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Le dernier Trader - Rien ne vaut la vie

Book · March 2021

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2 authors, including:

Denis Dupre
National Institute for Research in Computer Science and Control
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1

Le dernier Trader
Rien ne vaut la vie
Véronique & Denis Dupré
2

Le dernier trader

Krach: Wall Street, 24 octobre 2021. p.3


Boom: Walden, 24 octobre 2022. p.10
Buros a-t-il refait le casse de la Banque d’Angleterre ? p.15
Quand Gusk met le bitcoin sur orbite, ou presque . p.20
Serempa, la révolutionnaire de la BCE ? p.25
Lapique et Desvignes : Robins des grains. p.29
Hue: Rien ne vaut la vie. p.34

Annexes des indices financières

Comprendre le monde des parieurs. p.41


Indice 1. Tracker, l’or-papier est-il de l’or ou du papier ? p.42
Indice 2. CFD : On n’est jamais sûr d’être payé ! p.44
Indice 3. La grande manipulation des cours p.40

Comprendre les ventes à découvert. p.42


Indice 4. Gamestop et l’union des petits spéculateurs. p.45
Indice 5. Couverture et spéculation sur les marchés des céréales. p.47
Indice 6. La régulation a changé de camp : du producteur au spéculateur. p.51

Comprendre la création monétaire. p.49


Indice 7. Comment la banque privée crée de la monnaie. p.50
Indice 8. Pourquoi la banque centrale ne fait pas faillite ? p.52
Indice 9. Le financement des transitions urgentes. p.53

ISBN : 978-2-4908-2511-0

Jouquetti Libre, collection "LARPO Green", Furmeyer, 2021.

Diffusion libre et gratuite. Version gratuite sur


https://sites.google.com/site/financeresponsable/romanspoliciers

Photographie des auteurs : Isabelle Barlier.

Dessins : Véronique Sahagian.


3

Krach

Wall Street, 24 octobre 2021.

Champagne au petit-déjeuner. On a jamais autant rigolé au lancement


de Wall Street. On n’a jamais fait autant de pognon… C’est moi qui ai sonné la
cloche : j’ai été élu Trader de l’année !

En plus, tout le monde blague


comme tous les 24 octobre car c’est le jour-
anniversaire du krach de 1929 !

Moi, ce matin même, j’ai parié 5


millions de dollars avec mon copain Alamo qui
dirige la bourse de New York que j’en aurais
gagné 10 avant ce soir.

Je vous explique : avec un autre pote, patron de Twitter, on tente un


coup sur Victron, une petite boite qui a été introduite en bourse il y a 3 mois. C’est
une société hollandaise qui fabrique des modules pour installations solaires.
L’entreprise est en expansion de 1000% cette année. Depuis ces derniers mois, de
l’Australie au Portugal, tout le monde a peur des incendies et des blackouts
électriques et certains investissent pour être autonomes. Et puis c‘est écolo les
panneaux solaires.

Du coup sur Victron, on va refaire un coup à la Gamestop1. Et cette fois


c’est nous qui influençons les influenceurs ! Pour tout vous dire, l’idée m’est venue

1
Pour en savoir plus, rendez-vous page 51.
4

un peu bizarrement, mais c’est souvent comme ça que je fais mes meilleurs
coups ! Un super trader comme moi, ça fouine toujours un peu partout et c’est
ainsi que je suis tombé sur un blogueur français qui a publié un livre « 24 octobre
2021 : Apocalypse à Wall Street ». Il pousse depuis quelques temps ses troupes à
faire un coup le jour de l’anniversaire de la crise de 1929. Pourquoi ? Parce qu’il a
calculé qu’entre le 24 octobre 1929 et le 24 octobre 2021, il y a exactement 66
années, 66 mois, 66 jours, 66 minutes et 66e6 secondes. 666 c’est le nombre de la
bête dans le livre de l’Apocalypse ! Ça fait bien Illuminati. D’ailleurs il est classé
complotiste, son compte Facebook a été suspendu et Twitter l’a classé orange.

Mais, s’il repassait au vert chez Twitter, son audience repartirait dans
la minute au moins à son niveau d’avant : 500 000 followers c’est pas mal! Et ce
blogueur, il est loin d’être con et il a repéré la p’tite boite hollandaise pour lancer
ses troupes.

Vous avez compris, j’ai pris position avec des


tombereaux d’options d’achat sur Victron. J’ai
une alerte aujourd’hui sur mon téléphone dès
que le classement twitter change ! Si l’action
prend 5% dans la journée, c’est 10 millions dans
ma poche. Plus les 5 millions du pari qu’Alamo
va devoir honorer ! Il va faire la gueule. On n’aime pas trop perdre dans le milieu…
looser !

J’ai sonné la cloche de Wall Street et pas avec le marteau traditionnel :


j’ai sabré ma bouteille de clairette sur la cloche…. Je me permets tout : je suis le
meilleur trader de l’année. A la barbe des ricains : je suis français né dans le Diois à
Dieulefit. Quel drôle de nom. J’ai toujours aimé le nom de mon village. Je dis
toujours : « Si Dieu l’a fait, il l’a bien fait ! » Pourtant mes parents étaient plutôt
style « bouffeur de curé » et militaient à la Ligue Communiste Révolutionnaire.
5

Coco c’était le surnom de mon père. Moi j’ai trahi : je bouffe toujours du curé mais
j’ai fait l’ENSIMAG de Grenoble à la sauce maths -informatique-finance …

Et je suis devenu trader. JP Morgan à Londres, Mitsubischi Bank à


Hong-Kong, Goldman Sachs à New-York.

A 30 ans, j’ai créé aux Bahamas mon propre hedge-fund « God-did-it ».


Avec au capital la plupart de mes anciens patrons. Le nom ? C’est aussi un clin
d’œil à Lloyd Blankfein, mon ancien patron de stage-étudiant chez Goldman Sachs
qui disait « Je ne suis qu'un banquier faisant le travail de Dieu ». Moi je suis moins
mégalo mais avec « God-did-it », je pourrais bien finir par me prendre pour un
petit dieu. Mon hedge-fund, mes clients, tous des investisseurs fortunés, en
raffolent. Le ROE2 prévu pour mes actionnaires : 50% par an. Tu mises 100, puis
chaque année tu reçois 50 de dividendes. C’est le taux que j’assure depuis le
début. Régulier… voilà pourquoi cette année c’est moi qui suis le meilleur trader
de l’année. Yes !

Le capital de mon hedge-fund c’est juste cent millions, mais


l’investissement total ça va vous mettre un coup dans le foie : 30 milliards. J’ai
besoin d’investir des milliards pour influencer le marché. Il me faut donc une
montagne d’argent prêté à 10% par des « petits pigeons riches », comme on les
appelle entre nous. Ils sont rabattus par mes bons amis au capital de « God-did-
it ». Mais pour inspirer confiance, devinez qui me prête à 20% cette fois? Des
banques vénérables… comme JP Morgan, Mitsubischi Bank, Goldman Sachs. Le
monde est tout petit !

J’ai cassé ma bouteille de clairette sur la cloche mythique. Les officiels


ont blanchi comme si j’avais commis « LE » sacrilège. Cela se réglera sûrement par

2
Return On Equity est le rendement de l’action.
6

une amende salée. Budget illimité pour mes bêtises. C’est ça la fête. J’ai de quoi
payer.

J’ai fait venir par avion des centaines de caisses de bouteilles de


clairette de Vincent Achard, un gars de chez moi. On en a vidé une grande partie et
une heure après le lancement de la séance, tous les traders sont bourrés et
s’agglutinent autour de moi. Je fais le guignol et fanfaronne. Alamo me racontera
plus tard qu’avec ce que j’ai dit, en temps normal, j’aurai été bon pour une
enquête de la SEC, une amende colossale pour éviter un passage par la case
prison. Mais pour le moment, je braille à tue-tête et tout le monde m’écoute au
lieu d’écouter la patronne de la Banque Centrale Européenne. Ils ne perdent rien.
C’est toujours le même discours standard : blablabla. On fera tout ce qu’il faut
pour maintenir la bourse. Blablabla.

Et les gars, pour faire 10 millions en un mois, tu te mets en mèche avec


des grandes banques. Elles achètent pour leurs clients du pétrole. Tu
achètes des options sur le pétrole. Alors, alors… hips… leur chef
économiste va bientôt prendre un ton grave et annoncer que
l’économie va trop bien mais qu’il n’y a pas autant de réserves de
pétrole dans le monde que prévu. Il a sûrement graissé la patte de
l’ « expert du pic pétrolier » qui confirme. Et hop, les prix montent.
Sans trop attendre, faut avoir le nez… hips… tu revends tes options et
tu encaisses.
Pi tu joues la baisse maintenant. Le chef économiste va alors prendre à
nouveau son ton grave pour annoncer qu’il y a beaucoup plus de
pétrole que prévu. Non seulement l’expert du peak-oil s’est trompé à
cause des gaz de schiste mais la crise va diminuer la demande. L’expert
mange son chapeau contre une enveloppe fourrée aux dollars. Il
confirme. Et hop les prix baissent. Tu revends tes options tu encaisses.
On fait que des coups comme ça pour se gaver sur l’or, le pétrole, le
blé ou le maïs… On perd une fois sur dix.
Il n’y a que notre consommation de champagne qui est toujours à la
hausse !!! Et hein les gars, que la clairette c’est meilleur qu’le
champagne ?
7

Tout d’un coup le seul trader resté devant sa console gueule : « Tesla
et La BNP sont en chute libre ». C’est un drôle de mec, ce petit teigneux besogneux
que j’ai toujours méprisé car il ne veut jamais tremper dans une combine. Il bosse
pour le fond BlackRock. Ses copains du HFT l’appellent Croque Big Data.

C’est le seul qui est dans l’arène avec les traders. Les traders ne sont
pas Geeks et les Geeks pas traders. C’est le seul Geek-trader, un mouton à cinq
pattes. Les autres Geek rocket scientists sont logés dans des pièces à part pour
programmer au calme leurs robots-traders. Dans les années 60, ils auraient tous
été à la NASA pour calculer comment envoyer une fusée sur la lune. Je rigole de
temps en temps en allant manger mon sandwich avec eux. On dirait qu’ils me
programment moi en hyper rapide. Avoir l’info une milliseconde avant les autres
et en profiter. Donner des ordres d’achats ou de ventes pour bluffer les autres
robots. A la poubelle l’efficience des marchés. Comme on dit en rigolant, la main
invisible c’est pour donner la fessée à ceux qui veulent bien croire que Wall Street
n’est pas un bordel-casino géant3 qui pompe 40% du fric. Ceux qui défendent les
marchés sans en profiter on les appelle les « yeux plein de merde ». Ce n’est pas
gentil surtout que sans eux on aurait été balayés depuis longtemps.

Le teigneux est un OVNI pour tous. Il ne vise que les boites du pétrole
et du charbon. Il regarde les cours et n’agit que quand cela peut leur porter
préjudice. Parfois il manque des fortunes s’il sent que bouger profiterait aussi à la
major du pétrole. Avec lui, jamais de win-win coopération. En deux mots : un
dangereux idéologue. Ça ne se fait pas chez nous…un looser. Mais c’est un Mozart,
il regarde les cours des heures sans bouger. Tout à coup il se met à programmer.
Python, C++. Il martèle son clavier et accède aux milliards de données des cours et
autres données de la Big Data BlackRock. Et il frappe juste !

3
Pour en savoir plus, rendez-vous page 46.
8

Après le hurlement du p’tit teigneux, tout s’est enchainé en moins de


20 minutes. L’action BNP a vu sa cotation suspendue… puis toutes les banques.

J’avais beau avoir bu comme un trou, j’ai misé 80% de ma fortune en


options d’achat. La fois où j’ai fait cela dans la dernière crise, ma fortune a été
multipliée par 50.

Juste après, toutes les actions ont chuté puis les obligations. Les
coupes circuits ont bien fonctionné. Alors les écrans d’habitude clignotant rouges
puis verts, au gré des hausses et des baisses, sont devenus gris. Les échanges sur
les marchés des actions, puis celui des obligations ont tous été suspendus.

Les céréales ont alors monté brutalement avec le Franc Suisse.

On n’avait pas encore touché le fonds. Quelques minutes plus tard, les
700 000 milliards de produits dérivés se sont effondrés. Trente secondes après, les
appels de marge pour garantir les paiements des paris n’étaient plus honorés. 4

Plus rien n’était coté donc plus rien ne s’échangeait. Il ne restait qu’à
croiser les doigts que la panique passe.

Un petit frisson me parcours. Je suis pris à contrepied sur les céréales. 5


J’avais manipulé à la hausse la semaine d’avant et je venais juste de retourner ma
position misant sur la baisse en me gavant de ventes à découvert. C’est chaud si
les cours des céréales flambent car avec les ventes à découvert les pertes n’ont
pas de plafond. Ça m’inquiète un peu car je perds déjà presque autant que je
gagne aujourd’hui.

Cette fois, cela dégénère vite. Le bitcoin a été multiplié par 2, valeur
refuge ! Puis quelques secondes plus tard, tout déraille à nouveau. Le bitcoin vient

4
Comme j’ai toujours dit : « Parier c’est bien, mais faut revendre ses paris avant que les perdants
des paris n’aient plus d’argent ». Pour en savoir plus, rendez-vous page 49.
5
Pour en savoir plus, rendez-vous page 53.
9

d’être divisé par 100. Il n’y a pas de coupes circuits à la chute du bitcoin sur les
plateformes bitcoin. Ce bitcoin est fabriqué par des voyous, à l’usage des voyous
et flambeurs, géré par d’autres voyous. C’est pour cela que ça séduit autant !

Merde, qu’attendent les banques centrales pour intervenir


massivement ?

Adrénaline à fond autour de la cloche et les lumières brillent pleins


feux à l’intérieur de la bourse de Wall Street. Nul ne le savait alors, les puissants
groupes électrogènes s’étaient mis en route…

Tout à coup j’ai ressenti une angoisse et comme un besoin de


m’échapper. Comme quand j’étais petit à l’école, j’ai regardé par la fenêtre… tout
était éteint dans New-York…

Pour ne plus jamais se rallumer.

Et krach…

Je ne reverrai probablement jamais Dieulefit.


10

Boom

Walden, 24 octobre 2022.

On est quatre autour de ma table.

Du beau monde! Alamo, mon copain le directeur de Wall Street… ou


plutôt l’ancien directeur. En face de lui, Dennis, un autre copain de la bande, le
responsable de la Security Exchange Commission… ou plutôt l’ancien responsable.
C’était lui qui traquait les fraudes. Il vaudrait mieux dire « lui qui limitait les
dérives » car depuis Joe Kennedy6 on a bien souvent choisi d’anciens renards,
grassement payés pour surveiller le poulailler. 7 Et ça marchait plutôt bien !

Et il y a celui qui aujourd’hui est mon meilleur pote. Le seul en qui j’ai
confiance. C’est l’ex « petit teigneux besogneux », p’tit Bill l’écolo, Green Bill pour
les intimes.

Il a débarqué ici deux jours après moi… 250 km en vélo. C’est mon
« voisin » et si j’ai survécu dans les premiers jours c’est bien parce que p’tit Bill m’a
appris à pêcher dans le lac avec une nasse.

On ne va pas radoter. On connait tous ce qui s’est passé. Tout s’est


effondré. Et sauve qui peut. Un peu chacun pour soi. Moi, j’ai filé avec ma Porsche

6
Ayant fait fortune en achetant en masse un titre pour faire gonfler son cours et le revendre avant
l'éclatement de la bulle de 1929, Joe Kennedy fut nommé premier président de la Securities and
Exchange Commission (SEC), un « gendarme » des marchés financiers, organe créé par le président
Franklin Delano Roosevelt au sein duquel il fut notamment chargé d'interdire ces pratiques.
7
Pour en savoir plus, rendez-vous page 54.
11

dans ma propriété à deux heures de New-York. Cinquante hectares avec un lac


privé. Une assurance complémentaire à mon stock d’or, ma ferme dans le Diois,
mon appart à New-York, mon île privée dont je cache le lieu et ma maison en
Norvège prévue comme assurance contre le réchauffement climatique extrême.

Ironie de l’histoire : j’ai acheté cette propriété il y a deux ans sur un


coup de tête. Je rentrais d’un aller-retour en jet privé dans mon Diois natal et ce
weekend là j’avais croisé dans une fête à Die un écolo sympa, Paolo Desvignes. Il
m’avait amusé en me parlant de Thoreau qu’il vénérait pour son coté d’écolo-
visionnaire. On était les derniers dans la grande salle des fêtes, un peu éméchés, et
je lui avais confié qu’il avait raison avec son collapse mais que je ne voyais pas
comment gagner ma vie autrement. Un milliard de dollars, cela ne se gagne pas en
plantant des lentilles dans le Diois. Je ne sais pas si j’oserai lui dire, si je le recroise
un jour qu’un peu grâce à lui, j’ai acquis ces cinquante hectares et le lac qui a fait
rêver Thoreau8.

P’tit Bill aussi il connaissait Thoreau et il avait son idée quand il a


rappliqué ici. Il a de suite squatté la cabane mythique de Thoreau qu’il savait
abandonnée suite à la crise de 2009. Il a raccroché la pancarte : musée Thoreau -
comté de Massachusetts. Il le fait maintenant visiter aux squatters qui s’installent
dans tous les coins de nature. Il est même devenu le shérif local utilisant la
carabine de Thoreau si nécessaire. Il n’y a plus de police cantonale. Le droit est aux
abonnés absents !

8
Né le 12 juillet 1817 à Concord (Massachusetts), où il est mort le 6 mai 1862, Thoreau est connu
pour son essai La Désobéissance civile et son œuvre majeure, Walden ou la Vie dans les bois, une
réflexion sur l'économie, la nature et la vie simple menée à l'écart de la société, écrite lors d'une
retraite dans une cabane qu'il s'était construite au bord d'un lac.
12

Si je peux écrire encore ce texte sur mon ordinateur, c’est parce que
j’avais fait installer ici des panneaux solaires et dans la cave deux Victron et 6
batteries. 20 000 dollars d’investissement à l’époque. Une paille. On m’a volé trois
batteries. Maintenant je les ai planquées et je me barricade chaque soir.

Pendant les six premiers mois je n’ai pas su ce qui se passait dans le
monde, au-delà du lac. Rien. Ce que je sais depuis, puisqu’il n’y a plus de médias,
je l’ai appris par le bouche à oreille.

Depuis trois mois, quelques courriers sont convoyés par de rares


voyageurs payés pour les porter. Un métier à risque car les fusils sont vite de
sortie.

Ainsi en juin j’ai reçu un courrier.


13

Cher Olivier,
On a eu du mal à savoir où tu pouvais être planqué mais on a eu des
visiteurs qui nous ont donné de tes nouvelles et ton adresse. Tu
devines qui ?
Tout va bien pour nous. Comme tu t’en souviens peut-être, ma
propriété dans les Appalaches jouxte celle de Dennis et on fait pas mal
de choses ensemble. 5000 hectares en pleine nature, on n’est pas à
plaindre.
Nos centrales solaires fonctionnent pas mal mais c’est nos stocks d’or
et nos citernes de pétroles qui assurent que nos fermiers produisent et
que nos mercenaires nous protègent.
A ce qu’on nous a dit, la bourse de New-York est maintenant un squat
empli de jardinières de légumes.
Pour le reste du monde, on ne sait presque rien.
Nous aimerions reboire une bière avec toi. Ou une clairette puisque j’ai
eu le génie d’en chopper une caisse dans la débâcle.
Avec Dennis on se repasse le film de ce putain de 24 octobre. Toi tu
sais des choses que l’on ne sait pas. Peut-être qu’à trois on
comprendra qui a fait tomber Wall Street.
Si tu es libre ce 24 octobre on tente un go fast vers ton cabanon avec
de quoi fêter dignement cet anniversaire.

Alamo.

Et le 24, vers 6 heures du matin, Dennis et Alamo sont arrivés dans leur
Dodge RAM et ses 405 chevaux. Ils avaient foncé toute la nuit. Dans leurs sacs, entre
autres, des clairettes et des portables et des clefs USB et des disques durs bourrés de
fichiers. Green Bill est arrivé comme d’hab…en vélo.

.
14

Le président de Wall Street, ou ce qu’il en reste maintenant qu’il n’est plus


dans son costume à 10 000 dollars mais en jogging vert pomme, se régale du poisson
grillé.

Boom ! On fait péter la clairette au bord du lac.

On est trop bien.

9 heures. Maintenant au boulot.


15

Buros a-t-il refait le casse de la


Banque d’Angleterre ?

On se rejoue un tour de table style brain-storming comme c’était à la


mode dans notre ancien business. Chacun pose rapidement ses hypothèses sur le
fauteur de trouble de l’effondrement, le Big One.

Il y a quelques milliardaires comme cible. Mais pas que. Alamo pense à


Buros9. Dennis parie plutôt sur John Gusk mais il évoque aussi le rôle de Christine
Serempa à ce moment-là à la tête de la BCE. P’tit Bill dit qu’il ne faudrait pas
oublier l’impact du groupe international « Sherwood corporation » qu’avaient
initié Noël Lapique et Paolo Desvignes. Moi, je ne dis rien…mais perso, j’aurai bien
fouiné sur une autre piste…

Allez, on se fait Buros ce matin !

C’est marrant. On a chacun un fichier Buros dans nos disques durs ! On


met tout en partage et on se donne une heure pour parcourir les fichiers des
autres.

Je me perds dans les dédales de leurs disques durs. Je picore des infos
qui n’ont rien à voir mais qui éveillent ma curiosité. Evidemment, Alamo a un
dossier « Personnalités » dans lequel il y a des sous dossiers ! Tout le Gotha de la
finance semble bien rangé! Avant le krach, ces informations auraient valu des
fortunes et peut être quelques années de prison.

9
Son Buros Fund Management, domicilié aux Etats-Unis, est géré par le Dark Fund, qui lui est
domicilié aux îles Caïman.
16

Dans le dossier Buros, comme je m’y attendais, c’est un bazar avec des
dizaines de milliers d’articles de presse ou de tweets stockés. Le fort d’Alamo ce
n’est pas le rangement mais la créativité. Il n’a certainement jamais fait le ménage
en 15 ans de stockage. Une affaire devait chasser l’autre.

Je commence par les mails. L’un d’eux, du 5 juin 2021 attire mon
attention. Il s’adresse à Buros qu’Alamo est l’un des rares à tutoyer :

George,
Tu devrais suivre un peu l’actualité…, Serge Rosseney vient d’être
nommé à la Banque Nationale Suisse. Cela va t’intéresser pour le
franc suisse. Plus la peine de jouer !

Je me rappelle que les traders avaient surnommé ce nouveau patron


de la Banque Nationale Suisse « Serge-le-fossoyeur du franc suisse ». A cette
époque, pour investir leur bonus, la formule magique et gagnante des traders était
: « or, franc suisse, pétrole et une maison en Norvège ». Avec Serge-le-fossoyeur,
le franc suisse avait un peu perdu de son intérêt.

« Alamo, tu te rappelles de cette histoire avec le suisse Rosseney ?


Explique-nous, dis-je en fermant les yeux pour apprécier la fin de la bouteille de
clairette ».

Alors que les vagues de Covid se succédaient, une panique liée à un


nouveau virus transmissible des volailles à l’homme avait causé un début
d’effondrement des circuits alimentaires.

La Suisse avait réagi vite, il devait y avoir le feu au lac ! Le 3 juin 2021,
Serge Rosseney, un professeur de finance de l'Université de Zurich avait été
17

nommé patron de la BNS avec une mission précise : financer en trois mois la
transition énergétique et agricole pour l’autonomie de la Suisse, une vraie
politique de temps de guerre.10

Il avait inventé le FSS « Franc Suisse Stable ». Pour ne pas déstabiliser


l’industrie suisse, il avait fixé la monnaie par rapport à un panier de devises : euro,
dollar, yuan dans les mêmes proportions qu’occupaient ces devises dans les
exportations suisses. Et il vendait des francs suisses à tour de bras pour maintenir
les cours du change.

Par ailleurs, il avait boosté une ancienne monnaie locale le wir. Celle
qui avait sauvé une partie de l’industrie suisse après la crise de 1929. L’état avait
pris le contrôle avec 99% des parts de la banque WIR en amenant des milliards au
capital.

L’échange de 1 wir contre 1 franc suisse était garanti et donc les


investisseurs achetaient le wir comme du franc suisse. En 3 mois, la masse
monétaire du wir atteignait celle du franc suisse. Je vous avoue qu’à l’époque je
n’avais pas compris comment mais le résultat était là, le franc suisse ne montait
plus parce que des wir étaient créés en pagaille et …

…La banque WIR prêtait sans limite devises et francs suisse à des
entreprises pilotées par les grands capitaines de l’industrie suisse. Alors qu’il n’y
avait plus de fabricants de capteurs solaires en Europe, en 3 mois, ce qui n’était
qu’une start-up de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne était passée de 20
salariés à 10 000 salariés. Des usines dans toute la Suisse assuraient la production
annuelle de 21 millions de panneaux solaires.

Donc ce n’est pas sur le FSS qu’avait joué Buros.

Alamo a retrouvé dans son bazar le mail que Buros lui avait retourné.
10
Pour en savoir plus, rendez-vous page 62.
18

Cher Alamo,
S’il n’y a plus le franc suisse pour jouer, il reste tous les autres
actifs !
La plupart des gestionnaires sont des suiveurs. Avec un peu
d’argent ils en gagnent un peu plus : des gagne-petit.
Moi j’en ai besoin d‘énormément, pour gagner le jackpot. J’ai fait
le casse de la banque d’Angleterre en 1992, parce que je suis un
visionnaire. Mais pour gagner un visionnaire a besoin de
beaucoup de suiveurs.
Je te résume ce qui me trotte dans la tête suite à ton mail.
Ce bitcoin on en fait tout un plat mais il n’y a rien derrière, c’est
pas comme le wir. Il ne vaudra plus rien lorsque les états
l’interdiront parce qu’ils voudront être les seuls à battre monnaie.
C’est déjà ce qu’a fait la Chine. Les vendeurs de vent soutiennent
que les bitcoins vaudront autant que tous les stocks d’or du
monde. Donc 5000 milliards. Le bitcoin atteint déjà 1000 milliards
de dollars. A 2000 milliards, que dirais-tu d’orchestrer une vente
à découvert massive avec tout ton carnet d’adresse ? Ce sera
peut-être la fin du bitcoin mais on se sera bien gavé.
Quand le bitcoin se sera effondré, la montée de l’or est certaine !
Big bug : il n’y a plus d’or physique en quantité suffisante
disponible et l’or papier11 est une escroquerie qui s’effondrera, tu
verras.
La flambée des céréales est une évidence et ce, dès les premières
tensions sur les marchés financiers. Il faudrait acheter
massivement, voir tenter un corner sur le riz ou le maïs si on
regroupe assez d’investisseurs pour faire le coup.
Reste la piste « sale », selon mes sources, la BCE est mûre pour ne
plus financer les entreprises d’extractions du charbon et du
pétrole !!... Le gouverneur de la banque d’Angleterre aura bientôt
raison : ces actifs-là ne vaudront plus rien. On pourrait aider à la
dégringolade en poussant un petit coup à la baisse !

11
Pour en savoir plus, rendez-vous page 42.
19

Je le coupe : « Je parie que Buros est responsable de la baisse du


bitcoin ». Alamo et Dennis rigolent. Eux aussi le pensent, ils ont joué ensemble
avec Buros ! Mais qui a provoqué la hausse du bitcoin qui a précédé sa chute?

C’est le moment d’éplucher les cours. Dennis, l’ancien superviseur des


marchés, a une base de données avec toutes les transactions et les noms des
intervenants. 60% se passent entre des obscures entreprises dans des paradis
fiscaux ou des hedge-funds dont les investisseurs sont inconnus.

Un premier coup d’œil aux cours de bourse de ce fameux matin du 24.


Tiens, Tesla était en baisse dès l’ouverture et les pétrolières ont commencé à
dégringoler une heure plus tard !

Plus on creuse, moins c’est clair !


20

Quand Gusk met le bitcoin sur orbite,


ou presque.

C’est qu’on n’a plus l’habitude de se griller les yeux devant nos
écrans… P’tit Bill nous avait lâchés depuis un moment pour relancer le feu du
barbecue…et nous l’avons rejoint. Mes visiteurs avaient apporté de la viande de
leur ranch. Bill et moi, on n’a pas craché dessus ! Et après avoir éclusé une bonne
bouteille avec, ce ne fut pas facile de se remettre aux ordis.

Quand j’ai reçu leur lettre, j’étais trop content d’avoir de leurs nouvelles mais
l’idée de mener cette enquête ne m’emballait pas vraiment. Cette vie-là me
semble si loin… et puis si quelqu’un a foutu la merde, on y a bien participé aussi.
Mais maintenant, je suis harponné, et je veux comprendre…

Alamo et Buros ont été bien imprudents avec leurs mails… même si il
n’y a rien d’illégal à boursicoter tant qu’on ne répand pas de fausses informations.
Mais moi je me méfie de la justice américaine qui, quand vous êtes suspect,
s’accroche comme une tique pour vous sucer le sang. Entre la gloire du trader qui
réussit et la prison, il n’y a que quelques tweets maladroits12.

A Wall Street on fait tous de l’alpinisme comme on dit. Grimper puis


descendre en rappel la montagne. C’est un jeu à plusieurs. Avec mes partenaires
usuels, cela s’arrangeait discrètement devant une bière. Mais on ne s’envoyait
jamais de mail pour ne pas être piégé.

12
Il est légal de d’acheter et de pousser les autres à acheter. Mais il est illégal de pousser les autres
à acheter alors que soi-même on est vendeur.
21

Nous savons tous comment ça marche. Commencer par grimper


d’abord. Par petites marches successives. On achète doucement les options ou les
actions pendant plusieurs mois pour ne pas faire monter trop le cours. C’est jamais
gagné… quelquefois cela ne décolle pas… on a misé pour rien ! Pour que cela
fonctionne, il faut hurler victoire quand on est bien gavé. Le plus grand nombre de
suiveurs assurent le plus haut sommet.

Et ensuite la descente c’est magique : en rappel. En un coup ! Et on


gagne encore à la descente. C’est même mille fois plus facile de faire s’écrouler
une action que de la faire monter. La peur de perdre est plus puissante que l’envie
de gagner. Un bon manipulateur gagne toujours autant à la descente qu’à la
montée. Dans tous les cas, on utilise des options pour démultiplier les variations
de cours.13 Et à la baisse, c’est sucré : il y a les ventes à découvert.

Gusk n’est pas de la même génération que Buros. Il fait beaucoup de


bruits avec ses extravagants projets de conquête spatiale et de transhumanisme
mais il apprend vite. Et en 2020, il a fait grimper les actions de son entreprise
Tesla. Fois 8.

« C’est un malin comme financier et surtout comme industriel, se


souvient Alamo. Faire monter le cours de Tesla comme il l’a fait, c’était pouvoir
faire une augmentation de capital sans diluer trop sa participation. Pour obtenir 10
milliards d’argent frais pour Tesla, cela aurait représenté 10% d’actions nouvelles
en 2019 et ce n’est plus que 1,5% d’actions nouvelles au moment où Tesla a fait
deux augmentations successives de 5 milliard : en septembre puis décembre 2020.
Perfect timing ! »

13
Si l’action monte de 1% on peut gagner 20% avec un effet de levier de 10. Mais attention si
l’action baisse de 1% on perd 20%.
22

Moi aussi, je suis épaté par ce mec : Gusk joue comme un maitre du
billard. Alamo nous ressort une coupure de presse de début janvier 2021 où
Bloomberg faisait caisse de résonance à l’ascension du bitcoin : « Le bitcoin a le
potentiel d’atteindre 146.000 $ à long terme car il est en concurrence avec l’or en
tant que classe d’actifs, selon JPMorgan Chase. ». À ce moment-là ils sont
nombreux à jouer la hausse ! En fanfare, Tesla achète 1,5 milliard de dollars de
bitcoin le 8 février 2021. Boom ! En 10 jours le bitcoin prend 50%. Le 20 février,
Gusk twitte sur son compte perso suivi par 48 millions d’abonnés : « Cela dit,
bitcoin et ethereum14 semblent élevés lol ».

Sur le bitcoin à long terme, c’est


certain que Gusk ne partage pas le
point de vue de Buros. Je me dis
qu’il semble donner beaucoup trop
d’avis pour ne pas avoir d’intérêt à
l’affaire et il se pourrait bien qu’il
ait spéculé à fond sur cette
« monnaie virtuelle ».

14
Une des centaines de crypto-monnaies.
23

Bill nous sort les dernières valeurs sur les plateformes bitcoin. On voit
bien la hausse du bitcoin qui se fait par palier… Gusk et ses complices sont peut-
être à la manœuvre… Et la descente en un coup…plouf… Jeu à la baisse de l’ami
Buros qui sur ce coup semble même avoir été pris de vitesse. Dennis nous montre
le cours plafond ce 24 octobre 2021. Vous aviez deviné : 145 999 $ pour faire
plaisir aux voyants extra lucides de JP Morgan. On aimait bien rigoler dans la
finance.

Il y a quand même toujours ce truc qui me chagrine. Pourquoi Tesla


avait-il commencé à la baisse dès l’ouverture ?

Bill rigole. « Vous étiez un peu fatigués le 24 pour lire le dernier


Financial Time … mais moi je sais ce qui aurait dû être publié le 25. Dans le numéro
du 25 octobre dans le Financial Time, aurait du paraitre une interview du mythique
Denis Meadows15 avec son copain Lester Brown. En gros : la voiture électrique
était une des plus grosses illusions écologiques du début du XXIème siècle. Ils n’y
allaient pas de main morte et apportaient des chiffres précis par marque de
voiture. Selon eux, le bluff "voiture électrique" consommait beaucoup d’énergie
grise dans les batteries. Leurs derniers calculs montraient que la pollution n’était
que déplacée des villes dans les campagnes car les centrales électriques
fonctionnent pour la plupart au charbon. L’article avait probablement fuité. »

Pas impossible que certains, bien informés, aient voulu vendre Tesla.
Mais combien avaient pu estimer l’audience de ces vieux prophètes à ce moment-
là ? Certainement pas Gusk qui trainait ses couches culottes quand Limits to
Growth est sorti. A moins que le maitre de billard sachant ses actions surévaluées,
ait joué discrètement sa partie perso.

15
Co-auteur, avec trois scientifiques du MIT, du Rapport Meadows en 1972 intitulé Limits to
Growth, qui met en avant le danger pour l'environnement planétaire de la croissance sans limites.
24

Dennis voit toujours en Gusk, le Big One. Pourquoi pas ? Mais moi, j’ai
dans la tête une petite musique qui m’agace « voiture électrique-coupure
électrique - voiture électrique - coupure électrique ». C’est idiot, personne ne
pouvait imaginer le black-out qui a éteint les US le jour du krach.

Le feu rougeoie faiblement. Il est plus que temps d’aller dormir un


peu… Alamo ronfle déjà dans mon rocking-chair. Bill se lève et part accrocher son
hamac entre deux hêtres… Je craque une allumette pour allumer une bougie et je
pousse mes vieux potes vers les deux lits que je leur ai préparés… Moi, je prends le
fauteuil à bascule et ma carabine… Faudrait pas que le carrosse de mes copains se
volatilise. Même dans un paradis comme ici, faut mieux avoir rien à voler !
25

Serempa,

la révolutionnaire de la BCE ?

Le soleil est déjà haut quand Dennis et Alamo émergent. Bill et moi, on
en est déjà à notre deuxième petit déjeuner ! Et au menu ce matin, c’est sur la
piste de Miss Serempa qu’on flaire. Serempa ? La patronne de la Banque Centrale
Européenne. On compte sur Alamo qui a archivé depuis des lustres toute les
interventions médias des politiques, des fonctionnaires et de tous ceux qui quand
ils éternuent, font bouger les cours.

En se servant son café, ou plutôt ce qui nous tient lieu de café, il nous
dit, en imitant la voix de la Serempa : « Il faut choisir : boire ou jouer en bourse.
Que faisiez-vous donc à l’heure de mon discours ce fameux 24 ? Vous buviez, j’en
suis fort aise… et bien écoutez-moi à présent » :

La Banque Centrale Européenne va remplir sa mission quoiqu’il


en coûte16.
Les discours sur la faiblesse de l’euro répandus par les médias
russes resteront une tentative sans effet. Contrairement à ce qui
est dit, les stocks d’or ne sont pas en diminution à la BCE, ils sont
en augmentation et cela va continuer. Nous allons passer la
proportion d’or de 500 milliards à 700 milliards rapidement.
Nous mettons en garde les investisseurs sur le bitcoin de
possibles manipulations par des intervenants étrangers qui
pourraient conduire à un effondrement.

16
Pour en savoir plus, rendez-vous page 60.
26

D’autre part, les plans Biden successifs ayant conduit au


doublement du salaire minimum américain et le renforcement
des préférences nationales à l’achat pour les administrations
américaines, vont renforcer le protectionnisme mondial. Dans un
contexte de pénuries de plus en plus vives, les gouverneurs des
banques nationales, membres du board de la BCE, ont été
conduits à adopter les mesures suivantes :
Les investissements dans le pétrole le charbon ne seront plus
soutenus par les plans de rachats de la BCE.
L’accès à la liquidité de la BCE sera conditionné pour les banques
privées17 à la mise en place, pour le même montant, de crédits
pour financer les industries nécessaires à l’autonomie de l’Europe
sur les plans énergétiques, agricoles et sanitaires.

Il nous montre le détail des cours du NYSE pile à l’heure du discours de


Serempa à Bruxelles.

Ainsi s’expliquent les brusques ventes sur Total et les autres


pétrolières. Ainsi s’expliquent les brusques ventes sur les valeurs bancaires. La
flambée de l’or commence dans la seconde qui suit sa phrase sur l’or. Les traders,
sauf ceux un peu éméchés à la clairette n’ont pas perdu de temps !

Quelle mouche l’a piquée la Serempa ? Je regarde Bill qui se penche en


arrière sur son rocking-chair et il murmure « C’est la crise. On est bien ! ». Ce gars,
je vous l’ai dit, il me semblait totalement à côté de la plaque et quasi-asocial. Ce
n’est pas que travailler comme des dingues à la Bourse de New York laissait le
temps de bavarder ni qu’on se méfiait pas toujours un peu les uns des autres, mais
on avait signé, on connaissait les règles du jeu et voilà, aussi cruel qu’il soit, on

17
Pour en savoir plus, rendez-vous page 57.
27

jouait… et ceux qui avaient le mental pour, ils survivaient, et ça crée des liens… Le
besogneux, lui, je l’ignorais et c’était réciproque !

Et aujourd’hui … on partage nos pêches !

Le Mozart est en train de raconter à Dennis et Alamo sa jeunesse


dorée. En France lui aussi. Lui c’est la finance-tech. Finance car il a été biberonné
au master El Karoui, papesse mondiale des maths financières. Tech car il a fait
Polytechniiiiique. Technicien donc mais tendance verte ! Dans l’opposition frontale
au business as usual, il est une mine d’informations sur les activistes verts de tous
poils. Il est une source aussi pour ses potes écolos qui l’ont appelé Green Bill…

Quand nous sommes ensemble tous les deux, il me raconte des trucs
incroyables. Je ne sais pas toujours s’il fabule ou s’il dit la vérité. Je ne me suis
jamais intéressé à ce monde-là… il n’y avait pas de montagnes … enfin pas celles
qui m’amusaient.

Bill nous explique que Serempa était harcelée par des économistes
européens convaincus de l’effondrement écologique. Des gens sérieux et
techniques, comme l’économiste Noël Lapique, du genre qui avalent et
comprennent des rapports de 500 pages dans la nuit, et qui ne se laissent pas
bluffer par des modèles et des théories économiques bidons. Ils poussaient pour
créer 2000 milliards en Europe pour les transitions. Ni plus ni moins que ce qu’a
fait Serge Resseney pour la Suisse.

Et puis il y avait un article qui allait sortir et promettait d’être une


bombe : des journalistes d’investigation belges avaient déniché le papier d’étude
commandé par la BCE à un fameux économiste qui recommandait à la Banque
Centrale qu’elle investisse dans le bitcoin … ou comment achever cette pauvre
Europe ! C’était de l’artillerie lourde. Ça se rajoutait à un appel de 500
économistes européens qui quelques mois auparavant, avaient souligné que non
28

seulement la BCE nous foutait dans la merde en empêchant des endettements


supplémentaires qui auraient permis les investissements pour les transitions
énergétiques et agricoles, mais qu’elle laissait développer le bitcoin qui dépassait
maintenant les 2000 milliards. Juste ce qu’il aurait fallu pour financer les
transitions alors que ce seigneuriage était capté par des spéculateurs… comme le
patron de Tesla.

« Ben, tu n’es pas mauvais pour aller à la pêche, reconnut Dennis. »


29

Lapique et Desvignes :

Robins des grains.

La journée avance. Dennis et Alamo doivent repartir ce soir.

Pour le moment, le partage de nos fichiers et nos « mémoires-vives »


nous conduisent à plein de responsables mais sont-ils coupables ?

Je pianote un peu machinalement. Et tout un coup : « Les chinois ! »

Moi j’ai une intelligence d’épervier. Je survole pour fondre. Je ne sais


pas expliquer mes intuitions : à l’embauche chez Goldman Sachs, la psychologue
avait noté : intelligence de précoce. J’ai cru que j’étais plus intelligent que les
autres. En fait il n’en est rien. C’est une autre façon de penser : pas style matheux,
plutôt style Sherlock. Mais jusque-là Sherlock il était sec.

« Les chinois ? Que viennent-ils faire la dedans ? C’est tout ce que tu


nous trouves ! ».
30

J’ai trouvé les traces d’une attaque chinoise de mars 2020 dans les
fichiers de Dennis. En croisant les informations, on peut voir les ventes à découvert
massives sur des dark-pool par des milliers de hedge-funds détenus par des
chinois. American Electric Power (AEP) aux Etats-Unis comme EDF en Europe en
ont fait les frais.

« Et alors ?

- Ben, c’est à cause de Tesla qui baisse et de la panne d’électricité !

- Oh là là, la clairette fait encore son effet ! »

Alamo, pouvait se moquer, lui qui était surnommé le grand chef indien
de Wall Street, qui connaissait tout le monde, un si petit monde. Rien n’échappait
à son prodigieux carnet d’adresses sauf un trou noir : la Chine. Hong-Kong était
son jardin asiatique où il tutoyait tout le monde mais pour les affaires intérieures
chinoises, mystère. Encore moins de choses transpiraient de la Chine depuis la
disparition de Ma. Le milliardaire Jack Ma avait disparu durant tout un mois avant
de reparaitre en faisant un hommage dans les règles à son gouvernement. Même
les milliardaires d’origine chinoise ayant fui au Canada, aux Etats Unis ou ailleurs
ne parlaient pas. Par peur d’être enlevés. Alamo n’avait donc pas vraiment grand-
chose dans son dossier « Chine ».

Notre ami de la SEC était aussi très bien placé pour savoir que la Chine
utilisait massivement les manipulations de cours pour déstabiliser les pays. Les
Etats-Unis avaient vécu quelques tentatives avortées, des russes notamment. Mais
les chinois ne toucheraient pas directement à l’Amérique selon lui.

De toutes façons, si le pourquoi du rôle des chinois était clair pour moi,
pour le moment je ne voyais pas vraiment le comment.

Et puis Bill a proposé : « Si on allait pêcher ? »


31

Il faisait doux, le lac scintillait… On a poussé ma grande barque et les


copains des Appalaches ont pris une leçon de pêche… Alamo vient de laisser glisser
une perche entre ses mains et l’argentée a retrouvé sa liberté ! Il est un peu vexé.

Bill part d’un grand éclat de rire. Il lui dit « Pas facile de choper un
poisson… tu ne spéculeras plus jamais sur la nourriture. Tiens, je vais vous raconter
quelque chose... Le Lapique, dont je vous ai parlé tout à l’heure, a été nommé prof
aux Etats-Unis mais c’est pour avoir les mains libres, plutôt la parole libre. Son
réseau mondial était colossal, du Vatican aux économistes de Biden en passant
comme vous savez, par les réseaux écolo européens.

- Dommage qu’on ne buvait pas de bières avec lui, ricane Alamo. »

Tranquille, Bill nous explique sans gêne comment il avait travaillé


bénévolement pour la « Sherwood Corporation » que Lapique avait montée avec
Desvignes. Le plan venait même de lui : refaire un Gamestop sur les céréales. Il
savait que des hedge-funds jouaient la baisse des céréales avec des ventes à
découvert. Bill a proposé que le jour anniversaire du krach, ce 24, tous les
membres du réseau achètent massivement des céréales : des associations avec
leur trésorerie, et surtout les gestionnaires de fonds éthiques.

« La montagne vous connaissez ? » nous dit Bill en riant.

Leur idée : que les traders ne jouent plus jamais à la baisse après ce
bouillon qu’ils voulaient mémorable. Les fonds éthiques eux pourraient ainsi créer
une caisse de stabilisation des cours et des stocks colossaux de céréales, ainsi
qu’une zone de stockage mondiale pour amortir les pénuries.

Dennis et Alamo sont un peu scotchés. Moi, ça me fait bizarre de savoir


que Bill a tenté de me ruiner. Ce 24 octobre on était tous des arroseurs arrosés.
Encore un coup de mes associations d’idées, j’ai gueulé « ça s’arrose » et on a fait
péter la dernière clairette.
32

Une dernière soirée à rigoler. Cela fait du bien. Mais alors que Dennis et
Alamo regroupent toutes leurs affaires à gauche et à droite, les portables et les
chaussettes sales, il me vient un p’tit coup de blues.

Nous avons tous profité à crédit, fabriqué un bonheur qui sonnait faux.
Fabriquer la destruction de notre futur : ce moins de matériaux et de vie que nous
ressentons cruellement aujourd’hui.

Futilité. J’avais accumulé 1 milliard pour lequel j’ai détruit tant de fois
la vie sans le savoir. Et pourquoi ? Cet argent a disparu dans la mémoire des
ordinateurs des banques. Aurais-je pu les stocker en billets ? 1 milliard ça fait
quand même 1240 mètres de billets. C’est 10 tonnes de bois soit un hêtre de 30
mètres de haut et 80 cm de diamètre au pied. Je réalise maintenant.

Aucun de nous n’aurait envie de revenir au monde d’avant : celui où


nous mangions nos vies, où nous mangions le monde. Nous ne sommes plus
anthropophages. En fait nous nous sentons tous complices de cet effondrement.

Je me mets à fredonner.

Il a tourné sa vie dans tous les sens


Pour savoir si ça avait un sens l'existence

Lalala… [J’ai oublié quelques paroles]

Il a vu le manque d'amour, manque d'argent


Comme la vie c'est détergent
Et comme ça nettoie les gens
Il a joué "jeux interdits" pour des amis endormis
La nostalgie
Et il a dit
La vie ne vaut rien, rien
La vie ne vaut rien

Mais moi quand je tiens, tiens


Mais moi quand je tiens
Là dans mes deux mains, ébloui
33

Les deux jolis petits seins de mon amie


Là je dis rien, rien, rien
Rien ne vaut la vie
Rien, rien, rien
Rien ne vaut la vie
Rien, rien, rien
Rien ne vaut la vie

Mes amis ne comprennent pas les paroles et quand ils me demandent


de traduire, je ris. Je n’avais pas fait attention aux paroles. Comment traduire
cela18 ? C’est Green Bill qui trouve les mots:

The song says “Enjoy life”. Abraham Lincoln explains it in a less poetic
way in your United States Declaration of Independence: “We hold these
truths to be self-evident, that all men are created equal, that they are
endowed by their Creator with certain unalienable Rights, that among
these are Life, Liberty and the pursuit of Happiness.”

Accolades en silence. C’est toujours dur de se quitter quand on n’arrive


pas à imaginer qu’on se reverra. Le vrombissement de leur Dodge s’estompe dans
la nuit. Le lac retrouve peu à peu son calme et ses bruits nocturnes. Bill part en
poussant son vélo. Il sifflote : La vie ne vaut rien rien…

18
La vie ne vaut rien est une chanson d'Alain Souchon. Le titre de la chanson est tirée d´une
citation d'André Malraux issue de son roman Les Conquérants publié en 1928 : "J'ai appris que la
vie ne vaut rien, mais que rien ne vaut une vie." Cette chanson évoque la brutalité et les difficultés
dans la vie, mais malgré tout, l'importance de garder espoir.
34

Hue

Rien ne vaut la vie.

Deux jours plus tard, vers midi, Bill est réapparu avec son vélo mais
aussi avec une surprise : un petit âne !

« J’ai quelque chose à te montrer…t’as le temps ? »

Le temps, c’est ce que je sais apprécier et respecter maintenant…


Alors, oui, j’ai le temps de le suivre, mon pote Bill.

C’est l’âne qui donne le tempo… donc on avance au gré de ses envies
de brouter à gauche, à droite… Après une sente qui va en rétrécissant dans des
bois envahis de taillis on débouche dans une immense clairière. Je reconnais
l’endroit mais je ne m’y suis jamais attardé. Un immense hangar, probablement
une des anciennes pêcheries qui bordaient le lac, abandonnées les unes après les
autres quand les gens d’ici ont migré pour la ville. La route goudronnée qui y
menait est désormais reconquise par de jeunes peupliers et les herbes folles. On
attache l’âne et on s’approche de la bâtisse qui grince quelque part au gré des
sauts du vent.

« Tu vois ? » me demande Bill.

Je regarde plus attentivement…. Sur le portail délabré, une ancienne


peinture écaillée un peu kitch fait la promotion de l’argentée de Walden en
conserve. Sur une petite plaque rectangulaire en plexi rouge, juste à côté « Bitcoin
Mining Corporation ». Je me recule, sous le toit gris tacheté de rouille du hangar,
part une ligne électrique de haute puissance, flambant neuve.
35

Un coup d’épaule et Bill pousse le vantail. Dans la pénombre qui sent


encore l’huile de moteur, j’aperçois des tubulures suspendues, de longues barres
de fer, des bacs étamés renversés qui doivent dater du temps de la conserverie
et… sur les longues tables où étaient triés les poissons il y a 100 ans, recouverts
d’une épaisse couche de poussière grasse, des milliers de processeurs
d’ordinateurs connectés, plus ou moins anciens, ceux d’avant les écrans plats et
les portables. Dans un coin une montagne de coques d’ordinateurs empilés en
vrac. Dans le fond, je distingue des ventilateurs géants.

« On a miné ici ?

- Difficile à croire, hein ! Tu m’as mis la puce à l’oreille avec ton


analyse sur l’attaque d’EDF en France et d’AEP aux Etats-Unis. Et…

- Et quoi ? m’impatientai-je

- Zen, tranquille, mon pote, je développe. »

D’abord, je comprends que Bill, sans tambour ni trompette comme à


son habitude, a récupéré, dépouillé, classé, croisé, les montagnes d’infos que
Dennis et Alamo avaient sur leurs disques durs. Et tout ça, en deux jours. Sacré
besogneux. Et là, le Mozart m’a fait encore une fois la preuve de son génie.

Pourquoi Tesla avait-il commencé à la baisse le 24 ? Ni l’idée des délits


d’initiés suite à l’article de Meadows, ni celle d’un réajustement de la valeur de
l’action n’étaient vraiment satisfaisantes, Tesla avait trop la côte pour fléchir
comme ça.

« Voiture électrique-coupure électrique - voiture électrique - coupure


électrique », la ritournelle avait aussi fini par travailler l’ami Bill.
36

Certes, Tesla n’aurait pas survécu à une méga panne électrique telle
que celle qui nous a anéantis. Mais il n’y avait aucune raison pour que Tesla baisse
ce jour-là sauf … si le black-out électrique avait été programmé.

Et ceux qui étaient derrière ça, avaient très bien pu laisser des traces
en ne résistant pas au deuxième péché capital : la gourmandise. A moins que ce
fût leur désir démesuré de profit qui les ait poussés à éteindre l’Amérique.

Qui avait pu anticiper le black-out ? Ceux qui avaient déstabilisé les


fournisseurs d’énergie en Europe et aux USA, nos amis les chinois ?

Nous nous asseyons sur une des grosses barres de fer qui s’empilent
dans le hangar. « Vois-tu, me dit Bill, c’est par hasard que je suis entré dans cet
entrepôt, il y a 6 mois… une histoire de chauve-souris super rares qui y avaient élu
domicile… Bon, les ordis alignés et les ventilos m’avaient intrigué mais on trouve
parfois de ces trucs bizarres abandonnés depuis le black-out que je ne me suis
intéressé qu’à mes chauve-souris. En revenant de chez toi, l’autre soir, j’y ai
repensé… »

C’est dans les dossiers de notre président de la SEC que Bill a repéré la
trace de la Bitcoin Mining Corporation. Elle a été financée par un hedge-fund
domicilié à Hong-Kong et était dirigée par un trentenaire qui avait abandonné sa
nationalité chinoise pour être naturalisé américain en 2000. Dennis avait demandé
une surveillance sur ce gars car son père était un député chinois, milliardaire
depuis 2018, spécialisé dans le minage du bitcoin en Chine. Tu sais qu’en Chine
l’usage du bitcoin est interdit mais pas sa production. Pour produire ce cher
bitcoin, on consommait 130 térawattheures par an, à peu près l’équivalent de
l’énergie utilisée par toute l’Irlande. C’est pour ça qu’à partir de 2018, la
production a été massivement délocalisée en Chine où les centrales à charbon
produisent l’électricité nécessaire. Mais tu sais aussi que la Chine cherche à se
37

verdir. Miner oui, mais autant consommer de l’énergie produite ailleurs. Du coup
comme ils avaient les fonds à investir, ils ont acquis des entreprises dans des coins
discrets comme cette pêcherie, et les ordis destinés à être désossés en Asie ont eu
une seconde vie au service du bitcoin…

« Et tu penses que cette pêcherie et ses ordis pour bitcoin ont


provoqué le black-out ? »

Notre âne brait… comme s’il rigolait. Mais en fait, il trouve le temps
long tout seul. Alors on le détache pour qu’il puisse aller boire au lac et on reste
assis dans l’herbe à le surveiller.

Bill reprend : « Je ne suis pas assez bon pour calculer ça, mais la
présence de ces grosses barres de fer et de ces ventilos surdimensionnés me font
penser qu’on aurait bien pu consommer ici, très brutalement, encore bien plus
que pour ces ordis.

- Je vais changer de sujet, quoi que. De mon côté, j’ai revu les
dossiers de Dennis où j’avais trouvé les infos sur les tentatives de
déstabilisations d’EDF et AEP. Et j’ai relu les rapports annuels des
entreprises EDF et AEP. Le rapport d’AEP pour 2020 soulignait que
les variations instantanées de demandes électriques étaient de
moins en moins fortes. Je me souviens avoir lu dans le FT, que le
passage pour les industriels à un tarif instantané, calé un peu
comme les cours en bourse, avait fait en sorte que ce soit la
demande des industriels qui s’adapte à la production.

Du coup, pour les fournisseurs d’énergie, le risque de brusque


augmentation de demande n’existait plus, les centrales à gaz qui
permettaient de s’ajuster aux brusques variations ont été fermées
38

quasiment du jour au lendemain. Vis-à-vis du grand public, c’était


des économies et ça faisait plus vert !

En Europe, cette stratégie pour EDF a été validée par un expert


mondialement reconnu. Sauf que, dans un des dossiers « CIA-
experts-corruptions » de Dennis, j’ai retrouvé le nom du
bonhomme. Des virements plutôt importants ont été effectués sur
les comptes d’un trust en Autriche derrière lequel se cacherait cet
expert. Qui l’a arrosé ? Qui avait à gagner à l’extrême vulnérabilité
de nos entreprises stratégiques ?

- Et si la Bitcoin Mining Corporation ou n’importe quelle autre


couverture a essaimé dans tous nos Etats, ça en fait des milliards
de milliards de kWh à fournir. Et si on programme cette demande
d’énergie au même moment… »

Le silence s’est installé. C’était du lourd, du très lourd… Les conneries


des flambeurs se sont empilées avec les attaques des Robins des grains, les effets
des discours politiques et l’insouciance généralisée du moment… Mais le krach
n’aurait été qu’une crise de plus dont on se serait remis tant bien que mal si le
black-out électrique n’avait pas eu lieu ce jour-là.

Et cette coupure généralisée avait été orchestrée !

Quelque part, on avait pensé, programmé, préparé des mois durant,


sous les radars, un méga-plan de déstabilisation. Est-ce que les auteurs avaient
imaginé l’ampleur de leur manigance ?

Nous avons rattrapé notre âne et il a fallu ruser pour qu’il consente à
nous suivre. Allez, hue cocotte ! Arrivés chez moi, on a brossé l’âne et on s’est fait
du café, enfin, ce truc qui nous en console mal…
39

Tout à coup, Bill s’est levé du rocking-chair et m’a dit : « Je prends mon
vélo, j’ai quelque chose à vérifier…

- Eh, attends ! Et ton âne !!! Qu’est-ce que je fais avec ton âne ??? »
Mais il était déjà loin…

Le bleu sombre gagnait le ciel, la lune se levait majestueuse mais je n’y


prêtais pas attention, je faisais les cent pas autour de l’âne qui broutait
tranquillement. Sa sonnette tintinnabula quand il passa sur le nid de poule dans le
virage avant ma cabane :

« Alors ? Criai-je

-Cool, zen, chuchota Bill en descendant de son vélo, tranquille man.


Savoir ne va pas changer grand-chose à notre pêche de cette semaine,
et c’est les poissons qui assurent notre quotidien.

- Arrête de me laisser moisir. Qu’as-tu trouvé ?

- FLUORESCEINE, ça te dit quelque chose ?

- Ça, ça sent le hacker…

- Juste mon pote. C’est une méga base de données. Bon, j’ai pas osé en
parlé devant Dennis et Alamo, parce qu’ils sont toujours selon moi du
côté des boss et ça les aurait peut-être défrisés ! »

Je l’interromps : « Accouche ! Ou je t’étrangle ! »

- Bill souris. FLUORESCEINE c’est un outil vraiment puissant, vraiment


secret, sur lequel des hackers du monde entier ont travaillé. Avec ce
logiciel de ouf qui est capable de défricher toutes bases de données
qu’on lui apporte, ceux qui se cachent, ne peuvent pas rester
anonymes bien longtemps. Bill était de cette aventure-là aussi - il y a
bien des façons de faire de la résistance - et, avant de se barrer vite fait
40

de Wall Street, Bill a pris des petits souvenirs. Il vient d’y fouiller.
Aucune info dès la seconde du black-out évidement, mais deux heures
avant…

FLUORESCEINE a repéré les gourmands : ce sont les mêmes hedge-


funds qui sont impliqués dans les ventes à découvert de Tesla et dans celles sur
AEP et EDF !

Le 24 octobre 2021, c’était la date de l’Apocalypse financière pour les


Illuminati, c’était le délire à la clairette du trader qui se croyait le plus malin du
monde, c’était la coïncidence de démesures désastreuses et d’attaques d’activistes
sincères, c’était la routine du yoyo de la bourse qui monte et descend, indifférent
au monde qu’il modèle, c’était aussi le centenaire de la création du Parti
communiste en Chine !

Et je pense à mon village Dieulefit.

J’y retournerai un jour, même à dos d’âne.

Un jour.
41

Comprendre le monde des parieurs

Le Tricheur à l'As de Carreau Georges Dumesnil de La Tour (1593-1652)


42

Indice 1. Tracker, l’or-papier est-il de l’or ou du papier ?

On appelle « or papier » un produit financier dont le cours a tendance


à suivre celui de l’or. On appelle « pétrole papier » un produit financier dont le
cours a tendance à suivre celui du pétrole.

Un tracker (ou ETF) sur l’or peut investir par exemple une partie des
sommes qui lui ont été confiées par les investisseurs dans des mines d’or en
Afrique du sud. Mais vous, si vous achetez de l’or, c’est peut-être par peur d’une
crise mondiale. Etes-vous sûr que dans ce cas, le cours de la mine d’or en Afrique
du Sud suivra celui de l’or ?

Si vous achetez du pétrole c’est pour investir dans l’énergie. Un ETF sur
les matières premières investit le plus souvent indirectement puisqu’il investit
dans les entreprises extractrices des matières premières (par exemple, dans Total,
Shell ou BP). Mais si, en lien avec le changement climatique, les nouveaux forages
sont interdits, les valeurs boursières des compagnies vont s’effondrer. Le pétrole
devenu plus rare prendra de la valeur alors même que les actions des entreprises
pétrolières baisseront. Au lieu de monter avec le prix du pétrole, votre tracker
baissera.

Si votre tracker est investi plus directement dans le pétrole ce n’est pas
non plus vraiment dans des stocks de pétrole. Le pétrole ne se conserve pas bien
et reste coûteux à stocker. Le gestionnaire du tracker va par exemple acheter des
contrats « futures », par exemple 10 000 tonnes de pétrole dans 3 mois. Le prix
futur est défini aujourd’hui dans le contrat. Et dès que l’échéance arrive, pour ne
pas se faire livrer, il vend son contrat et en rachète un pour les mois suivants. Etes-
vous bien sûr que cela va suivre le cours du pétrole ?

Cas réel de risque sur tracker pétrole : 21 avril 2020


43

Supposons que vous avez acheté le 21 mars 2020 du pétrole américain


(WTI) au cours de 25 $ par baril avec engagement ferme de livraison différée dans
le temps de un mois (contrat à terme ou « future » en anglais). En général vous
revendez quelques jours avant l’échéance car vous ne voulez surtout pas avoir un
tanker de brut à décharger ! La date d’échéance pour les contrats à terme pour le
WTI était le mardi 21 avril 2020. Or, les capacités de stockage étant saturées, les
détenteurs de tels contrats se sont précipités pour les revendre. Le prix spot du
pétrole a clôturé à -37 dollars le lundi 20 avril 2020. Vous avez dû payer cher pour
que quelqu'un accepte votre pétrole !

Cette frénésie de vente a eu aussi des effets sur les contrats à terme
pour livraison le 20 mai, contrats qui ont plongé jusqu’à – 40 dollars.

La leçon de l’histoire est que vous avez tout perdu car vous n’avez pu
attendre le 24 mai 2020, date à laquelle les cours sont remontés au-dessus de 15
dollars.

Finalement, ne vous trompez vous pas d’objectif ? Vous voulez avoir de


l’énergie dans le futur. Pourquoi ne pas investir dans une petite centrale solaire
photovoltaïque locale ?
44

Indice 2. CFD : On n’est jamais sûr d’être payé !

Le « Contrat For Difference » est un contrat qui vous promet de vous


verser la différence entre le prix d’un actif aujourd’hui et le prix à une date future
convenue. Ainsi pourquoi se compliquer la vie à acheter l’actif ? Pourquoi acheter
un lingotin en or alors que votre banquier vous propose un CFD sur l’or ?

Un CFD sur l’or se contente de reproduire l’évolution de l’once d’or en


dollars ou en euros. Mais aucun actif tangible ne garantit la valeur du certificat
CFD. En cas de faillite de l’émetteur du CFD (la société émettrice de contrat),
l’investisseur ayant acheté un certificat prend le risque de perdre sa mise. Ce
risque est loin d’être théorique. En septembre 2008, AIG était le principal
émetteur dans le monde de certificats gagés sur l’or. En 2008, l'assureur américain
enregistre une perte de près de 100 milliards de dollars… puis est secouru par la
Réserve fédérale des États-Unis pour éviter une panique mondiale.

Si vous avez des certificats sur l’or, c’est probablement pour vous
protéger des krachs financiers car alors votre or va, lui, monter. Mais attention
vous vous retrouvez en risque de la faillite de l’intermédiaire qui vous a vendu le
CFD !

Non seulement on n’est pas sûr d’être payé, mais on participe à


l’instabilité mondiale apportée par les paris (qu’on appelle pudiquement produits
dérivés). Aujourd’hui, Il y a, chaque jour, la valeur des paris sur le pétrole
représente 15 fois plus que la valeur du pétrole extrait de la terre. Depuis 2000, les
paris se sont multipliés et les cours sont devenus des yoyos permanents. De plus,
les variations sur un marché entrainent des variations sur d’autres marchés. Les
variations des cours du pétrole entrainent les variations des cours des céréales
depuis qu’on a besoin du pétrole pour produire des céréales et encore plus depuis
qu’on fait des agro-carburants !
45
46

Indice 3. La grande manipulation des cours

Gusk, patron de Tesla est suivi par près de 48 millions d'internautes. Il


twitte le 27 janvier
2021 sur le bitcoin :
"Gamestonk!". Il a de
l’humour : Stonk est
un terme boursier
utilisé pour désigner
familièrement les
actions ("stocks"). Il
veut dire que le bitcoin c’est aussi sérieux qu’une entreprise. Le jour même le
cours commence à grimper.

Mais,
brusque revirement, le
20 février 2021 John
Gusk partage son
interrogation sur la
valeur du bitcoin.

Parfait timing. Juste au plus bas, puis juste au plus haut du cours du
bitcoin.

Nous avons affaire à un grand visionnaire ou un grand influenceur.


47

Mais rien d’illégal dans le fait de donner son opinion sur la valeur
future du bitcoin.
48

Comprendre les ventes à découvert

Sur la Bourse de Chicago, les ventes à découvert sur les céréales existent depuis 1850.

La vente à découvert consiste à vendre un actif que l’on a emprunté à


un autre investisseur, et qu’on s’engage à lui rendre à une date de livraison
ultérieure fixée. On dit que l’investisseur a une position courte sur le produit : en
clair, il vend un actif qu’il n’a pas ! La vente à découvert dite « à nue » consiste à
ne même pas emprunter l’actif.
49

Vendre à une date ultérieure un actif que l’on ne possède pas et que
l’on n’emprunte même pas pour assurer que la vente soit possible, cela parait si
fou qu’il faut prendre un exemple pour s’imaginer la transaction.

Imaginons donc qu’il y a 100 actions de l’entreprise X qui valent en


bourse chacune 10 $. L’entreprise vaut 1000 $.

Nous sommes en janvier et vous pensez que son cours va baisser. Vous
vendez l’action X pour 10 $ et vous devrez la livrer le 1 mars. Si à cette date,
l’action vaut 7$. Jackpot, vous l’achetez 7$ et donc gagnez 3 $. Mais si l’action vaut
30$, vous avez perdu 20$.

Petit problème, si une seule action est à vendre, son détenteur peut
exiger un prix exorbitant puisqu’il sait que vous avez obligation de l’acheter pour la
restituer. Et rien n’empêche qu’il y ait des centaines de vendeurs à découvert !

Ce que nous venons de décrire s’appelle « vente à découvert à nue ».


Pour limiter un peu les risques, on peut obliger les vendeurs à découvert à
emprunter l’action contre une prime payée à celui qui possède une action et qui
accepte de la prêter jusqu’en mars. Ceci limitera donc à 100 le nombre des ventes
à découvert. Au 1er mars, le vendeur à découvert doit racheter une action sur les
marchés pour la rendre. Si les acheteurs d’action ont pour objectif de contraindre
les vendeurs à découvert à payer le prix fort, cela s’appelle un corner.

Cas réel de corner sur les ventes à découvert sur Volkswagen en


octobre 2008.

Porsche, lorsqu’il a racheté Volkswagen, dans une splendide et


complexe manipulation, a fait flamber le prix de l’action Volkswagen. L’Etat
régional de Basse Saxe détenait à lui seul 20% des actions. Les vendeurs à
50

découvert se sont rués sur les rares titres disponibles quand Porsche a annoncé
qu’il contrôlait 74,1% du capital.

Il ne restait plus que 5,9% d’actions disponibles à la vente. Volkswagen


en dépassant 900 euros par action, devint quelques heures la plus grosse
capitalisation boursière mondiale... 320 milliards d’euros.

La presse anglo-saxonne a estimé les pertes colossales encaissées par


les hedge-funds et les banques entre 20 et 30 Milliards €.
51

Indice 4 : Gamestop et l’union des petits spéculateurs.

La « victime », arroseur arrosé, peut être le spéculateur lui-même.


C’est le cas dans la récente affaire Gamestop. Promise à un avenir sombre en
raison de l’essor de la vente de jeux dématérialisés, la chaîne américaine de
magasins de jeux vidéo GameStop voit le cours de son action descendre : de 60
dollars à la fin 2007, le prix d’une action s’échangeait à 2,5 dollars en mars 2020.
La situation précaire de cette société a attiré l’attention de certains fonds
d’investissement spécialisés dans la vente à découvert.

C’était compter sans les cinquantenaires boursicoteurs fans dans leur


jeunesse de ces jeux vidéo. Regroupés sur la section "WallStreetBets" de leur
plateforme Reddit, ils se sont coordonnés pour acheter massivement et faire
monter le cours de l’action GameStop qui s’est envolé de 1 700% jusqu’à atteindre
plus de 347 dollars : L’entreprise valait alors 10,3 milliards de dollars, soit
l’équivalent du français Renault !

Cette manœuvre des utilisateurs de Reddit a pris à contrepied


plusieurs fonds d’investissement qui avaient des positions importantes de ventes à
découvert. Par exemple, le fonds Melvin Capital a été forcé de liquider ses
positions sur les actions GameStop et a ainsi perdu 2,75 milliards de dollars.

Les manipulateurs, qu’ils soient gros ou petits regroupés, indépendants


ou instrumentalisés, peuvent en achetant ou vendant massivement faire bouger
les cours.
52

Certains hedge-funds ou spéculateurs se cachent pour opérer les


ventes à découvert dans des pays où l’enregistrement des transactions n’est pas
public. Ils peuvent opérer sur des dark-pools qui rendent ces opérations quasi
impossibles à tracer.

.
53

Indice 5 : Couverture et spéculation sur les marchés des céréales

Le même outil financier peut servir dans un cas à l’assurance contre un


risque et dans un autre cas à la spéculation dans le seul but de gagner de l’argent.
C’est le cas de la vente à découvert.

Couverture. Pour se couvrir contre le risque de baisse d’un actif, on


peut le vendre à découvert. Un agriculteur peut par exemple s’en servir pour se
couvrir contre le risque de baisse du cours des matières premières.

Le paysan américain fin XIXème siècle était ravi de vendre sa future


récolte à un prix fixé dès le semis. C’est sur le marché des matières premières
agricoles, le Chicago Board of Trade, que ces produits financiers ont été inventés
dès 1850.

Spéculation. Mais aujourd’hui les spéculateurs utilisent les options


d’achat, les options de vente, les contrats futurs, les ventes à découverts pour
démultiplier les gains (ou les pertes !) avec les variations de cours.
54

Indice 6. La régulation a changé de camp : du producteur au


spéculateur.

10 contrats sur 100 servent la couverture. 90 contrats sur 100 servent


la spéculation.

Pour exemple de couverture (assurance contre un risque) : le paysan


souhaite fixer le prix de vente de sa récolte à venir, le fabricant de pain veut
s’assurer pour les prochains mois de la stabilité du prix de la farine. Ils se
rencontrent et un contrat permet de fixer le prix du blé dans 3 mois. L’un est
content d’assurer un prix de vente de sa production, l’autre est content d’assurer
un coût fixé pour ses achats ce qui lui permet de stabiliser le prix de vente de son
pain. Cela permet à chacun des partis d’assurer que sa marge, et donc ses revenus,
ne fluctue pas trop avec les prix de marché.

Mais ce sont les 90 autres contrats de parieurs qui déterminent le prix.


Et comme les spéculateurs sont des suiveurs, ils provoquent des cours fébriles et
des bulles.

Jusque dans les années 1990 les spéculateurs étaient tenus à l’écart
des marchés. Les intervenants devaient avoir une autorisation et il leur était
octroyé un nombre de contrats limités. Pour les matières premières, notamment
agricoles, les acteurs pouvant opérer devaient être préalablement agréés. En
fonction de sa production pour le vendeur ou du besoin de matière première pour
sa production pour l’acheteur, un quota maximal était alloué à chaque acteur.

Cette régulation a été balayée en 1998 par le président de la Banque


Centrale Alan Greenspan. Il a viré Born, directrice de l’organisme de contrôle de la
bourse des matières premières (Commodity Futures Trading Commission), qui
s’opposait à la dérégulation des produits dérivés sur matières premières. Pour
certains Greenspan est un héros qui a boosté la finance des produits dérivés. Les
55

montants des paris sont devenus vertigineux : 700 000 milliards de dollars. Pour
d’autres il est un des responsables de la crise financière de 2008.
56

Comprendre la création monétaire


57

Indice 7. Comment la banque privée crée de la monnaie.

Les économistes sont en désaccord profond sur la création monétaire


et rendent les débats pour le grand public incompréhensibles.

Pourtant avec un petit effort, les mécanismes sont simples à


comprendre. Mais il convient mieux de prendre un exemple fictif pour
comprendre les grands principes.

Vous avez 8 millions d’euros. Vous créez votre banque Genesis.


Imaginons que vous ayez l’autorisation de la banque de France pour le faire.

Avec cet argent la banque achète un immeuble à 4 millions et garde 4


millions en liquidité.

La banque prête aussi 100 millions, par exemple 1 million d’euros à


100 entreprises au taux de 1%19, bien qu’elle n’ait pas cet argent. En fait, la
banque ouvre un compte à chaque entreprise où elle inscrit 1 million d’euros.

Supposons que 80 millions soient utilisés par les entreprises pour faire
des achats. La banque est obligée d’emprunter 80 millions d’euro à la banque
centrale20.

19
Supposons un type de crédit appelé in fine où l‘entreprise devra payer chaque année l’intérêt
puis la dernière année du crédit l’intérêt augmenté du capital prêté.
20
En fait, le prêt de la Banque Centrale est la solution ultime si aucune banque privée ne prête le
montant de 80 millions d’euros. Si une autre banque privée prête, alors il y aura inscrit dans le
bilan : dette auprès d’autres banques pour 80 millions. Pour comprendre comment cela est
possible, il faut faire encore un petit effort de compréhension. Supposons que les entreprises aient
acheté toutes au même fournisseur que nous appellerons « Magasin général ». Supposons qu’il n’y
ait qu’une autre banque privée dans le monde que nous appellerons « Banque concurrente ». Alors
Banque concurrente voit affluer sur le compte de dépôt de l’entreprise Magasin général qu’elle
gère un montant supplémentaire de 80 millions. Elle peut donc le prêter à la banque Genesis pour
une journée. Ce qu’elle fait. Si Magasin général achète ensuite à des entreprises dont Genesis gère
les comptes, l’argent reviendra dans le bilan de Genesis.
58

Supposons aussi que vous vous payez comme directeur 1 million


d’euro par an.

Votre comptable fera les comptes à la fin de l’année et vous dira « Tout
va bien ». Traduit dans ses mots de comptable cela donne pour le calcul du
bénéfice de l’année :

Produits : intérêt des prêts aux entreprises pour 1 million d’euros

Charges : salaires du directeur pour 1 million d’euros

Résultat net : 0 euro

Impôts : 0 euro

Le comptable va ensuite regarder si les actifs permettent de payer les


dettes :

Actif du bilan : Immeuble pour 4 millions d’euros. Liquidité 4 millions


d’euros. Crédit aux entreprises pour 100 millions d’euros. Total actif : 108 millions
d’euros.

Passif du bilan : Comptes des entreprises pour 20 millions d’euros.


Dette envers la banque centrale pour 80 millions d’euros. Fonds propres des
actionnaires pour 8 millions d’euros (108-100). Total passif: 108 millions d’euros.

Le commissaire au compte certifie que le ratio de solvabilité de 8% est


suffisant. La banque a créé ainsi 100 millions d’euros de crédit alors qu’elle n’avait
que 8 millions d’euros. Elle a créée 12,5 fois plus de monnaie qu’elle n’en
possédait.

Mais l’état va arrêter le banquier si la monnaie ne revient pas.


59

Supposons maintenant un autre cas de figure : dans la première année,


9 entreprises qui ont dépensé tout l’argent sur leur compte se déclarent en faillite
et ne paieront jamais leurs dettes.

Le comptable va déterminer le bénéfice de l’année :

Produits : intérêt des prêts aux entreprises pour 910 000 euros

Charges : Salaires pour 1 million d’euros

Pertes : 9 million d’euros

Résultat net : - 9 090 000 euros

Le comptable va ensuite regarder si les actifs permettent de payer les


dettes :

Actif du bilan : Immeuble pour 4 millions d’euros. Liquidité 3 910 000


euros (le salaire du patron a excédé les intérêts reçu des emprunteurs de 90 000
euros). Crédit aux entreprises pour 91 millions d’euros (il y a eu 9 millions d’euros
de pertes). Total actif : 98 910 000 euros.

Passif du bilan : Comptes des entreprises pour 20 millions d’euros.


Dette banque centrale pour 80 millions d’euros. Fond propre des actionnaires
pour -1 090 000 euros. Total passif : 98 910 000 euros.

La valeur des actifs (98 910 000 euros) ne permet plus d’honorer les
100 millions d’euros de dettes. La faillite est déclarée (fonds propres négatifs).

Par convention comptable de faillite, on empêche la banque Genesis


« incompétente » de continuer d’opérer. Et par la faillite on lui retire son pouvoir
de création monétaire.
60

Indice 8. Pourquoi la banque centrale ne fait pas faillite ?

Décrivons rapidement la Banque Centrale.

La Banque Centrale fonctionne, à première vue, comme une banque.


La BCE a un bilan de 7 000 (des milliards bien sûr !) Ses actionnaires ont amené
seulement 100 (tout est en milliard ci-dessous) soit 2% de son bilan.

Quand a-t-elle fabriqué tout cet argent ?

A chaque crise comme en 2009 et 2020, la BCE a fabriqué 2000


milliards de monnaie.

En quoi est investi cet argent ?

500 en or, 1300 en billets mais énormément d’argent est prêté à taux
très faible aux états et aux entreprises européennes pour éviter les faillites.

A-t-elle prêté directement ?

Non elle ne s’est pas donnée ce droit et donc elle rachète les titres de
dette aux banques privées qui les détiennent quelques minutes en échange d’une
copieuse commission.

La Banque Centrale peut-elle faire faillite ?


61

Non ce n’est pas comme dans le cas d’une banque privée (voir indice
7). La banque centrale enregistre que l’argent qu’elle a créé pour le prêter ne lui
reviendra jamais.

Contrairement aux banques privées, ses fonds propres peuvent être


négatifs sans qu’une autorité ne l’empêche de continuer et ne lui retire son
pouvoir de création monétaire. Elle peut pour combler la perte, recréer à sa guise
de la monnaie.
62

Indice 9. Le financement des transitions

Avant de voir les transitions à financer, regardons deux exemples


historiques de transition où la monnaie a financé un effort de guerre massif.

En 1862, le « Legal Tender Act » d’Abraham Lincoln a financé la guerre


de Sécession. Les États-Unis ont émis des billets (greenback) sans pour autant les
gager sur un stock d'or ou d'argent. L’esclavage est aboli avec l'adoption du
XIIIème amendement de la Constitution américaine adopté par le Congrès le 6
décembre 1865.

En 1933, les bons MEFO ont financé la guerre d’Hitler. Les grandes
entreprises d’armement allemandes ont créé une filiale commune. Cette filiale,
pour acheter les tanks et autres matériels militaires, a émise des obligations à
quatre ans que l’on a appelé bons MEFO. Les tanks ont été mis à disposition de
l’armée. Les entreprises ont accepté ces bons MEFO en paiement des tanks car
l’état garantissait l’échange contre des marks. Pour élargir l’usage, les banques et
les assurances ont été contraints d’en mettre dans leurs portefeuilles de titres.
Ainsi, en 1935, les MEFO représentaient 80% de la masse monétaire officielle.

Ce sont deux exemples de financement de guerre « réussis ». L’un pour


la bonne cause l’autre pour une mauvaise cause. Dans l’Histoire, la création
monétaire massive a été indispensable pour orienter rapidement l’appareil de
production.

Maintenant revenons à l’effort de guerre que nous avons à faire pour


financer les transitions énergétique, de sécurité sanitaire et agricole.

Première question : combien faut-il ?

Nous aurions besoin en Europe, outre la réorientation massive de


l’épargne de tous, de 2500 milliards d’euros de nouvelle monnaie (450 milliards
63

pour la France). De fait, il n’y a que trois solutions pour financer cet effort de
guerre. Il faudrait soit plus de revenus par l’impôt, soit plus de déficit des états,
soit une création monétaire supplémentaire. L’idéal serait un mixte des trois
solutions.

Deuxième question : la BCE peut-elle faire sa part ?

La BCE a su mettre sur la table 2000 milliards dans la crise de 2008 et


3500 milliards dans celle du Covid pour éviter l’effondrement de certaines de nos
institutions et assurer un provisoire minimum de solidarité sociale.

Troisième question : y aura-t-il de l’inflation ?

Dans la crise du Covid, il y a eu inflation des actifs : la bourse et


l’immobilier ont monté. On ne peut affirmer ce qu’il se passera. Cependant, le
financement des transitions diminuera les achats à l’étranger (pétrole, médecine
etc.), créera des millions d’emplois qui donneront du pouvoir d’achat aux
chômeurs actuels retrouvant un emploi. L’inflation ne sera donc probablement
plus dans les actifs boursiers.

Quatrième question : la monnaie va-t-elle s’effondrer ?

La nation qui s’engagerait dans les transitions renforcera la robustesse


de son pays, notamment par l’emploi, et donc sa monnaie. Par contre, si les
dépenses vont dans des achats de produits étrangers, la monnaie aura tendance à
perdre de la valeur. Mais si la capacité de production locale est renforcée, si la
capacité à produire des choses utiles à l’avenir du pays est développée, la monnaie
aura tendance à gagner de la valeur par rapport aux autres monnaies.
64

Walden Jouquetti.

Qui a fait s’effondrer définitivement Wall Street le 24 octobre 2021 ?

Un an après l’effondrement, dans une cabane au fond des bois,


l’ancien patron de Wall-Street, celui de la SEC, le trader de l’année 2020 et un
trader-geek écolo cherchent le coupable.

Nous vous donnerons des indices pour comprendre les marchés


financiers, le monde des parieurs, le fonctionnement des ventes à découvert.
D’autres indices vous feront découvrir la création monétaire des banques privées
aux banques centrales en passant par le bitcoin.

Trouverez-vous le coupable ?

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