L’Afrique toute entière a connu au cours de cette année une vague de
manifestations et des émeutes contre la vie chère. Suite à ces démonstrations de mécontentement des populations africaines, des mesures ont été prises sur le plan national, régional et même international.
Par Edwige Ngaleu & Kadje Kamga
Le prix élevé du carburant sur le marché mondial avait entraîné au
Cameroun une grève des transporteurs en fin février. En marge de cette grève, des émeutes ont fait, selon les chiffres du gouvernement, 40 morts, pendant que certaines organisations de défense des droits de l’homme avançaient les chiffres de 100 victimes. La même semaine, deux décrets présidentiels sont signés portant respectivement relèvement de 15 pour cent des salaires dans la fonction publique et rétablissement de l’indemnité de non logement des agents publics à 20 pour cent. De même, les droits de douanes sur plusieurs produits de première nécessité : riz, huile, poisson, et farine entre autre sont suspendus. A cela, s’ajoute la diminution des tarifs de l’électricité, l’ajustement sur l’augmentation des prix des carburants, la réduction de 20% à 10% des droits de douane sur le ciment. Le ministère du commerce décide d’homologuer les prix des produits en mettant sur pied des cellules de surveillance qui font le tour des marchés pour veiller à l’application des nouveaux prix. Par ailleurs, des caravanes vendant des produits à prix abordables sillonnent les quartiers et les marchés. Dans le même ordre d’idées, le Premier ministre camerounais Ephraïm Inoni a décidé de la réduction du train de vie de l’Etat, qui inclut cesser l’achat de "véhicules administratifs", réduction du nombre de missions à l’étranger ainsi que la taille des délégations. Il a aussi demandé au ministère des Finances de travailler à la "maîtrise" des dépenses de fonctionnement de l’Etat.
L’agriculture : bouée de sauvetage
Selon le Programme alimentaire mondial (PAM), le côté positif de la crise
alimentaire mondiale a créé une occasion favorable pour un recentrage sur l’agriculture et le développement rural dans les pays en développement, ciblé en particulier sur les petits agriculteurs. Ainsi, l’Association Interprofessionnel des Semences et Plants du Cameroun (ACOSEC) a organisé un séminaire atelier le 17 juillet dernier dans l’optique d’apporter des solutions pour la relance de l’agriculture.
Au Gabon, le gouvernement annonce un ensemble de mesures fiscale et
budgétaires pour lutter contre la vie chère. Entre autre, la suspension des taxes sur les produits de première nécessité, la suspension de la TVA et des taxes douanières sur les importations des produits tels que le riz, la farine, l’huile, la baisse significative du prix de l’essence pour les opérateurs économiques du secteur de la pêche. Des mesures qui représentent une allocation de 10 milliards de F CFA sur le budget de l’Etat (montant du budget…). Mais la coalition d’ONG contre la vie chère n’est pas toujours satisfaite. Pour le président de cette coalition, Christian Richard Abiague Ngome, « de telles mesures sont transitoires et ne peuvent être considérées comme des solutions pérennes à la dégradation continue du pouvoir d’achat des ménages au Gabon (…) la révolte des paniers vides continuera malgré les mesures gouvernementales qui ne sont que provisoires ». En Côte d’Ivoire, le Président Gbagbo va annoncer la baisse des droits de douane pour une série de produits de base importés. Au Sénégal, le Président Wade lance en avril dernier l’initiative Goana, la Grande offensive agricole pour la nourriture et l’abondance. Une initiative destinée à « réaliser le bien-être des population » par l’autosuffisance alimentaire et la production des divers services nécessaires pour la vie. Elle prévoit, en l’espace de six mois et à partir du mois d’octobre prochain, une production de deux millions de tonnes de maïs, trois millions de tonnes de manioc, 500 000 tonnes de riz paddy, et deux millions de tonnes pour les autres céréales (mil, sorgho, fonio). Pour l’élevage, les objectifs portent sur une production de 400 millions de litres de lait et 435 000 tonnes de viande. Le coût de la Goana est estimé à 344 milliards de francs CFA. M. Wade se sépare aussi de son ministre de l’intérieur, qu’il juge peu entreprenant face à la situation.
Au Burkina Faso, le gouvernement a invité les populations à augmenter
les cultures vivrières plutôt que les cultures de rente. Il a par ailleurs mis en place un mécanisme de ventes subventionnées, activé là où il y a moins de produits vendus sur les marchés et où les prix sont élevés. Le gouvernement avait 30 000 tonnes de céréales en stock au mois de juillet dernier, et le PAM compte apporter une aide à plus de 600 000 bénéficiaires. Par ailleurs, les autorités burkinabés ont annoncé une suspension de trois mois des droits de douanes sur les produits de grande consommation afin de résorber la flambée des prix. Il a été aussi question de "mieux surveiller" les prix des produits de grande consommation et de baisse des prix de 5 à 15% des produits de première nécessité dont leur l’augmentation avait été la cause des violentes manifestations dans le pays au mois de mai et juin dernier. Le Japon a octroyé au Burkina Faso deux dons d’un montant global de près de 2,7 milliards de F CFA pour l’aide alimentaire.
Coalition contre la faim
L’Institut de recherche agricole (IRAD) de Yaoundé a servi de cadre au
mois de juillet à un atelier de réflexion sous-régional pour une meilleure rentabilité de la culture du riz, face à une crise alimentaire qui s’étend. Prenait part à l’atelier la République Centrafricaine, le Gabon, le Congo et le Cameroun. Le Programme alimentaire mondial (PAM) et l’Organisation des nations unies pour l’agriculture (FAO) ont fourni à ces pays la semence améliorée, l’engrais et autre intrants agricoles. Dans le cadre de Programme de coopération technique, la FAO a approuvé une série de projets dans 54 pays pour un montant total de 24 millions de dollars. Le sommet de la FAO en début juin 2008 à Rome était, selon les responsables de l’organisme, " une occasion historique de relancer le processus de lutte contre la faim et la pauvreté tout en dopant la production agricole dans les pays en développement." A la fin du sommet, les responsables de la FAO ont commis une déclaration, relevant la « nécessité urgente d’aider les pays en développement et les pays en transition à accroître leur production agricole et vivrière, et à renforcer leurs investissements dans l’agriculture, les entreprises agricoles et le développement rural et ce, de sources à la fois publiques et privées.» L’agence des Nations Unies a également suggéré de procéder au réexamen du service de la dette de certains pays si cela s'avère nécessaire, invitant les gouvernements à « assurer » aux agences des Nations Unies « les ressources nécessaires pour accroître et améliorer leur aide alimentaire », avant de conclure : «Nous soutenons l'établissement de systèmes agricoles et de pratiques de gestion forestière durable qui contribuent nettement à atténuer les effets des changements climatiques et favorisent l'équilibre écologique. » Il n’y a plus qu’à attendre que ces bonnes résolutions se traduisent dans les faits.
Selon les chiffres de la FAO, il faudra 30 milliards de dollars par an pour
éradiquer le fléau de la faim dans le monde. EN & KK