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Avertissement :

il est impossible d'aller plus loin si on est disposé.e à croire que l'auteur.e de crimes
s'identifie totalement à ses actes. Et on sera forcément indisposé.e, si on ne peut pas faire
autrement que s'identifier totalement aux victimes.

Pour mémoire, c'est « La bande à Baader-Meinhof » qui est en toile de fond de ce livre, et
avec elle, l'histoire de la radicalisation du mouvement de protestation étudiante dans
l'Allemagne de l'après-guerre.

Personne, sans doute, ne méconnaît le mythe de la martyre révolutionnaire. Et simplifier


cette histoire serait la meilleure manière de réactiver le mythe.

D'un monde désenchanté, émergea Elrike Maria Meinhof (1934-1976). D'abord journaliste
reconnue dans son engagement contre le réarmement et pour la justice sociale, elle bascule
dans la lutte armée, et meurt en prison, au terme d'une parfaite tragédie.

Or, le fait d'apporter des éléments objectifs à cette histoire ne suffira pas à la démystifier ; il
faut republier les articles de Elrike Meinhof. C'est le parti pris de ce livre. Reconnaître la
sensibilité de l'écriture, l'acuité des critiques. Et reconnaître, en même temps, selon <a
href="/auteur/Elfriede-Jelinek/2936" class="libelle">Elfriede Jelinek</a>, le ridicule désespoir
de la futilité* des engagements de la Gauche, qui ont laissé la plus jeune génération vide et
cynique. (*Despair over the futility, page 63).

Questions. Quel est donc cet art qui permet aux choses futiles de retentir indéfiniment ?
Sont-elles seulement futiles ?
Comment rire du désespoir ? On ne parle pas assez des pancartes humoristiques des
manifestants.

Bref, les mots de <a href="/auteur/Elfriede-Jelinek/2936" class="libelle">Elfriede Jelinek</a>


concluent l'introduction sur une note apparemment définitive. Mais c'est pour présenter sa
pièce de théâtre* consacrée à Meinhof, faisant ainsi retentir le phénomène à la nième
puissance. * “Ulrike Maria Stuart : a Queen's drama”.

De notre côté, on aborde enfin les textes. Après l'énorme intensité de l'introduction, j'assiste
d'abord à un défilé d'évènements nationaux et internationaux, qui repassent sous la plume
exigeante de la journaliste Meinhof.

La ligne éditoriale se dessine immédiatement. A froid, certain.es y verront la rhétorique de


l'Allemagne de l'Est. Mais je n'entend que le cri du coeur.

D'un côté, l'émotion des personnes aux visages émaciés qui avaient devant eux la page
blanche d'une constitution à écrire, et la chance unique de tourner définitivement le dos au
fascisme. (Constitution de 1948).
De l'autre côté, le dégoût grandissant, envers une classe politique qui ne rate plus une
occasion de retrouver les vieux démons.

Si je met 4 étoiles, c'est à cause de l'intensité de cette lecture , particulièrement de


l'introduction, et des connexions qui s'activent les unes après les autres.
Je reconnais un écho philosophique chez <a href="/auteur/Gilles-Deleuze/2062"
class="libelle">Gilles Deleuze</a> et <a href="/auteur/Felix-Guattari/4180"
class="libelle">Félix Guattari</a>. La deterritorialisation (contre l'illusion d'une simple quête
de l'égalité des droits), le devenir-minoritaire, les conditions de l'énonciation collective, le
rôle d'une “littérature mineure”, l'anti-oedipe, la schizo-analyse (avant de virer parano).

Comment fait-on lorsque ses propres parents, et de nombreux responsables économiques


et politiques actuels ont été compromis dans le régime nazi ? C'est l'après-guerre qui n'en
finit pas, comme le décrit <a href="/auteur/Johann-Chapoutot/209642"
class="libelle">Johann Chapoutot</a> dans Libre d'obéir.

Évidemment, il y a un écho avec notre actualité.


D'un côté, la convergence des motifs anti-fasciste, anti-capitaliste, féministe et écologiste.
De l'autre, des manifestations schizo, où se côtoient la banderole d'un mouvement pour la
paix, et celle de la branche syndicale des industries de l'armement. Des policiers qui
tabassent les manifestants, avant de rentrer chez eux embrasser leur conjoint.e, leurs
enfants, se plaindre de choses et d'autres… et profiter encore de quelques avantages
sociaux acquis au prix fort.

Plus spécifiquement, il faut rappeler la vigilance de la ligue des droits de l'homme contre les
atteintes anti-démocratiques.
Lorsque <a href="/auteur/Heinrich-Bll/7469" class="libelle">Heinrich Böll</a> tente une
médiation, Meinhof lui demande ce qu'il a fait “sérieusement” pour éviter ça.
Alors, que penser d'un gouvernement qui ignore ces alertes ?

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