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Hervé Queffélec

Topologie

Cours et exercices corrigés

5e édition
Illustration de couverture : seamless background © Kirsten Hinte – fotolia.com

© Dunod, Paris, 2012, 2016


11 rue Paul Bert, 92240 Malakoff
www.dunod.com
ISBN 978-2-10-075607-0
À ma famille, très affectueusement
T ABLE DES MATIÈRES

Avant-propos IX

Notations XII

Chapitre 1. Le corps des réels 1


I Définition axiomatique de R 1
II Le théorème de la borne supérieure 4
Exercices 11
Corrigés 15

Chapitre 2. Espaces topologiques ; espaces métriques 21


I Définitions générales ; notations 22
II Sous-espace topologique ; topologie induite 27
III Notion de limite ; continuité 29
IV Espaces métriques 37
V Produit d’espaces topologiques 46
Exercices 53
Corrigés 61
Chapitre 3. Espaces compacts 77
I Définition et premières propriétés 77
II Fonctions continues sur un espace compact 82
III Produit d’espaces compacts 87
IV Espaces métriques compacts 91
Exercices 101
Corrigés 109

Chapitre 4. Espaces connexes 120


I Définition et premières propriétés 120
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

II Théorèmes de stabilité 122


III Espaces métriques connexes 126
IV Composantes connexes 128
V Applications de la connexité ; homotopie 134
Exercices 152
Corrigés 161

Chapitre 5. Espaces métriques complets 179


I Définition ; premières propriétés 179
II Théorème du point fixe de Picard 184
III Théorème de Baire 191
Exercices 202
Corrigés 209

VII
Topologie

Chapitre 6. Espaces localement truc 223


I Définition générale ; premiers exemples 223
II Espaces localement compacts 224
III Espaces localement connexes 231
Exercices 244
Corrigés 247
Chapitre 7. Dimension et fractalité 253
I Dimension de boîte (ou dimension métrique) 254
II Dimension de Hausdorff 269
III Dimension topologique 287
Exercices 297
Corrigés 300
Problème 307
Références bibliographiques 312

Index 313

VIII
A VANT - PROPOS

La plupart des traités de topologie générale suit l’une des deux voies suivantes :
La première s’attache aux raffinements les plus extrêmes de la théorie (axiomes de
séparation T 1 , . . . , T 4 , critères de métrisabilité de Nagata-Smirnov, etc.).
La seconde (cf. [C] ou [De] par exemple) passe relativement vite sur les notions
fondamentales pour arriver à leur application à la théorie des fonctions (théorèmes
d’Ascoli et Stone-Weierstrass par exemple) ou à celle des espaces normés (théorème
de F. Riesz par exemple) ; ces applications sont aussi excellemment développées dans
les ouvrages classiques [D], [S] ou dans l’ouvrage plus récent [HL].
Nous avons donc choisi une troisième voie, en ne traitant que les notions fonda-
mentales de la topologie générale (et il y en a peu : limites, continuité, compacité,
connexité, complétude) dans le cadre d’espaces le plus souvent séparés, voire mé-
triques mais en creusant sur des exemples l’étude de ces notions, ce qui peut mener
assez loin, même si on demeure résolument (comme c’est le cas dans cet ouvrage)
aux niveaux L3 et Master ; ainsi le théorème du point fixe de Picard et le théorème
de Baire débouchent sur les notions de dimension topologique et de dimension de
Hausdorff, d’objet fractal, etc., sans parler des applications plus classiques à l’Ana-
lyse. Nous traitons donc de façon approfondie des notions en nombre restreint, mais
qui se retrouvent ensuite partout dans le cursus d’un étudiant en mathématiques (cal-
cul différentiel et intégral, analyse fonctionnelle ou complexe, topologie algébrique
ou différentielle, etc.) et nous renvoyons (cf. bibliographie) à d’autres ouvrages pour
les grands résultats sur les espaces de fonctions.
Le livre est divisé en sept chapitres (à l’intérieur desquels nous nous permettons
parfois le renvoi à un chapitre ultérieur).
Le chapitre I donne une construction de R et de ses principales propriétés. Le
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

chapitre II comprend les principales définitions et l’étude des espaces métriques. Le


chapitre III traite la compacité, le chapitre IV la connexité, le chapitre V la complé-
tude, le chapitre VI la compacité et la connexité locales et leurs applications ; Le cha-
pitre VII enfin introduit différentes notions de dimensions, fractionnaires ou non, et la
notion d’objet fractal. Nous nous sommes efforcé de donner beaucoup d’exemples si-
gnificatifs et d’applications à l’Analyse (principe du maximum, théorème de Runge,
etc.). De nombreux exercices corrigés viennent clore chacun des chapitres, mais nous
n’avons pas (bien au contraire !) cherché à écrire des corrigés types et nous ne sau-
rions trop encourager le lecteur à réfléchir longtemps sur un énoncé avant d’aller lire
la solution. Il s’agit, la plupart du temps, de véritables exercices (pas de cours déguisé
en exercices) même si certaines notions (groupe topologique, fonction semi-continue,

IX
Topologie

courbes et courbes de Jordan auto-similaires) y sont proposées ; les exercices plus dif-
ficiles, ou utilisant des notions un peu transversales, sont signalés par une astérisque.
Deux principes nous ont guidés pour cette troisième édition :
1) Mettre davantage en évidence les liens étroits de la topologie générale avec
d’autres branches des mathématiques, comme :
– Théorie de la mesure (théorème de Steinhaus au chapitre 1).
– Géométrie (distance géodésique au chapitre 2).
– Analyse complexe (métrique pseudo-hyperbolique au chapitre 2, théorème de
d’Alembert -Gauss selon Körner au chapitre 6).
– Analyse fonctionnelle (lemme de Zabrejko au chapitre 5).
2) Renforcer le plus possible la cohérence de l’ouvrage :
– En complément à l’exercice 16 du chapitre 6, le caractère inépuisable des compacts
connexes est établi au chapitre 7.
– La construction explicite d’une partie de R2 connexe et localement connexe, mais
non localement connexe par arcs, est donnée au chapitre 6.
– Une preuve fonctionnelle de la connexité de l’ensemble A du chapitre 4 (exer-
cice 32) est donnée, qui utilise les caractérisations séquentielles de la continuité.
– L’égalité des composantes par chaînes et connexes pour un métrique compact est
prouvée au chapitre 4.
Nous pensons que ce livre peut être utile à un étudiant en L3 connaissant bien le
programme de L1/L2, mais aussi à des étudiants plus avancés : CAPES, M1, agréga-
tion interne ou externe, et qu’il peut être utilisé à différents niveaux. Pour cela, nous
avons défini, dans la partie préliminaire « Notations », toutes les notions et symboles
utilisés dans le texte ; nous conseillons donc au lecteur de s’y référer souvent, ainsi
qu’aux ouvrages cités dans la bibliographie.
Nous avons beaucoup appris sur la topologie générale de A. Ancona et M.
Rogalski, qu’ils en soient remerciés ici. Enfin, nous adressons tous nos remerciements
à Mme A. Bardot pour la compétence, la célérité et la gentillesse avec lesquelles elle
a assuré la frappe de ce livre ainsi qu’à MM. C. Suquet, C. Sacré et B. Morel pour
leur précieuse aide dans la réalisation des figures.
Ces rééditions successives ont bénéficié des remarques très pertinentes de quelques
collègues, au premier rang desquels Bruno Calado, que nous remercions chaleureu-
sement. Nous avons ainsi clarifié et complété des points de cours (homotopie au cha-
pitre 4, applications en Analyse fonctionnelle du lemme de Zabrejko au chapitre 5,
définition et propriétés de l’indice au chapitre 6, ce qui rend plus accessible la preuve
du difficile théorème de Jordan-Schönfliess).

X
Avant-propos

Nous avons mis à profit cette cinquième édition sur les points suivants :
• Quelques coquilles résiduelles ont été éliminées, et la présentation de quelques
exercices simplifiée et améliorée.
• Chaque chapitre est précédé d’une présentation générale, qui met la notion étudiée
en perspective (compacité, connexité, complétude, . . . ) et donne quelques éléments
historiques.
• Le chapitre 3 est complété par plusieurs exercices nouveaux sur les notions de
produit tensoriel injectif et projectif dans les espaces de fonctions continues, et
rend ainsi un hommage particulier à A. Grothendieck et aux travaux de sa jeunesse.
• Le chapitre 7 contient une preuve complète du lemme de Vitali sur les recouvre-
ments fins, et pas seulement une référence à la bible qu’est le livre de Federer dans
ce domaine, comme cela était le cas dans la précédente édition.
Ce lemme combinatoire, un peu analogue à celui de Borel-Lebesgue, mais ré-
servé aux espaces métriques, joue un rôle essentiel dans l’étude de la dimension
de Hausdorff de ce chapitre 7, mais peut se révéler utile au lecteur (préparant le
CAPES, l’agrégation ou une thèse) dans d’autres domaines, par exemple l’intégra-
tion (nous pensons
 x notamment au théorème de Lebesgue sur la différentiation des
intégrales x → 0 f (t)dt). Sa preuve n’est pas très difficile, mais demande un peu
de réflexion, c’est pourquoi nous y avons consacré plusieurs pages.
Enfin, plusieurs dessins ont été incorporés au chapitre 5 : un dessin n’est pas une
preuve, répète-t-on souvent. Ajoutons qu’une preuve sans dessin est souvent une
preuve ennuyeuse et sans consistance, que l’on s’empresse d’oublier.
Nous accueillerons avec plaisir et gratitude toutes les remarques et suggestions
envoyées à l’adresse électronique suivante : Herve.Queffelec@univ-lille1.fr
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

XI
N OTATIONS

• Si A est une partie de X, on note Ac le complémentaire de A dans X ; si A ⊂ X et


B ⊂ X, on note A \ B = A ∩ Bc ; si les Ai (i ∈ I) sont des parties de X, on note leur
union par ∪ Ai , ∪ Ai , ou ∪ Ai s’il n’y a pas de risque de confusion ; on note de même
i∈I I
∩ , ∩ Ai , ∩ Ai pour l’intersection, et  Ai ,  Ai ,  Ai pour l’union disjointe.
i∈I I i∈I I
• 1A désigne la fonction indicatrice de A ⊂ X ; 1A (x) = 1 si x ∈ A, et 1A (x) = 0 si
x  A.
• |A| désigne le nombre d’éléments de l’ensemble fini A.
• Si les ensembles Xi (i ∈ I) ont une propriété (P) sauf peut-être un nombre fini
d’entre eux, on dit que presque tous les Xi ont la propriété (P) ; si X = Π Xi est leur
i∈I
produit cartésien, pi désigne la projection canonique de X sur le i−ème facteur Xi : si
x = (xi )i∈I ∈ X, pi (x) = xi .
• N, Z, Q, R, C désignent respectivement l’ensemble des nombres entiers naturels,
entiers relatifs, rationnels, réels, complexes ; si E est l’un de ces ensembles, ou plus
généralement un demi-groupe d’élément neutre 0, on note E ∗ = E \ {0}.
• Pour f : X → R et a ∈ R, on note { f > a} pour {x ∈ X; f (x) > a} et on définit de
même { f  a}, { f < a}, { f  a}.
• Pour f : X → X, f p désigne l’itérée de f p fois par elle-même : f p = f ◦ . . . ◦ f p
fois.
• Pour f : X → Y, la restriction de f à A ⊂ X se note f |A .
• A := B signifie que l’on définit l’objet A comme étant l’objet déjà connu B ; de
même, A =: B définit B quand on connaît A.
• P(X) désigne l’ensemble des parties de l’ensemble X.
• Si X, Y sont deux espaces topologiques, C(X, Y) désigne l’ensemble des applica-
tions continues de X dans Y ; si X est compact et Y métrique, C(X, Y) est toujours
muni de la « distance de la convergence uniforme » : d( f , g) = sup{d( f (x), g(x)) ;
x ∈ X} ; cette distance est associée à une norme quand Y est un espace vectoriel
normé : || f || = sup{|| f (x)||; x ∈ X} ; si X n’est pas compact, cette norme est encore dé-
finie sur l’espace Cb (X, Y) des applications continues bornées de X dans Y ; Cb (X, R)
ou Cb (X, C) se note Cb (X) s’il n’y a pas de risque de confusion ; si Y est complet,
Cb (X, Y) l’est aussi.

XII
Notations

• Tous les espaces vectoriels (en abrégé K−ev ou ev) considérés (à l’exception de
l’exercice 1, chapitre I) seront sur le corps K = R ou C ; on note evn un espace
vectoriel normé ; un espace de Banach est un evn complet. Une semi-norme sur un
K−ev E est une application p : E → R+ ayant toutes les propriétés d’une norme sauf
peut-être l’implication p(x) = 0 ⇒ x = 0. Un hyperplan d’un ev E est un sous-espace
vectoriel de E de codimension 1.
• Le produit scalaire sur√ un espace de Hilbert H est toujours noté (x/y), la norme
associée |x| ; i.e. |x| = (x/x). L’inégalité de Cauchy-Schwarz s’écrit : |(x/y)|  |x| |y|
pour x, y ∈ H. L’espace L (H) des applications linéaires continues de H dans H est
normé par : || f || = sup{| f (x)|; |x| = 1}. u∗ désigne l’adjoint de u ∈ L (H) : (x/u∗ (y)) =
(u(x)/y) pour tous x, y ∈ H.
• « K n usuel » désignera toujours Rn (resp. Cn ) muni de son produit scalaire euclidien
(resp. hermitien usuel) ; la norme associée définit la topologie usuelle sur K n , c’est-
à-dire la topologie produit de la topologie usuelle de K n fois par elle-même ; la base
canonique de K n est notée (e1 , . . . , en ), et on identifie f ∈ L (K n ) et sa matrice sur la
base canonique. S n est la sphère unité euclidienne de Rn+1 : x ∈ S n ⇔ |x| = 1.
• Si E est un ensemble de référence, I désigne l’identité de E dans E ; si E = K n , I
désigne aussi la matrice unité d’ordre n. det désigne la fonction déterminant sur K n ,
normalisée par det I = 1.
• GL(n, K) désigne le groupe des matrices carrées inversibles (n × n) à
coefficients dans K, O(n) (resp. U(n)) le sous-groupe des éléments orthogonaux (resp.
unitaires) de GL(n, R) (resp. GL(n, C)). O(n) est aussi le groupe des bijections li-
néaires de Rn qui conservent le produit scalaire euclidien.
• Une homographie est une application de la forme h(z) = az+bcz+d avec ad − bc  0 ; si
h = I, h est dite involutive.
2

• Si E est un K−ev, a, b ∈ E, A, B ⊂ E, λ ∈ K, on note : [a, b] = (1 − t) a + tb ;
t ∈ R, 0  t  1} ; c’est le segment d’origine a et d’extrémité b ; A + B = {a + b ;
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

a ∈ A, b ∈ B} ; λA = {λa; a ∈ A}. A est dite convexe si : a, b ∈ A ⇒ [a, b] ⊂ A.


• Si A, B sont deux parties d’un groupe multiplicatif G, on note de même A · B =
{ab; a ∈ A, b ∈ B}.
• Aux rares endroits du livre où intervient la théorie de la mesure, on emploie les
notations usuelles à cette théorie ; par exemple si p ∈ [1, ∞[, L p (μ) désigne l’espace
de Banach des classes de fonctions intégrables par rapport à la mesure positive  μ,
 
normé par (inégalité de Minkowski) || f || p = | f | p dμ 1/p ; on pose ||μ|| = dμ 
+∞ ; μ est une mesure de probabilité si ||μ|| = 1, une mesure borélienne si elle est
définie sur la tribu borélienne (i.e. engendrée par les ouverts) de l’espace topologique

XIII
Topologie

X ; la mesure de Lebesgue sur Rn est notée mn , ou même m, s’il n’y a pas de risque
de confusion.
• Une fonction entière est la somme d’une série entière de rayon de convergence
infini. Plus généralement, une fonction holomorphe sur un ouvert U de C est une
application f : U → C qui est C−différentiable en tout point de U. H ∞ est l’espace
des fonctions holomorphes bornées sur D, le disque unité ouvert.
• Log x désigne le logarithme népérien du réel x > 0 ; Arc cos, Arc sin, Arctg dési-
gnent les déterminations principales des fonctions réciproques des fonctions trigono-
métriques cosinus, sinus, tangente et on a des bijections Arc cos : [−1, 1] → [0, π],
  
Arc sin : [−1, 1] → − π2 , π2 ], Arctg : R → − π2 , π2 .
• Dans le plan complexe C, on emploie les notations suivantes : |z| est le module de
z ; z = x − iy est le conjugué de z = x + iy. Rz = x, Im z = y sont respectivement les
parties réelle et imaginaire de z.
D(a, r) = {z ∈ C; |z − a| < r} est le disque ouvert de centre a et de rayon r.
D(a, r) = {z ∈ C; |z − a|  r} est le disque fermé de centre a et de rayon r.
C(a, r) = {z ∈ C; |z − a| = r} est le cercle de centre a et de rayon r.
D = D(0, 1) est le disque unité ouvert ; Γ = C(0, 1) est le cercle unité. C’est aussi
l’ensemble des eit , où t parcourt un intervalle de longueur 2π.
• Une courbe est une application continue γ : [u, v] → C où u, v ∈ R et u < v ;
γ∗ = γ([u, v]) s’appelle l’image de γ.
• Une progression arithmétique dans Z est une partie de Z de la forme a + b Z, où
a, b ∈ Z. On emploie les abréviations usuelles pgcd et ppcm pour plus grand commun
diviseur et plus petit commun multiple.
• Pour f , g : C → C, la notation (de Landau) f = O(g) signifie qu’on peut trouver
M > 0 et δ > 0 tels que | f (z)|  M|g(z)| si |z|  δ.
• Un ensemble inductif E est un ensemble partiellement ordonné (E, ) dans lequel
toute partie totalement ordonnée possède un majorant ; b ∈ E est dit maximal si x ∈ E
et x  b entraîne x = b. Si E est inductif et a ∈ E, on peut trouver b maximal avec
b  a (lemme de Zorn ; cf. [HL]). Si a ∈ E vérifie a  x pour tout x ∈ E, on dit que
a est le minimum de E et on note a = min E ; on définit de même max E, quand il
existe.
• Si X, Y sont deux espaces métriques, f : X → X est dite lipschitzienne s’il existe
k > 0 tel que d[ f (a), f (b)]  k d(a, b) pour tous a, b ∈ X. f est dite isométrique si
d[ f (a), f (b)] = d(a, b) pour tous a, b ∈ X.
• On dit (supposant connue la notion d’action de groupe) que le groupe G agit tran-
sitivement sur l’ensemble X si, étant donné a, b ∈ X, il existe g ∈ G tel que ga = b.

XIV
LE CORPS DES RÉELS
1
I D ÉFINITION AXIOMATIQUE DE R
I.1 Corps archimédiens ; segments emboîtés
On adopte ici le point de vue de Dieudonné ([D], chapitre II), c’est-à-dire qu’on prend
en cours de route la construction de Dedekind par la méthode dite « des coupures »,
qui consiste à adjoindre aux rationnels déjà connus de nouveaux éléments ; cette
construction possède des propriétés dont la preuve n’est au début qu’une vérifica-
tion ennuyeuse ; on prend ces premières propriétés comme axiomes (axiome voulant
dire propriété admise) et on renvoie à [L] pour leur vérification ; à partir de ces
« axiomes », on démontre de façon rigoureuse d’autres propriétés fondamentales du
nouvel ensemble R considéré, notamment celle de la borne supérieure. On suppose
donc qu’il existe un ensemble R (appelé corps des (nombres) réels) tel que :

Axiome 1. R est un corps commutatif (de lois notées +, et ·), les éléments neutres
pour l’addition et la multiplication étant respectivement notés 0 et 1 (zéro et un).

Axiome 2. R est un corps ordonné, i.e. il existe sur R une relation d’ordre total notée
, compatible avec la structure de corps au sens où pour tous x, y, z de R :

xy⇒ x+zy+z (I.1)

x  0 , y  0 ⇒ xy  0 . (I.2)

On posera max(x, y) = y si x  y et = x si x  y ; on définit de même min(x, y).


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Axiome 3. R est un corps ordonné archimédien , i.e. x > 0, y  0 entraîne l’existence


de n ∈ N∗ tel que nx  y (où nx = x + · · · + x n fois). Pour a  b, on appelle segment
ab, et on note [a, b], l’ensemble des x tels que a  x  b.

Axiome 4. R a la propriété des segments emboîtés, c’est-à-dire : toute suite décrois-


sante [an , bn ] de segments (cela équivaut à dire an+1  an et bn+1  bn ) a une inter-
section non vide.

Remarque. Le corps Q des rationnels vérifie les axiomes 1, 2, 3 ; il est donc prévi-
sible que c’est l’axiome 4 qui jouera le rôle essentiel dans les preuves à venir.

1
Chapitre 1 • Le corps des réels

I.2 Partie positive, négative, valeur absolue ; intervalles ;


distance sur R
Étant donné x ∈ R, on pose :

+ x si x  0
x = max(x, 0) = (I.3)
0 si x < 0,
et x+ s’appelle la partie positive de x ;

− −x si x  0
x = max(−x, 0) = (I.4)
0 si x > 0,
et x− s’appelle la partie négative de x ;

x si x  0
|x| = max(x, −x) = (I.5)
−x si x < 0,
et |x| s’appelle la valeur absolue de x.
Les premières propriétés de ces trois symboles sont données par la proposition simple
qui suit ; pour plus de clarté, définissons d’abord les intervalles de R ; a et b désignent
des réels.
• ]a, b[ := {x; a < x < b} s’appelle l’intervalle ouvert d’extrémités a et b ; on définit
de même les intervalles ouverts
]a, ∞[ := {x; x > a} , ] − ∞, b[= {x; x < b} , ] − ∞, +∞[= R .

• [a, b] := {x; a  x  b} s’appelle le segment (ou intervalle fermé) d’extrémités a


et b (cf. axiome 4) ; on définit de même les intervalles fermés
[a, +∞[ := {x; x  a} , ] − ∞, b] = {x; x  b} , ] − ∞, +∞[= R .

• [a, b[ := {x; a  x < b} s’appelle l’intervalle d’extrémités a et b, fermé en a et


ouvert en b.
• ]a, b] := {x; a < x  b} s’appelle l’intervalle d’extrémités a et b, ouvert en a et
fermé en b.
• Par convention, ∅ est un intervalle ouvert et fermé ; ∅ et R sont les deux seuls
intervalles à la fois ouverts et fermés.

Proposition I.1. Soit a, b, x ∈ R avec a  b, et soit c = a+b


2 ; alors

x = x+ − x− ; |x| = x+ + x− (I.6)
 b − a  b − a
]a, b[= u; |u − c| < ; [a, b] = u; |u − c|  . (I.7)
2 2

2
I. Définition axiomatique de R

Démonstration. (I.6) est évidente, mais utile ; on voit que


b−a b−a
a<u<b⇔− =a−c<u−c<b−c= ,
2 2
d’où la première égalité de (I.7) ; la seconde se prouve de même. ❑

Les notions de partie positive, partie négative et le couple de formules (I.6) se


révèlent très utiles en Analyse (cf. exercice 9) ; la notion de valeur absolue permet de
définir une distance sur R, appelée distance usuelle et notée d, qui est une fonction des
deux variables réelles x et y à valeurs dans la « demi-droite positive » R+ : = [0, ∞[
d(x, y) = |x − y| . (I.8)
Proposition I.2. La distance d jouit des propriétés suivantes :
a) d(x, y) = d(y, x) (symétrie)
b) d(x, y) = 0 ⇔ x = y (séparation)
c) d(x, z)  d(x, y) + d(y, z) (inégalité triangulaire).
Démonstration. a) et b) sont évidents ; c) Posons x − y = u et y − z = v ; il est clair
que −(|u| + |v|)  u + v  (|u| + |v|) ; d’où |x − z| = |u + v|  |u| + |v| = |x − y| + |y − z|,
i.e. d(x, z)  d(x, y) + d(y, z). ❑
Remarque I.3. En anticipant sur les définitions du chapitre II, les propositions I.1
et I.2 expriment l’importante propriété suivante :
sur R, les topologies de l’ordre et de la distance coïncident . (I.9)
En effet, la topologie de l’ordre (resp. de la distance) est celle engendrée par les in-
tervalles ouverts (resp. les boules ouvertes) ; or, intervalles ouverts et boules ouvertes
coïncident d’après (I.7).

I.3 Densité de Q dans R


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Notons d’abord que R est, comme tous les corps ordonnés, un corps de caractéristique
zéro au sens où
x ∈ R , x  0 , n ∈ N∗ ⇒ nx  0 . (I.10)
En effet, x > 0 entraîne nx  x > 0 d’après l’axiome 2 et une récurrence sur n
(noter que b1  a1 et b2  a2 entraîne b1 + b2  a1 + a2 ) ; de même, x < 0 entraîne
nx < 0. Comme tous les corps commutatifs de caractéristique zéro, R contient une
copie du corps Q des rationnels ; plus précisément, l’application ϕ : Q → R définie
 
par ϕ qp = (p · 1)(q · 1)−1 , où p ∈ Z, q ∈ N∗ , est un isomorphisme croissant du
corps ordonné Q sur un sous-corps de R, qu’on note encore Q par abus de langage.
Le théorème suivant est fondamental.

3
Chapitre 1 • Le corps des réels

Théorème I.4. Q est dense dans R.

Démonstration. En vertu de (I.9), il s’agit de montrer que tout intervalle ouvert


]a, b[, où a < b, contient un rationnel qp ; d’après l’axiome 3, il existe q ∈ N tel
p p−1
que q > 1
b−a , ou 1
q < b − a ; soit p ∈ Z le plus petit entier tel que q > a ; alors q  a,
d’où
p p−1 1
a< = + < a + (b − a) = b ,
q q q
p
et q répond à la question. ❑

II L E THÉORÈME DE LA BORNE SUPÉRIEURE


II.1 Le théorème
Donnons d’abord deux définitions ; soit (X, ) un ensemble totalement ordonné, A
une partie non vide de X, x, m ∈ X.

x est un majorant de A si x  a pour tout a ∈ A . (II.1)





⎨ m est la borne supérieure de A si m est un majorant de A


⎩ et si x majorant de A entraîne x  m .
(II.2)

La borne supérieure, si elle existe, est par définition le plus petit des majorants : elle
est donc unique et se note sup A ; on définit de même un minorant de A et la borne
inférieure (si elle existe) de A, qui est le plus grand des minorants et se note inf A ; A
est dite majorée (resp. minorée) si elle possède un majorant (resp. un minorant) ; le
théorème suivant est lui aussi fondamental.

Théorème II.1 (Théorème de la borne supérieure).

a) Toute partie A non vide majorée (resp. minorée) de R possède une borne supé-
rieure (resp. une borne inférieure) m.
b) m est caractérisé par les deux propriétés suivantes :
i) m  a pour tout a ∈ A,
ii) pour tout ε > 0, il existe a ∈ A tel que a  m − ε.
c) m ∈ A, autrement dit tout intervalle ouvert contenant m coupe A.

Démonstration. a) Soit M l’ensemble non vide des majorants de A ; fixons a ∈ A


et b ∈ M ; pour tout n ∈ N, il existe p ∈ N tel que a + p 2−n  b, a fortiori tel

4
II. Le théorème de la borne supérieure

que a + p 2−n ∈ M ; soit pn le plus petit entier ayant cette deuxième propriété, et

In = a + (pn − 1) 2−n , a + pn 2−n ; observons d’abord que

2 pn − 1  pn+1  2 pn . (II.3)

En effet, a + 2 pn 2−n−1 = a + pn 2−n ∈ M, donc pn+1  2 pn ; d’autre part a + (2 pn −


2) 2−n−1 = a + (pn − 1) 2−n  M, donc pn+1 > 2 pn − 2.
(II.3) entraîne
In+1 ⊂ In . (II.4)

En effet, a + (pn+1 − 1) 2−n−1  a + (2 pn − 2) 2−n−1 = a + (pn − 1) 2−n , et


a + pn+1 2−n−1  a + 2 pn 2−n−1 = a + pn 2−n . D’après l’axiome 4, l’intersection des
segments emboîtés In contient au moint un point m ; on voit que

x ∈ A ⇒ x  a + pn 2−n = a + (pn − 1) 2−n + 2−n  m + 2−n .

Faisant tendre n vers +∞, on obtient x  m, d’où m ∈ M. Soit y un autre élément de


M ; pour tout n, il existe xn ∈ A tel que xn > a+(pn −1) 2−n , puisque a+(pn −1) 2−n 
M ; d’où y  xn > a + (pn − 1) 2−n  m − 2−n ; faisant tendre n vers +∞, on obtient
y  m, ce qui montre que m est la borne supérieure de A.
b) L’inégalité xn  m − 2−n dans a) montre que m vérifie i) et ii) ; si m
vérifie ces
conditions, on a en particulier m
 a  m − ε d’où m
 m vu l’arbitraire sur ε, et de
même m  m
, i.e. m = m
.
c) Il s’agit (cf. chapitre II) de trouver une suite (xn ) de A convergeant vers m ; or la
suite (xn ) du a) fait l’affaire, puisqu’elle vérifie la double inégalité m − 2−n  xn  m.

Remarque II.2. Le théorème de la borne supérieure, vrai pour R, ne l’est plus pour
Q (cf. exercice 13) ; c’est l’une des grandes supériorités des réels sur les rationnels,
et une des justifications de leur introduction ; en voici d’autres.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

II.2 Suites de Cauchy ; suites monotones


Une suite (xn ) de réels est dite de Cauchy si elle vérifie la propriété suivante, qui sera
reprise entre autres au chapitre V :

(∀ ε > 0)(∃ n0 ∈ N)(∀ p, q  n0 ) : d(x p , xq ) = |x p − xq |  ε . (II.5)

En termes intuitifs, (xn ) est de Cauchy si x p − xq → 0 quand p, q → ∞ ; une


suite (xn ) convergeant vers  est de Cauchy (cf. chapitre II) d’après l’inégalité
d(x p , xq )  d(x p , ) + d(, xq ), mais l’intérêt de (II.5) est de ne pas faire intervenir la

5
Chapitre 1 • Le corps des réels

limite éventuelle et de pouvoir parfois conclure à son existence sans être capable de
la calculer. Voici d’autres définitions importantes :

(xn ) est croissante si xn+1  xn pour tout n ∈ N . (II.6)

(On a alors xq  x p pour q  p).

(xn ) est décroissante si xn+1  xn pour tout n ∈ N . (II.7)

(On a alors xq  x p pour q  p).

(xn ) est monotone si elle est soit croissante soit décroissante . (II.8)

« Tout ce qui monte converge » selon Teilhard de Chardin ; voici la version mathéma-
tique qui dit la même chose en termes peut-être moins poétiques ...

Théorème II.3.

a) Toute suite de réels croissante, majorée converge dans R vers sa borne supérieure.
b) Toute suite de réels croissante, non majorée converge vers +∞.

Démonstration. a) Soit A l’ensemble des termes xn de la suite ; A étant majoré, sa


borne supérieure m = sup A existe d’après le théorème II.1 ; soit ε > 0 ; toujours
d’après II.1, il existe n0 tel que xn0  m − ε ; la suite étant croissante, on voit que :

n  n0 ⇒ m − ε  xn0  xn  m , d’où |xn − m|  ε .

Par définition (cf. chapitre II) xn converge vers m.


b) Soit y un réel ; A étant cette fois non majoré, il existe n0 tel que xn0  y et on voit
que :
n  n0 ⇒ xn  xn0  y .
Par définition, cela signifie que xn converge vers +∞. ❑

On a bien sûr un énoncé analogue avec des suites décroissantes.

Théorème II.4. Toute suite de Cauchy de R converge dans R ; en d’autres termes,


R est complet (cf. chapitre V).

Démonstration. Soit (xn ) une suite de Cauchy de R ; définissons n1 comme le plus


petit entier tel que |x p − xn1 |  2−2 pour tout p  n1 , puis par récurrence nk comme
le plus petit entier  1 + nk−1 tel que |x p − xnk |  2−k−1 pour tout p  nk ; nous avons
alors
nk+1 > nk ; |xnk+1 − xnk |  2−k−1 . (II.9)

6
II. Le théorème de la borne supérieure


Il en résulte que les segments Ik = xnk − 2−k , xnk + 2−k sont décroissants,
puisque xnk+1 + 2−k−1  xnk + 2−k−1 + 2−k−1 = xnk + 2−k et de même
xnk+1 − 2−k−1  xnk − 2−k−1 − 2−k−1 = xnk − 2−k ; d’après l’axiome 4, leur intersection
contient un réel , avec
|xnk − |  2−k . (II.10)
(II.10) montre que la suite (yk ) = (xnk ) converge vers  quand k → ∞ ; et une suite de
Cauchy qui contient une sous-suite convergente converge, vérifions-le ici ; soit ε > 0,
n0 comme dans (II.5), k0 ∈ N assez grand pour qu’on ait 2−k0  ε et nk0  n0 (c’est
possible d’après (II.9)) ; alors n  nk0 entraîne |xn − |  |xn − xnk0 | + |xnk0 − | 
ε + 2−k0  2ε, ce qui prouve le théorème puisque ε est arbitrairement petit. ❑

Remarque II.5. Là encore (cf. exercice 13) le fait d’être complet est une propriété
possédée par le corps des réels, et non par celui des rationnels.

II.3 Le théorème de Borel-Lebesgue


• Une partie de R s’appelle un ouvert si c’est une réunion d’intervalles ouverts (avec
la convention ∪ . . . = ∅).

• On dit qu’une famille (ωi )i∈I de parties de X est un recouvrement de A ⊂ X si
A ⊂ ∪ ωi .
I
Le théorème suivant semble avoir été découvert par Borel et Lebesgue lorsqu’ils
tentèrent d’établir de façon rigoureuse que la longueur b − a d’un segment [a, b] est
plus petite que la somme des longueurs des segments non triviaux le recouvrant.

Théorème II.6 (Théorème de Borel-Lebesgue). Soit (ωi )i∈I un recouvrement


ouvert du segment [a, b] = K ; alors il existe J fini, J ⊂ I tel que (ωi )i∈J soit en-
core un recouvrement de K (on dit que K admet un sous-recouvrement fini extrait des
ωi ).
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Démonstration. Soit A l’ensemble des x ∈ K tels que [a, x] puisse être recouvert par
un nombre fini de ωi , et soit m = sup A  b ; nous allons voir que

m∈A; m=b. (II.11)

En effet, m ∈ K, donc il existe j tel que m ∈ ω j , et h > 0 tel que [m − h, m + h] ⊂ ω j ;


on peut trouver x ∈ A tel que x  m − h ; [a, x] est recouvert par un nombre p de ωi ;
en leur ajoutant ω j , on voit que [a, m + h] est recouvert par p+ 1 des ωi ; en particulier
m ∈ A ; si m < b, en diminuant au besoin h, on a m + h ∈ K et donc m + h ∈ A, ce
qui contredit la définition de m et achève de prouver (II.11). Or, (II.11) dit que K est
recouvert par un nombre fini de ωi . ❑

7
Chapitre 1 • Le corps des réels

II.4 Racine carrée ; caractérisation des réels positifs


Le théorème de la borne supérieure permet d’avoir une caractérisation algébrique
remarquable de la demi-droite positive R+ = [0, ∞[.

Proposition II.7. Soit x ∈ R ; on a équivalence entre :


a) x ∈ R+ ,
b) x est un carré parfait : x = y2 , y ∈ R.

Démonstration. b)⇒a) est facile ; si y  0, x = y2  0 par l’axiome 2 ; si y < 0,


x = (−y)2  0.
a)⇒b) : si x = 0, il n’y a rien à prouver ; si x > 0, posons

A = {y ∈ R+ ; y2  x} .

A est non vide car 0 ∈ A ; A est majoré par x + 1 car y  x + 1 entraîne y2  (x + 1)2 =
x2 + 2x + 1 > x ; A admet donc une borne supérieure m ∈ R+ ; m > 0 car, si p ∈ N∗
et 1p  x, p12  1p  x et 1p ∈ A ; je dis que

m2 = x . (II.12)

Soit en effet ε > 0 ; d’après l’axiome 3, il existe n ∈ N∗ tel que 1n  m et 2m


n ε:
d’après les propriétés de m = sup A, il existe y ∈ A tel que y  m − 1n ; d’où

2m
x  y2  m2 −  m2 − ε .
n

ε étant arbitraire, il vient m2  x ; si m2 < x, on trouve ε > 0 tel que (m + ε)2  x,


d’où m + ε ∈ A, ce qui contredit la définition de m ; on a donc (II.12). ❑

Remarque II.8. Si z ∈ R est une racine carrée de x (i.e. z2 = x), on a (z − y)(z + y) =


z2 − y2 = x − x = 0, donc x > 0 a exactement deux racines carrées : l’une positive y,

l’autre négative −y. y s’appelle la racine carrée positive de x et se note x. Voici une
application classique mais frappante de la caractérisation algébrique de R+ .

Proposition II.9. Soit f : R → R un homomorphisme d’anneau ( f (x + y) = f (x)+


f (y); f (xy) = f (x) f (y), ∀ x, y) non identiquement nul ; alors f est l’identité.

Démonstration. La simple hypothèse d’additivité sur f suffit à impliquer

f (rx) = r f (x) , ∀r∈Q, ∀x∈R. (II.13)

8
II. Le théorème de la borne supérieure

On vérifie (II.13) d’abord pour r ∈ N, par récurrence ; puis pour r ∈ Z, d’après


l’imparité de f ; si r = qp avec p ∈ Z, q ∈ N, on voit que p f (x) = f (px) = f (qrx) =
q f (rx), d’où f (rx) = qp f (x) = r f (x). Malgré la densité de Q dans R, on ne peut en
général aller plus loin sans condition de régularité sur f . Mais les deux hypothèses
vont permettre de montrer que f est croissante, la proposition II.7 jouant un rôle
décisif :
u  v ⇒ f (u)  f (v) . (II.14)
En effet, u  v ⇒ v − u  0 ⇒ v − u = y2 ⇒ f (v − u) = ( f (y))2 ⇒ f (v − u)  0
⇒ f (v) − f (u)  0 ⇒ f (u)  f (v). Il est maintenant facile de conclure, en observant
d’abord que
f (1) = 1 . (II.15)
(Il existe x0 tel que f (x0 )  0 ; alors (1 − f (1)) f (x0 ) = f (x0 ) − f (1x0 ) = 0, et
1 − f (1) = 0).
Soit ensuite x ∈ R, ε > 0, r1 et r2 ∈ Q tels que x − ε  r1  x  r2  x + ε ; (II.13),
(II.14), (II.15) entraînent r1 = f (r1 )  f (x)  f (r2 ) = r2 , d’où x − ε  f (x)  x + ε ;
ε étant arbitraire, f (x) = x. ❑

Remarque II.10. Il existe des fonctions très irrégulières (non mesurables au sens
de Lebesgue) vérifiant :
(∗) f (x + y) = f (x) + f (y) pour tous x, y ∈ R. Mais on peut montrer que, dès que f
est un peu régulière (mesurable au sens de Lebesgue précisément !),
(∗) suffit à entraîner f (x) = x f (1) pour tout x ∈ R.
cf. Exercices 1 et 16, et remarque II.15.

II.5 Intervalles se coupant deux à deux ; propriété


des deux boules de R
Voici encore une conséquence du théorème II.1, qui joue notamment un rôle clé dans
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

la preuve du théorème de Hahn-Banach et peut aussi passer pour un cas particulier


du théorème de Helly (cf. [Eg]) : « des convexes compacts de Rn qui se coupent n + 1
à n + 1 se coupent tous ».

Proposition II.11. Soit (It )t∈T une famille de segments se coupant deux à deux ;
alors les It se coupent tous : ∩ It  ∅.
t∈T

Démonstration. Posons It = [at , bt ], A = {at ; t ∈ T }, B = {bs ; s ∈ T } et notons que

at  bs , ∀s, t∈T . (II.16)

9
Chapitre 1 • Le corps des réels

En effet, [at , bt ] ∩ [as , bs ] contient un point c, et at  c  bs . Fixons s ;


(II.16) montre que A est majoré par bs , donc a := sup A existe et a  bs , puis
a ∈ I s ; faisant maintenant varier s, on voit que a ∈ ∩ Is . ❑

Remarque II.12. Il est facile de voir qu’on a plus précisément ∩ It = [a, b] avec
a = sup A, b = inf B.
D’après (I.7), la proposition II.11 admet la reformulation suivante (cf. chapitre II pour
la définition d’une boule).

Proposition II.13 (Propriété des deux boules). Toute famille de boules fer-
mées de R se coupant deux à deux a une intersection non vide.

Cette propriété est partagée par très peu d’espaces métriques : par exemple, il
est clair qu’on peut trouver dans R2 euclidien trois boules fermées se coupant deux
à deux et d’intersection vide (cf. figure 1.1) ; pour insister sur l’importance de la
proposition II.11 ou de la remarque II.12, voici encore une proposition qui n’est autre,
comme on l’a déjà dit, que le point central du théorème de Hahn-Banach (forme
analytique ; cf. par exemple [R], p. 106).

B1

B3 B2

B1 B2 B3 =
Figure 1.1

Proposition II.14. Soit E un R−ev, M un hyperplan de E, p une sous-norme sur E,


f une forme linéaire sur M telle que f (x)  p(x) pour tout x ∈ M ; alors, f peut être
prolongée en une forme linéaire g sur E telle que g(z)  p(z) pour tout z ∈ E.

10
Exercices

Démonstration. Par hypothèse, il existe x0 ∈ E tel que E = M ⊕ R x0 ; il s’agit de


définir g(x0 ) = a, puis g(x + t x0 ) = f (x) + ta, de façon que

f (x) + ta  p(x + t x0 ) , ∀t∈R, ∀x∈ M. (II.17)

t = 0 correspond à l’hypothèse ; t > 0 s’écrit aussi bien, vu l’arbitraire sur x et le fait


que p est positivement homogène :

f (x) + a  p(x + x0 ) , ∀x∈M. (II.17+ )

De même, t < 0 donne

f (x) − a  p(x − x0 ) , ∀x∈M. (II.17− )

En d’autres termes, on veut trouver : a ∈ ∩ Ix , où Ix = [ax , bx ],


x∈M
ax = f (x) − p(x − x0 ), bx = − f (x) + p(x + x0 ) ; d’après II.11, tout revient à montrer
que, pour tous x, y ∈ M : ax  by ; mais

ax  by ⇔ f (x) − p(x − x0 )  p(y + x0 ) − f (y)


⇔ f (x + y)  p(x − x0 ) + p(y + x0 ) ;

or, cette dernière inégalité est vraie puisqu’on a

f (x + y)  p(x + y) = p(x − x0 + y + x0 )  p(x − x0 ) + p(y + x0 ) . ❑

Exercices
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Certains exercices font appel à des notions et définitions des chapitres suivants.

1.1 a) Soit f : R → R continue avec f (x + y) = f (x) + f (y) pour tous x, y ∈ R ;


montrer que f (x) = cx, où c = f (1).
b) Soit (ei )i∈I une base du Q-espace vectoriel R, et (e∗i )i∈I le système dual, i.e :

e∗i ∈ R∗ ; et e∗i (e j ) = δi, j , ∀i, j ∈ I.

Montrer que, pour tout i, e∗i vérifie l’équation fonctionnelle précédente, mais n’est
pas continue sur R (e∗i n’est même pas mesurable-Lebesgue ; cf. remarque II.15 et
exercice 16).

11
Chapitre 1 • Le corps des réels

1.2 Soit f : R → R isométrique, i.e. | f (x) − f (y)| = |x − y| pour tous x, y.


a) Montrer que f (0) = 0 entraîne f (x) f (y) = xy pour tous x, y.
b) Montrer que f est une application affine x → a + x ou x → a − x.
 
1.3 Soit a > 0 et (xn ) la suite de réels définie par x0 = 1 et xn+1 = 12 xn + xa , n ∈ N.

n

a) Montrer que (xn )n∈N∗ décroît et en déduire que xn tend vers a.



xn − a
b) Soit εn = √; montrer que εn+1 = ε2n ; quelles informations cela donne-t-il sur
xn + a √
la vitesse de convergence de xn vers a ?

1.4 On sait que (cf. par exemple [HL]) pour tout ensemble X le cardinal de P(X)
est strictement supérieur à celui de X.

n
a) Soit ω = (εn (ω)) ∈ {0, 1}N ; montrer que la suite de terme général εk (ω) 3−k est
1


croissante majorée ; on note sa limite par ϕ(ω) ou par εk (ω) 3−k .
1

b) Montrer que ϕ est une injection de {0, 1}N dans R ; en déduire que la cardinalité
de R est strictement supérieure à celle de N ; on dit que R n’est pas dénombrable
(théorème de Cantor).

1.5 Soit I = [0, 1], a ∈ I.



a) En écrivant |x − a| = 1 − (1 − (x − a)2 ), montrer que la fonction x → |x − a| est
limite uniforme sur I de polynômes ; idem pour x → (x − a)+ .
b) Soit f : I → R continue, affine par morceaux ; montrer qu’il existe λ0 , λ1 , . . . , λn ∈

n
R et a1 , . . . , an ∈ I tels que f (x) = λ0 + λk (x − ak )+ , x ∈ I.
k=1
c) Soit f : I → R continue ; montrer que f est limite uniforme sur I de fonctions
continues affines par morceaux ; en déduire que f est limite uniforme sur I de poly-
nômes (preuve par Lebesgue du théorème de Weierstrass).

1.6 Théorie de la mesure


Soit (X, A , μ) un espace mesuré, avec μ positive et μ(X) = 1 ; soit (Ai )i∈I une famille
d’éléments de A ; si J ⊂ I est dénombrable, on pose A J = ∪{Ai ; i ∈ J} ; A J ∈ A .
a) Montrer que l’ensemble des μ(A J ) admet une borne supérieure m, et qu’il existe
J0 dénombrable tel que m = μ(A J0 ).
b) Soit A = A J0 ∈ A ; montrer que A contient « presque » tous les Ai au sens où :
i ∈ I ⇒ μ(Ai ∩ Ac ) = 0. Et que si B ∈ A vérifie μ(Ai ∩ Bc ) = 0 ∀i ∈ I, on a
μ(A ∩ Bc) = 0.

12
Exercices

1.7 Soit (an ) une suite de réels non bornée ; on se propose de montrer qu’il existe
x ∈ R tel que eian x ne tend pas vers 1.
a) Construire par récurrence des segments emboîtés non réduits à des points I1 ⊃
... ⊃  
Ik ⊃ Ik+1 ... et des entiers n1 < . . . < nk < nk+1 ... avec y ∈ Ik ⇒ eiank y − 1  1.
b) Montrer que l’intersection des Ik n’est pas vide et conclure.

1.8 (Suite). Soit (an ) une suite de réels.


a) On suppose que eian x tend vers 1 pour tout x ∈ R ; montrer que an tend vers 0.
b) On suppose que eian x converge pour tout x ∈ R ; montrer que (an ) est de Cauchy,
puis que (an ) converge.

1.9 Avec les notations de l’exercice 6, soit ( fn ), f des fonctions positives de


L1 (X, A , μ) telles que
i) fn → f , μ−presque partout ;
 
ii) fn dμ → f dμ.

Montrer que | f − fn | dμ → 0 (on pourra appliquer le théorème de convergence
dominée à la suite ( f − fn )+ ).

1.10 Soit F un espace normé ayant la propriété des deux boules (une famille de
boules fermées se coupant deux à deux a une intersection non vide) ; soit M un hy-
perplan d’un espace normé E et f : M → F linéaire continue de norme  1,i.e. :
|| f (x)||  1 pour ||x||  1 ; montrer que f se prolonge en g : E → F linéaire continue
de norme  1.

1.11 Montrer que l’espace ∞ des suites bornées x = (xn )n0 de réels, normé par
||x|| = supn |xn |, a la propriété des deux boules.
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1.12 a) Soit (xn )n1 une suite de réels ; montrer qu’on peut en extraire une suite
monotone.
b) Soit X = (x1 , . . . , x p ) une suite de p réels distincts avec p = n2 + 1, n ∈ N∗ ;
i) soit f : X → N∗2 définie par f (xi ) = (ai , bi ) où ai (resp. bi ) est la longueur de la
plus grande suite croissante (resp. décroissante) commençant par xi et extraite de
X ; montrer que f est injective.
ii) Montrer qu’on peut extraire de X une suite monotone de longueur n + 1 ; en consi-
dérant l’exemple n, . . . , 2, 1, 2n, . . . , n + 2, n + 1, . . . , n2 , . . . , n2 − n + 1, montrer
que ce résultat est optimal en général.

13
Chapitre 1 • Le corps des réels

1.13 On considère les deux suites de rationnels an = 1+ 1!


1
+. . .+ n!1 et bn = an + n·n!
1
,
(n ∈ N∗ ).
a) Montrer que (an ) est strictement croissante, (bn ) strictement décroissante, et que
ai  b j pour tous i, j ∈ N∗ .
b) Montrer que les segments de rationnels In = [an , bn ] sont emboîtés et d’intersec-
tion vide.
c) Montrer que l’ensemble A des an n’a pas de borne supérieure dans Q.
d) Montrer que la suite (an ) est de Cauchy, mais divergente dans Q.

1.14 a) Soit G un sous-groupe de R non réduit à zéro ; on pose

G+ = {x ; x ∈ G, x > 0}, et m = inf G+ .

i) Si m > 0, montrer que G = mZ.


ii) Si m = 0, montrer que G est dense dans R, c’est-à-dire : tout intervalle ]a, b[, où
a < b, contient au moins un point de G.
b) Soit α ∈ R un irrationnel ; montrer que le sous-groupe Zα + Z est dense dans R.

1.15 Montrer que 2 est irrationnel.

1.16 Théorème de Steinhaus


Soit n un entier  1, m = dx la mesure de Lebesgue sur Rn (on note x =
(x1 , . . . , xn ), dx = dx1 · · · dxn ), A et B deux parties mesurables de Rn . On se pro-
pose de montrer que :

m(A) > 0 et m(B) > 0 ⇒ A + B contient un ouvert non-vide Ω. (1.1)

(A+B désigne l’ensemble des sommes a + b, où a ∈ A, b ∈ B).


a) Montrer qu’on peut, sans perte de généralité, supposer en plus que m(A) < ∞ et
m(B) < ∞, hypothèse qu’on fait dans la suite.
b) Soit u = 1A , v = 1B ∈ L∞ (Rn ) ∩ L1 (Rn ) et w = u ∗ v leur produit de convolution
défini par

w(x) = u(x − y)v(y)dy.
Rn

Montrer que w est continue, non identiquement nulle.


c) Montrer qu’il existe un ouvert non-vide Ω sur lequel w > 0.
d) Montrer que Ω ⊂ A + B, ce qui prouve (1.1) (théorème de Steinhaus).

14
Corrigés

1.17 Soit q un entier  3, et A = {0, 1, . . . , q − 1} l’alphabet associé. On fixe


p ∈ A, 1  p  q − 2 et on désigne par B = A\{p} l’alphabet A privé de la lettre p.
Soit K l’ensemble des réels x qui peuvent s’écrire



εn
x= avec εn ∈ B.
n=1
qn

a) Montrer que K ⊂ [0, 1] et que m(K) = 0.


b) Montrer que, pour tout α ∈ A, il existe ε, ε
∈ B tels que 2α = ε + ε
.
c) Montrer que 2K := K + K contient le segment [0, 2]. Ainsi, la réciproque de
l’exercice 1.16 est fausse.

Corrigés

1.1 a) Variante facile de la proposition II.9.


b) e∗i est une forme Q−linéaire sur R, donc est additive par définition ; mais e∗i (0) = 0,
e∗i (ei ) = 1, donc e∗i ne vérifie pas le théorème de la valeur intermédiaire, étant à va-
leurs rationnelles ; a fortiori, elle n’est pas continue (on montre même facilement que
son graphe est dense dans R2 !).

1.2 a) On « élève l’hypothèse au carré » et on simplifie.


b) Si f (0) = 0, a) montre que f (x) = εx, où ε = f (1) = ±1 ; le cas général s’en déduit
par translation.
√  √
1.3 a) L’inégalité u+v  uv pour u, v ∈ R + montre que x  xn xan = a ;
2 n+1
√  a−x2 
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

donc xn  a pour n ∈ N∗ , et xn+1 − xn = 12 xn n  0. (xn ) décroissante mino-


√  
rée par a possède une limite  > 0 telle que (cf. chapitre II)  = 12  + a ; d’où
√ 2 √
( − a) = 0 et  = a.
√ √ 2 √ √ 2
b) xn+1 − a = 12 (xn −xn a) et xn+1 + a = 12 (xn +xn a) , d’où εn+1 = ε2n ; numéri-
quement (cas particulier de la méthode de Newton), on double le nombre de zéros
en base 10 en passant de εn à εn+1 (εn → 0) et on double (approximativement) le

nombre de décimales exactes de a quand on passe de xn à xn+1 ; le test a = 2 est
assez convaincant.

1.4 Cf. proposition IV.6, chapitre III.

15
Chapitre 1 • Le corps des réels



1.3.5...(2n−3)
1.5 a) 1−u = 1− an un pour −1 < u < 1, avec a1 = 1
2 et an = 2.4...2n
1

N √
pour n  2 (cours de L1/L2) ; en particulier 0  an un  1 − 1 − u  1 pour
1

N
0  u < 1, et faisant tendre u vers 1 : an  1 ; la série an à termes positifs a ses
1


sommes partielles majorées, donc converge ; donc 1 − an un converge normalement
√ 1
vers 1 − u sur [−1, 1] ; avec u = 1 − (x − a) ∈ [−1, 1], on voit que la suite de
2

N
polynômes PN , où PN (x) = 1 − an (1 − (x − a)2 )n converge uniformément vers |x − a|
1
sur I ; de plus, (x − a)+ = 1
2 [|x − a| + (x − a)].
b) Par hypothèse, il y a une subdivision (ai ) avec −1 = a1 < . . . < an = 1, telle que f

n
est affine sur [ai , ai+1 ], 1  i  n − 1 ; pour tous λ0 , . . . , λn , g(x) := λ0 + λk (x − ak )+
1
est aussi affine sur chaque [ai , ai+1 ], et on ajuste les λk pour avoir g(ai ) = f (ai ),
i = 1, . . . , n. g(a1 ) = f (a1 ) donne λ0 = f (a1 ) ; g(a2 ) = f (a2 ) donne λ0 + λ1 (a2 − a1 ) =
f (a2 ), ce qui détermine λ1 ; on détermine de proche en proche λ2 , . . . , λn et on obtient
g(x) = f (x) pour tout x ∈ I.
c) On utilise la continuité uniforme de f sur I (cf. chapitre III) pour l’approcher par
des fonctions affines par morceaux, puis on combine a) et b).

1.6 a) L’ensemble des μ(A J ) est majoré par 1, donc a une borne supérieure m ;
d’après le théorème II.1, il existe pour tout n de N∗ une partie dénombrable Jn ⊂ I

telle que : μ(A Jn )  m − 1n ; posons J0 = ∪ Jn ; J0 est encore une partie dénombrable
1
de I (cf. [HL]), donc μ(A J0 )  m ; de plus μ(A J0 )  μ(A Jn )  m − 1n pour tout n, d’où
μ(A J0 ) = m.
 
b) Soit i ∈ I ; J0 ∪ {i} est dénombrable et contient J0 , d’où μ A J0 ∪{i} = m ; autrement
dit, μ(A ∪ Ai ) = μ(A), et μ(Ai ∩ Ac ) = μ(A ∪ Ai ) − μ(A) = 0.

1.7 a) On construit les Ik sous la forme [yk − hk , yk + hk ], hk > 0 ; soit n1 avec


an1  0 ; la fonction 2π
périodique, y → eian1 y − 1 atteint l’ensemble [0, 2] de ses
|an1 |

valeurs sur tout segment de longueur |a2π | , en particulier il existe y1 ∈ 0, |a4π n1 |
[ tel
   1
n 
y y
que e n1 1 − 1 = 2 et h1 > 0 tel que e n1 − 1  1 si y ∈ [y1 − h1 , y1 + h1 ] = I1 ;
ia ia

ayant construit I1 ⊃ I2 ⊃ . . . ⊃ Ik et n1 < . . . < nk , on choisit n k+1  1 + nk tel que


|ank+1 | < hk , et il existe de même yk+1 ∈ ]yk − hk , yk + hk [ tel

que eiank+1 yk+1 − 1 = 2, et
 
h > 0 tel que I
k+1 k+1 := [y − h , y + h ] ⊂ I et eiank+1 y − 1  1 si y ∈ I ;
k+1 k+1 k+1 k+1 k k+1
d’où le résultat.

16
Corrigés

b) D’après l’axiome des segments emboîtés, ∩ Ik contient un point x ; on voit que


  k
eiank x − 1  1 pour tout k, donc eian x ne tend pas vers 1.

1.8 a) D’après 7), (an ) est bornée : |an |  M pour tout n ∈ N ; fixons x ∈ 0, Mπ ;
alors, via l’inégalité | sin u|  2 |u| pour |u|  π , on a : eian x − 1 = 2  sin an x  
π 2 2
2
π |an | x, et il en résulte que an → 0.
Remarque. On a une solution
∞ immédiate sion s’autorise l’emploi du théorème de
−(1+ian ) x dx →
∞ −x
convergence dominée : 0 e 0
e dx, autrement dit 1+ia 1
n
→ 1 et
an → 0.
Soit (nk ) une suite croissante d’entiers : n1 < n2 < . . . < nk < nk+1 . . . ; et soit
eiank+1 x l(x)
l(x) = lim eian x ; |l(x)| = 1, donc ei(ank+1 − ank )x = ia x → = 1 pour tout x, et a)
n e nk l(x)
entraîne ank+1 − ank → 0 ; ceci montre (cf. chapitre 5, Proposition I.3) que (an ) est de
Cauchy et converge, puisque R est complet.

1.9 | f − fn | = 2( f − fn )+ − ( f − fn ), et ( f − fn ) dμ → 0 par hypothèse ; il suffit

donc de montrer que ( f − fn )+ dμ → 0, et c’est là qu’on peut appliquer le théo-
rème de convergence dominée (qui ne marche pas en général pour | f − fn |) ; en effet,
pp
0  ( f − fn )+  f , et f ∈ L1 (μ) ; d’autre part ( f − fn )+ −→ ( f − f )+ = 0, donc le
résultat s’ensuit.

1.10 On imite la preuve de la proposition II.14 ; E = M ⊕ R x0 , et on cherche


a = g(x0 ) ∈ F tel que : || f (x) + ta||  ||x + t x0 ||, ∀ t ∈ R, ∀ x ∈ M. Une norme étant
homogène cela revient à la condition :
|| f (x) − a||  ||x − x0 || , ∀x∈M. (IV.1)
Or les boules B ( f (x), ||x − x0 ||), où x ∈ M, se coupent deux à deux : car pour deux
telles boules la distance des centres est inférieure à la somme des rayons :
|| f (x) − f (y)|| = || f (x − y)||  ||x − y|| = ||(x − x0 ) − (y − x0 )||
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

 ||x − x0 || + ||y − x0 || ;
d’après l’hypothèse sur F, ces boules se coupent toutes : un point a de leur intersec-
tion répond à la question.

1.11 Soit Bi = B(xi , ri ) des boules fermées de ∞ se coupant deux à deux (i ∈ I) ;


pour chaque n, les boules projetées pn (Bi) se coupent deux à deux dans R ; en ef-
fet si ||c − xi ||  ri et ||c − x j ||  r j , on a aussi |pn (c) − pn (xi )|  ||c − xi ||  ri et
|pn (c) − pn (x j )|  ||c − x j ||  r j , d’où pn (c) ∈ pn (Bi) ∩ pn (B j ) ; d’après la proposition
II.13, il existe pour chaque n un an ∈ ∩ pn (Bi ) ; si a = (an ), a ∈ ∞ , et a ∈ ∩ Bi .
i i

17
Chapitre 1 • Le corps des réels

1.12 a) Distinguons deux cas exclusifs.


Cas 1 : (∃ p) (∀ q > p) (∃ r > q) ; xr  xq .
Alors on peut fabriquer par récurrence des entiers n1 < n2 < . . . < nk < . . . avec
n1 = p + 1 et (xnk ) croissante.
Cas 2 : (∀ p) (∃ q > p) (∀ r > q) : xr < xq .
Alors on peut fabriquer par récurrence des entiers n1 < n2 < . . . < nk < . . . avec
n1 > 1 et xr < xnk pour tout r > nk ; (xnk ) est strictement décroissante.
b) i) Si xi  x j , on a par exemple i < j ; distinguons ensuite deux cas :
Cas 1 : xi < x j : alors (xi , x j ) est le début d’une suite croissante, donc ai  1 + a j .
Cas 2 : xi > x j : alors (xi , x j ) est le début d’une suite décroissante, donc bi  1 + b j .
Dans tous les cas, f (xi )  f (x j ).
ii) Si on a toujours max(ai , bi )  n, f est une injection de X dans le carré d’entiers
[1, n] × [1, n], et X a moins de n2 éléments, contrairement à l’hypothèse ; donc on
peut trouver i tel que max(ai , bi )  n + 1 ;
si ai  n + 1, on peut extraire une suite croissante de longueur n + 1 ;
si bi  n + 1, on peut extraire une suite décroissante de longueur n + 1.
Sur l’exemple à n2 termes considéré, on peut extraire au mieux une suite croissante
k, k + n, k + 2n, . . . , k + (n − 1) n ; ou une suite décroissante kn, kn − 1, . . . , kn − n + 1,
avec 1  k  n.
−1
1.13 a) an+1 − an = (n+1)!
1
et bn+1 − bn = n·n!(n+1)2 ; si k = max(i, j), ai  ak  bk
 b j.
p ∞ p θn
b) Si q ∈ ∩ In , on a pour tout n : q = an + n·n! , où 0 < θn < 1. (En effet,
1
p p θq
an < an+1  q  bn+1 < bn ). En particulier : q = aq + q·q! ; en multipliant par

q · q!, on obtient θq ∈ Z, ce qui est absurde : θq ∈]0, 1[. On a donc ∩ In = ∅.
1
c) Si m = sup A existe dans Q, on a pour tout n : m  an , et m  bn , puisque bn est un

majorant de A ; donc, m ∈ ∩ In , ce qui contredit b).
1
d) Soit p, q entiers avec p < q ; a) montre que 0  aq − a p  b p − a p = 1
p·p! ; (an ) est

donc de Cauchy ; si an →  ∈ Q, on a encore une fois la contradiction  ∈ ∩ In . Bien
1
sûr, an converge dans R vers le célèbre nombre e, et b) est la preuve, due à Fourier,
de l’irrationalité de e.

18
Corrigés

1.14 a) i) Supposons que m  G+ ; alors on peut trouver x ∈ G tel que m < x < 2m,
puis y ∈ G tel que m < y < x ; x − y ∈ G+ et 0 < x − y < m ce qui est absurde ; on
a donc m ∈ G+ , et m est le plus petit élément > 0 de G ; soit maintenant x ∈ G+ ; par
l’axiome 3, on peut trouver p ∈ N tel que pm  x < (p + 1)m. Alors x − pm est un
élément  0 de G vérifiant x − pm < m, d’où x − pm = 0 et x ∈ mZ ; on en déduit
G = mZ.
ii) On peut trouver x ∈ G tel que 0 < x < b − a, et n ∈ Z tel que (n − 1)x  a < nx ;
alors nx = (n − 1)x + x < a + b − a = b, et nx ∈ G∩ ]a, b[.
b) D’après a), si Zα + Z n’est pas dense dans R, il existe m > 0 tel que Zα + Z = mZ ;
en particulier, il existe p, q ∈ Z∗ tels que α = pm et 1 = qm ; d’où α = qp , ce qui est
contraire à l’hypothèse.
√ p
1.15 Supposons que 2 = q avec p, q premiers entre eux ; p2 = 2q2 , donc p est
pair : p = 2p
; puis q2 = 2p
2 , donc q est pair lui aussi, ce qui est absurde.

Remarque II.15. Voici comment montrer l’assertion b) de l’exercice 1.1 ; si f :


R → R vérifie l’équation fonctionnelle de cet exercice et de plus est mesurable Le-
besgue, soit A = {x; f (x)  0} et m la mesure de Lebesgue sur R ; A ∪ −A = R,
donc m(A) > 0, et A + A = A contient un intervalle [a − h, a + h], avec
h > 0 (voir exercice 1.16 qui suit) ; on en déduit que| f (x)|  | f (a)| = M si
|x|  h. Plus précisément, si 2n−1 h < |x|  2n h, avec n ∈ Z, on a 2−n | f (x)| =
2M|x| 2M
| f (2−n x)|  M, d’où | f (x)|  M2n  , puis | f (x) − f (y)|  |x − y|,
h h
∀x, y ∈ R.
On en déduit que f est continue sur R. Ainsi, les solutions discontinues de l’équation
fonctionnelle sont automatiquement non mesurables-Lebesgue.

1.16 a) Si AN = A ∩ {x; x  N}, BN = B ∩ {x; x  N}, on a m(AN ) <


∞, m(BN ) < ∞, et m(AN ) ↑ m(A), m(BN ) ↑ m(B). On peut donc trouver un en-
tier N tel que 0 < m(AN ) < ∞ et 0 < m(BN ) < ∞.
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Si l’on est capable de trouver Ω ⊂ AN + BN , on aura a fortiori Ω ⊂ A + B.


b) u est continue, comme convolution d’une fonction de L1 et d’une fonction de L∞
(cours d’intégration). Si 
ϕ désigne la transformée de Fourier d’une fonction ϕ ∈ L1 ,
on a : 
w =u v, en particulier 
w(0) = w(x)dx =  u(0) 
v(0) = m(A)m(B) < ∞. Donc,
w n’est pas identiquement nulle.
c) Soit Ω = {x ∈ Rn ; w(x)  0} = {x ∈ Rn ; w(x) > 0}. L’ensemble Ω est non-vide
d’après b). Il est ouvert car w est continue.

d) Soit x ∈ Ω. On a ω(x) = Rn 1A (x − y)1B (y)dy > 0, donc il existe y ∈ Rn tel que
1A (x − y)  0 et 1B (y)  0. On a alors x − y ∈ A, y ∈ B et x = (x − y) + y ∈ A + B.

19
Chapitre 1 • Le corps des réels

∞ εn
1.17 a) Si x = ∈ K, on a 0  x  ∞ q−1
n=1 qn = 1. Notons ensuite que tout
n=1 qn
∞ εn
x ∈ [0, 1] s’écrit de façon (presque) unique x = n=1 qn avec εn ∈ A. Et la suite (εn )
est une suite de variables aléatoires indépendantes (pour la mesure de Lebesgue m
sur [0, 1]) équidistribuées avec m(Xn = j) = 1/q, 0  j  q − 1. On a clairement
K ⊂ {ε j  p, 1  j  N} pour tout entier N, donc par indépendance
⎛ ⎞
⎜⎜⎜ N ⎟⎟⎟ N   q − 1 N
⎜ ⎟
m(K)  m ⎜⎜⎜⎝ {ε j  p}⎟⎟⎟⎠ = m εj  p = ·
j=1 j=1
q

En faisant tendre N vers l’infini, on obtient bien m(K) = 0.


b) Il n’y a qu’à définir (notant que p + 1  q − 1)

ε = ε
= α si α  p.
ε = p − 1, ε
= p + 1 si α = p.

αn
c) Soit z ∈ [0, 2]. Alors 2z ∈ [0, 1]. Écrivons en base q un développement 2z = ∞ n=1 qn
∞ 2αn
avec αn ∈ A, soit z = n=1 qn · Pour chaque n, d’après b), on peut trouver εn , ε
n ∈ B
εn ∞ ε
n
tels que 2αn = εn + ε
n . Soit x = ∞ n=1 qn et y = n=1 qn · Alors, x, y ∈ K et z = x + y.

20
E SPACES
TOPOLOGIQUES ;
2
E SPACES MÉTRIQUES
L’algèbre étudie beaucoup la notion d’égalité (identité de Bézout, formule du binôme,
etc.), mais aussi des notions en apparence plus floues comme celle de congruence ou
égalité modulo un sous-groupe, et cette étude se révèle d’une grande utilité. On va
s’intéresser ici, également avec profit, à d’autres notions d’égalité floue, celle de voi-
sinage topologique ou encore celle de proximité ; c’est peut-être cette seconde notion
qui est la plus facile à saisir : à deux points x, y d’un ensemble X, on associe un réel
positif d(x, y) appelé leur distance (voilà pourquoi il a fallu bien dégager les proprié-
tés des réels au chapitre I), et les points x, y sont considérés comme proches si d(x, y)
est petit ; x et y jouent des rôles symétriques et la petitesse de d(x, y) est une propriété
du couple (x, y). Un cas extrême est celui de la distance discrète : d(x, y) = 1 si x  y,
d(x, x) = 0 ; alors la petitesse de d(x, y) se traduit par l’égalité x = y. Un cas moins
extrême est celui de la distance p-adique sur Z de l’exercice 21, où la petitesse de
d(x, y) équivaut à la congruence de x et y modulo une grande puissance de p, et on
retrouve les notions algébriques évoquées plus haut. De manière générale, la notion
de distance se prête fort bien à la Géométrie (avec le langage des boules ouvertes ou
fermées) du plan ou de la sphère notamment, et aussi à l’Analyse avec la résolution
exacte ou approchée d’équations numériques ou fonctionnelles par la méthode itéra-
tive de Picard, et le concept d’espace métrique complet. Ce qui était à l’origine une
propriété de certains espaces de nombres ou de fonctions (théorème de Riesz-Fischer
par exemple) s’est révélé d’une importance telle (théorème de Baire entre autres)
qu’on en a dégagé un axiome. La première notion (qui intervient quand la seconde se
révèle insuffisante, cf. par exemple le théorème de Tychonoff au chapitre III) est plus
délicate et abstraite : on fixe x ∈ X et on lui associe de façon plus ou moins arbitraire
une famille de parties de X contenant x, baptisées voisinages de x. De façon très gros-
sière, on dira que y est voisin de x si y ∈ V, où V est voisinage de x ; ici x et y ne
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jouent plus des rôles symétriques, x joue un rôle privilégié. On fait ainsi ce qu’on ap-
pelle de la topologie générale (c’est par là que nous commencerons) et il faut au début
accepter un catalogue de définitions (ouvert, fermé, intérieur, adhérence, etc.) ; mais
à l’usage, le langage de la topologie générale (recouvrement, compacité, connexité,
dimension topologique, etc.) se prête lui aussi très bien à la Géométrie et à l’Analyse,
même dans le cas des espaces métriques, lorsqu’on pourrait en principe s’en pas-
ser (cf. par exemple chapitre III, exercice 17). Enfin, ce langage permet de concilier
intuition et rigueur d’une façon remarquable ; nous le verrons tout au long des six
chapitres qui suivent, mais il nous faut d’abord défricher un terrain un peu aride et
dégager, comme nous l’avons dit, un certain nombre d’axiomes et de définitions.

21
Chapitre 2 • Espaces topologiques ; espaces métriques

I D ÉFINITIONS GÉNÉRALES ; NOTATIONS


I.1 Ouverts, fermés, voisinages ; intérieur, adhérence,
frontière ; partie dense
Soit X un ensemble ; on appelle topologie sur X une famille T de parties de X,
appelées ouverts, telles que



⎪ (O1 ) toute réunion d’ouverts est un ouvert




(O2 ) toute intersection finie d’ouverts est un ouvert
⎩ (O ) ∅ et X sont des ouverts.
3

Un exemple simple est celui où T = {∅, X} mais cette topologie, appelée d’ailleurs
topologie grossière, n’a aucun intérêt car elle a trop peu d’ouverts.

Définition I.1. T est dite séparée si

a  b ⇒ ∃ U, V ∈ T ; a∈U, b∈V, U ∩V =∅. (O4 )

Une topologie séparée est donc une topologie qui a suffisamment d’ouverts pour
distinguer les points de X, et on peut être tenté d’inclure (O4 ) dans les axiomes des
ouverts. La plupart des topologies qu’on rencontrera seront d’ailleurs séparées, et
cette notion est stable par beaucoup d’opérations : produit, sous-espace, etc. ; mal-
heureusement elle n’est pas stable par passage au quotient, ce qui force à la traiter à
part dans la présentation générale de ce chapitre.
• Si T est une topologie sur X, le couple (X, T ) s’appelle un espace topologique.
Souvent, on sous-entend T et on parle de l’espace topologique X.
Un autre exemple extrême est celui de la topologie discrète : T = P(X) ; elle
vérifie évidemment (O4 ), avec U = {a}, V = {b}.

Proposition-Définition I.2. Soit Σ ⊂ P(X) ; il existe une plus petite topologie T


contenant Σ ; elle s’appelle topologie engendrée par Σ et se note T (Σ) ; de plus

T (Σ) est constituée des unions d’intersections finies d’éléments de Σ (I.1)

(avec la convention ∪ = ∅, ∩ = X).


∅ ∅

Si Σ est « presque » stable par intersection, c’est-à-dire si (I.1


)

A1 , A2 ∈ Σ et x ∈ A1 ∩ A2 ⇒ ∃ A3 ∈ Σ; x ∈ A3 ⊂ A1 ∩ A2 ,
T (Σ) est constituée de X et des unions d’éléments de Σ .

22
I. Définitions générales ; notations

Démonstration. Toute intersection de topologies est une topologie (évident), donc


T existe ; soit T
le second membre de (I.1) ; T
est une topologie, car A1 = ∪ Bα
et A2 = ∪ B
β entraîne A1 ∩ A2 = ∪(Bα ∩ B
β ) où Bα , B
β sont des intersections finies
d’éléments de Σ ; T ⊃ T
, donc T = T
, ce qui prouve (I.1) ; (I.1
) se prouve de
même. ❑

Définition I.3. Soit T une topologie, Σ ⊂ T ; Σ s’appelle une base de T si


tout élément de T est union d’éléments de Σ. Σ s’appelle une sous-base de T si
T = T (Σ). En particulier, une famille Σ contenant X et vérifiant (I.1
) est une
base de topologie.

Ces définitions serviront dans la suite. En voici d’autres.


• F ⊂ X est dite fermée si son complémentaire est ouvert : F c = X \ F ∈ T .
Les fermés de X vérifient les propriétés suivantes :



⎪ (F1 ) toute intersection de fermés est un fermé




(F2 ) une réunion finie de fermés est un fermé
⎩ (F ) ∅ et X sont des fermés.
3

On note F l’ensemble des fermés.


• V ⊂ X s’appelle un voisinage de x ∈ X si
∃ω∈T ; x∈ω, ω⊂V. (I.2)
La famille B(x) des voisinages de x vérifie les propriétés suivantes :



⎪(V1 ) V ∈ B(x), V
⊃ V ⇒ V
∈ B(x).





⎨(V2 ) Une intersection finie d’éléments de B(x) est dans B(x).




⎪(V3 ) V ∈ B(x) ⇒ x ∈ V.



⎩(V4 ) (∀ V ∈ B(x)) (∃ W ∈ B(x)); y ∈ W ⇒ V ∈ B(y).
Ces propriétés sont évidentes ; dans (V4 ), il suffit de prendre W = ω, où ω est comme
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dans (I.2).
• x ∈ X est dit point isolé si {x} est ouvert, i.e. si {x} est voisinage de x.
• x ∈ X est dit point d’accumulation de X s’il n’est pas point isolé : tout voisinage de
x contient d’autres points de X. Plus généralement, x ∈ X est dit point d’accumulation
de A ⊂ X si tout voisinage de x contient des points de A autres que x (x n’est pas
forcément dans A).

• L’intérieur de A ⊂ X, noté A ou int A, est la réunion des ouverts contenus dans A,
i.e. le plus grand ouvert contenu dans A ; il est caractérisé par

x∈A⇔∃ω∈T ; x∈ω, ω⊂A. (I.3)

23
Chapitre 2 • Espaces topologiques ; espaces métriques

int A est donc aussi l’ensemble des points dont A est voisinage ; intuitivement, c’est
l’ensemble des points qui sont dans A avec une certaine marge de sécurité.
• L’extérieur de A, noté ext A, est par définition int(Ac ).

Proposition I.4.

1) X = X ;

2) A ⊂ A ;

◦ ◦
3) A = A ;
◦ ◦ ◦
4) (A ∩ B) = A ∩ B.
◦ ◦ ◦
Démonstration. Posons ω = (A ∩ B) ; A ∩ B est un ouvert contenu dans A ∩ B,
◦ ◦
donc dans ω ; ω ouvert est contenu dans A, donc dans A ; de même ω ⊂ B, ce qui
donne 4). ❑

• L’adhérence (ou fermeture) de A ⊂ X, notée A, est l’intersection des fermés conte-


nant A, c’est-à-dire le plus petit fermé contenant A ; elle est caractérisée par

x ∈ A ⇔ ∀ V ∈ B(x) : V ∩ A  ∅ . (I.4)

Intuitivement, A est l’ensemble des points qui sont tout près de A.

Proposition I.5 (duale de I.4).


1) ∅ = ∅ ;
2) A ⊂ A ;
3) A = A ;
4) A ∪ B = A ∪ B.

Démonstration. Par définition, on a pour tout P ⊂ X :

c ◦ ◦
P = (Pc ) ; (P)c = Pc . (I.5)
c ◦ ◦ ◦ ◦ c c
Donc A ∪ B =[(A ∪ B)c ]=[Ac ∩ Bc]=(Ac ) ∩ (Bc )= A ∩ B = (A ∪ B)c , d’où 4) (on
a utilisé I.4).
L’exemple A = [0, 1], B =]1, 2] pour lequel A ∩ B = ∅ et A ∩ B = {1} montre que
l’inclusion A ∩ B ⊂ A ∩ B peut être stricte. ❑

24
I. Définitions générales ; notations

Proposition I.6.
◦ ◦
a) A ⊂ B ⇒A ⊂ B et A ⊂ B ;
b) O1 , O2 ∈ T et O1 ∩ O2 = ∅ ⇒ O1 ∩ O2 = ∅ ;
c) T séparée, x ∈ X ⇒ {x} fermé.
◦ ◦
Démonstration. a) A ⊂ A ⊂ B ; comme B est le plus grand ouvert contenu dans B,
◦ ◦
A ⊂ B ; de même A ⊂ B.
b) O1 ⊂ Oc2 et Oc2 est fermé ; comme O1 est le plus petit fermé contenant O1 , on a
O1 ⊂ Oc2 et O1 ∩ O2 = ∅.
c) Si y  x, il existe ω ∈ T tel que y ∈ ω, x  ω ; donc ω est contenu dans {x}c , ce
qui montre que {x}c est ouvert. ❑

• La frontière de A ⊂ X, notée ∂A ou bA, est l’ensemble des points x dont tout


voisinage coupe à la fois A et Ac , soit encore :

∂A = A \ A . (I.6)

Intuitivement, ∂A est l’ensemble des points qui hésitent entre A et Ac .


• A ⊂ X est dite dense dans X si A = X.
• X est dit séparable s’il contient une partie dénombrable dense.
L’ensemble R des réels, avec la topologie T des réunions d’intervalles ouverts, est
séparable puisque l’ensemble Q des rationnels est dénombrable et dense dans R (cf.
exemple 1) qui suit).

Proposition I.7. On a équivalence entre


a) A est dense dans X.
b) A coupe tout ouvert non vide ω de T .

Démonstration. a) ⇒ b). Soit x ∈ ω ; x ∈ A et ω est voisinage de x, donc coupe A


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d’après (I.4).
c
b) ⇒ a). Soit ω = A ; ω est un ouvert disjoint de A, donc ω = ∅ et A = X. ❑

I.2 Régularité, normalité


On a souvent besoin de propriétés de séparation plus fortes que (O4 ), qui sera suppo-
sée avoir lieu dans tout ce sous-paragraphe.
• (X, T ) est dit régulier si pour tout fermé F et tout x  F, on peut séparer x et F
par deux ouverts disjoints. Symboliquement cela s’écrit

F ∈ F , x  F ⇒ ∃ O1 , O2 ∈ T ; x ∈ O1 , F ⊂ O2 , O1 ∩ O2 = ∅ . (I.7)

25
Chapitre 2 • Espaces topologiques ; espaces métriques

• (X, T ) est dit normal si deux fermés disjoints peuvent être séparés par deux ouverts
disjoints. Symboliquement

F 1 , F 2 ∈ F , F 1 ∩ F 2 = ∅ ⇒ ∃ O1 , O2 ∈ T ;
(I.8)
F 1 ⊂ O1 , F 2 ⊂ O2 , O1 ∩ O2 = ∅ .

Un point étant fermé d’après la proposition I.6, on voit que

(X, T ) normal ⇒ (X, T ) régulier . (I.9)

La proposition suivante est un critère simple mais utile.

Proposition I.8. Soit (X, T ) un espace séparé.


a) On a équivalence entre :
i) X est régulier ;
ii) x ∈ V, V ∈ T ⇒ ∃ U ∈ T ; x ∈ U ⊂ U ⊂ V.
b) On a équivalence entre :
i) X est normal ;
ii) F ⊂ V, F ∈ F , V ∈ T ⇒ ∃ U ∈ T ; F ⊂ U ⊂ U ⊂ V.

Démonstration. b) i) ⇒ ii) : F et V c sont des fermés disjoints, donc il existe O1 , O2


ouverts disjoints tels que F ⊂ O1 , V c ⊂ O2 ; O1 ∩ O2 = ∅ d’après I.6, donc O1 ⊂ V et
U = O1 répond à la question.
ii) ⇒ i) : si F1 , F2 sont fermés disjoints, soit V = F2c et U ∈ T tel que F1 ⊂ U ⊂
c
U ⊂ V ; posons O1 = U, O2 = U ; O1 et O2 vérifient (I.8) ;
a) se prouve de même. ❑

I.3 Exemples
1) X = R, T = famille des unions d’intervalles ouverts ; la famille Σ des intervalles
ouverts contient R et est stable par intersection, donc T est la topologie engendrée
par Σ d’après (I.1
) ; T peut aussi être définie par la distance d(x, y) = |x − y|, donc
(cf. IV) (R, T ) est automatiquement normal, a fortiori séparé ; si A est un intervalle

d’extrémités réelles a, b, on a clairement A=]a, b[, A = [a, b], ∂A = {a, b} ; si Q est
l’ensemble des rationnels, montrons que (cf. aussi chapitre I)

Q=∅; (I.10)
Q=R. (I.11)

26
II. Sous-espace topologique ; topologie induite


Soit en effet a, b ∈ R avec a < b, et c = b−a ; ajustons q ∈ N∗ tel que q2 < c, et soit p
√ √ √ √
le plus grand entier tel que (p − 1) q2 soit  a ; alors a < qp 2 = (p − 1) q2 + q2 <

a + c = b, donc ]a, b[ contient l’irrationnel qp 2 ; cela prouve (I.10) ; la même

construction, où on remplace 2 par 1, montre (I.11) ; donc Q est dense dans R et R
est séparable, ce qui a précédemment été énoncé sans preuve.
2) X = [0, 1], T = T (Σ), où Σ est la famille des intersections d’intervalles ouverts
de R avec X (on verra plus loin que T est la topologie induite par celle de R sur X) ;
soit D l’ensemble des rationnels dyadiques de X (d ∈ D ⇔ d = 2kn , k = 0, 1, . . . , 2n et
n ∈ N) ; alors D est dense dans X ; soit en effet x ∈ X et kn = [2n x], où [ ] désigne la
partie entière ; alors kn 2−n ∈ D et kn 2−n → x quand n → ∞, d’où x ∈ D et D = X.

3) Soit (R, T ) l’espace de l’exemple 1 ; on pose de façon générale α(P) =P, β(P) =
◦ ◦
P ; alors on peut trouver A ⊂ R tel que les sept ensembles A, A, A, α(A), β(A),

α(A), β(A) soient distincts (c’est un maximum ; cf. exercice 1). Prenons en effet A =
(Q ∩ [0, 1]) ∪ [2, 3[ ∪ ]3, 4] ∪ {5}. Alors

A=]2, 3[ ∪ ]3, 4[
A = [0, 1] ∪ [2, 4] ∪ {5}
α(A) =]0, 1[ ∪ ]2, 4[
β(A) = [2, 4]
◦ ◦
α(A) =[β(A)]=]2, 4[
β(A) = α(A) = [0, 1] ∪ [2, 4] .

II S OUS - ESPACE TOPOLOGIQUE ; TOPOLOGIE


INDUITE
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II.1 Définition
Soit (X, T ) un espace topologique, A ⊂ X, et TA = {ω ∩ A; ω ∈ T } =: T ∩ A ; on
appelle sous-espace de (X, T ) associé à A le couple (A, TA ) et on dit que TA est la
topologie induite par T sur A (ou topologie trace de T sur A) ; cette définition est
justifiée par le fait que TA hérite des propriétés O1 , O2 , O3 . On notera FA l’ensemble
des fermés de A.

Exemple II.1. La topologie induite par la topologie de R sur Z est la topologie dis-
crète ; en effet, n ∈ Z entraîne {n} =]n − 1, n + 1[ ∩ Z, donc TZ = P(Z).

27
Chapitre 2 • Espaces topologiques ; espaces métriques

La notion de topologie induite joue un rôle très important, notamment dans l’étude
de la connexité ; il importe donc de bien se familiariser avec elle ; voici une proposi-
tion qui va dans ce sens.

Proposition II.2.
a) (X, T ) séparé ⇒ (A, TA ) séparé.
b) Les fermés de (A, TA ) sont les intersections avec A des fermés de (X, T ).
c) Les voisinages de a ∈ A pour TA sont les intersections avec A des voisinages de
a pour T .
d) Si B est une partie de A, l’adhérence de B pour TA est la trace sur A de l’adhé-
rence de B pour T .

Démonstration. a) Soit a, b ∈ A avec a  b, U, V ∈ T avec a ∈ U, b ∈ V,


U ∩ V = ∅ ; posons u = U ∩ A, v = V ∩ A ; u, v ∈ TA , a ∈ u, b ∈ v, u ∩ v = ∅.
b) Soit F une partie de A ; on voit que F fermé dans A signifie A \ F ∈ TA c’est-à-dire
A \ F = ω ∩ A pour un ouvert ω ∈ T . Cela équivaut à F = A \ A ∩ ω = A ∩ (X \ ω)
pour un ouvert ω ∈ T , autrement dit F = A ∩ G pour un fermé G ∈ F .
c), d) Même méthode. ❑

Remarque II.3. Un ouvert d’un sous-espace n’est pas forcément un ouvert du


grand espace : {0} est ouvert dans Z, pas dans R ; de même [0, 1[= [0, 2] ∩ ] − 1, 1[
est un ouvert dans [0, 2], pas dans R ; le paragraphe suivant va préciser les choses.

II.2 Propriétés : transitivité ; cas d’un ouvert ou d’un fermé


Proposition II.4 (transitivité). Soit (X, T ) un espace topologique, A ⊂ B ⊂ X.
Alors :

les topologies induites sur A par T et TB sont les mêmes. (II.1)

Démonstration. TA est l’ensemble des ω ∩ A, ω ∈ T ; la topologie induite par TB


sur A est l’ensemble des (ω ∩ B) ∩ A = ω ∩ A, ω ∈ T ; ce sont les mêmes. ❑

Cette proposition, qui dit que la trace sur A de la trace sur B de T est la trace sur
A de T , rappelle le théorème des trois perpendiculaires dans un espace de Hilbert.
Voici deux cas particuliers où la topologie induite est facile à décrire.

Proposition II.5. Soit (X, T ) un espace topologique.


a) Soit A un ouvert de X ; alors P ∈ TA ⇔ P ∈ T et P ⊂ A.
b) Soit A un fermé de X ; alors P ∈ FA ⇔ P ∈ F et P ⊂ A.

28
III. Notion de limite ; continuité

Démonstration. a) Si P ∈ TA , P = ω ∩ A, où ω ∈ T ; or A ∈ T , donc P ∈ T ; si
P ∈ T et P ⊂ A, P = P ∩ A ∈ TA .
b) Même preuve, via la proposition II.2. ❑

III N OTION DE LIMITE ; CONTINUITÉ


III.1 Limite et valeur d’adhérence d’une suite ; suite extraite
Soit (xn )n1 une suite de points de (X, T ),  ∈ X ; on dit que (xn ) converge vers  (en
abrégé xn → ) ou que  est limite de (xn ) si

(∀ V ∈ B()) (∃ n0 ) (∀ n  n0 ) : xn ∈ V . (III.1)

Cette notion n’est raisonnable que dans les espaces séparés.

Proposition III.1 (unicité de la limite). Soit (X, T ) un espace séparé. Si (xn )


converge vers  et 
, alors  = 
.

Démonstration. Supposons   
; soit U, V ∈ T , disjoints, avec  ∈ U, 
∈ V ;
d’après (III.1), il existe n0 , n
0 ∈ N tels que xn ∈ U pour n  n0 et xn ∈ V pour n  n
0 ;
en particulier, xn0 +n
0 ∈ U ∩ V, ce qui est absurde. ❑

La notion suivante est un affaiblissement souvent utile de la notion de limite ; on


dit que  est une valeur d’adhérence de (xn ) si

(∀ V ∈ B()) (∀ n0 ) (∃ n  n0 ); xn ∈ V . (III.2)

Cette notion est reliée à celle de suite extraite : soit (xn )n1 , (yk )k1 deux suites de
points de X ; on dit que la suite (yk ) est extraite de la suite (xn ) s’il existe une suite
strictement croissante n1 < n2 < . . . < nk < . . . d’entiers telle que

yk = xnk , k ∈ N∗ . (III.3)
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Pour comparer ces deux notions, introduisons une définition.


• Une base de voisinages de  est une partie C de B() telle que tout élément de
B() contienne au moins un élément de C ; si on peut prendre C dénombrable, on
dit que  a une base dénombrable de voisinages.

Proposition III.2. a) Si (yk ) = (xnk ) est extraite de (xn ) et converge vers ,  est
valeur d’adhérence de (xn ).
b) Réciproquement, si  est valeur d’adhérence de (xn ) et possède une base dénom-
brable de voisinages (Vk ), il existe (yk ) extraite de (xn ) et convergeant vers .

29
Chapitre 2 • Espaces topologiques ; espaces métriques

Démonstration. a) Soit V ∈ B(), n0 ∈ N∗ ; il existe k0 entier tel que yk ∈ V pour


k  k0 , et il existe k1 entier tel que k1  k0 et nk1  n0 ; alors xnk1 = yk1 ∈ V.
b) Posons Wk = V1 ∩ . . . ∩ Vk ; je dis qu’il existe (nk ) telle que

xnk ∈ Wk , (k = 1, 2, . . .) . (III.4)

En effet, (III.2) permet de trouver n1 ∈ N∗ tel que xn1 ∈ W1 ; ayant choisi n1 <
. . . < nk vérifiant (III.4), on réapplique (III.2) avec V = Wk+1 , n0 = 1 + nk , pour
trouver nk+1 > nk tel que xnk+1 ∈ Wk+1 , ce qui prouve (III.4) par récurrence ; montrons
maintenant que (yk ) := (xnk ) converge vers  ; soit V ∈ B() ; par hypothèse, il existe
k0 tel que Vk0 ⊂ V ; et (III.4) montre que

k  k0 ⇒ yk ∈ Wk ⊂ Wk0 ⊂ Vk0 ⊂ V . ❑

Voici déjà quelques exemples dans R.


 
• (xn ) = 1n converge vers 0.
• (xn ) = (−1)n ne converge pas, mais a pour valeurs d’adhérence 1 et −1 ; les suites
extraites (x2k ) et (x2k+1 ) convergent respectivement vers 1 et −1.

• Si α = 1+2 5 , (xn ) = (cos 2nπα) a pour valeurs d’adhérence le segment [−1, 1] ; si
 pk   pk 
  1
qk est une suite de rationnels telle que α − qk  q2 , la suite extraite (xqk ) converge
k
vers 1.
La proposition simple suivante décrit l’ensemble des valeurs d’adhérence d’une
suite.

Proposition III.3. Soit A l’ensemble des valeurs d’adhérence de (xn ) ; alors A =



∩ Fn , où Fn = {xn , xn+1 , . . .}.
n=1

Démonstration. Soit  ∈ A, n ∈ N∗ , V ∈ B() ; d’après (III.2), V coupe l’ensemble


∞ ∞
{xn , xn+1 , . . .}, donc  ∈ Fn ; n étant arbitraire,  ∈ ∩ Fn , d’où A ⊂ ∩ Fn ; l’inclusion
1 1
inverse se montre de même. ❑

Observons que, si on pose An = [n, ∞[ ∩ N, An1 ∩ An2 = An3 où n3 = max(n1 , n2 ),


et que (III.1) s’écrit aussi

(∀ V ∈ B()) (∃ n0 )) (∀ n ∈ An0 ) : xn ∈ V . (III.1


)

Ceci motive la généralisation suivante (due à H. Cartan) de la notion de suite.

30
III. Notion de limite ; continuité

III.2 Limite et valeur d’adhérence suivant un filtre

Définition III.4. On appelle filtre sur un ensemble E une famille non vide J
de parties de E vérifiant les trois propriétés suivantes :




⎪ (∅1 ) A ∈ J,B ⊃ A ⇒ B ∈ J


⎪ (∅2) A1 , A2 ∈ J ⇒ A1 ∩ A2 ∈ J

⎩ (∅ )
3 F ∈J ⇒F∅.

Définition III.5. Soit (X, T ) un espace topologique, E muni du filtre J ,  ∈ X ;


on dit que ϕ : E → X converge vers  suivant le filtre J si

(∀ V ∈ B()) (∃ F ∈ J ) (∀ x ∈ F) : ϕ(x) ∈ V . (III.5)

De façon équivalente

(∀ V ∈ B()) (∃ F ∈ J ); ϕ(F) ⊂ V . (III.5


)

(III.1) est le cas particulier de (III.5) correspondant à E = N∗ , J , le filtre des


complémentaires des parties finies de N∗ et ϕ(n) = xn .

Quand (X, T ) a de bonnes propriétés de dénombrabilité (espace métrique par


exemple), la notion de suite suffit ; dans des cas plus généraux, la notion de filtre
(appelé aussi suite généralisée) devient nécessaire.

Proposition III.6 (unicité de la limite). Soit (X, T ) un espace séparé ; si ϕ :


E → X converge vers  et 
, alors  = 
.

Démonstration. Elle est identique à celle de la proposition III.1, mais détaillons-la


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

pour nous familiariser avec les définitions ; si   


, soit U, V ∈ T , disjoints, avec
 ∈ U, 
∈ V ; d’après (III.5
) il existe F1 , F2 ∈ J tels que ϕ(F1 ) ⊂ U et ϕ(F2 ) ⊂ V ;
d’où F1 ∩ F2 ⊂ ϕ−1 (U ∩ V) = ∅, ce qui est absurde puisque F1 ∩ F2 ∈ J , donc
F1 ∩ F2  ∅. ❑

Définition III.7. On dit que  est valeur d’adhérence de ϕ suivant le filtre J si

(∀ V ∈ B()) (∀ F ∈ J ) (∃ x ∈ F); ϕ(x) ∈ V . (III.6)

31
Chapitre 2 • Espaces topologiques ; espaces métriques

L’ensemble Aϕ des valeurs d’adhérence de ϕ se décrit par la formule suivante, qui


généralise la proposition III.2 :

Aϕ = ∩ ϕ(F) . (III.6
)
F∈J

Exemple III.8. E = X, x0 ∈ X, J = B(x0 ) ; J est un filtre d’après les axiomes


(V1 ), (V2 ), (V3 ), et s’appelle le filtre des voisinages de x0 .

Cet exemple amène naturellement à la notion d’application continue.

III.3 Fonctions continues ; caractérisation.


Homéomorphismes
Soit X, Y deux espaces topologiques, f : X → Y, x0 ∈ X.
• On dit que f est continue en x0 si f tend vers f (x0 ) suivant le filtre des voisinages
de x0 (en abrégé f (x) tend vers f (x0 ) quand x tend vers x0 ), soit si

(∀ W ∈ B( f (x0 ))) (∃ V ∈ B(x0 )); f (V) ⊂ W . (III.7)

• On dit que f est continue si elle est continue en tout x0 ∈ X.


La proposition suivante rassemble des propriétés utiles de la continuité, et en donne
une caractérisation globale.

Proposition III.9. Soit E un ensemble avec un filtre J , X, Y, Z trois espaces topo-


logiques, ϕ : E → X, f : X → Y, g : Y → Z, h = g ◦ f , x0 ∈ X, y0 = f (x0 ).
a) Si x0 est isolé dans X, f est automatiquement continue en x0 .
b) f continue en x0 , g continue en y0 ⇒ h continue en x0 .
c) f continue ⇔ l’image inverse par f d’un ouvert de Y est un ouvert de X.
d) f continue ⇔ l’image inverse par f d’un fermé de Y est un fermé de X.
e) f continue, Y séparé ⇒ f −1 {y} fermé, ∀ y ∈ Y.
f) f continue, A ⊂ X ⇒ f (A) ⊂ f (A).
g) Si ϕ tend vers  suivant J et si f est continue en , f ◦ ϕ tend vers f () suivant
J ; en particulier, xn →  ⇒ f (xn ) → f ().

Démonstration. a) Il suffit de prendre V = {x0 } dans (III.7).


b) Soit Ω un voisinage de h(x0 ) = g(y0 ) ; il existe W ∈ B(y0 ) et V ∈ B(x0 ) tels que
g(W) ⊂ Ω et f (V) ⊂ W ; d’où h(V) ⊂ g(W) ⊂ Ω.

32
III. Notion de limite ; continuité

c) (⇒) Soit x0 ∈ f −1 (ω), où ω est ouvert ; ω est voisinage de f (x0 ), donc il existe
V ∈ B(x0 ) tel que f (V) ⊂ ω, i.e. V ⊂ f −1 (ω) ; f −1 (ω) est voisinage de chacun de ses
points, donc ouvert.

(⇐) Soit x0 ∈ X, W ∈ B(y0 ), ω =W, V = f −1 (ω) ; V est ouvert et contient x0 ,
donc V ∈ B(x0 ) et f (V) ⊂ W.
d) Découle de c) et de l’identité f −1 (Bc ) = [ f −1 (B)]c .
e) Découle de d) et du fait que {y} est fermé.
f) A ⊂ f −1 ( f (A)) ⊂ f −1 ( f (A)), et ce dernier ensemble est fermé, comme image
réciproque d’un fermé par f continue ; donc A ⊂ f −1 ( f (A)) et f (A) ⊂ f (A).
g) Soit W ∈ B()) ; il existe V ∈ B() tel que f (V) ⊂ W et F ∈ J tel que ϕ(F) ⊂ V ;
d’où f [ϕ(F)] ⊂ f (V) ⊂ W. Noter que g) généralise b). ❑

Il est souvent souhaitable (cf. chapitres IV et VI) de construire une application


« par morceaux » ; la continuité résiste assez bien à ces constructions.

Proposition III.10 (principe de recollement). Soit (Ai )i∈I un recouvrement de


X, f : X → Y, fi = f |Ai .
a) On suppose les Ai tous ouverts et les fi toutes continues ; alors f est continue.
b) On suppose les Ai tous fermés et en nombre fini, les fi toutes continues ; alors f
est continue.

Démonstration. a) Soit ω un ouvert de Y ; f −1 (ω) = ∪( f −1 (ω) ∩ Ai ) = ∪ fi−1 (ω),


i i
et chaque fi−1 (ω) est ouvert dans Ai ouvert dans X, donc ouvert dans X ; f −1 (ω) est
donc ouvert, et f continue d’après la proposition précédente.
b) Soit F un fermé de Y ; f −1 (F) = ∪( f −1 (F) ∩ Ai ) = ∪ fi−1 (F), et les fi−1 (F) sont de
i i
même fermés dans X ; comme ils sont en nombre fini, leur union f −1 (F) est fermée,
et f continue. ❑
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Remarque III.11. Les images inverses ont de bonnes propriétés vis-à-vis des ap-
plications continues, ce n’est pas le cas des images directes ; voici deux exemples :
si f (x) = x2 , f (R) = [0, ∞[ n’est pas un ouvert ;

si f (x) = Arctg x, f (R) = − π2 , π2 n’est pas un fermé.
On donne d’ailleurs un nom aux applications ayant de bonnes propriétés d’image
directe.

• f : X → Y est dite ouverte si l’image par f d’un ouvert de X est un ouvert de Y.


• f : X → Y est dite fermée si l’image par f d’un fermé de X est un fermé de Y.

33
Chapitre 2 • Espaces topologiques ; espaces métriques

Ces applications jouent un rôle important en Analyse (calcul différentiel, fonctions


holomorphes, théorie des opérateurs, etc.). Voici une autre définition fondamentale.

Définition III.12. f : X → Y est appelée un homéomorphisme si


a) f est une bijection continue de X sur Y ;
b) f −1 : Y → X est continue. (On dit aussi que f est bicontinue). S’il existe un
homéomorphisme entre X et Y, X et Y sont dits homéomorphes.

La condition b) n’est nullement une conséquence automatique de a), comme le


montre l’exemple suivant.
Exemple III.13. X = ]0, 1[ ∪ {2}, Y = ]0, 1], f (x) = x si 0 < x < 1 et f (2) = 1 ;
f est une bijection continue de X sur Y, car 2 est isolé dans X ; mais f −1 n’est pas
 
continue en 1 : f −1 1 − 1n = 1 − 1n tend vers 1, alors que f −1 (1) = 2. Cet exemple
réapparaîtra au chapitre IV.
Puisque la continuité de f −1 n’est pas automatique, il est intéressant d’avoir des
critères qui l’entraînent.
Proposition III.14. Soit f : X → Y une bijection continue.
a) On a équivalence entre :
i) f est ouverte ;
ii) f est fermée ;
iii) f est un homéomorphisme.
b) Si X et Y sont des ouverts de Rn usuel, f −1 est automatiquement continue.
Démonstration. a) i) ⇒ ii). Soit F un fermé de X ; ( f (F))c = f (F c ), donc ( f (F))c est
ouvert, et f (F) fermé.
ii) ⇒ iii). Soit g = f −1 , F un fermé de X ; g−1 (F) = f (F) est fermé, donc g est
continue.
iii) ⇒ i). Soit ω un ouvert de X ; f (ω) = g−1 (ω) est ouvert dans Y.
b) La preuve est difficile (sauf pour n = 1) et repose sur le théorème de l’invariance
du domaine de Brouwer (cf. [Du]) :

soit ω, ω
deux parties homéomorphes de Rn ;
(III.8)
alors ω et ω
sont simultanément ouvertes .
Pour voir comment prouver b) en admettant (III.8), se reporter au théorème III.8 du
chapitre 6. ❑
Le cas n = 2 de (III.8) sera prouvé au chapitre VI ; cf. aussi exercice 3. Pour n = 1,
cf. exercice 11 chapitre IV. Pour n quelconque, cf. [Du].

34
III. Notion de limite ; continuité

III.4 Exemples
1) Soit, pour n ∈ N, (Pn ) : [0, 1] → R la suite de polynômes définie par :
1 
P0 = 0 et ∀x ∈ [0, 1], Pn+1 (x) = Pn (x) + x − Pn (x)2 .
2
Montrons que cette suite converge (uniformément) pour x ∈ [0, 1]. Sous-entendons

provisoirement la dépendance en x des Pn et posons εn = x − Pn ; les relations
√  √ 
ε0 = x et εn+1 = εn 1 − 12 ( x + Pn ) montrent par récurrence que εn est positif (de

façon équivalente, Pn  x) ; d’où Pn+1  Pn  . . . P0 = 0, et
 √
x
0  εn+1  1 − εn .
2
 √ n
x √  √ n
x

x
On en déduit que εn  ε0 1 − 2 = x 1 − 2 . Posant 1 − 2 = s, on voit que
εn  2sn (1 − s)  2 sup0t1 tn (1 − t) ; un calcul de dérivée montre que ce sup est
atteint en tn = n+1
n
et que donc x ∈ [0, 1] implique
√ 2
0  εn (x) = x − Pn (x)  2(1 − tn ) =
.
n+1

On voit ainsi que la suite numérique Pn (x) converge vers x et même que la suite

de polynômes Pn converge vers la fonction continue x uniformément sur [0, 1]. Ce
fait est souvent utilisé dans la preuve du théorème de Stone-Weierstrass.
2) Si A est l’ensemble des valeurs d’adhérence de (xn ) ⊂ X, A est fermé d’après
la proposition III.3 ; on va voir que ce fermé est arbitraire quand X = R (par un
raisonnement qui vaudrait dans tout espace métrique séparable, sauf si F = φ et si X
est compact) ; soit donc F un fermé de R.
Si F = ∅, (xn ) = (n) n’a aucune valeur d’adhérence dans R, donc A = ∅ = F.
Si F = {0 , . . . , q−1 }, (xn )n0 définie par xmq+r = r (m  0, 0  r  q − 1, selon la
division euclidienne par q) répond à la question.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Si F est infini, il est séparable comme partie de l’espace métrique séparable R


(cf. exercice 26), donc il contient D = {n , n  0} dénombrable dense. On définit
(xn ) comme étant la suite 0 0 1 0 1 2 0 1 2 3 . . ..
Chaque terme de D étant répété une infinité de fois, on a D ⊂ A ; soit en effet V un
voisinage de  j , n0 ∈ N ; il existe n  n0 tel que xn =  j ∈ V, donc  j ∈ A ; A étant
fermé, on a D ⊂ A, soit F ⊂ A ; (xn ) étant à valeurs dans F, on a aussi A ⊂ F, d’où
A = F.
3) Soit (xn )n1 définie par x1 = x2 = 1, xn = 2 − 1n si n  3. L’ensemble E des valeurs
prises par (xn ) contient 1, donc 1 ∈ E ; mais 1 n’est pas valeur d’adhérence de (xn ) :

35
Chapitre 2 • Espaces topologiques ; espaces métriques

en effet xn → 2, et 2 est l’unique valeur d’adhérence ; il ne faut donc pas confondre


« adhérent à l’ensemble des valeurs prises » et « valeur d’adhérence », la première
notion étant topologique et la seconde « filtreuse ».
4) (xn ) définie par x2n = 0, x2n+1 = n a zéro pour unique valeur d’adhérence mais ne
converge pas dans R (on verra au chapitre III que dans un espace compact une suite
avec une seule valeur d’adhérence converge) ; on peut penser à inclure (xn ) dans la
droite achevée X = [−∞, +∞] qui, elle, est compacte, mais alors (xn ) a deux valeurs
d’adhérence dans X, 0 et +∞ !




1
⎨ sin , x  0
5) Soit J le filtre des voisinages de 0 dans R et ϕ(x) = ⎪ ⎪ x

⎩ 0, x = 0.
L’ensemble A des valeurs d’adhérence de ϕ suivant J est [−1, 1]. Soit en effet
 ∈ [−1, 1] ; écrivons  = sin α, où α ∈ [0, 2π] ; soit V un voisinage de 0, ε > 0 tel que
[−ε, ε] ⊂ V, n ∈ N∗ tel que xn  ε, où xn = α+2nπ 1
; alors xn ∈ V, et ϕ(xn ) = sin α = ,
donc  ∈ A ; d’où le résultat.
! "
6) Soit X =]0, 2π[, Y = z ∈ C; |z| = 1 et z  1 , h(x) = eix ; h est un homéomor-
phisme de X sur Y.
Il est clair que h est une bijection continue de X sur Y ; pour montrer que h−1 est
continue il suffit (cf. IV) de montrer que xn tend vers x si eixn tend vers eix (avec
 
xn , x ∈]0, 2π[) ; posons pour cela δn = min |xn2−x| , π − |xn2−x| ; δn ∈ 0, π2 , donc
|eixn − eix | = 2 sin xn2−x  = 2 sin |xn2−x| = 2 sin δn  π4 δn  δn (rappelons que
sin u  2π u si 0  u  π2 ) ; cela montre que δn tend vers zéro ; mais δn = |xn2−x| à
partir d’un certain rang, sinon il existe une suite extraite (xnk ) avec |xnk − x| tendant
vers 2π, ce qui est impossible : en effet −x  xnk − x  2π − x, donc |xnk − x|  m :=
max(x, 2π − x) < 2π ; on a donc bien lim xn = x. Voici une importante conséquence
de cet homéomorphisme h, qui sera utilisée aux chapitres IV et VI.

Théorème III.15. Soit X un espace topologique et f : X → Γ continue non surjec-


tive. Alors, il existe g : X → R continue telle que f = eig (en d’autres termes, f a un
logarithme continu).

Démonstration. Supposons d’abord que f évite la valeur 1 ∈ Γ ; alors g = h−1 ◦ f est


une application continue de X dans ]0, 2π[, donc de X dans R, telle que eig = h ◦ g =
h ◦ h−1 ◦ f = f . Supposons ensuite que f évite la valeur eiα ∈ Γ ; alors f e−iα évite
la valeur 1, donc il existe g0 : X → R continue telle que f e−iα = eig0 ; d’où f = eig ,
avec g = α + g0 . ❑

7) Soit X un evn, Y sa boule unité ouverte, f (x) = x


1+||x|| ; f est un homéomorphisme
de X sur Y.

36
IV. Espaces métriques

Soit en effet y ∈ Y ; l’équation x


1+||x|| = y se résout en prenant d’abord les normes :
||x|| ||y||
1+||x||= ||y||, d’où ||x|| = 1−||y|| ; c’est possible car ||y|| < 1 ; revenant à l’équation, on
y y
trouve x = y(1 + ||x||) = 1−||y|| ; f est donc une bijection de X sur Y, et f −1 (y) = 1−||y|| ;
−1
cette formule explicite montre que f est continue, f l’étant évidemment aussi.
8) Projection stéréographique : soit X = S n \ {en+1 } la sphère euclidienne de Rn+1
!
privée de son « pôle nord » en+1 et Y = y ∈ Rn+1 ; (y/en+1 ) = 0} homéomorphe à Rn ;
x−en+1
l’application f : X → Y définie par f (x) = en+1 + 1−(x/e n+1 )
est un homéomorphisme
de X sur Y, appelé projection stéréographique ; cf. chapitre VI.
9) Lettres de l’alphabet.
Le lecteur s’entraînera à montrer que les lettres de chaque ligne sont des figures
homéomorphes, et que les lettres de deux lignes distinctes n’en sont pas ; pour les ré-
sultats négatifs, on peut s’aider de la notion de bout d’un espace topologique (cf. cha-
pitre IV).
A R
B
E F T Y
C I J L M N S U V W Z
D O

IV E SPACES MÉTRIQUES
IV.1 Écarts, métriques, boules
• Un écart sur X est une application δ : X 2 → [0, ∞] telle que



⎪ (E1 ) δ(x, y) = δ(y, x), ∀ x, y ∈ X (symétrie)


⎪ (E 2 ) δ(x, x) = 0, ∀ x ∈ X

⎩ (E ) δ(x, z)  δ(x, y) + δ(y, z), ∀ x, y, z ∈ X (inégalité triangulaire).
3

Si δ est à valeurs dans R+ = [0, ∞[, on dit que c’est un écart fini ; si la réciproque de
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

(E2 ) est vraie, au sens où δ(x, y) = 0 entraîne x = y, on dit que c’est un écart séparé.
• Une distance (ou métrique) sur X est une application d : X 2 → R+ telle que



⎪ (D1 ) d(x, y) = d(y, x), ∀ x, y ∈ X


⎪ (D 2 ) d(x, y) = 0 ⇔ x = y

⎩ (D ) d(x, z)  d(x, y) + d(y, z), ∀ x, y, z ∈ X.
3

Autrement dit, une distance est un écart à la fois fini et séparé. Un exemple fonda-
mental est le suivant : δ f (x, y) = | f (x) − f (y)| avec f : X → C ; δ f est un écart fini ;
c’est une distance si f est injective. Toute distance est obtenue à partir des δ f , comme
le montre la proposition suivante.

37
Chapitre 2 • Espaces topologiques ; espaces métriques

Proposition IV.1.
a) Soit (δi )i∈I une famille d’écarts sur X et δ = sup δi ; δ est un écart.
b) Soit d une distance sur X ; il existe une famille A d’applications de X dans R telle
que d = sup f ∈A δ f .

Démonstration. a) (E1 ), (E2 ) sont évidents ; soit x, y, z ∈ X, i ∈ I ; alors :

δi (x, z)  δi (x, y) + δi (y, z)  δ(x, y) + δ(y, z),

d’où en passant au sup sur I : δ(x, z)  δ(x, y) + δ(y, z).


! "
b) Soit A = f : X → R; | f (u) − f (v)|  d(u, v), ∀ u, v ∈ X . Par définition,
sup f ∈A δ f  d. Soit x ∈ X et g(u) = d(u, x). On va montrer que g ∈ A, soit que

|d(u, x) − d(v, x)|  d(u, v) . (IV.1)

En effet d(u, x) − d(v, x)  d(u, v) + d(v, x) − d(v, x) = d(u, v), et de même d(v, x) −
d(u, x)  d(u, v) ; d’autre part g(x) = 0 et g(y) = d(x, y), donc sup f ∈A δ f (x, y) 
|g(x) − g(y)| = d(x, y), d’où le résultat. ❑

Soit (X, d) un espace métrique, a ∈ X, r > 0. On définit

B(a, r) = {x; d(x, a) < r} = boule ouverte de centre a et de rayon r .


B(a, r) = {x; d(x, a)  r} = boule fermée de centre a et de rayon r .

On prendra garde de bien distinguer la boule fermée B(a, r) et l’adhérence de la


boule ouverte B(a, r) qui sera définie plus loin ; on a toujours B(a, r) ⊂ B(a, r), mais
l’inclusion peut être stricte (cf. exercice 5). Voici un moyen de fabriquer des distances
sur X à partir d’une distance donnée.
• Une jauge est une application ϕ : R+ → R+ telle que : ϕ(0) = 0 ; ϕ(u) > 0 si u > 0 ;
ϕ croît ; ϕ est sous-additive (i.e. ϕ(u + v)  ϕ(u) + ϕ(v), ∀ u, v ∈ R+ ). On désigne par
J l’ensemble des jauges.

Proposition IV.2. Soit d une distance sur X, ϕ ∈ J ; alors d


= ϕ◦d est une distance
sur X.

Démonstration. (D1 ) est clair ; supposons d


(x, y) = 0 ou ϕ[d(x, y)] = 0 ; alors
d(x, y) = 0 et x = y, donc (D2 ) a lieu ; enfin, les propriétés de ϕ entraînent

d
(x, z) = ϕ[d(x, z)]  ϕ d(x, y) + d(y, z)  ϕ[d(x, y)] + ϕ[d(y, z)]

= d
(x, y) + d
(y, z) . ❑

38
IV. Espaces métriques

Des exemples de fonctions de J sont :


v v
1) ϕ(u) = 1+u ; en effet 1+u+v = 1+u+v + 1+u+v  1+u + 1+v .
u u+v u u

2) ϕ(u) = uα , où 0 < α  1 ; par homogénéité, l’inégalité uα


+ vα  (u + v)α doit
être prouvée seulement quand u + v = 1 ; mais dans ce cas u, v ∈ [0, 1], d’où
uα  u, vα  v et uα + vα  u + v = 1.

IV.2 Topologie définie par une métrique


Soit (X, d) un espace métrique, Σ la famille des boules ouvertes ; on appelle topologie
sur X associée à d la topologie T = T (Σ) engendrée par les boules ouvertes ; si
B(a1 , r1 ) ∩ B(a2 , r2 ) contient un point c, soit ε > 0 tel que d(c, a1 ) + ε  r1 et
d(c, a2 ) + ε  r2 ; alors

B(c, ε) ⊂ B(a1 , r1 ) ∩ B(a2 , r2 ) . (IV.2)

En effet, d(x, c) < ε entraîne d(x, a1 )  d(x, c) + d(c, a1 ) < ε + d(c, a1 )  r1 et


de même d(x, a2 ) < r2 . (IV.2) et la proposition I.2 montrent que les éléments de
T (Σ) sont les unions de boules ouvertes, et ont donc une description simple ; sauf
mention expresse du contraire, un espace métrique (X, d) est toujours supposé muni
de la topologie associée à d ; notons que

(X, d) est séparé . (IV.3)

En effet, si a  b, soit r = d(a,b)


2 > 0 ; les boules ouvertes B(a, r) et B(b, r) sont
disjointes et contiennent respectivement a et b.
• Si A est une partie non vide de X, diam A := sup{d(x, y); x, y ∈ A} s’appelle le
diamètre de A. Notons que diam A  +∞.
• Si A est une partie non vide de X, d(x, A) := inf{d(x, a); a ∈ A} =: distance
de x à A. Cette fonction distance à A, aussi notée dA , a de bonnes propriétés.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Proposition IV.3. Soit A une partie non vide de X métrique. Alors


a) |dA (x) − dA (y)|  d(x, y), ∀ x, y ∈ X.
En particulier dA : X → R est continue.
b) x ∈ A ⇔ dA (x) = 0.

Démonstration. a) Soit a ∈ A ; dA (x) − d(x, y)  d(x, a) − d(x, y)  d(y, a), d’où


en passant à l’inf sur a : dA (x) − d(x, y)  dA (y), et dA (x) − dA (y)  d(x, y) ; vu la
symétrie des rôles de x et y, le résultat s’ensuit.
b) (⇒) Soit ε > 0 ; B(x, ε) rencontre A en a ; et dA (x)  d(x, a) < ε ; ε étant arbitraire,
dA (x) = 0 ; la réciproque est immédiate. ❑

39
Chapitre 2 • Espaces topologiques ; espaces métriques

Les fonctions dA vont permettre de montrer que tout espace métrique a une pro-
priété de séparation bien plus forte que (IV.3).
Proposition IV.4. Tout espace métrique X est normal ; plus précisément, si A et B
sont des fermés disjoints de X, il existe f : X → R continue telle que
f |A = 0 ; f |B = 1 ; 0 f 1. (IV.4)
Démonstration. On peut supposer A, B non vides ; notons que dA (x) + dB (x) est > 0
pour tout x ∈ X ; en effet, dA (x) + dB (x) = 0 ⇒ dA (x) = dB (x) = 0 ⇒ x ∈ A ∩ B =
A ∩ B, contrairement à l’hypothèse ; la formule f = dAd+d A
B
définit donc f : X → R
continue, à valeurs dans [0, 1] ; de plus, si x ∈ A, dA (x) = 0 et f (x) = 0 ; et si
x ∈ B, f (x) = ddAA (x)
(x) = 1, d’où (IV.4), qui est une propriété plus forte que la normalité ;
! " ! "
posons en effet U = f < 12 , V = f > 12 ; U, V sont ouverts disjoints et A ⊂ U,
B ⊂ V. ❑
Remarque IV.5. a) (IV.4) n’est qu’en apparence plus fort que la normalité ; on
verra au chapitre III (théorème d’Urysohn) que tout espace normal vérifie cette pro-
priété.
b) (IV.4) permet de démontrer l’important théorème de prolongement de Tietze : si X
est un espace normal, A un fermé non vide de X, ϕ : A → R ou C, continue, alors ϕ
admet un prolongement ψ : X → R ou C, continu. Ce théorème est prouvé en détail
dans [QZ] pour X métrique, et ϕ réelle (on peut s’y ramener en séparant les parties
réelle et imaginaire), le point de départ étant : il existe ψ : X → R, continue, avec
|ψ(x)|  13 si x ∈ X ; ψ|A = − 13 ; ψ|B = 13 ; or si X est normal et f comme dans (IV.4),
ψ = 2 f3−1 répond à la question ; donc modulo le théorème d’Urysohn (prouvé au
chapitre IV) la preuve du théorème de Tietze donnée dans [QZ] pour les espaces
métriques vaut pour les espaces normaux. Ce théorème sera utilisé aux chapitres IV
et VI. Voici encore une application des fonctions dA .
Proposition IV.6.
a) Tout fermé F d’un espace métrique est intersection dénombrable d’ouverts
(un Gδ ).
b) Tout ouvert ω d’un espace métrique est union dénombrable de fermés (un Fσ ).
! "
Démonstration. a) On peut supposer F non vide ; soit On = dF < 1n , n = 1, 2, . . . ;

On est ouvert, comme image inverse de l’ouvert −∞, 1n par dF continue ; et, d’après

la proposition IV.3, ∩ On = {dF = 0} = F = F.
1
! "
b) On peut supposer ω  X ; soit F = ωc et Fn = dF  1n ; Fn est de même fermé,

et d’après IV.3, ∪ Fn = {dF > 0} = F c = ω. ❑
1

40
IV. Espaces métriques

IV.3 Utilisation des suites dans les espaces métriques ;


continuité uniforme
Dans un espace métrique, de nombreuses propriétés topologiques s’expriment en
termes de suites et leur manipulation en est souvent rendue plus aisée ; voici quelques
propositions qui précisent les choses.

Proposition IV.7. Soit A ⊂ X, x ∈ X. On a équivalence entre :


a) x ∈ A ;
b) il existe une suite (xn ) de A tendant vers x.

Démonstration. D’après IV.3, x ∈ A si et seulement si dA (x) = 0 ; et dA (x) = 0


signifie (∀ n ∈ N∗ ) (∃ xn ∈ A) ; d(x, xn )  1n . L’équivalence est donc immédiate. La
proposition suivante a été utilisée dans l’exemple 6 de III. ❑

Proposition IV.8. Soit f : X → Y, où X est métrique, Y topologique ; soit x ∈ X.


On a équivalence entre :
a) f est continue en x.
b) xn → x entraîne f (xn ) → f (x).
c) xn → x entraîne f (xnk ) → f (x), où (xnk ) est une suite extraite de (xn ).

Démonstration. a) ⇒ b). Soit W ∈ B( f (x)), V ∈ B(x) tel que f (V) ⊂ W, n0 tel que
xn ∈ V pour n  n0 ; alors f (xn ) ∈ W à partir du rang n0 , et f (xn ) → f (x) ; cette
implication a d’ailleurs déjà été prouvée (proposition III.9 g)).
b) ⇒ c). Évident.
c) ⇒ a). Si f n’est pas continue en x, il existe un voisinage W de f (x) tel que, pour
tout n ∈ N∗ , f [B(x, n−1 )]  W ; on peut donc trouver une suite (xn ) avec d(xn , x) < 1n
et f (xn )  W ; (xn ) tend vers x, et aucune suite extraite ( f (xnk )) ne tend vers f (x),
puisque f (xnk )  W, k = 1, 2, . . .. ❑
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Remarque. La « sophistication » apparemment inutile c) rend parfois des services


(cf. exercice 6).

Définition IV.9. Si X, Y sont métriques, f : X → Y est dite uniformément


continue si
(∀ ε > 0) (∃ δ > 0) (∀ x, x
∈ X) : d(x, x
)  δ ⇒ d( f (x), f (x
))  ε . (IV.5)

Cette notion, qui fait intervenir les distances de X et Y (notées de la même façon
pour ne pas alourdir les notations), est une notion métrique, non pas topologique,

41
Chapitre 2 • Espaces topologiques ; espaces métriques

même si à l’évidence la continuité uniforme implique la continuité. Le δ de (IV.5)


s’appelle un module de continuité uniforme pour f , et se note ω( f , ε). On a l’ana-
logue de IV.8 pour les fonctions uniformément continues.

Proposition IV.10. Soit X, Y métriques et f : X → Y. On a équivalence entre :


a) f est uniformément continue.
b) ∀ (xn ), (x
n ), d(xn , x
n ) → 0 ⇒ d( f (xn ), f (x
n )) → 0.
c) ∀ (xn ), (x
n ), d(xn , x
n ) → 0 ⇒ d( f (xnk ), f (x
nk )) → 0, où (nk ) est une sous-suite de
la suite des entiers.

Démonstration. a) ⇒ b). Soit ε > 0, δ = ω( f , ε), n0 tel que d(xn , x


n )  δ pour
n  n0 ; alors n  n0 entraîne d( f (xn ), f (x
n ))  ε.
b) ⇒ c). Évident.
c) ⇒ a). Supposons f non uniformément continue ; la négation de (IV.5) s’écrit

(∃ ε > 0)(∀ δ > 0)(∃ x, x


∈ X); d(x, x
)  δ et d( f (x), f (x
)) > ε . (IV.5
)

Donnant à δ les valeurs 1, 12 , . . . , 1n , . . . on trouve xn , x


n ∈ X avec d(xn , x
n )  1n et
d( f (xn ), f (x
n )) > ε ; d(xn , x
n ) → 0, mais la suite d( f (xn ), f (x
n )) ne contient aucune
sous-suite convergeant vers zéro, ou le résultat. ❑

La proposition IV.10 permet une preuve très courte du théorème de Heine (cf. cha-
pitre III), et parfois de montrer rapidement qu’une application n’est pas uniformément

 ; soit par exemple f : R → R définie par f (x) = sin(x ) ; soit xn = nπ,
continue 2

x
n = nπ + π2 ; xn − x
n → 0, mais | f (xn )− f (x
n )| = 1 ; f n’est donc pas uniformément
continue (cf. exercice 13).

IV.4 Diverses notions d’équivalence des métriques


Soit (X, T ) un espace topologique ; T peut ne pas être définie par une métrique
sur X, ou être définie par une ou plusieurs métriques (on dit alors qu’elle est métri-
sable ; cf. chapitre III) ; par exemple, la topologie usuelle sur R peut être définie par
d(x, y) = |x − y|, mais aussi par 2d, 1+d d
, ou d
(x, y) = | Arctg x − Arctg y| ; ces mé-
triques sont donc en un sens équivalentes, mais il convient de préciser ; on désignera
par i l’identité de X dans X.
• d1 , d2 sont dites topologiquement équivalentes si les topologies associées T1 et
T2 sont les mêmes ; cela revient à dire que toute d1 −boule ouverte est réunion de
d2 −boules ouvertes et réciproquement ; ou encore (et c’est souvent plus maniable)
que i : (X, T1 ) → (X, T2 ) est bicontinue ; en effet, si cela a lieu, pour ω ∈ T2 ,
i−1 (ω) = ω ∈ T1 ; d’où T2 ⊂ T1 et de même T1 ⊂ T2 ; la réciproque est immédiate.

42
IV. Espaces métriques

Voici un exemple : X = R, d1 (x, y) = |x−y|, d2 (x, y) = | Arctg x−Arctg y| ; la fonction



Arctg étant un homéomorphisme de R sur − π2 , π2 , on voit que i : (X, d1 ) → (X, d2 )
est bicontinue.
• d1 , d2 sont dites uniformément équivalentes si i : (X, d1 ) → (X, d2 ) est uniformé-
ment continue ainsi que son inverse. Voici un exemple : X = R, d1 (x, y) = |x − y|,
d2 (x, y) = |x − y|α , où 0 < α < 1. On voit que d1 (x, y)  ε1/α entraîne d2 (x, y)  ε ; et
d2 (x, y)  εα entraîne d1 (x, y)  ε.
• d1 , d2 sont dites Lipschitz-équivalentes s’il existe des constantes a, b > 0 telles
que a d1 (x, y)  d2 (x, y)  b d1 (x, y), ∀ x, y ∈ X. Voici un exemple : X = R,
d1 (x, y) = |x − y|, d2 (x, y) = |x − y| + | sin x − sin y|. On voit que d1  d2  2 d1 .
Il est clair que Lipschitz équivalent ⇒ uniformément équivalent ⇒ équivalent,
mais les réciproques sont fausses comme le montrent les deux premiers exemples ;
signalons cependant que, pour des raisons d’homogénéité évidentes, si d1 et d2 sont
associées à des normes N1 et N2 sur un K−ev X (i.e. d j (x, y) = N j (x − y)), les trois
notions précédentes coïncident.

IV.5 Exemples
1) Soit X un K−evn, || || une norme sur X ; la formule d(x, y) = ||x − y|| définit une
distance sur X ; en effet

d(y, x) = ||y − x|| = || − (x − y)|| = ||x − y|| = d(x, y) ;


d(x, y) = 0 ⇔ ||x − y|| = 0 ⇔ x − y = 0 ⇔ x = y ;
d(x, z) = ||x − z|| = ||(x − y) + (y − z)||  ||x − y|| + ||y − z||
= d(x, y) + d(y, z) .

La proposition IV.1 b) peut être précisée au moyen du théorème de Hahn-Banach qui


dit entre autres que (cf. [HL]), B désignant la boule unité du dual de X :

(∀a ∈ X) (∃ϕ ∈ B) ; ||a|| = |ϕ(a)|. (∗)


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

On a B ⊂ A (avec les notations de IV.1) car pour ϕ ∈ B, et u, v ∈ X, |ϕ(u) − ϕ(v)| 


||ϕ|| ||u − v||  ||u − v|| = d(u, v) ; d’autre part, étant donné x, y ∈ X, (∗) fournit ϕ ∈ B
tel que |ϕ(x − y)| = ||x − y|| ; d’où d = supϕ∈B δϕ .
N ∗
2) Soit E un ensemble non vide, X = E l’ensemble des suites x = (xn ) d’éléments
min{n; xn  yn } si x  y
de E ; on pose p(x, y) =
∞ si x = y
et d(x, y) = p(x,y) (avec la convention ∞ = 0). Alors d est une métrique sur X, et
1 1

vérifie même l’inégalité ultramétrique



d(x, z)  max d(x, y), d(y, z) . (IV.6)

43
Chapitre 2 • Espaces topologiques ; espaces métriques

On peut supposer y  x, z ; soit a = p(x, y), b = q(y, z) ; si n < min(a, b), xn =



yn = zn , autrement dit p(x, z)  min p(x, y), p(y, z) ; on obtient (IV.6) en passant
aux inverses.
 
3) Soit D le disque unité ouvert de C et d(a, b) =  a−b , où a, b ∈ D ; d est une
1−ab
métrique (dite métrique pseudo-hyperbolique) sur D, topologiquement équivalente à
la métrique usuelle ; le point délicat est l’inégalité triangulaire ; on utilise l’identité :
 a − b 2 (1 − |a|2 )(1 − |b|2 )
1 −   = , ∀ a, b ∈ D . (IV.7)
1 − ab |1 − ab|2
En effet, (IV.7) équivaut à :

|1 − ab|2 − |a − b|2 = (1 − |a|2 )(1 − |b|2 ) ,

et le premier membre développé vaut

1 + |a|2 |b|2 − 2R (a b) − |a|2 − |b|2 + 2R (a b) = (1 − |a|2 )(1 − |b|2 ) .

(IV.7) entraîne d’abord :


|a| + |b|
d(a, b)   |a| + |b| . (IV.8)
1 + |a||b|
En effet,

(1 − |a|2 )(1 − |b|2 ) (1 − |a|2 )(1 − |b|2 )


1 − (d(a, b))2 =  = 1 − (d(|a|, −|b|))2 ,
|1 − ab|2 (1 + |a||b|)2
d’où
|a| + |b|
d(a, b)  d(|a|, −|b|) = .
1 + |a||b|
Un calcul direct montre ensuite que si c ∈ D et si ϕc (z) = z−c
1−cz , ϕc est une isométrie
de (D, d) sur lui-même au sens où

d(ϕc (u), ϕc (v)) = d(u, v) , ∀ u, v ∈ X , (IV.9)

En effet, une réduction au même dénominateur donne d(ϕc (u), ϕc (v)) = |N| |D| avec,
après développement et simplification :
 
N = (u − c)(1 − cv) − (v − c)(1 − cu) = u − v + |c|2 (v − u) = (u − v) 1 − |c|2 ,

et
   
D = (1 − cu)(1 − cv) − (u − c)(v − c) = 1 − |c|2 + uv |c|2 − 1 = (1 − uv) 1 − |c|2 .

44
IV. Espaces métriques

 
u−v 
D’où ND = 1−uvu−v
, et d(ϕc (u), ϕc (v)) =  1−uv  = d(u, v). Ensuite, (IV.7) montre que
ϕc (D) ⊂ D, et on vérifie que l’application inverse de ϕc est ϕ−c .
Enfin, (IV.8) et (IV.9) permettent de vérifier l’inégalité triangulaire :
d(a, b)  d(a, c) + d(c, b)
de la manière suivante :
d(a, b) = d(ϕc (a), ϕc (b))  |ϕc (a)| + |ϕc (b)| = d(a, c) + d(c, b) ;
le reste est facile à vérifier.
4) Soit (X, d) un espace métrique, d
= 1+d d
; d
est une métrique uniformément
équivalente à d ; en effet c’est une métrique (proposition IV.2) plus petite que d,
d

donc i : (X, d) → (X, d


) est uniformément continue ; d’autre part d = 1−d
, donc

d
(un , vn ) → 0 entraîne d(un , vn ) → 0 et i : (X, d
) → (X, d) est uniformément
continue d’après la proposition IV.10.


5) Soit (λn )n1 une suite de réels, (an )n1 une suite de complexes telle que |an | < ∞,
1


f : R → C définie par f (x) = an eiλn x ; f est uniformément continue sur R.
1

N
Soit en effet fN (x) = an eiλn x ; fN est de classe C 1 avec une dérivée bornée par
1

N
|λn an |, donc est uniformément continue d’après le théorème des accroissements
1
finis ; d’autre part |an eiλn x | = |an |, donc la série est normalement, a fortiori unifor-
mément, convergente ; autrement dit fN converge uniformément vers f ; il en résulte
(cf. exercice 7) que f est uniformément continue.
6) Soit S n−1 = S la sphère unité de Rn euclidien ; on pose
d(x, y) = Arc cos(x/y) , ∀ x, y ∈ S . (IV.10)
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

d est une distance sur S (appelée distance géodésique), invariante par le groupe ortho-
gonal O(n), au sens où d(g(x), g(y)) = d(x, y), ∀ g ∈ O(n). L’axiome (D1 ) est évident ;
supposons d(x, y) = 0 ; alors (x/y) = 1 et ||x − y||2 = 2(1 − (x/y)) = 0 ; on en déduit
x = y, et (D2 ) a lieu ; reste l’inégalité triangulaire d(x, z)  d(x, y) + d(y, z) ; tout se
passant dans l’espace engendré par x, y, z, on peut supposer n = 3 ; vu l’invariance
de d par O(3), on peut supposer z = (0, 0, 1) ; quitte à faire une rotation d’axe Oz
laissant z invariant, on peut aussi supposer x = (cos θ sin α, sin θ sin α, cos α),
y = (0, sin β, cos β) avec θ ∈ [−π, π], α, β ∈ [0, π], (θ est une longitude, α et β
des colatitudes) ; l’inégalité à démontrer s’écrit alors :
α  β + d(x, y) .

45
Chapitre 2 • Espaces topologiques ; espaces métriques

Elle est évidente pour α  β ; pour α  β, elle s’écrit α − β  d(x, y), ou cos(α −
β)  (x/y), puisqu’on a 0  α − β  π. Soit encore : cos α cos β + sin α sin β 
sin θ sin α sin β+cos α cos β, ce qui donne après simplification : sin α sin β(1−sin θ) 
0 ; or cette dernière inégalité est évidemment vraie, ce qui achève la démonstration.
z
x
a y

b
0

Figure 2.1

7) Tout espace métrique (X, d) est isométrique à une partie d’un espace de Banach Y.
Soit en effet Y = Cb (X, R) l’espace des applications continues bornées de X dans
R, de Banach pour la norme sup : || f ||∞ = sup x∈X | f (x)| et soit T : X → Y définie par
T (b) = fb où fb (x) = d(x, b) − d(x, a), a étant un point fixé de X. On voit que

| fb (x) − fb
(x)| = |d(x, b) − d(x, b
)|  d(b, b
) ,

donc || fb − fb
||∞  d(b, b
) ; de plus | fb (b) − fb
(b)| = d(b, b
), donc || fb − fb
||∞ =
d(b, b
) et T réalise l’isométrie cherchée (la présence inerte de a est simplement des-
tinée à garantir l’appartenance de fb à Y ; en effet | fb (x)|  d(a, b)).

V P RODUIT D ’ ESPACES TOPOLOGIQUES


V.1 Comparaison de deux topologies
On a déjà comparé les topologies associées à deux métriques, on peut faire de même
avec deux topologies quelconques T1 et T2 sur un ensemble X.
• On dit que T2 est plus fine que T1 (et on note T2  T1 ) si

A ∈ T1 ⇒ A ∈ T2 , (i.e. T1 ⊂ T2 ) . (V.1)

Intuitivement, plus une topologie est fine, plus elle a d’ouverts, de fermés, de voisi-
nages, etc. ; la topologie grossière est comme son nom l’indique la moins fine pos-
sible ; la topologie discrète est au contraire la plus fine puisqu’elle contient toutes les

46
V. Produit d’espaces topologiques

parties de X ; mais elle est en un sens trop fine pour être intéressante : si l’on veut être
près de x, il faut carrément être égal à x.
La remarque (évidente) suivante relie la comparaison des topologies et la conti-
nuité des applications.

Remarque V.1. Soit f : X → Y une application, T1 et T2 des topologies sur X,


T1
et T2
des topologies sur Y.



⎨ f : (X, T1 ) → (Y, T1 ) continue, T2  T1 , T2  T1 ⇒





⎩ f : (X, T2 ) → (Y, T
) continue .
(V.2)
2

Autrement dit si on raffine au départ et si on épaissit à l’arrivée, on ne peut qu’ac-


croître la famille de fonctions continues ; (V.2) est évidente : on a par hypothèse
f −1 (T1
) ⊂ T1 , d’où f −1 (T2
) ⊂ f −1 (T1
) ⊂ T1 ⊂ T2 .

V.2 Topologie initiale, finale, quotient


On rencontre souvent l’une des situations suivantes : X est un ensemble, (Yi , Ti ) une
famille d’espaces topologiques et on s’est donné, pour chaque i ∈ I

fi : X → Yi , (V.3)

ou
fi : Yi → X . (V.4)
On veut munir X, de la manière la plus économique possible, d’une topologie T
rendant continues toutes les fi ; la remarque (V.2) nous indique déjà que


⎨ si T convient, toute topologie plus fine convient aussi ;



⎩ il est donc naturel de choisir T la moins fine possible.
(V.3’)
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.



⎨ si T convient, toute topologie moins fine convient aussi ;



⎩ il est donc naturel de choisir T la plus fine possible.
(V.4’)

La possibilité de tels choix est montrée par les deux propositions suivantes :

Proposition V.2.
a) Dans (V.3), il existe sur X une topologie T moins fine que toutes les autres rendant
les fi continues ; on l’appelle topologie initiale sur X associée aux fi , Yi ; une base
Σ de cette topologie est constituée des intersections finies ∩ fi−1 (Ui ), où Ui ∈ Ti .
i

47
Chapitre 2 • Espaces topologiques ; espaces métriques

b) On suppose les Ti séparées et la famille ( fi ) séparante au sens où

x  x
⇒ ∃ i ∈ I ; fi (x)  fi (x
);

alors T est séparée.


c) T jouit de la propriété universelle suivante : si (Z, TZ ) est un espace topologique
et g une application de Z dans X, g est continue si et seulement si les fi ◦g : Z → Yi
sont toutes continues.

Démonstration. a) Si une topologie convient, elle doit contenir tous les fi−1 (Ui ),
Ui ∈ Ti , donc être plus fine que T (Σ) ; et T (Σ) rend chaque fi continue, elle est
donc la moins fine des topologies répondant à la question.
b) Supposons x  x
; il existe i ∈ I tel que fi (x)  fi (x
) ; puisque Ti est séparée, il
existe Ui , Vi ∈ Ti tels que fi (x) ∈ Ui , fi (x
) ∈ Vi , Ui ∩ Vi = ∅ ; posons U = fi−1 (Ui ),
V = fi−1 (Vi ) ; par définition, U, V ∈ T , x ∈ U, y ∈ V et U ∩ V = fi−1 (Ui ∩ Vi ) = ∅ ;
T est donc séparée.
c) g est continue si et seulement si g−1 (T ) ⊂ TZ ; il revient au même de dire g−1 (Σ) ⊂
TZ , ou encore g−1 ( fi−1 (Ui )) ⊂ TZ , pour tout Ui ∈ Ti , i ∈ I ; cela revient à demander
( fi ◦ g)−1 (Ti ) ⊂ TZ , ∀ i, soit encore à demander que toutes les fi ◦ g : Z → Yi soient
continues. ❑

Proposition V.3.
a) Dans (V.4), il existe sur X une topologie T plus fine que toutes les autres rendant
les fi continues ; on l’appelle topologie finale sur X associée aux fi , Yi .
b) T jouit de la propriété universelle suivante : si (Z, TZ ) est un espace topologique
et g une application de X dans Z, g est continue si et seulement si les g◦ fi : Yi → Z
sont toutes continues.
! "
Démonstration. a) Soit T = U ⊂ X; fi−1 (U) ∈ Ti , ∀ i ; T est une topologie
rendant continues les fi , donc répond à la question ; si T
est une autre topologie
convenable, soit U ∈ T
, i ∈ I ; fi : (Yi , Ti ) → (X, T
) est continue, donc fi−1 (U) ∈
Ti , i.e. U ∈ T ; T est donc la plus fine des topologies répondant à la question.
b) Si g est continue, les g◦ fi aussi ; réciproquement, si les g◦ fi sont toutes continues,
soit W ∈ TZ et i ∈ I ; fi−1 (g−1 (W)) = (g ◦ fi )−1 (W) ∈ Ti ; donc par définition
g−1 (W) ∈ T et g est continue. ❑

La proposition V.3 admet l’important cas particulier suivant : Y est un espace topo-
logique, R une relation d’équivalence sur Y, X est l’espace quotient YR et σ : Y → X
la surjection canonique. On dira que A ⊂ Y est saturée si σ−1 [σ(A)] = A.

48
V. Produit d’espaces topologiques

Proposition V.3.bis.

a) Il existe sur X une topologie T plus fine que les autres rendant σ continue ; on
l’appelle la topologie quotient (de TY par R) ; elle se décrit ainsi : ω ∈ T ⇔
σ−1 (ω) ∈ TY .
b) Si deux classes d’équivalence disjointes peuvent être séparées par des ouverts
saturés disjoints, T est séparée (et réciproquement).
c) T jouit de la propriété de relèvement suivante :

s
Y X
g
g s

g continue ⇔ g ◦ σ continue.

Démonstration. a) et c) sont des cas particuliers de la proposition V.3, quand il y


a une seule application fi ; seul b) est à démontrer. Soit a, b ∈ X, distincts ; a =
σ(x), b = σ(y), où σ(x), σ(y) sont disjointes en tant que parties de Y ; il existe
donc des ouverts saturés U, V de Y avec σ(x) ⊂ U, σ(y) ⊂ V, U ∩ V = ∅ ; par
définition σ−1 [σ(U)] = U et σ−1 [σ(V)] = V, donc σ(U) et σ(V) sont des ouverts
de T contenant respectivement a et b ; de plus σ−1 [σ(U) ∩ σ(V)] = σ−1 (σ(U)) ∩
σ−1 (σ(V)) = U ∩ V = ∅, donc σ(U) ∩ σ(V) = ∅ car σ est surjective ; cela montre
bien que (X, T ) est séparé. La réciproque est facile. ❑
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Exemple de topologie quotient ; grassmannienne Γ k . Soit (e1 , . . . , en ) la base


canonique de Rn euclidien, k un entier entre 1 et n − 1 ; on note Ek le sous-espace
engendré par e1 , . . . , ek , O(n, k) le sous-groupe de O(n) constitué des g tels que
g(Ek ) = Ek , Γk l’ensemble des sous-espaces vectoriels de dimension k de Rn ; on
munit Γk d’une distance d en posant

! "
d(E, F) = inf ||I − g||; g ∈ O(n), g(E) = F . (V.5)

Vérifions par exemple l’inégalité triangulaire d(E, G)  d(E, F)+d(F, G) ; soit ε > 0,
g1 et g2 ∈ O(n) tels que g1 (E) = F, g2 (F) = G et ||I − g1 ||  d(E, F) + ε, ||I − g2 || 

49
Chapitre 2 • Espaces topologiques ; espaces métriques

d(F, G) + ε. Alors g2 g1 ∈ O(n) et g2 g1 (E) = G, donc

d(E, G)  ||I − g2 g1 || = ||I − g1 + (I − g2 ) g1 ||  ||I − g1 || + ||(I − g2 ) g1 ||


 ||I − g1 || + ||I − g2 ||  d(E, F) + d(F, G) + 2ε ;

ε étant arbitraire, on a le résultat. Considérons d’autre part sur O(n) la relation d’équi-
valence des classes à gauche selon O(n, k) pour laquelle la classe d’équivalence ġ de
g ∈ O(n) est g O(n, k) ; nous allons voir que

O(n)
(Γk , d) est homéomorphe à l’espace topologique quotient . (V.6)
O(n, k)

(Observons au passage que, pour k = 1, cet espace quotient n’est autre que l’espace
O(n)
projectif réel Pn−1 ). Définissons pour cela T : O(n,k) → Γk par T (ġ) = g(Ek ) ; T est
bien définie, car si g équivaut à g il s’écrit gγ avec γ ∈ O(n, k), si bien que g
(Ek ) =

g[γ(Ek )] = g(Ek ) ; T est injective car T (ġ1 ) = T (ġ2 ) implique g1 (Ek ) = g2 (Ek ) soit
g−1 −1
2 g1 (E k ) = E k et g2 g1 = γ ∈ O(n, k). On en déduit g1 = g2 γ et ġ1 = ġ2 ;
T est surjective car tout E sous-espace de dimension k s’écrit g(Ek ) = T (ġ), pour
O(n)
un g ∈ O(n) convenable ; si σ : O(n) → O(n,k) est la surjection canonique, on a par
définition T ◦ σ = S , où S : O(n) → Γk est définie par S (g) = g(Ek ) ; si g1 , g2 ∈ O(n),
g2 g−1 −1
1 g1 (E k ) = g2 (E k ), donc d(S (g1 ), S (g2 ))  ||I−g2 g1 || = ||g1 −g2 ||, ce qui montre
que S est continue ; d’après la propriété de relèvement de la proposition V.3 bis, T est
O(n)
continue aussi ; cela montre déjà que O(n,k) est séparé (cf. aussi exercice 19) ; soit en
effet x, x
∈ O(n,k)
O(n)
distincts ; T (x)  T (x
) donc (tout espace métrique étant séparé) il
existe des ouverts disjoints ω, ω
contenant respectivement T (x) et T (x
), et T −1 (ω),
T −1 (ω
) sont des ouverts disjoints contenant respectivement x et x
; or, en anticipant
sur les résultats du chapitre III, O(n) est compact, donc son image continue et séparée
O(n)
O(n,k) l’est aussi, et T est automatiquement un homéomorphisme.

V.3 Produit de topologies ; cas des produits finis


Soit (Xi , Ti )i∈I une famille d’espaces topologiques, X = Π Xi le produit cartésien
des Xi , pi : X → Xi la projection canonique qui à un point associe sa coordonnée
d’indice i.
• On appelle topologie produit des Ti la topologie initiale T sur X associée aux pi ,
Xi , c’est-à-dire la topologie la moins fine rendant les pi continues.
D’après la proposition V.2, une base Σ de T est constituée des intersections
∩ p−1 i (ωi ), où J est une partie finie de I, ωi ∈ T ; soit encore des Π ωi × Π Xi ,
i∈J i∈J iJ
appelés ouverts élémentaires ; Σ étant stable par intersection, tout ouvert est réunion
d’ouverts élémentaires.

50
V. Produit d’espaces topologiques

Proposition V.4.
a) Si les (Xi , Ti ) sont tous séparés, l’espace produit l’est aussi.
b) Soit (E, J ) un ensemble muni d’un filtre et ϕ = (ϕi ) : E → X ; ϕ converge vers
 = (i ) si et seulement si chaque ϕi converge vers i .
c) Soit f = ( fi ) une application de (Z, TZ ) dans (X, T ) ; f est continue si et seule-
ment si chaque fi est continue.
d) Une base de la topologie produit de (X1 , T1 ), . . . , (Xn , Tn ) est constituée des ω1 ×
. . . × ωn , où ωi ∈ Ti , 1  i  n.

Démonstration. a) Par définition, les projections canoniques pi séparent les points


de X, donc il s’agit d’un cas particulier de la proposition V.2 b).
b) Si ϕ tend vers , ϕi = pi ◦ f tend vers pi () = i , d’après la proposition III.9 ; si
réciproquement chaque ϕi tend vers i , soit V un voisinage de  ; V contient un ouvert
élémentaire U = Π ωi × Π Xi contenant , donc i ∈ ωi , i ∈ J ; pour chaque i ∈ J, il
i∈J iJ
existe Fi ∈ J tel que ϕ(Fi ) ⊂ ωi ; soit F = ∩ Fi ; F ∈ J , comme intersection finie
i∈J
d’éléments de J , et ϕ(F) ⊂ U ⊂ V, donc ϕ converge vers .
c) C’est un cas particulier de b) ; puisque fi = pi ◦ f , c’est aussi un cas particulier de
la proposition V.2 c).
d) Si les espaces sont en nombre fini, la base Σ décrite plus haut n’est autre que
l’ensemble des ω1 × . . . × ωn , où chaque ωi est ouvert dans Ti . ❑

On prendra garde au fait que la description de d) ne s’étend pas au cas d’un produit
infini d’espaces ; dans ce cas, un élément de Σ s’obtient en restreignant un nombre
fini de coordonnées seulement.

V.4 Exemples
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

1) La topologie produit n fois par elle-même de la topologie usuelle de R s’appelle


la topologie usuelle sur Rn ; il est clair qu’elle peut être définie par la norme sup :
||x||∞ = sup |xi | si x = (x1 , . . . , xn ) ; la boule B(a, r) est en effet l’ouvert élémentaire
n
Π ]ai − r, ai + r[ ; cette topologie peut d’ailleurs (cf. chapitre III) être définie par
i=1
n’importe quelle norme sur Rn .
2) La topologie usuelle T sur Rn peut aussi être définie par la métrique d(x, y) =
n
|x j − y j |α j , où α1 , . . . , αn ∈]0, 1]. En effet, il est clair que i : (Rn , T ) → (Rn , d)
j=1
est bicontinue.

51
Chapitre 2 • Espaces topologiques ; espaces métriques


3) Soit (X, T ) l’espace produit {−1, 1}N où chaque facteur est muni de la topolo-
gie discrète ; si x = (εn (x))n1 ∈ X, une base de voisinages de x est constituée des
ensembles
! "
VN = y ∈ X; εn (y) = εn (x), 1  n  N
où N ∈ N∗ .
En particulier, X n’est pas discret (alors qu’un produit fini d’espaces discrets est
discret), il est infini et compact et c’est un avatar de l’ensemble triadique de Cantor
(cf. chapitre III) ; la topologie de X peut être métrisée (comme c’est d’ailleurs le cas
pour tous les produits dénombrables d’espaces métriques) par
 
d(x, y) = sup αn |εn (x) − εn (y)| (V.7)
n1

où (αn ) est une suite fixe de réels > 0 qui tend vers zéro ; montrons en effet que
i : (X, T ) → (X, d) est bicontinue ; fixons x ∈ X, ε > 0 ; il existe n0 tel que n >
n0 entraîne αn  ε2 ; alors y ∈ Vn0 entraîne d(x, y) = supn>n0 αn |εn (x) − εn (y)| 
2 supn>n0 αn  ε, ce qui montre que i est continue en x ; fixons maintenant n0 , et soit
ε < 2 minnn0 αn ; alors d(x, y)  ε entraîne αn |εn (x) − εn (y)| < 2αn pour n  n0 et
donc εn (x) = εn (y) pour n  n0 , i.e. y ∈ Vn0 , ce qui montre que i−1 est continue en x.
On prendra garde au fait que la métrique ρ(x, y) = supn1 |εn (x) − εn (y)| ne définit pas
sur X la topologie T , mais la topologie discrète ! En effet, ρ(x, y) = 2 si x  y, 0 si
x = y ; c’est d’ailleurs un phénomène général : la topologie discrète sur un ensemble
E est définie par la « métrique discrète » h : h(x, y) = 1 si x  y, 0 si x = y.


4) Soit X l’espace précédent et f : X → C définie par f (x) = an εn (x), où (an )n1
1


est une série absolument convergente : |an | < ∞ ; alors f est continue ; posons en
1
effet un (x) = an εn (x) ; un est continue sur X car εn (qui n’est autre que la projection
canonique pn ) l’est ; de plus ||un ||∞ = sup x∈X |un (x)| = |an |, donc la série Σ un est
normalement convergente, et sa somme f est continue sur X ; cette propriété a des
applications intéressantes.
5) Soit X un espace séparé ; alors la diagonale Δ de X × X est fermée dans X × X. Soit
en effet (a, b)  Δ ; a  b, donc il existe des ouverts disjoints U, V tels que a ∈ U,
b ∈ V ; U ×V est un ouvert élémentaire contenant (a, b), disjoint de Δ, donc voisinage
de (a, b) dans Δc ; cela montre que Δc est ouvert, et Δ fermé.

52
Exercices

Exercices

◦ ◦
2.1 Soit (X, T ) un espace topologique ; pour A ⊂ X, on pose α(A) =A et β(A) = A ;
il est clair que A ⊂ B ⇒ α(A) ⊂ α(B) et β(A) ⊂ β(B).
a) Montrer que A ouvert entraîne A ⊂ α(A) et A fermé entraîne β(A) ⊂ A.
b) Montrer qu’on a toujours α(α(A)) = α(A) et β(β(A)) = β(A).
◦ ◦
(Noter que α(A) = β(A) et (β(A)) = α(A)).
Ainsi, en itérant les opérations ◦ et —, on obtient au plus sept ensembles distincts.
c) On suppose maintenant que A est un convexe d’intérieur non-vide d’un espace
vectoriel normé X.
1. Si x ∈ A, et 0 est intérieur à A, montrer que le segment semi-ouvert [0, x[ est

inclus dans A (Si B = B(0, δ) ⊂ A et 0  r < 1, montrer que

δ
x
− rx  (1 − r) ⇒ x
= ru + (1 − r)v
2
avec u ∈ A et v  δ, autrement dit montrer que si u ∈ A est proche de x, et x

proche de rx, alors x


∈ co(B ∪ {u}), l’enveloppe convexe de B et u). Montrer
alors que λ > 1 ⇒ A ⊂ λA. Montrer par un exemple que ce dernier résultat peut
être faux si A est simplement étoilé par rapport à 0.
2. On revient au cas A convexe. Montrer que l’on a l’implication
◦ ◦
A ∅ =⇒ A = β(A) et A= α(A).

(Indication : il s’agit de montrer que α(A) ⊂ A et β(A) ⊃ A).
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

2.2 Soit Γ le cercle unité du plan complexe, z ∈ Γ et (λn ) une suite strictement
croissante d’entiers positifs. On fait l’hypothèse :

de f
un = zλn →  ∈ Γ quand n → ∞.

a) On suppose que λn = n p où p est un entier  1. Montrer que z = 1.


b) On suppose que λn = pn où p est un entier  2. Montrer que  p−1 = 1 et que un = 
pour n assez grand.
c) Peut-on avoir  = 1 et un  1 pour tout n ?

53
Chapitre 2 • Espaces topologiques ; espaces métriques

2.3* On considère les parties suivantes de C :


A est la bande horizontale {z = x + iy; 0 < y < 1}.
B est la croix grecque {z = x + iy; min(|x|, |y|) < 1}.
a) Montrer que A et B sont homéomorphes.
b) Montrer que A et B ne sont pas homéomorphes.

2.4 [Métrique pseudo-hyperbolique]


a) On considère l’exemple 3 de IV.5. Montrer que d vérifie une inégalité triangulaire
renforcée
d(a, c) + d(c, b)
d(a, b)  .
1 + d(a, c)d(c, b)
b) Est-ce que d vérifie l’inégalité ultramétrique d(a, b)  max[d(a, c), d(c, b)] ?
c) Montrer que D avec la métrique d est un espace métrique complet : les suites de
Cauchy de (D, d) convergent dans D.

2.5 a) Dans un espace métrique, vérifier l’inclusion B(a, r) ⊂ B(a, r).


b) Dans l’exemple 2 du paragraphe IV, E ayant plus d’un élément, montrer que pour
tout x ∈ X, B(x, 1) est strictement incluse dans B(x, 1).

2.6* Soit ϕ : R → R continue telle que |ϕ(x)|  |x| pour tout x ∈ R.


a) Montrer que f → ϕ( f ) est une application de L1 (R) dans lui-même.
b) Soit ( fn ) une suite de L1 (R) telle que || fn − f ||1 → 0 ; montrer qu’il existe une suite
extraite ( fnk ) telle que la fonction maximale M = supk | fnk | soit dans L1 (R).
c) Montrer que l’application du a) est continue de L1 (R) dans lui-même.

2.7 Soit X, Y deux espaces métriques, ( fn ) une suite d’applications uniformément


continues de X dans Y, convergeant uniformément vers f : X → Y ; montrer que f
est uniformément continue.
 p+iq 
2.8 Montrer que √ 2 2 ; p, q ∈ Z et p2 + q2  1 est dense dans le cercle unité
p +q
Γ du plan complexe (on pourra paramétrer le quart nord-est de Γ par x = √ 1
,
1+tg2 ϕ
tg ϕ
y = √ 2 , 0  ϕ < π2 ).
1+tg ϕ

2.9 Soit (an )n0 la suite d’entiers définie par a0 = 1 et la relation de récurrence
an = 2 a[ n3 ] + 3 a[ n9 ] , où [ ] désigne la partie entière ; on pose b p = a3 p , (p ∈ N).
a) Calculer a1 , a2 , a3 , b0 , b1 ; montrer que b p = 2 b p−1 + 3 b p−2 si p  2. En déduire
p
que b p = (−1)
2 + 2 · 3 .
9 p

54
Exercices

b) Montrer que pour n vérifiant 3 p  n < 3 p+1 , on a an = b p .


 
c) Montrer que l’ensemble A des valeurs d’adhérence de ann n1 est le segment
3 9
2 , 2 . (On pourra considérer nk = [λ 3 ], avec 1 < λ < 3).
k

2.10 Soit (X, T ) un espace normal.


a) Si O1 , O2 sont des ouverts de X avec O1 ∪ O2 = X, montrer qu’il existe des fermés
F1 , F2 tels que F1 ⊂ O1 , F2 ⊂ O2 , F1 ∪ F2 = X.
n
b) Si F1 , . . . , Fn sont des fermés tels que ∩ Fi = ∅, montrer qu’il existe des ouverts
1
n
O1 , . . . , On tels que ∩ Oi = ∅ et Fi ⊂ Oi , i = 1, . . . , n (souvent, on utilise la forme
1
duale pour les partitions continues de l’unité : étant donné un recouvrement ouvert
O1 , . . . , On de X, il existe un recouvrement fermé F1 , . . . , Fn de X tel que F j ⊂ O j ,
1  j  n).
c) Plus généralement, étant donné F1 , . . . , Fn fermés, montrer qu’il existe O1 , . . . , On
ouverts tels que Fi ⊂ Oi , pour tout i et tels que :

∀ I ⊂ {1, . . . , n} , ∩ F i = ∅ ⇒ ∩ Oi = ∅ .
I I

(On dit que (O1 , . . . , On ) est semblable à (F1 , . . . , Fn )).

2.11 On munit Rn de la norme sup définie par : x = sup |xi | si x = (x1 , . . . , xn ) ;
1 1
on fixe ρ ∈ 1
2, 2 + 2n et ρ < 2
3 ; soit En l’ensemble des a = (a1 , . . . , an ) ∈ Rn tels
que :
a1 ak−1 an−1
a1 = m1 , a2 = m2 + , . . . , ak = mk + , . . . , an = mn + ,
2 2 2
où les m j ∈ Z.
a) Montrer que Rn = ∪ B(a, ρ).
a∈En
Dans ce qui suit, on fixe x = (x1 , . . . , xn ) ∈ Rn et on pose, pour 1  k  n :
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Ak = {a ∈ Ek ; |a j − x j | < ρ pour j = 1, . . . , k}.

b) Montrer que si a = (a1 , . . . , ak ) et a


= (a
1 , . . . , a
k ) ∈ Ak , on a |a j − a
j | < 2ρ pour
1  j  k ; en déduire que, si ak = a
k , alors a = a
; montrer aussi que |m j − m
j | = 0
ou 1 (1  j  k), où les m j (resp. m
j ) sont les entiers associés à a (resp. a
).
c) Soit Bk l’ensemble des α = (a1 , . . . , ak−1 ) ∈ Ak−1 ayant au moins deux prolonge-
ments a = (a1 , . . . , ak−1 , ak ) et a
= (a1 , . . . , ak−1 , a
k ) dans Ak ; montrer que |Bk |  1,
puis que |Ak |  |Ak−1 | + 1.
d) Montrer que x appartient à n + 1 des B(a, ρ) au plus.

55
Chapitre 2 • Espaces topologiques ; espaces métriques

2.12 Soit X = [0, 1]n ; en utilisant l’exercice précédent, montrer que, pour tout
r > 0, X admet un recouvrement ouvert (U1 , . . . , Uk ) tel que diamUi < r, ∀i, et tout
x de X ∈ n + 1 des Ui au plus. Cela exprime que la dimension topologique de X est
 n (cf. chapitre V, où on montre en exercice que dimX = n).

2.13 Soit E = Cb (R) avec la norme sup ; pour f ∈ E, t ∈ R, on pose ft (x) = f (x+t) ;
ft ∈ E. Soit g ∈ E défini par g(x) = sin(x2 ).
a) Montrer que si f ∈ E est uniformément continue, limt→0 || ft − f ||∞ = 0.
b) Montrer que t  0 entraîne ||gt − g||∞ = 2 (ainsi, en un sens très fort, g n’est pas
uniformément continue).

2.14* On considère l’exemple 3 de IV ; montrer que si a ∈ D et r ∈ ]0, 1[, B(a, r)


n’est autre que le disque euclidien D(a∗ , r∗ ) où
a(1 − r2 ) r(1 − |a|2 )
a∗ = , r∗ = .
1 − r2 |a|2 1 − r2 |a|2
(Indication : si ψa (z) = 1−az
a−z
, ψa est un automorphisme involutif de D et B(a, r) =
ψa [D(0, r)] ; utiliser le fait qu’une homographie conserve les angles et transforme
une droite ou un cercle en une droite ou un cercle).

2.15 Soit f : R → R définie par f (x) = x − sin x.


a) Montrer que f : R → R est un homéomorphisme uniformément continu.
b) Soit (un ), (vn ) deux suites de réels. Montrer que
# $ # $
f (un ) − f (vn ) = (un − vn ) − (sin un − sin vn ) → 0 =⇒ un − vn → 0 .

c) Montrer que f −1 est uniformément continu.


1
d) Montrer que f (x) = x 3 : R → R est un homéomorphisme qui vérifie
1
| f (x) − f (y)|  2|x − y| 3 , mais que son inverse n’est pas uniformément continu.

2.16 Donner un exemple de f ∈ C 1 (R, R), uniformément continue à dérivée


non bornée (on pourra faire un dessin ou chercher f sous la forme d’un « chirp »
x−β sin(xα ), avec α, β ∈ N∗ ).

2.17 Dans l’exemple 6 de IV, montrer que si r ∈]0, π], la boule fermée B(en , r) est
!
n "
une calotte sphérique x = x j e j ; xn  a , où on exprimera a en fonction de r.
1

2.18 On désigne par PQ la distance euclidienne usuelle de P, Q ∈ R2 et on pose





⎨ PQ si P, Q sont alignés avec l’origine O
d(P, Q) = ⎪

⎩ OP + OQ sinon .

56
Exercices

a) Montrer que d est une distance sur R2 (« distance SNCF »). Dans la suite, on sup-
pose R2 muni de la topologie associée.
b) Soit H le demi-plan {(x, y); y > 0} ; déterminer H.
c) Quelle est la topologie induite par d sur le cercle unité Γ ?
d) Lesquelles des transformations suivantes sont continues : homothéties de centre O ;
rotations de centre O ; translations ?

2.19 Groupes topologiques


Soit G un groupe multiplicatif muni d’une topologie séparée T ; on dit que (G, T )
est un groupe topologique si les opérations (x, y) → xy et x → x−1 sont continues
respectivement de G × G dans G et de G dans G. On se propose d’étudier quelques
propriétés de (G, T ) ; e désignera l’élément neutre de G.
a) Montrer que si V ∈ B(e), V −1 ∈ B(e).
b) Montrer que (∀ V ∈ B(e)) (∃ W ∈ B(e)); W ·W ⊂ V ; montrer qu’on peut supposer
W symétrique : W −1 = W.
c) Montrer que, ∀ a ∈ G, B(a) = {a V; V ∈ B(e)} : on dit que T est invariante par
translation.
d) Soit H un sous-groupe de G d’intérieur non vide ; montrer que H est ouvert, puis
qu’il est fermé.
e) Montrer que (G, T ) est un espace régulier.
f) Soit H un sous-groupe fermé de G, R la relation d’équivalence des classes à
gauche selon H, pour laquelle σ(x) = xH ; montrer que le saturé σ−1 [σ(A)] de A
est A · H ; en déduire que deux classes d’équivalence disjointes peuvent être séparées
H est séparé ; reprendre l’exemple G = O(n),
par des ouverts saturés disjoints, et que G
H = O(n, k) ; si G est abélien, montrer que GH est un groupe topologique.
g) Montrer que (R, +) avec sa topologie usuelle est un groupe topologique, et que le
groupe quotient RZ est homéomorphe au cercle unité Γ ; le groupe quotient Q R
est-il
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séparé ?

2.20 Fonctions semi-continues


Soit (X, T ) un espace topologique ; f : X → R est dite semi-continue inférieurement
(en abrégé sci) en x0 si
(∀ ε > 0) (∃ V ∈ B(x0 )) (∀x ∈ V) : f (x)  f (x0 ) − ε .
f est dite sci si elle est sci en tout point de X. De même, f est dite semi-continue
supérieurement(en abrégé scs) en x0 si
(∀ ε > 0) (∃ V ∈ B(x0 )) (∀x ∈ V) : f (x)  f (x0 ) + ε .

57
Chapitre 2 • Espaces topologiques ; espaces métriques

f est dite scs si elle est scs en tout point de X. On désigne par I (resp. S ) l’ensemble
des f : X → R sci (resp. scs).
a) Montrer que si f , g ∈ I, et λ  0, f + g, λ f et max( f , g) ∈ I (idem pour S avec
min) ; on dit que I est un cône convexe réticulé.
b) Montrer que f ∈ I si et seulement si { f  t} est fermé pour tout t réel ; de même,
f ∈ S si et seulement si { f  t} est fermé pour tout t réel.
c) Montrer que f est continue si et seulement si f ∈ I ∩ S .
d) Soit fi : X → R continues et f = supi fi , supposée finie en chaque point ; montrer
que f est sci ; formuler et démontrer un résultat analogue pour inf fi .
e) Montrer que la fonction indicatrice d’un ouvert (resp. d’un fermé) est sci (resp.
scs).
Dans la suite, on suppose X métrique.
f) Soit f : X →]0, ∞[, sci ; on pose fn (x) = inf a∈X [ f (a) + nd(x, a)], où n ∈ N∗ ;
montrer que fn est continue à valeurs dans ]0, ∞[, et que fn croît vers f ; en déduire
que toute f ∈ I est limite simple d’une suite croissante ( fn ) de fonctions continues ;
de même, toute g ∈ S est limite simple d’une suite décroissante (gn ) de fonctions
continues.
g) Avec les notations précédentes, on suppose de plus g  f ; on pose


h1 = g1 , h2n = −(gn − fn )+ , h2n+1 = (gn+1 − fn )+ si n ∈ N∗ , h = hn ;
1
montrer que h est continue sur X et que (théorème de Baire-Katetov) h se glisse entre
f et g :
gh f .

2.21 Soit p un nombre premier fixé ; si n ∈ Z, soit v p (n) la plus grande puissance de
p qui divise n (avec la convention v p (0) = ∞) ; on pose d(x, y) = 2−v p (x−y) , ∀ x, y ∈ Z.
a) Montrer que d est une ultramétrique sur Z (cf. exemple 2 du paragraphe IV).
b) Montrer que les boules dans Z sont des progressions arithmétiques dont on préci-
sera la raison.
c) Soit q un entier  2, premier avec p ; montrer que toute progression arithmétique
qZ + a est dense dans (Z, d) (utiliser l’identité de Bézout).
d) Les topologies associées à deux nombres premiers distincts p, p
sont-elles com-
parables ?

2.22 On définit σ et ϕ : R → R par σ(x) = +1 si x  0, −1 si x < 0,


ϕ(x) = σ(x) |x|1/2 ; montrer que ϕ est un homéomorphisme et que plus précisément,

58
Exercices

∀ x, y ∈ R :

|ϕ(x) − ϕ(y)|  2 |x − y|1/2 et |ϕ−1 (x) − ϕ−1 (y)|  |x − y|(|x| + |y|) .

Montrer que ϕ est uniformément continue ; et ϕ−1 ?

2.23 Soit 1 (resp. 2 ) l’evn des suites x = (xn )n1 de réels telles que :



||x||1 := |xn | < ∞
1


∞ 1/2
(resp. des suites y = (yn )n1 de réels telles que ||y||2 := |yn |2 < ∞) ; on définit
1
T : 1 → 2 par T (x) = y, où y = (ϕ(xn )), ϕ étant comme dans l’exercice 22.
a) Montrer que ||T (x) − T (x
)||2  2 ||x − x
||1/2

1 , ∀ x, x ∈  ; montrer que T est


1

uniformément continue.
b) Montrer que ||T −1 (y) − T −1 (y
)||1  ||y − y
||2 (||y||2 + ||y
||2 ), ∀ y, y
∈ 2 ; montrer
que T est un homéomorphisme (non linéaire !) de 1 sur 2 .

2.24 Soit (S n )n1 une suite de réels positifs croissant vers +∞, avec S n+1 − S n ten-
dant vers 0 ; montrer que l’ensemble des valeurs d’adhérence de (eiS n )n1 est Γ tout
entier.
Soit a un réel non-nul et
1  ia
n
un = k .
n k=1
Quelles sont les valeurs d’adhérence de la suite un ?

2.25 Soit X un espace régulier ayant une base d’ouverts dénombrable (On )n1 ; on
se propose de montrer que X est normal ; soit donc A, B deux fermés disjoints de X ;
on pose
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

I = {n; On ∩ B = ∅} ; J = {n; On ∩ A = ∅} .
a) Montrer que A ⊂ ∪ On , et B ⊂ ∪ On ; en déduire qu’on peut trouver deux suites
n∈I n∈J
(Un ) et (Vn ) d’ouverts telles que
∞ ∞
A ⊂ ∪ Un , B ⊂ ∪ Vn , Un ∩ B = ∅ , Vn ∩ A = ∅ .
1 1

∞ ∞
b) Soit Un
= Un \ ∪ V p , Vn
= Vn \ ∪ U p , ω1 = ∪ Un
, ω2 = ∪ Vn
; montrer que les
pn pn 1 1
ouverts ω1 , ω2 sont tels que A ⊂ ω1 , B ⊂ ω2 , ω1 ∩ ω2 = ∅.

59
Chapitre 2 • Espaces topologiques ; espaces métriques

2.26 Soit (X, d) un espace métrique.


a) Montrer qu’on a équivalence entre
(i) Pour tout ε > 0, le recouvrement (B(x, ε))x∈X contient un sous-recouvrement dé-
nombrable.
(ii) X est séparable.
(iii) Il existe une suite (ωn ) d’ouverts non vides de X telle que tout ouvert ω de X soit
réunion d’ouverts ωn . (On dit que X est à base dénombrable d’ouverts).
b) Montrer qu’une partie Y d’un espace métrique séparable X est encore séparable.
c) Soit (ωi )i∈I des ouverts non vides d’un espace métrique séparable, deux à deux
disjoints ; montrer que I est au plus dénombrable.
Remarque. Si (X, d) est séparable, tout recouvrement ouvert (Vi )i∈I de X contient
un sous-recouvrement dénombrable (théorème de Lindelöf).
Voici la preuve, selon Bourbaki : soit (Un )n1 une base dénombrable d’ouverts de X
et H l’ensemble des n ∈ N∗ tels que Un soit contenu dans un Vi au moins ; (Un )n∈H
recouvre évidemment X ; soit ψ : H → I telle que Un ⊂ Vψ(n) pour n ∈ H, et soit
J = ψ(H). On voit que U V j = U Vψ(n) ⊃ U Un = X, donc (V j ) j∈J est le sous-
J H n∈H
recouvrement dénombrable cherché.

2.27 Soit f : R+ → C uniformément continue. On note :

ω(h) = sup | f (x) − f (y)|.


x,y∈R+ ,
|x−y|h

a) Montrer que, pour x ∈ R+ et h > 0, on a l’inégalité a priori :


 
1  x+h 
| f (x)|   f (t)dt + ω(h).
h x  

A
b) On suppose que I(A) = 0 f (t)dt possède une limite l dans C quand A → +∞.
Montrer que f (x) → 0 quand x → +∞.
c) En considérant l’exemple f (x) = sin x2 de l’exercice 2.13, montrer que, dans b),
on ne peut se passer de la continuité uniforme de f .

60
Corrigés

Corrigés

◦ ◦
2.1 a) A ⊂ A, donc A⊂ α(A) ; A⊂ A, donc β(A) ⊂ A ; d’où le résultat.
b) α(A) est ouvert, donc α(A) ⊂ α(α(A)) ; de plus, α(A) = β(A) ⊂ A, d’où
α(α(A)) ⊂ α(A) ; même chose pour β.
c)
1. Puisque x ∈ A, il existe u ∈ A tel que x − u  2δ (1 − r). Si mainte-
nant x
− rx  2δ (1 − r) et si on définit v par x
= ru + (1 − r)v, on a
x
− rx = r(u − x) + (1 − r)v, d’où

δ δ
(1 − r)v  rx − u + x
− rx  (1 − r) + (1 − r) = δ(1 − r)
2 2

ce qui donne v  δ, v ∈ A et par suite x
∈ A (puisque A est convexe) et rx ∈A.
Ensuite, si y ∈ A et λ > 1, on a λy ∈ [0, y[∈ A et y ∈ λA. L’exemple dans le
plan de l’ouvert A = B(0, 1)\[ 12 , 1], étoilé par rapport à 0, et qui vérifie 1 ∈ A,
1  λA pour 1 < λ  2, répond à la question.

2. Sans perte de généralité, on peut supposer 0 ∈ A. Si x ∈ A, x s’approche par des

points rx ∈ A avec 0  r < 1, ce qui donne x ∈ β(A) et A = β(A). Si x ∈ α(A)
et si B(x, δ) ⊂ A, la question d’avant montre que B(x, δ) ⊂ A. (En effet, si
y − x < δ, on peut trouver λ > 1 tel que λy − x  δ, et alors λy ∈ A ⊂ λA,
◦ ◦
d’où y ∈ A). Cela nous donne x ∈ A et A = α(A).

2.2 a) Il est conseillé de s’entraîner sur les cas p = 1, 2. Dans le cas général, soit
f (t) = t p définie sur R. Et soit Δ p la fonction différence p-ième de f définie par
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.


p
de f

p
Δ p f (x) = (−1) p−k C kp f (x + k) = ak f (x + k)
k=0 k=0
  
= ... f (p) (x + t1 + . . . + t p )dt1 . . . dt p ,
0t1 ,...t p 1

p
avec la relation k=0 ak = (1−1) p = 0. L’égalité précédente est très utile (par exemple
pour montrer que si un = nα est entier pour tout n, alors α est entier, en prenant les
différences p-ièmes de f (t) = tα pour un p > α. Si α n’est pas entier, ces différences
p-ièmes tendent vers 0 par valeurs entières non-nulles, ce qui est absurde) et se vérifie

61
Chapitre 2 • Espaces topologiques ; espaces métriques

facilement par récurrence sur p. Dans le cas présent, puisque f (p) est la constante p!,
elle donne Δ p f (n) = p! et par suite :


p p
uan+k
k
=z a f (n+k)
k=0 k = z p! .
k=0

Passant à la limite dans cette relation quand n → ∞, nous obtenons en posant q = p! :


p
p
zq = ak =  a
k=0 k = 0 = 1.
k=0

En particulier, 1 = uqn →  et  = 1. En notant que (qn + 1) p = qmn + 1 avec mn


entier, nous avons aussi : z = zqmn +1 = uqn+1 →  = 1, d’où z = 1.
b) Nous avons un+1 = T (un ) où T : Γ → Γ est définie par T (z) = z p . Si un converge
vers , on a  = T () =  p et || = 1, d’où  p−1 = 1. De plus, |T
()| = p > 1. Le point
fixe  étant répulsif, il est évident que un =  pour n grand, résultat qui se retrouve
p
ainsi : on écrit un =  + εn avec εn → 0. La relation de récurrence un+1 = un devient,
puisque  p−1 = 1 et  p =  :

εn+1 = pεn + O(ε2n ).

Si εn  0 ∀n  1, il en résulte que | εεn+1


n
| → p  2 et que |εn+1 |  |εn | pour n assez
grand, ce qui empêche εn de tendre vers 0. On a donc bien εn = 0 et un =  pour n
grand.
c) OUI. Soit θ un réel irrationnel, puis soit qn , pn une suite d’entiers positifs et
une suite d’entiers relatifs telles que qn θ − pn −→ 0, et z = e2iπθ . Alors, zqn =
e2iπ(qn θ−pn ) −→ 1, mais zqn  1 pour tout n.

2.3* a) Voici une solution marteau-pilon : A et B sont des ouverts simplement


connexes (car étoilés) de C autres que C, donc par le théorème de Riemann ils sont
conformément équivalents au disque unité D, en particulier homéomorphes (cf. [R]).
b) Supposons qu’il existe un homéomorphisme h : A → B ; la restriction de h
à A est un homéomorphisme de A sur h(A), donc d’après le théorème de l’inva-
riance du domaine de Brouwer (cf. (III.8)), h(A) est ouvert dans C ; comme h(A)
est inclus dans B, on a h(A) ⊂ B ; de même h−1 (B) ⊂ A, d’où h(A) = B ; alors
h(∂A) = h(A \ A) = h(A) \ h(A) = B \ B = ∂B, et h induit un homéomorphisme de ∂A
sur ∂B ; or (en anticipant sur le chapitre IV) il est clair que (cf. figure 2.2) ∂A, ∂B ne
sont pas homéomorphes : ∂A a deux composantes connexes, ∂B quatre ! On laisse au
lecteur le soin de trouver une solution plus élémentaire de a) et b).

62
Corrigés

A
B

Figure 2.2

2.4 a) Avec les notations du cours (IV.5, exemple 3), on a tout simplement

|ϕc (a)| + |ϕc (b)| d(a, c) + d(c, b)


d(a, b) = d(ϕc (a), ϕc (b))  = .
1 + |ϕc (a)||ϕc (b)| 1 + d(a, c)d(c, b)

b) Non. Avec a = 0, b = 12 , c = 14 , on a :

1 1 2 2
d(a, b) = > max (d(a, c), d(c, b)) = max , = .
2 4 7 7

c) Soit (zn ) une suite de Cauchy de (D, d). L’inégalité évidente d(a, b)  12 |a − b|
si a, b ∈ D montre que (zn ) est une suite de Cauchy au sens ordinaire, et donc
converge au sens ordinaire vers z ∈ D. Soit 0 < ε < 1 et N(ε) entier tel que
z p −zq
p, q ≥ N(ε) ⇒ | 1−z p zq
|  ε. Le passage à la limite dans cette relation quand q → ∞
z −z
avec p  N(ε) fixé donne : | 1−z
p
pz
|  ε, ce qui force z ∈ D car on a vu dans (IV.5) 3)
z −z
que |z| = 1 ⇒ | 1−z
p
pz
| = 1. On peut donc dire que
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

p  N(ε) ⇒ d(z p , z)  ε,

ce qui achève la preuve.

2.5 a) La fonction f : x → d(a, x) est continue et B(a, r) = f −1 ([0, r]), donc B(a, r)
est fermée ; elle contient B(a, r), donc aussi B(a, r).
b) Par définition, d est toujours  1, donc B(x, 1) = X. D’autre part, d(x, y) < 1 signi-
! "
fie p(x, y)  2, soit y1 = x1 ; ainsi B(x, 1) = y ∈ X; y1 = x1 ; cette relation montre
que B(x, 1) est fermée, donc B(x, 1) = B(x, 1) ; d’autre part, E contient un élément a
différent de x1 ; soit y = (a, a . . .) ; y  B(x, 1), d’où l’inclusion stricte demandée.

63
Chapitre 2 • Espaces topologiques ; espaces métriques

2.6* a) ϕ étant continue et f mesurable, ϕ( f ) est mesurable ; de plus |ϕ( f )|  | f |,


donc |ϕ( f )| est intégrable, et ϕ( f ) ∈ L1 (R).
b) Il existe une suite extraite ( fnk ) avec || f − fnk ||1  2−k ;
soit


S = | fn1 | + | fnk+1 − fnk | ;
k=1
d’après le théorème de Beppo Levi (cf.[R]),
 ∞ 

S = || fn1 ||1 + || fnk+1 − fnk ||1  || fn1 ||1 + 2 ;
−∞ k=1

en effet,
|| fnk+1 − fnk ||1  || fnk+1 − f ||1 + || f − fnk ||1  2−k−1 + 2−k  21−k .
On a donc S ∈ L1 (R). D’autre part, on a pour tout j ∈ N∗ :

j−1
fn j = fn1 + ( fnk+1 − fnk ),
k=1

d’où | fn j |  S par l’inégalité triangulaire ; on en déduit M  S , et M ∈ L1 (R) (on ne


fait que retrouver un résultat classique de cours sur l’intégrale de Lebesgue).
c) Soit f ∈ L1 (R), ( fn ) une suite tendant vers f dans L1 (R) ; la suite ( fnk ) du b)


converge presque partout vers f , puisque || f − fnk ||1 converge ; en effet, le théo-
k=1
  ∞   ∞ 
  
rème de Beppo Levi entraîne 
 f − fnk  dx =  f − fnk  dx < ∞. On a donc
k=1 k=1

∞ 
(cours d’intégration)  f (x) − f (x) < ∞ pour x  A, où A est un ensemble négli-
nk
k=1
geable ; et si une série numérique converge, son terme général tend vers zéro ! Donc,
x  A ⇒ fnk (x) → f (x). Ensuite, ϕ étant continue, (ϕ( fnk )) converge presque partout
vers ϕ( f ) ; de plus, |ϕ( fnk )|  | fnk |  M, donc ϕ( fnk ) est majorée en module par une
fonction intégrable ; par le théorème de convergence dominée, ϕ( fnk ) tend vers ϕ( f )
dans L1 (R) ; d’après la proposition IV.8, f → ϕ( f ) est continue.

2.7 Soit ε > 0 ; fixons n tel que supa∈X d( f (a), fn (a))  ε ; n étant ainsi fixé, soit
δ = ω( fn , ε) ; on voit que d(x, x
)  δ entraîne
d[ f (x), f (x
)]  d[ f (x), fn (x)] + d[ fn (x), fn (x
)] + d[ fn (x
), f (x
)]  3ε ;
ε étant arbitraire, f est uniformément continue.

64
Corrigés

2.8 Soit z = x + iy ∈ Γ avec x, y ∈]0, 1[ ; on peut écrire x = cos ϕ, y = sin ϕ avec


tg ϕ
0 < ϕ < π2 , soit encore x = √ 1
, y = √ 2 ; on peut approcher tg ϕ par un ra-
1+tg2 ϕ 1+tg ϕ
tionnel q
p avec p, q ∈ N∗ , donc x par √ p
et y par √ q
; l’ensemble E considéré
p2 +q2 p2 +q2
est donc dense dans le quart nord-est de Γ ; changeant p et (ou) q en leurs opposés,
on voit que E est dense dans Γ.

2.9 a) a1 = 2a0 + 3a0 = a2 = 5 ; a3 = 2a1 + 3a0 = 13 ; b0 = a1 = 5 ; b1 = a3 = 13.


Pour (b p ), on forme l’équation caractéristique r2 − 2r − 3 = 0, de racines distinctes
−1 et 3 ; on a donc b p = α(−1) p + β 3 p , et les valeurs initiales b0 , b1 donnent α = 12 ,
β = 92 .
b) Notons que a4 = . . . = a8 = 2a1 + 3a0 = 13 et vérifions la propriété demandée par
récurrence sur p ; si p = 0, a1 = a2 = 5 = b0 ; si p = 1, a3 = a4 = . . . = a8 = 13 = b1 ;
si p  2 et si la propriété est vraie pour 0, . . . , p − 1, soit n tel que 3 p  n < 3 p+1 ;
n
3 ∈ [3 p−1 , 3 p [ et n9 ∈ [3 p−2 , 3 p−1 [, donc d’après l’hypothèse de récurrence
an = 2 a[ n3 ] + 3 a[ n9 ] = 2 b p−1 + 3 b p−2 = b p .
 
c) Soit A l’ensemble des valeurs d’adhérence de ann , α = inf A  0, β = sup A  ∞ ;
si pn est l’entier tel que 3 pn  n < 3 pn +1 , on voit que

an
9
2 3 pn + 12 (−1) pn 9
2 3 pn + 1
2 9
=  , d’où β  .
n n 3 pn 2

De même,
an
9
2 3 pn − 1
2 3
 , d’où α  ;
n 3 pn +1 2
3 9
on a donc A ⊂ 2 , 2 ; si nk = [λ 3k ] avec 1 < λ < 3, on a 3k  nk < 3k+1 , d’où
9
3k + 12 (−1)k
1
ank = 2 9
, quantité qui tend vers 2λ quand k → ∞ ; donc 2λ
9
∈ A ; l’en-
nk nk

semble des 2λ parcourt 2 , 2 quand λ parcourt ]1, 3[, d’où 2 , 2 ⊂ A ⊂ 32 , 92 et
9 3 9 3 9

A = 32 , 92 , puisque A est fermé.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

2.10 a) Pour j = 1, 2, posons G j = Ocj ; les G j sont des fermés disjoints, donc il
existe des ouverts disjoints ω j avec G j ⊂ ω j , ( j = 1, 2) ; les F j = ωcj répondent à la
question.
b) L’idée est de remplacer progressivement F1 , . . . , Fn par A1 , A2 , . . . , An où chaque
Ai est un ouvert contenant Fi , en préservant la propriété de disjonction : F1 ⊂
(F2 ∩ . . . ∩ Fn )c , donc il existe A1 ouvert tel que F1 ⊂ A1 ⊂ A1 ⊂ (F2 ∩ . . . ∩ Fn )c ,
et on a encore A1 ∩ F2 ∩ . . . ∩ Fn = ∅ ; ce qu’on a fait pour F1 peut aussi bien être
fait pour F2 à partir de la famille disjointe (A1 , F2 , . . . , Fn ) de fermés ; il existe donc
A2 ouvert tel que F2 ⊂ A2 , la famille (A1 , A2 , F3 , . . . , Fn ) étant encore disjointe ; de

65
Chapitre 2 • Espaces topologiques ; espaces métriques

proche en proche, on remplace les Fi par des Ai , et on arrive au résultat annoncé : les
ouverts A1 , . . . , An répondent à la question.
! "
c) C’est le même principe : soit E = I ⊂ {2, . . . , n}; F1 ∩ ∩ Fi = ∅ et S = ∪ ∩ Fi ;
I I∈E I
S est fermé disjoint de F1 , donc il existe A1 ouvert tel que F1 ⊂ A1 ⊂ A1 ⊂ S c ; la
famille (A1 , F2 , . . . , Fn ) est par construction semblable à (F1 , . . . , Fn ) et on recom-
mence ...

2.11 a) Si x ∈ Rn , on choisit par récurrence des mk ∈ Z et des ak tels que


a1 = m1 , . . . , ak = mk + ak−1 1 ak−1
2 , |x1 − m1 |  2 , |(xk − 2 ) − mk | 
1
2 ; pour
a = (a1 , . . . , an ) ∈ En ainsi construit, on a ||x − a||  2 et x ∈ B(0, ρ).
1

b) |a j − a
j |  |a j − x j | + |a
j − x j | < 2ρ ; si ak = a
k , alors :
1
|mk − m
k | = |ak−1 − a
k−1 | < ρ < 1,
2
donc mk = m
k et ak−1 = a
k−1 , puis de proche en proche a j = a
j pour 1  j  k, et
a = a
; dans le cas général,
1
|m j − m
j |  |a j − a
j | + |a j−1 − a
j−1 | < 3ρ < 2
2
donc |m j − m
j | = 0 ou 1.
c) Si mk et m
k sont les entiers associés à a et a
(a  a
), on a |mk − m
k | = 1, on peut
donc supposer mk = m, m
k = m + 1 ; par hypothèse :
ak−1 ∈ I :=]2(xk − ρ − m), 2(xk + ρ − m − 1)[.
p q
I est de longueur 2(2ρ− 1) < 2n−2
1
, et ak−1 de la forme 2k−2 = 2n−2 où p, q ∈ Z ; ak−1 est
donc parfaitement déterminé, ainsi que ak−2 , . . . , a1 d’après b), et on a bien |Bk |  1 ;
notons pour cela que m ne dépend que de Ak ; car m = inf{m

k ; a = (a1 , ..., ak ) ∈
Ak }.
En effet, si a

∈ Ak , on a |m

k − mk |  1 d’après b), d’où mk  mk − 1 = m = mk .


On a donc bien |Bk |  1. De plus, si α = (a1 , ..., ak−1 ) ∈ Bk , α a au plus deux prolon-
gements dans Ak , à savoir (a1 , ..., ak−1 , m + ak−1 ak−1
2 ) et (a1 , ..., ak−1 , m + 1 + 2 ) ; il en
résulte que
|Ak |  (|Ak−1 | − 1) + 2 = |Ak−1 | + 1.
d) On a clairement |A1 |  2, d’où |An |  n + 1 d’après c).

2.12 Soit λ ∈]0, 1[ tel que 2λρ < r ; d’après l’exercice 11, Rn = ∪ B(λa, λρ),
a∈En
et chaque x ∈ Rn est dans au plus n + 1 des boules B(λa, λρ) ; celles de ces
boules qui coupent X recouvrent X et sont en nombre fini (car ||λa|| > 2 entraîne
B(λa, λρ) ∩ X = ∅) ; leurs intersections avec X, numérotées U1 , . . . , Uk , répondent à
la question.

66
Corrigés

2.13 a) Soit ε > 0, δ = ω( f , ε), t tel que |t|  δ ; on a |x + t − x|  δ pour tout x ∈ R,


donc | ft (x) − f (x)|  ε ; en passant au sup sur x : || ft − f ||∞  ε.

b) Fixons t > 0 ; pour k ∈ N∗ , posons xk = 2kπ − π2 et yk = t2 + 2txk , yk étant ajusté
pour qu’on ait (xk + t)2 = x2k + yk ; on a

yk − yk−1 → 0 quand k → ∞ ; (VII.1)

soit  ∈ N et k = k() l’entier tel que

yk−1  (2 + 1) π < yk ; (VII.2)

posons x
 = xk , y
 = yk ; on a :
sin x
2 = −1
 
et sin(x
 + t)2 = sin(x
2 + y
 ) = sin 2kπ − π2 + yk = − cos y
 = − cos(y
 − 2π)
tend vers 1. En effet, (VII.1) et (VII.2) entraînent y
 − 2π → π quand  → +∞ ; et
le passage à la limite dans ||gt − g||∞  | sin(x
 + t)2 − sin x
2 | donne ||gt − g||∞ = 2,
d’où le résultat ; on a donc ||ga − gb ||∞ = 2 si a  b (comparer à l’exercice 18 du
chapitre V).
!   "
z−a 
2.14* B(a, r) = z ∈ D;  1−az < r = {z ∈ D; |ψa (z)| < r} = ψ−1 a [D(0, r)] =
ψa [D(0, r)] ; on peut supposer a  0 ; le cercle C(0, r) est orthogonal à la droite Δ
−1
passant par 0 et a en ± ar|a| ; C(0, r) ne passe pas par le pôle a de ψa tandis que Δ
passe par ce pôle ; il est donc transformé par ψa en un cercle orthogonal à ψa (Δ) en
   ar   ar 
ψa ± ar|a| , donc en le cercle de diamètre ψa − |a| , ψa |a| (en effet, ψa (Δ) est une
droite) ; on a ainsi ψa [C(0, r)] = C(a∗ , r∗ ), où
%   &
∗ 1 ar ar a(1 − r2 )
a = ψa − + ψa = ;
2 |a| |a| 1 − r2 |a|2
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

   
∗ 1  ar ar  r(1 − |a|2 )
r = ψa − ψa −  = .
2 |a| |a| 1 − r2 |a|2
Observons que ψa (0) = a ∈ D(a∗ , r∗ ) ; en effet

(1 − |a|2 ) r(1 − |a|2 )


|a − a∗ | = r2 |a| < .
1 − r2 |a|2 1 − r2 |a|2

Il en résulte (par exemple à l’aide d’un argument de connexité, cf. chapitre IV) que
ψa [D(0, r)] = D(a∗ , r∗ ) (cf. figure 2.3).

67
Chapitre 2 • Espaces topologiques ; espaces métriques

D B(a,1/2) pour a proche de 1


O a

Figure 2.3

2.15 a) On a f
(x) = 1 − cos x ∈ [0, 2], donc l’inégalité des accroissements finis
(par exemple) nous donne
| f (x) − f (y)|  2|x − y| ∀x, y ∈ R.

Cela montre la continuité uniforme de f sur R. D’autre part, on a f


 0 et
E = {x; f
(x) = 0} = 2πZ est d’intérieur vide, donc f est strictement croissante.
Enfin :
lim f (x) = −∞ et lim f (x) = +∞,
x→−∞ x→+∞
donc f est une bijection continue strictement croissante de R sur R et par suite un
homéomorphisme.
b) Écrivons un − vn = (sin un − sin vn ) + εn avec εn → 0. Cela entraîne
  un − vn  u + vn   u − vn 
|un − vn   2 sin  cos n  + |εn |  2 sin n  + |εn |.
2 2 2
Si l est une valeur d’adhérence de la suite bornée un − vn , le passage à la limite dans
l’inégalité précédente donne |l|  2| sin 2l | et par suite l = 0 car | sin u| < |u| pour u réel
 0. D’où un − vn → 0, en anticipant sur les résultats du chapitre 3.
c) Si f : R → R est un homéomorphisme tel que

f (un ) − f (vn ) → 0 ⇒ un − vn → 0, (∗)


cet homéomorphisme est d’inverse uniformément continu, d’après le b) de la propo-
sition IV.10 pour f −1 , et en appliquant l’hypothèse (∗) aux deux suites un = f −1 (xn )
et vn = f −1 (x
n ). Cela donne le résultat ici.
d) L’inégalité (u + v)θ  uθ + vθ pour u, v  0 et 0  θ  1, avec les valeurs
u = x, v = y − x, u + v = y, θ = 13 montre d’abord que
1
0  x  y ⇒ | f (x) − f (y)| = f (y) − f (x)  (y − x) 3 .

68
Corrigés

1 1 1
Ensuite, x  0  y ⇒ | f (x) − f (y)|  y 3 + |x| 3  2|x − y| 3 . Puisque f est impaire,
on a
1
| f (x) − f (y)|  2|x − y| 3 ∀x, y ∈ R,
ce qui montre la continuité uniforme de f sur R. Mais f −1 (x) = x3 n’est pas uni-
formément continue sur R : si xn = n et x
n = n + 1n , on a x
n − xn → 0, alors que
f −1 (x
n ) − f −1 (xn )  3n.

2.16 Soit g : R → R+ une fonction continue non bornée


 mais ayant une inté-
∞ x
grale impropre : −∞ g(t) dt = I < ∞ ; soit f (x) = −∞ g(t) dt ; f est C 1 avec
f
= g, donc f
n’est pas bornée ; mais f (x) tend vers 0 quand x → −∞, vers I
quand x → +∞, et f est continue ; elle est donc (cf. chapitres III et VI) uniformé-
α)
ment continue sur R. Ou bien soit f (x) = sin(x xβ avec α, β ∈ N∗ et α  β + 2.
α
f (x) sin(x ) α−β−1 quand x → 0, donc f
(0) existe et vaut 0 ; de plus, x  0
x = xβ+1 ∼ x
entraîne f
(x) = α xα−β−1 cos(xα ) − β x−β−1 sin(xα ) ; donc lim x→0 f
(x) = 0, et f
est
continue sur R ; puisque f tend vers zéro à l’infini, elle est uniformément continue
sur R (chapitre VI) ; de plus f
((2nπ)1/α ) = α(2nπ)(α−β−1)/α tend vers ∞ avec n, et f

n’est pas bornée.

2.17 d(en , x)  r signifie Arc cos xn  r ou encore xn  cos r, puisque Arc cos est
une bijection décroissante de [−1, 1] sur [0, π]. Remarquons qu’ici B(en , r) = B(en , r)
(cf. figure 2.4).
en

B(e n ,r)

S
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Figure 2.4

2.18 a) Le seul problème est l’inégalité triangulaire d(P, R)  d(P, Q) + d(Q, R).
Distinguons deux cas (et pas plus), en remarquant que d est plus grande que la dis-
tance usuelle ; nous pouvons supposer P, Q, R distincts.
Cas 1 : P, R sont alignés avec O.
Alors, d(P, R) = PR  PQ + QR  d(P, Q) + d(Q, R).
Cas 2 : P, R ne sont pas alignés avec O.

69
Chapitre 2 • Espaces topologiques ; espaces métriques

Alors Q ne peut être à la fois sur OP et sur OR, sinon P et R seraient alignés avec O ;
supposons que Q n’est pas sur OR ; nous avons donc

d(P, R) = OP + OR  OQ + OR + PQ = d(Q, R) + PQ  d(P, Q) + d(Q, R) .

b) d est plus fine que la distance usuelle, donc H est contenu dans l’adhérence usuelle
 
K de H : K = {(x, y); y  0}. d 0, 1n , (0, 0) = 1n , donc l’origine O est dans H ;
mais si P = (x, 0) avec x  0, P, Q ne sont pas alignés avec O si Q ∈ H, d’où
d(P, Q) = OP + OQ  OP, ce qui entraîne P  H ; en conclusion, H = H ∪ {O}.
c) P, Q ∈ Γ et P  Q ⇒ d(P, Q) = OP + OQ = 2 ; la topologie induite sur Γ est donc
la topologie discrète.
d) Une homothétie f de rapport λ et de centre O préserve l’alignement avec O, d’où
d[ f (P), f (P
)] = |λ| d(P, P
) et f est continue ; de même, une rotation est une iso-
métrie pour d, donc est continue ; mais une translation f de vecteur t  0 définie par
−−→ −−→
f (P) = Q avec PQ = t, ne l’est pas ; fixons par exemple P avec OP  −t, si bien que
−−−→   −−→
f (P) = Q  O ; si OPn = 1 + 1n OP, d(P, Pn ) = 1n OP tend vers zéro, mais si
Qn = f (Pn ), Q et Qn ne sont pas alignés avec O, d’où d[ f (P), f (Pn )] = d(Q, Qn ) =
OQ + OQn  OQ > 0 ; f n’est donc pas continue en P.

2.19 a) Posons f (x) = x−1 ; f : G → G est une bijection continue égale à son
inverse, donc un homéomorphisme de G ; en particulier, si V ∈ B(e), f (V) = V −1 ∈
B(e).
b) Soit f (x, y) = xy ; f : G × G → G est en particulier continue en (e, e) ; il existe
donc W ∈ B(e) tel que f (W × W) = W.W ⊂ V ; on a aussi W −1 ∈ B(e) et
U= W ∩ W −1 ∈ B(e), avec U = U −1 ; quitte à remplacer W par U, on peut donc
supposer W symétrique.
c) Si f (x) = a x, f est continue et f −1 (x) = a−1 x, donc la translation à gauche
f est un homéomorphisme ; il en résulte que f [B(e)] = [B( f (e))] = B(a) ; or
f [B(e)] = {a V; V ∈ B(e)}, d’où le résultat.

d) Soit a ∈ H ; d’après c), il existe V ∈ B(e) avec a V ⊂ H ; soit b ∈ H ;

b V = b a−1 (a V), donc b V est inclus dans H ; or b V ∈ B(b), donc b ∈ H et H est
ouvert ; de plus G s’écrit comme union disjointe  ai H H, où les ai sont un système
i∈I
de représentants des classes à gauche selon H autres que H ; donc H c =  ai H ; or
i∈I
chaque ai H est ouvert, comme image de l’ouvert H par l’homéomorphisme x → ai x ;
on voit que H c est ouvert, et H fermé.
e) Montrons d’abord l’inclusion

W ⊂W ·W , ∀ W ∈ B(e) . (VII.3)

70
Corrigés

Soit en effet x ∈ W ; xW −1 est voisinage de x, donc coupe W ; autrement dit il existe


w1 , w2 ∈ W tels que x w−1
2 = w1 , et x = w1 w2 ∈ W · W. Montrons ensuite que

e a une base de voisinages fermés . (VII.4)

Soit en effet V ∈ B(e) ; d’après b) il existe W ∈ B(e) tel que W · W ⊂ V, et


d’après (VII.3) W est un voisinage fermé de e contenu dans V. La topologie T étant
invariante par translation, il en résulte que

tout point de G a une base de voisinages fermés . (VII.5)

Mais (VII.5) équivaut à la régularité de G ; soit en effet a ∈ ω, où ω est ouvert ; ω est



voisinage de a, donc il existe V fermé, V ∈ B(a), tel que a ∈ V ⊂ ω ; si U =V, U est
ouvert et a ∈ U ⊂ U ⊂ V ⊂ ω ; d’après la proposition I.8, G est régulier.
f) σ−1 [σ(A)] = {x; σ(x) ∈ σ(A)} = {x; ∃ a ∈ A; x ∈ aH} = ∪ aH = A · H.
a∈A
Si σ(a)  σ(b), b−1 a
=: x  H, donc il existe V ∈ B(x) tel que V ∩ H = ∅ et W voi-
sinage symétrique de e tel que W xW ⊂ V ; posons ω1 = aW, ω2 = bW et montrons
que
(ω1 · H) ∩ (ω2 · H) = ∅ . (VII.6)
Si ce n’est pas le cas, on a une relation a w1 h1 = b w2 h2 avec w j ∈ W, h j ∈ H ; on
en tire : w−1 −1 −1 −1
2 b a w1 = w2 x w1 = h2 h1 ∈ H, ce qui contredit W xW ∩ H = ∅.
D’après ce qui précède, ω j · H est le saturé de ω j , et il est ouvert comme égal à la
réunion des ouverts ω j h, h ∈ H ; d’autre part, ω1 · H contient σ(a) = aH et ω2 · H
contient σ(b) = bH ; donc σ(a) et σ(b) peuvent être séparées par des ouverts saturés
disjoints et (cf. proposition V.3 bis) G
H est séparé.
Si G = O(n), l’opération (x, y) → xy est continue comme restriction à G × G de
la multiplication (x, y) → xy sur Mn (R) × Mn (R), continue car bilinéaire en dimen-
sion finie ; l’opération x → x−1 aussi car x−1 = det1 x x̂ (où x̂ est la comatrice de x)
est une fonction rationnelle des coefficients de x ; O(n) est donc un groupe topolo-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

gique ; si (g j ) est une suite de O(n, k) convergeant vers g, et a ∈ Ek , g j (a) ∈ Ek et


g j (a) → g(a), donc g(a) ∈ Ek car Ek est fermé (on est en dimension finie) ; cela
montre que O(n, k) est un sous-groupe fermé ; on retrouve le fait que l’espace topolo-
O(n)
gique quotient O(n,k) est séparé. Supposons maintenant G abélien ; G H est un groupe ;
si A est ouvert dans G, σ−1 [σ(A)] = A · H est ouvert aussi, donc σ(A) est ouvert par
définition (autrement dit σ est ouverte) ; on en déduit comme suit la continuité de la
−1
multiplication dans G H : soit U un ouvert contenant σ(a) σ(b) = σ(ab) ; σ (U) est
un voisinage ouvert de ab, donc il existe des ouverts A, B tels que a ∈ A, b ∈ B,
A · B ⊂ σ−1 (U) ; alors σ(A), σ(B) sont des ouverts contenant σ(a), σ(b) respective-
ment, et σ(A) · σ(B) ⊂ σ(A · B) ⊂ U, ce qui montre la continuité de la multiplication

71
Chapitre 2 • Espaces topologiques ; espaces métriques

en (σ(a), σ(b)) ; celle de σ(x) → (σ(x))−1 s’établit de même ; comme de plus G


H est
séparé, c’est un groupe topologique.
(N.B. Certains auteurs ne demandent pas à un groupe topologique d’être séparé ...).
g) Le résultat classique concernant (R, +) et RZ est laissé au lecteur. Q R
n’est pas sé-
paré ; en effet, si A et B sont ouverts non vides de R, A − B aussi, donc (A − B) ∩ Q  ∅
puisque Q est dense dans R, soit (A + Q) ∩ (B + Q)  ∅ ; il en résulte que si U, V
R
sont ouverts non vides dans Q , σ−1 (U) et σ−1 (V) se coupent, a fortiori U et V. On
démontre d’ailleurs que réciproquement, si G H est séparé, alors H est fermé ; voici
comment : si x  H, on a σ(x)  σ(e), où e est l’élément neutre du groupe ; il existe
donc un ouvert U ⊃ σ(x) tel que σ(e)  U ; σ−1 (U) est un voisinage ouvert de x,
disjoint de H, car si h ∈ H ∩ σ−1 (U), on a σ(e) = σ(h) ∈ U. Ainsi, σ−1 (U) ⊂ H c , ce
qui montre que H c est ouvert, et que H est fermé.

2.20 a) à e) sont laissés au lecteur.


f) Soit x ∈ X, ε ∈]0, f (x)[, δ > 0 tel que d(a, x)  δ ⇒ f (a)  f (x) − ε. Je dis que
| fn (x) − fn (y)|  nd(x, y) pour tous x, y (laissé au lecteur) et que

fn (x)  min(nδ, f (x) − ε) . (VII.7)

En effet, d(x, a)  δ ⇒ f (a) + nd(x, a)  f (a)  f (x) − ε ; si d(x, a)  δ,


f (a) + nd(x, a)  nd(x, a)  nδ. (VII.7) avec ε = f (x) 2 montre que fn (x) est > 0 ;
f (x)
si n  δ , fn (x) est  f (x) − ε, donc fn (x) tend vers f (x) (noter que fn (x)  f (x)).
Dans le cas général, soit ϕ = e f ; ϕ ∈ I, donc par ce qui précède il existe une suite
(ϕn ) de fonctions continues > 0 qui croît vers ϕ ; ( fn ) = (Log ϕn ) est une suite de
fonctions continues qui croît vers f .

n
g) Soit S n = h j ; S 2n+1 − S 2n−1 = (gn+1 − fn )+ − (gn − fn )+  0 ; S 2n+2 − S 2n =
j=1
(gn+1 − fn )+ −(gn+1 − fn+1 )+  0 ; S 2n+1 −S 2n = (gn+1 − fn )+  0 ; S 2n+1 −S 2n tend vers
(g − f )+ = 0 ; en particulier, les suites de fonctions (S 2n ), (S 2n+1 ) sont adjacentes,
et h est bien définie ; h est limite croissante de la suite de fonctions continues S 2n ,
donc est sci (d’après d)) ; elle est limite décroissante de la suite de fonctions conti-
nues S 2n+1 , donc est scs ; h est continue d’après c). Pour montrer qu’elle se glisse là
où il faut, distinguons deux cas.
Cas 1. g(x) = f (x).
Alors, les sommes partielles de h valent alternativement g1 , f1 , g2 , f2 , . . . donc
h(x) = f (x) = g(x).
Cas 2. g(x) < f (x).
Alors il existe un plus petit entier k tel que gk (x)  fk (x).

72
Corrigés

Si k = 1, h(x) = g1 (x) ∈ [g(x), f (x)].


Si k > 1, h = g1 − (g1 − f1 )+ + (g2 − f1 )+ − . . . − (gk − fk )+ en x, et les sommes
partielles successives sont : g1 , f1 , g2 , f2 , . . . , , , . . . où  = fk−1 + (gk − fk−1 )+ ;
autrement dit : si gk (x)  fk−1 (x), h(x) = fk−1 (x) ∈ [g(x), f (x)] ; si gk (x) > fk−1 (x),
h(x) = gk (x) ∈ [g(x), f (x)].
L’écriture compliquée de h sous forme de série n’est qu’une façon commode d’obte-
nir sa continuité.

2.21 a) est laissé au lecteur.


b) On trouve facilement B(x, 2−α ) = pα+1 Z + x et B(x, r) = pα Z + x pour 2−α < r <
2−α+1 , α ∈ N, tandis que B(x, r) = Z si r > 1 ; on a des résultats analogues pour les
boules fermées.
c) Soit A = qZ+a, ω un ouvert non vide de (Z, d) ; il s’agit de montrer que A∩ω  ∅ ;
d’après b), ω contient une progression arithmétique pα Z + x ; il suffit donc de montrer
que
(qZ + a) ∩ (pα Z + x)  ∅ . (VII.8)

Il nous faut trouver u, v ∈ Z tels que qu + a = pα v + x, soit qu − pα v = x − a ; or,


q et pα sont premiers entre eux, donc il existe u0 , v0 ∈ Z tels que qu0 − pα v0 = 1 ;
u = (x − a) u0 , v = (x − a) v0 conviennent.
d) Non ; d p (pα , 0) = 2−α tend vers 0 quand α → ∞, alors que d p
(pα , 0) = 1 ; de
même d p
(p
α , 0) tend vers 0, et d p (p
α , 0) = 1.

2.22 ϕ est une bijection croissante impaire bicontinue de R sur R avec ϕ−1 (x) =
σ(x) x2 ; rappelons que (u + v)1/2  u1/2 + v1/2 pour u, v  0, et considérons x, y avec
y  x ; pour majorer |ϕ(x) − ϕ(y)| = ϕ(y) − ϕ(x), distinguons trois cas :
Cas 1. y  x  0.
Alors, posant y = x + h, on a ϕ(y) = y1/2  x1/2 + h1/2 = ϕ(x) + |x − y|1/2 , d’où
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

ϕ(y) − ϕ(x)  |x − y|1/2 .


Cas 2. x  y  0.
Se ramène au cas 1 par imparité.
Cas 3. x  0  y.
Alors, ϕ(y) − ϕ(x) = y1/2 + |x|1/2  2 |x − y|1/2 .
L’inégalité pour ϕ−1 s’établit de même ; ϕ est uniformément continue, un module
possible de continuité uniforme étant ω(ϕ, ε) = ε4 ; ϕ−1 n’est pas uniformément
2

√ √ √ √ 
continue, car ϕ−1 ( n + 1) − ϕ−1 ( n) = 1, alors que lim n + 1 − n = 0.

73
Chapitre 2 • Espaces topologiques ; espaces métriques

2.23 a) D’après 22), on a



∞ 

||T (x) − T (x
)||22 = |ϕ(xn ) − ϕ(x
n )|2  4 |xn − x
n | = 4 ||x − x
||1 ,
1 1

d’où ||T (x) − T (x


)||2  2 ||x − x
||1/2
1 ; un module de continuité uniforme pour T est
ε2
encore ω(T , ε) = 4 .
b) D’après 22), on a


−1 −1

||T (y) − T (y )||1 = |ϕ−1 (yn ) − ϕ−1 (y


n )|
1


 |yn − y
n |(|yn | + |y
n |)
⎛ 1∞ ⎞1/2 ⎛ ∞ ⎞1/2
⎜⎜⎜ ⎟⎟⎟ ⎜⎜⎜   ⎟⎟
 ⎜⎜⎝ |yn − yn | ⎟⎟⎠ ⎜⎜⎝

2
|yn | + |yn | ⎟⎟⎟⎠

2
(Cauchy-Schwarz)
1   1
 ||y − y
||2 ||y||2 + ||y
||2 (Minkowski) .

En particulier, T −1 est continu (même uniformément continu sur tout borné) et T est
un homéomorphisme.

2.24 Soit zn = eiS n , z = eia ∈ Γ, nk le plus grand indice tel que S nk  a + 2kπ (avec
la convention S 0 = 0) ; la suite (nk ) est strictement croissante pour k assez grand, et
znk → eia = z car S nk − 2kπ → a et znk = ei(S nk −2kπ) ; cela montre déjà que la suite
(zn ) est dense dans Γ. Soit maintenant A l’ensemble de ses valeurs d’adhérence, E
l’ensemble des valeurs qu’elle prend, F = Γ\E ; E étant dénombrable et Γ sans point
isolé, F est dense dans Γ ; montrons que F ⊂ A ; soit pour cela  ∈ F, ε > 0, n0 ∈ N∗ ;
posons δ = min(ε, | − z1 |, . . . , | − zn0 |) ; δ est > 0, donc d’après la densité de (zn )
il existe n ∈ N∗ avec | − zn | < δ ; par définition de δ, on a n > n0 et | − zn | < ε ;
d’où  ∈ A et F ⊂ A comme annoncé. Il en résulte que A est dense dans Γ, d’où
A = A = Γ. Ce passage de « (zn ) est une suite dense dans X » à « tout élément de
X est valeur d’adhérence de (zn ) » vaut pour tout espace métrique X sans point isolé
(même preuve).
La suite (un ) considérée peut s’écrire :
⎛ n  ⎞  1
⎜⎜ 1  k ia ⎟⎟⎟
ia ⎜ nia
un = n ⎜⎜⎜⎝ ⎟⎟⎟ ∼ nia t ia
dt = ,
n k=1 n ⎠ 0 ia + 1

de f
d’après la propriétés des sommes de Riemann. En écrivant nia = eia log n = eiS n avec
S n+1 − S n = a log(n + 1) − a log n → 0 et S n → ∞, on voit d’après ce qui précède

74
Corrigés

que l’ensemble des valeurs d’adhérence de (un ) est le cercle


 
 1  1
C 0,   = C 0, √ .
ia + 1 1 + a2
Ce cercle est connexe, en accord avec le fait que un+1 − un → 0, cf. exercices du cha-
pitre 4. Mais il n’est pas convexe, bien qu’étant l’ensemble des valeurs d’adhérence
des moyennes de Cesàro d’une suite bornée. »

2.25 a) Soit a ∈ A ; a ∈ Bc et Bc est ouvert, donc (proposition I.8) il existe ω ouvert


avec a ∈ ω ⊂ ω ⊂ Bc ; ω est réunion d’ouverts de la base, il existe donc n tel que
a ∈ On ⊂ ω ; on voit que On ⊂ ω ⊂ Bc , et n ∈ I ; on a bien A ⊂ ∪ On , et un
n∈I
résultat analogue pour B; en renumérotant les (On )n∈I et les (On )n∈J , on obtient les
Un et les Vn .
b) ∪ V p étant fermé comme union finie de fermés, Un
(de même Vn
) est ouvert,
pn
ainsi que ω1 et ω2 . Soit a ∈ A ; a appartient à un certain Un et à aucun des V p , donc
appartient à Un
; il en résulte que A ⊂ ω1 , de même B ⊂ ω2 ; montrons pour finir que
ω1 ∩ ω2 = ∅, autrement dit que Ui
∩ V
j = ∅ pour tous i, j ∈ N∗ ; on peut supposer
i  j, vu la symétrie des rôles de i et j ; alors par définition Ui
ne rencontre pas V j , a
fortiori ne rencontre pas V
j .
Remarque. Le rôle clé du dénombrable dans le passage de régulier à normal semble
tenir à l’ordre de N : cet ordre est total, et pour tout i le segment d’entiers [1, i] est
fini.

2.26 a) (i) ⇒ (ii) : pour chaque entier j  1, soit D j un dénombrable de X tel que

∪ B(x, j−1 ) = X. Alors, D = ∪ D j est dénombrable et dense dans X.
x∈D j 1

(ii) ⇒ (iii) : soit (ωn ) la suite des boules B(a, j−1 ), où a parcourt un dénombrable
dense D de X et j la suite des entiers  1. Soit ω un ouvert non vide de X, x ∈ ω,
B(x, r) ⊂ ω ; choisissons j ∈ N∗ et a ∈ D tels que j−1 < 2r et d(x, a) < j−1 ; alors
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

x ∈ B(a, j−1 ) ⊂ B(x, r) ⊂ ω, et ω est réunion des ωn qu’il contient.


(iii) ⇒ (i) : choisissons dans chaque ωn un point xn ; D := {x1 , x2 , . . .} rencontre tout
ouvert non vide de X, donc est dense dans X, et on a

X = ∪ B(xn , ε), pour tout ε > 0.
1

b) Si (ωn ) est une base dénombrable d’ouverts de X, (ωn ∩ Y) est une base dénom-
brable d’ouverts de Y.
c) Soit D un dénombrable dense de X ; pour chaque i ∈ I, soit d(i) ∈ D ∩ ωi ; l’appli-
cation i → d(i) est une injection de I dans D, donc I est au plus dénombrable.

75
Chapitre 2 • Espaces topologiques ; espaces métriques

2.27 a) On a
 x+h   x+h   x+h
   
 f (t)dt − h f (x) =  [ f (t) − f (x)]dt  | f (t) − f (x)|dt
x   x  x
 x+h
 ω(h)dt = hω(h).
x
En divisant par h et en appliquant l’inégalité triangulaire, on obtient le résultat de-
mandé.
 x+h
b) Pour h > 0 fixé, on a x f (t)dt = I(x + h) − I(x) → l − l = 0 quand
x → ∞. Le passage à la limsup dans a) nous donne donc lim sup x→∞ | f (x)|  ω(h). Et
limh→0 ω(h) = 0 car f est uniformément continue. Finalement, lim sup x→∞ | f (x)| = 0
en faisant tendre h vers 0.

c) Le changement de variable t = u montre que
 A  A2
sin u
I(A) := sin t dt =
2
√ du
0 0 2 u
et cette dernière intégrale est une intégrale de type Abel semi-convergente. Pourtant,
sin x2 n’a aucune limite quand x → ∞. D’ailleurs, comme on l’a vu dans l’exer-
cice 13, la fonction sin x2 n’est pas uniformément continue.

76
E SPACES COMPACTS
3
Dans tout ce chapitre, les espaces seront séparés ; il en sera donc de même de leurs
sous-espaces et de leurs produits.
Soit X un espace topologique, recouvert par un certain nombre, fini ou infini, d’ou-
verts ωi . Si x0 ∈ X, il est donc dans l’un des ouverts, par exemple ωi0 . Mais comme un
ouvert a tendance à être grand, on peut penser que ωi0 va contenir non seulement x0 ,
mais beaucoup d’autres points de X et qu’à lui tout seul il va recouvrir une bonne
proportion de X, par exemple un centième. En poursuivant ce raisonnement heuris-
tique, on a envie de dire que X va être recouvert par cent des ωi . Et si ce n’est pas par
cent, par un nombre grand mais fini. Cette heuristique a ses limites, comme le montre
l’exemple c) à (re)-venir : l’intervalle ]0, 1[ est recouvert par les intervalles ouverts
] 1n , 1 − 1n [, n = 1, 2, . . . mais jamais par un nombre fini d’entre eux. Cela va nous
conduire à la définition qui suit d’espace compact. Historiquement, la notion apparaît
pour la première fois comme un lemme dans la thèse de Borel sur le prolongement
analytique... le lecteur pourra consulter à ce sujet le très bel article de B. Maurey et
J. P. Tacchi ([MT]), passionnant à la fois du point de vue mathématique et du point
de vue de l’histoire des idées.
Plus tard, l’envie de quantifier le très vague et romantique « par un nombre fini »
conduira aux notions de dimension fractionnaire, qui seront développées au cha-
pitre VII.
D’autre part, le grand mathématicien Alexander Grothendieck, disparu fin 2014, a
beaucoup étudié dans sa jeunesse la compacité dans les espaces fonctionnels, en liai-
son avec la notion de produit tensoriel (injectif ou projectif) ; et ceci de manière à la
fois géniale et accessible dès le niveau L3. Nous lui rendons un hommage particulier
sous forme de plusieurs exercices nouveaux sur ces questions de produit tensoriel,
de fonctions continues de deux variables sur un espace compact, et de séparation des
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

variables.

I D ÉFINITION ET PREMIÈRES PROPRIÉTÉS


I.1 Axiome de Borel-Lebesgue ; forme duale
On cherche à axiomatiser la propriété des segments découverte par Borel et Lebesgue,
ce qui conduit à la définition suivante : un espace topologique (X, T ) est dit com-
pact si

tout recouvrement ouvert de X contient un sous-recouvrement fini. (I.1)

77
Chapitre 3 • Espaces compacts

De façon symbolique :

∀ (ωi ) ∈ T , X = ∪ ωi ⇒ ∃ J ⊂ I , J fini ; X = ∪ ωi . (I.1


)
I J

La compacité se traduit aussi en termes de fermés (forme duale) comme l’exprime la


proposition simple suivante.

Proposition I.1.

a) On a équivalence entre :
i) X est compact.
ii) ∩ Fi = ∅ ⇒ ∃ J ⊂ I, J fini ; ∩ Fi = ∅.
I J
(Les Fi étant des fermés de X).
b) Soit X compact et (Fi )i∈I une famille de fermés ayant la propriété de l’intersection
finie, i.e. ∩ Fi  ∅ pour tout J fini, J ⊂ I ; alors les Fi ont une intersection non
J
vide.

Démonstration. a) i) ⇒ ii). Posons ωi = Fic ; les ωi forment un recouvrement ouvert


de X, donc il existe J fini tel que X = ∪ ωi ; d’où ∩ Fi = ∅ ;
J J
ii) ⇒ i) se prouve de même.
b) Ce n’est que la contraposée de a) ii) ! Mais c’est une des formes les plus utiles de
la compacité ; voici une variante. ❑

Proposition I.1.bis. Soit (Fn )n1 une suite décroissante de fermés non vides de X

compact ; alors ∩ Fn  ∅.
1

Démonstration. Soit J une partie finie de N∗ , p = max J ; ∩ Fn = F p  ∅, donc


J

∩ Fn  ∅ d’après la proposition I.1. ❑
1

Voici une conséquence importante de I.1 bis.

Théorème I.2. Soit (xn ) une suite de points de X compact. Alors


a) (xn ) admet au moins une valeur d’adhérence.
b) Si (xn ) admet une seule valeur d’adhérence , (xn ) converge vers .
c) Les propriétés a) et b) restent valables pour un filtre.

78
I. Définition et premières propriétés


Démonstration. a) L’ensemble des valeurs d’adhérence de (xn ) est A = ∩ Fn , où :
1

Fn = {xn , xn+1 , . . .}

(proposition III.3 du chapitre II). Et A est non vide d’après I.1 bis.
b) Si (xn ) ne tend pas vers , on peut trouver U voisinage ouvert de  et une suite
extraite (xnk ) avec xnk ∈ F = U c (k = 1, 2, . . .). D’après a), cette suite extraite a
elle-même une valeur d’adhérence 
; 
∈ A ∩ F, donc A contient au moins deux
éléments distincts  et 
, ce qui est contraire à l’hypothèse.
c) Mêmes preuves via la formule (III.6’) du chapitre II. (Cf. exercices 1 et 14 de ce
chapitre pour des applications). ❑

I.2 Parties compactes d’un espace topologique


Une partie A de X est dite compacte si le sous-espace topologique A est compact ;
les ωi étant des ouverts de X, cela se traduit ainsi : du recouvrement A = ∪(ωi ∩ A),
I
on peut extraire un sous-recouvrement fini A = ∪ (ωi ∩ A) ; ou encore par
J fini

A ⊂ ∪ ωi ⇒ ∃ J fini ; A ⊂ ∪ ω j . (I.2)
I J

Voici quelques exemples simples.


a) Une partie finie de X est compacte : c’est évident.
b) Si A = {xn , n  1} ∪ {}, où (xn ) tend vers , A est compacte.
Soit en effet (ωi )i∈I un recouvrement ouvert de A ; soit i0 tel que  ∈ ωi0 , et n0
entier tel que xn ∈ ωi0 pour n > n0 ; soit aussi J finie telle que x1 , . . . , xn0 soient dans
∪ ωi ; on a A ⊂ ∪ ωi , où L = J ∪ {i0 }.
J L

c) ]0, 1[ n’est pas compact ; en effet ]0, 1[= ∪ 1n , 1 − 1n où les 1n , 1 − 1n sont
n1
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

ouverts, et une réunion finie de tels ouverts ne recouvre pas ]0, 1[.
d) Un segment [a, b] est compact : c’est l’exemple fondamental découvert par Borel
et Lebesgue (cf. chapitre I).
Les parties compactes d’un espace compact ont une description simple, comme le
montre le théorème qui suit.

Théorème I.3. Soit A une partie d’un espace compact X ; on a équivalence entre
a) A est fermée ;
b) A est compacte.

79
Chapitre 3 • Espaces compacts

Démonstration. a) ⇒ b). Soit ωi des ouverts de X recouvrant A ; les ωi ∪ Ac sont des


ouverts de X recouvrant X, donc il existe J ⊂ I, J fini, tel que X = ∪(ωi ∪ Ac ), d’où
J
A ⊂ ∪ ωi .
J
b) ⇒ a). Soit y ∈ Ac ; pour chaque x ∈ A, il existe des ouverts disjoints ω x , ω
x avec
x ∈ ω x , y ∈ ω
x ; soit J une partie finie de A telle que A ⊂ ∪ ω x ; U = ∩ ω
x est un
J J
ouvert contenant y et contenu dans Ac , ce qui montre que Ac est ouvert (on a utilisé
le fait que X est séparé). Plus précisément, si ∪ ω x = Ay et ∩ ω
x = Uy , Ay et Uy sont
J J
ouverts disjoints, et A ⊂ Ay , y ∈ Uy . ❑

Pour la réciproque, la compacité de X n’intervient pas et on a donc aussi prouvé le


théorème suivant.

Théorème I.4. Soit A une partie d’un espace topologique X. Si A est compacte,
alors A est fermée.

Les parties compactes de X possèdent la propriété de stabilité suivante.

Proposition I.5.

a) Toute intersection A = ∩ Ai de parties compactes est compacte.


I
b) Toute union finie de parties compactes est compacte.

Démonstration. a) Fixons Ai0 ; les Ai sont fermés dans X par le théorème I.3, donc
leur intersection A aussi ; a fortiori, A est fermée dans Ai0 compacte, donc est com-
pacte par I.3.
b) Soit A1 , A2 des compacts de X, (ωi )i∈I un recouvrement ouvert de A1 ∪A2 , a fortiori
de A1 et de A2 ; il existe des parties finies J1 , J2 de I telles que

A1 ⊂ ∪ ωi ; A2 ⊂ ∪ ωi ; d’où A1 ∪ A2 ⊂ ∪ ωi .
J1 J2 J1 ∪J2

L’extension à un nombre fini de compacts est immédiate. ❑

I.3 Normalité des espaces compacts


On va voir que tout espace compact, séparé par définition, possède automatiquement
une propriété de séparation beaucoup plus forte étudiée au chapitre II.

Théorème I.6. Tout espace compact X est normal.

80
I. Définition et premières propriétés

Démonstration. Soit F1 , F2 deux fermés disjoints de X ; d’après la preuve du théo-


rème I.3, on sait que
a) F2 est compact ;
b) si y ∈ F2 , il existe des ouverts disjoints Vy et Wy tels que F1 ⊂ Vy et y ∈ Wy .
Soit alors J fini avec F2 ⊂ ∪ Wy ; posons O1 = ∩ Vy , O2 = ∪ Wy ; les ouverts O1 , O2
J J J
répondent à la question : F1 ⊂ O1 , F2 ⊂ O2 , O1 ∩ O2 = ∅. ❑
Dans un espace métrique, ce théorème a la version suivante.
Théorème I.7. Deux fermés disjoints F 1 , F2 d’un espace métrique compact X sont
à une distance positive, i.e. :
! "
d(F1 , F2 ) : = inf d(x, y); x ∈ F1 , y ∈ F2 > 0 . (I.3)
Plus généralement, (I.3) subsiste si X est métrique, F2 fermé et F1 compact.
Démonstration. Il est clair que d(F1 , F2 ) = inf x∈F1 ϕ(x), où ϕ(x) = d(x, F2 ) ; ϕ est
continue > 0 sur le compact F1 , donc possède un minimum m > 0 (en anticipant sur
le théorème II.3) ; par conséquent d(F1 , F2 ) = m > 0. ❑

I.4 Exemples
• Une partie A de X est dite relativement compacte si A est compacte. On a déjà
vu quelques exemples ; le théorème I.3 et le théorème de Borel-Lebesgue permettent
de donner une description complète des compacts et des relativement compacts de R,
description qu’on étendra aux evn de dimension finie.
Théorème I.8. Soit A une partie de R.
a) On a équivalence entre :
i) A compacte ;
ii) A fermée, bornée.
b) On a équivalence entre :
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

i) A relativement compacte ;
ii) A bornée.
Démonstration. a) i) ⇒ ii). A fermée résulte de I.3 ; d’autre part A ⊂ ∪ ]a−1, a+1[,
a∈A
donc il existe une partie finie B de A telle que A ⊂ ∪ ]a − 1, a + 1[, ce qui montre
a∈B
que A est bornée.
ii) ⇒ i). Il existe un segment I = [a, b] contenant A ; I est compact (Borel-
Lebesgue) et A est une partie fermée de I, donc A est compacte (théorème I.3).
b) i) ⇒ ii). A est compacte, donc bornée ; a fortiori, A est bornée.
ii) ⇒ i). A est fermée, bornée, donc compacte. ❑

81
Chapitre 3 • Espaces compacts

Un exemple important de compact de R autre qu’un segment est l’ensemble tria-


dique de Cantor qui sera étudié au paragraphe IV.
Voici pour finir un exemple très simple : les parties compactes A d’un espace dis-
cret D sont les parties finies. En effet, si A est compacte, la famille {a}a∈A est un
recouvrement ouvert de A dont on peut extraire un sous-recouvrement fini {a}a∈B ;
autrement dit, A est égal à l’ensemble fini B ; la réciproque a déjà été vue.

II F ONCTIONS CONTINUES SUR UN ESPACE


COMPACT
II.1 Image continue d’un compact
Voici une nouvelle propriété de stabilité de la compacité, très utile dans la pratique
surtout quand on la combine avec la stabilité par produit qu’on verra au III.

Théorème II.1. Soit X compact et f : X → Y continue ; alors f (X) est un compact


de Y.

Démonstration. Soit (ωi )i∈I un recouvrement de f (X) par des ouverts de Y ;


( f −1 (ωi ))i∈I est un recouvrement ouvert (puisque f est continue) de X compact, donc
il existe J fini tel que X = ∪ f −1 (ωi ) ; il en résulte que f (X) ⊂ ∪ ωi . ❑
J J

II.2 Bicontinuité automatique


On a vu au chapitre II qu’une bijection continue de X sur Y n’est pas automatique-
ment bicontinue ; le théorème suivant donne une classe importante d’exemples pour
lesquels cette bicontinuité a toujours lieu.

Théorème II.2. Soit X compact et f : X → Y une bijection continue ; alors f est


bicontinue, i.e. f −1 est continue.

Démonstration. D’après la proposition III.14 du chapitre II, il suffit de montrer que f


est fermée ; soit donc A un fermé de X ; la proposition I.3 et le théorème II.1 entraînent
successivement : A compact, f (A) compact, f (A) fermé. ❑

II.3 Fonctions numériques continues sur un compact ;


théorèmes de Dini et Urysohn
Les théorèmes II.1 et de Borel-Lebesgue se combinent pour donner l’important ré-
sultat suivant.

82
II. Fonctions continues sur un espace compact

Théorème II.3. Soit X un espace compact et f : X → R continue. Alors


a) f est bornée ;
b) f atteint ses bornes.
c) En particulier, toute fonction continue : [a, b] → R est bornée et atteint ses
bornes.

Démonstration. a) f (X) est compact par II.1, donc borné d’après I.8.
b), c) Soit m = inf f (X), M = sup f (X) les bornes inférieure et supérieure de f ;
m, M sont adhérents à f (X) et f (X) est fermé car compact, donc m, M ∈ f (X) ; ceci
s’applique en particulier à un segment [a, b] qui est compact d’après le théorème de
Borel-Lebesgue. ❑

Rappelons qu’une importante application de II.3 est le théorème de Rolle : si f est


réelle continue sur [a, b], dérivable sur ]a, b[ avec f (a) = f (b), il existe c ∈]a, b[ tel
que f
(c) = 0.
Si maintenant on considère des suites de fonctions numériques continues, on a la
propriété suivante.

Théorème II.4 (théorème de Dini). Soit X un espace compact et f , f1 , . . . ,


fn , . . . : X → R continues. On suppose que :
i) ( fn ) croît, i.e. fn (x)  fn+1 (x) pour tous n ∈ N∗ et x ∈ X.
ii) ( fn ) converge simplement vers f .
Alors, ( fn ) converge uniformément vers f .

Démonstration. Notons d’abord que i) entraîne f (x)  fn (x) pour tous n, x ; soit
ε > 0 ; posons
! " ! "
Fn = x; | f (x) − fn (x)|  ε = x; f (x) − fn (x)  ε ;
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

les Fn forment une suite décroissante de fermés d’intersection vide d’après ii) ;
d’après I.1 bis, il existe n0 tel que n  n0 entraîne Fn = ∅ ; autrement dit :

∀ n  n0 , ∀ x ∈ X , | f (x) − fn (x)| < ε .

C’est exactement dire que ( fn ) converge uniformément vers f sur X. ❑

On a vu au chapitre II qu’un espace métrique possède une propriété de norma-


lité renforcée exprimée par la proposition IV.4 ; en réalité tous les espaces normaux
possèdent cette propriété ; cela pourra s’appliquer avec profit aux espaces compacts,
d’après le théorème I.6.

83
Chapitre 3 • Espaces compacts

Théorème II.5 (théorème d’Urysohn). Soit A, B deux fermés disjoints d’un es-
pace normal X ; il existe f : X → R continue telle que

f |A = 0 ; f |B = 1 ; 0 f 1. (II.1)

Remarquons d’abord que ce théorème est un théorème de prolongement continu,


puisqu’il exprime que la fonction valant 0 sur A et 1 sur B se prolonge continûment
à X en gardant ses valeurs dans [0, 1] ; il entraîne d’ailleurs un autre théorème de
prolongement (cf. par exemple [QZ] ou [Du]) qu’on utilisera de façon répétée aux
chapitres IV et VI.

Théorème II.5.bis (théorème de Tietze). Soit A un fermé d’un espace normal


X et soit f : A → R continue ; alors f se prolonge en une fonction g : X → R
continue ; idem en remplaçant R par C.

La preuve du théorème II.5 est un peu délicate et demande le lemme suivant, vrai
pour tout espace topologique X.

Lemme II.6. Soit D une partie dense de [0, 1] et (U(s)) s∈D une famille d’ouverts de
X indexée par D telle que

s1 < s2 ⇒ U(s1 ) ⊂ U(s2 ) . (II.2)

Soit f : X → [0, 1] définie par





⎪ inf{s ∈ D; x ∈ U(s)} =: inf A x si x ∈ ∪ U(s)
⎨ s∈D
f (x) = ⎪


⎩1 si x  ∪ U(s).
s∈D

Alors, f est une fonction continue.

Démonstration. Soit t ∈ [0, 1] ; montrons que

{x; f (x) < t} = ∪ U(s) (II.3)


s<t

{x; f (x)  t} = ∩ U(s) , (II.4)


s>t
avec la convention ∪∅ = ∅, et ∩∅ = X.
En effet, si f (x) < t  1, il existe s < t tel que s ∈ A x , autrement dit tel que
x ∈ U(s) ; réciproquement si x ∈ U(s) avec s < t, f (x)  s < t ; cela prouve (II.3). Si
f (x)  t, on voit que

s > t ⇒ s > f (x) ⇒ ∃ a ∈] f (x), s[ ; a ∈ A x ⇒ x ∈ U(a) ⊂ U(s) ;

84
II. Fonctions continues sur un espace compact

supposons réciproquement que x appartient au membre de droite dans (II.4) ; soit


ε > 0 ; d’après la densité de D, on peut trouver s1 , s2 ∈ D avec t < s1 < s2  t + ε ;
or x ∈ U(s1 ) ⊂ U(s2 ), donc f (x)  s2  t + ε ; ε étant arbitraire, on a f (x)  t, ce qui
prouve (II.4). Il résulte de (II.3) et (II.4) que

{x; f (x) < t} est ouvert pour tout t ∈ R . (II.3


)
En effet, cela résulte de (II.3) si 0  t  1, alors que le membre de gauche dans (II.3
)
vaut ∅ si t < 0 et X si t > 1.
{x; f (x)  t} est fermé pour tout t ∈ R . (II.4
)

En effet, cela résulte de (II.4) si 0  t  1, alors que le membre de gauche dans (II.4
)
vaut ∅ si t < 0 et X si t > 1.
(II.3
) et (II.4
) entraînent la continuité de f ; en effet f −1 (]a, b[) = { f < b}\{ f  a}
est ouvert dans X comme intersection de deux ouverts ; f −1 (ω) est donc ouvert pour
tout ouvert ω de R, puisque ω est réunion d’intervalles ouverts. ❑

Pour achever la preuve du théorème II.5, prenons D = ∪ Dm , où
0
 '
k
Dm = ; k = 0, . . . , 2m ;
2m
on va construire par récurrence sur m les U(s) vérifiant (II.2) et aussi
U(1) = Bc (II.5)

A ⊂ U(s) pour tout s . (II.6)


Pour m = 0, on prend U(1) = Bc et puisque A ⊂ Bc , la normalité de X permet de
trouver un ouvert U(0) tel que A ⊂ U(0) ⊂ U(0) ⊂ Bc = U(1) ; ayant défini U(s)
vérifiant (II.2) pour s ∈ Dm−1 , définissons-le pour s = 2km ∈ Dm , où k est impair
   k+1 
(sinon s ∈ Dm−1 ) ; d’après l’hypothèse de récurrence, U k−1 2m ⊂ U 2m , donc X étant
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

   k+1 
normal il existe un ouvert U tel que U k−1 2m ⊂ U ⊂ U ⊂ U 2m ; il n’y a plus qu’à
poser U(s) = U. En effet, soit s1 = k2−m , s2 =  2−m ∈ Dm avec k < . Si k = 2k
+ 1
est impair et  = 2 
est pair, on a k
+ 1  
, donc par construction :
 


  k+1 k +1    
U s1 ⊂ U m
= U m−1 ⊂ U m−1 = U m = U s2 ,
2 2 2 2
d’après l’hypothèse de récurrence au rang m − 1 ; les autres cas se traitent de même.
Soit alors f comme dans le lemme ; f est continue à valeurs dans [0, 1] ; A ⊂ U(0),
donc f |A = 0 ; d’après (II.5), si x ∈ B, x n’appartient à aucun des U(s) et f (x) = 1 ; f
répond donc à la question.

85
Chapitre 3 • Espaces compacts

II.4 Applications
Le théorème de Dini reçoit classiquement comme application la convergence uni-

forme vers x (sur [0, 1]) de la suite de polynômes définie par P0 = 0, Pn+1 (x) =
Pn (x) + 12 (x − P2n (x)) ; mais cette application paraît peu convaincante puisqu’on établit
à moindres frais (cf. chapitre II, III.) un résultat plus fort ; voici un cas où ce théorème
semble incontournable.

Théorème II.7 (théorème de Mercer). Soit (en )n1 une base orthonormée d’un
espace de Hilbert H, X un espace compact, F : X → H continue, hn (x) = (F(x)/en ) ;


alors la série |hn (x)|2 converge uniformément vers ||F(x)||2 sur X.
1

Démonstration. Rappelons d’abord l’identité de Parseval dans H (cf. [HL]) :



||v||2 = |(v/en )|2 , ∀v ∈ H. (∗)
1


n
Posons ensuite fn (x) = |hk (x)|2 , f (x) = ||F(x)||2 ; fn et f sont continues sur X
k=1
d’après l’hypothèse et l’inégalité de Cauchy-Schwarz ; fn+1 (x) − fn (x) = |hn+1 (x)|2 
0, et fn converge simplement vers f d’après (∗) ; les hypothèses du théorème de
Dini sont donc remplies, et fn converge uniformément vers f ; l’inégalité de Cauchy-


Schwarz montre aussi, soit dit en passant, que hn (x) hn (y) converge uniformément
1
vers (F(x)/F(y)) sur X × X. ❑

Si X est compact, l’espace C(X) des applications continues de X dans C peut se


normer par
|| f ||∞ = sup{| f (x)|; x ∈ X} . (II.7)
On suppose toujours C(X) muni de cette norme, appelée norme de la convergence
uniforme ; les théorèmes II.2 et II.5 se combinent pour relier les propriétés de X et
de C(X).

Théorème II.8. Soit (X, T ) un espace compact. Alors :


a) C(X) sépare les points de X.
b) On a équivalence entre
i) (X, T ) est métrisable ;
ii) C(X) est séparable.

86
III. Produit d’espaces compacts

Démonstration. a) Si x  y, {x} et {y} sont fermés disjoints, donc le théorème d’Ury-


sohn fournit f ∈ C(X) telle que f (x) = 0 et f (y) = 1 ; en particulier f (x)  f (y).
b) i) ⇒ ii). On renvoie à [HL] ou [QZ].
ii) ⇒ i). Soit ( fn )n1 une suite dense dans C(X) ; posons


| fn (x) − fn (y)|
d(x, y) = 2−n (II.8)
1
1 + | fn (x) − fn (y)|

et montrons que d est une métrique sur X ; d vérifie l’inégalité triangulaire (cha-
pitre II, IV.2) ; le point sensible est d(x, y) = 0 ⇒ x = y. Or les fn étant denses dans
C(X), on voit que

d(x, y) = 0 ⇒ fn (x) = fn (y) , ∀ n ⇒ f (x) = f (y) , ∀ f ∈ C(X) ⇒ x = y

(d’après a)) ; les autres axiomes sont évidents. Montrons pour finir que l’identité i :
(X, T ) → (X, d) est bicontinue ; d’après le théorème II.2, il suffit de montrer qu’elle
est continue ; soit donc x0 ∈ X et ε > 0 ; on peut trouver un entier N tel que


2−n  ε (II.9)
N+1

et des voisinages V1 , . . . , VN de x0 tels que, pour 1  n  N,

x ∈ Vn ⇒ | fn (x) − fn (x0 )|  ε . (II.10)

V = V1 ∩ . . . ∩ VN est un voisinage de x0 ; si x ∈ V, (II.8), (II.9), (II.10) montrent que


N    ∞ 
N
d(x, x0 )  2−n  fn (x) − fn (x0 ) + 2−n  ε 2−n + ε  2ε ,
1 N+1 1
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

ce qui achève la preuve. ❑

III P RODUIT D ’ ESPACES COMPACTS


III.1 Théorème de Tychonoff
Une nouvelle propriété fondamentale de stabilité de la compacité apparaît ici, celle
par un produit topologique absolument arbitraire ; mais la preuve n’est pas si simple,
même pour un produit de deux facteurs ; et pour un produit arbitraire, elle demande
l’emploi de l’axiome du choix (ou lemme de Zorn) ; nous préférons donc donner deux
énoncés, dont le premier s’étend par récurrence à un produit fini.

87
Chapitre 3 • Espaces compacts

Théorème III.1. Soit X1 , X2 deux espaces compacts ; alors le produit X = X1 × X2


est aussi compact.

Démonstration. Soit (ωi )i∈I un recouvrement ouvert de X ; pour tout x = (x1 , x2 ) ∈


X, il existe un ix ∈ I tel que x ∈ ωix , et donc des voisinages ouverts V x , W x de x1 et
x2 tels que V x × W x ⊂ ωix ; fixons d’abord x2 ∈ X2 , soit Y = X1 × {x2 } ; les (V x )x∈Y
recouvrent X1 , donc il existe une partie finie J(x2 ) de Y telle que

les (V x )x∈J(x2 ) recouvrent encore X1 ; (III.1)

posons A x2 = ∩ W x ; A x2 est un ouvert contenant x2 . Faisons maintenant varier x2 ;


J(x2 )
les (A x2 )x2 ∈X2 recouvrent X2 , donc il existe une partie finie K de X2 telle que

X2 = ∪ A x2 . (III.2)
K

Soit J = ∪ J(x2 ) ; (III.1) et (III.2) montrent que


x2 ∈K

X = ∪(V x × W x ) . (III.3)
J

Soit en effet a = (a1 , a2 ) ∈ X ; il existe x2 ∈ K tel que a2 ∈ A x2 , puis x ∈ J(x2 ) tel que
a1 ∈ V x ; d’où x ∈ J et a ∈ V x × W x ; mais si (III.3) a lieu, a fortiori X = ∪ ωix . ❑
J

Théorème III.2 (théorème de Tychonoff). Soit (Xi )i∈I des espaces topologiques
non vides, X = Π Xi . On a équivalence entre
i∈I
a) Xi compact pour tout i.
b) X compact.

Démonstration. b) ⇒ a) est facile ; Xi = pi (X), où pi est la projection canonique de


X sur son i−ème facteur ; pi est continue par définition de la topologie produit, donc
Xi est compact par le théorème II.1.
a) ⇒ b) est plus difficile et demande d’abord deux définitions et un lemme ;

On dit qu’une famille A de parties de X a (P)
(III.4)
si toute intersection finie de parties de A est non vide .

Une famille A est dite maximale si elle a (P) et si toute
(III.5)
famille B ayant (P) et contenant A est égale à A .

88
III. Produit d’espaces compacts

Lemme III.3. Soit A une famille maximale. Alors :


a) A est stable par intersection finie.
b) Si B ⊂ X est tel que B ∩ A  ∅ pour tout A ∈ A, on a B ∈ A.

Démonstration du lemme. a) Si A1 , . . . , A p ∈ A et A = A1 ∩ · · · ∩ A p , soit


B = A ∪ {A} ; B a (P) et B contient A , donc B = A , autrement dit A ∈ A .
b) Soit B = A ∪ {B} ; B a (P) par ce qui précède, et on conclut de même que B ∈ A .
Venons-en à la compacité de X ; soit A une famille de fermés de X ayant (P) ; il
s’agit de montrer que
∩ A∅. (III.6)
A∈A

Or l’ensemble des familles ayant (P), ordonné par inclusion, est clairement inductif,
donc on peut d’après le lemme de Zorn (cf.[HL]) trouver une famille maximale B
contenant A ; pour tout indice i, la famille des pi (B) où B parcourt B a (P) dans Xi
(soit B1 , . . . , B p ∈ B et x ∈ B1 ∩ . . . ∩ B p ; alors pi (x) ∈ pi (B1 ) ∩ . . . ∩ pi (B p )) ; Xi
étant compact et les pi (B) fermés, ils ont une intersection non vide

∃ xi ∈ ∩ pi (B) . (III.7)
B∈B

Soit alors x = (xi )i∈I et ω un ouvert élémentaire contenant x : ω = Πωi , avec


ωi ouvert et ωi = Xi pour i  J, où J est une partie finie de I. Fixons i ∈ J,
B ∈ B ; (III.7) entraîne ωi ∩ pi (B)  ∅, soit p−1
i (ωi ) ∩ B  ∅ ; le lemme entraîne
−1 −1
à la fois pi (ωi ) ∈ B et ∩ pi (ωi ) ∈ B ; en d’autres termes, ω ∈ B ; en particulier
J
A ∈ A entraîne ω ∩ A  ∅, puisque A ⊂ B et puisque B a (P) ; ω étant arbi-
traire, cela montre que x ∈ A ; A étant fermé, x ∈ A ; finalement x ∈ ∩ A, ce qui
A∈A
prouve (III.6). ❑

Le lecteur trouvera une démonstration « par ouverts » du théorème III.2 dans [S] et
une démonstration « par ultrafiltres » dans [B]. Kelley a montré que, réciproquement,
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

la validité du théorème de Tychonoff pour un produit arbitraire d’espaces compacts


implique l’axiome du choix.

III.2 Applications
Voici d’abord une généralisation du théorème I.8 ; rappelons que A ⊂ Rn est dite
bornée s’il existe M > 0 tel que

x = (x1 , . . . , xn ) ∈ A ⇒ sup |xi |  M .


i

Rn est muni de sa topologie usuelle (topologie produit de la topologie usuelle de R).

89
Chapitre 3 • Espaces compacts

Théorème III.4. Soit A une partie de Rn .


a) On a équivalence entre :
i) A compacte ;
ii) A fermée, bornée.
b) On a équivalence entre :
i) A relativement compacte ;
ii) A bornée.

Démonstration. a) i) ⇒ ii). A est fermée d’après le théorème I.4 ; chaque projection


pi (A) est bornée d’après le théorème I.8, donc incluse dans [−Mi , Mi ] ; d’où sup |xi | 
M pour x ∈ A, où M = max(M1 , . . . , Mn ).
ii) ⇒ i). Par hypothèse, il existe M > 0 tel que A ⊂ [−M, M]n ; cette dernière partie
est un produit de compacts, donc est compacte ; A est fermée dans un compact, donc
est compacte.
b) Même preuve que pour le théorème I.8. ❑

La plupart des espaces compacts qu’on rencontre sont métrisables, comme ceux
fournis par le théorème III.4 ou par le théorème d’Ascoli (cf. [HL] ou [QZ]) ; cepen-
dant le théorème de Tychonoff, qui dit que la compacité résiste à tout produit, aussi
monstrueux soit-il, permet d’exhiber de tels espaces non métrisables ; cela montre en
particulier que la classe des espaces normaux contient strictement celle des espaces
métrisables.

Proposition III.5. Soit I = [0, 1], Xi = I, pour chaque i ∈ I,

X = Π Xi = [0, 1][0,1] ;

alors X est un espace compact non métrisable.

Démonstration. La compacité de X résulte du théorème de Tychonoff ; pour montrer


que X n’est pas métrisable, on va utiliser le théorème II.8 en montrant que C(X)
n’est pas séparable ; considérons pour cela les projections canoniques pi qui sont des
applications continues de X dans [0, 1], donc des éléments de C(X) ; observons que

i  j ⇒ ||pi − p j ||∞ = 1 . (III.8)

En effet, x ∈ X ⇒ |pi (x) − p j (x)| = |xi − x j |  1 ; soit d’autre part u = (uk ) ∈ X


avec uk = 0 si k  i, ui = 1 ; alors |pi (u) − p j (u)| = |ui | = 1. Mais alors C(X) est non
séparable ; soit en effet ( fn )n1 une suite de C(X) ; posons
 '
1
An = i ∈ [0, 1]; ||pi − fn ||∞  , n = 1, 2, . . .
3

90
IV. Espaces métriques compacts


An possède au plus un élément d’après (III.8) ; donc ∪ An est au plus dénombrable,
1
a fortiori distincte de I : on peut trouver i ∈ I tel que ||pi − fn ||∞ > 1
3 pour tout n, et la
suite ( fn ) n’est pas dense dans C(X). ❑

Remarque III.6. On rencontre en Analyse des exemples de compacts non métri-


sables moins artificiels que celui de la proposition III.5 ; citons par exemple les com-
pactifiés de Bohr et Stone-Cěch de R, ou les spectres des algèbres uniformes L∞ (μ),
H ∞ ; ces espaces se révèlent très utiles. D’autre part, on démontre que plus généra-
lement, tout produit non dénombrable X d’espaces métriques ayant au moins deux
éléments est non métrisable. En effet, aucun point de X n’a de base dénombrable de
voisinages.

IV E SPACES MÉTRIQUES COMPACTS


IV.1 Précompacité ; critères de compacité dans un espace
métrique
Définissons d’abord une notion fondamentale, qui sera reprise de façon approfondie
au chapitre V : un espace métrique (X, d) est dit complet si toute suite de Cauchy de
X (cf. (II.5) chapitre I) est convergente.
Cela étant dit, quand on teste la compacité d’un espace X sur tous les recouvre-
ments ouverts (ωi )i∈I , on rencontre deux arbitraires : l’ensemble d’indices I et la
forme des ouverts ωi ; on peut toujours, de façon évidente, se ramener au cas où
I = X (cf. preuve du théorème III.1) ; si de plus X est métrique, on peut aussi se
ramener au cas où ωi est une boule de centre i et de rayon variable ; la notion plus
faible de précompacité, notion métrique et non pas topologique, restreint encore l’ar-
bitraire, les boules étant de rayon constant ; de façon précise, on dit que (X, d) est
précompact si

pour tout ε > 0, le recouvrement (B(x, ε))x∈X
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

(IV.1)
contient un sous-recouvrement fini.

Il revient au même de dire que

(∀ ε > 0) (∃ r1 , . . . , rn ∈ X) (∀ x ∈ X) (∃ j) ; d(x, r j )  ε . (IV.2)

La partie finie R = {r1 , . . . , rn } s’appelle un ε−réseau de X.


Voici un exemple qui rappelle le théorème de Borel-Lebesgue : ]0, 1[ avec la mé-
 
trique usuelle est précompact ; soit en effet n entier > 1ε ; les boules B nk , ε , où
k = 1, . . . , n − 1, recouvrent ]0, 1[ ; cet exemple laisse deviner qu’il est plus facile
d’établir la précompacité que la compacité ; l’intérêt de cette nouvelle notion est que,

91
Chapitre 3 • Espaces compacts

combinée à celle de complétude, elle redonne la compacité ; avant de préciser, voici


une proposition rassemblant des propriétés de stabilité de la précompacité.

Proposition IV.1. Soit X, Y des espaces métriques, A un sous-ensemble de X,


f : X → Y.
a) X précompact ⇒ A précompact.
b) A précompact ⇒ A précompact.
c) X précompact, f uniformément continue ⇒ f (X) précompact.
! "
Démonstration. a) Soit R un ε−réseau de X ; soit R0 = r ∈ R; B(r, ε) ∩ A  ∅ ;
choisissons a(r) ∈ B(r, ε) ∩ A pour chaque r de R0 ; alors S = {a(r); r ∈ R0 } est un
2ε−réseau de A ; soit en effet a ∈ A, r ∈ R tel que d(a, r)  ε ; r ∈ R0 , a(r) ∈ S , et
d(a, a(r))  d(a, r) + d(r, a(r))  2ε.
b) Soit R un ε−réseau de A ; A ⊂ ∪ B(r, ε), et le second membre de cette inclusion
r∈R
est fermé, donc A ⊂ ∪ B(r, ε) ; puisque R ⊂ A ⊂ A, R est aussi un ε−réseau de A.
r∈R
c) Soit ε > 0, δ = ω( f , ε), R un δ−réseau de X ; alors f (R) est un ε−réseau de f (X) ;
soit en effet y ∈ f (X) ; il existe x tel que y = f (x), et r ∈ R tel que d(x, r)  δ ; d’où
d(y, f (r)) = d( f (x), f (r))  ε. ❑

Voici un corollaire facile, dans lequel Rn est muni de la norme ||x||∞ = sup |xi |.

Corollaire IV.2. Soit A une partie de Rn ; on a équivalence entre


a) A est bornée ;
b) A est précompacte ;
c) A est relativement compacte.

Démonstration. a) ⇒ b). A est fermée, bornée donc compacte (théorème III.4), a


fortiori précompacte ; A ⊂ A est précompacte d’après la proposition IV.1.
b) ⇒ c). A est encore précompacte, donc bornée (cf. preuve du théorème I.8). A est
fermée, bornée, donc compacte.
c) ⇒ a). A est compacte, donc bornée ; a fortiori, A est bornée. ❑

Venons-en au théorème fondamental de ce paragraphe.

Théorème IV.3. Soit (X, d) un espace métrique. On a équivalence entre :


a) X est compact ;
b) toute suite (xn )n1 de X contient une sous-suite convergente ;
c) X est précompact et complet.

92
IV. Espaces métriques compacts

Démonstration. a) ⇒ b). Cela découle du théorème I.2 et de la proposition III.2 du


chapitre II (si  ∈ X, les B(, j−1 ), où j = 1, 2, . . ., forment une base dénombrable de
voisinages de ).
b) ⇒ c). Si X n’est pas précompact, il existe ε > 0 tel que X ne soit jamais recouvert
par un nombre fini de boules de rayon ε ; cela permet de construire par récurrence
une suite (xn ) avec d(xn+1 , x j )  ε si j  n et donc d(xi , x j )  ε si i  j ; la suite
(xn ) n’a aucune sous-suite convergente, ce qui montre par l’absurde la précompa-
cité de X ; soit maintenant (xn ) une suite de Cauchy, (xnk ) une sous-suite conver-
geant vers  ; l’inégalité triangulaire d(xn , )  d(xn , xnk ) + d(xnk , ) montre que (xn )
converge vers .
c) ⇒ a). Soit (ωi )i∈I un recouvrement ouvert de X ; on dira que A ⊂ X est non finiment
recouverte (en abrégé A nfr) si pour toute partie finie J de I, on a A  ∪ ωi ; supposons
J
X nfr et construisons par récurrence une suite (Bn )n1 de boules fermées telles que

Bn = B(xn , 2−n ) ; Bn nfr ; d(xn+1 , xn )  2−n . (IV.3)

En effet, X est précompact donc recouvert par un nombre fini de boules fermées de
rayon 2−1 et l’une de ces boules, soit B1 = B(x1 , 2−1 ) est nfr ; d’après la propo-
sition IV.1, B1 est elle-même précompacte, donc recouverte par un nombre fini de
boules de rayon 2−2 centrées dans B1 et l’une de ces boules, soit B2 = B(x2 , 2−2 ) est
nfr ; de plus x2 ∈ B1 , donc d(x2 , x1 )  2−1 ; on continue de proche en proche ... Cela
étant, (IV.3), l’inégalité triangulaire et la convergence de la série Σ 2−n montrent que
(xn ) est de Cauchy dans X complet, donc converge vers a ∈ X ; soit j ∈ I tel que
a ∈ ω j , r > 0 tel que B(a, r) ⊂ ω j ; je dis que, pour n assez grand,

Bn ⊂ B(a, r) . (IV.4)

Soit en effet n0 tel que d(xn , a)  2r et 2−n  2r si n  n0 ; alors x ∈ Bn entraîne


d(x, a)  d(x, xn ) + d(xn , a)  2−n + 2r  r, et on a (IV.4) pour n  n0 ; mais c’est
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

impossible car cela donne à la fois Bn ⊂ ω j et Bn nfr ; la démonstration par l’absurde


est donc achevée. ❑

À titre d’application, voici une autre preuve du théorème de Tychonoff dans un cas
particulier.

Théorème IV.4 (Tychonoff dénombrable). Soit (Xn , dn ) une suite d’espaces


métriques compacts, (X, T ) leur produit topologique. Alors

(X, T ) est métrisable et compact.

93
Chapitre 3 • Espaces compacts

dn
Démonstration. Quitte à remplacer dn par la métrique équivalente 1+dn (cf. cha-
pitre II), on peut supposer dn  1. Posons



d(x, y) = 2−n dn (xn , yn ) si x = (xn ) , y = (yn ) ∈ X . (IV.5)
1

On vérifie aisément les deux points suivants

d définit la topologie produit T . (IV.6)

(X, d) est complet . (IV.7)

Soit en effet i : (X, T ) → (X, d) l’application identique ; la continuité de i s’établit


comme dans la preuve du théorème II.8 ; pour la continuité de i−1 en a, soit ω un
ouvert contenant a, J une partie finie de N∗ et r > 0 tels que x soit dans ω dès que
d j (x j , a j )  r pour j ∈ J ; posons N = max J et prenons x tel que d(x, a)  2−N r ;
alors 2− j d j (x j , a j )  2−N r si j ∈ J, d’où d j (x j , a j )  r et x ∈ ω, ce qui prouve
(IV.6) ; (IV.7) est vrai sous l’hypothèse plus générale que chaque (Xn , dn ) est complet
et s’établit en travaillant coordonnée par coordonnée. Montrons maintenant que

(X, d) est précompact . (IV.8)

C’est vrai sous l’hypothèse plus générale que chaque (Xn , dn ) est précompact ; soit en

effet ε > 0, N entier tel que 2−n  ε, R1 , . . . , RN des ε−réseaux de X1 , . . . , XN ,
N+1

R = R1 × . . . × RN × Π {an }, où an ∈ Xn est fixé. R est fini car |R| = |R1 | . . . |RN | ; c’est
N+1
un 2ε−réseau de (X, d) ; soit en effet x = (xn ) ∈ X, rn ∈ Rn tel que dn (xn , rn )  ε pour
1  n  N, r = (r1 , . . . , rN , aN+1 , . . .) ∈ R ; on a


N 
∞ 
N 

d(x, r) = 2−n dn (xn , rn ) + 2−n dn (xn , an )  2−n ε + 2−n  2ε .
1 N+1 1 N+1

Maintenant (IV.6), (IV.7), (IV.8) et le théorème fondamental IV.3 donnent le résultat


annoncé. ❑

IV.2 Théorème de Heine


Voici un théorème de régularité automatique dont la preuve est très simple, mais qui
est absolument fondamental en Analyse (Riemann-intégrabilité des fonctions conti-
nues, compacité des opérateurs à noyau continu, etc.).

94
IV. Espaces métriques compacts

Théorème IV.5 (théorème de Heine). Soit X un espace métrique compact, Y un


espace métrique. Alors :
toute application continue de X dans Y est uniformément continue .

Démonstration. Soit (xn ), (x


n ) deux suites de X telles que d(xn , x
n ) → 0 ; d’après le
théorème IV.3, (xn ) contient une sous-suite (xnk ) de limite a, et donc :
xnk → a et x
nk → a quand k → ∞ . (IV.9)
f étant continue, il en résulte d( f (xnk ), f (x
nk )) → d( f (a), f (a)) = 0, ce qui achève la
démonstration d’après la proposition IV.10, chapitre II. ❑

IV.3 Exemples. Ensemble de Cantor


1) Soit E un R−evn de dimension finie ; les compacts de E sont les fermés, bornés ;
c’est la généralisation du théorème III.4, le seul ingrédient nouveau étant l’équiva-
lence de toutes les normes sur E.
2) Soit p ∈ [1, ∞[,  p l’espace de Banach des applications f : N∗ → R telles que

∞ 
|| f || : = | f (n)| p 1/p soit fini. Considérons
1
! "
K = f ∈  p ; | f (n)|  εn , ∀ n  1 (IV.10)


où (εn ) est une suite fixée de réels positifs telle que εnp < ∞. Alors K est une partie
1
compacte de  p . D’après le théorème IV.3, il s’agit de montrer que
K est complet . (IV.11)
Évident, car K est fermé dans  p complet (cf. chapitre V).
K est précompact . (IV.12)


εn  ε p , R0 un ε N −1/p −réseau du com-
p
Soit ε > 0, N entier tel que
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

N+1
N
pact Π [−εn , εn ] de RN muni de la norme « sup » ; chaque r ∈ R0 est une suite
n=1
(r(1), . . . , r(N)) avec |r(n)|  εn ; on prolonge r en un élément r̃ de K en posant
r̃(n) = 0 si n > N ; soit R = {r̃}r∈R0 ; montrons que R est un 2ε−réseau de K ; soit donc
f ∈ K ; on peut trouver r ∈ R0 tel que | f (n) − r(n)|  ε N −1/p pour 1  n  N, d’où

N 

εp
|| f − r̃|| =
p
| f (n) − r(n)| +
p
| f (n)| p  N + ε p  2 ε p  (2ε) p ,
1 N+1
N

et || f − r̃||  2ε. Ceci montre (IV.12) et achève la preuve.

95
Chapitre 3 • Espaces compacts


3) Ensemble triadique de Cantor. Soit A = {0, 1}N , muni de la topologie produit
des topologies discrètes sur chaque facteur ; A est compact métrisable d’après IV.4
(théorème de Tychonoff dénombrable) et s’appelle l’ensemble de Cantor abstrait ;

la variante {−1, 1}N a déjà été étudiée dans les exemples du V, chapitre II ; on va
voir que A est homéomorphe à un compact K de R, appelé ensemble triadique de
Cantor ; pour décrire K, il nous faut d’abord définir l’opération T : si I = [a, a + h]
est un segment de R, on pose
% & % & & %
h h h h
T (I) = a, a + ∪ a + 2 ,a + h = I \ a + ,a+ 2 ;
3 3 3 3
si X est union finie de segments disjoints I1 , . . . , I p , on pose
p
T (X) = ∪ T (I j ) .
j=1

L’opération T sur I consiste donc à enlever le « tiers médian » ouvert a + h3 , a + 2 h3 ;
elle s’étend comme indiqué en une application T : A → A , où A est la classe des
unions finies de segments ; itérée, elle définit l’ensemble triadique de Cantor par les
formules ∞
K1 = T ([0, 1]) ; Kn+1 = T (Kn ) ; K = ∩ Kn . (IV.13)
1
Une récurrence facile montre que (cf. figure 3.1)

0 1/9 2/9 1/3 2/3 7/9 8/9 1

«L'ensemble de Cantor, c'est ce qui reste quand on a tout grisé».


Figure 3.1




⎪ K est réunion des 2n segments disjoints de longueur 3−n ,
⎨ n



n
α j 3− j , où α j = 0 ou 2 .
(IV.14)
⎩ d’origine
1

En effet, la propriété a lieu à l’étape 1 : K1 = 0, 13 ∪ 23 , 1 . Si elle a lieu aux
étapes 1, . . . , n, on a Kn = ∪ In (α), où α = (α1 , . . . , αn ) parcourt {0, 2}n et où In (α) =
α
n
− n
− −n
α j 3 , α j 3 + 3 ; on voit que T In (α) = In+1 (α0 ) ∪ In+1 (α1 ), où α0 =
j j
1 1
(α1 , . . . , αn , 0) et α1 = (α1 , . . . , αn , 2), ce qui donne
 
Kn+1 = ∪ In+1 (α0 ) ∪ In+1 (α1 ) = ∪ In+1 (β),
α β

où β parcourt {0, 2}n+1 .

96
IV. Espaces métriques compacts

Définissons ϕ : A → R par


ϕ(x) = 2 x j 3− j , x = (x j ) . (IV.15)
j=1

Soit B = ϕ(A) ; la proposition suivante fait le lien entre les ensembles de Cantor
abstrait et triadique.
Proposition IV.6.
On a les propriétés suivantes :
a) ϕ est un homéomorphisme de A sur B.
b) K = B.
Démonstration. a) La continuité de ϕ a été établie dans l’exemple précité (cha-
pitre II,V.) ; si x, x
∈ A et x  x
, soit n le premier des indices j tel que x j diffère de
x
j , par exemple xn = 0 et x
n = 1 ; alors

ϕ(x
) − ϕ(x) = 2 · 3−n + 2 (x
j − x j ) 3− j
j>n

−n
2·3 −2 3− j = 2 · 3−n − 3−n = 3−n ,
j>n

ce qui montre que ϕ est injective et que ϕ−1 : B → A est continue (cela ré-
sulte d’ailleurs du théorème de bicontinuité automatique II.2) ; soit en effet y ∈ B,
x = ϕ−1 (y) ; si y
∈ B vérifie |y
− y| < 3−n , on vient d’établir que x j = x
j pour j < n,
où x
= ϕ−1 (y
) ; x
est donc arbitrairement proche de x quand y
est arbitrairement
proche de y.


b) Montrons d’abord que B ⊂ K ; soit y = 2 x j 3− j , où x j = 0,1 ; pour n ∈ N∗
1

n
fixé, soit α = (2 x1 , . . . , 2 xn ) = (α1 , . . . , αn ) ; on voit que 0  y − α j 3− j =
1



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2 xj 3− j  2 3− j = 3−n , donc avec les notations de la preuve de (IV.14) :


n+1 n+1

y ∈ In (α) ⊂ Kn ; n étant arbitraire : y ∈ ∩ Kn = K. Montrons ensuite que K ⊂ B ; soit
1
y ∈ K ; pour tout n ∈ N∗ , il existe α = (α1 , . . . , αn ) ∈ {0, 2}n tel que y ∈ In (α) ; en
particulier
  
 
n   (α αn )

, 0, . . .   3−n ,
1
y −  
α j 3  = y − ϕ
j
,...,
 1
 2 2

donc dist(y, ϕ(A))  3−n ; n étant arbitraire, dist(y, ϕ(A)) = 0 et y ∈ ϕ(A) = B ; mais
B est fermé car compact, donc y ∈ B.

97
Chapitre 3 • Espaces compacts

Remarque IV.7. Cette preuve utilise la compacité de A, donc le théorème de


Tychonoff dénombrable ; mais un examen soigneux de la preuve de l’inclusion K ⊂ B
 
montre qu’il existe une suite fixe (α ) ∈ {0, 2}N telle que y − α 3− j   3−n pour
∗ n
j j
1
tout n ∈ N∗ ;
la proposition IV.6 est donc élémentaire.
K a des propriétés remarquables d’universalité ; en voici deux :
1) Tout espace métrique compact est image continue de K (cf. chap. VII, ex. 1).
2) Tout espace métrique compact parfait (c’est-à-dire sans points isolés) totalement
discontinu est homéomorphe à K. Pour la preuve, cf. par exemple [J].

Voici d’autres propriétés remarquables de K en tant que partie de R.

Proposition IV.8. Soit m la mesure de Lebesgue sur R. Alors K vérifie :


a) K est non dénombrable et m(K) = 0.
b) K est totalement discontinu (i.e. les connexes de K sont les singletons).
c) K + K = [0, 2] ; en particulier, le groupe additif engendré par K est R.

Démonstration. a) K a d’après la proposition IV.6 la cardinalité de A, c’est-à-dire


celle de P(N) ; et (cf. [HL]) pour tout ensemble X, le cardinal de P(X) est stricte-
ment supérieur à celui de X, donc K est non dénombrable ; d’autre part, K = ∩Kn ,
d’où via (IV.14) :  n
2
m(K)  inf m(Kn ) = inf =0.
n n 3

b) Soit I un connexe non vide de K ; pour tout entier n, I est contenu dans une des 2n
composantes connexes de Kn , donc a un diamètre  3−n ; n étant arbitraire, I est de
diamètre nul, donc réduit à un élément.


c) Soit y ∈ [0, 2] ; on a 2y = ε
j 3− j avec ε
j = 0, 1, 2 (décomposition en base 3 des
1


éléments de [0, 1]), donc y = ε j 3− j avec ε j = 0, 2, 4. Posons
1

⎧ ⎧


⎪ ε si ε j = 0 ou 2 ⎪

⎪ 0 si ε j = 0 ou 2
⎨ j ⎨
αj = ⎪
⎪ εj , βj = εj − αj = ⎪
⎪ εj

⎩ si εj = 4 ⎪
⎩ si ε j = 4
2 2



x= α j 3− j et x
= β j 3− j ; alors x, x
∈ K et x + x
= y. ❑
1 1

98
IV. Espaces métriques compacts

4) Une caractérisation abstraite des espaces métriques compacts. Soit (X, d) un


espace métrique ; on se propose de montrer (théorème de Bing) qu’on a équivalence
entre :
a) (X, d) est compact ;
b) (X, d
) est complet pour toute métrique d
topologiquement équivalente à d.
a) ⇒ b) est trivial : (X, d
) est encore compact, a fortiori complet.
b) ⇒ a). On raisonne évidemment par l’absurde ; on suppose (X, d) non compact
et on va construire d
équivalente à d telle que (X, d
) ne soit pas complet ; on peut
supposer d  1 (quitte à la remplacer par la métrique uniformément équivalente 1+d d
);
on sait que (X, d) contient une suite (xn ) de points distincts sans valeur d’adhérence
et on va construire d
en diminuant d de façon que
1) (xn ) est de Cauchy pour d
.
2) d n’a pas trop diminué, et d
est encore équivalente à d.
Que veut dire diminuer d ? Rappelons que (cf. chapitre II) d(x, y) = supA | f (x)− f (y)|,
! "
où A = f : X → R; | f (u) − f (v)|  d(u, v), ∀ u, v ∈ X . Diminuer d voudra donc
dire diminuer A, c’est-à-dire prendre pour B ⊂ A convenable

d
(x, y) = sup | f (x) − f (y)| . (IV.16)
B

La nécessité de rendre (xn ) de Cauchy « conduit » au choix


⎧ ∞



⎨B = ∪ 1
Bn ;

⎪  (IV.17)

⎩ Bn = f : X → R; | f (u) − f (v)|  1 d(u, v) et f (x j ) = 0, j > n .
n

Montrons que d
ainsi définie (pour le moment, d
n’est qu’un écart fini) répond à la
question. Alors, (xn ) sera de Cauchy dans (X, d
) et pourtant divergente.
1) Soit ε > 0, N entier  ε−1 , p, q  N, f ∈ B ; distinguons deux cas.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Cas 1 : f ∈ Bn et n  N.
Alors | f (x p ) − f (xq )|  1n d(x p , xq )  1
n  1
N  ε.
Cas 2 : f ∈ Bn et n < N.
Alors p, q > n et donc f (x p ) = f (xq ) = 0. D’après (IV.16) et (IV.17), d
(x p , xq )  ε
si p, q  N, et (xn ) est de Cauchy pour d
.
2) d
 d, donc l’identité i : (X, d) → (X, d
) est continue ; montrons que
i−1 : (X, d
) → (X, d) est continue en tout point a ∈ X ; soit ε > 0 ; a n’est pas
point d’accumulation des xn , donc il existe 0 < δ < ε et n0 tels que

(∀ n > n0 ) : d(xn , a)  δ . (IV.18)

99
Chapitre 3 • Espaces compacts

1
Posons f (x) = 1
n0 (δ − d(x, a))+ ; f est −lipschitzienne (car s, t ∈ R et
n0
s < t ⇒ t+ − s+  t − s), et n > n0 entraîne (δ − d(xn , a))+ = 0, donc f ∈ Bn0 ⊂ B ;
supposons d
(x, a) < nδ0 ; alors

1 δ
|δ − (δ − d(x, a))+ | = | f (x) − f (a)|  d
(x, a) < ,
n0 n0

donc d(x, a)  δ  ε, ce qui montre bien la continuité de i−1 et l’équivalence de


d et d
; en particulier, l’écart d
définit une topologie séparée, donc est une vraie
métrique, ce qui achève la démonstration, due à A. Ancona.
5) Distance de Hausdorff. Soit A l’ensemble des fermés non vides d’un espace
métrique compact X ; pour A, B ∈ A , on pose

h(A, B) = ||dA − dB || (IV.19)

où dF est la fonction distance à F (cf. chapitre II, IV.) et la norme celle de l’espace
C(X, R) des applications continues de X dans R ; h est une distance (appelée distance
de Hausdorff) sur A car si h(A, B) = 0, on a dA = dB puis A = B en observant que A
(resp. B) est l’ensemble des zéros de dA (resp. dB ). On va voir que de plus :

(A , h) est précompact ; (IV.20)

(A , h) est complet . (IV.21)


Soit en effet R un ε−réseau de X, B ⊂ A l’ensemble fini des parties non vides de R ;
! "
si A ∈ A , notons P l’élément de B défini par P = r ∈ R; B(r, ε) ∩ A  ∅ .
Soit x ∈ X ; si r ∈ P, il existe a ∈ A avec d(a, r)  ε ; alors dA (x)  d(x, a) 
d(x, r) + d(r, a)  d(x, r) + ε, d’où en passant à l’inf sur r, dA (x)  dP (x) + ε.
Si a ∈ A, il existe r ∈ R tel que d(a, r)  ε ; alors r ∈ P et dP (x)  d(x, r) 
d(x, a) + d(a, r)  d(x, a) + ε, d’où en passant à l’inf sur a, dP (x)  dA (x) + ε.
Il en résulte que h(A, P) = ||dA − dP ||  ε, autrement dit que B est un ε−réseau de
A , ce qui prouve (IV.20).
Soit maintenant (An ) une suite de Cauchy pour h ; la suite de fonctions (dAn ) vérifie
le critère de Cauchy de convergence uniforme, donc il existe ϕ ∈ C(X) avec ||dAn −
ϕ|| → 0 ; on va voir que

A : = ϕ−1 (0)  ∅ ; ϕ = dA . (∗)

Pour cela, on associe à x ∈ X un xn ∈ An tel que dAn (x) = d(x, xn ) et on extrait


de (xn ) une suite (xnk ) convergente de limite  ; vu la convergence uniforme de dAnk
vers ϕ, le passage à la limite dans dAnk (xnk ) = 0 donne (cf. exercice 3) ϕ() = 0,

100
Exercices

i.e.  ∈ A et A est  ∅ ; d’autre part, le passage à la limite dans dAnk (x) = d(x, xnk )
donne ϕ(x) = d(x, )  dA (x) ; enfin, si a ∈ A, le passage à la limite dans l’inégalité
|dAn (x) − dAn (a)|  d(x, a) donne ϕ(x)  d(x, a), puis ϕ(x)  dA (x) en passant à
l’inf sur a ; on a donc ϕ(x) = dA (x), ce qui achève de prouver (∗) ; puisque A ∈ A ,
la relation ||dAn − ϕ|| → 0 se lit alors h(An , A) → 0, ce qui prouve (IV.21). (IV.20),
(IV.21) et le théorème fondamental IV.3 montrent que
(A , h) est un espace métrique compact . (IV.22)

Une variante de cet espace, quand X est seulement complet, réapparaîtra au cha-
pitre V avec l’étude de plusieurs contractions. On verra dans ce chapitre V une défi-
nition alternative et plus intuitive de h(A, B) :
h(A, B) = min{ε  0; A ⊂ Bε et B ⊂ Aε }
où de façon générale Eε = {x ∈ X; d(x, E)  ε} est l’epsilon-épaississement de
E ⊂ X.

Exercices

3.1 Soit E un evn, A et B deux parties non vides de E (cf. chapitre II, exercice 19).
a) Montrer que A, B compacts entraînent A + B compact.
b) Montrer que A compact, B fermé entraînent A + B fermé.
c) Donner un exemple où A, B sont fermés, mais pas A + B.
d)* Mêmes questions que a), b) en remplaçant E par un groupe topologique abélien G
(cf. chapitre II, exercice 19).

3.2 Théorème de Darboux


Soit f une fonction réelle et dérivable sur un intervalle I ⊂ R et a, b ∈ I avec a < b.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

a) On suppose f
(a) f
(b) < 0.

1. Montrer que f atteint sa borne supérieure sur [a, b] en un point c ∈]a, b[.

2. Montrer que f
(c) = 0.

b) Montrer que f
a la propriété de la valeur intermédiaire, à savoir : si f
(a) =
u, f
(b) = v et si w ∈]u, v[, il existe c ∈]a, b[ tel que f
(c) = w.

3.3 Soit X un espace métrique compact, ( fn ) une suite d’applications continues de


X dans R, f une application de X dans R.

101
Chapitre 3 • Espaces compacts

a) On suppose que ( fn ) converge uniformément vers f ; montrer que si xn tend vers x,


alors fn (xn ) tend vers f (x).
b) On suppose réciproquement que : fn (xn ) tend vers f (x) pour toute suite (xn ) ten-
dant vers x.
i) Montrer qu’on a aussi fλn (xn ) → f (x) pour toute suite croissante (λn < λn+1 )
d’entiers.
ii) Montrer que f est continue et que ( fn ) converge uniformément vers f .

3.4 Forme forte du théorème de Heine


Soit X, Y métriques, f : X → Y continue, K un compact de X. Montrer que
(∀ ε > 0) (∃ δ > 0) (∀ x ∈ K, ∀ x
∈ X) : d(x, x
)  δ ⇒ d( f (x), f (x
))  ε .

3.5 Soit (Kn ) une suite décroissante de compacts non vides d’un espace X,

K = ∩ Kn .
1
a) Montrer que K  ∅ ;
b) Soit ω un ouvert contenant K ; montrer qu’il existe n0 tel que Kn ⊂ ω pour n  n0 .

3.6 Soit E un R−evn, Ω un ouvert de R × E et f : Ω → E, continue et localement


lipschitzienne en la deuxième variable, au sens où
(∀ m ∈ Ω) (∃ Vm ouvert  m) (∃ Cm > 0)
(∀(x, y1 ), (x, y2 ) ∈ Vm ) : || f (x, y1 ) − f (x, y2 )||  Cm ||y1 − y2 || .
Soit K un compact de Ω ; montrer qu’il existe C = C(K) > 0 telle que
|| f (x, y1 ) − f (x, y2 )||  C||y1 − y2 || , ∀ (x, y1 ), (x, y2 ) ∈ K .

3.7 Caractérisation des matrices semblables à une matrice unitaire


dans M d (C)
Soit A ∈ Md (C) ; on se propose de montrer l’équivalence des deux propriétés :
i) A est semblable à une matrice unitaire.
ii) | det A| = 1 et (||An ||)n∈N est une suite bornée.
a) Montrer que i) ⇒ ii). Dans ce qui suit, on suppose que ii) a lieu.
b) Soit λ une valeur propre de A ; montrer que |λ|  ||An ||1/n pour tout n ∈ N∗ ; en
déduire que |λ| = 1.
c) On sait (décomposition de Dunford) qu’il existe une matrice de passage P telle que
(λ1 , . . . , λd étant les valeurs propres de A) :
P−1 A P = D + N ; D = diag(λ1 , . . . , λd ) ; N nilpotente ; N D = D N .

102
Exercices

Montrer que ||(I + D−1 N)n || est bornée ; en déduire que N = 0 et conclure.
d) Sous les hypothèses de ii), montrer que (An ) contient une sous-suite (Ank ) conver-
geant vers l’identité I (on peut utiliser ou non l’équivalence précédente).

3.8 Soit X un espace métrique compact et f : X → X expansive :

d( f (x), f (y))  d(x, y), ∀ x, y ∈ X.


On pose f n = f ◦ . . . ◦ f (n fois).
a) Soit x, y ∈ X ; montrer qu’il existe une suite (nk ) ∈ N∗ , (nk < nk+1 ) telle que les
suites ( f nk (x)) et ( f nk (y)) soient de Cauchy ; en déduire que
i) (∀ε > 0) (∃p ∈ N∗ ) ; d(x, f p (x))  ε et d(y, f p (y))  ε.
ii) f est une isométrie de X dans X.
b) Montrer que f est une isométrie de X sur X.

3.9 Soit X un espace métrique compact et f : X → X contractive et surjective :


d( f (x), f (y))  d(x, y), ∀ x, y ∈ X ; f (X) = X.
a) Montrer qu’il existe g : X → X expansive telle que f ◦ g = IX .
b) Montrer que f est une isométrie de X sur X.

3.10 Soit X un espace métrique précompact.


a) Montrer que pour tout n ∈ N∗ , X contient une partie finie Rn telle que d(x, Rn )  1
n
pour tout x ∈ X.
b) Montrer que X est séparable.

3.11* Variante du théorème de Cauchy-Arzela


Soit M > 0, et fn : [0, 1] × [−M, M] → [−M, M] une suite de fonctions conti-
nues, convergeant uniformément vers f ; on suppose que le problème de Cauchy :
y
= fn (x, y), y(0) = 0, a pour tout n une solution ϕn définie sur [0, 1] ; montrer qu’il
en est de même pour le problème de Cauchy y
= f (x, y), y(0) = 0.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.


3.12 Soit (n )n1 une suite de réels de 0, 12 ; on définit l’opération T n sur les
unions finies disjointes de segments par
T n ([a, a + h]) = [a, a + n h] ∪ [a + (1 − n ) h, a + h] ;
p
T n (I1  . . .  I p ) = ∪ T n (I j ) .
1

On définit ensuite un ensemble de Cantor généralisé L par



L1 = T 1 ([0, 1]) = [0, 1 ] ∪ [1 − 1 , 1] ; Ln+1 = T n+1 (Ln ) ; L = ∩ Ln .
1

103
Chapitre 3 • Espaces compacts

a) Montrer que L est compact, et que Ln est la réunion de 2n segments disjoints In, j ,
(1  j  2n ) de longueur 1 . . . n .
b) Montrer que L est totalement discontinu mais peut avoir une mesure de Lebesgue
positive. À quoi L est-il homéomorphe ?
On se propose de donner un exemple où G pL (groupe engendré par L) est de mesure
de Lebesgue nulle ; on pose L̃n = Ln ∪ −Ln ; p L̃n = {x1 + . . . + x p ; x j ∈ L̃n } ; on
définit de même L̃, p L̃.
c) i) Montrer que G pL = ∪ p L̃.
p1

ii) Montrer que p L̃n est inclus dans la réunion de 2(n+1)p intervalles de longueur
! "
p 1 . . . n ; en déduire que m(p L̃)  inf n p 2(n+1)p 1 . . . n .
iii) Indiquer un choix de n pour lequel m(G pL) = 0.

3.13 Soit X un espace métrique compact, Y = C(X, X) l’espace des applications


continues de X dans X avec la distance uniforme : d( f , g) = sup X d( f (x), g(x)) ; on
pose
A = ensemble des f : X → X ayant un point fixe .
I = ensemble des injections de X dans X .
S = ensemble des surjections de X sur X .

a) Montrer que A et S sont fermés dans Y.


b) I est-il ouvert ? Fermé ?

3.14 Soit X = Cb (R) avec la norme sup ; on fixe f ∈ X ; pour t ∈ R, on désigne par
ft la translatée par −t de f : ft (x) = f (x + t) ; soit O( f ) l’ensemble des ft ; montrer
que :
O( f ) précompact entraîne f uniformément continue.
(Au chapitre V, on caractérisera en termes de O( f ) les fonctions uniformément conti-
nues, presque périodiques, périodiques).

3.15 Soit E l’ensemble des f : R → R croissantes et telles que

lim f (x) =: f (−∞) = 0 , lim f (x) =: f (+∞) = 1 .


x→−∞ x→+∞

Soit ( fn ), f des fonctions de E telles que :


i) fn converge simplement vers f sur R ;
ii) f est continue.
a) Soit M ∈ N∗ ; montrer qu’on peut trouver x0 < x1 < . . . < xM avec x0 = −∞,
xM = +∞, f (xk ) = Mk , 0  k  M.

104
Exercices

b) On pose δn = sup0kM | f (xk ) − fn (xk )| (M fixé). Montrer que || fn − f ||∞  δn + 1


M.
c) Montrer que fn converge uniformément vers f (deuxième forme du théorème de
Dini, souvent rencontrée en Calcul des Probabilités).

3.16 Une partie K de  p , (1  p < ∞) est dite équi-intégrable si



(∀ ε > 0) (∃ N) (∀ f ∈ K) : | f (n)| p  ε p .
N+1

a) Montrer qu’on a équivalence entre :


i) K compacte ;
ii) K équi-intégrable et fermée, bornée.
b) Donner un exemple de compact K de  p « non dominé », i.e. pour lequel il n’existe
pas de g ∈  p telle que | f (n)|  g(n), pour toute f ∈ K, et tout n ∈ N∗ .

3.17 Lemme de Lebesgue


Soit (X, d) un espace métrique compact, (ωi )i∈I un recouvrement ouvert de X ; mon-
trer qu’il existe r > 0 tel que :

(∀ a ∈ X) (∃ i ∈ I); B(a, r) ⊂ ωi .

3.18 Espaces weierstrassiens


Soit X un espace topologique. Montrer que les propriétés suivantes sont équivalentes :
1. Toute fonction continue f : X → R est bornée
2. Toute fonction continue et bornée f : X → R atteint ses bornes.
On dit alors que l’espace X est weierstrassien. Un espace compact est évidemment
weierstrassien. cf. chap. IV. Ex. 22 pour un autre exemple.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

3.19 Soit X un espace compact, f et g ∈ C(X) telles que : f (x)  0, ∀ x et


f (x) = 0 ⇒ g(x) > 0. Montrer qu’il existe λ > 0 tel que λ f (x) + g(x) > 0 pour
tout x ∈ X.

3.20* Rang stable topologique


Soit X = [−1, 1]n , A = C(X, R) ; g = (g1 , . . . , gr ) ∈ Ar est dit générateur de A si
l’idéal engendré par g1 , . . . , gr est A, c’est-à-dire s’il existe h1 , . . . , hr ∈ A telles que
r
gi hi = 1.
1

105
Chapitre 3 • Espaces compacts

a) Montrer qu’on a équivalence entre :


i) g est générateur de A ;
ii) les gi n’ont pas de zéro commun.
b)∗ Soit ( f1 , . . . , fn+1 ) ∈ An+1 , δ > 0 ; montrer qu’il existe (g1 , . . . , gn+1 ) générateur
tel que || fi − gi ||∞  δ, ∀ i.
c) En considérant les fonctions coordonnées fi (x) = xi , (x = (x1 , . . . , xn )), 1  i  n,
montrer que le résultat du b) est faux avec n fonctions (on pourra utiliser le théorème
du point fixe de Brouwer ; cf. [Du]).

3.21* Soit X un espace métrique complet séparable (un espace « polonais »),
(xn )n1 une suite dense de X, A la tribu des boréliens de X, P : A → [0, 1] une
probabilité sur (X, A ).
a) Soit ε > 0, q ∈ N∗ ; montrer qu’il existe Nq ∈ N∗ tel que P(Aq )  1 − ε 2−q , où
Nq  
Aq = ∪ B xn , 1q .
n=1
b) Montrer qu’il existe un compact K de X tel que P(K)  1 − ε.
! "
c) Soit B ∈ A ; montrer que P(B) = sup P(K); K compact ⊂ B (on rappelle que
! "
P(B) = sup P(F); F fermé ⊂ B ).

3.22* Soit X un espace métrique compact, Y un espace métrique, A une partie équi-
continue de C(X, Y) ; on rencontre dans la littérature les deux énoncés suivants du
théorème d’Ascoli :
Énoncé 1 (cf. [C]) : Si Y est compact, A est relativement compacte dans C(X, Y).
Énoncé 2 (cf. [D]) : Si Y est complet et si A(x) : = { f (x) ; f ∈ A} est relativement
compact dans Y pour tout x ∈ X, A est relativement compacte dans C(X, Y).
Expliquer pourquoi l’énoncé 2 n’est qu’une généralisation illusoire de l’énoncé 1.

3.23 a) Soit X, Y, Z trois espaces métriques, Y étant compact ; soit c ∈ Z et


f : X × Y → Z continue avec la propriété suivante :

Pour tout x ∈ X, l’équation (en y) f (x, y) = c
(∗)
possède une solution unique y = ϕ(x) .

Montrer que ϕ : X → Y est continue.


√ √
b) Appliquer cela à X = − √1 , √1 , Y = [− 2, 2], Z = R, c = 0, f (x, y) =
2 2
y − (sin xy + cos xy).
Remarque IV.9. Plus généralement, si Y est compact et si ϕ : X → Y a son graphe
fermé, alors ϕ est continue.

106
Exercices

3.24 Soit C([0, 1]) l’espace des fonctions continues :[0, 1] → C muni de la norme
.∞ du sup ; pour 1  p < ∞ et f ∈ C([0, 1]), on pose
 1 1/p
Ip( f ) =  f p = | f (x)| p dx .
0

a) Montrer que, pour f ∈ C([0, 1]) fixée, I p ( f ) ↑ I∞ ( f ) =  f ∞ quand p ↑ ∞.


b) Montrer que, pour f , g ∈ C([0, 1]) fixées, |I p ( f ) − I p (g)|   f − g∞ .
c) Soit X un sous-espace de dimension finie de C([0, 1]). Montrer que I p ( f ) → I∞ ( f )
uniformément sur la boule unité fermée de X.

3.25 On admet ici un théorème de Grothendieck (1954) : avec les notations de


l’exercice 24, si p  2 et si X est un sous-espace de C([0, 1]) tel que  f ∞  C f  p
pour toute f ∈ C([0, 1]), alors dimX  C p .
En utilisant ce théorème, montrer la réciproque de l’exercice 24 : si I p ( f ) → I∞ ( f )
uniformément sur la boule unité fermée de X, alors X est de dimension finie.

3.26 Produit tensoriel injectif de Grothendieck


Soit I = [0, 1] et E l’espérance mathématique. Cet exercice propose une preuve pro-
babiliste (due à Bernstein) du théorème de Stone-Weierstrass pour le carré I × I, et
une application.
Soit F une fonction continue sur I × I ⊂ R2 , ce dernier espace étant muni de sa
norme euclidienne  . On fixe d’abord z = (x, y) ∈ I × I. Soit X et Y deux va-
riables de Bernoulli indépendantes de paramètres respectifs x et y, et soit Z = (X, Y)
ainsi qu’une suite (Zn ) = ((Xn , Yn )) de copies indépendantes de Z. On pose enfin
S n = Z1 + · · · + Zn .
x(1−x) y(1−y)
a) Montrer que E Snn − z2 = n + n  2n ·
1

b) Montrer que
* ( S )+  n n  k l
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

n
Bn (x, y) := E F = F , xk (1 − x)n−k yl (1 − y)n−l .
n 0kn,
k l n n
0ln

c) Montrer que F est limite uniforme sur I × I d’une suite (Bn ) de polynômes à deux
variables.
d) On définit le produit tensoriel de f , g ∈ C(I) par la formule
( f ⊗ g)(x, y) = f (x)g(y), x, y ∈ I.
On définit le produit tensoriel injectif C(I) ⊗ε C(I) de C(I) par lui-même comme
N
l’adhérence uniforme dans C(I × I) des sommes finies k=1 fk ⊗ gk . Montrer que l’on

107
Chapitre 3 • Espaces compacts

a en réalité
C(I × I) = C(I) ⊗ε C(I).

3.27 Avec les notations de l’exercice 26, on admet l’existence d’une base de
Schauder (gn )n1 dans C(I), c’est-à-dire d’une suite de fonctions de C(I) telles que
toute f ∈ C(I) s’écrive
∞
f = cn ( f )gn
n=1
où la série converge uniformément sur I, et où les cn sont des formes linéaires
continues sur C(I). Ces formes linéaires vérifient de plus S n   M, où on note

S n ( f ) = nj=1 c j ( f )g j , M étant une constante.
a) Montrer que la série précédente converge uniformément sur tout compact K de
C(I).
b) Soit F ∈ C(I × I) et F x ∈ C(I) définie par F x (y) = F(x, y). Montrer que l’ensemble
de fonctions {F x } x∈I est compact dans C(I).

c) Montrer que F(x, y) = ∞ n=1 fn (x)gn (y) avec fn , gn ∈ C(I), la série convergeant
uniformément sur I × I. Ceci est plus précis que la conclusion de l’exercice 3.26. En
particulier, la suite (gn ) ne dépend pas de F.

3.28 Produit tensoriel projectif de Grothendieck


a) Soit a1 < · · · < · · · < a p des points de I, et ϕ j ∈ C(I) définie par ϕ j (x) = |x − a j |.
Montrer que les fonctions (ϕ j )1 jp sont linéairement indépendantes dans C(I).
b) Montrer que F ∈ C(I × I) définie par F(x, y) = |x − y| ne peut pas s’écrire comme

une somme finie F(x, y) = Nj=1 f j (x)g j (y) avec f j , g j ∈ C(I).
c) On rappelle (théorie élémentaire des séries de Fourier) que, pour u ∈ [−1, 1], l’on
peut écrire
∞ ∞
|u| = an cos nπu avec |an | < ∞.
n=1 n=1
Utiliser cela pour montrer que la fonction F de b) peut s’écrire comme une série
infinie 

F(x, y) = fn (x)gn (y) avec fn , gn ∈ C(I),
n=1

la série convergeant cette fois normalement sur I × I : ∞n=1  fn  gn  < ∞. On dit
suivant Grothendieck que F appartient au produit tensoriel projectif de C(I) par lui-
même, noté C(I) ⊗π C(I).
On peut montrer que C(I) ⊗π C(I)  C(I) ⊗ε C(I) = C(I × I).

108
Corrigés

Corrigés

3.1 a) A + B est image continue du compact A × B (produit de compacts) par


(a, b) → a + b.
b) Si x ∈ A + B, il existe des suites (an ) de A et (bn ) de B telles que an + bn → x ; (an )
contient une sous-suite (ank ) convergeant vers a ∈ A, donc bnk → b : = x − a, et b ∈ B
puisque B est fermé ; d’où x = a + b, et x ∈ A + B.

c) Prenons E = R, A = Z, B = Z 2√; A et B sont fermés, mais A + B est un sous-
groupe dénombrable dense (puisque 2 est irrationnel) de R, donc non fermé de R.
d)∗ a) est inchangé puisque l’addition est par définition une opération continue dans
G ; pour b) si x ∈ A + B, pour tout voisinage V de x, il existe aV ∈ A, bV ∈ B tels que
aV + bV ∈ V ; soit a ∈ A une valeur d’adhérence de aV suivant le filtre des voisinages
de x ; alors x − a = b ∈ B, donc b ∈ B et x = a + b ∈ A + B.

3.2 a) i) On peut supposer f


(a) > 0 et f
(b) < 0 (dans le cas opposé, considé-
rer − f (x)). La fonction f , continue réelle sur le compact [a, b], atteint son sup en
c ∈ [a, b]. Comme f
(a) = lim x→a+ f (x)−
x−a
f (a)
> 0, il existe des x > a et  b tels que
f (x) > f (a), donc c  a. De même, c  b car f
(b) < 0. Donc, c ∈]a, b[.
ii) On raisonne comme dans la preuve du théorème de Rolle. Puisque c ∈]a, b[, on a

f (x) − f (c)
f
(c) = lim+ (∗)
x→c x−c
et
f (x) − f (c)
f
(c) = lim− (∗∗).
x−c
x→c

La relation (∗) montre que f


(c)  0 et (∗∗) montre que f
(c)  0. Et donc f
(c) = 0.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

b) Soit F(t) = f (t) − tw. On a F


(a)F
(b) = (u − w)(v − w) < 0, donc par a) il existe
c ∈]a, b[ tel que F
(c) = 0, c’est-à-dire f
(c) = w.

3.3 a) | fn (xn ) − f (x)|  | fn (xn ) − f (xn )| + | f (xn ) − f (x)|  || fn − f ||∞ + | f (xn ) − f (x)|
et le second membre tend vers zéro puisque f est continue. Notons que le résultat et
la preuve restent vrais pour deux espaces métriques.

x p si n = λ p
b) i) Posons yn =
x si n n’est pas un λ j ;
yn tend vers x, donc fn (yn ) tend vers f (x) ; en particulier fλ p (yλ p ) = fλ p (x p ) tend
vers f (x).

109
Chapitre 3 • Espaces compacts

ii) En prenant xn = x, on voit que fn converge simplement vers f . Si f n’est pas conti-
nue, il existe x ∈ X, ε > 0, (xn ) de limite x avec | f (xn ) − f (x)| > ε ; pour chaque n,
f (xn ) = limm→∞ fm (xn ), donc on peut construire par récurrence une suite strictement
croissante (λn ) d’entiers telle que | fλn (xn ) − f (x)| > ε, et cette inégalité contredit i).
Si maintenant ( fn ) ne converge pas uniformément vers f , modulo extraction on peut
supposer qu’il existe ε > 0 tel que || fn − f ||∞ > ε et donc qu’il existe xn ∈ X tel que
| fn (xn ) − f (xn )| > ε . (∗)
Quitte à faire une deuxième extraction (X étant compact), on peut supposer que xn
tend vers x. Alors | fn (xn )− f (xn )|  | fn (xn )− f (x)|+| f (x)− f (xn )|, et le second membre
tend vers zéro d’après l’hypothèse et la continuité de f ; mais cela contredit (∗) ; la
convergence de fn vers f est donc uniforme.

3.4 En raisonnant par l’absurde, on voit qu’il revient au même de montrer :


(xn ) ∈ K, (x
n ) ∈ X, d(xn , x
n ) → 0 ⇒ ∃ (nk ); d( f (xnk ), f (x
nk )) → 0 ; pour cela,
on s’aperçoit que la preuve du théorème IV.5 fonctionne sans changer un seul mot !

3.5 a) Les Kn sont une suite décroissante de fermés non vides du compact K1 .
b) Il suffit de montrer qu’il existe n tel que Kn ∩ ωc = ∅ ; si ce n’est pas le cas,
les Kn ∩ ωc sont une suite décroissante de fermés non vides du compact K1 , donc
∩(Kn ∩ ωc ) = K ∩ ωc  ∅, contrairement à l’hypothèse.

3.6 Première méthode : munissons R × E de la norme ||(x, y)|| = |x| + ||y||E ;


 
pour m ∈ K, on peut prendre Vm de la forme B(m, δm ) ; les B m, δ2m m∈K re-
N  δm 
couvrent K, donc il existe m1 , . . . , mN ∈ K tels que K ⊂ ∪ B m j , 2 j ; posons
1
 δ m1 δm N 
Δ = max(Cm1 , . . . , CmN ), δ = min 2 , . . . , 2 ; soit m = (x, y1 ) et μ = (x, y2 ) ∈ K ;
 δm  δm
il existe j tel que m ∈ B m j , 2 j . Si ||y1 −y2 || < δ, ||m−μ|| = ||y1 −y2 || < δ  2 j , donc
μ ∈ B(m j , δm j ) ; il en résulte que || f (x, y1 ) − f (x, y2 )||  Cm j ||y1 − y2 ||  Δ ||y1 − y2 ||.
Si ||y1 − y2 ||  δ, soit M = supm∈K || f (m)|| ; on voit que
2M
||y1 − y2 || .
|| f (x, y1 ) − f (x, y2 )||  || f (m)|| + || f (μ)||  2M 
δ
 
On a donc toujours || f (x, y1 ) − f (x, y2 )||  C ||y1 − y2 ||, où C = max Δ, 2M δ .

Deuxième méthode : si C n’existe pas, on peut trouver deux suites (xn , yn ) et (xn , y
n )
de K avec
|| f (xn , yn ) − f (xn , y
n )|| > n ||yn − y
n || ; (∗)
en particulier ||yn − y
n ||  2M

n , donc yn − yn → 0 ; modulo extraction, on peut supposer


que (xn , yn ) tend vers (x, y) = m ∈ K ; on a donc aussi lim(xn , y
n ) = m, et pour n
assez grand, (∗) contredit le caractère localement lipschitzien de f en m.

110
Corrigés

3.7 a) Si A = P U P−1 avec U unitaire, | det A| = | det U| = 1 ; de plus An =


P U n P−1 , d’où ||An ||  ||P|| ||P−1 ||.
b) Soit x ∈ Cd tel que ||x|| = 1 et A(x) = λx ; alors An (x) = λn x, d’où |λ|n = ||An (x)|| 
||An || ||x|| = ||An ||, et |λ|  ||An ||1/n (moitié facile du théorème du rayon spectral) ; soit
M un majorant de ||An || ; alors |λ|  M 1/n , d’où |λ|  1 en faisant tendre n vers +∞ ;
soit λ1 , . . . , λd les valeurs propres (distinctes ou non) de A ; | det A| = |λ1 | . . . |λd | = 1
et |λ j |  1 pour tout j, donc |λ j | = 1 pour tout j.
c) Dn est unitaire puisque |λ j | = 1, pour tout j ; donc
||(I + D−1 N)n || = ||Dn (I + D−1 N)n || = ||(D(I + D−1 N))n || = ||(D + N)n ||
= ||P−1 An P||  ||P−1 || ||An || ||P||  M ||P|| ||P−1 || .
Soit ν = D−1 N ; ν est nilpotente puisque D−1 et N commutent ; il s’agit de montrer
que ν = 0 ; si ce n’est pas vrai, il existe k  1 tel que νk  0, νk+1 = 0, et la formule
du binôme donne (I + ν)n = I + Cn1 ν + . . . + Cnk νk ∼ Cnk νk , ce qui contredit le fait que
||(I + ν)n || est borné. Donc ν = 0 et P−1 A P est unitaire.
d) Deux raisonnements de compacité sont possibles : le premier dans Md (C) ; (An )
est une suite bornée, donc il existe (Amk ) extraite avec mk+1 − mk strictement croissant
et lim Amk = B ∈ Md (C) ; mais : | det B| = lim | det Amk | = lim | det A|mk = 1, donc
B est inversible ; posant nk = mk+1 − mk , on voit que Ank = Amk+1 (Amk )−1 tend vers
B B−1 = I. Le second utilise ce qui précède et se fait dans le groupe compact U(d) ;
A = P U P−1 , où U ∈ U(d), et en raisonnant comme précédemment on trouve une
suite (nk ) telle que U nk tend vers I, d’où lim Ank = lim P U nk P−1 = P P−1 = I.

3.8 a) La suite ( f n (x), f n (y)) de l’espace métrique compact X × X contient une


sous-suite ( f nk (x), f nk (y)) convergente, donc de Cauchy ; chacune des composantes
de cette suite est aussi une suite de Cauchy.
i) On peut donc trouver j et k tels que j < k et
d( f n j (x), f nk (x))  ε, d( f n j (y), f nk (y))  ε;
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

posons p = nk − n j ; f étant expansive, on a


d(x, f p (x))  d( f n j (x), f n j ( f p (x))) = d( f n j (x), f nk (x))  ε,
et de même d(y, f p (y))  ε.
ii) d( f (x), f (y))  d( f p (x), f p (y))  d( f p (x), x)+d(x, y)+d(y, f p (y))  2ε+d(x, y) ;
ε étant arbitraire, d( f (x), f (y))  d(x, y), donc f est une isométrie.
b) Soit x ∈ X, p ∈ N∗ tel que d(x, f p (x))  ε ; f p (x) ∈ f (X), donc d(x, f (X))  ε ;
ε étant arbitraire, x ∈ f (X) ; mais f est continue d’après a), donc f (X) est compact, a
fortiori fermé ; cela montre que x ∈ f (X) et que f est surjective.

111
Chapitre 3 • Espaces compacts

3.9 a) L’existence de g telle que f ◦ g = IX équivaut à la surjectivité de f ; de plus,


f étant contractive, on voit que d(x, y) = d[ f (g(x)), f (g(y))]  d[g(x), g(y)], donc g
est expansive.
b) d’après 8), g est une isométrie de X sur X ; donc f = g−1 est l’isométrie inverse.

3.10 a) Il n’y a qu’à prendre pour Rn un 1n −réseau de X.



b) Soit R = ∪ Rn ; R est dénombrable, et a) entraîne d(x, R) = 0, pour tout x ∈ X, i.e.
1
x ∈ R, pour tout x ∈ X ; R est donc dense dans X.

3.11* |ϕ
n (x)| = | fn (x, ϕn (x))|  M ; le théorème des accroissements finis entraîne
alors |ϕn (x) − ϕn (x
)|  M |x − x
|, pour tous x, x
∈ [0, 1], donc la suite (ϕn ) est équi-
continue ; elle est de plus bornée par M (par définition) ; d’après le théorème d’Ascoli
(cf. [HL] ou [QZ]), elle contient une sous-suite (ϕnk ) convergeant uniformément vers
ϕ ∈ C([0, 1]) ; l’égalité ϕ
nk (x) = fnk (x, ϕnk (x)) et la convergence uniforme de fn vers
f sur [0, 1] × [−M, M] montrent que ϕ
nk (x) → f (x, ϕ(x)) uniformément sur [0, 1] ;
d’après le théorème de dérivation terme à terme, ϕ est dérivable et ϕ
(x) = f (x, ϕ(x)),
∀ x ∈ [0, 1] ; de plus ϕ(0) = lim ϕnk (0) = 0, donc ϕ répond à la question.

3.12 a) L est compact comme intersection de compacts ; l’assertion sur Ln se


prouve par récurrence : L1 = [0, 1 ] ∪ [1 − 1 , 1], l’union étant disjointe puisque
2n
1 < 1
2 et donc 1 < 1 − 1 ; si Ln = ∪ [an, j , an, j + 1 . . . n ], l’opération T n+1 pré-
j=1
serve la disjonction et éclate chaque segment [an, j , an, j + 1 . . . n ] en deux segments
disjoints de longueur n+1 (1 . . . n ) = 1 . . . n n+1 .
b) Même raisonnement que pour l’ensemble triadique de Cantor ; les Ln décrois-
sant pour l’inclusion, on a m(L) = limn→∞ m(Ln ) = limn→∞ (2n 1 . . . n ) ; prenons


n = 12 − εn , où εn ∈ 0, 12 et où εn converge ; alors
1

2n 1 . . . n = (1 − 2ε1 ) . . . (1 − 2εn )

tend vers λ > 0, car le produit infini Π(1 − 2εn ) est convergent avec des produits par-
1
tiels non nuls. L est homéomorphe à K ; cela résulterait de 2) après la remarque IV.7 ;
une preuve directe est facile à construire.
c) i) C’est évident.
ii) Notons d’abord que I = [a, b] et J = [c, d] entraîne I + J = [a + c, b + d] ; en
effet, I + J contient a + [c, d] = [a + c, a + d], ainsi que [a, b] + d = [a + d, b + d] ;
I + J contient donc [a + c, a + d] ∪ [a + d, b + d] = [a + c, b + d], et l’inclusion
inverse est évidente. L̃n est réunion des 2n+1 segments In, j et −In, j , (1  j  2n ), ce

112
Corrigés

2n+1
qu’on écrit L̃n = ∪ Jn,k , où les Jn,k sont des segments de longueur 1 . . . n ; donc
k=1
p L̃n = ∪ (Jn,k1 + . . . + Jn,k p ). D’après la remarque initiale et une récurrence,
k1 ,...,k p
m(Jn,k1 + . . . + Jn,k p ) = m(Jn,k1 ) + . . . + m(Jn,k p ) = p1 . . . n ; donc


m(p L̃n )  m(Jn,k1 + . . . + Jn,k p )
1k1 ,...,k p 2n+1

 p 1 . . . n = p 2(n+1)p 1 . . . n ;
1k1 ,...,k p 2n+1

le résultat demandé s’ensuit.



iii) Soit n = 3−(2n−1) ; n ∈ 0, 12 et 2(n+1)p 1 . . . n = 2(n+1)p 3−n , quantité qui tend
2

vers zéro avec n−1 ; donc m(p L̃) = 0 pour tout p ∈ N, et m(G p L) = 0.

3.13 a) Soit ( fn ) une suite de A convergeant vers f ; soit xn ∈ X tel que fn (xn ) = xn ;
(xn ) contient (xnk ) convergeant vers x ; le passage à la limite dans fnk (xnk ) = xnk
donne, d’après l’exercice 3, f (x) = x, i.e. f ∈ A ; même raisonnement pour S , en
partant d’une suite (xn ) de X telle que fn (xn ) = y.
b) Prenons par exemple X = [0, 1] ; fn (x) = nx est injective, mais fn → 0, donc I n’est
pas fermé ; il n’est pas ouvert non plus, car il est clair sur un graphe que si f (x) = x,
( f ∈ I), il y a des fonctions arbitrairement proches de f qui ne sont pas injectives.

3.14 X est complet, donc O( f ) est précompact et complet, par conséquent com-
pact ; soit (xn ), (x
n ) deux suites telles que xn − x
n tend vers 0 ; la suite fxn −x
n contient
une sous-suite convergente dans X, donc modulo extraction on peut supposer que
|| f xn −x
n − g||∞ tend vers 0, où g ∈ X ; en particulier, pour chaque x, f (x + xn − x
n ) tend
vers g(x) ; f étant continue, on a aussi f (x + xn − x
n ) tend vers f (x), d’où f = g. Alors
| f (xn ) − f (x
n )| = | fxn −x
n (x
n ) − f (x
n )|  || fxn −x
n − f ||∞ , donc f (xn ) − f (x
n ) tend vers 0,
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

et f est uniformément continue (cf. preuve du théorème de Heine). On pourrait aussi


utiliser le théorème I.2, en montrant que f est l’unique valeur d’adhérence de fh dans
X, quand h → 0.

3.15 a) C’est le théorème de la valeur intermédiaire pour f continue.


b) Montrons que

1
xk  x < xk+1 ⇒ | f (x) − fn (x)|  δn + . (∗)
M

113
Chapitre 3 • Espaces compacts

En effet

k+1 1 1
f (x)  f (xk+1 ) = = f (xk ) +  fn (xk ) + δn +
M M M
1
 fn (x) + δn + ,
M

et
1 1
fn (x)  fn (xk+1 )  f (xk+1 ) + δn = f (xk ) + + δn  f (x) + + δn .
M M
Ceci prouve (∗) et l’inégalité demandée, en faisant varier k.
c) Soit ε > 0 ; fixons M entier  ε−1 ; M étant ainsi fixé, δn tend vers zéro puisque fn
converge simplement vers f ; donc δn  ε pour n  n0 = n0 (ε, M). On voit donc que
n  n0 entraîne || fn − f ||∞  2ε.

3.16 a) i) ⇒ ii). Facile et laissé au lecteur.


ii) ⇒ i). On imite le raisonnement de l’exemple 2 pour montrer que K est précompact.
b) Soit (en )n1 la base canonique de  p et K = { ne1/p n
, n  1} ∪ {0} ; K est compact dans
 (une suite convergente
p et
 e (n)  sa limite) ; si g ∈  p et g(n)  | f (n)| pour tout f ∈ K, on
a en particulier g(n)   n1/p  = n , ce qui est absurde puisque (n−1/p )   p .
n −1/p

3.17 Soit O1 , . . . , On un recouvrement fini extrait des ωi , fk = d(., Ock ),


f = max( f1 , . . . , fn ) ; f est continue > 0 sur X, donc reste  r > 0 ; soit x ∈ X,
k tel que f (x) = fk (x) ; ainsi fk (x)  r, et B(x, r) ⊂ Ok .

3.18

1. Supposons que 1. a lieu, et soit f : X → R continue et bornée : on pose


m = inf f et M = sup f . Si m n’est pas atteint, la fonction g = f −m
1
est continue
1
non-bornée sur X, contrairement à l’hypothèse. De même, en considérant M− f,
on voit que M est atteint.
2. Supposons que 2. a lieu et soit f : X → R continue. Si | f | n’est pas bornée,
la fonction g = 1+|1 f | est continue et bornée, car 0  g  1. Elle a pour borne
inférieure m = 0, mais cette borne inférieure n’est pas atteinte, contrairement à
l’hypothèse.

3.19 Si λ n’existe pas, les ensembles Fn = {n f + g  0} où n ∈ N∗ forment une


suite décroissante de fermés non vides, donc leur intersection contient un point a ;
f (a)  −g(a)
n  ||g||n∞ pour tout n ∈ N∗ , donc f (a)  0 ; d’après les hypothèses,
f (a) = 0 et g(a) > 0 ; mais alors a  F1 , ce qui est absurde.

114
Corrigés


r
3.20* a) i) ⇒ ii). Si les gi ont un zéro commun a, (gi hi )(a) = 0 pour tous
1
h1 , . . . , hr ∈ A, donc la fonction constante 1 n’appartient pas à l’idéal engendré par
g1 , . . . , gr .
gi
ii) ⇒ i). Posons hi =
r ; hi est définie et continue car les gi n’ont pas de zéro com-
g2i
r
1
r g2i
mun ; autrement dit hi ∈ A et gi hi = 1

r = 1.
1 g2i
1

b) Cette question est un peu délicate ; voici une solution possible : d’après le théo-
rème de Stone-Weierstrass (cf. [HL]), les fonctions polynomiales sont denses dans
C(X) ; en particulier on peut trouver ϕ1 , . . . , ϕn+1 ∈ C(X) telles que
δ
|| fi − ϕi ||∞  s : = (VI.4)
2
||ϕ(x) − ϕ(y)||  M ||x − y|| , ∀ x, y ∈ X (VI.5)
où M est une constante > 0, ϕ = (ϕ1 , . . . , ϕn+1 ) et ||ϕ(x) − ϕ(y)|| la norme sup dans
Rn+1 de ϕ(x) − ϕ(y). Soit B s la boule fermée de centre 0 et de rayon s (pour la norme
sup) dans Rn+1 et ε > 0 petit ; on sait (cf. [QZ]) qu’il faut au moins εn+1 C
boules
de rayon ε pour recouvrir B s ; on sait aussi (ibidem) que X peut être recouvert par
   

B x1 , Mε , . . . , B xN , Mε où x j ∈ X et N  Cεn ; on en déduit que

N
ϕ(X) ⊂ ∪ B(ϕ(x j ), ε) . (VI.6)
j=1

Soit en effet y ∈ ϕ(X) ; il existe x tel que y = ϕ(x) et j tel que ||x − x j ||  Mε ; d’où via
(VI.5) : ||y − ϕ(x j )||  M ||x − x j ||  ε. Autrement dit, ϕ(X) peut être recouvert par
des boules de rayon ε en nombre au plus C
ε−n ; comme C
ε−n est infiniment petit
devant C ε−n−1 quand ε tend vers zéro, on voit en particulier que B s  ϕ(X) et que
donc
∃ c = (c1 , . . . , cn+1 ) ∈ B s \ ϕ(X) . (VI.7)
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Posons gi (x) = ϕi (x) − ci , 1  i  n + 1 ; les gi n’ont pas de zéro commun d’après


(VI.7), donc (g1 , . . . , gn+1 ) est générateur de A. D’autre part

||gi − ϕi ||∞  s , (i = 1, . . . , n + 1) . (VI.8)

En effet, |gi (x) − ϕi (x)| = |ci |  ||c||∞  s, pour tout x ∈ X. (VI.4) et (VI.8) montrent
que || fi − gi ||∞  2s = δ, (i = 1, . . . , n + 1) ce qui résout la question.
c) Supposons qu’il existe g1 , . . . , gn ∈ A telles que

|| fi − gi ||∞  1 , (i = 1, . . . , n) . (VI.9)

115
Chapitre 3 • Espaces compacts

Alors x → ( f1 (x) − g1 (x), . . . , fn (x) − gn (x)) est une application continue de X dans
lui-même, donc possède un point fixe a d’après le théorème de Brouwer ; on a ainsi,
notant a = (a1 , . . . , an ) :

ai = fi (a) − gi (a) = ai − gi (a) , (i = 1, . . . , n) .

Autrement dit, g1 , . . . , gn ont le zéro commun a, donc (g1 , . . . , gn ) n’engendre pas A,


dès que (VI.9) a lieu.
En termes savants, cet exercice dit que le rang stable topologique de l’algèbre C(X)
est n + 1 ; cela correspond au fait que la dimension topologique de X (cf. [En]) est n.
Voir aussi chapitre VII.
N  
3.21* a) Les ensembles E N = ∪ B xn , 1q croissent vers X, donc P(E N ) croît vers
n=1
1, et on peut trouver Nq comme indiqué.
b) Soit K = ∩ Aq ; K est compact, car il est par construction précompact et complet
q1
(fermé dans X complet) ; de plus

∞ 

P(K ) 
c
P(Acq )  ε 2−q = ε .
q=1 q=1

c) Soit ε > 0 ; il existe F fermé, F ⊂ B, tel que P(B) − P(F)  ε et il existe K


compact, K ⊂ X, tel que P(K)  1 − ε ; soit L = K ∩ F ; L est compact inclus dans B,
et B \ L ⊂ (B \ F) ∪ K c , d’où
P(B) − P(L) = P(B \ L)  P(B \ F) + P(K c )  2ε .

3.22* Sous les hypothèses de l’énoncé 2, posons Z = ∪ A(x) et montrons que Z


x∈X
est relativement compact ; comme les fonctions de A prennent par définition leurs va-
leurs dans Z, on est ramené à l’énoncé 1. Il suffit de montrer que Z est précompact ;
soit ε > 0, δ = ω(A, ε) un module d’équicontinuité associé, R un δ-réseau de X,
S = ∪ A(r), T un ε-réseau de l’ensemble S (précompact par hypothèse) ; je dis que
r∈R
T est un 2ε-réseau de Z ; soit en effet x ∈ X, f ∈ A ; on peut trouver r ∈ R tel que
d(x, r)  δ, puis t ∈ T tel que d( f (r), t)  ε ; on a alors

d( f (x), t)  d( f (x), f (r)) + d( f (r), t)  ε + ε = 2ε.

ε étant arbitraire, on a bien montré que Z est précompact.

3.23 a) Si xn → x, soit  une valeur d’adhérence de ϕ(xn ) et (nk ) une suite extraite
telle que (ϕ(xnk )) converge vers  ; le passage à la limite dans f (xnk , ϕ(xnk )) = c donne

116
Corrigés

f (x, ) = c, d’où  = ϕ(x) d’après (*). Puisque Y est compact, le théorème I.2 montre
alors que (ϕ(xn )) converge vers ϕ(x).
b) Laissé au lecteur.
Voici comment prouver la remarque IV.9 : si xn → x et si y est valeur d’adhé-
rence de ϕ(xn ), il existe une sous-suite (nk ) telle que ϕ(xnk ) → y ; donc (x, y) =
limk→∞ (xnk , ϕ(xnk )). Le graphe de ϕ étant fermé, cela montre que y = ϕ(x). La seule
valeur d’adhérence de ϕ(xn ) est ϕ(x), donc ϕ(xn ) → ϕ(x) et ϕ est continue en x.

3.24 a) On a clairement I p ( f )  I∞ ( f ). L’inégalité de Hölder donne la croissance


de p → I p ( f ). Ensuite, soit M =  f ∞ , ε > 0 et J ⊂ [0, 1] un segment de longueur
 1/p
h > 0 sur lequel | f |  M(1 − ε). On a I p ( f )  J | f (x)| p dx  M(1 − ε)h1/p , d’où
lim inf p→∞ I p ( f )  M(1 − ε). Etc.
b) On a |I p ( f ) − I p (g)|   f − g p et h p  h∞ pour toute h ∈ C([0, 1]).
c) La boule unité de X est compacte, et on applique le théorème de Dini. On pourrait
aussi utiliser la partie facile du théorème d’Ascoli, sous la forme de l’équicontinuité
de la boule unité fermée de X.

3.25 Par hypothèse, il existe 2  p < ∞ tel que, si f est dans la sphère unité de X,
on a  f  p  12  f ∞ , soit encore  f ∞  2 f  p . Par homogénéité, on a  f ∞  2 f  p
pour toute f ∈ X. D’après le théorème de Grothendieck, on conclut que dim X  2 p .

3.26 a) On a, V désignant la variance :


⎛ ⎞
Sn 1 ⎜⎜⎜n n ⎟⎟⎟ 1
E − z2 = 2 E ⎜⎜⎜⎜⎝ (X j − x)2 + (Y j − y)2 ⎟⎟⎟⎟⎠ = (V(X) + V(Y)),
n n j=1 j=1
n

d’où le résultat.
b) Évident, puisque Bn est un polynôme en x, y.
c) On raisonne comme en dimension un : soit ω le module de continuité uniforme de
F, soit ε > 0 et A, B les évènements
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

A = {S n /n − z  ε}, B = {S n /n − z > ε}.


L’inégalité de Tchebycheff donne P(B)  2nε 1
2 via a) ; ensuite Bn (z) − F(z) =
Sn
E F( n ) − F(z)], puis
* ( S )  + * ( S )  +

|F(z) − Bn (z)|  E F
n 
− F(z) 1A + E F n
− F(z) 1B
n n
1
 ω(ε) + 2F P(B)  ω(ε) + 2 ·

On a donc F − Bn   ω(ε) + 1
nε2
et le résultat s’ensuit.

117
Chapitre 3 • Espaces compacts

d) Un polynôme à deux variables est par définition dans C(I) ⊗ε C(I), et ces poly-
nômes sont denses dans C(I × I) par c).

3.27 a) La norme est celle de C(I). Soit ε > 0, ainsi que ( f1 , . . . , f p ) un ε-réseau
de K. On peut trouver un entier N0 tel que

n  N0 ⇒ sup S n ( f j ) − f j   ε.
1 jp

Soit alors f ∈ K et 1  j  p tel que  f − f j   ε. Il en résulte que, pour n  N0 , on


a (via l’inégalité triangulaire)

S n ( f ) − f   S n ( f ) − S n ( f j ) + S n ( f j ) − f j  +  f j − f 

 S n   f − f j  + 2ε  (M + 2)ε.

b) La continuité de F x sur I à x fixé est évidente car (x, y) → (x, y0 ) quand y → y0 .


Donc F x ∈ C(I). L’application H : x → F x : I → C(I) est continue ; soit en effet ω le
module de continuité uniforme de F sur I × I. On a (x, y) − (x
, y) = |x − x
|, d’où
F x − F x
 = supy∈I |F(x, y) − F(x
, y)|  ω(|x − x
|). Par suite, {F x } x∈I est compact,
comme image continue du compact I par H.
c) Posons fn (x) = cn (F x ). Nous avons fn ∈ C(I) car H et cn sont continues.

Par hypothèse, F x = ∞ n=1 cn (F x ) gn , soit F(x, y) = n=1 fn (x)gn (y). Et la série

n=1 fn (x)gn (y) converge uniformément vers F sur I × I par ce qui précède.
Nous pourrions être encore plus précis : l’espace C(I × I) possède à son tour une base
de Schauder de fonctions à variables séparées, c’est-à-dire de la forme un ⊗ vn , avec
(un ⊗ vn )(x, y) = un (x)vn (y). Toute fonction F ∈ C(I × I) peut donc s’écrire comme
série uniformément convergente


F= cn (F)(un ⊗ vn ).
n=1

Mais nous en resterons là.


p
3.28 a) Supposons j=1 λ j |x − a j | =: f (x) = 0 pour tout x ∈ I. Soit 1 < j < p.
Alors a j est intérieur à I et en prenant la différence des dérivées à droite et à gauche
de f en a j , on obtient puisque les fonctions ϕk , k  j sont dérivables en a j :
0 = fd
(a j ) − fg
(a j ) = 2λ j = 0, d’où λ j = 0.
Il nous reste λ1 |x − a1 | + λ p |x − a p | = 0. En faisant x = a p , on obtient λ1 = 0. Puis
λ p = 0.
b) Supposons par l’absurde que F s’écrit comme indiqué. Prenons p = N + 1 dans
a), ainsi que a1 < · · · < a p ∈ I. En faisant y = a j , 1  j  p dans l’écriture de F, on

118
Corrigés

N
obtient ϕ j = n=1 gn (a j ) fn , donc les ϕ j appartiennent à l’espace de dimension  N
engendré par les fn , 1  n  N. Comme elles sont en nombre N + 1, elles ne peuvent
être linéairement indépendantes, ce qui contredit a).
c) Il suffit de se rappeler sa trigonométrie :

cos(a − b) = cos a cos b + sin a sin b.

Cela nous donne ici, pour x, y ∈ I et donc u = x − y ∈ [−1, 1] :




|x − y| = an (cos nπx cos nπy + sin nπx sin nπy).
n=1

Il n’y a plus qu’à prendre, pour n  1 :

f2n (x) = an cos nπx, g2n (y) = cos nπy,

f2n−1 (x) = an sin nπx, g2n−1 (y) = sin nπy.



En effet, posant S n (x, y) = nj=1 f j (x)g j (y), nous avons
N
S 2N (x, y) = n=1 an cos nπ(x − y) → |x − y|. De plus,

S 2N+1 − S 2N  = aN+1 sin(N + 1)πx sin(N + 1)πy


 |aN+1 |,

et aN+1 → 0, ce qui règle la question.


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119
4 E SPACES CONNEXES

I D ÉFINITION ET PREMIÈRES PROPRIÉTÉS


Ce long chapitre développe ce qui est sans doute la notion la plus topologique du
livre, celle d’espace connexe. Autant l’utilisation d’une métrique rend plus simple
l’étude de la compacité, autant ici (malgré la notion d’espace bien enchaîné) il
revient presque au même de raisonner directement avec la topologie. Cette notion
de connexité peut paraître abstraite et d’un intérêt purement académique à première
vue. Elle se justifie a posteriori par l’abondance de ses applications aussi bien en
Topologie Générale qu’en Analyse, nous espérons illustrer ce propos par les exemples
de ce chapitre.
Une notion un peu moins abstraite est celle d’espace connexe par arcs (intuitive-
ment, il y a une ligne TGV entre deux points quelconques de l’espace) qui souvent
se révèle suffisante (en théorie des fonctions holomorphes par exemple). Voici dans
les détails de quoi il retourne.
Soit X un espace topologique ; on cherche à donner un sens mathématique à la
notion intuitive « X est d’un seul tenant » ou encore « X ne peut pas être cassé en
deux morceaux » ; bien sûr, il faut préciser les choses puisque X peut toujours être
cassé en A et Ac , où A est une partie de X ; les morceaux doivent être bien séparés,
ce qui amène à la proposition-définition suivante, dans laquelle le symbole  désigne
l’union disjointe.

I.1 Formulations équivalentes


Proposition-Définition I.1. On a équivalence entre
a) Si X = O1  O2 , avec O1 , O2 ouverts, alors O1 = ∅ ou O2 = ∅.
b) Si X = F1  F2 , avec F1 , F2 fermés, alors F1 = ∅ ou F2 = ∅.
c) Si A ⊂ X et A ouvert-fermé, alors A = ∅ ou A = X.
d) Toute application continue ϕ : X → Z est constante.
Un espace connexe est un espace X vérifiant a), b), c) ou d).

Démonstration. a) ⇒ b). Soit O j = F cj ; X = O1  O2 , d’où par exemple O1 = ∅ et


F2 = ∅.
b) ⇒ c). Posons F1 = A, F2 = Ac ; ou bien F1 = A = ∅, ou bien F2 = ∅ et A = X.
c) ⇒ d). Soit x0 ∈ X, n0 = ϕ(x0 ), A= ϕ−1 (n0 ) ; A est ouvert-fermé car {n0 } est ouvert-
fermé dans Z et ϕ continue ; A contient x0 ; donc A = X et ϕ vaut constamment n0 .

120
I. Définition et premières propriétés

d) ⇒ a). Soit ϕ = 1O1 ; ϕ est continue car les O j sont ouverts, et à valeurs dans Z ;
donc ou bien ϕ = 1 et O2 = ∅, ou bien ϕ = 0 et O1 = ∅. ❑

De l’importance du langage : les quatre formulations sont trivialement équiva-


lentes, mais les trois premières sont ensemblistes, la quatrième fonctionnelle ; et c’est
elle qui souvent sera la plus maniable.

Remarque I.2. Dans d), on peut remplacer Z par n’importe quel espace discret
ayant au moins deux éléments, par exemple {0, 1} ; mais pour les applications (no-
tamment à l’indice dans la théorie de Cauchy, cf. [R]), c’est le choix de Z qui paraît
le plus indiqué. Voici un exemple.

Proposition I.3. Soit X un espace connexe, g1 et g2 deux applications continues de


X dans C, n ∈ N∗ .
a) e2iπg1 = e2iπg2 ⇒ g1 − g2 = constante entière.
b) gn1 = 1 ⇒ g1 = constante racine n−ième de l’unité.

Démonstration. a) g1 − g2 est par hypothèse à valeurs dans Z, donc il existe c ∈ Z


tel que g1 (x) − g2 (x) = c, pour tout x ∈ X.
b) g1 est à valeurs dans l’espace discret Dn des racines n−ièmes de l’unité, donc
constante : il existe ω ∈ Dn tel que g1 (x) = ω, pour tout x ∈ X. ❑

I.2 Parties connexes d’un espace topologique


Soit Y une partie d’un espace topologique X ; on dit que Y est connexe dans X (ou est
un connexe de X) si le sous-espace topologique Y, muni de la topologie induite par
celle de X, est connexe au sens de la définition I.1 ; il faut bien prendre garde au fait
qu’on manipule des ouverts de la topologie induite, une attitude prudente étant de se
référer toujours aux ouverts (ou aux fermés) de X ; par exemple, la connexité de Y se
traduit par


⎨ Y ⊂ ω1 ∪ ω2 , ω j ouverts de X , et ω1 ∩ ω2 ∩ Y = ∅

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⎩ ⇒ ω1 ∩ Y = ∅ ou ω2 ∩ Y = ∅ .
(I.1)

Voici une application simple et utile de la notion de partie connexe.

Lemme de passage des douanes I.4. Soit A une partie de X. Toute partie
connexe C de X qui rencontre l’intérieur de A et l’extérieur de A rencontre aussi
la frontière de A.

Démonstration. Si C ∩ ∂A = ∅, C = (C ∩ int A)  (C ∩ ext A) ; mais int A, ext A sont


ouverts dans X, donc C ∩ int A, C ∩ ext A sont ouverts dans C et la connexité de C est
contredite. ❑

121
Chapitre 4 • Espaces connexes

I.3 Connexité de [0, 1]


Un singleton est évidemment connexe ; l’exemple le plus simple venant ensuite est
celui du segment [0, 1] dans R ; comme on verra que la notion de connexité est
stable par beaucoup d’opérations, cet exemple fondamental en induira beaucoup
d’autres (cf. II).

Théorème I.5. [0, 1] est connexe dans R.

Démonstration. Supposons [0, 1] = A1  A2 , où les A j sont des ouverts de [0, 1] ;


!
on peut supposer que 0 ∈ A1 et on va montrer que A1 = [0, 1]. Posons E = x ∈
[0, 1] ; [0, x] ⊂ A1 } et m = sup E. Nous allons montrer que
a) [0, m[⊂ A1 ;
b) m ∈ A1 ;
c) m ∈ E ;
d) m = 1 ;
et ceci achèvera la preuve.
Soit  ∈ [0, m[ ; par définition d’un sup, il existe x ∈ E tel que   x, d’où
[0, ] ⊂ [0, x] ⊂ A1 , ce qui prouve a) ; si m ∈ A2 , m > 0 et, par définition de la
topologie induite, il existe h ∈]0, m[ tel que [m−h, m] ⊂ A2 ; mais alors m−h ∈ A1 ∩A2
d’après a), ce qui prouve b) par l’absurde ; on en déduit [0, m] = [0, m[∪{m} ⊂ A1 ,
d’où c) ; enfin si m < 1, il existe h ∈]0, 1−m] tel que [m, m+h] ⊂ A1 , d’où [0, m+h] =
[0, m] ∪ [m, m + h] ⊂ A1 et m + h ∈ E, ce qui contredit la définition de m. ❑

Remarque I.6. Cette preuve, qui illustre l’utilité de l’existence de la borne supé-
rieure dans R, est assez subtile ; on en verra une autre plus simple (utilisant la com-
pacité de [0, 1]) au III.

II T HÉORÈMES DE STABILITÉ
Dans ce qui suit, X et Y désignent des espaces topologiques.

II.1 Union et chaîne de connexes


Théorème II.1.
a) Si les Ai sont connexes dans X et si ∩ Ai  ∅, alors ∪ Ai est connexe.
I I
b) Si A1 , . . . , An est une chaîne (Ai ∩ Ai+1  ∅ si i  n − 1) de connexes de X, alors
n
∪ Ai est connexe.
1

122
II. Théorèmes de stabilité

Démonstration. a) Soit ϕ : ∪Ai → Z continue ; ϕ|Ai est continue, donc vaut constam-
ment ci ; soit x0 ∈ ∩ Ai ; ci = ϕ(x0 ), donc ϕ vaut constamment ϕ(x0 ).
I
b) On fait une récurrence sur n ; pour passer de n à n + 1, on pose Bn = A1 ∪ . . . ∪ An ;
Bn est connexe d’après l’hypothèse de récurrence, et Bn ∩ An+1 ⊃ An ∩ An+1 , donc
Bn ∩ An+1  ∅ et A1 ∪ . . . ∪ An+1 = Bn ∪ An+1 est connexe d’après a). ❑

Remarque II.2. Une intersection de connexes n’est pas connexe en général (consi-
dérer un cercle et une ellipse tangents intérieurement en deux points).

II.2 Image continue et fermeture d’un connexe


Théorème II.3.
a) Soit f une application continue de X dans Y ; si X est connexe, f (X) est aussi
connexe.
b) Si A ⊂ X est connexe et si A ⊂ B ⊂ A, B est connexe.

Démonstration. a) Soit ϕ : f (X) → Z continue ; ϕ ◦ f : X → Z est continue, donc


vaut la constante c ; idem pour ϕ.
b) Soit ϕ : B → Z continue ; ϕ|A est continue, donc vaut une constante c ; A étant
dense dans B, on a aussi ϕ = c sur B. ❑

II.3 Produit de connexes


Soit (Xi )i∈I des espaces topologiques non vides, X l’espace topologique produit Π Xi .
i∈I

Théorème II.4. On a équivalence entre


a) Xi est connexe pour tout i.
b) X est connexe.

Démonstration. b) ⇒ a). Xi = pi (X), pi est continue et on applique le théorème II.3.


a) ⇒ b). Soit ϕ : X → Z continue ; fixons a = (ai ) dans X ; il existe V voisinage de a
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tel que x ∈ V ⇒ |ϕ(x) − ϕ(a)| < 1 ⇒ ϕ(x) = ϕ(a) ; V contient Oi1 × . . . × Oi p × Y, où


Oi j est un ouvert de Xi j contenant ai j et où Y = Π
Xi , l’apostrophe indiquant qu’on
fait le produit sur les indices i autres que i1 , . . . , i p ; en particulier
xi j = ai j pour 1  j  p entraîne ϕ(x) = ϕ(a) . (II.1)
Fixons y ∈ Y ; soit x = (xi1 , . . . , xi p , y) ; la connexité de Xi1 , . . . , Xi p et la continuité
partielle de ϕ par rapport à xi j entraînent de proche en proche, via (II.1) :
   
ϕ xi1 , ai2 , . . . , ai p , y = ϕ ai1 , ai2 , . . . , ai p , y = ϕ(a)
   
ϕ xi1 , xi2 , ai3 , . . . , ai p , y = ϕ xi1 , ai2 , . . . , ai p , y = ϕ(a)

123
Chapitre 4 • Espaces connexes

..
.
   
ϕ xi1 , . . . , xi p , y = ϕ xi1 , . . . , xi p−1 , ai p , y = ϕ(a) ,

autrement dit ϕ(x) = ϕ(a) pour tout x de X. ❑

II.4 Connexité par arcs ; exemples


• Deux points a et b de X sont dits « équivalents » (et on note a ≈ b) s’il existe une
application continue f : [0, 1] → X telle que f (0) = a, f (1) = b ; f s’appelle un
chemin joignant a à b dans X, a l’origine du chemin, b son extrémité, f ([0, 1]) son
image ; la terminologie se justifie par les propriétés suivantes de la relation ≈ : elle
est réflexive (évident) ; symétrique, car en posant g(t) = f (1 − t) on obtient un chemin
d’origine b⎧et d’extrémité a ; transitive, car, si f joint a à b et g joint b à c, h définie


⎨ f (2t) si 0  t  1/2
par h(t) = ⎪⎪ est un chemin joignant a à c.
⎩ g(2t − 1) si 1/2  t  1

• X est dit connexe par arcs si deux points quelconques a, b de X sont toujours
équivalents, autrement dit s’il existe toujours un chemin joignant a à b dans X.

Théorème II.5.
a) X connexe par arcs entraîne X connexe.
b) La réciproque est vraie si X est un ouvert d’un evn E.

Démonstration. a) Fixons a ; pour chaque b ∈ X, soit Lb l’image d’un chemin joi-


gnant a à b ; Lb est connexe comme image continue du connexe [0, 1], a ∈ ∩Lb et
X = ∪Lb , X est donc connexe d’après le théorème II.1.
! "
b) Fixons a, et posons A = x ∈ X; a ≈ x .
A n’est pas vide : en effet a ∈ A.
A est ouvert : soit en effet x ∈ A, r > 0 tel que B(x, r) = B soit incluse dans X ; y ∈ B
entraîne y ≈ x, puisque f (t) = (1 − t) x + ty est un chemin joignant x à y dans B (noter
que B est convexe), a fortiori dans X ; par transitivité y ≈ a et B est incluse dans A.
A est fermé : soit en effet y ∈ A ∩ X, r > 0 tel que B(y, r) = B soit incluse dans X,
x ∈ A ∩ B ; comme précédemment, on voit que a ≈ x ≈ y, d’où y ∈ A. En conclusion,
A est non vide, ouvert et fermé dans X connexe, donc A = X, ce qui achève la
preuve. ❑

Remarque II.6. Il existe des espaces connexes non connexes par arcs ; mais dans
la plupart des cas, on établit la connexité en établissant la propriété plus forte (mais
plus maniable) de connexité par arcs. Voir aussi l’exercice 10 du chapitre 6, pour une
généralisation du b) du théorème.

124
II. Théorèmes de stabilité

Exemples
!
1) Soit f : R → R continue ; on appelle épigraphe de f l’ensemble X = (x, y) ∈ R2 ;
"
y > f (x) ; alors X est connexe par arcs.
Soit en effet p1 = (x1 , y1 ) et p2 = (x2 , y2 ) ∈ X ; appelons M la borne supérieure de
f sur le compact [x1 , x2 ] et joignons p1 à p2 dans X en joignant p1 à z1 = (x1 , M + 1)
par le segment vertical [p1 , z1 ], puis z1 à z2 = (x2 , M + 1) par le segment horizon-
tal [z1 , z2 ], enfin z2 à p2 par le segment vertical [z2 , p2 ] ; le résultat s’ensuit (cf. fi-
gure 4.1).

z1 z2

p2
p1
graphe de f

Figure 4.1

2) Un convexe d’un evn est connexe par arcs. C’est évident.


3) (Généralise l’exemple précédent) Soit K une partie d’un evn, étoilée par rapport
à l’un de ses points a, au sens où x ∈ K entraîne [a, x] inclus dans K ; alors K est
connexe par arcs.
En effet, [a, x] est l’image d’un chemin joignant a à x, donc x ∈ K entraîne x ≈ a ;
par transitivité, x, y ∈ K entraîne x ≈ y.
4) L’ensemble X des opérateurs normaux d’un espace de Hilbert H est connexe par
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

arcs dans L (H) (rappelons que u normal ⇔ u u∗ = u∗ u).


En effet, X est étoilé par rapport à 0. (X n’est pas convexe si dim H  2 ; par
exemple, si A et B sont les opérateurs de C2 représentés sur la base canonique par les
matrices % & % &
2 0 0 2
A= , B= ,
0 4 2i 0
A et B sont normaux, mais
% &
A+B 1 1
C= = ,
2 i 2

125
Chapitre 4 • Espaces connexes

n’est pas normal :


% & % &
∗ 2 1 − 2i ∗ 2 2−i
C C=  CC = .
1 + 2i 5 2+i 5
5) Soit E un R−evn de dimension  2, S sa sphère unité ; S est connexe par arcs.
Fixons a ∈ S ; si b ∈ S et b  −a, g(t) = (1 − t)a + tb ne s’annule pas sur [0, 1] ;
en effet g(t) = 0 entraîne (1 − t)a = −tb, d’où en prenant les normes : 1 − t = t et
t = 12 ; en reportant dans g(t) = 0, on trouve a + b = 0, ce qui est absurde ; mais alors
g(t)
f (t) = ||g(t)|| est un chemin dans S qui joint a à b ; si b = −a, on peut trouver c ∈ S
avec c  ±a, puisque la dimension de E est au moins deux ; d’après ce qui précède,
a ≈ c et c ≈ b, donc a ≈ b.
!  "
6) Soit E = x, sin 1x ; 0 < x  1 et X l’adhérence de E dans R2 ; X est connexe mais
non connexe par arcs (cf. exercice 1).

III E SPACES MÉTRIQUES CONNEXES


Dans ce paragraphe, (X, d) désigne un espace métrique ; on se propose de donner en
termes de d des critères de connexité de X.

III.1 Une condition nécessaire ; être bien enchaîné


• On appelle ε−chaîne joignant a et b ∈ X une suite finie (a0 , . . . , an ) de X telle que
a0 = a, an = b, d(ai , ai+1 )  ε pour 0  i  n − 1.
ε
Écrivons a ∼ b s’il existe une ε−chaîne joignant a et b ; il est clair qu’il s’agit
d’une relation d’équivalence dans X, pour chaque ε > 0 fixé.
ε
• X est dit bien enchaîné si pour tout ε > 0, pour tous a, b ∈ X, a ∼ b.

Théorème III.1. X connexe entraîne X bien enchaîné.

Démonstration. On établit d’abord une propriété d’intérêt indépendant.


⎧ ε

⎨ Soit a ∈ X , ε > 0 fixé, Aε = {x ∈ X; a ∼ x} ;



⎩ alors A est non vide, ouvert et fermé dans X .
(III.1)
ε

En effet, il est clair que a ∈ Aε ; si x ∈ Aε , la boule B(x, ε) = B est incluse dans


ε
Aε ; en effet y ∈ B entraîne y ∼ x puisque (x, y) est une ε−chaîne joignant x à y,
ε
et par transitivité y ∼ a ; ceci montre que Aε est ouvert ; d’autre part soit y ∈ Aε et
ε ε ε
x ∈ B(y, ε) ∩ Aε ; on a comme précédemment y ∼ x et x ∼ a, d’où y ∼ a et y ∈ Aε ,
ce qui prouve (III.1). Supposons maintenant X connexe ; alors (III.1) entraîne Aε = X
pour tout ε > 0, ce qui est exactement dire que X est bien enchaîné. ❑

126
III. Espaces métriques connexes

La réciproque du théorème III.1 est fausse en général : l’ensemble des rationnels


est bien enchaîné mais non connexe ; on va décrire une classe d’espaces pour laquelle
cette réciproque a lieu.

III.2 Une condition nécessaire et suffisante en présence


de compacité
Théorème III.2. Supposons X métrique compact. On a équivalence entre
a) X est connexe ;
b) X est bien enchaîné.

Démonstration. Il suffit de montrer que b) entraîne a) ; soit ϕ : X → Z continue ; X


étant compact, ϕ est uniformément continue par le théorème de Heine, donc il existe
ε > 0 tel que d(x, y)  ε entraîne |ϕ(x) − ϕ(y)| < 1 et par suite ϕ(x) = ϕ(y) ; si
a, b ∈ X, soit (a0 , . . . , an ) une ε−chaîne joignant a à b ; d(ai , ai+1 )  ε montre que
ϕ(ai ) = ϕ(ai+1 ), d’où ϕ(a) = ϕ(a1 ) = . . . = ϕ(an ) = ϕ(b) et ϕ est constante. ❑

III.3 Description des connexes de R


Théorème III.3. Soit A une partie de R ; on a équivalence entre
a) A est connexe ;
b) A est un intervalle.

Démonstration. a) ⇒ b). Si A n’est pas un intervalle, il existe a, b, c tels que


a < c < b, a, b ∈ A, c  A. Mais alors ϕ : A → Z définie par ϕ(x) = 0 si x < c
et ϕ(x) = 1 si x > c est continue non constante.
b) ⇒ a). Montrons d’abord qu’un segment [a, b] est connexe ; on peut supposer
a < b, alors [a, b] est homéomorphe à [0, 1], donc connexe d’après les théorèmes I.5
et II.3 ; mais on peut aussi utiliser le théorème III.2 : en effet [a, b] est compact (Borel-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Lebesgue) et bien enchaîné ; pour vérifier ce dernier point, soit ε > 0, n entier  b−a ε ,
k(x−a)
x ∈ [a, b], ak = a + n ; a0 , . . . , an est une ε−chaîne joignant a à x dans [a, b]. Le
cas général en découle puisque tout intervalle I est la réunion des segments contenus
dans I et contenant un point fixé a ∈ I. ❑

Voici deux applications importantes du théorème III.3.

Théorème de la valeur intermédiaire III.4. Soit X un espace connexe (mé-


trique ou non) et f : X → R continue ; si f prend deux valeurs α et β, elle prend
toute valeur γ intermédiaire entre α et β (α  γ  β).

127
Chapitre 4 • Espaces connexes

Démonstration. f (X) est un connexe, c’est donc un intervalle de R ; par hypothèse,


α ∈ f (X) et β ∈ f (X), donc γ ∈ f (X) ; autrement dit f prend la valeur γ. ❑
Théorème III.5 (théorème de Brouwer en dimension 1). Toute fonction con-
tinue f : [a, b] → [a, b] possède un point fixe.
Démonstration. Soit g(x) = f (x) − x ; [a, b] est connexe, g continue avec g(a) =
f (a) − a  0, g(b) = f (b) − b  0 ; 0 est donc une valeur intermédiaire entre g(a) et
g(b), et il existe x0 tel que 0 = g(x0 ) ; x0 est un point fixe de f . ❑
Remarque III.6. Qu’on puisse décrire aussi précisément les connexes de R est un
miracle (lié à la dimension un de R) qui ne se reproduit ni pour les compacts de
R (penser à l’ensemble triadique de Cantor) ni pour les connexes de Rd , d  2 (leur
structure est inextricable) ; cette description a la conséquence utile suivante (elle aussi
propre à la dimension un) :

un connexe de R non réduit à un point est
(III.2)
d’intérieur non vide (cf. exercice 2) .

IV C OMPOSANTES CONNEXES
Dans ce paragraphe, on va voir qu’on peut toujours plus ou moins se ramener au cas
où l’espace X est connexe.

IV.1 Définition ; propriétés


Définissons une relation binaire ∼ dans X par
x ∼ y ⇔ ∃ C connexe de X ; x ∈ C et y ∈ C . (IV.1)
Cette relation est évidemment réflexive et symétrique ; elle est aussi transitive car si
x, y ∈ C et y, z ∈ C
, où C et C
sont connexes, C ∪ C
= D est connexe comme
réunion de connexes dont l’intersection contient y, et de plus x, z ∈ D. C’est donc
une relation d’équivalence (la troisième rencontrée dans ce chapitre).
• Les classes d’équivalence de ∼ s’appellent les composantes connexes de X.
• La classe d’équivalence de x pour ∼ se note C(x) et s’appelle la composante
connexe de x.
Proposition IV.1.
a) C(x) est la réunion de tous les connexes contenant x ; c’est aussi le plus grand
connexe contenant x.
b) C(x) est fermée dans X.

128
IV. Composantes connexes

Démonstration. a) Soit D la réunion de tous les connexes contenant x ; D est connexe


d’après le théorème II.1, donc y ∈ D entraîne y ∼ x, ce qui prouve l’inclusion de D
dans C(x) ; réciproquement, y ∈ C(x) entraîne l’existence d’un connexe C contenant
x et y, donc contenu dans D ; ceci montre l’inclusion réciproque de C(x) dans D.
b) C(x) est connexe et contient x ; d’après a) cela entraîne C(x) ⊂ C(x), ce qui donne
le résultat. ❑

La proposition facile suivante est utile pour identifier les composantes connexes
d’un espace, qui sont souvent non seulement fermées mais aussi ouvertes (cf. exer-
cice 10).
,
Proposition IV.2. Si X = ωi , où les ωi sont ouverts connexes non vides, alors
I
les ωi sont les composantes connexes de X.

Démonstration. Soit C la composante connexe d’un point x ; si C rencontre ωi , C∪ωi


est un connexe contenant x, donc C ∪ ωi = C d’après la proposition IV.1 ; autrement
dit, C est la réunion des ωi qu’elle rencontre ; mais C ne peut rencontrer plusieurs ωi ,
sinon elle se partagerait en ouverts non vides disjoints ; comme elle en rencontre ef-
fectivement un, soit ω j (les ωi recouvrent X), C = ω j ; on a donc aussi la réciproque :
y ∈ ωi entraîne ωi = C(y). ❑

IV.2 Composante connexe d’un point dans un espace


compact
• La quasi-composante (connexe) de x ∈ X est par définition l’intersection des
parties ouvertes et fermées de X contenant x ; on la note C0 (x) ; si X est métrique, la
composante caténaire de x est par définition l’ensemble des points de X joignables
à x par une ε-chaîne, pour tout ε > 0 ; on la note C1 (x) ; voici des classes d’espaces
pour lesquelles l’une ou l’autre de ces notions coïncident.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Théorème IV.3.
a) On a toujours l’inclusion C(x) ⊂ C0 (x).
b) On a l’égalité C(x) = C0 (x) si X est compact.
c) Si X est métrique, on a l’inclusion C 0 (x) ⊂ C1 (x). Si X est métrique compact, on
a l’égalité C(x) = C0 (x) = C1 (x).

Démonstration. a) Soit A un ouvert-fermé de X contenant x ; C(x) ∩ A est ouvert-


fermé dans C(x) connexe, et contient x ; il en résulte que C(x) ∩ A = C(x) et que
C(x) ⊂ A ; A étant arbitraire, on a bien C(x) ⊂ C0 (x).

129
Chapitre 4 • Espaces connexes

b) D’après la proposition IV.1, il suffit de montrer que C0 (x) est connexe ; supposons
donc C0 (x) = F1 ∪ F2 , où les Fi sont des fermés disjoints de C0 (x) fermé dans X,
donc aussi des fermés de X ; on peut supposer x ∈ F1 ; X est normal car compact, on
peut donc trouver U, V ouverts de X tels que
F1 ⊂ U , F2 ⊂ V , U ∩V =∅, C0 (x) ⊂ U ∪ V . (IV.2)
Je dis qu’il existe un ouvert-fermé F contenant x tel que
F ⊂U ∪V . (IV.3)
En effet, si tel n’était pas le cas, les ensembles A ∩ (U ∪ V)c , où A parcourt les
ouverts-fermés contenant x, auraient la propriété de l’intersection finie et par compa-
cité une intersection non vide ; autrement dit on aurait C0 (x)∩ (U ∪ V)c  ∅, ce qui
contredit (IV.2). Remarquons maintenant que
F ∩ U est un ouvert-fermé contenant x . (IV.4)
En effet, F ∩ U est ouvert, comme intersection finie d’ouverts ; d’autre part (IV.3)
et (IV.2) entraînent

U ∩ F ⊂ U ∩ F = U ∩ (U ∪ V) ∩ F = (U ∩ U) ∪ (U ∩ V) ∩ F = U ∩ F
car U ∩ V = ∅ implique U ∩ V = ∅ ; et ceci prouve (IV.4) puisque x ∈ F1 . Il en résulte
que
F2 ⊂ C0 (x) ⊂ U ∩ F ⊂ U . (IV.5)
En effet, par (IV.4) et la définition de C0 (x), C0 (x) est inclus dans U ∩ F ; enfin, (IV.2)
et (IV.5) entraînent F2 = ∅, ce qui achève la preuve.
c) Pour ε > 0, soit A(ε) l’ensemble des y joignables à x par une ε-chaîne ; A(ε)
est ouvert-fermé dans X (cf. preuve du théorème III.1) et C1 (x) = ∩ A(ε), donc
ε>0
C0 (x) ⊂ C1 (x). Supposons maintenant X compact ; nous allons montrer que C1 (x) est
connexe, ce qui entraînera C1 (x) ⊂ C(x), et achèvera la démonstration (en donnant
au passage une nouvelle preuve de b) dans le cas métrique compact).
Supposons C1 (x) non connexe. Alors, C1 (x) = F1 ∪ F2 , où F1 , F2 sont compacts
non-vides disjoints, donc à une distance positive : d(F1 , F2 ) = r > 0.
r
On fixe 0 < a < , et on épaissit un peu F1 et F2 en posant G1 = {y|d(y, F1 ) < a}
3
et G2 = {y|d(y, F2 ) < a}.
On peut supposer x ∈ F1 , et on fixe y ∈ F2 . Pour chaque 0 < ε < a, soit x0 =
x, x1 ..., xN = y une ε-chaîne joignant x à y. Il est utile de faire la figure 4.2.
r
On a évidemment d(G1 , G2 )  r − 2a > , donc G1 et G2 sont disjoints et comme
3
xN = y ∈ G2 , il existe un dernier indice i < N tel que xi ∈ G1 , donc xi+1  G1 ; si
xi+1 ∈ G2 , il existe v ∈ F2 tel que d(xi+1 , v) < a.

130
IV. Composantes connexes

xi+1 = zn
xi

u v
z
x=x0 y=xN
G1 F1 G2 F2

Figure 4.2

Mais par définition, il existe u ∈ F1 tel que d(xi , u) < a, et alors :

d(F1 , F2 )  d(u, v)  d(u, xi ) + d(xi , xi+1 ) + d(xi+1 , v) < a + ε + a < r,

ce qui est absurde. Ainsi, xi+1 tombe (cf. figure 4.2) dans le « no man’s land » fermé
F = X \ (G1 ∪ G2 ) (noter que G1 et G2 sont ouverts). Limitons-nous maintenant à
1 1
ε = , n entier > , et notons zn le xi+1 correspondant (cf. figure 4.2). zn ∈ F, et
n a
1 1
zn ∈ A , car x0 = x, x1 , ..., xi+1 = zn est une -chaîne joignant x à zn .
n n
Comme X est  compact, il existe une suite extraite znk convergeant vers z. Il est clair
1 1
que z ∈ ∩ ∗ A = C1 (x), car si p est fixé, soit nk > p tel que d(znk , z)  ; alors
p∈N p p
1
x0 , x1 , ..., xi+1 = znk , z est une -chaîne joignant x à z. Mais d’autre part, znk ∈ F
p
fermé, donc z ∈ F, disjoint de F1 ∪ F2 = C1 (x). Cette contradiction montre que
C1 (x) est connexe, et achève la démonstration (cf. Bourbaki, Topologie Générale,
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

p. 224-225). ❑

Remarque IV.4. Dans le cas métrique (le plus fréquent), c) fournit une preuve
peut-être plus « visuelle » de l’égalité C(x) = C0 (x) quand X est compact.

IV.3 Exemples ; ouverts de R ; co-compacts de C ; matrices


• Un continu est un espace topologique à la fois compact et connexe.
• Rappelons (cf. chapitre III, proposition IV.8) qu’un espace topologique totalement
discontinu est un espace dans lequel la composante connexe d’un point est réduite à
ce point.

131
Chapitre 4 • Espaces connexes

Un espace discret est évidemment totalement discontinu ; Q est non discret mais
totalement discontinu ; en effet, un connexe C de Q est un connexe de R donc un
intervalle ; mais alors C est réduit à un point : sinon l’intervalle C contiendrait des
irrationnels. Voyons maintenant des exemples moins extrêmes.

Proposition IV.5. Soit ω un ouvert de R ; ω s’écrit de façon unique

ω =  ]an , bn [ , an , bn  ω . (IV.6)

Cette union disjointe est finie ou dénombrable.

Démonstration. R étant localement connexe (cf. chapitre VI), les composantes


connexes de ω sont des ouverts de R, donc des intervalles ouverts ; ces intervalles
ouverts sont deux à deux disjoints en tant que classes d’équivalence, et R étant sépa-
rable, ils sont en nombre fini ou dénombrable, appelons-les In =]an , bn [ ; In est fermé
dans ω et donc an , bn ne sont pas dans ω (mais on peut avoir an = −∞ ou bn = +∞) ;
cela donne l’existence d’une décomposition telle que (IV.6), où les ]an , bn [ sont les
composantes connexes de ω ; l’unicité découle de la proposition IV.2. ❑

On a par exemple R \ {0} = ] − ∞, 0[  ]0, +∞[.

Proposition IV.6. Soit K un compact non vide de C, Ω = K c . Alors


a) Ω a une seule composante connexe non bornée notée C∞ .
b) Une composante connexe C de Ω est ouverte et sa frontière est incluse dans K.
c) La réunion K de K et des composantes connexes bornées de Ω est un compact de
complémentaire connexe.
 n’est autre que l’enveloppe polynomialement convexe de K, i.e. :
d) K

 ⇔ |P(z)|  sup{|P(w)|; w ∈ K} ,
z∈K ∀ P ∈ C[X] . (IV.7)

Démonstration. a) Soit R > 0 tel que K soit inclus dans D(0, R) ; posons ωR =
{z; |z| > R} ; ωR est connexe comme image du produit de connexes ]R, ∞[×[0, 2π] par
l’application continue (r, θ) → r eiθ ; la composante connexe de R + 1 contient donc
ωR et toute autre composante connexe de Ω est incluse dans D(0, R).
b) C est ouverte car Ω est ouvert et C localement connexe (cf. chapitre VI), ainsi
∂C = C \ C ; C est fermée dans Ω, donc C ∩ Ω = C ; si z ∈ ∂C, z  Ω, d’où z ∈ K.
c) Soit Ω0 la réunion (éventuellement vide) des composantes connexes bornées de
Ω ; on a Ω = Ω0 ∪ C∞ , et K  = C∞  est
c est inclus dans D(0, R) ; on voit ainsi que K
 
fermé, borné, donc compact ; enfin K = C∞ , K est donc connexe.
c c

d) Cf. exercice 3.

132
IV. Composantes connexes

Si par exemple K est la couronne {1  |z|  2}, on voit que

C∞ = {|z| > 2} ,  = D(0, 2) .


K

 est obtenu à partir de K en « bouchant les trous » (cf. figure 4.3).


K ❑

K K

Figure 4.3

Proposition IV.7. Soit G := GL(n, R) le groupe des matrices inversibles de Mn (R) ;


les deux composantes connexes de G sont

G+ = {A; det A > 0} ; G− = {A; det A < 0} .

Démonstration. On a par définition G = G+  G− ; l’application det étant continue


sur G, G+ et G− sont ouverts ; il suffit donc de montrer qu’ils sont connexes d’après
la proposition IV.2 ; de plus, G− est homéomorphe à G+ via l’application A → DA,
où D est la matrice diagonale (di ) telle que d1 = −1, di = 1 pour 2  i  n ; il suffit
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

donc d’établir la connexité de G+ , ce qui se fait en deux étapes.


Étape 1. Si S est symétrique définie positive, S est joignable à I dans G+ (I désignant
l’identité de Rn ). En effet, l’algèbre linéaire nous dit que

∃ P ∈ O(n) ; P−1 S P = D ; D = diag(λi ) , λi > 0 , ∀ i .

Posons alors, pour 0  t  1 : λi (t) = 1 − t + tλi , (1  i  n), D(t) = diag(λi (t)),


S (t) = P D(t) P−1 .
On a de façon évidente λi (t) > 0 pour tout i ; donc S (t) ∈ G+ ; d’autre part S (0) = I,
S (1) = S , et t → S (t) est un chemin joignant I à S dans G+ .

133
Chapitre 4 • Espaces connexes

Étape 2. Si U est orthogonale et det U = +1, U est joignable à I dans G+ . En effet,


l’algèbre linéaire nous dit cette fois que

∃ P ∈ O(n) ; P−1 U P = Δ ; Δ = diag(Bi ) ,



cos θi
− sin θi
Bi = ou Bi = (1) .
sin θi
cos θi

cos t θi − sin t θi
Posons alors, pour 0  t  1 : Bi (t) = ou Bi (t) = (1).
sin t θi cos t θi

Δ(t) = diag(Bi (t)) , U(t) = P Δ(t) P−1 .

On a clairement U(t) ∈ G+ , U(0) = I, U(1) = U, donc t → U(t) est un chemin


joignant I à U dans G+ (noter que dans les deux étapes la continuité des applications
t → S (t) ou t → U(t) est évidente).
Dans le cas général, on utilise la propriété suivante (cf. [T]) appelée décomposition
polaire de A :
(∗) Il existe un unique couple (U, S ) tel que A = U S , U et S étant comme dans les
étapes 2 et 1 respectivement ; posons A(t) = U(t) S (t), alors t → A(t) est un chemin
continu joignant I à A dans G+ ; ceci montre que G+ est connexe par arcs. ❑

Voici deux exemples plus élémentaires que les trois précédents.


Exemple 4. L’ensemble triadique de Cantor est un compact totalement discontinu.
(cf. chapitre III).
Exemple 5. Soit f : R → R continue de graphe G ; les composantes connexes de
R2 \ G sont l’épigraphe G+ et l’hypographe G− , où
! " ! "
G+ = (x, y) ; y > f (x) , G− = (x, y) ; y < f (x) .

Ceci résulte de l’exemple 1 de II et de la proposition IV.2.

V A PPLICATIONS DE LA CONNEXITÉ ;
HOMOTOPIE
La notion de connexité a de nombreuses applications en topologie et en analyse ; il est
parfois souhaitable d’introduire une autre notion, celle d’homotopie des applications,
ce que nous ferons à la fin de ce paragraphe.

134
V. Applications de la connexité ; homotopie

V.1 Espaces non homéomorphes


Nous allons nous contenter d’une approche intuitive, très facile à mettre en forme
quand il le faut ; certains espaces topologiques X ont de façon claire un ensemble E
d’extrémités (ou bouts) c’est-à-dire un ensemble E tel que X \ E soit connexe ; par
exemple X = [0, 1] et E = {0, 1} ; supposons pour simplifier que E a un nombre fini
p d’éléments et que f est un homéomorphisme de X sur Y ; la restriction de f à X \ E
induit un homéomorphisme de X \ E sur Y \ f (E), en particulier Y \ f (E) est connexe ;
si donc Y est tel que Y \ F est non connexe chaque fois que F a p éléments, Y ne peut
être homéomorphe à X ; voici quelques exemples.
Deux intervalles de R de nature différente ne sont pas homéomorphes. (V.1)
Montrons par exemple que X = [0, 1[ n’est pas homéomorphe à Y =]0, 1[ ; en effet,
X a une extrémité 0, tandis que Y privé d’un point n’est plus un intervalle, donc n’est
plus connexe ; or, si f était un homéomorphisme de X sur Y, Y \ { f (0)} devrait être
homéomorphe à X \ {0}.
[0, 1] et Γ ne sont pas homéomorphes. (V.2)
En effet, [0, 1] a les deux extrémités 0 et 1, tandis que Γ privé de deux points est
réunion de deux arcs ouverts disjoints, donc n’est pas connexe.
Les lettres T et L ne sont pas homéomorphes. (V.3)
En effet, la lettre T a trois extrémités ; la lettre L est homéomorphe à un segment, et
un segment privé de trois points est non connexe.
On peut faire des variations sur le thème des extrémités :
Le segment [0, 1] = I et le carré I 2 ne sont pas homéomorphes. (V.4)
!1"
En effet, I \ 2 est non connexe, et I 2 privé d’un point est toujours connexe. On
pourrait de cette façon redémontrer (V.2). On va maintenant énoncer un théorème
plus précis et en donner une application.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

V.2 Absence d’un théorème de Cantor-Bernstein


topologique
Le théorème de Cantor-Bernstein affirme ceci : si X, Y sont deux ensembles, s’il
existe une injection de X dans Y et une injection de Y dans X, il existe une bijection
de X sur Y (cf. [HL]). Il est naturel de se poser la même question dans la catégorie
des espaces topologiques : s’il existe une injection continue de X dans Y et une injec-
tion continue de Y dans X, existe-t-il une bijection bicontinue de X sur Y, autrement
dit X et Y sont-ils homéomorphes ? On va voir qu’il n’en est rien, sous une forme
renforcée.

135
Chapitre 4 • Espaces connexes

Proposition V.1. Soit h un homéomorphisme de X sur Y ; h échange les compo-


santes connexes de X et Y, c’est-à-dire

h(C(x)) = C(h(x)) , ∀x∈X. (V.5)

Démonstration. Soit y = h(x) ; h(C(x)) est un connexe contenant y, d’où l’inclu-


sion h(C(x)) ⊂ C(y) ; on a de même h−1 (C(y)) ⊂ C(x), ce qui entraîne l’inclusion
inverse. ❑

Considérons maintenant l’exemple suivant, où on répète une infinité de fois un


exemple donné au chapitre II (exemple III.13).
∞  
X = ∪ ]3n, 3n + 1[ ∪ {3n + 2} ; Y = (X \ {2}) ∪ {1} .
n=0

Soit f : X → Y définie par f (x) = x si x  2, et f (2) = 1. La restriction de f


à ]0, 1[ ∪ {2} a déjà été considérée au chapitre II ; f est évidemment une bijection
continue de X sur Y, mais f −1 n’est pas continue en 1 ; d’ailleurs il n’existe pas de
bijection continue ϕ de ]0, 1] sur ]0, 1[ ∪ {2} ; pour Y, les choses sont différentes :
Y « commence » par ]0, 1] et ]3, 4[ ; ces deux intervalles, rapprochés par la pensée,
donnent un intervalle de la forme ]0, 1[, qui est le début de X ; « ensuite » Y est
« pareil » à X, avec un décalage de trois ; cela suggère donc de définir g : Y → X par
(cf. figure 4.4)

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
Y

0 1 3 4 5 6 7 8 9 10 11

Figure 4.4

⎧x


⎪ si 0<x1



2
⎨x
g(x) = ⎪

⎪ 2 − 1 si 3<x<4



⎩ x − 3 si x5

et il est clair que f : X → Y et g : Y → X sont des bijections continues ; d’autre


part ]0, 1] est une composante connexe de Y d’après la proposition IV.2, et elle n’est
d’après (V.1) homéomorphe à aucune des composantes connexes de X ; d’après (V.5),
cela exclut que X et Y soient homéomorphes et montre bien l’absence d’un théorème
de Cantor-Bernstein topologique, même avec des bijections.

136
V. Applications de la connexité ; homotopie

V.3 Principe du maximum ; inégalité de Bernstein ; théorème


de Runge
Dans cette section, on va voir quelques applications de la connexité à l’analyse ; Ω dé-
signera toujours un ouvert du plan complexe.

Définition V.2. f : Ω → R est dite sous-harmonique si

f est continue. (V.6)

(∀ a ∈ Ω) (∃D(a, ra ) ⊂ Ω) (∀ r ∈ [0, ra ]) : (V.7)


 2π
1
f (a)  f (a + r eiθ ) dθ .
2π 0

En d’autres termes, une fonction sous-harmonique est une fonction continue qui
possède localement la propriété de sous-moyenne ; on verra plus loin (cf. théo-
rème V.3) que cette propriété locale se « globalise » automatiquement. On note
S h(Ω) la classe des fonctions sous-harmoniques sur Ω ; c’est un cône convexe réti-
culé, i.e. :

f , g ∈ S h(Ω) , λ  0 ⇒ f + g , λ f , max( f , g) ∈ S h(Ω) .

On suppose connues les propriétés de la classe h(Ω) des fonctions harmoniques f :


Ω → C ; ce sont les fonctions vérifiant (V.6) et la propriété globale (ou locale)
 2π
1
D(a, r) ⊂ Ω ⇒ f (a) = f (a + r eiθ ) dθ . (V.8)
2π 0

On rappelle en particulier le théorème de Dirichlet (cf. [R])


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

   
ϕ ∈ C 0 (C(a, r)) ⇒ ∃ f ∈ h D(a, r) ∩ C D(a, r) ; f |C(a,r) = ϕ (V.9)

(autrement dit toute fonction continue sur le cercle C(a, r) admet un prolongement
continu sur le disque fermé D(a, r) et harmonique sur le disque ouvert D(a, r)). Les
fonctions sous-harmoniques sont aux fonctions harmoniques ce que les fonctions
convexes sont aux fonctions affines ; pour mieux comprendre le parallélisme, rappe-
lons que, si I désigne un intervalle de R et f une fonction : I → R, on a équivalence
entre (cf. exercice 4) :
i) f est convexe ;

137
Chapitre 4 • Espaces connexes

ii) ∀ [a, b] ⊂ I, ∀ h affine, x ∈ [a, b] ⇒ g(x)  max(g(a), g(b)), où g = f − h.


ii) équivaut à dire que g atteint son maximum sur [a, b] aux extrémités de [a, b],
ou encore à la frontière de [a, b] ; voici l’analogue pour les fonctions sous-
harmoniques, où la connexité joue un rôle clé.

Théorème V.3 (principe du maximum). Soit f une application de Ω dans R.


a) On suppose Ω borné, f sous-harmonique sur Ω et continue sur Ω (en abrégé
f ∈ S h(Ω)). Alors f vérifie le principe du maximum

sup f = sup f . (V.10)


Ω ∂Ω

En d’autres termes on a
z ∈ Ω ⇒ f (z)  sup f . (V.10
)
∂Ω

b) On a équivalence entre
i) f ∈ S h(Ω)

ii) ∀ K compact de Ω, ∀ h réelle ∈ h(K) ∩ C(K), ∀ z ∈ K, g(z)  sup∂K g, où
g= f −h
 2π
iii) D(a, r) ⊂ Ω ⇒ f (a)  2π
1
0
f (a + r eiθ ) dθ.

Démonstration. a) Ω est fermé, borné donc compact ; f est continue sur Ω donc y
atteint son maximum M en un point a ; si a ∈ ∂Ω, (V.10) est prouvé ; si a ∈ Ω, soit ω
la composante connexe de Ω contenant a ; posons
! "
A = b ∈ ω ; f (b) = M .

Je dis d’abord que (cf. proposition IV.5)

∂ω ⊂ ∂Ω . (V.11)

En effet, ω est fermé dans Ω, i.e. ω ∩ Ω = ω ; un point de ω \ ω n’est donc pas


dans Ω.
À présent, notons que
1) A est non-vide, car a ∈ A.
2) A est fermé dans ω comme image inverse de {M} par f continue.
3) A est ouvert dans ω : soit en effet b ∈ A et rb > 0 tel que (V.7) ait lieu (rempla-
çant a par b et Ω par ω) ; ainsi
 2π # $
1
r  rb entraîne f (b) − f (b + r eiθ ) dθ  0 ;
2π 0

138
V. Applications de la connexité ; homotopie

mais la fonction ϕ(θ) = f (b)− f (b+r eiθ ) = M− f (b+r eiθ ) est continue positive ;
l’intégrale précédente et ϕ sont donc nulles, en d’autres termes f (b + r eiθ )
vaut M, et le disque D(b, rb ) est inclus dans A, qui est bien ouvert dans ω. La
connexité de ω entraîne A = ω, i.e. f = M sur ω ; par continuité, f = M sur
ω ; a fortiori f = M sur ∂ω.
De ce qui précède, il résulte que l’on a (cf. (V.11))

M = sup f  sup f ,
∂ω ∂Ω

ce qui prouve (V.10) ; on a même la précision :




⎨ si f atteint son maximum en a ∈ Ω,



⎩ f est constante sur la composante connexe de a .
(V.12)

b) i) ⇒ ii). Par translation, on peut supposer g de maximum nul sur la frontière de K ;


◦ ◦ ◦
posons Ω1 =K ; Ω1 ⊂ K, ∂Ω1 = Ω1 \ K⊂ K\ K= ∂K ; on a clairement g ∈ S h(Ω1 ),
donc, par a),
sup g = sup g  sup g = 0 ;
Ω1 ∂Ω1 ∂K

g est donc  0 sur Ω1 ∪ ∂K = K .


ii) ⇒ iii). D’après (V.9), on peut trouver h continue dans D(a, r), harmonique dans
D(a, r), égale à f sur C(a, r) ; appliquons l’hypothèse au compact D(a, r) et à
g = f − h, de sup nul sur la frontière de ce compact ; il vient g(a)  0, soit encore,
via (V.8) :
 2π  2π
1 1
f (a)  h(a) = h(a + r e ) dθ =

f (a + r eiθ ) dθ .
2π 0 2π 0
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

iii) ⇒ i). Évident. ❑

Avant de passer à l’application suivante, notons que

P ∈ C[X] ⇒ P ∈ h(C) et |P| ∈ S h(C) . (V.13)


n
P( j) (a)
En effet, suivant la formule de Taylor, P(a + r eiθ ) = P(a) + j! r j ei jθ , où n est
j=1
le degré de P ; prenant la moyenne des deux membres sur [0, 2π], on obtient (V.8)
pour P ; puis appliquant l’inégalité triangulaire on obtient (V.7) pour |P|, ce qui
prouve (V.13).

139
Chapitre 4 • Espaces connexes


n
Théorème V.4 (inégalité de Bernstein). Soit P(z) = ak zk un polynôme de
k=0
degré n ; alors
! " ! "
sup |P
(z)| ; |z|  1  n sup |P(z)| ; |z|  1 . (V.14)

Démonstration. Par homogénéité, on peut supposer que sup{|P(z)|; |z|  1} = 1 ;


montrons d’abord que
|z|  1 ⇒ |P(z)|  |z|n . (V.15)
 
Soit pour cela Q(z) = zn P 1z le polynôme réciproque de P ; d’après (V.13), on peut
appliquer le principe du maximum à |Q| et à l’ouvert borné D, ce qui donne
! "
|a|  1 ⇒ |Q(a)|  sup |Q(w)| ; |w| = 1 . (V.16)
   !   "     n
Or (V.16) se lit an P 1a   sup P w1 ; |w| = 1 = 1, d’où P 1a    1a  pour a ∈ D∗ ,
ce qui prouve (V.15). Montrons ensuite que

|λ| > 1 et |w| = 1 ⇒ P


(w)  n λ wn−1 . (V.17)

Soit en effet Q(X) = P(X) − λ X n ; si |z|  1, (V.15) entraîne :

|Q(z)|  |λ zn | − |P(z)|  (|λ| − 1) |z|n > 0 .

Autrement dit Q a toutes ses racines dans le convexe D ; il en est de même (cf. exer-
cice 14) de Q
, ce qui prouve (V.17), et

|w| = 1 ⇒ |P
(w)|  n . (V.18)

Posons en effet λ = nPw(w)


n−1 ; la contraposée de (V.17) donne |λ|  1. Enfin, (V.18)
et une nouvelle application du principe du maximum donnent l’inégalité (V.14)
annoncée. ❑

Remarque V.5. L’inégalité de Bernstein (cf. [QZ]) a lieu dans des cas plus géné-
raux ; l’exemple P(z) = zn montre qu’elle est optimale.

Le théorème d’approximation suivant est une nouvelle application de la connexité.

Théorème V.6 (théorème de Runge). Soit K un compact de C de complémen-


taire connexe, et a ∈ K c . Alors
1
est limite uniforme sur K de polynômes. (V.19)
z−a

140
V. Applications de la connexité ; homotopie

Démonstration. Désignons par P(K) l’adhérence des polynômes dans C(K) ; c’est
une sous-algèbre de C(K) car il est clair que, Pn , Qn désignant des polynômes :
Pn → f , Qn → g ⇒ Pn + Qn → f + g et Pn Qn → f g ,
où la convergence est celle de l’espace normé C(K) ; pour a ∈ K c , désignons aussi
par ϕa l’élément de C(K) défini par ϕa (z) = z−a
1
; (V.19) se reformule ainsi
a ∈ K c ⇒ ϕa ∈ P(K) . (V.19
)
Pour prouver (V.19
), on va chanter le même refrain que dans la preuve du théo-
rème V.3 ; posons A = {a ∈ K c ; ϕa ∈ P(K)}, et montrons que
1) A  ∅.
Soit R = sup{|z| ; z ∈ K} ; on va voir que |a| > R entraîne a ∈ A ; en effet, soit

∞ n
|a| > R ; ϕa (z) = − 1a 1−1 z = − azn+1 , la série convergeant normalement sur K puisque
a 0
 n   R n −1
N n
 azn+1  est inférieur à |a| R ; si donc on pose PN (z) = − azn+1 , PN tend vers ϕa
0
dans C(K), et ϕa ∈ P(K).
2) A est fermé dans K c .
Cela a lieu presque par définition, modulo la propriété
a ∈ A ∩ K c ⇒ ϕa ∈ P(K) (= P(K)) . (V.20)
En effet, pour un tel a, soit d = d(a, K) et (an ) une suite de A tendant vers a avec
|an − a|  d2 ; pour z ∈ K,
   
 1 − 1  =  an − a  |an − a|
 z − an z − a   (z − an )(z − a)   d × d ,
2
d’où
2
||ϕan − ϕa ||C(K)  |an − a| ,
d2
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ce qui prouve (V.20) et 2).


3) A est ouvert dans K c .
Soit a ∈ A, d = d(a, K) ; il suffit de montrer que

d
D a, ⊂A. (V.21)
2
Or, si |h|  d
2 et z ∈ K,

1 1 1  hn

= = ,
z − a − h z − a 1 − z−a
h
0
(z − a)n+1

141
Chapitre 4 • Espaces connexes

la série convergeant normalement sur K puisque son terme général est majoré par

N
N
d−1 2−n ; donc hn ϕn+1
a tend vers ϕ a+h dans C(K) ; or hn ϕn+1
a ∈ P(K), puisque
0 0
a ∈ A et puisque P(K) est une algèbre ; il en résulte que ϕa+h ∈ P(K), ce qui
prouve (V.21). Le refrain est chanté et la preuve achevée : A = K c puisque K c est
connexe. Plus généralement, si B est une sous-algèbre fermée de C(K), ω une com-
posante connexe de K c et E B l’ensemble des a ∈ ω tels que ϕa ∈ B, le même raison-
nement montre que E B est ouvert-fermé dans ω ; on a donc E B = ω dès que E B  φ.
En particulier, on a démontré le résultat suivant : soit K un compact de C, (ωn ) la
suite des composantes connexes bornées de K c , et pour chaque n, an ∈ ωn fixé ; alors
toute fonction ϕa (a ∈ K c ) est limite uniforme sur K de fractions rationnelles dont les
pôles sont contenus dans l’ensemble des an . ❑

Remarque V.7. Le théorème de Runge est généralement énoncé sous la forme plus
forte suivante :
f holomorphe au voisinage de K et K c connexe entraînent f |K ∈ P(K).
La preuve découle facilement de (V.19) et de l’ingrédient supplémentaire suivant, où
Ω est un ouvert contenant K sur lequel f est holomorphe :
il existe un cycle γ d’image contenue dans Ω \ K tel que (V.22)

1 f (w)
f (z) = dw pour z ∈ K .
2iπ γ w − z

K
K

Ω
Figure 4.5

−1

En effet, (V.22) entraîne f |K = 2iπ γ
f (w) ϕw dw ; on approche cette intégrale vec-
torielle par des sommes de Riemann vectorielles Σ λi ϕwi et on applique (V.19) ; la

142
V. Applications de la connexité ; homotopie

difficulté est d’établir (V.22) qui est intuitive, mais très difficile à formaliser ; pour
une preuve vraiment rigoureuse, cf. [Bu].

Remarque V.8. Le théorème de Runge sert à prouver d) de la proposition IV.5


(cf. exercice 3).

V.4 Passage du local au global


f : X → Y est dite localement constante si tout point a ∈ X possède un voisinage V
sur lequel f vaut f (a).

Proposition V.9.
a) Soit X connexe et f : X → Y localement constante ; alors f est constante.
b) Soit γ une courbe fermée C 1 par morceaux d’image γ∗ et soit

1 dz
I(a, γ) =
2iπ γ z − a
l’indice de a par rapport à γ ; alors l’indice est constant sur chaque composante
connexe X de γ∗c .

Démonstration. a) Soit a ∈ X et A = {x ∈ X; f (x) = f (a)} ; A est ouvert par


hypothèse et contient a ; mais Ac est aussi ouvert ; soit en effet x  A, V un voisinage
de x tel que f |V = f (x) ; si y ∈ V, f (y) = f (x) et f (y)  f (a) ; V est donc inclus dans
Ac ; A est non vide, ouvert-fermé dans X connexe, d’où A = X et f est constante.
b) On sait que (cf. [R]) a → I(a, γ) est une application continue de C \ γ∗ dans Z ; le
résultat découle donc de a), ou de la quatrième définition de la connexité. ❑

Remarque V.10. Une application classique de a) est celle où X est un ouvert


connexe d’un espace normé E et f une application de classe C 1 sur X, de dérivée
nulle ; si B(a, r) est incluse dans X, le théorème de la moyenne (cf. [D]) appliqué
à l’ouvert convexe B(a, r) montre que f est constante sur B(a,  r), donc localement
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

1 si y > 0
constante ; l’exemple E = R2 , X = {(x, y); y  0}, f (x, y) = montre
−1 si y < 0
que l’hypothèse X connexe est essentielle.

Dans le même ordre d’idées, on a les résultats suivants que nous énonçons sans
démonstration (cf. respectivement [Ca] et [R]).

Théorème V.11 (théorème d’unicité globale de Cauchy-Lipschitz). Soit f :


R2 → R continue et localement lipschitzienne en la deuxième variable ; soit y1 et y2
deux solutions sur l’intervalle I de l’équation différentielle y
= f (x, y) ; si y1 et y2
sont égales en un point de I, alors y1 = y2 .

143
Chapitre 4 • Espaces connexes

Théorème V.12 (théorème d’unicité du prolongement analytique). Soit Ω


un ouvert connexe de C, f et g : Ω → C holomorphes et E une partie de Ω ayant un
point d’accumulation dans Ω ; alors f |E = g|E entraîne f = g.
Voici une application du théorème V.12, qui est une forme très faible du principe
d’incertitude d’Heisenberg (cf. [HJ]) ; soit f ∈ L1 (R), fˆ sa transformée de Fourier
définie sur R par  ∞
ˆf (x) = e−itx f (t)dt.
−∞
Alors, si f et fˆ sont à support borné, f = 0.
En effet, si f est nulle presque partout hors de [−A, A], on peut prolonger fˆ en une
fonction entière par la formule
 A
fˆ(z) = e−itz f (t)dt ;
−A

par hypothèse, fˆ s’annule sur un ensemble de la forme [B, ∞[ dont tous les points
sont d’accumulation dans C ; d’après le théorème V.12, fˆ(z) = 0 pour tout z ∈ C, en
particulier fˆ(x) = 0 pour tout x ∈ R ; le théorème d’unicité de Fourier entraîne alors
f = 0.

V.5 Homotopie ; existence de logarithmes continus


Soit X, Y deux espaces topologiques, I le segment [0, 1] ; dans l’étude de la connexité
(entre autres), il est utile d’introduire une relation d’équivalence dans l’espace
C(X, Y) des applications continues de X dans Y.

Définition V.13.
i) f , g ∈ C(X, Y) sont dites homotopes s’il existe F : X × I → Y continue telle
que F(x, 0) = f (x) et F(x, 1) = g(x) pour tout x ∈ X.
On note f  g ; la relation  est clairement une relation d’équivalence.
ii) f ∈ C(X, Y) est dite équivalente à zéro si f est homotope à une application
constante de X dans Y. On note f  0.

Intuitivement, F représente une déformation continue de f vers g quand le temps t


varie de 0 à 1 ; posons en effet Ft (x) = F(x, t) ; Ft varie continûment avec t (si X
est métrique compact, t → Ft est même un chemin joignant f à g dans C(X, Y)),
Ft ∈ C(X, Y), F0 = f et F1 = g. Si g  f , g hérite souvent des bonnes propriétés
de f comme on le verra plus loin ; enfin la notion d’homotopie, convenablement
« relativisée », sert à définir les espaces simplement connexes, mais nous n’aurons
pas besoin ici de cette nouvelle notion.

144
V. Applications de la connexité ; homotopie

Définition V.14. Soit f : X → C∗ continue ; on dit que f admet un logarithme


continu s’il existe g : X → C continue telle que f (x) = eg(x) pour tout x ∈ X ; en
abrégé, on écrit f = eg et on dit que f a un log continu.

Remarque V.15. Souvent, f est plus précisément à valeurs dans le cercle unité Γ ;
un logarithme continu de f (s’il existe) est nécessairement à valeurs imaginaires pures
et on écrit plutôt f = eig où g : X → R est continue ; d’ailleurs on a l’équivalence
immédiate :
f
f : X → C∗ a un log continu ⇔ : X → Γ a un log continu . (∗)
|f|

En effet, la partie modulaire | f | peut toujours s’écrire eLog | f | , où Log est le logarithme
népérien.

Voici une première application de l’homotopie.

Théorème V.16. Soit X un espace métrique compact et f0 , f1 : X → C∗ continues ;


on suppose que f0 a un log continu et que f1 est homotope à f0 ; alors f1 a un log
continu.
F(x,t)
Démonstration. D’après la remarque V.15 (et quitte à remplacer F(x, t) par |F(x,t)| ),
on peut supposer que f0 , f1 sont à valeurs dans Γ et qu’il existe une homotopie F :
X × I → Γ déformant continûment f0 en f1 ; X × I est métrique compact, donc F est
uniformément continue ; en particulier, on a la propriété suivante
1
∃ n ∈ N∗ ; |t − t
|  ⇒ ||Ft − Ft
||C(X) < 2 . (V.23)
n
Rappelons que (théorème III.15, chapitre II)

si f ∈ C(X, Γ) est non surjective, f a un log continu .


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

(V.24)
 
Posons φk (x) = F x, nk et montrons par récurrence sur k que

φk a un log continu, (k = 0, . . . , n) . (V.25)


φk+1
Par hypothèse, φ0 = f0 a un log continu ; et on remarque que φk : X → Γ évite la
valeur −1 ∈ Γ ; en effet, φφk+1 (x)
k (x)
= −1 entraînerait |φk+1 (x) − φk (x)| = 2 et contredi-
φk+1
rait (V.23) pour t = nk , t
= k+1n ; (V.24) entraîne alors φk = e ; si donc
iu φk = eiv ,
φk+1 = ei(u+v) (où u, v : X → R sont continues), ce qui prouve (V.25) ; en particulier,
φn = f1 a un log continu. ❑

145
Chapitre 4 • Espaces connexes

Le théorème V.16 possède à son tour l’importante application suivante qui peut
(cf. exercice 26) être établie par un pur raisonnement de connexité.

Théorème V.17. Soit K un compact étoilé d’un evn E, a ∈ K.


a) Toute fonction continue f : K → C∗ possède un logarithme continu g ; deux tels
logarithmes diffèrent d’un multiple entier constant de 2iπ ; si f (a) = eb , on peut
choisir g(a) = b.
b) Toute fonction continue f : Rn → C∗ possède un logarithme continu ; les préci-
sions de a) restent valables, avec a ∈ Rn .

Démonstration. a) Par translation, on peut supposer K étoilé par rapport à 0 ; posons


F(x, t) = f (tx), où x ∈ K, t ∈ [0, 1] ; cela a un sens car tx ∈ K ; F est continue :
K × I → C∗ avec F(x, 0) = f (0), F(x, 1) = f (x) ; f est donc homotope à l’application
constante f (0) dans C∗ ; cette application a un log continu, à savoir une constante c
telle que f (0) = ec ; il en est de même pour f d’après le théorème V.16 ; d’autre part,
eg1 = eg2 = f entraîne g1 − g2 = 2inπ, (n ∈ Z) d’après la proposition I.3 ; enfin si
f = eg et f (a) = eb , on a g(a) = b + 2inπ, (n ∈ Z) et il suffit de remplacer g par
γ = g − 2niπ pour avoir f = eγ et γ(a) = b.
b) Posons f (0) = eα et K j = {x ∈ Rn ; ||x||  j}, où || || est une norme sur Rn ,
j = 1, 2, . . . ; K j est compact et étoilé par rapport à 0, donc il existe g j ∈ C(K j ) telle
que g j (0) = α et eg j = f |K j ; de plus eg j+1 = eg j sur K j , donc g j+1 |K j − g j = c j , où c j
est une constante ; et c j = g j+1 (0) − g j (0) = α − α = 0, autrement dit g j+1 |K j = g j ; les
g j se recollent donc en g ∈ C(Rn ) telle que f = eg ; les précisions se prouvent comme
dans a). ❑

• Soit X un espace topologique et A ⊂ X. A s’appelle un retract de X si l’identité


i : A → A se prolonge en une application continue r : X → A ; r s’appelle une rétrac-
tion de X sur A. Le théorème V.17 et la notion de retract vont donner un important
théorème de point fixe.

Théorème V.18 (théorème de Brouwer en dimension 2). Soit B une boule


euclidienne fermée de R2 . Alors :
a) ∂B n’est pas un retract de B.
b) Toute application continue f : B → B possède un point fixe.

Démonstration. a) On peut supposer que B est la boule unité, de sorte que ∂B = Γ ;


soit r une rétraction éventuelle de B sur Γ ; d’après le théorème V.17, r = eiϕ , où
ϕ : B → R est continue ; notons ψ la restriction de ϕ à Γ ; on a par définition :

x = eiψ(x) , ∀ x ∈ Γ . (V.26)

146
V. Applications de la connexité ; homotopie

Si J = ψ(Γ), J est compact connexe, c’est donc un segment de R ; d’autre part, ψ est
injective d’après (V.26) :

ψ(x) = ψ(x
) ⇒ eiψ(x) = eiψ(x ) ⇒ x = x
.

Γ étant compact, ψ est un homéomorphisme de Γ sur J, ce qui est impossible


d’après (V.2) ; ∂B n’est donc pas un retract de B.
b) Supposons f sans point fixe et définissons r : B → Γ ainsi (cf. figure 4.6)

r(x)

x
f(x)

Figure 4.6

r(x) est le point où la demi-droite d’origine f (x) et de vecteur directeur x − f (x)


perce Γ. Analytiquement, r(x) = f (x) + t(x − f (x)) avec t  0 et |r(x)| = 1 ; élevant
au carré, on obtient l’équation du second degré
 
|x − f (x)|2 t2 + 2 f (x)/(x − f (x)) t + | f (x)|2 − 1 = 0 .

Le discriminant réduit est


 
Δ
(x) = | f (x)/(x − f (x)) |2 + |x − f (x)|2 (1 − | f (x)|2 )  0 ,
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et le produit des √racines est négatif ; il y a donc une racine positive


f (x)))+ Δ
(x)
t(x) = −( f (x)/(x−
|x− f (x)|2
et on a r(x) = f (x) + t(x)(x − f (x)) ; on voit que r est
une application continue de B dans Γ, par définition égale à l’identité sur Γ ; r est
donc une rétraction de B sur ∂B, ce qui est impossible d’après a), et prouve b) par
l’absurde. ❑

Remarque V.19. Le théorème de Tietze (théorème II.5 bis, chapitre III) affirme
que si A est un fermé d’un espace métrique X, toute fonction continue f : A → R se
prolonge en f˜ : X → R ; le résultat reste vrai si on remplace R par C (en prolongeant
les parties réelles et imaginaires de f ), mais le théorème de Brouwer dit qu’il ne l’est
plus si on remplace C par C∗ ou Γ ; on a cependant la proposition utile suivante.

147
Chapitre 4 • Espaces connexes

Proposition V.20. Soit A un fermé d’un espace métrique X et f : A → C∗


continue ; alors il existe un ouvert ω ⊃ A et une extension continue f˜ de f , avec
f˜ : ω → C∗ .

Démonstration. Soit F : X → C un prolongement continu de f , et soit ω = {F  0},


f˜ = F|ω ; ω est un ouvert contenant A, donc ω et f˜ répondent à la question. ❑

Étant donné un compact A de R2 et p, q ∈ Ac , il est souvent important de savoir si


A ne sépare pas p et q, c’est-à-dire si p et q sont dans une même composante connexe
de Ac ; on va donner un critère « algébrique » pour qu’il en soit ainsi ; ce critère utilise
x−p
l’application β p (variante de l’application de Borsuk x → |x−p| ) ainsi définie sur A

β p (x) = x − p , p ∈ Ac , x ∈ A ; β p ∈ C(A, C∗ ) . (V.27)

Nous aurons besoin de deux résultats préliminaires.

Proposition V.21 (critère de Borsuk). Soit A un fermé d’un espace métrique X


et f0 , f1 : A → C∗ continues ; on suppose que
a) f0 a une extension continue F0 : X → C∗ ;
b) f1  f0 (dans C(A, C∗)).
Alors f1 a aussi une extension continue F1 : X → C∗ .

Démonstration. Soit ϕ : A×I → C∗ continue avec ϕ(a, 0) = f0 (a) et ϕ(a, 1) = f1 (a) ;


considérons A×I (resp. X×I) comme un cylindre de base A (resp. de base X) et posons
Y = X × {0} ∪ A × I ; Y est la réunion du cylindre au-dessus de A et de la base du
cylindre au-dessus de X ; l’homotopie ϕ fournit un prolongement continu φ de f0 à Y
par la formule (cf. aussi figure 4.7)


⎨φ(x, 0) = F0 (x) ,
⎪ x∈X


⎩φ(a, t) = ϕ(a, t) ,
(V.28)
a∈A, t∈I.

La proposition V.20 (dans l’espace métrique X × I) donne un ouvert U ⊃ Y et une


extension continue ψ de φ à U, à valeurs dans C∗ ; I étant compact, l’ensemble V des
x tels que x × I ⊂ U est ouvert ; soit en effet x ∈ V ; pour chaque y ∈ I, on peut trouver
un ouvert Ay de X et un ouvert By de I tels que x ∈ Ay , y ∈ By, Ay × By ⊂ U. Par suite,
p
un nombre fini By1 , . . . , By p de By recouvrent I, et si V x = ∩ Ay j , V x est un voisinage
j=1
ouvert de x, et V x × I ⊂ U, donc V x ⊂ V, et V est bien ouvert ; de plus, V ⊃ A ; on a
déjà un prolongement de f1 à V par la formule F1 (x) = ψ(x, 1), mais ceci est banal
d’après la proposition V.20 ; on raffine en introduisant p : X → I continue telle que
p|A = 1 ; p|V c = 0 (V.29)

148
V. Applications de la connexité ; homotopie

Y = partie grisée

Figure 4.7

(c’est possible car X est métrique).


On pose alors F1 (x) = ψ(x, p(x)) ; F1 a un sens et est continue, comme composée
des applications continues x → (x, p(x)) de X dans U et ψ : U → C∗ (en effet, si
x ∈ V, on a (x, p(x)) ∈ V ×I ⊂ U, et si x  V, on a (x, p(x)) = (x, 0) ∈ Y ⊂ U) ; enfin,
a ∈ A entraîne F1 (a) = ψ(a, 1) = φ(a, 1) = ϕ(a, 1) = f1 (a) ; F1 : X → C∗ est donc
une extension continue de f1 ; on voit aussi (soit dit en passant) que F1 est homotope
à F0 dans C(X, C∗ ). Soit en effet χ : X × I → C∗ définie par χ(x, t) = ψ(x, tp(x)). La
fonction continue χ est bien à valeurs dans C∗ . En effet :

x ∈ V ⇒ (x, tp(x)) ∈ V × I ⊂ U ⇒ χ(x, t) = ψ(x, tp(x))  0.


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

x ∈ V c ⇒ χ(x, t) = ψ(x, 0) = F0 (x)  0.

De plus, on a χ(x, 0) = ψ(x, 0) = F0 (x) et χ(x, 1) = ψ(x, p(x)) = F1 (x), donc χ


réalise l’homotopie annoncée entre F0 et F1 . ❑

Proposition V.22. Soit A un compact de R2 , C une composante connexe bornée


de Ac , p ∈ C ; alors, β p n’a pas d’extension continue à A ∪ C (à valeurs dans C∗ ) ; il
en est de même de βnp , n ∈ N∗ .

Démonstration. On se ramène par translation au cas p = 0 ; supposons qu’il existe


une extension continue F : A ∪ C → C∗ de x → xn (xn étant la puissance n−ième de

149
Chapitre 4 • Espaces connexes

x dans C, assimilé à R2 ) ; considérons une grande boule fermée B de centre 0 et de


rayon r dont l’intérieur contient C et posons
⎧ n


⎨x si x ∈ B \ C
g(x) = ⎪

⎩ F(x) si x ∈ C.

∂C est inclus dans A (proposition IV.6), donc la définition de g est cohérente ; B \ C


et C sont fermés, g est donc continue sur B (proposition III.10, chapitre II) ; le théo-
rème V.17 donne alors h : B → C continue telle que g = eh ; en particulier : xn = eh(x)
si |x| = r ; par changement de variable yn = eh(ry)−n Log r =: eiϕ(y) si |y| = 1, où
 
ϕ : Γ → R est continue ; soit encore y e−iϕ(y)/n n = 1 ; Γ étant connexe, la proposi-
tion I.3 entraîne y e−iϕ(y)/n = eiω , où ω est de la forme 2kπ
n ; mais alors y = e
iψ(y) , où
ϕ(y)
ψ(y) = ω + n , et ceci est exclu comme on l’a vu dans la preuve du théorème V.18 ;
la proposition V.22 est donc montrée par l’absurde. ❑

Voici maintenant le critère algébrique annoncé.

Théorème V.23 (critère d’Eilenberg). Soit A un compact de R2 , p, q ∈ Ac ; on a


équivalence entre
a) A ne sépare pas p et q.
b) β p est homotope à βq (dans C(A, C∗ )).

Démonstration. a) ⇒ b). Soit C une composante connexe de Ac contenant p et q ; C


est connexe par arcs (théorème II.5 et proposition IV.5), il existe donc un chemin γ
dans C tel que γ(0) = p et γ(1) = q ; si on pose F(x, t) = x − γ(t), où x ∈ A, t ∈ I, on
définit une homotopie de β p vers βq dans C(A, C∗ ).
b) ⇒ a). Si A sépare p et q, on a par exemple p ∈ C, q  C, où C est une composante
connexe bornée de Ac ; or βq se prolonge (par x → x−q !) en une application continue
de R2 \{q} dans C∗ , en particulier de A∪C dans C∗ ; tel n’est pas le cas pour β p d’après
la proposition V.22 ; donc β p et βq ne peuvent être homotopes d’après le critère de
Borsuk V.21. ❑

Le critère d’Eilenberg a l’importante conséquence suivante, qu’on utilisera au cha-


pitre VI.

Théorème V.24 (théorème de Janiszewski). Soit A, B des compacts de R2 et


p, q  A ∪ B. On suppose que
a) ni A ni B ne séparent p et q ;
b) A ∩ B est connexe.
Alors, A ∪ B ne sépare pas p et q.

150
V. Applications de la connexité ; homotopie

Démonstration. Notons d’abord que


βp
 0 dans C(A, C∗ ) et dans C(B, C∗) . (V.30)
βq

Soit en effet F : A × I → C∗ continue avec F(x, 0) = β p (x), F(x, 1) = βq (x) (F


β
existe d’après le critère d’Eilenberg) ; alors G = βFq est une homotopie de βqp vers la
constante 1 dans C(A, C∗) ; idem avec B. A et B étant compacts, le théorème V.16
fournit ϕ : A → C et ψ : B → C continues telles que
βp βp
= eϕ sur A ; = eψ sur B . (V.31)
βq βq

Ainsi eϕ = eψ sur A ∩ B ; A ∩ B étant connexe (éventuellement vide), il existe n ∈ Z


tel que
ϕ = ψ + 2inπ sur A ∩ B . (V.32)
Définissons χ : A ∪ B → C par


⎨ ϕ(x) ,
⎪ x∈A
χ(x) = ⎪

⎩ ψ(x) + 2inπ , x ∈ B.
D’après (V.32), cette définition est cohérente ; χ est continue sur A et B fermés, donc
β
continue sur A ∪ B (proposition III.10, chapitre II) ; et (V.31) montre que βqp = eχ
sur A ∪ B ; posant G(x, t) = etχ(x) , x ∈ A ∪ B, t ∈ I, on définit une homotopie de 1
β β
vers βqp dans C(A ∪ B, C∗) ; autrement dit, dans C(A ∪ B, C∗), on a βqp  0 et β p  βq ;
une nouvelle application du critère d’Eilenberg montre que A ∪ B ne sépare pas p
et q. ❑

Remarque V.25. Prenons pour A un demi-cercle, pour B le diamètre de ce demi-


cercle, pour p et q des points respectivement intérieur et extérieur au demi-disque
ouvert déterminé par A ∪ B ; il est clair que ni A ni B ne séparent p et q, mais que
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

A ∪ B les sépare ; c’est ici l’hypothèse b) qui est en défaut (A ∩ B est un ensemble
non connexe à deux éléments ; cf. figure 4.8).

A
q
p

Figure 4.8

151
Chapitre 4 • Espaces connexes

Remarque V.26. Les propositions V.20 à V.23 restent valables en remplaçant R2


par Rn et Γ ou C∗ par la sphère unité euclidienne S n−1 ou (Rn )∗ ; il n’y a rien à changer
aux démonstrations, modulo le fait (cf. [Du]) que le théorème de Brouwer reste vrai
en dimension n.

Exercices

! 1 "
4.1 Soit E = x, sin x ; 0 < x  1 et X l’adhérence de E dans R2 = C.
a) Montrer que X est connexe et que X = E ∪ [−i, i].
b) Montrer qu’un point de [−i, i] ne peut pas être joint à un point de E par un chemin
de X ; en déduire que X n’est pas connexe par arcs.

4.2 a) Soit X un espace métrique compact, (xn ) une suite de points de X telle que
d(xn+1 , xn ) → 0 ; montrer que l’ensemble A des valeurs d’adhérence de (xn ) est
connexe.
Dans le b), X = [0, 1], f : X → X est continue et la suite (xn ) est définie par x0 ∈ X,
xn+1 = f (xn ) ; on suppose toujours que xn+1 − xn → 0.

b) Montrer que A est inclus dans l’ensemble des points fixes de f , et qu’alors A= ∅ ;
en déduire que A est réduit à un élément et que (xn ) converge.
 
c) Soit X = z ∈ C; 12  |z|  1 et f : X → X définie par

1 z i(1−|z|)
f (z) = e .
2 − |z| |z|

Soit (zn ) définie par z0 ∈ X et zn+1 = f (zn ).


1. Montrer qu’on peut écrire zn = rn eiθn avec les relations de récurrence

1
rn+1 = , θn+1 = θn + 1 − rn .
2 − rn

2. Montrer que, si |z0 | < 1, on a : zn+1 − zn → 0, mais que (zn ) diverge ; comment
expliquer la différence avec le b) ?

4.3 Enveloppe polynomiale d’un compact ; cf. proposition IV.6


Soit K un compact de C, K  l’union de K et des composantes connexes bornées ω de
c
K ; P, Pn , Qn désignent des polynômes à coefficients complexes.

152
Exercices

 |P(a)|  sup K |P|.


a) Montrer que pour a ∈ K,
(Utiliser la proposition IV.6 et le principe du maximum pour les ω).
b) Soit a  K  ; montrer qu’il existe une suite (Pn ) convergeant uniformément sur K 
vers ϕa , où ϕa (z) = z−a ; en déduire qu’il existe une suite (Qn ) telle que Qn (a) = 1 et
1

sup K |Qn | tend vers zéro.


c) Montrer que a ∈ K  ⇐⇒ |P(a)|  supK |P|, ∀ P.

4.4 Soit I un intervalle de R ; une fonction g : I → R est dite pseudo-convexe si


g(x)  max(g(a), g(b)) pour tous x ∈ [a, b] et [a, b] ⊂ I. Une fonction g : I →]0, ∞[
est dite logarithmiquement convexe (en abrégé log-convexe) si log g : I → R est
convexe.
a) Pour f : I → R, montrer qu’on a équivalence entre :
i) f est convexe ; ii) pour toute fonction affine h, f − h est pseudo-convexe.
b) Pour f : I →]0, ∞[, montrer qu’on a équivalence entre :
i) f est log-convexe ; ii) pour toute fonction affine h, f e−h est convexe (utiliser a)).
c) Montrer que la somme de deux fonctions log-convexes : I →]0, ∞[ est encore
log-convexe.
d) Énoncer et démontrer des résultats analogues pour les fonctions log-sous-
harmoniques.

4.5 Soit A, B connexes de X tels que A ∩ B  ∅ ; montrer que A ∪ B est connexe.

4.6 Soit A et B deux parties fermées non-vides d’un espace topologique X telles
que A ∪ B et A ∩ B soient connexes.
a) Montrer que A et B sont connexes.
b) Montrer que le résultat peut devenir faux si A ou B n’est pas fermée.

4.7 Soit f : R2 → R une surjection continue ; montrer que f −1 ({a}) n’est borné
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

pour aucun réel a.


(Indication : le complémentaire d’un disque dans R2 est connexe).

4.8 Théorème de Denjoy-Wolff pour un intervalle ouvert


Soit J =]0, 1[ et f : J → J continue sans point fixe.
a) Montrer que f (x) > x, ∀x ∈ J ou que f (x) < x, ∀x ∈ J. Donner un exemple de
chaque situation.
b) Montrer qu’il existe un point ω ∈ {0, 1} tel que, pour tout x0 ∈ J, la suite définie
par son premier terme x0 et la relation de récurrence xn+1 = f (xn ) converge vers ω.

153
Chapitre 4 • Espaces connexes

! "
4.9 Soit X la partie de R2 constituée des segments In = [0, 1] × 1n , (n = 1, 2, . . .)
et des points p0 = (0, 0) et p1 = (1, 0).
a) Montrer que les composantes connexes de X sont les In et les singletons {p0 } et
{p1 }.
b) Soit F un ouvert-fermé de X contenant p0 ; montrer qu’il existe n0 tel que F
contient In pour n  n0 .
c) Montrer que la quasi-composante de p0 est {p0 , p1 } ; comment conciliez-vous cela
avec le théorème IV.3 ?

4.10 Soit X l’ensemble des projections linéaires p de Rn (p2 = p) avec sa topologie


naturelle.
a) Montrer que l’application p → rang p est continue sur X.
! "
b) On pose Xk = p ∈ X; rang p = k ; montrer que toute composante connexe C de
X est contenue dans un des Xk , (k = 0, . . . , n).

e j si j  k
c) On fixe k ; soit p0 ∈ Xk définie par p0 (e j ) = montrer que p ∈ Xk
0 si j > k;
est joignable à p0 par un chemin dans Xk .
(Indication : soit ( f1 , . . . , fn ) une base telle que p( f j ) = f j si j  k, 0 si j > k et
soit A ∈ GL(n, R) telle que A(e j ) = f j ; utiliser le fait qu’on peut joindre A à I ou à
diag(−1, 1, . . . , 1) par un chemin de GL+ (n, R) ou GL− (n, R)).
d) Montrer que les composantes connexes de X sont X0 , X1 , . . . , Xn .

4.11 Soit I un intervalle de R et f : I → R continue injective.


! "
a) Montrer que A = (x, y) ∈ I × I; y > x est connexe dans R2 .
b) Montrer que g(x, y) = f (y) − f (x) ne s’annule pas sur A ; en déduire que f est
monotone (strictement) et ouverte.

4.12 Ovales de Cassini


Soit a, R deux nombres > 0, et
- .
de f
G = z ∈ C; f (z) = |z2 − a2 | < R2 .

(G est le lieu des points dont le produit des distances à a et −a est < R2 . Sa frontière
s’appelle une ovale de Cassini, et une lemniscate de Bernoulli si a = R).
a) On suppose a < R. Montrer que 0 ∈ G et que G est étoilé par rapport à 0 (Montrer
que, à θ fixé, on a f 2 (reiθ ) = g(r2 ) avec g convexe sur R+ ). Puis montrer que G est
connexe. Est-ce que G est toujours convexe ?

154
Exercices

b) On suppose a  R. Montrer que G ∩ iR = ∅, puis que G est non-connexe. Combien


a-t-il de composantes connexes ?

4.13 a) Soit F un fermé de R avec la propriété suivante

∀ a, b ∈ F , a<b⇒∃c∈F; a<c<b.
Montrer que F est un intervalle fermé.
(Indication : considérer les composantes connexes de l’ouvert ]a, b[ ∩ F c ).
b) Soit f : [0, 1] → R dérivable et telle que f (1 − f
) = 0 ; montrer que F = f −1 ({0})
possède la propriété du a) et en déduire que f = 0 ou f
= 1.

4.14 Soit P ∈ C[X] un polynôme de racines z1 , . . . , zn distinctes ou non, situées


dans un convexe K de C.
a) On suppose que P
(z) = 0 et z  {z1 , . . . , zn } ; montrer qu’il existe des réels
λ1 (z), . . . , λn (z), inconnus mais strictement positifs, tels que l’on ait
n
λk (z)(z − zk ) = 0.
k=1
P
(z)
(Indication : considérer P(z) et son conjugué).
b) Montrer que P
a aussi toutes ses racines dans K (théorème de Gauss-Lucas).

4.15 Soit Ω un ouvert de C, n ∈ N∗ ; on pose


 '
1
Kn = z ; d(z, Ω ) 
c
∩ {z ; |z|  n} .
n
 1
a) Montrer que Knc = (D(0, n))c ∪ ∪ D a, n .
aΩ

b) Soit ω une composante connexe bornée de Knc ; montrer que ω ⊂ D(0, n) ; en


 
déduire qu’il existe a  Ω tel que D a, 1n ⊂ ω.
c) Montrer que toute composante connexe bornée ω de Knc contient une composante
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

connexe bornée de Ωc .
d) Montrer que si Ωc est connexe et Ω borné, Knc est connexe.

(Commentaire : on sait (cf. [QZ], p. 154) que Ω = ∪ Kn ; on montre ici que les Kn
1
héritent de certaines propriétés de connexité de Ω).

4.16* Soit K un compact de Γ, différent de Γ.


a) Montrer que K c est connexe.
b) Montrer que l’application z → z j ∈ P(K) pour j ∈ N∗ (utiliser le théorème
de Runge).

155
Chapitre 4 • Espaces connexes

c) Montrer que P(K) = C(K) (utiliser de façon adéquate le théorème de Stone-


Weierstrass, pour lequel on renvoie à [HL], ou ceux de Tietze et Fejér).

4.17 Réciproque du théorème de Runge


Soit K un compact du plan complexe, de complémentaire non-connexe. Soit alors ω
une composante connexe bornée de K c et a ∈ ω. On pose
1
R = sup |z − a|, et ϕa (z) = , z ∈ K.
z∈K z−a
a) Soit P un polynôme et Q(z) = 1 − (z − a)P(z) = (z − a)(ϕa (z) − P(z)). Montrer que
QC(K)  1.
b) Montrer que ϕa − PC(K)  R1 . Ainsi, ϕa n’est pas limite uniforme sur K de poly-
nômes.

4.18 Soit E un R−evn de dimension n  3, F un sous-espace de E.


a) Montrer que si codim F  2, alors E \ F est connexe.
(Indication : soit G un supplémentaire de F ; montrer que E \ F est homéomorphe
à F × G∗ ).
b) Montrer que si codim F = 1, alors E \ F a deux composantes connexes.

4.19 On dit que X a la propriété du point fixe si toute f ∈ C(X, X) a au moins un


point fixe dans X (en abrégé X a (PF)).
a) Montrer que si X a (PF), X est connexe.
b) Montrer par un exemple que la réciproque est fausse.
c) On suppose que X = Y ∪ Z, où Y, Z ont (PF), sont fermés et d’intersection réduite
à un point ; montrer que X a (PF).
d) Montrer que la lettre X a (PF).

4.20 Soit A un compact de R2 , p ∈ Ac ; montrer qu’on a équivalence entre :


i) β p  0 ;
ii) p appartient à la composante connexe non bornée de Ac .

4.21 Montrer qu’un espace métrique connexe ayant au moins deux éléments est
non dénombrable.

4.22 Un exemple d’espace weiestrassien connexe et non-compact


Soit X = N∗ ; on désigne par (a, b) le pgcd de a, b ∈ N∗ et par Σ la famille des parties
de X qui sont soit ∅, soit une progression arithmétique Pa,b := {a, a + b, a + 2b, . . .}
avec (a, b) = 1.

156
Exercices

a) i) Montrer que Σ est stable par intersection (montrer que Pa,b ∩ Pa


,b
vaut ∅ ou
Pα,β , avec α = min(Pa,b ∩ Pa
,b
) et β = ppcm(b, b
)).
ii) Décrire la topologie T engendrée par Σ, et une base de voisinages de a ∈ X ;
montrer que T est séparée.
b) Soit Pu,v , Pu
,v
∈ Σ avec (v, v
) = 1 ; montrer que Pu,v ∩ Pu
,v
 ∅.
(Indication : utiliser l’identité de Bézout pour trouver r, s ∈ Z tels que u+rv = u
+ sv
,
puis corriger les deux membres de façon adéquate).
c) Montrer que l’espace (X, T ) est connexe ; est-il métrisable ?
d) Montrer que toute fonction numérique continue sur X est bornée. On dit alors que
X est weierstrassien.
e) On considère la suite xn = n! dans X. Soit  ∈ X une valeur d’adhérence éventuelle
de (xn ). En considérant le voisinage V de  défini par V =  + pZ, où p est un nombre
premier > , aboutir à une absurdité. En déduire que X n’est pas compact.
(Ainsi, X est non-compact, et pourtant weierstrassien. Cela ne pourrait pas se pro-
duire si X était métrisable. Voir aussi le commentaire à la fin du corrigé).

4.23 Une application du théorème de Brouwer


Soit   la norme euclidienne sur Rd et soit f : Rd → Rd une application continue
qui est négligeable devant l’identité au sens où :
 
lim x −  f (x) = +∞.
x→∞

a) Montrer que, pour tout y ∈ Rd , il existe R > 0 telle que la fonction gy définie par
gy (x) = y − f (x) envoie la boule B(y, R) dans elle-même.
b) Montrer que la perturbation de l’identité g définie par g(x) = x + f (x) est surjec-
tive : Rd → Rd .
c) Cette fonction g est-elle aussi injective ?
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

4.24 Une preuve courte du théorème des trois cercles de Hadamard


Soit A = {r1 < |z| < r2 } où r1 > 0 et soit f holomorphe sur A, continue sur A.
a) Montrer que si gα (z) = |z|α | f (z)|, gα ∈ S h(A) pour tout α réel.
b) Pour r ∈ [r1 , r2 ], on pose M(r) = sup{| f (z)|; |z| = r} ; montrer l’inégalité de
Hadamard r r2
Log 2 Log r
[M(r)] r1  [M(r1 )]Log r [M(r2 )] r1 .

157
Chapitre 4 • Espaces connexes

4.25 Principe de subordination de Littlewood


Soit ϕ : D → D holomorphe avec ϕ(0) = 0 ; soit u, v : D → R sous-harmoniques
telles que v = u ◦ ϕ (on dit que v est subordonnée à u) ; on fixe r ∈ [0, 1[.
a) i) Montrer qu’il existe w : D(0, r) → R continue, harmonique sur D(0, r), telle que
u(z) = w(z) si |z| = r et u(z)  w(z) si |z|  r.
ii) Montrer que w ◦ ϕ est continue sur D(0, r), harmonique sur D(0, r) ; en déduire
que
 2π  2π
iθ dθ dθ
v(re )  u(reiθ ) .
0 2π 0 2π


b) (Application, cf. [Sh]) i). Soit f holomorphe sur D avec f (z) = ak zk et
0





|ak |2 < ∞ ; montrer que, si g = f ◦ ϕ, g s’écrit g(z) = bk zk avec |bk |2  |ak |2 .
0 0 0 0

n
n
ii) Montrer qu’on a plus précisément |bk |2  |ak |2 , pour n = 0, 1, . . ..
0 0

4.26 Autre preuve du théorème V.17


Soit K un compact de Rn étoilé par rapport à 0, G le groupe multiplicatif des éléments
inversibles de C(K), (G = C(K, C∗ )), G0 le sous-ensemble des éléments de G ayant
un logarithme continu.
a) Montrer que G avec la topologie induite par C(K) est un groupe topologique abé-
lien.
b) Montrer que G0 est un sous-groupe de G et que 1 est intérieur à G0 .
c) Montrer que G0 = G.
d) Pour K compact quelconque, montrer que G0 est la composante connexe de 1
dans G.

√ ouverte {1 < |z| < 2} et f un homéomorphisme


4.27 Soit A la couronne √ de A sur A.
On pose B = {1 < |z| < 2} et K = ∂B (frontière de B dans A)= {|z| = 2}.
a) Montrer que f est propre, au sens où :

lim d(z, ∂A) = 0 entraîne lim d( f (z), ∂A) = 0.

b) Soit Aε = {1 < |z| < 1 + ε} ; montrer qu’il existe ε0 > 0 tel que f (Aε ) ∩ K = ∅ pour
0 < ε  ε0 .
c) Montrer que 0 < ε  ε0 entraîne f (Aε ) ⊂ B ou f (Aε ) ⊂ A \ B.
(Indication : appliquer le lemme de passage des douanes).

158
Exercices

d) Montrer qu’il existe , 


∈ {1, 2} tel que lim|z|→1 | f (z)| =  et lim|z|→2 | f (z)| = 
;
établir alors que 
= 2 .
(Indication : si  = 
, aboutir à une contradiction en considérant f −1 ).
e) Soit f une bijection holomorphe de A sur A ; montrer que : ou bien f (z) = λz, pour
tout z ∈ A ; ou bien f (z) = λ × 2z , pour tout z ∈ A (λ désignant une constante de
module 1).

4.28 Soient A0 , A1 deux fermés connexes de Rn avec A0 ∪ A1 = Rn ; on se propose


de montrer que A0 ∩ A1 est connexe.
a) Soit ϕ : A0 ∩ A1 → Z continue ; montrer qu’il existe ϕ j : A j → R continues avec
ϕ = ϕ1 − ϕ0 sur A0 ∩ A1 (utiliser le théorème de Tietze).
⎧ 2iπϕ (x)


⎨e
0 , x ∈ A0
b) Soit f : R → Γ définie par f (x) = ⎪
n
⎪ .
⎩ e2iπϕ1 (x) , x ∈ A1
Montrer qu’il existe g : Rn → R continue telle que f = e2iπg .
c) Montrer que A0 ∩ A1 est connexe.
d) Montrer par un exemple que le résultat est en général faux si A0 , A1 ne sont pas
fermés.

4.29 Une autre application du théorème de Brouwer


On munit le plan R2 de la norme x = max(|x1 |, |x2 |) si x = (x1 , x2 ), dont la boule
unité est le carré K = [−1, 1] × [−1, 1]. Soit R = [a, b] × [c, d] un rectangle de ce plan
et γ, δ deux courbes continues : [−1, 1] → R joignant les côtés opposés du rectangle,
c’est-à-dire, si γ = (γ1 , γ2 ) et δ = (δ1 , δ2 ) :
γ1 (−1) = a, γ1 (1) = b, δ2 (−1) = c, δ2 (1) = d.
On se propose de montrer, par l’absurde, que ces courbes se croisent. On suppose
donc que ce n’est pas le cas : γ(s)  δ(t) ∀s, t ∈ [−1, 1].
a) Soit f définie sur K par
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.


−γ1 (s) + δ1 (t) −δ2 (t) + γ2 (s)
f (s, t) = , .
γ(s) − δ(t) γ(s) − δ(t)
Montrer que f (K) ⊂ K et qu’il existe (s0 , t0 ) ∈ K tel que f (s0 , t0 ) = (s0 , t0 ).
b) Montrer que s0 = ±1 ou t0 = ±1.
c) Dans les 4 cas précédents, aboutir à une contradiction. Ainsi, les courbes continues
γ et δ se croisent.

4.30* a) Soit ω1 , ω2 des ouverts non vides de C avec ω1 ⊂ ω2 , ω2 connexe,


∂ω1 = ∂ω2 ; montrer que ω1 = ω2 . Dans la suite, on pose A = {0 < Im z < π},

159
Chapitre 4 • Espaces connexes

! "
B = Im z > 0, z  x + iπ où x  −1 , H = {Im z > 0} ; soit f : C → C définie par
f (z) = ez + z.
b) Montrer que f (A) est inclus dans H.
c) Montrer que u ∈ A, v ∈ A et u  v entraînent f (u)  f (v).
 
(Indication : si v − u = r eiθ , considérer g(t) = Im e−iθ f (1 − t) u + tv ).
d) Montrer que f (∂A) = ∂B ; en déduire que f (A) est inclus dans B.
e) Montrer que lim |z|→∞ | f (z)| = ∞ et en déduire que ∂ f (A) = f (∂A).
z∈A

f) Montrer que f est un homéomorphisme (même un biholomorphisme) de A sur B.

4.31 Soit K un compact d’un evn E de dimension  2 tel que K c soit non connexe.
a) Montrer que K c a une composante connexe bornée C.
b) Soit a ∈ C, S (a, R) une sphère de grand rayon contenue dans (K ∪ C)c ; montrer
que p : K → S (a, R) définie par p(x) = a + R(x−a)
||x−a|| est une surjection continue.
c) Montrer que dim E < ∞.
d) Si K est un compact d’un evn de dimension infinie, montrer que K c est connexe.

4.32 Soit A un fermé de [0, 1]2 tel que pour tout x ∈ [0, 1], I x = {y; (x, y) ∈ A} est
un segment non vide.
a) Montrer que A est connexe.
(Indication : si A = F1 ∪ F2 avec F1 , F2 fermés disjoints, montrer que p(F1 ) et p(F2 )
sont disjoints, p désignant la projection sur le premier axe de coordonnées).
b) Montrer qu’il existe x ∈ [0, 1] tel que Ix contienne x (en d’autres termes, A coupe
la diagonale de [0, 1]2 ).

4.33 Soit (An )n1 une suite décroissante de continus non vides d’un espace sé-
paré X, A leur intersection ; montrer que A est un continu non vide.

4.34 Isométries surjectives et affines


Soit E et F deux espaces normés réels. On se propose de montrer que toute isométrie
surjective de E sur F est affine (théorème de Mazur-Ulam) suivant une méthode due
à Vogt, et d’examiner le cas spécial où dim E = dim F < ∞.
a) Soit a, b ∈ E et m = a+b 2 . On note W l’ensemble des isométries surjectives
g : E → E telles que g(a) = a et g(b) = b, puis on pose λ = supg∈W g(m) − m.
1. Montrer que W  ∅ et que λ < ∞.
2. Soit σ la symétrie par rapport à m définie par σ(x) = 2m − x, qui vérifie
σ(x) − x = 2x − m. Si g ∈ W et g̃ = σ−1 ◦ g−1 ◦ σ ◦ g = [σ−1 , g−1 ],

160
Corrigés

montrer que g̃ ∈ W et que


1
g(m) − m = g̃(m) − m.
2
3. Montrer que λ  λ/2, puis que g(m) = m, ∀g ∈ W.
b) Soit f : E → F une isométrie surjective, soit a, b ∈ E, et soit τ la symétrie par
rapport à f (a)+2 f (b) dans F. Montrer que g = σ−1 ◦ f −1 ◦ τ ◦ f ∈ W, puis que l’on a
f (a)+ f (b)
2 )=
f ( a+b 2 .
c) Montrer que toute isométrie surjective f : E → F est affine.
d) On suppose ici E et F de même dimension finie n. Soit f : E → F une isométrie
telle que f (0) = 0. Soit, pour r > 0, S r = {x ∈ E; x = r} et Σr = {y ∈ F; y = r}. En
utilisant le théorème de l’invariance du domaine, montrer que f (S r ) = Σr , puis que f
est surjective, et que toute isométrie de E dans F est automatiquement surjective, et
par suite affine.

Corrigés

4.1 a) Facile et laissé au lecteur.


b) Soit γ : [0, 1] → X un chemin continu d’origine γ(0) ∈ [−i, i] ; posons ϕ = Rγ ; si
ϕ n’est pas identiquement nulle, l’ouvert {ϕ  0} a une composante connexe ]c, d[ ou
]c, 1] avec c  0 (puisque ϕ(0) = 0) ; dans tous les cas, il existe ]c, d[ avec ϕ(c) = 0
 1  >
et ϕ  0 sur ]c, d[ ; donc x ∈]c, d[ entraîne γ(x) = ϕ(x), sin ϕ(x) et x → c en-
traîne ϕ(x) → 0 et sin ϕ(x)
1
→ Im γ(c) ; mais ceci est clairement impossible ; en effet
>
1
ϕ(x) → +∞ et ϕ est continue, donc sin ϕ(x)1
ne peut avoir de limite quand x → c ; ceci
montre par l’absurde que ϕ est identiquement nulle et qu’un chemin partant de [−i, i]
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

reste dans [−i, i] ; X est connexe, mais a deux composantes « connexes par arcs », E
et [−i, i].

4.2 a) Si E ⊂ X et ε > 0, désignons par Eε l’ensemble des x ∈ X tels que


d(x, E)  ε. Supposons alors A = F1  F2 , où les F j sont fermés non vides ;
on a d(F1 , F2 ) = 3ε, avec ε > 0 ; posons G1 = (F1 )ε et G2 = (F2 )ε ; alors,
d(G1 , G2 )  ε > 0, et on peut trouver par récurrence une suite extraite xnk telle
que xnk ∈ G1 , x1+nk ∈ G2 (soit d’abord n1 tel que n  n1 =⇒ xn ∈ G1 ∪ G2 . En-
suite, nk étant trouvé, il existe p, q avec q > p > nk et x p ∈ G1 , xq ∈ G2 ; on prend
pour nk+1 le plus grand indice r de [p, q[ tel que xr appartienne à G1 ) ; mais alors
d(xnk , x1+nk )  ε, ce qui contredit l’hypothèse.

161
Chapitre 4 • Espaces connexes

b) Soit a ∈ A, et (xnk ) telle que xnk → a ; on voit que :

x1+nk − xnk = f (xnk ) − xnk → f (a) − a,

d’où f (a)−a = 0. Supposons que (xn ) diverge ; alors A est un connexe de R non réduit
à un élément, donc d’intérieur non vide : soit c ∈ A et h > 0 tel que [c − h, c + h] ⊂ A ;
si xn0 ∈ A, xn = xn0 pour n  n0 , puisque A est inclus dans l’ensemble des points fixes
de f ; l’hypothèse entraîne donc xn  A, pour tout n, en particulier |xn − c|  h, pour
tout n ; mais ceci exclut que c soit valeur d’adhérence de (xn ) ; cette contradiction
montre que (xn ) converge.
c)
1. On a bien f (X) ⊂ X car si z ∈ X et r = |z|, on a | f (z)| = 1
2−r  1
2−1 = 1 et
| f (z)| = 2−r
1
 12 · Ensuite, si zn = rn eiθn , on voit que
1 iθn i(1−rn )
zn+1 = f (zn ) = e e ,
2 − rn
donc on peut écrire zn+1 = rn+1 eiθn+1 avec
1
rn+1 = (1)
2 − rn
et
θn+1 = θn + 1 − rn . (2)
2. (1) est une récurrence homographique à point fixe double 1, qui donne :
1 1 1
− = 1 et = n + c,
1 − rn+1 1 − rn 1 − rn
1
où c = ; (2) donne alors θn+1 = θn + n+c 1
, d’où θn = θ0 + An , où
1 − r0

n−1
1
An = → ∞, avec An −An−1 → 0 ; puisque rn tend vers 1, zn+1 −zn tend
j=0
j + c
vers zéro tandis que A est le cercle unité entier Γ ; on a la situation suivante :
f est continue (évident), ses points fixes sont les points de Γ ; si on part d’un
point fixe z0 de f , c’est-à-dire si |z0 | = 1, on reste en z0 ; sinon, on obtient une
suite (zn ) vérifiant zn+1 − zn → 0 et A = Γ ; A est bien connexe en accord avec
le a), mais il est d’intérieur vide (contrairement à ce qui se passe dans R) et on
en reste là.
Remarque. Si f est de plus holomorphe dans D, il résulte du théorème
de Denjoy-Wolff que zn+1 − zn → 0 entraîne zn converge (cf. [Sh], p. 78).

162
Corrigés

4.3 a) Soit ω une composante connexe bornée de K c et a ∈ ω ; |P(a)|  sup∂ω |P|


d’après le principe du maximum ; et ∂ω ⊂ K d’après la proposition IV.6, d’où le
résultat.
b) Kc est connexe, donc le théorème de Runge assure l’existence de (Pn ) ; si
Qn (z) = 1 − (z − a) Pn (z), la suite (Qn ) répond à la question.
c) L’implication (⇒) découle de a) ; si a  K,  b) montre que supK |Qn |  1 pour n as-
2
sez grand, tandis que |Qn (a)| = 1 ; ceci montre l’implication (⇐) par contraposition.

4.4 a) f convexe entraîne f pseudo-convexe : en effet, si x ∈ [a, b], x s’écrit


x = λa + (1 − λ) b avec 0  λ  1, d’où :

f (x)  λ f (a) + (1 − λ) f (b)  (λ + 1 − λ) max( f (a), f (b)) = max( f (a), f (b)) ;

donc si f est convexe et  affine, f −  est convexe, et f −  pseudo-convexe ; récipro-


quement, si on prend pour  l’équation de la corde joignant (a, f (a)) et (b, f (b)), on
obtient, pour x ∈ [a, b] :
 
( f − )(x)  max ( f − )(a), ( f − )(b) = 0 ,

d’où f (x)  (x) ; par définition, f est alors convexe.


b) i) ⇒ ii). Si u est convexe eu est convexe, car l’exponentielle est croissante et
convexe ; si donc f est log-convexe et  affine, u = log f −  est convexe, et eu = f e−
est convexe.
ii) ⇒ i). Si u est pseudo-convexe et ϕ croissante, ϕ ◦ u est pseudo-convexe. Si donc
f e− est convexe, elle est pseudo-convexe, donc log( f e− ) = log f −  est pseudo-
convexe. D’après a), f est log-convexe.
c) Il suffit d’observer que la caractérisation ii) de la log-convexité est stable par ad-
dition : f1 e− et f2 e− convexes ⇒ ( f1 + f2 )e− convexe (et f1 + f2 > 0 si f1 > 0
et f2 > 0 !). On peut aussi observer directement que la log-convexité se traduit par
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

l’inégalité ( x + y) 
f  f (x) f (y)
2
et que cette caractérisation est stable par addition des fonctions via l’inégalité
√  
a1 a2 + b1 b2  (a1 + b1 )(a2 + b2 )

entre nombres positifs.


d) Soit Ω un ouvert de R2 , et f : Ω →]0, ∞[, continue. On a équivalence entre :
i) log f est sous-harmonique sur Ω ;

163
Chapitre 4 • Espaces connexes

ii) Pour tout disque ouvert D tel que D ⊂ Ω, et pour toute fonction h : D → R
continue sur D et harmonique sur D, f e−h est sous-harmonique sur D.
Pour ii) ⇒ i), soit D(a, r) ⊂ Ω, et soit h : D = D(a, r) → R la solution du problème de
Dirichlet telle que h(z) = log f (z) si |z − a| = r, si bien que eh(z) = f (z) si |z − a| = r. Vu
 2π
−h(a) 1
f (a + reiθ )e−h(a+re ) dθ = 1, soit puisque

l’hypothèse ii), on a : f (a)e 
2π 0
h est harmonique :
 2π  2π
1 1
log f (a)  h(a) = h(a + reiθ )dθ = log f (a + reiθ )dθ
2π 0 2π 0
ce qui prouve i). On voit ensuite de même que la somme de deux fonctions log-sous-
harmoniques est log-sous-harmonique.

4.5 Soit f : A ∪ B → Z continue ; A et B étant connexes, il existe a, b ∈ Z tels que


f |A = a et f |B = b ; par continuité, f vaut encore a sur A ∩ (A ∪ B) qui est l’adhérence
de A dans A ∪ B ; a fortiori, f vaut a sur A ∩ B ; d’où a = b et f est constante.

4.6 a) Soit f : A → Z continue ; c’est donc une constante c sur A ∩ B qui est
connexe. On définit F : A ∪ B → Z par



⎨c si x ∈ B
F(x) = ⎪

⎩ f (x) si x ∈ A
La fonction F est bien définie car f (x) = c sur A ∩ B. Elle est continue sur A ∪ B
par le principe de recollement, car F|A et F|B sont continues, et A, B sont fermés. Elle
vaut donc une constante d puisque A ∪ B est connexe. Et d = c puisque B  ∅. En
particulier, f (x) = c sur A, ce qui montre que A est connexe. De même, B est connexe.

b) Prenons X = R, A = 0, 13 ∪ 23 , 1 , B = 13 , 23 . Alors, A n’est pas connexe, bien

que A ∩ B = { 13 } et A ∪ B = 0, 1 le soient. Noter que B n’est pas fermé.

4.7 Supposons f −1 ({a}) borné, alors il existe un disque compact Δ contenant


f −1 ({a}) ; Δc est connexe (cf. cours) et par définition a  f (Δc ) ; f (Δc ) est un
connexe, donc un intervalle I de R ; puisque a  I, I ⊂] − ∞, a[ ou I⊂]a, ∞[, di-
sons I ⊂] − ∞, a[ ; d’autre part f (Δ) est un compact de R, donc il est majoré par
b ∈ R, et f (R2 ) = f (Δ) ∪ f (Δc ) ⊂] − ∞, c], avec c = max(a, b) ; ceci contredit la
surjectivité de f .

4.8 a) C’est le théorème de la valeur intermédiaire pour f (x)− x continue sans zéros

sur le connexe J. Si f (x) = x, on a le premier cas ; si f (x) = x2 , on a le second.
b) Dans le premier cas, une récurrence montre que (xn ) est croissante ; elle est majo-
rée par 1, donc converge vers ω  1 et ω  x0 > 0. Si ω < 1, on a ω ∈ J et ω est

164
Corrigés

point fixe de f car f est continue sur J. Ceci est contraire à l’hypothèse. Donc, ω = 1
ne dépend pas de la valeur de x0 . De même, dans le cas f (x) < x, on trouve ω = 0.
Remarque. Le vrai théorème de Denjoy-Wolff (cf. [Sh], p. 78) dit que si f : D → D
est une fonction holomorphe sans point fixe dans D, il existe ω ∈ ∂D tel que, pour
tout z0 ∈ D, la suite définie par son premier terme z0 et la relation de récurrence
 2
zn+1 = f (zn ) converge vers ω. Par exemple, ω = 1 si f (z) = 2z+1
z+2 .

4.9 a) C’est facile.


 
b) Soit xn = 0, 1n ; xn ∈ In , xn tend vers p0 et F est voisinage de p0 , il existe donc
n0 tel que n  n0 entraîne xn ∈ F, d’où In ∩ F  ∅ ; de plus In ∩ F est ouvert-fermé
dans In connexe, donc In ∩ F = In et In ⊂ F.
 
c) Soit yn = 1, 1n ; yn ∈ F pour n  n0 , yn tend vers p1 et F est fermé, d’où p1 ∈ F
et la quasi-composante C0 (p0 ) contient p0 et p1 ; d’autre part, pour tout entier q ∈ N∗ ,
la réunion des In pour n > q et de {p0 } et {p1 } est un ouvert-fermé contenant p0 , donc
C0 (p0 )∩ Iq = ∅ ; q étant arbitraire, C0 (p0 ) ⊂ {p0 , p1 } et finalement C0 (p0 ) = {p0 , p1 } ;
il est clair que la composante connexe de p0 est C(p0 ) = {p0 }, donc C(p0 )  C0 (p0 ) ;
le théorème IV.3 ne s’applique pas car X n’est pas compact.

n
4.10 a) rang p = tr p = (p(e j )/e j ).
j=1
b) L’application p → rang p est continue sur C connexe, à valeurs dans Z, donc
constante.
c) Supposons par exemple A ∈ GL+ (n, R) et soit t → At un chemin continu
dans GL+ (n, R) avec A0 = I, A1 = A. Posons e j (t) = At (e j ), 1  j  n,
0  t  1. (e1 (t), . . . , en (t)) est une base de Rn ; définissons pt ∈ Xk par
e j (t) , j  k
pt (e j (t)) = ; alors t → pt est un chemin continu dans Xk qui joint
0, j>k
p0 à p.
d) On a vu dans c) que chaque Xk est connexe par arcs, donc connexe ; les Xk sont
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

fermés disjoints en nombre fini, donc ouverts disjoints puisque X = X0  . . .  Xn ;


d’après la proposition IV.2, ce sont les composantes connexes de X.

4.11 a) A est convexe.


b) g ne s’annule pas car f est injective ; A étant connexe, g a un signe constant sur A.
Si g > 0 sur A , y > x entraîne f (y) > f (x) et f est croissante;
si g < 0 sur A , y > x entraîne f (y) < f (x) et f est décroissante .
Si par exemple f est croissante, f (]a, b[) =] f (a), f (b)[ pour a < b, f est donc
ouverte.

165
Chapitre 4 • Espaces connexes

4.12 a) On a f (0) = a2 < R2 , donc 0 ∈ G. On a ensuite

 2
f 2 (reiθ ) = r2 e2iθ − a2  = r4 − 2a2 r2 cos 2θ + a4 = g(r2 ),

avec g(t) = t2 − 2a2 t cos 2θ + a4 . La fonction g est convexe car g

= 2 ou simplement
parce qu’elle correspond à une parabole tournée vers le bas ! Soit alors z = reiθ ∈ G
et λ ∈ [0, 1]. On a puisque g est convexe :
 
f 2 (λz) = g(λ2 r2 )  λ2 g(r2 ) + (1 − λ2 )g(0)  max g(r2 ), g(0)
 
= max f 2 (z), a4 < R4

puisque z ∈ G et puisque a < R. On voit donc que λz ∈ G, qui est connexe comme le
√ Mais G, ou même G, ne sont pas convexes en général.
sont tous les ensembles étoilés.
Par exemple, si a < R < a 2 et si R
= R + ε3 avec ε > 0, en posant
  u+v 
u = i R
2 − a2 + ε, v = i R
2 − a2 − ε, w = = i R
2 − a2
2

on a w  G car |w2 − a2 | = R
2 > R2 , mais pourtant

 
u2 − a2 = − R
2 − ε2 − 2iε R
2 − a2 = − R2 − ε2 − 2iε R2 − a2 + O(ε3 ) ,

|u2 − a2 |2 = (R2 − ε2 )2 + 4ε2 (R2 − a2 ) + O(ε3 )

et finalement

|u2 − a2 |2 = |v2 − a2 |2 = R4 + 2ε2 (R2 − 2a2 ) + O(ε3 ),

d’où u, v ∈ G pour ε > 0 petit.


b) si y ∈ R, on a |(iy)2 − a2 | = | − y2 − a2 | = y2 + a2  a2  R2 , donc iy  G. Et si

G+ = {z ∈ G; z > 0} et G− = {z ∈ G; z < 0},

on a a ∈ G+ et −a ∈ G− , donc G+ et G− sont ouverts non-vides disjoints de réunion G,


qui n’est pas connexe. Ses deux composantes connexes sont G+ et G− . Par exemple,
si Δ est le disque ouvert D(a2 , R2 ), Δ est connexe et on a G+ = h−1 (Δ) où h : Δ → G+
défini par h(z) = z2 est un homéomorphisme.

166
Corrigés

y
y

w
v u
i R 2 − a2

−a 0 a x x
−a 0 a
−i R 2 − a 2

Cas où a < R Cas où a = R


y

x
−a 0 a

Cas où a > R

4.13 a) Supposons que l’ouvert ω =]a, b[ ∩ F c est non vide ; soit ]u, v[ une de ses
composantes connexes ; on sait que u, v  ω, donc u, v ∈ F ; par hypothèse, il existe
w ∈]u, v[ tel que w ∈ F ; ceci est absurde car ]u, v[ ⊂ F c ; autrement dit ω = ∅ et
]a, b[ ⊂ F dès que a, b ∈ F, ce qui montre que F est un intervalle, fermé puisque F
l’est.
b) f étant continue, F = f −1 ({0}) est fermé ; si a, b ∈ F et a < b, il existe c ∈]a, b[
tel que f
(c) = 0 ; alors f (c) = f (c)(1 − f
(c)) = 0 et c ∈ F ; d’après a), F est ∅ ou un
intervalle fermé [u, v] avec 0  u  v  1.
Si F = ∅, f
≡ 1 ; si F = [u, v], f
= 1 sur [u, v]c et f
= 0 sur ]u, v[ ; f
ayant la
propriété de la valeur intermédiaire (théorème de Darboux), il n’y a que deux possi-
bilités : ou bien ]u, v[= ∅ ; alors u = v, f (x) = x − u pour tout x, et de nouveau f
≡ 1 ;
ou bien [u, v]c = ∅ ; alors F = [0, 1] et f ≡ 0.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

4.14 a) Il existe c ∈ C∗ tel que P(z) = c(z − z1 ) . . . (z − zn ) pour tout z ∈ C ; si


P
(z)
n
n
z  {z1 , . . . , zn }, on sait que P(z) = 1
z−zk ; donc P
(z) = 0 entraîne 1
z−zk = 0;
k=1 k=1
en conjuguant, puis en multipliant numérateur et dénominateur par z − zk , on a
n
z−zk
n
|z−z |2
= 0, soit encore λk (z)(z − zk ) = 0 avec λk (z) = |z−z1 |2 .
k k
k=1 k=1
b) Les λk (z) sont aussi inconnus que z, on sait seulement qu’ils sont > 0 ; de cette in-
formation en apparence infinitésimale, on va tirer un renseignement important sur z ;
posons pour abréger λk = λk (z), alors z = ΣλΣλk kzk ; donc z est un barycentre de points
du convexe K, i.e. z ∈ K ; si z est déjà un des zi , il n’y a rien à ajouter.

167
Chapitre 4 • Espaces connexes

4.15 a) Facile et laissé au lecteur.


b) (D(0, n))c est connexe dans Knc ; si ω coupe (D(0, n))c , ω ∪ (D(0, n))c est connexe
dans Knc , donc ω ∪ (D(0, n))c = ω et ω ⊃ (D(0, n))c , ce qui est exclu par le caractère
 
borné de ω ; il existe donc a  Ω tel que ω coupe D a, 1n , et cela implique de même
 1
D a, n ⊂ ω. En particulier, a ∈ ω.
c) Avec les notations de b), soit a ∈ Ωc ∩ ω, C la composante connexe de a dans Ωc ;
Ωc ⊂ Knc , donc C est un connexe de Knc rencontrant la composante connexe ω de Knc ,
ce qui implique C ⊂ ω. De plus, C est borné car ω est borné.
d) Ω étant borné, Ωc a une composante connexe non bornée C∞ ; si Knc n’est pas
connexe, il a au moins une composante connexe bornée ω ; d’après c), ω contient
une composante connexe bornée C0 de Ωc ; donc Ωc a au moins deux composantes
connexes C0 et C∞ , ce qui est absurde.

4.16* a) Posons P = Γ \ K, A0 = D, B0 = {|z| > 1}, A = A0 ∪ P, B = B0 ∪ P ; A0 ,


B0 sont connexes et A0 ⊂ A ⊂ A0 , B0 ⊂ B ⊂ B0 , donc A et B sont aussi connexes ;
A ∩ B = P  ∅, donc A ∪ B est connexe ; or A ∪ B = K c .
b) K c étant connexe, le théorème de Runge entraîne ϕa ∈ P(K) pour a  K, en parti-
culier ϕ0 ∈ P(K) ; P(K) étant une algèbre, on a aussi ϕ0j ∈ P(K) pour j ∈ N∗ ; comme
z z = 1 sur K, cela revient à dire que la fonction z → z j est dans P(K).
c) P(K) vérifie toutes les hypothèses du théorème de Stone-Weierstrass complexe, la
seule propriété non évidente étant : f ∈ P(K) entraîne f ∈ P(K). Soit donc f ∈ P(K),

(Pn ) une suite de polynômes telle que ||Pn − f ||C(K) → 0 ; Pn (z) = a j,n z j en-
j

traîne Pn (z) = a j,n z j , donc Pn ∈ P(K) d’après b) ; de plus ||Pn − f ||C(K) → 0,
j
donc f ∈ P(K). En conclusion, P(K) est fermée et dense dans C(K), c’est-à-dire
égale à C(K). Une solution plus élémentaire est la suivante : soit f ∈ C(K). Pro-
longeons f en F ∈ C(Γ) en appliquant le théorème de Tietze aux parties réelle et
imaginaire de f . Puis approchons F uniformément sur Γ par un polynôme trigono-
N
métrique S (z) = −N ak zk , ce qui est possible par le théorème de Fejér. En particulier,
f est proche de S sur K. Et la question b) précédente permet d’approcher z−1 , . . . z−N
uniformément sur K par des polynômes. Finalement, f s’approche uniformément sur
K par un polynôme.

4.17 a) On sait d’après le cours que ∂ω ⊂ K. D’après le principe du maximum, on


a aussi |Q(a)| = 1  supz∈∂ω |Q(z)|, d’où finalement

1 = |Q(a)|  sup |Q(z)|  sup |Q(z)| = QC(K) .


z∈∂ω z∈K

168
Corrigés

b) On a puisque Q = (z − a)(ϕa − P) :
1  QC(K)  z − aC(K) ϕa − PC(K)  Rϕa − PC(K) ,
ce qui donne le résultat demandé.

K = région hachurée

4.18 a) x ∈ E \ F équivaut à x = f + g avec f ∈ F, g ∈ G∗ ; puisque dim E < ∞,


( f , g) → f + g est un homéomorphisme de F × G∗ sur E \ F (mais dans tous les
cas E \ F est image continue de F × G∗ ) ; or si S est la sphère unité de G, S est
connexe d’après l’exemple 5 de II, et G∗ est homéomorphe à S ×]0, ∞[ par l’appli-
cation (u, r) → ru, (u ∈ S , r ∈]0, ∞[). E \ F est donc homéomorphe au produit de
connexes F × S ×]0, ∞[ (on a utilisé dim G  2 pour la connexité de S ).
b) F est un hyperplan, donc le noyau d’une forme linéaire non nulle f , et
E \ F = O1  O2 , où O1 = { f < 0}, O2 = { f > 0} ; O1 , O2 sont ouverts puisque
f est continue (dim E < ∞), convexes et donc connexes ; ce sont donc les deux com-
posantes connexes de E \ F d’après la proposition IV.2.

4.19 a) Si X = O1 O2 avec O1 , O2 ouverts non vides, soit a ∈ O1 et b ∈ O2 ;


b si x ∈ O1
f définie par f (x) = est continue sans point fixe.
a si x ∈ O2
b) Γ est connexe, mais si |λ| = 1 et λ  1, la rotation z → λz est une application
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

continue sans point fixe de Γ sur Γ.


c) Définissons g : Y → Y et h : Z → Z par les formules
 
f (y) si f (y) ∈ Y f (z) si f (z) ∈ Z
g(y) = et h(z) =
a si f (y)  Y a si f (z)  Z

 −1{a} = Y ∩ Z. g et h sont continues ; en effet, si F est un fermé de Y,


où on a posé
f (F) ∩ Y si a  F
g−1 (F) = −1 comme on le vérifie aisément grâce à l’hypo-
f (F ∪ Z) ∩ Y si a ∈ F
thèse Y ∩ Z = {a} ; idem pour h. D’après l’hypothèse, il existe y ∈ Y, z ∈ Z tels que
g(y) = y, h(z) = z. Distinguons deux cas.

169
Chapitre 4 • Espaces connexes

Cas 1. f (y) ∈ Y ou f (z) ∈ Z.


Dans le premier sous-cas, y est point fixe de f , dans le second z est point fixe de f .
Cas 2. f (y)  Y et f (z)  Z.
Alors y = a et f (a)  Y ; de même z = a et f (a)  Z ; ce cas ne peut donc pas se
produire.
d) Un segment a (PF) (théorème de Brouwer III.5) et la lettre X est réunion de
deux segments se coupant en un seul point, donc X a (PF).

4.20 ii) ⇒ i). Soit M = sup{|z|; z ∈ A} et C∞ la composante connexe non bor-


β p
née de Ac . Si |p| > M, p ∈ C∞ et γ p := |β pp | : A → Γ évite la valeur |p| ; en effet,
x− p p
= = eit avec x ∈ A entraînerait x = p + |x − p|eit = eit (|p| + |x − p|),
|x − p| |p|
d’où |x| = |p| + |x − p|  |p| > M, ce qui est absurde ; γ p possède donc un logarithme
continu et il en est de même pour β p = |β p | γ p ; si on pose β p = eϕ , F(x, t) = etϕ(x)
définit une homotopie de 1 vers β p ; un point quelconque q de C∞ est joignable à p
par un chemin dans C∞ , d’où βq  β p  0.
i) ⇒ ii). β p  0 et le théorème V.16 entraînent β p = eϕ , où ϕ : A → C est conti-
nue ; d’après le théorème de Tietze, ϕ possède une extension continue ϕ∗ : C → C et

β∗p := eϕ est une extension continue : C → C∗ de β p ; si maintenant p  C∞ , on a
p ∈ C, où C est une composante connexe bornée de Ac , et d’après la proposition V.22,
β p n’a pas d’extension continue (à valeurs dans C∗ ) à A ∪ C ; on voit donc que β p  0
implique p ∈ C∞ .

4.21 Soit x0 ∈ X et f : X → R+ définie par f (x) = d(x, x0 ) ; f (X) est un connexe


de R non réduit à un point, donc un intervalle [0, a) avec 0 < a  ∞ ; en particulier,
f (X) est non dénombrable ; a fortiori, X ne l’est pas.

4.22 a) i) On peut avoir Pa,b ∩ Pa


,b
= ∅ (par exemple P2,3 et P7,3 ) ; si Pa,b ∩
Pa
,b
 ∅, soit α le plus petit élément de leur intersection : α = a + n0 b =
a
+ n
0 b
; et soit β le ppcm de b et b
: β = λb = μb
; on a les trois points sui-
vants, qui montrent que Pa,b ∩ Pa
,b
= Pα,β ∈ Σ :
1) (α, β) = 1.
En effet, si p premier divisait α et β, il diviserait b ou b
, par exemple b et aussi
α − n0 b = a, ce qui contredirait (a, b) = 1.
2) Pα,β ⊂ Pa,b ∩ Pa
,b
.
En effet, si x = α + nβ, on a aussi x = a + (n0 + λn) b = a
+ (n
0 + μn) b
.
3) Pa,b ∩ Pa
,b
⊂ Pα,β .

170
Corrigés

En effet, si x = a + nb = a
+ n
b
, on a x − α = (n − n0 ) b = (n
− n
0 ) b
, donc x − α
est multiple de β : x − α = qβ, avec q ∈ N, puisque x est supérieur à α.
ii) Σ est stable par intersection et X = P1,1 ∈ Σ ; donc T est constituée (proposition-
définition I.2, chapitre II) des réunions de progressions arithmétiques de l’énoncé, et
une base de voisinages de a, des Pa,b où (a, b) = 1 ; si a  a
, soit b un nombre
premier > a + a
; alors Pa,b et Pa
,b sont des voisinages disjoints de a et a
respecti-
vement.
b) L’identité de Bézout fournit r0 , s0 ∈ Z tels que s0 v
− r0 v = 1 ; les nombres entiers
relatifs r = (u − u
) r0 et s = (u − u
) s0 vérifient sv
− rv = u − u
, soit u + rv = u
+ sv
;
ajoutant λvv
aux deux membres, il vient u + (r + λv
) v = u
+ (s + λv) v
=: xλ ; pour
λ ∈ N∗ assez grand, on a r + λv
et s + λv ∈ N∗ , d’où xλ ∈ Pu,v ∩ Pu
,v
.
c) Soit ϕ : X → Z continue et a, a
∈ X ; d’après a) ii), il existe des voisinages Pa,b et
Pa
,b
de a et a
sur lesquels ϕ est constante, soit ϕ = c sur Pa,b et ϕ = c
sur Pa
,b
; soit
aussi Pbb
,r =: P un voisinage de bb
sur lequel ϕ vaut la constante c1 ; r est premier
avec bb
, donc avec b et b
, ce qui, d’après b), entraîne P ∩ Pa,b  ∅, P ∩ Pa
,b
 ∅ ;
la première relation entraîne c1 = c, la seconde c1 = c
; d’où ϕ(a) = c = c
= ϕ(a
) ;
ϕ est donc constante et (X, T ) connexe ; il ne peut être métrisable d’après l’exercice
précédent, puisque X est dénombrable ; soit dit en passant il n’est pas non plus ré-
gulier (cf. chapitre II) puisqu’on démontre qu’un espace régulier à base dénombrable
d’ouverts (ici les Pa,b ) est métrisable (la preuve découle facilement de l’exercice 25,
chapitre II et du théorème d’Urysohn, chapitre III).
d) Soit f : X → C continue. Puisque f est continue et puisque X est connexe,
dénombrable, f (X) est connexe au plus dénombrable, donc réduit à un élément, cf.
Exercice IV.21. Autrement dit, f est constante ! A fortiori, elle est bornée.
e) Soit V =  + pZ. Puisque p est premier > , on a (p, ) = 1, donc V est un voisi-
nage ouvert de . Par définition d’une valeur d’adhérence, il existe des n  p tels que
n! ∈ V, soit :
n! =  + pq, q ∈ N∗ .
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Mais alors,  = n! − pq est divisible par p, ce qui est absurde. Cette contradiction
montre que (xn ) n’a aucune valeur d’adhérence. Ainsi, X n’est pas compact. Ce fait
découle aussi de la question c), puisque tout espace compact est normal, a fortiori
régulier.

4.23 a) Soit A > 0 tel que x − y  A =⇒  f (x)  x − 2y, puis soit
B = supx−yA  f (x) − y et R = max(A, B). Ce R répond à la question. En effet,
on voit que
1. x − y  A =⇒ gy (x)  B  R.
2. A < x − y  R =⇒ gy (x)   f (x) + y  x − 2y + y

171
Chapitre 4 • Espaces connexes

= x − y  x − y  R.
b) Soit y ∈ Rd . Résoudre l’équation g(x) = y équivaut à résoudre l’équation
gy (x) = x. Or, la question a) a montré l’existence d’une boule compacte B stable
par gy . D’après le théorème du point fixe de Brouwer (prouvé en détail dans ce cha-
pitre pour d = 2), gy admet un point fixe x dans B, et ce point fixe vérifie g(x) = y.
c) L’exemple d = 1, f (x) = 2 sin x montre qu’il n’en est rien en général. Ici,
g
(x) = 1 + 2 cos x change de signe et la fonction g(x) = x + f (x) ne risque pas
d’être monotone, et donc injective (rappelons qu’une injection continue de R dans
lui-même est toujours monotone).

4.24 a) Fixons a ∈ A ; il existe ra > 0 tel que D(a, 2ra ) ⊂ A et tel que le loga-
rithme de z ait une détermination holomorphe sur D(a, 2ra ), notée Log z (cf. [R1 ],
p. 274) ; sur D(a, 2ra ), |z|α | f (z)| est le module de la fonction holomorphe eα Log z f (z),
donc est une fonction sous-harmonique ; en particulier, pour 0  r  ra , gα (a) 
 2π
2π 0 gα (a + r e ) dθ, ce qui prouve que gα ∈ S h(A) ; il est clair que gα ∈ C(A), donc
1 iθ

gα ∈ S h(A).
b) Fixons z ∈ A, avec |z| = r ∈]r1 , r2 [ ; le principe du maximum pour gα donne
 
|gα (z)|  sup |gα | = max r1α M(r1 ), r2α M(r2 ) .
∂A

Laissant r fixe et faisant varier z, on obtient


 
rα M(r)  max r1α M(r1 ), r2α M(r2 ) .
M1
Log
On ajuste maintenant α pour avoir r1α M(r1 ) = r2α M(r2 ), ce qui donne α =
M2
Log
r2 ,
r1
où on pose M1 = M(r1 ), M2 = M(r2 ), M = M(r). On reporte dans l’inégalité
α Log r + Log M  α Log r1 + Log M1 pour obtenir
Log M1 − Log M2 r1
Log M  Log + Log M1
Log rr21 r
r2 r
Log r
Log r1
= r2 Log M1 + r2 Log M2 .
Log r1 Log r1
r2
Multipliant par Log r1 > 0 et prenant l’exponentielle, on obtient l’inégalité de
l’énoncé.

4.25 a) i) Soit w la fonction continue sur D(0, r), harmonique sur D(0, r), égale à
 
u sur C(0, r) (w existe d’après le théorème de Dirichlet) ; u − w ∈ S h D(0, r) , et
u − w = 0 sur C(0, r) ; le principe du maximum entraîne donc : u − w  0 sur D(0, r).

172
Corrigés

ii) Observons d’abord que w ◦ ϕ a un sens puisque |ϕ(z)|  |z| pour z ∈ D, d’après le
lemme de Schwarz, et puisqu’en particulier ϕ[D(0, r)] ⊂ D(0, r). Si w = R f , où f
est holomorphe sur D(0, r), w ◦ ϕ = R( f ◦ ϕ), et w ◦ ϕ est harmonique sur D(0, r),
continue sur D(0, r). Ensuite, posant pour abréger dm(θ) = 2π

, on a :
   2π

 iθ 

 
v(re )dm(θ) =

u ϕ(re ) dm(θ)  w ϕ(reiθ ) dm(θ)
0 0 0
 2π  2π
= w ◦ ϕ(0) = w(0) = w(re )dm(θ) =

u(reiθ )dm(θ).
0 0

b) i) On peut appliquer a) avec u = | f |2 , v = |g|2 ; l’identité de Parseval donne alors :


∞  2π
|bk | r
2 2k
= |g|2 (reiθ )dm(θ)
0 0
 2π 
∞ 

 | f |2 (reiθ )dm(θ) = |ak |2 r2k  |ak |2 .
0 0 0

Faisant tendre r vers 1, on obtient l’inégalité demandée.


ii) Voici le principe (cf. [Sh]) : l’espace H 2 = { f holomorphes sur D telles que



|ak |2 < ∞} est un espace de Hilbert pour la norme :  f 2 = |ak |2 ; pour n fixé, les
0 0
n
applications linéaires S n : H 2 → H 2 et Cϕ : H 2 → H 2 définies par S n ( f )(z) = ak zk
  0
et Cϕ ( f )(z) = f ϕ(z) = g(z) vérifient S n   1 (évident), et Cϕ   1 (d’après i)) ; or
on voit que S n (g) = S n Cϕ S n ( f ), à cause de l’hypothèse ϕ(0) = 0 ; d’où


n 
n
|bk |2 = S n (g)2  S n ( f )2 = |ak |2 .
0 0
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

4.26 a) C’est une vérification facile ; par exemple, si f0 ∈ G et d = minK | f |,


|| f −1 − f0−1 ||∞  d22 || f − f0 ||∞ , pour toute f ∈ G telle que || f − f0 ||∞  d
2, ce qui
montre la continuité de f →  f −1 en f0 .
b) Si f = eu et g = ev , f −1 = e−u et f g = eu+v , donc G0 est un sous-groupe de
G ; 1 − f  < 1 entraîne que | ff | évite la valeur −1 ∈ Γ, car f (x) = −| f (x)| implique
|1 − f (x)| = 1 + | f (x)|  1 ; | ff | admet donc un logarithme continu sur K ; il en est de
même pour f , ce qui montre que 1 est intérieur à G0 .
c) On sait alors (cf. exercice 19, chapitre II) que le sous-groupe G0 est ouvert-fermé
dans G ; mais G est connexe par arcs : en effet si f ∈ G, f est joignable à la constante

173
Chapitre 4 • Espaces connexes

f (0) = eα par le chemin t → ft , où ft (x) = f (tx) (on retrouve, sous-jacente, l’homo-


topie des applications) et la constante eα est elle-même joignable à la constante 1 par
le chemin t → etα ; il en résulte bien que G0 = G.
d) Soit C la composante connexe de 1 dans G ; C contient G0 car G0 est connexe par
arcs et contient 1 ; de plus G0 est toujours ouvert et fermé dans G, a fortiori dans C ;
C étant connexe, il en résulte que G0 = C.

4.27 Pour 0 < ε < 12 , soit K0 = K0 (ε) = {1 + ε  |z|  2 − ε} ; f −1 (K0 ) est un com-
pact de A, donc d( f −1 (K0 ), Ac ) = δ > 0 ; on voit alors que si z ∈ A et d(z, ∂ A) < δ,
z  f −1 (K0 ) ou encore f (z)  K0 , d’où d( f (z), ∂A) < ε.
b) f −1 (K) est un compact de A, donc est à une distance > 0 de Ac ; ainsi, pour ε assez
petit, Aε ∩ f −1 (K) = ∅ et f (Aε ) ∩ K = ∅.
c) f (Aε ) est connexe ; s’il rencontre int B = B et ext B = A \ B, il rencontre aussi K,
la frontière de B dans A (lemme de passage des douanes), ce qui est exclu par b) pour
0 < ε  ε0 .
d) Supposons par exemple f (Aε0 ) ⊂√B ; quand |z| tend vers 1, la distance de f (z) à ∂A
tend vers zéro, et de plus | f (z)| < 2 pour |z| < 1 + ε0 ; donc | f (z)| → 1 ; de même
f (Aε0 ) ⊂ A\ B entraîne | f (z)| → 2, et on a l’existence de  ; un raisonnement analogue
donne celle de 
; si  = 
, soit un = 1 + 2n 1
, vn = 2 − 2n
1
, z2n = f (un ), z2n+1 = f (vn ) ;
−1
|zn | tend vers , mais | f (zn )| a pour valeurs d’adhérence 1 et 2, ce qui contredit pour
l’homéomorphisme f −1 la propriété établie dans c) ; on a donc bien 
= 2 .
e) Une application holomorphe non constante est ouverte, donc f est un homéo-
morphisme de A sur A ; d’après d), on peut supposer que lim|z|→1 | f (z)| = 1 et
lim|z|→2 | f (z)| = 2 (sinon on considère 2f ). Soit u(z) = Log | f (z)| − Log |z| ; u est
harmonique sur A, continue sur A, nulle sur ∂A ; par le principe du maximum, u est
nulle sur A, d’où  f (z)
z
 = 1 ; il en résulte que f (z)
z = λ, où λ est une constante de
module 1 (dans l’autre cas, f (z) = λz, et f (z) = λ × 2z ).
2

Remarque. Le groupe G des bijections holomorphes de A sur A n’agit pas transi-


tivement sur A ; l’orbite de z0 ∈ A par G est la réunion des deux cercles C(0, |z0 |) et
 
C 0, |z20 | d’après ce qui précède. (Cf. aussi [R], chapitre 14).

4.28 a) Prolongeons à l’aide du théorème de Tietze ϕ en ϕ∗ : Rn → R continue et


posons ϕ0 = 0, ϕ1 = ϕ∗ |A1 ; ϕ0 et ϕ1 répondent à la question.
b) f est correctement définie ; en effet si x ∈ A0 ∩ A1 , ϕ1 (x) − ϕ0 (x) ∈ Z et donc
e2iπϕ0 (x) = e2iπϕ1 (x) . f |A j est continue et les A j sont fermés, donc f est une application
continue : Rn → Γ, et l’existence de g vient du théorème V.17.

174
Corrigés

c) Les A j étant connexes, il existe n0 , n1 ∈ Z tels que g − ϕ0 = n0 sur A0 et g − ϕ1 = n1


sur A1 , d’où ϕ = ϕ1 − ϕ0 = n0 − n1 sur A0 ∩ A1 , ce qui montre que A0 ∩ A1 est connexe.
d) Soit V une partie de l’axe imaginaire iR, soit A0 = {Rz  0}, A1 = {Rz < 0} ∪ V.
A0 , A1 sont connexes de réunion R2 , mais A0 ∩ A1 = V n’a aucune raison d’être
connexe.
 
4.29 a) Puisque γ(s) − δ(t) = γ1 (s) − δ1 (t), γ2 (s) − δ2 (t) , on a par construction
 f (s, t) = γ(s)−δ(t)
γ(s)−δ(t) = 1, et en particulier

f (K) ⊂ ∂K ⊂ K.
L’existence de (s0 , t0 ) vient alors du théorème du point fixe de Brouwer.
b) On a (s0 , t0 ) = f (s0 , t0 ) ∈ ∂K, donc s0 = ±1 ou t0 = ±1.
c) Posons ρ = γ(s0 ) − δ(t0 ) > 0. Nous avons le système d’équations :


⎨ −γ1 (s0 ) + δ1 (t0 ) = s0 ρ



⎩ −δ2 (t0 ) + γ2 (s0 ) = t0 ρ

Rappelons-nous que γ(s) et δ(t) ∈ [a, b] × [c, d] et distinguons 4 cas.


1. s0 = 1 . Alors on a la contradiction
ρ = −γ1 (1) + δ1 (t0 ) = −b + δ1 (t0 )  0.
2. s0 = −1. Alors, on a la contradiction
ρ = γ1 (−1) − δ1 (t0 ) = a − δ1 (t0 )  0.
3. t0 = 1. Alors, on a la contradiction
ρ = −δ2 (1) + γ2 (s0 ) = −d + γ2 (s0 )  0.
4. t0 = −1. Alors, on a la contradiction
ρ = δ2 (−1) − γ2 (s0 ) = c − γ2 (s0 )  0.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Nous avons prouvé par l’absurde qu’il existe un couple (s, t) de valeurs tel que
γ(s) = δ(t), autrement dit les courbes γ et δ se croisent.
δ (1)
δ

γ (−1) γ γ (1)

δ (−1)
Rectangle R

175
Chapitre 4 • Espaces connexes

4.30* a) ω1 ∩ω2 = (ω1 ∪∂ω1 )∩ω2 = (ω1 ∪∂ω2 )∩ω2 = (ω1 ∩ω2 )∪(∂ω2 ∩ω2 ) = ω1 ,
donc ω1 est ouvert-fermé dans ω2 et ω1 = ω2 .
b) Si z = x + iy alors Im f (z) = ex sin y + y > 0.
c) g
(t) = Im[(v − u) e−iθ f
((1 − t) u + tv)] = r Im[ f
((1 − t) u + tv)] > 0 pour
t ∈ [0, 1[ ; en effet t ∈ [0, 1[ entraîne (1 − t) u + tv ∈ A et Im f
(z) = ex sin y > 0
1
si z ∈ A. Donc g(1) − g(0) = 0 g
(t) dt > 0 ; en particulier g(1)  g(0), soit
Im(e−iθ f (v))  Im(e−iθ f (u)) ; a fortiori, f (u)  f (v).
d) f (∂A) = f (R) ∪ f (R + iπ) ; f (R) = {ex + x; x ∈ R} = R ; f (R + iπ) =
{x − ex + iπ} =] − ∞, −1] + iπ. En effet, x − ex croît de −∞ à −1 quand x croît de −∞ à
0, puis décroît de −1 à −∞ ; on a donc bien f (∂A) = ∂B ; d’autre part il résulte de c)
que f (A) ∩ f (∂A) = ∅ et de b) que f (A) ⊂ H ; on a donc f (A) ⊂ H \ ∂B = B.
e) Si Rz  0, | f (z)|  |z| − 1 et si Rz > 0, | f (z)|  eRz − |z|  e|z|−π − |z| ; donc
| f (z)|  min(|z| − 1, e|z|−π − |z|) et le second membre tend vers +∞ quand |z| → +∞ et
z ∈ A. Il en résulte que
f (A) = f (A) . (∗)
En effet, l’inclusion f (A) ⊂ f (A) est vraie pour toute fonction continue ; réciproque-
ment, soit w ∈ f (A) et (zn ) une suite dans A telle que f (zn ) → w ; (zn ) ne peut tendre
vers ∞ d’après ce qui précède ; donc (zn ) contient une sous-suite bornée, puis une
sous-suite (znk ) convergeant vers z ∈ A ; f (znk ) tend vers f (z) et vers w, ce qui donne
w = f (z) ∈ f (A) et prouve (∗). L’égalité demandée devient facile à l’aide du c) ; il
vient en effet
∂ f (A) = f (A) \ f (A) = f (A) \ f (A) = f (A \ A) = f (∂A) .

f) f
(z) = ez + 1  0 pour tout z ∈ A ; d’après le théorème d’inversion locale (ou
simplement d’après le fait que f est holomorphe non constante sur C ; voir [Ca] ou
[R]), f est ouverte, en particulier f (A) est ouvert dans B ; de plus, ce qui précède
montre que ∂ f (A) = f (∂A) = ∂B ; B est connexe (il est étoilé par rapport à iπ), donc
a) entraîne f (A) = B ; le reste est évident.

4.31 a) K est contenu dans une boule fermée B(0, R), dont le complémentaire D
est connexe ; en effet, D est homéomorphe à S ×]R, ∞[, où S est la sphère unité de E,
connexe puisque dim E  2. Une des composantes connexes de K c contient donc D ;
si K c n’est pas connexe, il y a au moins une autre composante, contenue dans B(0, R)
et donc bornée.
b) Soit y ∈ S (a, R) ; la demi-droite Δ d’origine a et passant par y est connexe ; si elle
ne rencontre pas K, elle est contenue dans la composante connexe non bornée de K c ,
ce qui est absurde puisque a ∈ C, composante connexe bornée ; donc il existe t  0
tel que x = a + t(y − a) ∈ K ; et p(x) = a + Rt(y−a)
Rt = y.

176
Corrigés

c) S (a, R) = p(K), donc S (a, R) est compacte ; d’après le théorème de F. Riesz, E est
de dimension finie. (Cf. [QZ], chapitre VII).
d) C’est la contraposée de ce qui précède !

4.32 a) Si a ∈ p(F1 ) ∩ p(F2 ), Ia est la réunion des deux fermés non vides disjoints
(F1 )a et (F2 )a , où (F j )a = {y; (a, y) ∈ F j }, j = 1, 2 ; cela contredit la connexité de Ia ;
d’autre part, F1 et F2 sont compacts car fermés dans A, lui-même fermé dans [0, 1]2 ;
il en résulte que les p(F j ) sont compacts, a fortiori fermés dans [0, 1] ; l’hypothèse
I x  ∅ pour tout x entraîne [0, 1] = p(F1 )  p(F2 ) ; [0, 1] étant connexe, on a par
exemple p(F1 ) = ∅, d’où F1 = ∅.
b) Soit f : A → R définie par f (x, y) = x − y ; soit y0 ∈ I0 , y1 ∈ I1 ;
f (0, y0 ) = −y0  0, et f (1, y1 ) = 1 − y1  0 ; f prend donc des valeurs négatives et
positives sur A ; d’après le théorème de la valeur intermédiaire, qui s’applique car A
est connexe et f continue, il existe (x, y) ∈ A tel que f (x, y) = x − y = 0 ; (x, x) ∈ A,
et x ∈ I x .
Remarque. Voici une solution plus fonctionnelle : soit f : A → Z continue ; chaque
I x est connexe, donc il existe c(x) ∈ Z tel que f (x, y) = c(x), ∀(x, y) ∈ A. De plus,
c est continue sur [0, 1]. Car soit xn → x et, pour chaque n, yn ∈ [0, 1] tel que
(xn , yn ) ∈ A. Il existe une sous-suite (ynk ) de limite y ∈ [0, 1], et A est fermé, donc
(x, y) = lim(xnk , ynk ) ∈ A. Alors :
c(x) = f (x, y) = lim f (xnk , ynk ) = lim c(xnk )
k→∞ k→∞

ce qui implique la continuité de c (cf. chap. 2, Prop. IV.8) sur [0, 1]. Mais [0, 1]
est connexe ; il existe donc γ ∈ Z tel que c(x) = γ ∀x ∈ [0, 1] ; finalement,
f (x, y) = γ ∀(x, y) ∈ A, et A est connexe.

4.33 Le seul point non trivial est la connexité de A ; supposons A = F1  F2 , où les


Fi sont fermés dans A ; les Fi sont compacts dans X séparé, on peut donc trouver des
ouverts disjoints ω1 et ω2 de X avec F1 ⊂ ω1 et F2 ⊂ ω2 ; il existe un entier n tel que
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

An ⊂ ω1  ω2 (cf. aussi chap. 3, ex. 5) ; An étant connexe, on a par exemple An ⊂ ω1 ,


d’où A ⊂ F1 et F2 = ∅.

4.34 a)
1. L’identité de E est dans W. Si g ∈ W, on a puisque g(a) = a :

g(m) − m  g(m) − g(a) + a − m = 2a − m et λ  2a − m.

2. L’égalité g̃(a) = a découle du diagramme :


g σ g−1 σ−1
a → a → b → b → a.

177
Chapitre 4 • Espaces connexes

De même, g̃(b) = b, et donc g̃ ∈ W. De plus, les trois relations évidentes

σ = σ−1 , σ(m) = m et σ(x) − x = 2x − m

nous donnent :

g̃(m) − m = g−1 σ−1 g(m) − m = σg(m) − g(m) = 2g(m) − m.

3. On a aussi bien g(m) − m = 12 g̃(m) − m  λ2 , puis λ  λ


2 et λ = 0. Autrement
dit : g(m) = m, ∀g ∈ W.
b) La relation g(a) = a découle du diagramme :

f τ f −1 σ−1
a → f (a) → f (b) → b → a.

De même, g(b) = b, ce qui implique σ−1 f −1 τ f (m) = m d’après b), soit :



a+b f (a) + f (b)
τ f (m) = f σ(m) = f (m), puis f = .
2 2

c) C’est une conséquence classique et facile de la conservation du milieu donnée par


b), puisque f est continue.
d) On a  f (x) = x pour tout x ∈ E, donc f (S r ) ⊂ Σr . Mais f (S r ) est homéomorphe
à S r qui sépare E ∼ Rn , donc par le théorème de l’invariance du domaine f (S r ) sé-
pare F ∼ Rn . On peut supposer n  2. Cela implique f (S r ) = Σr car une partie propre
P de Σr ne sépare pas F. Soit en effet

I = {y ∈ F; y < 1}, E = {y ∈ F; y > 1}, Q = Σr \P.

Notons que E est connexe car n  2, donc Σr est connexe, et E est image continue de
Σr ×]r, ∞[ par l’application continue (u, ρ) → ρu. I est connexe car convexe. Enfin

I ⊂ I ∪ Q ⊂ I, E ⊂ E ∪ Q ⊂ E

donc I ∪ Q et E ∪ Q sont connexes, ainsi que leur réunion F\P ; ils ont en effet une in-
tersection non-vide Q. La surjectivité de f en résulte quand f (0) = 0 et le cas général
s’en déduit par translation.

178
E SPACES MÉTRIQUES
COMPLETS
5
I D ÉFINITION ; PREMIÈRES PROPRIÉTÉS
Vers les années 1930 apparaît un lemme dans un article fondateur de Riesz et Fischer :
dans certains espaces métriques, pour savoir si une suite (xn ) converge, il n’est pas
nécessaire de connaître sa limite, il suffit de savoir que deux termes de la suite se
rapprochent quand leurs indices deviennent grands : x p devient proche de xq quand
p, q se rapprochent de l’infini. Ce lemme s’est révélé d’une telle importance et utilité
qu’on en a fait une définition : une suite à éléments rapprochés s’appelle une suite de
Cauchy ; un espace dans lequel les suites de Cauchy convergent s’appelle un espace
complet.
On peut ainsi définir beaucoup d’objets nouveaux (fonctions, courbes, ensembles,
etc.) en mathématiques, par exemple : les nombres p-adiques ; ou encore des courbes
fractales comme les courbes de Péano ou de von Koch ; ou aussi des ensembles de
type Cantor, tous homéomorphes, mais dont les propriétés métriques peuvent être très
différentes. Sans parler de choses plus basiques, comme les séries absolument conver-
gentes, qui permettent par exemple de définir l’exponentielle (voire l’exponentielle
d’un opérateur). Enfin, les espaces métriques complets sont omniprésents puisque
tout espace métrique peut se plonger de façon dense dans un espace métrique com-
plet, comme les rationnels se plongent√dans les réels. Et il serait très appauvrissant
d’ignorer ces nombres réels : comme 2, la diagonale du carré unité ; ou le toujours
mystérieux nombre π, la circonférence du cercle unité...
Venons-en à une exposition détaillée de ces nouvelles notions. Dans tout ce cha-
pitre, (X, d) désigne un espace métrique muni de la topologie associée à d.

I.1 Suites de Cauchy


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Définition I.1. Une suite (xn ) dans (X, d) est dite de Cauchy si

(∀ ε > 0)(∃ n0 = n0 (ε))(∀ p, q  n0 ) : d(x p , xq )  ε . (I.1)

Une suite convergente est de Cauchy, mais la réciproque n’est pas toujours vraie.

Définition I.2. (X, d) est dit complet si toute suite de Cauchy de (X, d) converge
vers un élément de X.

179
Chapitre 5 • Espaces métriques complets

(R, | |) est complet ; mais si d(x, y) = | Arctg x − Arctg y|, (R, d) n’est pas complet
bien que d soit topologiquement équivalente à | | ; en effet, la suite des entiers naturels
est de Cauchy pour d puisque :
 
 π π 
d(p, q) = | Arctg p − Arctg q| →  −  = 0,
2 2

quand p et q → ∞ ; mais la suite ne converge pas dans (R, d), sinon elle convergerait
dans (R, | |), ce qui n’est pas le cas.
La proposition suivante a le mérite de faire intervenir un seul indice au lieu des
deux indices p, q de la définition I.1.

Proposition I.3. Soit (εk )k1 une série convergente de réels > 0.

a) Si d(xk+1 , xk )  εk pour tout k, (xn ) est de Cauchy.


b) Si (xn ) est de Cauchy, il existe une suite extraite (yk ) = (xnk ) telle que :

d(yk+1 , yk )  εk

pour tout k.
c) (xn ) est de Cauchy si et seulement si d(xnk+1 , xnk ) → 0 pour toute suite croissante
(nk ) d’entiers.

Démonstration. a) q > p entraîne :


q−1 
q−1 

d(x p , xq )  d(xk , xk+1 )  εk  εk .
k=p k=p k=p

(xn = log n montre que d(xn+1 , xn ) → 0 ne suffit pas à impliquer (xn ) de Cauchy).
b) Soit n1 tel que d(x p , xq )  ε1 si p, q  n1 ; on définit ensuite par récurrence nk+1
comme le plus petit des entiers > nk tels que d(x p , xq )  εk+1 si p, q  nk+1 ; la suite
(xnk ) répond à la question.
c) Si (xn ) n’est pas de Cauchy, on peut trouver ε > 0 tel que, pour tout n, it existe
q > n tel que d(xq , xn ) > ε (en effet, l’inégalité triangulaire montre que, dans la defi-
nition (I.1), on peut prendre le plus petit indice égal à n0 ) ; cela permet de construire
par récurrence une suite n1 < · · · < nk < · · · d’entiers telle que d(xnk+1 , xnk ) > ε pour
tout k ce qui contredit l’hypothèse. ❑

180
I. Définition ; premières propriétés

I.2 Fermés emboîtés


Voici une reformulation simple et utile de la complétude.

Proposition I.4. On a équivalence entre :


a) (X, d) est complet.
b) Toute suite décroissante de fermés non vides Fn dont le diamètre tend vers zéro a
une intersection non vide (donc réduite à un point).

Démonstration. a) ⇒ b). Choisissons un point xn dans chaque Fn ; si q > p, x p , xq ∈


F p et d(x p , xq )  diam F p ; la suite (xn ) est donc de Cauchy, soit x sa limite ; pour tout
p, x est aussi la limite de (yn ) = (xn+p ) qui est une suite dans F p ; donc x ∈ F p = F p ,

et ∩ F p contient x.
1
b) ⇒ a). Si (xn ) est de Cauchy dans X, soit An = {xn , xn+1 , . . .} et Fn = An ; diam Fn =
diam An tend vers zéro par l’hypothèse sur (xn ), l’intersection des Fn contient donc
un point x tel que d(x, xn )  diam Fn , et xn tend vers x. ❑

I.3 Critère de Cauchy pour un filtre ; applications


La notion d’espace métrique complet se révèle d’une grande importance en Analyse
(séries et intégrales absolument convergentes, séries de Dirichlet et transformées de
Laplace, etc., cf. [QZ]) mais il est d’abord souhaitable d’étendre aux filtres la notion
de suite de Cauchy.

Définition I.5. Soit (E, J ) un ensemble muni d’un filtre, (X, d) un espace mé-
trique, ϕ une application de E dans X. On dit que ϕ est de Cauchy suivant le filtre
J si
(∀ ε > 0)(∃ F ∈ J )(∀ u, v ∈ F) : d(ϕ(u), ϕ(v))  ε . (I.2)
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

De façon équivalente

(∀ ε > 0)(∃ F ∈ J ) : diam ϕ(F)  ε . (I.2


)

Une suite (xn ) est donc de Cauchy si l’application n → xn est de Cauchy suivant
le filtre des complémentaires des parties finies.

Théorème I.6. Si (X, d) est complet et ϕ de Cauchy suivant J , ϕ possède une


limite suivant J .

181
Chapitre 5 • Espaces métriques complets

Démonstration. Pour tout entier n  1, il existe An ∈ J tel que diam ϕ(An )  1n , et


on peut supposer (An ) décroissante, quitte à remplacer An par A1 ∩ . . . ∩ An ∈ J ;
posons Fn = ϕ(An ) ; d’après la proposition I.4, l’intersection des Fn contient un point
x et ϕ tend vers x suivant J : soit en effet ε > 0 et p  ε−1 ; on voit que pour u ∈ A p ,
d(x, ϕ(u))  diam F p  1p  ε. ❑

Voici trois applications typiques.


Application 1. Toute série absolument convergente dans C est convergente. Suppo-


sons en effet |zn | < ∞ et posons S n = z1 + . . . + zn ; la suite (S n ) est de Cauchy
1
dans C d’après la proposition I.3, puisque |S k+1 − S k | = |zk+1 | ; elle converge donc
vers S ∈ C, autrement dit la série de terme général zn converge avec pour somme S .
+
∞  sur R est convergente. Sup-
Application 2. Toute intégrale absolument convergente
x
posons en effet 0 | f (t)| dt < ∞ et posons F(x) = 0 f (t) dt ; la fonction F vérifie
le critère de Cauchy pour le filtre des complémentaires des compacts de R+ , puisque
y > x entraîne :
 y   y  ∞
|F(y) − F(x)| =  
f (t) dt  | f (t)| dt  | f (t)| dt ;
x x x
∞
F a donc une limite I quand x → ∞, autrement dit 0
f (t) dt converge avec pour
valeur I.
Application 3. Toute f ∈ C 1 (]0, 1]) avec une dérivée bornée a une limite quand
>
x → 0. Car l’inégalité des accroissements finis donne | f (x) − f (y)|  M|x − y|, où
! "
M = sup | f
(u)|; 0 < u  1 , et f vérifie donc le critère de Cauchy.

I.4 Parties complètes d’un espace métrique complet ;


applications
Voici une proposition qui rappelle le cas des espaces compacts.

Proposition I.7. Soit A une partie d’un espace métrique complet (X, d). On a équi-
valence entre :
a) A fermé ;
b) (A, d) complet.

Démonstration. a) ⇒ b). Soit (xn ) une suite de Cauchy dans A ; (xn ) est aussi de
Cauchy dans X, donc converge vers x ∈ X ; d’autre part x ∈ A, donc x ∈ A, ce qui
montre que (A, d) est complet.

182
I. Définition ; premières propriétés

b) ⇒ a). Soit x ∈ A, (xn ) une suite de points de A tendant vers x ; cette suite est de
Cauchy dans A, donc converge vers a ∈ A ; il en résulte que x = a ∈ A, et A est fermé
(même si X n’est pas complet). ❑

Voici là aussi deux applications typiques.


Application 1. Un sous-espace de dimension finie E d’un espace normé X est fermé.
En effet, toutes les normes sur E sont équivalentes, donc E muni de la norme induite
par X est complet, partant fermé dans X.
Application 2. Toute application f : X → Y continue et dissipative est fermée,
quand X, Y sont deux espaces métriques avec X complet.
Rappelons que f est dissipative s’il existe α > 0 tel que :

d[ f (u), f (v)]  α d(u, v)

pour tous u, v ∈ X ; il suffit (pourquoi ?) de montrer que f (X) est complet ; or si


(yn ) = ( f (xn )) est de Cauchy, on a d’après l’hypothèse d(x p , xq )  α−1 d(y p , yq ), ce
qui montre que (xn ) est de Cauchy dans X, donc tend vers x ∈ X ; f étant continue,
(yn ) tend vers f (x).
Voici une application fondamentale de la complétude, utile notamment en Analyse
fonctionnelle.

Théorème I.8 (théorème de prolongement). Soit A une partie dense d’un es-
pace métrique X, Y un espace métrique complet, f : A → Y uniformément continue.
Alors
a) il existe une unique application continue g : X → Y, prolongeant f .
b) g est uniformément continue.

Démonstration. Si g1 , g2 sont deux prolongements possibles, g1 = g2 sur A, donc


g1 = g2 sur A = X ; seule l’existence de g reste à prouver.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Fixons x ∈ X, et désignons par J la famille des parties V ∩ A, où V parcourt


les voisinages de x ; J est un filtre car x ∈ A ; f est de Cauchy suivant ce filtre ;
 
soit en effet ε > 0, δ = ω( f , ε) et F = B x, 2δ ∩ A ; F ∈ J et u, v ∈ F implique
d(u, v)  δ, par suite d[ f (u), f (v)]  ε ; d’après le théorème I.6 (applicable puisque
l’espace d’arrivée Y est complet), f possède une limite g(x) suivant le filtre J :

g(x) = lim
a→x
f (a) .
a∈A

En d’autres termes :

(∀ ε > 0)(∃ hx > 0) ; d(a, x)  hx ⇒ d[ f (a), g(x)]  ε .

183
Chapitre 5 • Espaces métriques complets

Si x ∈ A, on peut prendre a = x, ce qui donne d[ f (x), g(x)]  ε pour tout ε > 0,


i.e. g(x) = f (x) ; g est donc un prolongement de f . Soit maintenant x, x
∈ X avec
 
d(x, x
)  3δ ; choisissons a, a
∈ A tels que d(a, x)  min hx , 3δ et d(a
, x
) 
 
min hx
, 3δ ; on voit que
d(a, a
)  δ . (I.3)
δ
En effet, d(a, a
)  d(a, x) + d(x, x
) + d(x
, a
)  3 × 3 = δ.

d[g(x), g(x
)]  3ε . (I.4)

En effet, d[g(x), g(x


)]  d[g(x), f (a)] + d[ f (a), f (a
)] + d[ f (a
), g(x
)] et via (I.3)
chaque terme du membre de droite est  ε. (I.4) assure la continuité uniforme de g,
en particulier sa continuité. ❑

Les deux paragraphes qui suivent sont respectivement consacrés à deux des pro-
priétés les plus importantes des espaces métriques complets : le théorème du point
fixe de Picard et le théorème de Baire.

II T HÉORÈME DU POINT FIXE DE P ICARD


II.1 Le théorème pour une contraction ; vitesse
de convergence

Définition II.1. Soit X, Y deux espaces métriques et k ∈ [0, 1[ ; f : X → Y est


dite k−contractante (ou une k− contraction) si

d[ f (u), f (v)]  k d(u, v) , ∀ u, v ∈ X . (II.1)

On dit aussi que f est contractante s’il existe k ∈ [0, 1[ vérifiant (II.1).

Théorème II.2 (théorème de Picard). Soit f une application k-contractante


d’un espace métrique complet X dans lui-même. Alors :
a) f possède un point fixe et un seul a.
b) Pour tout x0 ∈ X, (xn ) définie par x0 et xn+1 = f (xn ) converge vers a ; de plus :

kn
d(xn , a)  d(x1 , x0 ). (II.2)
1−k

Démonstration. a) f (u) = u et f (v) = v entraînent d(u, v) = d( f (u), f (v))  k d(u, v),


d’où (1 − k) d(u, v) = 0 ; or 1 − k > 0, donc d(u, v) = 0 et u = v ; f a donc au plus un
point fixe ; on va voir dans b) qu’elle en a bien un.

184
II. Théorème du point fixe de Picard

b) L’hypothèse et une récurrence donnent

d(xn+1 , xn )  kn d(x1 , x0 ) . (II.3)

La série géométrique (kn ) converge, donc la proposition I.3 montre que (xn ) est de
Cauchy dans X complet, et converge vers a ∈ X ; f étant continue d’après (II.1), le
passage à la limite dans xn+1 = f (xn ) donne a = f (a) ; enfin, l’inégalité triangulaire
donne à partir de (II.3)


p−1 

kn
d(xn , x p )  d(x j , x j+1 )  k j d(x1 , x0 ) = d(x1 , x0 ) ,
j=n j=n
1−k

et (II.2) s’ensuit en faisant tendre p vers +∞. ❑

Remarque II.3. La précision (II.2), qui indique une certaine vitesse de convergence
de xn vers a, est un point de départ utile en Analyse numérique, où de nombreuses
accélérations sont « pratiquées » sur (xn ).

Remarque II.4. Les trois hypothèses du théorème sont essentielles ; ainsi


i) f (x) = 2x est une 12 −contraction de X =]0, 1] dans lui-même, mais n’a pas de
point fixe dans X (X n’est pas complet).

ii) f (x) = x2 + 1 est une application de R dans R telle que :

| f (u) − f (v)| < |u − v|

si u  v, mais n’a pas de point fixe dans R ( f n’est pas contractante).


iii) f (x) = 2x + 1 est 12 −contractante sur X = [0, 1], mais n’a pas de point fixe dans X
( f n’envoie pas X dans lui-même).
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

II.2 Cas où une itérée est contractante et cas


d’un paramètre
Dans les applications du théorème de Picard (équations différentielles par exemple),
il faut parfois accepter d’itérer f un certain nombre de fois avant de tomber sur une
contraction, mais cela n’est pas un inconvénient, comme le montre le théorème sui-
vant.

Théorème II.5 (Picard bis). Soit (X, d) un espace métrique complet, et f : X → X


ayant une itérée f p contractante. Alors
a) f possède un point fixe et un seul a.

185
Chapitre 5 • Espaces métriques complets

b) Pour tout x0 ∈ X, (xn ) définie par x0 et xn+1 = f (xn ) converge vers a.

Démonstration. a) On peut appliquer le théorème II.2 à g = f p qui commute avec


f (puisque g ◦ f = f ◦ g = f p+1 ) ; soit donc a l’unique point fixe de g ; l’égalité
g( f (a)) = f (g(a)) = f (a) montre que f (a) est aussi point fixe de g, d’où f (a) = a ;
maintenant, si b est un point fixe de f , g(b) = b et b = a.
b) Fixons r ∈ [0, p − 1] ; d’après le théorème II.2, la suite définie par y0 = f r (x0 )
et yn+1 = g(yn ) converge vers a, autrement dit la suite (xnp+r ) converge vers a ; ceci
ayant lieu pour r = 0, . . . , p − 1, la division euclidienne par p montre que la suite (xn )
tout entière converge vers a. ❑

Dans d’autres applications (théorème des fonctions implicites par exemple), il


est également utile d’accepter que f dépende continûment d’un paramètre, et on a
l’énoncé suivant :

Théorème II.5.bis (Picard avec paramètre). Soit (X, d) un espace métrique


complet, Y un espace topologique, et f : X × Y → X continue et uniformément
contractante en x, au sens où il existe k ∈ [0, 1[ tel que
d[ f (x, y), f (x
, y)]  kd(x, x
)
pour tous x, x
∈ X et tout y ∈ Y.
Alors, pour tout y ∈ Y fixé, l’équation f (x, y) =: fy (x) = x possède une solution et
une seule x = ϕ(y). Et l’application ϕ : Y → X est continue.

Démonstration. Seule la continuité de ϕ est à prouver ; soit y0 ∈ Y, x0 = ϕ(y0 ), et


ε > 0. f étant continue en (x0 , y0 ), on peut trouver un voisinage V de y0 tel que :
y ∈ V =⇒ d[ f (x0 , y), f (x0 , y0 )]  ε (∗)
Si y ∈ V, on a donc, en posant x = ϕ(y) :
d[ϕ(y), ϕ(y0 )] = d[ f (x, y), f (x0 , y0 )] d[ f (x, y), f (x0 , y)]
+d[ f (x0 , y), f (x0 , y0 )]  kd(x, x0 ) + ε,
ε
d’où d[ϕ(y), ϕ(y0 )]  , ce qui achève la preuve. On semble avoir utilisé seule-
1−k
ment la continuité partielle de f par rapport à y, mais c’est une illusion d’optique :
f étant déjà uniformément lipschitzienne en x, (∗) suffit à impliquer la continuité
globale de f . ❑

Remarque II.6. f n’est pas en général continue sous les hypothèses du théo-
rème II.5 : par exemple f = 1]0,1[ : R → R est discontinue, mais f ◦ f = 0 et
l’unique point fixe de f est zéro.

186
II. Théorème du point fixe de Picard

II.3 Exemples d’applications aux équations numériques


ou fonctionnelles
Exemple 1. Soit ϕ : [0, 1] → [0, 1] continue non identique à 1 et soit α ∈ R ; alors il
existe une unique f ∈ C 1 ([0, 1], R) vérifiant l’équation fonctionnelle

f (0) = α , f
(x) = f [ϕ(x)] . (II.4)

Soit en effet X = C([0, 1]) et T : X → X définie par T ( f ) = g, où


 x
g(x) = α + f [ϕ(t)] dt . (II.5)
0

(II.4) équivaut à T ( f ) = f . Soit f1 , f2 ∈ X ; posons g j = T ( f j ), h j = T (g j ), j = 1, 2 ;


(II.5) entraîne (d étant la distance usuelle sur X),
 x  x
|g1 (x) − g2 (x)|  | f1 (ϕ(t)) − f2 (ϕ(t))| dt  d( f1 , f2 ) dt = x d( f1 , f2 ) ;
0 0

ensuite
 x
|h1 (x) − h2 (x)|  |g1 (ϕ(t)) − g2 (ϕ(t))| dt
0
 x
 ϕ(t) d( f1 , f2 ) dt  k d( f1 , f2 ) ,
0
1
avec k = 0 ϕ(t) dt < 1. Autrement dit d(T 2 ( f1 ), T 2 ( f2 ))  k d( f1 , f2 ) ; T 2 est
k−contractante, donc T a un point fixe et un seul, ce qui prouve (II.4).
Exemple 2. Soit f , g ∈ C 1 (R2 , R) telles que

f
2x + f
2y + g
2x + g
2y  k2 < 1 . (II.6)
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Alors, pour tout⎧couple (a, b) ∈ R2 , le système non linéaire de deux équations à




⎨ x + f (x, y) = a
deux inconnues ⎪ ⎪ possède une solution et une seule ; (un exemple
⎩ y + g(x, y) = b
possible est f (x, y) = λ cos x + μ sin y, g(x, y) = −λ sin x + μ cos y, où λ2 + μ2 < 1).
Soit en effet X l’espace euclidien R2 , et c = (a, b) ∈ X ; définissons h : X → X
par h(z) = (x + f (x, y), y + g(x, y)), si z = (x, y). Il s’agit de résoudre l’équation
h(z) = c, qu’on écrit sous forme « point fixe » T (z) = z, avec T (z) = c + z − h(z) =
(a − f (x, y), b − g(x, y)). On note que

||T (z1 ) − T (z2 )||  k ||z1 − z2 || . (II.7)

187
Chapitre 5 • Espaces métriques complets

 α β  
En effet (cf. exercice 3)    α2 + β2 + γ2 + δ2 , et la matrice jacobienne
γ δ


⎜⎜⎜− fx − fy
⎟⎟⎟
de T est T (z) = ⎜⎝
⎠⎟ ; elle a donc en tout point une norme  k d’après (II.6),
−gx −g
y
et (II.7) résulte alors de l’inégalité de la moyenne ; on conclut par le théorème du
point fixe ; dans l’exemple indiqué,

f
2x + f
2y + g
2x + g
2y = λ2 sin2 x + μ2 cos2 y + λ2 cos2 x + μ2 sin2 y = λ2 + μ2 .

II.4 Cas de plusieurs contractions ; existence d’un compact


fixe ; dimension de Hausdorff
Soit f , g deux contractions d’un espace métrique complet X, a le point fixe de f ; si
g commute avec f , g(a) est aussi point fixe de f , donc g(a) = a et a est point fixe
simultané de f et g ; mais que se passe-t-il si f et g ne commutent pas ? Considérons
l’exemple X = R, f (x) = 2x , g(x) = 2x + 12 ; le point fixe de f est 0, celui de g
est 1 ; leur ensemble {0, 1} n’est pas stable sous l’action de f et g ; cependant le
compact K = [0, 1] peut être considéré comme stable sous cette action ; en effet,

f (K) = 0, 12 , g(K) = 12 , 1 , d’où

f (K) ∪ g(K) = K . (II.8)

On va voir que ce fait se généralise à n’importe quel ensemble fini de contractions.


Il nous faut d’abord la proposition intermédiaire suivante, où dF désigne la fonction
« distance au fermé F », Y l’espace des applications continues bornées de X dans R,
|| || la norme sup dans Y, qui en fait un espace de Banach.

Proposition II.7. Soit (X, d) un espace métrique complet, A l’ensemble de ses


compacts non vides ; alors
a) A, B ∈ A entraîne dA − dB ∈ Y et la formule h(A, B) = ||dA − dB || définit une
distance (distance de Hausdorff) sur A .
! "
b) On a aussi h(A, B) = min ε  0; A ⊂ Bε et B ⊂ Aε (où de façon générale
Eε = {x; d(x, E)  ε}).
c) L’espace (A , h) est complet.

Démonstration. a) Soit x ∈ X ; choisissons b ∈ B tel que d(x, B) = d(x, b) et ensuite


a ∈ A tel que d(b, a) = d(b, A) ; on voit que :

d(x, A) − d(x, B) = d(x, A) − d(x, b)  d(x, a) − d(x, b)

 d(b, a)  sup dA (y) =: ρ(B, A) ;


y∈B

188
II. Théorème du point fixe de Picard

on a de même d(x, B) − d(x, A)  ρ(A, B), d’où en posant

M = max(ρ(A, B), ρ(B, A)) (II.9)

(M est fini car A et B sont compacts),

||dA − dB || = M . (II.10)

En effet, les majorations précédentes entraînent ||dA − dB ||  M ; d’autre part, ||dA −


dB ||  supa∈A |dA (a) − dB (a)| = ρ(A, B) et de même ||dA − dB || est  ρ(B, A). h est donc
bien définie et c’est une métrique sur A car

h(A, C) = ||dA − dC ||  ||dA − dB || + ||dB − dC ||


 h(A, B) + h(B, C);
supposons enfin h(A, B) = 0 ; alors dA = dB ce qui implique A = B, puisque A =
d−1 −1
A (0) et B = dB (0).
b) Désignons par I l’ensemble des ε  0 tels que A ⊂ Bε et B ⊂ Aε ; par définition,
on a A ⊂ B M et B ⊂ A M , où M est comme dans (II.9) ; donc M ∈ I et inf I  M ;
réciproquement, si ε ∈ I, tout a ∈ A vérifie dB (a)  ε, d’où ρ(B, A)  ε et de même
ρ(A, B)  ε ; autrement dit M  ε, et par suite M  inf I ; il en résulte via (II.10) que
h(A, B) = M = inf I = min I.
Cette nouvelle définition de h est plus conforme à l’intuition, mais la définition a)
va mieux se prêter à la preuve de la complétude qui suit (cf. figure 5.1).
c) Soit (An ) une suite de Cauchy de A ; nous allons reprendre, en un peu plus com-
pliqué, le raisonnement du chapitre III, en montrant les points suivants.
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Figure 5.1

1) La suite dAn − dA1 est de Cauchy dans Y.

189
Chapitre 5 • Espaces métriques complets

En effet, ||(dA p − dA1 ) − (dAq − dA1 )|| = h(A p , Aq ).


2) Il existe ϕ : X → R continue telle que ||dAn − ϕ|| → 0.
En effet, 1) et la complétude de Y entraînent l’existence de ψ ∈ Y telle que ||dAn −
dA1 − ψ|| → 0, et ϕ = dA1 + ψ convient. Reste à voir que ϕ = dA , où A ∈ A .
3) K = U An ∈ A .
Soit en effet ε > 0, n0 tel que h(An , An0 )  ε pour n  n0 , R un ε−réseau (fini)
n0
du compact ∪ A j = B ; on a par construction B ⊂ Rε et K ⊂ Bε, d’où K ⊂ R2ε ; cela
1
montre que R est un 2ε−réseau de K, et que K est précompact ; comme K est d’autre
part fermé dans X complet, on a bien K ∈ A .
4) Posons A = ϕ−1 (0) ; alors A ∈ A et ϕ  dA .
Soit en effet x ∈ X et, pour chaque n, xn ∈ An tel que dAn (x) = d(x, xn ) ; (xn ) est une
suite de points de K compact, donc modulo extraction on peut supposer que xn tend
vers ,  ∈ K. Le passage à la limite dans l’égalité précédente donne ϕ(x) = d(x, ) ;
et celui dans l’égalité dAn (xn ) = 0 donne ϕ() = 0, compte tenu de la convergence
uniforme de dAn vers ϕ (cf. chapitre III, exercice 3) ; autrement dit  ∈ A et A est un
fermé non vide ; de plus ϕ(x) = d(x, )  dA (x) ; enfin, l’inégalité dAn  dK donne
à la limite ϕ  dK ; cela implique A ⊂ K ; en effet, si x ∈ A, ϕ(x) = 0 de sorte que
dK (x) = 0 et x ∈ K. A est un fermé non vide du compact K, donc A ∈ A .
5) ϕ = dA et h(An , A) → 0.
Soit en effet x ∈ X, et a ∈ A tel que d(x, a) = dA (x) ; passons à la limite dans l’in-
égalité |dAn (x) − dAn (a)|  d(x, a) pour obtenir ϕ(x)  dA (x), d’où ϕ = dA via 4) ;
la conclusion est maintenant facile : h(An , A) = ||dAn − dA || = ||dAn − ϕ|| → 0
d’après 2). ❑

On peut maintenant prouver le théorème suivant, où X est toujours complet.

Théorème II.8. Soit f1 , . . . , f p : X → X des λ−contractions, avec 0  λ < 1.


p
Définissons T : A → A par T (A) = ∪ f j (A), A ∈ A . Alors
j=1
a) il existe un unique K ∈ A tel que T (K) = K.
b) Pour tout K0 ∈ A , la suite (Kn ) définie par K0 et Kn+1 = T (Kn ) converge vers K :
λn
h(Kn , K) → 0 ; on a plus précisément h(Kn , K)  1−λ h(K1 , K0 ).

Démonstration. On va montrer que T : (A , h) → (A , h) est λ−contractante et il n’y


aura plus qu’à appliquer le théorème II.2, ce qui est licite puisqu’on vient de voir que
(A , h) est complet. Cette propriété de T va résulter des deux inégalités suivantes :
p p 
A1 , . . . , A p , B1 , . . . , B p ∈ A ⇒ h ∪ A j , ∪ B j  max h(A j , B j ) . (II.11)
1 1 j

190
III. Théorème de Baire

p p
En effet, posons ε = max j h(A j , B j), A = ∪ A j , B = ∪ B j ; on a, par définition de
1 1
p p 
ε, l’inclusion suivante : A ⊂ ∪(B j )ε = ∪ B j ε = Bε ; de même, on a B ⊂ Aε , d’où
1 1
h(A, B)  ε. ⎧

⎨ h[ f (A), f (B)]  λ h(A, B) pour



⎩ f : X → X, λ − contractante.
(II.12)

En effet, posons ε = h(A, B), A


= f (A), B
= f (B) ; si a
= f (a) ∈ A
, soit b ∈ B tel
que d(a, b)  ε ; alors on a les majorations :

d(a
, B
)  d(a
, f (b)) = d( f (a), f (b))  λ d(a, b)  λε,

d’où A
⊂ B
λε ; de même B
⊂ A
λε , ce qui prouve l’inégalité demandée.
La fin de la preuve est facile quand on combine (II.11) et (II.12) :
*p p +
h[T (A), T (B)] = h ∪ f j (A), ∪ f j (B)  max h[ f j (A), f j (B)]
1 1 j

 max λ h(A, B) = λ h(A, B) . ❑


j

Remarque II.9.
i) Si p = 1, K = {a}, où a est le point fixe de f1 .
ii) Dans l’exemple précédent, K = [0, 1], mais souvent les compacts fixes du théo-
rème II.8 ressemblent à des objets fractals, c’est-à-dire à des compacts dont la
dimension topologique dim est strictement inférieure à la dimension de Hausdorff
dim H . La dimension topologique sera introduite au paragraphe suivant ; la dimension
de Hausdorff sera étudiée au chapitre 7 ; on verra en exercice que :
si K est l’ensemble triadique de Cantor (cf. chapitre III),

Log 2
dim (K) = 0 < dim H (K) = ;
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Log 3

si K est le fanion de Sierpinski, dim (K) = 1 < dim H (K) = Log 3


Log 2 .
Ces deux compacts sont donc des objets fractals au sens de B. Mandelbrojt (cf. [E]).

III T HÉORÈME DE B AIRE


III.1 Le théorème
Un espace de Baire est un espace topologique dans lequel toute suite d’ouverts denses
a une intersection dense (cf. chapitre VI).

191
Chapitre 5 • Espaces métriques complets

Théorème III.1 (Baire). Tout espace métrique complet (X, d) est un espace de
Baire.

Démonstration. Soit (On )n1 une suite d’ouverts denses, A = ∩ On , O un ouvert non
1
vide ; montrons qu’il existe une suite (Fn )n1 de fermés telle que
◦ 1
F1 ⊂ O1 ∩ O ; Fn ⊂ On ∩ Fn−1 si n  2 ; F n  ∅ ; diam Fn  . (III.1)
n
En effet, O1 ∩ O est un ouvert non vide, donc contient une boule fermée F1 de
rayon  12 ; cette boule est d’intérieur non vide et de diamètre  1 ; ayant construit

F1 , . . . , Fn , on observe que On+1 ∩ F n est un ouvert non vide, donc contient une
boule fermée Fn+1 de rayon  2(n+1) 1
; cette boule est d’intérieur non vide et de dia-
mètre  n+1 ; ceci prouve (III.1) par récurrence ; la reformulation de la proposition I.4
1

montre maintenant que l’intersection des Fn contient au moins un point x ; ce point


x est dans A ∩ O d’après (III.1) ; ainsi A ∩ O est non vide pour tout ouvert non vide,
autrement dit A = X. ❑

Il y a un décalage spectaculaire entre la trivialité de la preuve du théorème III.1 et


la non-trivialité de ses applications à la Topologie ou à l’Analyse.

III.2 Une application à la topologie ; dimension topologique

Définition III.2. Un espace métrisable compact (X, d) est dit de dimension to-
pologique inférieure ou égale à n ∈ N (en abrégé dim(X)  n) si pour tout réel
r > 0, X admet un recouvrement ouvert fini (Ui ) tel que

diam Ui < r , ∀ i, et tout x de X ∈ n + 1 des Ui au plus . (III.2)

(On dit que (Ui ) est un recouvrement d’ordre  n et de pas < r, et en abrégé on
parle de (r, n)−recouvrement).

On dit que dim(X) = n si on a dim(X)  n
(III.3)
et si on n’a pas dim(X)  n − 1 .

Cette définition appelle les commentaires suivants :

Remarque III.3. La notion de dimension est topologique : en effet, si d


est topo-
logiquement équivalente à d, elle lui est uniformément équivalente par le théorème
de Heine et l’arbitraire sur r dans (III.2) montre qu’on peut aussi bien mesurer le
diamètre des ouverts avec d
.

192
III. Théorème de Baire

La dimension ainsi définie s’appelle en réalité la dimension de recouvrement ; mais


on peut montrer (cf. [En]) qu’elle n’est autre que la dimension topologique.

Remarque III.4. La dimension de l’ensemble de Cantor est zéro, car pour tout r > 0
on a un recouvrement ouvert fini avec diam Ui < r et les Ui deux à deux disjoints
(cf. exercice 5).
La dimension de X = [0, 1] est 1 ; en effet, pour tout entier N  1, les ouverts
i+1
Ui = i−1N , N ∩ X, où i = 0, . . . , N, recouvrent X et se coupent au plus deux à deux ;
donc dim(X)  1 ; d’autre part, dim(X)  0 puisque X est connexe et non réduit à un
point.

Voici maintenant une application du théorème de Baire à la topologie.

Théorème III.5 (théorème de plongement de Hurewicz). Tout espace X mé-


trisable compact de dimension n est homéomorphe à une partie de R2n+1 (autrement
dit X se plonge dans R2n+1 ).

Démonstration. Toute la difficulté consiste à construire une injection continue g de


X dans R2n+1 ; car alors X étant compact, g sera un homéomorphisme de X sur g(X) ;
la preuve utilise de façon cruciale le théorème de Baire dans l’espace de Banach
E = C(X, R2n+1 ) (normé par || f || = sup x∈X | f (x)| où | | désigne la norme euclidienne
dans R2n+1 ), et se fait en plusieurs étapes qui nécessitent les définitions suivantes
g ∈ E est ε-injective si g(x) = g(x
) entraîne d(x, x
) < ε . (III.4)
On note Bε l’ensemble des applications ε−injectives.

S = (v1 , . . . , vk ) ⊂ Rd est en position générale si toute
(III.5)
partie de S ayant moins de d + 1 éléments est affinement libre .
Cela s’écrit analytiquement, les ti désignant des nombres réels,
⎧ 


⎪ I ⊂ {1, . . . , k} , |I|  d + 1 , ti vi = 0


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.


⎪ I (III.5
)


⎩ et ti = 0 ⇒ ti = 0 , ∀ i ∈ I .
i∈I

Pour tout k, il y a beaucoup de tels systèmes ; en effet (cf. exercice 4)


les (v1 , . . . , vk ) en position générale sont denses dans (Rd )k . (III.6)
(ϕ1 , . . . , ϕk ) est une partition continue de l’unité subordonnée au recouvrement
ouvert (U1 , . . . , Uk ) (en abrégé partition subordonnée) si

k
+
ϕi ∈ C(X, R ) ; ϕi = 1 ; ϕi (x)  0 ⇒ x ∈ Ui . (III.7)
1

193
Chapitre 5 • Espaces métriques complets

On peut subordonner une partition à tout recouvrement ouvert (U1 , . . . , Uk ) ; il suffit


ψi
en effet de prendre ψi (x) = d(x, Uic ) et ϕi = ψ1 +...+ψ k
. La construction de g se fait
maintenant en trois étapes, dont la première utilise de façon essentielle l’hypothèse
dim(X) = n. ❑

Étape 1. Bε est non vide.


Soit (U1 , . . . , Uk ) un (ε, n)−recouvrement, (ϕ1 , . . . , ϕk ) une partition subordonnée,
(v1 , . . . , vk ) un système en position générale dans R2n+1 ; posons

k
g(x) = ϕi (x) vi (III.8)
i=1

et montrons que g ∈ Bε ; supposons en effet g(x) = g(x


), alors

k

ϕi (x) − ϕi (x
) vi = 0 ; (III.9)
1

notons A = {i; ϕi (x)  0}, B = {i; ϕi (x


)  0}, I = A ∪ B ; (III.2) et (III.7) en-

traînent |A|  n + 1, |B|  n + 1, d’où |I|  2n + 2 ; or (III.9) s’écrit ti vi = 0, où
I

k
k
ti = ϕi (x) − ϕi (x
) et ti = ϕi (x) − ϕi (x
) = 1 − 1 = 0 ; les ti sont donc tous nuls
I 1 1
d’après (III.5
) ; soit maintenant i tel que ϕi (x)  0 ; ϕi (x
) = ϕi (x), d’où x, x
∈ Ui
d’après (III.7) ; alors d(x, x
)  diam Ui < ε.
L’étape suivante contient l’étape 1, mais il paraît plus clair de décomposer les
choses comme on le fait.
Étape 2. Bε est dense dans E.
Soit f ∈ E, δ > 0 ; pour trouver g ∈ Bε telle que || f − g||  δ, on va simplement
choisir plus soigneusement (v1 , . . . , vk ) dans l’étape 1. La fonction g étant comme
dans cette étape 1, on a

k 
k
| f (x) − g(x)| = | [ f (x) − vi ]ϕi (x)|  | f (x) − vi |ϕi (x),
1 1

et cette quantité sera  δ si


| f (x) − vi |ϕi (x)  δϕi (x) pour tout i, x. (III.10)
L’inégalité a lieu automatiquement (0 = 0) si x  Ui ; il importe seulement de la
réaliser sur Ui , ce qui est facile ; utilisant la continuité uniforme de f , fixons d’abord
r < ε tel que
δ
d(x, x
)  r =⇒ | f (x) − f (x
)|  . (III.11)
2
194
III. Théorème de Baire

Choisissons ensuite un (r, n) – recouvrement (U1 , . . . , Uk ) , un point xi dans chaque


Ui , et (v1 , . . . , vk ) ⊂ R2n+1 en position générale tel que

δ
|vi − f (xi )|  pour i = 1, . . . , k. (III.12)
2

C’est possible d’après (III.6). Si maintenant x ∈ Ui , on a

δ δ
| f (x) − vi |  | f (x) − f (xi )| + | f (xi ) − vi |  + =δ
2 2

et (III.10) a lieu, si bien que | f (x) − g(x)|  δ pour tout x ∈ X, et par suite  f − g  δ.
De plus, d’après l’étape 1, on a g ∈ Br ⊂ Bε , ce qui achève l’étape 2.
La troisième étape est simplement une précision technique permettant d’appliquer
le théorème de Baire.
Étape 3. Bε est ouvert dans E.
Soit g ∈ Bε ; notons d’abord que

il existe a > 0 tel que |g(x) − g(x


)| < a ⇒ d(x, x
) < ε . (III.13)

En effet, la fonction continue |g(x) − g(x


)| ne s’annule pas sur le compact
{(x, x
); d(x, x
)  ε}, donc y possède un minimum m > 0 ; et a = m répond à la
question. Montrons alors que

a
||g − h|| < ⇒ h ∈ Bε . (III.14)
2

Supposons pour cela que h(x) = h(x


) ; alors :

|g(x) − g(x
)| = |(g − h)(x) − (g − h) (x
)|  2||g − h|| < a,
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

et d(x, x
) < ε d’après (III.13) ; cela prouve (III.14) et achève l’étape 3.
Les trois étapes mises bout à bout donnent le théorème d’Hurewicz ; posons en
effet A = ∩ Bε = ∩ ∗ B1/p (noter que Bε croît avec ε) ; A est une intersection
ε>0 p∈N
dénombrable d’ouverts denses de E métrique complet, donc est dense dans E (théo-
rème de Baire) ; en particulier (et c’est la seule chose qu’on utilisera !) A est non vide ;
or A n’est rien d’autre que l’ensemble des injections continues de X dans R2n+1 ; une
telle injection existe donc.
Voyons maintenant une application à l’Analyse du théorème de Baire (elle-même
due à Baire !) .

195
Chapitre 5 • Espaces métriques complets

III.3 Une application à l’Analyse


On sait bien (cf. [C]) que la limite uniforme d’une suite de fonctions continues est une
fonction continue ; qu’en est-il d’une limite simple ? Ce qui suit montre qu’il subsiste
quelque chose.

Théorème III.6 (théorème de la limite simple de Baire). Soit X un espace de


Baire, Y un espace métrique, ( fn ) une suite de C(X, Y) convergeant simplement vers
f sur X. Alors l’ensemble C( f ) des points de continuité de f est un Gδ dense ; en
particulier C( f )  ∅.

Introduisons d’abord l’oscillation ω de f en x0 ∈ X ; c’est par définition


! "
ω(x0 ) = inf sup d[ f (x), f (x
)]; x, x
∈ V = x→x
lim d[ f (x), f (x
)] (III.15)
V 0
x
→x0

où V parcourt l’ensemble des voisinages de x0 .


Si X est métrique, on a aussi
⎡ ⎤
⎢⎢⎢ ⎥⎥⎥
ω(x0 ) = inf ⎢⎢⎢⎣ sup d( f (x), f (x
))⎥⎥⎥⎦ .
r>0
x,x ∈B(x0 ,r)

La fonction ω a les propriétés suivantes :

x0 ∈ C( f ) ⇐⇒ ω(x0 ) = 0 (évident) . (III.16)

{x0 ; ω(x0 ) < ε} =: Oε est ouvert pour tout ε > 0 . (III.17)


Soit en effet x0 ∈ Oε , δ tel que ω(x0 ) < δ < ε, V un voisinage ouvert de x0 tel que
d[ f (x), f (x
)]  δ pour x, x
∈ V ; si x1 ∈ V, V est voisinage de x1 et l’inégalité
précédente entraîne ω(x1 )  δ < ε, i.e. x1 ∈ Oε et V ⊂ Oε ; Oε est donc voisinage de
chacun de ses points.
C( f ) = ∩ O1/p . (III.18)
p1

C’est évident d’après (III.16). La preuve du théorème III.6 se décompose maintenant


en deux étapes dont la première est essentielle.
Étape 1. Oε est non vide.
Cherchons à copier la preuve du théorème de la limite uniforme en écrivant

d[ f (x), f (x0 )]  d[ f (x), fn (x)] + d[ fn (x), fn (x0 )] + d[ fn (x0 ), f (x0 )] . (III.19)

Supposons que par chance il existe un voisinage V de x0 et un entier n tels que


d[ f (x), fn (x)]  ε pour x ∈ V. Alors (III.19) donne

d[ f (x), f (x0 )]  2ε + d[ fn (x), fn (x0 )] pour x ∈ V ;

196
III. Théorème de Baire

fn étant continue, il existe W voisinage de x0 tel que d[ fn (x), fn (x0 )]  ε si x ∈ W.


D’où d[ f (x), f (x0 )]  3ε si x ∈ U = V ∩ W et d[ f (x), f (x
)]  6ε si x, x
∈ U ; a
fortiori ω(x0 )  6ε et x0 ∈ O7ε .
Pour réaliser cette supposition chanceuse, on est donc amené à considérer Gn =

{x; d( f (x), fn (x))  ε} et par hypothèse X = ∪ Gn ; on aimerait appliquer la propriété
1
de Baire de X, mais f n’étant peut-être pas continue, Gn n’est peut-être pas fermé ;
!
on introduit donc un substitut à Gn en posant Fn = x; d( fm (x), fn (x))  ε, ∀ m 
"
n =: ∩ Fm,n ; Fn est une intersection de fermés et on a clairement
mn

X = ∪ Fn ; Fn fermé ; Fn ⊂ Gn (III.20)
1

(de plus, l’égalité X = ∪ Gn indique seulement que lim d( f (x), fn (x)) = 0 ∀x,
n
et reflète donc moins bien l’hypothèse que X = ∪ Fn , qui indique vraiment que
n
lim d( f (x), fn (x)) = 0).

X étant de Baire, il existe cette fois n tel que F n  ∅, autrement dit il existe x0 ∈ X
et V voisinage de x0 tel que V ⊂ Fn ; a fortiori, V ⊂ Gn et ce qui précède montre que
x0 ∈ O7ε , d’où O7ε  ∅ ; ε > 0 étant arbitraire, l’étape 1 est achevée.
Étape 2. Oε est dense dans X.
Soit O un ouvert non vide de X ; c’est un espace de Baire (cf. exercice 1) et la
suite fn |O des restrictions de fn à O converge vers f |O , la restriction de f à O. D’après
l’étape 1, il existe x0 ∈ O tel que ω( f |O , x0 ) < ε. Mais, O étant ouvert, f et f |O
ont même oscillation en x0 ∈ O, autrement dit on a ω( f , x0 ) < ε. Ceci montre
que x0 ∈ Oε ∩ O ; ainsi, Oε coupe tout ouvert non vide de X, et par suite est dense
dans X.
L’étape 2 et (III.18) permettent de conclure, X étant de Baire ; en effet
C( f ) = ∩ O1/p ,
p1

par conséquent C( f ) est un Gδ dense de X.


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Remarque III.7. Par souci de généralité, on a énoncé le théorème III.6 avec X es-
pace de Baire quelconque, mais dans la plupart des applications X est plus précisé-
ment un espace métrique complet.

III.4 Applications diverses


Exemple 1. Soit G un groupe topologique abélien, métrisable, compact et connexe ;
alors, G est topologiquement cyclique, c’est-à-dire qu’en notant Gp a le groupe en-
gendré par a :
Il existe a ∈ G tel que Gp a soit dense dans G. (III.21)

197
Chapitre 5 • Espaces métriques complets

Désignons pour cela par G  le groupe dual de G, c’est-à-dire l’ensemble des applica-
tions continues γ de G dans le cercle unité Γ du plan complexe telles que de plus :
γ(x + y) = γ(x) γ(y), ∀x, y ∈ G. Notons que

 est dénombrable.
G (III.22)

En effet, si γ ∈ G  n’est pas le caractère unité γ0 (γ0 (x) = 1, ∀x ∈ G), γ(G) est un
sous-groupe de Γ non réduit à {1}, donc contient un élément de partie réelle négative :
il existe x ∈ G tel que |1 − γ(x)|  R(1 − γ(x))  1, a fortiori 1 − γ∞  1, où  ∞
est la norme sup dans l’espace C(G) des applications continues de G dans C ; si donc
γ1 , γ2 ∈ G et γ1  γ2 , on a γ1 − γ2 ∞ = 1 − γ−1 γ2 ∞  1 ; or on sait (chapitre 3,
1
théorème II.8) que C(G) est séparable pour  ∞ , donc les éléments de G, deux à deux
distants de 1 au moins, sont en nombre au plus dénombrable.
Nous admettrons le point suivant (cf. Rudin, Fourier Analysis on groups) qui est
aux groupes ce que le théorème de Hahn-Banach est aux espaces vectoriels, et dans
lequel H désigne un sous-groupe fermé de G :

 tel que γ|H = 1 et γ  γ0 .


Si H  G, il existe γ ∈ G (III.23)

 et γ  γ0 , alors
Dans le but d’appliquer le théorème de Baire, notons que si γ ∈ G

Ker γ = {x : γ(x) = 1} est d’intérieur vide dans G. (III.24)

En effet, Ker γ est un sous-groupe de G ; s’il est d’intérieur non vide, il est ouvert et
fermé dans G (chapitre 2, exercice 19d) ; G étant connexe, il en résulte que Ker γ = G
et γ = γ0 , contrairement à l’hypothèse. La fin de la preuve se déroule en deux étapes.
Étape 1. On a
∪ Ker γ  G. (III.25)
γγ0

En effet, Ker γ est fermé car γ est continu ; le premier membre de (III.25) est donc,
d’après (III.22) et (III.24), une réunion dénombrable de fermés d’intérieur vide, et il
ne peut être égal à G, qui est un espace de Baire en tant qu’espace métrique complet.
Étape 2. On va voir pour finir que

a  ∪ Ker γ ⇒ G pa dense dans G. (III.26)


γγ0

Soit en effet H = G pa le groupe fermé engendré par a ; si H  G, (III.23) montre


qu’on peut trouver γ ∈ G,  γ  γ0 , tel que γ|H = 1, soit γ(a) = 1 ; mais ceci contredit
le choix de a ; or, un tel choix est possible d’après (III.25), et ceci achève la démons-
tration.

198
III. Théorème de Baire

Exemple 2. Soit f : R → R dérivable en chaque point ; alors f


est continue sur un
Gδ dense.
En effet, f
est par définition la limite simple de la suite de fonctions continues
 
( fn ), où fn (x) = n f x + 1n − f (x) ; il suffit donc d’appliquer le théorème III.6.
Exemple 3 (lemme de Zabrejko). Soit (X,  ) un espace de Banach (un espace
vectoriel normé complet), et soit p : X → R+ une semi-norme qui est conditionnelle-
ment sigma-sous-additive, c’est-à-dire :
⎛∞ ⎞
∞ ⎜⎜ ⎟⎟⎟  ∞
xn converge ⇒ p ⎜⎜⎜⎝ xn ⎟⎟⎠  p(xn )  +∞.
1 1 1

Alors, p est continue, i.e. : (∗) il existe M < ∞ tel que p(x)  Mx, ∀x ∈ X.
La preuve résulte du théorème de Baire et du lemme suivant, dans lequel B désigne
la boule unité fermée de X.

Lemme III.8. Soit A une partie de X telle que B ⊂ A ; alors, tout x ∈ B s’écrit :


xn
x= 2n−1
, où xn ∈ A.
n=1

Démonstration. On construit par récurrence des xn ∈ A tels que


55 5
55 x − x − · · · − xn 555  1 ·
5 1
2n−1 5 2n
Le point x1 existe par
xn
 hypothèse ; ayant construit x1 , . . . , xn , on observe que
2 x − x1 − · · · − 2n−1 ∈ B, et que donc il existe xn+1 ∈ A tel que
n

55 ( ) 5
552n x − x − · · · − xn − x 555  1 ,
5 1
2n−1
n+1 5
2
5 55

c’est-à-dire : 55 x − x1 − · · · − 2xn−1
n
n 5  n+1 . On voit alors que x =
− x2n+1 2
1 xn
2n−1
· ❑
1

Revenons à (∗). Posons, pour t ∈ R+ : Et = {x ∈ X ; p(x)  t}. Il est clair que


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.


X = ∪ En , donc le théorème de Baire assure l’existence d’un entier j  1, de x0 ∈ X
n=1
E j −x0
et r > 0 tels que B̄(x0 , r) = x0 + rB ⊂ E j , soit encore en posant F = r :
E −x y−x0
B ⊂ j r 0 = F̄. De plus, F ⊂ Et , avec t = j+p(−x r
0)
, car si x ∈ F, x = r avec
y ∈ E j , d’où p(x) = 1r p(y − x0 )  1r [p(y) + p(−x0 )]  1r [ j + p(−x0 )]. On voit donc


que B ⊂ Et . Soit alors x ∈ B : le lemme permet d’écrire x = 2xn−1 n
avec xn ∈ Et ,
1
∞   ∞

et l’hypothèse sur p entraîne : p(x)  p 2xn−1 n
= 2n−1 1
p(xn )  t 2n−11
= 2t, et le
1 1 1
lemme de Zabrejko s’ensuit, avec M = 2t.

199
Chapitre 5 • Espaces métriques complets

Remarque III.9. Le lemme de Zabrejko donne, d’un seul coup d’un seul, trois
des grands théorèmes de base de l’analyse fonctionnelle, à savoir (cf. [QZ] chapitre 6,
troisième édition 07) les théorèmes de Banach-Steinhaus, de l’application ouverte, du
graphe fermé (même si on sait par ailleurs que ces deux derniers sont équivalents) :

Théorème III.10 (Théorème de Banach-Steinhaus). Soit (T i )i∈I une famille


d’applications linéaires continues de l’espace de Banach X dans l’espace normé Y.
On suppose que supi∈I T i (x) < ∞ pour tout x ∈ X. Alors on a :
sup T i  < ∞.
i∈I

Démonstration. Soit, pour x ∈ X, p(x) = supi∈I T i (x). D’après l’hypothèse,


p(x) < ∞, et p est clairement une semi-norme sur X. On va montrer qu’elle est condi-
tionnellement sigma-sous-additive. Soit donc (xn ) une série convergente de somme s

dans X. Pour i ∈ I fixé, on a T i (s) = ∞
n=1 T i (xn ) puisque T i est continue, d’où


∞ 

T i (s)  T i (xn )  p(xn ).
n=1 n=1

En passant maintenant au sup sur i, on obtient bien p(s)  ∞ n=1 p(xn ). D’après le
lemme de Zabrejko, applicable puisque X est complet, il existe une constante C > 0
telle que p(x)  Cx pour tout x ∈ X. Puisque T i (x)  p(x), il en résulte que
T i   C pour tout i. ❑

Théorème III.11 (Théorème de l’application ouverte). Soit X et Y deux es-


paces de Banach, et T : X → Y linéaire continue et surjective. Alors, il existe une
constante C > 0 avec la propriété suivante :
(∀y ∈ Y)(∃x ∈ X); T (x) = y et x  Cy.

Démonstration. Soit p(y) = inf{x; T (x) = y}. Soit (yn ), avec ∞ n=1 yn = y, une
série convergente dans Y. Fixons ε > 0. Pour chaque n  1, soit xn ∈ X tel que


T (xn ) = yn et xn   p(yn ) + ε2−n . Nous pouvons supposer p(yn ) < ∞, sinon il
1
n’y a rien à vérifier. Alors, la série xn est absolument convergente dans X com-

∞ ∞

plet, donc converge avec pour somme x ; et x  xn   p(yn ) + ε 2−n =
1 1 1




p(yn ) + ε. De plus, T étant continue, on a : T (x) = T (xn ) = yn = y. D’où
1 1 1



p(y)  x  p(yn ) + ε, et p(y)  p(yn ), ε étant arbitraire. Ainsi, p : Y → R+
1 1
vérifie les hypothèses du lemme de Zabrejko, et le théorème de l’application ouverte
s’ensuit, puisque Y est complet aussi. ❑

200
III. Théorème de Baire

Théorème III.12 (Théorème du graphe fermé). Soit X et Y deux espaces de


Banach, et T : X → Y linéaire de graphe G = {(x, T (x)); x ∈ X}. On suppose
que G est fermé dans X × Y, c’est-à-dire que :
 
∀(x, y) ∈ X × Y, xn → x et T (xn ) → y =⇒ y = T (x).

(où (xn ) désigne une suite hypothétique de X). Alors, T est continue.

Démonstration. Soit p(x) = T (x). C’est une semi-norme sur X puisque T est
linéaire. Montrons qu’elle est conditionnellement sigma-sous-additive. Soit donc
(xn ) une série convergente de somme s dans X. On peut supposer que l’on a

n=1 p(xn ) < ∞, sinon il n’y a rien à montrer. Alors, la série de terme général T (xn )
est absolument convergente dans Y complet, donc converge vers un certain y ∈ Y qui

vérifie y  ∞ T (xn ) = ∞ p(xn ). Si donc on pose sn = nj=1 x j , on a sn → s
n=1 n=1
et T (sn ) = nj=1 T (x j ) → y. Puisque le graphe de T est fermé, cela implique T (s) = y
ainsi que :

∞ 

p(s) = T (s) = y  T (xn ) = p(xn ).
n=1 n=1

Maintenant, comme l’espace X est complet, le lemme de Zabrejko s’applique une


nouvelle fois, et il existe C > 0 telle que T (x) = p(x)  Cx pour tout x ∈ X.
Autrement dit, T est continue et de norme  C. ❑

Exemple 4 (non-homéomorphisme). Posons X = [0, 1]n et cherchons sa dimen-


sion topologique. On a dim(X)  n (cf. chapitre II, exercices 11 et 12) ; supposons
dim(X)  n−1 et posons A = ∂X et f (a) = a pour a ∈ A ; avec les notations de l’exer-
cice 12 de ce chapitre, A est homéomorphe à Qn−1 , et (toujours d’après cet exercice)
f a une extension continue F : X → A, ce qui signifie que A est un retract de X et
contredit le théorème de Brouwer (cf.[Du]) ; finalement, on a dim(X) = n.
Un homéomorphisme préserve la dimension topologique. On a donc les belles
équivalences (Théorème de Lebesgue) :
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

[0, 1] p homéomorphe à [0, 1]q ⇐⇒ p = q.


R p homéomorphe à Rq ⇐⇒ p = q.

201
Chapitre 5 • Espaces métriques complets

Exercices

5.1 Soit X un espace de Baire, O un ouvert non vide de X, (On ) une suite d’ouverts
de O denses dans O.
c
a) Montrer que ωn := On ∪ O est un ouvert dense de X.
b) Soit A un ouvert non vide de O ; montrer que ∩(On ∩ A) = ∩(ωn ∩ A).
n n
c) Montrer que O est un espace de Baire.

5.2 Soit X = ]0, ∞[ avec sa topologie usuelle T .


a) Montrer que T est définie par la métrique complète :

d(x, y) = | Log x − Log y|.

b) Soit f ∈ C 1 (X, X) telle que x| f


(x)|  k f (x), ∀ x ∈ X, où k ∈ [0, 1[. Montrer que f
a un point fixe et un seul dans X.

5.3 Soit A = (ai j ) ∈ Mn (R) ; montrer que ||A||  (Σ |ai j |2 )1/2 .


!
5.4 Soit k, d entiers  1 et A = (v1 , . . . , vk ) ∈ Rdk qui ne sont pas en position
"
générale .
a) Montrer que A = ∪AI , où I parcourt les parties de {1, . . . , k} ayant au plus d + 1
!
éléments et AI = (v1 , . . . , vk ); ∃ ti avec :
  
ti vi = 0, ti = 0, |ti | = 1.
I I I

b) On considère par exemple AI0 , où I0 = {1, . . . , d + 1} ; montrer que si (v1 , . . . , vk )


∈ AI0 , il existe des a > 0 arbitrairement petits tels que :

det(v j − vd+1 + a e j )  0,

(1  j  d), puis montrer que AI0 est d’intérieur vide et fermé dans (Rd )k = Rdk .
c) Montrer que Ac est un ouvert dense de Rdk .

5.5 Soit X un espace métrique compact totalement discontinu, a ∈ X.


a) Montrer que {a} est l’intersection des ouverts-fermés qui le contiennent.
b) Soit ω un ouvert contenant a ; montrer qu’il existe un voisinage ouvert-fermé V de
a avec V ⊂ ω.

202
Exercices

c) Montrer que, pour tout r > 0, X admet un recouvrement ouvert fini (Ui ) avec
diam Ui < r et les Ui deux à deux disjoints.
d) Montrer que dim(X) = 0 (en particulier, l’ensemble de Cantor est de dimension 0).

5.6 On considère l’équation fonctionnelle

f (0) = α , f
(x) = a f (xb ) , où α ∈ R, a > 0, b > 1, 0  x  1 . (∗)

a) Soit M > 0 ; montrer que E = C([0, 1], R), muni de la norme

|| f || = sup | f (x)|e−Mx ,
0x1

est un espace de Banach.


 x
b) Soit T : E → E définie par T ( f ) = g, où g(x) = α + 0
a f (tb ) dt ; montrer qu’on
peut ajuster M pour que T soit 12 −contractante.
c) Montrer que (∗) admet une solution et une seule.

5.7 Montrer que Q n’est pas un Gδ de R ; existe-t-il f : R → R telle que C( f ) = Q ?

5.8 Soit f1 , f2 : R → R définies par f1 (x) = 3x , f2 (x) = x+2


3 et soit T : A → A
définie par T (A) = f1 (A) ∪ f2 (A), où A désigne l’ensemble des compacts non vides
de R.
a) On pose K0 = {0, 1}, K1 = T (K0 ), . . . , Kn+1 = T (Kn ), . . . ; montrer que, pour tout
!
n " ! n "
n  1, Kn = α j 3− j ∪ α j 3− j + 3−n où (α1 , . . . , αn ) parcourt {0, 2}n .
1 1
!
∞ "
b) Soit K = α j 3− j ; α j = 0 ou 2 ; montrer que h(Kn , K)  3−n et que K est
1
l’unique compact fixe de T ; que reconnaît-on dans K ?

5.9 Sierpinski gasket


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Soit OAB un triangle équilatéral de côté 1 du plan euclidien, f1 , f2 , f3 les homo-


théties de centres respectifs O, A, B et de rapport 12 , T : A → A définie par
3
T (A) = ∪ f j (A), où A désigne l’ensemble des compacts non vides de R2 .
j=1
! −−→ −−→ −−→ "
a) Montrer que OAB = M; OM = u OA + v OB avec u, v  0 et u + v  1 ; on
pose en abrégé M = (u, v) ; u et v sont les coordonnées barycentriques de M.
b) Montrer que le compact fixe K de T est l’ensemble des M = (u, v) de OAB tels



que u = u j 2− j , v = v j 2− j , u j , v j ∈ {0, 1} et u j v j = 0 pour tout j ; tenter un
1 1
dessin de ce compact (appelé en français « fanion de Sierpinski »).

203
Chapitre 5 • Espaces métriques complets

5.10 Soit X un espace métrique compact avec dim(X)  n, (E1 , . . . , En+1 ) des fer-
més de X, (U1 , . . . , Un+1 ) des ouverts de X, tels que Ei ⊂ Ui pour 1  i  n + 1.
n+1
a) Montrer que les q = 2n+1 ensembles ouverts ∩ Gi , avec Gi = Ui ou Eic , forment
1
un recouvrement ouvert R de X.
Soit (ω1 , . . . , ωq ) un recouvrement ouvert d’ordre  n qui raffine R et soit
(K1 , . . . , Kq ) un recouvrement fermé tel que Kr ⊂ ωr pour r  q (cf. chapitre II,
exercice 10) ; on pose
Ir = {i ; Ei ∩ ωr  ∅}.
b) Montrer qu’on peut trouver des ouverts Vi,r , Wi,r pour i ∈ Ir , tels que
Kr ⊂ Vi,r ⊂ V i,r ⊂ Wi,r ⊂ W i,r ⊂ ωr ,
et W i,r ⊂ V j,r pour i > j.
On pose dans la suite Vi = ∪ Vi,r et Wi = ∪ Wi,r .
i∈Ir i∈Ir
c) Montrer que Ei ⊂ Vi , pour 1  i  n + 1.
d) Montrer que ωr ⊂ Ui , pour i ∈ Ir .
e) Montrer que W i ⊂ Ui , pour 1  i  n + 1.
n+1  
f) Conclure que ∩ W i \Vi = ∅, et que Ei ⊂ Vi ⊂ V i ⊂ Wi ⊂ W i ⊂ Ui .
1

5.11 Soit X un espace métrique compact avec dim(X)  n, (E1 , . . . , En+1 ) et


(F1 , . . . , Fn+1 ) des fermés de X tels que Ei ∩ Fi = ∅ si 1  i  n + 1. En uti-
lisant 10) avec Ui = Fic , montrer qu’on peut trouver ϕ1 , . . . , ϕn+1 : X → [−1, 1]
continues et telles que
n+1
a) ϕi (x) = 1 si x ∈ Ei ; b) ϕi (x) = −1 si x ∈ Fi ; c) ∩ ϕ−1
i (0) = ∅.
1

5.12* Soit X un espace métrique compact avec dim(X)  n, A un fermé de X ,


f : A → Qn continue, où Qn = {t = (t1 , . . . , tn+1 ) ∈ Rn+1 ; ||t|| = sup |ti | = 1} ; on pose
f (a) = ( f1 (a), . . . , fn+1 (a)), Ei = {a ; fi (a) = 1}, Fi = {a ; fi (a) = −1}.
n+1
a) Montrer que A = ∪ (Ei ∪ Fi ).
1
b) Montrer qu’on peut trouver ϕ = (ϕ1 , . . . , ϕn+1 ) : X → (Rn+1 )∗ continue, telle que
ϕi (x) = 1 pour x ∈ Ei et ϕi (x) = −1 pour x ∈ Fi .
c) Montrer que f admet une extension continue F : X → Qn
(Une version plus simple est donnée dans l’exercice 14).

204
Exercices

5.13* Le théorème du point fixe ne caractérise pas les espaces complets


Soit E le graphe dans le plan euclidien R2 de la fonction s : J =]0, 1] → R définie
par s(x) = sin 1x , autrement dit :
 '
1
E= x, sin ; x ∈ J ⊂ R2 .
x

On munit E de la distance induite par la norme euclidienne de R2 .


a) Montrer que l’espace métrique E n’est pas complet.
Soit maintenant f : E → E une k-contraction, avec 0  k < 1. On suppose qu’elle
est sans point fixe et on va aboutir à une contradiction.
b) Montrer qu’il existe ϕ : J → J telle que
 
1 1
f x, sin = ϕ(x), sin pour tout x ∈ J
x ϕ(x)

et que l’on a, pour tous x, x


∈ J :
  %   &

2  1 1 2
2  1 1 2

|ϕ(x) − ϕ(x )| + sin − sin   k |x − x | + sin − sin
 .
2 
ϕ(x) ϕ(x
)  x x

c) Montrer que ϕ(x) < x, ∀x ∈ J. Puis montrer qu’il existe deux suites (xn ), (x
n ) de
J, de limite nulle, telles que pour n ∈ N :

1 1
sin = 1 et sin = −1.
ϕ(xn ) ϕ(x
n )

d) Montrer pour n ∈ N l’inégalité


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

|ϕ(xn ) − ϕ(x
n )|2 + 4  k2 [|xn − x
n |2 + 4].

e) Aboutir à une contradiction. Conclusion ?

5.14 Cas particulier simple de 12)


Soit X un espace métrique compact de dimension topologique zéro, A un fermé de X,
f : A → Γ continue.
a) Montrer que A est aussi de dimension zéro ; en déduire que l’on peut trouver
g : A → R continue telle que f = eig .
b) Montrer que f admet un prolongement continu F : X → Γ.

205
Chapitre 5 • Espaces métriques complets

5.15 Soit E = C([0, 1], R) avec sa norme usuelle et ϕ : [0, 1] → [0, 1] continue ;

on pose Bα = { f ∈ E ; || f ||  α}, α > 0 ; on fixe g ∈ B1/4 et on considère l’équation
fonctionnelle (où f ∈ E est l’inconnue)

2 f (x) − ( f (x))2 + f (ϕ(x)) = g(x) , ∀ x ∈ [0, 1] . (∗)

1 g+ f 2 − f ◦ϕ
a) Montrer qu’il existe α ∈ 0, 2 tel que T envoie Bα dans Bα, où T ( f ) = 2 .
2 −contractante.
2α+1
b) Montrer que T est
c) Montrer que (∗) a une solution.

5.16 Soit f : R2 → R continue, ayant en tout point des dérivées partielles f x


, fy
;
montrer que f est différentiable sur un Gδ dense de R2 .

5.17 Soit X un groupe topologique abélien compact ; on suppose qu’il existe un


homomorphisme de groupe bijectif continu T : (R, +) sur X.
a) Soit In = [−n, n], n = 1, 2, . . . ; montrer qu’il existe p tel que T (I p ) soit d’intérieur
non vide.
N
b) Montrer qu’on peut trouver x1 , . . . , xN ∈ R tels que T −1 (X) = ∪ (x j +I p ) et aboutir
j=1
à une contradiction ; ainsi, un tel homomorphisme n’existe pas.
c) Donner cependant un exemple de bijection continue de R sur un espace métrique
compact X.
Dans les trois exercices qui suivent, E est l’espace Cb (R) des fonctions continues
bornées de R dans C avec sa norme usuelle ; on définit l’orbite O( f ) de f ∈ E par
O( f ) = { ft ; t ∈ R}, où ft (x) = f (x + t), et on se propose de montrer que (noter que
O( f ) est une partie de E)

f uniformément continue ⇐⇒ O( f ) séparable


f périodique ⇐⇒ O( f ) compacte
f presque périodique ⇐⇒ O( f ) précompacte .

5.18 a) Montrer que E n’est pas séparable.


b) Montrer que f uniformément continue ⇒ O( f ) séparable.
c) On suppose O( f ) séparable ; soit { ftn } une suite dense dans O( f ), ε > 0.
! "
i) Montrer que Fn = t ∈ R; || ft − ftn ||  ε est un fermé de R.
ii) Montrer qu’il existe j  1 et un intervalle fermé I de longueur h > 0 tel que
I ⊂ F j.

206
Exercices

iii) Montrer que |x − y|  h entraîne | f (x) − f (y)|  2ε ; ainsi, f est uniformément


continue.

5.19 a) Montrer que f périodique ⇒ O( f ) compacte.


b) On suppose O( f ) compacte et f non périodique.
i) Montrer que l’opération fa · fb = fa+b définit sur O( f ) une structure de groupe abé-
lien compact et que T : R → O( f ) défini par T (a) = fa est un homomorphisme
de groupe bijectif continu.
ii) Aboutir à une contradiction ; ainsi O( f ) compacte ⇔ f périodique.

5.20 Une ε−période de f est un t ∈ R tel que || ft − f ||  ε ; f est dite presque


périodique si (∀ ε > 0) (∃  > 0) (∀ I intervalle de longueur ) : I contient une
ε−période.
a) Montrer que O( f ) précompacte ⇒ f presque périodique.
b) On suppose f presque périodique.
i) Montrer que f est uniformément continue.
ii) Montrer que O( f ) est précompacte.

5.21 Le critère de Kitai


Soit X un espace métrique complet séparable et (T n )n1 une suite d’applications conti-
nues : X → X. On suppose que la suite (T n ) est topologiquement transitive, au sens
suivant : « Pour tout couple (U, V) d’ouverts non-vides de X, il existe un indice n tel
que T n (U) ∩ V  ∅. »
a) Soit (V j ) j1 une base dénombrable d’ouverts de X (i.e. tout ouvert de X est réunion
de certains V j et les V j sont non-vides). On pose
6
Oj = T n−1 (V j ).
n1
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Montrer que chaque O j est un ouvert dense de X.


7
b) Montrer que G = j1 O j est dense dans X et que, pour chaque x ∈ G, la suite
(T n (x)) est dense dans X.

5.22 Soit (λn )n1 une suite strictement croissante d’entiers positifs (par exemple,
λn = 2n ). Soit Γ le cercle-unité et T n : Γ → Γ définie par T n (z) = zλn .
a) Montrer que la suite (T n ) est topologiquement transitive, au sens de l’exercice 21.
b) Montrer qu’il existe des z ∈ Γ tels que la suite (zλn ) soit dense dans Γ.
c) Soit I = [0, 1], f : I → I définie par f (x) = 4x(1 − x), g : Γ → Γ définie par
g(z) = z2 , et enfin h : Γ → I définie par h(eiϕ ) = sin2 ϕ.

207
Chapitre 5 • Espaces métriques complets

1. Montrer que f et g sont semi-conjuguées, au sens où f ◦ h = h ◦ g.


2. Montrer qu’il existe des x0 ∈ I tels que la suite (xn ) définie par son premier
terme x0 et la relation de récurrence xn+1 = f (xn ) soit dense dans I. Commen-
taire ?

5.23* Un exemple de fonction continue sans dérivée


 
Soit E = C [0, 1] l’espace de Banach des fonctions réelles continues sur le segment
[0, 1], avec la norme du sup. Soit X le sous-ensemble fermé de E constitué des f ∈ X
telles que f (0) = 0 et f (1) = 1, espace métrique complet pour la distance d induite
par celle de X. À un élément f ∈ X, on associe la fonction U f définie sur [0, 1] par
les relations :
⎧ # $



3
f (3x) si x ∈ I := 0, 1


⎪ 4 0 3

⎨ 1 1 # $
U f (x) = ⎪
⎪ + f (2 − 3x) si x ∈ I := 1 2
,



4 2 1
#
3 3
$


⎩ + f (3x − 2) si x ∈ I2 := 2 , 1
1 3
4 4 3

a) Montrer que f ∈ X =⇒ U f ∈ X.
b) Montrer que f → U f est une application 34 -contractante de X dans lui-même.
c) Montrer qu’il existe h ∈ X telle que Uh = h.
d) Montrer par récurrence que h vérifie l’inégalité :
   
 k + 1 k 
(∗) h − h n   2−n , ∀n ∈ N, ∀k ∈ N avec 0  k  3n − 1.
 3n 3 

e) On note [u] la partie entière d’un réel u. Soit x ∈ [0, 1[. On pose
[3n x]
xn = et yn = xn + 3−n .
3n

de f 

Montrer que xn  x  yn et que |Dn | =  h(yynn)−h(xn) 
−xn  → ∞ quand n → ∞.
f) Montrer que h n’est pas dérivable en x. Ainsi, la fonction continue h n’est dérivable
en aucun point de [0, 1[ (en considérant xn = 1 − 3−n et yn = 1, on verrait qu’elle
n’est pas non plus dérivable en 1).

5.24 Soit X = ]0, ∞[ et f : X → C, continue.


On suppose que, pour tout a ∈ X, f (na) → 0 quand n → ∞ (n ∈ N∗ ), et on fixe ε > 0.
a) Montrer que Fn = {a ∈ X; supkn | f (ka)|  ε} est fermé dans X.
En déduire qu’il existe 0 < α < β et n0 ∈ N∗ tels que, si on pose E = ∪ n[α, β], on
nn0
ait | f (x)|  ε pour x ∈ E.

208
Corrigés

b) Montrer que E contient un intervalle [T , ∞[, et en déduire que f (x) → 0 quand


x → ∞.
c) On suppose maintenant que f (na) tend vers une limite (a) quand n → ∞, pour
tout a ∈ X. Montrer que (ra) = (a) pour tout rationnel r > 0, et que  est continue
en au moins un point a0 ∈ X. En déduire que (a) = (a0 ) =: 0 pour tout a ∈ X, et
que f (x) → 0 quand x → ∞.

Corrigés

c c
5.1 a) ωn ⊃ On ∪ O ⊃ O ∪ O = X.
c
b) C’est évident puisque A ∩ O = ∅.
c) A est ouvert dans X, X est de Baire, donc par a), ∩(ωn ∩ A)  ∅ ; autrement dit
n
∩(On ∩ A)  ∅ et ∩ On est dense dans O, qui est donc de Baire.
n n

5.2 a) Soit (xn ) de Cauchy dans (X, d) ; (Log xn ) est de Cauchy dans (R, | |) ; il
existe donc y ∈ R tel que | Log xn − y| → 0, autrement dit d(xn , ey ) → 0 ; le reste est
facile.
b) Si 0 < u < v,
   v
 v
v
f
(t)  | f (t)|
d[ f (u), f (v)] = | Log f (v) − Log f (u)| = 
k

dt  dt  dt
u f (t) u f (t) u t

= k | Log v − Log u| = kd(u, v),


donc f est k−contractante de (X, d) dans (X, d).
! " !  "
5.3 ||A|| = sup |(Ax/y)|; |x| = |y| = 1 = sup Σai j x j yi ; Σ x2j = Σy2i = 1 ; mais

© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

(Σ étant une abréviation pour ) l’inégalité de Cauchy-Schwarz entraîne


1i, jn
       
Σai j x j yi   Σ|ai j |2 1/2 Σ x2j y2i 1/2 = Σ|ai j |2 1/2 |x| |y| ,

d’où le résultat.

5.4 AI0 est fermé par un argument de compacité ;

P(a) = det(v j − vd+1 + a e j )1 jd = ad + . . .


est un polynôme non nul ayant au plus d zéros, donc il existe des a > 0 arbitrairement
petits tels que P(a)  0 ; pour de tels a, posons w j = v j + a e j si 1  j  d, w j = v j si

209
Chapitre 5 • Espaces métriques complets

d + 1  j  k. Alors (w1 , . . . , wk ) est arbitrairement proche de (v1 , . . . , vk ) mais n’est



d+1
d+1
d
pas dans AI0 ; en effet ti wi = 0 et ti = 0 entraîne ti (vi − vd+1 + a ei ) = 0, d’où
1 1 1
t1 = . . . = td = 0 puisque P(a)  0, et enfin td+1 = −(t1 + . . . + td ) = 0 ; ceci montre
que AI0 est fermé d’intérieur vide ; il en est de même pour AI si |I|  d + 1.
c) A est union finie de fermés d’intérieur vide, donc un fermé d’intérieur vide, comme
cas particulier très simple du théorème de Baire.

5.5 a) X étant compact, la composante connexe C de a est l’intersection des ouverts-


fermés contenant a ; X étant totalement discontinu, C = {a}, d’où le résultat.
b) Soit (Ai ) la famille des ouverts-fermés contenant a ; si la famille (Ai ∩ ωc ) a la
propriété de l’intersection finie, elle a une intersection non vide, ce qui est absurde
puisque ∩(Ai ∩ ωc ) = {a} ∩ ωc = ∅ ; on peut donc trouver Ai1 , . . . , Ai p tels que
p
V := ∩ Ai j ⊂ ω. V répond à la question.
j=1
 
c) Si x ∈ X, x possède un voisinage ouvert-fermé V x inclus dans B x, 3r , donc
diam V x < r ; un nombre fini de tels V x , soit V x1 , . . . , V xk , recouvrent X ; posons
Vi = V xi , U1 = V1 , Ui = Vi \ (V1 ∪ . . . ∪ Vi−1 ) si i  2 ; les Ui sont ouverts puisque les
Vi sont ouverts-fermés, donc (U1 , . . . , Uk ) répond à la question.

5.6 a) e−M || f ||∞  || f ||  || f ||∞ , où || f ||∞ = sup0x1 | f (x)| est la norme usuelle sur
E ; donc E est complet pour || ||.
b) Soit f1 , f2 ∈ E,
 x
g1 = T ( f1 ), g2 = T ( f2 ); g1 (x) − g2 (x) = a [ f1 (tb ) − f2 (tb )] dt,
0

et
 x  x
−Mtb Mtb b
|g1 (x) − g2 (x)|  a | f1 (t ) − f2 (t )| e
b b
e dt  a || f1 − f2 || eMt dt
0
 x 0
a
 a || f1 − f2 || eMt dt  || f1 − f2 || eMx ;
0 M

d’où ||T ( f1 ) − T ( f2 )||  a


M || f1 − f2 ||, et M = 2a convient.
c) (∗) équivaut à T ( f ) = f et on applique le théorème de Picard dans (E, || ||).

5.7 R \ Q = ∩(R \ {rn }), où Q = {rn , n ∈ N∗ } ; R \ Q est donc un Gδ dense ; si Q est
1
un Gδ , c’est un Gδ dense ; alors Q ∩ (R \ Q) = ∅ est un Gδ dense d’après le théorème
de Baire, ce qui est absurde ; dans la preuve du théorème III.6, on a vu que C( f ) est
un Gδ pour toute fonction f ; on ne peut donc avoir C( f ) = Q.

210
Corrigés

! "
5.8 a) On procède par récurrence sur n ; K1 = 0, 23 , 13 , 1 est de la forme indiquée ;
s’il en est de même pour K1 , . . . , Kn , on a

2  
n n n
Kn+1 = α j 3− j−1 , + α j 3− j−1 , α j 3− j−1 + 3−n−1 ,
1
3 1 1
n '
2 − j−1 −n−1
+ αj 3 +3
3 1

où (α1 , . . . , αn ) ∈ {0, 2}n ; on voit que


n 
n+1
α j 3− j−1 = β 3− où β1 = 0, β = α−1 sinon;
1 1
2  
n n+1
+ α j 3− j−1 = β 3− où β1 = 2, β = α−1 sinon.
3 1 1

Donc
⎧ n+1 ⎫

⎨
⎪ 
n+1 ⎪

− − −n−1 ⎬
Kn+1 =⎪
⎪ β 3 , β 3 + 3 ⎪
⎪ où (β1 , . . . , βn+1 ) ∈ {0, 2}n+1 ,
⎩ ⎭
1 1

ce qui achève la récurrence (cf. figure 5.2).


K1
0 1/3 2/3 1

K2
0 1/9 2/9 1/3 2/3 7/9 8/9 1
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Kn
0 1/9 2/9 1/3 2/3 7/9 8/9 1

Figure 5.2


n
b) Si x = α j 3− j ∈ K, soit xn = α j 3− j ;
1 1


xn ∈ Kn et |x − xn |  2 · 3− j = 3−n , donc K ⊂ (Kn )3−n ; si x ∈ Kn , ou bien
n+1

n
n 
n 

−i
x = αj 3− j ∈ K, ou bien x = αj 3− j + 3−n = α j3 + 2 · 3− j ∈ K ;
1 1 1 n+1
donc Kn ⊂ K ; il en résulte que h(Kn , K)  3−n et que Kn → K ; on reconnaît dans

211
Chapitre 5 • Espaces métriques complets

K l’ensemble triadique de Cantor (cf. chapitre III, proposition IV.6) ; en partant de


K0 = [0, 1], on aurait obtenu la définition initiale de cet ensemble triadique, telle
qu’elle est donnée au chapitre III.

5.9 a) C’est facile.



b) Soit K l’ensemble proposé dans l’énoncé, L = {0, 1}N , et

! "
L0 = (ω, ω
) ∈ L × L; ω j ω
j = 0, ∀ j ,

avec ω = (ω j ), ω
= (ω
j ) ; L0 est compact car fermé dans L × L, et K est l’image
 ∞
∞ 
continue de L0 par l’application : (ω, ω
) → ω j 2− j , ω
j 2− j ; K est donc un
1 1
compact de R2 et il nous faut montrer que T (K) = K. Si M = (u, v), on voit que

(u v )  
u+1 v u v+1
f1 (M) = , , f2 (M) = , , f3 (M) = , .
2 2 2 2 2 2

Ces formules montrent que f1 (M), f2 (M), f3 (M) ∈ K dès que M ∈ K, et que donc
T (K) ⊂ K. On voit aussi que

f1−1 (M) = (2u, 2v) , f2−1 (M) = (2u − 1, 2v) , f3−1 (M) = (2u, 2v − 1) ;

supposons maintenant M = (u, v) ∈ K, et distinguons trois cas exclusifs.


Cas 1 : u1 = v1 = 0 ; alors f1−1 (M) ∈ K, et M ∈ f1 (K).
Cas 2 : u1 = 1, v1 = 0 ; alors f2−1 (M) ∈ K, et M ∈ f2 (K).
Cas 3 : u1 = 0, v1 = 1 ; alors f3−1 (M) ∈ K, et M ∈ f3 (K).
On a donc M ∈ T (K), ce qui montre l’inclusion réciproque K ⊂ T (K) et achève la
preuve (cf. aussi problème et figure 5.3).

212
Corrigés

O A
On prend pour K0 le triangle OAB. On passe de K n à K n+1 en grisant
n
3 petits triangles équilatéraux de côté 2-n-1 . Le fanion de Sierpinski est
« ce qui reste quand on a tout grisé ».

Figure 5.3
   
5.10 a) Si x ∈ X, soit I = {i ; x ∈ Ei } et J = I c ; alors x ∈ ∩ Ui ∩ ∩ Eic .
I J
b) C’est une conséquence immédiate de la normalité des espaces métriques.
c) Soit x ∈ Ei , et r tel que x ∈ Kr ; x ∈ Ei ∩ ωr , donc i ∈ Ir et x ∈ Vi,r ⊂ Vi .
d) ωr est inclus dans un ensemble de la forme G1 ∩ · · · ∩ Gn+1 , en particulier ωr ⊂ Gi
avec Gi = Ui ou Eic ; mais Gi = Eic est exclu, puisque ωr ∩ Ei  ∅ ; donc ωr ⊂ Ui .
e) W i = ∪ Wi,r , et pour i ∈ Ir , on a Wi,r ⊂ ωr ⊂ Ui d’après d) (noter que i ∈ Ir doit
i∈Ir
se penser comme « Ir contient i »).
n+1
f) Supposons que x ∈ ∩ (W i \Vi ) ; par définition, il existe r1 , . . . , rn+1 tels que
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

1
x ∈ Wi,ri \Vi,ri et i ∈ Iri . Je dis que les ri sont distincts ; car si par exemple i > j
et ri = r j = r, x ∈ Wi,r ⊂ V j,r , et alors on ne peut avoir x ∈ W j,r \V j,r ; par construc-
tion, x  Kr1 ∪ · · · ∪ Krn+1 , puisque Kr ⊂ Vi,r pour i ∈ Ir ; mais les Kr recouvrent
X, on peut donc trouver r0 distinct de r1 , . . . , rn+1 , tel que x ∈ Kr0 ; il s’ensuit que
n+1
x ∈ ∩ ωri , ce qui est contraire au fait que tout point de X est dans au plus n + 1 des
0
ωr , et montre par l’absurde que

n+1
∩ (W i \Vi ) = ∅.
1

213
Chapitre 5 • Espaces métriques complets

5.11 Soit Ui = Fic ; par hypothèse, Ei ⊂ Ui , et l’exercice 10 fournit des ouverts Vi ,


Wi tels que
E i ⊂ V i ⊂ V i ⊂ Wi ⊂ W i ⊂ U i ,
n+1
avec ∩ (W i \Vi ) = ∅ ; le théorème d’Urysohn (trivial dans un espace métrique) four-
1
nit des ϕi : X :→ [−1, 1] continues, telles que ϕi = 1 sur V i , −1 sur Wic ; ainsi
ϕ−1
i (0) ⊂ Wi \V i ⊂ W i \Vi , et F i ⊂ Wi , d’où a), b), c).
c

5.12* a) Soit a ∈ A ; supi | fi (a)| = 1, il existe donc i tel que | fi (a)| = 1 ; si fi (a) = 1,
a ∈ Ei ; si fi (a) = −1, a ∈ Fi .
b) Les Ei , Fi sont fermés dans A fermé dans X, donc eux-mêmes fermés dans X,
et Ei ∩ Fi = ∅ ; si ϕ1 , . . . , ϕn+1 sont comme dans l’exercice 11, ϕ = (ϕ1 , . . . , ϕn+1 )
répond à la question ; en effet ϕ(x)  0 pour tout x ∈ X, puisque les ϕi n’ont pas de
zéro commun.
c) Soit ψ = ϕ|A et h(a, t) = (1 − t)ψ(a) + t f (a), où a ∈ A, t ∈ [0, 1] ; h(a, 0) = ψ,
 
h(a, 1) = f , h est donc une homotopie de ψ vers f dans C A, (Rn+1 )∗ : soit en
effet a ∈ A ; il existe i tel que fi (a) = εi = ±1, et on a aussi ϕi (a) = εi , d’où
hi (a, t) = εi (1 − t + t) = εi  0, et h(a, t)  0, puisque h = (h1 , . . . , hn+1 ) ; d’après le
critère homotopique de Borsuk (dont la preuve, faite pour n = 1, reste valable pour
n quelconque), f a un prolongement continu g : X → (Rn+1 )∗ , puisque tel est le cas
g(x)
pour ψ par construction ; alors F(x) = ||g(x)|| est un prolongement continu pour f , à
valeurs dans Qn = {t ∈ R ; ||t|| = 1}.
n+1

5.13* a) E n’est pas fermé dans R2 puisque E = E ∪ [−i, i], en identifiant topolo-
giquement R2 à C.
b) L’existence de ϕ est juste la définition de E comme graphe. D’autre part, si on
assimile C à R2 et si on pose z = x + i sin 1x , z
= x
+ i sin x1
, on sait que

| f (z) − f (z
)|2  k2 |z − z
|2 ,

ce qui revient à l’inégalité demandée.


c) L’inégalité de b) donne en particulier :
%   &

2
2  1 1 2
|ϕ(x) − ϕ(x )|  k |x − x | + sin − sin
 .
2
x x
Cela montre la continuité de ϕ. Cette fonction n’a pas de point fixe, sinon f en aurait
un aussi. Elle vérifie ϕ(1)  1 et donc ϕ(1) < 1. Par le théorème de la valeur intermé-
diaire, applicable puisque ϕ est continue et J connexe, on a ϕ(x) < x pour tout x ∈ J.

214
Corrigés

En particulier, on a lim x→0+ ϕ(x) = 0 et par suite lim x→0+ ϕ(x)


1
= +∞. Le théorème
1
de la valeur intermédiaire de nouveau, appliqué à ϕ , donne l’existence de deux suites
(xn ), (x
n ) de points de J, de limite nulle, telles que

1 π 1 π
= 2nπ + et
= 2nπ − .
ϕ(xn ) 2 ϕ(xn ) 2

Ces suites conviennent, puisque

1 1
sin = 1 et sin = −1.
ϕ(xn ) ϕ(x
n )

 2
d) On applique b) à xn et x
n en remarquant que  sin ϕ(x1 n ) − sin ϕ(x1
n )  = 4 et
 2
 sin x1 − sin x1
  4.
n n

e) En passant à la limite dans l’inégalité de d), on obtient 4  4k2 , d’où la contradic-


tion k  1. En conclusion, toute contraction de E dans lui-même admet un point fixe,
et pourtant E n’est pas complet.

5.14 a) dim(A) = 0 est facile ; f est uniformément continue sur A, soit r = ω( f , 1)


un module de continuité uniforme de f pour ε = 1 ; A peut être recouvert par des
ouverts disjoints U1 , . . . , Uk de diamètre < r, et par suite f (U j )  Γ ; on peut donc
trouver (théorème III.15 du chapitre II) g j : U j → R continue avec f |U j = eig j ;
la fonction g définie par g|U j = g j répond à la question (proposition III.10 du cha-
pitre II).
b) D’après le théorème de Tietze, g admet un prolongement continu G : X → R, et
F = eiG répond à la question.

5.15 a) ||g|| < 14 , donc il existe α ∈ 0, 12 tel que α(1 − α)  ||g||. Alors, pour
|| f ||  α, ||T ( f )||  12 [α(1 − α) + α2 + α] = α, d’où T (Bα ) ⊂ Bα.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.


b) T ( f1 ) − T ( f2 ) = 12 ( f1 − f2 )( f1 + f2 ) − ( f1 − f2 ) ◦ ϕ . Si donc f1 , f2 ∈ Bα :
||T ( f1 ) − T ( f2 )||  2α+12 || f1 − f2 ||.
c) On applique le théorème de Picard à T : Bα → Bα ; toutes les hypothèses sont
remplies et (∗) équivaut à T ( f ) = f ; (∗) a une seule solution dans Bα, mais peut
éventuellement en avoir d’autres hors de Bα.
 
5.16 f x
= lim fn , fy
= lim gn , où fn (x, y) = n f x + 1n , y − f (x, y) et gn (x, y) =
 
n f x, y + 1n − f (x, y) ; par le théorème de la limite simple, fx
est continue sur le
Gδ dense A, fy
sur le Gδ dense B ; C = A ∩ B est un Gδ dense sur lequel f est
différentiable.

215
Chapitre 5 • Espaces métriques complets


5.17 a) T (In ) est compact donc fermé, et X = ∪ T (In ) ; or X est toujours un espace
1
de Baire, soit en tant que métrique complet s’il est métrisable, soit en tant que locale-
ment compact (cf. chapitre VI) dans le cas général ; un des T (In ), soit T (I p ), est donc
d’intérieur non vide.

b) Soit J p = T (I p ) ; (y + J p )y∈X est un recouvrement ouvert de X, dont on ex-
◦ ◦ N
trait le sous-recouvrement fini (y1 + J p , . . . , yN + J p ) ; a fortiori, X = ∪(y j + J p ) ;
1
si x j = T −1 (y j ), y j + J p = T (x j + I p ) puisque T est un homomorphisme, d’où
N N
X = ∪ T (x j + I p ) et T −1 (X) = ∪(x j + I p ) puisque T est une bijection. Mais cette
1 1
égalité est absurde : en effet le membre de gauche est R non compact, et le membre
de droite est compact (ou tout simplement borné).
 x 
c) X = C(0, 1) ∪ C(2, 1) et f : R → X définie par f (x) = 2 − exp 2iπ 1+|x| si x  0 ;
 
f (x) = exp − 2iπ 1+xx
si x > 0 répondent à la question (cf. figure 5.4).

4 2

f(0)=1
0 2

3 1
C(0,1) C(2,1)

Les flèches indiquent le sens de variation de f quand x croît.

Figure 5.4

5.18 a) Si ea (x) = eiax , ea ∈ E pour a ∈ R et ||ea − eb || = 2 si a  b.


b) Soit D une partie dénombrable dense de R, Δ = { ft ; t ∈ D} est une partie dé-
nombrable de O( f ) ; soit ε > 0, δ un module de continuité uniforme pour f associé,
s ∈ R ; on peut trouver t ∈ D tel que |s − t|  δ, il en résulte || fs − ft ||  ε ; Δ est donc
un dénombrable dense de O( f ).
! "
c) i) Soit Fn (x) = t ∈ R; | f (x + t) − f (x + tn )|  ε ; Fn (x) est fermé puisque f est
continue, et Fn = ∩ {Fn (x); x ∈ R}.
ii) Conséquence immédiate du théorème de Baire et de la densité des { ftn } dans O( f ).
iii) On peut supposer x  y  x + h ; deux intervalles de même longueur étant transla-
tés l’un de l’autre, il existe a réel tel que [x, x + h] = a + I, et on peut écrire x = a + u,

216
Corrigés

y = a + v avec u, v ∈ I. Alors, via ii) :

| f (x) − f (y)| = | f (a + u) − f (a + v)| = | fu (a) − fv (a)|  || fu − fv ||

 || fu − ft j || + || ft j − fv ||  ε + ε = 2ε .

5.19 a) Soit c > 0 une période de f , et soit T : R → O( f ) définie par T (a) = fa ; f


étant périodique, elle est uniformément continue, donc T est continue (préciser pour-
quoi !) ; de plus T ([0, c]) = O( f ), donc O( f ) est compacte comme image continue
d’un compact.
b) i) O( f ) compact ⇒ O( f ) métrique compact ⇒ O( f ) séparable ⇒ f uniformément
continue d’après l’exercice 18 ; d’autre part, l’application T du a) est injective sous
l’hypothèse f non périodique ; en effet, si T (a) = T (b), a − b est une période de f , et
par conséquent a = b. Alors, chaque élément de O( f ) s’écrit fa d’une façon unique,
et O( f ) muni de la loi indiquée est bien un groupe abélien, avec fa−1 = f−a ; c’est
aussi un groupe topologique, puisque par exemple || fa
· fb
− fa · fb || = || fa
+b
− fa+b ||
sera  ε dès que |a
− a|  2δ et |b
− b|  2δ , où δ est un module de continuité uniforme
de f associé à ε ; O( f ) est compacte par hypothèse ; c’est donc un groupe abélien
compact, et T est un homomorphisme (T (a + b) = fa+b = fa · fb = T (a) · T (b))
surjectif (par définition de O( f )), donc bijectif continu de R sur O( f ).
ii) Mais ceci est impossible d’après l’exercice préparatoire 17 ; l’équivalence deman-
dée est donc établie.

5.20 a) Soit ε > 0 et ( ft1 , . . . , ftN ) un ε−réseau de O( f ) ; posons  = 2 max j |t j |


et montrons que ce  convient dans la définition de la presque périodicité ; soit I
un intervalle de longueur , c le milieu de I ; il existe j tel que || fc − ft j ||  ε, soit
encore || ft − f ||  ε, avec t = c − t j ; t est donc une ε−période de f ; d’autre part

|t − c| = |t j |  2 , donc t ∈ I = c − 2 , c + 2 .
b) i) Soit ε > 0,  > 0 associé comme dans la définition ; f est uniformément continue
sur le compact [0,  + 1], il existe donc δ ∈]0, 1] tel que u, v ∈ [0,  + 1] et |u − v|  δ
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implique | f (u) − f (v)|  ε ; soit maintenant x, y ∈ R avec x  y  x + δ ; l’intervalle


[x−, x] contient une ε−période t ; −t est aussi ε−période puisque || ft − f || = || f − f−t ||,
d’où | f (y) − f (y − t)| = | f (y) − f−t (y)|  ε et de même | f (x) − f (x − t)|  ε ; d’autre
part, x − t et y − t ∈ [0,  + δ] ⊂ [0,  + 1], et |(x − t) − (y − t)| = |x − y|  δ, donc
| f (x − t) − f (y − t)|  ε ; enfin :

| f (x) − f (y)|  | f (x) − f (x − t)| + | f (x − t) − f (y − t)| + | f (y − t) − f (y)|  3ε.

ii) Soit ε > 0,  > 0 comme ci-dessus et h > 0 tel que | f (x) − f (y)|  ε pour
|x − y|  h (h existe d’après la continuité uniforme de f ) ; soit d’autre part (t1 , . . . , tN )

217
Chapitre 5 • Espaces métriques complets

un h−réseau de [0, ] ; pour t ∈ R, soit τ une ε−période de f dans [t − , t] et soit


u = t − τ ∈ [0, ] ; on peut trouver j ∈ [1, N] tel que |u − t j |  h, d’où || fu − ft j ||  ε ;
enfin

|| ft − ft j ||  || ft − fu || + || fu − ft j || = || ft−u − f || + || fu − ft j ||

= || fτ − f || + || fu − ft j ||  2ε,

donc ( ft1 , . . . , ftN ) est un 2ε−réseau de O( f ).

5.21 a) Chaque T n−1 (V j ) est ouvert puisque T n est continue. O j est donc ouvert
comme union d’ouverts. Si U est un ouvert non-vide de X et si j est fixé, il existe par
hypothèse un indice n tel que T n (U) ∩ V j  ∅, d’où U ∩ T n−1 (V j )  ∅ et a fortiori
O j ∩ U  ∅, ce qui implique la densité de O j .
b) La densité de G découle du théorème de Baire. Et G est exactement l’ensemble
des points d’orbite dense sous l’action des T n , car les V j formant une base d’ouverts
de X, on a équivalence entre
1. L’ensemble {T n (x)} est dense dans X.
7 ; 
2. x ∈ ∞ j=1
−1
n1 T n (V j ) = G.

5.22 a) Soit U, V deux ouverts non-vides de Γ, et I = (α, β), avec α < β, un arc
ouvert ⊂ U. Soit n tel que λn (β − α) > 2π. Alors, on a clairement T n (I) = Γ et a
fortiori T n (U) ∩ V  ∅.
b) Il suffit d’appliquer le résultat de l’exercice précédent à l’espace Γ, métrique com-
plet séparable (car métrique compact).
c) 1. Soit z = eiϕ . On a g(z) = e2iϕ et donc :

f ◦ h(z) = f (sin2 ϕ) = 4 sin2 ϕ cos2 ϕ = sin2 (2ϕ) = h ◦ g(z).

2. D’après l’exercice précédent avec λn = 2n , il existe z0 ∈ Γ tel que la suite (zn )


définie par z0 et la relation de récurrence zn+1 = g(zn ) soit dense dans Γ. Soit
alors x0 = h(z0 ). La suite (xn ) de l’énoncé vérifie xn = h(zn ) par récurrence :

xn = h(zn ) =⇒ xn+1 = f (xn ) = ( f ◦ h)(zn ) = (h ◦ g)(zn ) = h(zn+1 ).

Et cette suite (xn ) est dense dans I, comme image de l’ensemble dense (zn ) par
l’application continue surjective h. Le résultat est frappant pour la raison sui-
vante : si F : I → I est monotone, la suite récurrente x0 ∈ I, xn+1 = F(xn ) a
au plus deux valeurs d’adhérence (elle converge si F est croissante, et les sous-
suites (x2n ), (x2n+1 ) convergent si F est décroissante). Ici, f n’est pas monotone,

218
Corrigés

mais elle est quand même unimodale (croissante sur [0, 12 ], puis décroissante).
Et cette semi-monotonie suffit à impliquer l’existence de points x0 à f -orbite
chaotique.

5.23* a) U f est une fonction continue et un élément de X car on a :


   
1. U f ( 13 )− = 3
4 f (1) = 3
4 et U f ( 13 )+ = 14 + 12 f (1) = 34 ;
   
2. U f ( 23 )− = 1
4 + 12 f (0) = 14 et U f ( 23 )+ = 14 + 34 f (0) = 14 ;
3. U f (0) = 3
4 f (0) = 0 et U f (1) = 1
4 + 34 f (1) = 1.
Il est utile, pour comprendre, de tracer le graphe de U f0 , où f0 ∈ X est la fonction
identité : f0 (x) = x. On trouve une fonction « fulgurante » ou bien « à la Zorro »
suivant les goûts.
b) Soit f , g ∈ X. On voit que
   
1. x ∈ I0 ⇒ U f (x) − Ug(x) = 3 
4 f (3x) − g(3x)  34 d( f , g).
   
2. x ∈ I1 ⇒ U f (x) − Ug(x) = 1 
2 f (2 − 3x) − g(2 − 3x)   12 d( f , g)  34 d( f , g).
   
3. x ∈ I ⇒ U f (x) − Ug(x) =
2
3   3
4 f (3x − 2) − g(3x − 2)  4 d( f , g).

Il en résulte que d(U f , Ug)  34 d( f , g) et que U : X → X est 34 -contractante.


c) L’application contractante U : X → X admet un point fixe unique h car X est
complet.
d) Nous voulons montrer la propriété exorbitante :
   
 k + 1 k  −n
(∗) h −h n   2 , ∀n ∈ N, ∀k ∈ N avec 0  k  3 − 1.
n
 3 n 3

Cette propriété signifie que h prend n’importe quel couple de rationnels n-triadiques
consécutifs 3kn et k+1 −n
3n , distants de 3 , et les éloigne brutalement, puisque la distance
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des images devient d’un seul coup  2−n , ce qui est incomparablement plus grand
que 3−n ! Prouvons maintenant (∗) par récurrence sur n, en utilisant l’équation fonc-
tionnelle Uh = h :

Cas n = 0 :
Nous avons |h(1) − h(0)| = 1  2−0 !
Passage de n à n + 1 : Soit k un entier tel que 0  k  3n+1 − 1. Le point
k
clé est que les deux nombres 3n+1 et 3k+1
n+1 sont dans un même des trois intervalles

I0 = [0, 3 ], I1 = [ 3 , 3 ], I2 = [ 3 , 1]. Distinguons trois cas et utilisons bien sûr l’hypo-


1 1 2 2

thèse de récurrence :

219
Chapitre 5 • Espaces métriques complets

1. Cas 0  k  3n − 1 :
n+1 ∈ I0 , d’où puisque Uh = h :
k
alors, 3n+1 et 3k+1
       
 k + 1 k   3 k + 1 3 k  3 −n −n−1
h n+1 − h n+1  =  h − h n   2  2 .
3 3 4 3n 4 3 4
2. Cas 3n  k  2 × 3n − 1 :
n+1 ∈ I1 , d’où puisque Uh = h, et en posant pour simplifier les
k
alors, 3n+1 et 3k+1
formules l = 2 × 3n − k − 1 :
       
 k + 1 k   1 l + 1 1 l  1 −n
h n+1 − h n+1  =  h − h n   2 = 2−n−1 .
3 3 2 3n 2 3  2
3. Cas 2 × 3n  k  3 × 3n − 1 :
n+1 ∈ I2 , d’où en posant l = k − 2 × 3
k
alors, 3n+1 et 3k+1 n et en utilisant une fois de
plus la relation Uh = h :
       
 k + 1 k   3 l + 1 3 l  3 −n −n−1
h n+1 − h n+1  =  h n
− h n   2  2 .
3 3 4 3 4 3 4
Ceci achève la preuve par récurrence de (∗).
= x − 3−n , d’où yn
n n
e) On a xn  33nx = x et xn  3 3x−1 n  x. De plus, (∗) entraîne, en
posant kn = [3n x] :
      
 h(yn ) − h(xn )  1  kn + 1 kn  2−n 3
n
|Dn | =  = −h n   −n = → ∞.
 yn − xn  3−n 
h n
3 3 3 2
f) Le point important est que xn et yn sont de part et d’autre de x. En effet, on peut
écrire xn = x − εn , yn = x + δn avec εn , δn  0, yn − xn = εn + δn , d’où si h était
dérivable en x :
h(xn ) = h(x) − εn h
(x) + λn εn
h(yn ) = h(x) + δn h
(x) + μn δn
avec λn → 0 et μn → 0. En retranchant membre à membre et en quotientant, on
obtient :
h(yn ) − h(xn ) μn δn − λn εn
Dn = = h
(x) + ρn avec ρn =
yn − xn εn + δn
et donc ρn → 0 car |ρn |  |λn | + |μn |. Donc Dn → h
(x), ce qui contredit le résultat de
la question e) (|Dn | → ∞).
Remarques finales. i) Le résultat de la question f) peut devenir faux si xn , yn → x
sans être de part et d’autre de x, comme le montre l’exemple de f ∈ E définie par
f (x) = x2 sin 1x si x  0 et f (0) = 0. On a f
(0) = 0, mais si
1 1
xn = π et yn = π , n = 1, 2, . . .
2 + 2nπ 2 + (2n + 1)π

220
Corrigés

on voit que
f (xn ) − f (yn ) x2n + y2n 4n2 π 2
= ∼ 2 2 → !
xn − yn xn − yn 2n π π
ii) Les coefficients 12 et 34 devant f dans les formules définissant U doivent juste
vérifier U f (0) = 0, U f (1) = 1, permettre le recollement en les points 13 et 23 et
être <1 et > 13 . La chose à retenir est ce découpage en trois intervalles, et les trois
transformations 3x, 2 − 3x, 3x − 2, qui « balaient » chacune l’intervalle [0, 1] en une
fraction de temps 13 . Et nous pourrions définir U : X → X par :



⎪ a f (3x) si x ∈ I0 := [0, 13 ]




U f (x) = ⎪
⎪ b + c f (2 − 3x) si x ∈ I1 := [ 13 , 23 ]




⎩ d + e f (3x − 2) si x ∈ I2 := [ 2 , 1]
3

On obtiendra que U f ∈ X si on a les conditions de recollement :


   
1. U f ( 13 )− = a f (1) = a et U f ( 13 )+ = b + c f (1) = b + c = a;
   
2. U f ( 23 )− = b + c f (0) = b et U f ( 23 )+ = d + e f (0) = d = b;
3. U f (0) = a f (0) = 0 et U f (1) = d + e f (1) = d + e = 1.
Autrement dit, en se limitant à des coefficients positifs, on définira :



⎪ (b + c) f (3x) si x ∈ I0 := [0, 13 ]




U f (x) = ⎪
⎪ b + c f (2 − 3x) si x ∈ I1 := [ 13 , 23 ]




⎩ b + (1 − b) f (3x − 2) si x ∈ I2 := [ 2 , 1]
3
2 1
avec 0<b< , < c < 1, b + c < 1.
3 3
Il y a bien d’autres choix (par exemple b = c = 25 ) que celui du texte (b = 14 , c = 12 ).
Posant r = min(c, 1 − b) > 13 , la condition (∗) est remplacée par :
   
 k + 1 k 
− h n   rn , ∀n ∈ N, ∀k ∈ N avec 0  k  3n − 1.
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(∗∗) h
 3n 3 
Et la condition (∗∗) impliquera de même la « non-dérivabilité partout » de la nouvelle
fonction h.
iii) Des applications voisines du théorème de Picard (courbes de Péano) se trouvent
dans le livre de Hairer-Wanner « Analysis by its History » p. 290-293. On en verra
d’autres (courbes de von Koch) au chapitre 7 de cet ouvrage.
;
5.24 a) Fn est fermé car f est continue ; X = ∞ 1 F n par hypothèse, et X est un
espace de Baire, donc un des Fn , soit Fn0 , contient un intervalle [α, β] non réduit à
un point : 0 < α < β. On a par définition | f (x)|  ε pour x ∈ E.

221
Chapitre 5 • Espaces métriques complets

(n + 1)α α
b) On observe que → < 1 quand n → ∞ ; il existe donc n1  n0 tel
nβ β
que (n + 1)α  nβ si n  n1 . Si maintenant x  n1 α, et si n  n1 est l’entier tel que
nα  x < (n + 1)α, on a x  nβ, donc x ∈ E, et E contient l’intervalle [T , ∞[, où
T = n1 α, ce qui montre que x  T ⇒ | f (x)|  ε.
c) On a (2a) = limn→∞ f (2na) = (a), de même (pa) = l(a) pour tout p ∈ N∗ , puis
p
 a = (a) pour tous p, q ∈ N∗ . L’existence de a0 vient du théorème de la limite
q
simple de Baire ; si a ∈ X, soit (rn ) une suite de rationnels > 0 telle que rn a → a0 ;
alors, (rn a) → (a0 ), c’est-à-dire (a) = (a0 ) = 0 . En considérant f − 0 , on est
ramené au b).

222
LOCALEMENT TRUC
E SPACES
6
I D ÉFINITION GÉNÉRALE ; PREMIERS EXEMPLES
Le titre de ce chapitre est un peu trompeur, car on va presque exclusivement s’inté-
resser aux notions de compacité locale et de connexité locale. Si l’on procède ainsi,
c’est pour montrer que ces deux notions entrent dans le même cadre, contrairement à
ce que certaines présentations pourraient laisser croire ; sauf mention expresse du
contraire, tous les espaces seront séparés. Soit « truc » une propriété topologique
(compacité, connexité, séparabilité, etc.) ; X peut ne pas avoir cette propriété mais
l’avoir localement aux sens suivants :

X est localement truc en un point a si
(I.1)
a possède une base de voisinages truc.

X est localement truc s’il est localement truc
(I.2)
en chaque point a ∈ X .
Un espace vérifiant (I.2) doit donc avoir « beaucoup » (au sens topologique) de parties
truc, et ceci autour de chaque point ; voici quelques exemples.
R est localement compact. (I.3)
En effet, a ∈ R possède la base de voisinages compacts [a − h, a + h], où h > 0 ;
pourtant R n’est pas compact.
Tout ouvert ω d’un evn est localement connexe par arcs. (I.4)
En effet, a ∈ ω possède la base de voisinages convexes B(a, r), où r est assez petit
(r  ra ) ; ces voisinages sont connexes par arcs ; mais ω n’est pas connexe en général
(par exemple R∗ ).
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Un espace discret X est localement compact et localement connexe. (I.5)


En effet, {a} est une base de voisinages compacts et connexes de a.
⎧  '


⎪ 1 ∗
⎨X = , n ∈ N ∪ {0} est localement connexe



n (I.6)
⎩ en chaque point 1 , mais pas en 0.
n
!1"
En effet, n est une base de voisinages connexes de 1n ; mais un voisinage V de 0
dans X contient d’autres points que 0 et n’est pas un intervalle ; 0 n’a donc aucun
voisinage connexe, a fortiori X n’est pas localement connexe.

223
Chapitre 6 • Espaces localement truc

Remarque I.1. Il n’est pas vrai, en général, qu’une propriété truc se localise auto-
matiquement ; on verra plus loin qu’un espace compact est localement compact (c’est
un théorème !) mais qu’il y a des espaces connexes (l’adhérence du graphe de sin 1x
par exemple) qui ne sont pas localement connexes.

II E SPACES LOCALEMENT COMPACTS


II.1 Exemples et contre-exemples
(I.3) se généralise ainsi :

Un evn E est localement compact si et
(II.1)
seulement si E est de dimension finie.

C’est le théorème de F. Riesz (cf. [QZ]) ; on sait même que si dim E = ∞, aucun point
de E n’a le moindre voisinage compact.

R∗ est un groupe topologique (multiplicatif) localement compact. (II.2)

En effet, la continuité des opérations (x, y) → xy et x → x−1 est évidente, et a ∈ R∗


possède dans R∗ la base de voisinages compacts [a − h, a + h] avec h < |a|.

Q est un groupe topologique (additif) non localement compact. (II.3)

Supposons par exemple que 0 a un voisinage compact V ; V contient un voisinage


de la forme Q ∩ [−h, h] = W ; W étant fermé dans V, il est compact dans Q, donc
dans R ; a fortiori il est fermé dans R ; or son adhérence dans R est [−h, h] ; cette
contradiction montre (II.3) ; on voit en particulier que

les notions de compacité locale, de connexité locale
(II.4)
ne sont pas stables par image continue.

Soit en effet f : Z → Q une bijection ; Z est discret donc f est continue ; Z est lo-
calement compact et localement connexe d’après (I.5), mais Q n’est pas localement
compact d’après (II.3) et n’est pas non plus localement connexe pour la même raison
que dans (I.6). On verra par contre (cf. exercice 1) que les deux notions précédentes
sont stables par image continue ouverte. Les exemples (II.2), (II.3) sont des cas par-
ticuliers d’un résultat plus général (proposition II.3).

II.2 Le critère de compacité locale


Les deux théorèmes suivants sont importants ; le second contient le premier, mais on
les énonce séparément pour plus de clarté.

224
II. Espaces localement compacts

Théorème II.1. Tout espace compact X est localement compact.

Démonstration. Soit a ∈ X, V un voisinage de a, ω un ouvert tel que a ∈ ω ⊂ V ; X


étant normal (cf. chapitre III), on peut trouver un ouvert U tel que a ∈ U ⊂ U ⊂ ω ;
U est un voisinage compact de a contenu dans V. ❑

Théorème II.2. Soit X un espace topologique. On a équivalence entre :


a) tout point de X possède au moins un voisinage compact.
b) X est localement compact.

Démonstration. Seul a) ⇒ b) est à montrer ; soit donc a ∈ X, U un voisinage com-


pact de a, V un voisinage de a ; V ∩ U est voisinage de a dans le sous-espace compact
U ; d’après le théorème II.1, V ∩ U contient W, voisinage compact de a dans U ; W
est compact dans X, et de la forme U ∩ W1 , où W1 ∈ B(a) ; donc W est un voisinage
compact de a dans X, inclus dans V. ❑

Ce théorème contient le précédent puisque si X est compact et a ∈ X, X est un


voisinage compact de a. Il rend parfois la preuve de la compacité locale plus facile ;
c’est le cas dans la proposition suivante.

Proposition II.3.
a) Soit A une partie d’un espace localement compact X ; on a équivalence entre :
i) A est localement compacte ;
ii) A = ω ∩ F, où ω est ouvert, F fermé.
b) Si X, Y sont localement compacts, leur produit l’est aussi.

Démonstration. a) i) ⇒ ii). Chaque x ∈ A a un voisinage compact dans A de la forme


U x ∩ A, où U x ∈ B(x) ; U x ∩ A est compact dans X, a fortiori fermé dans X : on en
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◦ ◦ ◦
déduit facilement que U x ∩A =U x ∩A, puis que A = ω ∩ F où ω = ∪ U x et F = A.
x∈A
ii) ⇒ i). Soit a ∈ ω ∩ F, U un voisinage compact de a inclus dans ω ; U ∩ A est
voisinage de a dans A, et U ∩ A = U ∩ F est compact, comme fermé du compact U.
La classe des parties de la forme ω ∩ F étant stable par intersection finie, on voit
en particulier que l’intersection de deux parties localement compactes l’est encore ; il
n’en est plus de même avec la réunion : A = {0} et le demi-plan ouvert B = {Rz > 0}
sont localement compacts dans C, lui-même localement compact, A ∪ B ne l’est pas.
b) Soit (x, y) ∈ X × Y, V et W des voisinages compacts de x et y respectivement ; alors
V × W est compact (théorème de Tychonoff) et c’est un voisinage de (x, y). ❑

225
Chapitre 6 • Espaces localement truc

Remarque II.4. Il est faux qu’un produit quelconque d’espaces localement com-
pacts soit localement compact. Mais on a équivalence entre (cf. exercice 2)



⎪ i) les Xi sont tous localement compacts



⎨ et presque tous compacts ;



(II.5)



⎩ ii) Π Xi est localement compact.
i∈I

II.3 Propriété de Baire des espaces localement compacts


Voici d’abord une proposition-définition simple.

Proposition-Définition II.5. Un espace topologique X est dit de Baire (ou avoir


la propriété de Baire) s’il vérifie une des deux propriétés équivalentes suivantes :
a) toute intersection dénombrable d’ouverts denses de X est dense dans X.
b) Toute réunion dénombrable de fermés d’intérieur vide dans X est d’intérieur vide
dans X.

Démonstration. a) ⇒ b). Soit (Fn )n1 des fermés d’intérieur vide ; posons On = Fnc ,
∞ ∞ ◦
A = ∩ On , B = ∪ Fn ; les On sont des ouverts denses de X, puisque On = (F n )c ; leur
1 1
intersection A est donc dense ; et B = Ac est d’intérieur vide.
b) ⇒ a). Même principe. ❑

Malgré sa définition un peu biscornue, la propriété de Baire se révèle (comme on


l’a déjà vu au chapitre V pour les espaces métriques complets) d’une utilité parfois
spectaculaire ; on va montrer qu’elle est possédée par tous les espaces localement
compacts ; la preuve est simple, mais le fait que chaque point possède beaucoup de
voisinages compacts joue un rôle essentiel (pour une preuve très instructive en termes
de « jeu de Choquet », cf. [HL], p. 20).

Théorème II.6. Tout espace localement compact est de Baire.



Démonstration. Soit (On )n1 une suite d’ouverts denses de X, A = ∩ On , O un ouvert
1
non vide de X ; il s’agit de montrer que A ∩ O  ∅. Nous allons pour cela construire
une suite (Vn )n1 de parties compactes de X telles que

V n  ∅ ; V1 ⊂ O1 ∩ O ; Vn ⊂ On ∩ Vn−1 (n = 2, . . .) . (II.6)

En effet O1 ∩ O contient au moins un point a, et a possède un voisinage compact V1



inclus dans O1 ∩ O ; ayant construit V1 , . . . , Vn , on observe que On+1 ∩ V n contient

226
II. Espaces localement compacts


au moins un point b puisque V n est un ouvert non vide ; et b possède un voisinage

compact Vn+1 inclus dans On+1 ∩ V n , a fortiori dans On+1 ∩ Vn ; cela prouve (II.6)
par récurrence ; or les Vn forment une suite décroissante de fermés non vides du
compact V1 , leur intersection contient donc au moins un point x ; et (II.6) montre que
x ∈ A ∩ O. ❑

Certains espaces (comme R) sont donc de Baire à double titre : parce qu’ils sont
métrisables complets et parce qu’ils sont localement compacts ; mais on a vu (cha-
pitre III) que certains espaces compacts ne sont pas métrisables ; le théorème II.6 et
le chapitre V montrent donc que la classe des espaces de Baire contient strictement
celle des métrisables complets. Donnons-en une application.
Soit (G, +) un groupe topologique abélien compact d’ordre non borné (i.e. G
contient des éléments d’ordre arbitrairement grand) ; alors :

G contient une partie dense A formée d’éléments d’ordre infini. (II.7)



Posons Fn = {x ∈ G; nx = 0}, B = ∪ Fn , A = Bc ; Fn est un sous-groupe fermé de G
n=1

(image inverse de 0 par l’homomorphisme continu x → nx) ; si F n  ∅, Fn est ouvert
dans G (chapitre II, exercice 19) et les classes a + Fn sont ouvertes aussi ; G étant
compact et union disjointe de telles classes, celles-ci sont en nombre fini ; autrement
dit le groupe quotient FGn a un cardinal fini pn ; soit σ : G → FGn la surjection cano-
nique, et x ∈ G ; pn σ(x) = 0 (propriétés des groupes finis), soit encore pn x ∈ Fn et
(npn ) x = n(pn x) = 0, contrairement à l’hypothèse ; chaque Fn est donc d’intérieur
vide, ainsi que B ; et A est un Gδ dense constitué d’éléments d’ordre infini.

II.4 Compactifié d’Alexandroff d’un espace localement


compact ; sphère de Riemann
Soit X un espace localement compact non compact (par exemple Rn ) ; par définition,
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

X contient beaucoup de compacts ; on va voir qu’en conséquence il suffit de lui ad-


joindre un seul point ω (appelé point à l’infini) pour le rendre compact ; de façon
précise, on a le théorème suivant.

Théorème II.7 (théorème d’Alexandroff). Soit (X, T ) un espace localement


compact non compact, {ω} un ensemble réduit à un élément, X
= X  {ω} l’union
disjointe de X et ω (ensemble « somme »). Soit T
la famille de parties de X
définie
par A ∈ T
⇔ A ∈ T ou A = K c ∪ {ω}, K compact de X.
Alors
a) T
est une topologie séparée sur X
et (X
, T
) est compact.

227
Chapitre 6 • Espaces localement truc

b) La topologie induite par T


sur X est T , et ω est point d’accumulation de X
.
c) f ∈ C(X) se prolonge en f˜ ∈ C(X
) si et seulement si f a une limite selon le filtre
des complémentaires des parties relativement compactes de X (on dit que f a une
limite à l’infini).

Démonstration. a) On vérifie aisément que T


satisfait les axiomes des ouverts ; si
a ∈ X, soit V un voisinage compact de a ; V et V c ∪ {ω} sont des voisinages disjoints
de a et ω respectivement, donc T
est séparée.
Soit maintenant (Ai )i∈I un recouvrement ouvert de X
; il existe un indice j tel que
A j = K c ∪ {ω}, où K est un compact de X ; ceux des Ai qui sont dans T recouvrent
K, donc il existe une partie finie H de I telle que K ⊂ ∪ Ai ; et X
⊂ ∪ Ai , avec
H L
L = H ∪ { j}.
b) Soit A un ouvert induit ; ou bien on a déjà A ∈ T , ou bien on a

A = X ∩ (K c ∪ {ω}) = K c ,

K étant un compact de X ; mais K est fermé dans X, donc on a encore A = K c ∈ T .


De plus, X n’étant pas compact, on a K c = X \ K  ∅ pour tout compact K de X, donc
tout voisinage K c ∪ {ω} de ω contient des points autres que ω.
c) Dire que f admet une limite  équivaut à dire que pour tout ε > 0 il existe un
compact K de X tel que x ∈ K c entraîne | f (x) − |  ε, et cela équivaut clairement à
la continuité de f˜ sur X
, où on pose f˜(ω) = , f˜(x) = f (x), pour tout x ∈ X. ❑

X
s’appelle le compactifié d’Alexandroff de X ; l’article défini se justifie par
l’unicité (à homéomorphisme près) d’un espace vérifiant a), b), c) du théorème II.7,
évidente à vérifier.

Remarque II.8. Soit X


un espace compact, ω un point d’accumulation de X
, X =
X
\ {ω} ; on montre comme dans (II.2) que X avec la topologie induite est localement
compact non compact ; le théorème d’Alexandroff montre donc que tous les espaces
localement compacts non compacts sont obtenus de cette façon.
Rn est localement compact non compact, donc a un compactifié d’Alexandroff, dont
on va donner une description géométrique.

Théorème II.9 (compactification de R n par la sphère de R n+1 ). Soit S la


sphère unité euclidienne de en+1 son « pôle nord », X = S \ {en+1 } ; alors Rn
Rn+1 ,
est homéomorphe à X et le compactifié d’Alexandroff de Rn est homéomorphe à S .

Démonstration. (cf. chapitre II). Identifions Rn à l’hyperplan de Rn+1 d’équation


(y/en+1 ) = 0 et définissons la « projection stéréographique » f : X → Rn ainsi

228
II. Espaces localement compacts

e n+1

f(x)

Rn
S

Figure 6.1

(cf. figure 6.1) : f (x) est le point où la demi-droite issue de en+1 et passant par x perce
Rn ;
 
analytiquement, f (x) = en+1 + λ(x − en+1 ) avec λ  0 et f (x)/en+1 = 0, d’où (avec
xn+1 = (x/en+1 ))
x − en+1
f (x) = en+1 + . (II.8)
1 − xn+1
f est évidemment continue sur X ; si y ∈ Rn , l’équation f (x) = y où x ∈ X équivaut à

x = (1 − xn+1 ) y + xn+1 en+1 ; |x| = 1 . (II.9)

Or |x|2 = (1 − xn+1 )2 |y|2 + x2n+1 par le théorème de Pythagore ; donc (II.9) entraîne
|y|2 −1
(1 − xn+1 )2 |y|2 = 1 − x2n+1 et xn+1 = |y|2 +1
; l’équation f (x) = y a donc une solution et
une seule x = f −1 (y) donnée par

2 |y|2 − 1
f −1 (y) = y + en+1 . (II.10)
1 + |y|2 |y|2 + 1
Enfin, (II.8) et (II.10) montrent que f est un homéomorphisme de X sur Rn . ❑
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Pour n = 2, S s’appelle sphère de Riemann ; c’est donc aussi le compactifié


d’Alexandroff C∪{∞} de C ; S joue un rôle important dans l’étude des fonctions holo-
morphes, notamment des homographies T (z) = az+b cz+d où a, b, c, d ∈ C et ad − bc  0 ;
quand on veut itérer T , il est très utile de la définir sur S entier en posant


⎨ T (∞) = ∞
⎪ si c = 0

⎪  
⎩ T (∞) = a et T − d = ∞ si c  0 .
c c

Remarque II.10. Une autre « compactification » utile de R est celle de la droite


numérique achevée : on ajoute à R deux points −∞ et +∞ et aux ouverts de R les

229
Chapitre 6 • Espaces localement truc

ensembles {−∞} ∪ {x < a} =: [−∞, a[ et {x > a} ∪ {+∞} =: ]a, +∞] où a parcourt R ;


on obtient un espace homéomorphe à [0, 1], alors que le compactifié d’Alexandroff
de R est homéomorphe à Γ d’après le théorème II.9.

II.5 Fonctions continues tendant vers l’infini ; théorème


de d’Alembert-Gauss
Soit X un « vrai » espace localement compact (i.e. localement compact non compact) ;
on dit qu’une fonction continue f : X → R tend vers l’infini quand la variable tend
vers l’infini si

(∀ A ∈ R) (∃ K compact ⊂ X) (∀ x ∈ X) : x  K ⇒ f (x)  A . (II.11)

En d’autres termes, f tend vers l’infini suivant le filtre des complémentaires des par-
ties relativement compactes.

Théorème II.11. Soit X un vrai espace localement compact et f : X → R continue,


tendant vers l’infini à l’infini. Alors

f est minorée et atteint sa borne inférieure . (II.12)

Démonstration. Soit a ∈ X et A > f (a) ; il existe K ⊂ X, compact, tel que f (x)  A


si x  K ; montrons que

a ∈ K ; f |K atteint sa borne inférieure m en b ∈ K ; m  f (a) . (II.13)

En effet, a  K entraînerait f (a)  A ; f |K est continue sur le compact K, donc m et b


existent ; enfin a ∈ K, donc m  f (a). (II.13) entraîne

inf f (x) = m = f (b) . (II.14)


x∈X

En effet si x ∈ K, on a f (x)  m ; si x  K, on a f (x)  A > f (a)  m ; m est donc un


minorant de f , et (II.14) s’ensuit, puisque m = f (b). ❑

Le théorème II.11 joue un rôle important dans une des preuves du célèbre théorème
suivant.

Théorème II.12 (théorème de d’Alembert-Gauss ou grand théorème de l’algè-


bre). Tout polynôme non constant à coefficients complexes possède au moins une
racine complexe.

230
III. Espaces localement connexes

Démonstration. C est construit à partir de R pour que le polynôme z2 + 1 ait une


racine ; les choses se déroulent ensuite en deux étapes.
Étape 1. Toute équation binôme zn = w, où n ∈ N∗ , w ∈ C, possède une racine ; si
on veut éviter le recours à l’exponentielle complexe, et donc aux séries entières et au
nombre π, il y a un peu de travail à faire. Mais il existe une preuve récente due à T.W.
Körner, suffisamment jolie et naturelle pour être appelée à devenir classique, et que
nous traitons dans l’exercice 3 de ce chapitre.

n
Étape 2. Tout polynôme non constant P(z) = ak zk (avec n  1 et an  0) possède
k=0
une racine. C’est ce que nous allons montrer en nous appuyant sur l’étape 1 ; z−n P(z)
tend vers an quand z → ∞, en particulier |P(z)| tend vers l’infini à l’infini, donc, par
le théorème II.11,

|P(z)| atteint sa borne inférieure m en z0 . (II.15)

Et ensuite ? Sur R, le polynôme x2 + 1 atteint sa borne inférieure 1 en x0 = 0 et c’est


tout ; la moitié du travail restant consiste à montrer que, compte tenu de la structure
particulière de C, on a aussi
m=0. (II.16)
P(z + z0 )
Supposons m > 0 ; quitte à remplacer P(z) par , on peut supposer z0 = 0 et
P(z0 )
m = 1 = P(0) ; puisque P n’est pas constant, il existe un plus petit entier p ∈ [1, n] tel
que a p  0 : P(z) = 1 + a p z p + . . . + an zn ; l’étape 1 nous fournit u tel que u p = − a1p ;
déplaçons-nous à partir de 0 dans la direction de u, c’est-à-dire considérons P(εu)
pour ε > 0 : P(εu) = 1 − ε p + O(ε p+1 ), d’où |P(εu)|  1 − ε2 < 1 pour ε assez petit,
p

ce qui contredit la définition de m et prouve (II.16) ; on a donc |P(z0 )| = m = 0, et z0


est une racine de P. ❑

III E SPACES LOCALEMENT CONNEXES


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

III.1 Exemples et contre-exemples


La notion de connexité locale n’est pas stable par image continue (cf. (II.4)) ni par
produit, bien qu’on ait l’analogue du résultat pour les localement compacts, à savoir :



⎪ on a équivalence entre :






⎨ i) les Xi sont tous localement connexes et


⎪ presque tous connexes ; (III.1)






⎩ ii) Π Xi est localement connexe.
i∈I

231
Chapitre 6 • Espaces localement truc

(Cf. exercice 5). D’autre part, on n’a rien d’analogue au théorème II.1, comme le
montrent les deux exemples suivants dans C :
!
Exemple 1. X = E = E ∪ [−i, i], où E = x + i sin 1x ; 0 < x  1}. X est connexe
(cf. chapitre IV) ; il est localement connexe en chaque point de l’arc E, homéomorphe
à ]0, 1], mais il n’est localement connexe en aucun point a de [−i, i]. Ecrivons en
effet a = i sin α, où |α|  π2 , et fixons r < 1. Si X est localement connexe en a, on
peut trouver un voisinage connexe V de a dans X avec B(a, r) ⊃ V ⊃ B(a, s) ∩ X,
où s est de la forme α+2pπ 1
avec p ∈ N∗ . Désignons par x (resp. y) l’application
projection sur le premier axe de coordonnées
 (resp. sur
 le second), et notons que :
0 = x(a) ∈ x(V) ; s ∈ x(V) puisque  s + i sin 1s − a = |s + i sin α − i sin α| = s,
de sorte que s + i sin 1s ∈ B(a, s) ∩ X ; x(V) étant connexe, il contient [0, s] et en
   
particulier un = π2 + (2n + 1) π −1 et vn = π2 + 2nπ −1 pour un entier n  1. Ainsi
y(V) contient sin u1n = −1 et sin v1n = 1 ; il en résulte que diam V  2, ce qui contredit
diam V  diam B(a, r) = 2r < 2 et établit le résultat annoncé.

Exemple 2. Soit X = X1 ∪ X2 , où X1 = ∪ 0, 1 + ni et X2 = ]0, 1]. Un raisonnement
n=1
analogue montre que X est connexe, localement connexe en tout point de X1 , mais
localement connexe en aucun point de X2 ; on pourrait d’ailleurs remplacer X par
X1 ∪ Y, où Y est une partie non vide arbitraire de ]0, 1].

III.2 Formulations métriques


Dans un espace métrique, la connexité locale s’exprime de façon parfois plus ma-
niable, comme le montrent les deux théorèmes suivants.

Théorème III.1. Soit X un espace métrique, a ∈ X. On a équivalence entre :


a) X est localement connexe en a.
b) Pour tout ε > 0, il existe δ > 0 tel que deux points quelconques de B(a, δ) soient
dans un même connexe contenu dans B(a, ε).

Démonstration. a) ⇒ b). Soit V un voisinage connexe de a contenu dans B(a, ε) ; V


contient une boule B(a, δ) ; si x et y ∈ B(a, δ), x et y ∈ V ⊂ B(a, ε).
b) ⇒ a). Pour chaque x ∈ B(a, δ) (où δ est associé à ε comme dans l’hypothèse), soit
C x un connexe contenant a et x et contenu dans B(a, ε). Posons V = ∪ C x ; V
x∈B(a,δ)
est connexe puisque a ∈ ∩ C x ; c’est un voisinage de a puisqu’il contient B(a, δ) ; et
il est contenu dans B(a, ε) ; ε étant arbitraire, X est localement connexe en a. ❑

Théorème III.2. Soit X un espace métrique compact. On a équivalence entre :

232
III. Espaces localement connexes

a) X est localement connexe.


b) Pour tout ε > 0, X est réunion finie de connexes de diamètre  ε.

Démonstration. a) ⇒ b). Pour x ∈ X, soit V x un voisinage connexe de x contenu


  ◦ ◦
dans B x, 2ε ; X est recouvert par les V x , donc par un nombre fini d’entre eux V x1

, . . . , V x p ; a fortiori, X = V x1 ∪ . . . ∪ V x p , avec V xi connexe et diam V xi  ε.
b) ⇒ a). Soit a ∈ X, ε > 0, (A1 , . . . , An ) un recouvrement de X par des connexes
de diamètre  ε. Quitte à remplacer Ai par Ai , connexe de même diamètre, on peut
supposer les Ai fermés. Posons

I = {i; a ∈ Ai } ; A = ∪ Ai ; J = I c ; V = ∩ Aci . (III.2)


I J

V est ouvert et a ∈ V ⊂ A, donc A est voisinage de a ; A est connexe comme union


de connexes contenant a ; A ⊂ B(a, ε) ; en effet, pour x ∈ Ai avec i ∈ I, on a d(x, a) 
diam Ai  ε ; a possède donc une base de voisinages connexes. ❑

Pour une application de ce théorème, voir l’exercice 6.

III.3 Caractérisation par les composantes connexes


d’un ouvert
Dans le cas général (i.e. non forcément métrique), voici une caractérisation qu’on a
déjà utilisée plusieurs fois au chapitre IV.

Proposition III.3. On a équivalence entre :


a) X est localement connexe.
b) Pour tout ouvert ω de X, les composantes connexes de ω sont ouvertes dans X.

Démonstration. a) ⇒ b). Soit C une composante connexe de ω, a ∈ C ; ω est voisi-


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

nage de a, on peut donc trouver un voisinage connexe V de a inclus dans ω ; a ∈ V ∩C,


donc V ∪ C est connexe ; par suite V ⊂ C, ce qui montre que C est ouverte.

b) ⇒ a). Soit U un voisinage de a, et V la composante connexe de a dans U ; V est
ouverte dans X, c’est donc un voisinage connexe de a contenu dans U. ❑

Si la connexité locale n’est pas stable par image continue, on a cependant le résultat
suivant.

Proposition III.4. Tout espace quotient Y d’un espace localement connexe X est
localement connexe.

233
Chapitre 6 • Espaces localement truc

Démonstration. Soit ω un ouvert de Y, C une composante connexe de ω ; on va voir


que, σ : X → Y désignant la surjection canonique, on a

σ−1 (C) est ouverte . (III.3)

Soit en effet x ∈ σ−1 (C) ⊂ σ−1 (ω), K x la composante connexe de x dans σ−1 (ω) ;
σ−1 (ω) est ouvert, donc K x est ouverte d’après la proposition III.3 ; de plus, σ(x) ∈
C ∩ σ(K x ), ce qui montre que σ(K x ) ∪ C est connexe et que σ(K x ) ⊂ C ; finalement,
x ∈ K x ⊂ σ−1 (C), et (III.3) s’ensuit ; par définition de la topologie quotient, C est
ouverte, et une nouvelle application de la proposition III.3 donne le résultat. ❑

Un exemple très intéressant et non trivial d’espace localement connexe est celui
du compact de C constitué par une courbe de Jordan et son « intérieur ». Nous allons
d’abord compléter l’étude homotopique du chapitre IV et donner quelques propriétés
de ces courbes, d’intérêt indépendant.

III.4 Invariants positionnels et courbes de Jordan dans R2


On dira qu’une propriété « topologique » (P) est un invariant positionnel pour une
classe C de parties de R2 si, étant donné A1 , A2 ∈ C , homéomorphes, A1 a (P) si et
seulement si A2 a (P) (autrement dit, le fait que A ∈ C ait (P) ne dépend pas de la
« position » de A dans R2 : on peut remplacer A par une figure homéomorphe, pourvu
que cette figure soit dans C ). On se limitera en fait aux deux cas suivants (dont l’étude
s’étend à Rd ), le premier étant fondamental pour l’étude des courbes de Jordan.
1) C est la classe des compacts, (Pn ) la propriété « le complémentaire a n compo-
santes connexes bornées (0  n  ∞) ».
2) C est la classe de toutes les parties de R2 , (P) la propriété « être ouvert dans R2 ».
Le théorème fondamental suivant dit que ces deux propriétés sont bien des inva-
riants positionnels pour les classes considérées.

Théorème III.5 (théorème de l’invariance du domaine).


a) La propriété (Pn ), (0  n  ∞), « le complémentaire a n composantes connexes
bornées » est un invariant positionnel pour la classe des compacts de R2 .
b) La propriété « être ouvert » est un invariant positionnel pour la classe des parties
de R2 (théorème de l’invariance du domaine).

La preuve de ce théorème demande des préliminaires de « topologie algébrique » ;


elle peut être omise en première lecture.

234
III. Espaces localement connexes

Théorème III.6. Soit K le bord d’un carré de centre a et f : K → C∗ continue ; il


existe un unique n ∈ Z et g : K → C continue tels que

f (z) = (z − a)n eg(z) , ∀z∈K. (III.4)

Démonstration. On peut supposer a = 0 ; K est homéomorphe à Γ via l’application


z → |z|z puisque toute demi-droite issue de 0 coupe K en un seul point ; il suffit donc
de démontrer (III.4) avec Γ au lieu de K. Le théorème V.17 du chapitre IV dit qu’il
existe ϕ : [0, 1] → C continue telle que

f (e2iπt ) = e2iπϕ(t) , 0t1. (III.5)

On a e2iπϕ(0) = e2iπϕ(1) = f (1), donc ϕ(1) − ϕ(0) = n, où n ∈ Z ;


soit ψ(t) = 2iπ[ϕ(t) − nt] ; ψ(1) = ψ(0), donc ψ se prolonge en une fonction
1−périodique continue (encore notée ψ) de R dans C et il existe (cf. exercice 9)
g : Γ → C continue telle que

2iπ[ϕ(t) − nt] = ψ(t) = g(e2iπt ) , 0t1. (III.6)


   
(III.5) et (III.6) montrent que e−2iπnt f e2iπt = exp g e2iπt , pour tout t ∈ [0, 1], ce qui
prouve (III.4) puisque tout z de Γ s’écrit z = e2iπt ; si f (z) = z p eg1 (z) = zq eg2 (z) avec
 
p  q, posant n = q − p, on voit que z exp g2 (z)−g 1 (z) n
= 1, pour tout z ∈ Γ ; il existe
g2 (z)−g1 (z)
n
 
donc u = e ∈ Γ tel que z exp

n = u, d’où z = exp iα + g1 (z)−g n
2 (z)
, si z ∈ Γ ;
mais ceci est impossible comme on l’a vu dans la preuve de la proposition V.18 du
chapitre IV ; l’unicité annoncée se trouve donc établie. ❑

Soit K un compact de C ; désignons par G le groupe topologique abélien multipli-


catif des applications continues : K → C∗ et par E le sous-groupe des applications
qui ont un logarithme continu, c’est-à-dire qui s’écrivent eg , où g ∈ C(K). Le théo-
rème suivant relie les propriétés topologiques de K et les propriétés algébriques
du groupe quotient G/E ; on désignera par Zr le groupe produit Z × Z × Z . . . r fois
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

(0  r < ∞), où Z0 = {0} et on posera Z∞ = {(n1 , . . . , n p , . . .) ; n j ∈ Z, n j =


0 pour presque tout j}.

Théorème III.7. Soit f : K → C∗ continue.


a) Il existe c1 , . . . , cq ∈ K c , n1 , . . . , nq ∈ Z, g : K → C continue tels que
f (z) = (z − c1 )n1 . . . (z − cq )nq eg(z) , ∀ z ∈ K.
b) Soit C la classe des composantes connexes bornées de K c , et pour chaque C ∈ C ,
un point pC ∈ C ; il existe des entiers nC presque tous nuls et h : K → C continue
telle que f (z) = Π(z − pC )nC eh(z) , si z ∈ K.
C

235
Chapitre 6 • Espaces localement truc

c) Soit C1 , . . . , Cr les composantes connexes bornées de K c , et pour chaque j, 1 


j  r, 0  r  ∞, un point p j ∈ C j .
L’application (n1 , . . . , nr ) → (z− p1 )n1 . . . (z− pr )nr modulo E est un isomorphisme
du groupe Zr sur le groupe G/E.

Démonstration. a) Quitte à faire une transformation affine z → az + b, on peut sup-


poser que

K ⊂ Q , où Q = [0, 1] × [0, 1] . (III.7)
D’après le théorème de Tietze, f a une extension continue f0 : Q → C ; soit
L = f0−1 (0) ; K et L sont deux compacts disjoints, donc à une distance positive d :
a ∈ K , b ∈ L ⇒ |a − b|  d . (III.8)

Soit m un entier > d
2
; considérons le quadrillage de Q par les carrés
% & % &
j−1 j k−1 k
Q j,k = , × , ,
m m m m
j−1/2 k−1/2
1  j, k  m ; désignons par c j,k = m +i m le centre de Q j,k et posons (cf. fi-
gure 6.2)

K
Q

K1

bQj,k

Figure 6.2

 
A = ( j, k) ; 1  j, k  m et Q j,k ∩ K  ∅
 
B = ( j, k) ; 1  j, k  m et Q j,k ∩ K = ∅ .
Le choix de m entraîne
K ⊂ ∪ Q j,k =: K1 ; K1 ∩ L = ∅ . (III.9)
A

236
III. Espaces localement connexes

Soit en effet z ∈ K ; il existe ( j, k) tel que z ∈ Q j,k ; par définition ( j, k) ∈ A, donc z ∈


K√1 ; si a ∈ K1 ∩ L, soit ( j, k) ∈ A tel que a ∈ Q j,k et b ∈ K ∩ Q j,k ; |a−b|  diam Q j,k =
m < d, ce qui contredit (III.8) ; on a donc bien K1 ∩ L = ∅, et la restriction f1 de f0
2
! " k
à K1 est à valeurs dans C∗ . D’autre part, chaque segment vertical mj × k−1 m , m , ou
j !k"
chaque segment horizontal j−1 m , m × m , peut soit ne pas rencontrer K1 , soit être
contenu dans K1 , soit rencontrer K1 seulement en des extrémités de ce segment. En
chaque extrémité où f1 n’est pas encore définie, attribuons-lui la valeur 1 ; alors pour
tout segment I = [a, b] du plan (cf. figure 4.2) comme ci-dessus, non inclus dans K1 ,
f1 (a) et f1 (b) sont des complexes non nuls ; puisque C∗ est connexe par arcs, on peut
prolonger f1 en une application continue de I dans C∗ si bien que
⎧ ∗

⎨ f a une extension continue f2 : K2 → C ,


⎩ où K2 = K1 ∪ j,k
⎪ ∪ ∂Q j,k . (III.10)

Par définition, on a
K2 ∩ Q j,k = ∂Q j,k si ( j, k) ∈ B . (III.11)

Pour un tel ( j, k) ∈ B, le théorème III.6 fournit n j,k ∈ Z et g j,k : ∂Q j,k → C continue


tels que (z−c j,k )−n j,k f2 (z) = eg j,k (z) et le théorème de Tietze appliqué à g j,k donne alors
une fonction continue f j,k : Q j,k → C∗ , étendant la restriction de (z − c j,k )−n j,k f2 (z) à
∂Q j,k . Posons enfin



⎪ f2 (z) Π(z − c j,k )−n j,k si z ∈ K2


⎪ B


⎨ fu,v (z)
F(z) = ⎪ Π (z − c j,k )−n j,k si z ∈ Qu,v et (u, v) ∈ B .






( j,k)(u,v)

⎩ ( j,k)∈B

La définition est cohérente. En effet, si z ∈ K2 ∩ Qu,v avec (u, v) ∈ B, on doit avoir


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

z ∈ ∂Qu,v et les deux formules définissant F coïncident, puisque pour z ∈ ∂Qu,v on a


f2 (z)(z − cu,v )−nu,v = fu,v (z).
F est continue sur le fermé K2 et sur chaque fermé Qu,v , donc sur Q, et à valeurs
dans C∗ ; par conséquent elle s’écrit eG où G : Q → C est continue, d’après le
théorème V.17 du chapitre IV ; si g = G|K , on voit donc que f (z) = Π(z − c j,k )n j,k eg(z) ,
B
si z ∈ K, ce qui prouve a) ; la suite est plus facile.
z−c
b) Considérons la décomposition du a), et soit C ∈ C ; si c j ∈ C, z−pCj a un logarithme
continu sur K d’après le critère d’Eilenberg (cf. chapitre IV) ; il en est de même de
 z−c j n j
z−pC et donc, quitte à modifier g (cf. aussi exercice 20, chapitre IV), on arrive à la
décomposition indiquée.

237
Chapitre 6 • Espaces localement truc

c) Limitons-nous pour fixer les idées à 1  r < ∞, en notant que r = 0 donne


l’important résultat suivant, dû à Borsuk
 c
K connexe ⇔ toute f : K → C∗ , continue,
(III.12)
possède un logarithme continu .

Posons H(n1 , . . . , nr ) = σ (z − p1 )n1 . . . (z − pr )nr , où σ est la surjection canonique
de G sur GE ; il est clair que H est un homomorphisme de Zr dans GE , surjectif d’après
b) ; reste à montrer que H est injectif, c’est-à-dire que son noyau est réduit à 0 ; or
H(n1 , . . . , nr ) = 0 équivaut à (z− p1 )n1 . . . (z− pr )nr = eg(z) où g : K → C est continue ;
en particulier
(z − p1 )n1 = (z − p2 )−n2 . . . (z − pr )−nr eg(z) , z∈K. (III.13)
Le second membre de (III.13) s’auto-prolonge (via le théorème de Tietze pour g) en
une fonction continue : K ∪ C1 → C∗ ; il en est donc de même pour (z − p1 )n1 , ce qui
force n1 = 0 d’après la proposition V.22 du chapitre IV ; de même, n2 = · · · = nr = 0,
ce qui achève la preuve. ❑

Preuve du théorème III.5


a) Soit h un homéomorphisme du compact K1 sur le compact K2 , r j le nombre de
 ( f ◦ h)·
composantes connexes bornées de K cj ; avec des notations évidentes, f˙ →
est un isomorphisme de GE22 sur GE11 , donc Zr1 et Zr2 sont isomorphes d’après le théo-
rème III.7, ce qui entraîne r1 = r2 .
b) Soit h un homéomorphisme de ω1 sur ω2 , où ω1 , ω2 ⊂ R2 et ω1 est ouvert ;
soit a ∈ ω1 , B une boule fermée de centre a contenue dans ω1 ; considérons X =

C \ h(∂B) = E  F, avec E = C \ h(B), F = h( B). (∂B)c est non connexe, donc X est
non connexe d’après a) ; pour la même raison, E est connexe ; F est connexe comme
image continue d’un connexe ; E ∩ F = ∅, et E et F sont les composantes connexes
de X (cf. exercice 8) ; mais X est ouvert puisque h(∂B) est compact ; E et F sont

alors ouverts d’après la proposition III.3 ; en particulier h(B) est un voisinage ouvert
de h(a) dans ω2 , et ω2 est ouvert.
Voici une application intéressante du théorème III.5, signalée sans preuve au cha-
pitre II.
Théorème III.8. Toute bijection continue h de R2 sur R2 est un homéomorphisme.

Démonstration. Soit B une boule ouverte ; B est compacte, donc h est automatique-
ment un homéomorphisme de B sur h(B) et par restriction un homéomorphisme de
B sur h(B) ; h(B) est donc ouvert d’après le théorème III.5 ; soit ω un ouvert de R2 ;
ω = ∪ Bi, où les Bi sont des boules ouvertes, et h(ω) = ∪ h(Bi ) est ouvert ; ceci
montre que h est ouverte et achève la démonstration. ❑

238
III. Espaces localement connexes

Définition III.9. Une courbe de Jordan est une application continue


γ : [0, 1] → C fermée sans point double, au sens où
γ(1) = γ(0) ; 0  s < t  1 et γ(s) = γ(t) ⇒ s = 0 , t=1. (III.14)

γ([0, 1]) s’appelle l’image de γ ; un exemple typique est celui de la courbe


e(t) = e2iπt , dont l’image est le cercle unité Γ.

Théorème III.10. Soit γ une courbe de Jordan d’image J. Alors J est homéomorphe
à Γ.

Démonstration. Soit h : J → Γ définie par h[γ(t)] = e(t) ; d’après (III.14), h est une
bijection de J sur Γ ; vu la symétrie des rôles de γ et e, il suffit de montrer que h est
continue, en montrant que

γ(tn ) → γ(t) ⇒ e(tn ) → e(t) . (III.15)

Soit a une valeur d’adhérence de (e(tn )) ; modulo extraction, on peut supposer que
tn → τ et e(tn ) → a ; donc a = e(τ) ; de plus γ(t) = γ(τ), d’où deux possibilités
seulement :
i) t = τ et a = e(t).
ii) {t, τ} = {0, 1} et a = e(τ) = e(t). e(t) est donc l’unique valeur d’adhérence de
(e(tn )), et (III.15) s’ensuit par compacité. ❑

Les résultats précédents permettent une preuve simple du profond théorème sui-
vant.

Théorème III.11 (théorème de Jordan-Schönfliess). Soit γ une courbe de


Jordan d’image J. Alors (I désignant l’indice)
a) J c a exactement deux composantes connexes, l’une bornée C0 , l’autre non bor-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

née C∞ .
b) ∂C0 = ∂C∞ = J.
c) Il existe ε = ±1 tel que I(a, γ) = ε pour tout a ∈ C0 .

Démonstration. a) J est homéomorphe à Γ, et Γc a deux composantes connexes,


donc J c aussi d’après le théorème III.5 ; une seule est non bornée d’après la proposi-
tion IV.6 du chapitre IV.
b) Cette précision est due à Schönfliess. Remarquons d’abord que

F fermé propre de J entraîne F c connexe . (III.16)

239
Chapitre 6 • Espaces localement truc

En effet, (III.16) a lieu pour un fermé propre de Γ (cf. exercice 16 du chapitre IV),
donc aussi pour un fermé propre de J d’après le théorème III.5 ; cela étant, montrons
par exemple que ∂C0 = J ; on sait déjà que ∂C0 ⊂ J, et R2 \ ∂C0 = (R2 \ C 0 ) ∪ C0 est
réunion de deux ouverts non vides disjoints, donc est non connexe ; d’après (III.16),
∂C0 ne peut pas être un fermé propre de J, i.e. ∂C0 = J.
c) Rappelons la définition de l’indice I(a, δ) de a par rapport à une courbe conti-
déf
nue fermée δ : [0, 1] → C, de support δ([0, 1]) = δ∗ , lorsque a  δ∗ , c’est-à-
dire lorsque δ ne passe pas par a. Supposons d’abord a = 0. La fonction δ s’écrit
δ(t) = e2iπϕ(t) où ϕ : [0, 1] → C est continue ; on a δ(0) = δ(1), et par suite
ϕ(1) − ϕ(0) = ν ∈ Z ; l’entier ν ne dépend pas du choix de ϕ car une autre fonc-
tion continue ψ telle que δ(t) = e2iπψ(t) vérifiera ψ = ϕ + constante, et cette constante
s’effacera dans la différence ψ(1) − ψ(0) = ϕ(1) − ϕ(0). On pose I(0, δ) = ν. Si
maintenant a  δ∗ , on pose I(a, δ) = I(0, δ − a).
Le lemme suivant, dans lequel se dissimule le logarithme complexe, joue un rôle
important dans l’étude de l’indice.

Lemme III.12. Soit D = {z ∈ C; |z| < 1}, et L : D → C la fonction continue définie


∞ zn
par : L(z) = − n=1 n . Alors :

1 − z = eL(z) pour tout z ∈ D.

De plus, si γ : [0, 1] → C est une courbe continue fermée d’image incluse dans
D(1, 1), c’est-à-dire vérifiant |γ(t) − 1| < 1 ∀t ∈ [0, 1], on a I(0, γ) = 0.

Démonstration. Fixons z ∈ D et définissons h : [0, 1] → C par



∞ n n
t z
h(t) = , avec h(1) = −L(z).
n=1
n

La série dérivée (par rapport à t) est normalement convergente sur [0, 1] puisque son
terme général tn−1 zn est majoré en module par |z|n . On peut donc dériver terme à
terme pour obtenir lorsque t ∈ [0, 1] :


z d# $ * z +
h
(t) = tn−1 zn = et (1 − tz)eh(t) = eh(t) −z + (1 − tz) = 0.
n=1
1 − tz dt 1 − tz

La fonction t → (1 − tz)eh(t) = H(t) est donc constante. En particulier, l’on a


H(0) = H(1), soit 1 = (1 − z)e−L(z) , ce qui prouve la première assertion. Ensuite,
on peut écrire
L ◦ (1 − γ)
γ(t) = 1 − (1 − γ(t)) = e2iπϕ(t) avec ϕ = .
2iπ
240
III. Espaces localement connexes

Si donc u est la valeur commune de 1 − γ(0) et 1 − γ(1), on voit que


1
I(0, γ) = ϕ(1) − ϕ(0) = [L(u) − L(u)] = 0.
2iπ
Le lemme suivant rassemble les propriétés fondamentales de la fonction indice a →

I(a, δ) : C\δ∗ → Z pour une courbe continue fermée δ. ❑

Lemme III.13. On a avec des notations évidentes :


p
1. I(0, δ1 δ2 . . . δ p ) = j=1 I(0, δ j ).
2. L’indice est une fonction localement constante sur C\δ∗ = Ω. En particulier, il
est constant sur chaque composante connexe de Ω.
3. L’indice est nul sur la composante connexe non bornée de Ω.

Démonstration.
1. C’est facile : si δ j = e2iπϕ j et si on pose δ = δ1 δ2 . . . δ p , on peut écrire δ = e2iπϕ
p
avec ϕ = j=1 ϕ j , d’où :


p
  
p
I(0, δ) = ϕ(1) − ϕ(0) = ϕ j (1) − ϕ j (0) = I(0, δ j ).
j=1 j=1

2. Soit a ∈ Ω, r = inf t∈[0,1] |δ(t) − a| > 0 et b tel que |b − a| < r. Posons γ = δ−b
δ−a
|a−b|
et observons que |γ(t) − 1| = |δ(t)−a| < rr = 1. Si bien que I(0, γ) = 0 et que
d’après 1. on a :
 
I(b, δ) = I(0, δ−b) = I 0, γ(δ−a) = I(0, γ)+ I(0, δ−a) = I(0, δ−a) = I(a, δ).

3. Soit R = supt∈[0,1] |δ(t)| et prenons |a| > R. Alors γ = 1 − aδ vérifie |γ(t) − 1| < 1
et donc :
( ( δ ))
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

I(a, δ) = I(0, δ − a) = I 0, −a 1 − = I(0, −a) + I(0, γ) = I(0, −a) = 0


a
car l’indice d’un point par rapport à une courbe constante est nul. Ceci achève
la preuve. ❑

Soit maintenant h : J → Γ l’homéomorphisme du théorème III.10 :


h[γ(t)] = e(t) ; h est à valeurs dans C∗ et J c a une seule composante connexe bornée,
donc le théorème III.7 fournit p ∈ C0 et n ∈ Z tels que h(z) = (z − p)n eg(z) pour z ∈ J,
où g : J → C est continue ; il en résulte que
 
e2iπt = [γ(t) − p]n exp g(γ(t)) , 0  t  1 . (III.17)

241
Chapitre 6 • Espaces localement truc

Prenant l’indice de 0 par rapport aux deux membres de (III.17), on obtient 1 =


nI(p, γ) ; comme I(p, γ) est entier, cela entraîne n = I(p, γ) = ε, avec ε = +1 ou
ε = −1 ; de plus, l’indice est constant sur le connexe C0 , donc I(a, γ) = I(p, γ) = ε
pour a ∈ C0 . ❑

III.5 Connexité locale d’une région de Jordan


Soit γ une courbe de Jordan d’image J, C0 (resp. C∞ ) la composante connexe bornée
(resp. non bornée) de J c ; posons K = J ∪ C0 ; intuitivement, on peut dire que J
délimite la région K, appelée pour cela région de Jordan associée à J, et qui n’est
ˆ avec les notations du chapitre IV.
autre que le compact J,

Théorème III.14. Toute région de Jordan Jˆ est localement connexe.

Démonstration. K est clairement localement connexe en tout point a de l’ouvert C0 ;


la difficulté réside dans les points a de la frontière J, pour lesquels nous allons utiliser
le théorème III.1, en montrant d’abord que


⎨ (∀ ε > 0) (∃ δ > 0) (∀ p, q ∈ C0 ∩ D(a, δ)) :



⎩ p, q ∈ U , connexe inclus dans C0 ∩ D(a, ε) .
(III.18)

La signification géométrique de (III.18) est la suivante : J peut présenter des creux et


des bosses près de a, et pour joindre p à q en restant dans C0 on est obligé de gravir ces
bosses ou de dévaler ces creux, ce qui fait sortir de D(a, δ) ; d’ailleurs C0 ∩ D(a, δ) est
non connexe en général (cf. figure 6.3) ; mais si δ est très petit devant ε, cette longue
marche de p à q peut se faire sans sortir de D(a, ε). Reste à prouver (III.18) ; J étant
homéomorphe à Γ, on peut parler « d’arcs » de J ; soit J1 un petit arc fermé de J,
centré en a, tel que
J1 ⊂ D(a, ε) . (III.19)
Posons J2 = J \ J˜1 , où J˜1 est l’arc ouvert associé à J1 (intérieur de J1 dans J) ; J2 est
fermé et a  J2 , on peut donc trouver δ < ε tel que D(a, δ) ∩ J2 = ∅. Soit C = C(a, ε),
p et q ∈ C0 ∩ D(a, δ). Je dis que (cf. figure 6.4)

p et q ne sont pas séparés par C ∪ J2 . (III.20)

En effet, p et q sont dans le connexe D(a, δ), disjoint de C ∪ J2 .

p et q ne sont pas séparés par J . (III.21)

En effet, p et q sont dans le connexe C0 , disjoint de J.

(C ∪ J2 ) ∩ J est connexe . (III.22)

242
III. Espaces localement connexes

C(a,ε)

p C(a,ε)
C(a,δ)
a
q p
J1 a
q
C(a,δ)
J2
J

C 0 est la partie grisée. C 0 est la partie grisée.

Figure 6.3 Figure 6.4

En effet C ∩ J1 = ∅, donc C ∩ J ⊂ J2 et (C ∪ J2 ) ∩ J = (C ∩ J) ∪ (J2 ∩ J) = J2 ; or J2


est connexe car c’est aussi un arc de J.
(III.20), (III.21), (III.22) montrent qu’on peut appliquer le théorème de Janiszewki
(chapitre IV) : p et q ne sont pas séparés par C ∪ J2 ∪ J = C ∪ J, autrement dit p
et q sont dans une même composante connexe U de (C ∪ J)c = C c ∩ J c ; U est un
connexe de J c , il est donc inclus dans la composante connexe de J c qui contient p et
q, à savoir C0 ; de même il est inclus dans la composante connexe de C c qui contient
p et q, à savoir D(a, ε) ; par suite p, q ∈ U ⊂ C0 ∩ D(a, ε), comme annoncé. Reste
à montrer que (III.18) implique l’hypothèse du théorème III.1 pour a et Jˆ ; fixons
b ∈ C0 ∩ D(a, δ) : b existe car J = ∂C0 ; pour p ∈ C0 ∩ D(a, δ), soit L p un connexe
de C0 ∩ D(a, ε) joignant b et p (c’est possible d’après (III.18)) ; posons, lorsque p
parcourt C0 ∩ D(a, δ) :
6 
V= L p et W = V ∪ J ∩ D(a, δ)).
p
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

L’ensemble V est connexe, car b ∈ ∩ p L p . W l’est aussi car V ⊂ W ⊂ V. En effet, si


z ∈ J ∩ D(a, δ), puisque J = ∂C0 , il existe une suite zn de points de C0 convergeant
vers z et pour n assez grand, on a aussi zn ∈ D(a, δ), donc zn ∈ C0 ∩ D(a, δ) ⊂ V et
z ∈ V. On voit en particulier que si p, q ∈ J∩ D(a, 2δ ), on a p, q ∈ W, connexe inclus
dans J∩ D(a, ε), ce qui achève la démonstration. ❑

Remarque III.15. Le théorème III.14 joue un rôle important dans l’extension par
Osgood, Taylor et Carathéodory du théorème de représentation conforme de Rie-
mann : « soit f : C0 → D une transformation conforme ; alors f se prolonge en un
homéomorphisme de Jˆ sur D » (cf. [Bu]).

243
Chapitre 6 • Espaces localement truc

Exercices

6.1 Soit f : X → Y une surjection continue ouverte ; montrer que si X est locale-
ment compact (resp. localement connexe), Y l’est aussi.

6.2 Soit (Xi )i∈I une famille d’espaces topologiques non vides, X leur produit. Mon-
trer qu’on a équivalence entre :
a) les Xi sont tous localement compacts et presque tous compacts.
b) X est localement compact.

6.3 Körner et Kuhn-Tucker


Soit n un entier  1, et w un nombre complexe ; on se propose de trouver z tel que
zn = w.
a) Montrer que, sans perte de généralité, on peut supposer w de module 1, ce qu’on
fait dans la suite.
b) Soit Γ le cercle unité, et g : Γ → R définie par g(z) = R(wzn ).
i) Montrer que g atteint son maximum en z0 ∈ Γ ; on pose wzn0 = x + iy et, pour

−1    1, z = z0 ( 1 −  2 + i) ; noter que z ∈ Γ.
ii) Montrer que : g(z ) = x − ny + O( 2 ) quand  → 0, et en déduire que y = 0.
n2
iii) Montrer alors que g(z ) = x −  2 x + O( 3 ) quand  → 0, et en déduire que
2
x  0.
iv) Conclure que x = 1 et que zn0 = w.

6.4 Soit f : R → C continue et telle que lim x→−∞ f (x) = − et lim x→+∞ f (x) = +
existent dans C ; montrer que f est uniformément continue sur R.

6.5 Démontrer l’analogue de 2) pour des espaces localement connexes.

6.6 Montrer que la classe des espaces métriques compacts et localement connexes
est stable par image continue.

6.7 Soit X un espace métrique compact tel que B(a, r) = B(a, r) pour tous a ∈ X,
r > 0.
a) Montrer que toute boule fermée de X est connexe.
b) Montrer que X est connexe et localement connexe.

244
Exercices

6.8 On suppose que X est non connexe et s’écrit E  F, où E et F sont connexes et


non vides ; montrer que E et F sont les composantes connexes de X.

6.9 Soit f : R → C continue et 1−périodique ; montrer qu’il existe g : Γ → C


continue telle que f (t) = g(e2iπt ) pour tout t ∈ R.

6.10 Montrer qu’un espace X connexe et localement connexe par arcs est connexe
par arcs.

6.11 Montrer qu’un ouvert ou un quotient ouvert d’un espace de Baire est encore
un espace de Baire.

6.12* Soit G = O(n) le groupe orthogonal en dimension n.


a) Montrer que G est un groupe topologique compact.
b) Montrer que G est localement connexe.

6.13 Soit (X, d) un espace métrique connexe et localement séparable avec d  1


(i.e. d(x, y)  1 pour tous x, y ∈ X) ; pour x ∈ X, on pose :
! "
δ(x) = sup δ > 0 ; B(x, δ) est séparable
 
et on note A(x) une partie dénombrable dense dans B x, δ(x) 2 ; on fixe a ∈ X.

a) On définit par récurrence E1 = A(a), En = ∪ A(x) ; montrer que A = ∪ En est
x∈En−1 1
dénombrable.
b) Montrer que A = X ; ainsi, X est séparable.

6.14* Soit D1 , D2 deux dénombrables denses et disjoints de ]0, 1[, et

A =]0, 1[\(D1  D2 ).

On considère la partie X de R2 réunion de « fibres » au-dessus de ]0, 1[ définie comme


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

suit :
X = (D1 × [0, 1]) ∪ (D2 × D2 ) ∪ (A × D1 ).

a) Montrer que X est connexe et localement connexe.


b)* Pour (x, y) ∈ X, on pose p(x, y) = x = R(x + iy), q(x, y) = y = Im(x + iy). Soit z,
w ∈ X tels que p(z)  p(w) et soit γ : [0, 1] → X un chemin continu tel que γ(0) = z
et γ(1) = w. On pose :
K = γ([0, 1]), L = p−1 (A) ∩ K.
Montrer les faits suivants :
i) L est non-vide, et c’est un espace de Baire.

245
Chapitre 6 • Espaces localement truc

ii) Il existe m0 = (a0 , d0 ) ∈ L et δ > 0 tels que |m − m0 |  δ et m ∈ L ⇒ q(m) = d0 ,


avec par exemple m0  γ(1).
iii) Si t0 = sup{t; γ(t) = m0 } et si t0  t  t0 + h ⇒ |γ(t) − γ(t0 )|  δ, alors
p(γ([t0 , t0 + h])) contient un intervalle [a0 , a0 + ε] avec ε  0 (noter que h > 0).
iv) Si a ∈ D2 ∩ ]a0 , a0 + ε[, il existe une suite (tn ) de [t0 , t0 + h] telle que p(γ(tn )) → a
et q(γ(tn )) = d0 .
Aboutir à une contradiction ; ainsi, X n’est pas connexe par arcs.
c) Montrer que X n’est pas localement connexe par arcs. Cet exemple est dû à
A. Ancona.

6.15 Montrer que la propriété « avoir un complémentaire connexe » n’est pas un


invariant positionnel pour la classe de toutes les parties de R2 .

6.16 Un espace topologique X est dit inépuisable s’il n’est pas réunion dénom-
brable de fermés non-vides deux à deux disjoints. Soit X un espace topologique tel
que :
1) X est localement connexe ;
2) les fermés non-vides de X sont des espaces de Baire ;
3) X est connexe.

On se propose de montrer que X est inépuisable. On suppose donc que X = ∪ Fn , où
1
les Fn sont des fermés disjoints.

a) Montrer que Y = ∪ ∂Fn est fermé dans X, et que chaque ∂Fn est d’intérieur vide
1
dans Y.
b) Montrer que Y = ∅, et que chaque Fn est ouvert.
c) Conclure.
On verra au chapitre suivant (ex. VII.7) qu’un continu (un espace à la fois compact
et connexe) est également inépuisable.

246
Corrigés

Corrigés

6.1 Supposons X localement connexe ; soit y ∈ Y, V ∈ B(y) ; y s’écrit f (x), et


f −1 (V) ∈ B(x), donc x a un voisinage connexe U ⊂ f −1 (V) ; f étant continue, ou-
verte, f (U) est un voisinage connexe de y, et f (U) ⊂ V ; Y est donc localement
connexe ; idem avec X localement compact.

6.2 a) ⇒ b). I = I0  I1 avec I0 fini, Xi localement compact si i ∈ I0 , Xi com-


pact si i ∈ I1 ; soit a = (ai ) ∈ X ; pour i ∈ I0 , ai a un voisinage compact Vi ; soit
V = Π Vi × Π Xi ; un nombre fini seulement de coordonnées étant restreintes, V est
I0 I1
un voisinage de a, compact par le théorème de Tychonoff.
b) ⇒ a). On suppose bien sûr les Xi non vides. Chaque Xi est homéomorphe à un
sous-espace fermé de X localement compact, donc est localement compact (exer-
cice 1 et proposition II.3) ; soit d’autre part a ∈ X, V un voisinage compact de a,
I0 ⊂ I fini avec V ⊃ Π ωi × Π Xi , où les ωi sont ouverts  ∅ et I1 = I \ I0 ; on voit que
I0 I1
Xi = pi (V) pour i ∈ I1 , et que donc Xi est compact.

6.3 a) Si w = ru, avec r  0 et |u| = 1, et si on sait trouver z1 tel que zn1 = u, alors
1
z = r n z1 vérifie zn = w.
b) i) Γ est compact et g est continue sur Γ.
ii) Un développement limité donne, quand ε → 0 :
( )n  n
ε2
1− ε2 + iε = 1 + iε − + O(ε3 )
2

  2 
ε2 n(n − 1) ε2 ε2 n(n − 1) 2
= 1 + n iε − + iε − + O(ε ) = 1 + n iε −
3
− ε + O(ε3 )
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

2 2 2 2 2

n2 2
= 1 + inε − ε + O(ε3 ) = 1 + inε + O(ε2 ).
2
# $
D’où g(zε ) = R (x + iy)(1 + inε + O(ε2 )) = x − nyε + O(ε2 ).
Mais g(zε )  g(z0 ) = x, d’où : −nyε + O(ε2 )  O.
En divisant par ε > 0 et en faisant tendre ε vers 0, il vient −ny + O(ε)  0, puis
−ny  0 et y  0.
En utilisant des ε < 0, on obtient de même y  0, d’où y = 0.

247
Chapitre 6 • Espaces localement truc

iii) Maintenant qu’on sait que y = 0, on a :


( )n n2
g(zε ) = xR 1 − ε + iε = x − ε2 x + O(ε3 )  g(z0 ) = x.
2
2
n2 2
D’où ε x + O(ε3 )  0.
2
n2
En divisant par ε2 > 0 et en faisant tendre ε vers 0 par valeurs non nulles, on en
2
déduit x + O(ε)  0, puis x  0.
iv) On a wzn0 = x. En prenant les modules des deux membres, il vient, puisque x  0 :
x = |wzn0 | = |w||z0 |n = 1.
D’où wzn0 = 1, et en multipliant les deux membres par w : zn0 = w.

6.4 Soit ε > 0 ; on peut trouver A > 0 tel que


x  A ⇒ | f (x) − + |  ε ; x  −A ⇒ | f (x) − − |  ε . (V.1)
Posons B = A + 1 ; on peut ensuite trouver δ ∈]0, 1[ tel que
u, v ∈ [−B, B] et |u − v|  δ ⇒ | f (u) − f (v)|  ε . (V.2)
On va montrer que
u, v ∈ R et |u − v|  δ ⇒ | f (u) − f (v)|  2ε . (V.3)
On peut supposer v  u et on distingue trois cas.
Cas 1 : −B  u  A
Alors u, v ∈ [−B, B] et (V.2) entraîne | f (u) − f (v)|  ε.
Cas 2 : u > A
Alors u, v ∈ [A, ∞[ et | f (u) − f (v)|  | f (u) − + | + | f (v) − + |  2ε d’après (V.1).
Cas 3 : u < −B
Alors u, v ∈] − ∞, −A] et | f (u) − f (v)|  | f (u) − − | + | f (v) − − |  2ε d’après (V.1).
On a donc prouvé (V.3), et résolu l’exercice. Voici une autre solution : notons
X = [−∞, +∞] la droite achevée ; c’est un espace métrique compact avec la distance
d(x, y) = | Arctg x − Arctg y|
et f admet un prolongement continu ( encore noté f ) à X via les formules f (−∞) =
− , f (+∞) = + . f est uniformément continue sur X, donc étant donné ε > 0, on
peut trouver δ > 0 tel que d(x, y)  δ entraîne | f (x) − f (y)|  ε. Prenons maintenant
x, y ∈ R avec |x − y|  δ ; alors d(x, y) = | Arctg x − Arctg y|  |x − y|  δ, et donc
| f (x) − f (y)|  ε, ce qui prouve la continuité uniforme souhaitée. On pourrait aussi
(suites) utiliser la proposition IV. 10 du chapitre 2.

248
Corrigés

6.5 a) ⇒ b). Même principe, puisqu’un produit quelconque de connexes est


connexe.
b) ⇒ a). Soit a = (ai ) ∈ X, V un voisinage connexe de a ; pi (V) = Xi pour presque
tout i, donc les Xi sont presque tous connexes ; fixons maintenant j ∈ I, x j ∈ X j ,
V j ∈ B(x j ) ; soit x ∈ X tel que p j (x) = x j , et V = V j × Π Xi ; V est voisinage
i j
de x, donc contient un voisinage connexe W ; p j (W) est un voisinage connexe de x j
contenu dans V j , donc X j est localement connexe.

6.6 C’est une conséquence du théorème III.2 et du théorème de Heine.

6.7 a) Soit a ∈ X, r, ε > 0, x ∈ B(a, r) ; posons



V x,ε = V = y ∈ B(a, r) ; y est joignable à x par une ε − chaîne

contenue dans B(a, r) .

V est fermé dans B(a, r) ; soit y0 ∈ V, à distance minimum s de a ; si s > 0,


y0 ∈ B(a, s) = B(a, s), donc il existe y1 ∈ B(a, s) tel que d(y1 , y0 )  ε ; y1 ∈ V
et d(y1 , a) < s, ce qui contredit la définition de s ; donc s = 0 et a ∈ V ; il en résulte
que B(a, r) est bien enchaînée et compacte, par suite connexe.
b) Si a ∈ X et V ∈ B(x), V contient une boule B(a, r), connexe d’après a) ; X est donc
localement connexe en chaque point ; de plus, X = ∪ B(a, r) est connexe, comme
r>0
union de connexes contenant a.

6.8 Soit a ∈ E, C la composante connexe de a ; C contient E ; si C coupe F, on a


de même C contient F, d’où C = X, ce qui est exclu par l’hypothèse ; donc C = E et
de même la composante connexe d’un point de F est F.

6.9 Si z = e2iπt avec 0  t < 1, posons g(z) = f (t) ; si zn = e2iπtn → z = e2iπt avec
0  t, tn < 1, soit (tnk ) une suite extraite convergeant vers s ; on en déduit e2iπs = e2iπt
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

et s = t + p, p ∈ Z ; donc g(znk ) = f (tnk ) → f (s) = f (t) = g(z) ; g est continue d’après


la proposition IV.8 du chapitre II, et répond à la question.
! "
6.10 Soit a ∈ X, et A = b ∈ X; b est joignable à a par un chemin dans X
= {b; b ≈ a}. A  ∅ car a ∈ A ; si b ∈ A, soit V un voisinage de b connexe par
arcs ; si c ∈ V, c ≈ b et b ≈ a, donc c ≈ a (cf. chapitre IV), i.e. V ⊂ A et A est ouvert ;
si c ∈ A, soit V un voisinage de c connexe par arcs et b ∈ V ∩ A ; on a de même
a ≈ b ≈ c, et A est fermé ; X étant connexe, A = X et X est connexe par arcs.

6.11 Pour un ouvert, on renvoie à l’exercice 1 du chapitre V, le cas d’un quotient


ouvert se traite ainsi : soit Y un quotient ouvert de l’espace de Baire X et σ : X → Y

249
Chapitre 6 • Espaces localement truc

la surjection canonique. Observons que


O ouvert dense de Y ⇒ σ−1 (O) ouvert dense de X. (∗)
En effet, si ω est un ouvert non vide de X, σ(ω) est par hypothèse un ouvert non vide
de Y ; on a donc O ∩ σ(ω)  ∅, et par suite σ−1 (O) ∩ ω  ∅, ce qui
 prouve (*). Si
maintenant (On )n1 est une suite d’ouverts denses de Y, σ−1 (On ) est une suite
n1
d’ouverts denses de X, qui est de Baire, donc ∩σ−1 (On ) est dense dans X ; si donc Ω
est un ouvert non vide de Y, on a σ−1 (∩ On ∩ Ω) = ∩σ−1 (On ) ∩ σ−1 (Ω)  ∅, et par
suite ∩ On ∩ Ω  ∅, ce qui montre que ∩ On est dense dans Y, et achève l’exercice.

6.12* a) Vérification facile et laissée au lecteur.


b) La topologie de G étant invariante par translation, il suffit de montrer qu’il est lo-
calement connexe en I, ce qui résulte de sa structure de variété modelée sur l’espace
vectoriel En des matrices antisymétriques (n × n) ; de façon précise, soit ϕ : En →
O(n) définie par ϕ(A) = eA ; la double inégalité (2−eδ ) ||A−B||  ||eA −eB ||  eδ ||A−B||
si max(||A||, ||B||)  δ (cf. [QZ] par exemple) montre que ϕ est un homéomorphisme
d’un voisinage de 0 dans En sur un voisinage de I dans G (on peut aussi utiliser pour
ϕ le théorème d’inversion locale au point 0) ; En étant localement connexe en 0, G
l’est en I. Plus généralement, toute variété est localement connexe.

6.13 a) E1 est dénombrable ; si E1 , . . . , En−1 le sont, En aussi, comme union dé-


nombrable d’ensembles dénombrables ; ils le sont donc tous, ainsi que leur union
dénombrable A.
b) Soit x ∈ A ; il existe n et an ∈ En tels que d(x, an )  15 δ(x) ; l’inégalité triangulaire
 
donne B an , 45 δ(x) ⊂ B(x, δ(x)), d’où δ(an )  45 δ(x) et
  
1 2 1
B x, δ(x) ⊂ B an , δ(x) ⊂ B an , δ(an ) = A(an ) ⊂ En+1 ⊂ A.
5 5 2

Ceci montre que A est ouvert et fermé dans X connexe, et que A = X ; X est donc
séparable.

6.14* a) Si x ∈]0, 1[, soit F x la fibre de X au-dessus de x, i.e. :

F x = {x} × [0, 1] si x ∈ D1 ; F x = {x} × D2 si x ∈ D2 ; F x = {x} × D1 si x ∈ A.

Soit maintenant ω un ouvert-fermé non-vide de X, et E = {x ∈]0, 1[ ; F x ∩ ω  φ}.


E est ouvert dans ]0, 1[, car (cf. b)*) E = p(ω) ; E est non-vide et donc (D1 étant
dense dans ]0, 1[) E ∩ D1  φ ; si x ∈ E ∩ D1 , F x ∩ ω est ouvert-fermé non-vide dans
F x connexe, donc F x ∩ ω = F x et F x ⊂ ω. Si x ∈ E, il y a une suite (xn ) de points de
E ∩ D1 qui tend vers x.

250
Corrigés

Alors : si x ∈ D1 ∪ D2 , (xn , x) ∈ ω et (xn , x) → (x, x), donc (x, x) ∈ ω et x ∈ E.


Si x ∈ A, soit d1 ∈ D1 . On voit que (xn , d1 ) ∈ ω (car F xn ⊂ ω) et que (xn , d1 ) →
(x, d1 ) ∈ X, donc (x, d1 ) ∈ ω et x ∈ E. Ceci montre que E est fermé dans ]0, 1[, et par
suite E =]0, 1[. Alors, ω contient D1 × [0, 1] qui est dense dans X, et ω = X.
Ceci montre que X est connexe. De même, si (u, v) ∈ X, et si on pose pour h > 0 :

Vh =]u − h, u + h[×[v − h, v + h], Xh = X ∩ Vh ,


alors Xh a la même structure que X, donc c’est un voisinage connexe arbitrairement
petit de (u, v) dans X, et X est localement connexe.
b)∗ i) K \ L = ∪ (p−1 (d1 ) ∩ K) ∪ ∪ (p−1 (d2 ) ∩ K) est un Fσ de K, donc L est
d1 ∈D1 d2 ∈D2
un Gδ de K qui est un espace métrique complet (car compact), et à ce titre L est un
espace de Baire.
ii) On a L = ∪ (q−1 (d1 ) ∩ L) =: ∪ (Ld1 ), où Ld1 est fermé dans L ; ce dernier
d1 ∈L d1 ∈D1
espace étant de Baire, un des Ld1 , soit Ld0 , contient un point intérieur m0 (intérieur
dans L) ; on a m0  γ(0) ou m0 = γ(1), et on peut supposer m0  γ(1).
iii) On a t0 < 1, sinon m0  γ(1) ; si Ih = [t0 , t0 + h], p(γ(Ih )) est un connexe de R
contenant p(γ(t0 )) = a0 ; si ce connexe est réduit à a0 , on voit que :
t0 < t  t0 + h ⇒ p(γ(t)) = a0 ⇒ γ(t) ∈ L ⇒ q(γ(t)) = d0

d’après ii) ⇒ γ(t) = m0 , ce qui contredit la définition de t0 ; ce connexe contient donc


un intervalle [a0 , a0 + ε], avec ε  0.
iv) Il existe a ∈ D2 ∩]a0 , a0 + ε[, puisque D2 est dense dans ]0, 1[ ; a est lui-même
limite d’une suite (an ) de points de A∩]a0 , a0 + ε[, et an s’écrit an = p(γ(tn )), où
t0  tn  t0 + h, d’après iii) ; on a q(γ(tn )) = d0 d’après ii).
On voit que (an , d0 ) = γ(tn ) ∈ K, et K est compact, donc fermé dans C, ce qui im-
plique (a, d0 ) ∈ K. En particulier, (a, d0 ) ∈ X, ce qui est impossible : a ∈ D2 , donc d0
devrait appartenir à D2 aussi : or, d0 ∈ D1 , et D1 , D2 sont disjoints ! Il n’y a donc pas
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

d’arc continu joignant z à w dans X.


c) Si X était localement connexe par arcs, comme il est déjà connexe, il serait connexe
par arcs d’après l’exercice 10 de ce chapitre (en réalité, X n’est localement connexe
par arcs en aucun point).

6.15 Soit A l’axe réel dans R2 , B = Γ\{1}. A et B sont homéomorphes, Bc est


connexe, Ac est non connexe.
∞ ◦
6.16 a) Le complémentaire de Y est l’ouvert ∪ F n , donc Y est fermé. Soit x ∈ ∂Fn ,
1
V un voisinage de x, W un voisinage connexe de x tel que W ⊂ V ; W rencontre Fnc ,

251
Chapitre 6 • Espaces localement truc

donc rencontre un F j avec j  n ; W rencontre aussi Fn , donc rencontre F cj ; d’après


le lemme de passage des douanes W rencontre ∂F j en y ∈ V ∩ Y ce qui montre que
V ∩ Y n’est pas inclus dans ∂Fn , et que donc ∂Fn est d’intérieur vide dans Y.
b) Si Y  ∅, Y n’est pas de Baire d’après a), ce qui contredit l’hypothèse. Donc,
Y = ∅, autrement dit ∂Fn = ∅ pour tout n, et Fn = Fn◦ pour tout n.

c) X =  Fn , où les Fn sont ouverts disjoints. La connexité de X implique que tous
1
les Fn sont vides sauf un.

252
D IMENSION
ET FRACTALITÉ
7
I NTRODUCTION
La dimension d’un objet mathématique X est à cet objet ce que la signature d’un
tableau de maître est à ce tableau : elle est à la fois cachée (comme peut l’être une si-
gnature de peintre, en latin, sous des couches de vernis) et précieuse : sa connaissance
n’identifie pas l’objet de façon unique (il y a beaucoup de Rubens), mais d’emblée
rend impossible de le confondre avec un certain nombre d’autres objets (Vermeer n’a
jamais peint de croûte...).
Les premières dimensions rencontrées en algèbre sont la cardinalité ou la dimen-
sion au sens des espaces vectoriels (il faut voir la dimension de X comme une sorte
de nombre attaché à X, encodant beaucoup d’informations sur X) ; ainsi, lorsque X
est un ensemble fini, toute injection f de X dans lui-même est une surjection ; en ef-
fet, f (X) ⊂ X a même « dimension cardinale » que X, donc f (X) = X (conséquence
non triviale : tout anneau intègre fini est un corps) ; ou bien toute injection linéaire f
d’un espace vectoriel de dimension finie X dans lui-même est une surjection ; en effet,
f (X) ⊂ X a même « dimension vectorielle » que X, donc f (X) = X (conséquence non
triviale : toute équation différentielle y

+ py
+ qy = 0, où p, q : [0, 1] → R sont
des fonctions continues, avec q(x)  0 pour 0  x  1, possède une unique solution
y avec y(0), y(1) imposés à l’avance) ; dans les deux cas précédents, la dimension est
un nombre entier ; mais, depuis le temps où l’on disait presque avec effroi qu’Einstein
avait découvert la quatrième dimension, les choses ont évolué : on sait qu’un espace
vectoriel peut avoir une dimension 100 000, voire une dimension infinie ; il est éga-
lement apparu, sous l’impulsion de Hausdorff, Kolmogorov et autres des dimensions
fractionnaires ; et plus récemment, sous l’impulsion des physiciens, des dimensions
négatives...
Les probabilités ne sont pas absentes de ces préoccupations, comme le montre
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

l’exemple suivant : soit (Xt )t∈T , un processus gaussien centré à covariance continue,
qui induit sur l’espace topologique T la métrique d définie par d(s, t) = X s − Xt 2 .
On cherche des conditions raisonnablement générales pour que le processus ait une
version continue. Le mathématicien américain R. Dudley a donné en 1967 une telle
condition suffisante : soit N(ε) le nombre minimum de boules fermées de rayon ε
pour la métrique d nécessaires pour recouvrir T . Si
 ∞
log N(ε)dε < ∞,
0

le processus admet une version continue.

253
Chapitre 7 • Dimension et fractalité

Nous sommes ici loin de l’idéologie borélienne du chapitre 3 « on peut extraire un


sous-recouvrement fini », et la question posée est « fini, oui, mais combien ça coûte
de recouvrir par des boules de rayon ε ? » (la réponse étant N(ε)). Nous retrouverons
ce paramètre de coût N(ε) dans la notion de dimension de boîte, notamment.
Revenons maintenant à la notion de dimension.
Dans ce chapitre, nous nous limiterons à trois types de dimensions, dont nous
chercherons à dégager l’utilité :
1) La dimension de boîte (ou dimension métrique), notée dimB .
2) La dimension topologique, ou plutôt la dimension de recouvrement, notée dim.
3) La dimension de Hausdorff, notée dimH .
Pour définir ces dimensions, deux autres notions seront centrales : celle de re-
couvrement, et celle d’échelle ; observons que la notion de recouvrement était déjà
centrale dans l’étude de la compacité ou de la précompacité. On verra également
apparaître les notions d’autosimilarité et de fractalité.
Une caractéristique de ces questions de dimension fractionnaire est qu’elles sont
à la fois assez intuitives et assez difficiles à formaliser ; il est facile d’en parler « en
agitant les mains », il est plus difficile de bâtir des preuves mathématiquement cor-
rectes ; l’ambition de ce chapitre est de réussir à concilier les deux aspects, intuitif
et formel, à un niveau assez élémentaire : cela permet à la fois de « faire tourner »
les théorèmes fondamentaux de Topologie des chapitres précédents, et de préparer le
lecteur à l’étude d’ouvrages plus élaborés sur ces questions.

I D IMENSION DE BOÎTE
( OU DIMENSION MÉTRIQUE )
I.1 Définitions générales
Soit E une partie précompacte non vide d’un espace métrique (X, d) (le plus souvent,
X sera Rn , d la métrique euclidienne usuelle, et E une partie bornée de Rn ). Pour
chaque ε > 0, E peut donc être recouvert par un nombre fini de boules fermées de
>
rayon ε, centrées ou non dans E, et on s’intéresse au comportement, quand ε → 0,
du plus petit nombre NE (ε) de telles boules fermées recouvrant E ; ce comportement
donne une idée de la taille de E, qui peut ainsi être « enfermé » dans des petites boîtes
de rayon ε, en nombre NE (ε), à l’échelle ε.
Souvent, NE (ε) se comporte comme une puissance (1/ε)α de 1/ε, et ce qui est
significatif est l’exposant α ; si on avait, pour ε < 1, C1 ε−α  NE (ε)  C2 ε−α , où C1
et C2 sont des constantes > 0, α s’obtiendrait à partir de NE (ε) par la relation
log NE (ε)
α = lim .
>
ε→0 log 1/ε

254
I. Dimension de boîte (ou dimension métrique)

Ceci motive les définitions suivantes :


• On appelle dimension de boîte supérieure de E, et on note dim B (E), la quantité

log NE (ε)
dim B (E) = lim sup  +∞. (I.1)
> log 1/ε
ε→0

• On appelle dimension de boîte inférieure de E, et on note dim B (E), la quantité

log NE (ε)
dim B (E) = lim inf  +∞. (I.2)
>
ε→0 log 1/ε

• On appelle dimension de boîte de E, et on note dim B (E), la valeur commune des


dimensions supérieure et inférieure quand ces dimensions sont égales, soit

log NE (ε)
dimB (E) = lim  +∞. (I.3)
>
ε→0 log 1/ε

Dans la plupart des exemples, la limite existera effectivement. Si E n’est pas pré-
compact, on convient que dim B (E) = +∞. Si on s’était limité à des recouvrements de
E par des boules centrées dans E, cela n’aurait rien changé aux dimensions, vu l’arbi-
n
traire sur ε ; par exemple, si E ⊂ ∪ B (x j , ε), x j ∈ X, désignons par I l’ensemble des
j=1
j  n tels que B (x j , ε) ∩ E  ∅ (les autres boules ne servent à rien !) et choisissons
y j ∈ B (x j , ε) ∩ E, pour chaque j ∈ I ; nous voyons alors que E ⊂ ∪ B (y j , 2ε),
j∈I
avec y j ∈ E et | I |  n.

I.2 Propriétés générales


Une notion commode pour estimer NE (ε) est celle de packing (ou empilement) : on
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

appelle ε-nombre de packing de E, et on note PE (ε), le plus grand nombre n de points


x1 , . . . , xn de E deux à deux distants de plus de ε : d (xi , x j ) > ε si i  j.
( ε)
Alors, les « boules de neige » B xi , sont deux à deux disjointes, ce qui explique
2
le choix du mot packing. La proposition simple suivante relie les nombres NE (ε)
et PE (δ).

Proposition I.1. Pour tout ε > 0, on a :


(ε)
NE (ε)  PE (ε)  NE . (I.4)
2

255
Chapitre 7 • Dimension et fractalité

Démonstration. Soit p = PE (ε) (noter que p < ∞, car E est précompact), et soit
p
x1 , . . . , x p ∈ E avec d (xi , x j ) > ε si i  j ; si maintenant x ∈ E et x  ∪ B(x j , ε),
j=1
les points x, x1 , . . . , x p sont mutuellement distants de plus de ε, donc PE (ε)  p + 1,
p
ce qui est absurde ; donc, E ⊂ ∪ B (x j , ε), et NE (ε)  p = PE (ε). Soit ensuite
(ε) j=1
q ( ε)
q = NE et y1 , . . . , yq ∈ X avec E ⊂ ∪ B y j . Pour chaque u ∈ {1, . . . , p}, il
2 j=1 2
ε
existe ϕ(u) ∈ {1, . . . , q} tel que d (xu , yϕ(u) )  ; et si ϕ (u) = ϕ (v) = j, on a :
2
ε ε
d (xu , xv )  d (xu , y j ) + d (y j , xv )  + = ε,
2 2
d’où u = v ; ainsi, ϕ est une injection de {1, . . . , p} dans {1, . . . , q}, d’où p  q. ❑

La dimension de boîte a les propriétés de stabilité suivantes, énoncées seulement


pour la dimension supérieure, mais valables pour les autres dimensions de boîte.
a) Monotonie :

E ⊂ F ⇒ NE (ε)  NF (ε) ⇒ dimB (E)  dimB (F).


n n
En effet, si n = NF (ε) et F ⊂ ∪ B (x j , ε), on a aussi E ⊂ ∪ B (x j , ε), d’où
j=1 j=1
NE (ε)  n.
b) Union finie : (n )
dim B ∪ Ei = sup dimB (Ei ).
1 in
C’est évident.
c) Image höldérienne :
1
dimB ( f (E))  dimB (E) pour f : E → X, α − höldérienne.
α
De façon plus précise, on a la proposition suivante dans laquelle Y désigne un autre
espace métrique.

Proposition I.2 (image höldérienne). Soit E une partie précompacte de X et f :


E → Y, höldérienne d’ordre α > 0, c’est-à-dire :

∀x, y ∈ E, on a d ( f (x), f (y))  C (d (x, y))α .

Alors on a :
1
dim B ( f (E))  dimB (E). (I.5)
α

256
I. Dimension de boîte (ou dimension métrique)

(δ)
Démonstration. Soit ε > 0, δ > 0 défini par Cδα = ε, et p = NE ; comme on
2
p
l’a vu, on peut trouver x1 , . . . , x p ∈ E tels que E ⊂ ∪ B (x j , δ) ; d’où F = f (E) ⊂
j=1
p p (δ)
∪ B ( f (x j ), Cδα ) = ∪ B ( f (x j ), ε), et NF (ε)  NE . Soit maintenant ρ > 0, et
j=1 j=1 2
d = dimB (E). Pour ε > 0 assez petit, on a :

(δ)  d+ρ
2
NE  ,
2 δ

d’où
 d+ρ  d+ρ
2 2 C 1/α
NF (ε)  = ;
δ ε1/α
log NF (ε) d+ρ d
il en résulte que lim  , et dimB (F)  , puisque ρ > 0 est
log 1/ε α α
arbitrairement petit. ❑

I.3 Exemples
Exemple 1 : Ensemble de type Cantor
& %
1
Soit r un réel ∈ 0, et K = K (r) le compact fixe associé aux deux contractions f1
2
et f2 : R → R définies par f1 (x) = r x et f2 (x) = r x + 1 − r.
K s’appelle l’ensemble de Cantor de rapport de dissection r : pour r = 1/3, on
a l’ensemble triadique de Cantor. K peut se décrire ainsi : c’est l’ensemble des x ∈


[0, 1] qui s’écrivent : x = (1 − r) x j r j , avec x j = 0 ou 1.
j=0
Soit en effet L l’ensemble des x s’écrivant ainsi : L est compact, car L = ϕ (A),
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

où A est le Cantor abstrait {0, 1}N (cf. chapitre III) et ϕ l’application continue définie


par : ϕ ((x j )) = (1 − r) x j r j . Et on voit que :
j=0

⎧ ⎫


⎨ ∞ ⎪

j+1 ⎬
f1 (L) = ⎪
⎪(1 − r) x r ⎪

⎩ j

0
⎧ ⎫


⎨ 
∞ ⎪


=⎪⎪y = (1 − r) y j r j ; y0 = 0 et (y j ) ∈ A⎪

⎩ ⎭
0

257
Chapitre 7 • Dimension et fractalité

⎧ ⎛ ⎞⎫


⎨ ⎜⎜⎜ 
∞ ⎟⎟⎟⎪


f2 (L) = ⎪(1 − r) ⎜⎜⎜1 + x j r ⎟⎟⎟⎠⎪
j+1

⎩ ⎝ ⎪

0
⎧ ⎫


⎨ 
∞ ⎪


=⎪
⎪y = (1 − r) y j r j ; y0 = 1 et (y j ) ∈ A⎪
⎪ .
⎩ ⎭
0

On a donc f1 (L) ∪ f2 (L) = L, et par suite L = K (cf. chapitre V).


On va voir que :
log 2
dimB (K) = · (I.6)
log 1/r
Soit en effet 0 < ε < r, n l’entier  1 tel que rn+1  ε < rn , R l’ensemble des points
n 
n−1
(1 − r) x j r j , et S l’ensemble des points (1 − r) x j r j , avec x j = 0 ou 1. Si
0 0

∞ 
n 

x= (1−r) x j r j ∈ K, soit u = (1−r) x j r j ∈ R ; on a | x−u | = (1−r) xj rj 
0 0 n+1


(1 − r) r j = rn+1  ε, donc K ⊂ ∪ B (u, ε), et NK (ε)  | R | = 2n+1 = 2 · 2n . Or,
u∈R
n+1
r > ε, d’où :
n


log ε   1 log 2
n< , et 2n = exp n log 2 < exp log .
log r ε log 1/r
 log 2
1 log 1/r log 2
Ainsi : NK (ε)  2 . Il en résulte déjà que dim B (K)  .
ε log 1/r

n−1 
n−1
D’autre part, si u = (1 − r) u j r et v = (1 − r)
j
v j r j ∈ S , avec u  v, soit k
0 0
le plus petit entier  n − 1 tel que uk  vk , par exemple uk = 0 et vk = 1.
Alors :

rk+1
v − u  (1 − r) (rk − rk+1 − rk+2 − . . .) = (1 − r) rk −
1−r
= (1 − 2r) rk  (1 − 2r)rn−1
(1 − 2r) n (1 − 2r)
= r > ε.
r r
1 − 2r
En posant λ = , on voit que PK (λε)  | S | = 2n .
r
258
I. Dimension de boîte (ou dimension métrique)

log PK (ε) log 2


On en déduit de même que lim inf  , puis que dim B (K) 
log 1/ε log 1/r
log 2
, d’après l’inégalité NK (ε)  PK (2ε) de la proposition I.1. Cela achève de
log 1/r
prouver (I.6).

Exemple 2 : Suite de limite nulle


Soit α > 0, et K = {n−α , n  1} ∪ {0}. K est évidemment un compact de R
(une suite convergente et sa limite), et on va voir plus précisément que
1
dimB (K) = . (I.7)
α+1
On observera déjà que le résultat ne correspond pas à la preuve usuelle de la compa-
cité d’une suite et de sa limite ; cette preuve est la suivante : soit ε > 0, et n0 le plus
petit entier tel que n−α
0  ε ; alors, on recouvre K par B (0, ε) ∪ j<n ∪ B ( j−α , ε), donc
 1/α
0

1 1
NK (ε)  n0 , avec n0 ∼ ; d’où dim B (K)  .
ε α
La relation (I.7) indique qu’il y a un recouvrement plus économique (ce n’est pas
l’inverse de x → x−α qui compte, mais l’inverse de la dérivée de cette fonction) % de
& K;
1
soit pour cela 0 < ε < 1, p un entier  1 à ajuster, K p = {i−α ; i < p}, et N = + 1,
ε
où [ ] désigne la partie entière. % &
−α j j+1
On recouvre K par les boules B(i , ε) et par les intervalles , , avec i < p
N N
−α
et j entier  %N p−α ; en & effet, si i  K p , c’est-à-dire si i  p, i−α tombe dans
j j+1 j 1
un intervalle , , avec  i−α  p−α . A fortiori, puisque  ε, on a
N N N N
( j )
l’inclusion K ⊂ ∪ B (i−α , ε) ∪ ∪ −α B ,ε .
i<p jN p N
Il en résulte que :
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

2p−α
NK (ε)  p − 1 + N p−α  p + .
ε
On optimise maintenant (approximativement) en p l’inégalité précédente en donnant
 α+1
1
2 p−α 2 p−α 2
aux deux termes p et le même poids : p = , soit p = ; comme p
ε ε ε
⎡ ⎤  α+1
⎢⎢⎢ 2 α+1
1
⎥⎥⎥ 1
1

doit être entier, on choisit p = ⎢⎢⎣ ⎢ ⎥


⎥⎥⎦ et on obtient NK (ε)  C2 , où C2 ne
ε ε
1
dépend pas de ε ; d’où dim B (K)  .
α+1
259
Chapitre 7 • Dimension et fractalité

α
Soit d’autre part q le plus grand entier tel que  ε (q vaut approximativement
qα+1
l’entier p précédent), alors les points i−α , où i  q sont mutuellements distants de
plus de ε ; car si i−α , j−α (i < j) sont deux tels points, le théorème des accroissements
finis montre que :
α α
i−α − j−α  i−α − (i + 1)−α >   ε.
(i + 1)α+1 qα+1
( α ) α+1
1
lim log PE (ε) 1
Il en résulte que PE (ε)  q ; or q ∼ , donc >
 , et
ε ε → 0 log 1/ε α+1
d’après (I.4) :
lim log NE (ε) lim log PE (2 ε) 1
>
 >  .
ε → 0 log 1/ε ε → 0 log 1/ε α+1

1
Ainsi : dim B (K)  , ce qui achève de prouver (I.7).
α+1

Exemple 3 : Boule unité d’un espace vectoriel normé


Soit X un R- espace vectoriel normé, E sa boule unité fermée : un célèbre théorème
de F. Riesz affirme que, si E est compacte, alors X est de dimension finie ; ce théo-
rème peut se considérer maintenant comme un théorème de comparaison entre deux
notions de dimension : la dimension vectorielle de X, et la dimension de boîte de sa
boule unité E.
On va voir plus précisément qu’on a toujours :

dim X = dim B (E). (I.8)

Et, si E est compacte, dim B (E) et dim X sont < ∞.


Supposons d’abord X de dimension finie n ; on peut supposer que X est Rn avec
une certaine norme, ce qui permet d’enrichir la structure en considérant la mesure
de Lebesgue m sur Rn . Soit ε > 0, supposons maintenant que p = NE (ε) et que
p p
E ⊂ ∪ B (x j , ε) = ∪ (x j + ε E) ; en prenant les mesures, il vient :
j=1 j=1


p 
p 
p
m (E)  m (x j + ε E) = m (ε E) = εn m (E),
j=1 j=1 j=1

d’où en simplifiant par m (E) > 0 (pourquoi ?) : 1  p εn , et


 n
1 log NE (ε)
NE (ε)  ; soit encore n  si 0 < ε < 1. (I.9)
ε log 1/ε

260
I. Dimension de boîte (ou dimension métrique)

( ε ) q = PE (ε), et y1 , . . . , yq ∈ E, avec
Soit maintenant ( ||yi − εy )j || > ε si i  j. Alors, les
boules B yi , sont disjointes et incluses dans B 0, 1 + , soit
2 2
q( ε ) ( ε)
 yi + E ⊂ 1 + E.
i=1 2 2

En prenant les mesures dans cette union disjointe, on obtient :


( ε )n ( 
ε )n
n
2
q m (E)  1 + m (E), soit q  1+ ,
2 2 ε

et la Proposition (I.1) montre que :


 n
2
NE (ε)  PE (ε)  1 + . (I.10)
ε

(I.9) et (I.10) montrent que dim B (E) = n = dim X. Supposons réciproquement que E
1
est compacte, et fixons 0 < ε < . Soit X0 un sous-espace de dimension finie de X,
2
E0 = E ∩ X0 sa boule unité.
Alors, on a vu dans les définitions générales que NE
0 (2ε)  NE0 (ε)  NE (ε) (où

NE0 (2ε) désigne le nombre minimum de boules fermées de rayon 2ε centrées dans
X0 nécessaires pour recouvrir E0 ), et (I.9) pour X0 entraîne :

log NE
0 (2ε) log NE (ε)
dim X0   = C (ε).
log 1/2ε log 1/2ε

Ceci montre que les sous-espaces de dimension finie de X ont une dimension blo-
quée à C (ε) ; ainsi, X lui-même est de dimension finie  C (ε), ce qui achève de
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

prouver (I.8).

Remarque I.3. Il ne faudrait pas croire qu’un compact a toujours une dimension
de boîte finie ; soit par exemple H un espace de Hilbert de dimension infinie,'(en )n1
en
une suite orthonormale de H, et K ⊂ H le compact : K = , n  1 ∪ {0}
log (n + 1)
(une suite convergente et sa limite).
1
Alors, on a dimB (K) = ∞. Pour le voir, choisissons 0 < ε  , et notons q le
log 2
1
plus grand entier tel que  ε. Alors, q ∼ e1/ε , et PE (ε)  q.
log (q + 1)

261
Chapitre 7 • Dimension et fractalité

en
En effet, les points , 1  n  q, sont mutuellement distants de plus de ε,
log (n + 1)
car si 1  i < j  q, on a :
55 55 <
55 ei ej 55 1 1
55 − 55 = +
log (i + 1) log ( j + 1) log (i + 1) log ( j + 1)
2 2

1 1
>  ε
log (i + 1) log (q + 1)

log PK (ε)
Il en résulte clairement que lim = ∞, d’où dimB (K) = ∞, d’après la
log 1/ε
Proposition I.1.

Exemple 4 : Objets auto-similaires


Soit | | la norme euclidienne sur Rn ; rappelons qu’une similitude de Rn est une
application S : Rn → Rn de la forme S (x) = r g (x) + a, où g ∈ O (n) est une
transformation orthogonale, où r > 0 est le rapport de la similitude, et où a ∈ Rn ; si
r < 1, la similitude est dite contractante.
Donnons-nous maintenant N similitudes (N  2) contractantes S 1 , . . . , S N de Rn ,
de rapports respectifs r1  . . .  rN < 1 ; le chapitre V nous a montré qu’il existe
un unique compact non vide fixe associé à ces contractions, c’est-à-dire un unique
compact non vide K de Rn tel que :

K = S 1 (K) ∪ . . . ∪ S N (K). (I.11)

K s’appelle un compact auto-similaire pour des raisons évidentes : si on effectue sur


K les similitudes S 1 , . . . , S N et si on réunit les objets obtenus S 1 (K), . . . , S N (K), on
retombe sur K d’après (I.11) ; de façon plus imagée, les objets auto-similaires sont
ceux qui, observés à la loupe, présentent toujours le même aspect ; de tels objets sont
parfois fractals, mais pas toujours ! (il faut se garder de confondre auto-similarité et
fractalité). Ainsi, le carré unité K = [0, 1]2 de R2 = C est auto-similaire, puisque
c’est le compact fixe des quatres similitudes S 1 , · · · , S 4 définies par :

z z+1 z+i z+1+i


S 1 (z) = ; S 2 (z) = ; S 3 (z) = ; S 4 (z) = .
2 2 2 2
Mais bien sûr on n’a pas envie d’appeler un tel carré fractal ! Revenons au cas général.
Le théorème de la valeur intermédiaire montre qu’il existe un unique s > 0 tel que :


N
ris = 1. (I.12)
i=1

262
I. Dimension de boîte (ou dimension métrique)

Le nombre s s’appelle la dimension d’auto-similarité de K (pour le carré, on


trouve 4 · 2−s = 1, soit s = 2) ; il est appelé à tort, dans le cas général, di-
mension de Hausdorff de K ; nous reviendrons à ce point au paragraphe 2. Soit

aussi E = {1, . . . , N}, et F = E N le Cantor construit sur E, muni de la topolo-
gie produit des topologies discrètes sur E ; un élément x de F est une suite infinie
x = (i1 , . . . , i p , . . .) = (i1 (x), . . . , i p (x), . . .) d’éléments de E. Un mot de E sera une
suite finie α = i1 , . . . , i p ! d’éléments de E ; l’ensemble des mots de E sera noté M ;
on pose :
ρi = ris ; ρα = ρi1 . . . ρi p si α ∈ M ; S α = S i1 ◦ . . . ◦ S i p ;
Ki1 ,...,i p = Kα = S i1 ◦ . . . ◦ S i p (K) = S α (K).
On voit par récurrence sur p, à partir de (I.11), que :

K = ∪ Ki1 = ∪ Ki1 ,i2 = · · · = ∪ Ki1 ,··· ,i p = · · · (I.13)


i1 i1 ,i2 i1 ,··· ,i p

où (i1 , . . . , i p ) parcourt E p . Cela permet de « coder » K par F à l’aide de l’application


de codage h : F → K définie par :

{h (x)} = Ki1 ∩ Ki1 , i2 ∩ . . . ∩ Ki1 ,...,i p ∩ . . .


(I.14)
si x = (i1 , . . . , i p , . . .) ∈ F.

En effet, si G p = Ki1 ,...,i p , les G p forment une suite décroissante, car :

G p = S i1 ◦ . . . ◦ S i p (K)

N
= S i1 ◦ . . . ◦ S i p ∪ S i (K)
i=1
N
= ∪ S i1 ◦ . . . ◦ S i p ◦ S i (K)
i=1
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

N
= ∪ Ki1 ,...,i p ,i ⊃ Ki1 ,...,i p ,i p+1 = G p+1 .
i=1

p
De plus, si diam K = d, on a diam Ki1 ,...,i p = ri1 . . . ri p d  rN d, donc diam G p → 0,
et les compacts G p ont une intersection réduite à un point, qu’on appelle h(x). La
proposition préliminaire suivante, d’intérêt indépendant, donne une description de
K, qui vaut d’ailleurs pour des contractions quelconques S 1 , . . . , S N d’un espace
métrique complet.

Proposition I.4. On a les deux propriétés suivantes :


a) h est une surjection continue de F sur K.

263
Chapitre 7 • Dimension et fractalité

b) Soit aα le point fixe de la contraction S α (α ∈ M) ; alors, aα ∈ K et l’ensemble


des aα est dense dans K.

Démonstration. a) Soit x = (i1 , . . . , i p , . . .) ∈ F, ε > 0, p tel que l’on ait ri1 . . . ri p d 


ε (où d = diam K), et V le voisinage de x défini par :

V = {y ∈ F ; i1 (y) = i1 , . . . , i p (y) = i p }.

Notons alors que :

y ∈ V ⇒ | h (y) − h (x) |  ri . . . ri p d  ε.

En effet, Ki1 , . . . , i p = G p est de diamètre  ri1 . . . ri p d  ε, et si y ∈ V, on a par


définition h(x) ∈ G p et h(y) ∈ G p , d’où |h(y) − h(x)|  diam G p .
Ceci montre la continuité de h en x. D’autre part, si y ∈ K, (I.13) montre qu’on
peut trouver par récurrence i1 , i2 , . . . , i p . . . ∈ E tels que :

y ∈ Ki1 , y ∈ Ki1 ,i2 , . . . .

Soit x = (i1 . . . , i p , . . .) ∈ F ; d’après (I.14), h(x) est l’unique point de Ki1 ∩Ki1 ,i2 ∩. . .,
donc h(x) = y.
b) Soit α = i1 , . . . , i p ! et soit x ∈ F obtenu en répétant périodiquement le motif α :
 
x = i1 , . . . , i p , i1 , . . . , i p , . . . ;

se limitant dans le « développement » de x à la sous-suite des multiples de p, on voit



que h(x) ∈ ∩ S αn (K) ; or, les S αn (K) forment une suite décroissante (car S α (K) ⊂ K)
n=1
de compacts non vides de Rn dont le diamètre → 0, leur intersection est donc réduite
à h (x) ; de plus, elle est par définition stable par S α , autrement dit S α h(x) = h(x), ce
qui signifie que aα = h(x), et que, d’après a), aα ∈ K.
Réciproquement, si y ∈ K, soit x ∈ F tel que :
 
y = h(x), notons x p = i1 , . . . , i p , i1 , . . . , i p . . .

le p-périodisé de x = (i1 , . . . , i p , i p+1 , . . .). Par définition de la topologie sur F,


x p → x quand p → ∞, donc h (x p ) → y, puisque h est continue.
Or, on vient de voir que h(x p ) = aα si α = i1 , . . . , i p ! ; y s’approche donc par
des aα . ❑

Revenant à la dimension de boîte du compact K, nous allons montrer le résultat


suivant réservé, lui, à des similitudes.

264
I. Dimension de boîte (ou dimension métrique)

Théorème I.5. On a toujours

dimB (K)  s (I.15)

où s est la dimension d’auto-similarité de K donnée par (I.12).

La preuve est basée sur le lemme suivant, qui demande quelques notations préli-
minaires :
Pour r > 0, désignons par I = I (r) l’ensemble des mots minimaux α = i1 , . . . , i p !
tels que rα = ri1 . . . ri p  r. Autrement dit, α ∈ I si et seulement si on a ri1 . . . ri p  r
et ri1 . . . ri p−1 > r (observer que, si p = 1, un mot i1 ! tel que ri1  r sera automati-
p p
quement minimal) ; I est non vide, car ri1 . . . ri p  rN , et rN → 0 quand p → ∞.
Posons aussi S (r) = ρα ; nous allons voir que :
α∈I (r)

Lemme I.6. On a S (r) = 1 pour tout r > 0.

Démonstration. L’égalité du lemme est basée sur les deux faits suivants :

S (r) = 1 si r  rN . (I.16)


N
En effet, si r  rN , I (r) est constitué des mots 1!, . . . , N!, donc S (r) = ρi = 1,
i=1
d’après l’équation d’auto-similarité (I.12) (rappelons que ρi = ris ).


N 
r
S (r) = ρj S , ∀r > 0. (I.17)
j=1
rj

En effet, I = I (r) se partitionne en I1  . . .  IN , où I j = {α = i1 , . . . , i p ! ∈ I; i1 = j}.


Si α = i1 , . . . , i p ! ∈ I1 , on voit que r1 . . . ri p−1 > r et r1 . . . ri p  r, autrement dit

© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

r r r
r2 . . . ri p−1 > et r2 . . . ri p  , c’est-à-dire i2 , . . . , i p ! ∈ I .
r1 r1  r1
  r
D’où : ρα = r1s ρβ = r1s S .
α∈I
( ) r1
1
β∈I r
 
r1
 r r
Plus généralement, ρα = r sj S = ρj S , 1  j  N, et en ajoutant ces
α∈I j
rj rj
relations, on obtient (I.17). Soit pour finir T l’ensemble des t > 0 tels que S (r) = 1
si r  t, et m = inf T (T n’est pas vide, car (I.16) montre que rN ∈ T ). Notons que
S (r) = 1 sur ]m, ∞[ ; en effet, si r > m, il existe t ∈ T tel que t  r. Supposons

265
Chapitre 7 • Dimension et fractalité

r r
m > 0 et posons μ = m rN < m. Si r > μ, on a  ...  > m, d’où S (r) =
r1 rN
N  N
r
ρi S = ρi = 1 ; mais alors ]μ, ∞[⊂ T , ce qui contredit la définition de
1
ri 1
m ; ainsi, m = 0, ce qui prouve le lemme. Cela permet de majorer le cardinal de I (r)
comme suit :
| I (r) |  r−s r1−s si 0 < r < 1. (I.18)
En effet, pour α ∈ I (r), on a ρα  r s r1s ; car ou bien α = i1 !, alors ρα = ris1  r1s 
r1s r s ; ou bien α = i1 , . . . , i p ! avec p  2, alors ρα = (ri1 . . . ri p−1 )s risp  r s risp  r s r1s .
 
Le lemme I.5 montre ensuite que 1 = ρα  r s r1s = r s r1s | I (r) |, ce qui
α∈I(r) α∈I(r)
prouve (I.18). D’autre part, K ⊂ ∪ Kα .
α∈I (r)
Soit en effet y ∈ K, x = (i1 , . . . , i p , . . .) ∈ F tel que y = h(x), et p tel que α =
i1 , . . . , i p !, le début de x, soit dans I(r) ; d’après la preuve de la proposition I.3, on
sait que y = h(x) ∈ Kα .
ε
Soit maintenant 0 < ε < d (où d = diam K), et r = < 1.
d
Si α ∈ I (r), on a diam Kα = rα d  rd = ε, et l’inclusion précédente montre alors
s
1
que NK (ε)  | I (r) |  r−s r1−s = d s r1−s , d’après (I.18).
ε
Cette inégalité achève la preuve du théorème I.4. ❑

Remarque I.7. L’ensemble de Cantor K = K(r) de l’exemple 1 est le compact auto-


similaire associé aux deux similitudes S 1 (x) = rx, S 2 (x) = rx + 1 − r. La dimension
log 2
d’auto-similarité est donnée par 2 r s = 1, soit s = , et on voit que, dans ce
log 1/r
cas, l’inégalité du théorème I.4 est une égalité ; mais l’égalité n’a pas toujours lieu ;
1
si S 1 (x) = rx, S 2 (x) = rx + 1 − r, avec < r < 1, le compact fixe associé est [0, 1],
2
car :
S 1 ([0, 1]) ∪ S 2 ([0, 1]) = [0, r] ∪ [1 − r, 1] = [0, 1],
puisque r  1 − r.
log 2
Pourtant, dimB ([0, 1]) = 1 (d’après l’exemple 3), et 1 < s = .
1
log
r
Pour avoir égalité dans (I.15), il faut en gros que S 1 (K), . . . , S N (K) soient disjoints
(alors, l’application de codage h est un homéomorphisme), mais cela n’est pas tout
à fait nécessaire, et d’autre part est difficile à tester puisque K est mal connu ; nous
verrons au paragraphe suivant une condition suffisante (condition de Moran), facile à
tester, et qui assure entre autres l’égalité dans (I.15).

266
I. Dimension de boîte (ou dimension métrique)

I.4 Applications
• Courbe de Péano
Un célèbre théorème de Péano affirme l’existence d’une surjection continue

f : [0, 1] → [0, 1]2 = K,

1
le carré unité de R2 = C, et on peut même choisir f höldérienne d’ordre :
2

| f (x) − f (y) |  C| x − y |1/2 , ∀x, y ∈ [0, 1].

(cf. exemple 3 de II).


Il est naturel de se demander si on peut faire mieux ; la proposition suivante montre
que ce n’est pas le cas.

1
Proposition I.8. Si α > , il n’existe pas de surjection α-höldérienne
2

f : [0, 1] → [0, 1]2 = K.

Démonstration. Il est clair que K est image bilipschitzienne de L = [−1, 1]2 , la


boule unité de R2 muni de la norme « sup du module des coordonnées » (c’est-à-dire
1
qu’il existe une bijection g : L → K telle que : |u − v|  |g(u) − g(v)|  C|u − v|,
C
∀ u, v ∈ L).
La proposition I.2 appliquée à g et g−1 montre que dim B (K) = dim B (L) = 2.
En particulier, dimB (K) = 2. Soit maintenant f : [0, 1] → K, α-höldérienne avec
1
α > . La proposition I.2 appliquée à f donne cette fois :
2
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

1 1
dimB f ([0, 1])  dimB ([0, 1]) = .
α α

1
Ainsi, dimB f ([0, 1])  < 2 = dimB (K), et f ([0, 1]) a une dimension supérieure de
α
boîte trop petite pour être égal à K : f n’est pas surjective. ❑

On montre de même que si f : [0, 1] p → [0, 1]q , avec p < q, est une surjection
α-höldérienne, on doit avoir α  qp . On montre aussi que cette valeur limite qp est
permise.

267
Chapitre 7 • Dimension et fractalité

• Théorème de Van Kampen


Une version « soft » de ce théorème affirme que la sphère unité S 2 de R3 euclidien est
simplement connexe (on a Π1 (S 2 ) = {0}), c’est-à-dire que tout lacet γ : [0, 1] → S 2
est homotope (comme lacet) à un lacet constant ; pour les détails, on renvoie à ([QZ],
chapitre V, exercice 7), mais un point central de la preuve donnée est le suivant :
Il n’existe pas de surjection C 1

γ : [0, 1] → S 2 . (I.19)

En fait, il n’existe pas de surjection γ : [0, 1] → S 2 qui soit höldérienne d’ordre α,


1
avec α > . La preuve est exactement la même que celle de la proposition I.6, une
2
fois qu’on a montré que (cf. [QZ]) dim B (S 2 ) = 2.
Ceci tombe complètement en défaut pour S 1 (qui n’est pas simplement connexe) :
dim B (S 1 ) = 1, et il existe des surjections C 1 : [0, 1] → S 1 , par exemple γ(t) = e2iπt .

• Rang stable des algèbres de Banach


Soit A une R-algèbre de Banach commutative et unitaire, c’est-à-dire un espace de
Banach possédant en plus une structure d’algèbre, compatible avec la norme :

 f g   f  g, ∀ f , g ∈ A.

Un système de r éléments g1 , . . . , gr de A est dit générateur s’il existe h1 , . . . , hr ∈ A


 r
telles qu’on ait une identité de Bezout gi hi = 1, l’unité de A, ou encore si l’idéal
1
engendré par g1 , . . . , gr est A tout entier.
Dans certaines questions, il est utile de connaître le rang stable de A, c’est-à-dire
le plus petit entier r tel que tout système ( f1 , . . . , fr ) de r éléments de A s’approche
par un système générateur (g1 , . . . , gr ).
Dans l’exercice 20 du chapitre III, nous avons considéré le cas de l’algèbre des
fonctions réelles continues sur le compact X = [−1, 1]n , et nous avons montré que ce
rang stable r vaut exactement n + 1.
La démonstration se faisait en deux étapes :
• Une étape (question c)) montre que r > n : elle est basée sur le théorème de
Brouwer.
• Une étape (question b)) montre que r  n + 1 : c’est celle qui nous intéresse ici,
car elle est basée sur le fait suivant :
(∗) Si E est une boule de Rn+1 , il n’existe pas de surjection lipschitzienne ϕ de
X = [−1, 1]n sur E.

268
II. Dimension de Hausdorff

En effet, l’exemple 3 montre que dimB (E) = n + 1, tandis que

dimB (ϕ(X))  dimB (X) = n.

Donc, ϕ(X)  E. Ces considérations sont implicites dans la preuve donnée, et c’est
la notion de dimension de boîte qui fournit une preuve claire de (∗).

II D IMENSION DE H AUSDORFF
II.1 Définitions
Soit (X, d) une espace métrique séparable (qui sera le plus souvent Rn avec sa norme
euclidienne) ; soit E ⊂ X, et s > 0. On appelle s− mesure de E, et on note H s (E),
l’élément de [0, ∞] ainsi défini :
   
H s (E) = lim ↑ Hεs (E) = sup Hεs (E) (II.1)
>
ε→0 ε>0

avec ⎧∞ ⎫

⎨
⎪ ∞ ⎪ ⎪

Hεs (E) = inf ⎪
⎪ (diam B ) s
; E ⊂ ∪ B ⎪
⎪ , (II.2)
⎩ i
1
i

i=1
où les Bi sont des boules (fermées) de X, de diamètre  ε : diam Bi  ε.
On observera que, X étant séparable, on peut pour tout ε > 0 recouvrir E par
ε
une suite de boules de rayon  , donc de diamètre  ε. Là aussi, à l’échelle ε,
2
on recouvre un gros objet (E) par de petits objets (les Bi), de la manière la plus
économique possible : mais au lieu d’affecter chaque Bi consommé du poids 1 comme
c’est le cas pour : ⎧ p ⎫

⎨
⎪ p ⎪


NE (ε) = inf ⎪
⎪ 1 ; E ⊂ ∪ B i⎪
⎪ ,
⎩ 1 ⎭
1
)s ,
on affecte chaque Bi du poids (diam Bi ce qui analyse plus finement E que ne le fait
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la dimension de boîte, car on tient davantage compte de la dispersion locale de E : si


a ∈ E est isolé, recouvrir a consomme une boule B de diamètre arbitrairement petit,
et (diam B) s compte pour 0, pas pour 1.
Le plus fréquemment, on définit la s-mesure de Hausdorff avec des parties Bi quel-
conques de diamètre  ε, pas forcément des boules fermées ; on obtient alors une
s-mesure H
s équivalente à la précédente en ce sens que :

H
s (E)  H s (E)  2s H
s (E) pour tout E ⊂ X.

Mais nous nous en tiendrons à la définition donnée, qui facilite la preuve de certains
énoncés (cf. Proposition II.2), tout en donnant les mêmes dimensions de Hausdorff.

269
Chapitre 7 • Dimension et fractalité

Rappelons (selon Carathéodory) qu’une mesure extérieure μ sur X est une appli-
cation μ : P(X) −→ [0, ∞] qui est nulle en ∅ (μ(∅) = 0), croissante (A ⊂ B ⇒ μ(A) 
μ(B)), et σ-sous-additive :
(∞ ) ∞
μ ∪ En  μ(En ), ∀ (En )n1 , En ⊂ X. (II.3)
n=1
n=1

La mesure extérieure est dite métrique si on a de plus :

μ(E  F) = μ(E) + μ(F) si d(E, F) > 0. (II.4)

(cf. [Ma]).
Rappelons que d(E, F) = inf {d(x, y) ; x ∈ E, y ∈ F}. La relation (II.4) exprime que
quand E et F sont « fortement disjoints », μ se comporte comme une vraie mesure sur
E  F. À chaque mesure extérieure μ est associée la tribu A des parties μ-mesurables
A (cf. [De2 ]) définie par :

A ∈ A ⇐⇒ μ(T ) = μ(T ∩ A) + μ(T ∩ Ac ), ∀T ⊂ X. (II.5)

Alors, la restriction de μ à A est une vraie mesure, i.e. est σ-additive. Soit
B = σ(O) la tribu borélienne de (X, d), c’est-à-dire la tribu engendrée par la fa-
mille O des ouverts de X ; l’intérêt de la notion de mesure extérieure métrique est le
suivant ([Fe]) :

Si μ est métrique, la tribu A de μ contient la tribu borélienne B. (II.6)

Avec ces définitions, on a la :

Proposition II.1. La fonction d’ensembles μ = H s est une mesure extérieure mé-


trique sur X.
(∞ ) 

Démonstration. Fixons d’abord ε > 0, et montrons que Hεs ∪ En  Hεs (En )
1
1
pour toute suite (En ) de parties de X ; on peut supposer que Hεs (En ) < ∞ pour tout n ;
soit ρ > 0 ; on peut pour chaque n trouver une suite (Bi,n )i1 de boules fermées de
∞ 

diamètre  ε, telles que En ⊂ ∪ Bi,n et (diam Bi,n )s  Hεs (En ) + ρ2−n . Alors,
i=1
i=1
E := ∪ En ⊂ ∪ Bi,n , d’où :
n i,n

 

 s 

−n 
Hεs (E)  (diam Bi,n ) 
s
Hε (En ) + ρ2 = Hεs (En ) + ρ.
i,n n=1 n=1

270
II. Dimension de Hausdorff

En faisant tendre ρ vers zéro, on obtient l’inégalité annoncée, qui implique Hεs (E) 
∞
H s (En ) ; puis en faisant tendre ε vers zéro, on obtient l’inégalité (II.3) pour μ.
n=1
Soit maintenant E, F ⊂ X avec d(E, F) = δ > 0. Soit ε < δ, ρ > 0. On peut trouver
un recouvrement de E ∪ F par des boules Bi de diamètre  ε, tel que :



(diam Bi )s  Hεs (E ∪ F) + ρ.
i=1

Soit I l’ensemble des i tels que Bi coupe E, et J l’ensemble des i tels que Bi coupe
F ; I et J sont disjoints, car si x ∈ E ∩ Bi et y ∈ F ∩ Bi , on a d(E, F)  d(x, y) 
diam Bi  ε < δ. Et de plus E ⊂ ∪ Bi, F ⊂ ∪ Bi, d’où :
i∈I i∈J
 
Hεs (E) + Hεs (F)  (diam Bi)s + (diam Bi)s =
i∈I i∈J
 

(diam Bi )s  (diam Bi )s  Hεs (E ∪ F) + ρ.
i∈I∪J i=1

En faisant tendre ρ vers zéro : Hεs (E) + Hεs (F) = Hεs (E ∪ F) si ε < δ.
En faisant tendre ε vers zéro : H s (E) + H s (F) = H s (E ∪ F). ❑

On observera en passant que la fonction H s a un bien meilleur comportement que


les fonctions Hεs . H s s’appelle la mesure de Hausdorff s- dimensionnelle pour la
raison suivante : si (X, d) est l’espace euclidien Rn , les définitions montrent immé-
diatement que :
H s (λE) = λ s H s (E), ∀λ > 0, ∀E ⊂ Rn . (II.7)
Autrement dit, H s réagit aux homothéties exactement comme le ferait la mesure de
Lebesgue (mesure de volume) v s sur R s , si s était entier. On peut d’ailleurs préciser le
lien entre H n et vn ; désignons par Vn le volume de la boule unité euclidienne de Rn :
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πn/2
Vn = (n ).
Γ +1
2
On a la :

2n
Proposition II.2. Soit γn = .
Vn
Alors :
H n (E) = γn vn (E), pour tout borélien E de Rn . (II.8)

271
Chapitre 7 • Dimension et fractalité

Démonstration. Majorons d’abord vn en fonction de H n ; supposons pour cela que



E ⊂ ∪ Bi , où les Bi sont des boules fermées de rayon ri , avec 2ri = diam Bi  ε.
1
Alors,

∞ 
∞ 

vn (E)  vn (Bi ) = Vn rin = γn−1 (diam Bi)n .
1 1 1

En passant à l’inf sur les recouvrements Bi , il vient : vn (E)  γn−1 H n (E).


Le résultat vaudrait encore en définissant H n avec des parties quelconques, mais la
preuve serait plus compliquée, et demanderait « l’inégalité isodiamétrique » suivante
(cf. [Fe], p. 197, 2.10.33) :

vn (A)  γn−1 (diam A)n , pour tout borélien A ⊂ Rn . (II.9)

Majorons maintenant H n en fonction de vn , en montrant d’abord que :

H n (E)  2n γn vn (E), pour tout compact E de Rn . (II.10)

Soit pour cela q = PE (ε), et soit x1 , . . . , xq ∈ E tels que ||xi −x j || > ε si i  j. On utilise
un argument déja vu dans l’exemple 3 de I, en posant E( ε = {x) ∈ Rn ; d(x, E)  ε}, et
q ε
en prenant les volumes dans l’inclusion disjointe  B̄ xi ; ⊂ Eε .
( ε )n i=1 2
On obtient alors : q Vn  vn (Eε ), soit q  γn ε−n vn (Eε ).
2
q
Et l’inclusion E ⊂ ∪ B̄(xi , ε) montre que H2ε n (E)  q(2ε)n  2n γ v (E ).
n n ε
i=1
En faisant tendre ε vers zéro, on obtient (II.10), qui s’étend facilement à tout boré-
lien E de Rn .
Pour se débarrasser du facteur parasite 2n , on utilise un lemme de type Vitali :
• On dira qu’une famille B de boules fermées non réduites à des points de Rn re-
couvre finement E ⊂ Rn si

∀x ∈ E, ∀ε > 0, ∃B ∈ B tel que x ∈ B et diam B  ε. (II.11)

Avec cette définition, on a le :

Lemme II.3 (Federer, p. 144, 2.8.6). On suppose que B recouvre finement E, et


que toutes les boules de B sont contenues dans un borélien fixe V, de volume fini.
Alors, il existe une suite (Bi )i1 de boules de B ayant les deux propriétés suivantes :
a) Les Bi sont deux à deux disjointes.
; ;
b) Pour tout entier N  1, on a l’inclusion : E ⊂ ( 1N Bi) ∪ ( ∞N+1 B̃i ), où B̃i est la
boule fermée de même centre que Bi et de rayon cinq fois plus grand.

272
II. Dimension de Hausdorff

Comme les preuves de Federer sont parfois cryptiques, nous détaillons la preuve de
cet important lemme de Vitali pour la commodité du lecteur. D’autant que ce lemme
a beaucoup d’autres applications, notamment en théorie de l’intégration.
Rappelons qu’un ensemble non-vide partiellement ordonné (Ω, ) est dit inductif
si toute partie totalement ordonnée (ou chaîne) Ω
⊂ Ω admet un majorant et qu’un
élément m de Ω est dit maximal si, étant donné x ∈ Ω, ou bien x n’est pas comparable
à m pour l’ordre, ou bien il est plus petit que m, i.e. x  m. Nous allons utiliser le
célèbre lemme de Zorn (même si on pourrait s’en passer ici, mais son utilisation
permet de traiter aussi le cas où l’espace métrique E est non-séparable). Ce lemme
est aussi d’une grande utilité en algèbre (existence d’idéaux maximaux, de bases dans
les espaces vectoriels, etc.)

Lemme II.4 (Zorn). Tout ensemble inductif possède au moins un élément maximal.

Nous désignerons par r(B) le rayon de la boule fermée B et par B̃, ou 5B, la boule
fermée de même centre que B et de rayon cinq fois plus grand. Un premier point
essentiel dans nos hypothèses est que

sup r(B) < ∞. (II.12)


B∈B

En effet, B ∈ B ⇒ Vn (r(B))n = vn (B)  vn (V), d’où


 1/n
r(B)  Vn−1 vn (V) .

Le point de départ de la preuve est une observation simple : si A et B sont deux boules
fermées, alors
B ∩ A  ∅ et r(B)  2r(A) ⇒ B ⊂ Ã. (II.13)
Notons en effet c le centre de A, et soit y ∈ A ∩ B. Si x ∈ B, l’inégalité triangulaire
nous donne
d(x, c)  d(x, y) + d(y, c)  2r(B) + r(A)  5r(A)
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ce qui signifie bien que B ⊂ Ã.


Soit maintenant Ω l’ensemble de toutes les familles disjointes C de B (c’est-à-
dire que si A, B ∈ C sont distincts, ils sont disjoints) vérifiant la propriété suivante
(motivée par (II.13)) : pour tout B ∈ B

B ∩ S = ∅ ∀S ∈ C ou bien ∃ S ∈ C tel que B ∩ S  ∅ et r(B)  2r(S ), (II.14)

partiellement ordonné par l’inclusion des familles (en clair, ou bien B ne coupe aucun
élément de C, ou bien il coupe un élément de C de rayon plus grand que la moitié de
celui de B). Une première remarque, triviale mais nécessaire, est que Ω  ∅. Soit en

273
Chapitre 7 • Dimension et fractalité

effet B0 ∈ B tel que r(B)  2r(B0 ) ∀B ∈ B, un tel B0 existant puisqu’on a supposé


les r(B) majorés. Alors C := {B0 } ∈ Ω.
Ensuite, cet ensemble Ω est inductif ; car si Ω
:= (Ci )i∈I est une chaîne de Ω
(i, j ∈ I ⇒ Ci ⊂ C j ou C j ⊂ Ci ), alors C = ∪i∈I Ci ∈ Ω. En effet, si A, B ∈ C sont
distincts et A ∈ Ci , B ∈ C j , on a par exemple Ci ⊂ C j et A, B sont disjoints comme
éléments distincts de la famille disjointe C j . Et la vérification de (II.14) pour C est
immédiate. De plus, Ci ⊂ C pour tout i ∈ I, si bien que C ∈ Ω est un majorant pour
l’inclusion de tous les Ci .
D’après le lemme de Zorn rappelé, Ω admet un élément maximal C. Nous disons
d’abord que
B ∈ B ⇒ B ∩ S  ∅ pour au moins un S ∈ C. (II.15)
Car si ce n’est pas le cas, la famille K des boules de B disjointes de tous les S ∈ C
est non-vide, et l’on peut trouver W ∈ K tel que

2r(W)  sup r(B)


B∈K

puisque le sup du membre de droite est fini par hypothèse. Considérons la famille
D = C ∪ {W}. Cette famille disjointe majore strictement C pour l’inclusion, car
W  C (on aurait sinon W = W ∩ W = ∅ puisque W ∈ K !). De plus, cette famille est
un élément de Ω. Soit en effet B ∈ B. Distinguons trois cas :
• B ∩ D = ∅ ; rien à ajouter.
• B coupe un S ∈ C tel que r(B)  2r(S ). On a aussi S ∈ D.
• B ∩ C = ∅, mais B ∩ W  ∅. Alors, B ∈ K, W ∈ D et par choix de W, on a
r(B)  2r(W).
Ceci contredit la maximalité de C et montre (II.15) par l’absurde.
Ensuite, puisque les boules de C sont deux à deux disjointes et puisque nous
sommes dans l’espace métrique séparable E ⊂ Rn , elles sont en nombre au plus
dénombrable, et on peut les numéroter en une suite (Bi )i1 . Fixant l’entier N, et po-
sant H = ∪i=1
N B (un ensemble fermé, comme union finie de fermés), nous allons
i
montrer que 6
E\H ⊂ B̃i . (II.16)
i>N

Soit en effet x ∈ E\H et ρ = d(x, H) > 0 puisque H est fermé. Le second point
essentiel est que, d’après l’hypothèse de recouvrement fin, on peut trouver B ∈ B
telle que x ∈ B et 2r(B) < ρ. La relation (II.15) montre qu’il existe i tel que B∩ Bi  ∅
et r(B)  2r(Bi ). Si i  N, fixons y ∈ B ∩ Bi ⊂ H. Nous avons

d(x, H)  d(x, y)  2r(B) < ρ,

274
II. Dimension de Hausdorff

ce qui contredit la définition de ρ. Donc i > N. Ceci via (II.13) nous donne x ∈ B et
B ⊂ B̃i avec i > N, et achève la démonstration du lemme II.3.
Voici comment finir la preuve de la proposition II.2 : on peut supposer E borné ;
soit V un ouvert borné contenant E, et ε > 0 ; désignons par B la famille des boules
fermées B telles que B ⊂ V et diam B̃  ε.
Il est clair que B recouvre finement E, on peut donc trouver une suite (Bi) comme
dans le lemme II.3.


Observons que : (diam Bi )n < ∞.
i=1


∞ ∞
En effet, (diam Bi )n = γn vn (Bi ) = γn vn ( ∪ Bi)  γn vn (V) < ∞.
i=1 i=1 i=1


Puisque (diam B̃i )n = (diam B̃i)n < ∞.
5n (diam Bi)n , on a aussi
i=1

Étant donné ρ > 0, on peut donc trouver N tel que (diam B̃i)n  ρ. Le
iN+1
N ∞
lemme II.3 montre que E ⊂ ∪ Bi ∪ ∪ B̃i , avec diam Bi  diam B̃i  ε, d’où :
1 N+1


N 
∞ 
N
Hεn (E)  (diam Bi ) +
n
(diam B̃i ) 
n
(diam Bi)n + ρ
1 N+1 1

N
= γn vn (Bi ) + ρ
1

N
= γn vn ∪ Bi + ρ  γn vn (V) + ρ.
1

D’où successivement (rappelons que vn est une mesure régulière, c’est-à-dire que
vn (E) = inf {vn (V) ; V ouvert,V ⊃ E}) :

Hεn (E)  γn vn (V) ; H n (E)  γn vn (V) ; H n (E)  γn vn (E),


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

ce qui achève la démonstration de la proposition II.2. ❑

La dimension de Hausdorff s0 de E ⊂ X se définit de façon implicite à partir des


mesures de Hausdorff H s (E) ; notons d’abord le lemme simple suivant :

Lemme II.5. Soit E ⊂ X, et 0 < s < t.


Alors :
a) Si H s (E) < ∞, on a H t (E) = 0.
b) Si H t (E) > 0, on a H s (E) = ∞.

275
Chapitre 7 • Dimension et fractalité

Démonstration. a) On a par définition Hεt (E)  εt−s Hεs (E)  εt−s H s (E).
b) c’est la contraposée de a). ❑

Le lemme II.4 montre que, pour chaque E ⊂ X, il y a une valeur critique s0 ∈


[0, ∞] telle que :

H s (E) = 0 si s > s0 ; H s (E) = ∞ si s < s0 .

Si on préfère, s0 = inf {s ; H s (E) = 0} = sup {s ; H s (E) = ∞}. Cette valeur critique


s’appelle la dimension de Hausdorff de E et se note dimH (E).

II.2 Propriétés générales


Notons d’abord la proposition suivante, dont on a vu un analogue pour la dimension
de boîte.

Proposition II.6. La dimension de Hausdorff a les propriétés de stabilité sui-


vantes :
a) Monotonie : E ⊂ F ⇒ dimH (E)  dim H (F).

b) Union dénombrable : dimH (∪ En ) = sup dim H (En ).
1 n
En particulier, si E est dénombrable, on a dim H (E) = 0.
c) Image höldérienne : soit E ⊂ X et f : E → Y α-höldérienne, i.e. d[ f (x), f (y)] 
C(d(x, y))α , ∀x, y ∈ E.
1
Alors, dimH ( f (E))  dimH (E).
α
d) Ensembles d’intérieur non vide : si E ⊂ Rn , on a dim H (E)  n. Cette inégalité
devient une égalité si E est d’intérieur non vide.

Démonstration. a) Évident.
b) On peut supposer supn dim H (En ) = s0 < ∞. Si t > s0 , le lemme II.4 et la proposi-
∞ ∞

tion II.1 montrent que H (∪ En ) 
t H t (En ) = 0, d’où dimH (∪ En )  s0 .
1 1
1
De plus, un singleton E = {a} est de dimension de Hausdorff nulle car on a pour
ε
tous s, ε, ρ > 0, avec ρ  : E ⊂ B̄(a, ρ) = B, avec diam B  ε, d’où successive-
2
ment :
Hεs (E)  (2ρ)s , Hεs (E) = 0, H s (E) = 0.
D’après la première partie du b), un ensemble dénombrable est donc de dimension
de Hausdorff nulle.
c) Soit F = f (E), s > s0 = dimH (E), ε et ρ > 0, δ > 0 tel que 2Cδα = ε.

276
II. Dimension de Hausdorff

On peut trouver un recouvrement de E par des boules Bi telles que :




(diam Bi)s  ρ, diam Bi  δ,
1

et chaque Bi coupe E en un point xi (on élimine comme superflues les boules ne



rencontrant pas E). Alors, E ⊂ ∪ B̄(xi , diam Bi), d’où :
1
∞ ∞
F ⊂ ∪ B̄( f (xi ), C(diam Bi )α ) = : ∪ B
i ,
1 1
s
avec diam B
i  2C(diam Bi)α  2Cδα = ε. Posant t = , cela montre que :
α
  
Hεt (F)  (diam B
i )t  (2C)t (diam Bi )αt = (2C)t (diam Bi)s  (2C)t ρ.
i i i

En faisant tendre ρ, puis ε, vers 0, on obtient Hεt (F) = 0, H t (F) = 0 ; d’où


s s0
dim H (F)  t = , ∀s > s0 , et dimH (F)  .
α α
d) Rn est union dénombrable de parties bornées ; une partie bornée E est contenue
dans un borélien F de volume fini, donc on a H n (E)  H n (F) = γn vn (F) < ∞ d’après
la Proposition II.2, et dim H (E)  n.
On a donc dimH (Rn )  n d’après b) ; si maintenant E ⊂ Rn , la monotonie montre
que dim H (E)  n ; et si E est d’intérieur non vide, il contient une boule F de volume >
0, d’où H n (E)  H n (F) = γn vn (F) > 0 ; par suite dimH (E)  n, i.e. dim H (E) = n.

La proposition suivante précise le fait que la dimension de Hausdorff analyse plus


finement les choses que la dimension de boîte (rappelons que, si E n’est pas précom-
pacte, on convient que dim B (E) = ∞).
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Proposition II.7. Pour tout partie E de X, on a :

dim H (E)  dimB (E). (II.17)

Démonstration. On peut supposer α = dimB (E) < ∞ ; soit β > α ; on peut trouver
 β
log NE (ε) 1
des ε > 0 arbitrairement petits pour lesquels  β, soit p = NE (ε)  ;
log 1/ε ε
p β
pour de tels ε, on a une inclusion E ⊂ ∪ B̄(xi , ε), d’où H2ε (E)  p(2ε)β  2β ; cela
i=1
montre que H β (E)  2β , et dim H (E)  β ; puis dim H (E)  α, en faisant tendre β
vers α. ❑

277
Chapitre 7 • Dimension et fractalité

Cette proposition montre qu’il est plus facile de majorer la dimension de Hausdorff
de E (il suffit d’exhiber un bon recouvrement de E) que de la minorer (il faut analyser
tous les recouvrements de E). Et, de même que les nombres de packing permettent de
minorer la dimension de boîte, de même la notion de mesure de Frostman permet
de minorer la dimension de Hausdorff : soit A un borélien de Rn et s > 0 ; une mesure
de probabilité borélienne μ portée par A s’appelle une mesure de Frostman pour A (et
pour l’exposant s) s’il existe une constante C > 0 telle que :

μ(B)  C(diam B) s , pour toute boule fermée B de Rn . (II.18)

Lemme II.8 (lemme de Frostman). si le borélien A de Rn porte une mesure de


Frostman, on a :
dimH (A)  s. (II.19)

Démonstration. Si A ⊂ ∪ Bi, avec diam Bi  ε et Bi boule fermée, on a :
1


∞ 

1 = μ(A)  μ(Bi)  C (diam Bi )s .
1 i=1

D’où successivement :
1 1
Hεs (A)  ; H s (A)  ; dimH (A)  s. ❑
C C
Ceci est en fait la partie facile (mais utile !) du lemme de Frostman ; ce dernier dit
aussi que, si H s (A) > 0, alors A porte une mesure de probabilité vérifiant (II.18) (cf.
[Ka]).

II.3 Exemples
Exemple 1 : Ensemble de Cantor

1
Soit K = Kr 0 < r < le compact de l’exemple 1 du paragraphe I ; on va voir que :
2
log 2
dimH (K) = . (II.20)
log 1/r
Cet exemple est un cas particulier de l’exemple 2 qui suit, mais on le traite directe-
ment : c’est l’occasion de voir fonctionner le lemme de Frostman sur un cas simple ;
on peut coder K à partir du Cantor abstrait A = {0, 1}N (cf. chapitre 3) par l’applica-


tion ϕ : A → K définie par ϕ(x) = (1 − r) x j r j si x = (x j ) j0 ∈ A, avec x j = 0
0
ou 1.

278
II. Dimension de Hausdorff

Soit σ la probabilité de pile ou face sur chaque facteur {0, 1}, i.e.

1
σ{0} = σ{1} = .
2
=

Soit τ la probabilité produit tensoriel infini de σ par elle-même : τ = σ.
1
Par définition, si B0 . . ., Bn sont des parties de {0, 1} et si B0 × . . . × Bn = {x ∈
A; x j ∈ B j pour 0  j  n}, on a : τ(B0 × . . . × Bn ) = σ(B0 ) . . . σ(Bn ).
Soit enfin μ = ϕ(τ) l’image de τ par ϕ, c’est-à-dire : μ(B) = τ(ϕ−1 (B)) pour tout
borélien B de R.
μ est bien définie, car ϕ est continue, donc borélienne ; c’est une mesure de proba-
bilité borélienne portée par K, et on va voir que c’est une mesure de Frostman pour K
log 2
et pour l’exposant s = . Soit pour cela B une boule fermée de R, de diamètre
log 1/r
0 < d < 1 − 2r, et soit n l’entier  0 tel que rn+1 (1 − 2r)  d < rn (1 − 2r).
Fixons x = (x j ) ∈ ϕ−1 (B) ; si x
= (x
j ) ∈ ϕ−1 (B), je dis que x
j = x j si j  n.
En effet, on a vu dans l’exemple 1 de I que, si k est le plus petit entier tel que
xk  x
k , on a |ϕ(x) − ϕ(x
)|  rk (1 − 2r).
D’autre part, |ϕ(x) − ϕ(x
)|  diam B = d < rn (1 − 2r), d’où rk < rn , et k > n.
Cela montre que ϕ−1 (B) ⊂ B0 × . . . × Bn , où B j est le singleton {x j }.
Par suite :
 n+1
−1 1
μ(B) = τ(ϕ (B))  τ(B0 × . . . × Bn ) = σ(B0 ) . . . σ(Bn ) = .
2

Or,  s
1
= 2,
r
donc 
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

1
n+1  s
= rn+1
2
et 
  d
s
n+1 s
μ(B)  r  .
1 − 2r
μ(B) 1
Si maintenant B est de diamètre d  1 − 2r, on a  .
(diam B)s (1 − 2r)s
−s
On a donc toujours μ(B)  C(diam B) , avec C = (1 − 2r) , et le lemme de
s
log 2
Frostman montre que dimH (K)  s = .
log 1/r

279
Chapitre 7 • Dimension et fractalité

La majoration est immédiate d’après la proposition II.6 et l’exemple 1 de I :


log 2
dimH (K)  dimB (K) = .
log 1/r

Exemple 2 : Compacts auto-similaires


Soit S 1 , . . . , S N des similitudes contractantes de Rn , comme dans l’exemple 4 de

N
I, s la dimension d’auto-similarité donnée par ris = 1, et K le compact fixe de
1
(S 1 , . . . , S N ).
On dira que (S 1 , . . . , S N ) satisfait « la condition de l’ensemble ouvert de
Moran » si :
Il existe un ouvert borné non vide O tel que S i (O) ⊂ O pour tout i, et
(II.21)
S i (O) ∩ S j (O) = ∅ si i  j.
Avec cette définition, on a le résultat suivant :

Théorème II.9. Soit K le compact fixe de (S 1 , . . . , S N ).


Alors :
a) On a toujours dim H (K)  s.
b) Si (S 1 , . . . , S N ) vérifie la condition de Moran, on a exactement :

dimH (K) = dimB (K) = s.

Démonstration. a) D’après le théorème I.4 et la proposition II.6, on voit que :

dimH (K)  dimB (K)  s.

b) Expliquons d’abord pourquoi le résultat dimH (K) = s est concevable ; soit t =


dim H (K) ; supposons que 0 < H t (K) < ∞, et que les S i (K) soient deux à deux
N
disjoints ; alors l’équation K = ∪ S i (K) entraîne :
1


N 
N
H t (K) = H t (S i (K)) = rit H t (K),
1 1

car Htréagit à une similitude de rapport r en multipliant le résultat par rt ; « d’où »



N
rit = 1, c’est-à-dire t = s.
1
Malheureusement, même si les S i (K) sont disjoints, on peut avoir H t (K) = 0 ou
H t (K) = ∞, et la preuve effective va être beaucoup plus compliquée que le raisonne-
ment heuristique précédent.

280
II. Dimension de Hausdorff

Reprenons les notations de l’exemple 4 de I ; en particulier, on pose ρi = ris et, si


α = i1 , . . . , i p ! est un mot de E et A ⊂ Rn , on pose S α = S i1 ◦. . .◦S ip et Aα = S α (A),
ainsi que T (A) = S 1 (A) ∪ . . . ∪ S N (A).
On va construire une mesure de Frostman comme dans l’exemple 1, mais de ma-
nière légèrement plus compliquée : soit σ la probabilité sur E définie par σ{i} = ρi
pour 1  i  N (si on préfére, σ = ρ1 δ1 + . . . + ρN δN , où δa est la masse de Dirac
en a).
∗ >∞
Soit τ la probabilité sur F = E N définie par τ = σ ; et soit μ = h(τ) la
1
probabilité image de τ par l’application de codage h de la proposition I.3 ; on va voir
en plusieurs étapes que μ est une mesure de Frostman pour K et s.
Étape 1 : Si A est un compact non vide de Rn tel que T (A) ⊂ A, alors K ⊂ A.
En particulier, Kα ⊂ Oα pour tout mot α.
Soit en effet A j = T j (A) ⊂ A ; le théorème du point fixe pour plusieurs contractions
(chapitre 5) entraîne que A j → K pour la distance de Hausdorff ; étant donné ε > 0,
on peut donc trouver j tel que K ⊂ (A j )ε , a fortiori K ⊂ Aε ; ε étant arbitrairement
petit, on a bien K ⊂ A. Appliquons cela à A = O, où O est comme dans (II.21) : O est
compact car fermé, borné ; et S i (O) ⊂ S i (O) ⊂ O, donc T (O) ⊂ O. D’après ce qu’on
vient de voir, on a K ⊂ O, puis Kα = S α (K) ⊂ S α (O) ⊂ S α (O) = Oα .
Soit ensuite r > 0, et I = I(r) l’ensemble des mots minimaux α = i1 , . . . , i p ! tels
que rα = ri1 . . . ri p  r. (cf. preuve lemme I.5).
Étape 2 : Les (Oα )α∈I sont deux à deux disjoints.
Soit en effet α = i1 , . . . , i p ! et β = j1 , . . . , jq ! ∈ I, avec α  β et par exemple
p  q. Distinguons deux cas :
Cas 1 : p = q.
Soit k + 1  p le plus petit indice tel que ik+1  jk+1 , alors :

Oα ∩ Oβ ⊂ S i1 ◦ . . . ◦ S ik (S ik+1 O ∩ S jk+1 O) = S i1 ◦ . . . ◦ S ik (∅) = ∅.


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Cas 2 : p < q.
On ne peut avoir i1 , . . . , i p ! = j1 , . . . , j p !, puisque par définition ri1 . . . ri p  r et
r j1 . . . r j p > r ; il existe donc un premier indice k + 1  p tel que ik+1  jk+1 , et on
peut raisonner comme dans le cas 1.
Soit maintenant B = B(a, r) une boule fermée de rayon r ; soit J l’ensemble des
mots α ∈ I = I(r) tels que Oα ∩ B  φ ; pour un mot α = i1 , . . . , i p !, on désigne par
Fα le cylindre de F constitué des x = (i1 (x), i2 (x), . . . , ) tels que i1 (x) = i1 , i2 (x) =
i2 , . . . i p (x) = i p .
L’ultime étape est la suivante (rappelons que |J| désigne le cardinal de l’ensemble
fini J).

281
Chapitre 7 • Dimension et fractalité

Étape 3 : On a |J|  λn , où λn ne dépend pas de r ; et h−1 (B) ⊂ ∪ Fα .


α∈J
En effet, O est un ouvert borné non vide, c’est donc une « petite distorsion » d’une
boule, au sens où on peut trouver 0 < c1 < c2 , et B1 , B2 des boules fermées de
diamètres respectifs c1 et c2 telles que B1 ⊂ O ⊂ B2 .
Les (Oα )α∈J sont donc de diamètre  rα c2  rc2 , et Oα coupe B, donc est inclus
dans B(a, r+rc2 ) ; en prenant les volumes dans l’inclusion disjointe (d’après l’étape 2)
suivante,  Oα ⊂ B(a, r + rc2 ), on obtient donc :
α∈J

vn (Oα )  rn (1 + c2 )n Vn . (II.22)
α∈J

(rappelons que Vn est le volume de la boule unité euclidienne de Rn ).


D’autre part, Oα contient( une boule de diamètre rα c1  r r1 c1 (puisque α est
r r1 c1 )n
minimal), donc vn (Oα )  Vn , et en reportant dans (II.22), on voit que
( r r c )n 2
1 1
Vn |J|  rn (1 + c2 )n Vn .
2  n
2 + 2c2
Les rn se simplifient dans cette inégalité, et il reste |J|  = λn .
r1 c1
Soit maintenant x ∈ h−1 (B) et α = i1 , . . . , i p ! ∈ I tel que x commence par le
mot α : i1 (x) = i1 , . . . , i p (x) = i p . Comme on l’a vu au paragraphe I, h(x) ∈ Kα ; et
h(x) ∈ B par hypothèse, donc h(x) ∈ Kα ∩ B ⊂ Oα ∩ B, d’après l’étape 1.
Ceci montre que α ∈ J ; or, x ∈ Fα par définition, d’où l’inclusion annoncée. La fin
est facile quand on a l’étape 3 : la τ-mesure du cylindre Fα , α ∈ J, est par définition
ρi1 . . . ρi p = ρα = rαs  r s , d’où
 
μ(B) = τ(h−1 (B))  τ(Fα )  r s = r s |J|  λn r s  λn (diam B)s .
α∈J α∈J

On a donc montré que μ était une mesure de Frostman pour K ; le lemme de Frostman
montre que dimH (K)  s, soit dim H (K) = s d’après a). Enfin, le théorème I.4 et la
proposition II.6 montrent que :
s = dim H (K)  dim B (K)  dimB (K)  s,
d’où dimB (K) = s, ce qui achève la démonstration du théorème II.8. ❑

Exemple 3 : Courbes de von Koch


&%
1 1
Fixons α ∈ , , et considérons les cinq nombres complexes :
4 2
?
1 1
a0 = 0, a1 = α, a2 = + i α − , a3 = 1 − α, a4 = 1.
2 4
282
II. Dimension de Hausdorff

a2

a0 a1 a3 a4

Figure 7.1

On notera que | a j+1 − a j | = α si 0  j  3. Soit S j la similitude de R2 = C


qui envoie [a0 , a4 ] = [0, 1] sur [a j , a j+1 ], i.e. S j (z) = (a j+1 − a j )z + a j . S j est une
similitude de rapport |a j+1 − a j | = α, et le dessin représente les 4 images de [0, 1]
1
par S 0 , S 1 , S 2 , S 3 . Soit K = Kα le compact fixe associé ; le cas α = est un cas
4
1
dégénéré qui correspond à a2 = , et à K = [0, 1].
2
1
Le cas α = est aussi à part : on a K = Δ, où Δ est le triangle a0 a2 a4 .
2
En effet,

z iz 1 −iz 1 + i z 1
S 0 (z) = , S 1 (z) = + , S 2 (z) = + , S 3 (z) = + ,
2 2 2 2 2 2 2
et ce sont des applications affines ; par conséquent :

S 0 (Δ) est le triangleS 0 (a0 ) S 0 (a2 ) S 0 (a4 ) = triangle a0 p a1


S 1 (Δ) est le triangleS 1 (a0 ) S 1 (a2 ) S 1 (a4 ) = triangle a1 p a2
S 2 (Δ) est le triangleS 2 (a0 ) S 2 (a2 ) S 2 (a4 ) = triangle a2 q a3
S 3 (Δ) est le triangleS 3 (a0 ) S 3 (a2 ) S 3 (a4 ) = triangle a3 q a4

(où p et q sont les milieux respectifs de a0 a2 et a2 a4 ).

a2
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

p q
S1(Δ) S2(Δ)
S0(Δ) S3(Δ)
a0 a1= a3 a4

Figure 7.2

On a donc :

S 0 (Δ) ∪ S 1 (Δ) ∪ S 2 (Δ) ∪ S 3 (Δ) = Δ, et K = Δ.

283
Chapitre 7 • Dimension et fractalité

1 1
Dans le cas < α  , la condition de Moran est satisfaite avec comme ou-
4 2
vert borné l’intérieur O du triangle Δ. En effet, S j (O) est l’intérieur du triangle
T j = a j S j (a2 )a j+1 , et on voit facilement que ces triangles sont contenus dans O
et d’intérieurs disjoints (cf. figure pour α = 1/2). On peut donc appliquer le théo-
rème II.8, et K, appelée courbe de von Koch (la courbe de von Koch usuelle corres-
1
pond à α = , mais il est commode d’introduire un paramètre α) a pour dimension
3
de Hausdorff la dimension de similarité donnée par 4 · α s = 1, c’est-à-dire :
log 4
dimH (K) = .
log 1/α
K s’appelle courbe de von Koch parce que c’est effectivement une courbe !
Soit pour cela X = { f : [0, 1] → C , continues, telles que f (0) = 0 et f (1) = 1},
avec la métrique naturelle d( f , g) = sup0t1 | f (t) − g(t)|, qui en fait un espace mé-
trique complet. Et soit U : X → X définie par :
j j+1
t
U f (t) = S j [ f (4t − j)] si , j = 0, 1, 2, 3
4 4
% &
j j+1
(observer que 4t − j parcourt [0,1] quand t parcourt , , et que
4 4
U f (0) = S 0 [ f (0)] = S 0 (0) = 0,
U f (1) = S 3 [ f (1)] = S 3 (1) = 1).
% &
j j+1
U est une contraction de rapport α ; en effet, si f , g ∈ X et t ∈ , , on a :
4 4

|U f (t) − Ug(t)| = |S j f (4t − j) − S j [g(4t − j)]|
 α| f (4t − j) − g(4t − j)|  αd( f , g),
d’où d(U f , Ug)  αd( f , g), en passant au sup sur t.
Par conséquent, U possède un unique point fixe γ, qui est une application continue
de [0, 1] dans C, donc une courbe d’origine γ(0) = 0 et d’extrémité γ(1) = 1.
On va voir que K n’est autre que l’image de cette courbe, c’est-à-dire que
K = γ([0, 1]).
Posons pour cela L = γ([0, 1]). Nous avons Uγ = γ, c’est-à-dire γ(t) = S j [γ(4t −
j j+1
j)] pour  t  , j = 0, 1, 2, 3.
4 4 % &
j j+1
Nous en déduisons que γ , = S j γ([0, 1]) = S j (L), 0  j  3.
4 4
En réunissant ces quatre égalités, on obtient :
% &
3 j j+1 3
L = γ([0, 1]) = ∪ γ , = ∪ S j (L).
j=0 4 4 j=0

284
II. Dimension de Hausdorff

L est donc l’unique compact fixe associé aux S j , c’est-à-dire que L = K. On verra en
problème deux propriétés de γ :
log 1/α 1
a) γ est höldérienne d’ordre β = . En particulier, pour α = , on a une courbe
log 4 2
γ de type Péano : son image remplit un triangle, et elle est höldérienne d’ordre 1/2.
Ceci est à rapprocher de la Proposition I.6.
D’ailleurs, en posant :



⎪ γ(2t) pour 0  t  1/2

f (t) = ⎪
⎪ 1

⎩ σ[γ(2t − 1)] pour t1
2
1
(où σ est la symétrie plane de centre ), on obtient une courbe f höldérienne
2 
1 1+i
d’ordre , dont l’image est le carré de sommets 0, ± , 1.
2 2
1 1
b) Pour α < , γ est injective (c’est trivial pour α = , car alors γ(t) = t ; c’est non
2 4
1 1
trivial pour < α < ), autrement dit K est homéomorphe au segment [0, 1], tout
4 2
log 4
en ayant une dimension de Hausdorff  dimH ([0, 1]) = 1, si α  1/4. On
log 1/α
voit apparaître ici un exemple d’objet fractal : en gros, un objet dont les propriétés
topologiques et métriques sont très différentes.
Mais, pour le moment, mathématiciens, physiciens et astronomes ne s’accordent
pas sur une définition précise, qui peut-être n’existe pas. Nous reviendrons à cette
notion d’objet fractal au paragraphe III.

Exemple 4 : Fanion de Sierpinski (« Sierpinski gasket »)


On reprend l’exemple de l’exercice 9, chapitre 5. O, A, B sont les sommets d’un tri-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

1
angle équilatéral du plan, de côté 1 ; S 1 , S 2 , S 3 sont les trois homothéties de rapport
2
et de centres respectifs O, A, B, et K (fanion de Sierpinski) le compact fixe associé ;
la condition de Moran est satisfaite avec ω l’intérieur du triangle OAB.
En effet, (cf. figure du chapitre 5) si B1 , O1 , A1 sont les milieux des côtés OA,
AB, BO, S 1 (ω), S 2 (ω), S 3 (ω) sont respectivement les intérieurs des triangles OB1 A1 ,
B1 AO1 , O1 BA1 , et ces intérieurs sont disjoints. La dimension s d’auto-similarité est
donnée par 3 · 2−s = 1 ; on a donc :

log 3
dimH (K) = dimB (K) = .
log 2

285
Chapitre 7 • Dimension et fractalité

Là aussi, K doit être considéré comme un objet fractal ; montrons par exemple qu’il
est connexe : avec les notations de l’exercice 9, chapitre 5, on sait que :
 −−→ −−→ −−→
K = M ; OM = u OA + v OB,
∞ ∞
u= u j 2− j et v = v j 2− j ,
1 1

u j , v j ∈ {0, 1} et u j v j = 0, ∀ j .


n 
n
Soit Kn l’ensemble des points de K correspondant à u = u j 2− j , v = v j 2− j ; si
1 1
K0 = {O, A, B} est l’ensemble des trois sommets du triangle, on voit par récurrence
que Kn = T n (K0 ) (où T (A) = S 1 (A) ∪ S 2 (A) ∪ S 3 (A), comme d’habitude) ; donc,
Kn+1 = T (Kn ) s’obtient en ajoutant à Kn les milieux des segments de longueur 2−n
joignant deux points de Kn ; on en déduit que :

Pour tout x ∈ Kn , on peut trouver une chaîne x1 , . . . , xr de points de Kn , avec


x1 = x, xr = O, et [xi , xi+1 ] = segment de longueur 2−n .
(II.23)
On procède par récurrence sur n, le résultat étant clair pour n = 0.
S’il est vrai pour n, soit x ∈ Kn+1 . On distingue deux cas :
Cas 1 : x ∈ Kn .
Soit x1 , . . . , xr comme dans (II.23) et soit yi le milieu de [xi , xi+1 ] ; la chaîne x1 ,
y1 , x2 , y2 , . . . , xr−1 , yr , xr est une chaîne de Kn+1 qui vérifie (II.23) à l’étape n + 1.
Cas 2 : x ∈ Kn+1 − Kn .
Alors, x est le milieu d’un segment [u, v], où u, v ∈ Kn , comme on l’a vu précé-
demment ; d’après le cas 1, on peut joindre u à O par une chaîne adéquate u, z2 , . . . ,
zt , et la chaîne x, u, z2 , . . . , zt répond à la question.
D’autre part, la distance de Hausdorff de Kn (= T n (K0 )) à K tend vers zéro d’après
le théorème de Picard pour plusieurs contractions ; il résulte alors de (II.23) que K
est bien enchaîné ; comme d’autre part K est compact, K est connexe.

II.4 Une application


Soit m la mesure de Lebesgue sur [0, 1]. On sait (cf. [QZ]) que m-presque tout
nombre x de [0, 1] est normal. Considérons maintenant un ensemble restreint de va-
leurs de x : l’ensemble F3 des x ∈ [0, 1] dont le développement en fraction continue
ne contient que les chiffres 1, 2 ou 3. F3 est compact (c’est un Cantor), et m(F3 ) = 0,
donc l’argument précédent ne donne plus rien en ce qui concerne l’existence de

286
III. Dimension topologique

x ∈ F3 , normal. Pourtant, on peut montrer qu’un tel x existe en combinant les trois
arguments suivants (cf. [Mon]) :

2
1) La dimension de Hausdorff de F3 est assez grande > .
3
2) Si un compact K de R a une dimension de Hausdorff assez grande, il porte une
mesure de probabilité μ dont les coefficients de Fourier tendent vite vers zéro :

μ(n) = O (|n|−δ ),
 où δ > 0.

3) Si un compact K de R porte une telle mesure μ, alors μ-presque tout x de K est


normal : en particulier, K contient des nombres normaux.

III D IMENSION TOPOLOGIQUE


Dans tout ce paragraphe, (X, d) désignera un espace métrique compact.

III.1 Définitions équivalentes


On a défini, au chapitre V, la dimension topologique, ou plus exactement la dimen-
sion de recouvrement (mais les deux notions coïncident pour un espace métrique
compact). La proposition suivante donne des formulations équivalentes, et va per-
mettre de faire le lien avec la dimension de Hausdorff.

Proposition III.1. Soit X un espace métrique compact, n ∈ N. On a équivalence


entre :
a) dim(X)  n.
b) Pour tout recouvrement ouvert (U1 , . . . , Uk ) de X, il existe un recouvrement ouvert
(V1 , . . . , Vk ) de X d’ordre  n (tout point de X appartient à n + 1 des Vi au plus) et
« raffinant » (U1 , . . . , Uk ), c’est-à-dire :V j ⊂ U j , 1  j  k.
c) Pour tout recouvrement ouvert (U1 , . . . , Un+2 ) de X, il existe un recouvrement
n+2
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

fermé (F1 , . . . , Fn+2 ) de X, raffinant (U1 , . . . , Un+2 ) et tel que ∩ F j = ∅


1

Démonstration. a)⇒ b) Soit U1 , . . . , Uk un recouvrement ouvert de X, r > 0 un


nombre de Lebesgue associé (cf. chapitre III, exercice 17), (Wα )α∈A un recouvrement
ouvert fini de X, d’ordre  n, avec diam Wα < r.
Chaque Wα est inclus dans un Ui au moins, car si a ∈ Wα et B(a, r) ⊂ Ui , on a
Wα ⊂ B(a, r) ⊂ Ui ; soit i(α) le plus petit i tel que Wα ⊂ Ui , et soit Vi = ∪ Wα ;
i(α)=i
(V1 , . . . , Vk ) répond à la question ; en effet, si I ⊂ {1, . . . , k} et |I| = n + 2, on a
∩ Vi = ∪{Wα1 ∩ . . . ∩ Wαn+2 ; {i(α1 ), . . . , i(αn+2 )} = I} = ∪ ∅ = ∅, puisque de tels
i∈I
α1 , . . . , αn+2 sont nécessairement distincts.

287
Chapitre 7 • Dimension et fractalité

b)⇒c) : Soit (V1 , . . . , Vn+2 ) un recouvrement ouvert d’ordre  n raffinant


n+2
(U1 , . . . , Un+2 ) ; alors ∩ V cj = ∅, il existe donc des ouverts ω j tels que V cj ⊂ ω j
1
n+2
et ∩ ω j = ∅ (cf. chapitre II, exercice 10). Les fermés F j = ωcj répondent à la ques-
1
n+2
tion : en effet, F j ⊂ V j ; ∪F j = X puisque ∩ ω j = ∅, et ∩F j ⊂ ∩V j = ∅, puisque
1
(V1 , . . . , Vn+2 ) est d’ordre  n.
c)⇒b) : Soit (U1 , . . . , Uk ) un recouvrement ouvert de X. Si k  n+1, ce recouvrement
est déjà d’ordre  n. Supposons donc k  n + 2 et posons W1 = U1 , . . . , Wn+1 =
Un+1 , Wn+2 = Un+2 ∪ . . . ∪ Uk .
Par hypothèse, il existe des fermés F1 , . . . , Fn+2 recouvrant X avec F j ⊂ W j et
n+2 n+2
∩ F j = ∅ ; on peut donc trouver des ouverts ω j tels que F j ⊂ ω j ⊂ W j et ∩ ω j = ∅
1 1
(cf. chapitre II, exercice 10). Posons Bi = ωi pour 1  i  n + 1, Bi = ωn+2 ∩ Ui pour
n + 2  i  k ; alors, (B1 , . . . , Bk ) est un recouvrement ouvert de X, car B1 ∪ . . . ∪ Bk ⊃
F1 ∪ . . . ∪ Fn+1 ∪ ωn+2 ∩ Wn+2 ⊃ F1 ∪ . . . ∪ Fn+1 ∪ Fn+2 = X ; ce recouvrement raffine
n+2 n+2 n+2
évidemment (U1 , . . . , Uk ), et de plus ∩ Bi = ∅, car ∩ Bi ⊂ ∩ ωi .
1 1 1
Écrivons maintenant les parties à n + 2 éléments de {1, . . . , k} comme une suite
I1 , . . . , Il ; soit r < l ; supposons construit un recouvrement ouvert (B1 , . . . , Bk ) de X
avec B j ⊂ U j pour tout j et ∩ Bi = ∅ pour u = 1, . . . , r ; si on répète la construction
Iu
précédente avec Ir+1 au lieu de {1, . . . , n + 2}, on obtient un recouvrement ouvert
(C1 , . . . , Ck ) avec C j ⊂ B j ⊂ U j pour tout j et ∩ Ci = ∅ ; on a donc ∩ Ci = ∅ pour
Ir+1 Iu
u = 1, . . . , r + 1 et, par récurrence, on construit un recouvrement ouvert (V1 , . . . , Vk )
avec V j ⊂ U j pour tout j et ∩ Vi = ∅ pour u = 1, . . . , l ; (V1 , . . . , Vk ) répond à la
Iu
question.
b)⇒a) : évident. ❑

III.2 Comparaison avec la dimension de Hausdorff


On va montrer le résultat suivant, qui motive une tentative de définition par
B. Mandelbrojt des objets fractals :

Proposition III.2. On a toujours dim(X)  dimH (X).

Démonstration. Soit n ∈ N, n  dim(X). D’après la contraposée de la Proposi-


tion III.1, on peut trouver des ouverts U1 , . . . , Un+1 recouvrant X tels que pour tout
n+1
recouvrement fermé (F1 , . . . , Fn+1 ) raffinant (U1 . . . , Un+1 ), on ait ∩ F j  ∅.
 1
d1 dn+1
Posons di = dUic , d = d1 + · · · + dn+1 , ϕ = ,..., .
d d

288
III. Dimension topologique

La fonction d est continue  0 et ne s’annule pas, donc reste supérieure à une


di
constante a > 0 ; chaque fonction est lipschitzienne, car :
d
   
 di (x) − di (y)  =  [di (x) − di (y)] d(y) + di (y) [d(y) − d(x)] 
 d(x) d(y)   d(x)d(y) 

|di (x) − di (y)| |d(y) − d(x)| d(x, y) (n + 1) d(x, y) (n + 2) d(x, y)


 +  + = .
d(x) d(x) a a a

ϕ : X −→ Rn+1 euclidien est donc lipschitzienne et il en résulte que (cf. Proposi-


tion II.5)
dimH (ϕ(X))  dimH (X). (III.1)
On va maintenant montrer que ϕ(X) contient une partie T isométrique à un ouvert
de Rn ; d’après (III.1) et la proposition II.5, il en résultera

dim H (X)  dim H (ϕ(X))  dimH (T ) = n.

La Proposition III.2 s’ensuivra, puisque n est un entier arbitraire  dim(X) (si


dim(X) < ∞, on fait n = dim(X) ; si dim(X) = ∞, on trouve dimH (X) = dim(X)
= ∞).

n+1
On prend pour cela T = {t = (t1 , . . . , tn+1 ) ∈ Rn+1 ; ti > 0 ∀i, ti = 1}, le sim-
1
plexe unité ouvert de Rn+1 , qui est isométrique à l’intérieur de l’enveloppe convexe
de n + 1 points affinement libres de Rn ; et on va voir que :

T ⊂ ϕ(X). (III.2)
 '
di (x)
Soit en effet t = (t1 , . . . , tn+1 ) ∈ T , et soit Fi = x ;  ti , 1  i  n + 1.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

d(x)
On a Fi ⊂ Ui , car si x ∈ Fi , on a di (x) > 0 et x  Uic ; si maintenant x ∈ X,
n+1 %
 &
di (x)
on a − ti = 1 − 1 = 0, x appartient donc à l’un des Fi et ceux-ci, fermés,
1
d(x)
n+1 di (x0 )
recouvrent X ; par conséquent, ∩ Fi contient au moins un point x0 ; on a − ti 
1 d(x0 )
n+1 %
 &
di (x0 ) di (x0 )
0 pour tout i et − ti = 0, donc = ti pour tout i, et t = ϕ(x0 ). Ceci
1
d(x0 ) d(x0 )
prouve (III.2), et achève la démonstration de la Proposition III.2. ❑

289
Chapitre 7 • Dimension et fractalité

Remarque III.3.
1) On peut montrer ([Edg]) que la dimension topologique de X est la borne inférieure
des dimensions de Hausdorff des espaces Y homéomorphes à X. La dimension
topologique, elle, est invariante par homéomorphisme.
2) B. Mandelbrojt a proposé la définition suivante d’objet fractal : un objet frac-
tal est un espace métrique compact X pour lequel on a inégalité stricte dans la
Proposition III.2 : dim(X) < dim H (X).
Cette définition ne satisfait pas les experts aujourd’hui, car elle laisse échapper
des exemples qu’intuitivement on aurait envie d’appeler fractals ; mais nous nous
y tiendrons dans ce bref chapitre, et nous bornerons à quelques exemples, que
tout le monde s’accorde à qualifier de fractals, et pour lesquels on a effectivement
dim(X) < dimH (X) !

III.3 Exemples
1
Exemple 1. L’ensemble de Cantor X de rapport de dissection r < est un objet
2
fractal.
En effet, dim(X) = 0 puisque X est totalement discontinu (cf. chapitre V, exer-
log 2
cice 5) tandis qu’on a vu dans l’exemple 1 de II que dim H (X) = . Il est facile
log 1/r
1
de vérifier la remarque III.3 sur cet exemple ; soit 0 < s < , et Y s l’ensemble de
2
Cantor de rapport de dissection s ; Y s est homéomorphe à X, car tous les Cantor sont
homéomorphes au Cantor abstrait {0, 1}N .
log 2 >
Et dim H (Y s ) = → 0 = dim(X) quand s → 0.
log 1/s

1
Exemple 2. La courbe de von Koch usuelle X α = est un objet fractal.
3
En effet, on sait que X est homéomorphe (cf. problème) à [0,1], donc :
log 4
dim(X) = 1 < dim H (X) = = 1, 262...
log 3
Il nous suffit d’ailleurs de savoir que X est connexe car image continue de [0,1] ; la
proposition III.2 montre en effet que :
log 4
dim(X)  dimH (X) = < 2,
log 3
donc dim(X) = 0 ou 1, et dim(X) = 1 puisque X est connexe.
Là aussi, la remarque III.3 se vérifie et la borne inférieure est atteinte : X est ho-
méomorphe à [0,1], et dim H ([0, 1]) = 1.

290
III. Dimension topologique

Exemple 3. Le fanion de Sierpinski X est un objet fractal.


En effet, on a :
log 3
dim(X)  dimH (X) = < 2,
log 2
donc dim(X) = 0 ou 1, et dim(X) = 1 car X est connexe.
Exemple 4. L’éponge de Menger X est un objet fractal. Considérons un cube Q dans
R3 ; il a 8 sommets et 12 arêtes, et il est réunion de 33 = 27 cubes homothétiques
1
de Q dans le rapport . Supprimons le cube central ainsi que les six cubes centrés
3
sur les faces et recommençons... autrement dit considérons les vingt homothéties
1
de rapport centrées aux sommets de Q et aux milieux des arêtes de Q, et soit
3
X le compact fixe associé. La condition de Moran est satisfaite avec O l’intérieur
de Q, donc la dimension de Hausdorff s de X est donnée par 20 · 3−s = 1, soit
log 20
s= = 2, 727 . . . = dimH (X). On a donc nécessairement dim(X) < dimH (X),
log 3
puisque dim(X) est un entier, et X est fractal (au fait, que vaut dim(X) : 0,1 ou 2 ?).

III.4 Applications
Nous allons nous contenter de deux applications, mais elles sont « de taille ».

• Application 1 : Non homéomorphisme


On va montrer le :

Théorème III.4. Soit p et q ∈ N∗ deux entiers distincts.


Alors :
a) [0, 1] p et [0, 1]q ne sont pas homéomorphes.
b) R p et Rq ne sont pas homéomorphes.
Notons d’abord le lemme simple suivant :
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Lemme III.5. Soit X un espace métrique compact.


Alors :
a) Si Y est homéomorphe à X, on a dim(Y) = dim(X).
b) Si Y est un sous-espace fermé de X, on a dim(Y)  diam(X).
Démonstration. a) Soit f : X → Y un homéomorphisme  ; soit n  dim(X)  et
(U1 , . . . , Un+2 ) un recouvrement ouvert de Y ; alors, f −1 (U1 ), . . . , f −1 (Un+2 ) est un
recouvrement ouvert de X, il existe donc (proposition III.1) un recouvrement fermé
n+2
F1 , . . . , Fn+2 de X tel que F j ⊂ f −1 (U j ) pour tout j et ∩ F j = ∅.
1

291
Chapitre 7 • Dimension et fractalité

n+2
Soit K j = f (F j ), fermé car compact ; on a K j ⊂ U j pour tout j ; ∪ K j =
1
n+2 n+2 n+2
f ( ∪ F j ) = f (X) = Y ; et, f étant injective, ∩ K j = f ( ∩ F j ) = f (∅) = ∅.
1 1 1
La proposition III.1 montre que dim(Y)  n. Si donc dim(X) < ∞, on fait
n = dim(X) et on trouve dim(Y)  dim(X). Si dim(X) = ∞, on a aussi dim(Y) = ∞,
d’après le raisonnement précédent appliqué à f −1 ; le a) en découle, et b) se démontre
de même. Il ne faudrait pas naŃvement croire qu’une image continue diminue la
dimension topologique : par exemple, l’ensemble triadique de Cantor K est de di-
mension zéro (cf. chapitre V) et tout espace métrique compact est image continue de
K (cf. exercice 1), tout en ayant une dimension topologique arbitraire, voire infinie
(cf. exercice 3). ❑

Démonstration du théorème III.3. a) Dans les exercices 11-12 du chapitre II, on a


montré que dim([0, 1]n )  n, suivant une méthode due à Lebesgue ; dans les exer-
cices 10-11-12 du chapitre V, on a montré que dim([0, 1]n )  n (il nous a fallu le
théorème du point fixe de Brouwer !).
On a ainsi : dim([0, 1]n ) = n ; si donc [0, 1] p et [0, 1]q étaient homéomorphes,
le lemme III.4 montrerait que p = q, contrairement à l’hypothèse. La « signature
topologique » cachée suffit à différencier [0, 1] p et [0, 1]q .
Voici (cf. Munkres, p. 314-315) une preuve peut-être plus intuitive que celle de Le-
besgue du fait que RN peut être recouvert par des ouverts de diamètre arbitrairement
petit, se coupant au plus N + 1 à N + 1 : désignons par J la classe des intervalles
ouverts ]n, n + 1[, où n ∈ Z, et par K la classe des singletons {n}, où n ∈ Z.
Et, pour M ∈ {0, 1, . . . , N} fixé, désignons par C M la classe des parties C de RN
de la forme C = A1 × . . . × AN , où M exactement des Ai appartiennent à J, et N − M
exactement des Ai appartiennent à K. Munissons RN de la norme l∞ (sup du module
des coordonnées), et fixons M dans un premier temps.
Alors, nous avons la propriété (*) suivante :
(*) Si C = A1 × . . . × AN ∈ C M , et si x ∈ C, il existe une boule ouverte B(x, ε(x)),
1
de centre x et de rayon ε(x) < , ne rencontrant pas d’autre D ∈ C M que D = C.
2
Sans perte de généralité, on peut supposer Ai =]ni ni + 1[ pour 1  i  M, et
Ai = {ni } pour M + 1  i  N. Puisque x = (x1 , . . . , xN ) ∈ C, on a ni < xi < ni + 1
pour 1  i  M, et xi = ni pour M + 1  i  N.
1
On peut donc trouver 0 < ε(x) < tel que :
2
ni < xi − ε(x) < xi + ε(x) < ni + 1 pour 1  i  M.

Si maintenant y = (y1 , . . . , yN ) ∈ D, avec D ∈ C M , et si y − x∞ < ε(x), on a


ni < yi < ni + 1 pour 1  i  M.

292
III. Dimension topologique

Comme y a exactement N − M coordonnées entières, on a yi ∈ Z pour i > M, et


1
l’inégalité |yi − xi |  ε(x) < force yi = xi = ni pour i > M. Cela montre que C = D,
2
et prouve (*). 
ε(x)
Soit ensuite U(C) = ∪ B x, . Alors
x∈C 2
(**) les ouverts U(C), où C ∈ C M , sont deux à deux disjoints à M fixé.
Soit en effet C, D ∈ C M ; si U(C) ∩ U(D)  ∅, il existe x ∈ C, y ∈ D tels que
ε(x) ε(y)
B x, ∩ B y,  ∅ ; on peut supposer ε(y)  ε(x).
2 2
ε(x) ε(y)
Alors, y − x∞ < +  ε(x), ce qui montre que y ∈ B(x, ε(x)) ∩ D.
2 2
D’après (*), cela implique C = D et prouve (**). De plus, diamU(C)  2 pour
ε(x) 1
C ∈ C M , car si u, v ∈ U(C), il existe x, y ∈ C tels que u − x∞ <  ,
2 2
ε(y) 1
v − y∞ <  , d’où :
2 2
1 1
u − v∞  u − x∞ + x − y∞ + y − v∞  + 1 + = 2.
2 2
La conclusion est maintenant facile : soit O M la collection des ouverts U(C), C par-
N
courant C M , et soit A = ∪ O M . Les ouverts de A sont de diamètre  2, chaque
M=0
point de RN appartient à au plus un ouvert de O M , donc à au plus N + 1 ouverts
de A , et A recouvre RN car si x ∈ RN a exactement N − M coordonnées entières
avec 0  M  N, il existe C ∈ C M tel que x ∈ C, et x ∈ U(C) avec U(C) ∈ A .
Par homothétie sur A , on obtient des recouvrements ouverts de RN , d’ordre  N
et de diamètre arbitrairement petit.
b) On peut (c’est plus ou moins ce qu’on vient de faire !) définir la dimension topo-
logique d’un espace métrique séparable, et montrer que dim(Rn ) = n, puis conclure
comme dans a).
Pour nous en tenir à ce qui a été fait (cas d’espaces compacts), voici comment on
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

peut procéder : supposons que h est un homéomorphisme de R p sur Rq .


Soit C = [0, 1] p ; h(C) est homéomorphe à C, le lemme III.4 montre donc que
dim(h(C)) = dim(C), c’est-à-dire que dim(h(C)) = p.
D’autre part, h(C) est un compact de Rq , donc est inclus dans un cube compact K de
Rq . Le lemme III.4 de nouveau montre que
dim(h(C))  dim(K), c’est-à-dire que p  q.
Utilisant h−1 , on a de même q  p, d’où p = q, ce qui prouve le b) du théorème III.3.

293
Chapitre 7 • Dimension et fractalité

• Application 2 : Parties indépendantes d’ un groupe


Soit G un groupe topologique abélien métrique compact, noté multiplicativement ;
un compact X de G est dit indépendant (en termes savants, c’est une partie libre du
Z-module G) si ∀x1 , . . . , xr ∈ X, distincts, ∀n1 , . . . , nr ∈ Z, xn11 . . . xnr r = 1 entraîne
n1 = . . . = nr = 0.
X est dit ensemble de Kronecker si, pour toute fonction continue f : X → Γ,
le cercle unité et pour tout ε > 0, il existe un caractère continu γ ∈ G  (cf. chapitre V)
tel que | f (x) − γ(x)|  ε, pour tout x ∈ X.
Un ensemble de Kronecker est indépendant ; en effet, si xn11 . . . xnr r = 1, on
a (γ(x1 ))n1 . . . (γ(xr ))nr = γ(xn11 . . . xnr r ) = 1 pour tout γ ∈ G,  et par suite
( f (x1 )) . . . ( f (xr )) = 1 pour toute f : X → Γ continue, puisque par hypothèse
n1 nr

f s’approche par un caractère ; par le théorème √ d’Urysohn (cf. chapitre III, p. 75) il
existe g : X → R, continue, telle que g(x1 ) = 2π 2 et g(x2 ) = . . . = g(xr ) = 0 ; alors,
f = eig est √une application continue :X → Γ, et la relation ( f (x1 ))n1 . . . ( f (xr ))nr = 1
se lit e2iπn1 2 = 1, d’où n1 = 0 ; de même, n2 = . . . = nr = 0.
Un ensemble indépendant fini est un ensemble de Kronecker (théorème de Krone-
cker : cf. [QZ], chapitre XIII). Une partie compacte de G peut être indépendante et
même de Kronecker, tout en étant connexe et infinie, comme le montre la :

Proposition III.6. Soit 0 < a < b < 1, I = [a, b], et ϕ : I → G = ΓN définie par :
2
ϕ(t) = (1, e2iπt , e2iπt , . . .).
Alors, X = ϕ(I) est un compact de Kronecker, connexe et infini.

Démonstration. ϕ est injective, car ϕ(t) = ϕ(t


) ⇒ e2iπt = e2iπt ⇒ t = t
, puisque
|t − t
|  b − a < 1 ; ϕ est donc un homéomorphisme de I sur X ; en particulier, X est
connexe et infini ; pour montrer que c’est un ensemble de Kronecker, notons que :
(*) Toute fonction continue g : [a, b] → R est limite uniforme sur [a, b] d’une
suite de polynômes à coefficients entiers.
Prolongeons en effet g en une fonction continue sur [0, 1], encore notée g, telle que
g(0) = g(1) = 0 ; g s’approche ([QZ]) par son polynôme de Bernstein :


n 
k k
Bn (x) = Cnk g x (1 − x)n−k
k=0
n

n−1 
k k
= Cnk g x (1 − x)n−k ,
1
n

puisque g(0) = g(1) = 0.


Si u ∈ R, soit [u] la partie entière de u, {u} = u − [u] sa partie fractionnaire.

294
III. Dimension topologique

On perturbe Bn pour le rendre à coefficients entiers, en considérant :


n−1 %
  &
@n (x) = k
B Cn g
k
xk (1 − x)n−k .
1
n

Alors on a :
n−1 
  '
@n (x) = k
Bn (x) − B Cnk g xk (1 − x)n−k ,
1
n
d’où :

n−1
@n (x)| 
|Bn (x) − B xk (1 − x)n−k = ϕn (x),
1

et ϕn tend uniformément vers 0 sur [0, 1] : en effet, Cnk  Cn1 = n pour 1  k  n − 1 ;


1 k k 1 k k
n−1 n
1
d’où ϕn (x)  Cn x (1 − x)  n−k
Cn x (1 − x)n−k = .
n k=1 n k=0 n
g s’approche donc (uniformément sur [a, b]) par B @n .
Soit alors f : X → Γ continue ; f ◦ϕ : I → Γ est continue, donc s’écrit (chapitre IV,
théorème V. 17) e2iπg , où g : I → R est continue. Soit ε > 0 : on peut d’après (*)
 k
trouver P(t) =  défini
n j t j , n j ∈ Z, tel que |P(t)−g(t)|  ε pour t ∈ [a, b]. Soit γ ∈ G
j=0
par les entiers n0 , . . . , nk , c’est-à-dire γ(u) = un00 un11 . . . unk k si u = (u0 , u1 , . . .) ∈ G.
On a | f (ϕ(t)) − γ(ϕ(t))| = |e2iπg(t) − e2iπP(t) |  2π|g(t) − P(t)|  2πε pour t ∈ [a, b],
autrement dit sup | f (x) − γ(x) |  2πε, ce qui achève la preuve. ❑
x∈X

On va voir que ce phénomène ne peut pas se produire si la dimension topologique


de G est finie.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Proposition III.7. Soit G un groupe abélien métrique compact, de dimension topo-


logique n < ∞, et soit X une partie de G, compacte et indépendante. Alors, X est
totalement discontinue, et donc dim(X) = 0.

Démonstration. Notons d’abord le lemme suivant, d’intérêt indépendant (cf.


ex. VII.7) : ❑

Lemme III.8. Soit Y un continu (un espace compact et connexe) non réduit à un
point, A un fermé propre de Y, et a ∈ A. Alors il existe un continu C de Y tel que :

a ∈ C, C ⊂ A, et C ∩ ∂A  ∅.

295
Chapitre 7 • Dimension et fractalité

Démonstration du lemme. Soit J la famille des ouverts-fermés de A contenant a ;


si F ∈ J , F ∩ ∂A  ∅, sinon Y se décompose en les deux fermés (de Y) non vides
disjoints F et (A \ F) ∪ Ac = (A \ F) ∪ (Ac ∪ ∂A) ; la famille J étant stable par
intersection finie, on voit que toute intersection finie de F ∩ ∂A (F ∈ J ) est non
vide ; par compacité, ∩ F ∩ ∂A  ∅, c’est-à-dire C0 (a) ∩ ∂A  ∅, où C0 (a) est la
F∈J
quasi-composante connexe de a dans le sous-espace A ; mais, comme A est compact,
on sait (chapitre IV, théorème IV. 3) que C0 (a) = C(a), la composante connexe de a
dans A ; C = C(a) répond donc à la question (heureusement). ❑

Un corollaire immédiat du lemme est le suivant :


(*) Si X métrique compact n’est pas totalement discontinu, il contient pour tout
entier p des continus X1 , . . . , X p , non réduits à des points et deux à deux disjoints.
Soit en effet Y un continu de X non réduit à un point (prendre pour Y la fermeture
d’un connexe de X non réduit à un point), et soit a1 , . . . , a p ∈ Y distincts, r > 0
assez petit pour que les boules B(a j , r) = A j de Y soient deux à deux disjointes ; pour
chaque j ∈ [1, p], le lemme fournit un continu X j ⊂ A j , avec a j ∈ X j et X j ∩∂A j  ∅ ;
mais ∂A j est incluse dans la sphère de centre a j et de rayon r, donc a j  ∂A j , et X j
est non réduit à un point ; les X j sont disjoints puisque les A j sont disjoints. Cela
prouve (*).
Revenons à la preuve de la Proposition III. 6 : si X n’est pas totalement discontinu,
il contient d’après (*) des continus X1 , . . . , Xn+1 deux à deux disjoints, non réduits à
des points.
Soit Y = X1 × . . . × Xn+1 et h : Y → G définie par h(x1 , . . . , xn+1 ) = x1 . . . xn+1 .
h est injective, car si x1 . . . xn+1 = y1 . . . yn+1 , avec x j , y j ∈ X j , on a :
x1 y−1 −1 −1
1 x2 y2 . . . xn+1 yn+1 = 1.

X étant indépendant et les X j disjoints, cela implique (préciser pourquoi)


x1 y−1 −1
1 = . . . = xn+1 yn+1 = 1, i.e.(x1 , . . . , xn+1 ) = (y1 , . . . , yn+1 ).

h est donc un homéomorphisme de Y sur h(Y), et le lemme III. 4 entraîne dim(h(Y)) =


dim(Y).
D’autre part, h(Y) étant contenu dans G, on a dim(G)  dim(h(Y)), soit dim(G) 
dim(Y).
Utilisons maintenant un théorème non trivial d’Hurewicz, admis ici (cf. [Hu]) :
« La dimension topologique du produit de p continus non réduits à des points est
toujours supérieure ou égale à p ».
Il en résulte ici que dim(Y)  n + 1, d’où dim(G)  n + 1, ce qui contredit l’hypo-
thèse, et achève la preuve par l’absurde. ❑

296
Exercices

Exercices

7.1 On se propose de montrer que tout espace métrique compact est image continue
du Cantor abstrait A = {0, 1}N .
∞
a) Montrer que θ j 3− j = 0, avec θ j ∈ {−1, 0, 1}, entraîne θ j = 0 pour tout j.
j=0


En déduire que, si on munit A de la métrique d(x, y) = |x j − y j | 3− j , où x = (x j ) et
j=0
y = (y j ), on a la propriété suivante :

∀x, y, z ∈ A, d(x, y) = d(x, z) =⇒ y = z.

b) Soit B un compact non vide de A ; montrer que, pour tout x ∈ A, il existe un unique
ϕ(x) ∈ B tel que d(x, B) = d(x, ϕ(x)). Puis montrer que ϕ est continue (montrer que
son graphe est fermé), et vaut l’identité sur B (ϕ est un « retract » de A sur B).
c) Montrer que [0, 1], puis [0, 1]N , sont images continues de A (utiliser le développe-
ment en base 2, par exemple).
d) Montrer que tout fermé de [0, 1]N est image continue de A.
e) Soit X un espace métrique compact, (an )n0 une suite dense de X, h : X → [0, 1]N
définie par

d(x, an )
h(x) = , où C > 0 est un majorant de d(x, y), x et y ∈ X.
C n0

Montrer que h est un homéomorphisme de X sur F = h(X). Conclure que X est image
continue de A.
f) Montrer (courbe de Péano) que [0, 1]2 est image continue de [0, 1].
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

7.2 Une suite convergente peu compacte


Soit K le compact de R constitué des points 0 et (log n)−1 , n entier  2. Et soit
0 < ε < 12 . Les lettres C1 , C2 désigneront des constantes numériques > 0, qui peuvent
varier d’une formule à l’autre. On renvoie au cours de ce chapitre pour les notations
NK (ε) et PK (ε).
a) En s’inspirant de l’exemple 2 du paragraphe 1, montrer que
C2
NK (ε)  .
ε log 1ε

297
Chapitre 7 • Dimension et fractalité

k
b) On prend ε = N+1 1
avec N entier  2. Soit Ik = k−1 N , N , k = 1, . . . , N. Mon-
N N
trer que, si 2  k  logN N , l’intervalle e k−1 , e k contient un point entier, puis que Ik
contient un point xk ∈ K. En déduire que
C1
PK (ε)  .
ε log 1ε
c) Montrer que l’on a, pour 0 < ε < 1
2 :
C1 C2
 NK (ε)  .
ε log 1
ε ε log 1ε
Conclure que dim B (K) = 1 et dim H (K) = 0.

7.3 Donner un exemple d’espace métrique compact de dimension topologique


infinie.
1
7.4 On se propose de trouver le nombre minimum de disques fermés de rayon
2
nécessaires pour recouvrir le disque unité D du plan complexe.

n 1 n
a) On suppose que D ⊂ ∪ D zk , =: ∪ Dk , et on appelle Ik = (ak , bk ) l’arc in-
k=1 2 k=1
tersection de Dk avec la frontière ∂D = Γ de D, avec 0  |ak − bk |  π. Montrer que
π
|ak − bk |  , puis que n  6. Que se passerait-il si n = 6 ? En déduire que n  7.
3
b) En réfléchissant à la discussion du a), montrer qu’on peut effectivement recouvrir
1
D par 7 disques fermés de rayon .
2
7.5 Soit 0 < ε < 1. Donner un exemple de compact auto-similaire K de Rn , tel que
dim(K) = 0 et dim H (K)  n − ε.

7.6 Minoration sans Frostman de la dimension


On rappelle la définition d’un ensemble de Cantor K de rapport de dissection variable
de l’exercice 12 du chapitre 3 : soit (ln )n1 une suite de réels de ]0, 12 [. Alors :

∞ A
2n
K= Kn avec Kn = In,α
n=1 α=1
les In,α étant des segments disjoints de longueur l1 . . . ln , séparés par une distance
 l1 . . . ln−1 (1 − 2ln ), en convenant que le produit vide l1 . . . ln−1 vaut 1 si n = 1.
On appellera ces In,α les intervalles basiques de Kn . Le compact K s’écrit aussi

K = { ∞ n=1 δn l1 . . . ln−1 (1 − ln ); δn = 0 ou 1}. On se propose de minorer la dimen-
sion de Hausdorff de ce compact sans utiliser de théorie de la mesure (de Frostman
ou autre).

298
Exercices

A) On suppose dans cette question ln = r < 12 constant et on définit s ∈]0, 1[ par


l’équation de similarité r s = 12 . Soit (Ui )i∈A un recouvrement fini de K par des inter-
valles fermés de longueur |Ui | = diam Ui < 1 − 2r.
1. Pour chaque i ∈ A, soit n = ni  1 l’entier tel que
rn (1 − 2r)  |Ui | < rn−1 (1 − 2r).
Montrer que Ui coupe au plus un intervalle basique de Kn et que, si N  n, Ui
coupe au plus 2N−n intervalles basiques de KN .
2. On fixe un N  maxi∈A ni (c’est possible car A est fini) et on note Iα les inter-
valles basiques de KN . On pose, pour i ∈ A et 1  α  2N :


⎨ 1 si Ui ∩ Iα  ∅

pi,α = ⎪

⎩ 0 si Ui ∩ Iα = ∅

Montrer que i pi,α  1 pour tout 1  α  2N , puis que
⎛ ⎞
 ⎜⎜ ⎟⎟
⎜⎜⎜ pi,α ⎟⎟⎟⎠  2N .

α i

3. Montrer que α pi,α  2N−ni  2N C s |Ui | s pour tout i ∈ A, où C s > 0 ne dépend
que de s.

4. Montrer que i∈A |Ui | s  C1s , puis que H s (K) > 0 et que dim H (K)  s.
5. Conclure que dim H (K) = s.
B) Dans le cas général, on suppose (ln ) croissante. On définit λ et s par :
⎛ ⎞
1 ⎜⎜⎜⎜⎜ ⎟⎟⎟
n
λ = lim inf ⎜⎜⎝ log l j + log(1 − 2ln+1 )⎟⎟⎟⎟⎠ = −
déf déf log 2
n→∞ n s
j=1

avec 0  s  1 puisque λ  − log 2. Si s > 0, on fixe 0 < ρ < s.


 
1. Montrer que la suite l1 . . . ln−1 (1 − 2ln ) est décroissante.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

2. Montrer qu’il existe une constante Cρ > 0 telle que



2−n  Cρ l1 . . . ln (1 − 2ln+1 ) ρ pour tout n  1.

3. Avec les notations de A), supposant |Ui | < 1− 2l1 , soit pour chaque i ∈ A, n = ni
l’entier tel que
l1 . . . ln (1 − 2ln+1 )  |Ui | < l1 . . . ln−1 (1 − 2ln ).

Montrer qu’on a 1  Cρ i∈A |Ui |ρ et enfin que dimH (K)  s = − logλ 2 .
4. Construire un compact K ⊂ [0, 1] tel que H 1 (K) = 0, mais dimH (K) = 1.

299
Chapitre 7 • Dimension et fractalité

7.7 Cet exercice prolonge l’exercice 6.16 du chapitre 6. On rappelle qu’un continu
est un espace topologique à la fois compact et connexe, et on se propose de montrer
qu’un continu est inépuisable.
a) (Lemme de séparation) : Soit Y un continu, G1 et G2 deux fermés de Y, non-vides
et disjoints.
i) Montrer qu’il existe un ouvert U tel que G2 ⊂ U ⊂ U ⊂ Gc1 .
ii) Montrer qu’il existe un continu K1 tel que :
K1 ∩ G2  ∅ ; K1 ∩ ∂U  ∅ ; K1 ∩ G1 = ∅
(appliquer le lemme III.7 de ce chapitre).
iii) Conclure qu’il existe un continu K1 tel que :
K1 ∩ G2  ∅ ; K1  G2 ; K1 ∩ G1 = ∅.
(Intuitivement, le continu K1 part de G2 et sort un peu de G2 , mais sans pénétrer dans
G1 ).

b) Soit X un continu tel que X =  Fn , où les Fn sont des fermés non-vides deux à
1
deux disjoints.
i) Montrer qu’il existe une suite décroissante K1 ⊃ K2 ⊃ . . . ⊃ Kn ⊃ . . . de continus
non-vides tels que :
1) Kn ∩ Fn = ∅, ∀n  1 ; 2) Kn rencontre au moins deux des F j (utiliser le lemme de
séparation pour construire Kn si nécessaire).
ii) Montrer que l’intersection des Kn contient un point a qui n’est dans aucun des Fn .
c) Montrer qu’un continu est inépuisable.

Corrigés

7.1 a) Si les θ j ne sont pas tous nuls, soit i le plus petit indice tel que θi  0 ; alors
 
 ∞  ∞
3−i
 θ j 3   3−i −
− j
3− j = > 0.
 0  i+1
2


Si d(x, y) = d(x, z), on a θ j 3− j = 0, avec θ j = |x j − y j | − |x j − z j | ∈ {−1, 0, 1}. D’où
0
|x j − y j | = |x j − z j | pour tout j ; si x j = 0, cela donne y j = z j ; si x j = 1, cela donne
1 − y j = 1 − z j , et on a également y j = z j ; d’où y = z.

300
Corrigés

b) L’existence de ϕ(x) vient de la compacité de B ; si un autre point y ∈ B vérifie


d(x, y) = dist(x, B), on a d(x, ϕ(x)) = d(x, y), d’où y = ϕ(x) par a). Supposons main-
tenant que xn → x et ϕ(xn ) → y ; pour b ∈ B, on a d(xn , ϕ(xn ))  d(xn , b), d’où à
la limite d(x, y)  d(x, b) ; or, y ∈ B car B est fermé ; on a donc d(x, y) = dist(x, B),
et y = ϕ(x) d’après a) ; cela montre que le graphe de ϕ est fermé, et par suite (cf.
chapitre 3, exercice 23) ϕ est continue ; elle vaut évidemment l’identité sur B (ϕ est
la « projection métrique » de A sur B).
Notons avant de continuer que d définit bien la topologie produit sur A.


xj
c) Soit ψ : A → [0, 1] définie par ψ(x) = si x = (x j ) ∈ A.
0
2 j+1
ψ est continue (somme d’une série normalement convergente de fonctions continues
sur A), et surjective (développement d’un réel en base 2). On a donc une surjection
continue χ : AN → [0, 1]N . Mais AN = {0, 1}N est homéomorphe à A, car N2 est en
2

bijection avec N. On a donc une surjection continue de A sur [0, 1]N .


d) Soit ψ : A → [0, 1]N une surjection continue, et B = ψ−1 (F).
B est fermé, donc compact ; soit ϕ un retract de A sur B ; alors, ψ◦ϕ est une surjection
continue de A sur F.
e) h est clairement continue ; si h(x) = h(y), on a d(x, an ) = d(y, an ) pour tout n, et par
densité des an , d(x, z) = d(y, z) pour tout z ; en faisant z = x, on obtient d(y, x) = 0,
soit x = y. h est donc injective, et c’est un homéomorphisme de X sur h(X) = F. Si
χ : A → F est une surjection continue, h−1 ◦ χ : A → X est une surjection continue.
f) Soient K ⊂ [0, 1] l’ensemble triadique de Cantor, homéomorphe à A. D’après ce
qui précède, Q = [0, 1]2 est image continue de K : soit donc ϕ : K → Q une surjec-
tion continue.

On sait que [0, 1] \ K = ∪ ]an , bn [, avec an , bn ∈ K, et on prolonge ϕ en une applica-
1
tion continue Ψ : [0, 1] → R2 , de la façon suivante :

© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.


⎨ ϕ(x)
⎪ si x ∈ K
Ψ (x) = ⎪

⎩ (1 − t) ϕ(an ) + t ϕ(bn ) si x = (1 − t) an + tbn ∈ [0, 1]\K, 0 < t < 1.

Il est clair que Ψ est un prolongement continu de ϕ. Le point important est que
Ψ ([0, 1]) ⊂ Q. Car Q est convexe donc (1 − t)ϕ(an ) + tϕ(bn ) ∈ Q si 0 < t < 1.
Ψ est donc une surjection continue de [0, 1] sur Q.

301
Chapitre 7 • Dimension et fractalité

1
7.2 Soit 0 < ε < .
 2 ' % &
1 1
Posons K p = , 2  i  p , et N = + 1, où l’entier p est à ajuster. On re-
log i ε
couvre K par les boules B((log i)−1 , ε) et par les intervalles [ jN −1 , ( j + 1)N −1 ], avec
N N 2
i < p et j  ; d’où NK (ε)  p +  p+ .
log p log p ε log p
# $ C2
Le choix p = ε log1
1 + 1 conduit à N K (ε) 
ε log 1
.
ε ε

b) Un intervalle [a, b] de longueur b − a  1 contient au moins un entier, par exemple


N N
[a] + 1. Si a = e k et b = e k−1 , avec 2  k  logN N , le théorème des accroissements
finis pour l’exponentielle donne, pour un θ ∈ [0, 1] :

N N N N N
b−a= e k−θ  2 e k  2 elog N = 1.
k(k − 1) k N

On peut donc trouver un entier n tel que


N N
2  N = elog N  e k  n  e k−1 ,

déf
et en inversant cette inégalité on obtient xk = log1 n ∈ K ∩ Ik , comme demandé. Si
maintenant yk = x2k avec 1  k  12 logN N − 1, on observe que

2k + 1 2k 1 1
yk+1 − yk  − = > = ε.
N N N N +1
Les points yk sont donc à des distances mutuelles > ε et en nombre de l’ordre de
C1 C1
log N  ε log 1 , d’où P K (ε)  ε log 1 .
N
ε ε

c) La partie gauche de l’inégalité demandée s’obtient par interpolation à partir des


valeurs ε = N+1
1
, en utilisant l’inégalité (I.4) de la Proposition I.1. Il en résulte clai-
rement que dim B (K) = 1, et on a dim H (K) = 0 puisque K est dénombrable.
Remarque. Pour un compact de mesure nulle K ⊂ [0, 1], désignant par (In )n1 la
suite des intervalles composantes connexes de [0, 1]\K et par ln la longueur de In ,
on démontre (et cela intervient en variable complexe (L.Carleson)) que les propriétés
suivantes sont équivalentes (rappelons que dK (t) = d(t, K)) :

1. ∞ n=1 ln log ln < ∞
1

1
2. 0 NK (ε)dε < ∞
1
3. 0 log dK1(t) dt < ∞.

302
Corrigés

Un mot de preuve. On pose In = (an , bn ) et ln = bn − an . Si t ∈ In , on a

dK (t) = min(t − an , bn − t), donc


  ln
1 2 1
log dt = −2 log t dt ∼ ln log ,
In dK (t) 0 ln
ce qui donne l’équivalence de 1. et 3. D’autre part, si m est la mesure de Lebesgue
sur [0, 1], une formule classique d’intégration par parties donne :
 1  ∞  '  ∞
1 1 ! "
log dt = m log  x dx = m dK  e−x dx
0 dK (t) 0 dK 0
 1   dε  1   dε
= m {dK  ε} = m Kε ,
0 ε 0 ε
où Kε est l’epsilon-épaississement de K. Mais si R est un ε-réseau de K avec
|R| = NK (ε), on a Kε ⊂ R + [−2ε, 2ε], d’où m(Kε )  4εNK (ε). On a de même
m(Kε )  2εPK (2ε). En effet, si p = PK (2ε) et si y1 , . . . , y p ∈ K vérifient |yi − y j | > 2ε
pour i  j, les intervalles [yi − ε, yi + ε] sont disjoints et inclus dans Kε . Puisque
PK (2ε)  NK (2ε), il vient l’encadrement
m(Kε )
2NK (2ε)   4NK (ε)
ε
ce qui prouve l’équivalence de 2. et 3. Le lecteur pourra tester ces équivalences sur
l’exemple de l’exercice. Ici, nous avons ln = log(n+1)
1
− log(n+2)
1
. La série et les inté-
grales considérées divergent.

7.3 Il suffit de se laisser guider par les notations ! L’espace K = [0, 1]N = [0, 1]∞
est compact par le théorème de Tychonoff ; pour tout n  1, il contient un sous-espace
homéomorphe à [0, 1]n ; d’où dim(K)  dim([0, 1]n ) = n, et dim(K) = ∞.

7.4 a) Ik est le petit arc de cercle joignant les points e iak et e ibk . On a
 
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

 ak − bk 
2 sin   = |e iak − e ibk |  diam Dk = 1,
2 
    * π+
ak − bk  1 π a − bk  π
soit encore sin    = sin , et  k   , car sin croît sur 0, ; si m
2 2 6 2 6 2
π
est la mesure d’arc sur Γ, on a donc m(Ik ) = |ak − bk |  .
3
n n
π
L’inclusion Γ ⊂ ∪ Ik montre que m(Γ)  m(Ik ), soit encore 2π  n , ce qui
k=1
k=1
3
π
donne n  6. Si n = 6, les arcs Ik doivent être tous de longueur , et les disques Dk
3

303
Chapitre 7 • Dimension et fractalité

tangents extérieurement ; quitte à faire une rotation, et écrivant a1 pour e ia1 , b1 pour
e ib1 on peut supposer a1 = 1 et b1 = e iπ/3 ; ces points √ sont diamétralement opposés
a1 + b1 3 iπ/6
dans D1 (car |b1 − a1 | = 1), et donc z1 = = e .
2 2

3 i( π +(k−1) π )
De même, on peut supposer zk = e 6 3 , 1  k  6. Mais alors |0 − z | =
k
√ 2
3 1
> pour 1  k  6, et 0  D1 ∪ . . . ∪ D6 ! On a donc n  7.
2 2
√ (π
3 π)  
b) Soit toujours zk = exp i + i(k − 1) , 1  k  6, et soit Δ = D 0, 12 .
2 6 3
6 1 1
Montrons que D ⊂ Δ ∪ ∪ D zk , . Soit donc z = ρe iθ ∈ D, avec  ρ  1 et
k=1 2 2
π π π
0  θ  2π. Posant θk = + (k − 1) , on peut trouver 1  k  6 tel que |θ − θk |  .
6 3 6
6 # π π$ 6 # π π$ # $
En effet, ∪ θk − , θk + = ∪ k − 1 , k = 0, 2π .
k=1 6 6 k=1 3 3
D’où :

3 3 3 √ π 3 3 1
|z − zk | = ρ + − 2
2 2
ρ cos(θ − θk )  ρ2 + − 3ρ cos = ρ2 + − ρ  ,
4 2 4 6 4 2 4
ρ 1  1   1
car ρ2 − 3 + = ρ − ρ − 1 et |z − zk |  , ce qui montre l’inclusion annoncée.
2 2 2 2
Il est vivement conseillé au lecteur de penser aux zk comme aux milieux des côtés de
l’hexagone régulier inscrit dans D, et de faire un dessin.

7.5 Soit Q = [0, 1]n le cube unité, E l’ensemble de ses sommets :

x ∈ E ⇐⇒ x = (x1 , . . . , xn ),

avec
xj = 0 ou 1,
donc |E| = 2n ; si σ ∈ E, soit S σ l’homothétie de centre σ, de rapport 0 < r < 12 .
La condition de Moran est satisfaite par les S σ , avec O l’intérieur de Q ; même, les
S σ (Q) sont disjoints, et l’application de codage est injective, donc le compact fixe
K associé aux S σ est homéomorphe à l’ensemble de Cantor, et dim(K) = 0. La di-
mension de Hausdorff s de K est donnée (théorème II.8) par l’équation de similarité :
2n r s = 1, soit :
n log 2 < < 1
s= ; s → n quand r → .
log 1/r 2

304
Corrigés

7.6 A)
1. Si Ui coupait In,α en xα et In,β en xβ , avec α  β, on aurait

d(In,α , In,β )  |xα − xβ |  |Ui | < rn−1 (1 − 2r),

ce qui est impossible par construction. Ui coupe donc un seul In,α des intervalles
basiques de Kn . Si N  n, les intervalles basiques IN,β de KN que coupe Ui sont
tous contenus dans In,α , et il y a au plus 2N−n tels intervalles (noter que n existe
car |Ui | < 1 − 2r).
2. L’extrémité droite bα de Iα est dans K, donc dans un Ui0 , puisque les Ui re-

couvrent K. On a donc bα ∈ Ui0 ∩ Iα et pi0 ,α = 1, a fortiori i pi,α  1. Il n’y a
plus qu’à sommer sur α qui prend 2N valeurs pour obtenir le résultat.
3. Si i ∈ A, la première inégalité découle de 1. Ensuite, on a par définition :
2−ni = rni s et rni  1−2r
1
|Ui |. Ainsi, 2−ni  C s |Ui | s , où l’on a posé C s = (1−2r)
1
s . Il

n’y a plus qu’à multiplier par 2 et à sommer sur i ∈ A pour obtenir la seconde
N

inégalité.
4. Il résulte de 2. et 3. que
⎛ ⎞ ⎛ ⎞
 ⎜⎜ ⎟⎟⎟  ⎜⎜⎜ ⎟⎟  N
2 
N ⎜
⎜⎜⎝ pi,α ⎟⎟⎠ = ⎜⎜⎝ pi,α ⎟⎟⎟⎠  2 C s |Ui | s .
α i i α i

Simplifiant par le « dénominateur commun » 2N , on a l’inégalité demandée.


Maintenant, si (Ui ) est un recouvrement quelconque de K par des intervalles

fermés et si λ > 1, soit Vi =Ui et λVi l’intervalle ouvert de même centre que
;
Vi et de diamètre λ|Vi | = λ|Ui |, qui contient Ui . On a donc K ⊂ i λVi . Par
Borel-Lebesgue, il existe un ensemble fini A tel que
6 6
K⊂ λVi ⊂ λUi .
i∈A i∈A
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

D’après ce qui précède, appliqué aux λUi avec i ∈ A, on a


   1
λs |Ui | s  λ s |Ui | s = |λUi | s  .
i i∈A i∈A
Cs

En faisant tendre λ vers 1, on obtient i |Ui | s  C1s . On a en particulier
Hεs (K)  C1s ∀ε ∈]0, 1 − 2r[, puis H s (K)  C1s , et dimH (K)  s.
5. Comme on l’a vu en cours (Prop. II.6), on a toujours dim H (K)  dim B (K) et
log 2
dimB (K) = log 1 = s, cf. exemple 1 de I.3. La question précédente donne alors
r
le résultat.

305
Chapitre 7 • Dimension et fractalité

B)
1. La décroissance demandée équivaut à ln (1 − 2ln+1 )  1 − 2ln , ce qui a lieu
puisque ln < 1 et 1 − 2ln+1  1 − 2ln .
2. Puisque ρ < s, on a λ = − logs 2 > − logρ 2 , ce qui entraîne


n
n log 2
log l j + log(1 − 2ln+1 )  − pour n  n0
j=1
ρ

et par suite, pour une constante δρ > 0 ne dépendant que de ρ :


n
(1 − 2ln+1 ) l j  δρ 2−n/ρ pour tout n  1.
j=1

Il en résulte :
ρ −ρ
l1 . . . ln (1 − 2ln+1 ) ρ  δρ 2−n = Cρ−1 2−n avec Cρ = δρ .

C’est l’inégalité demandée.


3. La « combinatoire » est la même que dans a). Supposons d’abord s > 0 et soit
0 < ρ < s. Puisque |Ui | < 1 − 2l1 , l’entier ni existe et on a de même, via b)1.,

l’inégalité : 1  i∈A 2−ni  Cρ i∈A |Ui |ρ . Il en résulte que dimH (K)  ρ. En
faisant tendre ρ vers s, on obtient bien dim H (K)  s, et cela reste trivialement
vrai si s = 0, i.e. λ = −∞.
4. Choisissons pour K le Cantor associé à la suite ln = 1
2 − εn , où (εn ) vérifie :

1 

log εn
0 < εn < ; (εn ) décroît vers 0; εn = ∞; lim = 0.
2 n=1
n→∞ n

Un choix possible est εn = nc , avec 0 < c < 12 . Puisque log ln → − log 2 et


puisque limn→∞ log 2ε
n
n+1
= 0, le théorème de Cesàro nous donne
⎛ ⎞
⎜⎜⎜ 1 n ⎟⎟⎟
λ = lim inf ⎜⎜⎜⎜⎝ log l j + log(1 − 2ln+1 )⎟⎟⎟⎟⎠
déf 1
n→∞ n j=1 n
⎛ ⎞
⎜⎜⎜ 1 n
1 ⎟⎟⎟ log 2
= lim inf ⎜⎜⎜⎜⎝ log l j + log(2εn+1 )⎟⎟⎟⎟⎠ = − log 2 = − .
n→∞ n j=1 n 1

306
Problème

La question A) d’avant montre alors que dimH (K)  1, puis qu’ en réalité
dimH (K) = 1 car K ⊂ R. Pour la relation H 1 (K) = 0, soit ε > 0, puis n
un entier tel que l1 . . . ln  ε ; par construction, K ⊂ Kn est recouvert par 2n
intervalles fermés de diamètre l1 . . . ln  ε, et on a donc :

Hε1 (K)  2n l1 . . . ln = (1 − 2ε1 ) . . . (1 − 2εn )  exp − 2(ε1 + . . . + εn ) .

En faisant tendre n vers +∞, on voit que la condition ∞ n=1 εn = ∞ assure que
Hε1 (K) = 0. Celà donne H 1 (K) = 0, puisque ε > 0 est arbitraire.

Problème

1) S j est une transformation affine, donc S j (Δ) est le triangle de sommets S j (a0 ),
S j (a2 ), S j (a4 ), c’est-à-dire le triangle Δ j = a j S j (a2 )a j+1 .
Il suffit donc de voir que S j (a2 ) ∈ Δ pour tout j ; or, un calcul simple donne :

S 0 (a2 ) = αa2 ∈ [a0 , a2 ]


S 1 (a2 ) = (1 − α)a2 ∈ [a0 , a2 ]
S 2 (a2 ) = (1 − α)a2 + α ∈ [a2 , a4 ]
S 3 (a2 ) = αa2 + 1 − α ∈ [a2 , a4 ].
Un bon dessin vaut parfois mieux qu’un long discours !
a2

(1−a)a2 a + (1−a)a2
D1 D2
aa2 aa2 + 1 − a
D0 D3
a0 a1 a3 a4
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Figure 7.3
∼ ∼ ∼
Le dessin persuade aussi que S j (Δ) = Δ j ⊂ Δ pour j = 0, 1, 2, et que S 3 (Δ) ⊂ Δ.
2) La seule implication non triviale est =⇒ Or, si a ∈ Δ et j ∈ {0, 1, 2}, 1) montre que

S j (a) ∈ Δ, i.e. S j (a)  1. Si j = 3, on a S 3 (a) = S 3 (1) = 1, donc a = 1 car S 3 est
injective.
3
3) La question 1) montre que T (Δ) = ∪ S j (Δ) ⊂ Δ ; d’après l’étape 1 du théo-
j=0
rème II.8, on en déduit K ⊂ Δ, où K est le compact fixé associé aux S j ; d’après le
cours, K = γ([0, 1]), d’où le résultat.

307
Chapitre 7 • Dimension et fractalité

4) Prenons comme hypothèse de récurrence (Hn ) : 0  % tn  1 &et γ(tn ) = 1.


j j+1
(H0 ) est vraie par hypothèse ; si (Hn ) est vraie et si tn ∈ , , on a γ(tn ) =
4 4
S j [γ(4tn − j)] = 1. Or, γ(4tn − j) ∈ Δ d’après 3) ; 2) implique alors j = 3 et
γ(4tn − j) = 1, autrement dit 0  tn+1  1 et γ(tn+1 ) = 1. (Hn ) est donc vraie
pour tout n ; en particulier 4n t − 4n + 1  0, t  1 − 4−n , puis t  1 (n → ∞) et t = 1.
5) On procède par récurrence sur n  1 ; si t ∈ I1k0 , on a
∼ ∼
γ(t) = S k0 [γ(4t − k0 )] ∈ S k0 (Δ) ⊂ Δ.
En effet, γ(4t − k0 ) ∈ Δ d’après 3), et γ(4t − k0 )  1, sinon 4t − k0 = 1 d’après (4), et
k0 + 1
t=  I1k0 . Si la propriété est vraie pour n, soit :
4
k = k0 + 4k1 + · · · + 4n kn ∈ [0, 4n+1 − 1],
% %
k k+1
et soit t ∈ n+1 , n+1 = In+1 k .
4 4
% %
4n kn kn 4n kn + 4n − 1 + 1 kn + 1 kn kn + 1
On a t  n+1 = , et t < = , donc t ∈ , , et
4 4 4n+1 4 4 4

γ(t) = S kn [γ(4t − kn )] ∈ S kn (Δ) d’après le cas n = 1 ;
k − 4n kn k − 4n kn + 1
d’autre part  4t − k n < ,
4n 4n
et
k − 4n kn = k0 + 4k1 + · · · + 4n−1 kn−1 ,

donc d’après l’hypothèse de récurrence γ(4t − kn ) ∈ S kn−1 ◦ . . . ◦ S k0 (Δ), et

γ(t) ∈ S kn ◦ ... ◦ S k0 (Δ). La propriété est donc vraie à l’étape n + 1.

Si t1 , t2 ∈ Ink , on voit donc que | γ(t1 ) − γ(t2 )|  diam γ(Ink )  αn diam Δ = αn , car
S kn−1 ◦ . . . ◦ S k0 est une contraction de rapport αn . γ étant continue, l’inégalité reste
vraie sur Jnk .
6) t1 ∈ Ink et t2 ∈ Inl , avec l  k.
k+2 k+1
Si l  k + 2, on a t2 − t1 > n − n = 4−n , contrairement à l’hypothèse ; donc,
4 4
l = k ou k + 1.
k+1
Soit s = n ∈ Jnk ∩ Jnk+1 ; si l = k, t1 et t2 ∈ Ink , donc | γ(t1 ) − γ(t2 ) |  αn d’après 5).
4
Si t1 ∈ Ink , t2 ∈ Ink+1 , on a :

| γ(t1 ) − γ(t2 ) |  | γ(t1 ) − γ(s) | + | γ(s) − γ(t2 ) |  2 αn

d’après 5).

308
Problème

Ensuite, notons que 4−β = α par définition. Il en résulte que


2 n+1 2 −β(n+1) 2  −n−1 β 2
|γ(t1 ) − γ(t2 )|  α = 4 = 4  |t1 − t2 |β .
α α α α
On a ainsi prouvé :
2
Si t1 , t2 ∈ [0, 1[, on a | γ(t1 ) − γ(t2 ) |  C |t1 − t2 |β , avec C = . Par densité, le résultat
α
reste vrai si t1 , t2 ∈ [0, 1].
1
7) Comme α < , on a αa2  (1 − α)a2 , donc (cf. figure)
2
∼ ∼
S 0 (Δ) ∩ S 1 (Δ) = {a1 } = {S 0 (1)}, et S 0 (Δ) ∩ S 1 (Δ) = ∅.
∼ ∼
De même S 1 (Δ) ∩ S 2 (Δ) = {a2 } = {S 1 (1)}, et S 1 (Δ) ∩ S 2 (Δ) = ∅.
∼ ∼
S 2 (Δ) ∩ S 3 (Δ) = {a3 } = {S 2 (1)}, et S 2 (Δ) ∩ S 3 (Δ) = ∅.

(On a aussi utilisé le fait que α + (1 − α)a2  αa2 + 1 − α.)


∼ ∼
Il est clair que S j (Δ) ∩ S l (Δ) = ∅ si |l − j|  2, d’où le premier résultat demandé. Soit
maintenant t1 , t2 ∈ [0, 1] avec t1 < t2 . Si t2 = 1, γ(t2 ) = 1 et γ(t1 )  1 d’après 4) ;
on peut donc supposer t2 < 1, et il existe un plus petit entier n  1 tel que t1 , t2
j
n’appartiennent pas au même intervalle In , par exemple t1 ∈ Ink , t2 ∈ Inl , avec

k = k0 + · · · + 4n−1 kn−1 < l = l0 + · · · + 4n−1 ln−1 ,


∼ ∼
k et l étant écrits en base 4. Si n = 1, γ(t1 ) ∈ S k0 (Δ), γ(t2 ) ∈ S l0 (Δ), et k0 < l0 , donc
∼ ∼
S k0 (Δ) et S l0 (Δ) sont disjoints, d’où γ(t1 )  γ(t2 ). Si n  2, on a :

4k1 + · · · + 4n−1 kn−1 k1 + · · · + 4n−2 kn−1


t1  = ;
4n 4n−1
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de même,

4 + 4k1 + · · · + 4n−1 kn−1 1 + k1 + · · · + 4n−2 kn−1


t1 < = ,
4n 4n−1
soit encore :
t1 ∈ In−1
a
, avec a = k1 + 4k2 + · · · + 4n−2 kn−1 .
De façon analogue :

t2 ∈ In−1
b
, avec b = l1 + 4l2 + · · · + 4n−2 ln−1 .

309
Chapitre 7 • Dimension et fractalité

La minimalité de n entraîne a = b, soit par unicité du développement en base 4 :


k1 = l1 , . . . , kn−1 = ln−1 , par suite k0  l0 . Posons ϕ = S kn−1 ◦ . . . ◦ S k1 .
∼ ∼ ∼
La question 5) montre que γ(t1 ) ∈ ϕ[S k0 (Δ)] et γ(t2 ) ∈ ϕ[S l0 (Δ)]. Or, S k0 (Δ) et

S l0 (Δ) sont disjoints, donc leurs images par l’injection ϕ le sont aussi, et par suite
γ(t1 )  γ(t2 ) : ainsi, γ est injective.

7.1 a) i) On a G2 ⊂ Gc1 , et Y est normal car compact. L’existence de U vient donc


de la Proposition I.8b) du chapitre 2.
ii) Soit a ∈ G2 . U est un fermé propre de Y continu, car U ∩ G1 = ∅ et G1  ∅.
D’après le lemme III.7 de ce chapitre, il existe un continu K1 tel que : a ∈ K1 ;
K1 ⊂ U ; K1 ∩ ∂U  ∅. K1 répond à la question.
iii) L’ensemble K1 de ii) convient : car K1 ⊂ U et U ∩ G1 = ∅, donc K1 ∩ G1 = ∅ ;
a ∈ K1 ∩ G2 , donc K1 ∩ G2  ∅ ; et si b ∈ K1 ∩ ∂U, b  G2 , car G2 ⊂ U est constitué
de points intérieurs à U ; donc, K1 n’est pas inclus dans G2 .
b) i) Pour construire K1 , on applique le lemme de séparation à Y = X, G1 = F1 ,
G2 = F2 . K1 rencontre F2 , et si b ∈ K1 \ F2 , il existe j  2 tel que b ∈ F j , donc K1
rencontre F2 et F j .
Pour passer de l’étape n à l’étape n + 1, on distingue deux cas :
Si Kn ∩ Fn+1 = ∅, on prend Kn+1 = Kn . Si Kn ∩ Fn+1  ∅, soit   n + 1 tel
que Kn ∩ F  ∅. On applique le lemme de séparation à Y = Kn , G1 = Kn ∩ Fn+1 ,
G2 = Kn ∩F , pour trouver un continu Kn+1 ⊂ Kn , avec Kn+1 ∩G1 = Kn+1 ∩Fn+1 = ∅,
Kn+1 ∩ G2 = Kn+1 ∩ F  ∅, et Kn+1 contient un point b  F . Ce point b doit appar-
tenir à l’un des F j , puique ceux-ci recouvrent X. Il existe donc m   tel que b ∈ Fm ,
et Kn+1 rencontre F et Fm .
ii) Les Km forment une suite décroissante de compacts non-vides, donc leur inter-
section contient au moins un point a. On voit que a ∈ Kn , et Kn ∩ Fn = ∅, donc
a  Fn .

c) L’hypothèse faite dans b) conduit à une contradiction, avec a  ∪ Fn . Cette hypo-
1
thèse est donc fausse, et X est inépuisable.

310
Problème

Remarques
1) Le lemme de séparation s’illustre par la figure suivante :
U

a b
K1
G2 G1

Figure 7.4

2) La preuve donnée ici suggère un jeu à deux joueurs : le joueur 1 cherche à remplir
X par des fermés disjoints Fn , le joueur 2 cherche à l’en empêcher en construisant,
après F1 , . . . , Fn , un Kn disjoint de F1 , . . . , Fn , en s’arrangeant pour qu’à la fin il
reste quelque chose (∩ Kn  ∅). Et c’est le joueur 2 qui gagne.
n
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311
R ÉFÉRENCES
BIBLIOGRAPHIQUES
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pitre 9, Hermann, 1958.
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1979.
[Ca] H. Cartan : Cours de Calcul Différentiel, 2e édition, Hermann, 1977.
[C] G. Choquet : Topologie, Masson, 1964.
[De1] J. Deny : Cours de Topologie, Publications Mathématiques d’Orsay, Paris Onze Edi-
tion, 1991–1992.
[De2] J. Deny : Théorie de l’intégration, Publications Mathématiques de l’université Paris
XI, Orsay, 1989.
[D] J. Dieudonné : Fondements de l’Analyse Moderne, tome 1, Gauthier-Villars, 1965.
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[T] P. Tauvel : Mathématiques générales pour l’Agrégation, Masson, 1997.
Pour la dimension de Hausdorff, nous nous sommes aussi inspirés de l’article :
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Journal, Vol. 30, no 5, 713–747, 1981.

312
I NDEX

A compactifié d’Alexandroff 228


complet 6, 91, 92, 99, 179, 182–186, 188,
adhérence 24, 38, 55 190
Alembert-Gauss 230 composante connexe 128, 131, 133, 136,
algèbre de Banach 268 142, 143, 154, 156
archimédien 1 condition
auto-similaire 262, 280, 298 x Moran, 280
de Moran, 266, 280, 284, 285, 304
B
conforme 243
Baire 58, 191, 195–198, 202, 210, 216 connexe 120, 122, 123, 127
Banach 9, 43, 46, 193 par arcs, 124, 125
base 23, 59, 60, 75 connexité locale 231
de voisinages, 29, 71, 157, 223 continu 32, 34, 82, 131, 295, 296
dénombrable, 29 contraction 184, 188, 190, 284
base de Schauder 108 converge 6, 29, 78, 179
Beppo Levi 64 uniformément, 83, 86, 105
Bernstein 140, 294 convergence
Bézout 21, 58, 157, 171 dominée, 13, 64
bicontinue 34, 82 uniforme, 86
bicontinuité 97 convexe 9, 125, 137, 163
bien enchaîné 126, 249, 286 corps 1, 3
Borel 7, 77 courbe
Borel-Lebesgue 7 de Jordan, 239, 242
borélien 270–272, 278, 279 de Péano, 267
borne supérieure 4–6, 12, 16 de von Koch, 284
Borsuk 148, 238 critère d’Eilenberg 150
boule 3, 38, 39, 56, 58 croissante 6, 14, 83
Brouwer 34, 128, 146, 152, 268, 292
D
C
d’Ascoli 106, 112
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Cantor 12, 52, 257, 263, 266, 278, 286, 297 d’Hurewicz 296
abstrait, 96 de Cauchy 5, 13
abstrait et triadique, 97 décroissante 6
Cantor-Bernstein 135, 136 Dedekind 1
Carathéodory 243, 270 Denjoy-Wolff 162
Cauchy 93, 99, 111, 179–183 dénombrable 12, 16, 59, 60, 75
Cauchy-Arzela 103 dense 4, 25
Cauchy-Lipschitz 143 des coupures 1
compacité dans un espace métrique 91 détermination holomorphe 172
compact 77, 78, 80, 82, 83, 188, 189, 227, diagonale 52
228 diamètre 39, 181, 192, 269, 282
étoilé, 146 Dieudonné 1

313
Topologie

dimension 253, 255, 260, 267 Fourier 18


d’auto-similarité, 263, 265 frontière 25, 121
de boîte, 254
de Hausdorff, 254, 275, 276, 278, 287, G
290, 304
de recouvrement, 287 Gδ 40, 196, 199, 203
topologique, 192, 254, 287, 290, 292, Gauss-Lucas 155
295, 296, 298 grassmannienne 49
Dini 83, 86, 105 grossière 22
discrète 22 groupe 14, 57, 197, 235
distance 3, 37 topologique, 57
de Hausdorff, 188
géodésique, 45
H
SNCF, 57
dyadiques 27
Hadamard 157
E Hausdorff 100, 188
Heine 94, 102, 127
écart 37, 99 Heisenberg 144
échelle 254 Helly 9
Eilenberg 150 Hilbert 28, 125
élément maximal 273 höldérienne 256
empilement 255 holomorphe 159
ensemble de Cantor 103 homéomorphe 50, 54, 228, 234, 239
ensemble de Kronecker 294 homéomorphisme 34, 36, 97, 238
enveloppe convexe 53 homographie 56, 229
ε-chaîne 126, 129 homomorphisme 8
ε-injective 193 homotope 144, 145
espace Hurewicz 193
séparé, 29, 31 hyperplan 10
topologique, 22
étoilé 53, 125, 146 I
euclidien 10, 45, 193, 254, 262
extérieur 24 indépendant 294, 296
extraite 29 indice 143, 239
F inductif 273
inépuisable 246, 300
fanion de Sierpinski 203, 285, 291 intégrale de Lebesgue 64
fermé 23, 24, 33 intérieur 23, 198, 226
filtre 31, 51, 78 intervalle 2, 127, 132, 154
des voisinages, 32 invariant positionnel 234, 246
forme irrationalité 18
linéaire, 10 irrationnel 14, 27
Q−linéaire, 15 isolé 32
formule de Taylor 139 isométrie 103, 111

314
Index

J métrique compact 95
minorant 4
Janiszewski 150 moins fine 46, 47
jauge 38 monotone 6
mot 263, 265, 281
K
Körner 231, 244 N
Kronecker 294
Newton 15
Kuhn 244
nombre 286
L de Lebesgue, 287
non métrisable 90
Lebesgue 7, 12, 77 normal 26, 40, 59, 80, 84, 130, 286
lemme normalement
de Frostman, 278, 282 a fortiori uniformément, convergente,
de Lebesgue, 105 45
de Zorn, 87, 89 convergente, 52, 301
limite 29, 31, 181–183 normalité 40
Lipschitz-équivalentes 43 norme 43
lipschitzienne 268, 289 normé 13
Littlewood 158
localement O
compact, 223–227, 230
connexe, 132, 232, 242, 245 objet fractal 191, 285, 288, 290, 291
connexe par arcs, 223, 245, 246 orbite 174, 206
constante, 143 ordre 227
lipschitzien, 110 ouvert 22, 23, 33, 50
lipschitzienne, 102
P
truc, 223
logarithme 172
packing 255
continu, 36, 145, 146 parfait 98
logarithmiquement convexe 153
partie 79
M compacte, 79
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connexe, 121
majorant 4 d’un espace compact, 79
Mandelbrojt 288 négative, 2
Menger 291 positive, 2
mesurable 9, 64 partition
mesurable-Lebesgue 11, 19 continue, 193
mesure subordonnée, 194
de Frostman, 278, 281, 282 passage des douanes 121, 158, 174
de Lebesgue, 19, 98, 260, 271 Péano 267, 285
de probabilité, 278 Picard
extérieure, 270 avec paramètre, 186
métrique, 270 bis, 185

315
Topologie

plus fine 46, 47 similitude 262


point sous-espace topologique 27
d’accumulation, 23 sous-harmonique 137, 138, 158
isolé, 23 sous-norme 10
polonais 106 sphère de Riemann 229
polynôme de Bernstein 294 Steinhaus 14
précompact 91, 92 Stone-Weierstrass 168
produit de connexes 123, 132 suite 29
Produit tensoriel injectif 107 de Cauchy, 5, 6, 91
Produit tensoriel projectif 108 de fonctions, 83
projection stéréographique 37, 228 extraite, 29
pseudo-convexe 153, 163
pseudo-hyperbolique 44
T
Q
théorème
quasi-composante 129, 296
d’Urysohn, 40, 84, 87
R de convergence dominée, 17
de Dirichlet, 137, 172
racine carrée 8 de Heine, 94
rang stable 105, 268 de Mercer, 86
rang stable topologique 105 de Picard, 184
rationnel 1, 4, 5, 26 de Pythagore, 229
recouvrement 7, 77, 91, 254 de Riemann, 62
réels 1, 21 de Riesz, 177, 224, 260
région de Jordan 242 de Runge, 140, 142, 163
régulier 25, 26, 57, 59 de Tietze, 84, 147, 159, 174, 236, 238
relation 124 de Tychonoff, 88, 90, 303
d’équivalence, 48, 126, 128, 144 Tietze 40
d’ordre, 1 topologie 22, 46
relativement compacte 81, 92 associée à d, 39
réseau 91, 92, 94 discrète, 22, 52, 96
rétraction 146 engendrée, 22
Riemann 243 finale, 48
S induite, 27, 28
initiale, 47
séries de Fourier 108 produit, 50
saturé 48, 57, 71 quotient, 49
segment 1, 2, 7, 77, 83 topologiquement équivalentes 42
semi-continue totalement discontinu 98, 131, 202, 290,
inférieurement, 57 296
supérieurement, 57 triadique de Cantor 96
séparable 25, 27, 60, 86 Tucker 244
séparée 22, 48, 49 Tychonoff dénombrable 93

316
Index

U Van Kampen 268


Vitali 272
uniformément voisinage 23, 25
continue, 41, 95 von Koch 282, 290
équivalente, 43, 45
union et chaîne 122 W
Urysohn 40, 171
utilisation des suites 41 Weierstrass 12

V Z

valeur intermédiaire 101 Zabrejko 199


valeur d’adhérence 29–31, 35, 36, 78
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317

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