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William Monlouis-Félicité

David Melki Jean-Claude Javillier

Vers les nouveaux

mondes du travail
Accueillir le bouleversement – Comprendre les enjeux – Structurer
l'avenir – Relever les défis de la pandémie
 

 
© William Monlouis-Félicité, David Melki Jean-Claude Javillier, 2022
ISBN numérique : 979-10-262-9930-1

www.librinova.com
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ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L335-2 et suivants du Code de la propriété
intellectuelle.
 
Jean-Claude JAVILLIER
 

Jean-Claude Javillier, agrégé des Facultés de Droit (France, 1973), a


enseigné le Droit du travail et des relations industrielles comparées à
Bordeaux (Université de Bordeaux IV), puis à Paris (Université Paris II). Il
a été professeur invité aux Universités de Leuven, d’Oxford, d’Ottawa et de
Sao Paulo, ainsi qu’à l’Institut japonais du Travail à Tokyo et titulaire de la
Chaire du Prix Nobel de la Paix attribué à l'Organisation internationale du
Travail (Chaire David MORSE, Université de Liège - Institut International
d’Études Sociales, Bureau international du Travail, Genève, 1993). Docteur
Honoris Causa de l’Université d’Anvers. Au Bureau International du
Travail (Organisation Internationale du Travail, Genève), de janvier 2001 à
octobre 2007, il a occupé les postes de Directeur du Département des
normes internationales du travail, puis de Conseiller principal à l’Institut
International d’Études Sociales. Depuis novembre 2007, il est professeur
émérite à l’Université Panthéon-Assas (Paris-II) et a été conseiller
scientifique à la chaire de régulation de l’Institut d’Etudes Politiques de
Paris. Président d'honneur de l'association des auditeurs en Intelligence
économique de l’IHEDN et de l’Association Française pour l’OIT. Il
préside l'observatoire européen des Think tanks, ainsi que le Comité éthique
du régime d’assurance des salaires (AGS).
 

« En hommage à toutes celles et ceux qui œuvrent, à travers le monde,


dans la discrétion et le quotidien, pour la dignité de toute Personne humain
au travail, quel qu’il soit »

David MELKI
 

Entrepreneur français. Diplômé de l’Ecole Centrale Paris, d’Audencia et


de University of Cincinnati, il a participé à 9 projets d’entrepreneuriat et de
création de startups, en France et aux Etats-Unis. Il sera également en
charge du marketing stratégique et des offres de la Chaine CANAL+
pendant plusieurs années. Spécialiste des tendances émergentes, toujours en
ligne de front des nouveaux usages et des nouveaux paradigmes, il est aux
premières loges des mutations sociétales émergentes. En 2016, il lance
WantMore.Work afin de répondre aux enjeux du match-making
professionnel. En 2018 il fonde RastherMind Media, société de production
numérique aux contenus axés « Lifestyle & Society » basées sur l’audio.
Dans ce cadre il est fondateur, producteur et animateur de Tech Me to The
Moon. Cette série de podcast livre l’échange qu’il a avec des spécialistes
autour de multiples interrogations dont une qui l’animent en particulier  :
« alors qu’on nous promet souvent la lune, toutes ces révolutions techniques
et technologiques participent-elles à la création d’un monde désirable ou
détestable ? »
 
 

À ma fille Raphaëlle
William MONLOUIS-FELICITE
 

Après plus d'une dizaine d'années en tant que dirigeant de filiales dans
divers secteurs, william MONLOUIS-FELICITE s'oriente vers le conseil en
responsabilité sociale des entreprises. Expert en normalisation, il a participé
au Comité National de «  Développement durable et responsabilité
sociétale » au sein de l'AFNOR, notamment dans la phase de rédaction et de
développement de la norme ISO 26000. Il a été pendant plusieurs années en
charge des cours d’éthique des affaires et RSE à NEOMA Business School
et également au sein de l’IAE Aix-Marseille Graduate School of
Management, à l’ISG Paris et Toulouse Business School. Il enseigne
également au CNAM Paris. Praticien en coaching individuel et d'équipe,
formateur et superviseur de coach il assure aujourd’hui la direction de la
formation de l'Ecole Linkup-Coaching. Diplômé de l’Institut des Hautes
Etudes de la Défense Nationale (IHEDN) en « Intelligence économique et
stratégique  ». Sur le plan de la recherche William Monlouis-Félicité est
doctorant au laboratoire de droit social de l'Université Paris 2 Panthéon-
Assas et s’intéresse au phénomène d’intelligence normative et de
transformations des relations de travail.
 

À Alexandre, Lou-Anne et Maya


Remerciements
 
 
 
 
 

Esther Melki
Valérie Monlouis-Félicité
Cécile Desaunay – Futuribles
Michaël Amado - Cabinet Amado
Rafik Smati - Groupe Aventers
Christian Monlouis-Félicité
Louis Kergall
Emery Jacquillat
Joël de Rosnay
Mathieu Ricard
 
 

Remerciement particulier à Betty Bente Hansen et à tous les artisans du


changement qui nous ont consacré de leur temps, ils sont les artisans du
monde de demain.
 
 
 
 
 
 
 
 

Dédicace à nos parents, épouses, nos enfants et petits-enfants symboles


de la génération future.
Introduction
 
 

Les mutations du monde du travail ne sont, au fond, pas nouvelles. Elles


sont aussi anciennes que le monde du travail lui-même, car ce dernier n’a
cessé d’évoluer, au gré du progrès technique, social et humain, au gré aussi
de facteurs géopolitiques et désormais avec l’ère de la pandémie de la
COVID-19, au gré des crises épidémiques majeures. Le monde du travail
imprégné de cultures et de traditions entre guerres et paix, regroupement ou
éclatement de Nations et d’États, s’inscrit dans l’histoire d’un pays. Avec
l’industrialisation rapide, en accompagnant le développement économique,
il a donné aux travailleurs un certain pouvoir qu’ils ont su utiliser, pendant
des décennies, pour conquérir des droits sociaux, une meilleure protection
pour leurs familles et des meilleures conditions de travail. Mais parce que le
droit du travail s’est écrit parfois dans le sang, l’acquisition de nouveaux
droits, essentiellement inspirés du monde du travail ouvrier, s’est forgée
plus dans un esprit de combat que de négociations. La lutte des classes a
fortement imprégné les revendications, opposant frontalement (et parfois de
manière caricaturale voire contre-productive) les intérêts des salariés à ceux
de l’entreprise. Quitte à rendre impossible parfois l’idée même d’un
consensus, parce qu’impensable.
La reconstruction de l’après Seconde Guerre mondiale a entraîné des
besoins massifs en production, en bras et en cerveaux  ; le management
d’alors consistait à répondre à cette énorme demande. Et la consommation,
qui par un effet de concurrence, s’est largement démocratisée, invitait dans
son monde merveilleux les classes dites laborieuses. La publicité et le
développement du crédit ont fait le reste. Toujours plus de travail, toujours
plus de consommation et d’innovation et toujours plus de droits sociaux à
conquérir.
Ainsi, le travail a largement dépassé sa première fonction, à savoir
fournir un salaire pour subvenir à des besoins primaires pour répondre à des
envies de loisirs, de culture et d’émancipation. Il est devenu également pour
de nombreux salariés, une seconde famille, une tribu avec ses règles, ses
repères, porteur de valeurs de solidarité et générant une identité collective.
La machine semblait bien huilée… Il aura fallu les divers chocs pétroliers
des années soixante-dix et leurs conséquences économiques, notamment sur
l’emploi  ; il aura fallu le spectacle effrayant des premières grandes
catastrophes écologiques et leurs conséquences sur l’homme et son
environnement pour qu’une prise de conscience à l’échelle planétaire
émerge. D’une part, la croissance n’était pas infinie  ; d’autre part, loin de
garantir un meilleur avenir à l’homme, la surproduction à l’échelle
mondiale pouvait au contraire se révéler une véritable menace pour celui-ci
en termes d’écologie et d’aggravation des inégalités entre pays riches et
pays pauvres, autrement dit pays du Nord et pays du Sud.
Avec la globalisation des échanges commerciaux dans les années quatre-
vingt et l’ouverture des frontières aux marchandises, ce sont les salariés qui
sont entrés en concurrence sur le marché et non plus seulement le produit de
leur travail. Les pays du Sud offraient - et offrent toujours - une main-
d’œuvre bon marché et moins revendicative. Beaucoup d’entreprises ont
d’ailleurs délocalisé leur production, sans trop se soucier des conditions de
travail de leurs employés et de l’impact écologique de leur activité.
Le développement prodigieux des nouvelles technologies dans les années
quatre-vingt-dix aura achevé de modifier durablement le monde du travail.
D’un côté, la mécanisation puis la robotisation ont été synonymes de
destruction de pans entiers de l’emploi. De l’autre, les TIC (Technologies
de l’Information et de la Communication) ont bouleversé l’organisation
interne  : Rythmes de travail, hiérarchie, horaires, lieux de production…
Force est de constater que la crise économique et financière qui sévit en
Europe depuis 2008, aggravé par la crise sanitaire de la Covid-19 de 2020
et des années suivantes, sont certainement des facteurs aggravant  :
fermetures d’entreprise, augmentation du chômage, de la précarité, de la
pauvreté, des inégalités face au travail. Dans ce contexte il est indéniable
que la pandémie COVID-19 aura joué également un rôle d’accélérateur voir
d’électrochoc historique à tout niveau en nous propulsant sur des
changements profonds dans l’univers des relations de travail.
 

Les ressources humaines ont dû s’adapter. Cette mutation n’est pas une
transformation d’un ancien monde vers un nouveau monde ; cette mutation
est « LE » nouveau monde du travail. À savoir un changement permanent,
rapide et qui a des chances d’être perpétuel…Un bouillonnement qui, en
laissant certains salariés sur le côté, laisse également perplexes les habitués
du bureau, de l’usine, des espaces traditionnels du travail. Pour autant, ce
monde en perpétuel changement, fait d’interactivités, de connexions et de
projets à construire toujours plus vite, s’est révélé être une aubaine pour les
jeunes générations. Car il fait appel à plus d’inventivité, plus d’adaptabilité,
plus d’échanges et plus de mobilité. Autant d’aptitudes qui ont su séduire
les créateurs et innovateurs. Pour nombre de jeunes, le télétravail, le
coworking et le mode projet sont bien plus attrayants et plus enrichissants
sur le plan professionnel, mais aussi sur le plan humain, que l’entreprise
hyper-hiérarchisée avec ses horaires et sa rigidité. Quant au syndicalisme, il
leur semble de plus en plus éloigné de la défense de leurs droits, pour ne
pas dire dépassé par leur schéma d’appréhension des problématiques
contemporaines.
Ces nouvelles formes de travail sont-elles en train de détruire
l’indispensable « lien social » que les hommes tissent entre eux, au-delà de
leurs intérêts individuels  ? La réponse est clairement «  Non  »  ! Les
nouvelles technologies de l’information ont aboli bien des frontières. Le
partage rapide des informations a permis de mettre en évidence les
interactions entre les activités d’une entreprise et son impact humain et
écologique. En conséquence, toutes celles et ceux salariés, comme
travailleurs indépendants ont au contraire une exigence éthique de plus en
plus forte et demandent un encadrement qui va dans ce sens.
L’ampleur de la crise sanitaire de 2020 et 2021 contraint les sociétés à
naviguer dans un environnement inédit et à répondre aux défis humains,
sociaux et environnementaux engendrés par cette crise. Ces préoccupations
sont au cœur de la notion de Responsabilité Sociétale des Entreprises. Dans
un monde complexe, de plus en plus interdépendant, impactant, où tout
s’accélère, ce concept semble apporter une réponse propre à rassembler tous
les acteurs de l’entreprise et de son système. Il oblige à poser le
management d’aujourd’hui autour d’un projet de développement durable
tant sur le plan économique qu’éthique. Encore faut-il favoriser et penser
les conditions de nouvelles régulations qui, au-delà des règles du travail,
favoriseront l’adaptation, le changement, l’innovation, dans des conditions
humainement responsables et acceptables.
Le changement de paradigme du monde du
travail
 
 

William MONLOUIS-FELICITE
Le temps des incertitudes 

- Genèse de nouveaux paradigmes


 
 

Nous changeons le monde plus rapidement que nous pouvons changer


nous-mêmes, et nous appliquons au présent les habitudes du passé. Le
monde change et cela n’a rien de nouveau. Ce qui semble inédit par contre,
c’est la radicalité des changements que nous vivons aujourd’hui à toutes les
échelles  (du local au planétaire), leurs imprévisibilités, leurs amplitudes.
Les grilles de lecture de la réalité sont de plus en plus complexes et rendent
difficiles une vision partagée et comprises par tous des phénomènes qui
nous impactent. Nos visions d’une même réalité de part et d’autre de ce
monde se confrontent et s’entrechoquent de plus en plus nous entrainant
dans des paradoxes et des contradictions de toutes sortes.
Le changement a toujours été inhérent à l’histoire de l’humanité, à nos
vies. Pour autant ce qui interpelle aujourd’hui ce sont les ruptures qu’il
porte en termes de paradigmes : notre rapport au monde, nos croyances, nos
repères, nos perceptions, nos comportements. Il est fort probable que les
bouleversements que nous vivons dans le Monde actuel relèvent de
changements d’une telle profondeur. Ces changements qui ouvrent la voie à
de nouvelles trajectoires cherchant à répondre à des contingences nouvelles,
inattendues, posées par un environnement lui-même en perpétuel mutation.
L’arrivée du coronavirus a entraîné une modification de nos
environnements de vie d’une telle ampleur.
Les environnements d’aujourd’hui nous mettent ainsi au pied du mur  :
nouvelles donnes économiques, sociales, politiques, technologiques,
environnementales et sanitaires. Une émergence de mondes qui surprend
par la rapidité des changements qu’ils imposent. Force est de constater que
d’un instant à un autre, ces mondes émergeants peuvent rendre inefficace,
tant sur le plan local qu’à une échelle mondiale, la reproduction de
comportements, de modes de pensées, jadis adoptée au fil du « long fleuve
tranquille » de nos habitudes et de nos repères. Ces mondes obligent, selon
l’ampleur des évènements, à repenser radicalement et à réinventer nos
fonctionnements, nos modes d’action et le sens que nous donnons aux
réalités qui nous entourent.

Nouveaux mondes :

nouvelles valeurs, nouvelles cultures, nouvelles


perceptions
 
 

Le phénomène peut se décrire en plusieurs étapes autant sur le plan


collectif que sur le plan individuel. Ainsi, lorsque nous sommes confrontés
à des paradigmes différents du nôtre, il y a d’abord un ressenti
d’incompréhension, de rupture, le sentiment de quelques choses que nous
n’arrivons pas à cerner dans son ensemble. La période COVID, les
confinements « inattendus » en série et leurs conséquences sur nos modes
de vie sont à ce titre édifiants  ! Nouveaux mondes  : nouvelles valeurs,
nouvelles cultures, nouvelles perceptions du rapport au monde,
matérialisées pas d’autres indicateurs que ceux que nous avions coutumes
de voir, d’entendre. Une frontière du changement qui quand elle est poussée
à son paroxysme nous amène à buter sur notre entendement, notre capacité
mentale à appréhender, à comprendre, à trouver un raisonnement acceptable
et réel selon nos repères, nos connaissances, nos traitements cognitifs de la
réalité. Pas étonnant dès lors que nos certitudes soient bousculées  !
Probablement le sentiment d’un dérangement, de l’incompréhension, du
vide peut-être.
Parce que nous sommes « sous l’emprise » relative (si utile pour notre
stabilité) de nos paradigmes individuels, nous ne pouvons pas toujours
percevoir et prendre conscience d’autres formes de paradigmes existants,
d’autres visions et représentations de la réalité différentes de la nôtre. Le
changement ne va pas de soi ; il se digère ; il s’intègre à des rythmes qui
nous sont propres  ; il renvoie à un chemin d’expérimentation,
d’apprentissage, de maturité cognitive et de choix personnel. Ainsi, des
réalités viennent quelques fois à nos portes nous perturber et nous
bousculent en termes de compréhension et de repères. Ces réalités peuvent
être quelquefois perçues par notre cerveau comme dépassées et archaïques
et d’autres fois appréhendées comme de la « science-fiction » quand elles
dépassent notre entendement. Elles peuvent remettre en cause le fondement
de nos identités individuelles et/ou collectives, notre stabilité. Confrontés à
l’incompréhension, nous aurons tendance à tout faire pour maintenir notre
perception dans le confort du connu par différents mécanismes  : déni de
réalité, déformation de la réalité, contre argumentaire qui collent à ce que
l’on croit ou l’on voudrait continuer à croire, sélection de l’information,
1
atténuation de la nouvelle réalité émergente etc. . Un moment de
vacillement, de dissonance auquel nous résistons par peur du vide et de
l’incompréhension de ce qui nous dépasse.
Les changements de paradigmes sont la plupart du temps accompagnés
de phénomènes annonciateurs outre les signaux faibles ou forts émergents
du nouveau monde  : Une accumulation d’anomalies, de problématiques
insolubles avec les méthode et comportements habituels, des crispations,
des difficultés qui n’arrivent plus à être gérées ou tout du moins par les
modes de pensée habituel : ceux d’avant , que nous répétons inlassablement
mais qui semblent dans le même temps si décalés et inefficaces pour
répondre aux nouvelles contingences de l’environnement qui change. Il
peut arriver un temps ou le paradigme (vision du monde) que nous avons
intégré par notre expérience passée ne permette plus de répondre à de
nouvelles conditions de vie  : ce que nous faisions, inspiré de ce que nous
croyons, ne fonctionne plus et n’amène plus aux résultats attendus, perd en
efficacité  ; des éléments fondamentaux de nos environnements changent
mais nous ne les voyons pas toujours dans un premier temps. Ces
environnements changeants impliquent une remise en question
fondamentale de notre manière de faire et du sens que nous mettons à notre
réalité. Dans le contexte COVID en particulier l’être humain et plus
généralement le monde du travail dans son ensemble sont soumis de plus en
plus à de telles contingences.
A un certain moment autour de nous dans le temps du changement
plusieurs esprits « rebelles  » s’interrogent, prennent conscience que les
conditions de vie ont changé, de la nécessité de remettre en question tout ou
partie des éléments du paradigme ancien qui ne fonctionne plus : Le constat
est fait qu’une vision du monde (paradigme) qui semble dépassée et ne
permet plus de s’adapter au nouvel environnement. Une conscience plus ou
moins partagée peut alors progressivement émerger : celle d’une nécessaire
remise à plat relative du monde d’avant, utile pour avancer. C’est à ce
moment de constat et seulement, qu’un déclic peut s’opérer, celui qu’un
nouveau cap est à passer et peut être envisageable et utile tant sur le plan
individuel que collectif. C’est à ce moment qu’un changement de
paradigme peut s’opérer à différentes échelles. Dans un système donné les
nouvelles perceptions adaptées désormais au nouveau monde finiront par se
propager voir se transmettre quelques fois de génération en génération
jusqu’à ce que de nouvelles ruptures apparaissent et interrogent l’efficacité
des paradigmes habituels face à de nouvelles conditions de vie.
Avec du recul, le bilan des éléments du passé qui ne fonctionnent plus,
les barrières et difficultés qu’il faudra lever sont identifiés. La voie s’ouvre,
si les résistances sont dépassées, à des expérimentations et à de nouveaux
apprentissages qui s’élargissent à l’ensemble des composantes du système
(qui adoptent d’autres manières de faire), d’autres visions du monde vont
alors se mettre en branle jusqu’à ce que de nouveaux comportements, de
nouveaux systèmes de valeurs et donc une nouvelle vision du monde
s’installe dans les pensées et s’adapte aux nouvelles conditions de vie.
Beaucoup d’étapes sont à franchir lorsque nous changeons de paradigme.
Pour peu qu’on y arrive. Il n’est pas dit que nous ayons toujours les mêmes
potentiels d’adaptation, la même agilité mentale à s’adapter au changement,
à remettre à plat ce que l’on savait et que l’on pensait pour acquis.
Il semble que nous soyons aujourd’hui à la croisée de chemins
complexes : des crises multiples sociales, environnementales, économiques,
politiques, éthiques, sanitaires, des tensions historiques à l’échelle du
Monde. Un monde qui semble s’essouffler et avec lui, des recettes du passé
qui ne fonctionnent peut-être plus, buttant sur des difficultés à remettre en
question des fonctionnements désormais inefficaces : des tentatives vaines
de poursuivre avec les mêmes « recettes » inopérantes du 20e siècle. Force
est de constater qu'une limite semble être atteinte aujourd’hui, celles de nos
institutions traditionnelles éprouvées par les changements sociétaux et
environnementaux. Il en est de même dans le monde du travail,
géopolitique et économique  : le sentiment qu’il faille aujourd’hui
expérimenter, s’ouvrir à de nouveaux paradigmes (Nouvelles visions du
monde) semble à l’ordre du jour. Pas sûr pourtant que nous en voyons tous
l’utilité : Voyons-nous le monde tel qu’il est ou tel que nous voulons qu’il
soit ?
La difficulté ne serait-elle pas de percevoir les paradigmes émergeants,
ceux qui nous dérangent, qui bouleversent nos habitudes et repères et qui
pourtant sont en voie de construire la réalité actuelle et future  ? La voie
d’adaptation que nous devrions suivre est-elle forcément dans ce qui
émerge  ? Nous avons le choix du refus, mais les modifications de nos
environnements n’attendent pas toujours que nos perceptions internes
changent.
La question est alors de savoir si dans tout changement il y a le meilleur
des mondes ou le pire ? De tous ces mondes :
Monde individualiste  , moderne, matérialiste et progressiste  ; Monde
ouvert du digitale, interconnecté, planétaire ; Monde de la tribu autocentrée
sur elle-même, de la grotte considérant l’extérieur comme le chaos dont il
faut se protéger  ; Monde du dogme et de la loi absolue régissant la vie
individuelle et collective.
Lequel serait le plus adapter au contexte d’aujourd’hui  ? Lequel
répondrait le plus à ce qui se construit par les environnements qui sont les
nôtres  ? Nous cliquons tous les jours sur nos smartphones Le digitale, le
numérique, l’intelligence artificielle ne nous amènent t-ils pas dans le
monde interconnecté, sans frontière  ? Ce monde n’est-il pas en train
d’écrire un nouveau paradigme dont nous serions également nous-mêmes
en partie les acteurs de sa construction ? Dans tout paradigme et monde «
nouveau  » qui se construit, il y a du bon et du mauvais. Au-delà de
l’opposition au changement, la responsabilité de cette construction ne
relèverait elle pas finalement de nos propres choix individuels et collectifs
et du tracé que nous voulons léguer aux générations futures ?
Face à l’incertitude, à la peur du changement : la crainte, celle qui nous
ramène à nous recroqueviller dans nos zones de confort, dans l’espace de ce
que l’on connait. Si le changement va trop vite et qu’il n’est pas compris, «
digéré  », « intégré  » et que l’apprentissage, pour faire différemment n’est
pas accompagné dans le temps tant sur le plan individuel que collectif, il y a
alors le risque, tel un phénomène élastique, d’un repli, d’un retour en
arrière des acteurs. Ce qui se traduit par une illusion : Celle de retrouver le
confort de ce qui dans le passé et fonctionnait mais qui en rien ne répondra
efficacement à la réalité du monde tel qu’il est. Une telle crispation interne
ou d’un système dans son ensemble (Une entreprise, association, institution
politique) pourrait amener à son effondrement tant il serait en décalage, et
hors de ce qu’exigerait la nouvelle réalité en termes de réponse
comportementale et de sens.
Un scénario que nous pourrions vivre individuellement mais qui peut
amener, comme par effet d’entrainement, tout un système humain en perte
de repère, en crainte du changement à chercher plus loin encore dans le
passé les attitudes, les comportements qui ont été efficaces un temps  :
jusqu’à l’époque la plus bestiale et instinctive de l’histoire de l’humanité
peut être  ? A moins que notre environnement implique de tels
comportements pour survivre, ce scénario du possible renverrait à un
rapport exclusivement orienté sur des nécessités vitales absolues et
marquerait dans tous les cas un retour dans nos grottes et cavernes comme
pour se protéger d’un extérieur agité, dont il faudrait se cacher et que l’on
ne comprendrait plus. pourrait être le retour à un paradigme tribal et
magique. Ou encore, celui du règne de la peur du monde extérieur ressenti
comme incompréhensible et chaotique et perçu de nos « cavernes »  ? La
peur également de l’étranger pris au sens large et dont il faudrait se
protéger. La tentation de repli et celle d’un nationalisme exacerbé en temps
de crises n’emprunterait-elle pas ces chemins ?

L’ère digital :

Un changement de paradigme culturel

du rapport au travail
 

Les enjeux des nouvelles technologies et notamment l’essor de


l’intelligence artificielle auront également un impact majeur sur le monde
du travail et le rapport au travail. Le développement spectaculaire de
l’intelligence artificielle et plus largement de la digitalisation concerne tous
les métiers autant intellectuels que scientifiques. Ainsi, le savoir-faire de
toute une génération pourrait devenir en très peu de temps obsolète et son
expérience dépassée.
18% de chômeurs en France en 2025 ; Ce scénario est la conclusion d'une
2
étude publiée par le cabinet spécialisé Roland Berger qui analyse l'impact
de la robotisation sur l'emploi en France. Selon ce rapport il y aura de plus
en plus de chômeurs en France, leurs emplois leurs seront dixit « volés »
par les robots. Ainsi quasiment un Français sur 5 se retrouverait sans
travail. Toutes les catégories socio-professionnelles seraient concernées.
Des chiffres à considérer évidemment avec prudence compte-tenu de la
variabilité des résultats émis par divers organismes. Ainsi, à l’encontre
3
d’une vision alarmiste, d’autres analyses dont celle du cabinet McKinsey,
si elles confirment la complexité des changements attendus dans le monde
du travail, démontrent que seuls 5 % des postes seraient susceptibles d’être
intégralement remplacés par des machines, sur la base des technologies
existantes. En revanche, selon ce même cabinet, le besoin d’adaptation du
monde du travail serait massif puisque près de 60% des emplois pourraient
être partiellement automatisés, à hauteur de 30% des tâches qui les
4
composent .
 

L’automatisation en particulier du secteur tertiaire soulève  toutefois  de


nombreuses interrogations sur la place du travail humain dans la société de
demain. Sera-t-on en mesure de fournir un emploi à chacun ? Quels métiers
seront les plus  touchés  ? De quelle nature seront les emplois créés  ? De
nombreuses études ont été publiées sur le sujet dont celles du Forum
économique mondial à Davos, en Suisse.
5
Dans une première étude parue en janvier 2016 il est estimé que la 4ème
révolution industrielle - celle des objets connectés, de l’intelligence
artificielle, de l’impression 3D et de la big data (Traitement et interaction
massive de données par le numérique, internet) - pourrait détruire dans les
10 prochaines années des millions d’emplois. Les emplois de bureau et
administratifs seraient les plus menacés en concentrant deux tiers des
destructions. A l’inverse, les profils qualifiés en informatique, architecture
et ingénierie devraient être moins impactés. Les femmes, particulièrement
absentes de ces secteurs, seraient donc davantage touchées. Cette tendance
a été confirmée par le rapport 2018 plus optimiste toutefois sur les effets
6
liés aux pertes d’emplois . Ces dernières recherches du Forum économique
mondial montrent ainsi que les machines pourraient accomplir plus de
tâches courantes que les êtres humains d'ici quelques années, alors que ces
derniers réalisaient en 2018 71 % du total.  Cette tendance est confirmée par
7
le rapport 2020 de ce Forum qui évoque comme les précédents l'énorme
perturbation que l'automatisation créera au sein de la main-d’œuvre
mondiale notamment dans les changements importants en lien à la qualité,
l'acquisition de compétences et la permanence des fonctions.
On assisterait ainsi à une bipolarisation du monde du travail. Publiée en
septembre 2013, une étude menée par Carl Frey et Michael Osborne de
8
l’université d’Oxford, évaluait à 47% la part des emplois ayant une forte
probabilité d’être automatisés. Selon les deux chercheurs, ce sont les tâches
peu qualifiées et peu payées qui seraient les plus susceptibles
d’automatisation. Confirmant ainsi que les tâches qui requièrent intelligence
sociale et créativité (éducation, médecine, médias, arts, mathématiques,
avocats, management) seraient quant à elles préservées. Une bipolarisation
du monde du travail que confirme le Conseil d’analyse économique, dans
9
une note d’octobre 2015   : D’un côté, des emplois bien rémunérés, à
qualification élevée, et de l’autre, des emplois peu qualifiés et peu
rémunérés mais non routiniers, tels que les services à la personne.
La bipolarisation du monde du travail inclut tout logiquement son
corolaire  : des emplois qui se concentrent aux deux extrêmes, emplois
qualifiés à rémunération élevée, d’une part, et, d’autres part des emplois
peu qualifiés à rémunération faible. Dans le même temps, la durée des
études des jeunes a continué à augmenter, ce qui est contradictoire avec
l’augmentation de l’importance des emplois peu sophistiqués.
10
Il en résulte bien les conséquences très négatives attendues parmi elles :
● le déclassement (acceptation d'emplois peu qualifiés) par les jeunes
diplômés ;
●la baisse des salaires de ces jeunes ;
●l'éviction des jeunes peu diplômés par les jeunes diplômés pour
●l'occupation des emplois peu qualifiés
● la précarisation accrue et le chômage plus élevé pour les jeunes peu
diplômés.
 
11
Une étude lancée en 2016 par L’OCDE sur les quinze principales
puissances économiques mondiales, telles que les États-Unis d’Amérique,
l’Allemagne, la France, la Chine et le Brésil, montre que le pourcentage des
emplois automatisables serait de 9 % en moyenne.  Si selon cette
organisation la menace générée par les avancées technologiques semble
12
bien moindre que celle estimée par de nombreuses études son étude révèle
elle aussi, des disparités entre les emplois  : le risque d'automatisation
atteindrait 40 % pour les travailleurs les moins instruits (niveau inférieur au
second cycle du secondaire, c'est à dire niveau troisième en France)  ; il
serait inférieur à 5  % pour les diplômés de l'université. Cette organisation
écarte ouvertement le scénario d'un « chômage technologique massif "
évoqué depuis plusieurs années ; pour autant cette étude n'apparaît pas plus
13
optimiste que les précédentes .
Un rapport établi en 2016 par le constructeur informatique Dell et
14 15
l'Institut pour le Futur , «think tank» californien concluait que 85 % des
emplois de 2030 n'existent pas encore aujourd'hui. On pourrait dire qu’un
jeune actif aujourd'hui a cinq chances sur six d'occuper, en 2030, un métier
inexistant à l'heure actuelle. Selon cette étude, notre monde entrerait dans la
deuxième phase de développement numérique. La troisième étant
l'apparition d'un «être humain virtuel». L'étude pointe une exacerbation de
la mobilité des salariés. Elle ajoute que nombre de personnes seront sans
poste fixe et gagneraient leur vie en cumulant différents emplois auprès
d'employeurs multiples.
Du monde du travail aux mondes du travail  : des formes hybrides
d’emploi vont probablement s’amplifier notamment par le numérique. Si
l’automatisation des tâches inquiète légitimement, la question de la fin du
travail subordonnée émerge avec l’essor du travail indépendant. D’après
l’Organisation internationale du travail (OIT), l’emploi salarié représente la
moitié de l’emploi dans le monde. La France compte 10,3% de travailleurs
16
non-salariés, selon les chiffres 2016 de l’INSEE , et 2,5 millions de
personnes pluriactives. Le Conseil national du numérique (CNNum), dans
son rapport de 2016 intitulé « Travail, Emploi, Numérique, les nouvelles
17
trajectoires  » ), évoque une tendance à la hausse de la pluriactivité
professionnelle.  Les auteurs du rapport évoquent une généralisation du
“moonlighting”, désignant le fait de compléter son revenu salarial stable par
un revenu complémentaire tiré d’un travail indépendant.
Une diversité des liens de subordination et une multiplication des formes
de dépendance semblent déstabiliser la relation salariale telle qu’elle s’est
construite traditionnellement au 19ème et au 20ème siècle en rendant délicate
18
la détermination de l’interlocuteur pertinent face au salarié . Des
transformations du monde du travail constatées également par une étude de
19
l’OIT en 2016 qui observe la prolifération de l’emploi atypique dans des
secteurs et des professions dont il était antérieurement absent. Cette étude
fait apparaître que depuis quelques décennies, son poids augmente sur les
marchés du travail de la plupart des pays du monde. Selon cette
organisation les transformations que connaît le monde du travail, les
évolutions réglementaires ainsi que les fluctuations et crises
macroéconomiques seraient à l’origine de ce mouvement. Dans son étude
annuelle de 2017, consacrée aux plateformes numériques, le Conseil d’État
relevait également que de nouvelle forme d’activité en plein essor. «
L’Ubérisation » entrainerait in fine la pérennisation de certaines formes de
travail atypique, une déstabilisation de la relation traditionnelle de travail et
20
une forme de précarisation des travailleurs des plateformes
Au-delà de la question technologique (Matériel) force est de constater
que parmi les pays Européens la France accuse un retard majeur en matière
de transition numérique de ses TPE-PME. Et nombre de PME restent hors
de ce processus pourtant déterminant. Probablement la crise sanitaire
COVID-19 aura-t-elle accéléré en marche forcée cette transition pour peu
que les résistances quasiment mentales à la culture digitale puissent être
dépassées.
En se classant 15ème sur 28 du classement DESI de la Commission
européenne sur l’économie numérique en 2018, la France se situe au
dessous de la moyenne continentale. Sur le podium se trouvent la Finlande,
la Suède, les Pays-Bas. La situation a été jugée suffisamment préoccupante
21
pour que le Sénat se saisisse du problème. Ainsi le rapport d’information
n° 635 (2018-2019) de Mme Pascale GRUNY fait au nom de la délégation
aux entreprises, déposé le 4 juillet 2019, fait le constat suivant  : «  une
société où les citoyens et consommateurs sont globalement à l'aise avec
l'outil numérique, mais où de nombreuses PME et TPE ont du mal à opérer
leur propre révolution numérique. Manque de culture et de compétences
numériques, insuffisance de l'accompagnement financier, fracture
numérique territoriale, relations ambivalentes avec les plateformes en
ligne  : les dirigeants de PME et TPE sont confrontés à un ensemble
d'obstacles qu'il convient de lever  ». A cela s'ajoute, malgré les politiques
incitatives, une fracture numérique et territoriale persistante en particulier
22
dans les territoires ruraux
Le passage au numérique est une transition. Elle renvoie en effet à une
notion de rupture, de changement de culture, elle implique un sens et un
rapport nouveau au travail et à l’environnement de l’entreprise. Elle
implique de repenser pour certaines organisations intégralement les
schémas de fonctionnement habituel comportemental et stratégique avec
des incidences majeures sur le plan organisationnel et sur la nature de
l’activité sur le plan interne et externe. Plus qu’un investissement
technologique, la transition numérique qui laisse désormais la place à la
notion de digitalisation est un changement de paradigme majeur  : Un
changement de système de représentations, de valeurs et de repères. Cela ne
va pas de soi et pose la question du niveau d’accompagnement des acteurs
dans les organisations concernées. Force est de constater que cet aspect est
23
trop souvent minoré . Les incidences de ces transformations dans leur
dimension humaine sont quelques fois cantonnées uniquement à une
dimension technique ou technologique des questions.
L’avenir n’est pas si sombre grâce au numérique  ! L’essor de ces
technologies est aussi un formidable levier de création d’emplois dans les
domaines les plus divers comme l’informatique, les réseaux, et contribue à
la modernisation des entreprises existantes… Les créateurs de tout bord et
surtout les nouvelles générations Y et Z, savent s’emparer de ce levier car
elles ont été élevées dans un monde de portables, de smartphones, de
tablettes et surtout, elles sont des purs produits de la culture des réseaux.
Une aubaine pour ces jeunes car les TIC (Technologies de l’Information et
de la Communication), font plus appel à la créativité qu’à l’expérience,
d’autant que le créateur et l’usager sont souvent une seule et même
personne !

Transformation du monde du travail :

opportunités et risques
 

David MELKHI
 
De l’invention pratique à l’innovation
 
 

Les travailleurs de la génération X sont-ils en train de fabriquer les


machines qui demain priveront leurs enfants, à savoir de la génération Y, de
travail manuel et leurs petits-enfants, la génération Z, de travail
intellectuel ? C’est déjà le cas et le phénomène a commencé bien avant les
concepts de génération X, Y, et Z. Comment en est-on arrivé là ?
Depuis l’invention de la roue quelques milliers d’années avant notre ère,
au fond l’homme n’a cessé d’inventer les objets susceptibles d’améliorer
son quotidien. Ces outils devaient répondre à des besoins vitaux comme
manger, s’abriter, s’habiller pour domestiquer un environnement hostile…
Nécessité faisant loi, les premiers ustensiles agraires, de chasse et de
cuisson ont très vite soulagé l’homme et n’ont cessé de s’améliorer tout au
long des siècles.
De la roue sont nés les premiers mécanismes artisanaux, plus tard vint
l’horlogerie. Et si l’on occulte, pour le moment, les inégalités de revenus et
de traitement, chacun y trouve son compte. Le travailleur manuel ou
agricole voit, en quelque sorte, son corps « prolongé », par le décuplement
de sa force, de ses capacités ; et le patron ou le propriétaire terrien voit son
rendement s’améliorer.
Avec l’arrivée des automates au XVIIIe  siècle, la machine a commencé à
remplacer l’homme. Mais d’une part, cette automatisation était voulue
«  pour préserver l'humain de tâches abrutissantes, complexes ou
24
extrêmement dangereuses », comme le rappelle Paul Jorion  ; d’autre part,
les besoins en production étaient immenses. Le cercle semblait vertueux.
Avec l’avènement de l’industrie et l’accroissement des échanges
internationaux, le paradigme change. Il s’agit désormais de faire face à la
concurrence. Les machines ne sont plus seulement là pour soulager
l’homme mais pour répondre à des besoins accrus de productivité et de
rendement. Dès lors, ces inventions sont d’abord au service d’intérêts
financiers. C’est le début d’un dérèglement.
Pour autant, l’innovation continue à servir également le progrès. Dès le
XIXe  siècle, tous les secteurs sont concernés  : industrie, agriculture,
médecine, transports, bâtiment mais également arts, culture et éducation.
Mais le XXe  siècle commence dans le bruit et la fureur de la guerre. Et
l’innovation se met au service des belligérants. En Europe, les destructions
sans précédent, qui rayeront des villes entières de la carte, créeront un
marché de l’emploi avec la reconstruction, d’une part et la défense, de
l’autre. À cette époque, l’innovation reste finalement à la remorque des
besoins croissants de la population, dans les pays développés du moins.

Quand la course à l’innovation

engendre le court-termisme
 
 

C’est après la Seconde Guerre mondiale qu’encore une fois, le paradigme


va changer. L’innovation va se surpasser et de son statut de réponse adaptée,
elle va devenir une sorte de « force de proposition  » technologique à des
besoins supposés chez l’homme. Avec les Trente glorieuses, sont venues la
société des loisirs et l’ère de la consommation. L’homme est devenu un
consommateur dont il faut anticiper non plus les seules nécessités mais
aussi les envies. De l’objectif besoin en confort matériel dont
l’électroménager est le symbole, nous sommes passés au subjectif besoin
(toujours croissant) en gadgets divers que, ces dernières années, les outils
de communication ont rendus indispensables alors même qu’un nombre
important de la population mondiale n’a encore jamais vu de téléphone  !
Mais cette innovation, on l’a vu, crée de l’emploi, ce qui crée de la
consommation, ce qui stimule l’économie. Aujourd’hui, on appelle ce
phénomène « la croissance », et non plus le progrès d’ailleurs. Et tant pis si
l’on commence à sérieusement détruire notre environnement !
L’entreprise traditionnelle a sérieusement été secouée dans ses
soubassements et ses fonctionnements par ce tourbillon. Pour survivre à la
concurrence, il faut s’adapter au marché et adapter ses équipes, qui parfois
ne peuvent pas suivre. Alors, parce que l’avenir semble difficile à
appréhender, l’entreprise se gère à court terme.
Le capitalisme financier, au taux de rentabilité actuel, impose ce court-
termisme aussi dans le management, et l’adaptation à marche forcée à une
évolution très rapide, trop rapide. Alors, parfois, le moyen le plus expéditif
pour le manager de redresser une situation financière dans une entreprise,
qui pourtant fonctionne, c’est de se débarrasser des salariés. Limoger une
branche complète, c’est la solution de facilité. Et comme le manager sait
qu’il est là pour trois ans seulement lui aussi, et qu’il tire une partie non
négligeable de sa rémunération de la situation financière, il optera pour la
solution de facilité. C’est une perversion de la « destruction créative » qui la
transforme en « destruction non créative  », à savoir une destruction tout
court, avec ce que cela suppose de perte de savoir-faire, de gâchis humain et
économique sur le long terme. Licencier et recommencer à lancer un cycle
de développement, sans même très bien savoir où l’on va, donne
l’impression de créer du mouvement. On débauche, et on réembauche, mais
il n’y a pas de stratégie derrière tout ça. C’est juste pour faire du
mouvement et faire partie du mouvement. Et cela permet de justifier les
dividendes de la personne à la tête d’un groupe au cours de l’action.
Ce que l'on pourrait appeler «  irresponsabilisation  » n’est pas un fait
individuel. Le manager, dans ce cas précis, n’est après tout que le maillon
d’une chaîne « d’irresponsabilisation ». Avant, le capitalisme était familial
ou d’origine familiale, donc il y avait une responsabilisation. Ceux qui
investissaient possédaient l’entreprise, et leurs propres décisions
impactaient leur propre capital. Or, aujourd’hui, le trading à haute fréquence
représente 50 % du marché financier. Être propriétaire de 50 000 entreprises
pour un marché de  plusieurs millions éradique forcément tout rapport
affectif avec l’entreprise. Ce n’est clairement pas le but, puisque le but,
c’est le cours de l’action. Plus personne ne commande, sauf le marché ; les
donneurs d’ordre ne sont pas possesseurs du capital technologique, culturel,
humain, et de l’histoire même de l’entreprise, puisqu’il n’y a plus de
dépositaire. Et comme l’important, c’est le taux de rentabilité, peu importe
de savoir qu’il faudra investir pendant dix ans ; les cinq premières années,
on laisse la situation financière se dégrader en pensant qu’au bout de cinq
ans, cela va être profitable.
Ainsi se développe la « déresponsabilisation généralisée ». Aujourd’hui,
certaines entreprises sortent de ce marché financier qui les asphyxie ; elles
rachètent leurs actions pour reprendre le contrôle de leur destin. Certains
groupes, certaines “success stories” se distinguent. Par exemple, un grand
groupe bancaire détenu aujourd’hui par une famille, fait un véritable travail
de prévision sur le long terme. Hasard ou pas, pour cette banque familiale,
comme pour d’autres groupes, ces stratégies sur le long terme s’avèrent
profitables.

Nouvelles technologies, source de chômage, de


dettes…

et d’innovation
 
 

Tout comme la planète, menacée par la gestion court-termiste de ses


ressources, l'économie mondiale est en surchauffe. Nous dépensons ce que
nous n’avons pas et le cercle vertueux de l’innovation est devenu une
spirale sans fond. Dès lors, l’innovation s’érige en dogme. Il faut inventer
toujours plus, toujours mieux et toujours plus vite.
Depuis que le robot a succédé à l’automate, les scénarii de science-fiction
deviennent peu à peu une réalité. Tant de tâches désormais sont accomplies
par des machines. Mais tant de machines désormais remplacent l’homme
que celui-ci est menacé, parce que devenu au mieux interchangeable, au
pire inutile. En produisant de plus en plus, la course à l’innovation a
supplanté l’innovation et la finance prend le pas sur l’économie réelle.
Les fruits du travail se partagent surtout entre les actionnaires, qui
peuvent faire ou défaire une entreprise, son savoir-faire et les personnes qui
la font vivre, dans le simple but d’accroître leur profit. Parce que la
concurrence exige toujours plus d’innovation et qu’en l’espèce, on ne fait
pas du neuf avec du vieux, autant se débarrasser des anciens produits s’il le
faut, de la chaîne de production et des travailleurs pour les remplacer par
des unités de production high-tech avec moins de personnel, plus de
rendement et plus de gains.
Dans ce système, beaucoup jouent au poker menteur. Le consommateur
qui prend des crédits à la consommation, les entreprises qui contractent de
plus en plus d’emprunts, les banques qui ont parfois franchi la ligne rouge
en proposant des prêts toxiques. Enfin l’État, parce qu’il est bien obligé de
suivre le mouvement. Alors que sa dette, déjà bien lourde, finit par intégrer
les errements des uns et des autres car il doit multiplier les aides de tous les
côtés : privé, public et aides sociales. La facture du court-termisme n’a pas
fini de peser sur notre économie. Quand on sait en plus que le salaire de
certains PDG en France atteint plus de 1 000 fois le SMIC, on comprend la
pression qui s’exerce sur les logiques de production et la valeur d’un
25
travailleur .
C’est indéniable, les nouvelles technologies, en compressant les chaînes
de fabrication ont permis la compression des personnels et donc favorisé
cette destruction progressive de pans entiers de l’emploi. Paul Lorion
évalue à presque 47  % les emplois qui pourraient être menacés de
disparition d’ici une vingtaine d’années, du fait des nouvelles technologies !
26

De plus, le travail manuel n’est plus le seul concerné  : aujourd’hui, le


développement spectaculaire de l’intelligence artificielle commence à
toucher des métiers intellectuels et scientifiques. Depuis la victoire aux
échecs de Deep Blue, le logiciel d’IBM, contre Garry Kasparov en 1996, un
chirurgien peut opérer à distance en pilotant un robot à l’autre bout de la
planète et bientôt les traducteurs informatiques seront plus performants que
les humains. Le droit prédictif menace bien des activité juridiques et
judiciaires traditionnelles. Le savoir-faire de la génération X devient
obsolète et son expérience dépassée, pour ne pas dire inutilisable.
27
D’après une étude de Ernst & Young , 90  % des dirigeants sont
convaincus qu’il y aura des changements majeurs de métiers dans les cinq
années à venir au sein de leur organisation, 40  % pensent que plus d'un
quart de leurs équipes auront un nouveau métier dans ces mêmes cinq ans,
et 31 % pensent les métiers les moins qualifiés sont les plus concernés.
28
Tout comme la DARES , E & Y souligne la montée en puissance des
métiers liés aux nouvelles technologies, au numérique mais aussi les
métiers liés au « care » et à l’économie solidaire.

Télétravail, coworking, tiers lieux :

quand le bureau devient nomade lui aussi…


 
 

En attendant la fin du travail, comme certains le prédisent, non sans excès


ni idéologie, de nombreuses entreprises traditionnelles ont d’ores et déjà
compris tout l’intérêt des modes de travail alternatifs. Il y a le télétravail un
peu subi, celui dont on se passerait bien quand il s’agit de ramener des
dossiers à boucler le week-end pour le lundi matin. Mais y a aussi le
télétravail organisé et quantifié. Plus de perte de temps dans les transports et
une gestion du temps plus autonomisée pour la/le collaborateur, un gain
d’espace et de matériel pour l’employeur  : autant de facteurs qui, tout le
démontre, améliore la productivité. L'étude de référence sur l’absentéisme
que produit chaque année Alma Consulting Group (devenu Ayming)
montrait déjà, dès 2013, comment le télétravail réduit par moitié cet
absentéisme. Forcément, pourrait-on dire.
Le phénomène commence à prendre vraiment de l’ampleur en France au
point que les organisations patronales et syndicales s'emparent du débat au
niveau national. Le télétravail s’est en effet fortement développé en
particulier dans l’ère COVID qui l’a généralisé au rythme des confinements
connus à partir de l’an 2020 et 2021 (et ceux à venir). Le record a été
désormais battu en France du fait du 1er confinement de l’ère COVID-19
puisque seulement 1 actif sur 4 se rendait au travail, les autres exerçant en
29
télétravail . La crise de la COVID 19 aura contribué certainement à
accélérer l’adoption des nouveaux modes de travail et en particulier le
télétravail. Ainsi que le souligne Vinciane Beauchene, directrice associée
du cabinet BCG dans le cadre d’une étude réalisée en 2020 sur « la vision
du monde du travail post-covid », le télétravail répond à une aspiration des
collaborateurs et les DRH envisagent son développement de façon pérenne.
Elle nécessitera aussi un bouleversement des pratiques managériales et RH
30
à mener rigoureusement . Dans cette enquête sur le futur du travail vu par
les DRH dans la nouvelle réalité post COVID, les DRH interviewé sont
unanimes sur l’accélération de l’adoption du télétravail. L’enquête précise
que 85% d’entre eux souhaiteraient développer cette pratique au sein de
leur entreprise de façon pérenne. Les DRH estiment néanmoins que cela ne
pourrait concerner toutes les fonctions de l’entreprise tout en plébiscitant un
modèle hybride mêlant présentiel et télétravail.
La généralisation du télétravail a également amené les DRH à intervenir
sur des problématiques nouvelles ainsi que l’évoque la présidente de
31
l’ANDRH Audrey Richard, dans un interview à l’agence de presse AEF. «
Les DRH interviennent dans des champs bien plus larges qu’avant  :
nutrition, violences, personnes vulnérables, écoles et crèches… l’ensemble
des sujets de société développés durant la crise  [du Covid]  arrivent aussi
sur le bureau du DRH »,
Baptiste Broughton, directeur associé de LBMG Worklabs, spécialisé
dans le télétravail et les lieux de travail alternatifs, évoquait dès 2014 le
constat que «  l'entreprise se dématérialise et le collaborateur se
32
nomadise  » . LBMG Worklabs est le co-organisateur d’un «  Tour de
France du télétravail » . Des groupes comme Alcatel-Lucent France, SGS,
France Télécom – Orange, Renault, Axa, Hama France, Air France, Wolters
Kluwer France, Microsoft, Intel France, Michelin, Bayer France, Accenture
France, ATOS Origin et des PME comme Easycare, Sneda, Wikio, Oodrive
qui étaient avant-gardistes sur le sujet se sont tournés vers le télétravail,
33
allant même jusqu’à signer des accords d’entreprise avec les syndicats.
Force est de constater qu’avec l’ère COVID 19 les accords se sont
également généralisés au sein de TPE et PME. Les syndicats y sont de
moins en moins hostiles, à condition bien sûr que ce télétravail soit bien
encadré, qu’il soit choisi et non subi, et qu’il n’empiète pas sur la vie
personnelle. On ne peut écarter en effet d’un revers de main les dérives que
pourrait entraîner cette forme de travail, sans garde-fous notamment en
termes de risques psychosociaux et de risques nouveaux et complexes à
34
appréhender dans les relations de travail  .
À côté du télétravail que les entreprises mettent en place avec certains de
leurs salariés, il existe également de nombreux travailleurs indépendants.
Les métiers artistiques, les arts graphiques, les médias, l’artisanat, etc.
fonctionnent avec beaucoup d’indépendants ou de free-lance. L’auto-
entreprenariat, ce remède de moindre mal au chômage, a fortement
contribué à faciliter l’établissement de ce type d’entreprise qui se limite à
soi, et personne d’autre ! Elles peuvent être de belles réussites et, dans ce
cas, participent en plus fortement à la reconnaissance personnelle de ce que
l’on produit.
D’après Baptiste Broughton en 2014 « plus de 4 millions d'individus, soit
17 % de la population active travaille plus d'une fois par semaine, hors les
35
murs de l'entreprise  : au domicile ou dans des bureaux partagés ». En
France en février 2019 une étude sur le sujet publiée par Malakoff Médéric-
36
Humanis montrait que sur les 18 millions d’actifs du secteur privé, 29 %
de l'effectif des entreprises de plus de dix salariés, soit 5,2 millions de
personnes étaient en télétravail. Elle précisait que de 2018 à 2019 près de
700 000 personnes de plus étaient concernées.
Mais le travail indépendant, et même parfois le télétravail, peuvent aussi
« abîmer » le lien social, ce nécessaire trait d’union entre soi et les autres,
qui est aussi un facteur d’émulation. Sans regretter la machine à café du
bureau à 10  heures, avec le récit du week-end le lundi, (que beaucoup de
travailleurs indépendants n’ont jamais connu, d’ailleurs  !), certains d'entre
eux peuvent se sentir un peu seuls, tout simplement. De cette envie de se
retrouver avec d’autres, des créatifs le plus souvent, sont nés les espaces de
coworking.
D'après la cinquième édition de l'Observatoire-Place de la Santé de la
37
Mutualité française , la santé mentale des Français s'est dégradée depuis le
début de la pandémie. Une personne sur cinq est aujourd'hui touchée par un
trouble psychique - soit 13 millions d'individus
 
 
 

ANACT, Guide méthodologique sur le télétravail Premiers repères, 2015


 

Pour Clément Alteresco, fondateur et directeur de


bureauxapartager.com,  : «  La plupart bossent chez eux, ils sont un peu
isolés et veulent retrouver une dynamique autour de leur travail. Il y a cette
demande naturelle. Mais je le vois aussi chez des PME de 10 à 15
personnes qui trouvent plus sympa de partager des espaces avec d’autres
boîtes. Il y a la partie coworking indépendant avec une logique de lien
social et aussi de synergie business pour les petites boîtes. Ces dernières
sont contentes de ne pas s’engager et d’avoir une dynamique avec d’autres
38
start-up et d’avoir une ambiance sympa avec un pluralisme d’activités. »
Le coworking, c’est aussi un espace de convivialité. L’entraide est réelle :
on se conseille sur un projet existant, on peut aussi se dépanner lorsque le
travail diminue, en associant un coworker que l’on connaît bien sur un
projet. L’avenir appartiendrait t-il donc au coworking  ? Pas si simple car,
39
pour Clément Alteresco  : « Les gens ont du mal à se détacher des modèles
traditionnels. Pour les grands groupes, le mieux est d’investir dans des
start-up. Les espaces de coworking qu’ils créent sont un enjeu
d’innovation. Ils externalisent leur direction d’innovation, de fait. C’est une
façon de créer des terrains d’innovation et d’opportunités qui ne sont pas
construits et accessibles. » Les enjeux du coworking sont donc multiples et
l’aspect laboratoire d’idées n’est pas le moindre de ses atouts…
Tout comme les espaces de coworking, les autres « tiers lieux » (FabLab,
Hackerspaces, centres d’affaires, bureaux partagés, espaces publics wifi,
cafés wifi, business lounge…) accueillent des profils bien divers. Sans les
nouvelles technologies, les tiers lieux n’existeraient pas. Ils sont
directement issus de la culture du réseau, de l’informatique et du partage de
savoirs. Au contraire de l’entreprise traditionnelle spécialisée, avec des
services bien segmentés, les tiers lieux mélangent les savoir-faire, les
projets et les personnalités.
Généralement, la personnalité qui va fréquenter un tiers lieu cherche à se
réaliser par elle-même, en dehors de toute structure contraignante. Antoine
Burret, co-créateur de la Poc Foundation et de Movilab, auteur du livre  :
40
« Tiers lieux et plus si affinités » définit ainsi les coworkers : « En général,
ils sont là parce qu’ils veulent trouver une voie qui leur est propre. Ce sont
ce que j’appelle des intellectuels aliénés, c’est-à-dire soit des gens qui
possèdent un haut niveau de compétences mais qui refusent le monde du
travail conventionnel, soit des personnes pour lesquelles le marché est
fermé. Que des individus dans cette situation se réunissent pour inventer
une autre organisation sociale, cela s’est produit à toutes les époques. Dans
41
le passé, cela a même conduit à des révolutions. »
C’est en effet une révolution née de l’explosion des nouvelles
technologies mais aussi de la fin de la relation traditionnelle entreprise
salarié. Antoine Van Den Broek, cofondateur de la Mutinerie, en fait le
constat. « Du fait que les entreprises ont cassé le contrat social depuis un
certain temps avec la flexibilité et l’interchangeabilité des employés, les
gens se sont adaptés.  » D’après lui, «  80  % des freelances disent qu’ils
42
n’ont pas envie d’être salariés » . Il souligne, néanmoins la limite de ce
modèle car «  la transition va être assez violente pour ceux qui n’ont pas
choisi cette indépendance, qui la subissent et la vivent comme une
précarisation.  » Encore une fois, cette impression de «  fin du monde du
travail » peut faire peur.
En attendant, la Mutinerie est une belle « Success story  »à la française.
Avec un nom quelque peu connoté libertaire, on pouvait s’attendre à ce que
leur devise soit, comme l'indique leur site mutinerie.org  : «  Libres
ensemble », leur vision : «  Faire ce que l’on veut faire avec des gens que
l’on aime et gagner sa vie ainsi  », et leur identité  : «  l’économie
collaborative, la communauté, le style de vie, le vivre ensemble, une
microsociété  » On vient à la Mutinerie pour quelques heures ou quelques
jours. On fait partie du réseau des Mutins et on réserve en ligne son bureau.
Et bien sûr, pour les nomades baroudeurs, des services comme Copass
mettent à votre disposition des lieux de travail à partager dans le monde
entier. Finies les tristes heures passées à relire seul son article dans la
chambre d’hôtel avec une connexion pas toujours très rapide et un miroir
rempli de post-it.
Ces tiers lieux ont suscité l’intérêt de grandes collectivités locales qui y
voient des lieux de socialisation, de citoyenneté en plus d’être des lieux de
travail, un terreau fertile pour l’Économie sociale et solidaire. La Caisse des
dépôts et consignation, avec le soutien de la Région Ile-de-France a édité en
janvier 2015 un guide complet à destination des collectivités locales sur les
tiers lieux. C’est bien que ces nouvelles formes d’organisation du travail
n’impactent pas que le secteur privé, car elles permettent la rencontre
d’individus et de projets à l’échelle locale.
On peut dire que les tiers lieux sont au monde du travail ce que l’Open
source est à l’informatique  ! Si cette transposition de l’interconnexion à
43
l’espace réel de travail se confirme depuis plusieurs années il y a lieu de
s’interroger sur l’avenir à court termes de tel lieu. Dans le contexte de la
crise sanitaire COVID-19, l’élan pour les tiers lieux a été considérablement
freiné. En effet 80% des tiers-lieux font état d’un risque réel de fermeture à
44
court ou moyen termes . Pour autant, dans l’avenir face à l’augmentation
des pratiques de télétravail, les tiers-lieux et les espaces de coworking
pourraient bien devenir une alternative crédible aux besoins de socialisation
des salariés voire une solution favorisant la flexibilité pour de nombreuses
entreprises.

À quoi ressemblera le travail dans 20 ans ?


 
 

20 ans, c’est demain. Et pourtant, une grande partie du monde du travail


risque de ne plus ressembler beaucoup à celui d’aujourd’hui. Il sera
forcément de plus en plus dépendant des nouvelles technologies. Même si
le modèle du travail en entreprise survit, il cohabitera avec des univers de
travail bien différents, atomisés, hétérogènes, composés d’individus aux
profils, aux compétences, mais aussi aux statuts tout aussi divers  :
télétravailleur, indépendant, collaborateur de start-up, entre autres. C’est
déjà le cas aujourd’hui car de très grands groupes, des collectivités locales,
des institutions font appel à de nombreuses start-up. À titre d’exemple, les
besoins croissants en communication sont souvent externalisés car ce sont
des besoins ponctuels et qui font appel à des créatifs dont il faut adapter les
prestations. Le travail du futur fera d’ailleurs une part de plus en plus belle
au créatif, car du fait de la robotisation, le producteur est remplaçable, et ce
de plus en plus, par une machine.
Face à ces habitudes de travail qui changent, pour Arnaud Franquinet,
ancien directeur du développement du capital humain de Grant Thornton,
les managers doivent aussi évoluer : « Ce ne sont plus des managers mais
des coachs. En interne, il faut développer l’apprentissage et non la
formation. C’est l’entreprise qui va te former, chacun en redevient maître et
45
acteur, c’est l’intrapreneur, il n’y a plus de salariés. »
Clément Alteresco, souligne combien le travailleur de demain sera
forcément multitâche : « Si tu veux être réactif il faut être capable de bosser
sur plusieurs dossiers en même temps, de checker tes mails… Le numérique
modifie les qualités qu’il faut avoir pour bien bosser. Des gens pas
forcément intelligents ou meilleurs que d’autres, mais qui sont capables de
faire plus en même temps, paraissent plus capables. C’est une prime à
46
l’éparpillement et au multitasking. »
L’entreprise de demain devrait être une entreprise où l’équilibre entre le
temps de travail et le temps disponible sera mieux géré. Sans doute avec des
plages un peu plus fines. On reparle beaucoup de la pointeuse numérique
aujourd’hui et d’être « online, offline  » par rapport à son employeur, son
groupe de travail, son environnement professionnel. Sans doute verra-t-on
un éclatement des ressources humaines, un peu sur le mode du télétravail, et
qui sera facilité par les technologies de l’information et de la
communication. Paradoxalement, le collaborateur sera plus impliqué dans
son environnement de travail, même s’il est physiquement éloigné, pendant
un temps ou tout le temps.
Pour le marché de l’emploi féminin, les nouvelles technologies
pourraient contribuer à plus d’égalité avec les hommes. Malheureusement,
il existe encore un plafond de verre entre le travail des femmes et celui des
hommes, avec de fausses excuses invoquées comme la maternité ou la vie
familiale. On peut espérer qu’en l’espèce, ces outils amèneront un peu plus
d’égalité. Dès lors, que l’on travaille en Ardèche ou à Paris, les règles
seront les mêmes. Le frein majeur de l’emploi des femmes, à savoir
l’absence de disponibilité future, deviendra caduque. Mais là, on touche le
point délicat de la mentalité des employeurs, qui n’évolue pas toujours aussi
vite que les technologies !
On peut le déplorer ou s’en féliciter, mais avec ces nouvelles
technologies, et la course folle à l’innovation, c’est donc toute
l’organisation du monde du travail qui a été impactée. Force est de constater
que la pandémie de la COVID-19 en aura été l’un des accélérateurs majeurs
de ces transformations. Dans les start-up, les métiers liés aux TIC, l’activité
est centrée autour d’un projet, et non autour de la pérennité d’un produit ou
d’une entreprise. Les règles de travail sont plus des règles de cohabitation
entre individus socialisés qu’entre «  collègues ». Dans une start-up, cette
notion paraît désuète, elle a même disparu car la logique de projet, sur le
court terme le plus souvent, suppose des équipes tout aussi mobiles que les
individus qui la composent, la quittent et la recomposent dans un endroit
donné, pour un temps limité mais toujours pour un objectif clairement
défini : le projet. Adieu les sédentaires avec qui on partageait le café, voici
les travailleurs nomades avec qui l’on partage l’espace de coworking ou
l’avion  ! Cette mobilité est d’ailleurs un enjeu majeur pour les ressources
humaines.
Pour Antoine Van Den Broek  spécialiste en stratégie d’entreprise : « Le
travail sera atomisé : une agrégation de fonctions et de compétences pour
un projet. Les individus travailleront sur plusieurs projets en même temps,
ce sera moins monolithique. Les frontières de l’entreprise se modifient et
deviennent floues. Les micro sociétés vont se multiplier. Les individus vont
47
se réunir autour de leurs projets communs, par pôles d’intérêts.»
On arrive donc dans l’entreprise, enfin dans le projet avec son potentiel et
sa personnalité E c’est l’équipe qui le porte. D’après Louis-David
Benyayer, entrepreneur et consultant, chercheur et enseignant,
«  L’expérience collective est vécue en mode projet et apprentissage. C’est
une façon d’apprendre qui est très démocratique. Il y a quand même une
pyramide mais ce sont des usines à apprentissage. Ces organisations sont
fondées sur le P2P, le compagnonnage. Il y a aussi le fait que les individus
48
y voient une occasion de réalisation et d’apprentissage. »
En 2011, une étude du Centre d’analyse stratégique appelée « Le travail
et l'emploi dans vingt ans » mettait déjà en évidence  : «  la segmentation
accrue «  des mondes du travail  », une hétérogénéité croissante des
situations mais aussi des attentes des salariés, des entreprises, des secteurs
d’activité ou des territoires » mais également : « l’affaiblissement du lien de
subordination dans l’univers professionnel, une demande forte d’autonomie
dans le travail et de meilleure articulation entre vie privée et vie
professionnelle ».
Et les syndicats semblent de moins en moins être en mesure de répondre
aux fonctionnements atypiques des entreprises du futur. «  Le syndicat, ça
fait un peu “Soviet Suprême”, ça ne bouge pas… Ils ont un problème de
communication, d’image, de représentation, alors qu’ils pourraient
apporter tant de choses  ! Il y a encore des luttes à mener au travail  ! Ils
49
n’ont plus de cheval de bataille ! » Cette remarque montre à quel point le
syndicat souffre non seulement d’un problème d’image mais de légitimité,
et ce pas uniquement chez les jeunes. Il convient d’ailleurs d’observer
combien, du côté des organisations patronales, des problèmes de nature
comparable se sont produits.
Depuis quelques années les entreprises s’adaptent au rythme d’un
changement perpétuel, pour ne pas dire un bouleversement permanent. Elles
doivent adapter leurs ressources humaines, leurs process en permanence.
L’entreprise en tant que telle est de moins en moins ce lieu clos avec ses
bureaux, ses chefs et ses réunions, ses horaires, son siège et ses succursales
en province. Cet entre-soi professionnel auquel on s’attache au fil des ans
parce qu’il représente parfois une «  seconde famille » laisse peu à peu la
place à une entité aux contours flous et aux personnels mobiles. Les lieux
de travail ne sont plus uniquement définis géographiquement et les horaires
comptent peu au regard des résultats.
Conséquence  : les rapports hiérarchiques traditionnels sont fortement
remis en cause. Ce n’est plus le « chef versus employé », mais le « créateur
et producteur versus commanditaire ».
Parce que l’horizon s’est élargi grâce à Internet et aux réseaux, l'avenir
professionnel s’étend bien au-delà de nos frontières et, d’après l'enquête
« La grande invasion », conduite par la BNP en janvier 2015, ils sont plus
de 68  % issus de la génération Z à vouloir s’expatrier. Les ressources
humaines devront s’adapter à ces défis que sont la mobilité et la nécessaire
flexibilité de leur organisation.
Reste le danger de mise à l’écart des «  exclus du monde numérique  »
pour lesquels il faut trouver une place dans notre société.

Rapport au travail
 
 

Le monde du travail a changé de nombreuses manières et le rapport à ce


monde bien évidemment aussi par conséquence. Le “contrat social” entre
l’employeur et l’employé avec la garantie des 10, 15, 20 ans ou 30 ans de
travail et d’évolution dans une grande entreprise et encore un groupe
d’entreprises, n’existe plus. Aujourd’hui, aucun employeur ne peut garantir
20 ans de parcours professionnel parce qu’il a pris conscience que ses
besoins en ressources humaines comme ses structures et stratégies
commerciales évoluent en permanence, et souvent de façon radicale en peu
de temps. Nombreux sont les candidates et candidats aux emplois, comme
les personnels de l’entreprise, qui ont cette conscience qu’un changement
de poste, de secteur, s’impose de façon plus ou moins fréquente. A plus
forte raison pour qui veut évoluer en matière de salaires et de
responsabilités. «  Dans deux ou trois ans, il faut que je bouge, sinon de
boîte en tout cas de poste… »
Fini le temps où l’on entrait dans une entreprise après ses études et où on
y fêtait son départ en retraite. Fini le temps où l’on faisait entrer à l’usine et
dans l’entreprise ses enfants et ses petits-enfants. Fini le temps où l’on
gravissait un à un les échelons de la hiérarchie dans une carrière linéaire
accomplie le plus souvent dans le même secteur, quand ce n’est pas la
même boîte et dans le même lieu. Certes les technologies de l’information,
l’Internet ont fortement modifié le rapport à l’employeur, mais le fait
d’avoir vu la génération X remerciée par des entreprises auxquelles elle
avait parfois tout sacrifié a certainement contribué à changer la mise. L’idée
même «  d’appartenir à une entreprise » paraît tout simplement incongrue
aux générations Y et Z.
À force de voir la génération X pointer aux Assedics, les suivantes ne
croient plus au plein-emploi et pour cause ! De plus, ne l’ayant pas ou peu
connu, elles ont appris à faire de la précarité un tremplin d’évolution de
carrière ; leur rapport au travail n’est plus le même. Et même si le cocon de
l’entreprise traditionnelle reste encore attractif pour nombre d’individus,
son fonctionnement vertical semble dépassé pour beaucoup, parce qu’il ne
correspond pas à la logique de projets qui peuvent être les leurs.
Les jeunes générations perçoivent le marché du travail comme quelque
chose de différent. En plus de ne plus croire du tout au plein-emploi, ces
jeunes ont la certitude, sauf à quelques rares exceptions, que leur parcours
professionnel ne sera pas linéaire. Leur rapport au travail est relativement
opportuniste, sans jugement de valeur. À savoir qu’ils utilisent leurs propres
expériences pour se construire eux-mêmes  ; c’est une sorte d'auto
apprentissage continu et permanent. Beaucoup aspirent donc à penser leur
rapport au travail d’une autre manière, tant dans le temps, que dans
l’espace…
On voit de plus en plus émerger la volonté de pouvoir gérer son temps, sa
vie. Il existe désormais un rapport « donnant-donnant » réel avec le monde
du travail. D’où la nécessité de concevoir et mettre en oeuvre pratiquement
de nouvelles formes juridiques pour réguler ce « nouveau monde du
travail » aux contours mouvants et complexes.
En attendant, les jeunes sont plus attirés par les métiers liés aux TIC
parce qu’ils correspondent à leur culture. Génération connectée, génération
réseaux, plus indépendante, plus mobile, plus dans une logique de projets,
elle vit le moment présent et ses liens sociaux sont moins engagés dans la
durée, ce que l’on qualifie de « lien faible » ; pour autant, elle n’a pas perdu
l’envie de s’engager et la recherche de sens est une dimension importante
de la relation au travail. Des attentes multiformes, entre reconnaissance et
recherche d’un sens au travail, dont elles et ils souhaitent que ce dernier «
contribue à rendre le monde meilleur » .
Force est de constater que la quête de sens de nos jours semble essentielle
à toutes les générations. Elle serait souvent perçue comme une
revendication propre aux plus jeunes, les Millennials, qui expriment plus
que leurs aînés une volonté forte de percevoir l’utilité de leur travail.
50
Pourtant, d’après une récente étude de l’Apec menée en 2019 , c’est bien
l’ensemble des cadres qui accorde de l’attention à cette question : 51 % des
cadres jugent “très important” d’exercer un métier qui a du sens. Il est
également fondamental pour elles et eux de se sentir utiles à l’entreprise (52
%) et continuer à apprendre de nouvelles choses (56 %).
Cette importance de la dimension du sens au travail est probablement
générale aujourd’hui et en particulier en période de crise ou les pertes de
repère qu’elle induit, nous interroge sur nos buts, comme sur ce qui est
important dans nos vies. Une étude réalisée par le cabinet Deloitte avec
51
Viadeo , «  sens au travail ou sens interdit  », tente de répondre à cette
question essentielle du sens au travail. Elle fait apparaître que 87% des
personnes interrogées accordent de l’importance au sens du travail, et 54%
considèrent que le sens a guidé leur orientation professionnelle confirmant
ainsi pour certains le rejet ou l’espoir de quitter ou d’éviter des « jobs à la
con : Bullshits Job ».
 

Dans ce contexte, force est de constater que la génération «  Z  » se


différencie toutefois par des caractéristiques spécifiques en effet pour celle-
ci le rapport à l’entreprise est plus fantasmé que vécu. En effet, très peu sont
celles et ceux qui la connaissent en réalité ; mais le monde du travail y est
vu plus dans une logique de collaboration que dans un état d’esprit collectif.
De même, plus dans une volonté d’accumuler des expérimentations plutôt
que de l’expérience, la génération Z regarde de manière parfois
condescendante l’apprentissage scolaire et universitaire (alors qu’on peut
tout apprendre sur la toile), et les diplômes qui ne donnent pas forcément un
métier. Ces jeunes se voient majoritairement plus comme créateurs
d’entreprises que comme salariés de cette dernière.
Les entreprises traditionnelles continueront d’exister, mais elles ont,
d’ores et déjà, entamé une mutation dans leurs fonctionnements. Certaines
d’entre elles comme « les entreprises libérées » ou des mouvements comme
les « entrepreneurs d’avenir », se penchent déjà sur cette question. Ce sont
des pionniers qui essaient de repenser une partie de leur fonctionnement.
Contrairement aux entreprises qui sont en réaction et qui subissent ces
mutations, ces entreprises anticipent ces changements le plus souvent en
étroite collaboration avec leur personnel.
Le travail y est de plus en plus organisé en mode projet pour investir les
collaborateurs. Des dynamiques de travail collaboratif et de co-construction
sont apparues dans nombre d’entreprises, modifiant les méthodes de
management.
Une autre donnée bouscule les rapports au travail et à l’entreprise elle-
même, c’est la prise de conscience, sous la pression de la société civile, des
impacts parfois négatifs de l’entreprise sur son environnement écologique et
humain. De plus en plus, les entrepreneurs doivent répondre à la demande
croissante de « produire sans détruire » et s’engagent dans une démarche de
Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE).
« Au XIXe siècle, on a développé l’idée d’une activité créatrice, ce qui est
devenu possible dans la deuxième moitié du XXe siècle. Dès lors, un travail
est aussi devenu un emploi, avec tout le développement du droit du travail,
de la protection sociale, etc. Ce qui était un rêve est devenu une réalité  :
s’épanouir dans son travail, exprimer ce que l’on est, développer ses
compétences… Ce qui s’exprime par conséquent aujourd’hui, c’est à la fois
cette dimension instrumentale, mais c’est aussi cette dimension
d’épanouissement : faire quelque chose qui a du sens et savoir pourquoi on
52
le fait. », résumait très justement Patricia Vendramin .
Si les nouvelles technologies donnent le sentiment d’une
individualisation du travail, elles ont le mérite de faire prendre conscience
des interactions du monde du travail avec le monde tout court, et de la
responsabilité que nous avons toutes et tous dans son évolution. Alors,
qu’on soit indépendant ou salarié d’entreprise, l’investissement personnel et
la recherche d’une utilité à ce que l’on fait au quotidien accompagnent de
plus en plus les carrières professionnelles.
RSE et Intelligence normative 
 

William MONLOUIS-FELICITE
Complexité des enjeux d’un monde en mutation
 
 

Internationalisation, globalisation, mondialisation, le monde


d’aujourd’hui semble sans frontières ! Alors se pose la question du sens de
l’existence dans ce « village global » où toute et tous coexistent : l’homme,
le citoyen, le consommateur et l’entreprise. Cette évolution a-t-elle été
maîtrisée ? Qui en a profité ? Comment mettre dans ce paradigme émergent
un nouvel ordre conciliant harmonie sociale, succès économique et respect
de l’environnement ?
Une vision à court terme et une concurrence exacerbée, imposées de fait
par l’économie depuis les années 90, ont ainsi conduit les entreprises à
privilégier les actionnaires au détriment de certaines parties prenantes et
notamment des salariés. Ce déséquilibre en matière de gouvernance se
double d’une crise profonde du travail, conséquence de 15 années de
transformation accélérée des entreprises et de sous-estimation du facteur
humain.
Après des décennies d'hyper compétition, d’intensification de la
concurrence, de rapidité accrue des transactions et d’une économie qui se
transforme à grande vitesse, les bulles spéculatives ont éclaté, et les dégâts
engendrés, tant sur le plan humain qu’économique et environnemental, sont
lourds.
La surconsommation, l’individualisme, l’idée d’un monde sans frontières
et d’un marché aux ressources illimitées ont fait long feu ; nous sommes bel
et bien confrontés, aujourd’hui, à une inquiétante réalité que nous n’avons
pas su prévoir  : 13 à 15  millions d’hectares de forêt disparaissent chaque
année (pour 4  millions plantés)  ; la fin de l’ère pétrolière est inéluctable  ;
les réserves de métaux (or, argent, palladium, cuivre, plomb) ainsi que les
métaux rares (lithium, titane) se raréfieront dans les 10 à 20 prochaines
années. Les réserves d’eau douce diminuent, tout comme l’accès à cette
ressource pour certaines populations, alors que la démographie mondiale
explose  : nous sommes 7  milliards d’humains sur terre et seront
probablement près de 10 milliards d’ici 2050.
Les risques de désastres environnementaux pèsent sur notre avenir mais
surtout sur les populations les plus fragiles. Dans de nombreuses régions du
monde, une réduction des terres arables, une multiplication des coupures
d’eau, une baisse des réserves alimentaires et poissonnières, une
augmentation des inondations et un allongement des périodes de sécheresse
ont été causes de famines, de maladies, de migrations. La pollution
chimique des sols et eaux – parfois irréversible – les changements
climatiques, le taux d’érosion de la biodiversité, l’acidification des océans
sont d’ores et déjà sources de problèmes sanitaires, de conflits et d’exodes
de population. Plus de 25 millions d’individus ont déjà été déplacés du fait
de catastrophes naturelles. L’Asie du Sud, l’Afrique ou les îles Pacifiques
sont les régions les plus particulièrement touchées. L'ONU estime le
nombre de « réfugiés climatiques » à 250 millions de personnes en 2050 !
Ces vagues de déplacement sont l’amorce de conflits futurs car, à côté
des conséquences environnementales, d’autres graves problèmes
apparaissent qui nourrissent des crises à caractère mondial :
- Crise de la civilisation occidentale  : Elle se traduit par une crise des
valeurs, une remise en cause des modèles économiques, des inégalités
croissantes, une perte de sens, nombre d’impacts géopolitiques non prévus
ou mal maîtrisés, un rejet de notre histoire, une résurgence de conflits et des
violences d’un autre âge.
- Crise démographique  : Les projections démographiques, modérées à
conservatrices, indiquent que le nombre d’habitants sur la planète atteindra,
presque avec certitude, 9  milliards, peut-être plus, d’ici le milieu du
XXIe siècle. Il est clair qu’un changement démographique de cette ampleur
nécessitera une réorientation majeure de la pensée, des valeurs, des attentes
et des modes de vie de l’humanité.
- Crise technologique car la science risque, tôt ou tard, de ne plus être en
mesure de répondre aux enjeux planétaires de demain. Tout comme est
limitée la capacité de l’être humain à prévoir et à maîtriser les effets de
certaines technologies sur le moyen et long terme.
- Crises sanitaires à l’échelle mondiale qui s'accroît et demande des
adaptations nouvelles impactant considérablement les décisions politiques,
les rapports au travail, les relations sociales. Crise qui met en avant
l’importance déterminante de la bonne gouvernance des Pays, ainsi que leur
intelligence logistique et collective.
Des années quatre-vingt à aujourd’hui, les modes de communication
planétaires ont évolué de manière spectaculaire.
- Plus de 5 milliards de personnes possédaient un téléphone en 2017, dont
3,3 milliards un smartphone. Des chiffres qui devraient atteindre d'ici
53
l'année 2025 plus de 5,9 milliards d'individus
- 4,12 milliards d’internautes, soit 54% de la population mondiale (+8%
54
entre juillet 2017 et juillet 2018)
- 3,36 milliards d’inscrits sur les réseaux sociaux, soit 44% de la
55
population mondiale (+11% entre juillet 2017 et juillet 2018) . Facebook
56
totalisant à lui seul plus de 2 milliards d’inscrits
- Plus de 200 millions de blogs, et 3 millions de plus tous les mois en
57
2013 Les tendances 2019 et 2020 s’orientant vers 2 millions de blogs
58
chaque jour
 

Ces outils et espaces d’échanges offerts par la digitalisation, et la toile


numérique, sont devenus un formidable rempart à l’opacité, un accélérateur
de transparence, de métissage et de prise de conscience progressive d’une
identité planétaire. En revanche, elles contribuent à la construction d’un
monde d’immédiateté, du faire vite, d’apparence, d’uniformité culturelle et
certainement de la loi du plus fort…
Le développement prodigieux des nouvelles technologies permet qu’un
événement soit connu au même moment par tout le monde et que les
hommes soient connectés quelle que soit la distance ; l’interdépendance des
habitants du monde est réelle, pour le meilleur et pour le pire.
De la même manière, les entreprises sont elles aussi de plus en plus
influencées, positivement ou négativement, par cette évolution complexe et
par ce monde en mutation, car elles sont au cœur du système, et des
turbulences en résultant.
Pour les acteurs de l’entreprise, ce « mouvement perpétuel  », la
complexité des décisions croissantes, l’accélération des rythmes de pensées
(« Tout va de plus en plus vite ! ») est une source d’incertitude, qui influe
considérablement tant sur le développement personnel des salariés que sur
celui de l’entreprise elle-même.
De plus en plus, les organisations (entreprises, associations, clubs
sportifs, institutions diverses notamment) doivent rendre compte de leurs
impacts et des mesures prises pour les atténuer car la société civile s’est
immiscée dans le débat. De nouvelles formes d’expressions et de pressions
citoyennes s’exercent sur l’entreprise, par exemple pour lutter contre les
dangers du communautarisme et de l’isolement. L’opinion publique agit
concrètement afin qu’elles s’engagent sur le plan éthique et prennent
conscience des coûts sociaux, sociétaux et environnementaux imputables à
leurs activités. Quant aux consommateurs, souvent organisés en association,
ils ont un véritable «  pouvoir d’influence  » sur elles. Un mouvement de
fond est en route sous l’influence de la société civile et de
l’internationalisation de la concurrence. La notion d’empowerment citoyen
exprime assez bien ce besoin d’exigence participative de celles et ceux
citoyens qui expérimentent par eux-mêmes, qui font et se réapproprient
collectivement des sujets C’est ce sentiment du « pouvoir d’agir  »
directement, tant sur des problématiques sociétales, sociales, économiques
et politiques que sur des thèmes très spécifiques. Contrepouvoir ou symbole
d’un épuisement des modalités traditionnelles de représentation et de
participation qui doit se réinventer ?
L’empowerment fait apparaître une multiplicité d’initiatives et d’attentes
qui parfois bousculent et entrent en conflit avec l’inertie ou les dynamiques
des institutions traditionnelles (publiques ou privées). Elles les amènent à
repenser voir réinventer leur rapport aux dialogues et à accueillir la
diversité des démarches, à repenser la place du citoyen dans la vie publique
et dans l’espace de l’organisation privée.
Dans ce marché financier international, de moins en moins maîtrisé,
émerge une «  nouvelle communauté planétaire  », qui est de plus en plus
vigilante aux conséquences d’une interconnexion sauvage sur les questions
d’éthique, et attache une importance croissante à des valeurs communes  :
démocratie, culture, respect de l’autre, tolérance, bien être, environnement,
partage.
Notre époque marque certainement l’avènement d’une «  conscience
progressive  » du sens de l’existence, d’une réalité planétaire et d’une
identité de l’humanité à laquelle aucune personne humaine ne pourra
prétendre se soustraire. Nous ne pouvons plus nier aujourd’hui nos
responsabilités individuelles et collectives face aux enjeux planétaires, ni
nier les impacts sur l’environnement.
Cette question fondamentale, celle de notre responsabilité vis-à-vis de la
société, fait naître une conscience nouvelle. L’homme de ce siècle et la
période que nous vivons sont, à cet égard, historiques et remarquables.
Cette question renvoie donc à la nécessité de construire, de penser une
société, sinon idéale du moins juste et responsable, mais aussi d’identifier,
par le dialogue, nos capacités d’adaptation et d’ajustement comme
condition fondamentale du changement.
Les êtres humains dans leur ensemble, renvoyés à cette responsabilité
collective envers autrui, aspirent donc à un tel changement sous réserve
qu’il soit conduit par l’humanité elle-même et non par les seuls États et
autres institutions quelles qu’elles soient.
Plus qu’une théorie, ce nouveau paradigme, dans lequel l’entreprise
occupe une place centrale, devient une voie aussi nécessaire qu’inévitable.
Il y a urgence à l’intégrer dans toute organisation, tout en trouvant des
modes de management adaptés et humainement supportables et acceptables.
C’est ce nouvel aspect d’un développement véritablement durable de
l’entreprise qui est porté par le concept de Responsabilité Sociétale des
Entreprises et des Organisations, la RSE/RSO.
La RSE, un outil pragmatique

au service du développement durable


 
 

«  Le développement durable, c’est très bien mais c’est souvent compris


encore, malgré tout avec des gens qui ne peuvent pas s’empêcher de penser
quantitativement. Or, c’est impossible de continuer de croître
quantitativement par rapport à l’usage des ressources naturelles compte
tenu de leur finitude, sauf par le renouvelable évidemment et 100%
recyclables. Donc, c’est un peu suspect car les gens continuent à mettre
dans ce mot développement durable ce côté quantitatif. Si on parlait
d’harmonie durable, là ce serait différent car harmonie suggère une
croissance qualitative, une meilleure qualité de vie, la simplicité volontaire,
la simplicité heureuse, le partage…Ça joue sur tous les plans et dans le
présent car on ne peut pas avoir une société harmonieuse dans une société
très inégale »
 
59
Mathieu Ricard, interview réalisée par William MONLOUIS-FELICITE
 
 

Au commencement, il y eut le rapport Brundtland, du nom de son auteure


norvégienne. Rédigé en 1987 à la demande de la Commission
Environnement de l’ONU, il permit de poser les fondements du
développement durable, terme alors employé pour la première fois, et qui
depuis s’est largement vulgarisé. Il en donne une définition :
«  Le développement durable est un développement qui répond aux
besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures
de répondre aux leurs. Deux concepts sont inhérents à cette notion  : le
concept de « besoins », et plus particulièrement des besoins essentiels des
plus démunis, à qui il convient d’accorder la plus grande priorité, et l’idée
des limitations que l’état de nos techniques et de notre organisation sociale
impose sur la capacité de l’environnement à répondre aux besoins actuels
et à venir. »
En 1989, suite à ce rapport, les Nations Unies décident l’organisation du
troisième Sommet de la Terre. Ce sera le Sommet de la terre de Rio en
1992, qui d’ailleurs labellisera l’expression « développement durable ». Au
départ centré sur les questions environnementales, le développement
durable traite désormais les impacts des activités humaines dans leur
ensemble : économiques, sociales, environnementales.
Mais comment parler préservation de l’environnement, respect des droits
humains et des droits sociaux sans évoquer la question de l’éthique et de la
responsabilité ?
Des décennies d’hyperproduction, de vision à court terme de l’économie
ont certes accéléré les échanges internationaux et augmenté les richesses.
Mais le prix à payer est lourd : des désastres écologiques sans fin et un bien
triste gâchis humain dans les entreprises où les salariés voient leurs repères
de plus en plus brouillés, bousculés et en souffrent.
L’entreprise peut-elle encore se développer sans considérer ses
interactions avec son environnement, au sens large du terme  ? Peut-elle
encore ne pas se préoccuper de l’acceptabilité sociale de ses pratiques ?
Comment nier que l’implantation, dans certains pays, de grandes
entreprises aux intérêts supranationaux s’est souvent faite sans tenir compte
des populations locales, du cadre de vie traditionnel, de la culture locale, de
l’environnement et des droits Humains.
La légèreté, voire le cynisme de certains responsables, auront eu cet effet
positif de provoquer une réaction salutaire dans la société civile, quand ce
n’est pas au sein même de l’entreprise. Une volonté de « moraliser » un peu
plus tant les affaires que leur fonctionnement a permis, par la suite, de
prendre conscience des impacts que l’entreprise générait sur son
environnement. Elle a aussi posé la question de sa responsabilité. De cette
demande d’éthique est née la RSE (Responsabilité Sociétale des
Entreprises). Ce concept s’étend très largement aux entreprises et aux
organisations dans les années 2000.
60
Deux définitions de l’Union Européenne en donnent bien le sens  :
«  La responsabilité des entreprises vis-à-vis des effets qu’elles exercent
sur la société. » (2011)
«  Aller au-delà des exigences légales minimales et des obligations
imposées par les conventions collectives pour répondre aux besoins
sociaux. » (2001)
La RSE se développera surtout dans l’après-guerre dans les pays anglo-
saxons, dans les pays anglo-saxons, sous le nom de «  Corporate Social
Responsibility  » (CSR). La paternité du concept est attribuée à Howard
Bowen qui publie en 1953 son livre «  Social Responsibilities of the
61
Businessman »
La définition de la RSE a évolué au fil du temps et ses principes
fondamentaux ont progressé :
- « Les principes de responsabilité sociale, les processus de gestion de la
RSE et les résultats de cette gestion tels qu’ils se déploient dans les
62
interactions entre une organisation et ses parties prenantes. »
- «  La RSE inclut l’économique, le légal, l’éthique, et l’espérance (...)
63
que la société a pour les organisations à un moment donné. »
- La RSE est « un instrument de régulation sociale qui vise à stabiliser les
interactions entre l’entreprise et la société et à faciliter l’intégration à long
64
terme des buts de l’entreprise et de la société. »
- La RSE est «  le produit d’une culture, c’est-à-dire que son contenu
reflète les relations désirables entre l’entreprise et la société telles qu’elles
65
sont définies par l’environnement social, culturel, et institutionnel. »
- La RSE est « utilisée pour décrire comment les entreprises appliquent
les responsabilités sociétales générales pour aller au-delà des critères
66
économiques. »
Le principe de responsabilité sociétale des entreprises sous forme de
définitions multiples révèle désormais le caractère d’interdépendance des
enjeux auxquels elles sont confrontées. Elle amène à avoir une vision plus
large du système : l’entreprise et son environnement sont considérés comme
un tout dont les composantes internes et externes agissent en interaction
permanente.
La RSE est une réponse aux attentes de la société qui n’hésite pas à
mettre en cause les entreprises en raison de leurs impacts. Elle est de fait
une réponse aux interrogations de l’entreprise elle-même, sur les impacts
positifs et négatifs de son activité tant en interne qu’en externe.
Cette double approche est éthique et non morale puisqu’elle vise, au-delà
de la loi, face à un problème donné, à adopter la meilleure solution en
s’appuyant sur des valeurs apprises, admises et intégrées, et en tenant
compte du contexte dans lequel le problème se pose factuellement. Elle
conduit les différents acteurs à se poser nombre de questions sur le plan
managérial : « En tant qu’acteur de l’entreprise, en tant qu’individu, à quel
niveau vais-je situer ma responsabilité ? » ; « Dans quel périmètre dois-je
m’engager en dehors de ma stratégie technique et opérationnelle ? ». Cette
prise de conscience touche l’entreprise elle-même, ses dirigeants et tous les
collaborateurs : « Est-ce que j’y participe ? Quel est mon intérêt à sortir du
cadre, du champ même de l’entreprise, de ses activités pures ? En quoi mon
entreprise devrait être (plus) utile à la société ? »
Cette approche est illustrée par Hervé Navellou en tant qu’ancien
directeur général France de L'Oréal France. Il donnait sa vision de
l’intégration de la responsabilité sociétale de l’entreprise à l’échelle du
67
groupe l’Oréal  comme suit.
«  Chez L’Oréal, nous avons intégré la notion de responsabilité tout au
long de notre chaîne de valeur, et dans chacun nos métiers. Notre approche
s’appuie sur 4 piliers. L’innovation durable, qui se traduit par exemple par
la sélection de matières premières végétales issues de filières responsables
ou encore l’utilisation par nos chercheurs, des principes de la chimie verte.
La production durable, c’est-à-dire l’excellence environnementale que nous
voulons en France pour nos  13 usines et nos  10 centrales d’expédition.
Nous nous sommes engagés à réduire de moitié les émissions de gaz à effet
de serre en absolu, réduire de moitié la consommation d’eau et la génération
de déchets par produit fini. La consommation durable, qui concerne notre
manière de faire du marketing  : c’est le travail que nous menons sur
l’écoconception de nos produits, des formules aux packagings  ; les
engagements que nous avons en matière de communication responsable, ou
encore les actions que nous développons pour sensibiliser nos
consommateurs à une consommation plus responsable. Enfin, comme nous
aimons l’appeler, le développement partagé : il s’agit de toutes les actions
de partage de notre croissance  : via par exemple nos actions de mécénat,
nous avons investi en France dès 2012 à travers la Fondation et les actions
menées par nos marques et nos différentes entités plus de 11,6  millions
d’euros sur les thèmes de l’emploi, de la promotion de la science, ou de la
confiance en soi.
Il ne faut pas penser la responsabilité en termes de bénéfices. C’est un
devoir pour une entreprise aujourd’hui, d’être soucieuse de son impact tant
environnemental, social qu’économique sur le monde qui l’entoure. Il se
trouve que pour nous c’est une source de créativité, un facteur
d’enrichissement, une fierté et une source de motivation pour les équipes. »

La RSE : Intelligence normative

et régulation des relations de travail


 
 
68
La plupart des organisations syndicales selon certaines études semblent
tenir un discours proactif sur la RSE. Certains syndicats en font même un
axe fort de leur stratégie. C'est le cas par exemple de la CFE-CGC qui
«  plaide en faveur d’une démarche de Responsabilité Sociétale des
Entreprises (RSE) qui s’ancre dans le quotidien des entreprises. Elle
soutient une approche de la RSE qui irrigue l’ensemble de leurs activités,
qui s’intègre à leur gouvernance, qui favorise leur ancrage territorial, qui
engage sans détour les dirigeants et qui implique ceux qui la font  : les
salariés et parmi eux les managers. C’est ainsi que la RSE sera réellement
69
créatrice de valeur et qu’elle redonnera du sens »
Pour autant la RSE ne fait pas l’unanimité. Pour certains syndicalistes,
elle constitue une dangereuse tentative de remplacer les rôles traditionnels
des gouvernements et des syndicats ou comme un simple exercice de
relations publiques. La responsabilité sociale des entreprises «  concerne
l’ensemble des dimensions de la vie sociale – ce qu’il est convenu d’appeler
les «  parties prenantes  » - mais elle s’exerce de manière particulière à
l’égard de ses salariés qui sont au cœur du fonctionnement de
l’entreprise.5  » En 2017, Les organisations syndicales de salariés et
d'employeurs représentatives au niveau national interprofessionnel ont
souligné, le 1er Février 2017 dans le préambule d’une délibération portant
sur la RSE dans les entreprises de moins de 500 salariés, ce qui suit : « Le
maillage économique, social et territorial français est fort de près de 3
millions de TPE-PME, véritables leviers de croissance et d'emplois.
Enracinées dans leur territoire, ces entreprises évoluent dans un contexte
national, européen et international et sont confrontées à la mondialisation.
La Responsabilité Sociétale de l'Entreprise (RSE) s'inscrit pleinement dans
cette logique en contribuant à un développement économique et social
durable dans une société qui doit aujourd’hui concilier les enjeux
économiques, environnementaux, sociaux et sociétaux. »
 

Les parties signataires de ce texte observent que la démarche volontaire


relative à la RSE est un gage de performance globale de la petite et
moyenne entreprise, tant dans son fonctionnement interne que dans son
activité externe. Elles soulignent par ailleurs l'importance que revêtent les
parties prenantes à l'entreprise. Qu'elles soient internes (salariés) ou
externes (clients, fournisseurs, citoyens, riverains, pouvoirs publics, ONG,
et autres). Elles conviennent entre autres de leur intérêt commun à voir se
diffuser la démarche RSE dans les petites et moyennes entreprises, dont le
nombre de salariés est inférieur à 500. Intégrer à la stratégie RSE une
démarche exemplaire en termes de dialogue avec les parties prenantes et
d'implication des salariés et de leurs représentants, de responsabilité sociale,
de gestion responsable des impacts environnementaux et de maîtrise des
risques est un axe structurant pour une entreprise notamment dans son
territoire. Elle rappelle l'engagement du chef d'entreprise comme étant
décisif et celui des salariés et de leurs représentants déterminants. De
même, l'implantation de l'entreprise dans un territoire, et son rôle d'acteur
local responsable, est dit fondamentale dans la démarche RSE. Les parties
signataires reconnaissent par ce document une vraie légitimité à se
prononcer sur ce sujet pour faire de la RSE un outil de renforcement du
dialogue social et de la performance économique
 

Comme indiqué précédemment, le dialogue social se limite le plus


souvent aux thématiques devant faire l’objet de négociations obligatoires ou
facultatives. De ce point de vue, la RSE est une opportunité, pour réussir la
modernisation des relations sociales en France en mettant notamment en
cohérence des problématiques habituellement gérées séparément, en silo.
L’élargissement de ce dialogue social vaut pour les sujets abordés comme
pour les acteurs de ce dialogue. Le contexte en lien à la crise sanitaire a
conduit nombre d'entreprises à élargir les thèmes des relations de travail à
des thématiques sociétales plus large et à mettre en lien des thématiques qui
étaient traitées jusqu’alors sans lien. Ainsi en est-il, par exemple, du
télétravail qui implique de traiter des problématiques de sécurité, de
conditions de travail des salariés mais également de problématiques
relatives à leur vie privée. De même doit être intégré dans le dialogue social
l’impact sociétal des entreprises en termes de sécurité sanitaire vis-à-vis des
populations extérieures. Sans oublier l’incidence des décisions politiques et
des institutions en lien aux confinements sanitaires sur l’entreprise dans le
cadre de ses relations sociales et de sa survie économique.
 

Cette approche systémique lie l’entreprise à son environnement, et vice-


versa. Parce qu’elle touche tous ses piliers (économiques,
environnementaux, sociaux, sociétaux), elle l’astreint à la penser dans un
ensemble, dans une globalité de sa performance sociale.
 

 
 
La RSE n’est pas une démarche curative mais plutôt préventive. Corriger
les impacts négatifs est nécessaire  ; mais les anticiper est bien plus
motivant. Et les éradiquer, plus encore. C’est donc une forme de gestion,
voire de prévention, du risque. Cette démarche oblige à anticiper dans la
mesure où elle place le dialogue et la concertation au cœur des projets de
l’entreprise.
Doit-on aller vers plus de souplesse ou plus d’engagement  ? Au fond,
rien ne sert d’opposer, encore une fois, l’un à l’autre puisque la souplesse
rend l’engagement soutenu et durable, et que l’engagement favorise la
souplesse. Là encore, cette souplesse permet une meilleure régulation de
l’entreprise et un curseur d’engagement positionné à un niveau acceptable
pour elle et ses collaborateurs. Autrement dit, il s’agit bien de  fixer les
limites de cet engagement à des objectifs réalistes. On revient au curseur : «
Jusqu’où puis-je aller  ?  ». Car si la RSE définit des objectifs, elle n’en
arrête pas les limites.
C’est l’entreprise elle-même, en fonction de sa propre éthique, de critères
d’acceptabilité et de faisabilité, qui fixera le cadre et les limites de son
engagement. D’autant que la démarche peut être progressive, se concevoir
par étapes et mûrir dans le temps. Pour les syndicalistes la RSE peut être
l’opportunité de renforcer leur légitimité comme interlocuteurs solides et
autonomes, ouverts aux échanges multi-acteurs. Sa construction avec les
parties prenantes et non pas de façon unilatérale permet de mobiliser les
ressources du dialogue social autrement que par un plan d’action imposé :
en impliquant les acteurs internes voir externes, le plus en amont possible.
Le dialogue avec les parties prenantes est au cœur de la démarche de
responsabilité sociétale. Les parties prenantes (stakeholders) sont, selon
Freeman (1984), définies comme "tout individu ou groupe qui peut affecter
ou être affecté par la réalisation des objectifs de l'organisation".  » Les
parties prenantes d’une entreprise peuvent inclure les clients, les
organisations non-gouvernementales (ONG), les salariés, les fournisseurs,
les actionnaires, les communautés locales, et autres.  Le dialogue avec les
parties prenantes est au cœur de la norme ISO 26000. Il est posé comme un
axe fondamental et incontournable de la stratégie de l’organisation dans le
domaine de la responsabilité sociale.
La prise en compte des parties prenantes amène l’entreprise à considérer
au cœur même des interactions organisationnelles une multiplicité d’acteurs
et d’intérêts au-delà des actionnaires. C’est un « changement de paradigme
70
dans la vision de l’entreprise  » et c’est aussi un choix stratégique pour
l’entreprise. La théorie des parties prenantes implique « une formulation
stratégique qui identifie les parties prenantes de l’organisation et qui tient
71
compte de leurs attentes.  » Elle fait apparaître que les relations sont à
poser au centre et à la périphérie de la vie organisationnelle. Ces
interactions permettent une compréhension profonde de l’organisation au
bénéfice de son évolution. C’est bien la question de la stabilité de
l’entreprise en tant que construit humain qui est posée par le dialogue avec
les parties prenantes. 

 
 
 
 
L’objectif du dialogue avec ses parties prenantes est de prendre en
compte, avec une vision de long terme, le contexte pour agir efficacement
dans la durée. Plusieurs critères permettent d’identifier et évaluer les parties
prenantes avec lesquelles l’entreprise doit prioritairement dialoguer en
fonction des enjeux de l’entreprise, du contexte et de son cœur de métier
Toutes les parties prenantes méritent l’attention de l’entreprise. Mais
comme cette dernière n’aura souvent pas la possibilité d’entrer en relation
avec toutes en même temps. Il convient d’identifier celles avec lesquelles
engager prioritairement un dialogue.
L’entreprise peut s’appuyer sur plusieurs critères pour évaluer et
sélectionner ses parties prenantes, parmi lesquelles :
• Connaissance des enjeux et niveau d'expertise ;
• Légitimité et représentativité ;
• Pouvoir de décision, niveau et capacité d’influence (cf. qualification de
l’étape 2) ;
• Identification des intérêts des parties prenantes et de la qualité de la
relation (cf. qualification de l’étape 2) ;
• Capacité et volonté de dialoguer, degré de dépendance vis-à-vis de
l’entreprise (cf. conseil n°2) ;
• Identification de la nature des demandes formulées par les parties
prenantes (juridique, éthique, économique, médiatique, etc.).
Cette caractérisation permettra de déterminer clairement les
interlocuteurs (institutions ou personnes) et de mieux adapter le mode de
relation à établir et les résultats attendus. Cet exercice sera très utile même
s’il n’est pas totalement exhaustif ou que cette identification est appelée à
évoluer. Il faut l’aborder avec une vision dynamique et évolutive et ne pas
considérer les catégories comme figées. En fonction des sujets et du
contexte, l’entreprise pourra faire évoluer cette identification et
qualification.
En fonction des enjeux et du sujet, du degré de maturité de la démarche
en interne, des échelles de temps dans laquelle elle s’insère, de l’éventuel
historique de la relation, l’entreprise doit se poser la question de la forme de
dialogue à adopter pour chaque partie prenante en fonction des objectifs
visés. Bien entendu, il peut exister différents niveaux de relations selon les
parties prenantes. L’entreprise peut développer des relations bilatérales
(dialogue plus ou moins formalisé) et/ou opter pour des formules
multilatérales qui associent plusieurs parties prenantes à la fois. Le choix
n’est pas figé et est appelé à évoluer au fur et à mesure du développement
(positif ou négatif) de la relation entre l’entreprise et la partie prenante.
Ainsi, plusieurs modes de dialogue peuvent exister, selon que l’entreprise
souhaite des relations temporaires ou récurrentes.
Le dialogue social est un outil essentiel pour pour « forcer » l’effectivité
des normes sociales de l’entreprise, autant que pour les construire ou les
faire progresser de l’intérieur. Elle permet aux acteurs salariés une analyse
globale de la place de l’entreprise dans son écosystème et d’en saisir des
mécanismes essentiels favorisant la compréhension commune des enjeux de
l’entreprise. Elle incite les entreprises et les parties prenantes internes et
externes à se tourner vers une vision globale et de long terme de la
performance et du système normatif visant l’anticipation des situations de
72
crise . Cette efficacité traduit l’intelligence normative qui résulte de la
problématique RSE. Il semble que dans ces espaces se dégage une
démarche permanente d’ajustement entre le fonctionnement de l’entreprise,
ses impacts et ce qui l’impact. Cette interaction amène les acteurs de
l’entreprise à une recherche d’équilibre de relation et de régulation avec
leur système. A savoir une capacité à s’adapter face à des impacts et par une
combinaison de solutions qui permettront de garantir un certain équilibre
normatif dynamique
Dans cette approche globale, où les collaborateurs et les collaboratrices
sont parties prenantes et non des «  instruments », c’est tout le rapport au
management, au dialogue et à la responsabilité qui doit être questionné. La
RSE pose les fondements d’un droit du travail «  authentique  » qui peut
nourrir une dynamique consensuelle. Elle est un outil au service de toutes
les personnes de bonne volonté et non un document obscur utilisé par les
unes pour se protéger des autres. La réglementation permet à deux
personnes qui ne s’entendent pas de travailler ensemble. S’apprécier
réciproquement et pratiquer une bienveillance dans le quotidien sont un
luxe réservé aux entreprises particulièrement tournées vers le partage des
objectifs et des moyens, et rayonnant à l’extérieur.
Dans cette dynamique, le changement, l’adaptation et les éventuelles
évolutions pourraient ainsi être facilitées par un cercle positif de relations
s’inscrivant en tant que système symbolique et médiatisant le
fonctionnement de l’organisation, La souplesse de l’organisation passant
73
alors par une capacité dialectique forte. Comme le précise Calori (2002)   :
«  Dans la plupart des entreprises, la probabilité d’un consensus spontané
entre les acteurs sur une question nouvelle est relativement faible (à moins
que l’entreprise ait déjà parfaitement imprimé son code dans les cerveaux
de tous ses membres). Alors le débat dialectique devient une source
d’apprentissage de nouvelles idées et de coordination d’actions nouvelles
(irréalisables selon les routines déjà instituées) ».
Dans les cas extrêmes, sans contradiction, l’entreprise ne courre-t-elle pas
74
le risque d’Icare  ? (Miller 1990 )  : «  une dégénérescence progressive
résultant d’une pensée collective homogène, inspirée des recettes des succès
passés que l’on ne remet pas en question. ».
Les pratiques de RSE peuvent être considérées comme de nature à
développer une dynamique sociale ainsi que des relations professionnelles
au plan national et au sein de l’organisation. L’incitation en France à de
telles pratiques, par divers procédés, participe d’une volonté de pédagogie,
d’innovation sociale et de nouvelle articulation entre interventions
publiques et initiatives privées dans le cadre des relations de travail.
On peut parler d’une forme de capacité adaptative. Un phénomène
d’intelligence normative qui peut d’autant plus s’exprimer que la nature des
objectifs positifs des normes RSE le permet. En effet, dans ce cadre  : ils
n’émanent pas au sens stricto sensu d’une motivation externe (législation),
mais d’une motivation interne des acteurs de l’organisation, ce qui
développe le sentiment d'appropriation par chacun d’entre eux dans une
collaboration à la co-construction normative. Dans cette dynamique, le
changement, l’adaptation et les éventuelles évolutions pourraient ainsi être
facilitées par un cercle positif de relations s’inscrivant en tant que système
symbolique et médiatisant le fonctionnement de l’organisation, La
souplesse de l’organisation passant alors par une capacité dialectique forte.
75
Comme le dit Alain Coursaget   « La recherche d’une l’interopérabilité
entre les parties prenantes permet aux organisations d’acquérir une
meilleure conscience d’elles-mêmes et de leur environnement  ; de mieux
communiquer  ; de se comprendre (interopérabilité sémantique,
interopérabilité des informations, interopérabilité des modèles utilisés et des
systèmes d’information)  ; de s’entraider (interopérabilité des moyens, des
ressources).  » L’interopérabilité facilite également le fonctionnement en
réseau. Selon ce même expert, la mise en réseau des parties prenantes
apparaît alors comme un atout dans l’organisation de gestion de crise car
elle permet de contribuer à une compréhension élargie de la situation et à
l’élaboration de réponses normatives mieux adaptées puisque construites
collectivement. L’interopérabilité pour la gestion de crise a fait par ailleurs
l’objet de travaux de normalisation  sur les questions des normes de
76
sécurité . Ces travaux de réflexion font apparaître qu’elle peut être vue
comme un élément participant à la diminution de l’incertitude et à une
meilleure prise de décisions, au maintien de l’agilité dans un environnement
changeant, à une meilleure affectation des ressources en fonction des
priorités définies, à une plus grande efficacité de la coordination ainsi qu’à
un meilleur suivi des actions.
Le management des parties prenantes, internes et externes, est un élément
clé dans la mise en œuvre de la RSE. Les bénéfices pour l’entreprise
dépendent de son degré de connaissances des acteurs.  (Lee K. et al.
2013)  La théorie des parties prenantes montre l’importance de répondre à
leurs attentes et à leurs besoins. Pour les connaître il faut communiquer
avec elles et cette communication n’est pas seulement d’ordre marketing,
elle résulte d’un dialogue dans les deux sens, lequel permet à l’entreprise
77
d’écouter et de répondre au public et, vice versa. (De la Broise P.,2006)
La RSE établit une connexion entre «  l’identité de l’entreprise  » et
«  l’entreprise et ses impacts  »  : Impacts internes sur le management, les
collaborateurs, mais aussi externes, envers les parties prenantes telles que
les clients, la société civile ou les institutions. Impacts positifs par la
création d’emploi, impacts négatifs par la pollution, notamment. Il n’y a pas
une définition fixe de l’impact. Mais, on peut dire que celui-ci est un
«  changement significatif et durable dans la vie des personnes, provoquée
78
par une action spécifique ou une série d’actions. » . Partant de là, la RSE
amène à se poser deux questions : comment l’entreprise peut-elle répondre
aux attentes posées par ses parties prenantes  ? et quel sera le niveau
d’acceptation de la réponse donnée  ? C’est tout l’enjeu de la RSE que
d’obliger l’entreprise à concilier sa conscience d’une influence largement
extérieure à son domaine d’activité avec sa capacité à capter, à répondre,
voir à anticiper les attentes sociétales. La loi ne l’y oblige pas toujours,
même si elle crée les conditions favorables à ces initiatives.
La RSE pose deux enjeux : Le premier concerne la capacité à questionner
et à dépasser la frontière du cadre établi en interne. Le deuxième traduit
l’aptitude à s’appuyer sur l’arsenal législatif et réglementaire, pour aller
plus loin. Mais il existe aussi un troisième enjeu, qui n'exclut pas les enjeux
précédents, c’est l’innovation tout court. La RSE, va amener l’entreprise à
innover, à inventer ou réinventer de nouvelles pratiques, de nouvelles
manières de faire, plus conformes à la réalité de son environnement et
acceptées par les parties prenantes. Cette innovation peut être vue comme
un début de réponse éthique aux pressions et contingences posées à
l’entreprise. Elle l’oblige à se placer en interaction, en écoute, en dialogue,
en anticipation et en réponse à toutes celles et ceux qui sont liés,
directement ou indirectement, à son activité.  Cette approche connecte
l’entreprise avec la société dans son ensemble, elle lui apporte une forme de
stabilisation puisqu’elle favorise une forme d’adaptation.
Cette vision est aussi partagée par Emery Jacquillat, PDG de la société
79
CAMIF-MATELSOM   entreprise à Mission dont intérêt social s’est doté
80
d’une raison d’être dans ses statuts depuis 2019
«  Notre approche sociétale est imbriquée dans notre approche
économique. Privilégier l’économique par rapport au social n’a plus de
sens dans le contexte actuel de crise ; nous n’existerions pas aujourd’hui si
nous n’avions pas pris dès le départ le pari de mettre le sociétal et
l’environnemental au cœur de notre stratégie.
Je crois qu’on a une chance de vivre un moment absolument incroyable
qu’aucune époque n’a connu. Nous vivons une période de crise et en même
temps de révolution et de rupture technologique. Quand on regarde ce qui
se passe avec internet, la vitesse à laquelle l’on met en réseau les
informations : jamais le savoir n’a été aussi accessible, aussi rapidement et
aussi facilement ouvert à tous et partagé. Toutes les pyramides s’écroulent.
(Cela fait longtemps qu’on dit qu’il n’y en a plus mais dans nos modes de
pensée on continue à raisonner de manière pyramidale.) Je suis optimiste
parce que ces ruptures vont créer de nouveaux territoires, de nouvelles
potentialités. Elles faciliteront l’égalité des chances. Celui qui veut trouver
une formation aujourd’hui le peut ; celui qui veut faire les choses peut les
faire. Dans le même temps, des défis incroyables se présentent à nous. Le
défi écologique en est un. Grâce aux outils dont on dispose et à la mise en
réseau de nos intelligences, on a un champ des possibles qui est formidable.
La crise n’est que le révélateur d’un changement de monde. C’est
désagréable et ça fait mal mais ce qui existera après la crise doit être
réinventé. Voilà ce en quoi je crois. On est à ce moment où l’on a la chance
de pouvoir participer à la création d’un nouveau monde. C’est à nous tous
maintenant de changer le monde ! »
 

51 % des Français considèrent qu’une entreprise doit être utile pour la


société dans son ensemble, devant ses clients (34 %), ses collaborateurs (12
%) ou ses actionnaires (3 %). [Source : IFOP, Terre de Sienne, La valeur
d'utilité associée à l'entreprise, 15 septembre 2016]
 

Ainsi la RSE aborde des champs très diversifiés, le dialogue et la


concertation ne devant exclure aucun de ces champs, ni se cantonner aux
aspects ne concernant stricto sensu que les salariés. Elle doit en outre
pouvoir s’appuyer sur des données de moyen et long terme. Elle porte ainsi
tous les attributs stimulant l’émergence d’une intelligence normative : Ainsi
la RSE permet de s’interroger sur les types d’informations, de
connaissances qui permettront aux acteurs de l’entreprise de pouvoir arriver
à appréhender la réalité qu’ils souhaitent influencer. Elle devient un
instrument de régulation collective adaptée à la capacité d'analyser la réalité
et de comprendre ce qui se joue véritablement. Cette démarche se veut
nécessairement stratégique, car orientée vers des éléments essentiels de
maintien d’un état de droit et de protection sociale dans des environnements
complexes et changeants.
L’élargissement du social aux questions sociétales et environnementales
entraîne inéluctablement un élargissement du périmètre des interlocuteurs
classiques de la négociation collective : acteurs internes mais aussi externes
de l’entreprise. Une telle globalité peut dans un premier temps, faire hésiter.
C’est pourquoi il semble préférable de procéder par étapes, en considérant
que la RSE n’est pas un substitut au dialogue social, mais elle participe de
son évolution, conduisant à le transformer en un dialogue non pas
uniquement centré autour de l’entreprise mais également tourné vers son
environnement au sens large du terme. La RSE et le développement durable
doivent être intégrés dans le champ du dialogue social.
La RSE en tant qu’instrument de régulation oblige l’entreprise à
réexaminer ses facteurs de stabilité et à les faire évoluer avec souplesse de
manière responsable et concertée.
Cette approche systémique amène les acteurs de l’entreprise à se situer et
à s'interroger sur leur environnement. Cette démarche contribue donc à
l’adaptation de chacun à de nouvelles dynamiques en se fondant sur des
valeurs qui s'ancrent sur des perceptions d’une réalité partagées du contexte
de l'entreprise et de ses contingences.
En laissant plus de liberté, de créativité, d’agilité dans l’innovation, aux
collaborateurs eux-mêmes, c’est bien leurs potentialités, leurs talents, leurs
expressions et leurs motivations qui sont mobilisés.
En conséquence, il semble que la RSE, en interpellant l’entreprise dans sa
globalité, son identité et sa relation à son environnement, entraîne ses
composantes humaines dans une dynamique de questionnement et de
dialogue favorable à une adaptation permanente. Elle est aussi une
opportunité de proposer de nouvelles améliorations juridiques en matière de
droit du travail pour renforcer son rôle protecteur en dehors des sentiers
traditionnels : désirs d’autonomie, d’épanouissement, de développement des
talents, facteurs de développement de l’activité et de l’emploi, facteur et
producteur de cohésion sociale, questions liées à la diversité dans
l’entreprise, notamment orientations sexuelles et sensibilités philosophiques
et religieuse).
La RSE pose deux enjeux : le premier concerne la capacité à questionner
et à dépasser la frontière du cadre posé en interne. Le deuxième traduit
l’aptitude à s’appuyer sur l’arsenal législatif et réglementaire, pour aller
plus loin. Enfin, il y a une troisième voie, qui n'exclut pas les enjeux
précédents, c’est l’innovation tout court. La RSE va amener l’entreprise à
innover, à inventer ou réinventer de nouvelles pratiques, de nouvelles
manières de faire, plus conformes au monde actuel et acceptés par les
parties prenantes. Cette innovation peut être vue comme un début de
réponse éthique aux pressions, exercées par la complexité du monde actuel.
Elle oblige l’entreprise à se poser en interaction, en écoute, en dialogue, en
anticipation et en réponse à tous ceux qui ont un intérêt, direct ou indirect, à
son activité. Cette approche connecte l’entreprise avec la société dans son
ensemble, elle lui apporte une forme de stabilisation puisqu’elle favorise
son adaptation au mouvement du monde.
La RSE est un engagement principalement volontaire, car après tout,
faire mieux, améliorer le dialogue, aujourd’hui rien ne l’exige, personne ne
le commande. Mais pourquoi ne pas se saisir de cette opportunité de
changer, de s’adapter aux turbulences du monde offerte par cette approche ?
En effet, la RSE oblige à mettre l’entreprise à l’écoute, dans un premier
temps des diverses sollicitations ou revendications, internes et externes,
donc à être en connexion avec elles. Elle amène l’entreprise à déplacer son
curseur d’engagement en concertation et en fonction de ses capacités à
évoluer.
Ludwig von Bertalanffy, biologiste, a présenté, dès 1937, le concept
de  système ouvert  qui évoluera petit à petit vers la Théorie générale des
81
systèmes . Le but de cette théorie générale était de dégager des principes
explicatifs de l’univers considéré comme système à l’aide desquels on
pourrait modéliser la réalité. Il démontre ainsi que l’on peut observer et
reconnaître partout des objets possédant les caractéristiques de systèmes  :
Des totalités dont les éléments, en interaction dynamique, qui constituent
des ensembles qui ne peuvent être réduits à la somme de leurs parties. Au
niveau des organisations, la systémique mettrait en évidence l’intérêt à
quitter un modèle linéaire au bénéfice d’une approche globale et
82
circulaire . Cette dernière permettrait ainsi d’accéder à la complexité d’un
système. Au-delà des théories, elle permettrait à l’organisation
d’appréhender de manière globale, et non analytique, un système  et son
environnement, de choisir une stratégie d’action en adéquation avec le
système.
Dominique Bériot (2006) montre l’importance pour l’entreprise de porter
son regard sous le désordre apparent des contenus des messages en se
focalisant sur deux aspects  : les composants fondamentaux du système et
ses interactions récurrentes.
Il s’agit ici de questionner la capacité de l’entreprise à se réguler,
condition du mécanisme de résilience. Cette régulation est définie par
Donnadieu et Karsky (2002) comme “l’ensemble complexe des
mécanismes d’ajustement que le système invente et met en œuvre en
permanence pour maintenir son équilibre interne et dans le même temps
83
[pour] s’adapter à l’évolution de son environnement.” . La  responsabilité
sociétale invite à se connecter de deux façons : ce que j’impacte et ce qui
m’impacte. Cette connexion avec son système se définit selon le niveau
d’engagement de l’entreprise et son degré d’implication dans la réduction
ou l’amplification des diverses mesures, négatives ou positives. Une telle
démarche conduit d’abord à interroger l’éthique de l’entreprise. A savoir,
quelles actions prioritaires veut-elle ou peut–elle organiser pour corriger les
impacts négatifs ? Acceptera-t-elle de les réduire ou non ? Quelles valeurs
sont importantes pour elle  ? “La loi existe, mais sur quoi puis-je agir au-
delà de la loi, tout en la respectant bien sûr” : c’est ce qu’implique la RSE.
La responsabilité sociétale à l’image de la mécanique de résilience peut
être vue comme un résultat adaptatif qui permet à l’entreprise d’être
innovante, créative et de continuer à apprendre en permanence. Il s'agit ici
du développement d’une agilité de l’entreprise en tant que construit humain,
ce qui constitue l’expression aboutie d’une résilience permanente. C’est un
processus à la fois individuel et collectif. Face à la nécessité d’être toujours
préparé au changement, c’est la qualité du lien avec les autres et avec la
réalité qui devient déterminante. Plus largement, la qualité de ce lien par la
RSE s’étend à tout l’écosystème de l’entreprise, dans une logique de réseau
agile et d’équilibre de de l’entreprise qui dépendrait avant tout de son
«  capital relationnel  ». Une entreprise résiliente qui établit une nouvelle
éthique de sa relation à la réalité.
C’est en s’appuyant sur une éthique de la responsabilité (« Jusqu’à quel
point je me sens responsable ? » « Jusqu’à quel point j’accepte de jouer un
rôle dans cette société ? », etc.) que l’entreprise pourra « enclencher » une
nouvelle dynamique, à côté et avec le cadre législatif et réglementaire. S’il
peut dans certains cas l’empêcher, il s’agira de transformer les contraintes
en éléments d’une dynamique. A partir d’une certaine dimension de la RSE,
les réponses ne sont plus strictement réglementaires et législatives mais à
caractères volontaires, elles sont à inventer. Dans ce cas, l’entreprise estime,
mesure, évalue, développe sa souplesse et sa capacité d’adaptation. Cette
approche systémique lie l’entreprise à son environnement, et vice-versa. La
RSE, en interpellant l’entreprise dans sa globalité, son identité et sa relation
au monde, entraîne ses composantes humaines dans une dynamique de
questionnement et de dialogue. Une quête identitaire qui pousse l’entreprise
à évoluer avec ses collaborateurs et collaboratrices et non sans eux ou
malgré eux car ils font partie de son système.
Parce qu’elle touche tous les piliers de l’entreprise (économiques,
environnementaux, sociaux, sociétaux), elle l’astreint à la penser dans un
ensemble, dans une globalité de sa performance. En prenant conscience de
son interdépendance avec le monde, la société, son écosystème ne devient-
elle pas de plus en plus résiliente  ? À savoir, capable de développer des
capacités d’adaptations internes et des combinaisons de solutions qui lui
permettront de garantir un équilibre dynamique, même dans des situations
fortement impactantes. La RSE en tant que réponse éthique de l’entreprise
l’amène de fait à identifier des valeurs qui sont essentielles pour
l’organisation (O ‘Sullivan P. et al. 2012). Ces valeurs propres à l’entreprise
lui permettant de conduire ses opérations de manière éthique.
Le système normatif émanant des dispositifs de RSE est ainsi mobile et
évolue avec la progression des connaissances tout en étant facultative en ce
sens qu’elle doit permettre le démenti ou l’alternative «  technique  ». Sa
validité est en effet suspendue tout entière à une recherche d’efficacité. La
remise en cause de son efficacité partielle ou totale permet de repenser et
d’écarter telles ou telles normes. Voici donc une souplesse déterminante
dans la création normative. La RSE participe, à l’évidence, d’une telle
finalité : elle implique en effet la mise en place de procédures, internes ou
externes, aux fins de réduire autant que possible, et d’éliminer si faire se
peut, les écarts et leur impact
La RSE est un engagement principalement volontaire. Car faire mieux,
améliorer le dialogue, aujourd’hui, rien ne l’exige, personne ne le
commande. Mais pourquoi ne pas se saisir de cette opportunité de changer,
de s’adapter aux turbulences du monde, offerte par cette approche  ? En
effet, elle oblige à mettre l’entreprise à l’écoute, dans un premier temps des
diverses sollicitations ou revendications, internes et externes, donc à être en
connexion avec elles. Elle amène l’entreprise à déplacer son curseur
d’engagement en concertation, et en fonction de ses capacités à évoluer.
La RSE n’est pas une démarche curative mais plutôt préventive. Corriger
les impacts négatifs est nécessaire  ; mais les anticiper est bien plus
motivant. Et les éradiquer, plus encore. C’est donc une forme de gestion,
voire de prévention, du risque. Cette démarche oblige à anticiper dans la
mesure où elle place le dialogue et la concertation au cœur des projets de
l’entreprise.
 
 

 
Management des hommes et gouvernance :

un duo indissociable du changement


 
 

« Les entreprises peuvent créer de la valeur économique et du profit en


84
créant de la valeur sociale. » Michael Porter
C’est, au départ, la culture d’entreprise qui permet de déterminer un
projet de gouvernance, lequel conditionne le recrutement du personnel et la
politique de formation mais également les questions telles que la place des
seniors, la parité, la diversité, et bien sûr, les questions sociétales…
La politique managériale précise qui doit en découler, induit, à son tour,
soit une logique individuelle et concurrentielle soit, au contraire, une
logique collaborative et participative.
En effet, de cet enchaînement informel, qui constitue un système, une
organisation, dépend le rôle concret de chaque acteur. C'est-à-dire un
comportement efficace, cohérent, adapté aux enjeux internes et externes de
l’entreprise et qui met chacun en capacité d’atteindre l’objectif commun.
En séparant «  ceux qui savent » de «  ceux qui font », on a installé des
modes d’organisation, non seulement «  délétères  » mais aussi cloisonnés,
coûteux en termes de réactivité et d’innovation. Des décennies de «  lutte
des classes » ont souvent figé les uns et les autres dans des postures qui
s’avèrent être préjudiciables, finalement, aux intérêts de tous. La transition
est difficile… Les entreprises d’aujourd’hui évoluent dans un contexte où
l’intensité du changement va croissant, où tout s’accélère. Dans ce contexte
agité, il est essentiel d’éviter la rupture ou l’effondrement des ressources
humaines et, de facto, de l’entreprise. Il s’agit de trouver les ressources
individuelles et collectives garantes d’un développement durable et
performant. Mais également d’augmenter la capacité de résilience du
système et celle des hommes qui le font en développant de l’adaptation, de
la « flexibilité », de la capacité de régulation.
Pour amorcer une dynamique de changement, il faut donc dans un
premier temps lever les zones d’ombre et les paradoxes de l’entreprise, afin
d’optimiser des nouveaux leviers de transformation et de développer des
facteurs de régulation.
Un premier questionnement s’impose…
- Que cherche-t-on à obtenir en développant une vision commune pour
l’entreprise ?
- Comment préciser les détails de cette vision et la faire partager ?
- Le changement est-il en adéquation avec l’entreprise et avec
l’environnement ?
- Comment ses acteurs vont-ils développer de nouveaux comportements
pour l’appréhender ?
- Comment accompagner ce changement et mettre en œuvre un pilotage
cohérent avec la culture et les valeurs de l’entreprise ?
- Les acteurs sauront-ils travailler ensemble ?
- Les enjeux sont-ils compris de manière identique par tous, et ce à tous
les niveaux de l’entreprise ?
Ce questionnement est nécessaire pour identifier et optimiser les leviers
de changement :
- l’adhésion et la fédération autour du nouveau projet,
- l’appréhension de ce nouveau mode de management socialement
responsable,
- la construction de nouvelles relations aux objectifs, aux missions, aux
enjeux, au management mais également à la coresponsabilité, à la co-
solidarité et à la reconnaissance de chacun,
- la production de connaissances communes sur l’organisation en vue de
l’améliorer,
- le travail sur les représentations,
- l’optimisation des ressources, talents et compétences,
- le partage de valeurs et la notion d’appartenance, l’identité.

Reconstruire des repères brouillés


 

«  Le monde actuel est un monde extrêmement compétitif, extrêmement


pyramidal, voire individuel à la fois des personnes et des États. C’est donc
un monde de l’égoïsme de la non-tolérance, de la fermeture… un monde de
non partage. La société fluide, que je prône, est une société de la solidarité,
de la générosité de l’échange et du partage. C’est exactement le contraire
de la société dans laquelle nous vivons aujourd’hui. Il s’agit de passer à
une société de pouvoir transversal et de pouvoir partager qui favorisera
l’adaptation au temps réel, aux dangers et à l’incertitude »
85
Joël de Rosnay interview réalisée par William Monlouis-Félicité
 
 
 

Les décennies d’hypercompétitivité, de crises successives ont


sérieusement mis à mal les modèles de production et de management
existants. Aujourd’hui, les collaborateurs de l’entreprise sont de plus en
plus déstabilisés, ont perdu leurs repères, quels que soient leur formation,
leur âge, leur expérience. D’abord en raison de cette accélération de
l’évolution d’un monde complexe qui perturbe leurs repères  ; et ensuite
parce qu’ils peuvent ne plus se reconnaître dans les valeurs de l’entreprise,
elle-même en évolution permanente. Le corollaire de cette perte de sens est
une perturbation engageant sa stratégie et impactant négativement sa
performance.
L’amplitude des changements de ces 20 dernières années, les attentes
exprimées par la société, les pressions des parties prenantes, les crises
successives brouillent et ébranlent les repères qui concouraient
traditionnellement à la stabilité interne de l’entreprise. Brouillage des
valeurs, des repères, des rituels, des habitudes, des coutumes, de la culture ;
brouillage des perceptions qu’ont les collaborateurs de l’image de
l’entreprise et de leur rôle dans l’organisation. Leur perception individuelle
de l’organisation évolue ainsi en fonction ou en réaction à des influences
extérieures. Un décalage peut alors se créer entre l’image que renvoient la
société, les médias, les ONG (Organisations non gouvernementales) et celle
que la gouvernance souhaite que les collaborateurs défendent et partagent…
Comment le collaborateur, ainsi déstabilisé, peut-il répondre à ce que l’on
attend de lui si la question des représentations, des valeurs et du sens n’est
pas posée et partagée en cohérence par l’entreprise  ? Cette question est
d’autant plus fondamentale qu’elle est la clé de la motivation et de
l’adhésion au changement et au projet de l’organisation. Elle induit d’autres
interrogations : Dans quel sens doit-on aller ? Ce sens est-il partagé ? Sur
quelles valeurs partagées et comprises par tous s’appuie-t-il ? Quelle est la
logique comportementale qu’il induit  ? Vers quoi l’organisation veut-elle
tendre ?
Ce brouillage permanent, qui persistera encore demain, est inéluctable,
même si on peut le déplorer… Comme l’évoque rapport de 2017 de France
86
stratégie le monde de demain en termes de tendance sera plus volatil et
plus complexe. Face à l’accélération des mutations , les organisations
devront être plus souples évolutives, capables d’anticiper les changements
et de s’y adapter Ce monde oblige l’entreprise à réexaminer ses facteurs de
stabilité et à les faire é oluer avec souplesse de manière socialement
responsable ou soutenable. Stabiliser ce brouillage, redonner du sens,
retrouver un équilibre sur les valeurs, la culture, les rituels, est possible à
condition d’associer les salariés et de co-construire. Il ne s’agit pas de
déclarer « on change demain ! », comme le « ya ka, fo kon » qui se pratique
trop souvent aujourd’hui. Changer ! Pourquoi pas, mais en construisant sur
un socle de valeurs partagées, qui donnent un sens, qui sont en phase avec
les mouvements de la société et les intérêts de l’organisation.
 
 

Certaines valeurs peuvent être partagées mais elles n’auront un véritable


effet que si elles permettent de répondre à une dynamique de sens et de
comportements comprise de tous  : ce qu’on en fait ici et maintenant pour
construire le futur. Il importe donc dans un premier temps de commencer
par instaurer un dialogue afin que l’entreprise se situe et se questionne par
rapport à son environnement et à son identité. Cette démarche contribuera à
l’adaptation de chacun à de nouvelles dynamiques en se fondant sur des
valeurs qui prennent sens.
C’est en laissant plus de liberté, de créativité, d’agilité dans l’innovation,
aux collaborateurs eux-mêmes que l’on développe leurs potentialités, leurs
talents, leurs expressions… et leurs motivations. C’est avec la participation
de chacun que l’on peut construire l’entreprise de demain.
Ainsi, la RSE (dont la norme ISO 26000 réaffirme les principes et les
pratiques) devient un levier majeur et incontournable de développement de
l’entreprise elle-même. Au-delà des repères traditionnels tel que le chiffre
d’affaires, les clients, les fournisseurs, elle pose comme nouvelle donne à
l’entreprise la responsabilité de ses impacts et la création de valeurs sociales
et sociétales  ; elle l’amène à repenser son positionnement global dans le
système et pose les fondements d’une réponse éthique vis-à-vis de ses
pratiques internes et externes ; elle favorise une prise en compte globale des
interactions entre les collaborateurs et le système. Par cette dynamique
nouvelle, en prise avec la réalité et les attentes d’un monde en perpétuelle
mutation, l’entreprise accentue sa capacité à s’adapter de manière durable.
La RSE peut être une voie, parce qu’elle constitue un ensemble de
principes, de valeurs et de croyances qui pourrait s’assimiler aussi à une
recherche identitaire. Elle pose donc un cadre éthique. Parce qu’elle est
attachée à la dimension éthique de l’entreprise, elle impose de donner une
place à l’individu, de reconnaître sa capacité à faire valoir sa vision, sa
parole et ses intérêts propres mais aussi sa force de proposition.
Focus sur la norme ISO 26000
 
 

La RSE est donc une démarche permanente d’ajustement entre les


fonctionnements de l’entreprise et ses impacts internes et externes. Cet
ajustement demande beaucoup de souplesse car les objectifs sont différents
d’une entreprise à l’autre, d’un corps de métier à l’autre, d’un pays à
l’autre. Malgré cela, pour accompagner les entreprises dans leur démarche
RSE, une norme ISO 26000 a été créée depuis 2010, après un travail de
près de 6 ans qui a réuni 500 experts de 92 pays, 40 organisations
internationales représentant les consommateurs, le gouvernement,
l’industrie, le milieu du travail, les ONG. L’ISO 26000 n’est pas une norme
de système de management. Elle n’est pas destinée à des fins de
certification ou à une utilisation réglementaire ou contractuelle. Son objectif
est de fournir à la démarche RSE un cadre d’harmonisation supranational.
Cette norme a aussi pour vocation d’accompagner la dynamique que
s’impose l’entreprise et tout type d’organisation dans sa démarche de
responsabilité sociétale. Elle peut en être le pilier et fournir à l’entreprise et
ses collaborateurs un cadre de référence posé par une éthique de la
responsabilité.
L’ISO 26000 définit la RSE comme la responsabilité des décisions et des
activités d’une entreprise sur la société et sur l’environnement.
Les lignes directrices de l’ISO 26000 définissent la responsabilité
sociétale comme « la responsabilité d’une organisation vis-à-vis des
impacts de ses décisions et activités sur la société et l’environnement, se
traduisant par un comportement éthique et transparent qui contribue au
développement durable, y compris à la santé et au bien-être de la société,
prend en compte les attentes des parties prenantes, respecte les lois en
vigueur tout en étant en accord avec les normes internationales de
comportement, est intégré dans l’ensemble de l’organisation et mis en
œuvre dans ses relations ».
Si l’entreprise est bien sûr la plus concernée par la RSE et par l’ISO
26000, d’autres organisations le sont aussi, comme les collectivités, les
associations, les ONG, les syndicats.
Non contraignante, la norme ISO 26000 est avant tout un référentiel qui
répond à des principes éthiques et indique les prérequis de la démarche
RSE. Elle édicte des principes fondamentaux de la responsabilité sociale et
environnementale des entreprises :
- la responsabilité de rendre compte,
- la notion de transparence,
- le comportement éthique au cœur de la RSE,
- la place des parties prenantes : identification, attentes et organisation du
dialogue,
- le principe de légalité, les normes internationales et les droits de
l’Homme.
Cette norme s’articule autour de sept questions centrales (enjeux)  :
gouvernance de l’organisation, droits de la personne, relations et conditions
de travail, environnement, loyauté des pratiques, questions relatives aux
consommateurs et communautés, et développement local.
La norme ISO 26000 amène à une lecture des interactions de l’entreprise
à son système dans une vision d’enjeux intégrés, interdépendants et en
relation avec les parties prenantes internes et externes. L’approche de
responsabilité sociétale est ici conditionnée autant par son niveau de
responsabilité que par son niveau d’engagement et de performance globale.
La responsabilité sociétale, à l’image de la mécanique de résilience, peut
être vue comme un résultat adaptatif qui permet à l’entreprise d’être
innovante, créative et de continuer à apprendre en permanence. Il s’agit
bien ici du développement d’une agilité de l’entreprise en tant que construit
humain qui constitue l’expression aboutie d’une résilience permanente.
C’est un processus à la fois individuel et collectif. Face à la nécessité d’être
toujours préparé au changement, c’est la qualité du lien avec les autres et
avec la réalité qui est déterminante. Plus largement, la qualité de ce lien par
la RSE s’étend à tout l’écosystème de l’entreprise, dans une logique de
réseau agile et d’équilibre des satisfactions de tous les partenaires. Une
entreprise résiliente qui établit une nouvelle éthique de sa relation à la
réalité.
C’est en responsabilisant les salariés, en les rendant acteurs, que peut se
mettre en place une dynamique de progression et de compétitivité bénéfique
à l’entreprise. La variété des ressources humaines en son sein offre un
énorme gisement de performances qui ne demandent qu’à s’exprimer. Le
fait de prendre en compte les suggestions de tous, d’accorder le droit à
l’erreur et de considérer que les obstacles sont aussi des opportunités. Il
s’agit ici de libérer la créativité des salariés afin de permettre à ce potentiel
d’émerger au bénéfice de tous. Les entreprises ont tout à gagner à repenser
leur dialogue dans cette voie, car au-delà du dialogue social, il faut repenser
le dialogue tout court ! C’est en créant un environnement de « mieux-être »,
fondé sur le dialogue, l’écoute, le respect, l’honnêteté, la politesse, sur un
confort du lieu de travail également, que l’on fidélise les salariés qui
peuvent alors défendre, in fine, l’entreprise comme un bien commun.
Adhérer à des objectifs communs, reconnaître ce qui fait sens et ce qui ne
fait pas sens, préserver un capital de confiance et de loyauté afin de créer de
la valeur dans l’entreprise, favoriser l’apport du savoir-vivre au savoir être,
communiquer de façon ouverte en interne sur la vie et la situation de
l’entreprise… sont autant de facteurs qui donnent à chaque acteur de
l’entreprise «  du sens  » dans son travail au quotidien. Ainsi, leur
engagement et leur efficacité s’en trouvent renforcés.

Régulation sociale et dynamique sociétale


 
 

Par Jean-Claude JAVILLIER

La part du droit dans la régulation

des relations de travail du monde contemporain


 
 

Des chapitres qui précèdent, résultent de grandes et complexes questions


lorsqu'il s'agit d'envisager la « part » du droit dans les relations de travail,
sur un plan individuel tout autant que collectif. Certes, il peut paraître
souhaitable de ne point soumettre l'activité humaine au préalable du Droit.
Encore que, très vite, nous percevons le coût qu'implique, pour toutes et
tous, l'absence d'État de droit : violences, précarités, pauvreté, notamment.
Il faut donc se résoudre à traiter de cette incontournable question : comment
encadrer, réguler les activités humaines qui impliquent une relation de
travail entre plusieurs personnes (personnes physiques et personnes
morales, de petite, moyenne ou grande dimension) ? Une telle réflexion ne
saurait être séparée de l'évolution d'ensemble du Droit, non seulement au
plan local et national, mais encore au plan régional et mondial. Ainsi qu'à
l'habitude, les juristes sont confrontés à des débats, des contradictions, des
demandes qui doivent être prises en compte pour que, dans la vie
quotidienne, la norme juridique soit effective, et de façon encore plus
complexe et déterminante, efficace. C'est précisément cette double
recherche d'effectivité et d'efficacité des normes juridiques qui doit guider
nos réflexions pour toute problématique de régulation des relations sociales,
et plus largement sociétales, dans le monde contemporain.
Deux questions au moins, doivent retenir notre attention, aux fins d'ouvrir
d'indispensables et urgents débats pour le maintien et le renforcement de la
légitimité d'un encadrement normatif des relations de travail, et plus
généralement des activités économiques qui impliquent un travail humain.
Étant observé que ce dernier ne saurait conserver une stabilité, en ses
domaines et méthodes, compte tenu du processus de changement
permanent, singulièrement technologique, qui ne saurait être réduit à telle
ou telle crise, mais bien intégré comme facteur permanent de la condition
de la personne humaine en situation de travail. Ainsi convient-il de se
demander, en premier lieu, quel peut bien être le devenir d'un droit du
travail qui semble lié à une organisation du travail, un contexte économique
bien différent des temps présents, en bien des points. Et en second lieu, il
faut envisager d'autres perspectives, qui ne sont point antinomiques mais
tout au contraire complémentaires, impliquant une liaison entre mondes
normatifs, jusqu'à présent cloisonnés, étrangers les uns aux autres, mais
appelés à se trouver sans cesse en synergie, non sans incertitudes et
menaces pour l'État de droit, en tous domaines et en tous territoires.

Le droit du travail :

quel devenir en présence des mutations

du monde du travail ?
 
 

Il est impossible de considérer une règle de droit, une discipline


juridique, comme résultant d'une création de l'instant, sans lien avec
l'histoire d'un pays, les données culturelles d'une région, les problématiques
philosophiques d'un univers. Le droit ne saurait jamais être réduit à la règle
positive d'un texte de loi, d'un code, d'une décision de tribunal non plus que
de cour. Toute règle de droit est un processus continu de création,
d'adaptation. Naissance, vie, mort, et parfois résurrection inattendue : tel est
le destin de la règle juridique. Et elle échappe le plus souvent à celles et
ceux qui se voudraient en être à l'origine, et maîtriser son destin. Le droit
contemporain (notamment du travail) est devenu de plus en plus « positif »,
technique, détaillé, réglementaire, contingent, précaire. Cette évolution, qui
ne concerne pas le seul droit du travail, conduit à ce constat que la
multiplication des lois aux finalités de communication politique,
l'hypertrophie des codes par empilement des réformes, et la prolifération
des décisions de justice avec une médiatisation technique sans substantiel
débat doctrinal, a de bien fâcheuses conséquences. D’une part, c’est une
omniprésence du droit (dans l'économie formelle des pays du Nord).
D’autre part, on assiste au développement des zones et domaines de non-
droit (qui vont de pair avec l'économie informelle, en tous pays ou presque).
La tentation est dès lors grande, pour celles et ceux qui agissent, travaillent
pour développer des activités économiques et créer des richesses, ou pour
survivre en travaillant - car il est désormais une importante et dramatique
condition : celle des travailleurs pauvres - de considérer le droit du travail
«  classique  » (des XIXe et XXe  siècles) comme inadapté aux réalités du
monde d'aujourd'hui  ; et pire encore comme un obstacle aux nécessaires
changements des mondes économiques et sociétaux contemporains. Il se
pourrait qu'il devienne indispensable de remettre en cause certaines de ces
normes juridiques, et parfois de façon radicale. Pire encore, certaines et
certains pourraient songer à désigner le Droit et les juristes comme
responsables de la coupure entre la Société et ses Institutions. Pour suivre le
propos de Shakespeare, une solution : « Kill the Lawyers » ? A l'évidence, il
ne s'agit point là d'une solution sérieuse, non plus qu'efficace. Le droit et les
normes renaissent toujours de leurs cendres, et les juristes avec.
Il faut considérer qu'un encadrement juridique est indispensable. Point
d’entreprises durables, ainsi que l’a souligné l’Organisation Internationale
du Travail, sans Etat de droit. Mais il convient que ce dernier soit en pleine
synergie avec les évolutions si rapides et considérables que connaissent nos
Sociétés, technologiquement tout autant que culturellement et
économiquement. Comme est dangereuse une conception purement
contingente et instrumentale du droit du travail  ! Il faut en effet toujours
prendre en compte l'enracinement de ces normes dans les pratiques sociales
d’un Pays, et pas seulement du moment. Faire table rase du passé n'est
jamais, juridiquement, une solution pertinente ni durable. D'une part, le
droit du travail français est marqué par un individualisme dont la
Révolution de 1789 constitue la plus éclatante illustration. D'autre part, ce
droit est forgé conceptuellement et institutionnellement dans un contexte
industriel et ouvrier, à l'aune d'une lutte des classes élevée, pour certains, au
rang de dogme, voire de religion.
 

L'individuel et le collectif
Les relations de travail ont tout naturellement donné lieu, au fil de
l’histoire sociale et politique, au développement d’un corps de règles
juridiques rassemblées sous un label  : « Droit du travail  ». C’est au
XIXe siècle, dans les pays en voie d’industrialisation que ce dernier a connu
son développement initial, avec non seulement ses principes, ses règles,
mais encore ses institutions qui restent au cœur de toutes évolutions des
conditions de travail comme de la gestion des entreprises. « Droit ouvrier »,
a-t-on écrit et aussi prôné. Un droit destiné à protéger les femmes et les
hommes au travail, à l’usine, appartenant à une même classe sociale, la
classe ouvrière. Le droit du travail est donc un droit contre ceux des
capitalistes (le droit de l’entreprise, le droit civil, notamment). Bien
évidemment, les humanistes de tous bords ont aussi contribué à
l'élaboration de ce droit ouvrier qui a entendu, en tout premier lieu, mettre
un terme aux pires conditions de travail imposées aux enfants et aux
femmes. La limitation de la durée du travail, l’instauration de protections
particulières en matière de charge de travail, furent les premiers domaines
d’un droit du travail naissant. Cependant, la maxime « classes laborieuses,
classes dangereuses » fut sans doute, en certains pays plus qu’en d’autres,
aux origines d’une séparation entre droit individuel et droit collectif du
travail, et aussi d'une défiance à l'égard de ce dernier, et d'une conciliation
permanente à rechercher entre celui-ci et celui-là.
Le premier exemple de ces difficultés, et sans doute aussi de la primauté
accordée par le droit français aux intérêts individuels sur les intérêts
collectifs, est sans aucun doute celui de la primauté du contrat individuel de
travail sur la convention collective de travail, ce en de nombreuses
situations. Il va de soi que le principe « de faveur » est au cœur de tout droit
du travail. C’est la norme la plus favorable à la/au salarié(e), qui doit être
appliquée et donc primer sur les autres. Mais il convient de préciser quelque
peu cette situation. Bien évidemment, les règles qui participent du noyau
dur de l’État de droit, qui sont d’ordre public (absolu) ne doivent pas
pouvoir faire l’objet de dérogation, même d’un commun accord (individuel,
pas plus que collectif) entre salarié(e)(es), et employeur(s). Au fait, il n’est
pas si simple de déterminer ce qui relève d’un tel ordre public « absolu  »
dans le monde contemporain, tant les évolutions sociétales, technologiques
et économiques, participent d’une révolution (souvent trop peu invisible).
Sous réserve d’une détermination d’un tel ordre public, commun à tous
systèmes juridiques sur le fondement notamment des normes internationales
(droits humains et droit du travail), il reste à préciser les conditions dans
lesquelles une norme individuelle (dans un contrat de travail) peut
triompher ou non d’une norme collective (dans une convention ou un
accord collectifs de travail). Pour les juristes français, et la doctrine
(principalement universitaire des facultés de droit), c’est l’étoile du principe
de faveur qui doit toujours guider l’interprète. En d’autres termes, toute
norme plus favorable au salarié, qu’elle soit d’origine individuelle ou
collective, doit se voir reconnaître la primauté.
Une telle méthode de combinaison des règles juridiques ne saurait
satisfaire les systèmes de relations professionnelles qui veulent donner à
l’intérêt collectif une particulière force, ou encore qui veulent reconnaître
aux partenaires sociaux un pouvoir normatif déterminant au regard de la
collectivité du travail et du règlement des conflits d’intérêts (individuels)
qui ne manquent pas de se développer en son sein. Dans une telle
problématique (singulièrement au Canada et aux États-Unis d’Amérique),
qui lie démocratie majoritaire et monopole de création des normes
collectives de travail dans une même unité de négociation (par le syndicat
majoritaire, seul juridiquement habilité à négocier et administrer les normes
avec l’employeur), c’est la norme collective qui doit primer. Cette primauté
peut être radicale, en ce qu’elle élimine même le contrat individuel de
travail qui conduirait à affaiblir la norme négociée collectivement. Voilà qui
peut sembler étrange, ou sacrilège au regard du « toujours plus » social qui
gouverne les esprits et les groupes, notamment en France. Le contrat
individuel de travail semble un instrument indispensable. Cependant, il va
de soi que le rôle de ce contrat est loin d’être toujours aussi favorable qu’il
y paraît. Quant à la norme collective, qui doit s’appliquer dès lors qu’elle a
été considérée (par les juges) comme plus favorable au(x) salarié(s), il reste
à déterminer si en certains domaines, tels que l’emploi ou la durée du
travail, c’est la plus récente norme qui ne devrait pas primer. Pour cette
évidente raison que de nouveaux intérêts peuvent devoir être pris en
compte, que de nouvelles situations, singulièrement économiques, peuvent
être à intégrer dans la mise en œuvre de la norme, que la norme ancienne
peut ne point avoir pu intégrer (et dont les effets peuvent s’avérer contraires
à ceux recherchés aux origines). En bref, et en de nombreux pays, c’est la
norme collective la plus récente qui doit primer, car elle traduit la volonté
des partenaires sociaux de réaliser de nouveaux équilibres qu’on peut
considérer comme de nature à maintenir ou développer l’emploi dans
l’entreprise. Bien évidemment, la primauté de la négociation collective sur
le contrat individuel de travail implique des dispositifs pertinents permettant
de donner toute légitimité et représentation aux acteurs collectifs qui ont en
charge tant la création que l'administration des normes du travail.
Un second exemple permet d’illustrer une sorte d' « exception » française
en matière d'articulation entre droit individuel et droit collectif du travail :
le droit de grève. En France, le titulaire de ce dernier (sauf exception dans
les services publics) est le ou la salarié(e) individuellement, pourvu
qu'existe une revendication de nature collective. Il suffit donc d’être deux,
sans même qu'un syndicat n'intervienne. Ce qui est à l’opposé d’une
problématique «  organique  » du droit de grève. Selon cette dernière,
l’exercice du droit de grève suppose l’intervention d’un organe (le syndicat)
ou d’un groupe (avec un vote) qui, titulaire du droit de grève, en détermine
les conditions et les modalités d’exercice. D’où la terminologie, souvent
utilisée dans cette problématique juridique, de grèves «  sauvages  », car
déclenchées et poursuivies hors l’organe qui en est le titulaire.
En France, il existe à vrai dire une exception à cette conception purement
subjective du droit de grève, celle résultant d’un encadrement de ce dernier
dans les services publics par le dépôt d’un préavis à la charge des syndicats
représentatifs de salariés. Mais un tel dépôt n’implique nullement qu’un
vote préalable soit organisé et qu’une majorité s’impose à une minorité (de
non-grévistes). De même, la liberté du travail implique que chaque salarié
puisse ne point rejoindre le mouvement collectif (et syndical), et partant ne
pas faire grève.
Au fil de nombreuses réformes dans les récentes années, il apparaît des
volontés de mettre en œuvre de nouvelles articulations entre droits
individuels et droits collectifs en matière de relations de travail. Bien
évidemment, les représentants des employeurs et des travailleurs ne
partagent point les mêmes problématiques, non plus que des stratégies
convergentes. Cependant, il apparaît que le refus d'évolutions, et
singulièrement d'un renforcement de la légitimité des acteurs sociaux, tant
du côté des employeurs que des travailleurs, est de nature à compromettre le
droit du travail en ses fondements mêmes, et, partant, l'effectivité et
l'efficacité des règles aussi déterminantes que celles qui articulent contrat
individuel et convention collective de travail.
 

Le travail juridiquement subordonné et l'activité


Aux origines du droit du travail contemporain est l’usine du XIXe  siècle,
la production industrielle avec des travailleurs soumis à un employeur et ses
petits chefs (et, le plus souvent, exploités sans respect pour la dignité de la
personne humaine). Le critère du contrat de travail est bien celui de la
subordination (juridique). Protection du travailleur et subordination de ce
dernier vont de pair. C'est l'ambivalence originelle du droit du travail. Le
droit des obligations, avec pour instrument le contrat de travail, entend
consacrer une sujétion corporelle, d'une part, mais aussi, d'autre part, établir
des limites, en développant des protections, singulièrement en matière de
santé. C’est toute l’ambivalence du droit du travail, et du travail salarié. À
la fois, la personne humaine est contrainte, mais elle est aussi socialisée par
le travail. Nous mesurons, avec les récentes évolutions économiques,
combien la terre promise par certaines et certains, de la « fin du travail  »,
peut être illusion sociétale et pire drame social. Le travail, dont les aspects
négatifs, singulièrement au travers des maladies et souffrances qu'il peut
générer et qui doivent justement être dénoncées, doit aussi être considéré
comme un facteur d’insertion essentiel dans les sociétés contemporaines. À
travers le monde, il convient de constater combien les aspects positifs sont
développés de façon différente selon les cultures et les pays. Et combien les
médias peuvent contribuer à développer une image trop souvent
principalement négative du travail. Et aussi combien le contentieux,
singulièrement judiciaire, traduit nécessairement les mauvaises, les pires
pratiques en matière d’emploi et de relations de travail. Il faut donc aussi
analyser et faire connaître les bonnes pratiques, individuelles comme
collectives qui peuvent se développer en matière d’emploi et de travail
subordonné, en tous domaines et sous les formes juridiques les plus
diverses.
Dans les chapitres précédents, ont été analysées les mutations du monde
du travail, les nouvelles problématiques générationnelles, qui impliquent à
tout le moins une remise en cause des problématiques négatives de l'activité
qui conduisent à des impasses juridiques et sociétales. Ce qui implique de
rechercher désormais une synergie entre réglementation et régulation. La
norme juridique change de nature et de fonction. Elle ne peut être désormais
effective et efficace que dans une problématique sociétale et ouverte. La fin
des mondes binaires n'implique-t-elle point la remise en cause des mondes
fermés, notamment dans le droit  ? À l'aune du développement durable, le
droit du travail est partie prenante dans un ensemble normatif beaucoup
plus vaste. Droits humains, droit de l'environnement, droit de la
gouvernance. Partenaires sociaux et organisations non gouvernementales et
État : parties prenantes en synergie. Réglementations et régulations : même
combat.
S’il n’était qu’une norme à laquelle il faut donner la plus haute et
effective portée pratique, c’est celle proclamée dans la Constitution de
l’Organisation Internationale du Travail (OIT)  : «  Le travail n’est pas une
marchandise. »

Responsabilité sociétale des entreprises et des


organisations :

quelle effectivité pour une régulation sociale


mondiale ?
 
 

Voici venu le temps de terribles menaces conceptuelles et


institutionnelles  : le « mou  » contre le «  dur  », le «  formel  » contre l'
« informel », la « régulation » contre la « réglementation ». Les résistances
culturelles restent particulièrement fortes en présence d'une globalisation
(terminologie qui exprime un refus de la mondialisation) qui fait craindre le
pire, notamment en termes d'identité collective. La «  Soft Law », ce droit
prétendu « mou », peut ainsi être perçue comme une remise en cause d'un
système juridique (celui du droit dit continental) par une sorte de
domination anglo-saxonne dont les finalités pourraient être de porter
atteinte à la souveraineté et à l’ordre public en certains continents et pays,
telle la France. Étant observé que nombre des développements normatifs au
cours des récentes années l'ont été en langue anglaise (ou nord-américaine),
ou plutôt en « globish ». L'importance de la langue, et pas seulement dans le
domaine juridique, doit toujours être soulignée. Nombre de problématiques
internationales et sociétales sont désormais étroitement liées à ce
«  globish  », ce latin des temps modernes. Ainsi en est-il tout
particulièrement de toutes les normalisations dont le développement
constitue l'une des évolutions majeures au plan mondial. Et pour les
questions concernant le travail et l'activité humaine, il convient de mesurer
combien le vocabulaire (les mots et les procédures) de « Corporate Social
Responsability  » semble mieux adapté que celui de «  Responsabilité
Sociétale des Entreprises et des Organisations  » (RSEO). On ne peut
s'empêcher de songer que cette dernière expression participe d'une
traduction, plus que d'une dynamique originelle. Encore que la langue
française puisse donner une nouvelle dynamique à des concepts qui ont été
redécouverts en quelque manière : tel, ceux de responsabilité ou encore de
gouvernance !

Normes internationales et régulation sociale


mondiale
 
 

Pour rassurer celles et ceux qui craignent que le « mou » (le « soft ») ne
l'emporte sur le «  dur » et remette en cause les législations et finalement
l'État de droit, il suffit de rappeler combien le droit international du travail,
et plus généralement les droits humains au plan mondial comme régional,
mêlent étroitement et en permanence droit à effet immédiat (« Hard Law »)
et droit à réalisation progressive («  Soft Law  »). Les conventions
internationales du travail de l’OIT sont à articuler sans cesse avec les
recommandations. Ces dernières ont une importance considérable dans la
régulation sociale internationale, qu'elles précèdent l'adoption d'une
nouvelle convention ou qu'elles l'accompagnent aux fins d'inciter les États à
aller plus avant dans les bonnes pratiques consacrées dans la norme
internationale du travail adoptée. De même convient-il de souligner le
considérable impact en pratique à travers le monde de déclarations qui ont
été adoptées au fil des récentes années par l'OIT. Ainsi en est-il tout
particulièrement de la Déclaration relative aux principes et droits
fondamentaux au travail (Genève, 18 Juin 1998). S’est ensuivie un double
dynamique.
En premier lieu, il en est résulté une croissante ratification des
conventions fondamentales de l'OIT (en matière de liberté d'association et
de reconnaissance effective du droit de négociation collective, d'élimination
de toute forme de travail forcé ou obligatoire, d'abolition effective du travail
des enfants, enfin d'élimination de la discrimination en matière d'emploi et
de profession). En second lieu, une appropriation de ces normes, destinées
(juridiquement) aux États dont le rôle doit rester déterminant, s'est
progressivement étendue aux parties prenantes d'une régulation sociale
mondiale diversifiée. La responsabilité sociétale des entreprises et des
organisations se nourrit de ce patrimoine social et juridique mondial. Et il
ne faut point percevoir une telle appropriation comme une privatisation
condamnable. Certes certaines pratiques de la RSEO sont à dénoncer, qui ne
présentent point les garanties d'une régulation sociale véritable impliquant
transparence et pluralisme. Le pire étant toujours que la communication
dans l'entreprise et l'organisation l'emporte sur la réalité d'une pratique de
RSEO. Communiquer ne saurait être la finalité de cette dernière. Car il
s'agit d'initier et de développer de bonnes pratiques sociétales fondées
notamment sur les normes onusiennes en matière de droits humains, de
gouvernance, de travail et d'environnement.
Aux origines d'une dynamique onusienne en matière sociétale, le juriste
peut témoigner d'un terrible constat  : l'affaiblissement des États, leurs
difficultés à mettre en œuvre un État de droit. Et il n'est pas toujours mesuré
combien l'affaiblissement ou la disparition d'un tel État de droit est source
de drames humains comme de conflits géopolitiques de tous ordres. Car le
non-droit, sur tout ou partie d'un territoire, engendre mécaniquement
violences, discriminations, chômage, pauvreté et exclusions. Nous savons
qu'entre pauvreté et guerres, le lien est permanent. Nous savons aussi que
pour le développement économique des pays, la création et le
développement des emplois et des activités, la dynamique et la durabilité
des entreprises, l'État de droit est un trait d'union auquel il faut attacher la
plus grande des importances.

Libertés et normes internationales du travail :

une mobilisation pour tous les Temps


 
 

Cette période de crises multiples et ses effets nous amènent à mesurer la


gravité, l’ampleur, la complexité et l’actualité de toutes les questions
concernant les Libertés dans le monde, et notamment les mondes du travail.
En effet, pour qui veut promouvoir les normes internationales du travail,
et leur effectivité en tous continents et Pays, voici que se rencontre, pour ne
pas dire s’entrechoque, l’Absolu et le Relatif dans le droit. Ce qui ne saurait
étonner, tant il est vrai que le droit, tout droit, participe des deux univers.
L’univers de l’absolu, car ce sont des Libertés fondamentales qu’il s’agit,
qui touchent au plus quotidien et profond de la condition humaine  : la
dignité de toute Personne humaine au travail, pas seulement salarié, car plus
généralement en toute activité que ce soit, peu en important les modalités
juridiques d’organisation.
En cette période de notre histoire nous devons prendre conscience et
garder en mémoire toutes les horreurs et les drames humains, individuels
tout autant que collectifs, qu’ont engendré des idéologies, tel que le nazisme
et le communisme, le racisme, par une violation massive et permanente des
Libertés, allant jusqu’au génocide et l’extermination de groupes humains
entiers. Ainsi en a-t-il été des pratiques du travail forcé et de la liquidation
de millions d’Êtres humaines dans les camps de concentration et les
goulags. Ainsi en a-t-il été aussi des pratiques d’apartheid en Afrique du
Sud. Ce qui est aussi l’occasion pour les juristes d’observer combien le
droit, s’il est coupé des Valeurs, singulièrement onusiennes, peut participer
des pires pratiques en violation de toute dignité de la Personne humaine
comme de la Liberté des Peuples. Arbeit macht frei  ; le travail rend libre
terrible slogan à l’entrée des camps de concentration nazis. Le juristes
savent que des législations et réglementations peuvent bien se présenter
comme juridiques, et revêtir tels de sinistres déguisements des numéros de
lois et de décrets.
 
Les constituants de l’OIT et nombres de juristes participent d’un même
esprit, dont  : nous devons, toutes et tous, apprendre les un/e/s des autres.
C’est la conviction qui résulte d’une pratique des normes internationales du
travail, au niveau mondial. Ce qui nous conduit à relativité, ce qui n’est
point dire un retrait, un renoncement, à une problématique donnée, à une
règle particulière, à des institutions typées. Mais d’une telle conscience de
l’apprentissage permanent, et de la richesse d’autres approches et solutions
des questions, résulte l’ouverture à des critiques, des réformes qui ne
sauraient être conçues dans un univers clos, un droit du travail donné, un
système de relations professionnelles aussi élaboré et fondé qu’il paraisse.
Ainsi peut-il en être, par exemple, en matière d’inspection du travail, ou
encore de représentations des travailleur/se/s et/ou syndicales
La Liberté syndicale est l’un des piliers du droit international du travail,
et plus généralement des droits humains onusiens. Bien évidemment, une
telle liberté, plus généralement d’association, vaut tout autant pour les
travailleur/se/s que les employeur/e/s, ce qui n’est pas toujours
suffisamment considéré par certaines et certains qui font, encore au
XIXème siècle, du droit du travail un monde clos et binaire (l’entreprise,
le/la salarié/e  ; le mal, le bien), nourri pour une grande partie d’une
idéologie de lutte classes enracinée dans le XIXème siècle, dans l’usine et
monde ouvrier, pour lequel il faut bien évidemment avoir la plus haute des
considérations et ne jamais oublier l’importance déterminante des luttes
pour l’élaboration d’un droit social). Mais, de tous temps sociaux, la
diversité de la conception des modalités de représentation et d’organisation
des travailleur/se/s résulte de la diversité des Histoires, des Cultures, des
Philosophies en chaque Pays. Ainsi donc, il se peut qu’en tel Pays, le
syndicat n’existe que s’il est l’élu majoritaire dans l’entreprise  ; et aussi
qu’il soit l’unique représentant, le seul agent de négociation. Le droit
syndical est tout entier justifié et orienté par les pratiques et finalités de
négociation collective. Certain/e/s et certains pourront s’en offusquer.
 

Mais au fil du temps, et à travers le monde, il faut lucidement constater


que les représentations syndicales ont connu une forte régression numérique
et sans doute aussi une diminution de leur légitimité et de leur capacité
d’influence sociétale. Les raisons sont fort complexes et connues.
Cependant, le propos est seulement ici de constater que la pratique
comparée et internationales des normes et Libertés, et l’acceptation
déterminante d’apprendre des autres, peut faciliter la recherche de nouvelles
orientations stratégiques et de normes juridiques pour les Partenaires
sociaux et aussi les groupements qui interviennent de plus en plus dans le
domaine social. Ainsi en est-il, dans cette dynamique puissante et
universelle de la protection de l’environnement et du développement
durable, des Organisations Non Gouvernementales. Ainsi donc, toutes les
Organisations, quelle qu’en soit la nature, sont conviées, d’une manière ou
d’une autre, à réinventer nombre de relations traditionnelles avec leurs
membres, et sans doute aussi à concevoir de nouvelles modalités
d’articulation entre l’individuel et le collectif. Sans une telle dynamique, il
se pourrait que nombre de piliers institutionnels de l’Etat de droit et des
démocraties (ici encore le pluriel s’impose manifestement) s’en trouvent
ébranlés. Et nous savons combien ces piliers peuvent s’effondrer en bien
peu de temps ; et que leur reconstruction participer du temps long, à l’aune
des siècles et des millénaires.
Une autre illustration du propos peut être trouvé dans les déterminantes
questions de l’effectivité des normes du travail, et pas seulement dans
l’ordre international. Il n’est de droit du travail qui ne puisse être effectif
sans que des institutions, notamment étatiques, contribuent à son
application. L’Etat de droit, plus généralement en dépend. L’Inspection du
travail, dont nous savons l’importance au regard des normes internationales
du travail, est l’une des institutions majeures de l’application des règles
étatiques, tout comme des conventions collectives de travail. Encore
convient-il ne développer des dynamiques, des stratégies, permettant à cette
Inspection de jouer son plein rôle dans les entreprises et les institutions.
Bien évidemment, le lancinant débat des moyens données aux institutions
en charge de l'application du droit, et pas seulement du travail, ne saurait
être écarté  ; car il est au coeur et constitue souvent le préalable de toute
dynamique institutionnelle. Cependant, la tentation est souvent de
considérer que les modalités d’action, la structure de l’Inspection du travail
sont universelle et univoque. Bien évidemment, tel n’est pas le cas. Le
“modèle” français n’est pas un modèle universel. Il existe bien des
modalités diverses d’organisation pour un inspection du travail, d’en
déterminer les modalités de contrôle et plus généralement d’action.
Ainsi donc, peut-on considérer que non seulement les normes
internationales du travail garantissent l’existence et aussi les modalités
d’action, mais aussi permettent de concevoir une évolution et une
adaptation d’une telle institution en de nombreux Pays, dont il n’est aucune
raison d’en exclure aucun. Étant ajouté que l’Inspection du travail, ainsi que
les tribunaux compétentes en matière de travail, tout comme tous les modes
alternatifs de solution des litiges et conflits, doivent être conformes en leurs
pratiques avec les principes qui ne doivent jamais cesser de gouverner un
Etat de droit, en pratique et pas seulement dans les texte, et singulièrement
le principe du contradictoire et de la protection des Droits et Libertés
fondamentales.
Tout art, comme toute norme, peut exprimer toute la beauté du monde,
comme toute sa noirceur. Ainsi en est-il de l’œuvre du peintre Norman
ROCKWELL. L’illustration des Libertés, et singulièrement la
représentation humaine et spirituelle d’une Règle d’Or déjà citée, au plan
mondial et dans le cadre onusien, impressionne le visiteur. L’implication
humaine dans tous les grands combats contre les violations des droits
humains, et singulièrement le racisme, ont inspiré et mobilisé ce peintre et
font participer ses toiles aux plus grands et forts engagements de notre
Histoire contemporaine. Ici, c’est le soldat américain en Europe, avant de
sauter en parachute, pour combattre le nazisme. Là, c’est l’écolière
américaine, de couleur noire, seule en chemin vers l’école, en première
ligne dans le combat contre la ségrégation raciale. Mais au travers de ces
toiles, c’est aussi toute la complexe liaison entre situations individuelles et
action collective qui se trouve présentée, singulièrement dans la Société
américaine, mais plus généralement le monde. Les Libertés, et les luttes
pour leur existence et leur permanence, ont inspiré tant de peintres, et aussi
de compositeurs de musique, qu’il convient de relever que sans cette riche
expression artistique, nous serions sans doute moins portés à lier Beauté et
Libertés. Le juriste international se doit d’observer que la diversité du
monde, et la complexité des situations de l'Être humain, nous convie en
permanence à apprendre les unes et les uns des autres. L’universel des
normes ne résulte que d’une profonde diversité, dont les racines sont
multiples, et singulièrement historiques, culturelles, philosophiques, et
encore religieuses.
En toutes époque et situations, il faut souligner combien les combats pour
les Libertés participent toujours de l’individuel et du collectif. Et c’est sans
doute l’articulation, la mouvante articulation, entre celui-là et celui-ci qui
est au cœur des plus grands défis du monde contemporain, singulièrement
dans le domaine du travail et des activités humaines, tout autant que de la
protection de l’environnement et du développement durable. De même,
toutes celles et ceux qui, modestement mais en permanence, sont
mobilisé/e/s pour l’effectivité des normes internationales du travail en tous
continents et pays, peuvent témoigner combien ces combats sont
permanents. Progrès ici  ; et toujours et aussi régression, ailleurs. Ce qui
implique de ne jamais considérer la situation, notamment juridique, comme
définitivement acquise  ; et aussi de toujours constater qu’une progression
reste toujours possible, et parfois avec une rapidité et une efficacité
surprenantes.
Le pluriel a été plus haut utilisé, à propos du travail  : Les mondes du
travail. En effet, l’importance de la dimension historique est soulignée par
le lieu où nous trouvons réuni/e/s. Et la prise en compte de la dimension
historique de toute activité et institution humaine, est indispensable pour
prendre l’exacte mesure des mutations que de l’organisation du travail et
des relations qui en résultent tant sur le plan individuel que collectif. Ainsi
qu’il en va en toutes Sociétés humaines, des mouvements contradictoires
s’opposent qui prennent en compte, ou refusent de considérer, les
mouvements et groupements sociétaux.
Au plan international, nous devons constater combien l’Organisation
internationale du travail, dont le tripartisme est un élément fondateur et
central, est source d’une dynamique considérable, mais aussi de certaines
limites dans l’analyse et l’action contemporaine. Les luttes et les actions
aux origines de cette Organisation, ont été celles d’un monde ouvrier et
d’une production industrielle. Les philosophies, tant ouvrières que
patronales, ont été celles du XIX ème siècle. Les Libertés aux origines d’un
droit du travail, et plus généralement social, ont été conçues à l’aune d’une
dynamique évolutive ou révolutionnaire dans un environnement dont on
doit reconnaître qu’il n’est plus, pour une partie grandissante,
l’environnement économique non plus que sociétal, dans lequel travaillent
un nombre grandissant d’Êtres humains. Parmi les si nombreux facteurs de
remise en cause, des modalités techniques de Libertés en matière de travail,
d’activité et d’emploi, qu’il suffise de citer  : Travail salarié et travail
autonome  ; travail formel et travail informel  ; collectif de travail et
individualisation du travail  ; subordination juridique et dépendance
économique  ; représentations structurées et émergence de collectifs  ;
représentativité juridique et légitimité sociétale. Ainsi donc, il nous faut
admettre la nécessité d’un réexamen, d’une adaptation, voir d’une remise en
cause radicale des concepts et techniques qui ont profondément marqué le
droit du travail, dont les problématiques et développements restent
profondément liés au monde industriel du XIX ème. Les pratiques
patronales tout comme les luttes ouvrières, aux origines des législations et
négociations collectives, naquirent dans un tel contexte dont les
philosophies et idéologies ont été aux origines de l’articulation entre
Libertés, et entre l’individuel et le collectif dans la Société comme dans
l’entreprise, ou plutôt l’usine.
L’exposition des toiles de Norman ROCKWELL qui nous stimule dans
notre réflexion sur les Libertés à partir des personnages et situations
présentées sur les toiles, nous permet de mesurer combien selon les Pays et
Cultures, ces mêmes Libertés peuvent être conçues et articulées. A
l’évidence, dans le monde anglo-saxon, le développement des Libertés s’est
produit dans un environnement bien évidemment particulier dans lequel
l’articulation, notamment, entre philosophie et religion est et reste fort
différent de l’univers français. Ce dernier reste profondément marqué par
une révolution qui fit, à partir du XVIII ème siècle, de la séparation de
l’Eglise catholique romaine et de l’Etat républicain une pierre angulaire. La
“part” du phénomène religieux dans la Société française, sa problématique
juridique même évolutive, explique sans doute le particularisme des défis
contemporains que provoquent un certain nombre d’évolution toute autant
géo-politiques que sociétales.
En présence d’une développement des Communautés sur des fondements
différents, notamment ethnique ou encore religieux, dont il convient de se
demander quelles peuvent être leurs limites dans l’ordre juridique d’une
République proclamée comme une et indivisible, nul ne saurait ignorer cette
dimension et contrainte historique. Certes, il est quelque juriste qui pourra
tout simplement nier, ou contester, que le concept de Communauté puisse
être compatible avec la République. Cependant, bien téméraire serait celle
ou celui qui pourrait, d’un autre de plume législatif ou encore d’un attendu
de décision judiciaire, prétendre mettre fin au développement d’un
mouvement dont les dimensions mondiales et aussi géopolitiques et
culturelles sont essentielles. Mais nul ne sait véritablement aussi déterminer
quelles transformations sociétales et partant institutionnelles et normatives
ces mêmes Communautés pourront provoquer, avec ou sans violence. Telle
ou telle Liberté dans le domaine des relations de travail et des activités
professionnelles, peut devenir un élément l’accélération de certaines
évolutions, voire de révolutions, ou tout au contraire constituer un blocage
et un obstacle déterminant.
En de nombreux Pays, nous mesurons combien les relations et le droit du
travail et des activités de toutes natures, est au cœur de ce que certaines et
certains pourront qualifier de progrès de la condition humaine, et d’autres
de chaos et régression dans la protection juridique et sociale. Les cultures
juridiques pyramidales sont profondément remises en cause. Les
cloisonnements normatifs entre questions et plus encore domaines de la vie
humaine peuvent constituer, de plus en plus fréquemment et pratiquement,
un obstacle à la recherche et la mise en œuvre de normes pertinentes,
effectives et aussi efficaces. D’une certaine manière, nulle question ne peut
être désormais séparée d’autres, dont la dimension est par nature sans
limites territoriales, ou le traitement normatif et pratique ne peut être
efficace  ; dans les limites conceptuelles et territoriales classiques. Nous
voici donc parvenus dans un monde normatif dont le droit - au sens étatique
et classique - est, d’une manière ou d’une autre, profondément remis en
cause.
Les Libertés ne peuvent être traitées à l’aune des règles conçues et
appliquées dans le périmètres territoriaux et sociétaux, non plus
qu’économiques, classiques. L’activité et le travail humaine,
l’environnement, la santé, la protection sociale, entre autres, ne sont plus à
cloisonner non plus que traiter séparément. La pratique, notamment
juridique, des silos, qui marque encore tant les formations juridiques dans le
droit continental et singulièrement français, De même en va-t-il pour les
différents types de normes, dont on voudra bien considérer que leur
complémentarité et mises en lien est indispensable et urgent. Le Droit ne
saurait être réduit aux seules règles juridiques. Dans le monde
contemporain, et en ayant à l’esprit cette déterminante place du “Soft
Power” en tous domaines, l’effectivité et l’efficacité du Droit, et notamment
du droit du travail, dépend toujours d’une complexe, subtile et permanente,
synergie entre droit à exécution immédiate (“Hard Law”) et droit à
exécution progressive (“Soft Law”). Oserait-on, au plan national tout autant
qu'international, prétendre qu’une séparation de ces deux méthodes est
souhaitable, ou encore possible  ? Il nous faut savoir, pour que vivent les
Libertés dans le monde, faire nôtres, et lier non sans une pédagogie
nouvelle et permanente, tous les instruments normatifs.
Comment ne pas s’inquiéter de pareilles remises en cause pour les
juristes, notamment  ? Toutes celles et ceux qui sont mobilisé/e/s pour une
effectivité des normes internationales, notamment du travail, savent
combien le patrimoine normatif mondial est à la fois considérable et fragile,
tout comme chaque Liberté et l’Etat de droit dans son ensemble. A
l’occasion de nombre de missions dans le monde, comment ne pas être
pénétré/e/s d’une conviction  : la haine et la violence peuvent avec tant de
rapidité gagner du terrain dans une Société, quelle qu’elle soit. Et combien
le terres de non-droit sont si difficiles à regagner, tout comme la paix civile
et le dialogue notamment social. Au regard des Libertés et de l’Etat de
droit, la mondialisation des technologies et des moyens de communication
contribuent tantôt au meilleur et tantôt au pire, pour chacune et chacun, tout
comme pour les Peuples et les Institutions. Ainsi qu’il en est toujours dans
la Condition humaine, rien n’est gravé dans le marbre. Et nous savons
combien des normes juridiques peuvent devenir pures déclarations
d’intentions et papier qui s’envolent et ne peuvent résister à la violence
dans les rues des cités et des Pays. Il relève de la Liberté humaine de choisir
et de décider, en toutes situations et en tous lieux du devenir de son propre
sort, comme de celui des collectivités auxquelles on souhaite ou non
appartenir.

Pas d’État de Droit sans Valeurs partagées,

87
exemplarité et confiance pratiquées
 
 

“il est très facile de casser et de détruire. Les héros sont ceux qui font la
paix et bâtissent”.
Nelson Mandela
 

Le sentiment diffus mais fort, est que, de façon grandissante, les


Institutions et les règles de droit sont remises en cause, contestées de tous
côtés, incomprises par la plupart des citoyennes et des citoyens. A travers le
monde, en tous pays ou presque (Corée du Nord, Cuba) l’impression est
qu’un abysse sépare, de façon croissante, et en tous domaines, les
populations de leurs gouvernements, de leurs élites, et même de leurs
scientifiques en situation de pandémie.
Aucune institution, militaire comme civile, religieuse comme laïque,
n’échappe à une telle radicalité des propos comme des comportements dont
la violence tend à devenir le mode commun d’expression. A tel point que le
régalien et l’institutionnel sont, presque de façon irréfragable, présumées de
mauvaise foi et manipulateurs. Le complotisme s’est grandement nourri des
développements technologiques et des angoisses y compris métaphysiques
que le monde “moderne” avait prétendu éradiquer pour cause de bêtise, sur
fond d'idéologie progressiste matérialiste et triomphante, de tous bords.
Nous prenons ainsi la mesure de l’importance et des défis du droit dans
notre Société contemporaine. Pourtant, il est un murmure insistant : de quoi
les juristes pourraient-elles/ils bien se mêler ? D’autres choses que de leurs
normes si mal rédigées et si changeantes ? D’autres choses que du dernier
arrêt rendu par une Cour certes estimable, mais inconnue et incomprise du
commun des mortels.
Il est bien vrai que peut être relevé un relatif mais permanent déclin de la
pensée juridique, et singulièrement de la doctrine, de toutes origines,
praticienne tout autant qu'universitaire. Les nostalgiques reliront les
manuels et traités d’antan pour y puiser quelque vision sans laquelle il n’est
de souffle normatif ni d'ordre juridique qui ne vaille ni ne tienne. Il est vrai
que les textes juridiques de toute nature sont allés se multipliant. Les
juristes participent d’une condition commune  : infobésité législative et
réglementaire, surpondération jurisprudentielle, dépression institutionnelle.
C’est sans doute que juristes “positivistes” ont fini par l’emporter. Seul
compte la règle du moment, si encore elle existe au moment où on
l’invoque en pratique. Quel temps perdu serait la philosophie, la
psychologie et sociologie du droit. Quant à celles et ceux-là même qui
fabriquent la règle, ils donnent le sentiment d’utiliser des outils qu’ils
sortent pour chaque circonstance d’une boîte à outil dans laquelle la gravité
et la complexité économique tout autant que sociétale de chaque norme n’a
guère de place. A quoi servirait-il qu’on explique qu’une ou un praticien
peut dès sa conception dire, avec le plus grand sérieux et la plus profonde
des sérénités, que la norme est morte-née, car inapplicable. Pourtant nous
avons la conviction que toute norme gagne en crédibilité dès lors qu’elle est
amont enrichie, puis nourrie dans sa mise en œuvre, de l’expérience, et de
la dynamique de vie sociétale comme économique.
Les technologies informatiques n’ont pas été sans conséquence qui
segmentent et hypertrophie la compréhension de la norme, en privilégiant
l’instant et le conjoncturel sur le temps et la logique. Au magasin du droit,
la norme éphémère est désormais reine. Le juriste pourrait bientôt ne plus
avoir besoin ni de Valeurs ni d’Intelligence stratégique. Dès lors, l’émotion
pourrait suffire pour dicter toute solution. Ce à quoi ni les médias, ou du
moins certains, ni le monde politique, d’une moins une partie, ne
trouveraient trop à redire. Et pour aller plus avant, dans un monde sans
doute plus simple mais bien moins démocratique pour ne point dire
totalitaire, pourquoi ne pas considérer l’élection comme une perte de temps,
et procéder par tirage au sort de quelques candidat/e/s préalablement
sélectionné/e/s pour des listes. Les «  démocratures  » peuvent nous donner
d’utiles et pratiques conseils.
Cependant, rien dans l’Histoire non plus que les Sociétés humaines n’est
vraiment ni prévisible, ni irréversible. La condition humaine nous fait
participer de façon permanente et à la fois, à l’absolu et au relatif, du passé
et du future, du meilleur et du pire. Chaque époque, et singulière la nôtre,
en prend conscience à certains moments plus qu’en autre. Ainsi en est-il en
ces temps, à travers le monde.
Tout défi est une opportunité, pour les juristes comme les autres. Ainsi en
est-il de l’intelligence normative, collective et intergénérationnelle. Elle est
indispensable et ne peut être que permanente. Le droit sans Valeurs, que
nous devons puiser au plus profond de notre Civilisation, n’est rien. Et la
quête de ces Valeurs, certain/e/ diront de sens, est au cœur des grands
changements sociétaux et normatifs. Tant de jeunes et de seniors, en toutes
activités et domaines, sont mobilisés. Dont les médias disent si peu. Pire
encore, nous sommes toutes et tous comme désenchanté/e/s et n’appuyons
guère ces nombreuses initiatives, visions et bonnes pratiques, notamment
dans les mondes du travail, de la justice, ou encore de la médecine comme
des forces de sécurité. Nous préférons finalement tout ce qui est
sensationnel et négatif. Nous confondons le bruit et l’action, l’émotion et la
considération, le savoir et le pouvoir.
Dans le domaine du Droit, prenons le parti avec humilité, sérénité et aussi
courage, d’aller à l’essentiel en tous domaines, et avec le plus grand
pragmatisme. Qu’il s’agisse du droit du travail ou du droit pénal par
exemple, ne nous contentons point de réponse technique et des plus
limitées, et surtout pas en pensant faire œuvre de doctrine en participant
d’une quelconque éternité, à partir d’une toujours bien petite question, fût-
elle d’importance.
Comment articuler les libertés individuelles et collectives en présence de
communautés dont l’importance va grandissante ? Comment articuler la vie
professionnelle et la vie privée  ? Comment développer des protections
sociales et lutter contre l’économie informelle et la criminalité qui
l’accompagne  ? Comment nous engager concrètement pour la mise en
œuvre du travail décent, dans l’esprit de l’OIT.
Comme prévenir les infractions et protéger les victimes, pour lesquelles
nous avons trop peu de considération  ? Comment mettre effectivement en
œuvre les multiples modalités d’exécution des peines dont nous disposons,
mais que nous semblons utiliser si peu dans l’intérêt de la société toute
entière  ? A ce point, nous prenons toute la mesure d’une absence de
politique criminelle et pénale, pour ainsi dire depuis la seconde guerre
mondiale. La société a tant changé. Et la politique pénale n’a pour ainsi dire
pas évolué. De la criminologie, que tirons-nous nous comme analyses et
enseignements ?
Dans le présent ouvrage il est souligné combien les mutations de tous
côtés sont porteuses d'espoir et source de confiance pour toutes les
générations.
Il a été aussi souligné, de bien diverses façons, qu'au cœur de tous les
progrès se trouve la considération fondamentale pour la dignité de la
personne humaine quelle que soit l'activité ou le travail effectué. Le monde
sera toujours multiple, les pratiques seront toujours bonnes et moins
bonnes. Mais il faut tenir bon sur les valeurs qu'il faut savoir partager
universellement, et qui donnent plein sens à l'activité comme au travail
humain.
En des moment où la tentation pour beaucoup, semble être si forte de
renoncer aux Valeurs qui ont façonné notre Histoire, pour le meilleur,
trouvons la force de lutter contre la discrimination, la haine et la violence,
sous toutes leurs formes, d’où qu’elles viennent, et en tous lieux.
L'État de droit à l'épreuve des émotions :

l'indispensable synergie entre intelligence


normative

et intelligence émotionnelle
 
 

Il existe désormais un baromètre France émotions Viavoice-Fondation


Jean Jaurès - Le Point. Ce dernier hebdomadaire du 3 mars 2021, qui rend
compte du premier baromètre émotionnel, n'est pas de nature à remonter le
moral de celles et ceux qui en auraient besoin. "Bonjour tristesse" ou la
convergence des amertumes, peut-on lire. La gestion française de la crise
sanitaire n'y est sans doute pas pour rien.
Mais de façon plus profonde et durable, il va de soi qu'un manque de
confiance en nos institutions et les soi-disant "élites" qui nous gouvernent
n’y est pas pour rien et ce, sans doute depuis fort longtemps. La Vème
République tient bon, mais une Constitution ne saurait garantir
qu’intelligences normative et émotionnelle vont bien de pair.
Pourtant, il est indispensable en un monde qui a connu de si profondes et
rapides mutations géopolitiques que ces deux intelligences s’articulent dans
l’intérêt général. L’État de droit est désormais à ce prix. Qui n’a observé, de
tous côtés, que la règle de droit, seule, est bien impuissante à produire
l’effet recherché, si tant est qu’elle soit claire et bien rédigée (ce qui
nécessite un développement de la « légistique », dont les juristes français, à
la différence notamment de leurs homologues canadiens, ne sont pas trop
friands). Qui n’a relevé combien la perception de ladite règle, et plus
généralement norme, vaut la peine d’être analysée, pas seulement
techniquement, mais "sociétalement", pour ne pas dire climatiquement, car
il existe sans doute en matière d’émotions appliquées aux normes des
climats, pour ne point dire des microclimats.
On attachera donc désormais de l’importance au ressenti des usagers, des
parties prenantes, pour élaborer comme pour appliquer une norme juridique.
Comment s’en étonner, puisque nous pouvons, chaque matin, consulter la
température ressentie (et non plus seulement scientifiquement donnée) et
qui peut l’emporter ainsi sur cette dernière dans nos comportements, à nos
risques et périls cela va sans dire.
 

De la lecture du baromètre émotionnel, plus haut cité, il résulte une sorte


de dichotomie qui pourrait bien s'être installée entre sphère publique et
sphère privée. C'est de celle-ci, et singulièrement de la famille, qu'il pourrait
résulter sérénité (26 %), confiance (23 %) et joie (20 %). Le sociétal, dont
on parle tant pour construire le durable, ne serait donc point ce qui pourrait
permettre de relever les défis multiples et complexes auxquels notre pays
est confronté, à la veille d'une nouvelle élection présidentielle.
Le constat peut être fait de la part croissante de l'intelligence
émotionnelle dans l'analyse et l'action contemporaines. Qui ne constate, en
tous domaines ou presque, l'irruption de l'émotionnel, amplifié par les
modes de communications contemporains. À dire vrai, la "part" de
l'émotionnel a toujours été importante dans la vie sociale, qu'elle soit
culturelle, économique et encore politique et juridique. Ce qui semble
nouveau c'est la référence qui y est faite pour justifier, radicaliser,
systématiser une pensée considérée comme donnant toute garantie, toute
sécurité, toutes réponses aux problèmes les plus complexes de nos sociétés
contemporaines. Certaines et certains y verront sans doute une sorte de
substitutions aux concepts, constructions et réponses idéologiques qui
semblaient avoir donné, une fois pour toute, la clé de compréhension, la
solution de toutes questions (peu important la culture, l’histoire, la religion,
non sans dédain et intolérance), aux questions de plus en plus complexes
dans des mondes ouverts. Certaines et certains pourront y percevoir
l'instrument privilégié de construction de nouvelles solidarités fondées sur
un sentiment d'appartenance à des communautés aux racines incertaines et
changeantes. D'autres aimeront sans doute y trouver la remise en cause d'un
monde scientifique et technique en chemin vers la disparition de l'humain
non sans radicales critiques à l’égard d’un humanisme dépassé et
impuissant.
En bref, il existerait une sorte d'irrésistible montée, d'inéluctable
triomphe de l'émotion, de nature à remettre en cause les logiques de la
plupart de nos institutions et modes de pensées enracinées dans le passé.
L'émotion pourrait alors devenir le fondement unique et suffisant de la
pertinence de toute décision moderne et pertinente.
 

Les juristes, praticiennes et praticiens tout comme universitaires, se


doivent de résister à un tel mouvement qui peut emporter l’État de droit,
comme les libertés qui en sont les fondements et piliers dans la vie
quotidienne. Bien évidemment, le droit ne peut ignorer, et se doit de prendre
en compte, les émotions individuelles tout autant que collectives. Point de
dignité de la personne humaine, sans considération pour toutes les légitimes
émotions de celle-ci. Cependant, la finalité du droit, comme des normes
sociétales, n’est point de répondre, d’être au service de toutes les émotions
dans les sociétés humaines. Tout juriste connaît et prend toute la mesure de
la contradiction, de la confrontation des points de vue et perceptions.
En ce qui me concerne, universitaire sans doute bien trop ignorant des
pratiques les plus diverses et complexes, j’ai eu une fâcheuse tendance à
sous-estimer l’importance de l’organisation pratique et quotidienne du
contradictoire et du dialogue en tous domaines bien que le droit du travail
soit un poste d’observation avancé lorsqu’il s’agit de conflits d’intérêt, de
diversité des sensibilités de toutes sortes. Et encore qu'une activité de
fonctionnaire onusien m'ait tant appris sur les cultures, pratiques et
perceptions à travers le monde. Nous apprenons tant des autres.
Mais le sentiment est que de tous côtés, des volontés surgissent qui
convergent pour faire du droit et des normes une simple traduction du vécu
et du ressenti sans prise en compte de valeurs communes, non plus que d’un
intérêt général qui dépasse les affrontements et passions de l’instant, de
toute nature.
Ce n’est point aux émotions exprimées de tous côtés, et parfois le plus
fortement sans dialogue ni contradictoire, qu’il convient de nous en
remettre pour le droit. C’est à la prise en compte des arguments, des
constructions, des sensibilités qu’il faut nous attacher, ce qui, bien
évidemment, n’est pas s'opposer à la prise en compte des émotions
légitimes de tous côtés, dans la vie pratique et quotidienne du droit.
Cela va de soi pour celles et ceux qui placent la personne humaine au
cœur de tout système juridique digne de ce nom. Point d'État de droit sans
humanisme, sans respect de l'égale dignité de la Femme et de l'Homme, de
toutes les Femmes et de tous les Hommes, peu important leur couleur,
sensibilité philosophique et politique, spirituelle et religieuse, ou encore
leur orientation sexuelle. Les émotions ne sauraient se substituer à cette
exigence de rigueur pour la pensée et l'action juridiques. Croyant bien faire,
se libérant de façon indispensable, les paroles, amplifiées par les techniques
de communication dont on entrevoit de plus en plus l'absence de toute
limite et contradiction, nous conduisent à la tyrannie et la barbarie.
L'ambivalence des émotions vaut d'être toujours gardée à l'esprit pour qui
veut contribuer à faire des normes et de la justice les instruments d'un
équilibre toujours imparfait et instable dans les société humaines. Ainsi en
est-il, par exemple, de l'empathie dont on ne peut à la fois nier l'importance
et les bienfaits, mais aussi la complexité et les risques. La justice rendue par
les femmes et les hommes participe nécessairement de l'imperfection, des
contradictions, des passions de la condition humaine. Tout doit être donc
fait pour que justiciables, comme praticiens et praticiennes du droit, soient
armés et protégés contre tout risque de céder aux tentations émotionnelles
comme passionnelles. C'est pourquoi le contradictoire, la considération de
l'autre partie, plus généralement les règles de procédures, participent du
plus essentiel des piliers techniques d'un état de droit.
Il faut toujours s'inquiéter et protester contre l'empathie et l'idéologie qui
peuvent conduire à prendre partie sans que la raison (il faut y croire), le
doute (il faut le pratiquer), n'aient droit de cité dans l'action. Aucun "mur
des cons" n'est justifiable. Et, à l’évidence, celles et ceux qui se sentent
assez forts pour participer au contradictoire de façon sincère et rendre la
justice avec humilité, ce qui n’est pas rien dans un monde tellement
juridicisé et judiciarisé, se doivent de trembler à l’idée de pratiquer, à leur
manière, la violence et la négation de la complexité de la condition
humaine.
Loin de se vouloir à la pointe du combat pour un État totalitaire, la "part"
du droit dans nos sociétés contemporaines ne peut pas être celle de la
satisfaction des émotions de toute sorte, émanant de toute part, sans
préalable ni rigueur pour leur analyse et prise en compte. Un péril existe
bien : celui de substituer aux idéologies les émotions. L'idéologie de la lutte
des classes a sans doute été de nature à donner des réponses simples et
partisanes, alliant parti pris et émotion. La réponse à la question juridique
sera alors toujours en faveur du présumé (irréfragablement) faible
(locataire, salarié) contre le présumé fort (propriétaire, employeur). Nul ne
contestera qu'il puisse en être souvent ainsi. Mais nul ne saurait considérer
sérieusement que l'État de droit ne saurait se satisfaire d'une telle
application mécanique des règles de droit et de procédure.
Au fil d'affaires récentes, il peut être constaté que l'émotion des
citoyennes et citoyens peut remettre en cause un droit qui a quelque peu
perdu de sa force contradictoire, de sa capacité de prise en compte des
situations réelles des personnes. Le traitement juridique du "squat" permet
d'illustrer un tel propos. L'émotion suscitée par un propriétaire âgé dont la
maison était squattée, donc qui ne pouvait être vendue par l'intéressé pour
rejoindre son épouse dans un établissement de soin, en raison de l'absence
de revenu suffisant, a mobilisé une population qui a obtenu le départ des
occupants illégaux. Il se peut donc que le propriétaire ne soit pas celle ou
celui qui mérite, par principe, la réprobation sociale et l'absence d'empathie.
De même en est-il des situations de détresse économique que connaissent
nombreuses de (très) petites entreprises en cette période de pandémie
mondiale. Le droit du travail a légitimement conduit à développer les
protections en faveur de celles et ceux qui sont subordonnés à un
employeur. Du risque pris par l'employeur, il n'est pas beaucoup dit ni
considéré. De la présente pandémie, il pourrait résulter une autre perception
et analyse juridique de la situation de certains employeurs et des risques
pris et difficultés humaines et professionnelles vécues par ces derniers.
Nous pouvons donc certes nous féliciter que des baromètres nous
permettent de suivre l’évolution des émotions dans nos sociétés. Mais nous
devons rester vigilants pour ne pas soumettre le droit et les normes aux
émotions qui pourraient être instrumentalisées contre l’État de droit et les
libertés en France et dans le monde. Ne confondons point émotions et
humanisme. Et ne cédons pas à la tentation de soumettre les normes non
plus que la justice à l’irrationnel des esprits, comme des cœurs. Le droit
nous contraint à une certaine prudence, toujours. Il participe, peu ou prou,
de l’éternité qui peut faire si peur à beaucoup. Les normes périssent sous
l’emprise des passions et d’une instrumentalisation du moment, peu
soucieuse de leur effectivité.
 

Beaucoup de bruits normatifs pour si peu de réponse concrète et durable


aux incontournables et immédiats défis de nos sociétés. Il nous faut avoir la
force de mettre en œuvre une intelligence normative qui ne prenne jamais le
risque de transgresser certaines valeurs. Puissions-nous mettre en œuvre, en
toute circonstance, le fort propos de notre éminente collègue, Madame la
Professeure Mireille Delmas-Marty : "il y a un double interdit  : celui aux
États de déroger à certains droits et celui aux hommes de transgresser
certaines valeurs, car les franchir conduirait à la négation de ce qui donne
son sens à l’humanité".

Conclusion
 

Le monde du travail est bel et bien en mutation  ! C’est une véritable


révolution qui a lieu. Si l’ère Covid-19 a contribué à son accélération, elle a
commencé en réalité il y a bien une trentaine d’années sur fond d’explosion
de la concurrence des marchés au niveau international, le développement du
numérique lui aura servi tout à la fois d’outil de propagande et
d’émancipation créatrice. Qu’on le déplore ou qu’on le loue, cette
«  révolution permanente  » n’est pas près de prendre fin. Pour nombre
d’entreprises, l’expérience du télétravail acquise dans la gestion de la crise
du Covid-19 deviendra une pratique habituelle
Quel devenir du travail dans le monde post-covid  ? La crise sanitaire
démarré en 2020 n’aura-t-elle pas été l’accélérateur « plus vite que prévu »
du «  futur de l’emploi »  ? N’a-t-elle pas mis en évidence la pluralité des
situations des relations de travail ? Il n’existe plus un monde du travail mais
des mondes du travail, des réalités parfois fort éloignées les unes des
autres : Des formes hybrides d’emploi qui s’amplifieront probablement par
le numérique ; Une tendance à la hausse de la pluriactivité professionnelle
avec une généralisation du des pratiques visant à compléter son revenu
salarial stable par un revenu complémentaire tiré d’un travail indépendant ;
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la prolifération de l’emploi atypique dans des secteurs et des professions
dont il était antérieurement absent.
Forcément, l’entreprise est peu à peu imprégnée ou impactée par ces
nouveaux paradigmes. Insidieusement, ils ont remis en cause la légitimité
de l’organisation traditionnelle déjà ébranlée par les exigences des parties
prenantes de la société civile en matière environnementale, sociale et
sociétale.
Face à ces bouleversements associés à un contexte de crises sanitaire,
économique et institutionnelle, d’incertitude et de quête de sens, qui
semblent menacer l’emploi traditionnel, la recherche du sens dans le monde
du travail est devenue une préoccupation majeure de tous.
Cette quête l’est également, plus encore peut-être, chez les jeunes
générations. Ces Y et ces Z sont, tout en remettant en cause les modèles
traditionnels de travail et de sa régulation, elles aussi très soucieuses du
respect des droits humains et de l’environnement, dont les destins sont
désormais perçus comme hautement imbriqués.
Ces générations montantes, parce qu’elles sont fortement connectées,
parce qu’elles portent un regard sans complaisance sur ce vieux monde
hérité du XXe siècle, font émerger un monde nouveau où la volonté de plus
de cohérence, et ce par-delà les frontières, occupe une place importante.
Travailleur indépendant ou nomade n’est donc pas synonyme
d’individualisme et de repli sur soi.
Le nuage numérique, la digitalisation du monde bousculent nos attentes,
nos modes de pensées, nos modèles économiques et même nos manières de
gouverner. Ils ne transforment pas seulement l’entreprise mais ont avant
tout des conséquences fondamentales sur des aspects sociologiques très
structurants de l’entreprise : rapport au travail, à la famille, au politique, à la
vision du monde, à l’ouverture aux autres cultures.
La nécessité pour les individus de travailler en collaboratif, induite par
ces nouvelles pratiques d’interaction liées au numérique, vient se heurter à
des décennies d’individualisation du travail. Il rend poreuse la séparation
entre vie personnelle et vie au travail, plus que jamais.
Il semble raisonnable de penser que l’entreprise peut trouver des voies
d’adaptation et de lecture de ces mutations par une démarche éthique,
socialement et écologiquement responsable. Partagée par le plus grand
nombre, elle devient un gage de compétitivité et de sens commun. De
grandes enseignes se piquent aujourd’hui de développement durable parce
que c’est également un argument de vente et de sécurisation de la
réputation. Opportunisme ou sincérité  ? Sans encourager ou être dupe du
cynisme, ce qui relève parfois de la simple stratégie de communication n’en
reste pas moins un objectif qu’il faut atteindre, par paliers au besoin, en
devenant de plus en plus exigeant en la matière.
Pour ce faire, les entreprises doivent être en mesure de penser et
d’impulser un cadre éthique de dialogue et de relations hommes et
entreprise, entreprise et salariés, salariés et société, société et entreprise
favorisant l’émergence d’une intelligence normative. Pour cela il leur faut
passer outre plusieurs freins majeurs  : leur culture managériale souvent
« dépassée », la résistance au changement, une réponse syndicale inadaptée
et un corpus juridique mal appropriés, inappropriés ou mal compris par les
acteurs. Ces freins posent de facto la gouvernance d’entreprise au 1er plan.
Dans un monde en perpétuelle mutation, elle doit être à même de se
réinventer, de poser une éthique de la responsabilité, laquelle permettra
d’impulser le changement par des projets partagés, construits dans un sens
commun. Les syndicats doivent certainement repenser leur rapport au
dialogue social, à l’entreprise et au système. Enfin, la loi doit évoluer et
favoriser une « soft law » qui par sa souplesse et la capacité d’ajustement
qu’elle permet, donnera à l’entreprise et à ses composantes
organisationnelles plus d’agilité et de capacité adaptative. Un management
des hommes socialement responsable, éthiquement acceptable, dans un
cadre juridique assoupli et qui impliquerait les syndicats, pourrait être le
garant de cette évolution.
La « soft law » n’est pas la mère indigne d’une « justice low cost ». Au
contraire, c’est parce qu’elle est plus facile à appliquer qu’elle permet qu’on
la dépasse. Et c’est bien là toute la dynamique que l’on peut souhaiter pour
le futur. Aujourd’hui, rien ne devrait en effet réduire le cadre réglementaire
de l’entreprise à son seul périmètre. Demain, rien ne devrait empêcher
l’entreprise de faire plus en matière de droit humain et de droit
environnemental et social. C’est en associant les salariés, les syndicats et les
managers, en associant leurs expériences comme leurs divergences, que ce
monde nouveau se construira.

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TRÉBULLE, F. G., « Responsabilité sociale des entreprises (entreprise et
éthique environnementale) ». Répertoire Sociétés Dalloz, mars 2013
Trebulle F.G., La RSE outil de prévention du contentieux, Juriste
d'entreprise magazine N°14, 2012
VALLERIE Bernard, « Interventions Sociales et Empowerment
Developpement du Pouvoir d'Agir », Ed. Illustration l’harmattan, 2012
Von Bertalanffy L., « Théorie générale des systèmes » Paris, Éd. Dunod,
1972
Winther A., Emmanuel F., « Humain enfin ! (Re)devenir humain à l’ère
du Digital, 2019

Sites internet
 
 

Accord national interprofessionnel » pour une mise en œuvre réussie du


télétravail », https  ://travail-emploi.gouv.fr/actualites/presse/communiques-
de-presse/article/teletravail-la-ministre-salue-l-accord-entre-partenaires-
sociaux, 26 novembre 2020
ANACT, Guide méthodologique sur le télétravail Premiers repères, 2015
https ://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/guidetlw_repe_res_anact.pdf
Rapport publié en 2018 par GSMA Intelligence, 2018 :
https ://www.gsma.com/publicpolicy/wp-
content/uploads/2018/02/Mobile_Policy_Handbook_2018_FR_single_page
s.pdf
Rapport future of work, World Economic Forum 2020,
https ://www.weforum.org/agenda/2020/01/davos-2020-future-work-jobs-
skills-what-to-know/, 2020
Rapport : ” Ou en est le télétravail en France »,
https ://lecomptoirdelanouvelleentreprise.com/democratisation-teletravail-
france/, février 2019
Accompagnement de la transition numérique des pme : comment la
France peut-elle rattrapée son retard :https ://www.senat.fr/notice-
rapport/2018/r18-635-notice.html, 2018
La RSE levier d’action syndical », http ://cfecgc-sanef.fr/wp-
content/uploads/2015/09/RSE_sept_2015.pdf, 2015
Veille juridique et professionnelle des Collectivités Territoriales
https  ://www.idcite.com/La-fracture-numerique-territoriale_a43653.html,
2019
Chiffres internet 2018, https  ://www.blogdumoderateur.com/chiffres-
internet/, 2018
Chiffres du marché social data, https  ://we-like-travel.com/etudes-et-
barometres/, 2018
https ://www.frenchweb.fr/infographie-3-millions-de-blogs-crees-chaque-
mois-dans-le-monde/106032, 2013
Chiffres et tendances du web 2020  : SEO, E-commerce, Marketing,
Réseaux sociaux
https ://www.alioze.com/chiffres-web, tendance 2020
Khojastehpour M. et Johns R., « The effect of environmental CSR issues
on corporate/brand reputation, and corporate profitability  », European
Business Review, 26(4), 2014, p. 331
http ://www.responsabilite-societale.fr/, interviews réalisées par William
Monlouis-Félicité
Notes
[←1]
       Voir à ce sujet le livre « L’empire des croyances », de Gérald Bruner, Puf, 2018
[←2]
            Etude publiée par le cabinet spécialisé Roland Berger en 2015  :
https://www.rolandberger.com/fr/?country=FR
[←3]
       Rapport McKinsey, « 10 enjeux cruciaux pour la France à horizon 2022 », Avril 2017.
[←4]
       Selon ce rapport publié par McKinsey, en France, 47% des heures travaillées actuellement
pourraient être consacrées à des activités automatisables.
[←5]
       The future of Jobs,2016; L’étude porte sur les quinze principales puissances économiques
mondiales, telles que les Etats-Unis, l’Allemagne, la France, la Chine ou le Brésil.
[←6]
            The Future of Jobs 2018, World Economic Forum, 2018 - La recherche, publiée
représente une tentative de comprendre l’effet des nouvelles technologies sur l’emploi, qu’il
s’agisse de les modifier ou d’en créer. Les dernières recherches du Forum économique
mondial montrent que les machines accompliront plus de tâches courantes que nous d'ici 2025,
alors que les humains réalisent aujourd’hui 71 % du total.  L'évolution rapide des machines et
des algorithmes sur le lieu de travail pourrait créer 133 millions de nouveaux emplois, à
comparer aux 75 millions qui seront déplacés entre maintenant et 2022.  Le rapport présente
une vision de l’avenir de la main d’œuvre mondiale qui suscite à la fois optimisme et
prudence. Comparé à l’étude similaire réalisée en 2016 par le Forum économique mondial afin
de comprendre l'impact de la quatrième révolution industrielle sur l'emploi, ce rapport ouvre
des perspectives de création d'emplois beaucoup plus positives, car les entreprises
comprennent beaucoup mieux les possibilités offertes par la technologie. Toutefois, l'énorme
perturbation que l'automatisation créera au sein de la main-d’œuvre mondiale provoquera de
façon quasi-certaine des changements importants dans la qualité, l'emplacement, le format et
la permanence des fonctions
[←7]
            Rapport future of work, World Economic Forum 2020,
https://www.weforum.org/agenda/2020/01/davos-2020-future-work-jobs-skills-what-to-
know/,
[←8]
       C.B. FREY et M. A. OSBORNE, « The future of employment: How susceptible are jobs
to computerisation? », Technological Forecasting and Social Change, Vol. 114, 2017, p. 254-
280;
[←9]
       Note du conseil d’analyse économique, 2015
[←10]
       T. Couppié, A. Dupray, D. Épiphane, V. Mora (coord.), "20 ans d'insertion professionnelle
des jeunes : entre permanences et évolutions",  Céreq Essentiels  n°1 avril 2018.  Voir
notamment les chapitres : "Une progression contrastée des salaires en 20 ans, source de
réduction des inégalités", "Le déclassement : un phénomène enraciné",  "De la «qualité de
l'emploi» au «rapport au travail» des jeunes : des évolutions paradoxales", "«Demain, c'est
loin».Transitions socioprofessionnelles des jeunes non diplômés"
[←11]
            ARNTZ, M.,  T. GREGORY  et  U. ZIERAHN, «  The Risk of Automation for Jobs in
OECD Countries  :  A Comparative Analysis  », Documents de travail de l'OCDE sur les
questions sociales, l'emploi et les migrations, no. 189, Éditions OCDE, Paris, 2016
[←12]
       C.B FREY. et M. A. OSBORNE (2017), op Cit note 41, p.22
[←13]
       A la seule échelle de la France, l'automatisation de 9 % des emplois signifierait plus de 2
millions de chômeurs supplémentaires. Les emplois de bureau et administratifs seraient les
plus menacés en concentrant deux tiers des destructions. A l’inverse, les profils qualifiés en
informatique, architecture et ingénierie devraient tirer leur épingle du jeu. Les femmes,
particulièrement absentes de ces secteurs, seraient donc davantage touchées. 
[←14]
       Dell, Etude sur les employés du futur,Dell Workforce transformation, 2016.
[←15]
       Un think tank a pour vocation première de participer au débat public au travers de ses
idées, de ses propositions en matière de politiques publiques et de problématique social,
économique, sociétale. Sans avoir le monopole du débat d’idées nombreuses sont les
organisations notamment en France qui au travers de rencontres formelles ou informelles
(petits déjeuners-débats ou simple conférence par exemple) permettent aux
idées de circuler et influence le débat public. A ce sujet voir le site de l’observatoire
européen des Think Thank.
[←16]
       Un chiffre qui serait beaucoup plus important. Selon Mckinsey 13 millions de personne
sont aujourd’hui des travailleurs différents. Le cabinet s’est basé sur définition plus large de
« L’indépendant »: « est considérée comme travailleur indépendant toute personne autonome
dans son travail, qui a  des relations contractuelles ponctuelles avec ses clients et se voit
payée à la tâche, Aussi bien pour des services ou que la vente ou la location de biens ». Une
différence qui illustre la difficulté à appréhender ce phénomène en plein essor et dont les
contours évoluent avec les usages digitaux professionnels.
[←17]
       Nathalie A., Benoit T., Bonnet Y., Somalina P.A., Herzog J., Levin F., « Travail, emploi,
numérique : les nouvelles trajectoires », Conseil national du numérique, , janvier 2016
 
[←18]
       H. PETIT et N. THEVENOT, « Les nouvelles frontières du travail subordonné : Approche
pluridisciplinaire », La Découverte, 2006.
[←19]
            Bureau international du travail, «  l’emploi atypique dans le monde »,2016  ; L’OIT
s’interroge notamment sur l’insécurité pour les travailleurs occupant ces modalités d’emploi
associées par rapport à celle qui prévaut dans l’emploi typique. Sont dénombrés quatre grandes
catégories d’emploi atypique : 1) le travail temporaire; 2) le travail à temps partiel; 3) le travail
intérimaire et autres relations d’emploi multipartites; 4) les relations de travail déguisées et
l’emploi économiquement dépendant.
[←20]
       Étude annuelle 2017 du Conseil d’Etat, Puissance publique et plateformes numériques :
accompagner l’ « ubérisation », La documentation française, 2017, pp. 84 et s.
[←21]
       https://www.senat.fr/notice-rapport/2018/r18-635-notice.html
[←22]
      Veille juridique et professionnelle des Collectivités Territoriales
https://www.idcite.com/La-fracture-numerique-territoriale_a43653.html, 2019
[←23]
            Winther Arnaud, Emmanuel Fraysse, «  Humain enfin  ! (Re)devenir humain à l’ère du
Digital, 2019
[←24]
            Paul Jorion, économiste, diplômé en sociologie et anthropologie, dans un entretien
accordé au quotidien belge Le Soir en février 2014 
[←25]
       Le rapport de la société de conseil Proxinvest 2019 aux actionnaires sur la rémunération
des dirigeants des grandes sociétés en 2018 fait apparaître que la rémunération moyenne des
présidents exécutifs des groupes cotés au CAC 40 a grimpé de 12,4 % sur un an - pour la
première fois, elle atteint un record : 5,8 millions d'euros (M€) en moyenne. Le même rapport
en 2020 pour l’année 2019 confirme la tendance : Les rémunérations des dirigeants des 120
plus grosses entreprises françaises ont augmenté de 2% en 2019 à l’exception des patrons du
CAC 40 en baisse de 10%.
[←26]
       Capital.fr, octobre 2014
[←27]
      Ernst & Young, « La révolution des métiers », avril 2014
[←28]
       Etude de la DARES « Les métiers en 2022 : Prospective par domaine professionnel » ,
avril 2015
[←29]
            http://www.odoxa.fr/sondage/covid-19-bouleverse-deja-modifiera-durablement-rapport-
francais-travail/
[←30]
       https://www.bcg.com/fr-fr/press/19jun2020-93-percent-of-hr-managers-believe-overhaul-
of-managerial-practices-necessary
[←31]
            https://www.lemonde.fr/emploi/article/2020/11/04/le-covid-aide-la-rse-a-sortir-du-
placard_6058417_1698637.html
[←32]
       Les Échos business, juillet 2014
[←33]
       jeteletravaille.fr
[←34]
       Le 26 novembre 2020, les organisations patronales et syndicales ont finalisé un accord
national interprofessionnel «  pour une mise en œuvre réussie du télétravail » Les règles
du télétravail  étaient jusqu'alors régies par l'accord national interprofessionnel de 2005 ainsi
que par un ensemble de dispositions législatives dont certaines ont été modifiées par les
ordonnances de 2017  ; « Ce texte permettra d’encourager la dynamique de négociations de
branches et d’entreprises en matière de télétravail, en donnant un cadre clair sur les modalités
de sa mise en œuvre et sur la manière de négocier sur ce sujet en entreprise et dans les
branches professionnelles. Il précise ainsi certaines règles relatives à la définition du champ
des postes télétravaillables, au double volontariat, à la motivation du refus du télétravail par
l’employeur, à la prise en charge des frais professionnels, à l’équipement et l’usage des outils
numériques ou encore à la période d’adaptation du salarié en télétravail  », https://travail-
emploi.gouv.fr/actualites/presse/communiques-de-presse/article/teletravail-la-ministre-salue-l-
accord-entre-partenaires-sociaux
 
 
 
 
[←35]
       Les Échos business, juillet 2014
[←36]
            Enquête réalisée par l'Ifop pour le groupe Malakoff-Médéric-Humanis après d'un
échantillon représentatif de 1604 salariés dont 581 dirigeants et managers d'entreprises privées
de plus de 10 salariés  : https://lecomptoirdelanouvelleentreprise.com/democratisation-
teletravail-france/, 2019
 
[←37]
            Cinquième édition de l'Observatoire-Place de la Santé de la Mutualité française,
https://www.mutualite.fr/actualites/les-10-chiffres-cles-de-lobservatoire-2021-sur-la-sante-mentale/,
juin 2021
 
[←38]
       Entretien réalisée par David Melkhi
[←39]
       Entretien réalisée par David Melkhi
[←40]
      FYP Éditions, 2015
[←41]
      L'usine digitale, avril 2015
[←42]
      Interview réalisée par David Melkhi
[←43]
       Selon une enquête menée par le Global Coworking Survey  de 2011 à 2017 le nombre
d’espaces de coworking a été multiplié par 10. Fin 2019, on recense près de 22 400 espaces de
coworking sur la planète et plus de 2,1 millions d’utilisateurs.
[←44]
       Enquête menée en au 2ème trimestre 2020 par l’association nationale des tiers-lieux (qui
porte notamment le  Plan de soutien aux tiers-lieux  issu de la Mission coworking du
gouvernement), a lancé une enquête auprès de 1 800 tiers-lieux pour déterminer l’impact de la
pandémie sur leurs activités
 
[←45]
       Interview réalisée par David Melkhi
[←46]
       Interview réalisée par David Melkhi
[←47]
       Interview réalisée par David Melkhi
[←48]
       Interview réalisée par David Melkhi
[←49]
       Propos recueillis par Patricia Vendramin, co-directrice du Centre de recherche Travail &
Technologies à la Fondation Travail-Université et professeur à l'Université de Louvain, pour
l'ouvrage « Où va le travail à l'ère du numérique ? », Presses des mines, 2013
[←50]
       Apec, Salariat et autres formes d’emploi, mars 2019
[←51]
       Etude Deloitte / Viadeo ; sens au travail ou sens interdit, 2018  
 
[←52]
       Table ronde sur « le travail et le numérique », organisée par le 5e Digital Society Forum,
juin 2014
[←53]
            Rapport publié en 2018 par GSMA Intelligence, 2018  :
https://www.gsma.com/publicpolicy/wp-
content/uploads/2018/02/Mobile_Policy_Handbook_2018_FR_single_pages.pdf
 
[←54]
       https://www.blogdumoderateur.com/chiffres-internet/, 2018
[←55]
       https://www.blogdumoderateur.com/chiffres-internet/, 2018
[←56]
       https://we-like-travel.com/etudes-et-barometres/, 2018
[←57]
            https://www.frenchweb.fr/infographie-3-millions-de-blogs-crees-chaque-mois-dans-le-
monde/106032, 2013
 
[←58]
       https://www.alioze.com/chiffres-web, tendance 2020
[←59]
www.responsabilite-societale.fr
[←60]
       Commission européenne. La responsabilité sociale des entreprises dans l’UE. Disponible
sur : http://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=331&langId=fr
[←61]
       Bowen H.R.. Social Responsibilities of the Businessman, Harper, New York, 1953
[←62]
       Gond J-P. et Igalens J., « La responsabilité sociale de l’entreprise », Que sais-je ?, Presses
Universitaires de France, 4 édition, 2014, p. 41.
[←63]
            Carroll, 1979 Cité par: Crane A. et al. , « The Oxford Handbook of Corporate Social
Responsibility », Oxford University Press, New York, USA, 2008 p. 33      
[←64]
       Gond J-P. et Igalens J., « La responsabilité sociale de l’entreprise », Que sais-je ?, Presses
Universitaires de France, 4 édition, 2014, p. 47
[←65]
       Swaton, S. « La responsabilité sociale des entreprises : un sursaut éthique pour combler un
vide juridique ? », Revue de philosophie économique, vol. 16, no. 2, 2015, pp. 3-40.
 
[←66]
            Khojastehpour M. et Johns R., «  The effect of environmental CSR issues on
corporate/brand reputation, and corporate profitability », European Business Review, 26(4),
2014, p. 331
 
[←67]
       http://www.responsabilite-societale.fr/, interview realisée par William Monlouis-Félicité
[←68]
            C. LENOIR, JP LEDIVENAH, «  Rse et dialogue cocial mode d’emploi, note
documentaire, Inspection generle des aff soci., conseil generale de l’environnement et du
developpement durable,  Extrait de la contribution écrite transmise à la mission par la CGT –
février 2013.
 
[←69]
            CFE-CGC, «  La RSE levier d’action syndical  », http://cfecgc-sanef.fr/wp-
content/uploads/2015/09/RSE_sept_2015.pdf
[←70]
            Ory J-F. et Petijean J-L. , «  RSE et performance financière : une approche par la
communication des entreprises », Revue des Sciences de Gestion, 2014, 49(267/268), p. 70
[←71]
            Fasolofo-Distler F., «  Opérationnalisation de la RSE : une approche par les parties
prenantes », Management et Avenir, 2010, Issue 36, p. 66
[←72]
       Francois-Guy Trebulle, La RSE outil de prévention du contentieux, Juriste d'entreprise
magazine N°14,
 
[←73]
            Calori, R «  Philosophie et développement organisationnel : dialectique, agir
communicationnel, délibération et dialogue », dans Durand, R.Cord, «  Développement de
l’Organisation : Nouveaux regards », Paris : Economica, 2002.
[←74]
            Miller D. Organizational configurations: Cohesion, change, and prediction. Human
Relations, 1990, 43(8), 771-789.
[←75]
       Coursaget A., Haas L. (2014) ” De la résilience à la continuité d’activité », Sécurité et
stratégie, 3/2014 (18) , p. 1-3
 
[←76]
       Mandat M/487 pour établir des normes de sécurité, rapport final phase 2,2011
 
[←77]
            De la Broise P. (2006)  Responsabilité sociale : vers une nouvelle communication des
entreprises ?, Presses Universitaires du Septentrion, Villeneuve d’Ascq, France
 
[←78]
       Ebrahim A. et Rangan K. (2014), ” What Impact? A Framework for Measuring the Scale
and Scope of Social Performance », California Management Review, 56(3)
 
[←79]
       http://www.responsabilite-societale.fr/, interview réalisée par William Monlouis-Félicité
[←80]
      Les entreprises ne se limitent pas à la recherche du profit. L’entreprise doit être le lieu de
création et de partage de sa valeur. Le Plan d’action pour la croissance et la transformation des
entreprises (Loi PACTE, 2019) permet de redéfinir la raison d’être des entreprises et de
renforcer la prise en compte des enjeux sociaux et environnementaux liés à leur activité  ;
L'article 1833 du code civil  est modifié pour consacrer la notion jurisprudentielle d'intérêt
social et pour affirmer la nécessité pour les sociétés de prendre en considération les enjeux
sociaux et environnementaux inhérents à leur activité. Tout dirigeant sera ainsi amené à
s’interroger sur ces enjeux à l’occasion de ses décisions de gestion
 
 
[←81]
       Von Bertalanffy L. (1972) Théorie générale des systèmes, Paris, Éd. Dunod, 1972
[←82]
            Koninckx, G., & Teneau, G. (2010).  Résilience organisationnelle: rebondir face aux
turbulences, ed De Boeck Supérieur
[←83]
       Donnadieu et Karsky cité par Bériot D. Manager par l’approche systémique, Paris, Éd.
d’Organisation, 2006, P.164
 
[←84]
            Creating Shared Value, par Michael Porter et Mark R. Kraemer, Harvard Business
Review, janvier-février 2011.
 
[←85]
www.responsabilite-societale.fr
[←86]
       Imaginer l’avenir du travail, quatre types d’organisation du travail d’ici 2030, Rapport
France Stratégie, avril 2017.
[←87]
            Publication développée dans le cadre du cercle K2 organisation internationale qui
regroupe, parmi ses membres, plus de 30 nationalités.
 
[←88]
            Bureau international du travail, «  l’emploi atypique dans le monde»,2016  ; L’OIT
s’interroge notamment sur l’insécurité pour les travailleurs occupant ces modalités d’emploi
associées par rapport à celle qui prévaut dans l’emploi typique. Sont dénombrés quatre grandes
catégories d’emploi atypique: 1) le travail temporaire; 2) le travail à temps partiel; 3) le travail
intérimaire et autres relations d’emploi multipartites; 4) les relations de travail déguisées et
l’emploi économiquement dépendant.

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