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BRUNELLO THEO-21810227

L’œuvre que nous allons étudier est une huile sur bois s’intitulant La conversion de saint
Paul. La technique baroque du clair-obscur utilisée pour ce tableau permet de rendre perceptible
l’invisible. Réalisée par Michaelangelo Merisi da Caravaggio, dit le Caravage, cette œuvre est la
première de deux versions successives produites durant le XVIIe siècle, plus précisément de 1600 à
1604. Celle que nous analyserons est la première et elle fut commandée par le trésorier pontifical
Tiberio Cesari afin d’être exposée à l’Odescalchi-Balbi. Elle est située dans la ville de Rome où
elle réside toujours aujourd’hui.

Il s’agit d’une monumentale huile sur toile de cyprès, mesurant 237x189cm. Ce tableau
s’articule en quatre plans distincts, dans lesquels le personnage principal est mis en évidence par
rapport au reste et se situe dans la partie basse de l’oeuvre. Le Caravage évoque le chapitre 9 de la
bible en reprenant la conversation que saint Paul eut avec le Christ lorsqu’il persécutait les chrétiens
à Damas. En premier plan, nous observons le personnage de saint Paul en bas de tableau. Dans le
second plan, nous voyons son compagnon représenté avec un bavoir espagnol du XVIIe siècle, un
morion à plumes et une lance. L’arme est déja surannée pour l’époque et vient appuyer l’apparence
d’un vieillard à la longue barbe. Sur la gauche de ce dernier vient s’ajouter la vision du chérubin
tombant du ciel avec le Christ dans ses bras. En troisième plan, nous observons le cheval cabré
duquel est tombé saint Paul. Puis, au loin, en quatrième plan, nous pouvons observer le crépuscule à
l’horizon qui vient éclairer une source d’eau.

Cette scène remarquablement retravaillée par le peintre se déroule en extérieur, dans un


paysage où la lumière provient de la droite du tableau. Nous voyons un saint Paul à la barbe hirsute
qui cache de ses mains ses yeux dirigés vers le haut du tableau. Nous le voyons tomber de son
cheval et ébloui par la vision que lui envoie le Christ. L’Apôtre des païens est vêtu d’un simple
harnais thoracique, d’un pagne en cuir à bandes et d’une cape de centurion. On peut y voir son
morion au sol orné d’une plume blanche. Saint Paul se situe dans un espace restreint où l’éclairage
est saturé et vient sculpter l’anatomie de sa musculature afin de renforcer l’aspect spectaculaire de
la scène.
En second plan, nous pouvons observer un soldat âgé qui se tient debout juste derrière lui.
L’expression de son visage est craintive face à l’agitation qu’il ne peut voir mais qu’il parvient tout
de même à entendre autour de lui. Il est vêtu comme un conquistador avec un morion à plumes,
dont une rouge et une blanche, ainsi qu’une longue barbe grise qui vient tomber sur son bavoir en
acier typique du XVIIe siècle. Il tient également contre son épaule, de manière défensive, un
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bouclier rond, de couleur verte, gravé d’un croissant doré. De son autre bras, à hauteur de sa cuisse
gauche, il tient fermement une lance, au niveau du rivet, qui vient se positionner au centre du
tableau. Dans cette façon de vêtir le compagnon de saint Paul, le peintre cherche à évoquer
l’orientalisme biblique par les armes anciennes, tout en ajoutant un élément de son temps, afin de
donner un côté décalé à la scène. Quant à sa position, la lance trace une ligne directrice qui suit le
regard de l’Apôtre des gentils. A la droite du tableau, toujours au second plan, l’artiste va tracer une
autre perspective linéaire en donnant vie à l’assaut d’un chérubin, qui de son aile droite, vient
écraser le bouclier du vieux soldat, son regard portant vers celui de saint Paul. Il tient dans ses bras
le Christ qui pose son regard dans la ligne directrice de celui de saint Paul, tout en tendant ses mains
vers ce dernier. Nous pouvons également observer le point de fuite, dans cette représentation du
Christ, qui part de sa main droite avec la lance du vieux soldat. Notons, toutefois, que l’artiste
choisit délibérément de se détacher de la tradition iconographique et narrative en dépeignant le
Sauveur comme un simple personnage et non comme une apparition divine tel que nous pouvons
l’observer dans La Transfiguration de Raphaël.
Dans le troisième plan, nous voyons le cheval blanc de saint Paul se cabrer à en briser une branche
d’arbre, l’écume à la bouche, sous l’effet du bruit assourdissant de la vision. Ses yeux exorbités
donnent un aspect pittoresque à la scène.
Puis en quatrième plan, se trouve un crépuscule dynamique avec un point d’eau en fond, crépuscule
qui vient s’assombrir au fur et à mesure que le spectateur se rapproche de la vision divine.
Notons que dans ce cadrage resserré, la disposition des personnages avec le paysage vient
donner de la profondeur aux formes, en jouant avec le jeu d’ombres et de lumières du clair-obscur
afin de faire ressortir la musculature et les expressions faciales. Dans cette disposition, nous
observons la perspective atmosphérique par ce lointain horizon lumineux qui est assombri par la
vision divine. C’est dans ce ciel noir, qui culmine au-dessus des personnages, qu’on dénote la
perspective chromatique lorsque vient s’abattre sur eux une intense lumière chaude afin de donner à
la scène ce caractère surnaturel. Quant à la palette chromatique, elle est dans un rappel à l’antique
par l’utilisation des couleurs primaires et secondaires, notamment dans l’utilisation du rouge
pourpre pour les vêtements comme on peut le constater avec l’huile sur toile de Jaques-Louis David
dans sa représentation du Serment des Horaces.

Ainsi, par l’étude de ce tableau nous constatons que le Caravage s’inscrit en tant que maître
du clair-obscur par les détails saisissants qu’il parvient à mettre en évidence dans ses jeux de
lumières et l’harmonie entre les contrastes. Nous ressentons le goût du romantisme dramatique et de
l’orientalisme chez l’artiste par la représentation des personnages dans une expression oscillant
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entre tourment, crainte et folie. Notamment, nous retrouverons ces traits de caractère dans la
représentation du regard hébété du cheval, tout comme celui de la toile de Théodore Géricault, qui
apparaît plus tardivement en 1815, intitulée Tête de cheval blanc effrayé. Le spectateur est
littéralement plongé dans l’œuvre par l’effet spiralaire qu’elle dégage. Également, nous ne pouvons
qu’être surpris de l’intention de la mise en retrait du personnage du Christ qui, jusque-là, était le
personnage central des représentations de scènes bibliques tel que l’ascension du Christ au XVIe
siècle par Giovanni Stradano. Ainsi, nous pouvons comparer la Conversion de saint Paul étudiée ici
avec la représentation faite par Hans Speckaert au XVIe siècle, qui dans le même génie du rappel à
l’antique, met en avant le personnage divin du Christ. Par conséquence, nous constatons dans cette
analyse que Le Caravage puise d’abord son inspiration dans ses prédécesseurs, dont Raphaël et
Michel-Ange, pour ensuite se lancer dans son propre style baroque qui sera un exemple majeur pour
les tableaux orientalistes à venir, comme nous le constatons dans la toile d’Eugène Delacroix La
Mort de Sardanapale, réalisée en 1827.

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