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La Turbulence

Décomposition de Reynolds – Equations moyennées

Lorsque l’écoulement est turbulent, et que la variété des tourbillons est devenue trop
grande (en tailles, énergies associées, ….) pour que l’on puisse suivre les évolutions
de chaque variété de tourbillon de façon séparée, on en est réduit à utiliser une
approche purement statistique. Même si cette approche purement statistique n’est pas
entièrement satisfaisante, car l’aspect tourbillonnaire ne peut pas être complètement
ignoré, elle donne de très bons résultats pour de nombreuses applications pratiques.

Ainsi, on utilise la décomposition de Reynolds pour décomposer, à chaque instant et


en chaque point de l’espace, toute grandeur comme (chaque composante de vitesse
U i ou la pression p) en sa valeur moyenne et ses fluctuations :

Ui = Ui + u i' , p = p + p '
La moyenne est définie comme étant la moyenne au sens statistique, c'est-à-dire
correspondant à la moyenne des réalisations obtenues pour un très grand nombre

1 N
d’expériences
Ui = lim å (Ui ) k
N
N ®¥ k =1
Chaque expérience est très légèrement différente des autres car on ne peut pas
contrôler pas avec suffisamment de précisions toutes les conditions initiales et aux
limites, du fait de la très grande sensibilité des systèmes régis par des équations non
linéaires : une variation infime des les conditions initiales et aux limites génèrera des
solutions nettement différentes, et non prédicibles. C’est ce qui fait notamment toute
la difficulté des prévisions météorologiques, c’est aussi ce que Lorenz a appelé
« l’effet papillon » (puisqu’un battement d’ail de papillon ay Brésil serait susceptible
de générer une tempête au Texas).
On se limitera ici aux écoulements sans variations de masse volumique et
stationnaires en moyenne. Des résultats très semblables sont obtenus dans ces autres

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situations, mais on doit alors utiliser une autre moyenne : la moyenne de Favre pour
les écoulements à masse volumique variable (comme ceux rencontrés en combustion)
ou la moyenne de phase pour les écoulements qui ne sont pas stationnaires en
moyenne, mais qui sont en général quasi-périodiques (comme ceux associés aux
mouvements des pales d’une éolienne ou d’un compresseur). Des précisions à ce
sujet sont données dans le cours polycopié.

En pratique, on calcule souvent la moyenne statistique comme une moyenne


temporelle en considérant que l’écoulement correspond à un système ergodique,
c’est-à-dire que, si l’on attend pendant une durée suffisamment longue, alors, le
système va passer par lui-même au travers de tous les états correspondant à un très
grand nombre d’expériences avec des conditions aux limites à chaque fois légèrement
différentes des autres expériences.

Il faut noter que les opérateurs de dérivées en espace et en temps permutent avec

l’opérateur de moyenne et que Ui = Ui , avec aussi u i' = 0


Lorsque l’on fait intervenir la décomposition de Reynolds dans les équations de
continuité et de Navier-Stokes,
¶U i
=0 ,
¶x i

¶U i ¶U i 1 ¶p ¶ 2 Ui
+ Uj =- +n
¶t ¶x j r ¶x i ¶x j¶x j
On obtient alors

¶ (U i + u 'i )
=0 ,
¶x i

¶ (U i + u i' ) ' ¶ (U i + u i )
'
1 ¶ (p + p ') ¶ 2 (U i + u i' )
+ (U j + u j ) =- +n
¶t ¶x j r ¶x i ¶x j ¶x j

2
Et

¶ U i ¶u 'i
+ =0 ,
¶x i ¶x i

¶ U i ¶u 'i ¶ Ui ¶u i' ' ¶ Ui ' ¶u i


'
+ + (U j + Uj +uj +uj ) =
¶t ¶t ¶x j ¶x j ¶x j ¶x j
1 ¶ p ¶p ' ¶ 2 Ui ¶ 2 u 'i
- ( + )+n( + )
r ¶x i ¶x i ¶x j¶x j ¶x j¶x j
Il apparaît ainsi clairement que le terme non linéaire est le seul problème puisque la
décomposition de Reynolds fait apparaître 4 contributions a ce terme. En appliquant
ensuite l’opérateur de moyenne à ces 2 équations, on obtient alors :

¶Ui ¶u 'i
=0 et =0
¶x i ¶x i
Ainsi, la partie fluctuante du champ de vitesse est également à divergence nulle,
résultat que l’on utilisera dans les étapes qui suivent.

Et aussi

¶ Ui ¶ Ui ¶ ui u j 1 ¶p ¶ 2 Ui
' '

+ Uj + = - +n
¶t ¶x j ¶x j r ¶x i ¶x j¶x j
Puisque, notamment,

¶u 'i ¶u i' u 'j ¶u 'j ¶u 'i u 'j ¶u 'i ¶u j


'

u'
= - ui
'
= puisque = =0
¶x j ¶x j ¶x j ¶x j ¶x i ¶x j
j

Soit, finalement,

¶ Ui 1 ¶ p ¶ (u i u j ) ¶ 2 Ui
' '

Uj =- - +n
¶x j r ¶x i ¶x j ¶x j¶x j
' '
Ces inconnues supplémentaires, u i u j , qui sont, d’un point de vue statistique, des
moments d’ordre 2 sont couramment appelées les tensions de Reynolds.

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Si on fait le bilan, on a donc, de façon générale :
4 équations moyennées : 1 équation de continuité moyennée
3 équations de Navier-Stokes moyennées

10 inconnues : 4 grandeurs moyennes ( U j et p)


' '
6 tensions de Reynolds, u i u j

Le problème est donc mathématiquement ouvert puisqu’il y a beaucoup plus


d’inconnues dans le problème que d’équations.

On est donc amené à mettre en place des approximations (ou relations de


modélisation), qui vont permettre de relier les tensions de Reynolds aux vitesses
moyennes ou à leurs dérivées spatiales.

Pour nous guider, il est tout d’abord nécessaire de bien comprendre l’origine
physique des tensions de Reynolds (par exemple en considérant un écoulement de
jet) :

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Ainsi, les évènements les plus fréquents (ceux en bleu et ceux en rouge) contribuent
tous à générer des grandeurs u’v’ > 0. Si on fait la moyenne (on comprend bien alors
la notion de moyenne statistique) de tous les évènements possibles, on aura alors :

u 'v '> 0
Il faut noter que ce résultat provident directement du fait que, pour cet écoulement,

¶U
<0
¶y
Ainsi, l’hypothèse de modélisation la plus simple et la plus naturelle, aussi appelée

¶U
hypothèse de Boussinesq) est de relier - u ' v ' et par un coefficient positif,
¶y
qui a la dimension d’une viscosité et que l’on appelle la viscosité turbulente :

¶U
- u ' v ' = nt
¶y
On écrit alors de façon générale, pour respecter l’égalité en trace des 2 tenseurs (qui
sont de trace nulle) :

2 ¶ Ui
- u 'i u 'j + kdij = n t
3 ¶x j
1 ' '
Où k= u i u i est l’énergie cinétique de la turbulence.
2
Comme la viscosité cinématique n a la dimension du produit d’une vitesse
caractéristique par une échelle de longueur caractéristique, et par analogie avec la
viscosité moléculaire pour laquelle n » u B .l ,
où uB est la vitesse d’agitation Brownienne et l est le libre parcours moyen, on écrit

n t » u t .lt

où u t » k est la vitesse d’agitation turbulente et lt est appelée la longueur de


mélange ou l’échelle intégrale de la turbulence (elle caractérise la taille des plus gros
tourbillons qui sont présents au sein de l’écoulement). En utilisant d’autres
hypothèses (par exemple basées sur des données expérimentales) pour évaluer ut et lt,

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en résolvant 2 équations supplémentaires pour calculer ut et lt, on arrive alors à un

système d’équations qui est mathématiquement fermé, c’est-à-dire qu’il contient


autant d’inconnues que d’équations.
On définit alors des modèles à :
- 0 équation (pour la turbulence) si on utilise des expressions analytiques pour
évaluer ut et lt, et on a alors 4 équations à résoudre numériquement pour 4 inconnues,

- 1 équation si on utilise une équation supplémentaire pour calculer (le plus


souvent) ut et une expression analytique pour évaluer (le plus souvent) lt, et on a alors

5 équations pour 5 inconnues,


- 2 équations si on utilise une équation supplémentaire pour calculer ut et une

autre pour calculer lt, et on a alors 6 équations pour 6 inconnues.


Ce dernier cas est le plus fréquemment utilisé. Ainsi, la turbulence a alors eu comme
effet direct de rajouter 2 équations au système à résoudre.
Pour les modèles à 0 équation, on utilise par exemple le fait que la vitesse
caractéristique de l’agitation turbulente est reliée au gradient de vitesse moyenne
selon le schéma suivant (illustrant la notion de longueur de mélange de Prandtl)

On obtient alors que u t » lm ¶ U / ¶y

Et n t » l2m ¶ U / ¶y

Soit encore -u ' v ' » n t ¶ U / ¶y » l2m ¶ U / ¶y ¶ U / ¶y

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Il suffit alors de spécifier l’évolution de lm (par exemple lm»y en couche limite

turbulente) pour pouvoir calculer u ' v ' sans avoir à résoudre d’équation(s)
supplémentaire(s) pour la turbulence.

Mais il arrive aussi parfois, lorsque les écoulements sont trop complexes, que ceci ne
suffise pas, et on doit alors se passer de l’approximation de viscosité turbulente et
résoudre 1 équation supplémentaire pour chaque tension de Reynolds.

Un terme très important, comme nous le verrons, est le taux de dissipation (e) de
l’énergie cinétique turbulente, définie par

¶u i' ¶u i'
e=n
¶x j ¶x j
Cette grandeur apparaît de façon naturelle dans l’équation de bilan pour la grandeur
k. On peut alors montrer que l’échelle de longueur lt est reliée à e par :

k 3/2
lt » ,
e
k2
de sorte que nt »
e
dans le modèle k-e pour lequel on résout une équation pour k et une équation pour e
pour modéliser la turbulence.
Le polycopié de cours décrit de façon beaucoup plus détaillée ces différentes
k
approches. Il indique aussi que le rapport est un temps caractéristique du mélange
e
par la turbulence, que l’on appelle parfois aussi temps de retournement car il
correspond typiquement à la durée de vie d’un gros tourbillon généré par le

¶U
cisaillement moyen , avant qu’il ne soit étiré et déformé jusqu'à à se casser (ou
¶y
se fractionner) pour donner des tourbillons de taille plus petite. L’inverse de ce

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temps,
e , correspond à une fréquence caractéristique de la turbulence, appelée w.
k
On peut donc aussi utiliser le modèle k-w pour caractériser la turbulence, avec, alors,
k
nt »
w
Le choix du modèle le mieux adapté n’est pas toujours simple. Ce choix dépend de la

présence ou non de gradients de vitesse secondaires importants (comme ¶ U en


¶x
particulier), de la présence ou non de zones de recirculation importantes (comme dans
les sillages d’obstacles par exemple), mais aussi du comportement des variables e ou
w, près d’une paroi par exemple, qui vont être plus ou moins faciles à retrouver
numériquement sans avoir l’obligation d’utiliser un maillage comprenant un nombre
de points très élevé. C’est le cas notamment lorsque e (ou w) varie comme l’inverse
de la distance à une paroi, y, ou comme son carré : de tels comportements nécessitent
l’utilisation de maillages avec un très grand nombre de points, et on préfère alors
choisir comme seconde variable associée à k une variable qui a un comportement
plus facile à reproduire numériquement, comme la proportionnalité à y.

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