fait un rapport de distance qui illustre le
sentiment de haine à l’égard du père. Pourtant, le narrateur et son
frère subissent les caprices de leur géniteur. Leur mère ne
manque pas de rappeler à ses deux fils de subir et de
s’accoutumer à l’autorité de leur géniteur tout en restant vigilant
quant aux changements de son humeur. La mère idéalise cette
obéissance qu’il est vain de contrarier« Mais il fallait rester
prudents, baisser la tête, tout accepter du père, tant son humeur
était instable et changeante » 2. La mère fait une transmission
d’un schéma traditionnel qui met au centre la perpétuité de la
soumission totale à l’autorité du père. Ceci dit que dans la famille
traditionnelle, les liens internes se caractérisent par une immense
emprise presque totale des parents sur leurs enfants3. Cela dit, les
deux enfants ont intériorisé une éducation les incitant à prendre
l’écart de la violence du père. Ce qui signifie, aux yeux de leur
mère, le point culminant d’un processus d’éducation réussi4. Ceci
dit que « La violence du réel est si fortement intériorisé par les
personnages qu’elle devient un ordre, un fait, voire un
1
BAEN, G., Violeta M., 2006: Messaouda : un autre exemple d’enfance
saccagée in sous la dir. Khalid Zekri, Abdelhak Serhane ; une écriture
de l’engagement, L’Harmattan, Paris, p. 81.
2
SERHANE, A., 2009 : L’homme qui descend des montagnes, Seuil,
Paris, p.45.
3
EL HARRAS,M., 2006 : les mutations de la famille au Maroc, in
Société, Famille, Femmes et Jeunesse,p. 104.
4
TAOUABLI, R., 1998 : Mère et Fille à l’épreuve de la norme familiale,
l’exemple maghrébin in sous la dir. Dore-Audibert, Andrée et Khodja,
Souad, Etre femme au Maghreb et en Méditerranée, du mythe à la
réalité, Kathala, Paris, p. 86.
26
destin » 1.Il s’agit ici d’un processus de socialisation qui favorise
l’assimilation de concepts culturellement partagés2.
Pour ce chef de famille voulant rester au trône du pouvoir
,la scolarisation de ses enfants constitue un danger contre sa
suprématie familiale. L’école est source de peur qui risque de
faire perdre au père le sens de sa domination masculine. Cette
peur atteint son paroxysme car le père sera dépassé par ses
enfants. Il est conscient que l’école amène une transition
contrastée ; son infériorité face à la supériorité et le rehaussement
du statut de ses enfants. De ce fait, le père exprime son mépris
envers la scolarité de ses fils. Il fait de la censure au parcours
scolaire de ses enfants. En outre, il désencourage et démotive son
fils et fait l’éloge de l’ignorance:
1
MOUSTIR H., 2011 : Devenir Littéraire dans la littérature marocaine
contemporaine de Langue Française in Langues et Littératures, vol.21,
pp.43-59.
2
FONTAINE, A.M et POURTOIS, J.P, 1998 : Regards sur l’éducation
familiale, représentation, responsabilité, intervention, De Boeck
Université, Paris- Bruxelles, p. 50.
3
SERHANE, A., 2009 : L’homme qui descend des montagnes, Seuil,
Paris, p. 60.
27
se rend compte qu’il n’aura plus d’autorité sur ses fils après leur
réussite scolaire. Plus loin encore, le père jette toute la
responsabilité sur son épouse quant à cette décision de scolariser
ses enfants à l’école dite moderne : « Il avait décrété que notre
scolarité ne le concernait pas et que notre mère devrait assumer
seule les conséquences d’un tel choix devant Dieu 1». En fait,
pour le narrateur partir à l’école c’est gagner une vie
paradisiaque. L’apprentissage d’une nouvelle langue met en crise
le pouvoir oppressif du père. Elle procure une arme et un
instrument pour la découverte d’une culture différente : « Se
battre pour être dans cette langue comme dans un pays d’accueil
ou une terre d’exil »2. En fait, le narrateur entretient un rapport
d’amour avec cette langue étrangère qu’il conçoit comme
libératrice.
Le père lance un défi à son fils en lui promettant l’achat
d’un vélo en cas de réussir l’accès en sixième année « Si tu
réussis cette année ton entrée en sixième, je t’achète un vélo»3.
Ce n’est ni une motivation ni un encouragement qui exhorte au
travail, plutôt un défi déstabilisant la confiance en soi du jeune
narrateur. Ce père remet en cause les compétences de son
fils « Ce n’était ni une promesse pour m’exhorter au travail, ni
une invite généreuse à me rendre meilleur. C’était un défi que me
lançait le père au milieu du repas du soir»4. Un tel défi a produit
un effet d’effroi pour le narrateur. Il l’associe à un coup de
poignard au dos. Pour lui, c’est une promesse maudite. Cette
réticence du père, aux études de son fils, est liée à son désir de ne
pas perdre du contrôle sur son fils. De ce fait, l’école, pour ce
père ignorant, est un objet de prédilection engendrant, chez lui,
un souhait d’échec de son fils plus que son succès. Ce père qui
honore son engagement, après le bon résultat inattendu de son
1
Ibid., p.45.
2
Ibid., p.61.
3
Ibid., p.68.
4
Ibid., p.67, 68.
28
fils, n’est pour le jeune narrateur qu’un acte visant de « préserver
sa crédibilité au sein de la famille et de la communauté »1.
1
Ibid., 73.
2
KHATTARI S., 2011 : L’épanouissement de l’individu dans la
Nouvelle littérature marocaine d’expression française : L’homme qui
descend des montagnes de Serhane et le Fond de la jarre de Laâbi, in
Langues et Littératures, Vol.21, pp. 153-168.
3
BAEN, G., Violeta M., 2006: Messaouda : un autre exemple d’enfance
saccagée in sous la dir. Khalid Zekri, Abdelhak Serhane ; une écriture
de l’engagement, L’Harmattan Paris, p. 82.
29
de la société met à jour une intimité dont les
codes révèlent en profondeur des rapports de
genre, les relations interpersonnelles ou les
interactions s’exerçant entre un(e)individu et son
groupe d’appartenance. Ces fractures qui brisent
le quotidien d’une famille reflètent un certain
type d’organisation des rapports individuels et
sociaux »1.
1
LAMBERT K., 2013 : Genre, pouvoirs et criminalité intrafamiliale en
Provence dans la première moitié du XIX siècle, in Anglade M.P., et al.,
Expériences du genre, intimités, marginalités, travail et migration,
Karthala et Le Fennec, Paris, Casablanca, p. 49.
2
SEGALEN, M., et MARTIAL, A., 2013 : Sociologie de la famille,
Armand Colin, Paris, p. 18.
3
Ibid., p.19.
4
SERHANE, A., 2009 : L’homme qui descend des montagnes, Seuil,
Paris, p. 40, 41.
30
une transgression avec l’omnipotence de et la prévalence
masculine. Elle met en péril le prestige viril de son époux. De
surcroît, c’est une stratégie de mise à nu de la hiérarchisation des
sexes. Cela va de pair avec l’idée qui consiste à démontrer que «
le vieux rêve de l’humanité- l’annulation de la différence ses
sexes- trouve, conjoint à la réalité du pouvoir des hommes, son
apogée dans l’affirmation de l’omnipotence masculine, qui peut
parvenir à absorber les caractéristiques du sexe féminin »1.
1
HURTIG, M.C., et al., 2002 : Sexe et genre, de la hiérarchie entre les
sexes, CNRS, Paris, p. 70.
2
BOURQUIA, R., 1996, Femmes et fécondité, Afrique-Orient,
Casablanca, p.69.
31
ne plus avoir d’enfants. Huit grossesses coup sur coup avaient
esquinté sa matrice et creusé ses cernes avant l’âge »1.
Quant au jeune narrateur, il adopte une attitude de
révolté. Une révolte contre son géniteur et contre les normes
sociales défaillantes. Tout au long du roman, « L’homme qui
descend des montagnes» le narrateur n’intériorise pas le modèle
patriarcal que son père essaie d’en faire l’ancrage. A cet égard, ce
narrateur-enfant approuve que « les adultes ne me permettaient
aucune faiblesse, aucun faux pas, aucune insubordination»2. Une
telle attitude, à propos des enjeux de la transmission, est en
parfaite adéquation avec ce que Merini Ahmed Farid note :
« L’adolescent semble en effet fermé à ce que les
parents veulent bien lui transmettre. Cette
opposition apparente qui peut parfois prendre la
forme de conflit incessant est une tentative pour
lui de trouver un écart suffisant, un espace de
liberté, afin qu’il puisse se construire sur le plan
des identifications de la sexualité3».
1
SERHANE, A., 2009 : L’homme qui descend des montagnes, Seuil,
Paris, p. 122.
2
Ibid., p.69.
3
MERINI, A- F., 2008 : Rêve et transmission : de la tradition à la
créativité, in Fatéma Mernissi, A quoi rêvent les jeunes? Marsam,
Rabat, p. 49.
32
père et mon frère allaient se charger d’aiguiser cette colère et de
donner à ma révolte sa vraie dimension »1.
Par ailleurs grâce au rêve, le narrateur réunit ses armes de
révolte par lesquels il désire la mort de son père. Ensuite l’école
lui délivre un pouvoir qui dépasse de loin celui de son père.
L’école est devenue pour lui «Un lieu de civilisation des
autochtones»2. Ceci dit que l’école met à la disposition du
narrateur un pouvoir et une arme de lutte que le père ne possède
guère. Il reconnaît les bienfaits de l’école en avouant
que « L’école me procura mes premières armes de lutte »3.
L’accès du narrateur à cette école, lui permet d’élargir sa
connaissance et d’ouvrir la voie de nouvelles représentations.
C’est une victoire du narrateur sur le pouvoir de son père et sur
les normes patriarcales archaïques.
Conclusion
33
subversion transgressant l’oppression et les injustices du
patriarche. L’adoption du genre comme un outil d’analyse nous a
permis ici l’appréhension des différents rapports de pouvoir
entretenus entre les individus au sein de la famille.
Ce processus de dénonciation entérine l’abolition de la
hiérarchie entre les sexes. De ce fait, l’auteur libère le personnage
de la mère à qui il a octroyé un pouvoir sexuel par lequel elle
réalise sa victoire sur son patriarche battu sur le plan sexuel. Cela
dit que la mère acquiert un contre-pouvoir qui la fait sortir des
ténèbres de son mutisme et de sa soumission. En somme, ce
personnage maternel aboutit à disposer librement de son corps.
Tandis que le jeune narrateur révèle son intention de rebelle en
refusant d’incorporer le modèle patriarcale de son père qu’il
dénonce de manière acharnée. De même, son processus subversif
va s’améliorer grâce à sa scolarisation qui peut rehausser son
statut et par conséquent sa position au sein de la société. En effet,
l’école lui donne une suprématie sur son géniteur ignorant. Ce qui
fait détrôner le père du pouvoir absolu et lui enlève son
despotisme.
Mohamed BASSIM
CEDoc en Sciences Humaines et Sociales
Laboratoire : Equipe de Recherche et d’Etudes sur le Genre
(EREG)
Université Hassan II de Casablanca
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Références Bibliographiques
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LAMBERT, K., 2013 :Genre, pouvoirs et criminalité
intrafamiliale en Provence dans la première moitié du XIX siècle, in
Anglade M.P., et al., Expériences du genre, intimités, marginalités,
travail et migration, Karthala et Le Fennec, Paris, Casablanca .
MERINI, A.F., 2008 : Rêve et transmission : de la tradition à la
créativité, in Fatéma Mernissi, A quoi rêvent les jeunes?Marsam, Rabat.
MERNISSI, F., 1997 : Rêves de femmes, Le
Fennec,Casablanca.
MOUSTIR, H., 2011 : Devenir Littéraire dans la littérature
marocaine contemporaine de Langue Française in Langues et
Littératures, vol.21, pp.43-59.
NAAMANE GUESSOUS, S., 2016 : Vous les hommes !,
Marsam, Rabat.
NAJIB, R., 1994 : La représentation de la femme dans l’œuvre
d’Abdelhak Serhane, Bulletin of Francophone Africa, N°5, pp. 28-40.
SEGALEN, M., et MARTIAL, A., 2013, Sociologie de la
famille, Armand Colin, Paris.
SERHANE, A., 2009 : L’homme qui descend des montagnes,
Seuil, Paris.
SERHANE, A.,1983 : Messaouda, Seuil, Paris.
TAOUABLI, R., 1998 : Mère et Fille à l’épreuve de la norme
familiale, l’exemple maghrébin in sous la dir. Dore-Audibert, Andrée et
Khodja, Souad, Etre femme au Maghreb et en Méditerranée, du mythe à
la réalité, Kathala, Paris.
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