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CHAPITRE 15

L’ancrage esthétique
dela pensée de Deleuze!

Non seulement Deleuze n’a cessé d'écrire sur l'art, mais 1l a toujours reven-
diqué de le raire en tant que philosophe, considé rant que ses I es sur Proust,
a, Bacon, le cinéma, étai nt des livres de philosophie et devaient êtrelus
comme tels Son ŒUVTC impose de demander ce que signifie qu un philosophe,

pour taire de la philosophie, ail besoin de se contronter à l'art

Cette question est ancienne ou relativement réce suivant le pol

vue adopté, Du moins s'ouvre-t-elle avant Deleuze, comme un véritable tour


ant de la philosopl entière, qu'il faut appeler tom
(et ce tournant, contrairen au fameux
moins du mot d ordre que du constat Non pas que Deleuze TCpetc un ques

uonnement formulé avant lui ét ne propose en SOMME rien de bien nouveau

comme certe tout à leur joie mauvaise, s'empressers it de le conclure

Mais il s'y inscrit, c'est-à-dire il est un de ceux qui donnent sens et consistance
a ce questionnement Son Œuvre ste que le tournant esthétique act! rilo-

sophie n'a pas fini de s’accomplir, « il n’est ni épuisé ni illusoire (comme là


encore certains affectent de le croire). Mais commela réalité d'une pensée
n'est attestable à son tour que par la trace effective qu'elle laisse dans la philo

inbul, 3
ALITE ET AUTRES ESSAIS S

sophie, CU est aux lecteurs de Deleuze ac proqauiré CELIE trace, en enonçant en


1 !
O1 CONSsISte la nouveaute deleuzienne Nous cevons ICI Nous CONtEntEtr de

quelques remarques

Et d’abord, en quoi consistele tournant esthétique de la philosophie? Est


venu un moment, dans l'aventure philosophique, où la philosophie, pour
$ ilier elle-même, a senti qu'elle avait besoin de l'art, que seul un détour
par l'art serait désormais à même de isfaire sa den réflex comme si
la philosophie en était arrivée à ce stade de son questionnement ou clle ne

trouverait désormais de rapport a soi que dans un rapport a l’art. Cet ne


ment date de la seconde moitié du XvHI° siècle ; c'est lui qui justifie l'invention
du mot « “sthétique », Dès Baumgarten Îfet, on sent bien que l'esthétique
n est P 1S VOUCC à CITE une rubrique à par t, une Spec ialité supp cmentaire au sCIn

: la philosophie, mais que celle-ci tout e e s'y trouve mobilisé (aussi bi n


étique meurt-elle moins d'être contestée en tant quetelle sous l'accusation
voir confisqué le discours sur l’art — puisque aussi bien sa légitimité
OU Sa necessite EST a chercher ns le devenir meme d philosophie — que

d re confiée à quelques spécialistes le cette provenanc C}

Nous ne devons pas imaginer les } osophes “venus soudain curieux de


l'art, et l'ir cluan désormais parmi les objets dignes de leur réflexion. Spinoza
lisait du itre et de la poésie, et l’on s'inquiète depuis longtemps des liens
ñ
énigmatiques qu'il entrétenait peut-être avec les peir res dont il était le contem
porain et le voisin. Leibnizfit de la dissonance musicale l’une de ses métaphores
favor Plusieurs essais de Humesont consacrés aux arts. On pouvait être
phil »sophe, a la seconde moitié du XVI siècle, et cultiver les beaux-arts ;

on pouvait meme etre un styliste ; on pouvait enHn, 4 l'occasion, faire

beaux-arts un objet de réflexion. Le rapport du philosophe à l'art n’en était pas


moins marginal, périphérique, voire non philosophiq uc. Et quand le philo
so} D 1e set len AI ce qu'il était, ce qu'il faisait, c'est dans le rapport prix
à la science c d'il élabc t Sa répor . La série des philosophes savants se Clot

pour l'essentiel avec Leibniz, laissant la place à une série de philosophes-artistes


(de Schiller à Sartre). Quand Nietzsche proposera explicitement au philosophe
le modèle de l'artiste, il ne fera que tirer la conséquence extrême du tournant
esthéti JL |
€ par ses cevanciers
1E ESTHETIQUE DE LA PENSEE DE DELEUZI

Ce tournant, auquel deux siècles après la pensée Deleuze appartie


toujours, peut se resumet ainsi : confrontation du concept et de la sensation. Il

n'est plus question d'une relève du sensible parl'intellectuel, encore moins


d'une négation ; mais le concept dont la vocation est d’être distinct, sé Mesure

à la confusion sensible, y reconnaissant à la fois son point de départ irréduc


tible et la limite qui le borde inc ent. C'est Baumgarten, qu'à force «
pas lire on | par trop mépriser, qui fi le programme (Médi
te) : 1° si la pl osophie veut penser entierement
sa propre condition, donc se penserintégralement elle-même, elle doit affron
ter ce qui lui résiste le plus, la confusion sensible, Or 2° elle ne f
directement, à moins de se renier ou de nier son objet (c SI Sa VOCation est

de penser distinctement le ne saurait P ndre poul objet le sensible sans


rédu re la cor ion, qui est sa logique prop La philosophie doit a

passer par une médiation. Or 3° il se trouve € certain mode de pensée


assumela presentation de la confusion sensible comme telle, c’est-à-dire
l'élève 1 Sa pertection Propre — l'art (ou comme dit Baumgarten dans son

voc abulaire aristotélisant, le poëme »), 4° Donc la philosophie pensera le

sensible sans le réduire, et ainsi pensera entièrement sa propre condition, si

elle pense l'art


Le programme deleuzien d'une «logique de la sen ion» (sous-titre de

l'ouvragesur Bacon) s'inscrit pleinement dans cet horizon de questionnement


{au demeurant, Baumgarten parle lui-même de vérités «esthético-logiques »)}
Un autre indice en seérail la presence d'un chapitre sut d'ailleurs plus

épais queles autres, dans un livreintitulé Qu'est-ce qu OSOPPIE

Mais d'un autre côté, Dele ze a l'air de jeter un re r SUT 1€s artistes

les soumett a un point ace vue apparemment exte ur a! esthétique, et qui

&. D'où l'impression, parfois, que la conception « ut qu'il déve

: justifie avant tout ses goûts personnels, Certains écrivains ont le beau
rôle (Klcist, D. H. Lawrence, Kafka, | Biéky….), chargés en sommededire pat
leur œuvre même ce qu'est en droit la littérature. D’autres, réputés «auteurs
MAJCUrS », Goethe par ExXEmMpiIe comparalssent comme autant lamentables

symptômes d'unecréativité travaillant à se démentir elle-même, se dépensant à


colmater les « lignes de fuite » qui pourtant l'alimentent. En musique, les hom
mages répétés à Schumann, à Berg, à Bartok contrastent ec le silence sut

Bach ou Be hoven : peinture, Klee dit mieux ce qu'est l’art que Ka


ou Mondr

Une esthétique traditionnelle considérerait au contraire que tous appar-


uennent de maniere égale au genre artiste, et que la question de L'art est de

Savoir ce que les artistes en tant qu artistes ont en commun, ce qui caractérise
l'œu C

Mais voilà: ce point de vue prétendument objectif sur l’art est manifeste
ment pour Deleuze un contresens sur l’art. Bien plus, adoptersurl'art le point
de vue de la santé ne revient pas pour lui à adopter un point de vue ExtÉTIEUr à
, 1 p :
l'art, mais tout au contraire à aborder l'art du dedans. C'est que Jamais la

> n est un pur agencement de li es et de couleurs, la musique un pur


igencement sonore, le roman — pur récit ou intrigue fictionnelle, Toujours, le
travail d’un matériau, quand il n'est pas purement formel, pure manipulation
gratuite, récl sa raison, et cette raison est une expe ce. Même qu
l'artiste essaie, tâtonr compte sur le hasard ou même la combinatoire (par
alvino), il n’a de critère que la trouvaille, c’est-à-dire le surgissement
imprévisible d'un fragment dedésir, ou d’affect, ou depulsion dans l’entrelacs
des signes Ce sont là ruses Avec la vigilant C de la conscience, ct non pas simple
n ;
jeu formel, comme on dit. Let É ul QG un itérIau EST UNE EXPÉTIENCE — € EST-4

dire l'élément d'un investissement de désir et d'une exploration du désir pat


lui-même, d'une auto-exploration du désir (rien à voir donc avec une simple
repréter, mn où expression du désir). Pour Deleuze, un artiste est quelqu'un
ivrant n certain matériau, touche à ses propres sensibles, joue
gereusem ses propres hantises, ses propres bizarreries, qui sont

aussi bien celle de l’époque ou de la culture dont il fait partie


Dès lors, si l'artiste en tant qu'homme est aussi malade que nous le sommes
nous-mêmes d'une maladie (comn je viens de le dire} qui n'est pas la
SICNNE pat tic ulier mais < elle de tou : une époque, de toute une < ivilisation
l p ; : ’
alors l'artiste En tant qu artiste est 1e médecin de cette maladie, le clinicien de

ses propres symptomes


1E ESTHETIQUE DE LA PENSEE DE DELEUZI

S1 bien que ] art doit etre considéré dans une double perspective, crif

Non pas qu'il y ait tout d’abord l'expérience le désir et ensuite

bor ation artistique qui En SCrait comme l mais l'élaboration

artistiqueest leli ne de érience, il n'y *érience réelle vérita


Il
blement accomplie que s l’art, par l’art, parce quel'expérienceréelle n'est
pas seulement faire de «vECU», COMME disent les phénoménologues elle

porte plutôt le vivant aux limites du vivable elle le met aux prises avec I in

vable, Et cette limite de lui-même, quele vivant ne peut pas soutenir long
temps, elle peut du moins prendre consistance dans une œuvre, s'accompli
pleinement dans une œuvre.
Vous voyez pourquoi il ne serait pas juste de dire, même si Deleuze
parfois l’air de le dire, notamment dans Qu'est-ce que la bre ?, que
l'art conservece que la vie dans ses mon s intenses vit sur le mode nécessai
rement fugitif à ce compte là il n°y aurait plus dedifférenceentre tet la

t qu: ] il est crealeur serait vie conservee el la vie quand elle est

intense et exploratrice serait fugitiveme t'artiste, C'est là un certain poncif de


tique [A XX® siècle, mais je ne vois pas que Deleuze tombe dedans, car
quand Deleuze dit que l'artiste est un grand vivant et a vu quelque chosequi
l'a bouleversé, il ne veut pas du tout dire que l'artiste serait en quelque sorte
le témoin d'un héroïsme passager de la vie, il veut dire que l'artiste a été gr
v rant én tant qu'artisté, et ce qu'il à vu, il l’a vu entre les mots, les sons, les
lignes couleurs, les bloc s de mouvement : {comme il dit pour le cinema

a su # manièreinsolite€
Et surtout ce poncif ne nous fait pas sortir d'une logique de l'expression
| J , :
Or je crois que l’art pour Deleuze n'est pas expression, s il est mise en jeu du
désir, Si la limite dont je parlais, limite de lui-même à laqu IC viva

dans ce qu'on peut appelerau sens fort une «expérience » (contrairement au


«vécu »), si cettelimite est ce qui à proprement parler ne peut pas être vécu pat
4 !
le vivant mais ne reçoit de ve ritable consistance que dans une œuvre qui en ce
sens est bien 1oin d'être seulement une Conscience), alors on voit pour-

quoi, EnCOre un e fois, jamais l'œuvre n'est simplement témoignage ou fixation


ou representation d'une Ccxperience, "7415 ceffe EX]

prend consistance dans l'élaboration d'un matériau et nulle part ailleurs


ALITE ET AUTRES ESSAIS S

Aussi l’art est-il toujours double, toujours justiciable d'une approche cri
tique et di ie approcheclinique, et cet aspect double, cet idée que le «pe

rICNCC n a licu que c duplicite, > VOIT vraiment, € €st toujours VOIr
double - que toulé IMAgE Se subdivise toujours ef ne part actuelle et une part
virtuelle, entre une part matérielle, spatio-temporelle, et une part de désir qui
habite et explique ou donne sa necessite a cette | elle , Cette idé ’,

c'est le cris concept hétique ultime de Deleuze (le sc


concepts qu'il utilise pour penser l’art et qui ne concerne que
ment aux« devenirs », aux«lignes de fuite », etc.)

Enfin, et ce sera mon « rnier point, si l’art relève à la fois de la critique et


dela clinique, «critique », chez Deleuze, est évidemment un mot ambigu. Il
renvoie sans doute à la lecture et au commentaire des œuvres, à la « critique
d att» « critique licrér ai re » au sens noble a rme 11e qu'en usaient pat

exemple les Romantiques allemands). Mais il renvoie aussi à la critique au sens


philosophique du tCrme Deleuze en cttet, ne sc: ut pas lex teur des CCriIVains

ou SpeECIAalIeur Ge pen es et de films sans $e détinir CONStaMmment comme un

ritier et un rénovateur en même temps de la fameuse question dite «cri


tique », la question inventée par Kant, celle qui consiste à distinguer le droit et
le Î ten philosophie, et à der nander de quel droit se réclame le fait, c’est-à
dire quelles sont les conditions d l'expérience.
Je finirai donc par une remarque un peu plus générale, qui justifie le titre
propose « | ancrage € thétique de la pensec de Deleuze », Car comr je l'ai
dit, si l’on prend au sérieuxl'idée que la naissance de l'esthétiqueconstitue un
tournant pourla philosophie tout entière non l'apparition d'une | nche

supplémentaire de | rbre philosophiq , nous ne devons pas seulement

rander comment Deleuz ir ailleurs penseur de l'e ice, pe


ce que vi faire l'art dans sa per ée de l'expérience ou pl IS exacte
ment: pourquoi la pensée l'expérience, avec Deleuze, ne peut-elle plus se
passer d’un détour par l'art (alors que dans la phénoménologie elle s’en passe
parfaitement, la phénoménologiedel’art n'a jamais r à changé à la phénomé

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1E ESTHETIQUE DE LA PENSEE DE DELEUZI

nologie elle-même ; d’où l'impression toujours un peu fâächeuse quand un

phénoménolog ‘il va chercher dans 1 art uneconfirmation


e s'occupe d'art, c
!
ct comme une redondance de ses propres tt “ses ainsi de la figure embléma
ue de Lez ne, qui montre le monde en train de se donner, qui fait appa

raître| ipparaître même du monde) ?


Qu’ ce quecette introduction de l'artiste dans la Critique ? C'est le
point de rupture exact de De vec la phénoménologie. Pour la phénomé-
nologie (fidèle en cel: le philosophe fait son affaire tou
peut lafaire tout seul parce quele donnéest à tout le monde,
celle de tout le monde, étant essentiellement ordinaire et quotidienne, univer-
selle, Si bien qu'on recherche, même dans les limites d'une « région » de phé
1 Je 1:
nomenes, les conditions ' °XpeT ic nce « possible »» conditions donné

d rance €t pour toujours dant Jamais u nodelage du dr

Il est certes assez € irieux et parado: remière vue, d'envisager une


ration du droit par lefait: on dirait la négation de tout droit. Première
réponse à faire : l'histoire du droit est hantée par ce problème, par cette tension
entre : désir de pe et le droit radicalement a l'écart du fait, comme « natu-

rel », et lat tude qui consiste à étudier le droit effectif, « positif », c'est-à-dire

la manière dont il est produit par les mœurs ct par leur évolution pouravoir
une action paradoxalement régulante sur elles. Deuxième FEpOonse : dire que le

fait répond toujours à un droit inaltérableet soustr xpérience équivaut


tout simplement à soutenir qu'il n'y a pas de création, qu'il n'y a jamais de
création, que la création est quelque chose qui n'existe pas. Création veut dire
l'histoire sou in interrompue, coupée en deux, vouée à reprendre autrement,
a TECOMMENnceI dans d'autres conditions, autour d’un moment par consecquent

etr r a toute histoire, r « Evenement » OÙ &« de nir » Il n'y a fondame

talement de droit, pour Dele uzé, que sous la condition de l'événement ou du

d enir, La vraie question critique, au fond, c'est « qu'est-ce qui s'est passé
Et c'est en mé me temps une estion < li 1 isque ce qui s'est passé, s’il
$S EST passe chose, c’est une redistribution de nos points sensibles
L- 1:
notre£ notre morbidité re sont pl is là où ils € uent avant.

viens donc à l'expé nec « réclle » € est-à-d ré 4 ce qu on appelle

re une expérience). S'il est vrai qu'elle implique toujours une limite, et même
une double limite, limite de nos pouvoirs en même temps que limite entre

241
de CXETCICES de CES MEMES pouvoirs alors il est inhérent a

d'être rare et EXCEptIONNEE Et surtout : jamais l'exercice ordinaire de nos


1
facultés (percevoir, imaginer, concevoir, etc.) n'en permett l'a la GESCTI}
puisqu il ne $ agit pas de la Iorme homogène d un vecu, que nous posse dons a

l'a ance, 4 priori, Comme forme possib comme « horizon de reconnais

sance » ou de « familiarité » même minimale, commedit Husserl (pas de phé

nomène sans un tel horizon]. Commece n'est pas un vécu, pas exactement un
phénomène, mais plutôt le phénomène-limite, portant en lui sa proprelimite,
apparaître aux prises avec quelque chose qui ne pas apparaître, qui se
d ‘robe à toute manifestation, il ne peut simplement se donner à la conscience
Jamais la conscience ne le recueillera dans une présencepl ne et entière. Par
conséquent il faut des signes, l'e «périence ne peut € rex ueillie que dans des

nes, lesquels, puisque aussi bien l'expérience met l'esprit aux prises avec le
nouveau, ne peuvent € + que créés. C'est la raison pour laquelle il n'y a pas
de donné avant te clinique, pour Deleuze, Pas d'expérience en général
— ou bien les categories de CETTC CXPCTIENCE EN général sont toujours Ges habits

trop granas pour nos CXPETIENCES rec elles ne Ss conditionnent que de

et très extérieurement, Il n'y a de donné que construit, c'est-à-di


plus exactement : il n'y a qu'un construit, Car le construit — suivant ce que je
v ns d’explic ucr — NE $€ donne meme pas une part en lui (dite actuelle se

donne MAaIs COMME aux prises avec un non-donne (dit virtuel)

I'out cect a des Cconse quence S capitales. À premiere vue, EL C Est malheureuse

ment Comme cela que beaucoup ac professionnels la philosophie le cons!

rent, Deleuze a s prétentions € tant que philoso} Le de l'expérience mails

oque que des contenus € xérience de seconde main, au demeurant douteux


1 cinéma. Il n’a pas accès aux choses
scènes de romans, peintures, séquences de
mêmes. Ceci est tout à fait faux, et il est capit le lecor idre sil 1e veut pas
continuer àse représenter letravail de la pensée avec un siècle et demi deretard.
Quand et comment allons-nous aux choses mêmes, chez Deleuze ? La chose
est toujours un complexe actuel-virtuel (à ne ] as confondre avec le mixte, cat

l. À ne pas confond avec 10 potentiel husser cn, qui est simplem le l'actuel en
puissance (déplacez vous un peu, ct ce que vous ne pouviez pas VOIT Mais que vous

presupposiCz CNIOUTET CE QUE VOUS VOVEZ S actualisera û


1E ESTHETIQUE DE LA PENSEE DE DELEUZI

les lignes de droit à dégager du mixte qui se mélangent dans le mixte, sont
toutes deuxvirtuelles : l'actuel, c’est le mixte lui-même). Ce comple , NOUS ne
! RE , ,
pouvons l’appréhender que dans un cristal, Et le cristal n'est jamais donné, il est
affaire de création de signes dans une n e qui peut être langagière, plas
. , - 1
tuque, sonore, audiovisuelle, etc., peut-etre aussi conceptuelle, ce qui presente
apparemment l'inconvénient d'étendrela catégorie decristal à autre chose que
] art et par C onsequent ac 1a priver de à SPEC IHICILC esthétique, ac sac ipacite a
] 1
discerner l’art. Depuis le tournant estl 1etique de la } HOsOpi celle ci ne se

penseelle-même qu'en rapport avec l'art (problème du philosophe-a tISte |


tôt que savant). En d'autres termes, le philosophe del'expérience suppose
l'a IStE, EXIge l'artiste et c'e sens le plus P fond di ème « philosophe
artiste» (pas besoin que le philosophe sait lui-mêmeartiste, « a arrive

Schiller, Nictzsc 1C, Sartre — mais Ce n'est pas la loi ct ce n et pas le Cas de

Deleuze ; de même que Hobbes et Spinoza, qui n'étaient pas eux-n


savants, n en re chissai t pas moins leur propre t all de philosophe dans

: du savant, quand ils philosophaient ils supposaient, ils exigeaient le

Il est donc conséquent que Deleuzen aborde pas a partit de lui-même, « à

la sauvage », des contenus d CXpCrIEnce Il cst conscquent qu il n'entreprenne

aucune réduction phénoménologique à partir de ses propres vécus de


conscience. Il ne serait pas un philosophe sérieux, compte tenu du problème

de l'expérience tel qu'il le pose, s’il ne pensait pas l'expérience à partir d'œu
VTes d'art Bien plus tant donné la ma € dont il rétormule le problème

l'expérience est essentiellement rare, exceptionnelle, improbable, invivable


le mirage qui se présente est celui qui consisterait à se dire: donc
Cnercner en 101-MmEeEmMme d s contenus “éptionnels Ce que preéciseme

Deleuze dénonce comme fausse lit ila ircissique où les vécus, si


énormes soient-ils, n'en conservent pas moins leur formede vécu, c'est-à-dire
A4 ,
tont que 2rOSSIr le VIO1 jusqu apoplexie, Car encore une fois le Moi n'est
\
pas le maître des expériences, qui impliqu au contraire la limite de tout

Moi et dont le con donc être recueilli dans la conscience,


] faut créer les Signes approprics pour pouvoir le penser Deleuze nc Ï €

donc, et donné sa ME »de, etant donné sa rc fondation au que suonnement

critique, procéder à partir du seul donné de sa conscience et de sa mémoire

243
RALITE ET AUTRES ESSAIS S

l'étude de vécus ordinaires où même exceptionnels. Il lui faut Proust, Kafka


Artaud, Beckett, Bacon, Lawrenceet tant d’autres.
Dans un cas, un cas seulement sauf erreur, Guattari et lui se donnent eux
mêmes le contenu d’une expérience: dans le cas du petit Hans, patient de
ais c’est alors parce qu'ils se font eux-mêmes
ostic freudien et le reformulent tout autrement, à
F ! »
partir ace tout autres Ca HOTIES CHNIQUues C'est là qu'us à plus

pres, pour leur propre compte, de ce que c est qu etre artiste.


N'y a-t-il pas pourtant d’autres endroits ? Ce tes, et je corrige aussitôt cela
q pour les TIENCES qu on fait dans u au-d ilya
l'e xperience de la ilisation, l’expé nce qu'est la civilisation, que chacun
ntre nous fait dans la mesure où 1l n est traversé, et n'a d'ailleurs pour lui

mème d'e TIENCE Qu 4 partir des CatCgorics d'ordre civilisationnel de son

temps. Et là, je dirais Deleuzea étéplusier s fois artiste, on peut même comp
les fois exactement chaquefois qu'il a propose un diagnostic de :poque
en créant (avec ou sans Cri 1) les signes appropriés. 1° L'Anti-Œdipe (la
schizophrénie comme limite toujours conj e du capitalisme, la différence de
l'axiomatiqueet du surcodage, par conséquent l'incapac que struc
turaliste du signiriant a appI hend son archaïsme profond ct la

nécessité d’un autre régime de signes), 2 age-temps (universelle montée


;- ! ! . ,
des clichés, la rupture du schème sensori-moteur, les personnages qui ne se
sentent plus concernés par ce qui leur arrive, l'intolérable dans le plus quoti
dien, etc., et ce € rive en conséquence à la description a la natrauon), 2

« Les sociétés de con le ». Mais aussi « Pour en finir avec le jugement » : deux
conceptions Opposces de la Justice procéder par analy se intermIn ble ou au

contraire par SCTICs de proces Hinis, en quoi € OonsiIste la différence entre Deleuze

et Derrida. Bref, partout où vous pouvez repérer, soit la description du glisse


ment d'uneorg sation semiotique à une autre, soit le discernement de deux
leu ations SCO ques difiérentes habituellement confondues

Voilà donc, sommairement, pourquoi Je crois qu on peut parler d'un

«ancrage esthétique dela pensée Deleuze ».

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