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Management de l'innovation
III
Cet ouvrage fait par tie de
Management et ingénierie de l'innovation
(Réf. Internet ti595)
composé de :
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IV
Cet ouvrage fait par tie de
Management et ingénierie de l'innovation
(Réf. Internet ti595)
Gilles BALMISSE
Consultant en management et technologies
François CLUZEL
Enseignant-chercheur, Laboratoire Génie Industriel , École centrale Paris
Pierre DEVALAN
Ancien directeur des programmes de recherche et développement du CETIM
(Centre technique des industries mécaniques)
Sandrine LOUIS
Responsable Information médicale et documentation dans une entreprise de
biotechnologies
Elise MARCANDELLA
Maître de conférences, Centre européen de recherche en économie financière
et gestion des entreprises (CEREFIGE), Université de Lorraine, Nancy, France
Bernard YANNOU
Professeur à l'École centrale Paris, directeur adjoint du laboratoire Génie
Industriel
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V
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VI
Management de l'innovation
(Réf. Internet 42564)
SOMMAIRE
l'ingénierie de l'innovation
Management et ingénierie de l'innovation. Avant-propos AG205 11
L'économie de la créativité et ses implications pour les acteurs d'un territoire RE236 43
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VII
Fédérer des équipes transculturelles par l'usage d'un dessin structuré. Compléter les IN401 81
processus habituels de conduite de projet
Faciliter les projets territoriaux : l'approche innovante Usage, Symboles, Ouvrage IN402 85
changement en innovation
Innovation et gestion des ressources humaines inter-organisationnelles AG280 91
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Management de l'innovation
(Réf. Internet 42564)
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1– Découvrir les concepts du management et de Réf. Internet page
l'ingénierie de l'innovation
Management et ingénierie de l'innovation. Avant-propos AG205 11
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1
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Référence Internet
AG205
Management et ingénierie
de l’innovation
Avant-propos 1
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1
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Référence Internet
AG200
Glossaire du management
et de l’ingénierie de l’innovation
1
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Référence Internet
AG200
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Référence Internet
AG200
1
participations minoritaires et temporaires dans le capital d’entre- collecte d’informations ; data collection
prises naissantes ou très jeunes, start-up ou spin-off ; Vise à rassembler des faits, des opinions, des études... sur les
– Qualifie tout investissement en actions dans de jeunes entre- thèmes définis lors de l’étape précédente de ciblage. Ces éléments
prises technologiques en démarrage et non profitables. sont rassemblés à partir de sources formelles ou informelles.
Cf. [AG 470], [AG 471] Cf. [AG 1 310]
carte mentale ; mind map collectif de recherche ; research group
Processus de pensée proche des processus heuristiques de l’être Ensemble d’organisations (entreprises, organismes de recherche)
humain. La carte mentale permet aux utilisateurs d’exprimer leurs qui se sont associées pour développer un projet de recherche en
idées aussi rapidement qu’elles leur viennent. Il existe des logiciels partenariat.
de carte mentale, ils offrent la possibilité de modifier à volonté
Cf. [AG 2 230]
l’organisation de la carte mentale. Une fois terminée, la carte men-
tale peut être sauvée, exportée ou imprimée. comité de pilotage ; steering committee
Cf. [AG 2 225] A pour rôle de contrôler l’avancement d’un projet et valider ses
chaîne de valeur ; value chain principaux livrables, jusqu’à modifier éventuellement son cadre,
notamment pour les aspects de périmètre ou de délai au final, de
Méthode proposée par Michael Porter afin d’analyser l’ensemble prendre toutes les décisions nécessaires à la réussite du projet.
des activités d’une organisation impactant son avantage
concurrentiel. Cf. [AG 1 310]
Cf. [AG 2 230] comité de suivi ; monitoring committee
changement incrémental ; incremental change A pour rôle d’effectuer l’état d’avancement d’un projet, d’intégrer
et de traiter les difficultés et incidents éventuellement rencontrés
Changement qui consiste à améliorer l’existant pour le rendre
sur le projet, d’arbitrer les éventuels choix fonctionnels et/ou techni-
plus performant. Le nouvel état à atteindre est juste une améliora-
ques, de prendre toutes les décisions d’orientation et de planifi-
tion de la situation existante qui peut être due à une évolution
cation du projet.
minime de l’environnement ou du marché.
Cf. [AG 1 310]
Cf. [AG 520]
changement transformationnel ; transformational change comité de veille ; watch committee
Changement qui bouleverse complètement une société sans Instance de pilotage de la veille, qui a pour mission principale :
pour autant que l’état à atteindre soit connu précisément au superviser le ciblage des thèmes de veille, être force de proposition
démarrage du processus de changement. La société doit se réin- auprès de la direction générale pour les actions à réaliser et fournir
venter sous ses différents aspects (organisation, processus, un support au coordinateur de la veille pour l’animation du réseau
compétences, comportements, culture...) pour faire face à ses de veille.
enjeux, en procédant de manière non linéaire par essais, erreurs, Cf. [AG 1 310]
bilans et apprentissages en se basant sur une vision de l’état futur.
communauté de pratiques ; community of practice
Cf. [AG 520]
Regroupement spontané de personnes appartenant ou non à la
changement transitionnel ; transitional change même entreprise, qui communiquent entre elles afin d’échanger
Évolution qui conduit une société, globalement ou sur un sur des pratiques professionnelles qu’elles ont en commun, sans
domaine, à changer en passant d’un état présent bien connu, car pour autant appartenir à une même forme organisationnelle de
correspondant à la situation actuelle, à un état futur connu pour type métier, ni être membre d’un même groupe projet. Ces per-
l’essentiel. Le qualificatif transitionnel fait référence à ce change- sonnes sont unies par un langage, une culture commune et la
ment d’état qui est le plus souvent linéaire. conviction qu’ils ont besoin des uns des autres pour atteindre leurs
objectifs.
Cf. [AG 520]
Cf. [AG 2 230]
chef de projet ; project leader
– Maître d’œuvre d’un projet, qui a pour mission d’organiser le connaissance (selon l’AFNOR) ; knowledge (according to AFNOR)
travail dans le projet (définition et répartition des tâches, anima- Ensemble d’informations structurées, basées sur le raisonnement
tion des réunions de résolution de problèmes et de coordination) et susceptibles de vérification.
et de négocier les moyens nécessaires à la réalisation des tâches
(moyens humains et matériels auprès des responsables de ces contrat de développement innovation (CDI) ; innovation
moyens, négociation avec les fournisseurs, les sous-traitants). Il development contract (IDC)
rend compte régulièrement auprès de la direction de l’entreprise Prêt destiné à financer les frais des opérations qui viennent
de l’avancement du projet ; au moment du lancement opérationnel de l’innovation : frais de
– Responsable de l’atteinte des objectifs d’un projet et du res- recrutement et de formation, de prospection, de négociation des
pect de ses contraintes : qualité du produit résultant, budget, premières commandes, de communication, d’implantation à
délais. l’étranger, de besoin en fonds de roulement...
Cf. [AG 2 230] Cf. [AG 470]
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Management de l'innovation
(Réf. Internet 42564)
L'économie de la créativité et ses implications pour les acteurs d'un territoire RE236 43
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Référence Internet
AG2231
Innovation
Concepts clés
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Référence Internet
AG2231
INNOVATION ______________________________________________________________________________________________________________________
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vieillis et en créant des éléments neufs ».
• Dans les années 1960, une nouvelle conception de l’inno-
1.1 Approche économiste vation apparaît, débordant le strict cadre de l’innovation tech-
nologique (innovation organisationnelle, innovation
Dans l’approche des économistes, la notion d’innovation appa- marketing...) compte tenu du développement d’apprentissages
raît dès les origines de l’analyse économique mais demeure divers au sein de l’entreprise.
imprécise : on parle de « croissance économique ». Elle est aussi • Des années 1980 à 2000, l’innovation est définie comme la
restrictive, on la nomme « progrès technique » (voir encadré 1). réalisation de la nouveauté, alors que l’invention se limite à
La pensée des économistes consiste notamment à identifier et l’idée nouvelle sans réelle confrontation au besoin qu’elle
comprendre les facteurs qui déterminent les transformations de la entend satisfaire.
structure de l’économie à partir de son entité élémentaire : l’entre-
prise.
■ Adam Smith, dans son ouvrage sur la richesse des nations, est
apparemment le premier, au XVIe siècle, à constater que la Encadré 2 – Principales étapes de la pensée
richesse de la nation est le fruit de l’ensemble des produits qui managériale
agrémentent la vie de la nation toute entière, c’est-à-dire de toutes
les classes et de toutes leurs consommations. L’or et la monnaie • Premiers travaux significatifs dans les années 1970-1980
ne constituent donc plus la richesse, elles n’ont en elles-mêmes sur le management de la technologie.
aucune autre utilité que celle d’intermédiaire. • Différentes modélisations du processus d’innovation au
Pour lui, l’origine de la richesse est le travail des hommes. Il sein de l’entreprise, de 1980 à 2000, qui ont comme point
pose ainsi les bases de la doctrine de la valeur travail, qui sera commun de montrer un processus qui se situe d’abord au
pleinement théorisée au siècle suivant par David Ricardo. La révo- niveau stratégique, puis au niveau opérationnel un processus
lution industrielle apporte au siècle suivant le progrès technique basé sur une démarche de projet comportant des spécificités :
qui est alors identifié comme le principal moteur de l’évolution de – feed-backs durant le processus ;
l’économie. – relation avec les sphères de la science (pour l’innovation
technologique) et celle du marché.
■ C’est en 1942 que l’économiste J.A. Schumpeter [1], définit
l’innovation comme un changement qualitatif au sein de • L’ouverture progressive vers l’innovation ouverte,
l’entreprise : « destruction créatrice qui révolutionne inces- notamment du partenariat entre les entreprises et/ou des
samment de l’intérieur la structure économique en détruisant centres de R&D pour mener des projets d’innovation en
continuellement ses éléments vieillis et en créant des éléments collaboration qui induisent des modes de gouvernance parti-
neufs ». culiers.
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Référence Internet
AG210
Recherche développement
innovation (RDI) en entreprise
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Référence Internet
AG210
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non levés ;
suivre des objectifs hétérogènes. Cet article fait une synthèse des 2. Acquisition de savoir par l’expérience ;
organisations de RDI dans les entreprises, leurs spécificités, leurs
3. Réalisation de prototypes permettant de prouver les décou-
connexions avec les autres fonctions de l’entreprise, et avec la
vertes faites en phase 2.
recherche publique en France et en Europe. Il aborde enfin les spé-
cificités de la gestion des ressources humaines pour les cher- Il s’agit bien sûr d’une vision idéalisée de la RDI qui, dans la pra-
cheurs et experts RDI du secteur privé. tique, s’appuie sur un référentiel métier préexistant et de
constantes rétroactions entre les études amont et les développe-
ments. La norme ISO 16290, issue du secteur spatial, définit des
1.1 Recherche et manuel de Frascati niveaux de maturité technologique (TRL, « Technology Readiness
Level ») allant de 1 à 9, pour chacun de ces stades.
Les activités de recherche, développement et innovation sont,
par nature, polymorphes puisque présentes dans la plupart des
secteurs de l’industrie et des services. L’INSEE estime, pour 2011, 1.2 Recherche amont
que la population nationale de chercheurs représente près de
339 000 personnes, dont près de 60 % exercent dans le secteur La recherche amont est destinée à acquérir des connaissances
privé [1]. Leur répartition par secteur d’activité [2] montre une cer- qui seront utilisées, seules ou ensemble, pour la réalisation d’un
taine prédominance des secteurs de l’information, de l’automobile projet ou d’un produit. Le client peut être soit, dans le cas le plus
et de l’aéronautique (figure 1). fréquent, l’entreprise elle-même, soit un organisme national ou
Les dépenses de R&D représentent 2,23 % du PIB en 2013 (dont européen de financement de la recherche, dans ce cas générale-
1,4 % du fait de la R&D du secteur privé), soit 47 Md€ [3]. Si les ment sous une forme partenariale. En effet, sans application
chiffres sont si précis, c’est que la nécessité d’indicateurs de R&D a directe, les connaissances scientifiques et techniques peuvent
été formalisée depuis 1963 dans un manuel publié par l’OCDE d’autant être partagées qu’elles sont générales, voire théoriques.
Activités informatiques
et services d’information, 12 %
Autre, 26 %
Industrie automobile, 12 %
Activités spécialisées,
scientifiques et techniques, 9 %
Télécommunications, 4 %
Édition, audiovisuel
et diffusion, 5 %
Construction aéronautique
Fabrication d’équipements et spatiale, 8 %
de communication, 5 %
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Référence Internet
AG210
Dans cette phase, l’état de l’art est constitué et les hypothèses d’une part à un prototype original qui possède les qualités techni-
formulées puis vérifiées. Le domaine de la recherche amont ques et les qualités de fonctionnement du produit visé et, d’autre
demeure fortement représenté par la recherche publique et des part, à une installation pilote qui vise le même objectif qu’un pro-
partenariats peuvent être noués à ce stade avec des structures de totype mais se distingue de celui-ci par le fait qu’elle prend en
recherche nationales ou internationales. La recherche amont compte des conditions proches des contraintes opérationnelles.
couvre les niveaux TRL de 1 à 3 :
– TRL 1 : des calculs rapides ont été faits, les lois physiques en
jeu déterminées, des études théoriques confirment les principes de 1.4 Investigations techniques
base, des observations scientifiques ont été vues dans des revues et innovation
ou des congrès, une hypothèse de recherche est formulée ;
– TRL 2 : des applications potentielles sont identifiées, des Les investigations techniques couvrent les niveaux TRL 7 à 9 et
études théoriques montrent que le projet est réalisable, des élé- ne sont plus aussi incertaines :
2
ments technologiques de base existent, quelques essais confir- – TRL 7 : tous les matériaux, méthodes, technologies ont été
ment les principes de base, différentes parties de la technologie choisis, les prototypes sont fabriqués sur l’outil de production,
fonctionnement, mais sans intégration, une démarche expérimen- mais les quantités restent limitées, les essais opérationnels sont
tale est élaborée, une idée qualitative des risques du projet existe ; représentatifs de la réalité ;
– TRL 3 : le milieu universitaire a été identifié, quelques prédic- – TRL 8 : l’architecture finale est présentée, toute la documenta-
tions de performance existent, les connaissances à acquérir sont tion est écrite, tous les matériaux sont disponibles, les documents
identifiées, quelques essais de faisabilité sont faits, des études légaux sont faits ;
théoriques montrent que les technologies employées seront – TRL 9 : le design est stable, un plan de formation est élaboré,
compatibles, les risques sont identifiés, mais demeurent en termes le processus qualité est en place et le système fonctionne en
généraux, une analyse rudimentaire du coût série est faite. conditions réelles.
La recherche amont a pour objectif de définir si, au-delà des Il est fréquent qu’à ces niveaux, pourtant proches de la produc-
idées initiales, l’incertitude demeure entière ou si la probabilité de tion, la découverte de dysfonctionnements ou d’effets liés à la
succès est suffisante pour engager des dépenses ultérieures plus complexité du système ou du procédé nécessite de relancer des
conséquentes. Le résultat de cette recherche consiste en un opérations de recherche de niveau inférieur (développements
modèle probatoire qui doit apporter la preuve que les travaux expérimentaux), voir d’études amont si le problème est particuliè-
pourront être ou non poursuivis au stade des développements. rement complexe.
Les investigations techniques doivent aboutir à un produit qui
peut être fabriqué dans des conditions opérationnelles et
1.3 Développements expérimentaux commercialisable. L’innovation constitue le résultat de cette der-
nière phase.
Les développements expérimentaux interviennent quand les
connaissances de base ont été acquises et que l’élaboration d’un Le manuel d’Oslo définit quatre types d’innovation : les innova-
dispositif d’essai est envisageable. Ce premier prototype est tions de produit, les innovations de procédé, les innovations de
encore très éloigné de ce que sera le produit série. En cela, il s’agit commercialisation et les innovations d’organisation. Les innova-
toujours de recherche, mais de recherche expérimentale. L’objet tions technologiques regroupent l’innovation de produit et l’innova-
ou le système produit lors de cette phase est destiné à tester la tion de procédé.
validité des hypothèses, évaluer les effets d’échelle, déterminer les
points durs de la production future. Les développements expéri-
mentaux correspondent à des niveaux de maturité de 4 à 6 : L’innovation de produit correspond à l’introduction d’un bien
ou d’un service nouveau. Cette définition inclut les améliora-
– TRL 4 : les problèmes de compatibilité entre les technologies tions sensibles des spécifications techniques, des composants
ou les physiques utilisées sont investigués, les éléments indivi- et des matières, du logiciel intégré, de la convivialité ou autres
duels sont expérimentés en laboratoire, une première architecture caractéristiques fonctionnelles.
est élaborée, des maquettes à échelle réduite du système sont
faites avec les principaux éléments dimensionnants, les techniques L’innovation de procédé correspond à la mise en œuvre
de conception sont choisies, les principaux éléments de coût sont d’une méthode de production ou de distribution nouvelle ou
connus, les stratégies de résolution de problèmes choisies, l’ana- sensiblement améliorée. Cette notion implique des
lyse des modes de défaillance effectuée ; changements significatifs dans les techniques, le matériel et/ou
le logiciel.
– TRL 5 : les éventuels effets collatéraux sont investigués, du
matériel de préproduction est disponible, les interfaces sont
connues, des prototypes sont créés, le fonctionnement est nominal
en laboratoire, des premiers éléments de design sont trouvés, le
système est fiable, mais les performances ne sont pas encore 2. Enjeux de la RDI
nominales, les essais se rapprochent de l’environnement opéra-
tionnel, les processus de production sont élaborés, l’AMDEC (ana- Les enjeux de la RDI sont avant tout économiques : au niveau
lyse des modes de défaillance, de leurs effets et causes) est macroéconomique, ils répondent à la stratégie des États occiden-
réalisée, une matrice des exigences est faite, un brouillon de plan taux dans la recherche d’avantages technologiques ; au niveau des
d’ingénierie est écrit ainsi qu’un plan de gestion de configuration ; entreprises, ils répondent au besoin d’amélioration de leur marge
– TRL 6 : les niveaux de qualité et de fiabilité sont connus, des opérationnelle. L’économiste américain Franck Knight établit en
essais d’industrialisation sont faits en laboratoire, des modifications 1921 les sources du profit [5]. Il est possible de distinguer trois
de conception sont encore fréquentes, l’environnement d’essai est types d’activité :
presque réaliste, la version finale du plan d’ingénierie est faite, les – l’activité chronique : l’entreprise produit des objets ou services
besoins en investissement process/outillage sont connus, la gestion dont la fabrication et la vente sont quasi certaines. La production y
de configuration est en place, les démonstrations de production est massive et les marges faibles. Beaucoup d’entreprises artisa-
sont validées, les exigences sont documentées. nales sont dans cette catégorie ;
Les développements expérimentaux sont onéreux et il est sou- – les activités à risque : l’entreprise investit par rapport à une
vent souhaitable d’avoir identifié un client à partir de TRL 4. Les prévision de marché, mais la production et la vente présentent
résultats des développements expérimentaux doivent aboutir un certain risque d’échec. Ce risque est calculé en fonction de
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Référence Internet
AG212
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Consultant en gestion
Enseignant en sciences de gestion CNAM Grand Est, université de Lorraine, Nancy, France
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Référence Internet
AG212
Al Debei et Avison
Réseau de valeur
(2010)
Figure 1 – Synthèse des principaux modèles de représentation d’un Business Model (adapté de Hartmann, Zaki, Feldmann and Neely) [3]
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Référence Internet
AG212
– éléments de marché : pour qui l’organisation crée de la valeur Les dirigeants d’Air France ont été dans l’obligation stratégique de
et comment elle la délivre ? revoir le business model de l’entreprise, notamment en proposant le
modèle « low cost » Transavia. Cette innovation de modèle d’affaires
– moyens internes : comment l’organisation utilise ses res-
ne correspond ni à une diversification (puisque l’entreprise exerce la
sources pour créer et délivrer de la valeur à ses parties prenantes ?
même activité), ni à une simple extension ou segmentation de l’offre.
– aspects économiques : quels sont les coûts et les revenus Cette innovation de business model se traduit par une nouvelle propo-
engendrés ? sition de valeur à destination d’un nouveau segment de clients avec
lesquels de nouveaux modes relationnels sont établis et distribuée via
Nota : cette synthèse est avant tout orientée vers les organisations ayant des objec- d’autres canaux.
tifs économiques. Pour les organisations cherchant à maximiser l’impact social ou
environnement de leur activité, une adaptation doit être réalisée afin de mettre en avant La constitution de portefeuilles de business models s’impose de
la notion d’impact par rapport à celle de revenus. plus en plus. Il s’agit de la coexistence de différentes propositions de
valeur et unités opérationnelles au sein de la même entreprise. La
branche Air Liquide Healthcare et son activité de services à domicile
1.3 Business model et stratégie déploient 20 modèles d’affaires et entités différentes tel les que Vita-
lAire, Garbagas, Orkyn, Dinno Santé, Medical, etc. Cette multiplicité
de business models offre à l’entreprise une couverture optimale des
2
Au regard de la présentation qui vient d’être faite du business espaces de marché.
model, il paraît pertinent de la positionner par rapport à une autre
notion très importante pour les organisations qu’est la stratégie.
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Référence Internet
AG2020
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1. Le rôle clef de l’innovation dans la dynamique de l’entreprise .. AG 2 020 — 2
1.1 L’innovation est au cœur même de la démarche entrepreneuriale ......... — 2
1.2 Éviter deux risques opposés....................................................................... — 2
1.2.1 Premier risque : s’installer dans la routine des technologies
maîtrisées et du business model initial ............................................ — 2
1.2.2 Second risque : la monoculture technique ....................................... — 3
1.3 Les difficultés intrinsèques du processus d’innovation ........................... — 6
1.3.1 La différenciation invention – innovation. L’inventeur est rarement
l’innovateur ......................................................................................... — 6
1.3.2 Des milliers d’idées dont seulement quelques-unes aboutiront .... — 7
1.3.3 L’association de l’ensemble de l’entreprise au processus
d’innovation ........................................................................................ — 7
1.4 La société se protège des innovations....................................................... — 8
1.4.1 La résistance à la dévalorisation du capital...................................... — 8
1.4.2 La résistance à la dévalorisation des connaissances ...................... — 9
1.4.3 L’importance des générations technologiques................................. — 9
1.5 La capacité à innover, vecteur stratégique fondamental de l’entreprise — 9
2. Nature profonde et complexité du phénomène d’innovation ..... — 10
2.1 L’innovation est surtout une affaire de comportement............................. — 10
2.2 La multiplicité des formes d’innovation .................................................... — 11
2.3 Les différents niveaux d’innovation dans l’entreprise ............................. — 12
2.3.1 Optimisation, valorisation, innovation ............................................. — 12
2.3.2 Innovations « de continuité » et innovations « de rupture »........... — 13
2.3.3 Innovations « de nécessité » et innovations « d’initiative »............ — 13
2.3.4 Innovations « prédéterminées » et innovations « d’opportunité ». — 13
2.3.5 Innovations « partielles » et innovations « globales »..................... — 14
2.4 La dynamique du processus d’innovation ................................................ — 15
2.4.1 Le développement des innovations sur l’axe R&D – marché ......... — 15
2.4.2 Le triangle de l’innovation technique................................................ — 16
2.4.3 Le diamant de l’innovation totale...................................................... — 16
2.5 L’optimisation du processus d’innovation ................................................. — 18
2.5.1 L’intérêt d’une coopération précoce des différentes fonctions
de l’entreprise via les équipes projet ................................................ — 18
2.5.2 Peut-on favoriser le processus d’innovation ? ................................. — 18
2.5.3 L’importance de l’expression des idées et de la communication
— 18
interfonctionnelle................................................................................
’il fallait donner une définition simple de l’innovation, elle pourrait se résu-
S mer à intégrer le meilleur état des connaissances dans un produit (ou ser-
vice) créatif permettant d’aller plus loin dans la satisfaction des individus, tout en
soulignant qu’il n’y a réellement innovation qu’avec son insertion dans la réalité
et donc son acceptation par la société. Dans cette définition générique se retrou-
vent les composantes essentielles du processus d’innovation, défi permanent
pour l’entreprise, qui en est l’acteur essentiel.
Parution : janvier 2007
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Référence Internet
AG2020
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Le concept d’innovation est en relation directe avec celui d’entre- le domaine civil sous le nom de photographie numérique, stockable sur
prise. Pratiquement tous les projets d’entreprises reposent à l’ori- mémoire flash ou CD, et effectivement compatible avec le monde
gine sur une innovation. Au-delà de l’exploitation de leur innovation numérique : PC, Internet, périphériques d’impression, télécommunica-
première et pour éviter le déclin et la disparition, les entreprises se tions fixes et mobiles. Au début, la définition de ces photographies
renouvellent par des innovations. était assez médiocre, et les leaders de la photographie sur film n’ont
pas pris très au sérieux cette technologie. Mais celle-ci a progressé très
Les « grandes inventions » ont accouché des vagues d’entreprises vite, portée par des acteurs industriels venus de l’électronique et de
nouvelles qui se sont développées pour donner les grandes indus- l’informatique (Sony, HP, Matsuhita, Canon...) et s’est imposée par son
tries (automobile, aéronautique, radio, télévision, Internet...). L’élec- potentiel et ses multiples avantages.
tricité, par exemple, découverte clef de la fin du XIXème siècle, a été Pour les leaders du secteur, comme Kodak, mais aussi Ilford, leader
à l’origine de nombreuses entreprises. Dans chaque grand pays, mondial du papier photo, ou encore Polaroïd, qui vivait de son innova-
existe encore actuellement au moins un grand groupe né de tion de la photographie instantanée, il s’agissait d’une révolution, puis-
l’électricité : Alcatel, ex. Compagnie Générale d’Électricité en que toute la base technologique et industrielle de leur activité se
France, General Electric aux États-Unis, GEC Marconi en Grande- retrouvait mise en cause, et qu’ils auraient dû, pour survivre, intégrer
Bretagne, Nippon Electric Corp. (NEC) au Japon, AEG et Siemens en des technologies complètement extérieures à leur domaine d’activité.
Allemagne... Si ces entreprises existent toujours aujourd’hui, plus Ilford et Polaroïd n’ont pas survécu à cette révolution, trop rapide pour
de cent ans après leur création, c’est qu’au-delà de leur innovation qu’ils trouvent des voies d’innovation et de redéploiement de leur acti-
première, elles n’ont cessé de se renouveler, en innovant et en éten- vité, et ils ont été acculés à la faillite au début des années 2000. Kodak
dant leur activité au-delà de l’électricité, vers l’électronique, les télé- a aussi réagi trop tard, contestant longtemps l’intérêt de la photogra-
communications fixes et mobiles, la TV, l’Internet... Parallèlement, la phie numérique, à la façon dont IBM avait longtemps contesté l’intérêt
naissance de ces nouveaux secteurs a été de pair avec celles du PC, illustrant la règle dite « de l’aveuglement du leader », qui cons-
d’entreprises nouvelles, comme Cisco, Yahoo, Amazon, AOL, Oracle, tate que le leader d’un secteur est généralement le dernier à se rendre
Google... compte qu’une évolution technologique est en cours et que le monde
Cette relation première à une innovation peut pratiquement est en train de changer.
s’observer à l’origine de toute entreprise, qui a dû, pour exister, faire Kodak a fini par réviser ses positions et se lancer tardivement mais
preuve du caractère innovant d’une façon ou d’une autre de son de façon déterminée dans la photographie numérique, lançant de mul-
projet, et du plus par rapport à l’état de l’existant : meilleures perfor- tiples innovations (appareils photos, sur lesquels il n’était présent que
mances, meilleure qualité, meilleurs prix, meilleure adaptation aux par les jetables, centrales personnelles de tirage, points photos, appa-
besoins, meilleure proximité des clients, délais plus courts, etc. Si ce reils intégrés dans les portables...) et mettant en place de nombreuses
n’est pas le cas, l’état de l’offre est considéré comme suffisant et coopérations avec de grand acteurs de l’économie numérique. Kodak a
l’entreprise nouvelle ne présente pas d’intérêt. En ce sens, il est pos- même réussi en 2005 à se positionner comme leader des appareils
sible de dire que pratiquement toute entreprise nouvelle est liée par photo numériques (devant Sony) sur le marché américain. Mais la situa-
nature à une démarche innovante. tion restera longtemps critique pour Kodak qui doit faire face aux coûts
Mais au-delà de ce marquage initial du sceau de la nouveauté, considérables de fermeture de dizaines d’usines dans le monde, tout
l’entreprise se doit, pour survivre et se développer, de maintenir une en investissant massivement dans le secteur du numérique. Parallèle-
relation durable et permanente à l’innovation. ment son personnel qualifié doit en partie se reconvertir, son porte-
feuille technologique dans le secteur chimique (film, pigments...) ayant
perdu l’essentiel de sa valeur.
1.2 Éviter deux risques opposés L’innovation peut donc devenir un impératif stratégique absolu
pour une entreprise dans un contexte marqué par une révolution
technologique porteuse d’innovations radicales et de changement
1.2.1 Premier risque : s’installer dans la routine de paradigme. Le cas de Kodak est bien loin d’être isolé. D’importan-
des technologies maîtrisées et du business tes révolutions technologiques déjà bien amorcées vont avoir un
impact déterminant dans de nombreux secteurs qui devront eux
model initial aussi gérer des processus d’innovation radicale.
Le premier risque que court l’entreprise est de vivre sur son L’entreprise se doit d’être d’autant plus vigilante qu’elle a une
acquis, en se contentant de l’exploitation de son innovation initiale. grande notoriété. Ce capital confiance hérité du passé peut la proté-
ger pendant un certain temps. Quand elle prend conscience de la
Cette tendance à l’inertie est d’autant plus difficile à combattre dégradation de la situation, il est souvent trop tard, compte tenu du
qu’elle peut paraître légitime. La fidélité à la tradition est souvent res- temps nécessaire au développement des processus d’innovation.
sentie comme un critère de qualité et de respect du métier. Les suc-
cès passés justifient alors la non-évolution des techniques, des ■ Dépasser l’opposition tradition-innovation
méthodes et des concepts. Selon le même adage qui veut que « l’on
ne change pas une équipe qui gagne », beaucoup d’entreprises ne Il existe en France une opposition mal fondée entre tradition et
changent pas les recettes qui ont fait leur succès, sans se rendre innovation. Il est bien connu des publicitaires que faire référence à
compte que le monde évolue et que les raisons mêmes qui ont été à un procédé « à l’ancienne » est, pour tous les produits qui touchent
l’origine de leur succès peuvent alors devenir celles de leur déclin. à la personne un fort argument commercial.
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Référence Internet
AG2020
L’exemple souvent donné de la primauté de la tradition par rapport à velles possibilités que ceux-ci ignoraient (CAO, contrôles non
des démarches innovantes concerne le secteur du luxe, dans lequel la destructifs, matériaux hautes performances, automatisation, con-
France excelle au niveau international, et qui est censé s’appuyer sur un trôle et régulation électronique de process, etc.).
respect scrupuleux des traditions, tant au niveau des produits que des
Exemple : le secteur de la porcelaine de Limoges a connu éga-
procédés. En fait il n’en est rien. Il existe un abîme entre les procédés
lement le même processus de marginalisation et d’atténuation de sa
qui étaient ceux de Louis Vuitton, malettier au XIXesiècle, et ceux utili-
reconnaissance internationale, face aux autres fabricants européens et
sés actuellement par l’entreprise Louis Vuitton, leader mondial de la
aux fabricants asiatiques, en grande partie en raison de la non-adapta-
bagagerie, qui, tout en garantissant une qualité irréprochable, se
tion de ses technologies de production. Les procédés traditionnels
situent à la pointe des technologies de production, avec notamment
employés, plus liés à l’artisanat qu’à l’industrie, supposent un très haut
des contrôles électroniques de process en continu, de la découpe laser
niveau de maîtrise du métier des ouvriers. La difficulté à renouveler ce
et des automatismes très poussés.
très haut niveau de qualification et l’exigence de qualité du produit fini
Il ne s’agit pas d’un cas isolé. Que ce soit dans les parfums, dans entraînent des taux très élevés de rebuts, extrêmement coûteux et
2
les produits alimentaires, dans l’ameublement, ou dans tout autre devenus paradoxaux à une époque de recherche du « zéro défaut ».
secteur considéré comme « traditionnel », les entreprises qui affi- Une reconsidération des méthodes et technologies est en cours au
chent fièrement leurs origines, leur longue tradition et qui ornent début des années 1990, notamment pour le pressage, le coulage, le
leur frontispice de la date plus que centenaire de leur création sont contrôle électronique des cycles de cuisson, la mise au point de kaolins
justement celles qui ont su s’adapter et introduire des innovations plus performants, l’utilisation des poudres, etc. Ces évolutions, là aussi
fondamentales. Elles leur ont permis de se développer et de traver- tardives, se traduisent par une amélioration non seulement de la pro-
ser le temps, alors que leurs concurrents de jadis ont disparu et ont ductivité mais également de la qualité (élimination des points noirs à la
sombré dans l’oubli après avoir connu leurs heures de gloire. cuisson, baisse importante des rebuts, etc.).
Si les entreprises les plus dynamiques ont une forte conscience
Un procédé exclusif, aussi original et efficace qu’il soit, même
de la nécessité absolue de renouvellement, et donc d’innovation,
protégé, doit donc être périodiquement revu et adapté selon les
nombreuses sont encore les entreprises, à forte conscience de leur
nouvelles connaissances scientifiques et techniques, en les utilisant
métier reposant sur une longue tradition, qui se replient sur une
au mieux pour non seulement garantir, mais également améliorer la
définition restrictive de ce métier et croient se protéger par l’exalta-
qualité tout en réduisant les coûts.
tion de sa tradition technique. Elles refusent alors le maillage de leur
culture avec de nouvelles technologies, rejetées comme étant exo- Un contre-exemple positif à celui de Lip est donné par la Société
gènes, et elles se trouvent progressivement marginalisées. Mécanique Horlogère (SMH), qui a été créée à partir de l’intégration
des restes de l’industrie horlogère suisse au début des années 1980,
Exemple : beaucoup d’entreprises d’horlogerie, riches d’une lon-
et qui a su, sous l’impulsion de son directeur Nicolas G. Hayek, recon-
gue tradition, qui ont refusé le maillage de la technologie de la
quérir la totalité des parts de marché qui lui avaient été prises par
mécanique de précision avec l’électronique, la conception assistée par
l’industrie japonaise. Ce retour a été lié à une démarche innovante tou-
ordinateur, la production fortement automatisée, n’ont pas survécu.
chant tous les aspects du cycle conception – production – distribution
Lip, qui avait pourtant innové avec la montre à rubis, a lutté contre l’arri-
– vente – marketing du produit, avec notamment le lancement de la
vée de l’électronique et s’est replié sur le haut de gamme. Alors que le
« Swatch ». Si l’innovation est évidente au niveau de l’originalité du pro-
nom de Lip était encore dans les années 1970 la référence en matière
duit (nom, aspect, création de « collections », séries limitées, mode de
de montre, il est déjà pratiquement inconnu des moins de 30 ans.
distribution...), elle l’est autant concernant :
De nombreux fabricants d’instruments de musique traditionnels
— la conception : 51 pièces au lieu de 150 à 250 dans les autres
(pianos, flûtes, violons, guitares...) ont fait la même erreur en Europe
montres, ce qui signifie plus grande simplicité, fiabilité et moindre
en refusant l’intégration de l’électronique et de différentes technolo-
coût ;
gies modernes comme les machines-outils à commande numérique, la
— la fabrication : moulage de haute précision en une seule pièce du
fabrication automatique d’ébauches, les matériaux nouveaux haute
boîtier, production centralisée des ébauches, automatisation extrême
performance, la robotique, les procédés modernes de séchage, etc.
de la production et séries les plus importantes du secteur.
Plusieurs centaines ont été balayés en une dizaine d’années par de
nouveaux entrants, surtout japonais, pourtant méprisés au départ Ce succès illustre l’importance clef du réflexe d’innovation dans un
parce que non issus de la tradition du métier. Ceux-ci ont su non seule- secteur qui avait déjà été classé hâtivement dans les rapports succes-
ment conquérir le marché, mais également imposer in fine une pro- sifs par les administrations tant suisse que française comme « secteur
gression importante du niveau moyen de qualité, tout en s’appropriant traditionnel en déclin ». On a permis à SMH de se propulser durable-
les compétences traditionnelles des concurrents européens qu’ils ont ment comme leader mondial, en fabriquant à la fois les montres les plus
éliminé ou racheté. populaires et les plus luxueuses (l’entreprise ayant élargi également sa
Nota : Yamaha a ainsi racheté plusieurs grandes marques européennes d’instruments
part de marché sur le haut de gamme et pris le contrôle de marques
de musique, dont le dernier fabricant anglais de piano. Les quelques rescapés des pôles parmi les plus prestigieuses : Omega, Longines, Tissot, Bréguet...),
d’excellence mondiale comme les luthiers de Mirecourt, par exemple, ou quelques fabri- l’ensemble étant solidement appuyé sur la tradition de qualité suisse.
cants de pianos de concert ont connu au début des années 1990 un renouveau après
avoir failli disparaître. Ce renouveau se fait grâce à l’ouverture tardive aux nouvelles
technologies de production et à de nouveaux modes d’organisation. Les quelques survi-
Les risques liés à une trop forte exaltation de la tradition, qui
vants découvrent qu’ils auraient été les mieux placés pour tirer parti de ces nouvelles cache le plus souvent l’habitude, touchent tous les secteurs, même
technologies s’ils les avaient adoptées plus tôt, et ce sans aucune perte de la maîtrise de relativement récents, il existe déjà des traditionalistes du téléphone
leur métier, ni de la qualité des produits issue de la tradition. portable, de la TV hertzienne et de l’Internet de première génération,
C’est surtout au niveau de la non-évolution des procédés de fabri- mal préparés à la convergence numérique et au triple play.
cation que se situe le risque principal d’obsolescence des compé-
tences de l’entreprise dans les secteurs dits « traditionnels ». Il y a
en effet souvent assimilation entre le produit traditionnel et son pro- 1.2.2 Second risque : la monoculture technique
cédé de production hérité du passé, la qualité du premier étant tota-
lement identifiée au strict respect du second. La première partie de la définition générique de l’innovation dit
La fidélité à la tradition ne doit donc pas être interprétée de façon qu’elle consiste à « intégrer le meilleur état des connaissances... ». Il
restrictive. Quand le procédé initial a été mis au point, il correspon- s’agit là d’un élément essentiel. En théorie, toute entreprise qui pren-
dait au meilleur de l’état de la technique et des outils disponibles. drait un retard significatif par rapport au meilleur état des
Vingt ans, cinquante ans, ou a fortiori cent ans après, ceux-ci ont connaissances se mettrait dans la situation de décliner par obsoles-
beaucoup évolué, et ce n’est pas être fidèle aux géniaux concep- cence et de voir d’autres entreprises devenir plus performantes. En
teurs du passé que de figer les procédés sans tenir compte des nou- pratique, intégrer le meilleur état des connaissances est un défi
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considérable pour l’entreprise moderne, qui évolue dans un monde veaux. Les technologies sont les outils permettant cette améliora-
qui a placé la recherche scientifique et technologique au cœur de la tion, encore faut-il qu’elles soient au service d’objectifs bien
compétitivité industrielle. Trois chiffres suffisent à illustrer ce défi. Il y a identifiés. Si les rêves, désirs, souhaits, attentes et besoins des utili-
à travers le monde plus de dix millions de chercheurs à plein temps sateurs ne sont pas pris en compte, si le nouveau produit ne
dont la mission quotidienne consiste à faire avancer l’état des connais- s’approche pas un peu plus de l’idéal tel que perçu par les clients
sances. Leur travail se traduit chaque année par la publication d’envi- potentiels, il ne se vendra pas bien, et le processus d’innovation
ron quatre millions d’articles scientifiques et la délivrance de plus d’un tournera court. Il s’agit là d’un risque permanent, notamment en
demi million de nouveaux brevets. Dans ce contexte, personne ne France. Il existe dans les textes d’analyse des processus d’innova-
peut prétendre être en permanence au meilleur état des techniques, tion y compris anglais, une expression qu’il est de bon ton de citer
pas même les directeurs des plus grandes institutions de recherche, en français pour qualifier les produits high-tech n’ayant pas rencon-
NSF ou CNRS, ou les directeurs de la R&D des plus grandes entrepri- tré un marché : il s’agit de « succès technologique, échec
ses, fût-ce Siemens avec ses 45 000 chercheurs. commercial », car la plupart des exemples cités pour l’illustrer sont
2
Généralement, les entreprises sont bien armées pour se mainte- français : Concorde, plan calcul, Superphénix, plan câble, Aérotrain,
nir au courant du meilleur état des connaissances dans les domai- Naviplane, satellite TDF, etc.
nes technologiques « habituels ». Les plus importantes ont une
activité de R&D propre leur permettant de participer au progrès des Les ingénieurs et technologues ont tendance à considérer que ces
connaissances et de renouveler leurs produits, procédés, technolo- échecs viennent du fait que nous n’aurions pas de vendeurs à la
gies, méthodes. Mais le champ des technologies pertinentes est très hauteur de nos ingénieurs, et que si les premiers ont bien réussi leur
vaste, et, de plus, des ruptures technologiques peuvent se produire, travail, puisqu’il y a « succès technologique », ce n’est pas le cas des
marquées par l’irruption de technologies jusqu’alors extérieures au seconds, puisqu’il y a « échec commercial ». À l’inverse, les com-
secteur, qui peuvent en révolutionner les règles : cas de l’arrivée de merciaux considèrent ces produits comme des « produits
l’électronique dans la montre, de la technologie numérique et du d’ingénieurs », c’est-à-dire définis sur de purs objectifs technologi-
capteur CCD dans la photographie, de la biologie moléculaire et du ques se situant bien loin des réalités et besoins réels du marché, et
génie génétique dans l’agriculture... donc « invendables » dès l’origine. Ce problème d’un mauvais dia-
logue entre détenteurs des connaissances technologiques et
Rester au meilleur état des connaissances constitue donc un défi détenteurs des connaissances du marché et des attentes clients est
permanent de l’entreprise, qui doit le résoudre selon sa taille et sa spé- effectivement exacerbé en France en raison d’un système de forma-
cialisation. Les grandes entreprises à très forte capacité technologique,
tion séparant totalement les filières techniques des filières commer-
dites « valeurs technologiques », comme Intel par exemple, ont pour
ciales et de gestion, par le système des grandes écoles dont il
objectif de faire avancer la technologie dans leur domaine de spéciali-
n’existe pas d’équivalent dans les autres pays où l’université a
sation, et d’en être le fournisseur pour les autres entreprises qui les
gardé son rôle universel et où il existe d’importants troncs com-
incorporent dans leurs produits (ce qui est bien traduit par le slogan
muns entre ces deux filières.
« Intel inside » pour les microprocesseurs). N’est pas valeur technolo-
gique qui veut. Selon les domaines, il n’y a généralement que quel-
Il faut donc être toujours vigilant dans la phase de conception d’un
ques entreprises dans le monde qui se battent sur les technologies
nouveau produit de façon que les objectifs ou cahier des charges
génériques pour lesquelles les investissements se chiffrent en mil-
internes (pitchs et briefs en langage des affaires) soient définis de
liards d’euros et en milliers, voir dizaines de milliers de chercheurs.
Elles consacrent l’essentiel de leurs ressources humaines, techniques façon commune et approfondie entre les responsables de la R&D et
et financières à cet objectif, sachant que toute avancée technologique ceux du marketing de façon à être parfaitement adaptés au marché et
et innovation significative peuvent remettre en cause leur leadership. à aller le plus loin possible vers les désirs et attentes utilisateurs. Pour
cette phase de coopération initiale, on parle de « marketing amont »,
Ainsi, malgré sa puissance technologique et son leadership mondial, en ce sens qu’il intervient dans la définition du produit, avant qu’il
Intel a, au début des années 2000, perdu du terrain face à son concur- n’existe (donc en amont), pour y intégrer les attentes du marché, par
rent AMD, qui a innové avec le lancement des puces à double cœur. opposition au « marketing aval », qui intervient après que le produit
ait été défini (donc en aval de sa conception), pour sa promotion et sa
Pour les autres entreprises, et notamment celles qui fournissent les vente sur le marché. Si les attentes du marché ont bien été intégrées,
produits complexes (avions, automobiles, ordinateurs...), l’intégration la commercialisation du produit en sera grandement facilitée. Cette
du meilleur état de l’art est surtout le fait de la gestion d’un réseau écoute des désirs et des attentes clients est particulièrement difficile,
complexe de fournisseurs de technologies génériques (matériaux, elle nécessite des travaux de recherches et d’études sociologiques,
composants, sous-systèmes, équipements, puces, logiciels, etc., eux- économiques, statistiques approfondis.
mêmes au meilleur état de l’art. La R&D interne porte alors sur la con-
ception des systèmes complexes, la capacité d’évaluation des techno- Certaines entreprises ont développé une véritable culture
logies numériques ainsi que quelques technologies clefs spécifiques d’écoute et de compréhension intime des logiques économiques et
au métier. Un constructeur automobile par exemple fait appel à plus sociologiques de leurs clients, et de leurs rêves (dans le sens
de 250 champs technologiques, dont il ne maîtrise en interne que « produit rêvé, idéal » vers lequel le fournisseur doit tendre de
quelques-uns. Pour les autres, il fait appel aux grands équipementiers
s’approcher). Cette approche est parfois résumée en un slogan ou
et fournisseurs : Saint-Gobain, Michelin, Valéo, Bayer, FCI...
un nom qui la synthétise.
Pour la petite entreprise, l’essentiel du défi technologique porte
sur la capacité à intégrer le meilleur état des technologies, le plus Exemples :
souvent conçues à l’extérieur et déjà organisées en systèmes, sous- – « j’en ai rêvé, Sony l’a fait », rappelant que la définition de tout nou-
systèmes, composants et équipements. S’y ajoute le renouvelle- veau produit doit partir des rêves et désirs des utilisateurs visés ;
ment de ses propres technologies et savoir faire, de façon à porter – « parce que je le vaux bien », de L’Oréal, où la création de valeur est
constamment son offre au meilleur niveau. d’abord celle perçue par le client ;
– « Dreamliner » de Boeing (B-787), dont le nom traduit effective-
■ Éviter le syndrome du « succès technologique – échec
ment un travail sans précédent réalisé entre Boeing et les grandes
commercial »
compagnies aériennes pour définir l’avion rêvé (par elles), démarche
Si l’intégration du meilleur état des connaissances constitue un d’écoute approfondie voulue par le constructeur qui avait perdu du ter-
défi de premier ordre pour l’entreprise, cette maîtrise technologique rain sur ce marché et qui s’est traduite par un succès commercial
ne constitue pas un objectif en soi. L’objectif est « d’aller plus loin immédiat, le B-787 Dreamliner étant de toute l’histoire de Boeing
dans la satisfaction des individus », c’est-à-dire d’améliorer l’offre l’appareil plus vendu avant même son premier vol, illustrant le très bon
de l’entreprise pour mieux servir ses clients et en séduire des nou- relais marketing amont – marketing aval.
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1. Genèse d’un nouveau paradigme......................................................... AG 250 - 2
2. De l’innovation interne à l’innovation ouverte ................................ — 4
3. Typologie des situations rencontrées ................................................ — 5
4. Risques de l’innovation ouverte........................................................... — 7
5. L’innovation ouverte aux différents stades du processus
d’innovation ............................................................................................... — 7
5.1 Spécificités au niveau stratégique (gestion d’un portefeuille
de projet d’innovation) ................................................................................ — 7
5.2 Spécificités au niveau opérationnel (conduite d’un projet
d’innovation) ................................................................................................ — 8
6. Mise en œuvre de l’innovation ouverte ............................................. — 8
7. Conclusion.................................................................................................. — 11
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. AG 250
tions importantes sont moins le fruit d’un acteur isolé que d’une collaboration
tissée entre des entreprises et organismes de R&D. Par exemple, les technolo-
gies disponibles n’ont jamais été aussi nombreuses et l’innovation
technologique résulte le plus souvent d’une hybridation de ces technologies
d’origine multiple qui entraîne les organisations maîtrisant ces technologies à
collaborer. L’innovation ouverte, c’est-à-dire l’acceptation d’idées venues
d’ailleurs et la mobilisation de ressources externes à une entreprise pour
conduire un projet d’innovation, constitue un levier de première importance
dans un tel contexte.
L’innovation ouverte va souvent plus loin qu’un partenariat entre quelques
acteurs pour mener un projet d’innovation. Dans le cas d’une innovation de
rupture, les parties prenantes, telles que des prescripteurs, communautés
d’intérêts, collectivités territoriales, l’État qui réglemente, sont impliqués du fait
qu’il faut s’assurer que la rupture soit acceptable. C’est souvent le cas de nos
jours pour ce qui concerne les innovations dans le domaine de l’énergie (nou-
velles sources, voiture électrique...) ou encore celui des technologies propres
(réduction du CO2, traitement des déchets...).
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Tableau 1 – Les principales différences entre les deux paradigmes (source [1])
Principes de l’innovation interne Principes de l’innovation ouverte
Le personnel de R&D de notre domaine travaille dans notre Toutes les personnes compétentes en R&D ne travaillent pas pour
entreprise nous. Nous avons besoin de travailler avec des personnes de R&D
dans et hors de l’entreprise
Pour bénéficier de la R&D, nous devons la faire nous-même La R&D externe à l’entreprise peut créer de la valeur. La R&D
interne est nécessaire afin de prendre part à cette création de
valeur
Si nous innovons seul, nous serons les premiers sur le marché Nous n’avons pas nécessairement besoin d’être à l’origine de la
Si nous développons nos meilleures idées, nous gagnerons Si nous faisons le meilleur usage des idées internes et externes,
nous gagnerons
Nous devons maîtriser notre propriété intellectuelle pour que nos Nous devons profiter de l’exploitation de notre propriété intellec-
concurrents ne profitent pas de nos idées tuelle par d’autres, et nous devons acquérir les droits d’exploitation
de la propriété intellectuelle d’autres chaque fois qu’elle peut faire
progresser notre modèle économique
Plus fondamentalement, l’ouverture peut permettre à l’entre- les pays avancés était en moyenne inférieur à 10 % des dépenses
prise de se lancer dans une innovation de rupture lorsque l’innova- de R&D. La forme la plus fréquente constatée étant l’innovation en
tion incrémentale ne paraît pas suffisante pour maintenir sa collaboration avec des entreprises clientes ou fournisseurs.
compétitivité. Dans ce cas, l’innovation ouverte se révèle souvent À partir des années 1990, l’internationalisation des activités de
indispensable car elle implique, au-delà des collaborations tissées R&D des grandes entreprises, notamment l’implantation de
pour mener les tâches qui vont conduire à un prototype, le centres de R&D localisés dans différents pays pour atteindre un
concours de parties prenantes pour que celui-ci soit réalisable et marché local et développer des produits adaptés à ce marché, les
acceptable. La mise en place d’une infrastructure par des entre- a conduit à établir des réseaux d’innovation ouverte combinant
prises qui ne sont pas au cœur du projet d’innovation est quelque- leurs ressources disséminées dans différents pays avec des insti-
fois nécessaire : le réseau d’antennes des téléphones mobiles par tuts et universités étrangères.
exemple qui a nécessité des fournisseurs et exploitants, celui de la
voiture électrique qui nécessite des bornes de rechargement. Les activités d’innovation des entreprises innovantes en
D’autres acteurs de l’écosystème nouveau peuvent également être collaboration avec d’autres entreprises ou organismes de R&D ont
impliqués : l’installation d’une hydrolienne en mer implique, par continué de progresser dans la première décennie du XXIe siècle.
exemple, d’échanger avec les communautés qui sont impactées C’est ainsi qu’environ 40 % de ces entreprises innovantes
(communes proches, syndicats de pêcheurs...). déclarent collaborer dans le contexte de leurs activités d’inno-
vation dans différents pays d’Europe en 2008 (tableau 2).Un diffé-
De manière à bien situer les principales différences entre les deux rentiel demeure entre les grandes entreprises et les PME, sur ce
approches que sont l’innovation interne et l’innovation ouverte, le sujet... En France par exemple, en 2008 environ 40 % des PME
tableau 1 indique les principes sur lesquels elles se basent. innovantes déclaraient collaborer avec des partenaires externes
Le recours à des ressources externes de R&D, par les grandes sur des activités d’innovation, alors que ce chiffre était de 63 %
entreprises, a commencé à croître dans les années 1970 [2]. Au pour les grandes entreprises innovantes... Le phénomène est qua-
début des années 2000, ce recours aux ressources externes dans siment identique dans différents pays d’Europe (tableau 2).
Tableau 2 – Entreprises innovantes qui collaborent dans le contexte des activités d’innovation.
Pourcentage d’entreprises, en 2004 et 2008 (source : enquêtes communautaires CIS de 2004 et 2008
d’Eurostat)
Ensemble des Ensemble des Grandes Grandes
Pays PME 2004 PME 2008
entreprises 2004 entreprises 2008 entreprises 2004 entreprises 2008
Allemagne 18 23 15 21 43 49
Belgique 41 56 39 55 77 78
Finlande – 40 – 37 – 74
France 39 42 37 40 60 63
Pays-bas 48 53 46 51 79 82
Suède 50 40 48 38 78 65
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1.
1.1
1.2
Domaine du transfert de technologies .......................................
Patrimoine technologique : un socle indispensable .........................
Transfert de technologies : des activités variées ..............................
AG 252 – 2
—
—
2
3
2
2. Transfert dans le contexte de technologies innovantes ......... — 3
2.1 De la connaissance scientifique à l’innovation technologique ......... — 3
2.2 Le rôle central dans le système national d’innovation (SNI)............ — 5
3. Types de transfert de technologies innovantes ........................ — 7
3.1 Un processus multiforme qui s’appuie sur différents dispositifs .... — 7
3.2 Valorisation de la recherche ............................................................... — 8
3.3 Recherche partenariale ....................................................................... — 9
3.3.1 Réseaux (clusters).................................................................... — 9
3.3.2 Structures dédiées à la recherche partenariale ...................... — 9
3.3.3 Appels à projet de recherche collaborative ............................ — 10
3.3.4 Incitations fiscales ................................................................... — 10
3.4 Structures d’interface dédiées aux PME ........................................... — 10
3.4.1 Organisations de conseil : ARI et CDT .................................... — 10
3.4.2 Organisations dotées de moyens technologiques ................. — 10
3.5 Transfert par les ressources humaines .............................................. — 11
3.5.1 Incubateurs des établissements publics à caractère
scientifique et technologique .................................................. — 11
3.5.2 Aides aux doctorants en entreprise ........................................ — 11
3.5.3 Passerelles public-privé ........................................................... — 12
3.5.4 Incitation fiscale à l’embauche de jeunes docteurs ............... — 12
3.6 Transfert entre organisations privées ................................................ — 12
3.7 Synthèse sur les dispositifs ............................................................... — 12
4. Systèmes nationaux d’innovation technologique .................... — 12
4.1 Millefeuille français ............................................................................ — 12
4.2 Une comparaison avec les systèmes d’autres pays ......................... — 15
5. Perspectives : le nouvel atout des pays développés ............... — 16
6. Glossaire ........................................................................................... — 17
7. Sigles, notations et symboles ...................................................... — 17
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. AG 252
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2
Il est en conséquence indispensable qu’une organisation
1. Domaine du transfert détienne un patrimoine technologique afin qu’elle soit en capacité
de technologies de le transférer à un receveur ou un acquéreur.
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conduise naturellement à une invention. Ce n’est pas le cas, il se Pour étayer cette affirmation, il faut comparer la durée qui s’est
trouve qu’à un moment donné le chercheur a besoin d’un objet écoulée entre une révolution scientifique et une vague d’inventions,
nouveau, pour observer par exemple, et qu’il faille inventer cet puis la durée entre une vague d’inventions et des innovations qui en
objet, que l’ingénieur d’une entreprise se trouve confronté à un résultent, enfin la durée de vie sur le marché de nouveaux produits [5].
problème qu’il arrive à résoudre par une invention, ou encore Selon Thomas S. Kuhn, la découverte scientifique commence
qu’un inventeur indépendant confronté à un usage qui ne le satis- avec la conscience d’une anomalie, c’est-à-dire l’impression que la
fait pas développe un objet en réponse à son besoin. nature, d’une manière ou d’une autre, contredit les résultats atten-
Si l’invention est un acte technique différent de la découverte dus dans le cadre du paradigme qui gouverne la science connue à
scientifique, il faut qu’il se poursuive par des développements ce jour. Il y a ensuite une exploration, plus ou moins prolongée, du
technologiques, afin d’aboutir à une innovation technologique, domaine de l’anomalie. Et l’épisode n’est clos que lorsque la théo-
c’est-à-dire un produit nouveau qui sera commercialisé ou encore rie repose sur un nouveau paradigme afin que le phénomène anor-
mal devienne phénomène attendu [6].
un procédé industriel nouveau utilisé de manière opérationnelle
dans un atelier de fabrication. Les révolutions scientifiques ont ainsi été fondées sur des change-
2
ments de théories explicatives des lois de la nature, associés à des
L’innovation technologique étant un processus dont le point de noms illustres tels que Copernic, Newton, Lavoisier, Pasteur, Einstein.
départ est l’invention et le point d’arrivée un produit ou un pro-
cédé. Tout au long de ce processus, il faut procéder à une formula- Trois points méritent d’être mis en exergue :
tion du concept, une faisabilité, développer un prototype, le tester, le premier est qu’avant tout un homme de science s’attache à
le qualifier [AG 2 232]. résoudre une énigme de la nature ; sa démarche, son intelli-
gence, sa créativité sont toutes entière tourner vers la résolu-
La recherche constitue cependant un puissant stock de connais- tion de cette énigme et, au risque de me répéter, on ne peut
sances dans lequel viennent puiser les inventeurs, qu’ils appartien- que constater que cet homme ne cherche pas à créer un objet
nent au monde académique, au monde des entreprises privées, ou innovant sauf dans le cas où cet objet devient une nécessité
encore qu’ils soient des inventeurs indépendants. pour comprendre le phénomène qu’il observe ;
Il convient en effet de rappeler que le processus d’innovation le second porte sur un constat d’une grande portée : il résulte
n’est pas un processus linéaire et que, le plus souvent, le projet que tout nouveau paradigme scientifique entraı̂ne la création
d’innovation comporte de nombreux retours en arrière et inter- d’une discipline scientifique qui ouvre un champ d’innova-
actions avec les connaissances scientifiques et le marché avant tions immense ;
d’aboutir au produit ou au procédé nouveau (figure 1). le troisième est qu’il n’y a pas cependant de relation directe
Le détenteur des résultats peut alors décider de valoriser ses entre le paradigme scientifique et l’invention ; le paradigme
acquis par le transfert de technologies innovantes. donne un éclairage nouveau sur la connaissance, il ne sug-
gère pas les inventions qui peuvent en découler ; d’ailleurs
Ce transfert de technologies innovantes est de plus en plus pratiqué les inventions qui se basent sur cette connaissance sont arri-
du fait de son accélération au cours du temps depuis plus de deux vées souvent des dizaines d’années après les découvertes
siècles, c’est-à-dire depuis le début de la révolution industrielle. scientifiques et apportées par des inventeurs qui n’avaient
Recherche scientifique
Connaissances scientifiques
Industrialisation –
Invention Formulation Faisabilité Développement
commercialisation
Besoins du marché
Figure 1 – Le modèle de la chaı̂ne interconnectée : un processus centré sur le projet innovant dont les nombreux retours en arrière
et interactions avec les connaissances scientifiques et le marché engendrent l’innovation [AG 2 232]
40
Référence Internet
AG1610
Pôles de compétitivité
et intelligence économique
par Jean-Pierre DAMIANO
Docteur d’état ès-Sciences
2
Ingénieur de recherches au Laboratoire d’électronique,
antennes et télécommunications (LEAT), université Nice-Sophia Antipolis / CNRS
ujourd’hui, les grandes sociétés, les industries, les entreprises et, bien évi-
A demment, les laboratoires de recherche publics et privés sont au sein
d’une compétition mondiale, au même titre que les territoires et les États.
L’environnement économique existe, à la fois, dans le domaine du réel et de
l’immatériel. La globalisation des échanges, les mouvements des personnes et
la diversité des systèmes d’information font que tout acteur peut être
Parution : octobre 2009 - Dernière validation : décembre 2017
vulnérable.
Au sein de cette civilisation de la connaissance, chercher et trouver l’informa-
tion pertinente, savoir la traiter et la diffuser à bon escient, la maîtriser et
l’anticiper sont les priorités des acteurs économiques. Cela implique naturel-
lement que l’intelligence économique y trouve ses domaines d’application. Elle
aide à être très réactif face aux concurrents, à mettre en valeur sa propre pro-
duction en tenant compte de l’évolution constante des technologies, des
marchés, des réglementations et de la concurrence. Il faut que les initiatives en
matière d’intelligence économique soient accueillies le plus largement possible
pour soutenir tous les acteurs français de l’économie, en général, et, particuliè-
rement, ceux des pôles de compétitivité. En effet, ces derniers réunissent les
compétences des industriels, des PMI-PME, des institutionnels et des
académiques d’un même territoire avec le soutien actif de la région et de l’État.
Plus particulièrement dans notre pays, il est indispensable que l’information
circule entre le domaine public et privé. Il faut donc que la politique de
compétitivité et de sécurité économique soit une volonté politique du gouver-
nement et que tous les moyens opérationnels soient mis en œuvre pour sa
mise en application et sa réussite.
41
Référence Internet
AG1610
1. Pôles de compétitivité voici plus de 30 ans (Turin et les technologies sans fil : Torino
Wireless, la Vénétie et les nouvelles technologies : Veneto
nanotech).
Depuis une douzaine d’années, l’Allemagne a créé des pôles de
1.1 Présentation compétitivité dans les secteurs de l’énergie, des transports et de
l’aéronautique avec le soutien de nombreux réseaux de
Dans une économie mondiale de plus en plus concurrentielle, la compétence comme kompetenznetze.de.
France a lancé, il y a quelques années, une nouvelle politique
industrielle offensive basée sur les pôles de compétitivité dont le De même, l’Espagne, la Finlande, la Suède, les Pays-Bas, la
principal objectif était l’innovation. Aujourd’hui, un pôle est Belgique, le Danemark ont développé des pôles d’excellence
considéré comme attracteur de projets collectifs entre entreprises, depuis plusieurs années.
centres de recherche et organismes de formation. Le Forum des pôles de compétitivité rassemble chaque année à
2
Sophia Antipolis les principaux acteurs de l’innovation, en France
et en Europe, en coopération avec le ministère de l’Économie, de
La Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action l’industrie et de l’emploi (MINEFE), la Délégation interministérielle
régionale (DATAR), devenue aujourd’hui la Délégation intermi- à l’aménagement et à la compétitivité des territoires (DIACT), le
nistérielle à l’aménagement et à la compétitivité des territoires ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche, et le
(DIACT) définissait un pôle de compétitivité comme l’associa- CDC Entreprises.
tion d’entreprises, d’industriels, de centres de recherche et
d’organismes de formation, qui sont engagés dans une straté-
gie commune de développement, autour de projets innovants. Pour donner aux pôles de compétitivité les moyens de
Toutes les compétences sont mobilisées et mutualisées. s’imposer sur la scène économique, France intelligence inno-
vation (F2i) a été créée à partir de la fusion des leaders de
l’intelligence économique du domaine public, l’Agence pour la
Cette initiative est conçue et réalisée avec la stratégie globale du diffusion de l’information technologique (ADIT) et privé, la
territoire sur lequel le pôle est implanté. C’est un lieu où les tech- Compagnie européenne d’intelligence stratégique (CEIS).
nologies les plus pointues sont au sein d’industries à haut
potentiel de croissance, ayant les capacités d’une visibilité interna-
tionale. C’est un vrai défi pour les collectivités territoriales qui sont
au cœur des réseaux industrie, innovation et recherche. Grâce à la 1.4 Relations avec les PME
labellisation, les entreprises concernées reçoivent des subventions
et bénéficient d’exonération fiscale et d’allègement de charges Bien définies dans les objectifs des pôles, les PME sont parties
sociales. prenantes et collaborent étroitement avec la recherche publique.
Le Comité interministériel pour l’aménagement et le dévelop-
pement du territoire (CIADT) a labellisé 71 pôles de compétitivité Par exemple, forte de la reconnaissance internationale de son rôle
dont 7 mondiaux et 10 à vocation mondiale. dans le domaine de l’innovation, la Fondation Sophia Antipolis s’est vu
confier par la Direction générale des entreprises (DGE) du MINEFE
La formation, les investissements, la veille et l’intelligence éco-
une mission d’appui au renforcement de l’action à l’international des
nomique, la promotion, sont indissociables pour assurer la
pôles de compétitivité français : aide aux PME innovantes, membres
compétitivité des entreprises du pôle et le développement écono-
de pôles de compétitivité à s’associer à des partenaires européens
mique des territoires.
pour participer à des programmes de recherche et à pénétrer les mar-
chés porteurs de demain.
1.2 Fonctionnement Les pôles apportent leur soutien aux PME pour obtenir des
financements publics auprès du Fonds unique interministériel géré
C’est une structure de gouvernance comme une association par la DGE, de l’Agence nationale de la recherche (ANR), d’Oséo,
dont les missions sont l’élaboration d’une stratégie générale, la ou de la Région.
coordination, l’évaluation et la labellisation des projets, la
communication (particulièrement la représentation internationale)
et le développement des relations avec d’autres structures Un exemple est donné par le pôle Mer PACA en créant le Fonds
identiques françaises et étrangères. Marin destiné à prendre des participations dans des PME dont les
fonds propres sont insuffisants.
L’association dispose d’une équipe permanente qui a un rôle
déterminant pour faciliter le montage des projets entre les diffé-
Dans le cadre de l’entreprise 2.0, la fluidité de l’information,
rents acteurs des pôles. L’État et les collectivités territoriales
l’innovation et la réactivité sont des maîtres mots. En effet, il est
contribuent au financement de ces structures au sein d’un contrat-
absolument nécessaire que l’information pertinente arrive à la
cadre. Le soutien de l’État évolue en fonction des conclusions du
personne compétente. Avec les outils du Web 2.0 et une formation
Comité interministériel d’aménagement et de compétitivité des ter-
à leurs usages, les entreprises pourront valoriser leurs ressources
ritoires (CIACT).
et faire profiter de leur savoir-faire dans des domaines de hautes
Aujourd’hui, plusieurs dizaines de milliers de personnes de la technologies, par exemple, les organismes et instituts de
recherche publique travaillent pour les pôles dans les domaines recherche. La description et le traitement du sens des contenus
scientifiques les plus en pointe. Le même nombre de personnes, informationnels transformeront l’information en connaissance.
issues du monde de l’entreprise et de l’industrie, participe active-
ment au fonctionnement de ces pôles.
1.5 Sécurité économique
1.3 Cadre international Les pôles sont de haute technologie à caractère innovant et de
savoir-faire à très forte valeur ajoutée. Ils sont donc convoités. Ils
La stratégie française des pôles de compétitivité entre dans un peuvent ainsi subir des attaques se traduisant par des visites, des
cadre européen plus général de soutien à la compétitivité. C’est demandes d’alliance, des appels d’offre très ciblés obligeant le
ainsi que, très tôt, l’Italie a lancé ses premiers districts industriels, laboratoire, par exemple, à développer tel ou tel sujet. De même,
42
Référence Internet
RE236
RECHERCHE
L’économie de la créativité
et ses implications
pour les acteurs d’un territoire
2
par Patrice LÉTOURNEAU
Président
Conseils Atelya, Montréal, Canada
et Émilie PAWLAK
Chargée de mission
Grand Nancy Numérique, Communauté urbaine du Grand Nancy, France
Abstract : The creative economy is growing on a global scale. With social technolo-
gies, reflections emerge to stimulate economic actors to better interact, connect and
innovate basedon the principles of collective intelligence. The authors question on the
role of public institutions and their impact on private companies in the promotion of crea-
tivity present in a given territory. It is a question of bothoftrends and initiatives by major
public actors but also abouthowprivate companies can be interested in the collective
intelligence from the perspective of innovation.
Points clés
Domaine : Perspectives économiques et sociales
Degré de diffusion de la technologie : Émergence | Croissance | Maturité
Technologies impliquées : N/A
Domaines d’application :
Principaux acteurs français :
Pôles de compétitivité :
Centres de compétence :
Parution : novembre 2013
Industriels :
Autres acteurs dans le monde : Cefrio, société des Arts Technologiques,
Institute for Urban Economics, CNUCED
Contact : patrice.letourneau@atelya.com; emilie.pawlak@gmail.com
43
Référence Internet
RE236
RECHERCHE
44
Référence Internet
AG254
Knowledge management
et projets innovants
par Delphine WANNENMACHER
Maître de conférences en sciences de gestion
2
Université de Lorraine, CEREFIGE, F-54000 Nancy, France
45
Référence Internet
AG254
L’objectif de cet article est de faire le lien entre la gestion des connais-
sances et les projets innovants, en montrant l’importance de générer et de
gérer des connaissances nouvelles dans les projets pour réussir à innover.
Après une introduction générale, quelques généralités et définitions des
principaux concepts mobilisés seront passées en revue (section 1). Il s’agira
ensuite de montrer en quoi les méthodes, les processus de génération de
connaissances nouvelles, et les managers de connaissances, constituent
des leviers importants de l’innovation dans les projets (section 2). Enfin, un
focus sera fait sur le management des connaissances tacites dans les
projets innovants interorganisationnels, notamment à partir de la notion de
frontière de connaissances et d’une étude de cas, puis quelques pistes et
2
préconisations pour développer l’innovation dans les projets collaboratifs
seront avancées (section 3). En conclusion, un renouveau du management
des connaissances et des projets innovants sera appelé, en tenant compte
des éléments précédents.
• Les compétences sont les capacités à combiner et utiliser les connaissances et les savoir-faire.
Compétence
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Référence Internet
AG254
Donnée Fait brut discret résultant d’une observation ou mesure Unité de format
individuelles, spécifiques ou partagées, constituent la connaissance dimension technologique de l’innovation comme c’est encore très
2
organisationnelle. La connaissance organisationnelle est diverse, dis- souvent le cas aujourd’hui.
tribuée et répartie entre différents individus dans l’organisation. Ce
processus de transition de la connaissance individuelle à la connais-
sance organisationnelle est possible à travers le dialogue, la discus- 1.2.2 Des types d’innovation
sion, l’échange d’expérience et l’observation [5]. de plus en plus variés
En 1935, Schumpeter [9] mettait en évidence cinq types d’inno-
1.1.4 Connaissance tacite et connaissance vation :
explicite ou formalisée – produit ;
– méthode de production ;
Selon Reix [6], la connaissance explicite ou formalisée peut être – marché ;
transmise sans perte d’intégrité par le discours écrit ou oral (livres,
– source d’approvisionnement en matières premières ou pro-
enseignement…), alors que la connaissance tacite est :
duits intermédiaires ;
• acquise par la pratique, par imitation ou expérimentation dans – mise en œuvre d’une meilleure organisation.
un certain contexte ;
Jusque dans les années 1990, l’innovation dans les entreprises
• au niveau individuel (savoir-faire) ou au niveau collectif reposait principalement sur des projets de recherche appliquée
(routines) ; concrétisant les résultats de recherches fondamentales dans un
• difficile voire impossible à traduire dans un discours, ne se secteur particulier et des projets de développement de nouveaux
communique pas par le langage. produits ou de nouveaux procédés industriels [10].
Nonaka et Takeuchi [5] ont montré que nos connaissances sont Aujourd’hui, l’innovation est souvent multifacette [11] et peut por-
à la fois tacites et explicites (ou explicitées). ter sur des objets aussi variés qu’un bien, un service, un procédé
industriel, un dispositif de gestion, une façon de faire, un mécanisme
Selon les auteurs, nous pouvons expliciter et « transmettre » à organisationnel, un usage, une technologie, une norme, etc. [10].
d’autres une partie de nos connaissances mais pour d’autres, c’est
beaucoup plus difficile. Certaines connaissances sont tellement L’innovation incrémentale consiste à apporter une amélioration
ancrées dans nos pratiques qu’il est difficile d’en prendre conscience, dans un produit ou un procédé existant, sans utiliser une techno-
de les formuler et de les transmettre spontanément [7]. L’innovation logie nouvelle, alors que l’innovation de rupture technologique
repose pourtant en partie sur la capacité des organisations à identi- consiste à lancer un produit ou à mettre en place un procédé radi-
fier et valoriser leurs connaissances tacites critiques. calement nouveau, en déployant une technologie complètement
nouvelle. La rupture porte souvent sur les technologies, mais peut
également porter sur d’autres types de connaissances tels que la
logistique ou le design par exemple. Quand l’innovation boule-
1.2 Définitions, typologies et dimensions verse vraiment les règles du marché, on parle d’innovation dis-
de l’innovation ruptive [12].
47
2
48
Référence Internet
AG5024
Innovation en logistique
et Supply Chain Management (SCM)
par Nathalie FABBE-COSTES
Professeur agrégé des universités en sciences de gestion, HDR en sciences de gestion,
2
Docteur en économie des transports
Aix Marseille Univ, CRET-LOG (Aix-en-Provence, France)
permettent d’être plus efficace et/ou efficient et/ou plus soutenable. Ces inno-
vations, le plus souvent « invisibles » pour le client, ont néanmoins des
retombées sur les produits et/ou services (via par exemple leur impact sur le
49
Référence Internet
AG5024
Concernant le processus, compte tenu du fait que les entreprises sont insé-
rées dans des supply chains (SCs), que leur activité dépend de celle des autres
membres de ces chaînes (sauf pour les entreprises qui sont totalement inté-
grées verticalement), l’innovation, quel que soit le type d’innovation recherché,
ne peut plus se penser à l’échelle d’une seule entreprise, mais au niveau des
2
SCs. La condition de réussite d’une innovation quelle qu’elle soit, est qu’elle
s’insère dans le système d’offre délivrée par la SC. C’est encore plus vrai pour
les innovations en logistique et SCM puisque les activités et processus logis-
tiques, de même que le SCM, sont transverses, tant au niveau intra-
organisationnel, qu’inter-organisationnel.
L’objectif de cet article est de donner des clés conceptuelles pour appré-
hender l’innovation en logistique et SCM, vue à la fois comme un résultat et
comme un processus. C’est aussi, à la lumière de nombreux exemples et en
mobilisant les résultats de recherches récentes, de donner des pistes de
réflexion et d’action pour les managers impliqués dans de tels processus.
Chacun des points discutés sera accompagné de la production d’outils synthé-
tiques de type « grille de lecture », ainsi que d’illustrations pratiques et de
réflexions issues de nos interactions avec des entreprises ou groupes d’entre-
prises engagés dans des processus d’innovation en logistique et SCM.
50
Référence Internet
AG5024
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Référence Internet
AG5024
– les innovations d’organisation (voir aussi [AG 200] et [AG 520]). significative de l’existant. Elle s’accompagne de changements
« incrémentaux ».
• L’innovation de produit concerne l’introduction d’un bien ou
service nouveau. Cette définition inclut les améliorations sen- Une innovation radicale consiste à rechercher une manière nou-
sibles des spécifications techniques, des matières et compo- velle d’arriver à un résultat encore meilleur. Elle s’accompagne de
sants matériels et immatériels incorporés, des logiciels changements qualifiés de « transitionnels » [AG 520, p.2].
intégrés, de la convivialité ou de toute autre caractéristique
fonctionnelle et/ou servicielle. Entre ces deux catégories d’innovation, il s’agit donc d’une dif-
férence d’intensité du changement opéré.
• L’innovation de procédé concerne la mise en œuvre d’une
méthode nouvelle – ou sensiblement modifiée – de produc- D’autres travaux (exemple [AG 2 230]) font la distinction entre
tion, de fourniture de services ou de distribution de produits. innovations incrémentales et innovations de rupture. L’innova-
Cette notion implique des changements significatifs dans les tion de « rupture » [5] (aussi opposée à innovation continue) ren-
techniques, les matériels et/ou les logiciels. voie à un changement complet, sans continuité avec ce qui
2
précède. Elle s’accompagne de changements « transformation-
• L’innovation de commercialisation [qui est un processus] nels » [AG 520, p.2-3] dont le résultat n’est pas connu en détail à
concerne la mise en œuvre d’une nouvelle méthode de l’avance. L’innovation de rupture, incertaine et risquée, est sou-
commercialisation impliquant des changements significatifs vent liée à des changements de technologies (qui peuvent elles-
de la conception ou du conditionnement, du placement, de mêmes être innovantes, voire « de rupture ») et se révèle souvent
la promotion ou de la tarification d’un produit ou service. (en fin de processus) de nature « globale ». Comme l’a théorisé
Clayton Christensen (voir synthèse dans [6]), l’innovation de rup-
• L’innovation d’organisation ou organisationnelle concerne la
ture nécessite une transformation du modèle d’affaire.
mise en œuvre d’une nouvelle méthode organisationnelle
dans les pratiques, l’organisation du lieu de travail, ou les Comme le souligne [1], cette distinction de degré de rupture est
relations extérieures de la firme ou de la société. très utile lorsque l’on étudie des innovations assez simples. Elle
est moins pertinente lorsque l’innovation étudiée est complexe.
Comme le souligne [AG 2 020, p.14], « dans certains cas, l’impor-
Elle invite néanmoins à s’interroger sur le niveau d’effort produit
tance des implications d’une innovation ou d’innovations inter-
pour innover, au degré de changement associé, aux investisse-
reliées pour l’ensemble de l’entreprise oblige à raisonner en
ments à consentir pour réussir, et surtout au risque pris par les
termes d’innovation « globale », c’est-à-dire qui va toucher prati-
entreprises qui s’engagent dans des innovations à fort degré de
quement toutes les fonctions de l’entreprise ». Ce type d’innova-
rupture.
tion s’accompagne généralement de ce qu’on peut appeler une
innovation de modèle d’affaires (ou business model). Elle est donc Il est aussi important de noter le caractère relatif du degré de
plus complexe que les autres types d’innovation. rupture : « ce qui représente une rupture pour un acteur peut
représenter une continuité pour un autre » ([5], p.28). Enfin, il y a
Une innovation peut être caractérisée par sa nature. souvent une différence entre le degré d’innovation objectif, et le
degré d’innovation perçu par les acteurs.
Cinq grands types génériques d’innovation sont classique-
ment identifiés :
– l’innovation de produit et/ou service ; Une innovation peut être caractérisée par son degré de rup-
– l’innovation de procédé ; ture (objectif et perçu).
– l’innovation de processus ; Trois grands types d’innovation sont identifiés :
– l’innovation organisationnelle ; – l’innovation incrémentale ;
– voire l’innovation globale (qui combine souvent les 4 pre- – l’innovation radicale ;
miers types). – l’innovation de rupture.
Ces cinq types d’innovation, généralement interdépendants, Les frontières entre ces catégories ne sont pas tranchées. Il
sont souvent combinés et contingents. s’agit plus d’un continuum, indiquant une différence d’inten-
sité et un niveau de discontinuité avec l’existant. La disconti-
nuité, qui est rarement totale, est par ailleurs relative.
Nota : D’autres typologies plus détaillées pourraient être présentées, correspon-
dant généralement à des contextes spécifiques et étudiant des innovations de
produits et/ou services, de procédés, de processus, d’organisation ou globales liées à
des domaines d’activité précis (voir par exemple les typologies d’innovation dans le 1.1.2.3 Autres caractéristiques de l’innovation
grand commerce [4]).
Les travaux sur l’innovation retiennent d’autres caractéristiques
Si la distinction entre ces cinq types génériques d’innovation pour distinguer les innovations entre elles. Citons les plus fré-
peut être utile (et sera utilisée dans cet article), elle est non seule- quentes.
ment discutable dans la mesure où ces innovations sont souvent
liées, voire interdépendantes (et donc difficiles à dissocier), mais ■ Innovation simple vs. complexe selon que l’innovation concerne
aussi contingente (par exemple une innovation de produit dans quelque chose de simple ou de complexe. Plus l’innovation est
un secteur peut représenter une innovation de procédé dans un complexe, plus il y aura de sous-systèmes imbriqués qui pourront
autre). présenter des natures et degrés hétérogènes d’innovation.
L’innovation complexe fait par ailleurs apparaître une nou-
1.1.2.2 Le degré de rupture de l’innovation velle nature d’innovation : l’innovation « architecturale » qui
concerne la structuration, l’agencement, du phénomène objet de
La plupart des travaux sur l’innovation questionnent aussi à l’innovation.
quel point l’innovation est en rupture avec ce qui existe. Une dis-
tinction est souvent faite entre des innovations incrémentales et ■ Innovation partielle vs. totale selon que l’innovation concerne
radicales. une partie ou la totalité d’un phénomène (que celui-ci soit simple
ou complexe). Une innovation partielle concerne par exemple :
Quelle que soit la nature de l’innovation (cf.§ 1.1.2.1), une inno- une partie d’un produit ou service, une partie d’une gamme de
vation incrémentale s’inscrit dans la continuité de ce que l’entre- produits, une étape de production, un processus, une partie de
prise sait déjà faire. Il s’agit d’une amélioration plus ou moins l’organisation.
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Référence Internet
AG5024
D’autres caractéristiques peuvent se révéler utiles pour dis- Produit et/ou service
tinguer les innovations : le degré de complexité (simple vs.
complexe), l’ampleur (partielle vs. totale), l’origine (endogène
Technologie
vs. exogène).
Pour chacune de ces caractéristiques, il s’agit d’un conti-
Procédé
nuum entre deux extrêmes.
1.1.2.4 Synthèse
Partielle
L’ensemble des typologies présentées au § 1.1.2, bien que dis- Ampleur
cutables et à utiliser avec précaution, fournit une grille de lecture Totale
(voir tableau 1) pour qualifier les innovations-résultats. Elle sera
mobilisée dans la suite de cet article pour caractériser les innova- Endogène
tions-résultats en logistique et SCM.
Origine
On notera enfin que la plupart des travaux sur l’innovation Exogène
sont traités à l’échelle d’une entreprise qui souhaite innover.
L’unité d’analyse des travaux est la firme, l’organisation qui
innove, et les innovations-résultats sont présentées comme le
fruit de ses efforts, même si le processus d’innovation, que – 3. Le développement : la conception, le prototypage, l’expéri-
nous allons maintenant caractériser, est généralement plus mentation ;
large et dépasse ses frontières. – 4. L’introduction (ou démonstration) : les tests commerciaux,
les ajustements, le lancement ;
– 5. La diffusion (qui suppose une adoption croissante de l’inno-
1.1.3 Caractériser les types de processus vation par le marché).
d’innovation
Comme pour l’innovation-résultat, le processus d’innovation a
Le processus d’innovation peut être défini ([1], p.39) comme fait l’objet de différentes tentatives pour mieux le caractériser.
l’ensemble des étapes qui vont permettre de passer « d’idées », ■ Le premier critère concerne le déroulement des étapes qui peut
plus ou moins nouvelles, à des produits, services, procédés, pro- être séquentiel, interactif, voire agile.
cessus ou organisations nouveaux destinés à un « marché » qui
peut lui aussi être nouveau. Or, ce passage de l’idée au marché • Un processus séquentiel se présente comme une succession
(avec création de valeur effective) est délicat à gérer, et ce, que le d’activités et d’étapes. L’innovation n’est cependant pas un
processus de diffusion, qui repose sur l’adoption de l’innovation, processus strictement linéaire dans la mesure où il y a sou-
soit ensuite un échec ou un succès. vent des allers-retours entre les différentes phases. Ce
modèle « en phases » ([1], p.47-48) facilite néanmoins la
L’innovation consiste à utiliser des idées pour créer de la valeur. séparation des tâches et le contrôle des efforts/résultats à
Le passage de l’idée à la création de valeur peut passer par plu- chaque étape. Il est cependant critiqué pour son incapacité à
sieurs étapes. Les travaux en retiennent généralement cinq (voir développer rapidement des innovations.
par exemple [1], p.48).
• Un processus interactif (aussi qualifié de « tourbillonnaire »)
– 1. L’idée (ou découverte) : l’exploration, l’intuition, la formula- ([1], p.48-49) envisage le développement de manière moins
tion du concept ; planifié à l’avance et moins découpé, laissant plus de place à
– 2. L’élaboration du projet : l’initiation, les recherches appli- l’improvisation et à la fertilisation croisée entre des acteurs
quées ; diversifiés participant au processus.
53
Référence Internet
AG5024
• Plus récemment, une troisième catégorie rencontre un succès ■ Le troisième critère fréquemment évoqué concerne l’approche
grandissant : le modèle agile qui prône l’auto-organisation adoptée qui peut relever d’un processus d’exploitation ou
individuelle et collective, dans des environnements propices à d’exploration [9].
la créativité d’équipes plurielles et à la rencontre de plusieurs
« mondes » (ex : grande entreprises, start-ups, chercheurs, • Une logique d’exploitation s’appuie essentiellement sur les
artistes, etc.). L’innovation agile [7] cherche à mobiliser des compétences existantes (considérées comme centrales) et
sources diversifiées de connaissances et d’expériences, elles des routines organisationnelles de l’entreprise (ou de ses par-
aussi les plus variées possibles, pour innover. tenaires). Elle consiste à développer un métier bien maîtrisé,
le plus souvent pour accélérer le processus d’innovation [8],
et conduit plutôt à des innovations incrémentales.
Le processus d’innovation peut se dérouler de manière L’exploitation comporte un risque d’inertie organisationnelle.
séquentielle ou interactive voire agile.
Si ces options semblent alternatives, il est cependant envi- • Une logique d’exploration consiste à s’aventurer dans des
■ Le deuxième critère concerne le spectre interne (fermé) ou Le lien entre exploration et exploitation a fait l’objet de nom-
ouvert du processus d’innovation [AG 2 231]. Là aussi, trois options breux travaux, de même que la capacité d’une entreprise à les
sont évoquées dans les travaux sur l’innovation. combiner qui est appelée l’ambidextrie. Selon les auteurs, les
logiques d’exploration et d’exploitation sont : sur un continuum,
• L’innovation interne qualifie une démarche « qui consiste orthogonales [10], voire paradoxales [11] ; ce qui les rend particu-
pour une organisation à définir et à conduire à bonnes fins lièrement difficiles à articuler (voir [[12] et [13]).
ses projets d’innovation avec ses propres moyens »
([AG 250], p.4).
Notons qu’un processus interne ne conduit pas nécessairement Le processus d’innovation peut relever d’une logique d’exploi-
à produire une innovation « endogène ». Un processus interne tation ou d’exploration.
peut par ailleurs être complètement intégré (l’entreprise « fait » Le caractère déterministe du processus (exploitation vs.
tout) ou être partiellement sous-traité (sous contrôle de l’entre- exploration) sur le résultat (innovation-résultat incrémentale
prise). Dans les deux cas, il s’agit d’un modèle « fermé » où vs. radicale ou de rupture) n’est pas démontré.
l’entreprise pilote seule tout le processus d’innovation. Une entreprise peut combiner de manière diachronique et
• Un processus d’innovation pourra par ailleurs être qualifié de synchronique ces deux logiques. On parle alors d’ambidextrie.
collaboratif si la démarche d’innovation associe plusieurs par-
tenaires qui font émerger, décident et/ou réalisent un ou plu- ■ Le quatrième critère concerne le caractère participatif ou pas du
sieurs projets d’innovation « de façon conjointe » ([AG 250], processus d’innovation en précisant « qui » participe au processus.
p.4). Il ne s’agit plus de « faire » ou « faire faire », mais de La participation peut impliquer différents types de personnes.
« faire avec » ([1], p.263).
• Le premier type de participation concerne les salariés de
Cette collaboration peut impliquer deux partenaires ou plus, l’entreprise (processus interne). Il s’agit de mettre en place
faisant partie du même secteur d’activité ou pas, avec des orga- une « démarche de management structurée qui vise à sti-
nisations similaires ou pas. « L’innovation collaborative néces- muler et à favoriser l’émission, la mise en œuvre et la diffu-
site la mise en place d’une gouvernance spécifique à ce sion d’idées par l’ensemble du personnel en vue de créer de
contexte » ([AG 250], p.4) pour piloter ensemble le processus la valeur ajoutée et de faire progresser l’organisation ».
d’innovation. [AG 270, p.2]
• L’innovation ouverte (open innovation) [AG 250] qualifie une • Cette participation peut s’élargir en externe aux clients ou à
démarche consistant à interagir avec l’environnement écono- d’autres cibles de contributeurs externes à l’entreprise.
mique, technologique, financier, juridique, normatif et régle-
mentaire afin d’identifier et de mobiliser les ressources externes • La participation peut aussi être plus large et chercher à mobi-
nécessaires pour mener à bien des projets d’innovation que liser une « foule » (crowdsourcing). Solliciter la foule pour
l’entreprise ne pourrait ou ne voudrait pas conduire seule. innover (processus participatif), c’est faire appel à un très
grand nombre de personnes, librement organisées, pour
Un processus d’innovation ouverte conduit l’entreprise à échan- apporter une contribution habituellement traitée dans les cir-
ger avec son « écosystème » pour mener à bien des projets cuits de l’économie traditionnelle.
d’innovation avec des partenaires (client, concurrent, fournisseur,
centre de recherche...) qui ne sont pas connus a priori, et qui Appliqué au processus d’innovation, il est retrouvé aussi bien
seront impliqués à des degrés divers afin de conduire des projets dans la phase de créativité (génération d’idée), le design, l’amélio-
plus ambitieux en termes de performance, coût, délai, risque, et ration de produits et/ou services, que dans la réalisation de tâches
niveau de rupture. concrètes, ou encore dans le test de produits et même dans la
commercialisation (cf. [AG 260]).
54
Référence Internet
AG5024
Nota : L’objectif de l’article n’est pas de faire un catalogue des innovations en logis-
tique et SCM (nécessairement obsolète avant même d’avoir été réalisé), mais de
Tableau 2 – Grille de lecture pour caractériser comprendre ce qu’est l’innovation (résultat et processus) dans ce domaine.
un processus d’innovation
Avant cela, il nous semble important de commencer par définir le
Critères Modalités sens donné dans cet article à la logistique et au SCM. Ensuite, en
écho au paragraphe 1.1, nous illustrerons la variété et la complexité
Séquentiel des innovations-résultats dans ce domaine, ainsi que le caractère
permanent et multi-acteurs du processus d’innovation.
Déroulement Interactif
2
Interne (fermé)
Pour ne pas trop développer ce point nous ferons une synthèse
Spectre Collaboratif de nos précédents travaux et invitons les lecteurs à se reporter
aux articles [TR 300] (notamment le § 1.1) et [AG 5 240] (notam-
ment le § 1) qui définissent précisément ce que nous entendons
Ouvert
par logistique et SCM.
Exploitation Dans la lignée de ces articles, nous adoptons une approche
Approche globale de la logistique considérée comme une démarche de pilo-
Exploration tage des flux intra et inter-entreprises (flux physiques et flux d’infor-
mations associées, mais aussi flux de valeur associée à l’activité
Salariés logistique). Cette démarche concerne les activités industrielles et
commerciales, mais aussi les activités de services, les activités
Clients ou autres contributeurs externes matérielles comme immatérielles, les chaînes récurrentes comme
Participation temporaires, dans des secteurs marchands comme non marchands.
ciblés
« L’idée logistique vise fondamentalement à supprimer les dys-
Foule fonctionnements résultant d’approches fractionnées des processus
de circulation de produits, informations et compétences » [18]. Elle
est considérée comme une « approche innovante des organisa-
tions » [19]. La plus ou moins grande intégration de la chaîne logis-
Comme pour l’innovation-résultat, les différents critères pour
tique (voir [AG 5 240]) dépend de la volonté d’adopter une approche
caractériser le processus d’innovation se recoupent et se
globale et transversale de la circulation physique et d’améliorer la
complètent. Ainsi, un processus d’innovation « agile » est néces-
gestion des interfaces, tant intra-entreprise qu’inter-entreprises.
sairement « ouvert » et se veut essentiellement « exploratoire » en
faisant participer tous les types de personnes. Un processus L’attention portée depuis quelques années au développement
« ouvert » s’accommode mal d’un déroulement « séquentiel ». durable (notamment en France avec le Grenelle de l’environnement
L’ensemble des critères fournit une grille de lecture pour quali- depuis 2007) confirme la nécessité pour la logistique de piloter les
fier les processus d’innovation (voir tableau 2). Elle sera mobilisée flux sur l’ensemble du cycle de vie des produits et services (depuis
dans la suite de cet article pour caractériser les processus d’inno- leur conception jusqu’à leur fin de vie, ce qui inclut la logistique des
vation en logistique et SCM. déchets, ainsi que les différentes chaînes logistiques inversées pour
les retours, réparations, réemplois, recyclages à tous les stades du
On notera que la caractérisation du processus d’innovation processus), et de rendre compte des impacts économiques, sociaux
n’aborde pas les facilitateurs et freins au processus. C’est un point et environnementaux de l’ensemble de la chaîne logistique aussi
qui sera abordé aux § 1.2 et 2 dans le cadre plus spécifique de appelée supply chain (SC). Cette extension du périmètre est un fac-
l’innovation en logistique et SCM. teur de complexification du management des SCs.
Un dernier commentaire mérite d’être fait pour clore cette syn-
thèse : la plupart des travaux sur l’innovation l’abordent de La logistique, qui est aujourd’hui reconnue comme stratégique
manière positive, comme source et preuve de « progrès ». Une dans de nombreux secteurs d’activité, a ainsi ouvert la voie à une
approche critique se développe néanmoins (voir par exemple démarche plus large : le supply chain management (SCM) qui par-
[14]), dénonçant la « pensée magique de l’innovation » [15]. Nous tage les mêmes principes (voir notamment [20], [21] et [22]), rap-
reviendrons sur ce point plus loin dans le cadre plus spécifique de pelés dans l’encadré 1.
l’innovation en logistique et SCM (voir § 1.2 et § 2).
« Si l’on se réfère à la définition du CSCMP (très citée par les
chercheurs en SCM), le supply chain management englobe
1.2 L’innovation en logistique et SCM aujourd’hui la planification et le management de toutes les acti-
vités relevant de la recherche de fournisseurs et de l’approvi-
Même si les innovations en logistique et SCM ont toujours sionnement, de la transformation, de la logistique, et toutes les
existé, l’innovation en logistique et SCM est un sujet de recherche activités relevant de la relation clients sur tout le cycle de vie
relativement récent. D’après [16] et [17], qui proposent de du produit (ce qui inclut les « clients » des produits en fin de
récentes revues de littérature systématiques sur le thème « supply vie et des déchets).
chain innovation », les premiers articles académiques significatifs
datent de la toute fin des années 1990. [16] distingue deux Il comprend aussi la coordination et la collaboration entre les
périodes : de 1998 à 2006 une période « d’incubation », puis de partenaires de la chaîne qui peuvent être des fournisseurs, des
développement depuis 2007, notamment en lien avec des enjeux intermédiaires industriels et commerciaux, des prestataires de
de développement durable qui apparaissent dès 2007. services logistiques et informatiques, et des clients ». ([23], p.16).
Depuis lors, de nombreux travaux étudient divers aspects de
l’innovation en logistique et SCM sur lesquels nous reviendrons Nota : Les lecteurs pourront utilement consulter l’encadré 1 « Vision anglo-saxonne de
aux § 2 et 3 de cet article. la logistique au sein du SCM : quelques définitions » de l’article [TR 300] (v2-p.2).
55
2
56
Management de l'innovation
(Réf. Internet 42564)
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3
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Référence Internet
AG260
Crowdsourcing
Faire appel aux internautes pour innover
1.
1.1
Origines du crowdsourcing ...................................................................
Tendances de fond.......................................................................................
AG 260 - 2
— 2
3
1.2 Premières initiatives .................................................................................... — 2
2. Mise en œuvre ........................................................................................... — 3
2.1 Typologies de crowdsourcing par les tâches effectuées .......................... — 3
2.1.1 Crowdsourcing de tâches routinières ............................................... — 3
2.1.2 Crowdsourcing de tâches créatives................................................... — 4
2.1.3 Crowdsourcing d’expertise ou de tâches complexes ...................... — 4
2.2 Typologie de crowdsourcing par les plates-formes mises en œuvre ..... — 4
2.2.1 Places de marché ................................................................................ — 4
2.2.2 Plates-formes de concours ................................................................. — 4
2.2.3 Plates-formes distribuées et collaboratives ...................................... — 5
2.2.4 Plates-formes de génération d’idées ................................................. — 5
2.2.5 Marchés de prédiction ........................................................................ — 5
2.3 Motiver les contributeurs ............................................................................ — 5
2.4 Algorithmes pour le crowdsourcing........................................................... — 6
3. Crowdsourcing : innovation et aspects économiques .................. — 7
3.1 Crowdsourcing pour la R&D ....................................................................... — 7
3.2 Améliorer les coûts, la qualité et les délais ............................................... — 7
3.3 Crowdfunding ou financement par crowdsourcing .................................. — 8
3.4 Crowdsourcing et marketing....................................................................... — 8
4. Éthique et crowdsourcing...................................................................... — 8
4.1 Controverses ................................................................................................ — 8
4.2 Problèmes juridiques ................................................................................... — 9
5. Conclusion.................................................................................................. — 9
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. AG 260
Parution : août 2012 - Dernière validation : juillet 2018
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Référence Internet
AG260
CROWDSOURCING __________________________________________________________________________________________________________________
60
Référence Internet
AG260
__________________________________________________________________________________________________________________ CROWDSOURCING
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3
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Référence Internet
AG270
1.
2.
De l’innovation participative à l’innovation collaborative ........
Réseau social d’entreprise ..................................................................
AG 270 - 2
— 2
3
2.1 Définition ................................................................................................... — 2
2.2 Communautés dans un RSE .................................................................... — 3
2.3 Amélioration de la communication transversale
et du travail collaboratif............................................................................ — 4
2.4 Plate-forme logicielle de RSE ................................................................... — 4
3. Innovation participative et RSE ........................................................ — 10
3.1 Apports potentiels d’un RSE à l’innovation participative ...................... — 10
3.2 Impacts pour les responsables de l’innovation participative
et les managers ......................................................................................... — 14
4. Mise en place d’un RSE pour l’innovation participative ............ — 15
4.1 Choix d’une plate-forme de RSE.............................................................. — 15
4.2 Déploiement des premières communautés............................................ — 17
5. Conclusion............................................................................................... — 17
6. Glossaire – Définitions ......................................................................... — 18
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. AG 270
oin d’être figés, les dispositifs d’innovation participative n’ont cessé d’évo-
L luer depuis leur apparition dans les organisations. De la simple contribution
au travers d’une boîte à idées, les collaborateurs sont aujourd’hui sollicités pour
partager leurs idées, commenter et enrichir celles des autres de manière à faire
émerger de nouvelles innovations.
Cette tendance à la collaboration s’est nettement accélérée avec l’émergence
du web 2.0, de ses nouveaux modes de travail et de ses nouveaux outils qui a
Parution : juillet 2015 - Dernière validation : octobre 2020
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Référence Internet
AG270
64
Référence Internet
AG270
2.2.1 Groupe
Mise en avant des individus
Un groupe est un type de communauté de professionnels dont
– Présentation des profils
– Intervention directe le but est le partage d’information. Il n’y a pas d’engagement
– Formalisation des connexions mutuel fort entre les membres de ce type de communauté. Les
profils de ces derniers sont très variés.
Virtualisation des interactions Comme exemple de groupe, on peut citer :
– Explicitation des informations
– Formalisation des réactions – les communautés d’intérêt : les membres de ces communautés
– Historisation des échanges partagent des ressources sur le ou les thèmes qui les intéressent ;
– les communautés d’assistance : certains membres posent des
Transparence des actions questions relatives aux problèmes qu’ils rencontrent et d’autres y
– Formalisation des activités apportent leur réponse.
– Mise à disposition des activités réalisées
– Possibilité de réaction rapide
2.2.2 Team
3
Figure 1 – Trois caractéristiques fortes d’un RSE
Dans un team, l’objectif principal est de produire des livrables,
résoudre un problème, etc. Cela nécessite un engagement fort et
§ Mise en avant des individus une coordination importante des actions des membres. Dans un
team, les membres ont généralement des profils complémentaires.
Alors que dans les espaces de travail collaboratif classiques, Ils sont d’ailleurs en partie « recrutés » sur la base de cette
l’élément central est la communauté, dans un RSE il s’agit de complémentarité.
l’individu. Tout est construit autour des individus qui peuvent :
On peut citer comme exemple de team les équipes projet et les
– se présenter aux autres grâce à un profil détaillé ; groupes de travail qui se rapportent ou non à des processus orga-
– entrer en relation directe avec les autres utilisateurs via leur nisationnels.
profil ;
– créer des communautés ; 2.2.3 Communauté de pratique
– publier des contenus et le diffuser soit dans des communautés,
soit sur leur profil, soit vers les membres de leur réseau ; À ces deux grands types de communautés vient s’ajouter un
type particulier que l’on peut apparenter à celui des teams. Il s’agit
– ...
des communautés de pratique. Les communautés de pratique sont
des teams particuliers de par leur pérennité dans le temps et leur
§ Virtualisation des interactions focalisation sur les connaissances.
Les interactions sur un réseau social se font essentiellement à
De manière plus précise, une communauté de pratique peut être
distance via la plate-forme de RSE. Il n’y a plus vraiment de pré-
définie comme étant un regroupement de professionnels interagis-
sentiel, tout se passe à distance et virtuellement.
sant sur un domaine d’intérêt partagé afin de créer des pratiques
communes et enrichir collectivement leurs savoirs.
§ Transparence des actions
Le tableau 1 présente de manière synthétique les différents
Toutes les activités réalisées par un utilisateur (publications, types de communautés et leurs spécificités.
mise en relation, recommandation, etc.) sont visibles des autres,
tout du moins s’ils ont les droits d’accès suffisants. Dans le cadre d’un dispositif d’innovation participative, on peut
retrouver ces différents types de communautés, comme l’illustre le
tableau 2.
2.2 Communautés dans un RSE En ce qui concerne la participation des collaborateurs à ces dif-
férents types de communautés, celle-ci peut être motivée par des
Le terme « communauté » recouvre différentes réalités au sein facteurs divers, comme la recherche de l’efficacité dans le travail,
des organisations. un besoin de reconnaissance, la volonté de partager et socialiser,
etc. L’encadré 1 présente les principales motivations des collabo-
Sur le terrain, il est possible d’identifier deux grands types de rateurs pour participer à une communauté.
communautés : les groupes et les teams.
– Création de pratiques
– Production de livrables
communes
Vocation – Partage d’information – Résolution de problème
– Enrichissement collectif
– ...
des savoirs
65
Référence Internet
AG270
3
Ce bloc fonctionnel a pour vocation d’assister les utilisateurs
– Échanger des informations. dans la gestion de leur profil mais aussi dans la gestion de leur
– Proposer des idées innovantes. relation aux autres utilisateurs.
– Pouvoir réagir rapidement.
De manière plus précise, ce bloc fonctionnel comprend généra-
– Développer son réseau. lement les fonctionnalités suivantes :
– profil de l’utilisateur (photo, coordonnées, poste/fonction,
compétences, centre d’intérêt, etc.) ;
2.3 Amélioration de la communication – publications et activités de l’utilisateur ;
transversale et du travail collaboratif – membres du réseau de l’utilisateur :
Dans le cadre d’un RSE, le déploiement des différents types de • abonnements : c’est-à-dire les collaborateurs que l’utilisateur
communautés qui viennent d’être définis adressent généralement suit,
deux axes d’amélioration : la communication transversale et le tra-
vail collaboratif. • abonnés : c’est-à-dire les collaborateurs qui suivent l’utilisateur ;
– liste des utilisateurs ayant un profil proche.
2.3.1 Communication transversale La figure 3 fournit une copie d’écran d’une plate-forme de RSE
La communication transversale, contrairement aux deux autres qui propose ces différentes fonctionnalités.
formes de communications (descendante et ascendante), a pour
finalité de favoriser librement les échanges entre les différents
acteurs de l’organisation dans la perspective de partager une Gestion et déclaration des compétences
vision commune et de permettre à chaque collaborateur de trouver dans les profils
une écoute avisée de ses pairs.
Le remplissage complet des profils par les collaborateurs
2.3.2 Travail collaboratif est souvent un point faible dans les déploiements de RSE et
notamment en ce qui concerne les compétences. Pourtant,
Le travail collaboratif a pour vocation de faire travailler ensemble
c’est par ce biais que les collaborateurs peuvent être sollicités
les collaborateurs afin qu’ils puissent réaliser de manière effective
directement pour développer des activités collaboratives,
leurs activités quotidiennes.
échanger sur un thème ou venir en support de collègues par
Il s’agit notamment de résoudre des problèmes, d’améliorer la rapport à leurs savoir-faire propres.
productivité et l’efficacité au sein des équipes projets et des proces- Les compétences sont généralement exprimées à l’aide de
sus métiers, de développer les savoir-faire, de diffuser les meil- mots clés et il est préférable dans un premier temps de laisser
leures pratiques, de stimuler l’apprentissage et l’innovation, etc. les collaborateurs exprimer la vision qu’ils ont de leurs
compétences. Ultérieurement, il sera toujours possible dans
une démarche d’amélioration du fonctionnement du RSE
2.4 Plate-forme logicielle de RSE d’utiliser le référentiel RH des compétences.
Pour supporter les différents types de communautés et permettre Périodiquement, une exploration des compétences indi-
l’amélioration de la communication transversale et du travail colla- quées par les collaborateurs doit être réalisée de manière à les
boratif, l’utilisation d’une plate-forme logicielle dédiée au RSE est normaliser.
indispensable. Selon l’enquête de KnowledgeConsult réalisée en 2013 [1],
Toutes les plates-formes de RSE existantes ne sont pas équiva- seuls 8 % des RSE utilisent des compétences issues d’un réfé-
lentes en termes de couverture fonctionnelle, mais il est possible rentiel de compétences réalisé et géré par la DRH.
d’identifier des fonctionnalités types que l’on va retrouver dans la
plupart des logiciels du marché.
La figure 2 dresse un panorama de ces fonctionnalités types en
distinguant huit blocs fonctionnels qui sont décrits ci-après. 2.4.2 Gestion des communautés
Il ne s’agit pas ici d’être exhaustif quant aux fonctionnalités La gestion des communautés regroupe des fonctionnalités
offertes par les différents logiciels de RSE, mais d’avoir une repré- dédiées à la création, à la gestion et à la coordination des groupes
sentation simple sur laquelle s’appuyer pour définir une première d’utilisateurs formés spontanément ou non, comme l’illustre la
grille de lecture de l’offre du marché. figure 4.
66
Référence Internet
AG272
3
1. Management de l’innovation et conduite du changement....... AG 272 - 2
1.1 Problématiques de l’innovation.............................................................. — 2
1.2 Management de l’innovation .................................................................. — 2
1.3 Conduite du changement ........................................................................ — 3
2. Présentation des groupes .................................................................. — 3
2.1 Identification............................................................................................. — 3
2.2 Éléments historiques ............................................................................... — 4
2.3 Description................................................................................................ — 4
2.4 Fonctionnement ....................................................................................... — 5
2.5 Mobilisation.............................................................................................. — 6
2.6 Gestion des résistances........................................................................... — 6
2.7 Production ................................................................................................ — 7
3. Méthodes pour mobiliser les groupes ............................................ — 7
3.1 Présentation.............................................................................................. — 7
3.2 Méthodes pour les petits groupes.......................................................... — 7
3.3 Méthodes pour les grands groupes ....................................................... — 7
3.4 Mise en œuvre des méthodes................................................................. — 12
3.4.1 Positionnement ............................................................................... — 12
3.4.2 Bonne pratique 1 : avoir un cadrage de qualité............................ — 12
3.4.3 Bonne pratique 2 : définir un design adapté................................. — 12
3.4.4 Bonne pratique 3 : déployer une facilitation mobilisatrice.......... — 12
3.4.5 Bonne pratique 4 : gérer les suites ................................................ — 13
4. Plateformes logicielles pour les groupes ...................................... — 13
4.1 Présentation.............................................................................................. — 13
4.2 Platesformes logicielles pour les groupes présentiels ......................... — 14
4.2.1 Présentation des plateformes ........................................................ — 14
4.2.2 Analyse des plateformes ................................................................ — 14
4.3 Réseaux sociaux d’entreprise ................................................................. — 15
4.3.1 Présentation des réseaux sociaux d’entreprise ............................ — 15
4.3.2 Analyse des réseaux sociaux d’entreprise.................................... — 15
5. Conclusion.............................................................................................. — 16
6. Glossaire ................................................................................................. — 16
Pour en savoir plus ....................................................................................... Doc. AG 272
67
Référence Internet
AG272
3 commun et d’autres encore vont offrir les deux possibilités que cela soit en
mode présentiel ou à distance.
68
Référence Internet
AG272
3
nieur et cités en référence.
Néanmoins, il est rappelé que la conduite du changement a pour Parmi ces différentes activités, la plupart vont nécessiter des tra-
vocation de prendre en compte et gérer l’adoption des change- vaux en groupe. Par exemple, la communication d’une vision peut
ments par leurs parties prenantes. D’un point de vue opérationnel, se faire sous des formats classiques ou en mobilisant de nom-
différents éléments sont à retenir des riches travaux (voir la biblio- breux professionnels lors d’un événement collaboratif, c’est-à-dire
graphie de l’article [AG 520]) sur cette discipline. Dans un premier un grand groupe. Quant à elle, la gestion organisée des parties
temps, il faut intégrer dans la gestion d’un changement au sein prenantes d’un changement va rassembler le plus souvent un
d’une organisation qu’elle se déroule à trois niveaux, à savoir nombre plus limité de professionnels, c’est-à-dire un petit groupe.
l’individu, le groupe et l’organisation dans son ensemble. Ce qui est le cas aussi de la mobilisation des collaborateurs pour
prendre en compte et traiter les résistances actives ou passives
L’encadré suivant présente les éléments pratiques à retenir de la face à un changement. De fait, même si la conduite du change-
conduite du changement selon l’auteur. ment est elle aussi une grande utilisatrice des activités de groupe,
il faut bien constater que les approches et démarches pour les
gérer restent souvent assez pauvres. Ce qui fait que plutôt que
d’organiser et de déployer de réelles activités de groupe, de nom-
Encadré 1 – Éléments pratiques à retenir breux praticiens de la conduite du changement réalisent simple-
de la conduite du changement ment des réunions de travail.
C’est dans le contexte où le management de l’innovation, et en
• Mise en avant du leadership qui consiste à s’assurer que le particulier l’open innovation, comme la conduite du changement
directeur de projet ou le manager a bien les qualités requises ont recours aux activités de groupe, sans forcément qu’elles soient
en la matière et les développer avec le support adapté si ce déployées de manière optimale, que les groupes vont être étudiés
n’est pas le cas. plus en détail sous leurs différents aspects. Il s’agit de fournir aux
• Fixation et communication d’une vision du changement praticiens des éléments de réflexion aussi bien qu’opérationnels.
qui consiste à définir de manière synthétique son motto ; la
cible et les attentes des parties prenantes par rapport à celui-ci
et de manière plus détaillée formaliser une histoire mettant en
scène ces différents éléments avec un contexte, un ou des
héros, une intrigue avec des éléments inattendus, des actions
2. Présentation des groupes
à réaliser et les ressources qui devront être mobilisées et
transmettre ces éléments sous les formats adaptés.
• Gestion continue des parties prenantes qui consiste à 2.1 Identification
identifier, segmenter, analyser la dynamique des populations
concernées par rapport au changement de manière à définir Il est connu depuis longtemps qu’un ensemble d’individus, ras-
les modalités pour les mobiliser en fonction de leurs spécifici- semblés fortuitement ou de manière inorganisée, ne fait pas un
tés. groupe. Pour ce faire, il faut au minimum que cette population
possède les caractéristiques suivantes :
• Mise en place d’un réseau de changement qui consiste à
– finalité pour indiquer que les membres d’un groupe sont ras-
identifier et organiser des professionnels, choisis à bon
semblés de manière consciente autour d’une visée partagée ;
escient, pour être en charge du recueil des informations sur
l’adhésion au changement des collaborateurs mais surtout en – interactions pour décrire le fait que les membres d’un groupe
être des vecteurs. ont développé un certain niveau de cohésion entre eux à travers
des échanges et des influences réciproques ;
• Prise en compte de la maturité de l’organisation qui
– existence pour exprimer que les membres du groupe dis-
consiste à évaluer la familiarité de l’organisation par rapport
tinguent clairement, éventuellement pour des raisons diverses,
au domaine du changement et donc l’intensité des « efforts »
leur interdépendance et de fait ce qui est interne au groupe ainsi
qui devront être réalisés pour le mener à bon port.
que ce qui ne l’est pas.
• Déploiement sous un format et des technologies adaptés
des actions de communication, formation et support. Au final, un groupe est un ensemble humain doté d’une finalité,
de modalités d’interactions et d’une existence propre qui en fait
• Mobilisation des collaborateurs afin de les engager dans le qu’il est distinct de la somme des individus qui le composent. C’est
changement à travers des actions en petits, autour d’une dans ce contexte que vont être présentés après un bref rappel his-
dizaine de collaborateurs, ou grands groupes, plusieurs cen- torique des travaux d’analyse sur les groupes les éléments
taines de collaborateurs jusqu’à plus d’un millier. suivants :
69
Référence Internet
AG272
– description ;
Tableau 1 – Segmentation des tailles de groupe
– fonctionnement ;
– mobilisation ; Nature du groupe Nombre de participants
– gestion des résistances ;
– production. Petit De 7 à 15
Moyen De 15 à 80
3
comme tel ainsi que ceux de Gustave Le Bon sur les caractéris- groupe pour définir l’architecture et les fonctionnalités d’un pro-
tiques des foules et aussi ceux de Jean-Paul Sartre sur la constitu- duit ainsi que la manière de l’industrialiser, un groupe de cadres
tion d’un groupe à partir d’un rassemblement hétérogène pour identifier et proposer des actions afin de gérer les résistances
d’individus et les mesures qu’il doit prendre pour survivre. des collaborateurs à la mise en place de la nouvelle structure orga-
En Allemagne, au début du XXe siècle, différents travaux sont réa- nisationnelle, un groupe pour échanger les bonnes pratiques com-
lisés, notamment par Tönnies en vue de définir une typologie des merciales au niveau international... sont des « équipes ». Il y a
groupes qui peuvent se développer à l’intérieur d’une organisation. respectivement une équipe produit, une équipe projet, une équipe
de conduite du changement et une communauté de pratique. Un
Aux États-Unis, c’est dans les années vingt qu’apparaissent et se
service ou un département peuvent aussi être aussi considérés
développent, d’une part une psychologie scientifique des groupes
comme des « équipes ».
à partir notamment d’études sur les bandes, les colonies d’immi-
grés, etc., et d’autre part la psychosociologie industrielle avec ■ La taille d’un groupe peut être très variable. Plusieurs seg-
Elton Mayo qui met en avant les facteurs d’efficacité des groupes à mentations ont été proposées et même certaines avec des noms
travers différentes expériences dans l’industrie. À cette époque, il y spécifiques pour chaque segment. Le tableau 1 présente une seg-
a aussi la mise au point par Jacob Moreno de la sociométrie qui mentation pragmatique utilisée par des spécialistes reconnus du
est une discipline qui vise à analyser les relations dans un groupe travail en groupe.
de manière à en faciliter le fonctionnement.
Depuis ces travaux fondateurs, de nombreuses recherches, ■ Le mode de mise en place d’un groupe fait référence à la
expérimentations, mises en place ont été réalisées sur les groupes manière dont le groupe se manifeste initialement. Il peut être
et leur dynamique en mobilisant des disciplines très variées. Elles spontané ou organisé. Un groupe « spontané », aussi appelé
ne seront pas étudiées ici. « naturel », est constitué par des professionnels sans qu’aucun élé-
ment ne les force à réaliser l’opération. Cela se fait en général
après une réunion et va viser à faire perdurer les échanges entre
ses participants. Un groupe « organisé » est au contraire mis en
2.3 Description place sur la base d’une décision, le plus souvent du management,
et des objectifs formels lui sont fixés avec en contrepartie l’alloca-
Il faut préciser que ce sont les groupes qui peuvent apparaître
tion de ressources. Dans les deux cas, le membre d’un groupe va
ou être mis en place dans les organisations ou entre elles qui sont
plus ou moins rapidement développer un sentiment d’apparte-
étudiés ici. Les principales caractéristiques des groupes sont :
nance au groupe et participer à son orientation ainsi que ses activi-
– leurs objectifs ;
tés. Du fait de sa construction par rapport à des attentes, la mise
– leur taille ;
en place d’un mode de fonctionnement optimal est souvent plus
– leur composition ;
délicate dans un groupe « organisé » que dans un groupe
– leur mode de mise en place ;
« spontané ». Il arrive fréquemment que des groupes spontanés se
– leur durée de vie ; structurent et deviennent des groupes organisés et tentent de se
– leurs modalités pratiques d’interaction. positionner de ce fait comme équipe. Par exemple, un ensemble
■ Les objectifs d’un groupe peuvent être très variés. Il est usuel de professionnels rassemblés informellement pour traiter une diffi-
cependant d’en distinguer deux grandes familles, les « groupes » culté dans un processus métier peuvent devenir une équipe de
et les « équipes », qui sont définies principalement par rapport à la résolution de problèmes ou même une communauté de pratiques.
précision de la définition de leurs objectifs. De fait, un groupe n’est pas simplement une collection d’indivi-
Un « groupe » qui est appelé par certains « groupes de dus rassemblés fortuitement et il est toujours nécessaire de le
discussion » a une taille variable et ses membres interagissent constituer en tant que tel. Différentes approches ont été proposées
principalement pour échanger et partager des informations ainsi pour ce faire. Elles ont quasiment toutes en commun de distinguer
que s’assister mutuellement par rapport à leurs enjeux individuels. différentes étapes, de trois et cinq, comme les suivantes :
Un tel groupe est centré sur lui-même et ses objectifs sont définis – établissement de la sécurité dans la situation du groupe ;
plus ou moins formellement. Par exemple, un groupe pour échan- – développement de la confiance interpersonnelle ;
ger sur les technologies à insérer dans la nouvelle gamme de pro- – participation active aux travaux du groupe ;
duits, un groupe pour partager des informations sur le dernier – structuration du groupe ;
salon consacré aux techniques utilisées pour piloter les processus – autorégulation du fonctionnement du groupe.
industriels, un groupe pour identifier des idées d’actions concrètes
à réaliser par rapport à la vision de l’entreprise qu’a présentée la ■ La composition d’un groupe varie suivant ses objectifs, sa
direction générale... sont des « groupes ». taille, son mode de mise en place, la diversité de ses membres,
Une « équipe » appelée parfois « groupe de travail » est à etc. Ce qui n’est en aucune manière pénalisant dans la mesure où
l’opposé focalisée sur la réalisation collaborative de travaux qui ces différences sont identifiées et gérées. Il peut exister cependant
70
Référence Internet
AG274
1.
1.1
Évolution technologique de l’industrie..............................................
Vagues d’innovation ....................................................................................
AG 2 74 - 2
— 2
3
1.2 Point de vue de l’entrepreneur ................................................................... — 4
2. Problématique des entreprises industrielles .................................... — 5
2.1 Des moyens insuffisants ............................................................................. — 5
2.2 Difficulté de travailler en mode collaboratif .............................................. — 6
2.3 Limites de la mutualisation ......................................................................... — 6
3. Une réponse : les plateformes technologiques ............................... — 6
3.1 Définition et cadre requis ............................................................................ — 6
3.2 Processus d’accélération ............................................................................. — 6
3.3 Typologie des plateformes.......................................................................... — 7
4. Exemples de cas ....................................................................................... — 8
4.1 Les cas historiques : usinage grande vitesse et robots collaboratifs ...... — 8
4.2 Généralisation de l’approche à l’ensemble des technologies émergentes... — 9
5. Perspectives............................................................................................... — 12
6. Glossaire ..................................................................................................... — 13
7. Sigles ........................................................................................................... — 13
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. AG 2 74
71
Référence Internet
AG274
Performance
de l’innovation
Innovation 3
Ruptures
Innovation 2
Innovation 1
Temps
ou investissements cumulés dans le temps
72
Référence Internet
AG274
Intensité lumineuse
LED
Lampe fluorescente
Lampe à incandescence
Bec de gaz
Lampe à huile 3
Bougie
Performance
de l’innovation
Courbe enveloppe
(innovation de rupture)
Innovation incrémentale 3
Innovation incrémentale 2
Innovation incrémentale 1
Temps
Figure 3 – La vision fractale de l’évolution de l’innovation, une courbe enveloppe des innovations incrémentales et des innovations de rupture
Kondratiev [3] et réinterprété par Schumpeter [4], qui a associé les dernières années du siècle. Les rythmes s’accélèrent, tant sur le plan
grappes d’innovations aux dépressions économiques et aux des connaissances scientifiques, que celui des inventions technolo-
conflits de toute nature. giques ou encore celui des produits ou procédés industriels. Sur-
tout, on constate que les durées de transfert des connaissances
En fait, les vagues d’innovations ne seraient-elles pas des « sou-
entre une révolution scientifique, une invention technologique et un
bresauts » engendrés par des perturbations économiques et les
produit ou un procédé industriel se raccourcissent [AG 252].
conflits qui masqueraient une évolution exponentielle de l’innova-
tion, comme l’indique la figure 4. Il s’agit en conséquence d’une accélération de l’innovation dans
On constate en effet une augmentation considérable du nombre la transformation du tissu industriel dont il convient de prendre
d’innovations à partir de la seconde moitié du XXe siècle. Le conscience afin de mettre en œuvre les dispositifs appropriés
nombre de brevets délivrés a été multiplié par huit durant les dix pour l’accompagner et la favoriser dans l’écosystème d’une
73
3
74
Référence Internet
AG2234
R&D collaborative
Manager un projet de recherche
et développement en mode collaboratif
par Jean-François SIGRIST
Ingénieur
NavalGroup Research – TechnoCampus Océan – 5, rue de l’Halbrane – 44340 Bouguenais –
France
3
1. Innovation collaborative ............................................................................ AG 2 234 - 2
1.1 Innover au XXIe siècle ?.............................................................................. — 2
1.2 Innover avec un projet collaboratif............................................................ — 3
2. Construire un projet de recherche collaborative ..................................... — 4
2.1 Processus d’élaboration d’un projet de R&D............................................ — 4
2.2 Construire un consortium .......................................................................... — 8
2.3 Mobiliser les ressources............................................................................. — 8
2.4 Financer un projet ....................................................................................... — 9
2.5 Acteurs de la R&D collaborative ................................................................ — 11
3. Manager un projet en mode collaboratif.................................................. — 14
3.1 Rédiger un document projet ...................................................................... — 14
3.1.1 Contexte et objectif ............................................................................ — 14
3.1.2 Présentation du consortium.............................................................. — 14
3.1.3 Découpage en lots ............................................................................. — 14
3.1.4 Budget et planning............................................................................. — 15
3.1.5 Propriété intellectuelle....................................................................... — 15
3.1.6 Analyse de risques............................................................................. — 15
3.1.7 Évaluation d’un projet ....................................................................... — 16
3.2 Négocier un accord de consortium ........................................................... — 16
3.2.1 Identifier les connaissances .............................................................. — 17
3.2.2 Définir les résultats attendus ............................................................ — 17
3.2.3 Proposer les principes généraux d’exploitation.............................. — 17
3.2.4 Sécurité et confidentialité.................................................................. — 17
3.2.5 Prévoir les conditions de sortie d’un partenaire ............................. — 17
3.2.6 Arriver à un accord ............................................................................ — 18
3.3 Manager le projet........................................................................................ — 18
Parution : juin 2018 - Dernière validation : septembre 2020
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Référence Internet
AG2234
3 tium, mise en place des comités de suivi et réalisation des tâches de reporting.
Les différentes formes possibles de valorisation des résultats sont ensuite
passées en revue. L’exposé fait appel à des définitions qui sont rappelées dans
un glossaire et propose aussi différents approfondissements sur des sujets
plus particuliers à la R&D collaborative.
Manager un projet de R&D collaborative s’inscrit de façon plus générale dans
le management de l’innovation au sein des entreprises ; les techniques de
gestion de projets innovants s’y appliquent en grande partie. Le propos est ici
complémentaire de ces aspects, qui font l’objet de publications spécifiques
dans la ressource documentaire « Management et Ingénierie de l’Innovation »
des Techniques de l’Ingénieur. Le lecteur trouvera ces références dans la
rubrique « Pour en savoir plus » associée à l’article. Une bibliographie supplé-
mentaire et des liens vers des sites internet proposent des ressources utiles et
complètent le propos.
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Référence Internet
AG2234
50 %
Universités ou organismes publics de R&D
Coopération verticale
45 %
Consultants, laboratoires commerciaux ou privés 43 %
32 %
30 %
30 %
25 % 24 %
22 %
20 %
20 % 18 %
17 %
15 %
12 %
10 % 10 %
10 %
8% 8%
7%
5%
0%
Petites et moyennes entreprises Entreprises de taille intermédiaire Grandes entreprises
Type d’entreprise
Figure 2 – Fréquence et de coopération des entreprises françaises en R&D en 2012 (source : ministère de l’Enseignement supérieur,
de la Recherche et de l’Innovation : www.enseignementsup-recherche.gouv.fr)
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Référence Internet
AG2234
50 %
45 %
Part d’entreprise ayant déposé un brevet
40 %
35 %
30 %
25 %
44 %
20 % 41 %
35 %
3
34 %
15 % 30 %
10 %
5%
0%
Partenaire public Coopération verticale Consultants, Concurrents ou Entreprise du groupe
laboratoires entreprise du même ou du réseau
commerciaux ou privés secteur d’activité d’enseigne
Type de partenaire
Figure 3 – Part des entreprises françaises ayant déposé un brevet en 2012, selon le partenaire avec qui elles ont engagé une recherche collabo-
rative (source : ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation : www.enseigneEmentsup-recherche.gouv.fr)
entreprendre seuls – pour des raisons financières ou par manque exemple de mobiliser les recherches d’un doctorant… et elle
de connaissances et de compétences mobilisables dans le temps. s’accorde avec des plans de développements et d’investissement
pluriannuels de nombreux industriels.
Les avantages de ce fonctionnement sont multiples ; le mode
collaboratif permet au consortium : Une durée de deux ans est réaliste pour assurer le montage
d’un projet : réalisation d’un état de l’art, identification des ver-
• d’avoir accès à des compétences et des outils non présents
rous scientifiques et technologiques, définition des objectifs,
en interne pour atteindre les objectifs visés en matière
constitution du consortium, négociation des termes de propriété
d’innovation ;
intellectuelle et obtention éventuelle de financements complé-
• de trouver les complémentarités nécessaires à l’aboutisse- mentaires (figure 5). Dans certains cas, cette durée pourra être
ment de concepts ; réduite (par exemple en réponse à des appels à projets qui coïn-
• de mutualiser des frais de R&D. cident avec la stratégie de différents partenaires) ou augmentée
(par exemple pour des projets qui ne sont pas retenus dans une
Il permet aussi d’avoir des objectifs scientifiques plus ambitieux campagne d’appel à projets et dont le contenu doit être repris par
et de partager les risques liés au développement de nouveaux les partenaires).
procédés ou produits. Il offre également l’opportunité de partager
la propriété intellectuelle et les résultats de la recherche réalisée
ensemble. Ainsi, les partenaires peuvent accéder plus rapidement
aux résultats d’une innovation qu’en étant seuls. Ils peuvent en
outre bénéficier, en général, d’un soutien financier de la part des
2. Construire un projet
pouvoirs publics, puisque de nombreux dispositifs de finance-
ment complémentaires sont ouverts pour les projets collaboratifs.
de recherche collaborative
Enfin, la collaboration permet de démarrer les échanges de la
phase post-R&D avec la commercialisation, dans le cas où le par-
tenariat regroupe par exemple un équipementier et un intégra- 2.1 Processus d’élaboration d’un projet
teur. La dynamique collaborative naît de la rencontre entre une de R&D
idée qui permet de lever un verrou technologique et de proposer
une innovation, un consortium pour la développer… et de moyens Le processus d’élaboration d’un projet de recherche et dévelop-
budgétaires pour la réaliser (figure 4). pement peut être schématiquement représenté tel qu’à la figure 6.
La durée d’un projet de R&D industriel est variable, typique- Il résulte souvent de deux mouvements complémentaires et peut
ment entre deux et cinq ans (selon les objectifs du projet, les être :
moyens alloués et le nombre de partenaires impliqués par • tiré par la demande (s’adapter au marché et proposer une
exemple). Une durée moyenne est de trois ans : elle permet par amélioration) ;
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Référence Internet
AG2234
État de l’art
Idée
Approches
Tendances
Travaux antérieurs
Consortium Budget
79
3
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Référence Internet
IN401
INNOVATION
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Référence Internet
IN401
INNOVATION
3
– IDIX : www.idix.fr
Le but n’est pas d’obtenir seulement une vision « partagée »
Autres acteurs dans le monde : non identifié mais surtout une vision « partageable ». Cette précision
sémantique est cruciale car une vision partagée ne concernerait
que le groupe initial présent au lancement du projet. Une
1. Le dessin structuré à quatre condition de réussite est de pouvoir intégrer des groupes plus
larges, de l’ordre de plusieurs centaines de personnes, au cours
composantes et ses récits d’un projet qui peut durer plusieurs années. La notion de vision
« partageable » est fondamentale. Elle impose un dépouille-
L’innovation consiste à élaborer collectivement un dessin qui ment absolu et nécessite de trouver des symboles communs
représente toutes les composantes du projet en plusieurs interculturels. Enfin, cette notion de « partageable » exclut la
étapes. Le dessin est intégré dans une structure préétablie présence de mots sur le dessin, même limités à une légende ou
codifiée qui permet de couvrir la totalité du projet. Cette à un titre (cf. section 1.3). Les mots séparent, le dessin réunit.
structure repose sur la théorie des systèmes [6].
n Philosophie générale du dessin
Le dessin accompagne l’équipe tout au long du projet. Il per-
met d’intégrer de nouvelles personnes et de nouveaux métiers La démarche de transmission par le dessin vise à développer
au cours du projet en facilitant leur assimilation mentale. un cadre conceptuel commun qui permet à chacun de cartogra-
phier son champ de connaissances, son champ d’action et
Ce dessin est systématiquement associé à un script de pré-
d’identifier les interactions et les interférences avec les autres
sentation qui est enrichi au fur et à mesure de son usage et
domaines. Cette connaissance commune n’est pas uniforme ;
qui peut être adapté aux cultures diverses des sous-groupes
chaque acteur se l’approprie en cohérence avec ses missions en
intervenant au sein du projet.
conservant son propre point de vue sur le projet. Il est indis-
Au stade ultime de son utilisation, le dessin est un sous-jacent pensable de ne pas chercher à faire converger ces regards dont
mental qui peut ouvrir un champ de compréhension commune la diversité fera la robustesse et la complétude de l’approche
entre les interlocuteurs par une simple référence verbale. projet. Par son exhaustivité, le dessin permet au management
du projet d’identifier les zones dormantes qui ne sont pas cou-
1.1 La ligne directrice pour élaborer vertes et des zones de risque à mettre sous contrôle.
un dessin
1.2 Trame-type du dessin de projet
Le dessin répond au besoin de représentation d’une carte
mentale de toutes les composantes du projet. Chaque acteur La structure permanente du dessin système de projet a été
trouve sa place exacte et voit les enjeux des autres entités élaborée pour alimenter l’exploration, la compréhension et
jusqu’au niveau le plus large où figurent l’ensemble des par- l’adhésion en quatre zones différentes. Ces zones sont utili-
ties prenantes, des outils et des procédures dans le contexte sées indépendamment selon les besoins et la maturité des
de l’environnement local du pays. Des détails sont imbriqués parties prenantes et des équipes. L’utilisation de zone en zone
avec le juste niveau de calibrage. est progressive sur plusieurs mois au fur et à mesure de
En outre, chaque environnement de projet comporte des l’intégration du concept.
caractéristiques propres qu’il est nécessaire d’identifier, de La création initiale a lieu au moyen d’un scénario fondé sur
sélectionner et de mettre en évidence pour la bonne appré- un exemple de dessin structuré, avec trois allers-retours pen-
hension du projet et pour ancrer le processus de manière uni- dant une période d’environ deux mois.
forme au sein des différentes équipes [7].
Le dessin est constitué de quatre composantes : le projet, le
Par exemple, la démarche du dessin permet l’appréhension
d’un projet de transport par les parties prenantes afin que cha- sens et l’ancrage dans une narration qui sont compris dans un
cun puisse se l’approprier. Il s’agit d’un outil au service du contexte.
management. Le facteur clé de réussite de son appropriation n Les quatre composantes du dessin
par les acteurs du projet réside dans son élaboration partagée.
La méthode définit les quatre composantes du dessin, leur
n De la perception à l’élaboration d’une vision « parta- position et leur taille respectives (figure 1).
geable »
Ces quatre composantes sont :
« La vision est une palpation par le regard » – Maurice
Merleau-Ponty • en haut à gauche, le système (projet) composé des
hommes, des outils et des procédures ;
Le regard est une projection au-delà de la perception immé-
diate, que ce soit de manière individuelle ou collective. Un dia- • en haut à droite, l’intention du projet : son sens, le but à
logue intérieur a lieu entre la perception et la projection. Le atteindre ;
milieu extérieur est un stimulus qui éveille des représentations • en bas à droite, la zone d’ancrage humain de la narration
dans notre cerveau. Ces représentations sont le fruit de notre par l’identification ;
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Référence Internet
IN401
INNOVATION
3
Le contexte du projet, le territoire, Procédures administratives d’expoitation
les parties prenantes
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Référence Internet
IN401
INNOVATION
1.2.4 Composante Contexte : territoire, parties l’exposition à des groupes variés et à des mises en situation.
prenantes, jeu d’acteurs et extérieur Il est possible de s’inspirer des processus de test d’expérience
Le contexte du projet intéresse particulièrement les acteurs utilisateur des applications pour smartphone.
qui travaillent aux interfaces du projet et avec les parties pre- n Format
nantes. Des exemples sont détaillés ci-dessous.
Le dessin est au format carré car cela permet de l’intégrer
Il est recommandé de représenter le client parmi les parties aisément sur tous types de supports : écran de smartphone,
prenantes afin de mieux appréhender son écosystème. grand écran avec projection ou document au format paysage
ou portrait. Le niveau de détail graphique doit être compatible
1.3 Caractéristiques du dessin avec un rendu lisible dans une publication à faible définition
de 150 dpi (dot per inch).
Le spectre des considérations à prendre en compte est très
large. Les sept conseils présentés ci-dessous sont le fruit de n Taille du fichier
dix ans d’expérience riche en essais et erreurs et sont fondés Cet aspect pratique est majeur car un fichier image trop
sur des pratiques réelles. lourd ne sera pas utilisé. Il ne s’agit pas d’un dessin en haute
n Niveau de détail résolution pour une unique impression dans un document,
mais d’un pigeon voyageur multi-usages furtif qui va s’infil-
Le niveau de détail représenté nécessite un réglage fin : il trer partout numériquement. Le fichier doit impérativement
en faut suffisamment pour un ancrage effectif, mais sans être léger, c’est-à-dire peser moins de 100 kilo-octets
excès pour ne pas perdre le lecteur. Il ne s’agit pas d’un pour permettre une transmission sans encombre par mail
« Chercher Charlie ». Un conseil universel extrait du livre de ainsi que la possibilité pour tous de l’intégrer dans des docu-
préparation des conférences TED de Chris Anderson [8] est ments.
« Kill your darlings ». Cela signifie qu’il faut supprimer les élé-
ments anecdotiques issus de son histoire personnelle qui ont n Style graphique
une relation limitée au projet. De même, lors des concerta- Clair et dépouillé, le style graphique est assez neutre et
tions en phase stabilisation du dessin, le mieux est l’ennemi n’est pas attribuable à une entreprise ou un acteur donné car
du bien : il faut résister à l’envie de l’enrichir pour satisfaire cela nuirait à son usage. L’utilisation de couleurs évoquant un
tel ou tel ou acteur au risque d’y perdre le sens. En revanche, paysage : la terre, le ciel, la campagne, l’eau… participe à
des scripts de présentation correspondant à tous les cas cette neutralité.
d’usages identifiés sont à rédiger.
Ce dessin unique est le support de focalisation des points de n Absence de mot
vue. Comme un bon livre, le dessin permet de trouver beau- Le dessin est muet, sans aucun mot. Cela permet de
coup plus que ce que l’auteur y a apporté. La réussite de l’éla- l’utiliser dans des contextes multilingues et en facilite l’appro-
boration du dessin réside dans l’expérimentation, dans priation car chacun applique au dessin les mots de sa langue
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Référence Internet
IN402
INNOVATION
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Référence Internet
IN402
INNOVATION
Le monde contemporain est trop complexe et les ressources trop rares pour
fonder un projet territorial sur une seule fonction. Un projet territorial est
forcément multifonctionnel, même à l’insu de son promoteur. Confrontée à
l’augmentation de la complexité croisée à la raréfaction des moyens, la
méthode USO permet de faire émerger ces multifonctionnalités rendant le
projet possible. Cette approche s’applique tant sur des micro-projets, par
exemple un aménagement de trottoir, que sur des quartiers de ville com-
plets ou de nouvelles infrastructures. Elle est efficace en quelques mois.
Une limite majeure de l’approche USO pour certains, ou un détournement
selon son concepteur, est de l’utiliser pour tenter de faire accepter un
projet figé. L’objectif n’est PAS de faire accepter un projet territorial, mais
Points clés
Domaine : méthode innovante de conduite de projets territoriaux
Degré de diffusion de la technologie : émergence
Technologies impliquées : sciences sociales
Domaines d’application : tout projet territorial quelle qu’en soit la taille
Principaux acteurs français : Société française des urbanistes :
https://www.urbaniste.com/
Autres acteurs dans le monde : Urban Innovative Actions : The urban lab of
Europe
https://www.uia-initiative.eu/fr
Contact : frederic.rousseau.pro@gmail.com
Site : https://fredericrousseauprojet.com/fr/transformation-numerique/accueil/
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Référence Internet
IN402
INNOVATION
avec les territoires, leurs habitants, dans de multiples dimen- des projets territoriaux, et encore moins utilisées. L’approche
sions. Voici quelques exemples de projets territoriaux : création cartésienne pure continue, en effet, de régner en maître, condui-
d’une infrastructure, transformation d’un quartier, implantation sant à des impasses dans les projets territoriaux.
d’une activité… Le facteur territorial apporte un fort degré
Innovante certes, mais surtout complémentaire, cette approche
d’incertitude.
complète les process usuels de conduite de projets. Les
Après la Seconde Guerre mondiale, puis pendant les Trente méthodes classiques de conduite du projet constituent le socle
Glorieuses, les projets étaient monofonctionnels et la difficulté incontournable de l’approche USO. Un manquement éventuel
résidait alors dans la maîtrise des techniques de l’ingénieur. dans la mise en œuvre des méthodes fondamentales mettra
En deux mots, les projets se caractérisaient par leur dimen- inévitablement en péril l’ensemble du projet, même avec
sion structurelle et fonctionnelle. l’application de l’approche USO.
Puis, progressivement, la dimension émotionnelle s’est ajou- Quant à la temporalité, la méthode USO se greffe sur quelques
tée, prenant une ampleur dominante. Ainsi, au seuil des années mois en parallèle des autres actions sans ajouter de délai supplé-
3
2000, les trois dimensions de projets territoriaux étaient struc- mentaire.
turelle, fonctionnelle et émotionnelle [1].
Cet article propose donc un nouvel éclairage, pragmatique
L’évolution s’est ensuite poursuivie. L’aspect structurel s’est et opérationnel, fondé sur une approche innovante : « Usages,
effacé pour laisser place à l’aspect sociétal. La capacité de Symboles, Ouvrage ». L’idée fondamentale de cette méthode
construire, la part structurelle du projet territorial, est devenue est de « changer les perceptions, se doter d’un programme
une commodité. Dans le même temps, l’aspect sociétal est d'actions qui mise plutôt sur le soft, le progressif et le mainte-
devenu incontournable. Le projet territorial contemporain com-
nant plutôt que sur le hard dans longtemps, c’est aussi ériger
bine donc trois attributs : sociétal, fonctionnel et émotionnel.
un écosystème qui intègre l’infrastructure à son métabo-
En affinant cette analyse, nous nous rendons compte que lisme », Jérôme Baratier, directeur de l’Agence d’Urbanisme
les ressources sont trop rares pour se permettre de créer des de l’Agglomération de Tours [7].
projets monofonctionnels. Tout projet territorial est donc pluri-
fonctionnel ou multifonctionnel.
Arrêtons-nous sur ce constat : les responsables d’un projet
2. Bâtir des projets territoriaux
territorial doivent, aujourd’hui, intégrer les dimensions sociétales, au travers de représentations
multifonctionnelles et émotionnelles. Les projets d’infrastructure
contemporains ont alors franchi un seuil d’entrée dans une
transdisciplinaires
complexité multicroissante de nature nouvelle. Cette complexité
n’est pas liée à la taille des projets, mais à l’évolution des 2.1 L’ouvrage ne fait pas le projet
attentes sociétales, à la demande croissante d’informations et
surtout de participation, ainsi qu’à des motifs et des moyens Pour les ingénieurs qui la construisent, une infrastructure
de mobilisations transversaux, notamment au travers des est un objet éminemment physique. Mais c’est aussi une
réseaux sociaux. Il ne s’agit donc pas d’un glissement de réfé- aventure humaine, le fruit d’un travail et de savoir-faire multi-
rentiel, mais d’un nouveau paradigme, dont les conséquences ples, une contribution au bien commun du territoire qui la
lourdes sont à explorer [2]. reçoit. Une part d’immatériel et de symbolique est donc asso-
ciée à sa réalisation, et ce, dès les premiers instants de l’his-
Face à cette complexité, quelles qu’en soient la profondeur toire du projet.
de l’analyse et l’ampleur de leurs moyens, les praticiens se
sentent démunis. Et pour cause, les méthodes standards de Il en va de même pour les élus et techniciens de la collecti-
management de projets, issues des préconisations de sys- vité qui la commandent, même si les histoires vécues ne sont
tèmes qualité déclinés de l’industrie, s’avèrent insuffisantes pas tout à fait semblables. Enfin, il en va de même, évidem-
dans le cadre de projets territoriaux [3]. ment, pour les riverains et les usagers, qui verront certes
l’objet physique, mais aussi son impact, redouté ou désiré, sur
Une première piste de réflexion est alors présentée dans le
leur cadre de vie et leur liberté de mouvement. Leur regard
dernier ouvrage de Bruno Latour Où atterrir ? [4] : « D’où
sur l’infrastructure est fortement déterminé par les usages
l’importance de savoir comment s’orienter. Et donc dessiner
qu’ils en feront ou qu’ils subiront.
quelque chose comme une carte des positions imposées par
ce nouveau paysage au sein duquel se redéfinissent non seu- Énoncer ces idées évidentes est une chose ; en tirer toutes
lement les affects de la vie publique, mais aussi ses enjeux ». les conséquences en est une autre. En premier lieu, cela signi-
Cet article a pour ambition d’orienter les praticiens face aux fie que le monde dans lequel nous vivons ne se réduit jamais
nouveaux enjeux en leur proposant une approche ancrée dans à sa seule dimension physique. Celle-ci n’est jamais que le
de multiples expériences de terrain en gestion de projets support où se fixent, pour le meilleur ou le pire, des usages,
d’infrastructures. Cette approche innovante n’est autre que des expériences, des représentations symboliques. Dès le stade
l’approche « Usages, Symboles, Ouvrage ». des intentions, l’infrastructure est l’objet de débats, de désirs,
de craintes face auxquels la rationalité de l’ingénieur n’apporte
Innovante, car elle intègre l’usage des sciences sociales au qu’une partie des réponses. Selon Jacques Lacan, « le monde
cœur de la réflexion, en supprimant les cloisonnements entre est réel, symbolique et imaginaire » [8].
les acteurs du projet et en faisant émerger une multifonction-
nalité dans un programme souvent réducteur. Autrement dit, En second lieu, cela démontre que l’approche uniquement
elle combine des disciplines dans une approche transdiscipli- technicienne des choses devient de moins en moins opérante
naire pour en faire émerger un panel d’actions ancrées dans dans le monde actuel. En particulier, elle est impuissante pour
les imaginaires territoriaux. traiter l’acceptabilité d’un projet par l’ensemble des parties
prenantes du territoire : la collectivité, les riverains et les usa-
Innovante, car elle fait entrer en jeu des méthodes issues du
gers, ainsi que les leaders d’opinion (associations, presse…).
management de la complexité dans le domaine des projets terri-
toriaux [5] [6]. Et oui, si ces méthodes sont désormais solide- Il faut, par conséquent, combiner à cette maîtrise technique
ment établies, elles sont encore peu enseignées dans le domaine indispensable d’autres approches en complémentarité.
87
Référence Internet
IN402
INNOVATION
2.2 S’inscrire dans un environnement, Pour illustrer ces propos, disons que certaines conduites de
c’est s’inscrire dans des imaginaires projet conduisent à rassembler une série de pots de confiture
disciplinaire hermétiquement fermés et alignés sur une étagère.
Aujourd’hui, plus personne n’ignore l’impératif d’inscrire tout Certes, on a mobilisé plusieurs disciplines, mais on s’abstient
projet d’infrastructure dans son environnement. Mais les d’utiliser les résultats. C’est l’usage effectif des disciplines
méthodes pour le faire harmonieusement sont compliquées à entremêlées sur le même objet qui fera la force de l’approche
mettre en œuvre. Et pour cause, cet environnement ne se transdisciplinaire (voir un exemple détaillé en section 3.3).
réduit pas à ses dimensions physiques ou naturelles. Il est en L’approche « Usages, Symboles, Ouvrage » ressemble plutôt à
grande partie imaginaire, c’est-à-dire fait de représentations une salade de fruits où l’on mélange soigneusement toutes les
mentales plus ou moins conscientes, plus ou moins objectives disciplines, le goût de chaque fruit rehausse harmonieusement le
et plus ou moins partagées par les individus qui en sont por- goût de l’ensemble. C’est une approche transdisciplinaire [9].
teurs. Elles sont liées aux usages, aux traditions et à la culture
du territoire concerné.
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Management de l'innovation
(Réf. Internet 42564)
changement en innovation
Innovation et gestion des ressources humaines inter-organisationnelles AG280 91
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4
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Référence Internet
AG280
4
Centre européen de recherche en économie financière et gestion des entreprises (CEREFIGE),
Université de Lorraine, Nancy, France
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Référence Internet
AG280
4
lesquelles ils s’avèrent pertinents. Si les outils ne sont pas standardisés et
s’avèrent donc inadaptés tels quels dans tout contexte inter-organisationnel, la
démarche suivie et les conditions de mise en œuvre peuvent être utiles à tout
manager confronté à une diversité d’attentes, d’intérêts, de points de vue qu’il
cherche à faire converger sans avoir d’autorité sur les acteurs impliqués. Enfin,
nous évoquons les dispositifs qui concernent d’autres réseaux d’organisations.
Ces dispositifs ont permis à divers acteurs et organisations d’être plus perfor-
mants, particulièrement à travers les dynamiques d’apprentissage.
92
Référence Internet
AG280
4
voudrait conduire seule » [AG 250]. Elle est définie comme
« l’antithèse du modèle traditionnel d’intégration vertical dans
les effectifs doit s’accompagner d’une gestion en amont des consé- lequel les activités internes de recherche et développement
quences de cette réduction. Ce responsable des ressources conduisent à des produits développés en interne, puis distri-
humaines (qui peut être le directeur des ressources humaines) est bués par la firme (...) » [11].
attendu sur sa capacité à accompagner à la fois la direction et les
salariés de l’entreprise et à prendre en compte la dimension
« humaine » dans les phénomènes de restructuration. Dans leur Elle se caractérise par des allers-retours entre les connaissances
analyse des discours managériaux d’une entreprise en restructura- générées par l’entreprise et celles tirées de son environnement
tion, Palpacuer et Seignour [8] pointent différentes stratégies adop- externe. Les connaissances issues de l’extérieur permettent de sil-
tées par l’« élite » et porteuses d’une certaine « violence sociale ». lonner des marchés jusqu’alors inaccessibles ou inconnus
La mise en œuvre de la stratégie ne se limite pas à mettre en pra- (figure 2).
tique des processus. Elle suppose de prêter attention aux hommes L’innovation ouverte a pris de l’ampleur parce que les entre-
et au sens qu’ils donnent à leur travail. prises ont progressivement pris conscience du fait que leurs
connaissances et compétences pouvaient être générées hors de
La GRH en entreprise recouvre le triptyque régulation, acquisi- leurs frontières, que les partenariats dans le cadre des pro-
tion, stimulation et suppose une vision de long terme. Le respon- grammes de R&D n’étaient plus un risque, mais plutôt une oppor-
sable des ressources humaines interagit avec plusieurs parties tunité d’accélérer le développement en tirant profit d’innovations
prenantes qui sont essentiellement internes à l’entreprise (salariés, non initiées [11].
encadrement, direction générale, partenaires sociaux) et qui
Dans le cadre des réseaux d’organisations, cette manière
peuvent avoir des attentes contradictoires. Toutefois, l’orientation
d’appréhender l’innovation, qui est de plus en plus ouverte,
vers une performance organisationnelle est l’objet autour duquel
impacte la gestion des ressources humaines [AG 1 430]. Nous
ces partenaires sont supposés se mettre d’accord. En effet, la per-
abordons dans cette partie une typologie des réseaux d’organi-
formance organisationnelle traduit de possibles promotions, une
sations et la GRH induite.
augmentation de la rémunération, le développement de l’employa-
bilité, de la motivation, un encadrement plus efficace, un climat
social plus serein, des investissements en mesure d’assurer la
pérennité de l’activité.
Recherche Développement
Dans cet article, nous ne nous intéressons pas à la GRH interne Nouveau
à l’équipe d’animation du pôle de compétitivité, principal réseau marché
d’organisations que nous étudions. En effet, cette GRH est majori- Frontière de l’entreprise
tairement orientée vers l’administration du personnel et focalisée
sur les processus.
Dans le cadre des réseaux d’organisations, l’objet autour duquel
les parties prenantes se mettent d’accord n’est pas clairement Projets Marché
identifié. De même, ces parties prenantes ne sont pas identifiées de recherche habituel
une fois pour toutes. Cela explique la difficulté des pôles de
compétitivité auxquels nous avons prêté attention à manager les
projets innovants collaboratifs (PIC). Dans la mesure où « le mana-
gement de projets innovants consiste à choisir et à mettre en place
les méthodes et pratiques les plus appropriées » [AG 2 232] afin de
favoriser une qualité de la collaboration entre une diversité
d’acteurs et d’attentes, nous avons contribué à l’émergence de
certains outils au sein de l’équipe d’animation du pôle. Ces outils
impactent le déroulement du montage des projets. Avant de
les évoquer, nous caractérisons la GRH dans les réseaux
d’organisations. Figure 2 – Innovation ouverte [11] [AG 250]
93
Référence Internet
AG280
4
compétences et des qualifications.
ment à un processus de production » [13]. Ils sous-tendent des
logiques de « co-conception », « co-élaboration » et
« co-production » [14]. C’est dans cette perspective que les districts
■ Les clusters sont des « concentrations géographiques d’entre-
prises et d’institutions interconnectées dans un domaine
industriels, les clusters, les systèmes productifs locaux et les pôles
particulier » [17]. Ces entités sont liées par une proximité géogra-
de compétitivité se sont développés. À travers la mutualisation des
phique. Elles sont complémentaires dans leurs domaines, du fait
ressources des diverses parties prenantes, des avantages tirés de
de la connexion qui s’opère entre elles. Les clusters accordent une
la proximité géographique, de la proximité des métiers, il est pos-
place importante à l’innovation et à la créativité.
sible de gagner en compétitivité.
Dans cet article, nous traitons plus spécifiquement des pôles de ■ Les systèmes productifs locaux (SPL) sont une
compétitivité. En effet, si les synergies dans les pôles de compé- « construction spatiale de PME compétitives, développant entre
titivité sont considérées comme des sources d’avantages multi- elles des stratégies de coopération et ayant remplacé la notion de
ples, la réalité est que ces pôles ne mobilisent pas naturellement l’espace » [18]. Les PME sont fédérées en fonction de la proximité
les acteurs impliqués sur le terrain de l’innovation. Ces acteurs ne de leur métier ou de leur spécialité.
partagent pas les mêmes référentiels, n’ont pas une orientation
commune de l’innovation. Ainsi se pose la question des leviers sur ■ Les pôles de compétitivité sont soutenus par les puissances
lesquels l’équipe d’animation du pôle, chargée d’accompagner les publiques (figure 3) qui ont affiché l’ambition de permettre aux
acteurs, est en mesure de s’appuyer pour dynamiser le montage entreprises impliquées d’être compétitives au niveau national et
de projets innovants collaboratifs (PIC). international.
Réseaux Rapport à la
Initiateur Caractéristiques
d’organisations collaboration
94
Référence Internet
AG520
Innovation et conduite
du changement
Concepts et démarches
1.
1.1
Positionnement de l’innovation et du changement ....................
Définitions de l’innovation .......................................................................
AG 520 - 2
— 2
4
1.2 Approches du changement ...................................................................... — 2
1.3 Management de l’innovation et conduite du changement ................... — 3
2. Innovation organisationnelle et approches
de la conduite du changement .......................................................... — 3
2.1 Mise en perspective de la conduite du changement ............................. — 3
2.2 Principaux modèles pour la conduite du changement .......................... — 4
2.2.1 Modèles liés aux individus.............................................................. — 4
2.2.2 Modèles liés aux groupes ............................................................... — 5
2.2.3 Modèles liés aux organisations ...................................................... — 6
2.2.4 Leadership ........................................................................................ — 10
2.3 Implémentation de la conduite du changement .................................... — 11
2.4 Perspectives pour la conduite du changement ...................................... — 13
3. Innovation de produit ou de procédé et apports
de la conduite du changement .......................................................... — 13
3.1 Management de l’innovation ................................................................... — 13
3.1.1 Définition du processus d’innovation ............................................ — 14
3.1.2 Gestion du projet d’innovation ....................................................... — 14
3.1.3 Diffusion de l’innovation ................................................................. — 14
3.2 Apports de la conduite du changement .................................................. — 14
4. Conclusion............................................................................................... — 15
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. AG 520
95
Référence Internet
AG520
4
Depuis les années quatre-vingt de nombreux auteurs se sont
dans la société.
attachés à tenter de définir l’innovation au niveau social comme
dans les organisations. Néanmoins pour ne pas prendre le parti de
l’un par rapport aux autres et viser une approche consensuelle,
c’est la définition de l’OCDE dans la troisième édition du Manuel 1.2 Approches du changement
d’Oslo en 2005 qui a été retenue pour l’innovation. C’est ainsi
qu’elle y est décrite comme : À l’opposé de l’innovation, la définition du changement dans les
organisations n’a pas beaucoup mobilisé d’auteurs. Pour expliquer
cette situation, il faut sans doute considérer que, dans une entreprise
« La mise en œuvre d’un produit (bien ou service) ou d’un ou plus globalement dans une organisation, le changement fait par-
procédé nouveau ou sensiblement amélioré, d’une nouvelle tie intégrante de sa vie et nul besoin n’est de le définir plus précisé-
méthode de commercialisation ou d’une nouvelle méthode ment. En effet les organisations peuvent être amenées à changer
organisationnelle dans les pratiques d’une entreprise, l’organi- pour différentes raisons, comme des évolutions de l’environnement
sation du lieu de travail ou les relations extérieures ». économique, social, réglementaire... des changements sur le
marché, des impératifs stratégiques ou opérationnels, des compor-
Et toujours suivant la même source, « pour qu’il y ait innova- tements des dirigeants ou des collaborateurs...
tion, il faut au minimum que le produit, le procédé, la méthode
de commercialisation ou la méthode d’organisation soit Le classement des changements a, par contre, impliqué de
nouveau ou sensiblement amélioré pour la firme ». nombreux auteurs. Le classement présenté ici est celui qui paraît
le plus proche des réalités opérationnelles des organisations. Il
distingue les trois catégories suivantes de changement :
§ De manière plus précise, une innovation de produit correspond – incrémental ;
à « l’introduction d’un bien ou service nouveau ou sensiblement – transitionnel ;
amélioré sur le plan de ses caractéristiques ou de l’usage auquel il – transformationnel.
est destiné ». À ce niveau, le terme « produit » couvre de manière
égale aussi bien les biens que les services. Les innovations de § Les changements incrémentaux sont des changements qui
produit peuvent faire intervenir des connaissances ou des techno- consistent à améliorer l’existant d’une organisation pour le rendre
logies nouvelles ou se baser sur de nouvelles utilisations ou plus performant. Le nouvel état à atteindre est juste une amélioration
combinaison de connaissances ou de technologies déjà existantes. de la situation existante qui peut être due à une évolution minime de
Les produits nouveaux diffèrent clairement des produits antérieurs l’environnement ou du marché. Typiquement la démarche japonaise
d’une société par leurs caractéristiques alors que les améliorations dite de « Kaizen » qui fait référence à l’amélioration continue des
de produits existants interviennent par le changement de procédés de fabrication sur différents registres (qualité, productivité,
composants, de matières ou d’autres éléments. temps de cycle...) se positionne dans cette catégorie de changement.
Les impacts sur les collaborateurs sont minimes.
§ Une innovation de procédé est la « mise en œuvre d’une § Les changements transitionnels sont des évolutions qui vont
méthode de production ou de distribution nouvelle ou sensi- amener une organisation, globalement ou sur un domaine, à chan-
blement améliorée ». Les méthodes de production comprennent ger en passant d’un état présent, bien connu car correspondant à
les techniques, matériels et logiciels utilisés pour produire des la situation actuelle, à un état futur connu pour l’essentiel. Le qua-
biens ou des services. Quant à elles, les méthodes de distribution lificatif « transitionnel » fait référence à ce changement d’état qui
font référence à la logistique amont, interne et aval d’une société. est le plus souvent linéaire. C’est la connaissance de l’état futur qui
va permettre, à partir d’une analyse des impacts du changement
§ Une innovation de commercialisation est la « mise en œuvre sur l’état existant, de déterminer les actions à réaliser sur les
d’une nouvelle méthode de commercialisation, impliquant des aspects organisationnels et humains. Classiquement les organisa-
changements significatifs de la conception ou du conditionnement, tions ou les fusions simples de deux sociétés sont des change-
du placement, de la promotion ou de la tarification d’un produit ». ments transitionnels.
Les innovations de commercialisation visent à mieux satisfaire les
besoins des acheteurs, ouvrir de nouveaux marchés ou position- § Les changements transformationnels sont des changements qui
ner de manière nouvelle un produit afin de développer ses ventes. bouleversent complètement une organisation sans pour autant
Elles se positionnent en rupture par rapport aux méthodes de que l’état à atteindre soit connu précisément au démarrage du
96
Référence Internet
AG520
processus de changement. L’organisation doit se réinventer sous pourquoi, dans la mesure où le sujet reste toujours le même – à
ses différents aspects (structure, processus, compétences, compor- savoir la gestion de l’élément humain dans les changements –, il
tements, culture...) pour faire face à ses enjeux en procédant de est nécessaire de prendre du recul par rapport aux approches qui
manière non linéaire par essais, erreurs, bilans et apprentissages ont été mises en avant au fil des années.
en se basant sur une vision de l’état futur. Une masse critique de
l’organisation doit être acquise aux nouvelles approches pour que De fait, comprendre le changement peut se faire de différentes
le changement transformationnel puisse se pérenniser. Ce que l’on manières et en faisant référence à des contextes pratiques et théo-
appelle la « digitalisation des organisations » est un changement riques très variés. C’est pourquoi, une analyse des approches les
transformationnel car son résultat n’est pas connu en détail à plus couramment utilisées est réalisée pour permettre de mieux
l’avance. En fait, il variera beaucoup en fonction de la nature des comprendre la nature du changement.
technologies utilisées ainsi que de leur appropriation par les colla- Cependant, comprendre le changement ne veux pas dire savoir
borateurs pour des usages qui n’auront pas toujours été imaginés le conduire, c’est la raison pour laquelle sont présentés les
préalablement. différents modèles pratiques qui sont utilisés pour la conduite du
Quel que soit son type, la problématique principale du changement.
changement dans les sociétés est qu’il soit réellement approprié et
Même si la gestion du changement dans les organisations est aussi
mis en œuvre par les collaborateurs.
vieille que les organisations elles-mêmes, il est usuel d’en chercher
les origines au début du vingtième siècle. Le tableau 1 présente une
vue d’ensemble de l’histoire de la conduite du changement.
1.3 Management de l’innovation
et conduite du changement § Dans les premières études sur la conduite du changement, il
De l’exposé du concept d’innovation et à la lumière de la présen- faut positionner les travaux de Frederick Taylor et en particulier
tation du changement, il résulte qu’il est possible de séparer son livre Scientific Management dont la première publication a eu
l’innovation en deux grandes catégories. Il y a d’une part les
innovations de produit ou de procédé et d’autre part les innova-
tions organisationnelles qui incluent les pures innovations d’orga-
lieu en 1911. Il présente dans celui-ci sa perception de l’organisa-
tion comme un dispositif qui peut être étudié à partir d’effets et de
causes ainsi que de principes opératoires. Ce qui était une pre-
4
nisation et les innovations sur les méthodes de commercialisation. mière approche pour comprendre le changement dans les organi-
sations industrielles. Il faut citer aussi les travaux des chercheurs
En fait, si l’on examine les pratiques des entreprises et analyse
de la Harvard Business School conduits dans l’usine Hawthorne
la littérature appliquée, il apparaît que c’est l’innovation de produit
Works de la Western Electric à Chicago. Ils ont fait ressortir
ou de procédé qui est attachée au vocable d’innovation et sa
l’importance des facteurs humains sur la productivité et le moral
gestion se fait à travers une discipline qui s’est appelée le
des travailleurs et mis en avant des éléments essentiels, comme le
« management de l’innovation ».
respect de l’autonomie, l’absence de supervision étroite et le feed-
D’un autre côté, ce sont les innovations organisationnelles qui back de l’encadrement direct pour obtenir une satisfaction des tra-
font référence au vocable de changement et leur gestion est prise vailleurs dans la réalisation de leurs activités.
en charge par une discipline qui s’est constituée pour ce faire. Il
s’agit de la conduite du changement. Dans ce contexte, il faut
noter qu’un certain nombre d’auteurs spécialisés en conduite du
§ De la seconde période de l’histoire de la conduite du change-
ment qui se positionne après la Seconde Guerre mondiale et
changement utilisent les mots d’« innovation » et de « change-
jusqu’à la fin des années quatre-vingt, il faut retenir que de
ment » comme des synonymes pour les changements organisa-
nombreuses réflexions sur le changement individuel et organisa-
tionnels. La gestion des innovations organisationnelles va être
tionnel ont été conduites aux États-Unis et en Europe. Les
analysée à travers l’analyse détaillée des approches de conduite
principales sont les suivantes :
du changement.
À ce stade, il faut noter que le management de l’innovation ne va – la psychologie industrielle ;
pas être étudié ici en détail. Pour ce faire, il suffit de se reporter aux
articles : L’innovation dans l’entreprise [AG 2 020] et Management – la dynamique de groupe ;
stratégique des projets d’innovation [AG 2 230] de la présente base – la sociotechnique ;
documentaire. Il va juste être mis en perspective et seule va être
analysée la contribution que peut lui apporter la conduite du chan- – le développement organisationnel ;
gement. En effet, parmi l’ensemble des problématiques liées à
– la gestion des transitions ;
l’innovation de produit ou de procédé, certaines réfèrent très claire-
ment à son acceptation par les professionnels qui sont chargés de la – l’apprentissage individuel et organisationnel.
définir et la mettre en place à l’intérieur des sociétés. C’est pourquoi,
il existe un réel besoin d’examiner à quel endroit et de quelle
manière la conduite du changement peut contribuer à la gestion de
l’innovation de produit ou de procédé.
Tableau 1 – Principales périodes historiques
de la conduite du changement
2. Innovation organisationnelle Période Dénomination
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Référence Internet
AG520
§ C’est la décennie des années quatre-vingt-dix qui a réellement sont considérées comme trop tayloriennes et pas adaptées aux
fait apparaître la conduite du changement dans le radar des changements émergents qui sont de plus en plus fréquents dans
managers grâce aux travaux de nombreux auteurs qui sont les organisations.
devenus par la suite des références. Il s’agit principalement des
professeurs et consultants : John Kotter, Rosabeth Moss Kanter,
Edgar Schein, Daryl Conner aux États-Unis et en France de 2.2 Principaux modèles pour la conduite
Jean-Christian Fauvet. De fait, ces auteurs ont fait entrer la
conduite du changement dans les organisations comme la
du changement
discipline chargée de permettre le management des aspects Comme évoqué précédemment, il existe de nombreux modèles
humains des projets et des différentes initiatives des entreprises. utilisables pour la conduite du changement. Pour rendre intelli-
Au final, l’ensemble de ces travaux ont constitué la conduite du gible leur présentation, ils seront regroupés en trois catégories :
changement en tant que discipline et ils servent de base à de
nombreux développements théoriques et méthodologiques qui – l’individu ;
vont continuer à l’enrichir. Durant cette période, la conduite du – le groupe ;
changement a surtout été déployée dans les organisations par les – l’organisation.
consultants dans le cadre des projets d’ampleur en particulier Il est certain qu’il y a plus, dans les organisations, que ces trois
informatiques (ERP) qu’ils réalisaient pour elles. niveaux. De fait, il est possible d’ajouter le préfixe « inter » à cha-
que niveau. C’est ainsi qu’il est possible de distinguer le niveau
§ Après les travaux des fondateurs de la conduite du changement, interpersonnel, le niveau intergroupe et le niveau interorganisa-
vient la période de l’approfondissement et de la formalisation de tionnel.
modèles détaillés. À ce niveau, il faut distinguer les réalisations Pour chacun de ces trois niveaux seront présentés différents
dans le monde anglo-saxon de celles advenues en France. modèles qui peuvent être plus ou moins en contradiction. Cela
Concernant le premier, sont apparus les éléments suivants :
4
n’est pas gênant car, d’une part, chacun d’entre eux a apporté une
– développement de nombreux cabinets de conseil en conduite valeur ajoutée quand il est apparu et, d’autre part, ils présentent
du changement, proposant chacun leur modèle et méthodologie ; toujours un aspect de la réalité. De fait, il faut bien constater qu’ils
sont toujours présents dans les organisations avec une prégnance
– déploiement du rayonnement de Prosci et de son Change plus ou moins forte.
Management Learning Center avec la sortie de son premier livre
(Employee’s Survival Guide to Change ) ; En complément de ces différents éléments, les modèles de
leadership les plus couramment utilisés seront présentés car, très
– création de l’Association of Change Management Profession- clairement, un changement ne peut être déployé sans un
nals aux États-Unis. leadership affirmé.
S’agissant de la France, un des éléments le plus saillant a été le
démarrage autour de David Autissier et Jean-Michel Moutot d’un 2.2.1 Modèles liés aux individus
courant de réflexion sur la conduite du changement. Il a concrétisé
ses travaux par la publication de nombreux ouvrages à caractère Comme certains l’expriment, ce ne sont pas les organisations
opérationnel comme théorique. Ceux-ci n’ont pas, au moins dans qui changent mais les individus au sein des organisations. De fait,
un premier temps, perturbé les cabinets de consultants qui se lors d’un changement ce sont les individus qui vont être impactés
positionnaient sur la sociodynamique à la suite des travaux de concrètement. C’est pourquoi, il est important d’examiner de
Jean-Christian Fauvet. Durant cette période, les organisations ont quelle manière les individus peuvent prendre en compte et réagir
développé leurs compétences internes en conduite du changement par rapport à ce changement. Différents modèles ont été mis en
à travers la mise au point de référentiels méthodologiques et de avant pour ce faire. Les principaux modèles sont les suivants :
formations des parties prenantes dans les différentes directions – le modèle behavioriste ;
impliquées dans les changements. Ces compétences sont – le modèle cognitif ;
cependant centrées sur la mise en œuvre des projets. – le modèle émotionnel ;
– le modèle des besoins ;
§ Depuis le début des années 2010, la conduite du changement se – le modèle constructiviste ;
professionnalise et s’institutionnalise. De fait, les compétences – le modèle de l’automotivation.
développées par les organisations en conduite du changement
sont rassemblées au sein d’une direction spécialisée, positionnée § Avec le modèle behavioriste, l’individu qui est un être rationnel
le plus souvent au sein de la direction des ressources humaines et évalue les perspectives du changement et ses propres intérêts puis
chargée de fournir un accompagnement aux projets. Il y a se rend aux arguments pertinents qui lui sont proposés. L’accepta-
cependant, là aussi, une différence entre le monde anglo-saxon et tion du changement relève tout simplement d’un calcul en termes
la France. Dans le premier, comme l’indique de récentes études et d’avantages et d’inconvénients par rapport à une recherche de
en particulier l’étude 2013 de Prosci [31], cette internalisation de la cohérence individuelle et d’efficacité collective. De fait, il s’agit de
conduite du changement qui a été faite dans la perspective de fournir les récompenses ou punitions adaptées pour obtenir les
mettre en place une véritable capacité organisationnelle à conduire résultats désirés. Ces approches ont été déployées dans l’industrie
les changements est beaucoup plus poussée. En France, comme durant les années soixante avec un succès mitigé pour obtenir la
l’a montré l’étude réalisée par KnowledgeConsult de mai à juin mobilisation des individus. Elles étaient en fait trop réductrices par
2013, la conduite du changement n’est pas encore complètement rapport à la richesse humaine.
reconnue dans de nombreuses organisations même si le sujet est
de plus en plus évoqué comme à travers la Chaire ESSEC du chan- § Dans le modèle cognitif qui date des années soixante-dix,
gement. De fait, la construction de capacités internes de conduite l’individu est perçu comme un organisme cognitif qui est
du changement reste encore à l’ordre du jour de nombreuses susceptible d’apprendre à travers différentes techniques, comme
organisations dans la mesure où ses approches ne sont même pas le feedback d’enquête, le travail en groupe, la formation... De fait
déployées sur tous les projets. avec ce modèle, les individus vont être requis de changer leur
manière de penser pour faire face et accepter le changement. Pour
Par ailleurs, il faut noter que ces évolutions de la conduite du ce faire, il met en avant la fixation d’objectifs et la recherche de
changement se positionnent dans un contexte où de nombreuses leur atteinte comme moyen de faire changer les modes de pensée.
voix se font entendre, en particulier aux États-Unis et en France Dans ce cadre, différentes techniques ont été définies et mises en
pour en remettre en cause les approches classiques. En effet, elles œuvre avec plus ou moins de succès. Cependant, il faut bien
98
Référence Internet
AG2230
Stratégie d’entreprise et
management des projets d’innovation
par Sandrine FERNEZ-WALCH
Maître de conférences habilitée à diriger des recherches en sciences de gestion
TSM-Research – Université Toulouse Capitole, Toulouse (France)
Note de l’éditeur
Cet article est la version actualisée de l’article AG 2 230 intitulé « Management stratégique
des projets d’innovation » rédigé par François ROMON et paru en 2008.
4
1.1 Mission, vision et buts stratégiques......................................................... — 3
1.2 Choix stratégiques ..................................................................................... — 3
1.3 Processus de décision stratégique ........................................................... — 4
2. Élaboration et mise en œuvre de la stratégie ................................ — 6
2.1 Observer l’environnement pour se préparer à agir ................................ — 6
2.2 Se connaître soi-même et mettre en avant le potentiel de l’entreprise — 7
2.3 Croiser le diagnostic externe et le diagnostic interne — 8
2.4 Formuler des choix stratégiques — 9
2.5 Mettre en œuvre la stratégie choisie — 11
3. Stratégie et projets d’innovation....................................................... — 12
3.1 Projets d’innovation pour incarner les choix stratégiques ? — 12
3.2 Sélection des « meilleurs » projets d’innovation — 14
3.3 Stratégies fondées sur des flux de projets d’innovation — 16
4. Management des projets d’innovation — 17
4.1 Manager chaque projet d’innovation pris séparément — 18
4.2 Management multi-projets pour innover — 22
5. Conclusion................................................................................................ — 24
6. Glossaire ................................................................................................... — 24
Pour en savoir plus ......................................................................................... Doc. AG 2 230v2
’innovation est présentée par les pouvoirs publics comme le moyen le plus
L efficace pour assurer le développement économique et social des Nations.
Parution : août 2018 - Dernière validation : janvier 2021
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Référence Internet
AG2230
4
secteur des pneumatiques, qui a, pour devenir un acteur mondial de la mobi-
lité, lancé un plan de transformation s’articulant autour de trois axes :
– le client digital ;
– l’employé digital ;
– la digitalisation des processus internes du groupe. [1]
L’ingénieur, quelle que soit sa fonction (ingénieur d’étude ou R & D, ingénieur
de production, ingénieur technico-commercial, etc.), et son degré de spécialité
(généraliste ou expert), ne peut donc ignorer les enjeux et les conséquences des
décisions stratégiques de son entreprise en matière d’innovation parce que :
– d’abord ses activités sont modelées par ces décisions ;
– ensuite il est de plus en plus impliqué dans des projets d’innovation ;
– enfin les savoirs qu’il possède ou crée chaque jour peuvent nourrir le pro-
cessus de réflexion stratégique.
Innover est un choix de stratégie. Nous avons donc choisi de rappeler, dans
la première partie de l’article, des notions en matière de stratégie d’entreprise.
Dans la deuxième partie de l’article, nous montrons comment effectuer un
diagnostic stratégique, formuler des choix stratégiques et les mettre en œuvre.
La troisième partie porte sur le rôle joué par les projets d’innovation pour
incarner les choix stratégiques. Nous insistons sur deux points difficiles :
– le choix des idées d’innovation qui seront transformées en projets
d’innovation ;
– la sélection des projets d’innovation à réaliser.
Nous présentons les stratégies fondées sur l’innovation qui consistent à
lancer des projets d’innovation en flux.
Dans la quatrième partie, il est question de management des projets d’inno-
vation dans une perspective stratégique :
– management de chaque projet d’innovation pris séparément ;
– management multi-projets pour l’innovation.
L’article a été élaboré pour un lectorat ayant une formation scientifique. Mais
il peut être consulté par des personnes de tout profil.
Le lecteur trouvera en fin d’article un glossaire des termes et expressions
importants de l’article, ainsi qu’un tableau des sigles.
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1. Contenu de la stratégie Le choix du statut juridique de l’entreprise est très important car
de lui découle le mode de gouvernance de l’entreprise (méca-
et prise de décision nismes de régulation des intérêts respectifs des employés, des
dirigeants et des propriétaires de l’entreprise) et, par conséquent,
stratégique l’équilibre entre la fonction sociale et la fonction économique.
Sur un même secteur d’activité peuvent rentrer en concurrence
différentes entreprises qui se distinguent par leur statut juridique,
Le terme « stratégie » est très ancien, mais il était réservé au
leur mode de gouvernance et, donc, la façon d’exercer leur fonc-
domaine militaire. Il s’agissait, pour l’état-major d’une armée,
tion économique et sociale.
d’établir une stratégie face à l’ennemi.
C’est au cours du vingtième siècle qu’il a été utilisé dans le Par exemple, dans le secteur de la santé en France, coexistent des
monde des affaires pour désigner les actions des entreprises sur hôpitaux publics, des cliniques privées détenues par les salariés, de
leurs marchés face à la concurrence. grands groupes internationaux ou une famille, ainsi que des hôpitaux
La définition d’Andrews [2], chercheur à la Harvard Business privés à but non lucratif (statut associatif).
School, est devenue une référence. On peut la résumer comme
suit. La mission d’une entreprise incarne, de façon concrète, la fonc-
tion économique et sociale (voir tableau 1). La mission doit être
définie en intégrant les valeurs internes à l’entreprise (liées aux
La stratégie est l’ensemble des décisions prises par une valeurs des propriétaires et dirigeants, à la culture de l’entreprise)
entreprise pour définir : et les valeurs de la société.
– ses finalités, buts et objectifs ; Avec l’incitation croissante des pouvoirs publics à prendre en
– les politiques essentielles et les plans qui permettront de compte le développement durable, un équilibre doit être trouvé,
réaliser les objectifs ;
– l’éventail de ses activités et son type d’organisation écono-
mique et humaine ;
au sein de chaque entreprise, entre la fonction économique et la
fonction sociale. L’entreprise doit montrer qu’elle se soucie du
développement durable. La responsabilité sociale de l’entreprise
4
– la nature de sa contribution économique et non écono- (RSE) est un thème stratégique majeur.
mique pour ses investisseurs, ses salariés, ses clients et la
société.
1.1.2 Visions et buts stratégiques
La stratégie d’une entreprise concerne le futur de l’entreprise.
1.1 Mission, vision et buts stratégiques Elle se définit d’abord en termes de buts stratégiques :
– « devenir le leader mondial en volume de la fabrication des
eaux minérales » ;
1.1.1 Mission de l’entreprise – « être considéré comme le leader technologique dans le
domaine de la fabrication des consoles de jeux vidéo » ;
Une entreprise est une entité, dotée d’un statut juridique, qui
possède une fonction économique et sociale au sein d’un environ- – « maintenir un modèle économique non lucratif malgré la
nement multidimensionnel (géographique, économique, juridique, menace de nouveaux entrants sur le secteur de l’assurance mala-
socioculturel, etc.). die », etc.
Le plus fréquemment, l’entreprise exerce sa fonction écono- Selon nous, les buts devraient être fixés à partir d’une vision
mique et sociale en vendant, sur des marchés, des produits (biens stratégique. La vision stratégique est la mission de l’entreprise
et services) à des consommateurs (Business to Customer) ou des telle que ses dirigeants et propriétaires l’imaginent dans un futur
entreprises (Business to Business). plus ou moins lointain.
La vision stratégique peut être similaire à la mission
Une transaction marchande est, en principe, réalisée entre
d’aujourd’hui ou bien, au contraire, radicalement différente. Dans
l’entreprise et chacun de ses clients. Mais, dans certains cas, le
le deuxième cas, on parle d’intention stratégique, terme proposé
destinataire du produit n’est pas l’acheteur.
par des chercheurs en stratégie, Hamel et Prahalad [3].
Dans les secteurs de l’action sociale et de la santé en France, le
Le tableau 1 présente des exemples de mission, visions et buts
terme « usager » est préféré à celui de client.
stratégiques inspirés de cas réels.
L’usager est par exemple un jeune adolescent en difficulté, qui est
accompagné par une entreprise en vue de sa réinsertion. Il ne paie
pas les prestations de service qui lui sont destinées. 1.2 Choix stratégiques
Une fois les buts fixés, l’entreprise définit les moyens pour
Le terme « client final » est utilisé pour désigner le client en aval atteindre ces buts.
d’une filière économique.
Ce sont les choix stratégiques, qui sont fixés pour l’ensemble
Par exemple, le passager d’un avion pour la filière aéronautique, le des activités stratégiques de l’entreprise (corporate strategy) ou
consommateur dans les filières de biens de consommation, etc. au niveau de chacune d’entre elle (business strategy).
Historiquement, dans la plupart des entreprises, la fonction éco- 1.2.1 Choix relatifs au portefeuille d’activités
nomique prévalait sur la fonction sociale. L’entreprise devait faire stratégiques
du profit et dégager une valeur ajoutée. Une partie de la valeur
ajoutée revenait aux individus ou groupes d’individus ayant La corporate strategy consiste pour une entreprise à choisir les
investi dans le capital de l’entreprise (les propriétaires de l’entre- secteurs d’activité dans lesquels elle s’engage, se maintient, ou
prise). desquels elle se désengage.
D’autres entreprises, au contraire, avaient une fonction surtout L’entreprise effectue, en conséquence de ces décisions, des
sociale comme, en France, un hôpital ou un établissement accueil- arbitrages dans l’utilisation de ses ressources financières et maté-
lant des travailleurs handicapés. rielles.
101
Référence Internet
AG2230
Fabricant de systèmes d’air Concevoir et développer des Une entreprise humaine recon- Devenir le leader technologique
systèmes d’air pour les avion- nue pour ses systèmes d’air de systèmes d’air « propres »
neurs technologiquement innovants
Entreprise pharmaceutique Élaborer et vendre des médica- Une entreprise mondiale qui Devenir un leader mondial des
ments dans le monde entier propose des solutions de santé solutions de santé (pas seule-
adaptées à chaque situation ment médicaments) adaptés à
des besoins de santé non cou-
verts aujourd’hui
Entreprise nouvellement créée Élaborer et vendre des produits Une entreprise pérenne et pros- Devenir un acteur incontour-
proposant des produits alimen- alimentaires à base d’insectes, père qui valorise son potentiel nable des agro-filières
taires à base de farine bons pour la santé et écolo-
d’insectes giques
Par exemple, elle peut choisir de vendre tous ses actifs relatifs à n’approuvent pas les propositions des dirigeants, ils peuvent leur
certaines de ses activités stratégiques. demander de renoncer à leurs fonctions.
4 Exemple
L’entreprise BSN, aujourd’hui le groupe Danone, était à l’origine
Les décisions stratégiques peuvent être réfléchies ou improvi-
sées en fonction des opportunités du moment et du contexte.
Dans des environnements d’hyper-compétitivité, certains
spécialisée dans la fabrication du verre. L’entreprise a racheté ses
auteurs conseillent d’improviser en permanence dans la mesure
clients (Gervais-Danone, Kronenbourg, Liebig, Diepal, Evian, etc.) pour
où aucune stratégie durable ne paraît viable [6]. Mais ce sont des
pouvoir s’engager sur des marchés agroalimentaires.
conditions extrêmes et il vaut mieux pour une entreprise savoir
Elle a ensuite recentré son portefeuille d’activités stratégiques sur où aller en se fixant des buts stratégiques, tout en ajustant, au fil
quelques activités (eau minérale, produits laitiers et alimentation pour de l’eau, les moyens pour y parvenir.
bébé).
Dans une situation de crise, des décisions stratégiques doivent
Elle a choisi de développer une nouvelle activité stratégique : l’ali- être prises dans l’urgence. En témoigne la crise majeure à laquelle
mentation santé. une entreprise française de produits laitiers a dû faire face en
2017, lorsque plusieurs de ses produits ont été interdits à la
1.2.2 Choix pour chaque activité stratégique consommation pour des problèmes sanitaires.
Même improvisées, les décisions stratégiques devraient tou-
La business strategy consiste à définir le positionnement à jours être le fruit d’un processus de réflexion, aussi court et intui-
adopter face aux concurrents pour chaque activité stratégique. tif soit-il. Il ne faut pas confondre décision improvisée et décision
Un chercheur en stratégie de renom, Porter, considère que précipitée.
l’avantage concurrentiel d’une entreprise sur un secteur d’activité La meilleure façon de décider doit être appréciée en fonction de
provient de la capacité à proposer aux clients une offre de biens et la situation spécifique de l’entreprise : on ne peut jamais attendre
de services qui se démarque de celle de la concurrence, soit par d’avoir toutes les informations pour agir, et lorsqu’on agit, il faut
un prix plus bas, soit par des caractéristiques telles que : être prêt à assumer toutes les conséquences.
– la qualité ;
– la diversité des produits ;
– le service après-vente ; 1.3.2 Proposition d’un guide pour la réflexion
– les conseils d’achat, etc. et l’action
Il distingue ainsi la stratégie de domination par les coûts et la Le tableau 2 présente les domaines d’action pour élaborer et
stratégie de différenciation [4]. mettre en œuvre la stratégie d’entreprise :
– analyse des évolutions de l’environnement ;
1.3 Processus de décision stratégique – diagnostic interne ;
– détermination des choix stratégiques ;
– mise en œuvre de la stratégie choisie.
1.3.1 Rôle du sommet stratégique
Pour chaque domaine d’action sont indiqués les personnes
Dans le modèle classique d’organisation de l’entreprise, le soin impliquées, ainsi que des outils d’aide à la réflexion. Seuls cer-
d’élaborer la stratégie revient à ce que Mintzberg [5] appelle le tains de ces outils seront décrits dans la suite de l’article. Nous
« sommet stratégique ». invitons le lecteur à mener des recherches complémentaires.
Selon les configurations de l’entreprise, il s’agit de l’entrepre- Le processus d’élaboration et de mise en œuvre de la stratégie
neur lui-même, d’un individu qui a reçu délégation de pouvoirs en doit être conduit dans une logique d’itérations successives et sur
ce domaine, ou d’un organisme de direction permanent (comité la base de l’existant, même si la vision stratégique est totalement
de direction). différente de la mission actuelle.
Dans les petites entreprises, le propriétaire est en même temps le Il convient de mener en parallèle l’analyse des évolutions de
dirigeant, il élabore lui-même la stratégie. Dans les grandes entre- l’environnement et le diagnostic interne. Effectuer le diagnostic
prises, les dirigeants proposent et font valider la stratégie aux pro- externe avant le diagnostic interne pourrait biaiser le
priétaires de l’entreprise (représentés par le conseil d’administration raisonnement : on pourrait penser que les choix stratégiques ne
dans une société anonyme par exemple). Lorsque les propriétaires peuvent se faire qu’en réaction à ce qui arrive ou pourrait arriver
102
Référence Internet
AG2230
4
teurs de toutes les unités de l’entreprise – modèle de la chaîne de valeur
prise
(départements, services) et tous les – analyse des ressources et des compé-
employés tences clés
à l’extérieur de l’entreprise. L’entreprise ne disposerait donc s’avère efficace. Encore faut-il impliquer les salariés. Trois condi-
d’aucune marge de manœuvre. tions nous semblent nécessaires.
Or, la création de valeur dépend aussi et surtout de la capacité de ■ Les choix de stratégie doivent être présentés aux salariés de
l’entreprise à participer activement aux évolutions de son environ- l’entreprise.
nement. C’est en valorisant son potentiel sur des marchés existants
ou nouveaux que l’entreprise – surtout si elle a des moyens On trouve encore trop d’entreprises dans lesquelles les salariés
humains et financiers limités – pourra le mieux se développer. n’ont pas connaissance de la stratégie et la subissent au quotidien
sans en saisir le sens et l’intérêt pour ce qu’ils font.
La démarche d’élaboration et de mise en œuvre de la stratégie
que nous proposons ne doit pas être considérée comme une ■ Les dirigeants doivent prendre en compte la réalité du quotidien
vérité en soi, mais comme un guide pour la réflexion et l’action. des employés de l’entreprise.
Les outils doivent être appliqués avec précaution. Ils ne sont Certains dirigeants, lors de leur réflexion stratégique, en parti-
pas pertinents dans tous les contextes, il convient parfois de les culier dans l’élaboration de leurs vision et buts stratégiques,
adapter. auraient intérêt à mieux s’approprier la réalité des tâches quoti-
diennes par respect pour les salariés sans lesquels, stratégie ou
Surtout, les informations produites grâce aux différents outils pas, le fonctionnement de l’entreprise est impossible.
devraient être recoupées avant que des préconisations ne soient
faites. ■ La responsabilité sociale de l’entreprise n’est pas seulement
sociétale, elle concerne aussi les conditions de travail dans l’entre-
prise.
1.3.3 Quid des salariés dans la conduite
du changement ? En même temps que s’opèrent les changements suite aux déci-
sions stratégiques, les dirigeants devraient, en relation avec le
Il ne suffit pas de prendre des décisions stratégiques perti- département des ressources humaines, réfléchir à l’évolution des
nentes, d’élaborer des plans et des budgets pour qu’une stratégie mécanismes de reconnaissance au travail pour éviter la démotiva-
103
Référence Internet
AG2230
2. Élaboration et mise
en œuvre de la stratégie
2.1 Observer l’environnement
4 pour se préparer à agir
Figure 1 – Modèle des cinq forces de la concurrence
2.1.1 Collecter et traiter des données relatives
à l’environnement
concurrence trop forte pourrait pousser les détenteurs du capital
Observer les marchés de l’entreprise est la condition sine qua des entreprises du secteur à se désengager [8].
non d’existence même d’un processus de réflexion stratégique. Il
s’agit de connaître, non seulement ses clients et ses concurrents, ■ Modèle de la filière
mais aussi ses fournisseurs et ses partenaires.
Ce modèle permet de représenter, de l’amont vers l’aval, les
Plus largement, l’entreprise doit s’ouvrir sur son environnement entités économiques qui participent à la transformation d’une
dans toute sa complexité (dimensions technique, juridique, nor- matière première en un produit fini, puis à sa distribution auprès
mative, sociale, culturelle, écologique, etc.). de clients finaux. La filière est composée de différents maillons
La principale difficulté réside dans la perception du futur. Il ne qui interagissent entre eux dans des rapports fournisseur-client.
suffit pas d’analyser ce qui est en train de se passer pour pouvoir Une même entreprise peut être positionnée à plusieurs maillons
réagir de façon adéquate. L’entreprise doit être capable d’imagi- de la filière, voire sur toute la filière.
ner ce qui pourrait advenir afin de s’y préparer. Une capacité
d’anticipation est nécessaire. Exemple
Pour collecter et traiter les données relatives à son environne- La figure 2 [9] propose une représentation simplifiée des agro-
ment, une entreprise mettra en place des outils d’aide au recueil filières. Les circuits courts sont en nette croissance et permettent
et au traitement de l’information tels que : ainsi aux agriculteurs de récupérer une part de la valeur ajoutée autre-
– l’intelligence économique ; fois captée par les distributeurs.
– le benchmarking ;
De nouvelles filières de valorisation non alimentaire émergent.
– la prospective [7].
Pour interpréter les données, elle appliquera des outils spéciale-
Pour appliquer les modèles, il vaut mieux procéder comme
ment conçus pour effectuer le diagnostic externe.
expliqué dans l’encadré 1, en veillant à bien suivre le raisonne-
ment par étape, ce pour éviter de confondre description et inter-
2.1.2 Outils d’aide au diagnostic externe prétation.
Nous présentons ici trois modèles mais ce ne sont pas les seuls
outils d’aide au diagnostic externe. Encadré 1 – Appliquer les modèles d’aide à l’analyse
■ Modèle Pestel de l’environnement externe
C’est un modèle de macro-économie qui recense et classe les 1) Définir l’unité d’analyse, en précisant sa nature (secteur
facteurs de l’environnement pouvant avoir une influence sur le automobile par exemple) et le territoire correspondant (monde
devenir d’une entreprise. par exemple).
Sont distingués cinq types de facteurs : 2) Placer les données recueillies dans les colonnes d’un
– économique ; tableau (Pestel) ou sur un schéma (modèle de Porter, filière).
– juridique ; 3) Interpréter les données (définir les forces de la concurrence
– politique ; pour le modèle de Porter) et identifier les impacts possibles sur
– socio-culturel ; les entreprises de l’unité d’analyse (impact sur des entreprises
– écologique [6]. de chimie d’une nouvelle réglementation obligeant à supprimer
■ Modèle des 5 forces de la concurrence de Porter (figure 1 [8]) certains composants d’une peinture par exemple).
Ce modèle permet de comprendre pourquoi la concurrence est 5) Déduire la marge de manœuvre des entreprises étant
plus ou moins intense sur un secteur d’activité, sachant qu’une donné les contraintes exercées par leur environnement.
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Référence Internet
AG2232
Innovation
Management de projets innovants
1. Contexte...................................................................................................... AG 2 232 - 2
1.1 Périmètre ...................................................................................................... — 2
1.2 Processus global – Écosystème associé .................................................... — 2
4
1.3 Critères et outils d’évaluation ..................................................................... — 3
2. Processus de management .................................................................... — 5
2.1 Niveau stratégique....................................................................................... — 6
2.2 Niveau opérationnel – Management des projets innovants .................... — 8
3. Études de cas............................................................................................. — 13
3.1 Cas d’innovation incrémentale ................................................................... — 13
3.2 Cas d’innovation de rupture........................................................................ — 15
4. Perspectives : un domaine fortement évolutif ................................ — 18
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. AG 2 232
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Référence Internet
AG2232
INNOVATION ______________________________________________________________________________________________________________________
1. Contexte
1.1 Périmètre Gestion du
Management Évaluation portefeuille
Le management de l’innovation [1] se définit comme l’ensemble Exploration
et décision de projets
Capitalisation
stratégique
des actions conduites, des choix effectués et des structures mises innovants
en place par une entreprise, dans le cadre de son management
général, pour favoriser l’émergence, décider du lancement et
mener à bien ses projets d’innovation.
Les actions et les décisions de management de l’innovation se Management
déploient à deux niveaux de responsabilité de l’entreprise : de projets Projet A
– le management stratégique de l’innovation (incluant l’éva- innovants
luation et la mise à jour des choix opérés) ;
– le management opérationnel des projets innovants.
Figure 1 – Processus global du management de l’innovation
Ces actions recouvrent :
– la planification des activités ;
– la définition des responsabilités ;
– les pratiques ;
– les procédures ; Problème
4
– les processus ;
– les ressources pour atteindre les objectifs.
Étant entendu que la responsabilité s’entend au sens large, y
Prototype
Produit
compris la responsabilité sociétale et environnementale de l’entre-
Objet
prise. Idée
106
Référence Internet
AG2232
_______________________________________________________________________________________________________________________ INNOVATION
Fournisseurs
Clients Concurrents
Management stratégique
Innovation :
• de produit
Management
• de procédé
de l’innovation
• marketing
Management • organisationnelle
de projets innovants
Marketing
RH
Technique Financier
Juridique
4
Administrations Institutions
• clients,
• Processus :
• fournisseurs,
– organisation du processus ;
• concurrents (actuels ou futurs), – prise en compte des cinq dimensions clés de l’innovation :
• organisations publiques, ou parapubliques, qui peuvent technologie, marketing, propriété intellectuelle, financement,
contribuer au projet d’innovation par leur compétence ou leur gestion de portefeuille de projets et de projets d’innovation ;
aide financière : organisme de R&D, administrations, insti- – pratique de méthodes et outils (créativité, analyse de la
tutions, associations. valeur, analyse du risque...).
Concrètement, ces partenariats s’effectuent très souvent dans le • Évaluation et capitalisation
cadre de projets collaboratifs soutenus par des organismes d’aide Mesure de la :
à l’innovation dans un contexte : – performance du processus ;
– régional (par exemple, un pôle de compétitivité) ; – création de valeur.
– national (par exemple, un projet aidé par Oseo-Innovation,
l’Ademe, l’ANR) ;
– international (cas des projets soutenus par la Commission ■ Parmi les outils existants, qui sont essentiellement basés sur
européenne dans le cadre du PCRD). des méthodes de diagnostic et d’évaluation de la performance du
management de l’innovation, on peut distinguer les outils :
– généraux, qui ne sont pas spécifiques à la seule dimension de
1.3 Critères et outils d’évaluation l’innovation et se situent dans une évaluation de la performance
globale de l’entreprise, par exemple le GPS élaboré par le CJD qui
De manière générale, les travaux récents du comité de normali- est un outil d’autodiagnostic pour le pilotage de la performance glo-
sation AFNOR (comité miroir du comité européen CEN/TC 389) sur bale de l’entreprise. Cet outil se décompose en dix chapitres (voir
le « management de l’innovation », et plus précisément, ceux de Nota) qui comprennent chacun une liste de questions. Sur l’aspect
son groupe de travail « service d’accompagnement à innovation, la méthode GPS distingue sept phases successives :
l’innovation », ont conduit à un recensement exhaustif des critères • prendre conscience que l’on peut innover,
d’évaluation de l’aptitude d’une entreprise à innover.
• adapter la structure pour innover,
Quelques grands critères ont été ainsi recensés et sont présen-
tés en suivant. • identifier quand innover,
• inventer,
Critères principaux recensés • transformer l’idée en concept,
• Contexte : • fédérer les équipes autour d’un projet,
– vision (stratégie, aide à la décision, engagement de la • porter le produit avec succès sur le marché ;
direction) ;
– spécifiques à l’évaluation de la performance de l’innovation qui
– culture (apprentissage, partage, réceptivité aux idées
peuvent se répartir en deux catégories d’outils (tableau 1) pour :
nouvelles) ;
– ressources humaines (compétences, mobilisation des • se préparer à innover tels que LOGICA ou PI8©, dont le but
ressources) ; est de définir le chemin le plus efficient pour innover,
– ouverture sur l’extérieur (innovation ouverte, partena-
• évaluer le système de management de l’innovation, tels que
riats).
IMP3rove©, Innotools, Innovation scoring, ou MIM©.
107
Référence Internet
AG2232
INNOVATION ______________________________________________________________________________________________________________________
Nota :
L’outil GPS possède dix chapitres :
– stratégie ;
– pilotage ;
– innovation ;
– valeurs ; Stratégie
– actionnaires ;
– clients ; d’innovation
– fournisseurs ;
– salariés ;
– environnement ;
– sociétal. Innovation
organisation
Les résultats de l’évaluation sont, le plus souvent, présentés et culture
sous la forme d’un graphe en radar, afin de mettre en exergue les
points faibles nécessitant des actions d’améliorations.
Gestion du cycle de vie de l’innovation
Exemple
Un outil d’évaluation, la méthode IMP3rove© (figure 4). Facteurs d’impact du processus
Les outils d’évaluation sont nombreux comme nous l’avons souligné.
La méthode IMP3rove© a été élaborée dans le cadre d’un programme
de la Commission européenne et semble bien représentative de l’évalua- Résultats de l’innovation
tion de l’aptitude à innover, d’ailleurs très complète vue sous cet angle.
La méthode consiste en un état des lieux qui se base sur les réponses Questionnaire pour évaluer son profil : www.improve-innovation.eu
à un questionnement accessible sur le site www.improve-innovation.eu.
Les questions sont divisées en cinq chapitres : Figure 4 – Méthode IMP3rove©
– la stratégie d’innovation ;
– l’organisation et la culture de l’innovation ;
propositions qui permettent de situer la réponse sur une échelle de
– la gestion du cycle de vie de l’innovation ;
valeur selon la question (tableau 2).
– les facteurs d’impact du processus ;
– les résultats de l’innovation. Le graphique de la figure 5 donne un exemple de score obtenu
Afin d’évaluer l’aptitude de l’entreprise à gérer un processus sur ce premier chapitre concernant la stratégie d’innovation.
d’innovation, il convient de lui poser les questions afin de situer cha-
cune sur une échelle selon les questions. Un score est fourni à l’issu
des réponses données dans chaque chapitre. Ce score correspond au En final, IMP3rove© donne une synthèse de l’évaluation
pourcentage de bonnes réponses. La méthode fournit également le sous la forme d’un graphique en radar qui visualise les points
score du champion (entreprise du même secteur économique qui a forts et les points faibles de l’entreprise sur son aptitude à
obtenu le score le plus élevé) et le score moyen des entreprises du innover par rapport à ses compétiteurs.
secteur afin que l’entreprise puisse situer la contribution de son apti- Dans l’exemple que montre le graphique de la figure 6, on
tude à innover sur sa compétitivité, en la positionnant par rapport aux constate que le point faible de l’entreprise se situe surtout au
entreprises de son secteur qui ont répondu au questionnaire. niveau de sa stratégie d’innovation, dans une moindre mesure au
niveau de l’organisation et de la culture d’innovation, et que son
■ Pour illustrer cette méthode, nous donnons les quatre questions
point fort réside dans la gestion du cycle de vie de l’innovation.
posées sur la stratégie d’innovation avec, pour chacune, des
108
Référence Internet
AG2232
_______________________________________________________________________________________________________________________ INNOVATION
• Décrite formellement
• Clairement liée à l’innovation
Vision du futur ? • Comprise par clients et fournisseurs
• Comprise par les partenaires
• N’existe pas
Projets d’innovation ?
• Équilibrés entre :
innovations incrémentales et de rupture
risques et retour sur investissement
4
perspectives à court et long terme
projets à faible coût et projets à coût élevé
Stratégie d’innovation
Score de la stratégie d’innovation
Société 17 %
Score Résultats
Innovation
60 % organisation
du champion de l'innovation
et culture
Moyenne 50 %
Profil détaillé
Facteurs d’impact Gestion du cycle de vie
du processus d'innovation
0 % 10 % 20 % 30 % 40 % 50 % 60 % 70 % 80 %
Figure 6 – Synthèse de l’évaluation selon la méthode IMP3rove©
Vision
du futur (Q1)
2. Processus de management
Caractéristiques
de la stratégie Le modèle de la chaîne interconnectée est, sans doute, celui qui
d’innovation (Q2) rend le mieux compte du processus d’innovation.
Dissémination Dans ce modèle proposé par Kline et Rosenberg [2], l’activité de mana-
de la stratégie gement d’un projet innovant constitue le cœur même du processus.
d’innovation (Q3) La chaîne centrale de l’innovation débute par une invention, se
poursuit par les phases de :
Projets – formalisation/faisabilité du projet ;
d’innovation (Q4) – développement du produit ;
– industrialisation ;
– distribution sur le marché.
Société Score du champion Moyenne Ce sont les nombreux feed-backs et interactions se produisant
aux différentes étapes du processus qui engendrent de nouvelles
inventions, formalisations de nouveaux développements.
Figure 5 – Évaluation de la stratégie d’innovation selon la méthode Notamment, les feed-backs entre les étapes successives et surtout
IMP3rove : score les interactions entre chaque étape et le marché, et entre chaque
109
4
110
Référence Internet
AG1310
Veille stratégique
Un moyen de nourrir le processus
d’innovation
4
Note de l’éditeur : cet article est la réédition actualisée de l’article [AG 1 310] intitulé
« Veille stratégique – Un moyen de dynamiser l’innovation » paru en 2011, rédigé par Gilles
BALMISSE
111
Référence Internet
AG1310
1. La veille en quelques Cette définition met en avant cinq éléments qui sont particulière-
ment importants et que nous allons détailler ci-après.
définitions
1.1.1 Obtention d’information
La matière première exploitée par les activités de veille est
l’information. Mais il ne s’agit pas d’une information brute. Bien au
Historique contraire, la veille cherche à fournir des informations à forte valeur
ajoutée répondant à des besoins bien précis.
C’est au début des années 1990 que la veille est devenue un Pour obtenir ces informations à forte valeur ajoutée, les activités
thème de préoccupation pour les entreprises. Il s’agissait, le de veille reposent sur un processus composé principalement de
plus souvent, de grands groupes industriels qui développaient trois étapes : collecte, analyse et diffusion. En amont de ce proces-
leurs opérations à l’international et voulaient être informés sus, une tâche importante doit être réalisée. Il s’agit de la défini-
des mouvements de leurs concurrents, de l’évolution des tion détaillée des besoins, que l’on nomme fréquemment
technologies, de la solidité de leurs fournisseurs, etc. « ciblage » et qui aboutit à l’élaboration d’un plan de veille. Ces
Avant cela, il avait existé, dans ces grands groupes, des prati- éléments seront détaillés dans la suite de l’article (§ 2.1).
ques de collecte systématique de données sur des thèmes pré-
Il faut noter à ce niveau que les informations de veille peuvent
cis, ou de recherche d’informations critiques sur des sujets
être obtenues de deux manières différentes et qui sont
déterminés. Dans ce cadre, il est possible de citer les cas des
complémentaires :
maisons de commerce japonaises qui, dès la fin des années
1970, transféraient au Japon le maximum d’informations sur – via des sources électroniques ;
tous les sujets susceptibles d’avoir, un jour, une importance – via des professionnels, généralement des collaborateurs présents
4
pour une entreprise japonaise de leurs réseaux. Il est certain sur le terrain.
aussi qu’à cette époque certaines entreprises réalisaient déjà Par ailleurs, la veille peut être réalisée et gérée par un seul pro-
des opérations s’apparentant à des pratiques de renseignement. fessionnel, par une équipe dédiée ou bien par différents collabora-
C’est à cette période que sont apparues les premières cellules teurs disséminés dans les différentes activités opérationnelles de
de veille. Malheureusement, à cette époque, la recherche des l’entreprise.
informations, la constitution des dossiers de veille et leur diffu- Dernier point important concernant les informations de veille :
sion représentaient un lourd travail, très consommateur de leur provenance.
temps, car ils restaient essentiellement basés sur des supports
papiers. Ainsi, malgré des efforts conséquents, la veille restait On classe généralement l’information en trois grandes
isolée, réservée aux personnes qui en avaient la charge et à catégories :
quelques collaborateurs particulièrement motivés et, surtout, – l’information blanche, qui est une information en accès libre et
elle était très peu outillée. qui est par exemple issue de publications web, d’articles de
C’est l’arrivée d’Internet dans les entreprises qui a fait évoluer presse, d’informations fournies par des organismes publics, etc. ;
la veille. L’Internet a mis à disposition de l’ensemble des colla- – l’information grise, qui est une information obtenue de
borateurs dans les entreprises une masse de données, infor- manière détournée mais légale au travers par exemple d’indiscré-
mations et connaissances disponibles en différents endroits de tions obtenues d’un collaborateur ou d’un client d’un concurrent ;
la planète. Avec l’Internet, puis les bases de connaissances – l’information noire, qui est une information qui n’est
spécialisées, l’intérêt de la veille est apparu à un grand nombre accessible qu’aux personnes habilitées, par exemple une note
de collaborateurs et, depuis, la veille s’est insérée progressi- confidentielle sur le développement d’une nouvelle ligne de pro-
vement dans les modes de fonctionnement des entreprises, duits. Obtenir une telle information sans avoir les habilitations est
jusqu’à en devenir un élément naturel. illégal et s’apparente à de l’espionnage.
La veille ne s’intéresse clairement qu’à l’information obtenue de
manière légale, c’est-à-dire l’information blanche ou grise.
1.1 Qu’est-ce que la veille
Attention : une information blanche en accès libre n’est pas
La veille est souvent présentée comme étant un processus nécessairement gratuite. Par ailleurs, s’il est légal de collecter
continu de collecte, d’analyse et de diffusion d’informations dans une information blanche, il peut en être tout autrement pour
le but d’anticiper les évolutions de l’environnement. Cette vision son utilisation. En effet, il peut y avoir des limitations juridiques
repose sur la définition donnée par l’AFNOR dans sa norme et financières à sa reproduction ou à sa rediffusion.
XP X 50-53 sur la veille informationnelle : « activité continue en
grande partie itérative visant à une surveillance active de l’environ-
nement technologique, commercial, etc., pour en anticiper les 1.1.2 Information à caractère stratégique
évolutions ». ou opérationnel
Même si cette définition est partagée par de nombreux profes-
Bien souvent, les professionnels utilisent l’expression « veille
sionnels, elle ne donne malheureusement qu’une vision partielle
stratégique » en lieu et place de « veille ». Cette expression
de ce qu’est réellement la veille.
sous-entend que la veille a pour vocation d’alimenter le processus
de définition de la stratégie. En d’autres termes, la veille va per-
mettre à la direction générale de définir la stratégie de l’entreprise
Aussi, dans le cadre de cet article, nous définirons la veille de grâce aux informations qu’elle aura pu obtenir.
la manière suivante :
Suivant cette perspective, la veille va se focaliser sur des infor-
La veille est un ensemble d’activités visant à obtenir des
mations ayant un caractère anticipatif concernant l’évolution d’une
informations à caractère stratégique ou opérationnel sur l’évo-
activité, d’un produit, d’une technologie, etc. On parle alors de
lution de l’environnement pour identifier les opportunités et les
« signaux faibles » qui, une fois recoupés et analysés, vont
menaces et améliorer les processus notamment de décision à
permettre à la direction générale de mieux appréhender les ten-
court ou moyen terme.
dances futures et ainsi de mieux positionner l’entreprise.
112
Référence Internet
AG1310
Bien que la veille puisse bel et bien jouer ce rôle stratégique, 1.1.5 Amélioration du processus de décision
force est de constater sur le terrain que les activités de veille sont
également intégrées dans les processus opérationnels comme les La prise de décision est un processus dont la pertinence est très
achats, le marketing, les ventes, la RetD, etc. fortement liée aux informations qui vont servir de support à cette
Ainsi, il est possible de distinguer différents types de veille décision. En effet, une décision est le fruit de l’utilisation, dans un
adressant chacun un domaine bien précis. Suivant cette perspec- contexte précis, de plusieurs informations. Ce qui est important,
tive, la veille cherche à rassembler de manière thématique des c’est non seulement les informations, mais aussi et surtout le
informations à caractère opérationnel qui sont difficilement acces- contexte dans lequel elles vont être interprétées.
sibles en temps normal.
Par sa capacité à rassembler des informations thématiques
Les principaux types de veille seront présentés dans le diverses et à fournir une vision large du contexte, la veille
paragraphe 1.2. constitue un maillon essentiel dans le processus de prise de déci-
sion. Elle va notamment apporter des éléments pour la formalisa-
1.1.3 Évolution de l’environnement tion de différents scénarios.
4
concentrer sur ses autres métiers.
nels tels que les acheteurs, les chefs de produit, les commerciaux
ou les ingénieurs RetD d’avoir une vision d’ensemble des évolu-
tions dans leurs domaines respectifs et encore plus dans ceux qui
sont adjacents.
Veille ou intelligence économique ?
La veille permet de répondre à cette problématique.
Depuis quelque temps déjà, il semble que pour certains pro-
Exemple : un groupe spécialiste du marquage par jet d’encre de fessionnels les termes « veille » et « intelligence économique »
tous types de conditionnement. C’est une veille en dehors de son sont interchangeables. De fait, doit-on parler de veille ou bien
périmètre immédiat, c’est-à-dire sur les technologies alternatives de d’intelligence économique ?
marquage, qui lui a permis de se repositionner, et de devenir un
offreur global de solutions de marquage s’appuyant sur différentes Pour répondre à cette question et clarifier les choses, il est
technologies : laser, impression thermique et goutte à goutte. nécessaire de fournir une définition de l’intelligence écono-
mique. Nous prendrons une des définitions données dans le
rapport Carayon datant de 2003.
1.1.4 Identification des opportunités Fondamentalement, l’intelligence économique a trois grandes
et des menaces vocations :
Au-delà de la simple identification des évolutions de l’environ- – maîtrise et protection du patrimoine scientifique, technolo-
nement, la veille a pour vocation de mettre en perspective ces évo- gique et concurrentiel de l’entreprise ;
lutions en évaluant leur impact sur l’existant ou le futur proche de – détection des menaces et opportunités que l’entreprise
l’entreprise. peut affronter ;
– constitution de stratégies d’influences au service de
De manière plus précise, la veille doit fournir une vision à la fois
l’entreprise.
claire et précise des éléments qui sont par exemple susceptibles
de remettre en cause des choix réalisés par l’entreprise en matière Si l’intelligence économique et la veille se rejoignent sur la
technologique, commerciale, marketing, etc. nécessité de détecter les menaces et opportunités que l’entre-
prise peut avoir à affronter, l’intelligence économique couvre
La veille va également permettre de détecter des opportunités
un périmètre beaucoup plus large qui ne concerne en rien la
de développement commercial au travers par exemple de la dispo-
veille, notamment en ce qui concerne la maîtrise et la protec-
nibilité d’une nouvelle technologie, de l’ouverture d’un nouveau
tion du patrimoine de l’entreprise ainsi que la constitution de
marché, etc.
stratégies d’influences.
Ce sont notamment les activités d’analyse qui vont permettre
Si l’on peut considérer que la veille est une partie des activi-
d’apporter ces éclairages.
tés de l’intelligence économique, force est de constater que
ces deux termes recouvrent des domaines différents.
Exemple : un constructeur automobile français est, à ce titre, très
Dans le cadre de cet article, nous nous intéresserons exclu-
intéressant. En effet, il commercialise, depuis quelques années déjà,
sivement à la veille.
un véhicule à destination des marchés émergents dont il existe, au
demeurant, une version enrichie pour l’Europe de l’Ouest.
La remontée de la veille, réalisée par ses concessions en Europe
de l’Est, lui permit d’identifier qu’un constructeur indien était en train
de réaliser des acquisitions immobilières dans de nombreuses villes 1.2 Types de veille
de ces pays. Très nettement, il préparait la mise en place de succur-
sales et allait, de ce fait, devenir une menace. Dans ces conditions, il 1.2.1 Panorama
a été décidé de réaliser une opération approfondie de reverse engi-
neering sur les automobiles du constructeur indien de manière à Dans une entreprise, la veille peut être utile à différentes direc-
mettre au point, notamment, un argumentaire qui positionne très clai- tions, entités ou services. De fait, il n’y a pas une seule et unique
rement les points faibles de cette gamme de véhicules par rapport à veille mais plusieurs veilles, segmentées suivant les domaines sur
son offre. lesquels elles se focalisent.
113
Référence Internet
AG1310
Parmi les principaux types de veille que l’on rencontre généra- Exemple
lement dans les entreprises, on peut citer : Une compagnie de location de voitures a mis en place plusieurs
– la veille stratégique ; types de veille :
– la veille sociétale ; – veille concurrentielle ;
– veille image ;
– la veille sectorielle ;
– veille sociétale.
– la veille concurrentielle ;
Elle a choisi pour son développement à moyen terme, grâce aux
– la veille commerciale ; informations apportées par la veille image et la veille sociétale, et en
– la veille fournisseurs ; complément des éléments fournis par la veille concurrentielle, un
– la veille réglementaire et normative ; positionnement de proximité vis-à-vis de ses clients, axé avant tout
sur l’accueil et le contact, et une cible de clientèle plus jeune.
– la veille image/e-reputation ;
Ainsi, la veille stratégique, en coordonnant les veilles concurren-
– la veille technologique. tielle, image et sociétale, lui a permis de définir un nouveau position-
Avant de présenter chacune de ces veilles, il faut bien compren- nement pour son offre de service.
dre qu’il s’agit ici d’une segmentation indicative. En effet, certaines
entreprises positionneront dans la veille concurrentielle ce que 1.2.3 Veille sociétale
d’autres placeront dans la veille technologique ou sectorielle.
Par ailleurs, ces différentes veilles n’ont pas pour vocation à être
implémentées ensemble. Suivant les besoins, le secteur d’activité La veille sociétale vise à établir une surveillance de la société
et le contexte de l’entreprise, on pourra mettre en place seulement dans son ensemble en cherchant à identifier ses évolutions
une ou deux veilles, quitte à prendre une définition élargie pour cachées, au travers de l’analyse des signaux faibles sur l’évolu-
Exemple
1.2.2 Veille stratégique
Un fabricant de plats cuisinés s’interrogeait sur les orientations à
donner à sa gamme de produits. La veille sociétale lui a apporté un
certain nombre d’éléments sur l’évolution des modes de vie et des
Avec un caractère clairement anticipatif, la veille stratégique comportements des consommateurs.
a pour vocation de fournir des informations sur les tendances L’augmentation du nombre de familles monoparentales est un phé-
et l’évolution de l’environnement de l’entreprise afin d’alimen- nomène connu. La veille réalisée a montré que le phénomène va
ter les réflexions et d’appuyer la prise de décision concernant s’accentuer, cela étant dû autant à l’augmentation du nombre des
le positionnement et le développement de l’entreprise. divorces qu’au choix d’un mode de vie plus axé sur l’individu. De plus,
une veille effectuée sur des sites de consommateurs, ainsi que l’obser-
vation de groupes témoins avant-gardistes, a fait apparaître que, même
De fait, la veille stratégique s’adresse principalement à la direc- dans le contexte familial, le mode de consommation évolue, et que l’on
tion générale. passe progressivement d’un repas pour tous, à un repas où chacun va
Par ailleurs, il faut noter que la veille stratégique joue un rôle choisir son plat.
particulier par rapport aux autres veilles. En effet, elle a pour voca- L’ensemble des informations obtenues par la veille sociétale a incité
tion de coordonner l’ensemble des autres veilles (figure 1) afin le fabricant à proposer désormais toute une gamme de plats pour une
d’en fournir une synthèse à destination de la direction générale. personne.
Veille stratégique
Environnement
114
Référence Internet
AG1310
Exemple Exemple
Une école de commerce française voulant lancer une formation de Un fabricant d’emballage a su anticiper la sortie d’une nouvelle loi
troisième cycle sur le management des achats a utilisé la veille sur la sécurité alimentaire qui modifiait les conditions d’emballage de
concurrentielle afin de mieux connaître le contenu des formations certains produits alimentaires. Il a pu identifier de nouveaux marchés
déjà existantes sur le même sujet dans les écoles et universités. et, d’autre part, reconfigurer son offre.
Cette veille concurrentielle lui a permis de se positionner clairement Cette évolution des conditions législatives détectée par la veille
sur le contenu et les choix pédagogiques proposés et de nouer des réglementaire lui a permis de prendre un avantage certain sur ses
partenariats avec une école de management d’un autre pays d’Europe. différents marchés.
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Référence Internet
AG1310
4
Juridique Normes, règlements et lois
dans le grand public a mis en place une surveillance de son image, en et réglementaire
particulier sur Internet. Dans les forums de consommateurs, elle
remarque des critiques soutenues et constantes sur son service Éléments de perception de l’organisation
(retards de mise en route, service aléatoire...). Elle est très attentive par les clients, les fournisseurs... entre
au développement des critiques et à leur pertinence. Elle s’en inspire Image
autres sur les sources électroniques dont
pour améliorer l’ensemble de son dispositif de service aux clients l’Internet
lorsqu’il s’avère que les critiques sont fondées, ou pour renforcer ses
argumentaires commerciaux lorsque ce n’est pas le cas. Évolutions des technologies actuelles et
Technologique futures des produits et processus de
l’entreprise
1.2.10 Veille technologique
1.2.11 Résumé
La veille technologique cherche à suivre les évolutions tech-
nologiques et techniques en rapport avec les différents aspects Le tableau 1 présente de manière synthétique les différents
de l’activité de l’entreprise (organisation interne, moyens de types de veille que l’on rencontre le plus fréquemment dans les
production, offre produit, distribution, commercialisation, etc.). organisations.
116
Référence Internet
AG122
Innover en conscience
L’approche P.S.I.
par Joëlle FOREST
MCF en Épistémologie, Histoire des sciences et des techniques
Centre des Humanités – INSA Lyon, S2HEP – Université de Lyon, Villeurbanne
4
2.1 Réhabiliter la question politique de l’innovation ..................................... — 4
2.2 Penser l’innovation du double point de vue de sa direction
et de sa signification ................................................................................... — 4
2.3 Illustrations .................................................................................................. — 5
2.4 Substituer au principe responsabilité le principe d’innover
en conscience .............................................................................................. — 6
3. Conclusion................................................................................................. — 8
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. AG 122
117
Référence Internet
AG122
que nous rendre sans voix face aux grands défis contemporains ? Il semble
que la réponse soit positive dès lors que l’on considère, par exemple, la situa-
tion d’urgence écologique dans laquelle nous nous situons aujourd’hui.
En effet, l’association du progrès scientifique et technique à l’idée d’un
progrès moral et social a conduit à instaurer dès le XVIIe siècle un rapport
désacralisé à la nature qui s’est matérialisé par son exploitation sans limite, cette
dernière étant implicitement considérée comme une ressource inépuisable et
inaltérable. Or, et comme l’a souligné la publication du rapport Meadows (1972),
la non-prise en compte des limites physiques de notre planète et des externa-
lités négatives est à l’origine de la crise environnementale que nous traversons
aujourd’hui ; la surexploitation de la nature ayant entraîné de graves déséqui-
libres mettant en danger non seulement les écosystèmes terrestres, mais
également la survie des hommes eux-mêmes (GIEC).
Ainsi, et par une ironie de l’Histoire, notre tentative désespérée de domination
et d’affranchissement de la nature a conduit à ouvrir une nouvelle page, celle où
nous devons nous protéger de nous-même, l’action de l’homme étant devenue
la principale force de transformation sur Terre ; une « force géologique » capable
de décider de l’avenir de la planète pour reprendre les termes de Paul J. Crutzen
et Eugene F. Stoermer. De menaçante, la nature est devenue menacée, et ce
4 n’est désormais plus la nature qu’il faut dompter mais l’homme lui-même, ce
dernier prenant aujourd’hui la figure de l’arroseur arrosé.
Au regard de ce qui précède, on conçoit aisément qu’ait pu non seulement
s’éroder la conception nécessairement progressiste/méliorative de l’innovation,
mais aussi germer chez nombre de nos contemporains un désenchantement
vis-à-vis de l’innovation.
Faut-il pour autant renoncer à innover ? la réponse est résolument non ! Nous
ne résoudrons pas les grands défis contemporains sans innover. La crise de la
Covid-19 débutée en 2020 est en la matière emblématique. Elle fut le théâtre de
nombre d’innovations (technologiques mais aussi sociales, organisationnelles,
de procédés) dans des domaines aussi variés que la détection et le traitement du
virus, les dispositifs médicaux, l’éducation, la solidarité envers les personnes les
plus fragiles, etc. C’est aussi la thèse que défendent Olivier Blanchard et Jean
Tirole dans leur rapport Les grands défis économiques (2021). Ces derniers,
conscients de l’ambivalence des effets du progrès technique sur la société, affir-
ment que si les innovations technologiques sont effectivement à l’origine des
trois défis majeurs auxquels la France est aujourd’hui confrontée (à savoir le
climat, les inégalités et la démographie), elles sont aussi appelées à faire partie
des solutions qui permettront de résoudre lesdits défis.
Toutefois, affirmer que l’innovation permet de répondre aux grands défis
contemporains ne signifie pas qu’il n’y a pas de limites à l’innovation. Il s’agit de
réveiller notre raison pour penser une société dans laquelle l’innovation ne peut
être envisagée comme productrice de gadgets (à peine créés, déjà périmés) et
liée à une société de consommation débridée et déraisonnable. C’est précisé-
ment l’enjeu de l’approche « Penser le Sens de l’Innovation » (P.S.I.) qui
réhabilite la question éminemment politique du sens de l’innovation.
1. Vers une éthique est de contribuer, dans des sociétés qui se sont construites avec
et sur l’innovation, au déploiement d’une éthique générale de
de l’innovation l’innovation permettant de « régler » la genèse et diffusion des-
dites innovations.
Tel est le projet d’Hans Jonas. Ce dernier jette les bases du défi
Depuis les années 1970, nombre d’approches ont vu le jour en moral de la technologie moderne [1]. Précisément, il plaide pour le
vue d’encadrer le développement des innovations. Les questions développement d’une « éthique pour la civilisation technologique »
posées par le développement technologique et ses risques possibles à même d’offrir de nouvelles normes pour l’agir humain. Ces der-
ont par exemple conduit à la création de nombreuses instances nières sont fondées sur i) le principe responsabilité : « C’est dans
d’évaluation des technologies, à l’instar de l’Office of Technology cette même lueur d’orage qu’apparaît la nouvelle obligation. Née
Assessment, créé dès 1972 aux Etats-Unis ou de l’Office parle- de la menace, elle insiste nécessairement avant tout sur une
mentaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques éthique de la conservation, de la préservation, de l’empêchement
(OPECST) en France en 1982. Le point commun de ces approches et non sur une éthique du progrès et de perfectionnement » [2] ;
118
Management de l'innovation
(Réf. Internet 42564)
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119
5
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AG470
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Référence Internet
AG470
1. Financement du système Cet article n’aborde qu’une facette du financement du SNI qui
est celle des aides au financement de l’innovation des entreprises
national d’innovation et innovateurs individuels, principalement les aides publiques.
5
telles que l’entrepreneuriat, le financement de l’innovation, les en France peuvent se positionner selon deux axes (figure 2) :
taxes, les infrastructures, la compétitivité, l’éducation, l’emploi,
sont certes du ressort des pouvoirs publics mais aussi de la sphère ■ Celui qui les situe sur une échelle allant de la recherche au
privé des investisseurs, entreprises, communautés, individus qui marché. Autrement dit à une extrémité les aides publiques qui se
peuvent agir sur celles-ci. La figure 1 illustre de manière simplifiée situent plutôt au niveau de projets de recherche (extrémité gauche
le SNI. de la figure 2) dont le résultat est une preuve de concept ou un
prototype, et à l’autre extrémité les aides publiques et instruments
Il a semblé utile, en introduction de cet article, de replacer le privés qui se situent au niveau de projets d’innovation dont le
financement de l’innovation dans cette problématique générale résultat est un produit/service commercialisable (ou un procédé,
pour montrer, d’une part, que le financement de l’innovation ne une organisation, une innovation marketing apportant une valeur
constitue que l’un des leviers pour la favoriser et qu’il est néces- aux produits/services de l’entreprise), voire la création d’une entre-
saire, d’autre part, de bien considérer que le dispositif de finance- prise innovante qui va commercialiser le nouveau produit/service
ment doit être optimisé afin qu’il porte sur l’ensemble des trois (extrémité droite de la figure 2).
types d’acteurs.
L’innovation peut inclure en effet une partie de R&D, c’est-à-dire
Par exemple, dans le cas de la France, les ressources 2008 de la celle qui porte sur la dimension technique (concept technique, état
recherche publique (universités et grands organismes) sont de l’art, faisabilité, développement), mais elle est plus large que la
constituées à 77 % de subventions publiques et à 23 % de contrats R&D en ce sens qu’elle comprend, outre la recherche technique
privés (principalement des contrats avec les entreprises), celles des amont, la phase aval du lancement de l’industrialisation (homolo-
entreprises à 78 % par les entreprises elles-mêmes, à 10 % par des gations, définition des nomenclatures et mise en place de l’outil de
fonds provenant de l’étranger, et à 12 % par un financement public production) et qu’elle comprend aussi tous les travaux de nature
(hors avantages fiscaux tels que le crédit d’impôt recherche abordé marketing, commerciale, juridique, financière.
dans le paragraphe 3.2). Quant aux structures d’interface (structures
d’aides au développement technologique telles que les instituts Car-
not, centres techniques industriels, centre de ressources technologi-
ques, société de recherche sous contrat), ils ont un financement
PCRD
mixte public-privé dont la répartition est variable selon le type de
structure mais dont la part relative au secteur privé est générale- Projets ANR
ment supérieure à celle des universités et grands organismes. collaboratifs
Pôles de compétitivité (FUI)
Figure 1 – Système national d’innovation (schéma simplifié) Figure 2 – Typologie des instruments financiers à l’innovation
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AG470
En ce qui concerne les définitions de la R&D et de l’innovation, 2.2 Poids des aides publiques
le lecteur se reportera à l’article [AG 2 231] des Techniques de
l’Ingénieur qui précise ces termes.
dans la R&D des entreprises
■ Celui qui situe les instruments financiers selon qu’il s’agit d’un Si des dispositifs d’aide à l’innovation, analogues aux dispositifs
projet individuel (le cas où l’entreprise conduit seule le projet) ou français, existent dans les autres pays, le poids des différentes
d’un projet collaboratif (consortium comprenant plusieurs catégories d’aide peut être très différent selon la culture et la poli-
organisations : entreprises, organismes de R&D). tique de chacun d’eux.
Selon cette classification à double entrée (les deux axes ainsi Dans le cas de la France, les aides publiques se répartissent en
définis), les principaux instruments au financement de projets trois grandes catégories [1] : les aides directes pour les entreprises
d’innovation peuvent être positionnés comme le montre la du secteur de la défense qui représentent 21 % du total en 2009,
figure 2. les aides directes civiles aux entreprises qui représentent 14 % et
La figure 2 indique clairement que les projets aidés en amont le crédit d’impôt recherche qui représente la part la plus impor-
(au stade de la recherche) sont essentiellement des projets colla- tante, représentant à lui seul 65 % des aides publiques, sa part
boratifs du fait qu’il est souvent nécessaire de s’associer pour ayant fortement progressé suite aux réformes de 2003 et de 2008
lever un verrou scientifique ou technologique, avec un risque le rendant plus attractif (les aides directes étant les financements
d’échec élevé, alors que les projets financés en aval (proche du directs accordés au projet d’une entreprise, alors que les aides
lancement sur le marché) sont des projets individuels, avec un indirectes sont celles accordées sous forme d’allégements fiscaux
niveau de risque plus faible, ce qui est logique compte tenu des ou d’apport sous forme de compétences extérieures à l’entreprise,
aspects concurrentiels qui deviennent prédominants lorsque le le paragraphe 3 ci-après détaille précisément ces aides). La
résultat du projet conduit à un produit ou service nouveau sur le figure 3 donne une évolution dans le temps des financements
marché. accordés dans le cadre des aides publiques aux entreprises en
Le niveau de risque qui distingue les projets « amont » des France.
projets « aval » implique le plus souvent des modes de finance- Par comparaison, si l’on considère la part des aides publiques
ments différents : en « amont », les projets sont généralement directes consacrées à la R&D des entreprises des pays de l’OCDE,
subventionnés, en aval ils sont généralement financés par une on constate des écarts assez prononcés selon les pays.
avance remboursable, voire une prise de participation ou un prêt
lorsqu’ils sont vraiment proches du lancement sur le marché.
Les projets collaboratifs « amont » présentent souvent une
volonté de conduire à une innovation de rupture, les projets
Le tableau 1 donne ainsi la part des aides publiques directes de
différents pays, dans la dépense intérieure de recherche et déve-
loppement (DIRD) des entreprises. On peut souligner, au passage,
5
« aval » se placent le plus souvent dans le cas d’une innovation que ces dépenses de R&D des entreprises sont essentiellement le
incrémentale. Mais ce dernier caractère ne constitue pas fait de l’industrie (en France, par exemple, l’industrie représente à
cependant un élément d’éligibilité des projets. Par exemple, elle seule 85 % des dépenses de R&D).
certains instruments « aval », comme le capital-risque, sont dédiés Il ne faut cependant pas en déduire que certains pays accordent
aux innovations de rupture dans le cas spécifique d’entreprises en plus d’aides publiques que d’autres ; en fait, il s’agit plutôt d’une
création dans un secteur d’activité émergent. répartition différente entre les aides publiques directes, indirectes
Les principaux instruments d’aides et de financement de et les aides privées accordées aux entreprises, voire une réparti-
l’innovation qui viennent d’être abordés sont détaillés dans les tion différente des aides entre les entreprises et les structures
paragraphes qui suivent. d’interface.
7500
7000
6500
6000
5500
5000
4500
4000
3500
3000
2500 Crédits d’impôt recherche
2000
Aides directes civiles
1500
1000
Aides directes défense
500
0
1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009
Figure 3 – Évolution des principales aides publiques aux entreprises en France, en millions d’euros (source : MESR)
123
5
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Référence Internet
AG471
Capital-risque et innovation
Une technique de financement sélective
par Daniel BALMISSE
Ingénieur Supelec
Chief Operating Officer
Cathay Capital Private Equity, Paris, France
Note de l’éditeur
Cet article est la version actualisée de l’article AG471 intitulé « Capital-risque et finance-
ment de l’innovation – Technique de financement sélective et efficace » rédigé par Daniel
BALMISSE et paru en 2012.
5
1.4 Processus de sélection rigoureux des entreprises innovantes ............... — 4
2. Financement de l’innovation et gestion de portefeuille .............. — 5
2.1 Principales causes d’échec des jeunes entreprises innovantes.............. — 5
2.2 Mode d’investissement professionnel structuré en fonds
d’investissement ......................................................................................... — 6
2.3 Stratégie d’investissement......................................................................... — 8
2.4 Gestion d’un portefeuille de jeunes entreprises innovantes................... — 8
3. Contribution continue au financement de nombreuses
innovations................................................................................................ — 8
3.1 Contribution du capital-risque à l’émergence de nouvelles industries .. — 8
3.2 Contribution à l’innovation ........................................................................ — 9
4. Différentes formes de capital-risque ................................................. — 9
4.1 Protéiformité du capital-risque .................................................................. — 9
4.2 Écosystème nécessaire au développement du capital-risque ................ — 13
5. Mécanismes de base du financement ............................................... — 14
5.1 Incertitudes inhérentes au développement des jeunes entreprises
innovantes ................................................................................................... — 14
5.2 Mécanismes de base du capital-risque ..................................................... — 15
5.3 À propos de valorisation ............................................................................ — 17
6. Industrie s’adaptant à la mutation de l’innovation ....................... — 18
Parution : juin 2018 - Dernière validation : octobre 2020
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Référence Internet
AG471
1. Financement sélectif offerts par d’autres classes d’actifs, telles que les obligations ou
même les actions de sociétés matures. Seules des entreprises en
très forte et très rapide expansion sont susceptibles d’offrir un
couple risque-rendement acceptable pour ce type d’investisse-
1.1 Sociétés innovantes concernées ment. La notion de forte croissance recouvre des entreprises dont
par le capital-risque le chiffre d’affaires connaît une progression annuelle de plus de
50 %, voire même de plus de 100 %. Un tel niveau n’est attei-
Dans une définition courante, le capital-risque qualifie tout gnable que par des sociétés développant de nouveaux produits ou
investissement en actions dans de jeunes entreprises technolo- de nouveaux services innovants répondant à de nouveaux
giques. Derrière cette définition sommaire se cache en réalité une besoins, qu’ils soient avérés et non satisfaits, ou latents et non
technique de financement qui n’est applicable qu’à une certaine clairement exprimés (figure 1). Les entreprises dont le potentiel
catégorie de jeunes entreprises innovantes à différents stades de de croissance répond aux critères du capital-risque ne repré-
leur développement initial. Celles-ci ne possèdent pas d’historique sentent qu’une très faible portion des jeunes entreprises.
financier et peu ou pas d’actif et ne génèrent pas encore de chiffre Dans les économies développées, déjà fortement dotées en
d’affaires, ou du moins aucun profit, et ne peuvent donc faire biens d’équipements et disposant d’un large choix de biens de
appel aux financements bancaires classiques. Financer de telles consommation, les sociétés de croissance susceptibles de consti-
entreprises qui ont par nature des activités incertaines peut, le cas tuer une cible pour le capital-risque sont principalement actives
échéant, générer pour l’investisseur en capital-risque un rende- dans le développement de produits ou de services à forte conno-
ment financier sans commune mesure avec les rendements tation technologique, la technologie étant la principale source de
126
Référence Internet
AG471
5
progrès et de développement. A contrario, dans les pays émer-
gents, les besoins sont tels que les entreprises développant et tude car l’accueil réservé par le marché est inconnu, et risque
commercialisant des produits de consommation ou des biens élevé car les montants financiers requis peuvent être très signifi-
d’équipements offrent des croissances très élevées pouvant justi- catifs.
fier le recours au capital-risque.
■ Genèse du capital-risque 1.2.2 Innovations incrémentales
Le concept de capital-risque trouverait ses origines à Baby- À la recherche permanente de l’investissement exceptionnel, les
lone, mais de façon plus certaine en Italie et en Espagne, où il a capitaux-risqueurs sont spontanément attirés par les secteurs dits
participé au financement des grandes découvertes du « chauds », c’est-à-dire ceux pour lesquels quelques premières
XIVe siècle. Dans sa forme moderne, le capital-risque est apparu sociétés ont été créées et financées et pour lesquelles de très forts
aux États-Unis. Le terme aurait été utilisé pour la première fois succès sont escomptés compte tenu de la taille du marché poten-
en 1939 dans un forum public. Mais c’est plus particulièrement tiel. Cela incite d’autres capitaux-risqueurs à investir dans plu-
à Boston qu’il naît d’un père français, le général Doriot. En 1946, sieurs autres sociétés actives sur le même segment de marché. Ce
ce dernier crée la société ARD (American Research and Develop- phénomène aboutit au développement de produits, ou de services
ment) afin de redynamiser le tissu industriel de la Nouvelle- similaires, et d’innovations, au mieux incrémentales, que le mar-
Angleterre, alors économiquement dévastée. L’objectif est de ché ne pourra absorber en totalité, car sur un marché donné ne
financer des jeunes entreprises technologiques. Ainsi, ARD subsistent rarement plus de 3 à 4 acteurs.
finance en 1958 la société DEC (Digital Equipment Corporation).
Son investissement de 70 k$ dans cette société générera 350 M$
lors de la revente de la participation en 1971. Ce retour sur 1.3 Caractéristiques des jeunes
investissement exceptionnel de 5 000 fois le montant initiale- entreprises innovantes éligibles
ment investi démontre que des retours significatifs sont pos-
sibles. Le capital-risque moderne est né, et s’implante très Si une identification exhaustive de l’ensemble des critères
rapidement, dans la Silicon Valley. La jeune entreprise inno- requis pour bénéficier d’un investissement en capital risque
vante peut faire appel au capital-risque à différents stades de s’avère impossible, il est néanmoins envisageable de mettre en
son développement. L’utilisation de financement de type capi- exergue les principales caractéristiques nécessaires pour espérer
tal-risque n’est cependant pas toujours nécessaire. en bénéficier. Les caractéristiques incontournables présentées ci-
Par exemple, la société américaine Broadcom, fournisseur de après s’appliquent aux jeunes entreprises au stade du capital
semi-conducteurs pour l’industrie des télécommunications, n’a risque alors que le financement en capital-amorçage, qui inter-
pas fait appel au capital-risque et la société Cisco ne l’a fait que vient plus en amont (cf. 4.1.3), vise plutôt à développer le projet
lorsqu’elle réalisait déjà 5 M$ de chiffres d’affaires et était profi- d’une nouvelle entreprise afin d’identifier ses caractéristiques
table. La société Dell n’a levé de l’argent que lorsqu’elle a atteint propres et de valider son éligibilité au capital-risque.
60 M$ de chiffre d’affaires. Toutefois, la présence de capitaux-ris-
queurs de renom au capital d’une société contribue à apporter de 1.3.1 Opportunité de marché très importante
la crédibilité face à des clients pouvant, le cas échéant, se montrer
hésitants vis-à-vis d’une jeune entreprise proposant un produit ou Le marché visé doit être déjà identifié, ou identifiable, présenter
un service innovant. un potentiel de développement très significatif, offrir une crois-
sance avérée ou potentielle très forte (souvent plus de 25 % par
Nota : une étude [1] réalisée au Royaume-Uni indique que 6 % des entreprises ayant
an) et ne doit pas être déjà dominé par une autre société. Les
le plus fort taux de croissance génèrent la moitié des nouveaux emplois créés par les
entreprises existantes. Cette étude met également en évidence le fait que les entreprises innovations de rupture, mentionnées au § 1.2.1, sont à même
innovantes grandissent deux fois plus vite que les entreprises n’innovant pas. d’offrir ce type d’opportunité de marché.
127
Référence Internet
AG471
1.3.2 Équipe entrepreneuriale expérimentée risqueur suit un processus de sélection qui se décompose en plu-
sieurs phases (figure 2), chacune d’entre elles étant éliminatoire.
Ce critère est certainement le plus déterminant. L’équipe de direc-
tion doit connaître le domaine dans lequel elle opère, être adaptée au
stade de développement de la jeune entreprise, accepter de partager 1.4.1 Génération d’un flux d’affaires
avec l’investisseur, ou les investisseurs, la valeur qui sera créée, et
être complète dans les principales fonctions entrepreneuriales (prési- Le capital-risqueur cherche en permanence à générer un flux
dence/direction générale, technique, commerciale, marketing et finan- d’opportunités d’investissement (deal flow origination) de qualité au
cière). L’ensemble de ces critères n’étant pas le plus souvent réuni, le travers de différents réseaux. Experts comptables, avocats, ban-
capital-risqueur est amené à aider au recrutement des compétences quiers d’affaires ou de préférence entrepreneurs, avec lesquels il a
manquantes voire, dans les stades ultérieurs de développement, à déjà été en relation et dans lesquels il a confiance constituent les
proposer le recrutement d’un nouveau président/directeur général réseaux privilégiés d’apporteurs d’affaires du capital-risqueur. Pour
afin de gérer la forte croissance de l’entreprise. cette raison, il est préférable de contacter le capital-risqueur via ses
réseaux de connaissances plutôt que de tenter de l’approcher direc-
tement. Dans le flux très important de dossiers qu’il analyse annuel-
1.3.3 Produit ou service unique lement – généralement plusieurs centaines – un capital-risqueur ne
Le produit développé, fondé généralement sur une technologie de réalise en moyenne qu’un à deux investissements chaque année. Le
rupture, doit à la fois présenter une forte barrière à l’entrée vis-à-vis nombre d’investissements annuels par une société de gestion de
de concurrents existants ou potentiels, et être susceptible de donner fonds de capital-risque est ainsi à peu près équivalent au nombre
naissance à un nouveau marché ou de perturber un marché existant. d’investisseurs seniors présents au sein de ladite société de gestion.
Un avantage injuste (unfair advantage), plus généralement qualifié de
barrière à l’entrée, doit permettre à l’entreprise d’atteindre une posi-
tion dominante sur le marché en cours de formation, comme ce fut le
cas de Microsoft ou de Cisco. Un plan produit se projetant au-delà du
produit ou du service initial doit également être prévu pour maintenir
l’avance commerciale acquise par la jeune entreprise ainsi que son
positionnement concurrentiel sur le marché. Génération du
flux d’affaires
128
Référence Internet
AG471
1.4.2 Identification des sociétés éligibles la base de la lettre d’intention. Cette négociation (legal documen-
tation) établit notamment le pacte d’actionnaires qui liera les par-
Dans la phase d’identification des projets d’entreprises (que ties pendant la durée de l’investissement, les résolutions de
celles-ci soient créées ou en cours de création) éligibles (scree- l’assemblée générale qui votera l’augmentation de capital et, le
ning), le capital-risqueur cherche à détecter rapidement les socié- cas échéant, la garantie d’actif passif et la contre-garantie.
tés susceptibles de constituer une cible d’investissement. Pour
cela, il confronte les caractéristiques de la jeune entreprise analy-
sée aux critères généraux requis (§ 1.3). Il procède, en outre, aux 1.4.7 Réalisation de l’investissement
premières vérifications suivantes :
Lorsque les documents définitifs sont validés et signés (signing)
• adéquation du projet de développement de la société inno- par l’ensemble des parties et que l’augmentation de capital est
vante à la stratégie du fonds de capital-risque, en matière de autorisée par l’assemblée générale des actionnaires, l’investisse-
secteurs et de localisation géographique ;
ment est réalisé (closing) : l’investisseur souscrit les actions en
• adéquation de l’intensité capitalistique du projet à la taille du échange du versement du montant correspondant sur le compte
fonds et aux besoins de réinvestissements ultérieurs ; augmentation de capital ouvert par la société.
• adéquation du stade de développement de la société à la
maturité du fonds : la cession doit pouvoir être réalisée dans
des délais compatibles avec la durée de vie du fonds.
2. Financement
1.4.3 Évaluation détaillée des cibles potentielles de l’innovation et gestion
Il s’agit dans cette étape (due diligence) de valider plus précisé-
ment, et selon différents angles, les critères rapidement évalués de portefeuille
lors de l’étape précédente. Pour cela, le capital-risqueur procède
notamment aux vérifications suivantes : Malgré un processus de sélection rigoureux, toutes les sociétés
• évaluation du produit, en faisant le cas échéant appel à des financées ne connaissent pas le succès dans le développement de
experts, en interrogeant les clients et les concurrents ; leur innovation. Le taux d’échec peut même s’avérer très élevé
5
• définition plus précise du potentiel de marché sous différents parmi les sociétés innovantes sélectionnées. Afin de gérer au
aspects : son état et sa rapidité de développement, le nombre mieux cette problématique, le capital-risqueur aguerri cherche
de clients potentiels, leur capacité d’achats… ; généralement à constituer, au sein d’un fonds de capital-risque,
un ensemble de participations diversifiées et à les gérer selon une
• validation du modèle économique : coût et durée de l’acte de approche de portefeuille.
vente, montant de vente moyen, récurrence du chiffre
d’affaires… ;
• évaluation du management en termes de respectabilité, de 2.1 Principales causes d’échec
compétences et d’expériences passées…
des jeunes entreprises innovantes
L’ensemble des informations ainsi obtenues est ensuite recoupé
et discuté entre les associés du fonds de capital-risque, afin de Les causes de l’échec sont multiforme, tenter d’en dresser une
dégager une conviction sur l’opportunité d’investir ou non dans la liste exhaustive serait vain. Certaines causes d’échec sont toute-
jeune entreprise innovante. Il s’agit au cours de cette étape d’iden- fois bien connues des capitaux-risqueurs expérimentés. Ils
tifier les risques fondamentaux auxquels la start-up sera confron- s’efforcent donc de les détecter lors du processus de sélection ou,
tée et les moyens d’atténuer et de gérer ceux-ci. une fois l’investissement réalisé, de les éviter lors du suivi de la
participation. Les causes les plus fréquentes sont :
1.4.4 Élaboration d’une lettre d’intention – absence de fenêtre d’opportunité ;
– incapacité de la start-up à se refinancer
Une fois la décision d’investir prise, entre les associés du fonds,
et le cas échéant après avis consultatif d’un comité d’investisse- – financement prématurément trop important ;
ment composé d’experts, le capital-risqueur structure un montage – développement du marché dépassant la capacité d’exécution
juridique et financier adapté aux besoins financiers de la société de la société ;
et à l’état de développement de celle-ci. Ces éléments sont syn- – management inadapté au développement de la société ;
thétisés dans une lettre d’intention (term sheet ou letter of intent) – confrontation trop tardive avec le marché.
décrivant les termes et conditions de l’investissement projeté
(§ 5.2.3 et § 5.3).
2.1.1 Absence de fenêtre d’opportunité
1.4.5 Audit social, juridique, fiscal, Le timing d’introduction d’une innovation sur le marché, notam-
sur la propriété intellectuelle ment d’une innovation de rupture, est un élément clé de succès.
L’introduction prématurée d’une innovation, alors que le marché
Dès signature de la lettre d’intention par les parties, le capital- n’est pas prêt à l’accueillir, est une source d’échec. De même, une
risqueur diligente un audit social, juridique, fiscal et, le cas introduction tardive sur un marché s’étant déjà développé avec
échéant, un audit sur la propriété intellectuelle détenue par la plusieurs concurrents actifs, occupant des positions significatives,
société. L’absence de tout problème susceptible de remettre en engendrera des coûts de commercialisation très importants. Le
cause l’investissement projeté est en effet une condition préalable niveau de capitaux à engager sera alors trop élevé pour justifier
à la réalisation de celui-ci. un retour sur investissement satisfaisant, surtout si les parts de
marché finalement obtenues sont faibles. Ce problème est particu-
1.4.6 Négociation des documents finaux lièrement crucial pour les innovations conduisant le marché à
sur la base du contenu de la lettre d’intention faire émerger un « design » dominant (les systèmes d’exploitation
ou les microprocesseurs illustrent ce phénomène). La notion de
Si les résultats des audits sont satisfaisants, les documents juri- fenêtre d’opportunité constitue un élément fondamental d’analyse
diques préalables à l’investissement sont rédigés et négociés sur pour le capital-risqueur.
129
Référence Internet
AG471
2.1.2 Incapacité de la start-up à se refinancer 2.1.3 Confrontation trop tardive avec le marché
La capacité d’une jeune entreprise à se refinancer est vitale. Le La recherche de la perfection technologique induit deux consé-
développement de celle-ci est structuré par étapes successives. quences souvent fatales pour une jeune pousse innovante ; d’une
Pour mener à terme chaque étape, le niveau de capital estimé part, un retard dans la commercialisation, lorsque le produit n’est
nécessaire est recherché. Si l’objectif défini pour une étape n’est pas jugé prêt par l’équipe de développement et, d’autre part, une
pas atteint, l’entreprise peut rencontrer des difficultés pour lever absence de confrontation avec le marché et avec les réels besoins
de nouveaux capitaux. Cela sera d’autant plus problématique si des clients. Ces deux conséquences sont presque toujours fatales
les investisseurs existants ne réinvestissent pas. Les investisseurs à la jeune entreprise innovante.
potentiels interpréteront cela comme un signal négatif dénotant
une défiance envers le management ou le potentiel de développe- Exemple d’échec : le Palm Pilot
ment de la société. Avant de connaître un véritable succès avec le Palm Pilot, les assis-
Le développement de nouveaux produits nécessitant des mon- tants personnels électroniques connurent plusieurs échecs.
tants de capitaux importants sur une longue période peut égale- Avec GO
ment constituer un handicap. En effet, les premiers investisseurs Lancé en 1987, le Pen computer de la société GO connut une
entrés au capital auront après une période de 5 à 7 ans pour concurrence importante (Microsoft) et dut faire face à des coûts de
objectif de céder leur participation afin de réaliser leur plus-value développement très élevés. Le temps requis pour l’acceptation de ce
alors que les investisseurs récemment entrés au capital n’ont pas nouveau produit technologique sur un nouveau marché était beau-
de telles contraintes. Une telle situation crée une divergence coup trop long pour une start-up qui ne maîtrisait pas ses coûts : ce
d’intérêts et peut conduire à bloquer de nouvelles levées de fonds fut un échec.
et à favoriser une cession industrielle. Avec Newton
Enfin, les conditions dégradées des marchés financiers, comme Le Newton développé par Apple fut conçu comme une alternative
cela est arrivé en 2001 après l’éclatement de la bulle internet ou de taille réduite et portable à l’ordinateur de bureau qui nécessitait un
après 2007 avec la crise financière, peuvent également conduire à clavier. Apple espérait qu’un dispositif portable capable d’interpréter
une incapacité de l’entreprise à se refinancer. l’écriture manuscrite permettrait de surmonter la résistance des utili-
sateurs aux ordinateurs à clavier. Toutefois, après plus de 10 ans
5
■ Financement prématurément trop important d’efforts et plus de 500 M$, la société arrêta ce projet en 1998. Trop
Le succès d’une innovation repose en partie sur la capacité de cher et trop gros, le produit ne disposait pas des fonctionnalités atten-
la jeune entreprise à prendre rapidement les parts de marché lors dues par certaines catégories d’utilisateurs !
du développement de celui-ci. Cependant, surfinancer la société, Avec Palm Pilot
si celle-ci n’est pas encore suffisamment structurée pour monter Une stratégie différente fut mise en œuvre. Jeff Hawkins, expert
en puissance ou alors même que le marché n’est pas encore en de la mémoire et de la connaissance humaine, reçut 1 M$ de Tandy
phase de développement, conduit à une utilisation stérile de res- et de capitaux-risqueurs en 1992. Après 18 mois de développement
sources financières. Trop de capital encourage les dirigeants à et 2 M$ supplémentaires, Palm Computing lança son premier produit
bâtir une structure marketing et commerciale, et à recruter de dénommé Zoomer PDA, commercialisé sous la marque Tandy.
façon surdimensionnée, donc à engendrer des dépenses sans Offrant sensiblement les mêmes fonctionnalités que le Newton à un
commune mesure avec le chiffre d’affaires généré. L’abondance prix tout aussi élevé, le produit connu le même sort. Alors qu’après
de capitaux peut même être perçue comme un certain niveau de son échec, Apple ne fit que de très légères modifications techniques,
confort faisant oublier le sens de l’urgence et la nécessité de déve- Palm prit en compte les retours du marché et repositionna le produit
lopper les relations commerciales seules à même d’assurer le pour qu’il soit moins coûteux et surtout complémentaire et non
développement autonome de toute jeune entreprise innovante. concurrent de l’ordinateur de bureau. En offrant simplement les fonc-
tions de calendrier, de carnet d’adresses et de prise de notes cou-
■ Développement du marché dépassant la capacité d’exécution de plées à une simple reconnaissance de langage pour les entrées de
la société l’utilisateur, Palm put diviser par plus de deux le prix de vente du pro-
Dès que le marché démarre, une course de vitesse s’enclenche duit. Les fabricants initiaux ayant montré peu d’intérêt pour le nou-
avec les concurrents pour acquérir les parts de marché, une inno- veau produit, Palm trouva des sous-traitants pour les remplacer ce qui
nécessita une levée de capitaux supplémentaire de 5 M$ pour Palm.
vation est en effet rarement introduite par une seule société. Le
Le succès fut au rendez-vous.
succès de la jeune entreprise repose alors sur sa capacité à avan-
cer plus vite que la concurrence. Cela suppose de prendre rapide- Ces trois stratégies illustrent les principales causes d’échec dans le
ment des décisions critiques, d’embaucher des personnes clés et développement d’une nouvelle innovation :
de gérer des ressources limitées de façon efficace. Le rôle du diri- – mauvais timing par rapport à la fenêtre d’opportunité ;
geant de la société est critique dans le succès de la société. – financement trop élevé prématurément ;
– absence de confrontation avec le marché.
■ Management inadapté au développement de la société
Une innovation de nature technologique est souvent portée par
une équipe à dominante technique. Cette compétence essentielle, 2.2 Mode d’investissement professionnel
pour ériger une forte barrière à l’entrée sur le marché, peut s’avé- structuré en fonds d’investissement
rer inadaptée voire pénalisante pour l’entreprise si les compo-
santes marketing, commerciale et managériale sont atrophiées. Décider d’investir dans une jeune entreprise innovante est un
Chaque stade de développement de la jeune entreprise innovante exercice délicat qui nécessite de porter un jugement sur la capa-
requiert des compétences nouvelles passant le plus souvent par cité de l’entreprise à se développer dans un environnement carac-
des recrutements. Les fondateurs dirigeants d’origine technique térisé par de nombreuses incertitudes (§ 5.1) et dans lequel
sont ainsi fréquemment amenés à accepter le recrutement d’un l’asymétrie d’informations peut être très forte. Celle-ci caractérise
président ou directeur général, qui leur apporte les compétences le différentiel de connaissances existant entre le dirigeant et
qu’ils ne peuvent développer eux-mêmes, afin de ne pas man- l’investisseur dans deux dimensions concernant, d’une part les
quer la fenêtre d’opportunité venant de s’ouvrir sur le marché informations cachées, et d’autre part les actions cachées. Dans le
visé. premier cas, le dirigeant connaît mieux son marché, son produit
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Référence Internet
AG2620
Propriété intellectuelle
5
2. Organisation administrative et professionnelle.............................. — 9
2.1 Institut national de la propriété industrielle .............................................. — 9
2.2 Conseil en propriété industrielle ................................................................ — 9
2.3 Qualification en propriété industrielle ....................................................... — 11
2.4 Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle................... — 11
2.5 Coût des brevets et incidence sur une politique de brevet...................... — 11
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. AG 2 620
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Sigle Désignation
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AG2620
1. Protection de droits Dans ce cas, l’auteur de l’infraction doit être membre (directeur,
salarié, etc.) de l’entreprise.
de propriété intellectuelle
1.1.2.2 Responsabilité civile
intéressant l’entreprise
■ Responsabilité civile délictuelle
1.1 Protection du savoir-faire know how Ses techniques sont plus faciles à mettre en œuvre et sont plus
efficaces. Pour pouvoir être appliquées, elles exigent :
Il s’agit de connaissances techniques transmissibles concernant — une faute ;
éventuellement des inventions brevetables et qui ne sont pas — un préjudice tel qu’une usurpation (usage illégitime de la
spontanément accessibles au public. connaissance entraînant la perte d’une chance de réaliser son savoir)
ou une appréhension (accès illégitime à la connaissance, par exem-
Exemple : la mise au point d’un prototype peut conduire à déve- ple, par espionnage industriel).
lopper des connaissances spécifiques pouvant être relatives notamment
aux matériaux utilisés, au choix de la meilleure variante d’exécution, etc. Bien entendu, le savoir-faire concerné ne doit pas être accessible
Ces connaissances, si elles permettent d’influer sur la qualité du produit aux tiers ou être tombé dans le domaine public. Une action en res-
final et/ou sur la durée de son procédé de fabrication, ont une valeur ponsabilité civile peut se solder par la réparation du dommage causé
patrimoniale certaine car elles procurent à son détenteur un avantage par l’auteur de la faute et par la prévention du dommage futur.
concurrentiel.
Dans le cas où le savoir-faire était brevetable et où il a été breveté
par l’auteur de la faute, la partie lésée peut demander l’annulation
1.1.1 Réservation du savoir-faire du brevet ou engager une action en revendication de propriété.
par la propriété intellectuelle Bien entendu, dans le cas où la faute consiste en une divulgation
faisant tomber le savoir-faire dans le domaine public, le dommage
La nécessité de conserver secret le savoir-faire le rend contraire est définitif.
à la notion d’œuvre qui est par essence destinée à être divulguée.
C’est l’une des raisons pour lesquelles la protection du savoir-faire ■ Responsabilité civile contractuelle
5
par le droit d’auteur s’avère inadaptée, même dans le cas où il se
Le détenteur d’un savoir-faire, amené à communiquer son savoir-
rapporte à un logiciel. La nécessité de conserver secret le savoir-
faire à des partenaires (par exemple à ses salariés), peut imposer
faire implique de prendre des mesures généralement contractuel-
des obligations permettant de contrôler l’utilisation de ce savoir-
les afin de prévenir et d’empêcher sa diffusion.
faire telles que des obligations de fidélité, de non communication
Bien entendu, dans le cas où il se rapporte à une invention bre- et de non concurrence.
vetable, le savoir-faire pourra être au moins partiellement couvert
Ces obligations pourront figurer notamment dans les contrats de
par le domaine de protection rattaché au brevet qui demeure le
travail et être renforcées par des règlements intérieurs, voire des
meilleur mode de protection indirecte du savoir-faire car il accorde
dispositions de la convention collective considérée.
notamment un monopole d’exploitation en contrepartie de la divul-
gation de l’invention. Vis-à-vis de tiers qui ne sont pas ses salariés, le détenteur d’un
Dans certains cas, le savoir-faire (se rapportant, par exemple, à savoir-faire qui se trouve dans l’obligation de dévoiler son savoir-
un procédé ou à une méthode) peut bénéficier d’une protection faire à des tiers (par exemple à un éventuel partenaire) à titre
indirecte par une marque déposée (qui identifie par exemple le confidentiel, devra prendre un certain nombre de précautions et, à
procédé). Toutefois, une telle protection indirecte par la marque ce titre, faire signer à ce tiers une convention généralement appelée
s’avère inexistante dans la plupart des cas. protocole de confidentialité. Selon ce protocole, le tiers s’engage à
respecter et à faire respecter le caractère confidentiel des informa-
tions qui lui ont été remises. Ce protocole peut également com-
1.1.2 Réservation du savoir-faire prendre une clause de non usage des informations transmises
par le droit de la responsabilité pendant une période et à des conditions déterminées. De plus, les
dispositions d’un tel protocole, ou plus généralement d’un contrat
Le titulaire d’un savoir-faire peut obtenir réparation des atteintes ayant pour objet la transmission d’un savoir-faire, devront prévoir
portées à ce savoir-faire soit par le jeu de la responsabilité pénale, que le bénéficiaire de ladite transmission du savoir-faire ne pourra
soit par les mécanismes de la responsabilité civile. le divulguer à un tiers en tous lieux et en tous pays.
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5
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NM8030
Les nanotechnologies
et le droit des brevets d’invention
Stéphanie LACOUR
curiosité dans un premier temps, d’où le succès, concept de retour sur investissements est partout pré-
peut-être, de ces recherches dans le monde scienti- senté, aux côtés de la compétition économique mon-
fique. Elles attisent également la convoitise, diale, comme une nécessité.
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NM8030
La course aux brevets, qui illustre, tous domaines connaissances vitales, au centre des préoccupations
confondus, le début du XXIe siècle, se trouve donc dans ce champ. L’analyse de la propriété industrielle
confortée ici dans le cœur même des politiques scien- telle qu’elle se manifeste aujourd’hui dans le domaine
tifiques et technologiques des États et de leurs orga- des nanotechnologies permet d’aboutir à des conclu-
nismes de recherche. Par voie de conséquence, et le sions identiques, que quelques exemples pratiques
constat est unanime, le dépôt de demandes de bre- viendront illustrer dans la suite de notre article.
vets d’inventions dans le domaine des nanotechnolo- Réfléchir sur la pertinence et les conséquences de
gies est intervenu très tôt et il concerne des objets l’application du droit des brevets aux nanotechnolo-
très larges [3]. Mark Lemley, affirme même qu’il est gies implique de se poser la question de l’objet pro-
intervenu, aux États-Unis notamment, beaucoup plus tégé par cette construction juridique et des effets de
en amont que dans les biotechnologies ou encore les cette protection. Le titre de brevet n’est en effet pas
technologies de l’information. Autre fait notable, cette un titre quelconque. Apparu récemment (en France,
tendance ne faiblit pas, malgré le relativement faible il est apparu à la fin du 18e siècle, avec les Décrets
nombre de produits qui sont actuellement mis sur le du 15 décembre 1790 et du 5 janvier 1791. Les
marché (figure 1) d’après l’OCDE [6]. Le compendium États-Unis nous avaient précédé au mois de mars de
annuel de statistiques sur les brevets de cette organi- la même année) dans notre système juridique, il est
sation internationale pour 2008 affirme ainsi que le pensé comme un instrument de promotion de l’inno-
taux d’augmentation annuel des brevets déposés vation portant atteinte à la liberté d’entreprendre dans
dans le domaine des nanotechnologies tourne autour la stricte mesure du nécessaire retour sur investisse-
de 18 % pour les applications PCT entre 1995 et 2005, ment de celui qui accepte de dévoiler son invention
alors que le nombre global de brevets déposés n’a pour le bénéfice de tous. C’est donc d’un instrument
augmenté, lui, que de 12 % durant la même à finalité économique dont il s’agit, et de ce fait, son
période [4]. La Chine, qui est en train de devenir un objet est déterminé par le droit pour parvenir à établir
5
acteur majeur de la R&D dans ce domaine, adopte cet équilibre entre les intérêts de la Société et ceux du
actuellement des mesures fortes d’incitation au breveté [8]. Cette finalité irrigue également l’exploita-
dépôt de brevets [5]. Cette tendance risque donc de tion des brevets, moins contrainte par les règles juri-
s’accentuer encore dans les mois et années à venir. diques, mais qui conditionne l’effectivité du droit et la
La multiplication rapide des demandes de brevets pertinence des raisons pour lesquelles il a été institué.
déposées sur des nanoproduits ne peut en réalité Chaque secteur industriel dispose, en la matière,
qu’accentuer les critiques dont la propriété industrielle d’une culture propre. Certains d’entre eux ont pour
fait l’objet depuis une trentaine d’années. Un groupe coutume de n’accorder que des licences exclusives là
international d’experts en biotechnologie, innovation où d’autres constituent des pools de brevets. Ces stra-
et propriété intellectuelle a ainsi publié, sous la direc- tégies sont intimement liées à la structure des mar-
tion de E. Richard Gold, de l’Université Mc Gill de Mon- chés visés (intervenants rares ou très nombreux, pro-
tréal, un rapport intitulé « Vers une nouvelle ère de duits grand public ou pas, diffusion de standards plus
propriété intellectuelle : de la confrontation à la négo- ou moins étendue, emprise de la réglementation…)
ciation » [7], prenant acte de la nécessité de réformer mais aussi aux caractéristiques intrinsèques des por-
un système devenu contreproductif tout à la fois en tefeuilles de brevets détenus par les acteurs. En toute
termes d’innovation et de partage international des hypothèse, dans le système juridique des brevets
découvertes. Les conclusions de ce groupe sont sans d’invention, les éléments d’équilibre sont pensés
appel sur l’utilisation des règles actuelles de la pro- dans chacune de ces étapes, de la brevetabilité à l’ex-
priété industrielle dans le domaine des biotechnolo- ploitation des inventions. C’est donc sous ces deux
gies et la nécessité d’en revoir les éléments fonda- angles que nous analyserons le droit des brevets tel
mentaux pour que l’innovation, but ultime des droits qu’il est, actuellement, confronté au développement
conférés, soit enfin replacée, avec le partage des des nanotechnologies.
700
Nombre de brevets (PCT) pour le
domaine des nanotechnologies
600
500
400
300
200
100
0
1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004
Nanobiotechnologie Nanoélectronique
Nanomatériau Nanotechnologie de détection et interaction
Nano-optique Nanomagnétisme
Figure 1 – Nombre des brevets dans le secteur des nanotechnologies d’après [6]
NM 8 030 - 2 Toute reproduction sans autorisation du Centre Français d’exploitation du droit de copie
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5
tuelle. Pour les choses matérielles, on a pu, pendant autant. Sans entrer dans les détails [12], il faut en
longtemps, se contenter de la force, plus ou moins tout cas se souvenir que cette fonction spécifique de
brute, pour asseoir la réalité de leur affectation dans la notion d’invention est justifiée, dans son essence,
des sociétés sommairement fondées sur le commerce par d’autres distinctions, qui font du brevet un outil
entre individus dans lesquelles une valeur leur était bien spécifique. L’application de cette subtile distinc-
reconnue. Elles n’ont nécessité le soutien du droit, tion aux nanoproduits risque fort de s’avérer problé-
droit de propriété, que lorsque ces individus se sont matique. Un exemple illustrera cette question. Ainsi,
finalement détournés des situations de fait pour bâtir, les nanotechnologies de type bottom-up consistent
ensemble, les conditions d’un contrat social plus dans la manipulation de briques de base (les nanotu-
pérenne, d’une vie commune organisée. bes de carbone, par exemple, envisagés comme pro-
Sur la figure rhétorique « Pas de droit sans société, pas de société duits) de niveau atomique, d’éléments qui existent
sans droit », on peut lire l’introduction au droit de Rafael Encinas de parfois à l’état naturel, mais font pourtant l’objet
Munagorri et Gilles Lhuilier [9]. d’un dépôt massif de brevets depuis les prémisses de
En ce qui concerne les choses immatérielles, elles, cette technologie. Un tel fait ne serait pas, en tant que
on ne peut concevoir le commerce que purement gra- tel, problématique si ces brevets ne couvraient en
tuit ou bien sous la protection du droit. Il est difficile réalité qu’une ou plusieurs applications techniques
de s’en réserver la propriété physiquement. Leur spécifiques des éléments en cause. Il semble néan-
dévoilement, leur partage, ne peut dès lors intervenir moins que, même dans ces conditions, ici, la fragile
qu’à très faible échelle, sous la protection de la confi- frontière séparant les produits découverts et leurs
dentialité, du secret, ou sous la protection d’un sys- applications ait parfois été franchie. De tels brevets,
tème juridique adapté [10]. À partir du moment où contestables en ce sens qu’ils étendent de manière
nos sociétés, nos marchés, se sont appuyés sur l’in- indue le champ de la protection à des objets qui
dustrie de manière centrale, dès la fin du 18ème siècle, devraient demeurer dans le domaine public, justifient
le droit a accompagné les créations industrielles par aux yeux de leurs détracteurs que l’on relève, dans le
l’octroi de titres de propriété. domaine des nanotechnologies, des similitudes trou-
blantes avec le secteur des biotechnologies. L’appella-
tion d’« organismes atomiquement modifiés » (OAM),
2.1 Un brevet…
… d’invention ! construite sur le modèle des OGM, ne vise qu’à mettre
L’objet du droit de brevet est donc une création en valeur ces points de comparaison. Il s’agit là, à
intellectuelle. Toutefois, l’adoption du modèle de la n’en pas douter, d’un détournement du droit des bre-
propriété pour ce type particulier de chose immaté- vets. Pouillet le rappelait en des termes éloquents,
rielle supposait que l’on définîsse plus précisément ce « la loi des brevets est faite dans l’intérêt de l’industrie
qui, dans le domaine de l’immatériel, devait relever de non dans l’intérêt de la science » [13].
la liberté de principe et ce qui pouvait faire l’objet d’un
monopole. Dans le domaine du droit des brevets, 2.1.2 Ce que l’invention doit être
cette précision vient, dès le départ, du recours à la L’appréhension de la particularité de l’invention ne
notion spécifique d’invention. L’invention n’est pour- serait toutefois pas complète si cette création n’était
tant pas définie par la loi et ne l’a jamais été. Pour confrontée à l’objectif du législateur de 1791 et de
comprendre cette notion, il est donc nécessaire de ses successeurs, à savoir protéger les créations « uti-
rendre compte de deux facteurs adjacents. les pour la société » tout en rompant avec le modèle
2.1.1 Ce que n’est pas l’invention royal des corporations destinées à « récompenser l’in-
dustrie des inventeurs ». Le décret du 31 décembre
La loi (article L. 611-10 du Code de la propriété 1790 et celui du 7 janvier 1791 mentionnaient en réa-
intellectuelle) exclut un certain nombre de créations lité « toute idée nouvelle dont la manifestation ou le
Toute reproduction sans autorisation du Centre Français d’exploitation du droit de copie NM 8 030 - 3
est strictement interdite. — © Editions T.I.
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Management de l'innovation
(Réf. Internet 42564)
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Référence Internet
AG500
Management de l’innovation
et développement durable
6
3.
3.1 Ouverture de l’entreprise et partage des ressources............................ — 17
3.2 Évaluation dynamique et intègre des impacts de l’innovation............ — 20
4. Conclusion .............................................................................................. — 22
5. Glossaire – Définitions......................................................................... — 23
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. AG 500
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Référence Internet
AG500
1. Du développement durable
au management
responsable de l’innovation Environnement
6
du temps pour faciliter son application à différentes échelles géo- ment normatif (FD X30-031) qui propose un schéma de principe de
graphiques et par différentes parties prenantes. C’est ainsi qu’en cette gouvernance (figure 2), lequel positionne les six domaines
1992 la Conférence internationale de Rio a donné le jour aux Agen- d’action (DA) suivants :
das 21, déclinaison adaptée aux enjeux territoriaux du DD, et en
– définir sa vision à long terme, et son positionnement en
2010 l’organisme international de normalisation ISO a publié la
matière de responsabilité sociétale (DA 1 : « Principes de responsa-
norme internationale ISO 26000 – Responsabilité sociétale, qui
bilité, vision et valeurs ») ;
s’adresse à tout type d’organisation (entreprises, organismes
publics...) souhaitant intégrer les enjeux du DD dans sa stratégie et – établir un dialogue régulier avec ses parties prenantes (DA 2 :
ses relations avec les parties prenantes. « Relation avec les parties prenantes ») ;
Gouvernance
d’une organisation
on
ati VISION
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org à long terme
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RS
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VA e en RS
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Réglementations et Pilotage – Mesurer A C
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normes internationales – Améliorer pa
en continu c les
de comportement ave
s
ion
Analyse et Écoute lat
Re
de situation et des parties
des enjeux de RS prenantes
Risques Opportunités
MISSION de l’organisation (raison d’être)
Forces Faiblesses
142
Référence Internet
AG500
– définir ses enjeux, ses objectifs et la façon de les atteindre 1.2 Le développement durable comme
(DA 3 : « Analyse des enjeux, stratégie et priorités ») ;
générateur d’innovations
– mettre en place son « dispositif de gouvernance » (DA 4 :
« Structures et processus de prise de décision ») ; 1.2.1 Développement durable : un générateur
– suivre son dispositif et améliorer de manière continue (DA 5 : d’innovations multifacettes
« Pilotage, mise en œuvre et surveillance ») ; En fonction de sa vision, ses valeurs et sa stratégie, l’entreprise
– et assurer une communication interne et externe (DA 6 : envisagera le développement durable comme une contrainte (atti-
« Responsabilité de rendre compte et communication »). tude défensive ou attentiste) ou comme une opportunité (attitude
offensive ou pro-active).
L’intégration de la responsabilité sociétale dans la vision d’une § Le DD vécu comme une contrainte (attitude défensive ou
organisation amène celle-ci à modifier ses objectifs, sa stratégie, attentiste)
ses modes de fonctionnement, sa gouvernance. Cette orientation Face à une nouvelle contrainte, l’entreprise cherche des solu-
peut également avoir des répercutions sur la stratégie d’innova- tions. Quand les problèmes sont d’une nature inhabituelle, il y a de
tion et son management organisationnel, objets du présent article. fortes chances que la solution soit de nature innovante. Bien qu’il
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Référence Internet
AG500
soit souvent question de soft-law (règles de droit non obligatoires) Nota : la Communauté européenne [3] souligne que choisir la responsabilité sociétale
comme stratégie de développement peut être source d’innovation : « En se préoccupant
en ce qui concerne la mise en œuvre du DD, il existe également de leur responsabilité sociale, les entreprises peuvent construire une relation de
des lois régissant son application (par exemple : loi Grenelle 2 ; loi confiance à long terme vis-à-vis de leurs employés, des consommateurs et des citoyens,
sur la nouvelle régulation économique ; directives européennes sur laquelle elles peuvent asseoir des modèles d’entreprise durables. Des niveaux de
répondant à la « nouvelle approche » et reposant sur des confiance plus élevés favorisent, par voie de conséquence, l’émergence d’un environne-
ment au sein duquel les entreprises peuvent innover et se développer ».
exigences essentielles en matières de sécurité, santé, environ-
nement et protection des consommateurs).
Exemple : intégration de contraintes réglementaires : Intégrer les enjeux du développement durable demandera
donc à l’entreprise de développer sa capacité à innover
– dans la conception d’un produit : la directive Reach fait porter à
sachant qu’il s’agit ici d’innovation aussi bien organisation-
l’industrie la responsabilité d’évaluer et de gérer les risques engen-
nelle que technologique.
drés par les produits chimiques et de fournir des informations de
sécurité adéquates à leurs utilisateurs. Cette réglementation a un
impact sur la conception des produits puisqu’elle implique l’évaluation
des impacts des nouvelles molécules sur la santé et l’environnement. 1.2.2 Management de l’innovation :
Elle peut également être source d’innovation organisationnelle en un support à l’intégration des enjeux du DD
poussant les entreprises d’un secteur à s’associer pour faire face à
cette réglementation alors qu’elles ont pour habitude de travailler
seules ; Le management de l’innovation [AG 2 232] se définit comme
l’ensemble des actions conduites, des choix effectués et des
– dans l’organisation du travail : le document unique a entraîné structures mises en place par une entreprise, dans le cadre de
des innovations organisationnelles en matière de santé, sécurité au son management général, pour favoriser l’émergence, décider
travail (SST) ainsi que des innovations technologiques en matière du lancement et mener à bien ses projets d’innovation.
d’ergonomie ; les règlements sur la non-discrimination ont favorisé
l’émergence de nouveaux labels basés sur l’égalité des chances, la
diversité, la parité... ; Les actions et les décisions de management de l’innovation se
– dans les relations avec les parties prenantes : l’obligation de déploient à deux niveaux de responsabilité de l’organisation
transparence des entreprises en matière sociale et environnementale (figure 3) :
les contraint à réaliser un diagnostic de leur démarche RS et à – le management stratégique de l’innovation ;
communiquer les résultats (décret no 2012-557 du 24 avril 2012 qui – le management opérationnel des projets innovants.
détermine les sociétés soumises à l’obligation d’inclure dans leur rap-
port de gestion des informations à caractère social et environnemen-
tal et la liste de ces informations ainsi que les conditions de
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Référence Internet
AG500
Pour analyser les modalités d’intégration des enjeux du DD dans § Typologie des situations d’intégration du DD dans le manage-
le management de l’innovation, nous nous baserons sur cette ment de l’innovation
approche présentée en détail dans un article de notre base Une organisation peut commencer à intégrer certains enjeux du
documentaire [AG 2 232] et reprise dans le fascicule de documen- développement durable sans remettre en cause immédiatement
tation FD X50-271 sur le management de l’innovation. l’ensemble de son organisation. Il convient qu’elle identifie la
situation la plus adaptée à son contexte, sa structuration et ses
ressources. Nous avons identifié quatre situations types corres-
1.3 Typologie des situations rencontrées pondant à des modes d’intégration des enjeux du développement
et cycle d’intégration des enjeux durable dans le processus d’innovation (tableau 2) [4].
du développement durable Ainsi, certaines organisations peuvent préférer une approche
produit (S1, S2) qui correspond à un moment donné à une attente
Nous faisons le choix ici d’aborder l’intégration des enjeux du de leurs clients, approche qui, dans certains cas, peut diffuser vers
DD dans le management de l’innovation sous deux angles : une approche plus globale.
– dans un premier temps, nous proposons une typologie des D’autres feront le choix d’intégrer directement les enjeux du
situations d’intégration pour permettre aux entreprises de se développement durable dans leur politique de développement (S3)
situer dans leur démarche. Dans le paragraphe 2, nous proposons et les déclineront ensuite en objectifs et actions permettant de
des outils et méthodes qui pourront leur être utiles pour atteindre mener à bien cette politique (les structures organisées autour d’un
leurs objectifs liés à cette situation spécifique ; système de management de la qualité orienté clients peuvent ajou-
– dans un deuxième temps, nous présentons le cycle d’intégra- ter par exemple des volets environnementaux et sociaux à leur
tion des enjeux du DD ou cycle du management responsable de système).
l’innovation basé sur le processus global de management de Les organisations les plus engagées en termes de responsabilité
l’innovation présenté dans la figure 3. Cette approche dynamique sociétale (S4) seront amenées à innover en interne pour intégrer
a pour objectif d’aider les entreprises qui souhaitent aller vers une dans l’ensemble de l’organisation et mettre en œuvre dans leurs
démarche RS globale à accompagner ce changement. Dans le relations un comportement éthique et transparent permettant
paragraphe 3, nous proposons des leviers organisationnels pour d’atteindre les objectifs fixés par leur politique RS (basée sur
aller vers un management responsable de l’innovation. l’ISO 26000 ou un autre référentiel).
145
Référence Internet
AG500
Animation
de l’espace 2.1 Approche par la conception
d’innovation : Évaluation et de produits ou services
Capitalisation communication, décision avec
et reporting évaluation et gestion critères de § Situation S1 – Produits verts ou équitables
DD des risques partagées soutenabilité
avec ses parties Cette approche (S1) par la conception de produits et services
prenantes plus respectueux de l’environnement et de l’homme relève de
l’identification de nouveaux besoins exprimés notamment par les
Entrée 2 : clients sensibles à la consommation responsable. Ce type de
Management voie opérationnelle consommation a favorisé l’émergence de nouveaux marchés et,
responsable (S1, S2) pour fiabiliser ces marchés, a donné naissance à plusieurs labels
des projets permettant de certifier la qualité environnementale ou sociétale
collaboratifs des produits.
Une entreprise souhaitant se lancer dans cette approche doit au
préalable s’être assurée (par une démarche marketing adaptée) de
Figure 4 – Cycle d’intégration des enjeux du DD dans le management l’existence d’un besoin et si possible d’une demande explicite et
de l’innovation s’attacher à prouver la qualité de ses produits.
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Référence Internet
G8405
Développement durable
et responsabilité sociale
de l’entreprise (RSE)
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Référence Internet
G8405
1. Développement durable menace, tant pour eux que pour les régions les plus prospères. […]
Je crois que nous devrions mettre à la disposition des peuples
pacifiques les avantages de notre réserve de connaissances tech-
niques afin de les aider à réaliser la vie meilleure à laquelle ils
Le développement durable est défini comme étant : aspirent. Et, en collaboration avec d’autres nations, nous devrions
Un développement permettant de répondre aux besoins du encourager l’investissement de capitaux dans les régions où le
présent sans compromettre la capacité des générations futures développement fait défaut. […] Une production plus grande est la
de répondre aux leurs, qui tient compte des dimensions envi- clef de la prospérité et de la paix. »
ronnementale, sociale et économique dans une perspective La nouvelle terminologie du développement n’est pas anodine
d’équité. sur le plan géopolitique. Elle véhicule une perspective des rela-
tions internationales où les pays sous-développés peuvent tous
prétendre au développement. Elle rompt ainsi avec une logique
Cette définition est inspirée par le rapport Brundtland, intitulé
coloniale où les colonies étaient maintenues sous l’emprise des
Notre avenir à tous et publié en 1987 par la Commission mondiale
grandes puissances. Alors qu’ils ne pouvaient prétendre à de tels
sur l’environnement et le développement (CMED) que présidait
liens coloniaux, cette terminologie va légitimer l’intervention éco-
Gro Harlem Brundtland, à l’époque première ministre de la Nor-
nomique des États-Unis auprès des anciennes colonies grâce à la
vège. Ce rapport, qui servit de base aux travaux du Sommet de la
nouvelle rhétorique de l’aide au développement.
Terre de Rio en 1992 (encadré 1), a popularisé l’expression
« développement durable » [1].
1.1.1 La croissance comme modèle de société
Encadré 1 – Sommet de la Terre La terminologie développement/sous-développement est animée
de Rio de Janeiro en 1992 par une métaphore naturaliste qui assimile les sociétés à des orga-
nismes vivants [8] : à l’instar de la plante qui passe de la graine à
Le Sommet de la Terre, ou Sommet de Rio, a réuni plus l’arbre, les sociétés évoluent vers un stade de maturité. Propo-
d’une centaine de chefs d’État ainsi que des ONG et des entre- sée par Rostow en 1960 [9], la théorie des étapes de la crois-
prises. En ont découlé trois conventions internationales : la sance explique que toute société passe par plusieurs stades
Convention sur la diversité biologique, la Convention évolutifs avant d’en arriver à l’âge de la consommation de masse,
cadre des Nations unies sur les changements clima- son idéal, et stade ultime de développement.
tiques et la Convention des Nations unies sur la lutte Les étapes de la croissance économique de Rostow (1960), illus-
contre la désertification. On y adopta également la Décla- trées par la figure 1, sont :
ration de Rio, qui fixe de grands principes de gouvernance, – la société traditionnelle (Traditional society) ;
ainsi que le programme Action 21, qui énonce une série de – les conditions préalables au décollage (Preconditions for take-
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Référence Internet
G8405
Très populaire dans les années qui ont suivi sa publication, cette
théorie a néanmoins fait l’objet de nombreuses critiques, tout spé- Encadré 2 – Le concept d’externalité
cialement dans les pays du Sud qui en ont dénoncé le caractère environnementale
linéaire et déterministe, mais aussi le manque de perspective his-
torique et politique. Le modèle de Rostow occulte en effet les rela- Supposons une usine qui produit un bien en utilisant des
tions que les sociétés entretiennent entre elles et leur histoire arbres et de l’eau, et qui rejette des effluents toxiques dans
commune ; certaines sociétés se sont développées au détriment une rivière. La réduction du nombre d’arbres et de la quantité
d’autres sociétés en leur imposant par exemple des relations d’eau de même que la pollution de la rivière correspondent à
commerciales inéquitables et un modèle économique désavanta- des coûts pour les autres agents qui n’ont plus le même accès
geux. Par ailleurs, la société de consommation de masse ne à ces ressources. L’internalisation des externalités environne-
marque pas la fin du processus de transformation d’une société mentales consiste à imputer à l’usine les coûts écologiques
comme s’il était indépassable, et n’est pas le seul modèle vers qu’elle fait supporter aux tiers. Dans notre exemple, cela peut
lequel une société peut tendre ; si bien qu’ériger la consommation se traduire par l’imposition, à l’usine, de redevances sur les
de masse en idéal s’apparente davantage à une position idéolo- ressources naturelles qu’elle utilise ainsi que d’une taxe sur
gique qu’à un constat scientifique. ses effluents. Ces sommes servent à compenser les agents
économiques lésés ou à financer la restauration des biens et
Ces critiques ont inspiré de nouvelles approches du développe- services écologiques détériorés. À travers l’internalisation de
ment sensibles à l’autonomie et à l’autodétermination des peuples, ses externalités, l’usine est donc forcée d’assumer le coût des
qui cherchèrent à rendre compte de l’impact des relations ressources naturelles et de la capacité de charge qu’elle faisait
commerciales puis du mode d’insertion dans l’espace économique supporter par les autres agents. Cela l’incite à moderniser son
mondial sur les formes et la vitalité du développement d’une processus de production pour réduire ce coût de manière à
société. L’idéal d’un développement industriel alimentant une maintenir sa profitabilité.
consommation de masse fit place aux concepts de développement
endogène, autocentré, et même de post-développement. En distin-
guant notamment le développement du développement écono- Cette confusion est notamment alimentée par la représentation
mique, ces théories mirent en valeur les formes non traditionnelle du développement durable (figure 2) qui insiste sur
économiques d’un développement dit « humain ». une intégration des trois dimensions économique, sociale et envi-
ronnementale dans la prise de décision et la conception des pro-
jets. Simple, cette représentation ne donne néanmoins aucune
1.1.2 Crise écologique indication sur la manière de procéder à cette intégration ni sur la
façon de résoudre les éventuelles contradictions susceptibles de se
Le développement durable fait intervenir une toute nouvelle faire jour entre les différentes dimensions. Par ailleurs, cette repré-
dimension aux théories sur le développement. Avec la prise de sentation donne l’impression que le développement durable prend
6
conscience d’une crise écologique à grande échelle au tournant la forme d’un équilibre harmonieux entre les trois sphères de
des années 1970, les pays du Sud pouvaient craindre que leurs vel- l’environnement, de l’économie et du social. Or, les décisions et
léités de développement ne soient entravées par les nouveaux les projets impliquent bien souvent des arbitrages dont le dévelop-
impératifs de protection de l’environnement. Ce qui conduisit pement durable prétend infléchir l’issue : à la prédominance des
Indira Gandhi à faire un premier rapprochement entre les deux objectifs économiques, il cherche à substituer l’urgence des impé-
enjeux en déclarant, à l’occasion de la conférence des Nations ratifs écologiques. C’est pourquoi le développement durable
unies sur l’environnement en 1972 : « La pauvreté est la forme requiert une rupture souvent douloureuse avec d’anciennes pra-
la plus grave de pollution ». C’est précisément au dilemme tiques que reflète mal ce schéma conciliant.
entre développement économique ou conservation de la nature
que le rapport Brundtland et le Sommet de Rio cherchèrent à
répondre : le concept de développement durable est une tentative
de concilier la protection de l’environnement et le dévelop-
pement économique. Or, cette conciliation, nécessaire sur le
plan politique, allait s’avérer difficile en pratique.
L’opérationnalisation du développement durable s’est heurtée à
un système économique étranger aux paramètres écologiques : les
ressources naturelles et la capacité de charge des écosystèmes
sont gratuites ou peu coûteuses, si bien que les agents écono-
miques n’en tiennent pas compte dans leurs décisions. Ce faisant,
ils engendrent ce qu’on appelle des « externalités Économie Société
environnementales » (voir encadré 2), c’est-à-dire que leur pro-
duction entraîne des coûts écologiques qu’ils n’assument pas
puisque ces coûts ne sont pas comptabilisés dans le bilan de leurs
opérations ; ces coûts se répercutent donc sur des tiers ou sont
assumés par l’ensemble de la collectivité. L’intégration de para-
mètres écologiques au système économique se traduit par de nou-
velles exigences qui entrainent souvent des coûts pour les
entreprises. En modifiant leur schéma de rentabilité, ces coûts sup-
plémentaires peuvent fragiliser des secteurs économiques entiers
et, par conséquent, les emplois qui en dépendent. Environnement
Développement
S’il propose de concilier l’économie, l’environnement et le durable
social, le développement durable n’aborde pas de front l’épineux
problème de la modernisation écologique de l’économie, c’est-à-
dire la manière d’intégrer les paramètres écologiques dans le fonc-
tionnement de l’économie. Cela a donné lieu à beaucoup de confu-
sion sur sa véritable signification et sa mise en œuvre, et nourri
des critiques quant à sa portée réelle. Figure 2 – Représentation traditionnelle du développement durable
149
6
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Référence Internet
G6050
Démarches d’éco-conception
en entreprise
par Agnès SZABO
Co-dirigeante
DAYnamics, Poitiers, France
1. Contexte..................................................................................................... G 6 050v2 - 2
1.1 Qu’est-ce que l’éco-conception.................................................................. — 2
1.2 Une approche multi-étape, multicomposant et multicritère ................... — 2
1.3 S’y retrouver dans les concepts : éco-conception, économie circulaire,
responsabilité sociétale des entreprises (RSE)… ..................................... — 3
2. Pourquoi se lancer dans un projet d’éco-conception ? ................ — 3
2.1 Respecter la règlementation en vigueur ................................................... — 3
2.2 Répondre aux exigences des parties prenantes....................................... — 3
2.3 S’inscrire dans des initiatives sectorielles ................................................ — 4
2.4 Être un acteur de la réduction des impacts environnementaux ............. — 5
2.5 Créer de nouvelles sources de bénéfices économiques
et commerciaux........................................................................................... — 5
2.6 Innover et dynamiser l’entreprise.............................................................. — 5
6
2.7 Faire évoluer son image en interne comme en externe .......................... — 6
3. Mettre en œuvre un projet d’éco-conception ................................. — 6
3.1 Facteurs clefs de succès ............................................................................. — 6
3.2 Points de vigilance ...................................................................................... — 7
3.3 Rôle des acteurs : une démarche à l’échelle de l’éco-système ............... — 7
3.4 Une démarche structurée en mode projet................................................ — 8
3.5 Outils spécifiques à l’éco-conception........................................................ — 11
3.6 Ressources pour mener son projet d’éco-conception ............................. — 11
4. Conclusion................................................................................................. — 12
5. Glossaire .................................................................................................... — 12
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. G 6 050v2
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Référence Internet
G6050
plus nombreuses sont les entreprises qui initient des démarches d’éco-conception.
Cet article abordera, outre une présentation de ce qu’est l’éco-conception, les
différentes raisons pour lesquelles les entreprises s’intéressent à cette démarche,
et comment déployer un projet d’éco-conception (facteurs clefs de succès, points
de vigilance, acteurs, méthodes, outils, ressources…).
1. Contexte
La phase de conception est identifiée comme cruciale dans le
cycle de création d’un produit ou d’un service, puisque c’est à ce
stade que sont déterminés les choix (matières, forme, processus Production
de production, recyclabilité, packaging…) qui vont plus ou moins
impacter l’environnement. Extraction
L’éco-conception apparaît donc comme une démarche offrant des
Transport
les possibilités maximales d’influer sur les impacts environnemen- matières
taux générés par la conception des produits, services ou procédés premières
de production.
C’est la raison pour laquelle de plus en plus d’entreprises choi-
sissent de mettre en place des démarches d’éco-conception, afin
d’élaborer des produits, services et procédés plus respectueux de
l’environnement.
Les produits éco-conçus sont réalisés de manière à avoir un impact Conception Usage
environnemental réduit. Ils sont à distinguer d’autres familles de pro-
duits qui contribuent à la réduction des impacts environnementaux
152
Référence Internet
G6050
Concrètement, lorsque l’on met en place une démarche d’éco- sa politique RSE à l’échelle du site industriel. L’éco-conception
conception en entreprise, on va passer en revue les impacts envi- des produits et des services est l’un des moyens d’actions de
ronnementaux, étape par étape, depuis l’extraction des matières l’entreprise pour réduire son impact environnemental sur son
premières jusqu’à la fin de vie du produit, en passant par la pro- site ; on pourra ainsi retrouver dans le SME d’une entreprise des
duction, le transport, l’utilisation par l’usager… C’est ce que l’on démarches d’éco-conception (NF EN ISO 14006:2020) aux côtés
désigne sous le terme d’ « approche multi-étape ». d’initiatives de recyclage ou de mobilité douce.
6
tous les composants du bien, est la raison pour laquelle on parle tions de la règlementation, aux habitudes du secteur ou sous
d’approche globale à propos de l’éco-conception. l’influence des clients et usagers de l’entreprise ; dans ce cas,
l’entreprise est fortement dépendante de la pression exté-
Cette approche globale permet de détecter – et donc d’anticiper – rieure et adopte une posture de réaction plutôt que d’antici-
d’éventuels transferts de pollution. pation ;
• si l’entreprise a intégré l’éco-conception dans sa stratégie, que
ce soit comme levier d’innovation (sur les produits, l’organisa-
1.3 S’y retrouver dans les concepts : tion de l’entreprise, son marketing, son modèle d’affaires…) ou
éco-conception, économie circulaire, en raison de la conviction environnementale du dirigeant, les
responsabilité sociétale motivations sont internes à l’entreprise ; cette posture est
caractérisée par l’anticipation et la proactivité.
des entreprises (RSE)…
Comme nous l’avons vu précédemment, l’éco-conception est
une méthode de conception centrée sur le produit. 2.1 Respecter la règlementation
Comment cette notion s’articule-t-elle avec d’autres concepts liés
en vigueur
au développement durable ? L’obligation de respecter les règlementations en vigueur, ou
Les démarches d’éco-conception, parce qu’elles visent à aug- l’anticipation d’un changement législatif, peuvent inciter l’entre-
menter l’efficacité de l’utilisation des ressources, s’articulent natu- prise à s’engager dans une démarche d’éco-conception.
rellement avec l’économie circulaire. L’éco-conception est d’ailleurs En effet, un certain nombre de produits sont soumis à des
identifiée comme l’un des sept piliers de ce modèle économique règlements nationaux issus de directives européennes prônant
qui rompt avec les modèles économiques classiques et promeut l’éco-conception. Les exigences peuvent porter sur les consom-
la sobriété en matière d’usage de ressources naturelles pas ou dif- mations d’énergie maximales, les quantités minimales de maté-
ficilement renouvelables, de consommation énergétique, d’émis- riaux recyclés utilisés pour fabriquer les produits, pour faciliter
sion de gaz à effet de serre. Les six autres piliers de l’économie leur démontage, l’intégration de pièces de rechange, la recyclabi-
circulaire sont l’approvisionnement durable, l’écologie industrielle lité des produits, sur les informations consommateur, sur la réali-
et territoriale, l’économie de la fonctionnalité, la consommation sation d’une analyse de cycle de vie…
responsable, l’allongement de la durée d’usage et l’amélioration
de la prévention, de la gestion et du recyclage des déchets.
À l’échelle de l’entreprise, l’éco-conception est identifiée dans les 2.2 Répondre aux exigences
systèmes de management environnemental et dans les pratiques de
responsabilité sociétale des entreprises ou RSE (ISO 26000) comme
des parties prenantes
une démarche préventive. Une démarche d’éco-conception s’inscrit Que ses clients soient des particuliers ou des donneurs d’ordre
ainsi comme réponse aux ambitions environnementales de l’entre- publics ou privés, l’entreprise doit constamment répondre aux
prise, telles qu’établies dans sa politique RSE. attentes de ses clients. Ces dernières années, les attentes environne-
C’est le système de management environnemental (SME) qui mentales des clients, quel que soit leur typologie, n’ont cessé de
définit comment l’entreprise déploie le volet environnemental de croître. Ainsi, le sous-traitant d’une entreprise soumise à l’obligation
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5.
des récifs artificiels ............................................................................
Perspectives et alternatives .........................................................
—
—
12
14
6
5.1 Propositions pour favoriser l’écoconception dans les projets
de génie écologique ........................................................................... — 14
5.2 Développement de nouvelles solutions et de nouvelles filières ...... — 14
5.3 Ouverture sur les « best practices » de l’écoconception en génie
écologique .......................................................................................... — 15
6. Conclusion........................................................................................ — 16
7. Glossaire ........................................................................................... — 16
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. GE 1 022
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1. Génie écologique
et écoconception : des liens Autres matières premières
Matières premières
étroits Valorisation Recyclage
Fabrication
CYCLE DE VIE
Enfouissement
1.1 Ingénierie écologique et génie /incinération Fin de vie Transport
écologique Utilisation
Afin de lutter contre ces menaces, différents principes sont appa-
rus à la fin du XXe siècle. Parmi eux, le génie écologique, qui cher-
che à répondre aux enjeux auxquels les sociétés sont maintenant Figure 1 – Étapes du cycle de vie du produit
confrontées tels que l’érosion de la biodiversité ou le changement
climatique. une approche multicritère où différents facteurs seront étudiés tels
que la consommation de matières premières, les risques de rejets
de polluants ou les impacts sur la biodiversité (figure 1).
La définition communément admise par les professionnels
présente le génie écologique comme « la conduite de projets Le principal outil utilisé dans une démarche d’écoconception est
qui, dans sa mise en œuvre et son suivi, applique les principes l’analyse du cycle de vie. L’analyse du cycle de vie (ACV) évalue
de l’ingénierie écologique et favorise la résilience des écosystè- l’impact environnemental d’un produit, d’un service ou d’un sys-
mes. » (Journal officiel du 18 août 2015). Le génie écologique tème en considérant toutes les étapes de son cycle de vie. Grâce à
permet notamment la reconstitution de milieux naturels, la res- cet outil, le fabricant va pouvoir identifier les étapes pouvant être
tauration de milieux dégradés et l’optimisation de fonctions améliorées afin de réduire les impacts environnementaux [G 5 500].
assurées par les écosystèmes.
L’ingénierie écologique est, quant à elle, définie comme 1.3 Génie écologique et écoconception
« l’ensemble des connaissances scientifiques, des techniques et
des pratiques qui prend en compte les mécanismes écologiques, Le génie écologique étant un concept relativement nouveau, le
appliqué à la gestion de ressources, à la conception et à la réalisa- concept d’écoconception lui est encore très peu relié. Pourtant, les
tion d’aménagements ou d’équipements, et qui est propre à assu- principes fondamentaux de ces deux concepts se rejoignent : déve-
rer la protection de l’environnement. » (Journal officiel, 2015). lopper de nouveaux systèmes durables (que ce soit des produits,
des services ou des écosystèmes) en préservant l’environnement
6
L’ingénierie écologique doit répondre aux trois principes (que ce soit en limitant les impacts ou en restaurant ce qui a été
suivants : dégradé). On retrouve aussi un désir de minimiser l’empreinte
matérielle des aménagements en réduisant l’utilisation de maté-
– suivre une démarche basée sur les principes de l’ingénierie,
riaux superflus et en choisissant des matériaux dont l’empreinte
autrement dit avoir une approche technique rigoureuse et scienti-
écologique est réduite à son minimum.
fique dans la conception, la réalisation et le suivi du projet ;
– utiliser les processus naturels des écosystèmes comme outils De nouvelles approches dans le milieu de la construction voient
pour mener à bien le projet ; d’ailleurs le jour pour pouvoir bâtir tout en favorisant la biodiver-
– l’amélioration, la restauration, la conservation et la non-dégrada- sité (réaliser des diagnostics écologiques lors de la conception,
tion de l’écosystème doivent être au cœur de la finalité du projet [1]. construire en préservant le milieu, choisir les bons matériaux, recy-
cler et rénover lors de la fin de vie des bâtiments) [3].
Les objectifs de l’ingénierie écologique sont :
Les grands principes du génie écologique et de l’écoconception
– la restauration durable d’écosystèmes qui ont été perturbés par retrouvent des objectifs communs visant à :
les activités humaines et ;
– le développement de nouveaux écosystèmes résilients qui ont – minimiser l’impact négatif sur l’écosystème ;
une valeur écologique et humaine. – favoriser le développement de la biodiversité par la restaura-
tion ou la création de nouveaux habitats.
Pour illustrer ces concepts, voici quelques exemples :
Lorsque l’on veut s’intéresser à l’écoconception dans le cadre de
– renaturation des cours d’eau afin de restaurer les écosystèmes ;
– création d’habitats lors du réaménagement de gravière ; projet de génie écologique, il faut d’abord s’intéresser aux maté-
– réhabilitation des berges des rivières afin de limiter l’érosion et riaux utilisés.
les risques d’inondation ;
Un exemple d’opération de génie écologique est la création d’une
– restauration de prairies afin de retrouver leur richesse écologique.
haie. Le gouvernement français a d’ailleurs annoncé lors du sommet
« One Planet » un programme de plantation de haies de plus de
7 000 km. Cette opération a pour objectif de préserver les sols, les
1.2 Écoconception espèces et les récoltes agricoles.
Afin de créer une haie, plusieurs matériaux peuvent être utilisés et
La définition de l’écoconception d’après la directive européenne
les choix de ces matériaux auront des conséquences sur les impacts
(n 2009/125) consiste en : « l’intégration des caractéristiques envi-
environnementaux du projet.
ronnementales dans la conception du produit en vue d’en amélio-
Pour assurer la bonne marche du projet, l’utilisation de paillage est
rer la performance environnementale tout au long de son cycle de
nécessaire. Ce paillage a plusieurs fonctions afin de protéger les sols
vie ». L’écoconception permettrait donc de réduire les différents
et ils sont fabriqués avec différents types de matériaux (plastiques,
impacts qu’un produit ou service peut avoir sur l’environnement,
fibres végétales, minéraux…).
tout au long de son cycle de vie. Le cycle de vie prend en compte
De la même manière, il est souvent nécessaire de protéger les jeu-
toutes les activités du produit ou service lors de sa fabrication, de
nes plants avec des manchons en plastique ou du grillage en acier.
son transport, de son utilisation et enfin de son élimination.
Se posent alors plusieurs questions :
L’écoconception va ainsi s’appuyer sur une approche multiétapes, – pourquoi utilise-t-on ce type de matériaux ?
en étudiant chaque étape du cycle de vie du produit mais aussi sur – s’agit-il uniquement d’une question de coût ?
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métiers est le génie écologique, des entreprises d’autres hori- étapes de l’exploitation du pétrole engendrent des émissions de
zons qui sont amenées à intervenir dans les projets (maı̂trise gaz à effet de serre, le raffinage rejette des oxydes de soufre, des
d’ouvrage, travaux…), des bureaux d’études qui peuvent inter- oxydes d’azote, des composés organiques volatils (COV), du mono-
venir à de nombreux niveaux : conception, inventaires, suivis, xyde de carbone et autres. Les émissions de particules sont au cen-
travaux, formation… Les entreprises agricoles, de travaux tre des préoccupations du fait de leurs impacts sur la santé et sur la
publics et du paysage peuvent être amenées à intervenir sur biodiversité. L’industrie du pétrole est d’ailleurs la plus grande
certaines opérations de génie écologique. Il existe également source industrielle de COV. Elle nécessite aussi des quantités
de nombreuses fédérations et associations intervenant sur la importantes de matières brutes et d’énergie pour fonctionner.
thématique du génie écologique comme, entre autres, l’Asso- L’eau est utilisée de manière intensive comme eau de procédé et
ciation fédérative des acteurs de l’ingénierie et du génie écolo- pour le refroidissement. Son utilisation peut entraı̂ner sa contami-
giques (A-iGÉco), l’Union professionnelle du génie écologique nation par des produits huileux. Se rajoutent à tous ces risques les
(UPGE), le Réseau d’échanges et de valorisation en écologie de fuites de pétrole et de plastique qui sont désastreuses pour l’envi-
la restauration (REVER), l’Association française interprofession- ronnement. Toutefois, il s’agit d’une industrie mature, de nombreu-
nelle des écologues (AFIE)…. ses réglementations sont mises en place pour limiter et prévenir
Les associations et les gestionnaires d’espaces naturels sont ces risques pour l’environnement (filtres pour les particules, traite-
aussi des acteurs privés amenés à participer à certaines phases ments de l’eau, protocoles pour éviter les fuites…) [6].
d’un projet de génie écologique (inventaires, diagnostics éco-
logiques, travaux participatifs, travaux d’insertion profession- 2.1.2 Fabrication
nelle…) ou à porter des projets dans leur ensemble.
Face à la nécessité de partager les bonnes pratiques et de met- Le plastique est composé de polymères, de charges, de plasti-
tre à la disposition des acteurs du génie écologique les res- fiants et d’additifs. En effet, lors de la synthèse des polymères, on
sources et les informations utiles, le Centre de ressources y ajoute des adjuvants pour donner certaines propriétés au plas-
génie écologique a vu le jour en 2015. Porté par l’Office fran- tique. Les additifs sont des colorants (pigments organiques ou pig-
çais de la biodiversité, il participe au développement des com- ments minéraux), des retardateurs de flamme (oxyde d’antimoine
pétences et à l’accompagnement des acteurs pour la mise en ou paraffines chlorées), ou encore des antioxydants. La plupart de
œuvre des politiques publiques et leur engagement en faveur ces adjuvants sont toxiques pour l’homme et pour l’environnement
de la biodiversité. (cancérigène, mutagène, reprotoxique, perturbateurs endocri-
Il s’agit d’un dispositif multipartenarial et collaboratif qui fonc- niens…). L’un des exemples le plus connu est l’utilisation de phta-
tionne grâce aux professionnels et pour les professionnels. lates comme plastifiant pour le PVC, les phtalates étant des pertur-
Le Centre de ressources génie écologique s’appuie sur trois bateurs endocriniens [7].
moyens d’actions indissociables pour mobiliser les acteurs : Les colles et les thermoliants sont aussi des plastiques de la famille
– animation de réseaux (évaluation des besoins, organisa- des polyépoxydes. Il s’agit d’un matériau thermodurcissable : une
tion d’événements techniques, coordination de projets…) ; résine époxyde réagit avec un durcisseur sous l’effet de la chaleur
– accompagnement technique (conseil, formation…) ; pour former un polyépoxyde. Les deux réactifs de départ sont toxi-
– production et mise à disposition de ressources techniques ques. En effet, dans plus de 75 % des cas, on fait réagir de l’épichlo-
et scientifiques (méthodes et outils, retours d’expériences, rhydrine (cancérigène possible) [8] avec du bisphénol A (perturbateur
agendas, annuaires…). endocrinien) [7] pour former la résine époxyde. Elle réagit ensuite
avec des diamines comme l’éthylènediamine (nocive pour les
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1. Marketing : nouveau levier Exemple : Murdeau est une entreprise qui a saisi une opportunité
du développement durable pour créer son produit : ils fabriquent des
d’innovations briques d’eau empilables pour récupérer les eaux de pluies. Le mar-
keting a créé une différenciation où l’acheteur fait des économies
d’eau, mais également l’intègre dans les actions de son bilan durable.
& Définition opérationnelle du développement durable
Le développement durable ne fait plus partie des bons senti- 1.1 Raisons de faire évoluer le marketing
ments, des actes qui dépendent de la « bonne volonté », et n’obéit
plus à des croyances, c’est-à-dire « y croire ou ne pas y croire ».
Il est entré de plein fouet dans l’économie qu’il a revisité et fait Pour acquérir de nouvelles conceptualisations et compéten-
évoluer. Cette nouvelle économie est « l’économie partenariale » ces, le marketing doit renoncer à certaines habitudes devenues
qui ajoute à la création de valeurs actionnariales, une création de obsolètes : « on ne peut pas résoudre un problème avec le rai-
valeurs sociétales. sonnement qui l’a créé », disait Einstein. Dans toute création
nouvelle, pour construire, il faut s’appuyer sur des acquis et en
Ces créations de valeurs concernent quatre domaines : l’écono-
déconstruire d’autres.
mie, l’environnement, le social et le sociétal.
Mais qu’est-ce que ces créations de valeurs signifient concrète-
ment, dans le quotidien de l’entreprise ? C’est très simple, il suffit 1.1.1 Inquiétude du consommateur face à la crise
de se poser quatre questions, quel que soit le sujet de réflexion ou
d’actions (tableau 1). Nous ne sommes pas en crise, mais en état de changement de
civilisation. Demain ne sera plus jamais pareil qu’aujourd’hui. Ce
que nous traversons n’est pas un état provisoire, mais une rupture
Une définition simple : anticiper pour s’adapter. car quelque chose de nouveau se construit discrètement sous nos
yeux. Alors que voulons-nous, que cela se fasse contre nous ou
& Nouveau marketing avec nous ?
Le marketing, jusqu’ici, est spécialiste d’une cible (les clients), Comme notre culture de super-consommation arrive en bout de
d’un sujet (le marché) et d’un objet (le produit). Cela se traduit opé- course, cela rend les consommateurs fébriles et inquiets. Les pro-
rationnellement par une expertise : duits s’épuisent dans une surabondance de diversité et de quantité.
Aujourd’hui un bon consommateur est un consommateur frustré :
– de la marque, qui est la promesse tacite faite au client et, de ce le produit qu’il vient d’acheter est déjà dépassé et celui qui va le
fait, crée un signe distinctif du produit. En outre, la marque est une
supplanter n’est pas encore en vente.
des valeurs immatérielles de l’entreprise ;
6
– des fameux 4P = prix, publicité-promotion, produit et « place » Le marketing, dans sa course olympique à la tartufferie, a créé des
(l’emplacement dans le magasin, force de vente, etc.). besoins farfelus, inutiles. Dans cette offre surabondante, le consom-
mateur est complètement perdu et ne sait plus quelle machine à
Pour réaliser les mutations qui vont permettre à l’entreprise de laver acheter, tellement les « sur-sophistications » sont importantes,
s’adapter, le marketing s’enrichit et s’ouvre sur des horizons inex- alors qu’on utilise seulement un ou deux programmes.
plorés à défricher. Il devient un moteur puissant, déclencheur de
nouvelles voies de développements. Il garde sa mission « histo- Les produits sont tellement complexifiés, tant dans l’offre que
rique », mais il élargit ses missions avec comme nouveaux dans la présentation commerciale où chacun ajoute son degré de
objectifs : différence – comme étant essentielle –, que le consommateur ne
comprend plus rien. Trop d’offre tue l’offre. Et le marketing s’arra-
– être un outil d’innovation, de créativité pour créer de nouveaux
produits ; che les cheveux pour savoir comment faire pour attirer, retenir et
– élargir ses cibles : au-delà du client, apprendre à devenir un fidéliser une clientèle dont il a rendu la boussole folle.
spécialiste de toutes les parties prenantes de l’entreprise ;
– élargir son sujet : au-delà du marché produit, devenir un expert & De plus en plus d’insécurités
du nouveau marché du développement durable ; Dans la course au moins cher, la qualité ne suit pas toujours, les
– élargir son objet : devenir un expert des nouveaux sujets produits chimiques induits n’ont pas que des conséquences positi-
d’innovation entrepris par son entreprise, pour donner du sens à ves sur la santé, sans même parler de l’environnement.
l’action.
Le consommateur achète un produit qui est déjà obsolète, ou un
& Le marketing et le développement durable font bon ménage produit à l’obsolescence souvent programmée. Alors que les nor-
mes, les certificats, les progrès scientifiques vont tous crescendo,
L’essentiel d’une entreprise, c’est son produit, et le développe-
la défiance est devenu le premier réflexe de l’acte d’achat.
ment durable offre des produits revisités ou des nouveaux pro-
duits. Le marketing trouve des solutions nouvelles en s’inspirant Le doute subsiste sur tout, l’alimentation étant doublée d’inquiétu-
des opportunités du développement durable, et les bonnes idées des : quid des produits chimiques ? Quid des salmonelles ? Quid de
du développement durable servent les intérêts du marketing en la vache folle ? Une mère de famille qui fait ses courses est une
créant une différenciation concurrentielle et en donnant un sens femme stressée qui se demande ce qu’elle est entrain d’acheter
vertueux à l’achat. comme poison, pour ceux qu’elle aime : Mithridate est dans le caddy.
Tableau 1 – Les quatre questions à se poser quel que soit le sujet de réflexion de l’entreprise
Type de valeur Économique Environnemental Social Sociétal
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Sans compter la nouvelle insécurité qui se profile : celle de une sorte de suicide collectif. Alors, chacun traı̂ne plus ou moins
l’approvisionnement en matières premières qui accroı̂t les risques les pieds sur le sujet, mais sait au fond de lui qu’il sera obligé de
de famine d’une bonne partie de la population mondiale. changer ses modes de consommation et de comportement.
& De plus en plus de diminution de pouvoir d’achat
Sans parler des pays émergents, ou sous-développés, ni même 1.1.4 Nécessité du marketing d’avant-garde
des pays en fragilité, entrés dans l’Union européenne, parlons
d’abord de la France. Actuellement, un tiers de la population fran-
çaise s’en sort, un autre tiers s’accroche pour tenir et le dernier tiers Le « nouveau marketing » est celui qui intègre les nouveaux
survit. Et le tiers du milieu glisse lentement vers le bas. Et par-des- comportements des consommateurs et les nouveaux outils mis
sus le marché, avec les prix qui augmentent partout, les produits à sa disposition (Internet, e-commerce, forums, blogs, réseaux
coûtent de plus en plus chers. Les consommateurs font plus que sociaux, etc.). Il s’adapte à aujourd’hui et est ré-actif, parce
le ressentir, ils le vivent. qu’il réagit.
Le « marketing d’avant-garde » s’engage dans des expérimen-
1.1.2 Transparence commerciale d’Internet tations afin d’acquérir une expertise : il prend de l’avance sur les
comportements et les besoins et crée de nouveaux outils, dans
Un internaute « qui cherche » essaie de trouver les points néga-
un avenir à moyen terme. Il est pro-actif, car il influence les pra-
tifs d’un produit : il est en quête du sérum de vérité. Et lorsqu’il tiques d’avenir.
trouve, il connaı̂t la réalité. À ce moment-là, il regarde si le négatif
découvert comporte des inconvénients qu’il est capable d’accepter
ou non. Ce qui semble être d’avant-garde aujourd’hui, n’est que la normale
& Une surinformation négative demain. Ceux qui n’auront pas acquis rapidement ces nouvelles com-
pétences vont rapidement se retrouver relégués à l’arrière-garde.
D’une part, paradoxalement, la qualité des informations données
par les entreprises sur leurs produits est souvent jugée par les Nous avons besoin de ces innovations et expérimentations qui
consommateurs insuffisante ou pas assez fiable. D’autre part, créent :
alors que les clients sont noyés dans l’hémorragie des informa-
– de plus en plus de solutions : plus les acteurs créent ce nou-
tions, contre-informations, surinformations, ils ne savent plus faire
veau marketing, plus de nouveaux leviers apparaissent pour inven-
la part des choses entre fausses croyances, rumeurs, voire
greenwashing. ter des solutions, plus les expériences réussies sont partagées et
plus les entreprises s’enrichissent et deviennent fortes face à
L’information seule n’est plus suffisante pour éclaircir l’objet des l’avenir ;
préoccupations. – de plus en plus de compétences : les collaborateurs qui s’enga-
Nota : le greenwashing consiste à présenter comme existantes ou vraies des actions gent dans des nouvelles voies avant les autres acquièrent des com-
6
qui n’existent pas. Synonyme de mensonge en communication.
pétences précieuses qu’ils peuvent valoriser sur leur CV. Le nou-
& De plus en plus de liens veau rôle des entreprises est de savoir retenir ces nouveaux talents.
Si les consommateurs trouvent des informations sur les pro-
duits, ils trouvent aussi des commentaires sur les produits ! Et ces
commentaires ne sont pas toujours bienveillants. Comme un inter- 1.2 Nouveaux défis du marketing
naute avertit en vaut deux, il sait que ce qu’il lit n’est pas toujours
posté par des personnes objectives et que les commentaires flat- En quoi le marketing peut-il être utile ? Quelles sont les nouvelles
teurs sont souvent le fait de services marketing très organisés… missions qu’il peut avoir ?
du coup, le surf s’accentue pour aller trouver les vrais commentai-
res qui, eux, ne mentent pas. 1.2.1 Enjeux
Les consommateurs se mettent en réseau pour créer une chaı̂ne
et faire contrepoids aux allégations marketing, aux problèmes de Dans le langage développement durable, un défi ou un enjeu est
qualité, voire aux arnaques. un obstacle qu’il va falloir franchir : c’est, en langage courant, le
synonyme de problème. Et pourtant, il y a une notion entre enjeu
Exemple : le site http://forum.lesarnaques.com/ traite de beau- et problème qui rend ces deux mots très différents.
coup de sujets. Dans la catégorie « litiges Vente à Distance », il y a
plus de 11 000 sujets avec plus de 62 000 messages.
Le problème est un ennui à résoudre avec une vision de court
1.1.3 Développement durable : une valeur sûre qui terme. Un enjeu est aussi à résoudre, mais à plus long terme et
rassure surtout c’est un problème d’intérêt général, quelque chose qui
concerne tout le monde. Avoir une vision prospective globale
Le développement durable porte des valeurs de transparence et de permet de comprendre ces nouveaux défis (tableau 2).
qualité, il est porteur de vérité et de relations humaines authentiques.
& De plus en plus de sens
1.2.2 Impacts sur les produits de l’entreprise
À prix égal, il est plus agréable de choisir le produit qui a des
avantages sociétaux. Beaucoup d’internautes cherchent ces infor- La conséquence est la suivante : comment fabriquer des produits
mations sur les produits. Les sites d’entreprises engagées dans qui seront encore réalisables dans 20 ans, compte tenu de la raré-
cette démarche se caractérisent par une différence dans le ton de faction des matières premières de l’eau et de l’énergie, et qui cor-
communication : des postures rassurantes par des accents de respondront à de vrais besoins à la portée de toutes les catégories
vérité qui ne trompent pas, et des réponses claires aux vraies sociales ? Il va falloir créer des produits très innovants, bons pour
questions. l’homme et sains pour la nature, en dehors de toute obsolescence
& De plus en plus de conscience programmée.
La culture ambiante, qu’on l’aime ou pas, fait que chacun sait De nouvelles questions sont à se poser qui, aujourd’hui, ne nous
que de gros problèmes se profilent à l’horizon. Continuer dans sont pas familières : il s’agit en fait d’identifier des risques émer-
cette voie est non seulement impossible, mais correspondrait à gents pour créer des produits innovants (tableau 3).
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2. Élaboration d’une nouvelle & Les quatre nouvelles questions pour créer, adapter son produit
La vraie révolution du développement durable se situe à ce
stratégie marketing niveau. Il est paradoxalement plus simple de faire du développe-
ment durable dans la fabrication que dans la conception même du
produit produit.
Tous les services marketing du monde le savent, ce qui fait ven-
dre, c’est d’abord l’avantage direct du consommateur. Alors pour-
quoi avoir quitté les bonnes vieilles recettes qui marchent ?
La stratégie ne consiste plus à ajouter un peu plus de valeurs
Il faut ré-entrer dans une démarche purement marketing même,
ajoutées à des produits qui seront irréalisables et invendables
et surtout, en développement durable : l’avantage direct du
demain, mais à reconcevoir en profondeur des produits qui cor-
consommateur. En fait, les quatre nouvelles questions sont des
respondront aux besoins des consommateurs et aux possibili-
leviers de créativité et d’innovation qui permettent aux entreprises
tés matérielles de demain.
de trouver de nouvelles solutions (tableau 5).
6
Le mode de questionnement est présenté ci-après. aujourd’hui par le consommateur, mais réels (marketing de la
demande), et de les imposer sur le marché (marketing de l’offre).
& Les quatre nouvelles questions pour adapter l’organisation L’intérêt de regarder les enjeux, afin d’y répondre par des produits
(tableau 4) qui correspondent à de vrais besoins, devient plus évident.
Nouvelle gestion Gestion économique Gestion environnementale Gestion sociale Gestion sociétale
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Un constructeur de maisons
individuelles construit des En reprenant toujours le
Étant donné que cette mai-
maisons bien isolées qui même exemple, comme les
son consomme peu de
consomment moins de prix des énergies vont
chauffage, elle émet peu de
chauffage que la réglemen- augmenter d’une manière
CO2, cela permet donc de
tation en vigueur. Que va-t-il insupportable, beaucoup
limiter la pollution globale.
se passer pour l’utilisateur ? de famille aujourd’hui ne
Ils seront développés dans Et comme la famille restera
Exemples Comme il consomme moins pourront plus payer leurs
cet article. en bonne santé, cela parti-
de chauffage, il fait des éco- factures d’énergies. La fa-
cipe à ne pas accroı̂tre les
nomies financières. Cet ar- mille qui va occuper la
dépenses de santé pu-
gent gagné, il peut le mettre maison pourra se chauffer.
blique.
dans ses vacances… Avantage direct pour le
L’utilisateur payera donc
Avantage direct de l’écologie consommateur : « je garde
moins d’impôts.
contenue dans la maison : mon confort et ma santé ».
« je pars en vacances ».
& Concevoir un produit qu’on pourra encore fabriquer dans 20 ans En général, être le premier sur un marché laisse la possibilité
d’en devenir le leader. Plus vite l’entreprise prend de l’avance, de
Pour concevoir cela, il faut aller regarder de l’autre côté du
l’expérience, plus elle accroı̂t ses chances de réussir ce challenge.
miroir, c’est-à-dire à un horizon de 20 ou 30 ans, pour s’imprégner
des grands sujets qui vont influer sur nous. Il s’agit de faire de la En revanche, ceux qui traı̂nent les pieds, ou ne s’y mettent pas
prospective business. Ceci n’est pas très compliqué, tous les sujets rapidement, auront beaucoup de difficultés pour s’adapter à acqué-
sont amplement développés et structurés dans beaucoup d’études rir les compétences humaines, l’expérience, auront des difficultés
et dans toutes les questions ISO 26000. Il suffit de s’y référer pour pour avoir les finances et n’auront pas le temps nécessaire. Ils
avoir un guide efficace de réflexion. réduisent ainsi leurs chances de survie économique.
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