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Aux modernes

Vous vivez lâchement, sans rêve, sans dessein,

Plus vieux, plus décrépits que la terre inféconde,

Châtrés dès le berceau par le siècle assassin

De toute passion vigoureuse et profonde.

Votre cervelle est vide autant que votre sein,

Et vous avez souillé ce misérable monde

D'un sang si corrompu, d'un souffle si malsain,

Que la mort germe seule en cette boue immonde.

Hommes, tueurs de Dieux, les temps ne sont pas loin

Où, sur un grand tas d'or vautrés dans quelque coin,

Ayant rongé le sol nourricier jusqu'aux roches,

Ne sachant faire rien ni des jours ni des nuits,

Noyés dans le néant des suprêmes ennuis,

Vous mourrez bêtement en emplissant vos poches.

Aux morts

Après l'apothéose après les gémonies,

Pour le vorace oubli marqués du même sceau,


Multitudes sans voix, vains noms, races finies,

Feuilles du noble chêne ou de l'humble arbrisseau ;

Vous dont nul n'a connu les mornes agonies,

Vous qui brûliez d'un feu sacré dès le berceau,

Lâches, saints et héros, brutes, mâles génies,

Ajoutés au fumier des siècles par monceau ;

Ô lugubres troupeaux des morts, je vous envie,

Si, quand l'immense espace est en proie à la vie,

Léguant votre misère à de vils héritiers,

Vous goûtez à jamais, hôtes d'un noir mystère,

L'irrévocable paix inconnue à la terre,

Et si la grande nuit vous garde tout entiers !

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