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Diversité culturelle nationale-performance de l’équipe :

une articulation à double sens


Anissa Louzir-Ben Hassine, Lassâad Lakhal
Dans Management & Avenir 2018/4 (N° 102), pages 89 à 105
Éditions Management Prospective Ed.
ISSN 1768-5958
DOI 10.3917/mav.102.0089
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Diversité culturelle nationale-performance de
l’équipe : une articulation à double sens
Anissa LOUZIR-BEN HASSINE1
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Lassâad LAKHAL2

Résumé
Cet article vise à étudier les retombées de la diversité culturelle
nationale sur la performance des équipes de travail. En effet,
le thème et le problème abordés offrent à notre réf lexion
des aspects jusqu’ici peu explorés. Répondant à ce déf i,
44 entretiens semi-directifs, traités par le logiciel Nvivo 7 en
suivant l’approche thématique pour l’analyse des données, avec
des équipiers de divers pays d’origine (France, Italie, Russie,
Belgique, Tunisie, Algérie, Maroc, Égypte, Cameroun,
Côte d’Ivoire et Mali) nous ont permis de comprendre en
profondeur comment l’articulation entre la diversité culturelle
et la performance de l’équipe est une articulation à double
sens en Tunisie. Si certaines de ces retombées font écho à
celles de la littérature, d’autres sont davantage spécifiques
au contexte tunisien.

Abstract
This article aims to study the impact of national cultural
diversity on the performance of work teams. Indeed, the
theme and the problem addressed offer our ref lection aspects
so far little explored. Responding to this challenge, 44 semi-
structured interviews, treated by the Nvivo  7 software
following the thematic approach for data analysis, with
team members from various countries of origin (France,
Italy, Russia, Belgium, Tunisia, Algeria, Morocco, Egypt,

1 Anissa LOUZIR-BEN H ASSINE : Enseignante-chercheuse à l’Institut Supé-


rieur de Gestion de Tunis (Tunisie) – louziranissa@yahoo.fr
2 Lassâad LAK H AL : Professeur à la Faculté des Sciences Économique et de Ges-
tion de Sousse (Tunisie) – lassaad.lakhal@yahoo.com

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N°102 - Août 2018

Cameroon, Ivory Coast and Mali) allowed us to understand


in depth how the articulation between cultural diversity and
team performance is a two-way link in Tunisia. While some
of these effects echo those of the literature, others are more
specific to the Tunisian context.

Introduction

La diversification de la main-d’œuvre est capable d’affecter la qualité du travail


en équipe (Bruna, Frimousse et Giraud, 2017). En effet, les mutations du contexte
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économique, politique et social placent, plus que jamais, la diversité au cœur
de l’actualité (Peretti et Frimousse, 2010). Entre autre, l’accroissement de la
diversité culturelle au sein de l’entreprise qui constitue l’un des défis majeurs
du management moderne (Bruna et Chauvet, 2013). La diversité culturelle
devient, par conséquent, un axe fondamental de la gestion des entreprises.
Pourtant, l’interculturel n’occupe pas le devant de la scène dans le monde des
entreprises (Chevrier, 2012).

Dès lors, étudier la diversité culturelle dans une logique de performance de


l’équipe est un sujet d’actualité qui mérite d’être examiné (Horwitz et Horwitz,
2007 ; Berger-Douce, 2009 ; Stahl et al., 2010a ; Stahl et al., 2010b ; Gueguen,
2011 ; Point, 2012 ; Bruna et Chauvet, 2013). Un sujet qualifié par Point (2012,
p. 67) par « un terrain qui reste encore vierge ». D’ailleurs, le concept de diver-
sité des équipes mériterait encore davantage de précision (Mayo et al., 2017).
Dans cette perspective, peu de recherches, jusqu’à nos jours, se sont intéres-
sées aux effets de la diversité culturelle sur la performance d’une équipe de
travail. D’ailleurs, la première méta-analyse qui sépare les effets de la diversité
culturelle des autres types de diversité a été publiée en 2010 par Stahl et al.
(2010b). Ainsi, l’objet de cet article est de comprendre en profondeur les effets
d’une diversité culturelle nationale sur la performance des équipes de travail.

Notre article se décomposera alors de la manière suivante : en première partie,


nous proposerons une délimitation du cadre théorique dans lequel s’inscrit notre
recherche ; nous présenterons dans une deuxième partie notre méthodologie
de recherche ; nos résultats seront développés dans une troisième partie ; les
intérêts théoriques et managériaux ainsi que les perspectives de notre travail
seront discutés en conclusion.

1. Cadre théorique

Le cadre théorique de cet article a pour but de faire le point sur la documenta-
tion scientifique concernant la diversité culturelle nationale et la performance
de l’équipe, et de présenter un bilan des connaissances relatives aux effets de
la diversité culturelle sur la performance des équipes.

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: une
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1.1. De la diversité à la diversité culturelle nationale


La diversité est un concept de plus en plus mobilisé, à la fois dans la sphère
académique et dans le milieu managérial (Bruna et Chauvet, 2013). Toutefois, en
dehors de la question du genre, les études sur la diversité se font rares, surtout
dans les pays francophones (Zannad, Cornet et Stone, 2013). Ainsi, Lauring et
Selmer (2013) confirment que les études sur les organisations multiculturelles
sont encore rares alors que la littérature dans ce domaine est plus que néces-
saire. Dès lors, la diversité culturelle est devenue une notion « séduisante » tant
dans une perspective académique que managériale (Point, 2012).
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1.1.1. Éclairage théorique sur la diversité culturelle
La diversité culturelle ne fait pas l’objet d’une définition unanime (Bruna, 2011).
En effet, le panorama des définitions de la diversité culturelle dans la littérature
montre la difficulté d’en trouver un consensus (Tableau 1).

Tableau 1 – Quelques définitions de la diversité culturelle

Auteur(s) Définition
La diversité culturelle est une force motrice du dévelop-
pement, pour ce qui est de la croissance économique et
comme moyen de mener une vie intellectuelle, affective,
Déclaration universelle de morale et spirituelle plus satisfaisante. La diversité cultu-
l’Unesco sur la diversité relle élargit les possibilités de choix offertes à chacun ;
culturelle (2001) elle est l’une des sources du développement, entendu non
seulement en termes de croissance économique, mais aussi
comme moyen d’accéder à une existence intellectuelle,
affective, morale et spirituelle satisfaisante.
La diversité culturelle est la constatation de l’existence
Delaye, Duru et Okamba de différentes cultures et de leurs conséquences sur
(2011) la performance des organisations vivant en situation
interculturelle.
Lorsque nous parlerons de diversité culturelle, nous en-
Gueguen (2011) tendrons la diversité qui émane de la culture nationale
des membres d’une organisation.
Un groupe est considéré culturellement diversifié dès
lors qu’il est composé de membres ayant au moins deux
Bruna et Chauvet (2013)
nationalités différentes et au moins trois origines eth-
niques distinctes.
La diversité culturelle des équipes crée en général des
Manço, Gatugu et Ouled el
coûts en termes de conflits identitaires qui peuvent affec-
Bey (2017)
ter négativement la capacité opérationnelle des équipes.

Généralement, dans l’étude de la diversité culturelle, le terme culture est utilisé


pour désigner la culture nationale d’un pays. En effet, ce choix permet d’exclure
les différences culturelles entre groupes au sein d’une même nation telles que

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celles qui se fondent dans les régions ou les classes sociales (Hofstede, 1987).
Pareillement, selon le rapport mondial de l’Unesco, « Investir dans la diversité
culturelle et le dialogue interculturel » (2010), la diversité culturelle est réduite
à la diversité des cultures nationales. L’hypothèse est, donc, que les habitants
d’un même pays partagent les mêmes modes de pensée. Du moment où, en
anthropologie comme dans le domaine de la gestion, le pays est souvent utilisé
comme un substitut à la culture (Popescu, Suciub et Raoult, 2014).

1.1.2. Diversité de la diversité : modèle d’Harrison et Klein (2007)


L’étude d’Harrison et Klein (2007) constitue une référence en matière de diver-
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sité. C’est un socle sur lequel un courant de recherche s’est appuyé (Gueguen,
2011 ; Point, 2012 ; Bruna et Chauvert, 2013 ; Tröster, Mehra et van Knippenberg,
2014). En effet, pour de nombreuses raisons, la littérature organisationnelle
sur la diversité est une source de confusion. L’interprétation de cette confusion
s’explique par l’incohérence de la littérature sur ce propos, et par l’absence
d’un consensus du moment où la littérature de la diversité, elle-même, est si
diverse (Harrison et Klein, 2007). Ainsi, Harrison et Klein (2007) définissent la
diversité comme la distribution des différences entre les membres d’une unité
au regard d’un attribut commun. En tant que notion, elle peut être déclinée de
trois manières différentes : la diversité comme une séparation (S), comme une
variété (V) et comme une disparité (D), respectivement « separation, variety,
disparity » (Harrison et Klein, 2007). Sans pour autant parler de paradigme,
cette distinction met en exergue ce que les auteurs appellent « la diversité de
la diversité » et chacune de ces approches faisant finalement appel à une (pré)
disposition bien précise (Point, 2012). Par ailleurs, Harrison et Klein (2007)
considèrent que la diversité n’est pas unique, mais triple, par la réalité qu’elle
désigne, et par le paradigme et les mesures qui en découlent (Haas et Shimada,
2010).

Pour commencer, le premier type de diversité, la séparation (S) appelée également


« divergence » (Haas et Shimada, 2010), se réfère aux différences de jugements,
de valeurs et d’attitudes que l’on trouve au sein d’un groupe. Elle met en avant
des différences qui permettent de classer les individus dans des catégories lors
d’interprétations d’un sujet donné ou d’une décision (Harrison et Klein, 2007).

Pour continuer, le second type, la variété, analyse les dimensions invisibles de


la diversité telles que l’éducation, le savoir, et l’expérience (Harrison et Klein,
2007). En effet, cette dimension de la diversité fait espérer un enrichissement
collectif par la complémentarité de ses membres, et c’est en ce sens qu’elle est
recherchée par les entreprises (Haas et Shimada, 2010).

Pour terminer, le troisième type de diversité, la disparité, relève la répartition


plus ou moins inégale d’une ressource rare (pouvoir, information, statut). Cornet
et Warland (2008) pointent que ce type de diversité risque de se révéler po-
tentiellement discriminatoire. En effet, la disparité entrave l’échange entre les

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: une
articulation à double sens

individus par la création d’un sentiment de mépris chez les uns et d’injustice
chez les autres (Haas et Shimada, 2010).

1.2. Conceptualisation de la performance des équipes de travail


La performance s’affirme comme l’un des concepts clés du management des
organisations (Bruna et Chauvet, 2013, p. 71). Le concept de performance au
travail s’intègre dans les théories de l’échange social (Bruna, Frimousse et
Giraud, 2017). En effet, la problématique de la performance est une question
qui est longtemps demeurée au cœur de la littérature économique et managé-
riale ces dernières années (Yaya, 2003). En outre, si le terme « performance »
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est largement mobilisé dans les communications analysées lors des journées
internationales de la diversité, de quelle performance s’agit-il ? Les précisions
ne sont pas toujours apportées (…) en l’absence d’une véritable identification
des déterminants de cette performance et de la déclinaison de celle-ci, le terrain
reste encore vierge pour de futurs travaux autour de la diversité (Point, 2012).
Sur ce propos, Bruna et Chauvet (2013) confirment que le concept de perfor-
mance figure parmi les notions les plus abstraites et floues de la littérature
académique organisationnelle. En particulier, la performance de l’équipe qui
demeure l’une des finalités les plus recherchées en contexte organisationnel,
puisqu’elle ne se limite pas qu’à l’équipe, mais elle se propage dans l’organi-
sation au niveau de son efficacité et de sa qualité en répondant aux besoins de
l’organisation et des individus (Richter, Dawson et West, 2011).

Par ailleurs, « lorsqu'on observe les représentations traditionnellement associées


à la notion “d’équipe”, on trouve en premier lieu un groupe humain soudé par un
objectif commun ; qu’il s’agisse d’une équipe de football, d’une équipe commerciale
opérant sur le terrain ou de l’équipe d’ingénieurs et de scientifiques chargés de
mettre un satellite en orbite, il s’agit en effet avant tout de gagner ensemble »
(Raynal et Chedru, 2009, p. 78). En outre, selon Jawadi (2010), la performance
d’une équipe est rattachée aux résultats du travail collectif réalisé par les
membres. Elle se mesure par les attitudes et les comportements des membres.

1.3. Les retombées de la diversité culturelle nationale sur la


performance de l’équipe
Quelques rares recherches se sont intéressées aux effets de la diversité culturelle
nationale sur la performance d’une équipe de travail. D’ailleurs, la première
méta-analyse qui sépare les effets de la diversité culturelle des autres types
de diversité, a été publiée, en 2010, par Stahl et al. (2010a). Dès lors, étudier la
diversité culturelle dans une logique de performance de l’équipe semble être
une niche dans la recherche académique (Point, 2012). En effet, la diversité
culturelle est « une lame à double tranchant » pour la performance de l’entreprise
et pour la performance de l’équipe de travail (Cox, 1994 ; De Jong et Houten,
2014). C’est pourquoi, l’articulation diversité culturelle nationale-performance
de l’équipe mérite d’être interrogée non seulement de manière positive, mais

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également de manière négative. Sur ce propos, Loth (2009) a affirmé que l’hy-


pothèse de « valeur dans la diversité », c’est-à-dire la possibilité d’utiliser la
diversité culturelle comme une ressource permettant la réalisation de synergies
n’est pas vérifiée ; en effet, une majorité d’études démontre un impact négatif
de la diversité culturelle sur les résultats. Dans la même perspective, Stahl et
al. ont postulé que les effets de la diversité culturelle sur la performance des
équipes de travail peuvent être scindés en effets positifs et en effets négatifs.
Les effets positifs incluent : la créativité, la meilleure prise de décision, et la
satisfaction. Alors que les effets négatifs incluent : les conflits, l’imperfection
de la communication, et le stress.
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1.3.1. Créativité et meilleure prise de décision
Grâce à la diversité de cultures de ses membres, une équipe multiculturelle est
susceptible de dégager un plus grand nombre d’idées qu’un groupe homogène
(Adler, 1994). Elle dégage, pareillement, une plus grande compétition à l’inté-
rieur de l’organisation (Gueguen, 2011). Sur ce propos, Frimousse (2007, p. 109)
affirme que « la rencontre de différentes cultures peut permettre d’emprunter la
voie de l’hybridation et du métissage afin de concilier l’universel et le particulier
et de mettre en relation des univers de sens ». En outre, l’hétérogénéité culturelle
dans les groupes produit, potentiellement, de meilleures décisions grâce à une
plus large gamme de perspectives et d’analyses critiques plus approfondies
des situations (Cox et Blake, 1991). De même, les travaux de Watson, Kumar et
Michaelsen (1993) ont prouvé qu’à long terme les équipes diverses affichent
une performance supérieure aux équipes homogènes grâce à un supplément
de créativité. De même, MacLeod et Huber (1996) ont conclu que les équipes
de travail hétérogène possédaient un avantage par rapport aux équipes de
travail homogènes lorsque la tâche qui leur était confiée requérait un certain
degré de créativité ainsi qu’une connaissance de différentes cultures. Nous
pouvons donc émettre la proposition suivante :
P1 : La diversité culturelle est une source de créativité et de meilleure prise
de décisions pour les équipes de travail multiculturelles.

1.3.2. Satisfaction
La satisfaction est le sentiment d’avoir un besoin convenablement rempli (Stahl
et al., 2010a). En effet, la méta-analyse de Stahl et al. (2010a) a révélé une rela-
tion positive inattendue et robuste entre la diversité culturelle et la satisfaction
(Stahl et al., 2010a ; 2010b). Ainsi, les équipes diversifiées culturellement ont
eu un niveau de satisfaction plus élevé que les équipes culturellement sem-
blables. Cette conclusion contredit la recherche générale sur la diversité. Nous
pouvons donc suggérer la proposition suivante :
P2 : La diversité culturelle est une source de satisfaction des équipiers.

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: une
articulation à double sens

1.3.3. Conf lits interpersonnels


Le conflit est, généralement, défini comme un processus résultant de la ten-
sion entre les membres de l’équipe en raison de différences réelles perçues.
Il s’agit de l’un des défis les plus immédiats à l’efficacité de l’équipe (Puck et
Pregernig, 2014). En effet, la diversité culturelle est l’une des causes majeures
favorisant l’émergence des conflits dans l’équipe de travail. Du moment où, les
équipes composées de personnes culturellement diversifiées subissent plus
les conflits interpersonnels que les équipes monoculturelles (Jehn et Mannix,
2001 ; Stahl et al., 2010a ; De Jong et Houten, 2014 ; Puck et Pregernig, 2014 ;
Tröster, Mehra et van Knippenberg, 2014). D’ailleurs, les équipes multicultu-
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relles auront plus de mal à court terme à gérer les conflits et à atteindre une
productivité optimale dans l’entreprise (Karjalainen, 2010). Nous émettons
donc la proposition suivante :
P3 : La diversité culturelle favorise l’émergence des conflits au sein de l’équipe
de travail.

1.3.4. Imperfection de la communication


Avoir des gens de cultures différentes qui travaillent ensemble peut être frus-
trant et décevant. En effet, certains chercheurs (Loth, 2006 ; Harrison et Klein,
2007 ; Loth, 2010) ont constaté l’existence des difficultés de compréhension au
sein des équipes de travail multiculturelles. Une mauvaise interprétation d’un
message ou d’une attitude peut provoquer des tensions entre les membres de
l’équipe et créer un clivage en fonction des origines culturelles de chacun (Meier,
2005 ; Loth, 2006). D’ailleurs, selon Guerfel-Henda et Broussillon (2011), les
relations interculturelles sont sources d’incompréhensions et d’erreurs d’in-
terprétation qui peuvent rapidement mener à des tensions, voire aux conflits
qui peuvent coûter cher. Pour Montargot et Peretti (2014), la catégorisation,
les préjugés et les stéréotypes, renforcent la domination de certains groupes
sur d’autres. Nous pouvons donc émettre la proposition suivante :
P4 : La diversité culturelle défavorise l’efficacité de la communication de l’équipe
de travail.

1.3.5. Stress 
De nos jours, on ne cesse de nous parler du stress. En effet, le stress est une
réponse de l’organisme aux facteurs d’agression physiologiques et psycholo-
giques ainsi qu’aux émotions (agréables ou désagréables) qui nécessitent une
adaptation (élément de la théorie du syndrome d’adaptation) (Dictionnaire
Larousse, 2018). Par ailleurs, certains chercheurs, ont évoqué le concept du
stress comme conséquence de diversité culturelle lors d’une mobilité interna-
tionale (Black, Mendenhall et Oddou, 1991 ; Adler, 1994 ; Mérignac et Grillat,
2012). Selon Gueguen (2011), le stress est un pendant négatif d’une diversité
culturelle nationale. Par ailleurs, l’effet négatif du stress est évident dans les
« symptômes organisationnels » tels que l’absentéisme et la rotation du person-

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nel, les faibles performances en matière de sécurité, le manque d’enthousiasme


des salariés, la perte d’innovation et la faible productivité (Légeron, 2004).
Nous pouvons donc formuler la proposition suivante :
P 5 : La diversité culturelle est une source de stress pour les équipiers.

2. Méthodologie
Notre objectif était de comprendre en profondeur les retombées de la diver-
sité culturelle sur la performance de l’équipe. Notre enquête est de nature
qualitative. Dépelteau (2010) annonce que 30 entretiens constituent un seuil
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acceptable. Dans le cadre de cette recherche nous avons pu mener 44 entre-
tiens semi-directifs en face-à-face avec des membres d’équipes de travail de
divers pays d’origine (France, Italie, Russie, Belgique, Tunisie, Algérie, Maroc,
Égypte, Cameroun, Côte d’Ivoire et Mali). Ce choix n’est pas fortuit ou hasar-
deux. En effet, 11 pays d’origine reflètent une diversité culturelle accrue. Ainsi,
le Tableau 2 illustre les caractéristiques des répondants.

Le travail sur le terrain s’est étalé, en Tunisie, sur la période du 8 février 2017
au 2 novembre 2017. Les entretiens ont duré de 60 minutes à 90 minutes.
Ces entretiens ont été menés à l’aide d’un guide d’entretien conçu autour des
thèmes suivants : créativité et meilleure prise de décision, satisfaction, conflits,
communication, et stress. Il a été, au préalable, soumis à un pré-test afin de le
réajuster et améliorer sa qualité.

La valeur d’une recherche qualitative repose en grande partie sur la capacité du


chercheur à donner un sens aux données (Savoie-Zajc, 2000). Dès lors, l’analyse
de contenu menée via le logiciel Nvivo 7 a permis de prendre connaissance des
thèmes explicites ou implicites dans un texte à partir d’une pré-lecture, dans
un premier temps, et d’une lecture approfondie, dans l’autre. Dans ce travail
de recherche, nous nous sommes référés à l’analyse thématique. Le principe
est d’identifier un certain nombre de thèmes et de découper le corpus des
entretiens par une approche transversale et non pas entretien par entretien.

Tableau 2 – Composition de l’échantillon des répondants

Pays d’origine Nombre de répondants Genre


France 11 répondants 5 hommes et 6 femmes
Italie 4 répondants 3 hommes et 1 femme
Russie 2 répondants 2 femmes
Belgique 2 répondants 2 hommes
Tunisie 12 répondants 6 hommes et 6 femmes
Algérie 4 répondants 3 hommes et 1 femme
Maroc 2 répondants 2 femmes

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Pays d’origine Nombre de répondants Genre


Égypte 2 répondants 2 hommes
Cameroun 1 répondant 1homme
Côte d’Ivoire 3 répondants 2 hommes et 1 femme
Mali 1 répondant 1 homme

3. Présentation des résultats


Les résultats permettent de formuler deux enseignements principaux que nous
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allons détailler et illustrer par des verbatim.

3.1. Le côté lumineux de la diversité culturelle en équipe de travail


Les 44 entretiens semi-directifs nous ont permis d’identifier un ensemble
d’atouts liés à la diversité culturelle qui vont jouer un rôle fondamental dans
la performance des équipes de travail. Une optique qui coïncide avec la théorie
des ressources et des compétences.

Pour commencer, la majorité des interviewés nous ont confié l’existence d’un
effet initiateur de la diversité culturelle sur la créativité de leur équipe. En
effet, dans les propos de la plupart des interviewés, la créativité fait référence
à une capacité spécifiquement humaine incluant l’aptitude à dégager des idées
novatrices et des solutions adéquates aux problèmes inédits. « La diversité
culturelle est le moteur de la créativité et de l’innovation. Une équipe diversi-
fiée, où chacun apporte son propre bagage culturel, ouvre la voie à des pistes
de solutions novatrices ». Dès lors, un mélange de nationalités semble être un
déterminant à la performance des équipes, du moment où il permet de gagner
en termes de qualités des alternatives et en termes de temps de résolution.
« Dans une équipe diversifiée culturellement, on remarquera une intensité dans
la qualité et dans la rapidité de résolution des problèmes ». À l’exception, une
minorité postule une absence de toute relation entre diversité culturelle et
créativité. « Dans cette équipe, je ne vois pas un lien entre diversité culturelle et
créativité ». En outre, quelques répondants postulent qu’il y a des conditions
qui doivent être remplies pour que l’équipe diversifiée culturellement soit
créative, en particulier la bonne gestion et la préconisation de l’échange et
de l’écoute. « Une équipe multiculturelle peut apporter une plus grande variété
d’idées. Toutefois, le fait que les idées soient pleinement exploitées ou non dé-
pendra de la gestion de l’équipe ».

Pour continuer, les entretiens effectués nous ont permis de constater que plus
de la moitié des répondants considère la diversité culturelle comme source
de satisfaction. Une satisfaction qui se traduit par des sentiments de conten-
tement, de gaieté, de plaisir et d’assouvissement de rejoindre leurs équipes :
« Pour moi, j’adore mon patron d’origine française. Je suis très satisfaite de tra-
vailler avec lui », « Je suis plus que satisfaite avec mon équipe. J’ai des relations

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N°102 - Août 2018

solides avec mes collègues ». Une satisfaction étroitement liée, selon les dires
des sujets en question, à la notion même du travail en équipe. Autrement dit,
la préférence de travailler en groupe que de travailler en solo : « Je préfère
travailler en équipe plutôt que de travailler seul […] J’aime le travail en équipe
et la richesse des rencontres ».

Pour terminer, beaucoup d’interviewés ont fait allusion au rôle joué par la di-
versité culturelle dans l’apprentissage et l’enrichissement. En effet, leurs propos
soulignent que l’apprentissage renvoie à l’action d’acquérir ou de développer
des savoirs extérieurs à l’apprenant qui contribuent à améliorer de plus en plus
la performance d’équipe. Les connaissances se construisent donc à travers les
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interactions avec les autres membres de diverses nationalités. « La diversité
culturelle favorise l’apprentissage ». Ainsi, la diversité culturelle retire, selon
les dires de ces mêmes interviewés, un plus grand enrichissement à l’intérieur
de l’équipe. En effet, cet enrichissement peut-être à la fois personnel et/ou
culturel. D’ailleurs, ces interviewés confirment que la rencontre des cultures
permet d’avoir des interactions irréprochables et impeccables. « Pour ma part,
je trouve ça positif de pouvoir côtoyer des personnes ayant une façon de vivre, de
penser différente de la nôtre. Cela permet un enrichissement personnel ».

3.2. Le côté sombre de la diversité culturelle en équipe de travail


Concernant le côté sombre de la diversité culturelle, il semble que celle-ci soit
parfois ressentie comme un handicap à la performance de l’équipe.

Tout d’abord, les entretiens effectués nous ont permis de constater que, pour
la plupart des interviewés, la diversité culturelle est une source de conflits.
Toutefois, la fréquence et le type de conflit varie d’un répondant à un autre.
En effet, la majorité des répondants témoigne qu’elle s’expose souvent à des
conflits relationnels liés à l’incompatibilité interpersonnelle entre les membres
de l’équipe. D’ailleurs, selon les dires du sujet en question, dans des équipes com-
posées de personnes de différents pays, les différences de valeurs, de normes,
et de comportements causent les accrochages, les désaccords, les malentendus,
les conflits, la concurrence, la tension et la nervosité. « Plutôt relationnel : le
caractère plus ou moins conflictuel d’une relation se définit autour d’un axe
confiance/méfiance, et autour de la gestion de l’incertitude ». Pour le reste des
interviewés, les désaccords sont plutôt liés au travail à faire (conflit de tâches)
et/ou à l’attribution de responsabilités dans l’équipe (conflit du processus).
Concernant la fréquence d’exposition à des situations conflictuelles liées à la
diversité culturelle, aucun consensus ne se dégage. La fréquence inclut, donc,
trois piliers, à savoir : de temps en temps, rarement, et toujours.

De surcroît, plus que la moitié des répondants affirme que la communication


interculturelle semble être inopérante. Une telle qualification cache l’existence de
certains problèmes liés à la communication. Pour l’ensemble de ces répondants,
ces problèmes sont étroitement liés à l’erreur de perception (stéréotypes et
préjugés), à l’erreur d’interprétation, aux différences liées au langage corporel,

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Diversité culturelle nationale-performance de l’équipe 
: une
articulation à double sens

aux différences culturelles au niveau des comportements et enfin aux divers


problèmes linguistiques.

Pour commencer, les préjugés sont un ensemble des évaluations forgées a


priori sans fondement empirique : « Consciemment ou non, on a des préjugés, on
juge les comportements à partir de nos propres références, comme si elles étaient
meilleures ». Ainsi, certains interviewés ont tendance à se convaincre que leurs
stéréotypes sont des connaissances établies et universellement valides, alors
qu’ils correspondent à des croyances partagées et datées.

Une minorité des répondants fait le lien entre l’erreur d’interprétation et les
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conflits : « La mauvaise interprétation des mots, le tempérament différent des
collègues d’origine culturelle différente cause souvent des malentendus ».

Pour continuer, quelques interviewés affirment que certains gestes liés au


langage corporel, nommément l’irrespect de l’espace de l’autre, semblent être
capables d'endommager les relations entre collègues : « Lorsque un Tunisien
aborde quelqu’un, il l’aborde par l’arrière […] Il faut privilégier l’approche sur
le côté tout en respectant une certaine distance ».

Pour certains interviewés, de nombreuses différences culturelles au niveau de com-


portement semblent constituer un frein à la performance de l’équipe. D’ailleurs,
plusieurs exemples spécifiques au contexte tunisien ont été soulignés par ces
répondants, à savoir : l’acquiescement systématique, la tendance à s’immiscer
dans les affaires d’autrui, le parasitisme (flânerie systématique), l’élasticité du
temps, l’attitude fataliste et la tendance à mépriser les autres. Ainsi, la majorité
des interviewés belges et français affirme que les Tunisiens ont tendance à dire
« oui » même si les instructions n’ont pas été comprises, qu’ils pensent fermement
le contraire ou qu’ils comptent ne pas exécuter les ordres : « Le “oui” est un mot
de trois lettres qui a trois sens différents pour les Tunisiens ! ! Il marque à la fois :
l’acquiescement, la possibilité, et même le refus. Ça me dérange énormément et
perturbe conséquemment mes relations avec mes collègues ».

Pour certains interviewés, la tendance à intervenir indûment et indiscrètement


dans une affaire d’autrui semble constituer une véritable entrave à la relation
entre les membres de l’équipe du travail : « Naturellement, la chaleur humaine
est très appréciable. Toutefois, les gens s’occupent trop des autres. Ils se mêlent
des affaires des autres sans en avoir l’autorisation ».

L’attitude fataliste des Tunisiens a été mentionnée par une minorité des inter-
viewés. Le fait de dire systématiquement Inchallah et de s’en remettre au destin
à tout bout de champ (Allah ghaleb) est considéré comme étant un obstacle
à la communication pour certains interrogés d’origine française et italienne.
En effet, ces interviewés nous ont confié avoir constaté que ce fatalisme très
marqué chez certains Tunisiens cache une certaine irresponsabilité. Pour eux, le
fait de s’en remettre à Dieu constamment, dans toutes les situations, rend la
communication de plus en plus difficile.

99
N°102 - Août 2018

Les propos de certains interviewés, nommément tunisiens, nous ont permis de


constater que la survalorisation personnelle a été proclamée comme un obstacle
à la performance des équipes. En effet, cette survalorisation se traduit par la
minimisation de la valeur du travail d’un coéquipier à cause de ses origines
nationales, la tendance à mépriser les autres, et le fait de se flatter de manière
exagérée. En effet, selon ces interviewés, considérer quelqu’un comme indigne
d’estime est un comportement incompréhensible. D’ailleurs, cette méprise
se traduit par la négligence d’autrui : « Les comportements sont radicalement
différents. Un étranger dans un cadre professionnel garde une énorme distance
hiérarchique. Il se voit supérieur aux autres ». D’ailleurs, ces mêmes répondants
confirment que les relations entre groupes posent le problème des rapports
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de force : le groupe en situation de force peut être tenté de montrer la supé-
riorité de ses valeurs et ainsi réduire l’influence culturelle de l’autre groupe :
« Malheureusement, la supériorité nationale est souvent présente. Cela entraîne
l’évincement réciproque entre l’individu et le groupe interculturel de telle sorte
que l’échange ne peut pas être réalisable ».

En outre, divers problèmes linguistiques ont été révélés par quelques in-
terviewés. Entre autres, l’insuffisante maîtrise des langues maternelles des
équipiers. En effet, être complètement exclu de la discussion à cause de la
méconnaissance de la langue semble être un inconvénient lié à la diversité
culturelle qui impacte négativement la performance d’équipe. « Les chuchote-
ments avec des mots que je ne comprends pas me dérangent ». En outre, pour
les répondantes marocaines, la tendance de certains collègues tunisiens de
mixer la langue arabe et la langue française reflète, en quelque sorte, une perte
d’identité : « En Tunisie, la langue arabe, dans son contact avec la langue française
a été perturbée, transformée dans sa syntaxe et sa morphologie ».

De plus, quelques répondants postulent que le stress est l’un des désavantages
de la diversité culturelle qui impacte négativement le bon fonctionnement de
l’équipe. En effet, selon leurs dires, les relations tendues au travail favorisent
l’émergence d’un état de perturbation provoqué par la confrontation avec des
gens de valeurs, de croyances et d’attitudes différentes. D’ailleurs, ces inter-
viewés indiquent que les symptômes physiques les plus visibles du stress sont
les maux de tête et les tensions musculaires : « Chacun d’entre nous est concerné
par le stress de manière plus ou moins intense […] Le travail dans cette équipe
me cause un stress chronique […] j’ai toujours des maux de tête ».

Pour finir, les Subsahariens interviewés affirment que les comportements dis-
criminatoires, et plus particulièrement le racisme, font partie de la liste des
désavantages de la diversité culturelle : « Ce n’est pas parce qu’une personne a la
couleur de la peau noire qu’elle doit subir la méchanceté des personnes. Hélas beau-
coup disent, c’est un noir alors c’est un bandit. On met tout le monde dans un même
paquet ». En effet, « le racisme est une attitude d’hostilité systématique à l’égard
d’une catégorie déterminée de personnes » (Dictionnaire Larousse, 2018). C’est la
valorisation, généralisée et définitive, de différences, réelles ou imaginaires, au
profit de l’accusateur au détriment de sa victime, afin de justifier ses privilèges

100
Diversité culturelle nationale-performance de l’équipe 
: une
articulation à double sens

ou son agression (Memmi, 2000). Il désigne, donc, une croyance qui conduit à
considérer un peuple comme inférieur à un autre (Louzir-Ben Hassine, 2016).

Conclusion
Le fait marquant aujourd'hui, c'est le développement d'équipes de travail mul-
ticulturelles qui demandent une collaboration étropite entre des individus de
croyances , de valeurs et de comportement très différents (Loth, 2009, p. 326).
En effet, la difficulté d’en trouver un consensus sur la manière de concevoir la
diversité culturelle dans l’équipe nous amène à nous remémorer ses pendants
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positifs et ses pendants négatifs. Par ailleurs, 44 entretiens semi-directifs nous
ont permis d’apporter un éclairage nouveau sur les retombées de la diversité
culturelle sur la performance de l’équipe. À notre connaissance, cette recherche
semble être la première à illustrer comment, dans un contexte tunisien, la
diversité culturelle est une lame à double tranchant pour la performance de
l’équipe. Par ailleurs, si certaines de ces retombées font écho à celles de la
littérature, d’autres sont davantage spécifiques au contexte tunisien.

Cet article conclut, donc, que la diversité culturelle n’est pas de manière auto-
matique source de performance pour les équipes de travail. D’ailleurs, il nous
a permis de constater que les effets négatifs de la diversité culturelle sur la
performance de l’équipe dépassent les effets positifs. Une constatation qui
confirme que la plupart des perspectives théoriques et des recherches empi-
riques sont « axées sur les problèmes » (Stahl et al., 2010b) et que « le mauvais
a des effets plus forts que le bien » (Stahl et al., 2010a).

En dépit des éclairages apportés par les résultats de cette recherche, certaines
limites sont à signaler, notamment au niveau de la conception de la diversité
culturelle. Nous sommes conscients que l’identité nationale n’est pas un fait et
que la diversité culturelle existe aussi à l’intérieur des ensembles nationaux.

Au final, l’ensemble des résultats de notre travail laisse entrevoir de nombreuses


pistes de recherche à explorer. Selon Dupriez (1999), ignorer la diversité cultu-
relle et ses enjeux peut conduire à des « mismanagement », à des erreurs de
gestion. « Lorsque la diversité culturelle s’accompagne d’une faible intégration de
certaines composantes culturelles, celle-ci finit toujours par entraîner des coûts
supplémentaires » (Guerfel-Henda et Broussillon, 2011, p. 243). Par ailleurs, les
suites de notre travail de recherche pourraient se pencher sur la conduite d’une
politique de diversité culturelle. D’ailleurs, « là où la diversité dans une équipe
peut potentiellement en améliorer ou perturber la performance, les chercheurs
ne sont pas encore en mesure d’affirmer dans quelles conditions ou dans quel
contexte les politiques de diversité ont un impact bénéfique sur l’entreprise »
(Bruna, Frimousse et Giraud, 2017, p. 40).

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