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THÈSE
présentée par
M. Arnaud EVE
et soutenue publiquement
MEMBRES DU JURY
Remerciements
Comme le dit mon sampai, Jacques, « l’effort amène le succès ». Si cette devise trouve en la
réalisation d’une thèse une véritable illustration, cet effort ne peut être couronné de succès sans l’aide et
le soutien d’institutions publiques et d’organisations privées, mais aussi de personnes qui vont
permettre son achèvement.
Mes remerciements s’adressent en premier lieu au laboratoire Nimec, à l’École Doctorale et aux
IAE de Caen et Rouen pour m’avoir accueilli et permis de réaliser ma recherche doctorale dans
d’excellentes conditions. Je remercie également les quatre entreprises qui m’ont ouvert leurs portes
pour que je puisse les étudier, ainsi que les personnes que j’y ai rencontrées.
Pour m’avoir aidé dans les nombreux aspects du processus de thèse, je remercie les équipes
administratives des IAE de Caen et Rouen, en particulier Evelyne et Arnaud pour leur disponibilité,
Geneviève, Elise et Jacques-Olivier pour leur efficacité à trouver les ouvrages et les articles dont
j’avais besoin, et Edwige pour son aide précieuse dans les actes administratifs, mais aussi pour sa
bienveillance.
Mes remerciements s’adressent également aux personnes qui par leurs actions, leurs conseils et
leurs décisions, ont rendu possible la réalisation de cette recherche doctorale, en particulier : Joël Brée,
Sébastien Damart et Éric Rémy. Je remercie également l’ensemble des enseignants-chercheurs du
Nimec et des responsables des IAE de Caen et Rouen et de l’École Doctorale pour leurs conseils et leur
soutien. Mes remerciements s’adressent par ailleurs aux collègues de l’IUT d’Alençon qui ont créé les
conditions favorables à la progression de ma recherche lorsque j’étais ATER. Merci enfin aux
doctorants du Nimec pour la richesse de nos échanges.
Nombreux sont les amis qui m’ont aidé, soutenu, encouragé et conseillé dans mes travaux
doctoraux, ce dont je les remercie sincèrement, en particulier : Pascale Blassel, Laurence Ghier,
Jean-Yves Coat, Robert Le Duff, Alain Héricher et Richard Quesneau.
Parce qu’il est la personne qui m’a donné envie de mener cette thèse et parce qu’il m’a toujours
encouragé, je remercie chaleureusement Michel Baupin.
Je remercie mes amis et ma famille, notamment Jacques, Marc, Armel, Phil et Sarah pour
m’avoir rappelé que si la thèse constituait mon objectif prioritaire et mon activité quotidienne pendant
ces trois années, quelques moments de détente pouvaient être appréciables. Je remercie ma maman
pour sa tendresse et son soutien et, bien-sûr, mon épouse et mon fils pour leur compréhension et leur
patience lorsque je leur imposais mon rythme de travail, mais aussi pour leurs encouragements dans les
moments de doute.
Merci à mon épouse, à ma maman, à Laurence et à Marc pour leurs relectures et leurs conseils
avisés sur la rédaction de ma thèse.
Enfin, que soient remerciées ici toutes les personnes que j’ai pu oublier de citer et qui ont
favorisé de près ou de loin, la réalisation de cette thèse.
À Clément
Sommaire
Remerciements........................................................................................................................................... 3
Sommaire ................................................................................................................................................... 5
2 Chapitre II : La norme ISO 9001 : ancrage au contrôle et revue de la littérature ............................ 79
2.1 La norme ISO 9001 : pour la maîtrise de l’activité de l’organisation ..................................... 79
2.2 La norme générique ISO 9001 : revue de littérature d’une recherche abondante ................. 111
2.3 La relation entre management de la qualité et attitude des salariés ...................................... 128
3.2 Le concept de norme de management : trois dispositifs pour une liberté d’interprétation .... 164
3.3 L’appropriation comme déterminant de la perception et de l’attitude liée à la norme .......... 182
3.4 Les modèles explicatifs de l’appropriation de la norme ISO 9001 et de son influence sur les
attitudes des salariés opérationnels ................................................................................................... 198
5.2 Présentation des résultats du groupe de transport routier de marchandises ......................... 291
6.1 Observations sur la perception et l’appropriation de la norme ISO 9001 ............................. 315
6.2 Observations sur les attitudes influencées par la norme ISO 9001 et importance du
management ....................................................................................................................................... 327
6.3 L’outil de contrôle norme ISO 9001 : des attitudes influencées pour la maîtrise de l’activité de
l’organisation..................................................................................................................................... 345
Introduction générale
1
i.e. 1 111 698 certificats ISO 9001. Source : The ISO Survey of Certifications 2011 (ISO, 2012).
2
La première version remonte à 1987.
3
Source : article du journal Les Echos du 28 novembre 2013, par Georges Lucien.
4
Source : article du journal Les Echos du 7 juin 2013.
5
Source : article du journal Les Echos du 16 janvier 2014.
pourrait s’inscrire dans un plan d’amélioration de la qualité des processus et des produits
industriels, dans laquelle l’État pourrait continuer à s’investir […] » (2013 : 5)6.
Si les apports généraux supposés de la norme ISO 9001 visant la satisfaction du client,
l’amélioration continue et la performance de l’organisme (e.g. Casadesús, Giménez et Heras,
2001 ; Sampaio, Saraiva et Guimarães Rodrigues, 2009) et, en définitive, la maîtrise de
l’activité de l’organisation, sont toujours recherchés par les entreprises, la littérature souligne
pourtant des inconvénients récurrents tels la bureaucratie (Debruyne, 2002 ; Boiral, 2003 ;
Lundmark et Westelius, 2006 ; Lambert et Ouedraogo, 2010), la charge de travail
supplémentaire (Lambert et Ouedraogo, 2010), la rigidification de l’organisation (Debruyne,
2002) générées par la norme, ou encore les coûts importants de sa mise en œuvre et de sa
maintenance (Martínez-Costa et Martínez-Lorente, 2007). La recherche académique sur la
norme de management de la qualité ISO 9001 se distingue en deux thèmes majeurs
d’investigation, s’intéressant aux motivations à l’adoption et aux conséquences de la norme
ISO 9001, le plus souvent, au niveau de l’organisation, au détriment du niveau individuel. Le
niveau d’analyse individuel renvoie à un aspect implicite de la norme de management avec
l’influence qu’elle exerce sur les comportements, c’est-à-dire sur les attitudes des salariés au
sens large. Travailler sur les comportements des individus, revient à chercher à assurer la
maîtrise de l’organisation en faisant réaliser l’activité de manière choisie et non de façon
subie pour l’atteinte des objectifs, c’est-à-dire à contrôler l’organisation.
6
La Cour des comptes soulignant la stagnation des certificats ISO 9001 en France, rappelle que la qualité constitue un enjeu
pour la compétitivité de l’industrie française en expliquant que « des pays, comme l’Allemagne et le Japon, ont ainsi fait de
la qualité de la production sur leur territoire, une marque pays et un atout compétitif » (2013 : 1).
« En ce qui concerne les certifications ISO 9001, on ne peut ignorer que la qualité résulte par
nature de démarches volontaires qui nécessitent l’implication de chacun. Tenter de l’imposer
par la contrainte conduirait vraisemblablement à l’échec : la certification ISO 9001 à marche
forcée des entreprises dans les années 1990, qui a conduit à l’abandon des démarches qualité
quelques années plus tard et à l’image procédurière de la qualité, contre laquelle il faut
continuer à lutter aujourd’hui, doit nous inciter à la prudence. La certification ISO 9001
seule n’offre pas une garantie des produits et services de l’entreprise. Elle n’est pas une fin
en soi, l’essentiel étant que les entreprises mettent en œuvre des démarches qualité
construites et efficaces et que les salariés se les approprient7 ».
7
Le Ministre confirmant le maintien du caractère volontaire de la norme ISO 9001 en précisant que : « C’est pourquoi, il
n’est pas envisagé de loi cadre imposant un recours aux normes de qualité » (2013 : 2).
de notre thèse. Nous expliquerons ensuite en quoi les normes de management constituent un
soutien à la maîtrise de l’activité de l’organisation, en particulier la norme ISO 9001 que nous
avons retenue comme objet d’analyse. La définition de la norme de management de la qualité
ISO 9001, son objet, son orientation vers l’attitude des salariés, son ambition pour la maîtrise
de l’activité de l’organisation, son rayonnement, ses principes fondamentaux (reposant, entre
autres, sur l’approche processuelle de l’entreprise et l’amélioration continue), et sa
structuration seront ensuite discutés. Dans le chapitre II, nous procèderons à une revue de la
littérature sur la norme ISO 9001. En commençant par présenter le domaine du contrôle sous-
tendant la maîtrise de l’activité de l’organisation, nous expliquerons en quoi la norme de
management de la qualité ISO 9001 constitue un outil de contrôle de gestion et, notamment,
sa préoccupation historique des coûts et sa relation avec l’analyse socio-économique. Dans un
second temps de ce chapitre, nous présenterons les deux grands thèmes d’investigation de la
recherche sur la norme ISO 9001, portant sur son adoption (i.e. les motivations à son adoption
et les obstacles à sa mise en œuvre) et ses conséquences (i.e. ses avantages et ses
inconvénients), principalement axés sur le niveau d’analyse de l’organisation au détriment du
niveau d’analyse individuel opérationnel. Nous discuterons par ailleurs le lien entre le
management de la qualité et l’attitude des salariés, pour finir sur la formulation de notre
problématique de recherche.
Thiard (1994 : 12) indique que « « Normal » peut avoir un sens aussi bien péjoratif
que rassurant. Péjoratif, car il est souvent interprété comme représentant quelque chose qui
bloque et empêche toute idée novatrice et ramène le sel de la vie aux fadeurs d'une
désespérante banalité. Rassurant, parce qu'il est synonyme de référence clairement
perceptible, porteur de transparence dans l'obscurité, de confort intellectuel par fusion
anonyme dans le plus grand nombre ». Cette citation de Thiard interpelle sur l’appréhension
de la normalité. L’auteur évoque un point de vue manichéen de la norme (péjoratif versus
rassurant). Bon nombre de travaux ont apporté des réponses sur la norme (définition,
La norme est ainsi porteuse de sens bien définis, permettant - a priori - de comprendre
sans ambiguïté sa nature et son usage. « Alors qu'aujourd'hui il semble omniprésent, le terme
de norme, dans son usage technique courant mais aussi dans un sens plus large, ne s'est
répandu dans le langage français que depuis le début du 20e siècle. » souligne Méot (2007 :
119).
8
i.e. que ce soit depuis l’antiquité avec, par exemple, la normalisation des briques, ou de nos jours avec la normalisation du
management de la qualité.
auxquelles on doit satisfaire pour pouvoir être assuré). Une chose est certaine, la norme est un
élément complètement intégré dans nos sociétés modernes. Justement, quelle est la nature du
lien entre la norme et la société ?
La notion de norme a été largement étudiée dans sa perspective sociale, c’est-à-dire les
manières de penser et d’agir pour répondre aux règles des groupes d’individus auxquels on
appartient, ou que l’on veut intégrer. Selon les points de vue des sociologues Emile Durkheim
et Max Weber, alors que l’approche Durkheimienne veut que les normes sociales (fait social)
- produit de la société - s’imposent à l’individu, la vision Wébérienne considère la
confrontation des actions des individus débouchant sur la construction des normes sociales.
Pour Emile Durkheim (e.g. 1898), les manifestations les plus caractéristiques de la vie
collective (e.g. les croyances, les règles de la morale, etc.) relèvent d’une obligation, qui n’est
pas l’œuvre de l’individu mais d’une puissance morale qui le dépasse ; c’est-à-dire le fait
social. A l’inverse, pour Max Weber (1904), les idéaux suprêmes qui agissent sur l’individu
résultent de l’actualisation de ses idéaux-types, luttant avec les idéaux-types d’autres
individus ; c’est-à-dire la construction de la norme sociale. La notion de norme elle-même est
donc sujette à différentes interprétations.
Notons que la norme dont il est question dans cette recherche doctorale n’est pas la
norme sociale (même si celle-ci est bien évidemment présente) mais la norme de
management, c’est-à-dire une norme formalisée au travers d’un document identique à toutes
les organisations9 qui l’utilisent ; à la différence de la norme sociale qui elle varie d’un service
à un autre, d’une catégorie socioprofessionnelle à une autre, d’une entreprise à une autre, etc.
La norme est ainsi polymorphe (Grenard, 1996), tel que nous avons tenté de le préciser
dans ces quelques lignes introductives. Selon Grenard (1996 : 45), la norme est également
source d’« une certaine confusion analytique » ; la terminologie n’étant pas unifiée dans les
études10. Pour Aïssani et Bordes (2007) les utilisateurs de la notion de norme ne l’ont pas
définie.
Pour préciser ce qu’est une norme de management telle la norme ISO 9001, nous nous
sommes entre autres appuyés sur la littérature française en sociologie et en économie, qui
9
Il s’agit bien d’un référentiel normatif sur la base duquel, chaque organisation en décline un système de management.
10
Grenard (1996) souligne que les termes de normalisation, standardisation, qualification ou certification sont souvent
employés comme des synonymes.
demeure toujours très pertinente pour appréhender ce sujet. La littérature française et plus
généralement la littérature européenne abondantes sur le sujet, peuvent s’expliquer par un
intérêt plus important des entreprises européennes à se faire certifier (Martínez-Costa et
Martínez-Lorente, 2007), par exemple, par rapport à l’Amérique du Nord où la certification
ISO 9001 est moins développée (cf. infra statistiques de l’ISO). Selon Corbett (2006), les
organisations en Europe étaient les premières à rechercher la certification, notamment la
certification ISO 9001 (Sampaio et al., 2009). Par ailleurs, du fait qu’une majorité des comités
de normalisation sont tenus par l’Allemagne, les Pays-Bas, la Grande-Bretagne et la France,
la norme ISO malgré son caractère mondial est historiquement11 représentative de l’Europe
(Gorgeu et Mathieu, 1996). Désormais, la certification touche tous les pays et elle est
omniprésente.
11
Citant Fouquet (1995), les auteurs indiquent que « les principes de la certification d'assurance qualité par tierce partie...
sont nés en Angleterre du rapprochement de la culture managériale britannique... et des approches américaines... et
japonaises». ».
Historiquement, ce sont les normes qui ont permis la croissance des échanges (Ben
Youssef, Grolleau et Jebsi, 200512). Les origines de la norme, si tant est qu’elles aient pu être
précisément établies, sont situées bien au-delà de ce que les croyances populaires admettent.
On fait remonter l’histoire de la norme aux temps égyptiens, plusieurs millénaires avant notre
ère. La normalisation s’illustrait déjà aux temps de l’Egypte antique (i.e. 3000 avant J-C) avec
des arcs et des flèches interchangeables et plus tard, les romains normalisaient l’écartement
des roues des chariots et uniformisaient les réseaux routiers (Rogé, 1999).
Maily (1946 : 1413) souligne que 3 000 ans avant notre ère, la statue du roi de Chaldée
Goudéa14, présente des tableaux, des chiffres (« probablement des normes de construction »)
et « une règle d’environ 27 centimètres graduées en divisions de 17 millimètres, qui était le
mètre des charpentiers et des maçons de ce temps-là » ; démontrant ainsi la normalisation des
mesures. La normalisation remonte aux origines de l’humanité, elle constitue le fondement de
toute activité humaine (Maily, 194615). Frontard (1994 : 20) situe - non sans humour - la
normalisation aux origines de l’univers, avec la création de la semaine de sept jours et le
repos hebdomadaire par Dieu : « deux normes qui ont fait belle carrière ». Si les origines
lointaines de la norme peuvent être discutées, son histoire - plus récente - liée au
développement des techniques a été affirmée depuis fort longtemps ; la normalisation
s’inscrivant dans le prolongement de la standardisation (Giard, 2003). En effet, si l’on reprend
le cours de l’évolution des techniques, on constate le développement des normes dans la
fabrication de matériel, dans la construction d’infrastructures ou encore dans les systèmes
métriques.
12
Les auteurs s’appuient sur Swann, 2000.
13
Citant Ponthière, 1939.
14
« Prince sumérien de Lagash (XXIIe siècle avant Jésus-Christ). Le Louvre conserve de lui douze statues en diorite,
recueillies à Girsou. » Le Petit Larousse Illustré (2008). Frontard (1994 : 20) indique que « la statue du roi chaldéen Goudéa,
porteuse d’un étalon de longueur et de normes de matériaux de bâtiments, orne le hall de l’AFNOR » (Association Française
de NORmalisation).
15
Citant Hellmich, 1928.
Comme le souligne Maily (1946 : 12), « l’idée de normalisation est bien sans doute
l’une des premières qui ait présidé à l’organisation de la vie collective des êtres humains qui
sentaient la nécessité de s’unir pour se défendre comme pour subvenir à leurs besoins » ; le
langage et l’écriture apparaissant comme les plus beaux exemples de cette normalisation
instinctive. La nécessité de s’unir, et le fait d’écrire et de communiquer de manière
compréhensible par le groupe social orientent incontestablement le comportement des
individus ; la norme influence leur attitude. Mais le développement de la normalisation est
étroitement associé au développement de l’industrie.
16
Reprenant Ponthière (1939) et Kiencke (1939).
17
Gribeauval (Jean-Baptiste Vaquette de), Amiens 1715 - Paris 1789, général et ingénieur militaire français. Premier
inspecteur de l’artillerie (1776), il créa un nouveau système distinguant l’artillerie de campagne et l’artillerie de siège,
employé avec succès de 1792 à 1815 (Petit Larousse illustré, 2008).
arme d’infanterie (le fusil modèle 1777) comprenant des composants interchangeables
(Peaucelle, 2005 ; Röder, 2012). La fabrication des fusils est ainsi standardisée18. La
fabrication standardisée et l’interchangeabilité des pièces facilitent la production de masse et
la réparation des armes.
18
Comme nous le verrons plus loin, la norme est différente du standard.
19
Il s’agit de l’organisme de certification.
20
Selon les informations du site internet de l’ISO consulté en octobre 2013, au 31 décembre 2012, 19 573 normes
internationales et documents normatifs ont été publiés : http://www.iso.org/iso/fr/home/about/iso-in-figures.htm
A l’origine, la normalisation porte sur les produits, les matériaux21 (e.g. spécifications
techniques dans la réalisation d’ouvrages et de produits). En permettant de réduire la variété,
la normalisation répond à la préoccupation de rationalisation de l’activité de l’entreprise
(Giard, 2003). A ce niveau, la normalisation procure un avantage à l’entreprise en réduisant la
variété inutile - sans valeur ajoutée - (Giard, 2003), et en favorisant des économies d’échelle
et de la productivité ce qui a comme conséquence d’abaisser le prix de vente (Igalens et
Penan, 1994). Selon Foray (1996), même si la normalisation impose une perte de diversité,
elle constitue un avantage économique par l’alignement des agents économiques sur une
option.
21
Plus loin, nous verrons les différents types de normes.
22
« Les normes publiées apportent des informations scientifiques techniques irremplaçables dont les entreprises du secteur
ont parfois un besoin urgent. » (Igalens et Penan, 1994 : 95-96).
Le développement des normes est porté par des organisations spécifiques, ce que
présente la prochaine partie.
23
Ou encore le British Standard Institute (BSI) pour la Grande-Bretagne ou le Deutsches Institut für Normung (DIN) pour
l’Allemagne (e.g. Boulin, 1990).
24
En anglais, International Organization for Standardization.
Pour l’ISO26, la norme est un « document, établi par consensus et approuvé par un
organisme reconnu, qui fournit, pour des usages communs et répétés, des règles, des lignes
directrices ou des caractéristiques, pour des activités ou leurs résultats, garantissant un
niveau d'ordre optimal dans un contexte donné. ».
25
Source : site internet de l’AFNOR, http://www.afnor.org/lexique/%28lettreid%29/n, consulté en juillet 2013.
26
Source : site internet de l’ISO,
http://www.iso.org/iso/fr/home/standards_development/governance_of_technical_work/standards-and-regulations.htm,
consulté en juillet 2013.
Dans les années quatre-vingt, la normalisation a pris une autre dimension en Europe,
au travers du principe dit, de la « Nouvelle approche ». Selon la résolution du 7 mai 198528
votée par le Conseil de la Communauté Européenne, le contenu de certaines directives
européennes est limité aux seules exigences essentielles obligatoires, afin d’assurer la sécurité
des citoyens européens et favoriser la libre circulation des produits, laissant le libre choix des
spécifications techniques (Boulin, 1990 ; Durand, 1994 ; Thiard, 1994 ; Grenard, 1996 ;
Giard, 2003).
Des normes européennes harmonisées (entre les états) d’application volontaire fixent
les spécifications techniques, dont l’utilisation est laissée à la discrétion du fabricant. Le
27
A titre d’exemple, Williams, van der Wiele et Dale (1999) soulignent l’importance fondamentale de la bonne définition des
coûts dans le cadre de la collecte et de l’utilisation des coûts reliés à la qualité, notamment en faveur du rapprochement des
points de vue entre les comptables et les gestionnaires de la qualité. Les auteurs insistent sur le fait que les définitions
peuvent éviter de nombreux obstacles à l’établissement des coûts de la qualité comme outil de gestion ; parfois, les
comptables et les gestionnaires de la qualité finissent par prendre des positions contradictoires par rapport à la qualité
d’établissement des coûts, plutôt que de travailler en partenariat afin de recueillir les données.
28
Résolution 85/C136/01 du 7 mai 1985 concernant une nouvelle approche en matière d’harmonisation technique et de
normalisation http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:C:1985:136:0001:0009:FR:PDF
Thiard (1994 : 13) souligne que « la norme s'est imposée aujourd'hui comme un outil
essentiel de l'organisation de nos systèmes économiques contribuant à leur cohérence et à
leur efficacité dans le respect du rôle de tous les acteurs. ». L’auteur résume ce qu’il nomme
la philosophie de base de la normalisation, (cf. tableau 1-3, ci-après).
La norme se propose de réaliser un optimum entre les intérêts des industriels, ceux des
consommateurs et l'intérêt général
Concrètement :
La norme est établie selon une méthode faisant appel à la recherche du consensus, donc de
l'accord des parties concernées, et dans l'intérêt général
La norme a fait l'objet d'une procédure d'approbation par un organisme reconnu à cette fin
plus loin, l’attitude des salariés dans l’organisation se réfère aux actions et aux discours des
acteurs dans l’exécution de leur travail. Par exemple, la situation où un agent de
production utilise une check-list pour s’assurer de l’état conforme de son équipement avant le
démarrage de la production, caractérise une attitude positive en faveur de la qualité de la
production et du respect des procédures. A l’inverse, la situation où un cadre exprime
verbalement qu’une norme qualité ne sert qu’à produire des documents qui gênent le
fonctionnement de l’entreprise, caractérise une attitude négative en défaveur du respect des
procédures. La norme est réalisée de manière consensuelle et rigoureuse par des experts et elle
est encadrée par des institutions reconnues (annexe 1). Son action se situe au niveau des
relations économiques internationales. Outre la manière dont elle est réalisée, la norme résulte
des acquis et de l’évolution conjugués des techniques, de l’expérience et du fruit de la
recherche. Du fait de cette constante évolution, les normes ont une durée de vie limitée et
doivent être révisées régulièrement (Igalens et Penan, 1994). Ce développement montre bien
que la norme s’inscrit en soutien de la maîtrise de l’activité de l’organisation. Mais quelles
sont les conséquences des normes ?
Cette situation a comme conséquence de déboucher sur des inconvénients : par exemple,
problèmes linguistiques, gestion de files d’attente29 (Peyrat, 1994).
Cet état conduit les partisans des écoles des normes de moyens et des normes de
résultats (Durand, 1994) à réaliser du lobbying (e.g. Mangematin, 199430 ; Ben Youssef et al.,
2005 ; Reverdy, 2005), ce qui confère à la normalisation une portée stratégique. La
normalisation est donc vouée à tenir un rôle crucial dans la construction de l’espace unique et
elle investit ainsi la stratégie d’entreprise, pour l’amélioration de la compétitivité des
entreprises au niveau mondial.
Les partisans de la norme de moyens veulent qu’elle décrive les moyens techniques
permettant de respecter les exigences essentielles, et que ces moyens soient ceux qu’ils
utilisent (i.e. dans leur usine, dans leur bureaux d’études), afin de s’assurer un avantage
concurrentiel (Durand, 1994). Au contraire, les partisans de la norme de résultat veulent
disposer de normes spécifiant les résultats à atteindre pour respecter les exigences essentielles
des directives, sans contrainte d’action tout en permettant de suivre les évolutions du progrès
technique31.
Comme le précise Parriaud (1994 : 188) « Être les premiers à normaliser, au niveau
national ou au niveau communautaire, est souvent le meilleur moyen de s'assurer un
avantage durable […] dans un contexte de concurrence internationale ». On comprend bien
que, officialiser ses propres points de vue et pratiques au travers d’une norme, constitue un
avantage certain pour les entreprises de la nation qui sont, de facto, davantage en position de
s’établir sur de nouveaux marchés, en étant plus en situation de satisfaire aux exigences
normatives considérées.
30
Article paru dans les Annales des Mines – Juin 1993.
31
La norme ISO 9001 est une norme de résultat, ce que nous préciserons plus loin.
Outre les utilisateurs de la norme (i.e. les organisations qui les appliquent), on observe
que l’établissement d’une norme s’inscrit dans le cadre d’un écosystème où s’opèrent de
multiples pressions en vue d’en obtenir des avantages. Les contributeurs à l’établissement de
la norme, c’est-à-dire des entreprises, des institutions ou des particuliers jouent un rôle
important dans le résultat final d’une norme. Par exemple, un groupe industriel participera
aux commissions de normalisation (nationale et internationale) de la norme ISO 9001 afin de
faire valoir un point de vue qui lui est favorable dans son activité. En s’acquittant d’un droit
d’adhésion à la commission (largement à sa portée33), le groupe peut ainsi influencer le
contenu de la norme. Plus prosaïquement encore, le lobbying peut s’opérer à la faveur de
présents adressés directement aux décideurs politiques en charge des questions sur les normes
dans les institutions.
Indépendamment de leur nature instrumentale (ce que nous développerons plus loin),
les normes peuvent apparaître comme une modalité de stratégies collectives (Mione, 2006). A
ce niveau, participer au processus de création d’une norme relève d’une stratégie collective et
proactive ; les normes définissant les conditions du jeu concurrentiel. Mione (2006) souligne
32
D’autant plus que, comme l’indiquent Savall et Zardet (2005 : 7) : « une norme peut, en effet, être considérée comme un
produit dont vivent et par lequel se développent certains acteurs. […] En effet, une norme, tout en correspondant à une idée
et en ayant comme fonctionnalité d’être une règle du jeu pour les usagers utilisateurs de normes, constitue aussi un produit,
conçu puis vendu par des agents de normalisation (producteurs, prescripteurs, distributeurs, contrôleurs, publics ou privés
ou hybrides). Un véritable fond de commerce est ainsi mis à jour, constitué par le patrimoine que représentent l’appareil
normatif et les flux financiers qu’il génère ».
33
Contrairement à de petites structures qui ne disposent pas forcément du budget ni du temps nécessaire pour participer aux
réunions des commissions de normalisation.
les quatre fonctions principales des normes, structurant les conditions de marché (cf. tableau
1-4, ci-après).
Information
Compatibilité
Réduction de la variété
Qualité
Tableau 1-4 : Les quatre fonctions principales des normes, structurant les conditions de
marché (Mione, 2006)
34
Les avantages et les inconvénients de la norme ne faisant pas consensus dans la communauté académique, ils sont traités
plus loin au niveau de la norme de management de la qualité.
Avantages environnementaux
35
Selon l’auteur, sous réserve que la mise en place ait été réalisée en concertation avec le personnel, alors cette situation
optimale débouchera sur la « supermotivation ».
36
Source : site internet de l’ISO, http://www.iso.org/iso/fr/home/standards/benefitsofstandards.htm, consulté en août 2012.
induisant, entre autres, des coûts très importants. Ces situations sont à l’origine du principe d’
« exigences essentielles » (cf. supra), définissant ainsi les performances (les objectifs à
atteindre) et non les caractéristiques techniques pour y parvenir (Coutouzis, 1994). Par
exemple, une voiture doit pouvoir se déformer lors d’un choc pour absorber l’énergie
cinétique accumulée, afin de limiter les blessures infligées aux passagers37. Chaque pays a
ainsi le choix de la norme technique (pouvant différer selon les pays) pour satisfaire aux
exigences essentielles qui elles, sont identiques pour tous les pays (Coutouzis, 1994). Les
normes sont regroupées par types, comme nous allons maintenant le voir.
Parce que l’évolution des économies des pays développés a conduit au passage de
« l’ère où prévalaient confiance et réputation à celle où il est devenu nécessaire d’apporter la
preuve factuelle de la qualité de ses produits, de son organisation ou de l’information diffusée
aux tiers » (Igalens, 2009 : 9838), les « normes de troisième type » virent le jour. Ces normes
portent sur les systèmes de management (Courtier, 1994). La norme ISO 9001 de
management de la qualité est une norme de troisième type ; plus loin, nous la développerons
largement.
37
Sans préciser s’il faut agir sur la conception (e.g. intégration de points fusibles dans la structure du véhicule), la nature des
matériaux, etc.
38
L’auteur s’appuie sur Couret et al., 1995.
type ». Ce type de référentiels normatifs considère l’entreprise dans la société, et non plus
indépendamment (Igalens, 2009). A ce niveau, l’entreprise interagit avec différentes parties
prenantes (les clients, les fournisseurs, les salariés, les actionnaires, les collectivités locales,
les pouvoirs publics, etc.) dans l’intérêt supérieur de la société. Par exemple, le bien-être des
salariés ou l’aide à la réinsertion d’anciens détenus par un stage en entreprise, illustre l’objet
de ce type de normes. Ce type de norme relève d’une nature politique (Igalens, 2009). Le
tableau 1-6 ci-après récapitule les quatre types de normes.
Normes de premier type Normes portant sur les e.g. norme ISO 228
(dimension technique) caractéristiques techniques « Filetages de tuyauterie pour
des produits et des matériaux raccordement sans étanchéité
dans le filet – Partie 1 :
dimensions, tolérances et
désignation »
Normes de second type Norme portant sur les e.g. norme NF 1525
(dimension technique) caractéristiques « Sécurité des chariots de
fonctionnelles des process de manutention – Chariots sans
fabrication/ou d’essai conducteurs et leurs
systèmes »
Normes de troisième type Norme de management e.g. norme ISO 9001
(dimension « Systèmes de management
organisationnelle) de la qualité – Exigences »
Normes de quatrième type Norme portant sur le rôle et e.g. norme ISO 26000
(dimension politique) la place des organisations « Lignes directrices relatives
dans la société à la responsabilité sociétale »
Tableau 1-6 : Typologie des normes (d’après Igalens, 2009)
Les normes sont mobilisées dans toutes les actions de la vie économique, par
exemple : pour la description de produits dans un appel d’offres ou la recherche d’un
fournisseur (Igalens et Penan, 1994). Les normes interviennent (cf. figure 1-1, ci-après) à
toutes les phases de la vie d’un produit (telles que décrites par Juran39), en commençant par la
détection du besoin du client, jusqu’à la mesure de sa satisfaction (Courtier, 1994).
Qu’il s’agisse d’une norme de moyen prescrivant la réalisation d’un produit, ou d’une
norme managériale de résultat telle la norme ISO 9001 prescrivant l’attitude envers la qualité,
39
Né en Roumanie, Joseph Juran (1904-2008) fut ingénieur dans les usines Hawthorne de la Western Electric Company (une
division de Bell Telephone). Docteur en Droit, il fut l’un des grands concepteurs et promoteurs des démarches qualité. Joseph
Juran figure comme un des « gourous » de la qualité avec William Deming, Kaoru Ishikawa, Philip Crosby.
40
Les travaux de Juran sont habituellement désignés sous la forme d’une spirale. Courtier (1994) les désigne sous la forme
d’une hélice, correspondant mieux à une vision dans l’espace tridimensionnel.
on entraperçoit l’influence de la norme sur les attitudes. Les normes sont devenues des
éléments essentiels, mais quelles sont leurs conséquences sur les organisations ?
Facteur de confiance
Réduction de l’incertitude
Facteur de stabilité
Caractérisation fonctionnelle
La littérature nous enseigne que le contexte normatif est porteur de confiance. Qu’il
s’agisse des organismes de certification ou d’accréditation (Coutouzis, 1994)42, ou des
systèmes d’assurance de la qualité portés par la certification-qualité d’entreprise (Peyrat,
1994), les normes apportent des garanties au client, au consommateur, à l’utilisateur, via les
informations données sur les caractéristiques et l’aptitude à l’emploi d’un produit (Marleix,
1994). Les normes offrent des garanties dans différents domaines tels que la qualité, la
sécurité, la régularité dans le fonctionnement (Deschamps, 1994) ou encore l’organisation de
la qualité (Grenard, 1996). Pour Peyrat (1994), les actions déployées par l’entreprise en faveur
d’une certification de type qualité délivrée par une organisation sérieuse et reconnue, seraient
de nature à donner une confiance a priori. Selon l’auteur, disposer d’une certification-qualité
attribuée par un organisme sérieux, diminue la probabilité d’un contrôle réglementaire (i.e.
qui mettrait en évidence le non-respect de la réglementation).
41
i.e. c’est-à-dire un dispositif cognitif, ce que nous préciserons plus loin.
42
A ce niveau, l’organisme de certification ou accréditation s’inscrit comme un partenaire tiers déconnecté des intérêts du
fournisseur, procurant de la confiance au client.
Selon Peyrat (1994), la confiance du client envers le fournisseur croît plus rapidement, en
présence d’une certification-qualité (cf. figure 1-2, ci-après).
Figure 1-2 : Evolution dans le temps de la confiance envers son fournisseur, Peyrat (1994)
Le concept de confiance (que nous ne développerons pas ici) influence l’acte d’achat.
A ce niveau, la norme est déterminante en la confiance qu’elle procure. Les économistes de
l’information distinguent classiquement trois catégories de caractéristiques d’achat, « […]
fonction du moment où l'acheteur est informé sur ces caractéristiques » (Ruffieux et
43
L’auteur s’appuie sur Ganesan, 1994.
Valceschini, 1996 : 136). Les caractéristiques de confiance sont, notamment, portées par des
normes qualité (cf. tableau 1-8, ci-après). A ce niveau, la norme donne confiance en la
présence d’un composant non identifiable ; par exemple, la présence d’un composant essentiel
du dentifrice : le fluor.
Identifiées avant l’achat (e.g. Identifiables après l’achat (e.g. Jamais identifiées (e.g. présence de
couleur d’un pantalon) durée de vie d’un pneumatique) fluor dans un dentifrice)
Tableau 1-8 : Caractéristiques de l’achat, dont celle de confiance portée par les normes, selon
Ruffieux et Valceschini (1996)
Si l’on considère les apports de la normalisation mis en évidence par les auteurs, la
littérature souligne néanmoins l’importance du moment de l’établissement et de la diffusion
des normes (du Couëdic, 1994). Selon la période du cycle de vie du produit, la normalisation
peut conduire à des choix que le marché ne suivra pas si elle intervient trop tôt ou alors, si elle
intervient trop tard, elle ne peut que constater une situation disparate sur les marchés, qu’il
sera difficile de faire revenir à la convergence44. Un mauvais « timing » pouvant également
induire des coûts très élevés45 (Foray, 1996). Cet inconvénient - relatif - s’inscrit aux côtés
d’un inconvénient important de la norme. La littérature souligne (Capistrano, 2005 ; Mione,
2006 ; Han, Chen et Ebrahimpour, 2007) une critique majeure de la norme, en ce qu’elle
44
Du Couëdic (1994) cite le cas de la prise de courant électrique qui diffère encore selon les pays, malgré l’adoption d’une
norme internationale.
45
e.g. un processus de sélection trop rapide ayant comme conséquence le choix d’une mauvaise technologie, consommatrice
de ressources.
constitue une barrière d’accès à l’entrée au marché. A ce niveau, les entreprises qui ne
disposeraient pas d’une certification à une norme donnée, ne pourraient commercer.
Parce qu’elle procure des avantages portés au travers de la qualité, la norme apparaît
comme favorisant l’accès au marché. Comme le souligne Igalens et Penan (1994), bien que la
norme puisse parfois être perçue comme une entrave technique47, elle vise à l’avantage
optimal de la communauté dans son ensemble et constitue aujourd’hui, avec l’élaboration de
normes mondiales telles les normes ISO relatives à la qualité, un mode privilégié
d’organisation des relations économiques. Par exemple, parce qu’elles sont conçues par les
principaux donneurs d’ordre internationaux et parce qu’elles supplantent désormais les
normes nationales et les normes antérieures d’entreprises en matière d’assurance-qualité, les
normes ISO 9000 sont reconnues par tous les acteurs économiques et favorisent la passation
d’accords (Grenard, 1996). La normalisation apparaît comme un véritable enjeu des relations
économiques mondiales (Dudouet et al., 2006).
46
A l’appui de Brecka (1994).
47
Les auteurs font référence aux normes protectionnistes passées du marché japonais de l’automobile et du marché allemand
de la bière.
Vecteur de confiance, donc exerçant une influence sur l’attitude de confiance, les
normes en générale sont décrites comme procurant des apports aux organisations. Les normes
peuvent constituer des inconvénients aux organisations, bien que ce point de vue évolue.
Alors que la littérature ne souligne pas ce point, les apports des normes s’inscrivent
incontestablement dans l’idée de soutenir la maîtrise de l’activité de l’organisation en
orientant les comportements. Notons que les apports et les inconvénients des normes en
générale relèvent des niveaux d’analyse stratégique et organisationnel, et non du niveau
d’analyse individuel (même si ces niveaux sont liés). Plus loin, nous aborderons les
caractéristiques spécifiques à la norme ISO 9001, dont les apports et les inconvénients. Mais
avant cela, afin de s’affranchir des confusions dont la norme de management fait l’objet, il est
indispensable de bien situer le concept de norme.
Afin de bien appréhender ce qu’est la norme et éviter les confusions dont elle fait
l’objet, nous présentons une tentative de distinction des notions proches de la norme à l’appui
de la littérature, que nous illustrerons au moyen de la méthode du carré sémiotique.
Dans le discours commun, la notion de norme est voisine - voire similaire - d’autres
termes largement répandus dans le langage courant, telles les notions de standard, de
réglementation et de loi, alors que toutes englobent des réalités différentes (Grenard, 1996).
Chez certains auteurs, la notion de normes a été recoupée avec d’autres « appellations
génériques voisines et distinctes à la fois (lois, valeurs, coutumes, règles de bienséance,
mœurs) », que les psychologues sociaux ont utilisées sans la définir précisément (Aïssani et
Bordes, 2007 : 3348).
48
Les auteurs citent Flament, 2001.
49
Expression latine signifiant : de droit.
normalisation de facto50 est créé par le marché (de Robien, 1994). Le standard résulte de
l’adoption d’une technologie par le marché, alors que la norme émane d’un organisme de
normalisation dans le cadre d’une réalisation collective (Benezech, 1996). La norme est une
donnée de référence publique à destination des agents économiques et le standard constitue un
modèle unique de référence pour chaque produit (Grenard, 1996). Le standard correspond à
une technique, à une pratique, à un produit, et constitue la référence du marché, alors que la
norme est un document descriptif et constitue la référence, cette fois-ci, officielle (Foray,
199651). L’exemple de la prise électrique illustre bien l’existence de multiples standards
correspondant à des marchés différents (cf. figure 1-3 de Foray, ci-après).
Figure 1-3 : Types de prises électriques dans le monde (Foray, 1996 : 259)
La norme se distingue donc de la notion de standard, qui lui est souvent synonyme
dans la littérature économique (Foray, 1996). Deux autres expressions sont souvent assimilées
à la notion de norme : la réglementation et la loi.
51
L’auteur citant la thèse de Benezech en 1994.
n’est « pas moins socialement obligatoire pour avoir sa place sur le marché, et au soleil ! »
(Coutouzis, 1994 : 48). Les normes et les réglementations s’inscrivent en complément au
regard de leurs domaines de compétences, même si elles demeurent différentes dans leur
élaboration et leur application (Cayla, 1994). Lorsque le respect de certaines spécifications
relève de l’intérêt public (e.g. la sécurité), les normes peuvent prendre le caractère obligatoire
et devenir ainsi, des règlements (Parriaud, 1994). Dans ce cadre, la norme « acquiert une
force juridique » et, devenant une réglementation, n’est plus exempte d’interdictions ni de
sanctions, inhérentes à la réglementation (Grenard 1996 : 47).
Pour Pesqueux (2003 : 203) la distinction entre la norme et la loi (ce dernier terme
étant proche, voire assimilable, à celui de réglementation52 53) se caractérise par « le passage
d’une représentation de la vie en société dans les termes du « vivre dans » - la loi - à ceux de
« vivre avec » - la norme -. A ce niveau, le passage d’une représentation de la vie en société
basée sur la loi, à la représentation de la vie en société basée sur la norme, souligne le moment
libéral54 basé sur l’auto-édiction de règles (fixées par l’individu ou par le groupe social) - la
norme -, contrairement aux règles imposées par l’état - la loi -.
Selon les distinctions opérées par les auteurs, il apparaît que les notions proches de
celle de norme, trouvent leur différence dans leur objet, ce que nous présentons, tableau 1-9,
ci-après.
52
Selon Le Petit Larousse Illustré (2008), la loi se définit comme « 2.a. L’ensemble des règles juridiques, des prescriptions
légales. » et la réglementation comme « 2. Ensemble des mesures légales et réglementaires régissant une question. ».
53
Pesqueux (2003 : 204) indique que « La loi est une règle « objective » car spécifiée dont l’objet est le comportement en
société, à vocation « universelle » sur la base d’un territoire et assortie de sanctions ».
54
Selon l’expression de l’auteur.
Pour réaliser le carré sémiotique, nous nous appuyons largement sur l’article de Floch
(1989), pionnier et référence de la sémiotique dans les Sciences de Gestion. L’annexe 2
fournit des précisions sur le carré sémiotique.
55
Même si, comme l’indique Igalens et Penan (1994 : 10) : « il est exact que des régimes non libéraux ont, dans le passé,
rendu les normes obligatoires. C’était le cas de l’ex-URSS qui avait installé en 1925 un Comité d’Etat de normalisation du
conseil des ministres (GOST : Gosvdartsvennys Komitet Standartov Soveta Ministrov SSSR) Le marquage des produits
industriels et des biens de consommation était imposé au fournisseur qui devait garantir la conformité à la norme du GOST.
C’était également le cas en France sous le régime de Vichy. Le 24 mai 1941 un décret du maréchal Pétain installait un
Comité consultatif de la normalisation et un commissaire à la normalisation. L’esprit de ces textes était conforme à celui du
régime ; il était emprunt d’autoritarisme. Ce fut enfin le cas en Allemagne sous le régime du IIIe Reich qui fit table rase de
l’approche libérale de la normalisation qui avait inspiré la République de Weimar ».
« Réglementation »
Volontaire Obligatoire
« Norme »
Relations
-contrariété « Standard »
-contradiction
-complémentarité
Alors qu’elle est fréquemment l’objet d’une assimilation et d’une confusion avec les
notions de standard et de réglementation, l’outil carré sémiotique nous permet de souligner le
caractère volontaire comme spécificité de la norme de management. Loin d’être une
contrainte déconnectée de l’entreprise, la norme de management se veut un outil focalisé sur
la dimension humaine en faveur de l’émergence des savoirs, dans l’objectif d’améliorer et de
maîtriser l’organisation.
Dans son historique de la norme, Frontard (1994 : 20) cite les propos d’Ernest Lhoste
(à l’époque où celui-ci fût directeur général de l’AFNOR) indiquant : « Je ne comprends pas
qu'on soit pour ou contre la normalisation. Ce n'est pas une fin en soi, c'est un instrument, un
outil. Je suis pour le marteau si j'ai un clou à enfoncer. Je suis contre le marteau s'il doit
servir à assassiner une rentière ». Cette affirmation permet de mesurer les antagonismes de
longue date autour de la norme, ainsi que les interprétations erronées récurrentes autour de sa
nature véritable.
La norme qualité prend la forme d’un mode de gestion - avec les normes ISO 9000 -
(Benghozi et al., 1996), la forme d’un outil d’aide au management (e.g. un système de
management) en faveur de l’organisation de l’entreprise (Cayla, 1994), au travers de la
relation de confiance normalisée entre les différents acteurs de l’entreprise56 (Courpasson,
1996). La norme ISO 9000 relève d’un « cadre et de règles de formalisation du S.Q.57 dans
un langage analytique, procédural et managérial » (Henry, 1996 : 148). La normalisation se
manifeste sous deux formes (une forme implicite reposant sur la persuasion et l’engagement
subjectif des acteurs de l’entreprise et une forme explicite, par exemple la certification) en
fonction desquelles elle constitue la réalité « d'un management visant à «discipliner», à
contrôler conjointement les fonctionnements marchands et les fonctionnements
organisationnels » (Courpasson, 1996 : 239). La notion de contrôle inscrit explicitement la
norme dans l’idée de maîtrise de l’activité de l’organisation.
Si les auteurs des normes - telles les normes relatives à la qualité - les présentent
comme des instruments et des méthodes de gestion pour aider les entreprises, ces normes
s’inscrivent tel un moyen, appuyé sur la formalisation et la capitalisation de l’expérience pour
son « utilisation » en faveur de la qualité (Duymedjian, 1996). Il s’agit d’une dimension
56
Au sens où, selon l’auteur (1996 : 253), en rendant implicite la normalisation, le management « laisserait le soin aux
acteurs d’intérioriser, de s’approprier les normes, voire de les justifier ».
57
Système Qualité
cognitive (Courpasson, 1996 ; Duymedjian, 1996) que Duymedjian (1996 : 96) nomme
« processus d’individualisation des pratiques collectives ». Ce processus se traduit par
l’expression, la transcription, l’actualisation et la fructification des savoirs et savoir-faire
collectifs, à l’appui de documents (procédures, modes opératoires, instructions de poste, etc.),
synthétisés par des pratiques organisationnelles devant être utilisées - appropriées - par les
individus de l’organisation. La situation relève en fait d’une « intentionnalité managériale »
permettant de créer des référents, des cohérences qui, après leur intériorisation par les acteurs,
deviennent des normes, instrumentalisées en règles de gestion (Courpasson, 1996).
Han et al. (2007) soulignent une récente explosion des travaux liés à la norme ISO
9001 dans les revues de management de la qualité58. A l’inverse, Grolleau et al. (2008 : 126),
indiquent qu’il n’existe quasiment pas de travaux sur les normes organisationnelles, alors que
ces normes sont celles qui s’inscrivent le mieux dans la normalité de l’organisation. Comme
nous le verrons plus loin avec les travaux de Sampaio et al., 2009, la recherche sur la norme
ISO 9001 est pourtant conséquente au travers des questions majeures étudiées. Pour Grolleau
et al. (2008), si les normes relatives aux produits deviennent inutiles lorsque le produit n’est
plus l’objet de transaction59, et si les normes portant sur la compétence et la qualification des
individus n’ont plus de raison d’être lors du départ des salariés60, les normes
organisationnelles s’affranchissent de ces limites en se rattachant au fonctionnement normal
de l’organisation, « de telle sorte que les changements précités n’affectent pas directement la
dite normalité ». Les normes organisationnelles sont transférables lors d’un changement de
contexte (Grolleau et al., 2008).
Les techniques de gestion et d’assurance de la qualité telles celles inscrites dans les
normes ISO 9000, supposent la mise en place de dispositions internes aux entreprises pour
élever la fiabilité de leurs processus, mais également la codification des rapports entre les
donneurs d’ordre et les sous-traitants (Segrestin, 1997). La documentation qualité promue par
la norme ISO 9001 vise à créer des routines et à rendre le comportement des agents
organisationnels prédictibles (Lambert et Ouedraogo, 2010). En plus de cette codification
sociale, Cochoy, Garel et de Terssac (1998) rappellent l’interprétation du développement des
normes ISO 9000 par la littérature, apparaissant sous la forme d’un développement
d’agencements organisationnels, d’une production de traces, de la constitution d’une mémoire
de l’entreprise. Cochoy et al. (1998)61 évoquent une sédimentation de l’expérience du fait de
58
Même si les auteurs notent que beaucoup de ces travaux portent sur la manière d'obtenir la certification ISO 9000, et ne
traitent généralement pas - avec toute la rigueur statistique -, de la valeur commerciale de la certification ISO 9000.
59
Avec la fabrication d’un nouveau produit, la norme n’est plus pertinente et peu transférable.
60
Dans ce cas, la capacité de ces normes portant sur les acquis, les compétences, les comportements ou la moralité des
individus (par exemple, pour les fonctions de médecins ou de commissaires aux comptes) à attester la normalité, n’est pas
conservée par l’organisation.
61
Les auteurs citant Campinos-Dubernet et Marquette (1997).
la norme. Ces aspects passent par ce que les auteurs qualifient de glissement massif de l’oral
vers l’écrit. A ce niveau, la norme ISO 9001 suppose de formaliser les connaissances
individuelles afin d’en faire profiter l’organisation, en comparaison du mode oral - habituel -
de transmission des connaissances. La norme ISO 9001 cherche à extraire le savoir privé,
local et hétérogène des salariés et des services pour le mettre à disposition de l’organisation
dans un langage accessible à tous (Cochoy et al., 1998 : 682).
Le management semble bien être, dans ses développements actuels, l'inscription de croyances
et de convictions partagées dans un appareillage gestionnaire visant à réifier des
représentations en règles, c'est-à-dire à normaliser ». Selon cette idée, le management revient
à normaliser les comportements. Le management est désormais en lien étroit avec les normes.
Mais tout comme Bouquin (2005a) posant la question, « le contrôle de gestion n’est-il pas
tout simplement du management ? »62, norme et management seraient-ils en fait la même
chose ? Cette question ne trouvera pas de réponse ici. Toutefois, si l’on retient la définition de
l’ISO où la norme « […] fournit, pour des usages communs et répétés, des règles, des lignes
directrices ou des caractéristiques, pour des activités ou leurs résultats, garantissant un
niveau d'ordre optimal dans un contexte donné », on peut en déduire une proximité entre la
norme et le management. Cette proximité ne se situe pas rigoureusement dans la séquence
prévoir/organiser/commander/coordonner/contrôler définie par Fayol (1999), et dont
Mintzberg (2007) explique que ces mots-clés enchaînent le lecteur dans une vision qui ne
correspond pas aux activités réelles des managers, mais elle s’apprécie à l’aune d’un point de
vue rénové du management. Mais comment le management se définit-il ?
Dans la littérature, le terme de management est très proche de celui de gestion, bien
qu’il ne s’agisse pas tout à fait de la même chose. Nous en proposons donc une définition,
afin de les distinguer. La « Gestion » peut se définir comme le pilotage d’actions à l’aide de
moyens techniques et scientifiques pour atteindre les objectifs de l’organisation, dans une
perspective d’efficacité et d’efficience. Le « Management » s’inscrit lui dans une perspective
plus large qui privilégie les aspects stratégiques, politiques et humains, aux aspects techniques
et scientifiques : « Dans le langage habituel, on rencontre parfois l’expression « gestion et
management ». Les deux notions tirent profit d’une association qui compense leur
incomplétude respective » (Le Duff [dir.], 1999 : 553). Pour Burlaud (2009 : 29-30) : le
« Management est l’ensemble des méthodes employées pour diriger, gérer une organisation
ou un projet en vue de la réalisation d’un objectif et en optimisant la mise en œuvre des
ressources matérielles et humaines ». A la lumière de ces éléments de définition, on constate
la proximité effective entre norme et management.
62
Ce que pensent certains auteurs précise Bouquin.
63
Nous reviendrons plus loin sur cette appellation.
Partant de ces éléments de définition, la norme de management ISO 9001 focalise sur
les comportements au moyen de la qualité.
Tel que défini par l’ISO, le terme de qualité admet l’idée d’une multitude de contextes
d’application. Puisque la qualité peut porter à la fois sur un produit et un service, c’est à
64
Version 2005.
65
La norme ISO 9000 relative aux principes essentiels et vocabulaire du management de la qualité est indispensable pour
l’application de la norme ISO 9001 « Système de management de la qualité » (ISO, 2008 : 1).
66
Selon la norme ISO 9000, un système est un « ensemble d’éléments corrélés ou interactifs ».
dessein que la définition de l’ISO est large car au-delà de sa nature subjective, la perception
de la qualité dépend aussi du point de vue où l’on se place. Igalens (1999a) identifie trois
points de vue de la qualité (cf. tableau 1-10, ci-après) : 1) le point de vue du client pour qui la
qualité d’un produit/service doit satisfaire ses besoins d’utilisateur, 2) le point de vue du
producteur pour qui la qualité vise à produire au moindre coût des produits/services qui
satisfont les besoins des clients et 3) le point de vue de l’entreprise pour qui la qualité vise à
mobiliser l’ensemble du personnel pour améliorer la qualité des produits/services, la qualité
du fonctionnement et la cohérence avec les objectifs fixés. Alors que le point de vue du
producteur focalise sur le coût de production au regard des caractéristiques du produit/service,
le point de vue de l’entreprise focalise sur le management des salariés, même si les deux
points de vue visent la qualité des produits/services.
Le client
L’entreprise
Le producteur
67
HAMMOURABI ou HAMMOU-RAPI, roi de Babylone (1793 – 1750 av. J-C.). Il fonda le premier Empire babylonien et
fit rédiger un code (le code d’Hammourabi), recueil de cas de jurisprudence gravé sur une stèle de basalte retrouvée à Suse en
1901 – 1902 (musée du Louvre) Le Petit Larousse Illustré (2008).
68
Fonction du principe de réciprocité entre le crime et la peine.
pas fait que son œuvre tienne, et (si) un mur est tombé, ce bâtisseur rendra ce mur solide avec
son propre argent. » (Cruveilhier, 1938 : 233). Martinez (2001 : 19) rapproche également le
principe de responsabilité à celui de qualité en mentionnant l’article 218 relatif à la
responsabilité des médecins : « si un médecin opère un homme pour blessure grave avec une
lancette de bronze et cause la mort de l’homme ou s’il ouvre un abcès à l’œil d’un homme
avec une lancette de bronze et détruit l’œil de l’homme, il aura les doigts coupés. ».
Plus récemment, si le taylorisme est une phase clé dans le développement de la qualité
(Gogue, 1997 ; Segrestin, 1997 ; Martinez, 2001 ; Lérat-Pytlak, 2002), on doit son
développement et sa promotion à ceux que l’on nomme les « gourous70 » de la qualité. Parmi
les plus cités, William E. Deming, Joseph M. Juran, Philip B. Crosby, Kaoru Ishikawa et
Armand V. Feigenbaum figurent au titre des « gourous » ayant favorisé le développement de
la qualité (Dick, 2000 ; Sousa et Voss, 2002 ; Molina-Azorín, Tarí, Claver-Cortés et López-
Gamero, 2009 ; Lambert et Ouedraogo, 2010 ; Bruno, 2013) ; certains ayant d’ailleurs un
style surprenant (Crusilleau, Dragomir et Halais, 1999)71. Le tableau 1-11 ci-après précise
certaines de leurs principales contributions.
69
Colbert favorisa le développement de l’industrie et du commerce en France sous Louis XIV. Il fut surintendant des
bâtiments du roi, contrôleur des finances puis secrétaire d’Etat à la Maison du roi et à la marine (Le Petit Larousse Illustré,
2008).
70
Le terme de « gourou » est récurrent dans la littérature (Dick, 2000 ; Molina-Azorín et al., 2009 ; Bruno, 2013) pour
qualifier les maîtres à penser du management de la qualité.
71
Les auteurs font référence à Philip Crosby, rapprochant la qualité à la sexualité : « La qualité a beaucoup de points
communs avec la sexualité. Tout le monde y est favorable (si certaines conditions sont remplies, cela va de soi). Tout le
monde croit la comprendre (bien que personne ne se risquerait à l’expliquer). Tout le monde croit que pour passer aux actes,
il suffit de se laisser aller à ses prédispositions naturelles. (Après tout, on ne s’en tire pas si mal). Et, bien sûr, la plupart des
gens considèrent que, dans ces domaines, tous les problèmes sont dus aux autres. (Ah, si seulement ils voulaient prendre le
temps de faire les choses correctement). Dans un monde où la moitié des mariages s’achève très souvent par une séparation
ou un divorce, pareilles convictions sont sujettes à caution » (Crosby, 1986 : 17-18).
Deming est, entre Juran a, entre autres, Crosby a, entre autres, Ishikawa est, entre Feigenbaum a, entre
autres, à l’origine du mis en évidence les développé les notions autres, à l’origine des autres, développé la
développement du différents coûts de la de qualité gratuite « cercles qualité » et notion de coûts de la
P.D.C.A. Il a par qualité. Il a également (« quality is free ») et des «7 outils qualité et d’« usine
ailleurs défini 14 promu une séquence de zéro défaut (« zero classiques de la fantôme ». Il est à
points en faveur du de 3 processus de defects »), et promu 4 qualité » pour la l’origine du concept
management ainsi que gestion (Juran’s absolus de la qualité résolution de de maîtrise totale de
7 « maladies trilogy) comprenant la et 14 points pour problèmes, dont le la qualité (« Total
mortelles » du planification, le améliorer la qualité. diagramme cause- quality control »).
management, et contrôle et effet en arêtes de
promu une méthode l’amélioration, et poisson dit,
de connaissance promu 10 phases pour « diagramme
approfondie. améliorer la qualité. d’Ishikawa ». Il a par
ailleurs promu une
approche totale de la
qualité (« Company
Wide Quality
Control »).
72
Nous présentons ce cycle un peu plus loin.
73
Shewart est parfois identifié comme un des « gourous » de la qualité. « Les bases de la qualité sont en partie issues des
travaux statistiques de Fischer et Shewhart. Ce sont ensuite des américains (Juran, Deming, Feigenbaum) qui à la fin de la
deuxième guerre mondiale ont développé le concept de qualité. Sa diffusion au Japon a été rapide et de nouveaux maîtres
comme Ishikawa, Tagushi développent autant les concepts que les techniques statistiques. » (Grandhaye, 1999 : 1009).
L’ISO 9001 est une norme qui vise à réguler et à soutenir une grande variété
d’activités de management (y compris la conception, la production, les contrats, les achats, la
gestion des ressources humaines et la relation clients), mais aussi à faciliter leur coordination
(Tang et Lee, 2009). En d’autres termes, il s’agit de maîtriser l’activité de l’organisation. A ce
niveau, Levine et Toffel (2010) soulignent par exemple des études rigoureuses menées dans
l’industrie américaine sur l’influence de la norme ISO 9001 sur la maîtrise de l’activité de
l’organisation, c’est-à-dire les conséquences de la norme ISO 9001 sur la performance des
entreprises (cf. tableau 1-12 ci-après).
Tableau 1-12 : Etudes rigoureuses sur l’influence de la norme ISO 9001 sur la performance
des entreprises (Levine et Toffel, 2010)
74
Même si le secteur d’activité de la communication est représenté.
Un SMQ conforme à la norme ISO 9001 peut être certifié, on parle de norme
certifiable. Le certificat est délivré par un organisme - tierce partie - certificateur (e.g. Bureau
Veritas Certification, AFAQ, SGS), après avoir réussit l’audit de certification. Le certificat
permet la reconnaissance de l’organisation en matière de qualité. Chaque organisation conçoit
son propre SMQ qui s’ajuste aux besoins spécifiques de l’organisation, dans le respect des
exigences de la norme ISO 9001 (Singels, Ruël et van de Water, 2001). La norme ISO 9001
se veut un modèle pour la qualité qui s’applique aux processus de l’organisation, pour l’aider
à s’améliorer et à garantir un niveau de qualité constant (Psomas et Fotopoulos, 2009). Les
statistiques présentées maintenant témoignent de sa prédominance.
75
The ISO Survey of Certifications 2011 (ISO, 2012).
76
Pouvant s’expliquer par la révision prochaine de la norme en 2015, selon l’ISO (site consulté en juillet 2014 :
http://www.iso.org/iso/FR/home/news_index/news_archive/news.htm?refid=Ref1686).
77
Ces réseaux sont constitués d’entreprises, de clients, de fournisseurs, d’organisations gouvernementales et non
gouvernementales.
Croissance 2011 des certifications ISO
9001 (croissance annuelle) en %
8
6
4
2
0
‐2 Afrique Amérique Amérique Europe Asie de Asie du Moyen
du Sud et du Nord l'Est et Sud et Orient
‐4
Amérique Pacifique Asie
‐6 Centrale Centrale
‐8
‐10
‐12
Figure 1-5 : Croissance 2011 des certifications ISO 9001 (croissance annuelle) en %78
Répartition 2011 des certifications
ISO 9001 (vue d'ensemble) en
nombre Afrique
471836 Europe
492248
Asie de l'Est et Pacifique
Asie du Sud et Asie
Centrale
Moyen Orient
Figure 1-6 : Répartition 2011 des certifications ISO 9001 (vue d’ensemble) en nombre80
78
Source : The ISO Survey of Certifications 2011 (ISO, 2012).
79
Source : The ISO Survey of Certifications 2011 (ISO, 2012).
80
Source : The ISO Survey of Certifications 2011 (ISO, 2012).
Répartition 2011 des certifications
ISO 9001 (répartition régionale) en %
Afrique
0,7
3 1,5 4,6 3,4 Amérique du Sud et
Amérique Centrale
Amérique du Nord
42,4 Europe
44,3
Asie de l'Est et
Pacifique
Asie du Sud et Asie
Centrale
Moyen Orient
Figure 1-7 : Répartition 2011 des certifications ISO 9001 (répartition régionale) en %81
Bien que la norme ISO 9001 soit présente partout dans le monde, on note des
déséquilibres entre les différentes régions du globe. L’Europe et l’Asie de l’Est et Pacifique82
cumulent la presque totalité des certificats pour plus de 86 %. Pour l’Europe, cette situation
peut résider dans l’intérêt plus important des entreprises européennes à la certification
(Martínez-Costa et Martínez-Lorente, 2007), qui a eu comme conséquence de rendre ces
entreprises pionnières dans la certification (Corbett, 2006), ou en raison de la localisation en
Europe de la majorité des comités de normalisation (Gorgeu et Mathieu, 1996). Les pays
d’Asie de l’Est et du Pacifique concentrent une partie importante de pays industriels
exportateurs de produits manufacturés, ce qui peut expliquer la présence d’organisations
certifiées à la norme ISO 9001. On note que l’Amérique du Nord est faiblement représentée,
alors même que les États-Unis figurent au titre des trois pays en tête du classement du nombre
de certificats ISO/TS 16949, concernant les exigences à l’application de la norme ISO 9001
par les fournisseurs de l’industrie automobile, ainsi que du classement du nombre de
certificats ISO 13485, concernant les exigences de management de la qualité pour le secteur
des dispositifs médicaux à des fins réglementaires83. Si l’on considère que les entreprises
81
Source : The ISO Survey of Certifications 2011 (ISO, 2012).
82
L’Asie de l’Est et le Pacifique sont composés de plusieurs pays, par exemple : l’Australie, la Chine, le Cambodge, Hong
kong, l’Indonésie, le Japon, la Corée du Sud, la Corée du Nord, la Malaisie, la Mongolie, la Nouvelle Zélande, Singapour, la
Thaïlande, le Viêt-Nam.
83
Selon les informations de l’ISO (site consulté en juillet 2014 :
http://www.iso.org/iso/FR/home/news_index/news_archive/news.htm?refid=Ref1686).
américaines (i.e. les États-Unis d’Amérique) avec des exportations importantes vers l’Europe
sont, seulement, celles qui recherchent la certification ISO 9001 (Corbett, Montes-Sancho et
Kirsch, 200584) et que l’Europe ne représente que 16,77 %85 des exportations américaines (i.e.
les États-Unis d’Amérique) selon les statistiques 2012 de l’Organisation Mondiale du
Commerce (OMC), on peut en déduire un début d’explication à la faible représentation de la
région Amérique du Nord dans le nombre total de certifications ISO 9001.
Le classement des dix premiers pays (en nombre de certificats et en croissance) fait
figurer une part importante de pays d’Asie de l’Est et Pacifique (cf. tableau 1-14, ci-après).
Les pays d’Europe figurent néanmoins dans le top 10 des pays détenteurs de certificats ISO
9001 (cf. tableau 1-15, ci-après).
Tableau 1-14 : Classement des dix premiers pays détenteurs de certificats ISO 9001 – 2011
(ISO, 2012)
Classement des 10 premiers pays en termes de croissance du nombre de certificats ISO 9001 - 2011
1 Italie 33055
2 Chine 31175
3 Roumanie 3205
4 Viêt Nam 2743
5 République de Corée 2506
6 Malaisie 2143
7 Colombie 2099
8 Singapour 1710
9 Brésil 1662
10 Serbie 1078
Tableau 1-15 : Classement des dix premiers pays en termes de croissance du nombre de
certificats ISO 9001 - 2011 (ISO, 2012)
84
Les auteurs s’appuyant sur Anderson et al. 1999.
85
Sur un total de 2 277 milliards de dollars US d’exportations de marchandises en 2011 pour l’Amérique du nord, l’Europe
représente 382 milliards.
1 Services 203970
Produits métalliques de base et fabrication de produits
2 101848
métalliques
3 Construction 83864
4 Equipements électriques et électroniques 79237
5 Machines et matériels 58427
Tableau 1-16 : Classement des cinq premiers secteurs industriels détenteurs de certificats
ISO9001 - 2011 (ISO, 2012)
86
Les services sont l’agrégation des secteurs suivants : maison d’édition ; imprimerie ; fournisseur d’électricité ; fournisseur
de gaz ; fournisseur d’eau ; gros et commerce de détail, réparation de véhicules automobiles, de motocycle, biens personnels
et ménagers ; hôtellerie restauration ; transport, entreposage et communication ; intermédiation financière, immobilier,
location, technologie de l’information ; service d’ingénierie ; administration publique, enseignement ; santé et travail social ;
autres services sociaux, autres services.
Les normes ISO 9001, ISO 9002 et ISO 9003 furent donc véritablement les premières
normes qualité internationales à prescrire des exigences en faveur d’un système qualité.
87
La norme ISO 9002 version 1994 est identique à la norme ISO 9001 version 1994, sauf qu’elle ne prend pas en compte les
aspects conception et développement.
88
La norme ISO 9003 version 1994 ne concerne que les essais et contrôles finaux.
En fonction du retour d’expérience de l’application des normes ISO 9001, ISO 9002 et
ISO 9003, le Comité technique de l'ISO (ISO/TC) 176 a engagé la révision de ces normes
qualité, à la fin des années quatre-vingt-dix. L’objectif de la révision visait à rendre les
nouvelles normes :
De cette révision a débouché une norme unifiée prescrivant les exigences relatives à la
qualité : l’« ISO 9001 version 2000 - Systèmes de management de la qualité - Exigences ».
Dans la version 2000, le vocable « assurance qualité » n’est plus utilisé, les prescriptions de la
norme s’étendent aux services (en plus des produits) et le système de management de la
qualité s’est substitué au système qualité, traduisant l’appréhension de la qualité selon une
perspective globale, harmonieuse et interactive de l’entreprise pour l’atteinte de ses objectifs
(Pinet, 2009).
Pour Gotzamani (2010), la famille des normes ISO 9000 version 2000 a été prévue
pour faire progresser le management de la qualité par rapport à la version (précédente) 1994 et
pour former de nouvelles bases pour l’amélioration continue et l’excellence des affaires. Le
passage de la version 1994 à la version 2000 de la norme ISO 9001 se traduit par une
intégration plus large de la philosophie du TQM (Gotzamani, 2005 ; Dhaouadi, El Akremi et
Igalens, 2008 ; Martínez-Costa, Choi, Martínez et Martínez-Lorente, 2009), notamment
l’implication du personnel, l’amélioration continue (Dhaouadi et al., 2008), le leadership et la
satisfaction client (Gotzamani, 2005).
Gotzamani (2010) souligne que la version 2000 de la norme ISO 9001 a permis une
amélioration de l’orientation client et de l’amélioration continue. Selon l’auteur, les managers
n’ont pas témoigné de difficultés particulières dans le processus de mise en œuvre de la
norme. Tsekouras, Dimara et Skuras (2002) précisent que la version révisée de la norme ISO
9000 (version 2000) est étroitement alignée sur le TQM, l’excellence des affaires, et les
systèmes de management intégrés. Pour les auteurs, la norme ISO 9001 comble le fossé entre
les systèmes de management visant à assurer la conformité au client, et les objectifs
stratégiques de réalisation d’excellence des affaires et de système de management intégré. A
ce niveau, la norme revient à maîtriser l’activité de l’organisation. Cette idée est récurrente
dans nos propos. Elle revient à considérer légitimement la notion de contrôle de
l’organisation ; notion qui sera largement développée plus loin. Si la norme ISO 9001 est
associée à la notion de TQM, il convient de la définir.
La norme ISO 9001 est pour ses promoteurs une composante significative du TQM,
alors que pour ses détracteurs elle a peu de rapport avec le TQM ; il s’agit d’une procédure
bureaucratique qui constitue une barrière à l’entrée dans les marchés où elle est utilisée
comme une norme réglementaire (la certification étant vue comme un droit à s’acquitter pour
faire du commerce international). Martínez-Lorente et Martínez-Costa (2004) suggèrent
même que certains principes de l’ISO 9000 - selon la version 1994 - et la philosophie du
TQM se contredisent et que leur mise en œuvre concomitante n’est pas bénéfique pour la
performance opérationnelle de l’entreprise. Les auteurs concluent néanmoins à la perspective
selon laquelle la version 2000 de la norme ISO 9001 pourrait produire des résultats positifs
pour l’entreprise dans l’idée de ceux du TQM, eu égard aux dimensions « soft » qu’elle
partage désormais avec, c’est-à-dire : le management des ressources humaines et l’orientation
client.
Si pour Han et al. (2007) c’est tout autant l’action de l’ISO 9001 que celle du TQM
qui influence indirectement la performance des affaires via l’amélioration de la compétitivité
de l’organisation89, Lambert et Ouedraogo (2008) indiquent que même si elles présentent des
différences significatives, les deux approches (management de la qualité selon l’ISO 9001 et
le TQM) sont similaires en de nombreux points. Elles insistent toutes les deux sur la nécessité
89
Les auteurs expliquent que ni l’ISO 9001 ni le TQM n’ont de relation positive directe avec la performance des affaires.
d'avoir une politique qualité claire, d'adopter une démarche d'amélioration continue, de faire
de la prévention prévalant sur la correction, et de mesurer l'efficacité du système.
Le débat sur la relation entre la norme ISO 9001 et le TQM, et leur influence sur la
performance des affaires, semble loin d’être clos. Toutefois, les versions de la norme ISO
9001 publiées depuis 2000 (i.e. la version publiée en 2000 et la version publiée en 2008)
inspirées du TQM et focalisant sur les dimensions « soft » (i.e. management des ressources
humaines), semblent favoriser une vision moins divisée de la communauté académique où la
norme apparaît désormais comme un bon premier pas vers le TQM (Gotzamani et Tsiotras,
2001 ; Magd et Curry, 2003 ; Han et al., 2007), même s’il n’y a pas d’accord général des
auteurs sur cette question (Sampaio et al., 2009). Mais sur quoi s’appuie la norme
exactement ?
90
Vocable identique à celui d’approche processus.
91
e.g. la comptabilité de gestion de type ABC ou ABM souligne Debruyne (2002).
92
Plus loin, nous présentons l’approche processus.
¾ La norme ISO 9004 (version 2009) « Gestion des performances durables d’un
organisme - Approche de management par la qualité » ;
¾ La norme ISO 19011 (version 2012) « Lignes directrices pour l’audit des systèmes
de management ».
Cette famille s’articule selon le concept du P.D.C.A (encore appelé cycle ou roue de
l’amélioration continue, ou de Deming, et représenté par le schéma classique correspondant à
la figure 1-8, ci-après). Il s’agit d’un cycle de quatre étapes successives ordonnées - (P)
planification de l’action, (D) réalisation de l’action, (C) vérification et interprétation des
résultats de l’action et (A) réaction et standardisation au regard des informations de l’étape
précédente -, schématiquement représenté par une roue, symbolisant un mouvement continu
en faveur du progrès. Selon les auteurs, cette articulation peut différer. Par exemple, pour
Chardonnet et Thibaudon (2003) il s’agit de la séquence - P (9004) - D (9001) - C (19011) - A
(9000), où la planification est directement portée par le référentiel de gestion des
performances, et la réaction par le référentiel des principes de management de la qualité. Pour
Mathieu (2000), il s’agit de la séquence - P (9000) - D (9004) - C (9001) - A (19011), où la
vérification est portée par le référentiel des exigences du management de la qualité et la
réaction par le référentiel d’audit.
•Plan (préparer,
•Do (développer, planifier,
mettre en œuvre) organiser)
D P
Amélioration Excellence
C A continue
•Check (mesurer,
vérifier) •Act (corriger, modifier, réagir
pour améliorer et standardiser)
93
Notons que, contrairement au schéma habituel où la norme ISO apparaît sous la forme d’une cale (empêchant la roue de
redescendre), nous représentons la norme par un levier mû par une force de traction caractérisant une action permanente qui,
de facto¸ empêche un retour en arrière ; ceci nous semblant mieux correspondre à la philosophie de la norme.
Notons que pour certains auteurs (Porter, 1996), les gains liés aux améliorations
opérationnelles spectaculaires issues des outils du management de la qualité, tel le P.D.C.A,
ne se traduisent pas par une rentabilité durable. Selon Porter (1996), ces outils de gestion
prenant la place de la stratégie dans l’entreprise, poussent les gestionnaires à promouvoir
l’amélioration sur tous les fronts, ce qui les éloignent de positions concurrentielles viables. Ce
point relativise le lien entre norme ISO 9001 et performance.
Bien que la norme ISO 9001 s’articule avec le cycle P.D.C.A, elle peut s’apprécier
conjointement à d’autres modes de management, par exemple, le lean management, dont sa
déclinaison opérationnelle le lean manufacturing (ou encore le lean production). Le lean
manufacturing est une philosophie qui intègre un ensemble d'outils et de techniques dans le
processus de l'entreprise pour optimiser le temps, les ressources et la productivité, tout en
améliorant le niveau de qualité des produits ou des services aux clients (Thornton, 2000). Par
méconnaissance, le lean management peut être confondu avec une démarche qualité de type
ISO 9001 (Riant, 2012) alors qu’il s’agit d’une méthode d’amélioration parmi d’autres (Zu,
Fredendall et Douglas, 2008). Le lean manufacturing est, à tort, régulièrement associé au Six
Sigma qui, bien que présentant des caractéristiques communes dans la réduction des
gaspillages et dans l’amélioration des processus, est une méthode d’amélioration focalisant
sur une variété de mesures quantitatives pour l’amélioration continue (Zu et al., 2008). Pour
King et Lenox (2001), la norme ISO 9001 constitue une étape vers une démarche de lean
production.
La série des ISO 9000 est soutenue par un ensemble de fascicules de documentation
(FD X 50-1..) publiés par l’AFNOR, faisant l’objet des exigences des processus génériques
(i.e. responsabilité de la direction, management des ressources, réalisation du
produit/management des processus et mesures, analyse et amélioration) de la norme ISO
9001 (figure 1-9, ci-après).
Figure 1-9 : Cartographie des documents de la série des ISO 9000, AFNOR (2002 : 27)
La norme ISO 9001 est la seule des quatre normes à être certifiable. A noter que ce
n’est pas la norme qui est à proprement parler certifiable, mais le système de management de
la qualité qui en est décliné ; la norme renvoie de manière exclusive à la réalisation d’un
SMQ. La norme ISO 9000 constitue un pré-requis pour la mise en œuvre de l’ISO 9001. Les
principes et le vocabulaire du management de la qualité précisés dans la norme ISO 9000 sont
des éléments essentiels à appréhender pour la mise en œuvre d’un SMQ conforme à l’ISO
9001. La norme ISO 19011 d’audit correspond à l’évaluation de la conformité du SMQ au
regard des exigences de l’ISO 9001, il s’agit d’une étape de vérification. Enfin, la norme ISO
9004 propose une perspective du management de la qualité plus large que celle de l’ISO 9001
en prenant en considération les besoins et attentes de toutes les parties intéressées, et elle
propose des lignes directrices pour l’amélioration continue et systématique des performances
de l’entreprise, dans une perspective durable. Elle soutient particulièrement la phase de
réaction du P.D.C.A, en faveur de l’amélioration.
Nous suggérons ainsi une autre séquence94 de l’articulation de la famille des ISO 9000
selon le concept du P.D.C.A (cf. figure 1-10). Dans ce cas, la norme ISO 9000 relative aux
principes essentiels et vocabulaire constitue la planification d’un système de management de
94
Différente de celle de Chardonnet et Thibaudon (2003) et de celle de Mathieu (2000) ; cf. supra.
la qualité. La norme ISO 9001 porte la réalisation d’un SMQ. La norme ISO 19011 soutient la
phase de vérification des actions issues du SMQ. La norme ISO 9004 renvoie aux actions
d’amélioration pour une performance durable de l’organisme.
ISO 9000
Principes P
ISO 19011
Audit C
En 2008, est apparue une nouvelle version de la norme ISO 9001. Cette révision avait
pour objectif d’améliorer la compatibilité de l’ISO 9001 avec la norme ISO 14001 « Systèmes
de management environnemental – Exigences et lignes directrices pour son utilisation ». La
prochaine révision de la norme ISO 9001 aura lieu en 2015.
Mais que comprend exactement la norme ISO 9001 ? Pour l’observateur extérieur, il
s’agit souvent d’un recueil d’exigences fermes auxquelles on ne peut se soustraire, sous peine
de ne pas être certifié. La situation est tout à fait différente. La norme de management de la
qualité ISO 9001 repose sur un ensemble de prescriptions. Pourtant, la norme ISO 9001
mentionne des exigences. En fait, il ne s’agit pas d’exigences au sens strict du terme, mais de
prescriptions à interpréter au sens de conditions requises en faveur du fonctionnement de
l’organisation. La norme ISO 9001 s’articule autour de huit chapitres.
La norme ISO 9001 version 2008 précise les différentes exigences relatives aux
systèmes de management de la qualité. Elle est structurée autour des principes mentionnés
dans la norme ISO 9000 version 2005 (cf. infra). Elle est organisée en huit chapitres, eux-
mêmes déclinés en articles :
1. Domaine d’application ;
2. Références normatives ;
3. Termes et définitions ;
4. Système de management de la qualité ;
5. Responsabilité de la direction ;
6. Management des ressources ;
7. Réalisation du produit ;
8. Mesure, analyse et amélioration.
La figure 1-11 ci-après schématise la structure des chapitres prescriptifs stricto sensu95
de la norme ISO 9001. L’annexe 3 précise les chapitres et les articles subordonnés de premier
niveau96, illustrés par des exemples.
95
Les chapitres 1, 2 et 3 de la norme ne constituent pas, à proprement parler, des prescriptions, il s’agit davantage de
chapitres portant sur des indications du SMQ.
96
Les chapitres de la norme ISO 9001 sont organisés en liste à trois niveaux (e.g. article 6.2.1), complétés par des notes.
Chapitre 4 :
Chapitre 5 : Chapitre 6 : Chapitre 8 :
Système de Chapitre 7 :
Responsabilité de la Management des Mesure, analyse et
management de la Réalisation du produit
direction ressources amélioration
qualité
La norme ISO 9001 repose sur huit principes fondateurs essentiels, orientant le
management de la qualité. La norme ISO 9000 version 2005 (Systèmes de management de la
qualité - Principes essentiels et vocabulaire) précise les huit principes qui structurent le
management de la qualité, et ainsi la norme ISO 9001 (cf. tableau 1-17, ci-après) L’annexe 4
explicite les huit principes.
97
Pour la lisibilité de la figure, nous limitons la présentation de la structure aux chapitres prescriptifs et à leurs articles
subordonnés de premier niveau.
a) Orientation client
b) Leadership
c) Implication du personnel
d) Approche processus
f) Amélioration continue
98
European Foundation For Quality Management : ce modèle d’excellence se base sur neuf critères (- Leadership, -
Stratégie, - Personnel, - Partenariats et ressources, - Procédés, produits et services, - Résultats « clients », - Résultats «
personnel », - Résultats de la société, et - Résultats commerciaux) pour l’évaluation des systèmes de management total de la
qualité. Il débouche sur l’attribution d’un prix.
La norme ISO 9000 version 2005 précise également les termes et définitions relatifs aux
systèmes de management de la qualité, c’est-à-dire :
L’approche processus sur laquelle se base la famille des normes ISO 9000 est illustrée
dans la norme ISO 9000, ainsi que dans la norme ISO 9001, par la figure 1-12, ci-après.
Figure 1-12 : Modèle d’un système de management de la qualité basé sur les processus (ISO,
2008)
Nous l’avons dit, la norme ISO 9001 se fonde sur le management des processus en
faveur du résultat escompté. La norme ISO 9000 relative aux principes essentiels et
vocabulaires du management de la qualité mentionne qu’« un résultat escompté est atteint de
façon plus efficiente lorsque les ressources et activités afférentes sont gérées comme un
processus » (2005 : V). A partir du cycle de l’amélioration continue (P.D.C.A) sur lequel elle
s’appuie, la norme ISO 9001 vise la maîtrise des processus de l’organisation par la
99
L’ISO définit un processus comme « un ensemble d’activités corrélées ou interactives qui transforme les éléments d’entrée
en éléments de sortie » (e.g. 2005 : 11). L’ISO précise en outre que « les éléments d’entrée d’un processus sont généralement
les éléments de sortie d’autres processus » et « les processus d’un organisme sont généralement planifiés et mis en œuvre
dans des conditions maîtrisées afin d’apporter de la valeur ajoutée ».
En conclusion, omniprésente dans nos sociétés, la norme en général est une arme
stratégique et un outil d’aide à destination des entreprises. L’assimilation dont elle fait l’objet
avec les concepts de standard et de réglementation n’est pas fondée. Sa distinction est
effective et elle repose sur sa nature volontaire. Les apports généraux des normes ont été
démontrés. Le gage de confiance qui caractérise les normes s’apprécie à l’aune de leurs
inconvénients. Toutefois, le point de vue sur les inconvénients de la norme tend à évoluer.
C’est le cas avec le reproche qu’il lui a souvent été fait de constituer une barrière à l’entrée
des marchés ; en fait, la norme facilite l’accès au marché. La norme ISO 9001 est la norme de
management de la qualité la plus utilisée au monde. Elle est évolutive et caractérise le
fonctionnement normal de l’organisation. La norme ISO 9001 focalise sur l’attitude des
salariés. Elle vise la recherche de l’amélioration continue en s’appuyant sur le management
par processus pour maîtriser l’activité de l’organisation. Cette idée de maîtrise de l’activité de
l’organisation renvoie à la notion de contrôle de l’organisation. La norme ISO 9001 apparaît
comme un outil du contrôle de l’organisation. Maîtriser l’activité de l’organisation revient
notamment à se concentrer sur le comportement des salariés. Le domaine du contrôle de
gestion et la littérature sur l’influence de la norme ISO 9001 sur les attitudes des salariés sont
développés dans le chapitre II. La problématique de recherche sera énoncée au terme de ce
second chapitre.
100
La norme ISO 9000 (i.e. principes essentiels et vocabulaires du management de la qualité) souligne au sujet de
l’amélioration continue que « le processus de définition des objectifs et de recherche d'opportunités d'amélioration est un
processus permanent utilisant les constatations d'audit et les conclusions d'audit, l'analyse des données, les revues de
direction ou d'autres moyens, et qui mène généralement à des actions correctives ou préventives » (2005 : 10).
101
« Science de l’action orientée vers un but, fondée sur l’étude des processus de commande et de communication chez les
êtres vivants, dans les machines et les systèmes sociologiques et économiques ». (Petit Larousse illustré, 2008).
visent pas à trancher la question de la définition du contrôle de gestion, tant le domaine est
riche102 mais à en préciser les contours pour bien asseoir notre recherche doctorale, en lien
avec la norme ISO 9001.
Robert Anthony103 (1993 : 15) affirme qu’ « au sens large, le contrôle a pour objectif
de rendre le comportement d’une personne ou d’une chose conforme à un état souhaité ».
Selon cette idée, le contrôle semble assez éloigné de son acception habituelle de vérification
et de « flicage ». Si le contrôle au sens large focalise sur le comportement humain, on peut
s’interroger sur le rôle du contrôle appliqué à la gestion, habituellement associé aux chiffres.
Dans leur dictionnaire de gestion, Burlaud, Eglem et Mykita (2004 : 99) définissent le
contrôle104 de gestion comme l’« ensemble des dispositions prises pour fournir aux dirigeants
et aux divers responsables des données chiffrées périodiques caractérisant la marche de
l’entreprise. Leur comparaison avec des données passées ou prévues peut, le cas échéant,
inciter les dirigeants à déclencher rapidement les mesures correctives appropriées ». Cette
définition basée sur les travaux fondateurs de Robert Anthony est communément observée,
telle la définition proposée par Gervais (2009 : 12) définissant le contrôle de gestion comme
« le processus par lequel les dirigeants s’assurent que les ressources sont obtenues et
utilisées, avec efficience, efficacité et pertinence, conformément aux objectifs de
l’organisation, et que les actions en cours vont bien dans le sens de la stratégie définie ».
102
Sur ce point, Berland et De Rongé précisent « qu’il serait sans doute plus sage de parler des contrôles de gestion que du
contrôle de gestion, tant cette pratique est riche et renvoie à des réalités différentes » (2013 : 3).
103
Robert Anthony est un auteur américain de référence en contrôle de gestion.
104
Les auteurs précisent que le mot contrôle s’entend au sens de maîtrise.
Le contrôle de gestion106 est apparu dans les années vingt (Bouquin, 2007) pour aider
les dirigeants dans la gestion des entreprises en expansion résultant de fusions107 et dans la
présentation d’une image commune de la contribution des différentes composantes de
l’entreprise de grande taille à la performance globale, en se servant du langage comptable et
financier (Berland et De Rongé, 2013 : 1). Pour Anthony (1993 : 15) : « le but du contrôle de
gestion est de maintenir l’organisation « sous contrôle » dans le sens d’appliquer ses
stratégies pour atteindre ses objectifs ». L’atteinte des objectifs est une ambition de la norme
ISO 9001 au travers d’une de ses exigences générales qui est de « déterminer les critères et
les méthodes nécessaires pour assurer l’efficacité du fonctionnement et de la maîtrise de ces
processus108 » (2008 : 2). Pour définir le contrôle de gestion, nous nous appuyons largement
sur les travaux de référence d’Henri Bouquin. Ainsi, Bouquin (2005a), présentant
l’herméneutique du contrôle de gestion (où l’expression contrôle de gestion est la traduction
française - dénaturée - du management control109), sensibilise au sens du terme contrôle selon
qu’il s’agisse de sa perspective francophone (i.e. vérifier, ce que fait le contrôleur de gestion)
ou de sa perspective anglo-saxonne (i.e. avoir le contrôle, ce que recherche le manager).
105
Gervais (2009) précise s’être inspiré de R. Anthony, J. Dearden, Management Control Systems, Homewood, III., Irwin,
1976, p.6-7.
106
L’auteur précise que l’appellation « contrôle de gestion » en France remonterait aux années soixante, alors que
l’appellation management control aux États-Unis remonterait aux années quarante/cinquante.
107
Comme General Motors ou du Pont de Neumours précisent les auteurs.
108
i.e. les processus nécessaires au système de management de la qualité.
109
L’auteur soulignant que management n’est pas « gestion » et que control n’est pas « contrôle ».
L’idée du contrôle de gestion de faire faire repose sur la mobilisation des acteurs de
l’organisation (Bouquin, 2005a). A ce niveau, le management doit réussir - selon la définition
classique de la mobilisation - à faire appel à l’action des salariés, en faveur de l’atteinte des
objectifs fixés de l’organisation. C’est dans cette idée qu’Anthony (1993 : 35) définit le
contrôle de gestion comme « le processus par lequel les managers influencent d’autres
membres de l’organisation pour appliquer les stratégies ». Dès lors, le comportement des
salariés, et de manière plus exacte l’attitude des salariés, devient un enjeu crucial pour la
maîtrise de l’activité de l’organisation. A ce niveau, la norme ISO 9001 se fonde sur le
principe d’implication du personnel en mentionnant que « les personnes à tous les niveaux
sont l'essence même d'un organisme et une totale implication de leur part permet d'utiliser
leurs aptitudes au profit de l'organisme » (ISO, 2005 : V). Pour les chercheurs comme pour
les praticiens en entreprise, le contrôle de gestion est désormais vu comme un moyen de
régulation des comportements dans les organisations réalisant une activité économique
(Burlaud et Simon, 1997). Selon cette idée, le contrôle de gestion s’appuie sur des techniques
visant un contrôle à distance du comportement110 des salariés, basé sur des indicateurs
quantifiés (Burlaud et Simon, 1997 ; Gervais, 2009). Sur ce point, on retrouve l’idée de la
norme ISO 9001 où le pilotage par processus promu par la norme suppose l’établissement
d’indicateurs de pilotage.
110
Supposant « l’existence d’outils d’information capables précisément de réduire l’obstacle de la distance », rôle dévolu à
la comptabilité de gestion soulignent les auteurs (1997 : 13).
L’ambition de la norme ISO 9001 de « mettre en œuvre les actions nécessaires pour
obtenir les résultats planifiés et l'amélioration continue de ces processus111 » (ISO, 2008 : 2)
s’inscrit bien dans l’idée d’Anthony (1993 : 36), où l’auteur indique que « le but du processus
de contrôle de gestion est de mettre en œuvre les stratégies que le processus de planification
stratégique a définies pour atteindre ainsi les buts de l’organisation. Le processus implique
une interaction entre les managers et les autres membres de l’organisation, y compris
d’autres managers. Ces interactions sont une facette cruciale du processus de contrôle de
gestion et les aspects comportementaux sont importants pour comprendre ce processus ». Les
individus peuvent avoir une interprétation erronée ou différente de la stratégie, conduisant à
des comportements autonomes (Gervais, 2009). Comme les buts des individus ne convergent
pas tout à fait avec ceux de l’organisation (Anthony, 1993), autrement dit que les
comportements des salariés de l’entreprise ne sont pas forcément convergents avec les
objectifs de l’organisation, le contrôle de gestion vise à l’accroissement de la motivation des
managers, à la coopération et à la convergence des buts dans l’entreprise (Löning et al., 2013 ;
Bouquin et Kuszla, 2014112). Le contrôle de gestion cherche à inciter les managers à aller
dans le sens des objectifs de l’organisation en agissant sur leur attitude (Löning et al., 2013).
En élargissant à l’ensemble des salariés, cette affirmation s’applique à la norme ISO 9001.
Löning et al. (2013) précisent que le contrôle de gestion figure au titre de quatre
modes de convergence des buts113 : 1) le contrôle par les règlements et procédures (i.e. la
description de ce qu’il faut faire via des supports formalisés), 2) le contrôle par les facteurs
de satisfaction (i.e. l’accent mis sur les conditions de travail), 3) le contrôle de gestion par les
résultats (i.e. qui est la préoccupation de leur ouvrage et qui correspond au contrôle de
gestion), 4) le contrôle par l’adhésion à des valeurs communes (i.e. un contrôle a posteriori
consistant « à sélectionner les individus à travers le recrutement, puis à les inciter, à travers
111
i.e. les processus nécessaires au système de management de la qualité.
112
« Comme outil des managers et des dirigeants, [le contrôle de gestion] est une technologie de la gouvernance interne, qui
organise les délégations que les dirigeants confient aux managers et autres acteurs de l’entreprise. En effet, les dirigeants
transmettent aux managers la mission de concrétiser les directives qu’ils ont eux-mêmes reçues. Pour cela, ils doivent
organiser la convergence des buts, organiser le pilotage, évaluer les succès, les risques et les échecs pour s’adapter »
(Bouquin et Kuszla, 2014 : 13).
113
« […] au sens de méthodes dont on dispose pour faire adhérer les membres de l’organisation aux objectifs de l’entreprise
[…] », précisent les auteurs (2013 : 9).
la formation, à se comporter dans le sens attendu par l’organisation », soulignent les auteurs,
2013 : 11) ; ce qui montre bien la richesse du domaine du contrôle.
Basée sur l’implication de l’ensemble des salariés, la norme ISO 9001 est une norme
générique, applicable quel que soit le type d’organisation. Dans cette même idée, le contrôle
de gestion implique désormais de manière très importante les directeurs des ressources
humaines (i.e. pour la mobilisation des salariés afin de réaliser les objectifs) et concerne
l’organisation de l’entreprise (i.e. eu égard au découpage des fonctions de l’organisme) et la
direction générale (i.e. eu égard aux stratégies de la direction générale nécessitant des besoins
d’informations) (Burlaud et Simon, 1997). Le contrôle de gestion s’applique désormais à tous
types d’organisations (Burlaud et Simon, 1997). On le voit bien, le contrôle de gestion
s’inscrit dans une grande diversité. Sa définition a donc évolué comme en témoigne celle
proposée par Berland et De Rongé (2013 : 3) où le contrôle de gestion est défini comme
« l’ensemble des pratiques créatrices d’ordre et de sens reposant sur l’exploitation de
données chiffrées financières et non-financières ». Cette définition repose partiellement sur
les travaux de Chiapello (1996), définissant le contrôle comme toute influence créatrice
d’ordre. Précisément, l’auteur (1996 : 52) explique que l’ « on est dans une situation de
contrôle […], lorsque le comportement d’une personne est influencé par quelque chose ou
quelqu’un ». Chiapello (1996) illustre son idée au travers de la figure 2-1 ci-après en
soulignant que les comportements résultent de multiples influences et de sources de contrôle,
dont celles intentionnelles mises au point par le management pour assurer la maîtrise de
l’organisation114.
114
Les autres types d’influences renvoyant à celles plus difficilement maîtrisables par le management, telle la culture
d’entreprise ou la conscience professionnelle des personnes (Chiapello, 1996 : 53).
Figure 2-1 : Le contrôle comme influence créatrice d’ordre (Chiapello, 1996 : 53)
Löning et al. (2013 : 6) expliquent que, au-delà de la notion d’objectif, les ressources
et les résultats sont deux autres éléments d’importance pour le contrôle de gestion, procurant
trois critères d’évaluation pour le management115 : la pertinence (i.e. la détermination des
moyens au regard des objectifs), l’efficacité (i.e. le rapport entre le prévu et le réalisé) et
l’efficience (i.e. le rapport entre le réalisé et les moyens consommés).
115
Les auteurs indiquent qu’ « un responsable se définit par un « champ d’action » dans lequel son activité consiste à mettre
en relation trois éléments : - les objectifs à atteindre ; - les ressources mises à disposition ; - les résultats obtenus » (2013 :
6).
Le niveau planification stratégique est Le niveau contrôle de gestion est un Le niveau contrôle opérationnel (ou
un processus non systématique qui est processus systématique réalisé par les contrôle des tâches) est un processus
fonction des opportunités et des managers, qui porte sur toute consistant à s’assurer que les tâches
menaces, qui porte sur des aspects de l’organisation (contrairement à la sont exécutées de manière efficace et
l’organisation et non sur toute planification stratégique qui porte sur efficiente. Les règles qui doivent être
l’organisation, il est réalisé par la des aspects de l’organisation) et est suivies pour accepter ces tâches sont
direction et est basé sur le jugement basé sur l’interaction personnelle plutôt présentées dans le cadre du processus
plutôt que sur l’interaction personnel. que sur le jugement (contrairement à la de contrôle de gestion.
planification stratégique).
116
« Souvent comptables » précisent les auteurs (2013 : 93).
même manière. Dans ce cadre, Simons (1991) identifie deux types de systèmes de contrôle de
gestion : des systèmes de contrôle diagnostique et des systèmes de contrôle interactif. Dans
les systèmes de contrôle diagnostique, la stratégie est une contrainte et les systèmes
d’information sont utilisés pour informer les managers si les résultats ne sont pas conformes
aux plans (Simons, 1991) ; les managers pouvant engager des actions correctives117. Les
systèmes de contrôle diagnostique s’inscrivent « dans la logique classique de déploiement de
la stratégie » (Sponem et Chatelain-Ponroy, 2013 : 93). Dans les systèmes de contrôle
interactif, les managers utilisent activement les systèmes d’information pour intervenir dans la
prise de décision organisationnelle, en s’impliquant personnellement et régulièrement dans les
décisions de leurs subordonnés (Simons, 1991). En focalisant leur attention sur les
incertitudes stratégiques118 qui pourraient perturber leur vision de l’avenir, les dirigeants
utilisent les systèmes d’information de manière interactive permettant d’attirer l’attention de
l’ensemble des personnels de l’organisation sur ces incertitudes (Simons, 1991) ; « les
systèmes de contrôle interactif vont ainsi favoriser la discussion, l’apprentissage et
l’émergence de nouvelles stratégies […] » (Sponem et Chatelain-Ponroy, 2013 : 94) avec les
subordonnés. La figure 2-2 ci-après de Simons schématise cette idée. Sur ce point, la norme
ISO 9001 semble relever davantage d’un système de contrôle diagnostique. Toutefois,
l’approche processus sur laquelle elle se fonde autorise la perspective d’ancrage à un système
de contrôle interactif ; la vision transversale adoptée par l’approche processus n’interdisant à
aucun moment d’inclure la stratégie, en plus des fonctions opérationnelles119.
117
i.e. à l’appui des systèmes d’information de rétroaction utilisés (e.g. les budgets) pour surveiller les résultats de
l’organisation et pour corriger les écarts par rapport aux objectifs définis (Simons, 1994).
118
Par exemple, des changements de politiques gouvernementales, l’intensité de la concurrence, l’avance des nouvelles
technologies (Simons, 1990).
119
Le management de la qualité se définit comme une philosophie de management holistique qui met l'accent sur le maintien
et l'amélioration continue de toutes les fonctions dans une organisation, avec l'objectif de répondre ou de dépasser les
exigences des clients (Molina-Azorín et al., 2009).
Vision de la
STRATÉGIE direction INCERTITUDES
D’ENTREPRISE STRATÉGIQUES
Nouvelles
Choix de la
initiatives
direction
stratégiques
SYSTÈMES DE
APPRENTISSAGE
CONTRÔLE
ORGANISATIONNEL
Signal INTERACTIF
Figure 2-2 : Modèle de processus de la relation entre la stratégie d'entreprise et les systèmes
de contrôle de gestion (Simons, 1991 : 50)
Outre les systèmes de contrôle de gestion diagnostique et interactif, plus tard Simons
(1994) propose deux autres types de systèmes de contrôle de gestion, constituant un cadre
pour l’analyse du contrôle de la stratégie d’entreprise : des systèmes de croyances et des
systèmes de délimitation. Les systèmes de croyances renvoient aux systèmes utilisés (e.g.
feuille de route) par les managers nouvellement nommés pour communiquer et renforcer les
valeurs fondamentales, le but et le sens de l’organisation ; Simons (1994) indique que
l’analyse des valeurs fondamentales influence la conception des systèmes de croyances. Les
systèmes de délimitation (e.g. code de conduite des affaires) renvoient aux systèmes utilisés
par les managers nouvellement nommés afin d’établir les limites et les règles explicites qui
doivent être respectées ; Simons (1994) indique que l’analyse des risques à éviter, influence la
conception des systèmes de délimitation. Sur ce point, considérant les différentes
prescriptions de la norme, par exemple, en faveur des valeurs fondamentales de
l’organisation120, l’ancrage de la norme ISO 9001 aux perspectives des systèmes de croyances
et des systèmes de délimitation peut être admis. La figure 2-3 ci-après de Simons schématise
ce qu’il nomme les quatre leviers de changement et de renouvellement stratégiques.
120
« 5.1 Engagement de la direction. Afin de fournir la preuve de son engagement au développement et à la mise en œuvre
du système de management de la qualité ainsi qu’à l’amélioration de son efficacité, la direction doit : a) communiquer au
sein de l’organisme l’importance à satisfaire les exigences des clients ainsi que les exigences réglementaires et légales ; b)
établir la politique qualité » (ISO, 2008 : 6).
VALEURS
RISQUES À ÉVITER
FONDAMENTALES
STRATÉGIE
D’ENTREPRISE
VARIABLES DE
INCERTITUDES
PERFORMANCES
STRATÉGIQUES
CRITIQUES
Systèmes de Systèmes de
contrôle contrôle
diagnostique interactif
Figure 2-3 : Cadre pour l’analyse du contrôle de la stratégie d’entreprise (Simons, 1994 :
173)
Figure 2-4 : Les deux dimensions du management control (Bouquin, 2005b : 12)
Figure 2-5 : Les six dimensions d’analyse des modes de contrôle en organisation (Chiapello,
1996 : 55)
121
« Le client sanctionne la qualité des produits livrés » (Gervais, 2009 : 6).
Figure 2-6 : Le contrôle de gestion et le contrôle interne au sein du modèle des « Trois lignes
de maîtrise des activités » (IFACI, DFCG, 2013 : 2)
122
Par exemple, l’audit et la certification des comptes par un commissaire aux comptes.
123
C’est-à-dire : « exécution d’opérations efficientes et efficaces, fiabilité des rapports financiers, et conformité aux lois et
réglementations en vigueur ».
124
Comme nous l’avons vu précédemment, la norme ISO 9001 ne traite pas du management des risques mais elle est
compatible avec ce type de management.
125
Pour reprendre une partie de la définition de Berland et De Rongé (2013).
126
« Le contrôle interne est l’ensemble des dispositifs formalisés et permanents décidés par chaque ministre, mis en œuvre
par les responsables de tous les niveaux, sous la coordination du secrétaire général du département ministériel, qui visent à
maîtriser les risques liés à la réalisation des objectifs de chaque ministère… » (Boullanger, 2013 : 1030).
127
« Les cellules de contrôle de gestion, qui fournissent les tableaux de bord, notamment ceux permettant de comparer les
indicateurs de performance et les coûts dans les différents services déconcentrés de l’État, jouent évidemment un rôle
central » (Boullanger, 2013 : 1031).
interne128 (Caels, 2013). Cette vision instrumentale du contrôle de gestion par les
professionnels se rencontre également dans la vision de la norme ISO 9001 comme technique
d’assurance de la qualité plutôt que comme mode de management.
CONTRÔLE ORGANISATIONNEL
(maîtrise de l’activité de l’organisation)
Planification
Système budgétaire
Tableaux de bord
Management de la qualité
128
« Le contrôle interne est une démarche managériale, structurée et accompagnée, qui s’est mise en œuvre de manière
progressive et pragmatique dans les ministères afin de sécuriser les opérations de gestion et de concourir à l’amélioration de
la qualité des comptes de l’État » (Caels, 2013 : 39).
129
Le système budgétaire est composé des budgets et du processus de contrôle budgétaire (Gervais, 2009).
Tout comme la norme ISO 9001, le contrôle de gestion s’inscrit dans la perspective de
l’amélioration continue soutenue par le cycle P.D.C.A. A ce niveau, le contrôle de gestion
s’inscrit dans la perspective cybernétique130, c’est-à-dire que le contrôle se fonde sur la
mesure de l’état d’avancement au regard des objectifs à atteindre (Sponem et Chatelain-
Ponroy, 2013) au moyen d’un feedback informationnel afin de déclencher d’éventuelles
actions correctives, plutôt que dans la perspective où le contrôle ne peut agir en constatant
l’activité réalisée au terme de la période considérée. Il s’agit d’une nouvelle similitude entre
les deux concepts. Les précédents développements ont montré les analogies entre le contrôle
de gestion et la norme ISO 9001. La suite précise cette idée d’un point de vue historique.
130
« Le contrôle de gestion permet de « gérer par les résultats » en mettant en œuvre un contrôle a posteriori. Il prend alors
la forme d’un contrôle cybernétique […] » (Sponem et Chatelain-Ponroy, 2013 : 80).
2.1.2 Contrôle de gestion et norme ISO 9001 : une proximité historique basée sur la
qualité et les coûts
Les précédents développements ont montré que la focalisation sur l’attitude des
individus et que l’approche processuelle de l’organisation, soutenant l’amélioration continue
articulée selon le cycle P.D.C.A, sont des éléments communs à la norme ISO 9001 et au
131
Référencées sur le site internet « theses.fr », consulté en mai 2014.
contrôle de gestion. Les deux approches ont comme objectif de maîtriser l’activité de
l’organisation. Par ailleurs, l’affirmation selon laquelle le contrôle apparaît comme une
fonction du management (Bouquin, 2005b) confirme la proximité de la norme ISO 9001 et du
contrôle de gestion.
Comme nous l’avons vu plus haut, l’approche processuelle de l’organisation est un des
fondements de la norme et du contrôle. Cette approche repose sur la notion de client-
fournisseur. Cette relation bilatérale (Henry, 1996) de client-fournisseur constitue une
technique d’appui (Burlaud et Simon, 1997) au contrôle de gestion soulignée par la littérature
(Burlaud et Simon, 1997 ; Bouquin et Fiol, 2007). Si l’on considère sa perspective de contrôle
à distance des comportements selon l’affirmation de Burlaud et Simon (1997), l’approche
processuelle permet un management par l’autocontrôle. Cette idée d’autocontrôle également
souligné par Nogatchewsky (2003) pour la norme, peut s’appréhender comme un contrôle
social assoupli, selon l’expression de Courpasson (1996), où la décentralisation, la
responsabilisation et la participation promues par la norme, se substituent au contrôle
hiérarchique direct.
La proximité entre le contrôle de gestion et la norme ISO 9001 dont il est question
dans cette partie s’inscrit par ailleurs dans l’idée de procédures et d’audits internes, telle que
Burlaud et Simon (1997) la mettent en valeur pour illustrer un mode de contrôle
correspondant à un pilotage mécanique. Par ailleurs, la méthode de comptabilité de gestion
ABC/ABM132 et la norme ISO 9001 basées sur les processus sont cohérentes (Debruyne,
2002). A ce niveau, les processus d’une organisation certifiée ISO 9001 favorisent le calcul
des coûts des différentes activités. Il est également intéressant de noter un autre point
commun entre le contrôle de gestion et la norme ISO 9001. La relation duale autonomie-
conformité que l’on peut retrouver dans la norme ISO 9001. A ce niveau, la norme ISO 9001
met l’accent sur l’autonomie des salariés notamment dans le pilotage des processus mais, en
même temps, elle vise la conformité aux règles formalisées dans le système de management
de la qualité. Cette situation caractérise également le contrôle de gestion, où la fonction
contrôle de gestion s’inscrit dans une perspective contradictoire d’autonomie et de conformité
(Bouquin et Fiol, 2007).
133
Qui ne se traduit pas par contrôle total de la qualité mais plutôt par maîtrise totale de la qualité.
seul stade traditionnel de la fabrication), afin de produire au niveau le plus économique (i.e.
au coût le plus bas) tout en assurant la satisfaction totale du client (i.e. avec un haut niveau de
qualité du produit demandé par le client), ce qui le différencie des autres concepts souligne
Feigenbaum (1956).
Dans ses travaux, Feigenbaum (1956) identifie deux segments de coûts : les coûts de
défaillance et les coûts d’évaluation. Sur cette base, l’auteur a procédé à une classification des
coûts de la qualité : les coûts de défaillance (i.e. les coûts de défaillance causés par des
matériaux défectueux et des produits qui ne répondent pas aux spécifications qualité de
l’entreprise, par exemple les rebuts, les reprises), les coûts d’évaluation (i.e. les coûts portant
sur les dépenses liées au maintien des niveaux de qualité dans l’entreprise par des évaluations
formelles de la qualité du produit, par exemple les audits qualité, les tests,…) et les coûts de
prévention (i.e. les coûts ayant pour but de prévenir l’apparition des défauts, par exemple les
coûts d’ingénierie de la qualité, la formation des employés à la qualité,…). Pour Feigenbaum
(1956), les pratiques traditionnelles de comptabilité analytique industrielle limitaient le plus
souvent l’identification des coûts de la qualité aux seuls coûts d’inspection ; ce regroupement
des coûts nuisant au développement d’un contrôle des coûts approprié, favorisé par le TQC
indique l’auteur. Selon Feigenbaum (1956), le TQC vise la juste qualité au juste coût, dont
l’idée est de faire bien du premier coup.
134
Ce référentiel publié en 1986 est désormais annulé.
135
i.e. coûts des anomalies internes : frais encourus lorsque le produit ne satisfait pas aux exigences de qualité avant
d’avoir quitté l’entreprise (e.g. les rebuts) ; coûts des anomalies externes : frais encourus lorsque le produit ne répond pas
aux exigences de qualité après avoir quitté l’entreprise (e.g. les frais de retour client) ; coûts de détection : dépenses
engagées pour vérifier la conformité des produits aux exigences de qualité, c’est-à-dire pour financer la recherche des
anomalies (e.g. les salaires et charges des personnels chargés des contrôles en cours et en fin de fabrication) ; coûts de
prévention : investissements humains et matériels engagés pour vérifier, prévenir et réduire les anomalies, c’est-à-dire pour
financer les actions menées au niveau des causes des anomalies (e.g. les coûts liés à la mise en œuvre d’un SMQ) .
136
Le référentiel (1986 : 3) mentionne le caractère incomplet des coûts pris en compte se « limitant » aux « coûts résultant de
la non-qualité engendrés par l’ensemble des erreurs et des défaillances ». D’autres coûts « plus difficiles à chiffrer » ne sont
pas pris en compte (e.g. excès de charges financières, retards de facturation, pertes de prestige, etc.).
137
Les autres caractéristiques de l’approche sont : - les causes de dysfonctionnements étant spécifiques à chaque organisme,
ce document, pour rester général, se limite à en identifier les effets, - le cadre général de saisie est celui des soldes
intermédiaires de gestion définis dans le système développé du plan comptable général, - elle [l’approche en question]
Selon sa célèbre expression, Feigenbaum (1956) affirme que la qualité c’est l’affaire
de tous. A ce niveau, l’auteur souligne que la maîtrise totale de la qualité ne peut s’entendre
que dans la mesure où le management responsabilise tous les employés de l’entreprise et qu’il
les soutient, notamment par une fonction « moderne » bien organisée de management,
focalisée sur la qualité du produit. Définitivement, l’attitude est un élément crucial en faveur
du management de la qualité selon la norme ISO 9001 pour l’amélioration et la maîtrise de
l’activité de l’organisation. Conformément aux précédents développements, une meilleure
connaissance des attitudes influencées par la perception de la norme ISO 9001 est de nature à
renforcer la maîtrise de l’activité de l’organisation.
complète le contrôle budgétaire en comptabilisant la totalité des coûts dus à chacun des dysfonctionnements au lieu de n’en
considérer que l’écart par rapport à la valeur prévisionnelle budgétée ; elle constitue de ce fait, l’outil indispensable à
l’amélioration des performances potentielles, hors contrôle dans l’approche budgétaire classique.
L’idée d’un management fondé sur l’humain agissant notamment sur les coûts (par
exemple, les coûts cachés liés à la non qualité) se caractérise par l’analyse socio-économique
en théorie des organisations (Plane, 2013). La référence en ce domaine se caractérise par les
travaux de l’équipe de l’Institut de Socio-économie des Entreprises et des ORganisations
(ISEOR). La préoccupation de la réduction des coûts est une idée loin d’être dépassée
(Bouquin, 2005b), en témoignent les coûts cachés que les organisations déplorent (par
exemple, cf. annexe 6, article du journal Les Echos des 11 et 12 mai 2012 avec le point de vue
de Bertrand Mabille138, portant sur les coûts cachés du travail). Sur ce point, la norme ISO
9001 constitue un renfort de poids. Qu’il s’agisse de la maîtrise globale de l’activité de
l’organisation conformément à l’objet du contrôle de gestion, ou la focalisation sur les coûts
de l’analyse socio-économique, la norme ISO 9001 est de nature à soutenir ces deux
approches en focalisant sur l’attitude des salariés. La prochaine partie précise le lien entre la
norme ISO 9001 et le contrôle de gestion socio-économique.
2.1.3 Norme ISO 9001 et contrôle de gestion socio-économique : une relation logique
A l’origine des travaux fondateurs d’Henri Savall puis du développement par l’équipe
de chercheurs de l’ISEOR (Savall, Zardet et Bonnet, 2012), l’analyse socio-économique
s’inscrit dans un contexte de prise de conscience de la qualité du management des salariés
comme facteur de compétitivité des organisations (Plane, 2013).
138
Vice-président exécutif de Carlson Wagonlit Travel France, Europe du Sud et Maghreb.
139
Contrairement à la présentation erronée qui en est souvent faite, de l’analyse socio-économique comme simple méthode
de compréhension et d’amélioration du fonctionnement interne des organisations (Savall et al., 2012).
140
Eléments cités par les auteurs que nous englobons sous l’expression de performance globale.
141
Evolution dans la vie courante et professionnelle, dans l’environnement comme dans l’entreprise, précisent les auteurs.
142
Pour les auteurs (2010 : 17) « un coût est dit caché lorsqu’il n’apparaît pas explicitement dans les systèmes d’information
de l’entreprise, tels que le budget, la comptabilité générale et analytique ou les tableaux de bord usuels ».
143
Savall et Zardet (2010 : 17) définissent l’entreprise comme un ensemble complexe comprenant cinq types de structures
(physiques, technologiques, organisationnelles, démographiques et mentales) en interaction avec cinq types de
comportements humains (individuels, de groupe d’activité, catégoriels, de groupes d’affinité, collectifs) ».
144
« Le management hoshin oriente l’ensemble des activités du personnel de toute l’entreprise de façon qu’elle atteigne ses
objectifs principaux et qu’elle réagisse rapidement aux évolutions de son environnement » (Shiba, Graham et Walden, 2003 :
371).
Sur une base contractuelle - différente d’un contrat de travail (le Contrat d’Activité
Périodiquement Négociable - CAPN145) -, l’analyse socio-économique favorise le
développement du potentiel humain au moyen, par exemple, de la formation, de la
responsabilisation par l’encadrement, etc. A ce niveau, dans le cadre d’un accord passé avec
le responsable hiérarchique, le salarié s’engage à accroître son efficacité, en contrepartie de
laquelle il recevra les moyens de monter en compétence (i.e. la formation), les moyens de
concrétiser son engagement (e.g. un budget pour l’achat d’un matériel spécifique), un
complément salarial, etc. Par exemple, un tourneur-fraiseur sur machine-outil à commande
numérique ayant convenu avec son manager de diminuer le taux de pièces rebutées de 5% sur
un an, recevra une formation complémentaire au réglage de sa machine et, le cas échéant, un
complément salarial à raison d’une quote-part liée au coût économisé des pièces
habituellement rebutées. Selon l’idée de l’analyse socio-économique, les coûts cachés réduits
se convertissent en valeur ajoutée au bénéfice des salariés, notamment par une hausse de la
rémunération autofinancée par ces coûts cachés reconvertis. En d’autres termes, les efforts
des salariés sont valorisés par une redistribution d’une quote-part de la valeur ajoutée sous
forme d’augmentation de salaire. Notons que trois conditions sont nécessaires au CAPN, pour
l’accroissement de la motivation au travail (i.e. l’activation des énergies du personnel146) :
¾ Une plus grande explicitation des règles du jeu de fonctionnement, tant par le
personnel que par l’entreprise, pour améliorer l’efficacité des comportements ;
145
Le CAPN formalise la relation professionnelle sur une période donnée entre un salarié et son supérieur hiérarchique pour
stimuler l’amélioration de la performance et de la qualité de fonctionnement basées sur des objectifs à atteindre et des
moyens alloués, conditionnant une contrepartie financière (i.e. augmentation de salarie). Savall et Zardet (2010 : 31)
expliquent que « dans son principe, le CAPN consiste à réallouer une partie des pouvoirs informels de résistance des
acteurs, lesquels engendrent des dysfonctionnements, en pouvoirs formels, pour aboutir à la fois à une efficience économique
accrue et à l’activation des énergies du personnel ». L’outil CAPN est issu du concept théorique fondamental de SIOFHIS
(Système d’Informations Opérationnelles et Fonctionnelles Humainement Intégrées et Stimulantes) développé par les
chercheurs de l’ISEOR ; désignant « la capacité de l’entreprise ou de l’organisation à stimuler des comportements efficaces
chez ses membres, afin d’atteindre les objectifs collectifs de l’entreprise » (2010 : 26).
146
Qui est l’hypothèse fondamentale du CAPN indiquent Savall et Zardet (2010).
Savall et Zardet (2010 : 75) alertent sur l’importance de la compatibilité des conditions
du CAPN avec le système de gestion du personnel habituellement en vigueur dans
l’entreprise, « faute de quoi le CAPN sera considéré par le personnel comme incohérent par
rapport aux autres outils, ce qui affectera aussitôt sa crédibilité ». En d’autres termes, si la
politique générale du personnel n’est pas compatible avec les conditions du CAPN, ce dernier
ne produira pas les effets escomptés. La négociation inhérente à un changement
organisationnel tel le CAPN entre les managers et les salariés, va conditionner sa progression
et son appropriation (e.g. Defélix, 2005). En synthèse, l’activation des énergies du personnel,
c’est-à-dire l’amélioration du comportement au travail, ne peut s’envisager sans la
négociation au cœur du CAPN147.
147
Nous remercions le Professeur Bonnet pour son éclairage sur les implications de l’analyse socio-économique.
148
Le principe de synchronisation renvoie à la gestion simultanée de différents problèmes et à l’atteinte coordonnée de
différents objectifs, économiques et sociaux, de l’entreprise (Savall et Zardet, 2010 : 28).
149
Mais ce point sera largement développé dans le chapitre III.
150
« Les dirigeants établissent la finalité et les orientations de l’organisme. Il convient qu’ils créent et maintiennent un
environnement interne dans lequel les personnes peuvent pleinement s’impliquer dans la réalisation des objectifs de
l’organisme ».
151
« Les personnes à tous les niveaux sont l’essence même d’un organisme et une totale implication de leur part permet
d’utiliser leurs aptitudes au profit de l’organisme ».
attitudes des salariés pour la maîtrise de l’activité de l’organisation, la norme ISO 9001
s’inscrit dans l’idée du contrôle de gestion socio-économique.
Cappelletti et Levieux (2010) présentent les trois axes sur lesquels repose le contrôle
de gestion socio-économique (cf. figure 2-12) : - un axe d’outils de contrôle de gestion, - un
axe de processus de changement et - un axe politique et stratégique. Selon les auteurs (2010 :
66-70), les axes politique, processus et outils de contrôle mobilisés de façon permanente dans
l’organisation, renvoient à :
153
Article 2.5 de la norme ISO 9000 relative aux principes essentiels et vocabulaire du management de la qualité : « La
politique qualité et les objectifs qualité sont établis pour fournir un axe d’orientation à l’organisme. Ensemble, ils
déterminent les résultats escomptés et soutiennent l’organisme dans la mise en œuvre des ressources permettant d’atteindre
ces résultats. La politique qualité fournit un cadre permettant d’établir et de revoir les objectifs qualité. Il est nécessaire que
les objectifs qualité soient cohérents avec la politique qualité et avec l’engagement pour l’amélioration continue et que leurs
résultats soient mesurables. La réalisation des objectifs qualité peut avoir un impact positif sur la qualité du produit,
l’efficacité opérationnelle et les performances financières et donc sur la satisfaction et la confiance des parties intéressées »
(ISO, 2005 : 3). A noter que la norme ISO 9000 (article 3.3.7) définit les parties intéressées comme « personne ou groupe de
personnes ayant un intérêt dans le fonctionnement ou le succès d’un organisme. Exemple : clients, propriétaires, personnes
X 50-171 (AFNOR, 2000) relatif aux indicateurs et tableaux de bord dans un système de
management de la qualité, soulignant le caractère varié des indicateurs (cf. annexe 7) et le FD
X 50-183 (AFNOR, 2002) relatif au ressources humaines154 dans un système de management
de la qualité, soulignant l’importance du potentiel humain dans l’organisation. Avec
l’attention portée au pilotage socio-économique au moyen d’indicateurs reliés à des objectifs
variés, on note la proximité de l’ambition de la norme ISO 9001 avec le contrôle de gestion
[socio-économique].
d’un organisme, fournisseurs, banques, syndicats, partenaires ou société » (ISO, 2000 : 11) ; les salariés de l’entreprise
pouvant relever des parties intéressées, au titre des personnes d’un organisme.
154
« Les ressources humaines s’affirment aujourd’hui comme l’un des facteurs essentiels de la stratégie de développement
des organismes. Ce sont elles, en effet, qui détiennent la capacité créatrice de l’organisme. Dans cette optique, les
personnels constituent un potentiel créatif que l’encadrement doit mobiliser au service des objectifs de l’organisation. Or la
motivation des personnes ne se décrète pas : la satisfaction des personnels, une des composantes de leur motivation, est une
des conséquences du bon fonctionnement de l’organisation. Le management des ressources humaines tend à prendre en
compte les comportements des acteurs dans les organismes et son rôle consiste en grande partie à susciter l’adhésion des
acteurs aux objectifs de l’organisme » (AFNOR, 2000 : 5).
155
Le contrôle de gestion socio-économique pouvant être simplement distingué du contrôle de gestion sociale
(particulièrement focalisé sur la dimension humaine : « le contrôle de gestion sociale apparaît [bien] comme un dispositif de
contrôle de gestion à part entière, dans lequel il s’agit de contrôler l’efficience et l’efficacité dans l’acquisition et
l’utilisation d’une ressource bien particulière : les ressources humaines », Naro et Salez, 2010 : 135), par son approche
plurielle de théorie, mode de management et mode d’intervention, focalisée sur la conciliation de la sphère humaine et de la
sphère économique.
La recherche académique sur le thème de la norme ISO 9001 est large et est abordée
selon de nombreuses perspectives (Kuo, Chang, Hung et Lin, 2009). Selon Sampaio et al.
(2009), neuf questions majeures organisent la recherche sur l’ISO 9001 (Figure 2-13).
Ces questions peuvent être regroupées en deux grands thèmes d’investigation : les
motivations et les obstacles à l’adoption de la norme, et l’influence de la norme. A noter que
la recherche mentionne indifféremment la norme ISO 9001 ou ISO 9000 ; l’ISO 9000 faisant
référence à la série (ou la famille) des ISO 9000, à laquelle appartient la norme ISO 9001
« Systèmes de management de la qualité – Exigences ». Ces deux grands thèmes
d’investigation vont maintenant être discutés.
Quelle est
Quels sont les bénéfices de l’évolution du
la certification ? marché de la
Quelle est certification ?
l’évolution de la
perception des
bénéfices ?
Quel est l’impact sur la
performance
organisationnelle ?
Quelle est la relation entre
la norme ISO et le TQM ?
Quel est l’impact sur la
performance financière ?
Figure 2-13 : Les questions majeures de recherche sur l’ISO 9001 (Sampaio et al., 2009)
découlant de la certification ISO 9000. Les auteurs proposent les motifs de l'adoption de la
certification ISO 9000 selon deux facteurs : le facteur « stratégie d’amélioration continue »
(cadre stratégique basé sur le TQM, poursuite de l’amélioration continue des processus, désir
de fournir de meilleurs produits et procédés, reconnaissance du besoin de formaliser les
systèmes) et le facteur « réaction à des facteurs environnementaux » (changement dans la
législation, changement dans la politique/les tendances de l’industrie, demande des clients
pour la certification des fournisseurs, pression à suivre les concurrents, changements dans les
tendances sociales).
Les entreprises poursuivent la certification ISO 9000 afin de bénéficier des avantages,
à la fois, opérationnels et marketing (i.e. gain de nouveaux clients, fidélisation des clients
existants, utilisation de la norme comme outil de promotion, augmentation des parts de
marché, augmentation de la croissance des ventes et amélioration de la satisfaction du client)
qui ont une incidence sur les coûts, les recettes et, par déduction, les bénéfices (Buttle, 1997).
L'avantage le plus important recherché dans la certification est l'amélioration des bénéfices
(Buttle, 1997). Gotzamani et Tsiotras (2002) recensent les motivations à l’adoption d’un
système ISO 9001 dans des entreprises grecques et font apparaître les éléments suivants :
concours de la politique qualité globale de l’entreprise, amélioration de la qualité des produits
finaux, amélioration de la qualité des opérations internes, demande des clients à venir,
avantage concurrentiel, amélioration de la communication interne, introduction à la TQM,
accès aux marchés étrangers, demande du client et certification des concurrents.
156
Selon les auteurs, l’orientation client comme motivation est l’élément qui contribue le plus à l’amélioration de la
performance de l’entreprise.
Augmentation
des bénéfices
Améliora tion
des processus Pression /
et des procédés avantage
Concours de la concurrentiels Dema nde des
Amélioration
politique clients
des produits
qualité
générale
Avantages marketing :
Motivations Motiva tions nouveaux clients,
Formalisation
du système internes externes fidélisation des clients
Productivité existants, outil de promotion,
augmentation des parts de
marché, augmentation des
ventes, amélioration de la
satisfaction du client, accès
Perspective aux marchés étrangers
de TQM Amélioration Tendance
de la communication
interne
Les
motivations
à l’adoption
de la norme
ISO 9001
Bien que cela soit visé par la norme ISO 9001, on note que les motivations à
l’adoption ne portent pas sur l’orientation des comportements en faveur de la qualité, même si
cet aspect est implicite au travers de certains items (e.g. l’amélioration de la communication
interne).
2. Les obstacles à l'efficacité des audits de la norme ISO 9001157, c’est-à-dire : le manque
d’engagement de certains organismes de certification, la concurrence excessive entre les
organismes de certification et la proposition de service total de conseil à la certification
par les organismes de certification.
Les avantages qui ont été attribués à l’ISO 9000 ont souvent été surestimés, de ce fait
les entreprises ont tendance à générer des attentes élevées qui sont difficiles à réaliser
complètement (Rodríguez-Escobar, Gonzalez-Benito et Martínez-Lorente, 2006). La
popularité croissante de la certification ISO 9000 a fait que de nombreux chefs d'entreprise
pensent qu'il s'agit d'une manière directe et achevée vers la réussite et non pas d’un point de
départ pour l'élaboration d'un programme de management de la qualité sérieux et continu
(Rodríguez-Escobar et al., 2006). Gotzamani (2005) met en relief d’autres obstacles à la mise
en œuvre de la norme ISO 9001158 :
¾ L’engagement du management160 ;
157
Les auteurs précisent qu’un audit efficace est très important pour la mise en œuvre durable de la norme ISO 9001.
158
A l’entrée en vigueur de la version 2000.
159
Passage d’une approche d’assurance de la qualité avec la version 1994, à une approche globale de management de la
qualité focalisant sur la satisfaction client et l’amélioration continue avec la version 2000.
160
Intérêt faible du management dans la conception et l’établissement des systèmes de management de la qualité.
En résumé, la surestimation de ses apports (i.e. des attentes trop élevées satisfaites
immédiatement), un mimétisme justifiant son adoption, la difficulté de son appréhension (e.g.
incompréhension et difficulté liée à sa perspective procédurale ; renvoyant à la question de
son appropriation par le management), et le manque d’efficacité de ses audits constituent les
principaux obstacles à la mise en œuvre de la norme ISO 9001. Les obstacles à la mise en
œuvre de la norme ISO 9001 sont rappelés au travers du tableau 2-3, ci-après.
161
C’est-à-dire un processus d’audit basé sur une vision caduque du système de management de la qualité correspondant à la
version précédente de la norme (i.e. la version 1994), où le système de management de la qualité est audité de façon morcelée
dans l’objectif de couvrir les différents chapitres de la norme, au détriment d’une évaluation globale tenant compte des
interactions entre les différents processus, tel que promue par la norme ISO 9001 à partir de sa version 2000.
La littérature souligne que la norme ISO 9001 constitue par ailleurs un outil marketing
favorisant l’exportation et l’amélioration des ventes (Huarng, Horng et Chen, 1999 ;
Ragothaman et Korte 1999). Pour Martínez-Costa et Martínez-Lorente (2003), même si les
entreprises pourraient interpréter la certification ISO 9001 comme la façon d'obtenir des
avantages concurrentiels durables et que les marchés pourraient être sensibles à cette
162
i.e. analyse des besoins, conception, prestation et évaluation de la formation.
163
Ce point illustre la caractéristique de confiance (Ruffieux et Valceschini, 1996) vue précédemment.
La littérature distingue les avantages internes et externes167 procurés par la norme ISO
9001 (Casadesús et al., 2001). Cagnazzo et al. (2010) soulignent que même si des auteurs ont
exprimé le consensus sur le fait que les influences externes semblent être de loin, les plus
164
Parce que la certification ISO 9001 semble constituer une condition préalable au succès dans les affaires (notamment du
fait que le nombre d’entreprises certifiées selon ISO 9000 a augmenté au fil du temps) et que si les investisseurs pensent que
la norme ISO 9001 permettra à l'entreprise d’obtenir plus de profits alors - en supposant que le marché est efficace - à la date
à laquelle l'entreprise obtient la certification, l'information sera rapidement étendue et incorporée dans le prix de ses actions,
qui seront vraisemblablement valorisées, précisent les auteurs.
165
e.g. : marge bénéficiaire, croissance des ventes, et bénéfice par action (Sharma, 2005).
166
Les auteurs mentionnent les limites suivantes à leur étude : 1) multitude de variables – au-delà du ROA - qui influencent
ou peuvent influencer la performance d’une entreprise, 2) caractéristiques de l’échantillon pouvant avoir comme conséquence
que l’amélioration de la rentabilité des entreprises certifiées soit le résultat d’entreprises se trouvant dans des secteurs
industriels qui bénéficient de niveaux plus élevés de rentabilité et 3) le sens de la relation causale : est-ce plutôt les
entreprises rentables qui ont une grande propension à être certifiées ?
167
Les aspects internes concernent les améliorations organisationnelles alors que les aspects externes se réfèrent aux
améliorations en termes de marketing et aux aspects promotionnels (Sampaio et al., 2009).
importantes par rapport aux influences internes, d’autres auteurs affirment que la majorité des
avantages obtenus avec la certification sont de nature interne.
A l’appui de la méta-étude de Sampaio et al. (2009) basée, entre autres, sur Casadesús
et al. (2001), le tableau 2-4 présente les avantages de la norme ISO 9001 aux organisations. A
ce niveau, les avantages de la norme ISO 9001 portent sur l’organisation dans son ensemble,
et non sur les individus. Alors que la norme ISO 9001 oriente les attitudes en faveur de la
qualité, on constate sur la base des travaux de Sampaio et al. (2009) que seule la motivation
du personnel figure au titre de ses avantages. Il est à noter que, dans leur étude, Casadesús et
al. (2001) présentent la satisfaction et la communication comme deux avantages du
management des ressources humaines issus de l’influence très positive de la certification ISO
9001, fortement exprimés par les répondants. Les auteurs indiquent que les entreprises ayant
répondu déclarent que la certification ISO 9001 a eu une influence positive sur la satisfaction
au travail et la communication entre employés et managers, respectivement, à hauteur de 66 et
64 %. Les auteurs mentionnent également que 11 % des entreprises pensent que la
certification a amélioré l’engagement au travail. Dans leur méta-étude, Sampaio et al. (2009)
ont donc globalisé les avantages relevant du management des ressources humaines
influencées par la certification ISO 9901, sous le vocable unique de motivation des salariés.
Outre cette lecture différente de l’étude de Sampaio et al. (2009), nous constatons que l’étude
de Casadesús et al. (2001) n’interroge pas directement les salariés, ce sur quoi nous
reviendrons plus loin.
Amélioration de la productivité
Motivation du personnel
Tableau 2-4 : Les avantages du management de la qualité selon la norme ISO 9001 aux
organisations (d’après Sampaio et al., 2009)
Bien que certaines études affirment l’influence positive de la norme ISO 9001 sur les
entreprises, d’autres recherches sont plus nuancées à ce niveau et invitent à la prudence.
Certains travaux (Heras, Dick et Casadesús, 2002 ; Dick, 2009) supposent que la performance
supérieure des entreprises certifiées (comparativement à la performance des entreprises non
certifiées) est due à des entreprises avec des performances supérieures ayant une plus grande
propension à poursuivre la certification à l’ISO 9000168 ; ceci illustrant les dangers potentiels
d’inférer que la certification ISO 9000 conduit à la performance supérieure de l’entreprise
168
Ce point sera développé plus loin.
(Heras et al., 2002). De facto, ces auteurs relativisent les apports de la norme ISO 9001 à
l’entreprise.
Pour d’autres chercheurs, les apports sont variables et sont fonction de la taille de
l’entreprise. Lagodimos et al. (2005) mettent en relief la relation entre les grandes entreprises
profitables et les certifications ISO 9001. Ragothaman et Korte (1999) soulignent que les
managers de production ne sont pas d’accord sur le fait que l’ISO 9000 fournit des prestations
bénéfiques dans le développement de produits ou la réduction du temps de production : les
managers des petites organisations croient fortement à l’influence de la norme sur la réduction
des coûts et l’augmentation du potentiel d’exportation, contrairement aux managers des
grandes organisations. Cette affirmation montre bien que la norme ISO 9001 peut être perçue
différemment.
Arauz et Suzuki (2004) expliquent qu’il existe des tendances différentes des petites,
moyennes et grandes entreprises concernant les avantages potentiels du système ISO 9000 et
les facteurs d’influence ; le tableau 2-5 ci-après précise ces facteurs selon les tailles
d’entreprises.
Tableau 2-5 : Les facteurs explicatifs des avantages potentiels du système ISO 9000, selon la
taille d’entreprise (Arauz et Suzuki, 2004)
169
La démarche Six Sigma mobilise les statistiques et vise la réduction du nombre de défauts et la réduction de la variabilité
des processus, en faveur de la satisfaction client et de l’augmentation des profits (e.g. Lamprecht, 2003).
être influencées par des caractéristiques de l’entreprise : la taille et le type d’industrie (Quazi,
Wing Hong et Tuck Meng, 2002).
Bureaucratie
Rigidification de l’organisation
Flexibilité réduite
Certaines recherches soulignent par ailleurs que la norme ISO 9001 génère une charge
de travail supplémentaire (Lambert et Ouedraogo, 2010) et qu’elle constitue un risque de
rigidification de l’organisation (Debruyne, 2002). Pour ses détracteurs, la norme entraîne une
perte d’autonomie au profit du collectif (Segrestin, 1996). Eu égard à l’enjeu de la norme ISO
9001 de favoriser la remontée des savoirs oraux et des pratiques via leur écriture systématique
(Cochoy et al., 1998), Debruyne (2002 : 58) pointe la « tendance à la déqualification des
métiers par l’introduction dans l’entreprise d’une forme de culture écrite incontournable
laissant peu de place aux initiatives personnelles ». La norme ISO 9001 produit donc des
résultats contrastés. Entre avantages et inconvénients, le débat sur ses apports est loin d’être
clos, d’autant plus que certaines études nuancent les résultats évoqués précédemment.
Sur la base des résultats obtenus à partir de 1 000 entreprises américaines, Levine et
Toffel (2010) expliquent que, alors que les critiques adressées à l’ISO 9001 et aux démarches
reliées170 émettent l’hypothèse que les gains des employeurs viennent au détriment des
revenus des employés, leurs résultats montrent au contraire que la masse salariale augmente
plus vite que l’emploi171. Pour les auteurs, la déqualification des employés n’est ainsi pas
démontrée. Alors que la norme ISO 9001 oriente l’attitude des individus en faveur de la
qualité, les recherches mettent principalement en relief les avantages et les inconvénients de la
norme ISO 9001 au niveau de l’organisation dans son ensemble, plutôt qu’au niveau des
attitudes des individus172 ; cette situation montre le besoin d’accroître les connaissances dans
ce domaine.
D’un point de vue plus global, Boiral (2012) décline les problèmes associés à la mise
en œuvre de la norme ISO 9001, répartis selon leur origine interne ou externe : quatre
influences internes (bureaucratie et paperasse, manque de mobilisation, coûts du système et
intégration superficielle) et une influence externe (manque de confiance envers la certification
ISO). Pour Kumar et Balakrishnan (2011) en dépit du fait que la certification ISO 9001 soit
un cadre puissant pour manager les systèmes qualité, quatre catégories de lacunes affectent la
performance des organismes certifiés :
170
i.e. les avantages des employeurs provenant en grande partie de la déqualification et de la routinisation des tâches.
171
Ce qui implique une augmentation des revenus annuels moyens.
172
La motivation, la déqualification et la perte d’autonomie sont les seuls éléments renvoyant à l’attitude des salariés, parmi
les avantages et les inconvénients de la norme ISO 9001.
En fait, illustrant l’idée du « soufflé qui retombe », Han et al. (2007) expliquent que la
certification ISO 9000 est perçue comme une fin en soi et non comme un moyen de
progresser vers le TQM et, ce faisant, les gestionnaires ont tendance à revenir à leurs
pratiques traditionnelles après avoir obtenu la certification. En considérant les points de vue
promotion et dénigrement de la norme, et les nuances qui les accompagnent, faut-il considérer
la recherche sur la norme ISO 9001 uniquement dans une perspective dichotomique ? Le fait
est qu’un consensus se dessine.
De manière plus nuancée, certains auteurs affirment que si la norme ISO 9001 n’a pas
d’effet direct sur la performance des organisations, elle améliore la compétitivité (Han et al.,
2007), et la performance de la qualité et de la R&D (Su, Li, Zhang, Liu et Dang, 2008) qui, à
leur tour, améliorent la performance de l’organisation. Pour Boiral (2012), alors que des
études conduisent à des conclusions équivoques (contradictoires pour Martínez-Costa et
Martínez-Lorente, 2007), la norme ISO 9001 a bien une influence positive sur les opérations
internes (e.g. la productivité, la réduction des déchets, etc.) et externes (e.g. la satisfaction
client, les livraisons), confirmées par des études empiriques.
Les deux points de vue mis en évidence (la norme ISO 9001 procure des avantages
versus la norme ISO 9001 procure des inconvénients) peuvent trouver un consensus dans une
autre perspective où la norme, bien que constituant un cadre précis d’action, n’asservit pas
l’individu. Comme le souligne Courpasson (1996), le fait de s’inscrire dans la norme pour un
individu n’implique pas forcément sa soumission aux perspectives organisationnelles, pour
autant, il y a une réelle convergence d’intérêt entre les perspectives des individus (e.g. montée
en compétences) et le projet global du management. Sans tomber dans l’angélisme, la norme
n’est pas forcément mauvaise en soi et elle peut favoriser de nouvelles régulations conjointes
entre le management et les employés (Courpasson, 1996). Loin du joug qu’elle incarne, la
norme ISO 9001 apparaît en fait hautement malléable sur le terrain (Segrestin, 1997).
Contrairement à l’idée selon laquelle la norme favoriserait un contrôle (i.e. au sens de la
vérification et de la surveillance) des individus et les contraindrait dans leur action, la norme
peut sous certaines conditions organisationnelles favoriser l’apprentissage et le changement
(Lambert et Ouedraogo, 2010).
L’influence de la norme ISO 9001 sur la performance de l’entreprise suscite des avis
partagés. A nouveau, on note que les avantages et les inconvénients de la norme ISO 9001
relèvent presque exclusivement du niveau d’analyse organisationnel, et non du niveau
d’analyse individuel. Boiral (2012) recommande de nécessaires recherches aux approches
plus critiques et diversifiées, susceptibles de remettre en question les discours dominants et
optimistes sur les influences de la norme ISO 9001. Cette idée trouve par exemple écho dans
le questionnement sur le point d’origine de la performance dans la relation avec la norme ISO
9001.
Sur ce point, Dick (2009) met en évidence quatre mécanismes de causalité pour
expliquer l’attribution des résultats de la performance des systèmes de management de la
qualité : « signalling-mechanism », « treatment-mechanism », « posturing-mechanism » et
« selection-mechanism » (cf. Figure 2-15, ci-après). L’auteur explique qu’un mécanisme de
signalisation (« signalling-mechanism »,) peut être identifié : le « gage de qualité » a des
avantages potentiels en marketing en signalant la capacité « qualité » d'une entreprise, ce qui
pourrait bien conduire à obtenir de l’activité173 supplémentaire. Deuxièmement, l’auteur
précise qu’un mécanisme de traitement (« treatment-mechanism ») peut être appréhendé où le
système de management de la qualité approuvé crée une chaîne de prestations qui résultent de
l’amélioration de la performance de l’entreprise. Toutefois, explique Dick (2009), des études
ont suggéré que les avantages sont conditionnés aux motivations des entreprises à poursuivre
vers la certification. Lorsque les entreprises réagissent à la pression externe pour la
certification, elles peuvent voir l'ISO 9001 comme l’objectif premier, et adopter une approche
minimaliste pour y parvenir174. Ces entreprises peuvent posséder la certification qualité, mais
elles se situent dans une posture plutôt que dans l’idée de faire fonctionner le système de
management de la qualité que la certification qualité exige ; cette situation ayant des
avantages limités. Par conséquent, le mécanisme de traitement peut être subordonné à des
variables intermédiaires qui reflètent les motivations des entreprises à poursuivre vers la
certification à la norme ISO 9001, ce que l’auteur nomme mécanisme de posture (« posturing-
mechanism »). Ici, les entreprises qui ne sont pas dans une posture obtiennent des avantages
du mécanisme de traitement alors que les entreprises influencées par le mécanisme de posture
(ceux qui n'ont pas de motifs de développement) n'augmentent pas leur orientation qualité et
ainsi n’obtiennent aucun avantage du mécanisme de traitement. Enfin, conclut Dick (2009), il
existe la possibilité d'une causalité inverse des performances due à un biais d'autosélection,
qu’il nomme mécanisme de sélection (« selection-mechanism »), où les organisations déjà
hautement performantes ont une plus grande propension à adopter de nouveaux systèmes de
management que les organisations faiblement performantes ; l’auteur ne suggérant pas que les
mécanismes agissent seuls, mais plutôt qu'ils sont discrets, chacun ayant le potentiel
d'influencer la relation de cause à effet entre la certification ISO 9001 et la performance des
entreprises.
173
Littéralement, « additional business ».
174
L’auteur citant Gore, 1994.
Performance de l’entreprise
Elevée Faible
Présente
Mécanisme de Mécanisme de
Certification qualité
signalisation signalisation
Mécanisme de
Mécanisme posture
de traitement
Absente
Mécanisme de
sélection
2.3.1 Management de la qualité et attitude des salariés : un lien démontré mais diffus
Par exemple, Elmuti et Kathawala (1997) indiquent que les programmes qualité de
l’ISO 9000 améliorent la qualité de vie des participants au travail et ont une influence positive
sur la productivité des employés, lorsque Yue, Ooi et Keong (2011) établissent un modèle
conceptuel où le TQM influence la satisfaction au travail et l’intention de turnover ; mais les
auteurs ne testent pas le modèle. Alors que dans ces situations, la variable est très générale
pour la première étude et le modèle n’est pas testé pour la seconde, d’autres recherches
centrées sur des variables spécifiques ont établi un lien avec le management de la qualité et
l’attitude au travail. C’est le cas de Counte, Glandon, Oleske et Hill (1992), Ugboro et Obeng
(2000), Casadesús et al. (2001), Karia et Asaari (2006), Jain (2010) et Valmohammadi et
Khodapanahi (2011) pour la satisfaction, Jain (2010) pour la motivation, Karia et Asaari
(2006) et Tarí et Sabater (2006) pour l’implication175 et la responsabilisation, Jain (2010) pour
la confiance et la loyauté, Casadesús et al. (2001), Karia et Asaari (2006) et Jain (2010) pour
l’engagement, Akdere et Schmidt (2008)176 pour l’apprentissage et l’accomplissement, ou
Casadesús et al. (2001) pour la communication. De manière moins explicite, des recherches
peuvent mettre en évidence un lien positif entre le management de la qualité (i.e. norme ISO
9001 et TQM) et l’attitude des salariés. Par exemple, dans leur modèle testant l’influence de
la certification ISO sur la performance des entreprises, Jang et Lin (2008) montrent que
l’engagement dans la norme influence la performance opérationnelle177 dont la mesure se
caractérise notamment par l’amélioration du moral des employés. A ce niveau, l’état affectif
moral caractérise bien une attitude influencée par la norme ISO 9001. Si le résultat de l’étude
ne porte pas explicitement sur l’influence de la norme ISO 9001 sur les attitudes des salariés,
cette idée n’en est pas moins sous-tendue. Mais comment peut-on expliquer que la norme
suscite des attitudes positives chez les salariés ? Nous l’avons dit, les prescriptions de la
norme ISO 9001 visent l’amélioration continue et la satisfaction du client. Toutefois, ces
prescriptions s’adressent aux salariés. Par exemple, le salarié est susceptible de ressentir une
satisfaction au travail résultant de la disponibilité des ressources nécessaires à l’exécution de
175
Tarí et Sabater (2006) indiquent que les organisations avancées sur les aspects du TQM présentent un haut niveau de
responsabilisation, constituant le chemin pour obtenir l’implication.
176
A l’appui d’Akdere 2006.
177
Qui par ricochet influence la performance de l’entreprise.
ses tâches (cf. article 6.1 de la norme ISO 9001178), qui lui permet de satisfaire les exigences
du client final (ou du client interne, c’est-à-dire le processus aval), et par rétroaction sa propre
satisfaction. Par exemple, un cariste disposant d’un chariot élévateur très maniable sera
satisfait de pouvoir positionner avec une grande précision des palettes sur des zones
d’entreposage marquées au sol, facilitant ainsi le travail des expéditions (i.e. le processus
aval).
D’autres études concluent par ailleurs qu’il n’y a pas de réponse claire et évidente au
sujet de l’influence de la normalisation ISO 9001 sur le bien-être des employés (i.e. comme
résultante des conditions de travail)181, comme l’indique par exemple Poksinska (2007).
178
« 6.1 Mise à disposition des ressources. L’organisme doit déterminer et fournir les ressources nécessaires pour : a)
mettre en œuvre et entretenir le système de management de la qualité et améliorer en permanence son efficacité ; b) accroître
la satisfaction des clients en respectant leurs exigences » (ISO, 2008 : 6).
179
i.e. la nature de l’influence (positive versus négative ) n’est pas clairement déterminée.
180
Organizational Citizenship Behaviours. Les organisations comprennent des individus dont l’étendue des comportements
varie de ceux qui contribuent le moins possible à l’organisation à ceux qui contribuent de manière avantageuse à
l’organisation. Ces derniers comportements « supplémentaires » liés au travail - qui vont au-delà de ce qui est prescrit par les
fiches de postes - sont nommés « Organizational Citizenship Behaviours » (OCB), selon Turnipseed et Rassuli (2005,
s’appuyant sur Bateman and Organ, 1983). Parce qu’ils sont « supplémentaires » et qu’ils vont au-delà des exigences qui sont
précisées à l'avance pour un travail particulier, les OCB ne peuvent être forcés et leur absence ne peut être sanctionnée de
manière formelle.
181
L’auteur explique que les conséquences de l’influence de la normalisation ISO 9001 sur les conditions de travail
dépendent de nombreuses variables (e.g. l’étendue du SMQ, la manière dont est mis en œuvre la norme et le degré de
normalisation) et peuvent différer considérablement d’une organisation à une autre.
Type de Spécificité(s) de la
Auteur(s) Contribution Limite(s)
recherche recherche
Différents traitements
Le TQM influence Satisfaction comme seule
Counte et al. Etude quantitative statistiques appliqués à
positivement la satisfaction variable d’attitude
(1992) (questionnaire) un échantillon de taille,
des salariés expliquée
n = 5 174 salariés
Il y a une influence
indéterminée184 du TQM
sur le bien-être (résultant de
la satisfaction, de la Différents traitements
motivation et de statistiques appliqués à
Assimilation, donc non
l’engagement au travail) et un échantillon interrogé
Kivimäki et al. Etude quantitative distinction des attitudes
les perceptions liées au en deux temps de taille,
(1997) (questionnaire) bien-être, motivation et
travail (résultant du but et n = 75 salariés
satisfaction
de la clarté des processus, (période 1) et n = 72
de la communication, de la salariés (période 2)
participation à la prise de
décision, de l’autonomie, et
de la capacité d’innovation)
182
Dans une des deux entreprises de l’étude, les travailleurs participant aux cercles qualité ont exprimé de l’insatisfaction au
travail alors que dans l’autre entreprise, le sentiment était plus favorable.
183
Les auteurs évoquent simplement des petits groupes de sujets, au titre des faiblesses de la recherche.
184
Les auteurs expliquent que la mise en œuvre du TQM ne peut pas changer radicalement le bien-être et les perceptions
liées au travail, dans leur étude sur le personnel hospitalier.
Type de Spécificité(s) de la
Auteur(s) Contribution Limite(s)
recherche recherche
Mixte qualitative
L’ISO 9001 améliore la (entretiens et Différents traitements
Elmuti et
qualité de vie des salariés et données statistiques appliqués à Variable qualité de vie au
Kathawala
à une influence positive sur d’archives) et un échantillon de taille, travail trop générale
(1997)
leur productivité quantitative n = 494 salariés
(questionnaire)
Satisfaction,
communication et
engagement comme
La norme ISO 9001 Différents traitements seules variables d’attitude
Casadesús et al. influence la satisfaction, la Etude quantitative statistiques appliqués à expliquées ; mesures
(2001) communication et (questionnaire) un échantillon de taille, obtenues à partir des
l’engagement des salariés n = 502 entreprises déclarations des
managers représentant les
entreprises répondantes
Satisfaction et
implication comme
seules variables d’attitude
expliquées ; orientation
client, formation,
Le TQM influence Différents traitements responsabilisation et
Karia et Asaari positivement la satisfaction, Etude quantitative statistiques appliqués à travail d’équipe, et
(2006) l’implication et (questionnaire) un échantillon de taille, amélioration continue et
l’engagement185 des salariés n = 104 salariés prévention des problèmes
comme variables
explicatives,
partiellement
constitutives du TQM
185
Dans leur article, les auteurs mentionnent l’implication au travail (job involvement : i.e. la mesure dans laquelle l’individu
identifie psychologiquement son emploi et y participe) et l’engagement organisationnel (organizational commitment : i.e. le
degré d’attachement et de loyauté ressenti par les salariés pour l’organisation) comme variables distinctes influencées par le
TQM.
Type de Spécificité(s) de la
Auteur(s) Contribution Limite(s)
recherche recherche
Différents traitements
Le TQM - via la norme ISO statistiques appliqués à Implication comme seule
Tarí et Sabater 9001 - influence Etude quantitative un échantillon de taille, variable d’attitude
(2006) positivement l’implication (questionnaire) n = 106 salariés expliquée
des salariés
Apprentissage comme
seule variable d’attitude
Le management de la
expliquée ; variable
qualité influence
Différents traitements accomplissement
positivement
Akdere et Etude quantitative statistiques appliqués à déduite ; formation à la
l’apprentissage et - de
Schmidt (2008) (questionnaire) un échantillon de taille, qualité récemment suivie
manière déduite -
n = 111 salariés comme variable
l’accomplissement des
explicative, partiellement
salariés
constitutive du
management de la qualité
Satisfaction, motivation,
confiance, engagement et
loyauté comme seules
Le TQM influence variables d’attitude
Différents traitements
positivement la satisfaction, expliquées ; les variables
Etude quantitative statistiques appliqués à
Jain (2010) la motivation, la confiance, expliquées turnover et
(questionnaire) un échantillon de taille,
l’engagement, et la loyauté absentéisme ne relèvent
n = 324 salariés
des salariés186 pas des effets perçus mais
des effets objectifs du
management des
ressources humaines
Tableau 2-7 : Synthèse des recherches explicites sur le lien d’influence entre le management
de la qualité et les attitudes des salariés
186
Les auteurs regroupant toutes ces attitudes au sein de la variable « effets perçus du management des ressources
humaines » (perception HRM outcomes).
e.g. Parriaud (1994) ; Ben e.g. Chow-Chua et al., 2003 ; e.g. Elmuti et Kathawala
Youssef et al. (2005) ; Martínez-Costa et Martínez- (1997) ; Ugboro et Obeng
Mione, 2006 Lorente (2007) ; Cagnazzo et (2000) ; Karia et Asaari
al. (2010) (2006)
Les deux grands thèmes d’investigation sur la norme ISO 9001 (cf. Sampaio et al.,
2009) portent sur les motivations et les obstacles à l’adoption de la norme, et l’influence de la
norme. L’influence de la norme dont il est question concerne la performance organisationnelle
et la performance financière. L’influence de la norme sur les salariés ne figure donc pas
comme une grande question ayant retenu l’attention des auteurs. Pour Redman et Mathews
(1998), les questions de ressources humaines sont au cœur de la mise en œuvre du TQM (par
conséquent, de la norme ISO 9001), avec la nécessité de construire un engagement en faveur
de la qualité parmi tous les employés et de fournir un environnement propice à l’amélioration
continue. L’action en faveur des attitudes est sans ambiguïté. Un processus de certification
réussi repose sur l’engagement et le soutien des personnels supports à la mise en œuvre de la
norme ISO 9001 (Boiral, 2003). Cependant, Lambert et Ouedraogo (2010 : 66) affirment que
« différentes recherches en sciences de gestion montrent que les résultats de tels systèmes187
dans beaucoup d’entreprises sont souvent mitigés, leur acceptation par le personnel est
souvent superficielle ».
L’influence de la norme sur l’attitude des salariés apparaît donc comme une question
essentielle, en particulier pour les salariés opérationnels. Parmi les recherches qui se sont
intéressées à l’influence de la norme sur l’attitude des salariés, la question de la
représentativité des opérationnels se pose, comme dans les exemples suivants. Dans son
article relatif à la perception des liaisons entre des pratiques de gestion de la qualité et des
indicateurs de mobilisation des ressources humaines, Igalens (1998) souligne les limites de
son étude du fait des mesures obtenues à partir des déclarations des DRH ; il s’agit là du point
de vue des seuls managers substitué à celui des salariés opérationnels. Différemment, l’étude
de Rolland (2009) sur les apports de la certification ISO 9000 vingt ans après sa mise en
œuvre dans les entreprises (où, globalement les managers perçoivent positivement les effets
de la certification ISO 9000), témoigne du focus sur les managers au détriment de celui des
opérationnels. Par ailleurs, comme nous l’avons souligné plus haut, l’étude de Casadesús et
al. (2001) porte sur les déclarations des managers représentant les entreprises ayant participé à
l’étude. Il est donc nécessaire de travailler au niveau individuel-opérationnel pour améliorer
les connaissances autour de la norme ISO 9001.
187
Les normes de management de la qualité ISO 9000, précisent les auteurs.
En fait, même s’il en existe (Heras-Saizarbitoria et al., 2013), les recherches sur la
norme ISO 9001 focalisent rarement sur le salarié opérationnel. Le salarié opérationnel ne
décide pourtant pas de l’adoption de la norme et n’en est pas un spécialiste, mais il doit
l’intégrer dans son travail. Il vit la norme au quotidien en fonction du management. Boiral
(2002 : 36) souligne que « les nombreux échecs du processus de mise en œuvre de la norme
montrent que la collaboration des employés, loin d'être acquise, soulève souvent de fortes
résistances ».
Les conséquences de la norme ISO 9001 sur les salariés opérationnels sont peu
étudiées. D’autre part, les travaux académiques s’intéressent le plus souvent au moment de la
certification. Or, la certification n’est qu’une étape dans une démarche ISO 9001. La
littérature ne met pas suffisamment l’accent sur le fonctionnement quotidien de la norme ISO
9001 (i.e. du SMQ). Ces deux constats peuvent se résumer en une question : quel est
l’influence de la norme ISO 9001 sur l’attitude des salariés opérationnels ?
Les études sur le lien entre la norme ISO 9001 (dans son ensemble) et les attitudes (au
sens large) au travail des salariés opérationnels sont rares. Des travaux récents traitent de
l’adoption de normes ISO de management (Delmas et Pekovic, 2013 ; Heras-Saizarbitoria et
al., 2013) et de leur influence sur les salariés (Levine et Toffel, 2010). Toutefois, ces
recherches n’appréhendent pas stricto sensu les modèles explicatifs de l’appropriation, ni
l’influence sur des attitudes, notamment au sens large (i.e. des comportements, des états
affectifs et des croyances). Comme nous l’avons dit précédemment, d’un point de vue
pratique l’attitude des salariés dans l’organisation se réfère aux actions et aux discours des
acteurs dans l’exécution de leur travail. Par exemple, la situation où un agent de
production utilise la check-list mise à disposition par le SMQ pour s’assurer de l’état
conforme de son équipement avant le démarrage de la production, caractérise une attitude
positive en faveur de la qualité de la production et du respect des procédures. A l’inverse, la
situation où un cadre exprime verbalement que la norme ISO 9001 ne sert qu’à produire des
documents qui gênent le fonctionnement de l’entreprise, caractérise une attitude négative en
défaveur du respect des procédures. D’un point de vue conceptuel, l’attitude est
habituellement définie comme une construction intellectuelle basée sur les trois composantes,
cognitive (informations et croyances), affective (ou émotionnel) et conative (l’intention
d’agir, les comportements) (Igalens, 1999b). Ce modèle à trois dimensions a été revu. La
littérature définit désormais l’attitude comme une évaluation globale d’objets (Ajzen, 2001 ;
Iglesias, Renaud et Tschan, 2010 ; Brouwer, Reneman, Bültmann, Van der Klink et
Groothoff, 2010). Si pour certains auteurs, l’attitude peut être vue comme la cause du
comportement impliquant une tendance à l’action orientée vers l’objet d’attitude (Allport cité
par Michelik, 2008), pour d’autres les trois dimensions (cognitive, affective et conative) de
l’attitude sont vues comme des causes et des conséquences d’une évaluation (Iglesias et al.,
2010). Par exemple, la satisfaction [au travail] est une attitude. Prat dit Hauret (2006 : 128)
rappelle les travaux de définition conceptuelle de Locke en 1976, et définit la satisfaction
comme une réponse affective et émotionnelle résultant de « l’adéquation entre les perceptions
que la personne a des différents aspects de son emploi et les perceptions qu’elle a quant à ce
que devraient être les différentes facettes de son travail ». La satisfaction relève de la
dimension affective de l’attitude. Notre recherche considère les variables influencées par la
perception de la norme ISO 9001 comme des attitudes au sens large (état affectifs,
comportements, croyances).
(2013) évoque le blocage opéré par les managers et le manque de conviction de la direction,
dans le portage de la qualité dans l’entreprise. Selon les auteurs de l’étude (2013 : 18), « le
manque de portage par les managers s’explique à l’intérieur d’un système qui les met au
cœur d’un certain nombre de paradoxes des entreprises actuelles. Ils en sont à la fois les
responsables et les victimes ». L’étude (2013 : 6) pointe également la difficulté à mettre en
œuvre « des pratiques cohérentes et coordonnées […] où les directions opérationnelles
décident seules de leurs démarches qualité pour leur seul bénéfice et pas celui de la globalité
et du transversal ». A ce niveau, ce type de comportements déviants ne peut aller dans le sens
de l’appropriation des systèmes de management de la qualité. Ainsi l’étude conclut à la
nécessité de substituer l’appropriation des approches qualité à leur injonction et d’agir sur les
comportements des salariés : « de sa place d’enjeu stratégique, elle doit dorénavant se
décliner concrètement dans les organisations pour être appropriée par tous : dirigeants,
managers et collaborateurs. A cet égard, l’approche Qualité est sûrement l’un des leviers du
réengagement des managers et de leurs équipes dans la réappropriation de leurs gestes,
postures, compétences et comportements au quotidien » (2013 : 4).
Par le fait, cette première proposition sous-tend l’idée d’une perception positive de la
norme ISO 9001.
3.1.1 Théorisation du management de la qualité : influence sur les attitudes des salariés
Selon Dean et Bowen (1994), malgré des milliers d’articles dans la presse économique
et des affaires, la qualité totale demeure un concept flou et ambigu. Pour ces auteurs, les
différences entre les cadres proposés par les auteurs tels que Deming, Juran et Crosby ont sans
doute contribué à cette confusion. La qualité totale est considérée par certains comme une
extension du management scientifique, par d’autres en termes de théorie des systèmes, et par
d’autres encore comme un paradigme tout à fait nouveau pour le management (Dean et
Bowen, 1994). Pour Wacker (1989), bien que la plupart des entreprises - américaines - se
préoccupent de l’amélioration de leur qualité, la littérature [actuelle] ne donne pas un modèle
théorique complet afin d’évaluer économiquement chaque recommandation. Les années
quatre-vingt ont montré que différents modes de management de la qualité coexistent, telles
les approches de la motivation basée sur l’amélioration individuelle des employés, les
approches basées sur l’exhortation du management, les approches basées sur la prévention
(e.g. l’objectif de zéro défaut) ou encore l’approche de Crosby basée sur quatorze points
d’amélioration de la qualité188 (Cole, 1998). Les efforts managériaux initiaux basés sur
l’exhortation et le modèle de Crosby sont à considérer conjointement des cercles de qualité
(Cole, 1998), dont Cole (1984) souligne que ces derniers, loin de constituer la panacée, ne
188
i.e. 1) l’engagement de la direction, 2) des équipes d’amélioration de la qualité, 3) la mesure de la qualité, 4) l’évaluation
du coût de la qualité, 5) la prise de conscience de la qualité, 6) des actions correctives, 7) la planification du zéro défaut, 8) la
formation des managers, 9) la journée zéro défaut, 10) la définition des objectifs, 11) l’élimination des causes d’erreurs, 12)
la reconnaissance de la performance, 13) des comités de réflexion autour de la qualité, 14) l’amélioration permanente.
sont intrinsèquement ni bons, ni mauvais, mais dépendent de leur utilisation pour contribuer
effectivement à l’amélioration de la qualité.
Le management de la qualité - totale - est considéré par certains auteurs comme une
philosophie ou une approche du management (Dean et Bowen, 1994 ; Sousa et Voss, 2002),
ou comme un paradigme (Igalens, 1998) composé d’un ensemble de principes qui se
renforcent mutuellement ; chacun d’eux est pris en charge par un ensemble de pratiques et de
techniques (Sousa et Voss, 2002). Certains auteurs évoquent clairement la « théorie » du
management de la qualité (« théorie » du management de la qualité totale ou encore
« théorie » de la gestion de la qualité totale ; Wacker, 1989 ; Dean et Bowen, 1994 ; Anderson
et al., 1994 ; Ahire, Golhar et Waller, 1996 ; Dale, Wu, Zairi, Williams et Van Der Wiele,
2001 ; Fhami, 2005 ; Tarí et Sabater, 2006 ; Akdere et Schmidt, 2008), et un corps spécifique
de chercheurs - distincts de ceux de la recherche sur le management des opérations - œuvre à
son développement (Dale et al., 2001). Selon ces travaux, la « théorie » du management de la
qualité se base essentiellement sur trois sources (Tarí et Sabater, 2006 ; Molina-Azorín et al.,
2009), tel que le résume la tableau 3-1 ci-après : 1) les contributions des « gourous de la
qualité » (i.e. Deming, 1982 ; Ishikawa, 1985 ; Juran, 1988), 2) les prix d’excellence de la
qualité (e.g. le prix EFQM189, le Prix Malcolm Baldrige National Quality, le prix Deming) et
3) les études de mesure (e.g. Saraph, Benson et Schroeder, 1989 ; Flynn, Schroeder et
Sakakibara 1994).
189
European Foundation for Quality Management.
191
i.e. les « gourous » de la qualité.
de performance pour les entreprises (Gotzamani et Tsiotras, 2001). Les aspects mous (ou soft)
se réfèrent au leadership, à l’implication et la responsabilisation des employés, à la formation,
à l’orientation client, à l’amélioration continue, etc. (on retrouve ici les soubassements
conceptuels de la norme ISO 9001 focalisant sur les attitudes), alors que les aspects durs (ou
hard) renvoient à la maîtrise statistique des procédés, aux outils de résolution de problèmes,
aux principes de juste-à-temps, au management des processus, etc. (Rahman, 2004 ; Martínez-
Costa et al., 2009).
On notera que ces grands travaux de recherche en management sont en lien étroit avec
les principes fondateurs de la norme ISO 9001 (i.e. a/ Orientation client, b/ Leadership, c/
Implication du personnel, d/ Approche processus, e/ Management par approche système, f/
Amélioration continue, g/ Approche factuelle pour la prise de décision, h/ Relations
mutuellement bénéfiques) et ses chapitres structurant (e.g. §5 et 5.1 Responsabilité et
192
«« 6.2.2 Compétence, formation et sensibilisation. L’organisme doit a)… b)… c) assurer que les membres de son
personnel ont conscience de la pertinence et de l’importance de leurs activités et de la manière dont ils contribuent à la
réalisation des objectifs qualité » (ISO, 2008 : 6).
théories du management (cf. figure 3-1, ci-après), basées sur leurs zones de chevauchement de
recommandations pour l’efficacité organisationnelle.
Similarité des prescriptions
dans les deux littératures
Elevée
Leadership
Management des
ressources humaines
Figure 3-1 : Traitement de la qualité totale dans la littérature en management (Dean et Bowen,
1994)
Dean et Bowen (1994) expliquent que les domaines dans lesquels le développement
théorique est clairement nécessaire, incluent les prescriptions pour le traitement de
l’information, la mise en œuvre de la stratégie, l’amélioration des processus, et l’orientation et
la satisfaction client. Les auteurs déclinent (cf. tableau 3-3, ci-après) les zones d’implications
pour la recherche et la pratique entre le champ théorique du management et la qualité totale.
¾ Le leadership de la direction
Zones dans lesquelles le champ
théorique du management et la ¾ Les pratiques de ressources humaines telles que la
qualité totale sont essentiellement participation des employés, le recours aux équipes,
identiques l’analyse et l’évaluation des besoins de formation et la
gestion des carrières
Zones dans lesquelles le champ 3. La sélection doit jouer un rôle plus important parmi les
théorique du management pourrait et pratiques de ressources humaines dans les organisations
devrait améliorer la pratique de la qui pratiquent la qualité totale, en particulier en ce qui
qualité totale concerne l’évaluation appropriée des personnes de
l’organisation
Tableau 3-3 : Zones d’implications pour la recherche et la pratique entre le champ théorique
du management et la qualité totale (Dean et Bowen, 1994)
Eu égard aux questionnements de Dean et Bowen (1994) auxquels doivent faire face
les théoriciens de la qualité, notre recherche doctorale s’inscrit dans la contribution relative
des personnes et des facteurs du système de performance. En cherchant à appréhender
l’appropriation de la norme ISO 9001 et son influence sur les attitudes des salariés pour la
maîtrise de l’activité de l’organisation, notre recherche ouvre la perspective de mettre en relief
1) Les coûts d’une faible qualité (tels que inspection, reprise, clientèle perdue, etc.) sont de loin plus
grands que les coûts de développement des processus qui produisent des produits et des services de
haute qualité
2) Les employés sont naturellement soucieux de la qualité du travail qu'ils font et prendront des initiatives
pour l'améliorer, aussi longtemps qu'ils sont pourvus des outils et de la formation qui sont nécessaires
pour améliorer la qualité, et le management est attentif à leurs idées
3) Les organisations sont des systèmes d’éléments hautement interdépendants, et les problèmes centraux
auxquels ils font invariablement face traversent les lignes fonctionnelles traditionnelles
Tableau 3-4 : les quatre hypothèses de la stratégie du TQM selon ses autorités (Hackman et
Wageman, 1995)
Hackman et Wageman (1995) déclinent les quatre principes qui devraient guider
toutes les interventions organisationnelles visant à améliorer la qualité, spécifiés par les
autorités du TQM (cf. tableau 3-5, ci-après).
1) Focus sur les processus de travail (la qualité des produits et services dépend surtout des processus par
lesquels ils sont conçus et fabriqués)
2) Analyse de la variabilité (la variance incontrôlée dans les processus ou les résultats est la principale
cause des problèmes qualité et ils doivent être analysés et contrôlés par ceux qui effectuent
l’organisation du travail en première ligne)
3) Management par les faits (le TQM appelle à l’utilisation des données recueillies de façons
systématique à tous les stades d’un cycle de résolution de problèmes, de la priorisation des problèmes,
à l’analyse des causes jusqu’au test des solutions)
4) Apprentissage et amélioration continue (la pérennité de l’entreprise dépend d’une quête sans fin, dans
le traitement de l’amélioration de la qualité)
Hackman et Wageman (1995) soulignent par ailleurs cinq interventions à réaliser (cf.
tableau 3-6, ci-après) pour porter les valeurs fondamentales du TQM (au sujet des personnes,
des organisations et des processus de changement) promues par Deming, Juran et Ishikawa.
Selon les auteurs, ces cinq interventions définissent le cœur du management par la qualité
totale.
3) Utilisation des équipes inter-fonctionnelles pour identifier et résoudre les problèmes de qualité
4) Utilisation des méthodes scientifiques (notamment les statistiques) pour surveiller les performances et
pour identifier les leviers forts d’action pour l’amélioration des performances (trois des outils les plus
couramment utilisés sont les cartes de contrôle, l’analyse de Pareto et l’analyse des coûts de la qualité)
Tableau 3-6 : les cinq interventions en faveur des valeurs fondamentales du TQM, selon ses
autorités (Hackman et Wageman, 1995)
Enfin, la contribution d’Anderson et al. (1994) est l’une des plus notables parmi les
quatre travaux de référence sur le thème du management de la qualité. Pour Ahire et al.
(1996), les travaux d’Anderson et al. (1994) apparaissent comme le seul effort de synthèse de
la « théorie » du management de la qualité (même si leur « théorie » du management de la
qualité souffre d’un développement à grande échelle systématique, de validité du contenu et
193
A noter que dans le modèle de Waldman (1994), en plus d’être des déterminants de la performance au travail, les facteurs
systémiques modèrent l’intensité du lien entre la performance au travail et les facteurs individuels.
de validation empirique, soulignent Ahire et al., 1996). Ces travaux affirment l’existence
d’une « théorie » du management de la qualité, sans que celle-ci soit unique, notamment
lorsqu’elle sous-tend la méthode de management de Deming. A ce niveau, Anderson et al.
(1994) refusent le principe de labelliser par une « théorie » du management de la qualité, les
quatorze points de la méthode de management de Deming194. Les auteurs préfèrent envisager
une « théorie » du management de la qualité articulée par la méthode de management de
Deming, qui leur apparaît comme un artefact d’une théorie, plutôt qu’une théorie en soi. Pour
Wang (2004), le TQM a comme hypothèse de base sa nature « totale », concept que la
philosophie de Deming sur la qualité peut décrire le mieux (Deming ayant décrit ses quatorze
points comme « un système de connaissances approfondi », précise l’auteur). Pour Ahire et al.
(1996) la recherche empirique d’Anderson et al. (1994) vise à contribuer aux trois premières
phases de la construction de la « théorie » du management de la qualité195, c’est-à-dire : 1) à
identifier les construits des stratégies du management de la qualité et à développer des
échelles pour mesurer ces construits, 2) à valider empiriquement les échelles et 3) à conduire
une investigation préliminaire de la relation entre les stratégies de management de la qualité.
Ainsi, dans leurs travaux de référence, Anderson et al. (1994) affirment qu’il y a bien
une « théorie » du management de la qualité (au moins la leur) qui sous-tend la méthode de
management de Deming (2002196), (cf. annexe 8)197. Cependant, les auteurs écartent toute
exclusivité en considérant qu’il puisse y avoir d’autres « théories » du management de la
qualité, notamment basées sur la méthode de management de Deming. Anderson et al. (1994)
concluent que l’essence théorique de la méthode de management de Deming concerne la
création d’un système organisationnel qui favorise la coopération et l’apprentissage pour
faciliter la mise en œuvre des pratiques de management des processus qui, à leur tour,
conduisent à une amélioration continue des processus, produits, et services, et à
l’épanouissement des employés, qui sont tous deux essentiels à la satisfaction du client et, en
194
Comme l’ont fait certains auteurs (Gartner et Naughton, 1988 ; Gruska, 1981 ; Luthans et Thompson, 1987), en évoquant
la « théorie du management de Deming » ou encore la « théorie D », indiquent Anderson et al. (1994).
195
Les auteurs précisent les cinq phases de développement d’une bonne théorie : 1) exploration, 2) développement des
construits, 3) génération d’hypothèses, 4) test des hypothèses pour la validité interne et 5) test pour la validité externe.
196
Il s’agit de la dernière édition de la version française du célèbre ouvrage de Deming paru en 1986 : Out of the crisis
(initialement paru en 1982 sous le titre Quality, Productivity and Competitive Position).
197
Il s’agit d’un ensemble prescriptif de quatorze points servant de lignes directrices pour le comportant organisationnel et les
pratiques en matière de management de la qualité.
définitive, à la survie de l’entreprise. Comme nous le verrons après, les travaux d’Anderson et
al. (1994) modélisent le management de la qualité selon une séquence qui voit
l’épanouissement/l’accomplissement des employés influencé (figure 3-2, ci-après). Ce point
est particulièrement intéressant pour notre problématique, comme nous allons le préciser un
peu plus loin.
Anderson et al. (1994) mettent en relief sept concepts servant la construction d’une
« théorie » du management de la qualité : « leadership visionnaire », « coopération interne et
externe », « apprentissage », « management des processus », « amélioration continue »,
« épanouissement/accomplissement des employés » et « satisfaction du client », (cf. tableau
3-7, ci-après).
Leadership visionnaire
L’aptitude de la direction à établir, pratiquer et conduire une vision à long terme pour
l’organisation, tirée par l’évolution des besoins des clients, par opposition à un rôle
interne de contrôle de gestion198. Ceci est illustré par la clarté de la vision, l’orientation à
long terme, le coaching du style de management, le changement participatif, la
responsabilisation des employés, et la planification et la mise en œuvre du changement
organisationnel.
Coopération interne et externe
La propension de l’organisation à exercer des activités « non compétitives », internes
parmi les employés et externes par rapport aux fournisseurs. Ceci est illustré par le
partenariat entreprise-fournisseur, l’orientation vers un fournisseur unique, l’organisation
collaborative, le travail d’équipe, l’implication organisationnelle, la vision systémique de
l’organisation, la confiance et l’élimination de la peur.
Apprentissage
La capabilité organisationnelle de reconnaître et de favoriser le développement des
compétences, des aptitudes et les connaissances de base. Ceci est illustré par la formation
de l’entreprise dans son ensemble, les connaissances fondamentales, la connaissance des
processus, le développement de l’éducation, l’amélioration continue de soi, et
l’apprentissage managérial.
Management des processus
L’ensemble des pratiques méthodologiques et comportementales mettant l’accent sur le
management des processus, ou sur les moyens d’action, plutôt que sur les résultats. Ceci
est illustré par le management des processus, l’orientation vers la prévention, la réduction
de l’inspection de masse, la qualité de la conception, la maîtrise statistique des procédés,
la compréhension de la variation, l’élimination des quotas chiffrés, l’élimination du
management par objectifs, l’élimination des systèmes de notation de la reconnaissance au
mérite, la compréhension de la motivation, la comptabilité au coût complet, et l’emploi
stable.
Amélioration continue
La propension de l’organisation à poursuivre les améliorations incrémentales et novatrices
de ses processus, produits, et services. Ceci est illustré par l’amélioration continue.
198
Au sens de vérifier l’exécution de l’activité.
A partir de l’identification des états relationnels entre les concepts, Anderson et al.
(1994) présentent un état théorique du management de la qualité sous-tendant la méthode de
management de Deming (cf. figure 3-2, ci-après), à l’aune du champ théorique du
management (Igalens, 1998) et s’établissant comme suit :
A ce niveau, on note que les relations mises en évidence par Anderson et al. (1994)
s’inscrivent en lien avec les outils contemporains de contrôle organisationnel, tel l’outil du
tableau de bord prospectif (ou tableau de bord équilibré, ou en anglais Balanced scorecard)
issu des travaux de Kaplan et Norton (e.g. 2012). Le tableau de bord prospectif associe à la
perspective traditionnelle de la performance financière de l’entreprise, trois visions
supplémentaires de la performance : 1) l’innovation/l’apprentissage, 2) les processus internes
et 3) l’attention portée au client, (Trébucq, 2011). Le tableau de bord prospectif est un
système de mesure de la performance multidimensionnelle appuyé sur un ensemble de
mesures financières et non financières (Shutibhinyo, 2013). Les indicateurs financiers
classiques (caractérisant la performance passée) sont complétés par des indicateurs sur les
déterminants de la performance future ; cet ensemble d’indicateurs - dont les objectifs sont
fonction de la stratégie - permettant d’appréhender la performance dans quatre domaines : les
résultats financiers, la satisfaction des clients, les processus internes et l’apprentissage
organisationnel (Kaplan et Norton, 2012 : 20).
Les travaux d’Anderson et al. (1994) mettent en relief une relation entre les pratiques
du management de la qualité et des variables d’état des ressources humaines : satisfaction,
implication, fierté, etc. (Igalens, 1998). Ce modèle constitue une partie de la réponse
conceptuelle à notre problématique et vient conforter notre première proposition pour la phase
empirique de notre recherche doctorale : la norme ISO 9001 influence positivement les
attitudes au travail du salarié opérationnel. A noter qu’à la différence de l’habituelle
traduction des travaux d’Anderson et al. (1994) observée dans la littérature (par exemple, chez
Beaumont, 1996 ; Igalens, 1998 ; Lérat-Pytlak, 2002), dans la figure 3-2 nous substituons les
termes « Management des processus » et « Epanouissement des employés » aux termes
« Gestion des processus » et « Satisfaction des employés » pour traduire les expressions
« Process management » et « Employee fulfillment » ; ceci nous semblant mieux
correspondre.
Coopération
Amélioration
interne et
continue
externe
Epanouissement
Apprentissage
des employés
Bien qu'il y ait un accord général dans la littérature sur l'association entre la qualité et
la performance, il faut noter qu'il y a peu de liens communs dans la façon de mesurer la
performance des entreprises ou de définir la qualité (Dick et al., 2008). Pour Molina-Azorín et
al. (2009), les chercheurs ont depuis longtemps reconnu que le choix des mesures de
performance est difficile et discrétionnaire. Ainsi, à partir d’études sur la mesure des
dimensions du management de la qualité et sur la performance du management de la qualité,
les auteurs définissent le management de la qualité comme un concept multidimensionnel199.
Molina-Azorín et al. (2009) proposent une synthèse (cf. tableau 3-8, ci-après) des huit
principales dimensions mises en relief dans la littérature et leur relation à la performance.
199
L’analyse des auteurs porte principalement sur des travaux en lien avec le TQM et la certification ISO 9001.
Dimensions du management
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 Total
de la qualité
Management des personnes X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X 25
Information et analyse X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X 25
Orientation client X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X 22
Leadership X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X 20
Management des processus X X X X X X X X X X X X X X X X X X 18
Management des
X X X X X X X X X X X X X X X X X 17
fournisseurs
Planification X X X X X X X X X X X X 12
Conception des produits X X X X X X X X X X X X 12
(1) Etudes de mesure. Il s’agit des études qui ont développé des échelles de (2) Etudes sur la performance du management de la qualité. Il s’agit
mesure valides et fiables du management de la qualité : des études qui ont examiné la relation entre le management de la
1. Saraph et al. (1989) qualité (mesuré en tant que concept multidimensionnel) et plusieurs
2. Flynn et al. (1994) mesures de la performance :
3. Badri et al. (1995) 12. Anderson et al. (1995)
4. Black and Porter (1995, 1996) 13. Flynn et al. (1995)
5. Ahire et al. (1996) 14. Powell (1995)
6. Grandzol and Gershon (1998) 15. Dow et al. (1999)
7. Quazi and Padibjo (1998) 16. Samson and Terziovski (1999)
8. Quazi et al. (1998) 17. Curkovic et al. (2000c)
9. Rao et al. (1999) 18. Rahman (2001)
10. Curkovic et al. (2000a) 19. Lee et al. (2003)
11. Conca et al. (2004) 20. Kaynak (2003)
21. Merino-Diaz (2003)
22. Terziovski et al. (2003)
23. Kaynak and Hartley (2005)
24. Rahman and Bullock (2005)
25. Sila and Ebrahimpour (2005)
26. Prajogo and Sohal (2006)
200
L’étude des auteurs porte initialement sur le management de la qualité, mais également sur le management
environnemental. Nous nous limitons à la perspective du management de la qualité, même si la description des dimensions
leurs sont communes.
Outre la dimension relevant des personnes (c’est-à-dire le focus sur les salariés), le
management de la qualité comprend une dimension managériale prépondérante (i.e. le
management des personnes, des processus et des fournisseurs). Ce constat ouvre la réflexion
sur le rôle du management dans l’appropriation et la perception de la norme ISO 9001 par les
salariés ; ce point abordé plus loin sera au cœur de la réponse conceptuelle à notre
problématique de recherche.
Dans le tableau 3-9, ci-après, nous proposons une correspondance entre les dimensions
du management de la qualité mises en relief202 par Molina-Azorín et al. (2009) et les principes
de management de la qualité structurants de la norme ISO 9001.
201
La norme introduit ces huit principes de la manière suivante : « Diriger et faire fonctionner un organisme avec succès
nécessite de l’orienter et de le contrôler méthodiquement et en transparence. Le succès peut résulter de la mise en œuvre et
de l’entretien d’un système de management conçu pour une amélioration continue des performances tout en répondant aux
besoins de toutes les parties intéressées. Le management d’un organisme inclut le management de la qualité parmi d’autres
disciplines de management. Huit principes de management de la qualité ont été identifiés, qui peuvent être utilisés par la
direction pour mener l’organisme vers de meilleures performances. » (ISO, 2005)
202
Les auteurs précisent que, parallèlement à ces huit dimensions, d'autres dimensions ont également été mentionnées dans
certaines études : organisation ouverte, mentalité zéro défauts, fabrication flexible, qualité des ressources, sensibilisation à la
qualité, service qualité et produit de qualité, entre autres. Ces dimensions n'ont pas été incluses dans le tableau « Synthèse des
dimensions du management de la qualité », car elles sont apparues dans seulement une ou deux études.
Management
des X
personnes
Information
X X
Dimensions du management de la qualité
et analyse
Orientation
client
X
Leadership X
Management
des X
processus
Management
des X
fournisseurs
Planification
Conception
des produits
et al., 2001) ou encore, elle doit être approfondie à l’aune du champ théorique du management
(Dean et Bowen, 1994) ; bien que la plupart des outils utilisés dans le TQM ont un arrière-
plan théorique rigoureux et sont empiriquement prouvés (Dotchin et Oakland, 1992203).
Toutefois, pour Sousa et Voss (2002), le management de la qualité (sans évoquer une
théorie) est entré dans sa phase de maturité, en termes de solidité de la définition et de
fondements conceptuels, et il est structuré selon cinq courants de recherche (cf. tableau 3-10,
ci-après) : 1) définition du management de la qualité, 2) définition de la qualité de la
production, 3) influence du management de la qualité sur la performance de l’organisation, 4)
le management de la qualité dans le contexte des théories du management et 5) la mise en
œuvre du management de la qualité. Si Akdere et Schmidt (2008) expliquent qu’une
« théorie » holistique du management de la qualité doit encore être développée et testée
(même si les auteurs soulignent que les étapes initiales d’une « théorie » du management de la
qualité basée sur les quatorze points de Deming, sont fournies par Anderson et al., 1994),
Ahire et al. (1996) rappellent que la recherche empirique d’Anderson et al. (1994) vise à
contribuer aux trois premières phases de la construction de la « théorie » du management de la
qualité (cf. supra) ; à moins que, comme l’indiquent Dean et Bowen (1994), peut-être, la
différence fondamentale entre la qualité totale et le champ théorique du management est dans
leurs auditoires (alors que la qualité totale est destinée aux responsables, les théories du
management sont orientées vers les chercheurs, conséquemment, le langage diffère dans les
littératures respectives).
Tableau 3-10 : Les cinq courants de recherche du corpus du management de la qualité (Sousa
et Voss, 2002)
203
Par exemple, bon nombre des techniques et des procédures intégrées dans le contrôle statistique de la qualité (les auteurs
citent Shewhart, 1931), ou plus récemment le contrôle statistique du processus (les auteurs citent Oakland et Followell,
1990).
Le modèle d’Anderson et al. (1994) est fréquemment mobilisé dans les travaux de
recherche, notamment les travaux de thèse (Beaumont, 1996 ; Lérat-Pytlak, 2002). Bien qu’il
ne puisse expliquer l’appropriation de la norme, le modèle d’Anderson et al. (1994) est
extrêmement pertinent pour souligner l’influence de la norme ISO 9001 sur les attitudes au
travail. Le modèle d’Anderson et al. (1994) caractérise un cycle du management de la qualité
selon les travaux de Deming, reposant sur des éléments constitutifs en interaction, inscrits
dans un mécanisme de rétroaction (feedback) permanent et prenant effet sous l’action du
management pour déboucher sur la satisfaction du client.
Si les travaux que nous venons de passer en revue ne permettent pas d’expliquer
l’appropriation de la norme ISO 9001, comment appréhender ce point ? Lundmark et
Westelius (2006) affirment que les effets de la certification varient en fonction de la façon
dont le projet de certification est conduit et en fonction de « l’utilisation » des consultants (i.e.
si l’entreprise recourt au conseil de professionnels pour la mise en œuvre de la certification).
Pour Rodríguez-Escobar et al. (2006), dans un proche avenir les avantages de la norme ISO
9000 dépendront uniquement de la bonne utilisation du système de management de la qualité
qui a été mis en œuvre pour obtenir la certification, plutôt que pour la simple certification
comme un signal aux marchés ; une interprétation de la norme ISO 9000 selon les principes et
les approches du TQM peut être un bon moyen d'atteindre un retour élevé sur les
investissements de certification. En résumé, la façon dont la norme est interprétée peut donc
conditionner son appropriation, sa perception et son effet sur l’attitude des salariés.
Comme nous venons de le voir, au-delà des travaux d’Anderson et al. (1994)
soulignant l’influence de la norme ISO 9001 sur les attitudes au travail, la théorisation du
management de la qualité ne permet pas d’expliquer la séquence où l’appropriation de la
norme ISO 9001 influence les attitudes des salariés opérationnels. Il faut donc se référer à une
littérature plus large comme nous allons le voir maintenant.
peuvent apparaître. Par exemple, le management de la qualité met l’accent sur l’implication et
la communication du personnel, ce qui pourrait accroître sa motivation et sa satisfaction. Ou
encore, à l’inverse, le management de la qualité qui vise la normalisation des pratiques et le
respect des procédures, contribuerait à la passivité des comportements et à décourager l’esprit
critique et créatif, et par ricochet réduirait la satisfaction du personnel. La façon dont la norme
est interprétée par le management peut donc conditionner sa perception et son effet sur
l’attitude des salariés. Sur ce point, la littérature propose de multiples définitions de la norme
intégrant un corpus de conceptualisations que nous résumons en trois dispositifs (Figure 3-3).
Coordination et
régulation
INTERPRETATION
DE LA
NORME ISO 9001
Apprentissage et Contrôle et
innovation gouvernance
Figure 3-3 : Les trois dispositifs conceptuels de la norme de management de la qualité ISO
9001
La norme ISO 9001 apparaît comme une norme d’entreprise, une norme
organisationnelle (Grenard, 1996), une norme socio-organisationnelle (Maurand-Valet, 2007),
et plus souvent comme une norme de management (Martinez, 2001 ; Igalens, 2009 ; Lambert
et Ouedraogo, 2010) ou un outil de management (Escanciano et Iglesias-Rodríguez, 2012). La
norme ISO 9001 porte des pratiques ou des actions managériales (Gomez, 1996 ; Segrestin,
1996 ; Boiral, 2003). A noter que le vocable de « spécification technique » mentionné dans la
norme ISO 9001 s’entend au sens des méthodes d’organisation et non au sens strict des
méthodes de production (Maurand-Valet, 2007). Lambert et Ouedraogo (2010 : 66), affirment
qu’« il existe de véritables systèmes de management de la qualité basés sur la norme ISO
9001 et orientés vers l’amélioration continue, avec un impact réel sur le mode de
management, la qualité des produits, la satisfaction des clients et du personnel et la
Norme de résultat, la norme ISO 9001 fixe un seuil minimal de qualité (Benezech,
1996 ; Grolleau et al., 2008) pour la performance et la satisfaction du client. En suivant la
norme, l’organisation met en œuvre des dispositions (e.g. procédures internes de
fonctionnement, des instructions de travail en faveur de la qualité du produit/service) qu’elle
s’engage à respecter et à dépasser ; l’organisation n’envisage pas fonctionner sans ces
dispositions. A ce niveau, la norme peut s’appréhender comme un dispositif de coordination
permettant de réduire les coûts de transaction204 (Benezech, 1996 ; Segrestin, 1996 ; Burlaud
et Zarlowski, 2003 ; Haudeville et Wolff, 2004 ; Grolleau et al., 2008). La préoccupation de
l’organisation pour la qualité révélée par le certificat ISO 9001, constitue une économie des
coûts de transaction en mettant au jour l’information, ce qui favorise la contractualisation
entre le fournisseur et son client. En ce sens, « les normes constituent une institution clé pour
autoriser la fluidité des transactions dans les économies fondées sur l’échange » indiquent
Burlaud et Zarlowski (2003 : 10).
Mais la norme ISO 9001 n’est pas qu’un dispositif de coordination et de régulation,
elle est également interprétée comme un dispositif d’apprentissage et d’innovation. Sous cet
angle, la norme apparaît comme un dispositif cognitif collectif (Benezech, 1996 ; Haudeville
et Wolff, 2004) et comme un moyen nécessaire (Duymedjian, 1996) pour gérer la
connaissance organisationnelle. Sous l’effet de la norme, l’individu va faire évoluer ses
savoirs et en acquérir de nouveaux. Par exemple, en étant acteur de la revue des processus
prescrite par la norme, l’individu va jeter un regard critique (dans le bon sens du terme) sur
son activité. En fonction, il va déduire les points forts et les axes d’amélioration du processus
considéré. Basée sur la réflexivité, la situation conduira à faire évoluer ses pratiques au
moyen, par exemple, de l’actualisation d’un mode opératoire pour la maintenance de premier
niveau, ou de l’« invention » d’une méthode de chargement d’un équipement de production
en optimisant les opérations en temps masqué. La norme comme dispositif cognitif permet de
204
La notion de coûts de transaction est attachée à la théorie du même nom, issue des travaux de Oliver Williamson
poursuivant ceux de Ronald Coase, mettant en relief les coûts supportés par l’entreprise pour recourir au marché, par
exemple : s’informer sur un produit/service, s’informer sur un fournisseur, négocier et formaliser la relation contractuelle,
s’assurer de l’exécution des éléments contractuels, etc. (Burlaud, 2009).
Visions indigènes
de la qualité Dimension spatiale :
poste de travail,
atelier, service. Dimension temporelle
: temporalité axée sur
le présent
Valeurs, normes de
travail, micro-cultures
(territorialité marquée)
Forme « pure »
d’engagement et
d’implication Préoccupations centrées sur
des salariés dans le management et
les actions l’organisation du travail
qualité
Dimension spatiale : Discours qualité marqué
l’entreprise sur actions préventives,
assurance qualité et
satisfaction client
Intégration sociale dans Individus impliqués de manière indirecte dans la
l’entreprise démarche qualité : CSP cadres
Et
Préoccupations larges et
Forme Catégorie des « anciens » : individus ayant une diversifiées
« hybride » appartenance passée forte à un établissement
d’engagement et qui a été démantelé et dans lequel ils avaient
travaillé durant une vingtaine d'années Individus satellites, à la
d’implication frontière de différents
des salariés dans espaces géographiques et
les actions Catégorie des personnes jeunes et de faible sociaux et de diverses
qualité ancienneté sortant du système scolaire ou ayant temporalités,
occupé auparavant d'autres fonctions dans d'autres
établissements
Points de vue sur la qualité
nombreux
Catégorie des personnes ayant une forte
ancienneté Tous types de CSP
Capacité
d’apprentissage de
l’organisation
205
Sur laquelle nous reviendrons plus loin.
206
La relation client-fournisseur interne peut se définir comme une collaboration entre salariés individuels, secteurs, ateliers
ou encore sites d’une même organisation, reposant sur un accord partenarial en faveur de l’atteinte des objectifs respectifs
Les constats présentés ici débouchent sur la formulation d’une seconde proposition
pour la phase empirique de notre recherche doctorale :
Les trois dispositifs conceptuels de la norme ISO 9001 auront des conséquences
différentes dans l’organisation et auprès des salariés (i.e. de leurs attitudes). Mais doit-on
nécessairement interpréter la norme à l’aune de ces trois dispositifs ?
basé sur la prise en compte des contraintes et exigences propres, l’interaction et l’échange d’informations, dont la finalité est
la satisfaction des besoins du client. La relation client-fournisseur suppose une séquence hiérarchique de type amont-aval.
Les normes de management supposent un droit à la traduction lié à l’usage des acteurs
et à leurs intérêts (Igalens et Penan, 1994 ; Benezech, 1996 ; Gomez, 1996 ; Segrestin, 1996).
Ce droit à la traduction se caractérise par le fait que l’interprétation des différentes
prescriptions de la norme ISO 9001, dépend de la manière dont le responsable [qualité]
l’entend. Par exemple, la prescription répondant à la détermination et à la gestion d’un
environnement de travail nécessaire pour obtenir la conformité au produit (i.e. l’article 6.4 de
la norme : « Environnement de travail ») peut tout autant prendre la forme d’une action
ponctuelle visant à appréhender la température, le bruit ou l’éclairage de l’environnement, que
la forme d’un processus revu régulièrement appréhendant entre autres les questions
d’ergonomie au poste travail. La norme repose sur une approche participative (Ben Youssef et
al., 2005). A ce niveau, les salariés participent à la mise en œuvre de la norme (i.e. du SMQ)
et de son fonctionnement (e.g. l’animation des processus) où ils ont pu exprimer leur point de
vue208. La norme aide à la mobilisation de moyens pour maîtriser l’expérience collective
(Duymedjian, 1996). Les SMQ sont les éléments formalisés (manuel qualité, procédures,
documents, etc.) permettant d’orienter l’organisme en matière de qualité. Ils sont conformes à
la norme ISO 9001 et prennent en compte les spécificités de chaque organisation. La norme
offre des marges d’interprétation (Martineau, 2012). Même si les organisations adoptent la
même norme (i.e. la norme ISO 9001), elles peuvent l’interpréter de différentes manières,
conduisant à des résultats différents (Poksinska, 2007).
207
Même si les spécificités de certains secteurs d’activité rendent plus difficile la mise en œuvre d’une certification ISO
9001. C’est par exemple le cas du bâtiment où les relations sont multilatérales (financiers, promoteurs, architectes,
ingénieurs, entrepreneurs), plutôt que bilatérales (relation client-fournisseur) comme c’est le cas dans l’industrie (Henry,
1996). D’autre part, dans le secteur du transport routier de marchandises, une certification ISO 9001 qui repose sur
l’implication des chauffeurs - sur la route et non dans le même lieu géographique - à utiliser les procédures et à renseigner les
formulaires du système qualité, peut remettre en cause l’indépendance qui a pu constituer le critère de choix du métier
(Biencourt, 1996), et ainsi compromettre la réussite de la certification.
208
Du moins en théorie car cela n’a rien de systématique.
la norme pour codifier les pratiques, ne sont que des règles qui ne circonscrivent pas les
pratiques elles-mêmes ; malgré la rhétorique des normes pouvant le laisser supposer, le
principe d’uniformité sous-jacent aux normes ISO est en fait relatif (Segrestin, 1997 : 561).
Mais alors que des auteurs soulignent le lien entre la norme et l’apprentissage
organisationnel (cf. supra), la norme peut justement apparaître au détriment de
l’apprentissage organisationnel. Pesqueux (2003) met en évidence la perspective de la norme
ISO 9001 pouvant déboucher sur le conformisme pour l’organisation qui en cherche la
conformité. Selon cette idée, la connaissance organisationnelle se contraint dans
l’apprentissage (la connaissance des consignes) de la norme et non dans l’apprentissage
organisationnel, ce qui marque « l’ambiguïté de tout projet de certification » souligne
Pesqueux (2003 : 209). Cette idée renvoie à la désignation employée par Lambert et Loos-
Baroin (2004) d’apprentissage du code (learning the code), c’est-à-dire l’apprentissage de la
norme au sens de la rédaction des procédures et du manuel qualité pour rendre visible les
savoir-faire opérationnels, différemment de l’apprentissage par le code (learning by the code),
c’est-à-dire l’apprentissage touchant le fonctionnement de l’organisation mais aussi la
conception de l’apprentissage209). L’interprétation collective prenant appui sur la norme,
l’organisation se pose en actrice de l’apprentissage des consignes de la norme et,
209
i.e. de nouveaux modes de représentation des connaissances techniques et organisationnelles conduisant, par exemple, au
développement de nouveaux produits.
210
Health Industry Management qui se rapporte au management des organisations de l’industrie de la santé (e.g. l’industrie
pharmaceutique).
211
De la même manière que Savall et Zardet (2005 : 4) expliquent que leur « définition de la norme au sens large inclut donc
les lois, réglementations, normes incitatives, prélèvements obligatoires, impôts, règles du jeu sociales, économiques,
sanitaires et de protection de l’environnement écologique qui ont un effet structurant sur les comportements et les stratégies
des acteurs du jeu économique, social, culturel : citoyens, consommateurs, producteurs, entreprises et organisations, réseaux
et institutions publiques et privées ».
212
« Mais la tétranormalisation peut aussi être source d’innovation et de stratégie pro-active d’entreprise, lorsque le
dirigeant accepte d’être le véritable pilote de l’intégration des normes qui affectent le fonctionnement et la performance
durable de son organisation » (Zardet et Bonnet, 2010 : 24).
Zardet, 2005 : 7-8). Cette situation - source de multiples coûts cachés213 affectant la
performance de l’entreprise - peut, par exemple, avoir une influence négative sur le contrôle
budgétaire (i.e. la manipulation des résultats comptables pour compenser la mauvaise
intégration de la tétranormalisation, du fait de la prise en compte du développement durable ;
Mansouri et al., 2009). Comme l’indique Ebondo Wa Mandzila (2010 : 88), par exemple, au
sujet des normes d’audit et de contrôle interne, « la superposition ou l’enchevêtrement des
différents corps de normes […] est source d’incohérences et de conflits ». Recentré sur notre
objet de recherche, l’enchevêtrement de la norme ISO 9001 à d’autres normes présentes dans
l’entreprise va introduire de la confusion ; les distorsions générées par la tétranormalisation
(Bonnet, 2009) vont alors entraver l’appropriation de la norme ISO 9001. Par exemple, le
salarié exposé à différentes normes ISO dans son travail, pourrait confondre la norme ISO
9001 avec une norme ISO technique nécessaire dans la fabrication d’un produit donné (e.g. la
norme ISO 228 « Filetages de tuyauterie pour raccordement sans étanchéité dans le filet –
Partie 1 : dimensions, tolérances et désignation »). En résumé, la norme ISO 9001 s’inscrit
dans un environnement tétranormalisé qui va agir - toute chose égale par ailleurs - sur son
appropriation.
Si l’interprétation de la norme ISO 9001 par le management aura une influence sur la
perception de la norme ISO 9001, ce point ne répond pas à la question du mécanisme de son
appropriation. Sur le sujet, la littérature spécifique à la norme ISO 9001 n’offre pas de
réponse. Mais, comme nous l’avons dit, la norme est un outil de gestion. Sur ce point, la
littérature propose un corpus pour appréhender l’outil de gestion, notamment son
appropriation à l’aune de la théorie instrumentale.
3.2.3 L’outil de gestion norme ISO 9001 : la théorie instrumentale pour l’expliquer
La norme ISO 9001 est un outil de gestion (De Vaujany, 2006). Selon la définition de
Moisdon (2005 : 239), l’outil de gestion relève de « toute mise en relation formalisée de
plusieurs quantités (production, nombre de défauts, dépenses, etc.) issues de l’activité de
213
« […] Les coûts cachés supportés par une organisation correspondent au coût différentiel d’une alternative stratégique
préférable ou, plus simplement, à la différence de coût entre les stratégies d’entreprise actuelles et celles qu’elles pourraient
préférer à l’avenir, en intégrant mieux les normes comptables de leur environnement économique, social et culturel. Ces
coûts dénommés cachés parce qu’ils ne sont ni mesurés ni intégrés dans la prise de décision, sont constitués à la fois de
coûts historiques (charges) et de coûts d’opportunité (manques à gagner) » (Savall et Zardet, 2005 : 12).
l’organisation ». Il s’agit par exemple d’objets tels que des tableaux de bord ou des modèles
de Gestion de Production Assistés par Ordinateur (GPAO) précise l’auteur. Si la norme ISO
9001 peut sembler davantage relever d’un dispositif de gestion au sens de Moisdon (2005 :
239), c’est-à-dire un « arrangement dans le temps et dans l’espace des personnes et des
choses », elle peut néanmoins prendre la forme d’un outil par les objets de gestion qu’elle
intègre.
Selon David (1998), ces trois éléments (substrat technique, philosophie gestionnaire et
vision simplifiée des relations organisationnelles) font de l’outil de gestion à la fois un
modèle formel (i.e. la représentation de l’outil et les éléments concrets qui permettent son
fonctionnement), un modèle d’action (e.g. les objectifs visés par les décideurs de l’outil
souhaitant le mettre en œuvre et l’utiliser) et un modèle d’organisation (i.e. l’idéal
d’organisation implicitement véhiculé par l’outil pour qu’il fonctionne parfaitement). Pour
l’auteur, l’outil de gestion a différents rôles caractérisant l’interaction entre l’outil et
l’organisation (cf. tableau 3-11).
Exploration du nouveau L’outil joue un rôle non seulement La réflexion sur l’expérience et la
dans la transformation des règles capitalisation dans le cadre de la
organisationnelles mais aussi dans revue des processus du SMQ. Les
le questionnement et la salariés s’interrogent sur
transformation des savoirs l’efficacité du processus, ce qui les
« techniques ». amène à faire évoluer leurs
pratiques.
Tableau 3-11 : Les quatre rôles des outils de gestion (David, 1998)
L’instrument de gestion a une multiplicité de rôles perçus qu’il joue tour à tour (Oiry,
2010215) : rôle de formalisation de l’activité coordonnée, rôle de moyen de conformation et de
214
Le tableau original de David comprend des exemples liés à différentes thématiques. Nous y substituons des exemples en
lien avec la norme ISO 9001.
On notera qu’un même objet d’intéressement est désigné différemment selon la façon
dont les auteurs le considèrent. Outil pour certains (Hatchuel et Weil, 1992 ; David, 1998 ; De
Vaujany, 2006), l’objet d’intéressement est désigné comme un instrument pour d’autres
(Aggeri et Labatut, 2010) afin de connoter une perspective dynamique (Oiry, 2010). Cette
situation interpelle sur le sens que tout un chacun peut donner à un objet d’intéressement.
Recentré sur notre objet de recherche, est-ce que la norme ISO 9001 est forcément
appréhendée comme un outil ? Sur ce point, la théorie instrumentale apporte des réponses
essentielles.
215
L’auteur explique dans son article que, bien que parfaitement valide, le terme d’outil est remplacé par le terme
d’instrument, connotant mieux la dimension dynamique de cet objet.
Seule la rencontre entre l’objet technique et l’utilisateur rend réaliste ou non l’objet.
Cette idée renvoie aux travaux d’Herbert Simon (1974), où l’artefact est une interface, c’est-à-
dire un point de rencontre entre un environnement interne (i.e.la substance et l’organisation de
l’artefact lui-même) et un environnement externe (i.e. les alentours dans lesquels l’artefact est
mis en œuvre), dont la réussite servira les buts assignés. A partir des travaux de Rabardel
(1995), Lorino (2002, 2007)217 définit l’artefact comme un objet matériel ou symbolique
conçu par les êtres humains pour une utilisation spécifique dans l’activité humaine. Selon
l’auteur, un artefact a le statut d’instrument lorsqu’il est un moyen d’action.
Partant de cette définition, un objet technique et un objet de gestion sont tous deux des
artefacts. Suivant l’idée d’Akrich (1987, 2006a), c’est par sa manière de réagir face à la
norme ISO 9001 que le salarié lui donne du contenu. Ce contenu est variable comme le
souligne Akrich (2006b). L’auteur propose une distinction des formes d’intervention des
utilisateurs sur des dispositifs (i.e. des objets) déjà constitués, soulignant l’écart entre un
usage prescrit et un usage effectif. Ces quatre formes d’intervention (Déplacement,
Adaptation, Extension et Détournement) sont fonction du degré de modification de l’objet et
216
« Ensemble de concepts permettant de se faire une image de la réalité en résumant les éléments disparates de cette réalité
à l’aide d’instruments fournis par la raison ». (Petit Larousse illustré, 2008). Pour Lorino (2002 : 13-14), « Le schème
d’action n’est pas l’action. C’est un concept, un schème mental fondé sur l’expérience, de nature opératoire (il associe des
opérations à des fins attendues). Il est pensé pour être applicable de manière générique à toute une famille de situations. […]
Les schèmes d’utilisation constituent les entités psychologiques organisatrices au sens où l’entend Vygotski ».
217
Lui-même inspiré des travaux de Simon.
de son usage prescrit218. Nous résumons les différentes formes d’intervention d’Akrich dans
la figure 3-7, ci-après. Selon Oiry (2010), les usages imprévus d’un instrument de gestion ont
un effet sur sa trajectoire (i.e. sa dynamique). Les usages imprévus modifient l’articulation
entre les éléments qui le composent, c’est-à-dire les trois éléments de nature variée formant
l’outil de gestion, mis en évidence par Hatchuel et Weil (1992) : un substrat technique, une
philosophie gestionnaire et une vision simplifiée des relations organisationnelles. Recentré
sur notre objet de recherche, les usages imprévus de l’instrument de gestion norme ISO 9001
conduisent à une désarticulation des trois éléments substrat technique, philosophie
gestionnaire et vision simplifiée des relations organisationnelle, pouvant briser sa dynamique
et conduire à son essoufflement, donc à son échec. En d’autres termes, une interprétation
différente de l’intention véhiculée par la norme ISO 9001 ou sa non appropriation peuvent
conduire à son échec.
Modification
de l’objet
Détournement
(e.g. utilisation de bidons
de pétrole découpés
comme tambours)
Adaptation
(e.g. allongement des
manches d’outils pour
une utilisation à distance)
Extension
(e.g. couplage d’un logiciel à un Déplacement
autre pour une utilisation reposant (e.g. utilisation du sèche-cheveux
sur de nouveaux indicateurs) pour attiser les braises) Modification de
l’usage prescrit de l’objet
Figure 3-7 : Les quatre formes d’intervention des utilisateurs sur des objets techniques déjà
constitués (d’après Akrich, 2006b)
218
La forme Déplacement renvoie à la modification du spectre d’utilisation de l’objet sans annihiler ce pour quoi il a été
conçu ; il s’agit de l’exploitation de la flexibilité de l’objet. La forme Adaptation renvoie à l’introduction dans l’objet de
modifications mineures pour ajuster aux caractéristiques de l’utilisateur ou de son environnement. La forme Extension
renvoie à l’adjonction d’éléments à l’objet permettant d’enrichir la liste de ses fonctions, sans le modifier ni son usage
prescrit. La forme Détournement renvoie à la modification de l’objet et de son usage prescrit.
En résumé, la norme ISO 9001 est considérée par le salarié parce qu’il voit à travers
elle une utilisation. Ce constat débouche sur la formulation d’une troisième proposition pour
la phase empirique de notre recherche doctorale :
La compréhension de l’usage de la norme ISO 9001 passe donc par le point de vue
des utilisateurs et de son appropriation. Sur le thème de l’appropriation, plusieurs
modélisations sont envisageables, comme nous allons le voir maintenant.
219
Dans sa recherche, Orlikowski restreint le champ d’application de sa définition du concept de technologie, aux artefacts
matériels (différentes configurations hardware et software).
elle lui confère une habilitation (e.g. en établissant et en suivant des indicateurs de
performance des processus).
Cette structure sociale (i.e. le SMQ créé et reproduit par les salariés) ne part pas de
rien (Amblard, Bernoux, Herreros et Livian, 1996). Elle prend comme origine l’introduction
de la norme par la direction (i.e. le management). A ce niveau, le management est à
l’initiative de l’introduction de la norme ISO 9001, c’est-à-dire que c’est lui qui prend la
décision de mettre en œuvre un système de management de la qualité basé sur la norme ISO
9001 en faveur de la maîtrise de l’activité de l’organisation, et non les salariés opérationnels.
Il s’agit d’une contrainte externe. Les individus reçoivent la norme et doivent y souscrire et
l’appliquer.
220
i.e. les managers.
221
Conformément à la théorie des conventions.
222
Tout autant que la norme ISO 9001 (cf. Lérat-Pytlak, 2002).
(Lambert et Ouedraogo, 2010) auxquelles adhèrent les individus (Benezech, 1996), nous
adoptons la perspective de l’appropriation pour notre recherche doctorale.
223
Article publié dans la Revue Française de Gestion (n° 112, 1997).
224
i.e. « des situations où le « traitement » de l’information présente n’est pas suffisant car, d’une part, le futur ne peut être
déduit du passé et, d’autre part, il dépend des comportements simultanés des autres acteurs » (Gomez, 2006 : 220).
225
i.e. la convention « forme une figure régulière qui se repère parce qu’elle donne une solution systématique à un problème
systématiquement indécidable » ; il s’agit par exemple de la conduite automobile à droite où, par mimétisme, les conducteurs
souscrivent à cette règle sans s’interroger sur la règle (Gomez, 1996 : 146).
226
i.e. la convention « n’existe qu’en tant que conviction partagée sur son existence. Sa qualité essentielle réside dans sa
capacité à convaincre de sa généralisation » (Gomez, 1996 : 146).
L’appropriation d’un outil de gestion - tel que la norme ISO 9001 - peut s’envisager au
regard des travaux de Jean-Daniel Reynaud sur les régulations dans les organisations. La
théorie de la régulation conjointe de Reynaud (1988) offre un cadre de compréhension de
l’appropriation de la norme. Le management décide de la mise en œuvre de la norme ISO
9001 et encadre son déroulement quotidien. Cette situation s’impose aux agents : c’est la
régulation de contrôle. Les employés s’approprient la norme selon les règles de leur groupe
social : c’est la régulation autonome. Selon cette idée, l’appropriation de la norme ISO 9001
résulte du compromis entre la régulation de contrôle et la régulation autonome, c’est-à-dire la
régulation conjointe. Partant de ces constatations, on retrouve l’influence du management
dans l’appropriation de la norme ISO 9001 avec la régulation de contrôle ; notre cinquième
proposition pour la phase empirique s’en trouve confirmée. D’autre part, les règles du groupe
social d’appartenance agissent sur l’appropriation de la norme ISO 9001 (i.e. la régulation
autonome).
Telle qu’elle apparaît dans des travaux récents (Martineau, 2009, 2012 ; Dumas,
Douguet et Muñoz, 2012), la perspective de l’appropriation est mobilisée dans nos travaux.
Selon la définition de Martineau (2009), l’appropriation renvoie à un processus par lequel un
usage prévu d’un outil va se trouver rejeté, modifié ou approuvé par l’utilisateur. Pour
l’auteur (2009 : 64) « l’appropriation fait référence à la mise en usage, aux pratiques, au
quotidien des acteurs de terrain ». Salisbury, Chin, Gopal et Newsted (2002)227 définissent le
concept d’appropriation comme le mode ou la manière avec lesquels les utilisateurs récréent
ou reproduisent l’utilisation d’une technologie. D’une manière plus générale faisant référence
au travail, Bernoux (2004 : 56) définit l’appropriation comme un concept désignant la
maîtrise de l’action de travail par le salarié en charge de son exécution. Selon cette idée,
227
Les auteurs s’appuient sur Poole et DeSanctis (1992).
l’appropriation donne du sens au travail et agit sur ses conditions (i.e. négociation et
modification). Selon Bernoux (2004), l’appropriation intègre une dimension collective au sens
où elle conditionne la reconnaissance sociale via la maîtrise de son travail par l’individu.
Partant de cette idée, un salarié qui s’approprierait la norme ISO 9001 pour répondre aux
règles de son groupe social en obtiendrait de la reconnaissance ; cette situation confirme notre
première proposition où la norme ISO 9001 influence positivement les attitudes au travail du
salarié opérationnel.
renvoie aux travaux de Karl Weick (e.g. 1993) sur l’élaboration du sens. A ce niveau, la
norme porte l’identité et le sens de l’action des employés, au travers de leur préoccupation de
réaliser un produit/service de qualité.
Sur la base d’un processus de nature symbolique, cognitive et identitaire, Bédé, Bédé,
Fiorello et Maumon (2012) soulignent une autre perspective de l’appropriation. Dans leur
étude sur l’appropriation de la démarche « Qualicert » dans les IAE, les auteurs mettent en
relief la perspective de la légitimité. Selon cette perspective qui emprunte aux travaux de
Suchman, (1995) sur la légitimité organisationnelle228, l’appropriation d’un outil de gestion
dépend de sa légitimité interne portée par l’organisation. A ce niveau, l’appropriation de la
norme ISO 9001 dépendra de sa promotion et de sa légitimation (e.g. en mobilisant les
symboles, les croyances, les idéologies) par une institution de l’organisation (e.g. la direction,
le responsable qualité). Pour le salarié, l’appropriation légitime de la norme ISO 9001 revient
à la considérer comme fondée en raison, c’est-à-dire qu’il est juste pour le salarié de s’inscrire
dans la norme ISO 9001 pour satisfaire le client (i.e. clientèle et marchés effectifs à conserver
et clientèle et marchés potentiels à décrocher), eu égard au discours du management.
Ces constats débouchent sur la formulation d’une huitième proposition pour la phase
empirique de notre recherche doctorale :
228
Synthétisant les approches stratégique et néo-institutionnelle, Suchman (1995) définit trois principales formes de
légitimité : pragmatique (i.e. fondée sur l’intérêt personnel des personnes ciblées), moral (i.e. fondée sur l’approbation de la
norme sociale) et cognitive (i.e. fondée sur l’évidence et reposant sur l’acquis).
229
L’isomorphisme renvoie à l’homogénéisation des modes d’action qui s’opère entre les organisations d’un même champ
(e.g. les organisations qui réalisent les mêmes produits-services, qui ont les mêmes consommateurs, qui ont les mêmes
fournisseurs).
institutionnel selon DiMaggio et Powell (1983). Ces auteurs proposent une perspective de
l’isomorphisme institutionnel reposant sur trois mécanismes : l’isomorphisme coercitif,
l’isomorphisme normatif et l’isomorphisme mimétique. L’isomorphisme coercitif résulte des
pressions formelles et informelles exercées sur les organisations, par d’autres organisations
desquelles elles dépendent mais également par les attentes culturelles de la société dans
laquelle les organisations fonctionnent. Cette forme d’isomorphisme découle de l’influence
politique et du problème de la légitimité. L’isomorphisme mimétique se réfère aux situations
où l’organisation est confrontée à un problème aux causes ambiguës ou lorsque les solutions
n’apparaissent pas clairement (e.g. lorsque les technologies organisationnelles ne sont pas
comprises, que les objectifs sont ambigus, que l’environnement créé de l’incertitude) ; les
organisations tendent à s’imiter entre elles pour apparaître légitimes. L’isomorphisme
normatif renvoie à la professionnalisation, c’est-à-dire la définition par une profession des
conditions et modalités de travail. Recentré sur le salarié, la norme est légitimement
appropriée car le salarié est pressé par ses collègues de suivre la norme (isomorphisme
coercitif) ou parce qu’il cherche à imiter ses collègues (isomorphisme mimétique), ou encore
parce que le salarié s’inscrit dans les pratiques de travail de ses collègues (isomorphisme
normatif). Selon la perspective de l’isomorphisme coercitif, le salarié est contraint par la
pression de son groupe social de s’inscrire dans la norme ISO 9001, sous peine d’en être
exclu ; le salarié doit utiliser les éléments du SMQ. Selon la perspective de l’isomorphisme
mimétique, le salarié prenant modèle sur ses collègues s’inscrit dans la norme ISO 9001 et
utilise le SMQ. Sur ce point, le souhait du salarié d’intégrer un groupe social ou son manque
de certitude quant à sa place dans ce groupe peuvent expliquer la perspective de
l’isomorphisme mimétique. Selon la perspective de l’isomorphisme normatif, le salarié
s’inscrit dans la norme ISO 9001 et utilise le SMQ parce que cela correspond aux pratiques de
son groupe social. En résumé, le salarié pressé par ses collègues, cherchant à les imiter ou
répondant à leurs pratiques, répond aux règles de son groupe social, conformément au
principe de régulation autonome de Reynaud (1988). Ce point confirme notre sixième
proposition pour la phase empirique de notre recherche doctorale : la régulation au sein du
groupe social détermine l’appropriation et la perception de la norme par le salarié
opérationnel.
mise en œuvre rituelle, à savoir l'adoption des normes externes exclusivement ciblées sur la
légitimation sociale ayant comme conséquence une séparation entre le fonctionnement réel
des processus de l’entreprise et les procédures du SMQ afin de protéger les critères internes
de l'efficacité et de l'efficience.
Comme nous l’avons dit plus haut, habituellement les travaux cherchant à expliquer le
processus d’adoption de la norme ISO 9001 mobilisent l’approche institutionnelle (Boiral,
2003 ; Vasconcelos et Vasconcelos, 2003 ; Christmann et Taylor, 2006 ; Heras-Saizarbitoria
et al., 2013). Par exemple, dans son article de référence, Boiral (2003) étudie la perception des
salariés (managers et employés) au sujet de la norme ISO 9001 et du processus de
certification. L’auteur identifie des perceptions (attitudes et opinions) différentes qu’il
regroupe en trois types de répondants : les intégrateurs cérémoniels, les passionnés de la
qualité et les dissidents230. Premièrement, le type intégrateurs cérémoniels correspond à la
perception de la norme ISO 9001, principalement conçue pour répondre et se conformer à la
demande externe (client, marché) ; c’est un moyen d’améliorer l’image de l’entreprise et
d’obtenir de nouveaux contrats. Ce groupe de répondants n’est pas convaincu par la
pertinence de la norme en interne. Pour les intégrateurs cérémoniels, la norme n’est pas
considérée comme un outil utile pour améliorer le management de la qualité. Le sens de
cérémoniel est lié au concept de « mythes et cérémonies » de Meyer et Rowan (1977). Selon
ces auteurs, les organisations adoptent des structures formelles apparaissant comme le reflet
de règles institutionnelles rationalisées, fonctionnant comme des mythes et des cérémonies
dont les organisations en obtiennent une légitimité. Le respect de ces méthodes fait partie des
mythes et cérémonies davantage édictés dans un souci d’image de l’organisation et de
reconnaissance externe que pour une nécessité interne (Boiral, 2003). A ce niveau, la norme
ISO 9001 est considérée comme une institution dans l’environnement (client, marché) de
l’organisation ; en intégrant la norme, l’organisation est légitime. Cette perspective mythique
et cérémonielle trouve écho au travers de l’isomorphisme institutionnel de DiMaggio et
Powell (1983). Deuxièmement, le type passionnés de la qualité se réfère à la perception de la
norme comme un moyen de mettre en œuvre les principes de l’assurance de la qualité au
travers des procédures de fonctionnement et de contrôle, la réduction des erreurs, la
communication client, etc. Outre les avantages commerciaux de la norme, les répondants de
ce groupe voient l‘adoption de la norme comme une excellente façon de promouvoir la qualité
230
Nous remercions l’auteur pour ses précisions complémentaires au sujet des trois types de répondants.
totale au travail. Enfin, le type dissidents correspond à la perception de la norme comme une
cage de fer qui limite l’action et dont les avantages commerciaux sont incertains pour
compenser les effets négatifs de la norme, c’est-à-dire la bureaucratie du système auquel les
répondants de ce groupe ont dû faire face sans obtenir de récompense. Les dissidents sont
opposés à la mise en œuvre de la norme ISO 9001 dans l’organisation. A ce niveau, la norme
ISO 9001 fait bien l’objet d’interprétations différentes qui conditionnent son utilisation. Les
travaux de Boiral (2003) sont devenus une référence et sont repris dans d’autres recherches. Si
la perspective de légitimité est au centre de ces travaux (i.e. le type intégrateurs cérémoniels),
elle est complétée par la perspective rationnelle (i.e. le type passionnés de la qualité).
Toutefois, on constate que trois autres perspectives sont possibles (perspectives socio-
politique, psycho-cognitive et symbolique) pour expliquer l’appropriation de la norme ISO
9001, à l’appui d’autres approches théoriques.
Ainsi, pour Boiral (2003), la norme ISO 9001 est vue comme un système objectif de
règles collectivement acceptées dont la légitimité est rarement contestée dans les
organisations. Ce point de vue renforce la perspective de la légitimité pour expliquer
l’appropriation de la norme ISO 9001 par les salariés ; indépendamment des quatre
perspectives identifiées. Le tableau 3-12 résume les cinq perspectives de l’appropriation d’un
outil de gestion et donne des exemples de leur application à la norme ISO 9001.
Tableau 3-12 : les cinq perspectives de l’appropriation d’un outil de gestion, et des exemples
de leur application à la norme ISO 9001
On l’a vu au travers des mécanismes explicatifs de la légitimité dans les théories néo-
institutionnelles, les représentations sociales sont un élément fondamental. Cet aspect est à
présent discuté.
Considérant la théorie des représentations sociales, le rôle des acteurs est fondamental
dans le processus d’appropriation (Dreveton, Lande et Portal, 2012). Cette théorie repose sur
le concept central de représentation collective d’Emile Durkheim. La représentation collective
est le produit des actions et réactions échangées entre les consciences élémentaires composant
la société (Durkheim, 1898). Selon Durkheim, les représentations collectives sont extérieures
aux consciences individuelles parce qu’elles résultent du concours des individus, et non des
individus pris isolément. Dreveton et al. (2012) reprennent la définition de Jodelet (1997 : 53)
pour définir les représentations sociales : « formes de connaissances socialement élaborées et
partagées ayant une visée pratique et concourant à la construction d’une réalité commune à
un ensemble social ». Jodelet (2008) propose d’analyser les représentations sociales à l’aune
de trois univers d’appartenance (cf. figure 3-8) : intersubjectif, subjectif et trans-subjectif.
Figure 3-8 : Les sphères d’appartenance des représentations sociales (Jodelet, 2008)
231
Dans le cadre du passage de la version 1994 à la version 2000 de la norme ISO 9001.
recommandé par le dispositif de la norme ISO »). Les responsables qualité relèvent d’un type
« fonctionnel » (la représentation du changement renvoie « […] aux pratiques de
management de et par la qualité »). Toutefois, les auteurs (2007 : 36-42) expliquent que les
opérateurs associés à la mise en place du SMQ ne relèvent ni d’un rapport « normatif » ni
d’un rapport « fonctionnel » : « l’examen de leurs pratiques professionnelles et de leur
position dans l’organisation générale laisse penser que les opérateurs ont, comparativement,
un rapport plus distant à la norme ISO. A cette position devrait correspondre une
représentation essentiellement fonctionnelle, ancrée sur la réalité du terrain […]. Vision
partielle de l’organisation et pratique sectorielle expliquent cette représentation négative232
de l’impact de la norme (i.e. aucun apport perçu de la norme) et l’absence d’éléments
fonctionnels ».
232
Les auteurs mentionnent un verbatim d’un opérateur « moi, je dirais non ! Ça n’a rien changé par rapport à l’ancienne
norme », précisant que la majorité des opérateurs ont déclaré ne pas avoir observé de changement.
Interprétation de la
norme ISO 9001
233
Article publié dans la Revue Française de Gestion (n° 97, 1994).
234
Les auteurs indiquent s’appuyer sur une conception de l’apprentissage organisationnel qu’ils opèrent à partir des travaux
d’Edit Penrose, où la firme est perçue de façon transversale ce qui renforce l’autonomie des acteurs tout en orientant leurs
comportements.
235
Argyris et Schön (2002) conçoivent une approche de l’apprentissage organisationnel basée sur la distinction entre
l’apprentissage en simple boucle et l’apprentissage en double boucle (la distinction est empruntée à l’ouvrage de W. Ross
Ashby Design for a Brain, précisent les auteurs). L’apprentissage en simple boucle se réfère à la situation où l’apprentissage
modifie l’action suite à l’analyse de son résultat, sans changement des valeurs directrices de cette action (e.g. l’expérience
apprend qu’il faut changer les joints d’étanchéité d’un équipement de production toutes les 300 heures d’utilisation).
L’apprentissage en double boucle renvoie à la situation où l’apprentissage induit un changement des valeurs directrices de
l’action (e.g. plutôt que de changer les joints d’étanchéité d’un équipement de production toutes les 300 heures d’utilisation,
l’apprentissage débouche sur la remise en question de cet équipement de production).
l’absence de certains indicateurs signifierait que la norme n’est pas appropriée236. Or, comme
nous l’avons vu précédemment, la littérature appréhende la norme de management selon un
dispositif triple de coordination et de régulation, d’apprentissage et d’innovation, et de
contrôle et de gouvernance.
Pour cette raison, sans remettre en question sa grande richesse et son influence sur
l’appropriation et la perception de la norme ISO 9001 - toute chose égale par ailleurs -,
l’approche théorique de l’apprentissage organisationnel n’est pas centrale dans notre
recherche doctorale. Les travaux récents sur l’appropriation d’outils de gestion (De Vaujany,
2006 ; Martineau, 2009 ; Grimand, 2012) n’intègrent pas l’apprentissage organisationnel
comme modèle explicatif de l’appropriation. Toutefois, nous considérons cette approche en
soutien de la perspective psycho-cognitive d’appropriation de la norme ISO 9001.
236
Ce que ne manquent pas de rappeler Lambert et Loos-Baroin (2004 : 70) : « D’un point de vue méthodologique, on voit
rapidement […] la limite d’une évaluation des effets d’apprentissage à partir de seuls critères quantitatifs, en l’occurrence
l’examen des indicateurs qualité du système d’information ».
237
Tentant de le définir en dix mots ou moins (en anglais), Schifo (2004) définit le développement organisationnel comme
l’application de la science comportementale pour promouvoir un système efficace à travers le changement. « La raison d’être
du DO consiste […] à améliorer les organisations pour leur bénéfice et celui des membres qui y travaillent. Il souhaite donc
harmoniser leurs buts et leurs objectifs respectifs. La stratégie du DO concourt au développement de l’organisation par des
actions planifiées à long terme qui ont pour cible sa culture interne et ses processus humains et sociaux, à partir des modèles
théoriques provenant de la discipline des sciences appliquées au comportement » (Tellier, 1992 : 23-24).
238
Par exemple, par le biais de groupes de travail et de Team Building (i.e. des groupes pour renforcer la cohésion d’équipe)
indique Wesner (2010).
et Deming dans les années 50 et 60 les ont introduits au Japon -, s’apparentent au processus
de solution de problèmes en groupe ».
3.4.1 La norme ISO 9001 : son adoption selon son utilité et sa facilité d’utilisation
perçues
239
Initialement, Davis a développé le modèle TAM dans sa thèse de Doctorat soutenue en 1986.
240
Technology Acceptance Model.
241
Les auteurs soulignent la stabilité du modèle conceptuel TAM, même s’ils notent qu’il « ne peut réussir à prendre en
compte l’ensemble des facteurs explicatifs de l’acceptation » (2002 : 24).
242
La théorie de l’action raisonnée, le modèle d’acceptation de la technologie, le modèle motivationnel (motivation
extrinsèque et motivation intrinsèque), la théorie du comportement planifié, un modèle combinant le modèle d’acceptation de
la technologie et la théorie du comportement planifié, le modèle d’utilisation du PC, la théorie de la diffusion de l’innovation
et la théorie sociale cognitive.
243
Unified Theory of Acceptance and Use of Technology.
244
Ce qui renvoie à la facilité d’utilisation perçue.
245
Ce qui renvoie à la perception qu’un individu a de ce que pensent les gens qui lui sont importants, du comportement qu’il
devrait ou ne devrait pas avoir, dans le TAM2.
à la facilité perçue d’utilisation du SMQ246 et à l’influence des gens qui comptent247 pour le
salarié (favorisant l’utilisation de la norme), et l’idée selon laquelle le salarié pense que
l’entreprise le soutient pour œuvrer en faveur de la qualité248, déterminent l’utilisation de la
norme ISO 9001.
246
Dont les procédures et les processus.
247
e.g. les collègues, le responsable qualité, le supérieur hiérarchique direct.
248
e.g. la mise à disposition de temps pour l’organisation de groupes de résolution de problèmes.
Pour Digout (1997), l’appropriation est un processus qui repose sur la motivation. Le
champ théorique de la motivation est vaste et varié. Des méta-analyses ont examiné le corpus
théorique de la motivation (Ambrose et Kulik, 1999), faisant ressortir sept théories classiques
de la motivation (théorie des motifs et des besoins, théorie des attentes, théorie de l’équité,
théorie de la fixation des objectifs, théorie de l’évaluation cognitive, théorie de la conception
du travail et théorie du renforcement). Roussel (2000) analyse ces différents courants
théoriques à l’aune de la taxonomie de Ruth Kanfer. Cette taxonomie classe les théories de la
motivation selon trois paradigmes : 1) besoins – mobiles – valeurs, 2) choix cognitif et 3)
autorégulation – métacognition. Le paradigme Besoins – mobiles – valeurs repère les théories
de la motivation qui « tentent d’identifier quelles sont les forces internes et externes qui
agissent sur la décision individuelle d’agir de façon motivée » (Roussel, 2000 : 7).
Parmi ces théories, la théorie de l’évaluation cognitive (Deci, 1971) suggère que la
motivation à agir conditionne l’exercice d’une activité, selon une motivation intrinsèque (la
norme permet d’accompagner l’exigence personnelle de qualité) et une motivation
extrinsèque (la nature du management de l’entreprise pour s’engager dans la norme). La
théorie de l’évaluation cognitive postule que la motivation intrinsèque est une variable
médiatrice de l’effet des facteurs externes sur le comportement des employés (Ambrose et
Kulik, 1999). A ce niveau, la manière dont le salarié s’approprie la norme détermine son
engagement dans celle-ci. Dans ce cas, l’appropriation est fonction de la reconnaissance que
le salarié trouve dans la norme elle-même, renforcé dans cette situation par l’entreprise,
notamment par un feedback positif249. En d’autres termes, suivant l’approche théorique de
Deci (1971) recentrée sur la norme ISO 9001, d’une part la motivation du salarié à réaliser un
produit-service de qualité et à améliorer le fonctionnement de l’entreprise va conditionner son
engagement dans la norme. Par exemple, le salarié soucieux du niveau de qualité du produit-
service va recourir aux procédures du SMQ et va s’appuyer sur les indicateurs des processus
pour diminuer le taux de non conformités. D’autre part, le management qui assure un retour
249
A la différence d’une reconnaissance financière qui tend à diminuer la motivation intrinsèque, selon Deci (1971).
positif et constructif sur le fonctionnement de la norme (et non une récompense financière),
caractérise une motivation extrinsèque du salarié à s’engager dans la norme ISO 9001. Par
exemple, en rencontrant régulièrement le salarié et en lui signifiant sa contribution au SMQ,
ses propositions d’amélioration, etc., le management favorise la motivation du salarié à
utiliser le SMQ issu de la norme ISO 9001. Les constats présentés ici débouchent sur la
formulation de deux propositions supplémentaires pour la phase empirique de notre recherche
doctorale :
D’une part, les exigences personnelles de qualité du salarié que l’on peut aussi traduire
par ses valeurs initiales du travail vont influencer son appropriation et sa perception de la
norme ISO 9001, il s’agit de sa motivation intrinsèque :
Comme nous l’avons précisé auparavant, pour Anderson et al. (1994) l’essence
théorique de la méthode de management de Deming concerne la création d’un système
organisationnel qui favorise la coopération et l’apprentissage pour faciliter la mise en œuvre
des pratiques de management des processus qui, à leur tour, conduisent à une amélioration
continue des processus, produits, et services, et à l’épanouissement des employés, qui sont
tous deux essentiels à la satisfaction du client et, en définitive, à la survie de l’entreprise.
Selon cette idée, les pratiques de la norme ISO 9001 influencent l’attitude des salariés qui, en
retour, va influencer le leadership du management. Anderson et al. (1994) rajoutent que le
leadership organisationnel joue un rôle crucial pour assurer le succès du management de la
qualité, car il est des responsabilités des dirigeants de créer et communiquer une vision pour
engager l’entreprise vers l'amélioration continue et pour fournir un soutien formel et informel,
afin de permettre la création et le maintien d'un système d'organisation qui est réceptif aux
pratiques de management des processus.
Ce constat débouche sur la formulation des deux dernières propositions pour la phase
empirique de notre recherche doctorale :
Notre cadre d’analyse s’appuie, entre autres, sur des études qui, initialement,
n’émanent pas du champ du management de la qualité mais qui s’y appliquent
particulièrement bien, tels les exemples que nous présentons.
le salarié : sa motivation à s’investir dans la norme pouvant influencer son attitude face à la
norme.
Bienstock, Royne, Sherrell et Stafford (2008) mobilisent le modèle TAM pour évaluer
l’utilisation des technologies de l’information logistiques et leur acceptation comme un
composant essentiel d’un modèle de la qualité de service logistique. Considérant que la
recherche antérieure a démontré que l’utilité perçue apparaît comme le construit du TAM le
plus fort (par rapport au construit de la facilité d’utilisation perçue), les auteurs indiquent dans
leur étude que les relations sont à peu près égales entre ces deux concepts et les intentions
d'utiliser les outils de technologie de l'information logistique.
Dans son étude250 sur les usages-types d’une fiche de signalement d’incident (i.e. un
élément important des démarches qualité) dans un hôpital, Martineau (2012) recourt à la
théorie instrumentale et à la perspective de l’appropriation.
Basés sur la théorie de la structuration, les travaux de Salisbury et al. (2002) sur
l’appropriation des technologies avancées de l’information établissent le lien entre
l’appropriation et l’attitude, où les appropriations peuvent-être fidèles (i.e. la technologie est
utilisée d’une manière compatible avec son intention générale) ou non fidèles, et où les
attitudes envers l’utilisation (e.g. des croyances sur la facilité d’utilisation ou l’utilité) peuvent
être favorables ou défavorables. Dans une perspective proche, Nair et Prajogo (2009) évoque
la notion d’internalisation251 comme représentant le processus d’absorption de l’information à
la fois explicite et implicite dans l’organisation et sa traduction en connaissances ensuite
appliquées à l’objet. Cette notion apparaît proche du concept d’appropriation. Ainsi, dans leur
étude sur le rôle antécédent des facteurs institutionnalistes252 et fonctionnalistes253 dans
l’internalisation des normes ISO 9000 et les implications pour la performance, Nair et Prajogo
(2009) ont constaté que l'internalisation des normes ISO 9000 est positivement associée à la
250
L’étude de l’auteur est issue de sa thèse portant sur la mise en usage des outils de gestion par la qualité à l’hôpital.
251
Qu’ils définissent à l’appui de Knight et Liesch (2002).
252
C’est-à-dire les pressions institutionnelles créées par les clients, les acheteurs, les concurrents et les politiques
industrielles, indiquent les auteurs.
253
Il s’agit de motivations internes axées sur l’adoption de l’approche structurée de la norme ISO 9000, pour construire un
programme d’assurance qualité éprouvé et efficace qui inclut les procédures de documentation et de suivi, les opérations de
traçabilité, la réduction des erreurs, la communication client et le service après-vente, indiquent les auteurs.
Il est essentiel d’interroger les salariés opérationnels sur leur perception de la norme
ISO 9001 dans leur travail quotidien. Le cadre d’analyse constitue une grille de lecture
potentielle pour appréhender l’attitude au travail des salariés (état affectif, comportement,
croyance) du fait de la norme. Le cadre d’analyse invite à creuser l’interprétation de la norme,
les déterminants de son appropriation (utilité et facilité d’utilisation perçues ; motivations
intrinsèque et extrinsèque) et les attitudes au travail qui en découlent.
Proposition 9 : les attitudes positives influencées par la norme ISO 9001 influencent en
retour le management de la qualité (ex proposition initiale 14).
(i.e. les schèmes d’action, la motivation intrinsèque). Ces deux pôles conditionnant différentes
perspectives (i.e. rationnelle, socio-politique, psycho-cognitive, symbolique et de légitimité)
influencent l’appropriation et la perception de la norme ISO 9001 (i.e. positive, négative ;
dispositifs de coordination, d’apprentissage et de contrôle). Considérant l’utilité et la facilité
d’utilisation perçues comme variables modératrices de la perception de la norme ISO 9001,
les attitudes au travail sont influencées. Le tableau 3-14 ci-après résume ces grandes
variables.
Facilité d’utilisation perçue Efforts moindres perçus liés à l’utilisation de la norme ISO
9001
Tableau 3-14 : Les grandes variables du socle conceptuel intégrateur de notre recherche
doctorale
P9
Management et facteurs
externes
Régulation de contrôle
Motivation extrinsèque
(soutien social perçu, Facilité
traduction de la norme) Utilité
d’utilisation
Influence sociale (régulation perçue
perçue
autonome)
Conditions facilitantes
P6 P5 P8
P3
Caractéristiques
Appropriation
personnelles
Schèmes d’action Rationnelle
Socio-
Motivation P3 politique Attitudes au travail
intrinsèque P4
(exigence Psycho- Perception de la norme
Etat affectif (e.g. satisfaction)
P7 cognitive P2 Positive vs négative P1
personnelle de Comportement (e.g.
Symbolique Contrôle, apprentissage,
qualité, valeurs autonomie)
Légitimité coordination
initiales du travail) Croyance (e.g. rigueur)
Les questions de recherche qui sont une expression plus précise et plus opératoire de
l’objet de recherche (Allard-Poesi et Maréchal, 2007: 34) apparaissent ainsi :
¾ Est-ce que la norme ISO 9001 est perçue par l’ensemble des salariés (i.e. les
managers, les techniciens et les ouvriers) à l’aune des trois dispositifs
conceptuels de la norme (i.e. coordination et régulation, apprentissage et
innovation, contrôle et gouvernance) ?
¾ Le cas échéant, quel est le signe des attitudes influencées (positif, négatif) ?
¾ Quelle est la nature des attitudes influencées par la perception de la norme ISO
9001 (états affectifs, comportements, croyances) ?
Comme nous l’avons précisé au terme du chapitre II, notre objet de recherche, c’est-à-
dire la question générale à laquelle notre recherche s’efforce de répondre (Allard-Poesi et
Maréchal, 2007), porte sur les caractéristiques du lien entre appropriation et perception de la
norme de management de la qualité ISO 9001 par les salariés opérationnels, et son influence
sur les attitudes au travail en faveur de la maîtrise de l’activité de l’organisation. Notre
recherche revient à explorer ces caractéristiques. Par conséquent, il s’agit d’une approche
qualitative (ce point sera développé dans le prochain chapitre). Dans ce cadre, nous adoptons
un raisonnement par abduction ; basé sur le principe de l’induction, en fonction de la
Ces travaux débouchent sur neuf propositions soutenant des grands concepts pour la
phase empirique de notre recherche doctorale. Ces grandes variables forment un socle
conceptuel intégrateur où le management, l’influence sociale, les conditions facilitantes et les
caractéristiques personnelles déterminent l’appropriation et la perception de la norme ISO
9001. L’appropriation de la norme ISO 9001 relève de différentes perspectives (rationnelle,
socio-politique, psycho-cognitive, symbolique et de légitimité) et sa perception est modérée
par son utilité et sa facilité d’utilisation perçues. En retour, la norme ISO 9001 influence les
attitudes au travail.
David, Hatchuel et Laufer (2008 : 1) indiquent que « les Sciences de Gestion restent
les plus jeunes des sciences sociales » et qu’« aujourd’hui, leur légitimité pratique et
professionnelle ne fait pas de doute ». Mais quel est l’objet des Sciences de Gestion et, ce
faisant, celui du management ? Dans l’ouvrage collectif qu’il a dirigé, Thiétart (2007 : 4)
affirme que c’est une question qu’un chercheur en management doit se poser : « est-ce une
pratique ou une science ? ». Alors que David et al. (2008 : 1) affirment que « les sciences de
gestion souffrent toujours d’un déficit d’identité », des travaux soulignent toutefois des
caractéristiques permanentes et fondamentales des Sciences de Gestion, propres à leur
conférer une identité. Par exemple, Usunier, Easterby-Smith et Thorpe (2007) soulignent
l’originalité et la spécificité de la recherche en management au travers de trois traits
combinés : 1) la nature éclectique de sa pratique fondée sur des connaissances d’autres
disciplines (e.g. sociologie, anthropologie, économie, statistiques et mathématiques), 2) le
contexte d’orientation caractérisé par des hommes et des femmes de pouvoir tournés vers
l’action, mais rendant difficile l’accès au terrain et 3) la méthodologie de la recherche devant
prendre en compte les recommandations et leurs conséquences pratiques, à destination des
managers. David (1999 : 15) explique que « le chercheur en gestion est […] légitime à
prétendre modéliser telle ou telle classe de phénomènes, c’est-à-dire à chercher à découvrir
des régularités et des liens de cause à effet […] ». L’emprunt à d’autres disciplines apparaît
comme une caractéristique prégnante des Sciences de Gestion. Les chercheurs en Sciences de
Gestion recourent régulièrement à des hypothèses, des modèles, ou des théories provenant
d’autres disciplines pour faire progresser les connaissances sur les organisations (Durand,
Charreire-Petit et Warnier, 2009).
254
C’est-à-dire, « reproduire en laboratoire un évènement naturel afin de faciliter son observation et de disposer de données
aisément reproductibles » précise l’auteur (2000 : 70).
1973255), on peut rendre fausse une théorie. Liouville (2008), soulignant la perception des
Sciences de Gestion comme technologie de traitement de problèmes, rappelle le fondement
des analyses sur le raisonnement « ceteris paribus » (i.e. toute chose égale par ailleurs, entre
autres, relatif aux sciences économiques) qu’il critique à l’aune de l’objet des Sciences de
Gestion, en raison des différences potentielles pouvant conduire à la prise de mauvaises
décisions256. L’auteur (2008 : 423) propose ainsi « un renouvellement méthodologique fondé
sur le raisonnement au cas par cas […] », dont il souligne les conditions à respecter pour que
le caractère scientifique ne puisse être contesté. On observe une riche réflexion autour de la
scientificité des Sciences de Gestion qui ne peut être mise en doute.
Malgré leur jeunesse, les Sciences de Gestion n’en restent pas moins vigoureuses dans
leur effort d’établir leur identité. Cependant, les débats subsistent sur leurs caractéristiques.
Verstraete (2007) souligne le débat ouvert sur l’objet, la scientificité et la mission des
Sciences de Gestion, notamment parce que les frontières des Sciences de Gestion ne sont pas
posées par rapport aux autres disciplines scientifiques. Par ailleurs, consacrant l’activité
scientifique, la méthode a fait l’objet d’une dérive dans les Sciences de Gestion afin de les
légitimer. Verstraete (2007 : 101) positionne les Sciences de Gestion au regard de leur finalité
de savoirs actionnables en faveur de l’action collective pour indiquer « aux entrepreneurs et à
leurs agents ce qu’ils ont à faire (au moins y contribuer) » à défaut de ce que font l’économie
politique, le droit, la sociologie, la psychologie, …). Maurand-Valet (2011) prolongeant la
réflexion de Verstraete sur « la sur-focalisation méthodologique », souligne la légitimité des
Sciences de Gestion par le recours aux méthodes quantitatives (s’appuyant sur des chiffres) en
faveur des critères de scientificité (crédibilité scientifique). Poursuivant, si l’on considère la
nature des phénomènes étudiés en Gestion, c’est-à-dire des problèmes, « la gestion comme
science n’est donc définie ni par son objet ni par ses méthodes, qu’elle peut partager avec
d’autres disciplines scientifiques (sociologie, économie et autres sciences sociales), mais par
ses problématiques. » explique Nikitin (2006 : 88).
255
Pour Karl Popper qui est à l’origine du falsificationnisme (ou réfutationnisme), on ne peut prouver que les théories sont
vraies (ce ne peut être que des conjectures), mais il faut que l’on puisse les tester (à partir d’énoncés scientifiques
falsifiables), ce qui constitue l’objet de l’activité scientifique.
256
L’auteur (2008 : 423) explique que « cette vision simplifiée de la réalité conduit à ignorer que la similarité apparente ne
signifie pas l’absence de différences. L’ignorance de ces différences effectives dans le raisonnement conduit souvent les
organisations à prendre des décisions aux conséquences désastreuses ».
Dans le chapitre III, nous avons établi un ensemble de propositions pour la phase
empirique de notre recherche. Mais quel est le statut de ces propositions ? Nous l’avons dit,
notre recherche se fonde sur un mode de raisonnement abductif. La littérature identifie trois
modes de raisonnement (Charreire Petit et Durieux, 2007) dont le tableau 4-1 ci-après de
David (1999)257 donne un exemple :
257
A partir des exemples de Peirce.
Tableau 4-1 : Exemples de Peirce pour comprendre les modes de raisonnement déductif,
inductif et abductif (David, 1999)
David (1999 : 3) précise que le mode de raisonnement déductif consiste à tirer une
conséquence à partir d’une règle générale et d’une observation empirique, que le mode de
raisonnement inductif consiste à trouver une règle générale « qui pourrait rendre compte de la
conséquence si l’observation empirique était vraie », et que le mode de raisonnement abductif
consiste « à élaborer une observation empirique qui relie une règle générale à une
conséquence, c'est-à-dire qui permette de retrouver la conséquence si la règle générale est
vraie ». « La déduction permet donc de générer des conséquences, l’induction d’établir des
règles générales, et l’abduction de construire des hypothèses » (David, 1999). Recentré sur
notre recherche, à partir d’un socle conceptuel (i.e. par la connaissance disponible ou par
métaphore ou par comparaison) composé d’un assemblage d’éléments empruntés à différentes
disciplines (e.g. la théorie de l’évaluation cognitive issue de la psychologie) non spécifiques
au management de la qualité, nos travaux visent à explorer les caractéristiques du lien entre
appropriation et perception de la norme de management de la qualité ISO 9001 par les salariés
opérationnels et son influence sur les attitudes au travail en faveur de la maîtrise de l’activité
de l’organisation, par une observation empirique. Cette observation non participante
consistant à « interroger la réalité par voie d’entretiens, d’administration de questionnaires
ou d’expérimentation en laboratoire » (David, 1999 : 17), s’opère au moyen de la
méthodologie des cartes cognitives.
Alors que « nombre d’auteurs insistent sur la nécessité d’utiliser de façon itérative
déduction et induction […], voire même de parcourir une « boucle récursive abduction-
déduction-induction » pour dépasser l’opposition classique entre raisonnements inductif et
hypothético-déductif » (Savall et Zardet, 2004 : 66), David (1999) explique que cette boucle
n’a pas besoin d’être réalisée par chaque chercheur pour chaque recherche, mais il suffit
qu’elle le soit au travers de l’ensemble des travaux de la communauté scientifique.
A partir des travaux de Carantini (reprenant lui-même les travaux d’Eco), David
(1999 : 6) souligne les trois niveaux d’abduction :
Sur ce point, notre recherche relève du troisième niveau d’abduction (premier sous-
type) consistant à assembler différents principes explicatifs issus d’autres champs pour
permettre l’inférence. En résumé, en fonction des observations empiriques, la séquence selon
laquelle les pôles management et facteurs externes et caractéristiques personnelles influencent
l’appropriation et la perception de la norme de management de la qualité ISO 9001 qui, à son
tour, influence les attitudes au travail, soutenue par les neuf propositions résultant de la
conceptualisation, prend la forme d’une conjecture qui restera à être testée. Cette séquence
sera appréhendée empiriquement au moyen de la méthodologie des cartes cognitives. Notre
mode de raisonnement s’inscrit dans une approche qualitative de la recherche.
Comme nous l’avons évoqué précédemment, notre recherche vise à explorer les
caractéristiques du lien entre appropriation et perception de la norme de management de la
qualité ISO 9001 par les salariés opérationnels, et son influence sur les attitudes au travail en
Sur ce point, pour établir une stratégie d’accès aux données du réel (Savall et Zardet,
2004), on dispose de deux types de méthodes de recherche : les méthodes qualitatives et les
méthodes quantitatives. Ces deux types de méthodes de recherche font l’objet d’une « vielle »
controverse (Savall et Zardet, 2004 ; Boutigny, 2005) au sujet de l’opportunité et de la
pertinence de chacune d’elles dans les sciences sociales, notamment les Sciences de Gestion.
Loin de prendre position dans ce débat, nous présentons succinctement ces deux types de
méthodes pour conclure sur le choix de notre recherche. Il s’agit là d’aborder les méthodes et
non les différentes approches des données qui s’en distinguent, par exemple, une recherche
quantitative peut mobiliser des données qualitatives (Baumard et Ibert, 2007 ; Usunier et al.,
2007).
258
Les auteurs évoquent le « totalitarisme » des méthodes quantitatives, notamment dans les sciences de gestion.
qualitatives s’intéressent aux phénomènes dans leur cadre naturel (Giordano, 2003) pour
décrire le sens et non la fréquence (Usunier et al., 2007259). « La méthode qualitative
fondamentale est l’interview en profondeur » (Usunier et al., 2007 : 139). Juste après, nous
reviendrons sur la méthode des entretiens individuels.
Malgré les idées reçues260 sur les spécificités des approches qualitatives et
quantitatives (Baumard et Ibert, 2007), le choix d’une approche s’appréhende en fait à l’aune
de l’ambition et de l’orientation de la recherche (Savall et Zardet, 2004 ; Baumard et Ibert,
2007), c’est-à-dire construire ou tester (Baumard et Ibert, 2007) ou de manière plus précise,
construire une structure de connaissance (une modélisation) à partir de données à collecter -
approche qualitative - ou tester une structure de connaissances préexistante à des données -
approche quantitative - (Savall et Zardet, 2004). Notre recherche vise à expliquer la séquence
selon laquelle la norme ISO 9001 est appropriée et perçue par les salariés et où, finalement,
elle influence les attitudes au travail. A ce niveau, l’approche qualitative est seule à même de
nous permettre l’exploration de la relation entre la norme de management de la qualité ISO
9001 et les attitudes au travail. La présente thèse mobilise une approche qualitative. Cette
approche s’appuie sur la méthode des entretiens individuels.
Comme nous l’avons souligné, l’entretien est la méthode fondamentale des approches
qualitatives. Baumard, Donada, Ibert et Xuereb (2007 : 241) expliquent que « l’entretien est
une technique destinée à collecter, dans la perspective de leur analyse, des données
discursives reflétant notamment l’univers mental conscient ou inconscient des individus ».
Pour Demers (2003 : 177) : « […] on justifie parfois l’utilisation des entretiens par le fait
qu’il s’agit d’une étude exploratoire sur une problématique mal connue. Dans un tel cas, le
chercheur argumente qu’il n’y a pas suffisamment de connaissances sur le sujet pour pouvoir
utiliser des méthodes plus « dures » comme le questionnaire, par exemple, lesquelles
permettent l’analyse quantitative ». L’entretien portant une attitude plus ou moins marquée de
non directivité de l’investigateur vis-à-vis de l’interviewé est fondé sur la pratique d’un
questionnement dans un face-à-face entre l’investigateur et une personne interviewée
(Baumard et al., 2007 : 241).
259
Les auteurs citant Van Maanen (1974).
260
Les auteurs soulignent notamment les liaisons opérées entre les approches, les types de données et les raisonnements, par
exemple, l’association entre le raisonnement hypothético-déductif, les données numériques et les approches quantitatives.
261
Même si, comme nous l’avons dit à l’appui de David (1999), l’entretien relève d’une observation non participante,
l’observation d’un phénomène peut s’opérer de manière participante.
262
Bien que les auteurs précisent la carte cognitive, nous ne l’intégrons pas dans le tableau puisque nous développons
largement ce point dans la partie suivante.
263
Ouvrage coordonné par Cossette et édité initialement en 1994 aux Presses de l’Université Laval et aux Editions ESKA,
puis réédité au format numérique en 2003 aux Editions de l’ADREG.
264
Tolman a travaillé sur la représentation mentale des rats en situation d’apprentissage de la configuration d’un labyrinthe.
265
L’auteur s’appuyant sur Denis (1989).
Il est important de noter que les représentations des acteurs exprimées sous forme de
discours, à leur tour interprétés par le chercheur, relèvent de croyances et non d’éléments
objectifs. Cette situation conduit à considérer différents biais communément admis dans la
communauté académique, par exemple : le discours du répondant représente t-il fidèlement
ses schèmes cognitifs ? Les énoncés du répondant renvoient-ils exactement aux concepts
évoqués ? A son tour, le chercheur interprète t-il fidèlement le discours du répondant (comme
le souligne Verstraete en 1996266 « l’état cognitif du chercheur n’est pas neutre […] ») ? Le
chercheur représente t-il graphiquement, de manière fidèle, son interprétation du discours du
répondant ? Damart (2006) souligne l’état de conscience à avoir sur cette question, faute de
pouvoir objectiver les différents niveaux de représentations, lorsque Chaney (2010)267 précise
la difficulté d’accéder aux représentations par la cartographie cognitive, au travers d’un triple
filtrage :
266
Page 9.
267
A l’appui des travaux de Rodhain (1997).
Ainsi, les cartes cognitives sont « l’outil majeur de l’approche cognitive » (Allard-
Poesi, 1996 : 1) pour représenter les croyances des individus et des organisations, dans un
objectif purement descriptif de leurs propriétés cognitives. De manière plus précise, les cartes
cognitives constituent un outil d’analyse textuelle de premier ordre dans les questions de
représentations mentales (Allard-Poesi, 1996 ; Chaney, 2010). Basée sur les travaux d’Anne
Huff, la littérature (Verstraete, 1996 ; Chaney, 2010) identifie cinq catégories de cartes
cognitives, s’inscrivant selon un continuum (figure 4-2, ci-après) :
Figure 4-2 : Continuum des catégories de cartes cognitives selon les travaux d’Anne Huff
A partir d’un thème précis, d’une variable centrale, la carte cognitive s’établit en
interrogeant le sujet sur la nature et l’intensité des liens qu’il réalise avec d’autres variables.
La nature de ces liens peut être causale, d’influence de proximité, etc. Ce point mérite
d’ailleurs d’être souligné car il semble abusif de restreindre - et de les nommer ainsi268 - les
cartes à une nature causale (Cossette et Audet, 2003) ; il s’agit de relations d’influences, ce
qui ne peut éclairer sur les causalités en jeu (Chaney (2010).
L’analyse du discours du répondant peut donc déboucher sur une nature autre que
causale des liens unissant deux concepts. Par exemple, l'affirmation selon laquelle la
« motivation » peut être la cause de la « performance » ne peut être considérée. Cela
supposerait que seule la variable « motivation » conditionnerait exclusivement la
« performance » ; les Sciences de Gestion - la recherche de manière générale - conviennent
depuis bien longtemps que la « performance » appelle une variété de causes. Egalement, il ne
peut être considéré qu’une variable centrale puisse systématiquement constituer un moyen
inscrit dans une relation avec une variable qui serait une fin, ce que la carte cognitive ne
pourrait distinguer (Chaney, 2010269). Nous nous limitons donc à l’appellation de cartes
cognitives, qui apparaissent ainsi comme mettant en évidence des concepts et des liens. Ces
liens - nombreux - peuvent être de nature causale, d’influence, de proximité, de ressemblance,
… ; il s’agit de tous les liens possibles (Cossette et Audet, 2003).
268
Cartes causales ou encore cartes cognitives causales.
269
L’auteur s’appuie sur Cossette, 1989
Réinterprétant les travaux de Cossette et Audet270, Chaney (2010) propose cinq types
de liens à coder, venant affiner les liens généralement cités dans la littérature (cf. figure 4-3,
ci-après).
Figure 4-3 : Les cinq types de liens à coder (d’après Cossette et Audet, 1994), Chaney (2010)
A partir d’une variable centrale, le chercheur interroge le sujet sur les liens éventuels
qu’il opère avec d’autres variables ainsi que la nature et l’intensité des liens qui les unissent,
mettant ainsi au jour de nouvelles variables faisant à leur tour l’objet du même
questionnement, ceci jusqu’à épuisement du sujet ; on parle de saturation (Baumard et al.,
2007). Les cartes sont constituées de concepts - de variables - (également appelés des nœuds,
Bougon et Komocar, 2003) représentés par des bulles ou des points, unis par des liens (les
connexions entre les concepts), représentés par des flèches et pouvant former, le cas échéant,
des sentiers et des boucles ; mettant en évidence le caractère réticulaire de ce avec quoi le
sujet construit son discours (Cossette, 2003 : 191). Une relation entre la variable centrale et
une seconde variable mise au jour par le répondant peut très bien ne pas avoir de
270
De la première édition - papier - de 1994 de l’ouvrage « Cartes cognitives et organisation », correspondant à la version
électronique de 2003.
Echange d’informations
Image de
l’entreprise
Image du
vendeur Disponibilité
Image de marque
Efficacité
Réactivité
Automatisation Tendance
de la force de
Suivi des clients
vente (SFA)
Information à la clientèle
Professionnalisme
Connaissance du client
Satisfaction
Figure 4-4 : Carte causale moyenne des acheteurs (Boujena et al., 2009 : 144)
Une relation entre la variable centrale et une seconde variable s’appréhende donc sous
la perspective de liens de différentes natures (cf. supra). Toutefois, lorsqu’une variable
expliquée influence une autre variable (on parle alors de sentiers d’influence indiquent
Cossette et Audet, 2003) qui, à son tour, présente une relation d’influence avec la variable
271
Sales Force Automation (SFA)
272
La recherche des auteurs visait à comparer la perception des directeurs commerciaux à celle des vendeurs travaillant au
moyen de la SFA.
explicative initiale, se forme alors une boucle. Cette situation est particulièrement intéressante
puisque cela met en relief une situation de rétroaction (Cossette et Audet, 2003) ; la variable
initiale subissant indirectement sa propre influence, créant ainsi une dynamique (cf. figure 4-
5, ci-après). Les cartes cognitives ainsi établies relèvent d’un caractère réticulaire. Notre
développement sur la méthodologie des cartes cognitives renvoie depuis le début à l’individu,
mais qu’en est-il des groupes d’individus ?
Figure 4-5 : Illustration des concepts de « sentier » et de « boucle », Cossette et Audet (2003 :
51)
Comme le souligne Eden (1992), les cartes cognitives s’inscrivent comme un artefact
selon deux approches : 1) pour aider à la prise de décision, à la résolution de problèmes ou à
la négociation dans le cadre de l’intervention organisationnelle, 2) pour aider les chercheurs
en représentant des données subjectives. Selon la première approche, les cartes cognitives
vont, par exemple, soutenir un travail collectif (i.e. des réunions ou des groupes de travail
regroupant des collaborateurs concernés par la décision ou la résolution de problèmes). Dans
ce cas, l’animateur273 mettra progressivement à jour la conception collective de la décision ou
273
L’animateur - chercheur ou consultant - doit maîtriser la méthodologie des cartes cognitives qui se différencie de
l’entretien dont l’objet est « seulement » de collecter des données.
Le lecteur averti aura tôt fait de s’interroger sur le choix de la carte cognitive au
détriment de la carte mentale ou de la carte conceptuelle. Toutes ces cartes relèvent en fait de
la cartographie sémantique (Chauvin, 2010), c’est-à-dire la représentation graphique
d’informations pour l’émergence de connaissances. Si ces cartes sont liées (e.g. la carte
cognitive avec la carte conceptuelle ; Wheeldon et Faubert, 2009), ces outils de gestion des
connaissances n’en présentent pas moins des différences (Chemangui et Noël, 2009). Par
rapport à la carte cognitive que nous avons largement détaillée, quelles peuvent être les
différences avec la carte conceptuelle et la carte mentale ? La carte conceptuelle (cf. exemple
figure 4-6 ci-après) est une représentation graphique d’un individu ou d’un groupe
d’individus (Chemangui et Noël, 2009) visant à démontrer la manière dont les gens
visualisent les relations entre concepts différents (Wheeldon et Faubert, 2009). La carte
conceptuelle caractérise une structure hiérarchique articulée par des relations sémantiques
(Chemangui et Noël, 2009 ; Chauvin, 2010). A ce niveau, les concepts mis en relief au travers
de la carte conceptuelle s’inscrivent dans des relations soutenues par une structure
grammaticale de type sujet-verbe-complément. Par exemple, l’affirmation selon laquelle la
norme ISO 9001 (concept 1) est nécessaire à (relation sémantique) l’apprentissage efficace
(concept 2), illustre la structure de la carte conceptuelle. D’autre part, la représentation
graphique suppose de faire figurer les concepts généraux au sommet de la carte conceptuelle
et les concepts spécifiques au bas de la carte conceptuelle. Par ailleurs, la spécificité de la
carte conceptuelle réside dans le fait que c’est le sujet lui-même qui produit la carte (après
s’en être approprié la méthode de réalisation) plutôt que le chercheur, ceci ayant comme
conséquence de neutraliser l’influence de la perception du chercheur sur les représentations
analysées (Chemangui et Noël, 2009).
Figure 4-6 : Une carte conceptuelle décrivant les caractéristiques d’une carte conceptuelle,
Chauvin (2010 : 16)
Figure 4-7 : Carte mentale sur le thème des cartes mentales, Chauvin (2010 : 15)
Pour Chauvin (2010 : 12), « on peut distinguer d’un coté les cartes mentales et les
cartes conceptuelles qui ont pour unique objectif de représenter des connaissances, des cartes
cognitives qui ont aussi pour but d’inférer des résultats ». Si la forme polaire d’une carte
cognitive peut rappeler la structure d’une carte mentale ou son objet peut rappeler celui d’une
carte conceptuelle, elle en diffère toutefois profondément, outre sa différence avec la carte
causale, tel que le synthétisent Chemangui et Noël (2009) tableau 4-3, ci-après. Nous allons à
présent aborder la question de l’élaboration des cartes cognitives.
4.2.1 Variété des processus d’élaboration des cartes cognitives : définition d’une
méthodologie pour notre recherche
Dans son principe général, l’établissement d’une carte cognitive s’appuie sur le
questionnement d’un sujet concernant un thème particulier. De manière plus précise, le
répondant est sollicité pour se prononcer sur la nature et l’intensité des liens éventuels entre
une variable centrale et d’autres variables. L’établissement d’une carte cognitive s’inscrit dans
le cadre d’un processus rigoureux, soucieux des critères de scientificité, fiabilité et validité274.
274
Les aspects de la fiabilité et de la validité seront examinés plus loin.
Figure 4-8 : Le processus d’élaboration d’une carte cognitive (inspiré de Laukkanen, 1994),
Chaney (2010)
Pour ce faire, on peut recourir aux méthodes structurées (e.g. entretiens dirigés) ou aux
méthodes non structurées (e.g. méthodes documentaires, entretiens semi-dirigés). A noter
qu’au regard de l’objet de notre recherche, la conception de notre travail doctoral ne pouvait
envisager de recourir à d’autres méthodes comme, par exemple, la méthode documentaire ;
cette méthode ne se justifiant pas dans ce cadre car aucun support ne permettait d’appréhender
les concepts et leurs liens relatifs à l’influence des normes qualité sur les variables d’attitude
au travail des salariés opérationnels275. De la même manière, l’observation participante ne
nous aurait pas permis d’appréhender notre objet de recherche, tout comme la méthode
biographique. A ce niveau, la méthode biographique [également nommée méthode des récits
de vie] porte sur l’histoire dans son ensemble plutôt qu’un épisode ; en l’occurrence
l’influence de la norme ISO 9001. L’entretien apparaît comme la méthode de collecte des
données la plus appropriée pour notre recherche.
La méthode structurée, tel l’entretien dirigé, vise à obtenir des données en interrogeant
des individus sur des variables présélectionnées par le chercheur. Afin que les données soient
comparables et, le cas échéant, puissent faire l’objet d’une représentation collective, le
chercheur sélectionne des données qu’il estime pertinentes pour définir le thème traité, puis il
recense auprès du répondant la nature et l’intensité des liens portant sur des paires de
concepts/variables (Allard-Poesi, 1996). Par exemple, on va questionner le répondant sur la
nature de la relation (i.e. est-ce qu’il existe un lien entre les deux variables ? ce lien est-il
positif ou négatif ?) qu’il se représente entre la variable centrale « motivation » de la carte et
la variable présélectionnée « performance », ainsi que sur l’intensité du lien (e.g. fort, faible).
Si le travail de recherche se trouve « facilité » par cette approche, qui supposera
préalablement un travail important d’identification des variables clés dans la littérature mais
facilitera le traitement final, cette situation a comme conséquence de limiter les variables
susceptibles d’être mises au jour. A l’appui de références276 sur le sujet, Chaney (2010)
rappelle que les méthodes structurées, même si elles sont moins lourdes (traitement des
données facilité), enferment le répondant dans le système de concepts du chercheur ce qui
limite la richesse du matériau.
276
Bougon, Weick et Binkhorst, 1977 ; Cossette et Audet, 1994 ; Allard-Poesi, Drucker-Godard et Ehlinger, 2003.
de ne pas limiter le champ des possibles, s’agissant des concepts pouvant être mis au jour.
Partant d’entretiens enregistrés réalisés en profondeur, le chercheur procède à la
retranscription, puis au codage et, enfin, à l’identification des concepts et des liens (Allard-
Poesi, 1996).Toutefois, le traitement des données (codage et standardisation en faveur de la
comparabilité et de la représentation collective) s’en trouve fortement alourdi. Comme le
synthétise Chaney (2010 ; cf. tableau 4-4, ci-après), le choix de la méthode d’obtention des
données pour l’élaboration de la carte cognitive est fonction de la conception de la recherche,
mais également de l’accès et de la disponibilité des données.
Tableau 4-4 : Les deux grands types de techniques de collecte de données de la cartographie
cognitive (d’après Cossette et Audet, 1994 ; Ehlinger, 1996 ; Allard-Poesi, Drucker-Godard
et Ehlinger, 2003), Chaney (2010)
La réflexion autour des variables d’attitude au travail influencées par la norme ISO
9001 mises en évidence dans la littérature nous conduit, dans un premier temps, à considérer
le recours à la méthode non structurée, afin de disposer de variables déterminantes pour notre
recherche. En effet, ces variables ont été mises en relief dans le cadre d’études, non
spécifiquement dédiées à l’influence de normes qualité sur les attitudes au travail des salariés.
Par ailleurs, certaines de ces variables ont été déduites de la littérature puisque les résultats
des recherches des auteurs desquels elles émanent ne les explicitaient pas, mais les laissaient
supposer. Enfin, compte tenu de la grande difficulté d’obtenir des données de répondants de la
catégorie socioprofessionnelle « ouvrier/employé » (soit parce qu’ils ne peuvent être libérés
de leur poste de travail pour répondre, ou soit parce que les gens proches du terrain ne sont
guère inspirés pour répondre à des sujets qu’ils ne maîtrisent pas ou qu’ils n’ont pas en
considération) - constituant notre niveau principal d’analyse -, les variables issues de la
littérature émanent le plus souvent de réponses de sujets de la catégorie « cadre/manager » ;
lorsque les déclarations de répondants de cette catégorie ne portent pas sur des sujets d’autres
catégories socioprofessionnelles 277. Les variables issues de la littérature sont présentées au
chapitre 2.3.1278.
Dans un second temps, sous réserve que la richesse du matériau ne s’en trouve pas
limitée (Chaney, 2010), nous réaliserons une seconde phase d’entretiens dirigés (méthode
structurée) s’appuyant sur la sélection de variables d’attitude influencées par la norme ISO
9001 jugées pertinentes, issues de la littérature et des premiers entretiens ouverts, après
questionnement des répondants sur la nature et l’intensité des liens entre la variable centrale
(norme ISO 9001) et les variables expliquées (e.g. implication au travail, motivation au
travail, etc.). Enfin, la démarche s’achèvera par l’établissement d’une carte cognitive
collective.
277
Dans le cas de l’étude d’Igalens (1998), ce sont les seuls drh qui ont été invités à s’exprimer sur les pratiques de gestion de
la qualité, souvent décentralisées et plutôt ressenties par d’autres acteurs de l’entreprise (e.g. des ouvriers).
278
« Management de la qualité et attitude des salariés : un lien démontré mais diffus ».
A partir de ces constatations, nous établissons notre processus d’élaboration des cartes
cognitives basé sur six phases : 1) préparation de la démarche à partir de la problématique de
recherche et du cadre d’analyse, 2) réalisation d’entretiens ouverts pour faire émerger des
variables, 3) codage, analyse des données collectées et création des cartes cognitives
individuelles issues des entretiens individuels, 4) réalisation d’entretiens structurés autour des
variables pertinentes préalablement sélectionnées, 5) analyse des données collectées et
création des cartes cognitives individuelles, 6) agrégation des cartes individuelles et création
d’une carte cognitive collective. La figure 4-9 ci-après illustre la version intermédiaire279 de
notre processus d’élaboration des cartes cognitives, à la manière d’un diagramme de
description de processus (i.e. un logigramme)280. Nous allons maintenant expliciter les détails
de notre méthodologie.
279
Une version prévisionnelle sera présentée après avoir opéré le choix des cartes cognitives collectives.
280
Le diagramme de description de processus (autrement nommé logigramme ou ordinogramme) permet la représentation
graphique des processus à partir de symboles normalisés (Crépin et Robin, 2001).
Début du processus :
préparation (problématique,
socle conceptuel intégrateur,
guides d’entretien)
Emergence Non
de variables
Saturation
Limitée Richesse
Abandon de la méthode
du
structurée
matériau
Oui
La phase d’entretiens ouverts (méthode non structurée) sera menée afin de favoriser
une large expression des répondants à l’appui de questions ouvertes : par exemple : « Qu’est-
ce qu’une norme de type ISO 9001, évoque pour vous ? ». En annexe, nous présentons le
guide conçu spécialement à cette occasion (cf. annexe 9). A ce niveau, Demers (2003 : 191)
rappelle que « le guide d’entretien n’est qu’un préparatif à la conduite de l’entretien. Il
permet au chercheur d’éviter des erreurs en prévoyant à l’avance les grandes orientations
qu’il veut donner à l’entretien. Toutefois, le guide doit être revu et adapté à chaque
interlocuteur. Il s’agit également d’un outil dynamique qui évolue durant la recherche au fil
des découvertes que fait le chercheur au cours des entretiens ».
Bien que la question de la fiabilité des données collectées de notre recherche puisse
être évacuée (Allard-Poesi, 1996), d’une part parce que nos entretiens préalables (méthode
281
Il s’agit là du biais classique de désirabilité sociale.
peu structurée) complèteront une revue de la littérature initiale et d’autre part parce que nous
mobiliserons au final des variables présélectionnées (méthode structurée) à soumettre aux
répondants pour concevoir les cartes cognitives, la littérature préconise de s’assurer de la
fiabilité de la recherche au travers de la qualité du codage du discours des interviewés.
Généralement, le codage se définit comme l’analyse du discours des répondants, découpé en
unités d’analyse (paragraphe, phrase, mot, etc.) catégorisées - qui correspondent à des codes -
et se rapportant au thème retenu, pour répondre aux objectifs de recherche. Les verbatim des
répondants ainsi analysés permettront de déduire (puisque cela n’est pas directement
observable) leurs représentations sur un thème donné.
Selon les travaux de Weber (1990282) faisant référence dans la littérature (Allard-Poesi
et al., 2007 ; Chaney, 2010), trois critères permettent d’appréhender la fiabilité du codage :
stabilité, précision et reproductibilité283. Selon l’auteur, la stabilité se réfère à la mesure dans
laquelle les résultats de la classification des contenus sont invariants dans le temps. La
stabilité peut être déterminée lorsque le même contenu est codé plusieurs fois par le même
codeur. La reproductibilité, parfois appelée la fiabilité intercodeurs, se réfère à la mesure dans
laquelle la classification du contenu produit les mêmes résultats, lorsque le même texte est
codé par plus d'un codeur. La précision se réfère à la mesure dans laquelle la classification de
texte correspond à une norme ou un standard. Il s'agit de la forme la plus forte de fiabilité.
Toutefois, ce dernier type de fiabilité, possible lorsqu’il existe un codage standard d’un texte,
est rarement évalué (Allard-Poesi et al., 2007)
283
Ou fiabilité intercodeurs.
s’obtenir par différents moyens (Drucker-Godard et al., 2007), toutefois, le Kappa de Cohen
est le mode de calcul du taux d’accord le plus souvent constaté. A noter que le calcul du taux
d’accord doit intervenir avant la résolution des désaccords sur les codes. A partir d’un
matériau fiable, nous pouvons examiner la question de la représentation des cartes cognitives.
Par essence, la méthode non structurée débouche sur un matériau très riche, c’est-à-
dire sur une multiplicité de variables. Toutefois, cette profusion de matériaux, bien que
favorable au chercheur en Sciences de Gestion dans son objectif général d’explication de la
variance, ne relève pas de l’état « idéal » pour produire des concepts clés et les relations
d’influence, en raison de l’absence « de l’évaluation » des différentes paires de variables et de
leurs liens. C’est pourquoi, un regroupement (une fusion) des concepts (issus des entretiens)
jugés similaires (voire synonymes) pouvant apparaître sous une même identité dans la carte
cognitive (Chaney, 2010), sera opéré. De cette manière, les variables considérées comme
pertinentes (Allard-Poesi, 1996), à la fois celles mises en évidence dans la littérature et celles
ayant fait l’objet de regroupements après la phase initiale d’entretiens, pourront être
sélectionnées (entretiens dirigés ; méthode structurée).
Ainsi, après analyse des données qualitatives, nous procéderons à l’établissement des
cartes cognitives correspondantes à l’aide du logiciel de cartographie cognitive « Decision
Explorer® ». Outre la représentation graphique, « Decision Explorer® » permet un ensemble
de traitements visant à appréhender la structure et l’organisation des cartes cognitives,
conséquemment, à apprécier l’importance relative des variables (e.g. mesure de la centralité
d’une variable dans un ensemble d’autres variables). Le résultat du traitement de chaque carte
individuelle rendra possible l’identification de variables pertinentes. Le codage des entretiens
ouverts (méthode non structurée) permettra d’élaborer284 une carte cognitive pour chaque
personne interviewée. A noter qu’en fonction des résultats de la méthode structurée, c’est-à-
dire si la richesse du matériau se trouve limitée, la méthode structurée sera abandonnée et
nous mobiliserons uniquement la méthode non structurée (cf. figure 4-9 : Version
intermédiaire du logigramme de notre processus d’élaboration des cartes cognitives), qui
débouchera sur une carte cognitive collective. A partir de chaque carte cognitive, nous
pourrons opérer les traitements choisis.
284
Dont la représentation graphique.
On distingue les traitements qualitatifs des traitements quantitatifs, dont les types de
mesures sont fonction des méthodes d’élaboration des cartes (non structurées versus
structurées) ; ce choix vise également à faciliter l’interprétation du chercheur (Allard-Poesi,
1996). Verstraete (1998285) précise les traitements les plus courants appliqués aux cartes
cognitives :
Ces traitements relèvent en fait des deux méthodes d’analyse des cartes cognitives
identifiées dans la littérature, les méthodes qualitatives et quantitatives (Allard-Poesi, 1996 ;
Chaney, 2010). Ces méthodes visent à évaluer la structure et le contenu des cartes cognitives
au travers de différents indicateurs ; elles sont fonction des méthodes de recueil des données
(non structurée versus structurée). Considérant notre approche de recueil des données (au
moyen d’entretiens ouverts - méthode non structurée - et d’entretiens basés sur des variables
présélectionnées - méthode structurée -), le traitement s’organisera en deux phases : 1) le
traitement des cartes individuelles issues des entretiens ouverts et 2) le traitement des cartes
individuelles issues des entretiens basés sur des variables présélectionnées. Au final,
l’élaboration d’une carte cognitive collective basée sur le traitement des cartes individuelles
viendra clore la démarche.
Chaney (2010) présente une synthèse des traitements des cartes cognitives qu’il
présente selon les aspects « structure » et « contenu », ventilés selon la perspective des
indicateurs (complexité et organisation, pour l’analyse structurelle) et la perspective des
méthodes (qualitatives et quantitatives, pour l’analyse de contenu), (cf. tableau 4-5 et tableau
4-6, ci-après).
285
L’auteur renvoyant aux travaux d’Eden et Cossette.
Indicateurs de complexité des cartes cognitives Indicateurs d’organisation des cartes cognitives
Le nombre de liens entre les concepts L’analyse des facteurs influents, c’est-à-dire des
facteurs influençants et des facteurs influencés, peut
Le nombre de boucles reliant un concept à lui-même également être menée. Par facteur influençant, on
entend un concept qui agit ou qui peut être un moyen
d’agir sur les phénomènes décrits dans la carte.
La densité des concepts, fonction du nombre de liens
recensés
Tableau 4-5 : Les indicateurs d’analyse structurelle des cartes cognitives (d’après Chaney,
2010)
Traitements quantitatifs des cartes cognitives Traitements qualitatifs des cartes cognitives
Tableau 4-6 : Les traitements quantitatifs et qualitatifs des cartes cognitives pour l’analyse de
contenu (d’après Chaney, 2010)
286
Selon la dénomination de Chaney (2010).
287
Selon l’expression de Chaney (2010).
Les méthodes et les indicateurs pour le traitement des cartes cognitives sont variés et
répondent, outre la manière dont les données ont été collectées, aux objectifs de recherche. Eu
égard à notre objectif de recherche de mettre en évidence les variables d’attitude au travail
chez les salariés influencées par la norme de management de la qualité ISO 9001 perçue, nous
retenons plusieurs indicateurs de traitement (de structure et de contenu) des cartes cognitives
issus de la littérature :
¾ Le nombre de boucles de la carte Î cet indicateur nous informe sur les variables
d’attitude directement ou indirectement influencées par la norme ISO 9001,
influençant à leur tour la norme (situation de rétroaction) ;
¾ L’analyse des facteurs influents de la carte Î cet indicateur nous informe sur
les variables qui comptent le plus de liens, selon qu’elles soient influençantes ou
influencées, ou les deux à la fois.
Après cette phase de traitement réalisée à l’aide du logiciel développé par Colin Eden
et ses collègues « Decision Explorer® » (cf. annexe 11 et annexe 12 pour des captures d’écran
illustratives), les résultats permettront de distinguer, entre autres, des variables d’attitude au
travail chez les salariés pour la deuxième série d’entretiens selon la méthode structurée.
Sur la base des résultats obtenus après traitement des cartes cognitives issues de la
méthode non structurée, une nouvelle série d’entretiens sera menée (Laukkanen, 1994 et dans
son prolongement Chaney, 2010) à l’appui d’un second guide d’entretien ayant la forme d’un
questionnaire288. Tel que les recommandations méthodologiques de la littérature l’envisagent,
ces cartes seront élaborées en interaction avec le répondant (Baumard et al., 2007) afin
d’accroitre la validité de la recherche, en donnant la possibilité au sujet de réfléchir à sa
propre vision du sujet.
288
Puisqu’il s’agit de questions fermées, interrogeant l’interviewé sur les relations d’influence au sujet de variables
présélectionnées.
(correspondance, représentativité, pertinence) ainsi que sur les variables qui ont émergé des
résultats des entretiens semi-dirigés, en sollicitant une nouvelle fois les répondants afin qu’ils
s’expriment sur les relations d’influence des variables finalement retenues, au nombre d’une
dizaine. Le choix de ce nombre répond au souci d’éviter la lourdeur et l’agacement des
interviewés (Allard-Poesi, 1996), lorsqu’il est proposé d’exprimer leur représentation des
relations d’influence entre des paires de concepts/variables. Proposer la même série de
questions (e.g. le concept « A » a-t-il une influence sur le concept « B » ? si oui, de quelle
nature ? quelle est l’intensité de ce lien ?...) au répondant un trop grand nombre de fois (20,
30, 40,… paires de variables) serait de nature à introduire un biais de lassitude dans les
réponses, au fur et à mesure du déroulement de l’entretien.
On constate ainsi que s’il est admis que le choix des méthodes - non
structurées/structurées - dépend des objectifs de recherche du chercheur (Chaney, 2010), ce
choix n’est pas sans incidence : les méthodes non structurées ayant l’avantage d’ouvrir le
champ des possibles et l’inconvénient d’alourdir les traitements, tandis que les méthodes
structurées cadrent le travail de recherche mais limitent les résultats éventuels. Ce point est
essentiel car il conditionnera la conduite de notre recherche. En d’autres termes, si la méthode
structurée limite les résultats (i.e. la richesse du matériau), elle sera abandonnée et nous
mobiliserons uniquement la méthode non structurée ; débouchant sur une carte cognitive
collective (cf. figure 4-9 : Version intermédiaire du logigramme de notre processus
d’élaboration des cartes cognitives). L’idée consiste en un arbitrage entre les objectifs de
recherche, le respect des critères de scientificité et l’acceptation de la démarche par les
répondants (Allard-Poesi, 1996). En recourant successivement à la méthode non structurée et
à la méthode structurée, nous tenterons de satisfaire aux éléments de cet arbitrage.
A partir des résultats obtenus après traitement des cartes issues de la méthode
structurée, nous disposerons de plusieurs cartes cognitives individuelles, mettant en évidence
des variables d’attitude au travail des salariés et leurs relations d’influence avec la norme de
management de la qualité ISO 9001. Sur ce point, les critères de scientificité, la représentation
graphique et le traitement des données renvoient aux approches quantitatives ; la méthode
structurée reposant sur un questionnaire fermé (e.g. « Selon vous, est-ce qu’il existe un lien
entre la norme qualité ISO 9001 et [la variable présélectionnée] ? » : oui/non).
Afin de disposer d’un support unique de présentation des données collectées, nous
recourrons à l’établissement d’une carte cognitive collective, basée sur différentes cartes
cognitives individuelles. Ce point est à présent discuté.
¾ Moyenne (la carte finale caractérise la moyenne des résultats statistiques des
cartes individuelles) ;
¾ Assemblée (la carte finale résulte du recensement des variables et des liens
communs aux différentes cartes individuelles).
289
Ces méthodes ont également pour objectif de comparer des représentations d’un même individu, obtenues à différents
moments.
290
A l’appui des travaux de Weick et Bougon (1986).
méthodes d’agrégation établissent une carte cognitive collective à partir des cartes cognitives
individuelles de différents sujets. Parmi les différentes méthodes d’agrégation291, la littérature
identifie la méthode de la carte collective moyenne (average), par exemple, illustrée par les
travaux de Bougon, Weick et Binkhorst (1977)292, ou encore la méthode de la carte assemblée
que l’on retrouve, par exemple, dans les travaux de Hall (1984)293. La carte collective
moyenne relève d’une détermination statistique des concepts et des liens (Allard-Poesi, 1996 ;
Cossette, 2008), « à la suite dʼun questionnement systématique des individus concernés à
propos de lʼexistence dʼun lien entre chaque concept dʼun ensemble préalablement établi et
chacune des autres » (Cossette, 2008 : 261). La carte collective moyenne s’inscrit en lien
avec la méthode d’entretien structuré, où l’on interroge le répondant sur les liens qu’il opère
entre différentes paires de variables préalablement identifiées et jugées comme pertinentes.
Pour ce faire, les sujets sont invités à s’exprimer sur l’existence de liens directs qui unissent la
variable centrale « Norme ISO 9001 » à des variables d’attitude au travail (situation illustrée
par une carte cognitive individuelle par répondant) où, lorsqu’un lien est affirmé par un
nombre significatif de sujets (Cossette, 2008), il figure dans la matrice représentant la carte
cognitive collective. La carte collective assemblée se réfère à un assemblage de cartes
individuelles (Allard-Poesi, 1996 ; Cossette, 2008), c’est-à-dire « où différentes cartes
représentant des visions particulières sont réunies en une seule » (Cossette, 2008 : 261) que
le chercheur « réarrange en fonction des thèmes importants » (Allard-Poesi, 1996 : 18). En
d’autres termes, à partir d’une carte (dense) caractérisant tout ce que le répondant associe à la
norme ISO 9001, on retient ce qui relève de notre objet de recherche. La carte collective
assemblée s’inscrit en lien avec la méthode d’entretien ouvert. Les méthodes globales
établissent une carte cognitive collective directement à partir des données considérées comme
émanant de l’organisation (Allard-Poesi, 1996). Par exemple, à partir des documents de
l’entreprise ou à partir d’une construction consensuelle autour de plusieurs cartes
291
Carte moyenne, carte pondérée, carte sociocognitive, carte d’assemblage et carte d’éléments d’union souligne Allard-
Poesi (1996).
292
La recherche des auteurs mobilisant la méthode d’agrégation de la carte moyenne, porte sur l’analyse causale de
l’organisation de l’« Utrecht Jazz Orchestra ».
293
La recherche de l’auteur porte sur l’analyse de la logique d’élaboration des politiques de gestion dans des organisations de
la presse, où les cartes cognitives collectives sont obtenues par simple comptage des liens à partir des variables en présence.
Tableau 4-7 : Matrice préparatoire des relations d’influence entre la norme ISO 9001 et des
variables présélectionnées d’attitude au travail chez les salariés
294
Méthodes documentaires, carte composite négociée et diagramme d’influence souligne Allard-Poesi (1996).
295
La recherche des auteurs visait à appréhender les représentations des différents « acteurs » de l’orchestre, dans le cadre
d’une analyse de l’organisation.
Début du processus :
préparation (problématique,
socle conceptuel intégrateur,
guides d’entretien)
Emergence Non
de variables
Saturation
Limitée Richesse
Abandon de la méthode
du
structurée
matériau
Oui
Comme le font remarquer Royer et Zarlowski (2007a), il n’y a pas de modèle type de
design de recherche (i.e. la conception de la recherche) et il appartient à tous les chercheurs
d’élaborer un design permettant de répondre à l’objet de recherche. A partir des exemples296
donnés par Royer et Zarlowski (2007a), nous présentons le design de notre recherche :
En résumé, dans le cadre d’une observation non participante basée sur des entretiens
(e.g. David, 1999) pour collecter des données, les propositions issues de la conceptualisation
seront appréhendées via l’outil des cartes cognitives. Le choix de cet outil se justifie pour
mettre en relief et représenter graphiquement les liens d’influence entre les variables du socle
conceptuel et établir ainsi la séquence selon laquelle les pôles management et facteurs
externes et caractéristiques personnelles influencent l’appropriation et la perception de la
norme de management de la qualité ISO 9001 qui, à son tour, influence les attitudes au
travail. Au terme de ce développement méthodologique, nous allons maintenant présenter les
296
i.e. Marsh et al. (1988) pour un design inductif fondé sur l’analyse de cas, Buchholtz et Ribbens pour un design
hypothético-déductif classique et Staw (1976) pour un design hypothético-déductif fondé sur l’expérimentation.
297
S’appuyant sur Boxhall (1993).
Loin d’appréhender une vision verticale où l’étude de cas serait seulement appropriée
pour la phase exploratoire d’une recherche (et ainsi, que les études larges - surveys – seraient
appropriées pour la phase descriptive), c’est-à-dire que l’étude de cas constituerait seulement
une stratégie de recherche préliminaire et ne pourrait être utilisée pour décrire ou tester des
propositions, Yin (2003) indique qu’il peut y avoir des études de cas exploratoires, des études
de cas descriptives, ou des études de cas explicatives. Si le débat autour de la validité d’une
recherche basée sur une étude de cas (supposée plus faible, contrairement à la validité d’une
recherche basée sur une large base de données) ne trouvera pas de prolongement dans cette
recherche doctorale, la taille de l’échantillon nécessite d’être explicitée. L’étude de cas peut
porter à la fois sur un cas unique et sur des cas multiples (Yin, 2003). Selon Yin (2003),
l’étude de cas unique peut être considérée dans cinq situations différentes : 1) pour tester une
théorie déjà formulée, 2) lorsque le cas est unique, 3) lorsque le cas est représentatif/typique,
4) lorsque le cas permet de révéler un phénomène précédemment inaccessible et 5) lorsqu’il
s’agit d’une étude longitudinale.
La taille d’un échantillon de plus d’un élément (i.e. les cas multiples) s’apprécie selon
deux principes : la réplication et la saturation (Royer et Zarlowski, 2007b298). La réplication
se réfère à la reproduction du résultat d’une recherche dans une autre expérience. Yin (2003)
distingue deux types de réplication : la réplication littérale et la réplication théorique. La
réplication littérale renvoie à la perspective de trouver des résultats similaires et la réplication
théorique se réfère à la perspective de trouver des résultats contrastés mais pour des raisons
prévisibles299 (Yin, 2003 ; Royer et Zarlowski, 2007b). Royer et Zarlowski (2007b : 220)
indiquent que « le nombre de cas de réplication littérale dépend de l’ampleur des différences
constatées et du degré de certitude souhaitée » alors que « le nombre de cas de réplication
théorique dépend, quant à lui, des conditions supposées exercer une influence sur le
phénomène. Ainsi, plus grand est le nombre de conditions différentes susceptibles
d’influencer le phénomène, plus le nombre de cas de réplication théorique pourra être
important ». Yin (2003) propose la réalisation de deux à trois cas dans le cadre d’une
réplication littérale et de quatre à six cas dans le cadre d’une réplication théorique.
299
i.e. en faisant varier les conditions supposées avoir une influence sur le phénomène étudié (Royer et Zarlowski, 2007b).
comme le soulignent Glaser et Strauss (2010), on ne peut déterminer le nombre de cas dont on
a besoin dès le début de sa recherche, il faut atteindre la saturation théorique. Le choix de la
taille de l’échantillon dans une étude de cas (comme dans le cas d’une étude quantitative) est
donc fonction de l’objectif de recherche (Royer et Zarlowski, 2007b). Alors que l’étude de cas
apparaît traditionnellement comme souffrant d’un manque de rigueur et comme peu propice à
la généralisation scientifique (Yin, 2003), cette méthode apparaît désormais comme une
démarche scientifique légitime offrant une validité interne de la recherche forte, et contribuant
de manière significative à l’avancement des connaissances (Giroux, 2003) ; dans la mesure où
l’on suit des procédures spécifiées (Yin, 2003). Reprenant la conclusion fort pertinente de
Giroux (2003 : 78), l’étude de cas « permet au chercheur de s’approcher du terrain, de
séjourner dans l’organisation et d’en comprendre la dynamique. Elle met le chercheur en
contact avec les praticiens et l’oblige sans cesse à questionner la pertinence pratique de sa
quête de savoirs. Elle le met au défi de développer des compétences dans plusieurs techniques
de collecte de données (entretien, analyse de discours, observation). Elle l’amène à raffiner
ses méthodes d’analyse et de présentation synthétique d’une grande quantité de données. En
somme, cette méthode est aussi un outil de croissance car elle suscite chez le chercheur le
développement de différentes qualités comme le souci constant de pertinence et de rigueur, la
persévérance, la flexibilité et surtout l’humilité devant l’incroyable richesse et la grande
complexité des cas vécus sur le terrain ».
Compte tenu de notre objet de recherche, notre travail s’inscrit dans la perspective de
l’étude de cas multiples, selon les principes de réplication littérale et de saturation. Tel que le
précise Giroux (2003) en parlant de variation inter-organisationnelle300, il s’agit d’étudier
plusieurs organisations où se produit un phénomène similaire. Pour ce faire, nous avons
sélectionné plusieurs cas.
Dans un souci de représentativité (i.e. pour couvrir l’ensemble des grands domaines
d’activité), la collecte des données nous a conduits à sélectionner quatre organisations
différentes certifiées à la norme ISO 9001 afin de couvrir les principaux secteurs d’activité : la
santé, le service et la production. Compte-tenu de la préoccupation croissante du management
de la qualité dans le secteur de la santé, nous nous sommes rapprochés d’un hôpital privé dont
le service « stérilisation » est certifié. L’hôpital contemporain connait une forte pression pour
améliorer son niveau d’efficience (e.g. maîtrise des coûts) et d’efficacité (pertinence de la
300
L’auteur s’appuyant sur Aktouf (1986) et Bouwen (1991).
qualité des soins), (Saizy-Callaert, 2007 ; Dumas et al., 2012). Cette obligation d’efficience
est liée aux évolutions de l’environnement des organisations de santé contemporaines (e.g.
nouvelle gouvernance, tarification à l’acte, évolution de l’accréditation). Pour Dilber,
Bayyurt, Zaim et Tarim (2005), les hôpitaux n’offrent pas la même qualité de service. Les
efforts pour améliorer cette qualité justifient le besoin reconnu d’un SMQ.
Enfin, pour le domaine d’activité de la production, nous avons sollicité une société
commerciale de conception et de production navale. Ce choix a par ailleurs été motivé par la
taille de l’entreprise - environ 400 salariés -, représentative d’un grand nombre d’Entreprises
de Tailles Intermédiaires (ETI302) en France (plus de 4 600 entreprises employant presque 3
millions de salariés en 2010, selon les chiffres de l’INSEE303). Pour ce secteur d’activité, au
cours de nos démarches d’investigation du terrain, il nous a été offert la possibilité de
procéder à quelques entretiens complémentaires au sein d’une entreprise de conception et de
production de composants chaudronnés et mécaniques, filiale d’un grand groupe industriel du
secteur du nucléaire. Cet organisme fait porter à quatre le nombre de cas de l’étude.
301
Source : Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques (INSEE) – Salariés dans le transport routier de fret
et par conduite en 2011.
302
Il s’agit des entreprises comprenant entre 250 et 4 999 salariés.
303
Source : Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques (INSEE) - Principales caractéristiques des
entreprises par catégorie en 2010 –.
Même si la norme ISO 9001 est davantage présente dans l’industrie (Lagodimos et al.,
2005), tous les secteurs d’activité sont concernés puisque les organisations de manière
générale cherchent à atteindre un haut niveau de qualité pour faire face à un environnement
fortement concurrentiel (Escanciano et Iglesias-Rodríguez, 2012). Nous allons maintenant
présenter les caractéristiques des entreprises et des répondants de l’étude.
304
En France, plus de 400 organismes du secteur de la santé et du social sont certifiés à la norme ISO 9001 en 2011 (Source :
The ISO Survey of Certifications 2011).
nécessaires à la prise en charge des patients (e.g. instruments chirurgicaux, pinces à biopsie,
tensiomètre, verre à urine). Ce service compte dix-huit agents et un responsable, sous
l’encadrement du pharmacien gérant. Un technicien du service biomédical intervient dans le
périmètre certifié. Le service stérilisation est situé au sous-sol du bâtiment. Il réalise
annuellement 3 800 cycles d’autoclaves et retraite plus de 121 000 matériels.
Les répondants choisis sont situés dans le périmètre de certification de la norme. Les
cadres interviennent sur des tâches habituelles de gestion et de management et le technicien
intervient sur des opérations de maintenance. Les agents du service stérilisation gèrent les
opérations de production visant à mettre à disposition des services de soins et des blocs
techniques, des produits exempts de germe. La fonction production comprend plusieurs
opérations : pré-désinfection, lavage/désinfection (au moyen d’un autoclave),
conditionnement, stérilisation, contrôle et livraison des dispositifs médicaux stérilisés. Le
pharmacien gérant encadre le responsable du service stérilisation. Le pharmacien est sous la
responsabilité du directeur adjoint de l’établissement. L’établissement est sous la
responsabilité d’un directeur général. Il encadre la direction des soins, un directeur adjoint et
305
47 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2010.
306
Au moment de la rédaction du document final de thèse, le groupe d’hospitalisation privé était racheté par un groupe
étranger gestionnaire de cliniques avec le soutien d’une banque française.
307
i.e. inoffensives.
308
Au moment de la rédaction du document final de thèse, le groupe de transport avait observé une nouvelle phase de
croissance externe avec le rachat d’une autre entreprise de transport routier de marchandises.
France (i.e. une trentaine d’agences réparties sur le territoire) et à l’étranger (une agence au
Portugal). Elle est présente sur les marchés français et européens. L’entreprise compte plus de
2 000 clients et réalise plus de 350 000 livraisons par an. En 1999, l’entreprise a obtenu la
certification ISO 9002. Depuis 2002, l’entreprise est certifiée ISO 9001.
Pour cette recherche, cinq personnes de l’entreprise ont été interviewées : le secrétaire
général, l’adjoint au directeur méthode et développement, le responsable réglementation et
deux conducteurs routiers (cf. tableau 4-9). L’organisation entière est certifiée. Elle comprend
des cadres supérieurs, des cadres intermédiaires, des techniciens et des agents. Compte tenu
de la nature de l’activité, nous avons pu accéder sans trop de difficultés au cadre supérieur, au
cadre intermédiaire et au technicien. Toutefois, les conducteurs routiers exerçant une
profession nomade, il fût nettement plus difficile d’en rencontrer. Nous avons pu interviewer
deux conducteurs routiers sur les cinq personnes rencontrées. L’étude s’est déroulée dans un
contexte normal de l’activité de l’établissement. Le cadre supérieur intervient sur des tâches
habituelles de gestion et de management. Le cadre intermédiaire collabore au développement
des opérations de maintenance, dans le cadre du développement des méthodes de travail. Le
technicien gère les opérations liées au traitement des procès verbaux et au respect de la
réglementation dans le domaine du TRM. Les conducteurs routiers assurent toutes les
opérations relatives à leur fonction, par exemple, la conduite d’un véhicule de type poids
lourd, la prise en charge administrative de marchandises, le cas échéant, le chargement et le
déchargement de marchandises, etc.
Le cadre supérieur et les cadres intermédiaires interviennent sur des tâches habituelles
de gestion et de management et les techniciens assurent les opérations techniques, chacun
dans leur spécialité. Les deux agents interviennent dans les opérations de montage et de
contrôle de l’activité. Le cadre supérieur assure la présidence de l’établissement. Il se situe au
sommet de la pyramide hiérarchique. Il s’agit d’une structure classique hiérarchico-
fonctionnelle où les cadres intermédiaires sont rattachés à des directions (e.g. direction
industrielle, direction des achats,…) et où les techniciens interviennent au sein de différents
services (e.g. logistique d’approvisionnement, contrôle et essais,…). Des contremaîtres
encadrent les agents. La communication interne s’appuie sur des tableaux d’affichage dans les
différents lieux de l’établissement où figurent, notamment, les informations relatives à la
qualité.
usinés (e.g. container de transport de combustible nucléaire usé). Elle intervient dans les
secteurs du nucléaire, de la chimie, de l’aéronautique, de l’agroalimentaire, de l’électronique
industrielle et de l’armement. En 1990, l’entreprise a obtenu la certification ISO 9001 (selon
la version 1987 de la norme). Depuis 2000, l’entreprise est certifiée ISO 9001 selon la version
2000 puis 2008. Ce terrain où il nous a été offert la possibilité de procéder à quelques
entretiens complémentaires, nous a conduits à choisir d’interviewer des salariés de l’atelier
(deux agents et un technicien).
répondants (cf. tableau 4-12) issus de quatre organisations différentes (cf. tableau 4-13)
couvrant les principaux domaines d’activité (santé, service et production) ; représentant
plusieurs dizaines d’heures d’enregistrement réalisés au cours de l’année 2012.
Les personnes interviewées ont été sélectionnées sur la base de trois critères :
Nature de Année de
Fonction Genre Statut
l’organisation naissance
Président directeur Cadre
Chantier naval Homme 1955
général (supérieur)
Cadre
Hôpital Pharmacien gérant Femme 1966
(supérieur)
Cadre
Transport Secrétaire général Homme 1967
(supérieur)
Responsable du
Hôpital Femme 1966 Cadre
service stérilisation
Adjoint au directeur
Transport méthode et Homme 1964 Cadre
développement
Responsable du
Chantier naval Homme 1956 Cadre
service logistique
Chantier naval Ingénieur essais Homme 1985 Cadre
Chantier naval Responsable coque Homme 1971 Cadre
Responsable de
Chantier naval Homme 1955 Cadre
production
Technicien de
Hôpital Homme 1963 Technicien
maintenance
Responsable Technicien
Transport Homme 1968
réglementation (ETAM)
Chaudronnerie Chef d’atelier Homme 1984 Technicien
Dessinateur tuyauterie
Chantier naval Homme 1965 Technicien
en bureau d’études
Responsable
Chantier naval Homme 1971 Technicien
tuyauterie
Contremaître
Chantier naval Homme 1973 Technicien
chaudronnerie
Responsable secteur
Chantier naval Homme 1973 Technicien
électricité bord
Responsable supports
Chantier naval Homme 1974 Technicien
à la production
Responsable secteur
Chantier naval Homme 1961 Technicien
montage-soudures
Hôpital Agent de stérilisation Femme 1965 Agent
Hôpital Agent de stérilisation Femme 1970 Agent
Hôpital Agent de stérilisation Homme 1967 Agent
Transport Conducteur routier Homme 1959 Agent
Transport Conducteur routier Homme 1958 Agent
Chantier naval Contrôleur qualité Homme 1971 Agent
Chantier naval Electricien de bord Homme 1977 Agent
Tourneur sur tour à
Chaudronnerie Homme 1973 Agent
commande numérique
Chef d’équipe
Chaudronnerie Homme 1962 Agent
soudage
Tableau 4-12 : Caractéristiques des répondants de l’étude
Groupe de
Entreprise de
Nature Hôpital privé transport routier Chantier naval
chaudronnerie
de marchandises
Hôpital Opérations de
Fabrication de
pluridisciplinaire transports, Construction de
composants
Activité (médecine, d’organisation de navires militaires et
chaudronnés et
chirurgie, transports et de civils
mécaniques
obstétrique) logistique
Implantation
Ouest de la France
géographique
Effectifs
500 1 200 400 180
approximatif
Chiffre d’affaires
47 M€ 200 M€ 45 M€ 35 M€
approximatif
Le service
Périmètre certifié L’ensemble de l’organisation
stérilisation
Date de la
certification initiale 2005 2002309 2003310 2000311
ISO 9001
L’entreprise fabrique
La finalité de la
Le groupe possède L’entreprise des ensembles
stérilisation centrale
près de 800 conçoit et fabrique mécano-soudés
est la mise à
ensembles des navires en usinés (e.g. container
disposition de
(tracteurs + acier, aluminium de transport de
dispositifs
remorques) et ou matériaux combustible
médicaux (e.g.
réalise son activité composites pour le nucléaire usé). Elle
instruments
Observations en France et en marché militaire intervient dans les
chirurgicaux, pinces
complémentaires Europe. Le groupe (e.g. bâtiments de secteurs du
à biopsie,
est implanté en combat armés nucléaire, de la
tensiomètre, verre à
France et à légers et rapides) chimie, de
urine) stérilisés,
l’étranger. Il est et marché civil (e.g. l’aéronautique, de
conformes et
présent sur les yachts pour la l’agroalimentaire, de
nécessaires à la
marchés français et grande plaisance, l’électronique
prise en charge des
européens. chalutiers). industrielle et de
patients.
l’armement.
Tableau 4-13 : Caractéristiques des entreprises constituant le terrain de l’étude312
309
La première certification remonte à 1999 ; il s’agissait de la certification ISO 9002 selon la version 1994 de la norme.
310
La première certification remonte à 1998 ; il s’agissait de la certification ISO 9001 selon la version 1994 de la norme.
311
La première certification remonte à 1990, selon la première version de la norme ISO 9001, la version 1987.
312
Au moment de la collecte des données.
Notre méthodologie de recherche basée sur les cartes cognitives, associée au choix des
caractéristiques des entreprises et des répondants doivent permettre d’apporter une réponse
empirique à notre problématique de recherche. Le chapitre V à suivre va présenter les
résultats de notre recherche doctorale.
Notre processus d’élaboration des cartes cognitives se poursuit avec la réalisation des
entretiens ouverts, l’analyse des données et la création des cartes individuelles. Les cartes
cognitives individuelles des six répondants de l’hôpital privé sont présentées en annexe 16.
Comme nous l’avons souligné précédemment, l’approche qualitative de la recherche par étude
de cas multiples selon les principes de réplication littérale et de saturation ne considère pas de
taille d’échantillon ex ante. La taille d’échantillon ne se décide pas mais apparaît comme une
résultante de la recherche. En considérant les critères qui ont présidé au choix des répondants
(i.e. des salariés opérationnels issus des trois catégories socioprofessionnelles agent/ouvrier,
technicien/ETAM et cadre), nous avons mené les entretiens pour faire émerger des variables
jusqu’au stade de saturation théorique (i.e. lorsqu’aucune information supplémentaire
n’enrichit la recherche). La figure 5-1 présente le processus d’élaboration des cartes
cognitives au stade de l’émergence des variables avec la méthode non structurée.
Début du processus :
préparation (problématique,
socle conceptuel intégrateur,
guides d’entretien)
Emergence Non
de variables
Saturation
Limitée Richesse
Abandon de la méthode
du
structurée
matériau
Oui
Figure 5-1 : Logigramme de notre processus d’élaboration des cartes cognitives au stade de
l’émergence des résultats avec la méthode non structurée à l’hôpital privé
Po − Pc
k=
1 − Pc
on recoure au kappa de Cohen (Norimatsu et Pigem, 2008). Le taux d’accord observé précède
le calcul du kappa de Cohen.
Pour l’obtenir, nous avons préalablement établi une matrice permettant de recenser les
codages des deux codeurs (cf. annexe 18) à partir de l’unité d’analyse retenue (i.e. le morceau
de phrase), sur le même échantillon (i.e. un entretien intégral de trois pages). Le calcul du
taux d’accord dû au hasard (Pc) a ensuite été réalisé.
n Ai × Bi
Pc = ∑
i =1
(GTotal )²
Le taux d’accord observé (i.e. 0,8205) et le taux d’accord dû au hasard (i.e. 0,1946)
étant connus, nous avons pu calculer le coefficient du kappa de Cohen.
Les résultats obtenus sont apparus de telle sorte que nous pouvons les présenter en
deux catégories : les résultats liés à l’interprétation/perception de la norme et les résultats liés
aux variables explicatives et expliquées (i.e. les attitudes au travail) de la perception de la
norme ISO 9001.
Dans le cas étudié, tous les répondants ont une opinion favorable de la norme (e.g.
« je suis vraiment contente de pouvoir participer à la norme » ; « je trouve que c’est très
intéressant de travailler avec cette norme » ; « ça améliore les choses la norme » ; « la norme
c’est un booster ») mais deux perceptions distinctes de la norme apparaissent. Les trois
agents interprètent la norme comme un ensemble de procédures obligatoires auxquelles ils
doivent satisfaire dans l’exécution de leur travail quotidien « c’est un devoir, à l’heure
d’aujourd’hui, d’avoir une norme. C’est une obligation ». Les deux cadres et le technicien
perçoivent la norme comme un guide d’action volontaire en faveur de l’amélioration : « la
certification ce n'est pas une obligation, ce n’est pas réglementaire, c'est vraiment une
démarche spontanée et volontaire […] c’est pour améliorer ». Ceci peut s’expliquer par la
différence de statut et les tâches liées. Les agents exécutent les consignes de l’encadrement,
dont la norme fait partie (« on doit toujours travailler avec cette norme qualité » agent).
L’encadrement voit la norme comme un moyen d’acquérir de nouvelles connaissances pour
l’amélioration de la qualité ; cela faisant partie de sa fonction (« c'est mon rôle puisque dans
les textes de lois je suis responsable de la stérilisation et c'est automatiquement un
pharmacien qui est responsable de la qualité » cadre supérieur). Les agents peuvent
également voir la norme comme un moyen de garantir leur travail (« j’ai peur que le service
stérilisation soit externalisé […] mais on est réactif aux demandes des chirurgiens […] à
l’heure actuelle c’est une obligation d’avoir une norme » agent). La norme apparaît comme
une évidence dans leur travail.
L’analyse des entretiens de l’hôpital fait ressortir que la perception de la norme est
influencée par six facteurs : 1) management, 2) valeurs initiales du travail, 3) caractéristiques
personnelles, 4) formation, 5) état initial du système qualité, et 6) contribution à la mise en
place de la norme. Le management interprète les exigences de la norme, il conçoit le SMQ
appliqué par les opérationnels, il encadre le fonctionnement quotidien du SMQ et les phases
clés (e.g. audit de certification), par exemple : « la norme c’est pour satisfaire les clients…les
responsables discutent des informations de la qualité que l’on remonte…avec les clients une
fois par mois » (agent). Les valeurs initiales du travail des individus (i.e. conception
personnelle du travail) portent sur la norme, la qualité du travail, les principes qui soutiennent
la norme (e.g. la communication), par exemple : « Il faut qu’il y ait des normes pour
travailler » (agent). Les caractéristiques personnelles des individus définissent leurs
spécificités (e.g. « il y a des choses qui sont propres à chacun… moi je fonctionne comme ça,
je communique énormément » agent). La formation renvoie à l’apprentissage de la qualité
dans un cursus de formation préalable (e.g. « nous les pharmaciens on est formé dans nos
études à rédiger des procédures…ce qui nous aide à structurer notre démarche qualité »
cadre supérieur). L’état initial du système qualité correspond aux caractéristiques du SMQ à
l’arrivée du répondant dans le service (e.g. « j’ai repris le système de management de la
qualité…et le manuel qualité n’était pas fait comme j’aurais aimé le faire » cadre supérieur).
La contribution à la mise en place de la norme traduit la participation à la conception (e.g.
rédaction de procédure) du SMQ conforme à la norme ISO 9001 (e.g. « il me semble que l’on
avait dû rédiger certains protocoles…pour la mise en œuvre de la norme » agent).
313
1) le management de la qualité selon la norme ISO 9001 influence les attitudes positives au travail du salarié opérationnel
(cette première proposition sous-tend l’idée d’une perception positive de la norme ISO 9001), 2) chez le salarié opérationnel,
l’interprétation et l’appropriation de la norme ISO 9001 sont variables selon différentes perspectives, 3) les caractéristiques
personnelles du salarié opérationnel déterminent l’appropriation et la perception de la norme ISO 9001, 5) le management
détermine l’appropriation et la perception de la norme ISO 9001 par le salarié opérationnel.
Les dispositions de contrôle et de suivi prévues par le SMQ, donnent confiance aux
salariés dans la perspective de garantir un travail de qualité. Les salariés indiquent agir de
manière autonome (autonomie ; e.g. « je pense que la norme rend plus autonome…parce que
l’on a des procédures à chaque étape, et en cas de panne ou en cas de souci, je pense que les
gens sont plus autonomes » cadre) et collaborative (collaboration ; e.g. « pour moi c’est un
travail d’équipe la norme. On fait des choses personnelles quand on recompose une boîte
mais à la base c’est un travail d’équipe » agent) du fait de la norme. La norme encourage le
travail d’équipe aussi bien sur le fond (e.g. groupe de résolution de problèmes) que sur la
forme (i.e. fonctionnement en processus). Ce travail collaboratif débouche sur des
dispositions qui prennent la forme de notes de service, d’instructions de travail, de
procédures, etc. Le salarié qui s’y réfère dans son travail peut ressentir une relative
autonomie, du fait qu’il consulte moins ses collègues. La norme motive (motivation ; e.g.
« oui, la norme motive car dès que nous avons eu les résultats de l’audit du SMQ, le
lendemain nous étions au travail…il y a eu un effet, un booster » cadre supérieur), implique
(implication ; e.g. « oui, la norme conduit à s’investir, à s’impliquer » agent) et suscite
l’intérêt des salariés (intérêt ; e.g. « la norme…ça nous permet de nous intéresser à certains
sujets sur lesquels on ne se serait pas arrêté » cadre).
315
Dans notre recherche doctorale, nous considérons la performance comme l’atteinte des objectifs (Gauzente, 2000).
me dis que j’ai réussi, ce que j’ai mis en place ça marche » cadre) et à la situation
d’apprentissage permise par la norme (apprentissage ; e.g. « je pense qu’avec une norme…
des choses… on en apprend tous les jours » agent). Eu égard aux résultats des attitudes au
travail influencées par la perception de la norme ISO 9001, la proposition 1316 de notre cadre
d’analyse est à nouveau légitimée.
Toutefois, bien qu’elle soit perçue favorablement, la norme génère pourtant une
attitude négative caractérisée par le stress (stress ; e.g. « il y a beaucoup de stress quand on
est proche de l’audit de certification parce que malgré que l’on fasse un rétro-planning, on
doit s’y prendre de plus en plus tôt pour essayer de ne pas prendre du retard, parce qu’il n’y
a pas que ça à faire, il y a d’autres dossiers, c’est assez stressant » cadre supérieur).
L’anxiété aurait pu caractériser cette dernière variable. Toutefois, le stress a été retenu car cité
par les répondants ; il est couramment utilisé pour qualifier l’anxiété ou l’agacement.
5.1.4 Discussion autour des résultats de l’hôpital privé et retour d’information pour le
processus d’élaboration de la carte cognitive collective
Dans le cas de l’hôpital privé, tous les salariés ont une attitude favorable à la norme et
acceptent la norme, ce qui peut expliquer que les attitudes influencées par leur perception
soient largement positives. Parmi les attitudes influencées, la reconnaissance apparaît comme
une variable clé, fortement exprimée par les répondants. Son émergence peut s’expliquer par
la différence de prestige de la fonction (et le pouvoir associé ; Herreros, 2007) entre les
praticiens (médecins et infirmières) et les salariés de l’activité support de stérilisation : « la
norme met vraiment en exergue un service qui était jusqu’ici caché […] car dans les
établissements, ce sont les chirurgiens et les infirmières qui sont auréolés de gloire ». De
plus, la localisation géographique du service au sous-sol du bâtiment renforce cette
explication (« la norme ça permet une reconnaissance du service de stérilisation…et des
personnes…parce que nous, en étant au sous-sol, on se sent un peu à l’écart » agent).
Majoritairement, les attitudes influencées par la norme ISO 9001 sont positives.
Cependant, le caractère bureaucratique de la norme (Debruyne, 2002 ; Boiral, 2003 ;
Lundmark et Westelius, 2006 ; Lambert et Ouedraogo, 2010) se vérifie dans l’étude : « la
316
1) le management de la qualité selon la norme ISO 9001 influence les attitudes positives au travail du salarié opérationnel
(cette première proposition sous-tend l’idée d’une perception positive de la norme ISO 9001).
norme […] c’est beaucoup de papier je trouve » (agent). Le stress ressenti au moment de
l’audit du SMQ est révélé par l’étude. Si la norme ISO 9001 peut constituer une pression au
quotidien (« c’est vrai, la norme met une pression parce que l’on demande aux agents de ne
pas faire d’erreur dans leurs boîtes » cadre), la visite de l’auditeur de l’organisme
certificateur génère du stress. Les audits (leviers d’amélioration mettant au jour des axes de
progression) génèrent du stress parce qu’ils constituent le moment où l’on connaîtra la
réussite aux objectifs de certification, mais aussi par les faiblesses éventuelles du SMQ qu’ils
peuvent révéler.
Enfin, on relèvera une relation très intéressante où la norme ISO 9001, vue par une
partie des salariés comme un ensemble de procédures obligatoires, débouche sur une
perception favorable et des attitudes au travail positives. Notre recherche ayant fait émerger
des variables jusqu’au stade de saturation théorique, nous passons à la phase de réalisation des
entretiens structurés de notre processus d’élaboration des cartes cognitives (cf. figure 5-2, ci-
après), à partir des variables présélectionnées.
317
8) les conditions facilitantes de l’utilisation de la norme soutenues par l’entreprise déterminent l’appropriation et la
perception de l’ISO 9001 par le salarié opérationnel.
Début du processus :
préparation (problématique,
socle conceptuel intégrateur,
guides d’entretien)
Emergence Non
de variables
Saturation
Limitée Richesse
Abandon de la méthode
du
structurée
matériau
Oui
Figure 5-2 : Logigramme de notre processus d’élaboration des cartes cognitives au stade de la
réalisation des entretiens structurés à partir de variables présélectionnées à l’hôpital privé
La sélection des variables a été opérée sur la base des attitudes inscrites dans la
perspective de leur lien d’influence avec la norme ISO 9001 identifiées dans la littérature, et
sur la base des attitudes apparues au travers des traitements des cartes cognitives individuelles
issues des résultats des entretiens semi-dirigés au moyen du logiciel Decision Explorer®. La
sélection repose sur les variables que nous avons jugées pertinentes (Allard-Poesi, 1996). Les
attitudes - positives ou négatives - inscrites dans la perspective de leur lien d’influence avec la
norme ISO 9001 identifiées à partir de la littérature présentée plus haut (cf. figure 2-16) sont :
- la satisfaction, - la motivation, - l’implication, - la responsabilisation, - l’engagement, - la
confiance, - la loyauté, - l’apprentissage, - l’accomplissement, - le bien-être, - la mobilisation,
- le comportement de citoyenneté organisationnelle (OCB), et - la communication. Les
attitudes apparues au travers des traitements des cartes cognitives individuelles avec Decision
Explorer® ont été regroupées pour apprécier leur fréquence parmi l’ensemble des répondants ;
ce critère a été retenu pour la sélection des variables d’attitude de la méthode structurée. Le
tableau 5-1 ci-après précise ces variables d’attitude ayant émergé des entretiens ouverts.
Tableau 5-1 : Regroupement des attitudes ayant émergé des entretiens ouverts après
traitement des six cartes cognitives individuelles de l’hôpital privé
Les traitements opérés au moyen du logiciel Decision Explorer® (cf. annexe 19) ont
permis de mettre en relief l’ensemble des variables - dont les variables d’attitude - et de
souligner leur importance relative dans le discours des répondants (Chaney, 2010). Ce critère
a été retenu pour la sélection des variables d’attitude de la méthode structurée que nous
présentons maintenant. Notre choix des variables d’attitude pour la méthode structurée des
cartes cognitives est discrétionnaire. Néanmoins, il s’est appuyé sur trois critères : -
l’intelligibilité, - la fréquence et - l’importance relative. L’intelligibilité renvoie à la facilité
avec laquelle un répondant va saisir (au sens figuré) une variable. De ce fait, nous avons
écarté des attitudes telles les variables accomplissement, responsabilisation, moral, OCB,…
portant à notre sens un risque important de nuire à la validité de la recherche. Notons
d’ailleurs que, eu égard au principe d’intelligibilité, dans notre étude l’implication forme un
vocable unique incluant l’engagement (i.e. fusion de concepts jugés similaires apparaissant
sous la même identité ; Chaney, 2010). La fréquence des attitudes s’entend au sens de leur
repérage dans la littérature et dans les résultats du traitement des entretiens ouverts. Selon
cette idée, les variables satisfaction, motivation et implication sont, par exemple, fréquentes.
Enfin, le traitement des cartes cognitives individuelles (issues de la méthode non structurée)
avec le logiciel Decision Explorer® permet d’apprécier l’importance relative des variables
d’attitude. Par exemple, le score de centralité calculé par Decision Explorer® permet de
constater les concepts centraux (au moyen d’un score), c’est-à-dire d’identifier les variables
influençantes ou influencées reliées directement ou indirectement à un grand nombre d’autres
variables. De cette manière, on identifie des variables d’attitude selon qu’elles semblent
importantes dans le discours des répondants, donc pertinentes pour le chercheur. Enfin, la
norme ISO 9001 relevant d’un moyen pour maîtriser l’activité de l’organisation (ce qui
renvoie à l’atteinte des objectifs), nous avons sélectionné une variable spécifique : la variable
performance. Dans l’approche économique, la performance repose sur la notion centrale
d’objectifs à atteindre (Gauzente, 2000).
318
Proposer la même série de questions (e.g. le concept « A » a-t-il une influence sur le concept « B » ? si oui, de quelle
nature ? quelle est l’intensité de ce lien ?...) au répondant un trop grand nombre de fois (20, 30, 40,… paires de variables)
serait de nature à introduire un biais de lassitude dans les réponses, au fur et à mesure du déroulement de l’entretien.
Ci-après, nous présentons le second guide spécialement conçu pour la réalisation des
entretiens selon la méthode structurée, à partir des questions suivantes : « Selon vous, est-ce
qu’il existe un lien entre la norme qualité ISO 9001 et [la variable présélectionnée] ? » ; (le
cas échéant) « Ce lien est-il positif ou négatif ? » (ou, si c’était sous entendu dans la réponse à
la question 1) « Donc, pour vous c’est positif/négatif ? » :
1. La performance (l’atteinte de vos objectifs, ceux que vous vous fixez ou ceux que
l’on vous fixe),
8. Le fait que vous appreniez des choses qui peuvent vous aider dans votre travail,
9. Le fait que vous vous sentiez en confiance dans l’exécution de votre travail,
10. Le fait que vous travailliez, davantage, avec des collègues, avec d’autres services,
11. Le fait que vous vous intéressiez à certains sujets dans votre travail,
Début du processus :
préparation (problématique,
socle conceptuel intégrateur,
guides d’entretien)
Emergence Non
de variables
Saturation
Limitée Richesse
Abandon de la méthode
du
structurée
matériau
Oui
Figure 5-3 : Logigramme de notre processus d’élaboration des cartes cognitives au stade de
l’établissement de la carte cognitive collective agrégée moyenne à partir des entretiens
structurés à l’hôpital privé
C’est à ce stade que l’on apprécie si la richesse du matériau se trouve limitée - ou non
- par la méthode d’entretiens structurés. Comme nous l’avons dit plus haut, la représentation
des cartes cognitives collectives sous forme de matrices croisées s’avère plus utile que la
représentation graphique (Allard-Poesi, 1996). Pour ce faire, on interroge le répondant sur
l’existence de liens directs qui unissent la variable centrale « Norme ISO 9001 » aux variables
que nous avons sélectionnées ; lorsqu’un lien est affirmé par un nombre significatif de sujets
(Cossette, 2008), il figure dans la matrice représentant la carte cognitive collective. La matrice
adjacente conçue pour l’occasion reprenant les douze variables sélectionnées à l’étape
précédente (i.e. performance, implication, motivation, satisfaction, autonomie, amélioration,
reconnaissance, apprentissage, confiance, collaboration, intérêt et stress) est présentée
tableau 5-2, ci-après. Elle complète la carte cognitive collective moyenne, selon sa
représentation graphique s’apparentant à une fleur ; sans grand intérêt (cf. figure 5-4).
Variables d’attitude des salariés au travail impactées par la norme qualité ISO 9001
Performance Implication Motivation Satisfaction Autonomie Amélioration Reconnaissance Apprentissage Confiance Collaboration Intérêt Stress
Norme
1 .5 .16 .66 .16 1 .66 1 .66 .33 .5 .5
qualité ISO
Figure 5-4 : Carte cognitive collective agrégée moyenne de la perception de la norme ISO
9001 du service stérilisation d’un hôpital privé
Le constat des résultats issus de la méthode structurée pour l’établissement des cartes
cognitives est, dans le cas de notre recherche, sans appel : la richesse du matériau est limitée.
La carte cognitive collective moyenne et sa matrice adjacente constituent seulement une
représentation de l’existence d’un lien entre la norme ISO 9001 et les variables d’attitude que
Le choix de mobiliser une méthode structurée dans l’objectif d’établir une carte
cognitive collective moyenne pour agréger les attitudes au travail influencées par la
perception de la norme ISO 9001, a produit des résultats qui nous ont conduits à revoir la
stratégie de recherche pour les autres terrains de l’étude (i.e. le groupe de transport routier de
marchandises, le chantier naval et l’entreprise de chaudronnerie). Comme le souligne Chaney
(2010), même si le traitement des données se trouve facilité avec les méthodes structurées,
elles ont comme conséquence de limiter la richesse du matériau (car elles enferment le
répondant dans le système de concepts du chercheur). A ce niveau, la matrice adjacente (de la
carte cognitive collective agrégée de la perception de la norme ISO 9001 du service
stérilisation d’un hôpital privé) présente des proportions qui montrent seulement si une
relation existe entre la norme et une variable considérée. Le choix des variables pertinentes
soumises à l’évaluation des répondants étant discrétionnaire et, de facto, discutable, nous
avons décidé de mobiliser uniquement la méthode non structurée en faveur de l’établissement
d’une carte cognitive collective assemblée pour la suite de la recherche, tel que le précise le
processus d’élaboration figure 5-5, ci-après :
Début du processus :
préparation (problématique,
socle conceptuel intégrateur,
guides d’entretien)
Emergence Non
de variables
Saturation
Limitée Richesse
Abandon de la méthode
du
structurée
matériau
Oui
par la perception de la norme). Nous allons maintenant passer en revue les résultats obtenus
au sein du groupe de transport routier de marchandises.
Confiance Performance
Satisfaction Implication
Management
Autonomie
Collaboration
Attitudes
positives
Ensemble de
Reconnaissance influencées Motivation
procédures
Valeurs initiales du obligatoires
Amélioration
travail Intérêt
Apprentissage
Caractéristiques
personnelles
Perception
de la
Norme
Formation
ISO 9001
Attitude
Etat initial du
négative
système qualité
influencée :
Guide d’action stress
volontaire
Contribution mise
en place de la
norme
Figure 5-6 : Carte cognitive collective agrégée de la perception de la norme ISO 9001 du
service stérilisation d’un hôpital privé
Début du processus :
préparation (problématique,
socle conceptuel intégrateur,
guides d’entretien)
Emergence Non
de variables
Saturation
Les résultats obtenus sont apparus de telle sorte que nous pouvons les présenter en
deux catégories : les résultats liés à l’interprétation/perception de la norme et les résultats liés
aux variables explicatives et expliquées (i.e. les attitudes au travail) de la perception de la
norme ISO 9001.
Dans le cas étudié, presque tous les répondants ont une opinion favorable de la
norme, par exemple : « la situation serait moins positive s’il n’y avait pas la norme » ; « la
norme amène du positif dans l’entreprise. On gagne en qualité de service et ça a un impact
positif sur les autres clients ». A ce niveau, on retrouve les deux perceptions différentes de
la norme mises en relief dans l’étude de l’hôpital privé. Un agent, le technicien et le cadre
interprètent la norme comme un ensemble de procédures obligatoires (e.g. « à partir du
moment où on est dans la norme, ça oblige à faire un travail que l’on n’aurait pas fait tout de
suite » cadre). Le caractère obligatoire de la norme peut même être perçu comme une
obligation légale : « je pense qu’il y a un aspect réglementaire à la norme » (technicien).
Par ailleurs, l’utilité perçue de la norme est mise en évidence par l’étude pour
expliquer l’appropriation de la norme : « la norme c’est une aide » (un agent) ; « c’est
vraiment une aide, c’est un appui la structure de la norme » (cadre). Enfin, les résultats
mettent en évidence la motivation intrinsèque (e.g. « ça ferait mon affaire si la norme était
plus pointue pour avancer dans un esprit qualité » un agent) et la motivation extrinsèque
(e.g. « les exploitants sont obligés de respecter la norme, par exemple ils doivent désormais
s’arranger pour qu’il n’y ait plus de retard dans le planning lié au passage aux mines des
véhicules » un agent). Eu égard aux résultats de l’interprétation/perception de la norme ISO
9001, les propositions 1, 2, 3 et 5319 de notre cadre d’analyse sont ainsi légitimées.
319
1) le management de la qualité selon la norme ISO 9001 influence les attitudes positives au travail du salarié opérationnel
(cette première proposition sous-tend l’idée d’une perception positive de la norme ISO 9001), 2) chez le salarié opérationnel,
l’interprétation et l’appropriation de la norme ISO 9001 sont variables selon différentes perspectives, 3) les caractéristiques
personnelles du salarié opérationnel déterminent l’appropriation et la perception de la norme ISO 9001, 5) le management
détermine l’appropriation et la perception de la norme ISO 9001 par le salarié opérationnel.
Les valeurs initiales du travail renvoient à la manière dont les répondants conçoivent
le travail. Les caractéristiques personnelles se réfèrent aux spécificités des individus.
L’approche qualitative de notre recherche met en évidence un lien d’influence entre les
valeurs initiales au travail et les caractéristiques personnelles, avec la perception de la norme.
Celles-ci sont liées à l’individu et résultent de son éducation, de ses expériences antérieures et
de ses points de vue sur les choses. La variable contribution à la mise en place de la norme est
reliée à un seul individu. Eu égard aux résultats des variables influençant la perception de la
norme ISO 9001, les propositions 3, 4 et 5320 de notre cadre d’analyse sont ainsi légitimées.
320
3) les caractéristiques personnelles du salarié opérationnel déterminent l’appropriation et la perception de la norme ISO
9001, 4) la contribution du salarié opérationnel à la conception et à la révision de la norme ISO 9001 détermine son
Passons maintenant aux variables expliquées de la perception de la norme ISO 9001, c’est-à-
dire des attitudes au travail.
appropriation et sa perception, 5) le management détermine l’appropriation et la perception de la norme ISO 9001 par le
salarié opérationnel.
321
Ce qui renvoie à la convergence des efforts.
[…] et le service qualité est certainement une locomotive pour qu’on aille tous dans le même
sens ».. Un constat apparaît à la lecture des résultats. Les trois perceptions de la norme
(ensemble de procédures obligatoires et guide d’action volontaire de la vision favorable, et
perception défavorable de la norme) présentent des attitudes distinctes (cf. figure 5-8).
Toutefois, beaucoup d’attitudes sont communes aux deux perceptions favorables de la norme.
Communication Communication
Rigueur
Reconnaissance Satisfaction
Travail dans le
Reconnaissance même sens
Performance
Confiance Performance
Remise en
Satisfaction question
Confiance
Fierté
Implication Moral
Mobilisation
Motivation
Perception
de la Norme
ISO 9001
Perception défavorable
de la norme ISO 9001
Figure 5-8 : Attitudes influencées par la perception de la norme ISO 9001 selon trois
interprétations différentes
Eu égard aux résultats des attitudes au travail influencées par la perception de la norme
ISO 9001, la proposition 1322 de notre cadre d’analyse est à nouveau légitimée. La figure 5-9
schématise la carte cognitive collective assemblée des répondants du groupe de transport
routiers de marchandises.
Ensemble de
procédures
Management obligatoires
Confiance Performance
Rigueur Implication
Valeurs initiales du
travail Accomplissement Satisfaction
Moral
Perception Communication
Attitude
de la Attitudes
négative Travail dans le
positives même sens
influencée :
Norme indifférence
influencées
ISO 9001 Fierté
Motivation
Remise en
Contribution mise Mobilisation
question
en place de la norme
Guide d’action
volontaire
Figure 5-9 : Carte cognitive collective agrégée assemblée de la perception de la norme ISO
9001 d’un groupe de transport routier de marchandises
Exception faite du répondant ayant une vision défavorable de la norme, tous les
salariés ont une vision favorable de la norme. Cette perception de la norme présente un lien
d’influence avec des attitudes positives au travail. Parmi ces attitudes, plusieurs sont
largement exprimées par les répondants : l’atteinte des objectifs (i.e. la performance),
l’implication au travail, la satisfaction au travail et le travail en équipe. Dans le cas du groupe
de transport routier de marchandises, la satisfaction au travail peut, par exemple, s’expliquer
par le fait que la norme ISO 9001 constitue un cadre pour l’exécution du travail, la clarté et
l’atteinte des objectifs. Il est intéressant de noter que, même vue comme une obligation (i.e.
322
1) le management de la qualité selon la norme ISO 9001 influence les attitudes positives au travail du salarié opérationnel
(cette première proposition sous-tend l’idée d’une perception positive de la norme ISO 9001).
323
Outre l’argument commercial, la confiance du client, etc.
d’autant plus que dans les entreprises de transport on est habitué à travailler avec beaucoup
de souplesse » (cadre) ; confirmant la littérature sur la rigidification de l’organisation par la
norme (Debruyne, 2002). Comme dans le cas de l’hôpital privé, on relève la relation où la
norme ISO 9001, vue par une partie des salariés comme un ensemble de procédures
obligatoires, débouche sur une perception favorable et des attitudes au travail positives. Nous
allons maintenant passer en revue les résultats obtenus au sein du chantier naval.
Dans le cas étudié, la norme est interprétée de façon variée. Majoritairement, les
répondants ont une opinion favorable de la norme, par exemple : « je suis un grand fan de
l’intention que véhicule l’ISO 9000 » ; « la norme, je pense que c’est positif pour faire des
bateaux de qualité […] je pense que ce serait plus compliqué si on n’avait pas la norme » ;
« pour nous la norme ISO 9001 c’est une sécurité pour la qualité de nos travaux au niveau de
la production, compte tenu des impératifs à suivre en termes de documents, cela permet de ne
pas faire n’importe quoi » ; « ça donne une image la norme qui rassure le client, qui est
bonne pour l’entreprise ». A ce niveau, on note à nouveau deux perceptions différentes de
la norme : comme un ensemble de procédures obligatoires (e.g. « maintenant on a plus le
choix car on doit appliquer la norme quel que soit le client » technicien ; « on doit respecter
la norme, c’est obligatoire » ETAM) et comme un guide d’action volontaire (e.g. « c’est un
outil de gestion la norme ISO 9001, c’est pour gérer et faire appliquer les procédures et les
processus dans notre société,…, c’est pas contraint et ça repose sur une bonne
Dans le cas du chantier naval, l’appropriation de la norme s’explique par son utilité
perçue, par exemple, « la norme contribue à un meilleur suivi dans le travail » (cadre) ou « la
norme m’aide dans mon travail pour manager les équipes » (ETAM) ainsi que par sa facilité
d’utilisation perçue, par exemple, « ce système de procédures est utile, et ce n’est pas difficile
à utiliser, ça m’aide dans le travail » (ETAM) ou « c’est facile à utiliser les procédures et les
processus de la norme définis par nous-mêmes, via le système informatique » (ETAM). Les
résultats expliquent par ailleurs l’appropriation de la norme par la motivation intrinsèque (e.g.
« les gars sont demandeurs de procédures pour les aider dans leur travail » cadre) et la
motivation extrinsèque (e.g. « les responsables nous relancent au sujet de la rédaction des
procédures qualité » ETAM).
324
1) le management de la qualité selon la norme ISO 9001 influence les attitudes positives au travail du salarié opérationnel
(cette première proposition sous-tend l’idée d’une perception positive de la norme ISO 9001), 2) chez le salarié opérationnel,
l’interprétation et l’appropriation de la norme ISO 9001 sont variables selon différentes perspectives, 3) les caractéristiques
personnelles du salarié opérationnel déterminent l’appropriation et la perception de la norme ISO 9001, 5) le management
détermine l’appropriation et la perception de la norme ISO 9001 par le salarié opérationnel.
Les valeurs initiales du travail renvoient à la manière dont les répondants conçoivent
le travail. Les caractéristiques personnelles se réfèrent aux spécificités des individus. Celles-ci
sont liées à l’individu et résultent de son éducation, de ses expériences antérieures et de ses
points de vue sur les choses. Eu égard aux résultats des variables influençant la perception de
la norme ISO 9001, les propositions 3, 4 et 5325 de notre cadre d’analyse sont ainsi légitimées.
Passons maintenant aux variables expliquées de la perception de la norme ISO 9001, c’est-à-
dire des attitudes au travail.
Les attitudes positives : l’attention (e.g. « la norme rend plus attentif […], on fait
plus attention au moment des audits » technicien) ; l’apprentissage (e.g. « la norme aide
dans le travail au niveau des connaissances […] qu’elle favorise » ouvrier) ; l’implication
(e.g. « la norme favorise l’implication du personnel » cadre) ; la performance (e.g. « la
norme, c’est une base pour atteindre mes objectifs professionnels » ouvrier) ; la satisfaction
(e.g. « il y a une satisfaction à travailler avec la norme, à être certifié » ETAM) ; la
polyvalence (e.g. « la norme rend polyvalent car elle permet de regarder au-delà de son
environnement et, découvrant d’autres choses, ça amène à enrichir son travail puis à être
véritablement polyvalent » cadre) ; la confiance (e.g. « ça nous donne confiance dans le
travail la norme » technicien) ; la motivation (e.g. « la norme ISO 9001 a un impact sur la
qualité car ça nous motive à être plus exigeant pour la qualité » cadre) ; la reconnaissance
(e.g. « c’est bien de l’avoir la norme car on se sent reconnu » cadre) ; le comportement de
citoyenneté organisationnelle (cf. supra) - OCB (e.g. « la norme nous force à en faire plus
que ce que prescrit notre fiche de poste » technicien) ; la qualification/compétence (e.g.
« pour moi comme pour les gars, la norme a élevé le niveau de qualité et de qualification » -
cadre - ; « le management de la qualité peut être valorisé sur un cv, ça nous donne une
compétence de plus car on devient acteur de cette norme » ETAM) ; l’intérêt (e.g. « grâce à
la norme, on va tomber sur des choses sur lesquelles on aurait pas fait attention »
325
3) les caractéristiques personnelles du salarié opérationnel déterminent l’appropriation et la perception de la norme ISO
9001, 4) la contribution du salarié opérationnel à la conception et à la révision de la norme ISO 9001 détermine son
appropriation et sa perception, 5) le management détermine l’appropriation et la perception de la norme ISO 9001 par le
salarié opérationnel.
technicien) ; le formatage - au sens positif - (e.g. « la norme formate les tâches pour assurer
de la continuité, de la fiabilité, c’est une référence pour la répétabilité des résultats » cadre) ;
la mobilisation (e.g. « il y a une forme de mobilisation du fait de la norme, le fait de
respecter des choses qu’elle prévoit » cadre) ; le travail en équipe (e.g. « la norme fait
travailler, fait réfléchir en équipe » technicien) ; l’amélioration (e.g. « on s’améliore en
utilisant les procédures de la norme » ETAM) ; la fierté (e.g. « la norme me rend fier, via le
produit final qui sort conforme » ouvrier) ; la loyauté (e.g. « quelque part, la norme m’incite
à être plus loyal envers l’entreprise » cadre) ; la communication (e.g. « la norme m’incite à
communiquer davantage, elle incite au dialogue, à rendre compte » cadre) ;
l’accomplissement (e.g. « je m’accomplis davantage au travail du fait de l’ISO car elle aide
à faire un travail de qualité » ouvrier) ; la rigueur (e.g. « la norme ISO 9001 est une aide
dans le travail, elle débouche sur de la rigueur » cadre) ; l’autonomie (e.g. « à un degré
avancé d’utilisation de la norme, on peut travailler de manière autonome, on travaille en
équipe mais sans avoir à demander les informations » cadre).
326
Le terme stress ayant été mentionné, nous le conservons, même s’il s’agit pour le répondant d’exprimer l’anxiété ou
l’agacement.
327
A ce niveau, le flicage s’apparente à une surveillance outrancière à des fins de sanction.
La carte cognitive collective agrégée assemblée du chantier naval (cf. figure 5-10, ci-
après) met en lumière un grand nombre d’attitudes (trente attitudes) résultant d’une perception
variée de la norme ISO 9001 (favorable, distanciée, non perception et contradictoire). Les
attitudes sont majoritairement positives (vingt-deux attitudes positives) et sont exprimées par
la plupart des répondants. Les attitudes négatives en nombre inférieur (huit attitudes
négatives) sont l’expression de deux personnes seulement. Eu égard aux résultats des attitudes
au travail influencées par la perception de la norme ISO 9001, la proposition 1 de notre cadre
d’analyse est à nouveau légitimée, même si elle est relative en raison des attitudes négatives
constatées.
Attention
Autonomie Apprentissage
Implication
Rigueur
Performance
Accomplissement
Satisfaction
Communication
Polyvalence
Attitudes
Loyauté positives Confiance
Ensemble de
influencées
procédures
Management obligatoires Fierté
Motivation
Reconnaissance
Amélioration
Mobilisation
Perception Intérêt
Formatage (+)
de la Ni
obligation,
Norme ni volonté
ISO 9001
Scepticisme
Caractéristiques
personnelles Déqualification
« Flicage »
Attitudes
Contribution mise Sanction négatives déresponsabilisation
Formatage (-)
Figure 5-10 : Carte cognitive collective agrégée assemblée de la perception de la norme ISO
9001 d’un chantier naval
(i.e. le répondant est réservé sur les apports de la norme), de façon contradictoire (i.e.
alternativement, le répondant souligne les apports et se montre très critique envers la norme
ISO 9001), ou n’est tout simplement par perçue par les salariés opérationnels. Ces perceptions
de la norme influencent différemment les attitudes au travail. En grand nombre (i.e. trente
attitudes recensées), les attitudes sont majoritairement positives (i.e. vingt-deux attitudes),
alors que huit attitudes négatives émergent des résultats. L’examen des attitudes influencées
montre qu’une même attitude peut s’inscrire dans le cadre d’une perception à la fois positive
et négative : le formatage. Pour un répondant, l’attitude déclarée de formatage s’inscrit dans
l’idée que la norme standardise les pratiques pour favoriser la reproductibilité du niveau de
qualité. Pour un autre répondant, l’attitude déclarée de formatage s’inscrit dans l’idée que la
norme restreint le champ des possibles dans la prise de décision.
précédemment, cette situation montre bien que l’environnement tétranormalisé va agir sur
l’appropriation de la norme ISO 9001.
A noter que le cas du chantier naval met, par ailleurs, en relief des variables autres que
d’attitude (e.g. qualité du produit, qualité du travail, qualité du fonctionnement, satisfaction
du client,…), notamment des éléments négatifs (i.e. lourdeur, paperasse, contre-production,
frein et essoufflement). A ce niveau, la norme peut apparaître comme lourde (e.g. « la norme
est parfois lourde » technicien) et générant du papier (e.g. « la norme c’est de la paperasse
mais c’est utile, surtout pour le nouveau qui arrive, pour connaître l’entreprise, le travail, on
a fait un livret d’accueil » ETAM), même si le répondant y voit malgré tout un avantage.
Cette situation renvoie à la rigidification de l’organisation résultant de la norme, tel que
l’évoque Debruyne (2002). La norme ISO 9001 est également perçue comme pouvant être
contre-productive (e.g. « les gens ne cessent de demander des améliorations des conditions de
travail ce qui fait qu’à un moment donné, on ne peut plus travailler, c’est pour partie à cause
des normes car les gens se cachent derrière » cadre) et constituant un frein à l’action (e.g.
« pour certains collègues, ils pensent que la norme ça reste de la paperasse, que ça les bride
un peu au niveau de leur travail, ça les gène, c’est moins artisanal avec la norme »
technicien).
Dans le cas de l’entreprise de chaudronnerie, les trois répondants ont une opinion
favorable de la norme : « la norme est bonne pour l’entreprise, elle est bonne pour tout le
monde » (ouvrier). Cependant, deux des trois répondants déclarent avoir une perception de la
norme au niveau macro de l’entreprise (e.g. « la norme c’est une bonne chose pour le
développement de l’entreprise, notamment la tri-certification328 » technicien) et non au
niveau micro, c’est-à-dire à leur niveau d’intervention (e.g. « je ne sais pas vous dire ce que
328
La tri certification fait généralement référence à la certification à la norme ISO 9001, à la certification à la norme IS0
14001 (relative au management environnemental) et à la certification au référentiel normatif international OHSAS 18001
(relatif au management de la santé et de la sécurité au travail).
ça apporte ou ce que ça a apporté dans mon atelier » - technicien ; « moi je suis content pour
l’entreprise qu’ils aient l’ISO mais pour moi ça ne change rien, ils pourraient nous expliquer
pourquoi et comment ils l’ont eue mais ça reste dans les bureaux […] peut-être que pour les
clients, pour les actionnaires ça fait joli à la porte mais pour l’ouvrier,…, nous on ne sait rien
mais pour l’image de l’usine je suis content » ouvrier). A ce niveau, la norme est perçue
comme un ensemble de procédures obligatoires. Les répondants perçoivent la norme
comme une obligation, eu égard au secteur d’activité dans lequel ils interviennent (e.g. « il
faut que ce que l’on fabrique soit de qualité, vu le secteur où on intervient » - ouvrier ; « la
norme ça se met en œuvre via les plans qualité, les fiches de suivi de pièces, des contrôles
qualité […] on a pas le choix, on doit fabriquer avec un haut niveau de qualité » - technicien ;
« je pense que pour une entreprise qui veut sortir des produits de qualité, il faut un service
qualité » ouvrier).
obtenus dans le cas de l’entreprise de chaudronnerie : « c’est le service qualité qui organise le
suivi de la production, le suivi de la qualité des produits […] ce que met en place le service
qualité ça influe ce que l’on fabrique aujourd’hui » (ouvrier). Eu égard aux résultats de
l’interprétation/perception de la norme ISO 9001, les propositions 1, 2, 3 et 5329 de notre cadre
d’analyse sont ainsi légitimées.
329
1) le management de la qualité selon la norme ISO 9001 influence les attitudes positives au travail du salarié opérationnel
(cette première proposition sous-tend l’idée d’une perception positive de la norme ISO 9001), 2) chez le salarié opérationnel,
l’interprétation et l’appropriation de la norme ISO 9001 sont variables selon différentes perspectives, 3) les caractéristiques
personnelles du salarié opérationnel déterminent l’appropriation et la perception de la norme ISO 9001, 5) le management
détermine l’appropriation et la perception de la norme ISO 9001 par le salarié opérationnel.
norme ISO 9001. Eu égard aux résultats des variables influençant la perception de la norme
ISO 9001, les propositions 3 et 5330 de notre cadre d’analyse sont ainsi légitimées. Passons
maintenant aux variables expliquées de la perception de la norme ISO 9001, c’est-à-dire des
attitudes au travail.
Un constat apparaît à la lecture des résultats. La norme est perçue favorablement, bien
quelle soit ressentie comme une obligation. Cette perception influence des attitudes positives.
La figure 5-11 schématise la carte cognitive collective assemblée des répondants.
330
3) les caractéristiques personnelles du salarié opérationnel déterminent l’appropriation et la perception de la norme ISO
9001, 5) le management détermine l’appropriation et la perception de la norme ISO 9001 par le salarié opérationnel.
331
1) le management de la qualité selon la norme ISO 9001 influence les attitudes positives au travail du salarié opérationnel
(cette première proposition sous-tend l’idée d’une perception positive de la norme ISO 9001).
satisfaction
Management
Reconnaissance Confiance
Vigilance Performance
Caractéristiques
Rigueur
personnelles
Figure 5-11 : Carte cognitive collective agrégée assemblée de la perception de la norme ISO
9001 d’une entreprise de chaudronnerie
Les variables d’attitude qui émergent de l’étude relèvent d’une nature positive.
Toutefois, d’autres variables - autres que d’attitude - sont mises en relief (e.g. amélioration
continue du process de l’entreprise, qualité de la production, confiance et satisfaction du
client,…), notamment des variables négatives (e.g. lourdeur et contrainte) : « je pense que
pour les gens qui n’ont pas l’habitude, toutes les fiches, les contrôles du service qualité c’est
un peu lourd, c’est contraignant ». Il s’agit ici encore d’une situation renvoyant à la
rigidification de l’organisation résultant de la norme, tel que l’évoque Debruyne (2002). L’un
des répondants déclare se sentir reconnu au niveau de ces compétences grâce à la certification
(« avec la certification c’est une forme de reconnaissance des compétences »). Cette fois-ci,
la situation ne soutient pas l’affirmation de Debruyne (2002) au sujet de la déqualification
causée par la norme.
Les deux répondants ayant une perception favorable de la norme au niveau global de
l’entreprise (i.e. niveau macro) et non au niveau de leur travail quotidien (i.e. niveau micro),
expriment cependant des variables positives : « moi à mon niveau je ne ressens pas la norme
mais si je me place dans la position du directeur, je me dis que pour lui c’est important car ça
lui apporte des marchés » - technicien ; « moi je suis content pour l’entreprise qu’ils aient
l’ISO mais pour moi ça ne change rien, ils pourraient nous expliquer pourquoi et comment ils
l’ont eue mais ça reste dans les bureaux […] peut-être que pour les clients, pour les
actionnaires ça fait joli à la porte mais pour l’ouvrier,…, nous on ne sait rien mais pour
l’image de l’entreprise je suis content » ouvrier). Cette situation peut s’expliquer par le
manque de connaissance de la norme (e.g. « du fait que je connaisse très mal la norme, je ne
sais pas si ça changerait quelque chose si la norme n’était pas là » - technicien ; « je suis
content pour l’image de la boîte mais je ne sais ce que ça veut dire au juste la norme […], les
trois quarts des gens ici ne savent pas à quoi elle sert la norme » ouvrier).
Des résultats originaux ont émergé de la phase empirique de notre recherche doctorale.
Tout d’abord, la norme ISO 9001 est perçue de manière variée même si une tendance
apparaît : la norme ISO 9001 est majoritairement perçue de manière favorable par les salariés
opérationnels, qu’ils soient agents/ouvriers, techniciens/ETAM ou cadres. A la marge, la
norme est perçue négativement, de manière distanciée (i.e. les apports potentiels de la norme
sont jugés incertains et relatifs) ou de manière contradictoire (i.e. la norme est, de manière
concomitante, jugée bonne et mauvaise). Enfin, toujours à la marge, la norme n’est pas
perçue, c’est-à-dire qu’elle n’évoque rien au répondant. Ces perceptions s’accompagnent
d’interprétations variées où la norme s’inscrit selon une perspective rationnelle (i.e. outil de
travail : logique d’efficacité), une perspective socio-politique (i.e. outil de valorisation, de
rhétorique, d’influence), une perspective psycho-cognitive (i.e. outil d’apprentissage), une
perspective symbolique (i.e. outil support de l’identité et de la construction du sens de
l’action) et une perspective de légitimité (i.e. outil de promotion et de légitimation). Enfin, il
est tout autant intéressant de noter que la norme ISO 9001 est perçue comme une obligation
ou une action volontaire pour les salariés opérationnels.
La méthodologie des cartes cognitives qui a permis l’émergence des résultats s’avère
très efficace pour mettre en relief des variables et leurs liens d’influence. Toutefois, le choix
de cette méthodologie peut limiter la richesse du matériau (i.e. avec la méthode structurée), ce
qui nécessite de la part du chercheur de rendre évolutif son processus d’élaboration des cartes
cognitives. Le chapitre VI à suivre va maintenant présenter une discussion générale sur les
résultats, notamment en lien avec la problématique et la conceptualisation de notre recherche
doctorale.
Mobilisation Implication
Satisfaction
Indifférence
Attitudes - états
Reconnaissance
affectifs - issues de
Accomplissement la norme
ISO 9001 Scepticisme
Management et Perçue :
fa cteurs externes Moral
Confiance
Perception
favorable Fierté Stress
Intérêt
Autonomie
•Neutre Perçue :
Polyvalence OCB
Performance
Figure 6-1 : Carte cognitive collective agrégée assemblée de la perception de la norme ISO 9001
Page 317 sur 454
Chapitre VI : Discussion générale
Les résultats obtenus à partir des matériaux collectés, fonction du socle conceptuel
intégrateur et traités selon la méthodologie des cartes cognitives, sont d’une grande richesse.
Ces résultats suscitent de nombreux commentaires. Outre la non perception, quatre
perceptions différentes de la norme émergent des résultats de l’étude : une perception
favorable (majoritaire), une perception distanciée, une perception défavorable et une
perception contradictoire.
Par ailleurs, la norme est perçue de façon contradictoire : « l’ISO 9001 c’est le gros
chaos, je ne sais pas si ça porte sur la façon de travailler ou si c’est une norme technique ou
pas mais il y a des choses qui sont mieux qu’avant mais il reste beaucoup à faire […] hors
audit, il y a une inertie, une lourdeur de la structure dans l’entreprise qui font que la norme il
ne faut pas la respecter si on vent avancer […] la norme c’est un frein qui a quand-même
comme avantage de canaliser les gens dans le même sens […] dès que la norme est respectée,
on retrouve une clarté dans le travail ». Cette situation traduit un sentiment contradictoire du
répondant. D’un côté, le répondant condamne la norme parce que, selon lui, elle freine
l’action alors qu’il aspire à une certaine liberté d’action. D’un autre côté, le répondant aspirant
à de la rigueur reconnaît en la norme une aide à l’organisation. Cette perception est renforcée
par le fait que le répondant s’agace de l’entreprise dont il estime qu’elle tolère le manque de
professionnalisme de ses collègues, illustré par un manque de rigueur et un refus de souscrire
au système qualité. Ces quatre formes de perceptions sont complétées par la non perception
de la norme, c’est-à-dire que le répondant n’appréhende pas la norme : « on en entend parler
332
23 des 27 répondants ont une opinion favorable de la norme ISO 9001.
de la norme mais ça ne me dit pas grand-chose, on sait que l’entreprise est ISO 9001, sans
savoir ce que c’est ». Le tableau 6-1 présente la typologie des perceptions de la norme ISO
9001.
Perception favorable
Perception distanciée
Perception contradictoire
Perception défavorable
Non perception
A noter que les déclarations de certains répondants mettent en relief une perception
de la norme au niveau macro de l’entreprise et non au niveau micro, c’est-à-dire à leur
niveau d’intervention, interrogeant sur la contextualisation de la connaissance de la norme
(e.g. « je ne sais pas vous dire ce que ça apporte ou ce que ça a apporté dans mon atelier » ;
« moi je suis content pour l’entreprise qu’ils aient l’ISO mais pour moi ça ne change rien, ils
pourraient nous expliquer pourquoi et comment ils l’ont eue mais ça reste dans les bureaux
[…] peut-être que pour les clients, pour les actionnaires ça fait joli à la porte mais pour
l’ouvrier,…, nous on ne sait rien mais pour l’image de l’usine je suis content »).
qu'on fait et comment on le fait ». Cette situation renvoie à l’obligation de répondre aux
consignes de l’encadrement (e.g. « on doit toujours travailler avec cette norme qualité »), ou
pour accéder au marché (e.g. « on ne peut pas supprimer le système qualité de l’entreprise, on
ne peut plus s’en passer… sans norme, ça nous interdirait certains marchés »), ou encore
pour favoriser la pérennité de l’emploi (e.g. « j’ai peur que le service soit externalisé… on est
réactif aux demandes des clients… à l’heure d’aujourd’hui c’est une obligation d’avoir une
norme »). A ce niveau, la norme devient une évidence dans le travail des salariés. Le caractère
obligatoire de la norme peut même être perçu comme une obligation légale : « je pense qu’il y
a un aspect réglementaire à la norme ». La perception de la norme comme une obligation
s’observe dans les perspectives favorable et distanciée, dans les trois catégories
socioprofessionnelles.
Une autre partie des répondants perçoit la norme comme un guide d’action volontaire,
par exemple : « la certification ce n'est pas une obligation, ce n’est pas réglementaire, c'est
vraiment une démarche spontanée et volontaire… c’est pour améliorer… on fait le choix
d’utiliser la norme comme outil de management, d’organisation au sein du groupe… ». La
perception de la norme comme un guide d’action volontaire s’observe dans la perspective
favorable, principalement dans la catégorie cadre.
dégradée pour la rendre meilleure par l’innovation organisationnelle. Enfin, en tant que
dispositif de contrôle et de gouvernance, la norme ISO 9001 apparaît comme un moyen de
vérifier la réalisation du travail et l’atteinte des objectifs, par exemple : « je pense que la
norme permet aussi à la direction de nous contrôler […] la norme, ça aide au contrôle ». Sur
ce point, la perspective de la norme comme moyen de gouvernance n’est pas mise en
évidence par les verbatim, même si cette idée est sous-jacente chez les répondants. Eu égard
aux résultats de l’étude, la proposition 2333 de notre cadre d’analyse est légitimée.
333
2) chez le salarié opérationnel, l’interprétation et l’appropriation de la norme ISO 9001 sont variables selon différentes
perspectives.
L’utilité perçue de la norme est mise en évidence par l’étude pour expliquer
l’appropriation de la norme : « la norme c’est une aide… heureusement qu’elle est là […]
parce que ça nous permet de nous guider dans ce que l’on fait tous les jours » … c’est
vraiment une aide, c’est un appui à la structure la norme ». De la même façon, la facilitée
d’utilisation perçue (e.g. « ce système de procédures est utile, et ce n’est pas difficile à
utiliser, ça m’aide dans le travail ») émerge des résultats de l’étude, même si c’est de façon
moins importante. Cette situation peut s’expliquer par le fait que les salariés opérationnels ne
lisent pas la norme (ni davantage les éléments du SMQ334) et qu’ils ne sont que partiellement
partie prenante de la mise en œuvre de la norme ; ils ne peuvent donc évaluer a priori les
efforts à fournir pour utiliser la norme. Le fait que la facilité d’utilisation perçue ne ressort pas
systématiquement du discours des répondants peut laisser supposer que les salariés perçoivent
334
e.g. le manuel qualité, les procédures du système qualité, etc.
davantage la norme au niveau macro de l’organisation et non à leur niveau (i.e. le niveau
micro).
335
i.e. la dualité du structurel.
de la norme ISO 9001. Toutefois, si certains verbatim de notre recherche soutiennent les
effets négatifs de la norme (e.g. « la norme […] c’est beaucoup de papier je trouve » ;
« comme tous ces systèmes, la norme ISO 9001 est un peu lourde et ce n’est pas souple,
d’autant plus que dans les entreprises de transport on est habitué à travailler avec beaucoup
de souplesse ») et le frein à l’action (e.g. « pour certains collègues, ils pensent que la norme
ça reste de la paperasse, que ça les bride un peu au niveau de leur travail, ça les gène, c’est
moins artisanal avec la norme »), les résultats ne permettent pas de conclure à une opposition
franche à la mise en œuvre de la norme ISO 9001.
et nous pour faire remonter notre point de vue […] on fait des REX336 avec les gars et avec la
direction »).
Dans l’étude, les facteurs externes se réfèrent à l’influence sociale, aux conditions
facilitantes, à la contribution à la mise en œuvre de la norme et, dans une moindre mesure,
à la formation et à l’état initial du système qualité. L’influence sociale renvoie à l’influence
du groupe social du salarié (e.g. ses collègues d’atelier, ses amis) sur la perception de la
norme. Ce facteur se retrouve dans l’approche théorique de la régulation autonome, c’est-à-
dire la régulation par le groupe social (e.g. « on en entend parler de la norme mais ça ne me
dit pas grand-chose, on sait que l’entreprise est ISO 9001 sans savoir ce que c’est […] en
tant qu’ouvrier on ne participe pas aux groupes de résolution de problèmes, quand il y en a,
on les règle entre nous dans l’équipe »). A ce niveau, le salarié perçoit la norme
conformément à la vision du groupe social. Dans l’étude, les conditions facilitantes
s’appréhendent aux travers du processus d’audit, notamment avec l’auditeur de l’organisme
de certification dans l’interprétation de la norme ISO 9001 : « l’auditeur est arrivé, il nous a
relu la norme avec des mots, peut-être, plus simples et puis voilà, c'est exactement ce que je
336
REX : retours d’expérience.
pensais mais sans savoir exactement l'exprimer » ; « je trouve que les audits internes sont
efficaces, notamment on fait des audits croisés et c’est efficace ». La contribution à la mise en
œuvre de la norme traduit la participation à la conception (e.g. rédaction de procédure) du
SMQ conforme à la norme ISO 9001 (e.g. « j’ai été sollicité pour réaliser des procédures du
SMQ, j’ai également participé à des audits »). La formation renvoie à l’apprentissage de la
qualité dans un cursus de formation préalable (e.g. « nous [dans notre fonction] on est formé
dans nos études à rédiger des procédures…ce qui nous aide à structurer notre démarche
qualité »). L’état initial du système qualité correspond aux caractéristiques du SMQ à
l’arrivée du répondant dans le service (e.g. « j’ai repris le système de management de la
qualité…et le manuel qualité n’était pas fait comme j’aurais aimé le faire »). Eu égard aux
résultats de l’étude, la proposition 6337 de notre cadre d’analyse est légitimée.
337
6) la régulation au sein du groupe social détermine l’appropriation et la perception de la norme ISO 9001 par le salarié
opérationnel.
338
7) l’appropriation de la norme ISO 9001 par le salarié opérationnel résulte du compromis entre la régulation de contrôle et
la régulation autonome, c’est-à-dire la régulation conjointe.
très positif même si je ne parviens pas à y raccrocher ce qu’on fait au quotidien » ; ce point
souligne le poids des variables explicatives de la perception de la norme ISO 9001.
Management et
facteurs externes
Norme
ISO 9001
perçue
Caractéristiques
personnelles
6.2 Observations sur les attitudes influencées par la norme ISO 9001
et importance du management
Les développements précédents ont mis en relief la perception de la norme ISO 9001
ainsi que les mécanismes et les facteurs de son appropriation. Les attitudes influencées par la
norme ISO 9001, l’importance du management et la caractérisation scientifique de la
recherche sont maintenant discutées.
Notre recherche considère les variables influencées par la perception de la norme ISO
9001 comme des attitudes au sens large, elles sont déclinées par groupes d’appartenance (états
affectifs, comportements et croyances), fonction de la nature des verbatim des répondants. Les
attitudes prégnantes de l’étude sont présentées.
de qualité pour les clients internes, ce qui accroît leur satisfaction. Le certificat attestant du
niveau de qualité suscite leur fierté (e.g. « quelque part on est fier de travailler avec la
norme… qui atteste que l’on travaille d’une certaine façon et que l’on bosse dans le même
sens »). Grâce à la norme, les salariés se sentent reconnus (reconnaissance ; e.g. « pour moi la
certification c’est une reconnaissance pour dire, on existe, on travaille bien ») et en
confiance dans leur travail (confiance ; e.g. « je pense que la norme donne de la
confiance…parce que ça nous oblige à vérifier… et on ne laisse pas trop de place à
l’aléatoire »). Ces principales variables positives contrastent avec trois attitudes négatives de
ce groupe : - stress, - indifférence et - scepticisme. Bien que de façon majoritaire la norme soit
perçue favorablement, elle génère pourtant une attitude négative caractérisée par le stress
(stress339 ; e.g. « il y a beaucoup de stress quand on est proche de l’audit de certification
parce que malgré que l’on fasse un rétro-planning, on doit s’y prendre de plus en plus tôt
pour essayer de ne pas prendre du retard, parce qu’il n’y a pas que ça à faire, il y a d’autres
dossiers, c’est assez stressant »). Si la variable stress est exprimée par des répondants ayant
une opinion favorable de la norme, la variable indifférence est révélée par un répondant à
l’opinion défavorable de la norme : « je ne lui trouve ni inconvénient ni avantage à cette
norme, peut-être un avantage pour la direction pour avoir de l’activité auprès des clients
mais ça s’arrête là ». La variable scepticisme renvoie à la perception distanciée de la norme
(e.g. « je ne suis pas toujours convaincu de son résultat positif […], je relativise les effets de
la norme car on est loin d’atteindre ses intentions »). La figure 6-3 résume l’ensemble des
variables d’attitude figurant dans le groupe états affectifs.
339
L’anxiété aurait pu caractériser cette variable. Toutefois, le stress a été retenu car cité par les répondants ; il est
couramment utilisé pour qualifier l’anxiété ou l’agacement.
Motivation
Mobilisation Implication
Satisfaction
Indifférence
Attitudes - états
affectifs - issues de Reconnaissance
Accomplissement la norme
ISO 9001
Perçue : Scepticisme
Moral
Confiance
Fierté Stress
Intérêt
Figure 6-3 : Les variables d’attitude - états affectifs - issues de la perception de la norme ISO
9001
Autonomie
Attention/vigilance Communication
Polyvalence OCB
Loyauté
340
Comme nous l’avons dit précédemment, dans l’approche économique la performance repose sur la notion centrale
d’objectifs à atteindre (Gauzente, 2000).
341
A ce niveau, le flicage s’apparente à une surveillance outrancière à des fins de sanction.
(amélioration ; e.g. « la norme elle nous pousse à être meilleurs… parce qu’avec les audits on
détecte des points faibles qui deviennent des points forts ») peut s’apprécier de manière
concomitante au renforcement du sentiment de performance du salarié (performance ; e.g. « je
pense que la norme doit contribuer… lorsque je vois les taux de conformité augmenter par
rapport à 2011 et que je m’étais moi-même fixée un objectif…je me dis que j’ai réussi, ce que
j’ai mis en place ça marche ») et à la situation d’apprentissage permise par la norme
(apprentissage ; e.g. « la norme nous apporte des fois de l’expérience dans des choses qu’on
ne connaît pas vraiment du fait de l’échange avec les collègues… avec la norme on apprend
des choses »). Toutefois, ce groupe comprend une part importante d’attitudes négatives (i.e.
« flicage », formatage - dans son acception négative342 -, déresponsabilisation, déqualification
et sanction), provenant entre autres de salariés ayant une fonction d’encadrement : « les outils
tels que les gammes de travail, les chronométrages ont été perçus comme du flicage, avant
que je n’explique aux gars l’intérêt des outils » (« flicage ») ; « la norme oblige à réfléchir
même si ça formate la prise de décision » (formatage - au sens négatif -) ; « la norme ça met
les choses dans des boîtes ce qui limite les choses même si ça réduit les risques, ça devient un
carcan et ça déresponsabilise les gens » (déresponsabilisation) ; « j’ai tendance à penser que
la norme ne favorise pas le savoir et elle réduit le champ d’initiative, la connaissance est
partagée et aujourd’hui elle est globale mais individuellement elle décroît »
(déqualification) ; « le SMQ rend impardonnable l’erreur mais il ne les évite
malheureusement pas » (sanction) . Même si ces croyances sont ressenties de manière très
isolée, elles interrogent toutefois sur l’influence de l’action du management, notamment sur
son discours. La figure 6-5 résume l’ensemble des variables d’attitude figurant dans le groupe
croyances.
342
Parallèlement à son expression positive.
343
1) le management de la qualité selon la norme ISO 9001 influence les attitudes positives au travail du salarié opérationnel
(cette première proposition sous-tend l’idée d’une perception positive de la norme ISO 9001).
Performance
Sanction Amélioration
« Flicage »
Attitudes -
croyances - issues
Déqualification de la norme Qualification/ compétence
ISO 9001
Perçue :
Apprentissage
Déresponsabilisation Rigueur
Formatage
Figure 6-5 : Les variables d’attitude - croyances - issues de la perception de la norme ISO
9001
6.2.2 Des attitudes influencées par la norme ISO 9001 variées multiples et mêlées dans
un environnement tétranormalisé
Dans l’étude, les salariés ont très majoritairement une vision favorable de la norme
ISO 9001 et ils acceptent la norme. Ce constat peut expliquer que les attitudes influencées par
leur perception soient largement positives. Par ailleurs, les attitudes influencées par la
perception de la norme ISO 9001 peuvent s’expliquer par le fait que les salariés trouvent en la
norme des réponses à leur conception du travail ou bien des réponses aux problématiques
auxquelles ils font face. Par exemple, dans le cas du groupe de transport routier de
marchandises, le fait que la norme ISO 9001 constitue un cadre pour l’exécution du travail, la
clarté et l’atteinte des objectif peut expliquer l’attitude déclarée de satisfaction au travail.
Parmi les attitudes influencées, la satisfaction, la confiance et la performance sont des
variables récurrentes exprimées par les répondants. En outre, la reconnaissance apparaît
comme une variable clé. Dans certains cas, son émergence peut s’expliquer par la différence
de prestige (et le pouvoir associé, Herreros, 2007344) de la fonction, par exemple, dans les
344
Herreros (2007 : 5) évoque d’ailleurs des micro-féodalités à l’hôpital où chacun cherche à faire valoir son ordre
(médecins, infirmières).
organisations de soins et de santé entre les praticiens (médecins et infirmières) et les salariés
de l’activité support de stérilisation : « la norme met vraiment en exergue un service qui était
jusqu’ici caché […] car dans les établissements, ce sont les chirurgiens et les infirmières qui
sont auréolés de gloire ». Dans cette situation, la localisation géographique du service au
sous-sol du bâtiment renforce cette explication (« la norme ça permet une reconnaissance du
service de stérilisation…et des personnes…parce que nous, en étant au sous-sol, on se sent un
peu à l’écart »).
comme pour les gars, la norme a élevé le niveau de qualité et de qualification » ; « avec la
certification c’est une forme de reconnaissance des compétences ». D’autre part,
contrairement à la perte d’autonomie au profit du collectif argumentée par les détracteurs de
la norme (Segrestin, 1996), l’étude suggère que la norme ISO 9001 peut favoriser
l’autonomie : « comme on a des procédures pour chaque étape, en cas de panne ou en cas de
souci, la norme permet, je pense de rendre plus autonomes les gens ».
Au titre des variables négatives ne caractérisant pas des attitudes, la norme ISO 9001
peut être perçue comme contre-productive (e.g. « les gens ne cessent de demander des
améliorations des conditions de travail ce qui fait qu’à un moment donné, on ne peut plus
travailler, c’est pour partie à cause des normes car les gens se cachent derrière ») et
constituant un frein à l’action (e.g. « pour certains collègues, ils pensent que la norme ça
reste de la paperasse, que ça les bride un peu au niveau de leur travail, ça les gène, c’est
moins artisanal avec la norme »). L’idée du « soufflé qui retombe » (cf. Han et al., 2007) en
lien avec la norme émerge également des résultats : « la norme ne rejaillit plus sur le
personnel, plus maintenant, ça s’est essoufflé ». De manière tout à fait intéressante, le
répondant pointe dans la foulée ce qui constitue une condition facilitante (au titre des facteurs
externes influençant l’appropriation de la norme ; cf. supra, cadre d’analyse) : « ce qui va
faire du bien c’est de changer de responsable qualité pour apporter quelque chose de
nouveau car c’est eux qui pilotent le truc,…, car suivant la personne, ça a un impact énorme
et ça s’essouffle aussi à un moment donné ».
A noter que, bien que la norme ISO 9001 influence favorablement l’attitude de
communication (e.g. « c’est très clair, la norme emmène à communiquer sur des sujets sur
lesquels on ne communiquerait pas si elle n’existait pas »), cette variable s’inscrit dans une
perspective négative pour certains salariés : « la norme ne fait pas forcément plus
communiquer, en fait c’est un problème interne, notre communication interne est très en
retard ». A ce niveau, le répondant stigmatise l’action du management au travers de la norme
(e.g. « bien que l’on soit certifié ISO 9001, on n’arrive pas à faire grand-chose parce qu’il
faut attendre l’accord de plusieurs chefs »). Ceci peut expliquer ses observations sur la
communication du management : « la norme ça ne m’incite pas à communiquer […] ce n’est
pas la norme qui décourage le métier, ce sont les gens ». Cette situation relativise les travaux
affirmant l’influence positive de la norme sur la communication (Chow-Chua et al., 2003 ;
Dowalatshahi, 2011). D’ailleurs, un autre répondant ayant une vision - cette fois-ci - favorable
de la norme pointe également un problème à ce niveau (« on a un panneau d’affichage et
l’informatique embarquée pour être informé mais c’est de l’information de service et non sur
la qualité »). Les répondants intervenant dans le secteur d’activité du transport routier de
marchandises, en toute logique les salariés opérationnels qui sont presqu’exclusivement sur
les routes hors de l’entreprise (i.e. des salariés nomades), ne perçoivent pas la communication
relative au SMQ. Toutefois, cette situation s’observe également dans un secteur d’activité -
sédentaire - de la production industrielle.
Dans le cas du chantier naval, outre les attitudes influencées, l’analyse des entretiens
montre un amalgame entre la norme générique d’application volontaire ISO 9001 et d’autres
référentiels spécifiques obligatoires (e.g. « les salariés purement opérationnels ne distinguent
pas les caractéristiques de l’ISO 9001 avec d’autres normes ISO »). Cet amalgame est de
nature à altérer la perception de la norme ISO 9001 (e.g. « entre les normes ISO, les Affaires
maritimes, la Lloyds, il y a plus de contraintes, même si c’est pas la même chose, des fois ça
se rejoint »). Cette situation montre bien que l’enchevêtrement de la norme ISO 9001 à
d’autres normes présentes dans l’entreprise va introduire de la confusion ; les distorsions
générées par la tétranormalisation (Bonnet, 2009) vont alors entraver l’appropriation de la
norme ISO 9001. L’amalgame entre la norme ISO 9001 et d’autres référentiels peut
Enfin, les résultats mettent en relief la perception double d’une attitude, c’est-à-dire
que la même attitude peut être perçue de manière positive ou négative. A ce niveau, l’attitude
formatage est, dans un cas, perçue positivement (e.g. « la norme formate les tâches pour
assurer de la continuité, de la fiabilité, c’est une référence pour la répétabilité des
résultats ») et, dans un autre cas, perçue négativement (e.g. « la norme oblige à réfléchir
même si ça formate la prise de décision »).
Cependant, l’évaluation négative peut être néanmoins associée à des aspects positifs
de la norme, notamment une certaine utilité345, par exemple : « la norme c’est très segmenté,
très découpé ce qui altère l’initiative, l’inventivité, le métier au sens noble, l’ouvrage du
compagnon, ça met les choses dans des boîtes ce qui limite les choses même si ça réduit les
risques, ça devient un carcan et ça déresponsabilise les gens346… cette segmentation est aussi
bénéfique car elle permet de bien identifier les livrables, les interlocuteurs, cela rend plus
lisible l’activité… j’utilise les procédures de la norme pour défendre ma cause vis-à-vis d’un
autre service plutôt que pour résoudre des problèmes au quotidien, c’est plus pour arbitrer
au niveau des interfaces entre services ». En synthèse, dans la présente étude, les variables
d’attitude influencées par la norme ISO 9001 perçue relèvent principalement de l’état affectif
et elles sont majoritairement positives, quelle que soit la catégorie socioprofessionnelle et le
secteur d’activité.
345
Il s’agit du type perception distanciée de la norme.
346
Le répondant s’exprime au sujet des salariés en général, pas lui spécialement.
La situation où la norme ISO 9001, vue par une partie des salariés comme un
ensemble de procédures obligatoires, débouche sur une perception favorable et des attitudes
au travail positives est apparue de manière récurrente. Cette constatation est particulièrement
intéressante puisqu’elle montre que, bien qu’obligatoire (i.e. sans concertation, négociation ou
consultation préalable avec les salariés opérationnels), un outil de gestion peut tout à fait être
accepté par le salarié enjoint d’y souscrire. A ce niveau, la norme ISO 9001 vue comme une
obligation ou comme une action volontaire présente principalement des conséquences
positives. Le caractère obligatoire ou volontaire de la norme n’est donc pas discriminant dans
la séquence causale de la perception de la norme ISO 9001 et de son influence sur les
attitudes des salariés opérationnels. Par ailleurs, les attitudes influencées sont globalement
communes, que la norme ISO 9001 soit vue comme une obligation ou comme une action
volontaire.
Enfin, à noter que le modèle d’Anderson et al. (1994) postulant que les pratiques de la
norme ISO 9001 influencent l’attitude des salariés qui, en retour, va influencer le leadership
du management, se vérifie - à la marge - dans les résultats de l’étude : « si on suit les normes
on fait du bon boulot, si on fait du bon boulot le chef est content de vous et on évolue comme
ça doit se faire ». A ce niveau, la séquence selon laquelle le management de la qualité
influence la perception de la norme ISO 9001 qui, elle, influence l’attitude des salariés qui, en
retour, influence le management, s’inscrirait dans un mouvement circulaire ; il s’agirait là
d’un véritable cercle vertueux. Eu égard aux résultats de l’étude, la proposition 9347 de notre
cadre d’analyse est légitimée. Toutefois, ce constat est à considérer avec prudence, en raison
de l’émergence marginale d’un verbatim. Nous allons maintenant discuter d’une variable
déterminante de notre recherche : le management.
L’examen des résultats débouche sur un constat principal : par son influence, le
management est prépondérant dans la perception de la norme et les attitudes qui en résultent.
Notamment dans la mise en œuvre de la norme, le management conditionne la perception des
salariés : « je ne rejette pas la norme, j’en ai un sentiment mêlé puisque je n’imagine pas
fonctionner sans mais je pense qu’il faudrait améliorer la norme pour qu’elle soit mieux
347
9) les attitudes positives influencées par la norme ISO 9001 influencent en retour le management de la qualité.
assimilée, mieux digérée et que cette assimilation soit profitable… elle manque peut-être de
pragmatisme, de réalité de terrain… il y a un discours en faveur de la qualité de la part du
management mais c’est parce qu’ils sont obligés car du fait que la norme est perfectible, le
management ne peut la critiquer et ne peut que la défendre pour la pérennité de la norme,
mais la résonnance du discours est relative et variable » ; « le problème c’est pas la norme
c’est le degré d’application, soit on applique trop et c’est une plaie, soit on applique pas
assez et ça sert à rien,…, ce n’est pas dû à la norme mais c’est un problème de motivation du
personnel et un problème de compréhension de la norme par les cadres qui la mettent en
place, car s’ils ne comprennent pas et qu’ils ne font qu’appliquer strictement, eh bien ils ne
sont pas à leur place, c’est pas qu’il faut l’interpréter mais c’est que selon les endroits (i.e.
l’importance du sujet), il faut plus ou moins serrer la vis ». Par ces verbatim348, on constate
que l’encadrement ne s’approprie pas systématiquement la norme et que sa perception n’est
pas forcément favorable. Cette situation met en relief un paradoxe, dans la mesure où
l’encadrement identifie bien les opportunités de la norme : « la norme peut inciter à
sensibiliser l’encadrement à la qualité, au leadership ».
348
Issus de réponses de cadres.
salariés subordonnés ne peuvent la percevoir positivement. Cette situation débouche sur une
conséquence éminemment préjudiciable pour l’entreprise : les attitudes souhaitées des salariés
en faveur du contrôle de l’organisation ne peuvent se développer. A ce niveau, l’étude
confirme bien la littérature montrant la liberté d’interprétation de la norme (Poksinska, 2007 ;
Martineau, 2012) comme un élément crucial (e.g. « si on avait du temps pour lire la norme,
pour connaître la norme, elle pourrait mobiliser, puisque la norme est fonction de son
interprétation »). Le problème de l’appropriation de la norme se vérifie également pour les
autres catégories de salariés, par exemple avec un agent : « dans les bureaux ils font leur truc,
ils ont leur certificat et ils sont contents, quand ils ont le certificat, ils font un speech mais ils
ne nous expliquent pas à quoi ça correspond ni la raison pour laquelle ils l’ont obtenu […]
moi je suis content pour l’entreprise qu’ils aient l’ISO mais pour moi ça ne change rien, ils
pourraient nous expliquer pour quoi et comment ils l’ont eue mais ça reste dans les
bureaux ».
A noter que certains verbatim soulignent une incohérence avec les principes
fondateurs de la norme ISO 9001 devant être actionnés par le management ; ceci renforçant la
prépondérance du management. En effet, alors que la norme ISO 9001 promeut l’implication
et l’amélioration continue, des répondants affirment des déclarations contraires, par exemple :
« on a jamais de point sur ce qui a été mis en place grâce à la norme, on a jamais de retour
[…], on a pas de retour sur la norme […], on fait des points d’information sur les fiches de
non-conformité en réunion le matin, mais nous on intervient pas sur la manière de les
résoudre, ce serait bien que l’on soit convié à ces réunions de résolution » ; « dans les
bureaux, ils font leur truc, ils ont leur certificat, ils sont contents,…, quand ils ont le
certificat, ils font un speech mais ils ne nous expliquent pas à quoi ça correspond ni la raison
pour laquelle ils l’ont obtenu […], pour eux [c'est-à-dire le management] on fait deux erreurs
par an et on coule la boîte ». Malgré sa prépondérance, le management doit être considéré en
complément des cadres théoriques majeurs pour expliquer l’appréhension de la norme ISO
9001, ce que nous verrons plus loin, après avoir commenté la similarité des résultats entre
l’hôpital privé, le groupe de transport routier de marchandises, le chantier naval et l’entreprise
de chaudronnerie.
faisant, les gestionnaires auraient tendance à revenir à leurs pratiques traditionnelles après
avoir obtenu la certification (Han et al. (2007).
Les attitudes influencées par la perception de la norme ISO 9001 sont similaires dans
les quatre entreprises constitutives du terrain de l’étude. Notons toutefois l’émergence plus
forte de la variable reconnaissance dans le secteur d’activité de la santé (i.e. les salariés non
praticiens médicaux se sentent reconnus par la certification ISO 9001 par rapport aux salariés
praticiens médicaux) et l’émergence plus forte de la variable communication dans le secteur
d’activité du service (i.e. le transport routier de marchandises). Toutefois, cette situation ne
doit pas conduire à une généralisation (i.e. l’attitude communication influencée par la norme
ISO 9001 est perçue de manière plus forte dans le service) puisqu’il s’agit plutôt d’une
caractéristique du métier du transport au sein du secteur d’activité du service. Sur ce point,
c’est le caractère nomade de l’activité professionnelle qui justifie l’émergence plus forte de
l’attitude communication, plutôt que le secteur d’activité de la prestation de service ; le
caractère nomade de l’activité professionnelle de certains salariés peut se retrouver dans tous
les secteurs d’activité. Eu égard aux résultats de l’étude, la proposition 1349 de notre cadre
d’analyse est légitimée. Toutefois, cette proposition est relativisée à l’aune des attitudes
négatives influencées par la norme ISO 9001 qui ont émergé des résultats (cf. supra). De ce
fait, nous ne pouvons établir la conjecture selon laquelle la norme ISO 9001 influence
exclusivement les attitudes positives au travail.
6.2.4 Réflexion sur l’appréhension de la norme ISO 9001 par la théorie des
organisations et retour sur la caractérisation scientifique de la recherche
349
1) le management de la qualité selon la norme ISO 9001 influence les attitudes positives au travail du salarié opérationnel
(cette première proposition sous-tend l’idée d’une perception positive de la norme ISO 9001).
autant pour la lecture de la norme par le responsable de sa mise en œuvre dans l’organisme350,
en particulier selon les travaux de Callon (1986) portant la théorie de la traduction (Maurand-
Valet, 2004), que pour l’individu qui la reçoit au travers du SMQ.
Tel que le souligne Plane (2013), les travaux en théorie des organisations sur la qualité
du management et l’analyse du pouvoir dans les organisations s’inscrivent dans la sociologie
des organisations. Les travaux de Crozier et Friedberg (1977) symbolisent principalement la
recherche en sociologie des organisations (Plane, 2013). L’analyse stratégique de Crozier et
Friedberg (1977) suppose que l’organisation est un construit social (Desreumaux, 2005 ;
Plane, 2013) où, contrairement à l’idée selon laquelle il la subirait passivement, l’individu
apparaît en fait comme un acteur dans l’organisation disposant d’une relative liberté, c’est-à-
dire d’une marge de manœuvre malgré tout soumise à des contraintes et des contingences
conduisant l’individu à structurer son action (Plane, 2013). Crozier et Friedberg (1977)
évoque le désormais célèbre acteur stratégique pour désigner l’individu qui agit à dessein
dans l’organisation cherchant à atteindre ses objectifs en exploitant les zones d’incertitude de
l’entreprise qu’il maîtrise (e.g. le manque de compétence ou d’information détenue dans la
fonction commerciale, ayant comme conséquence de créer un manque de certitude sur le sujet
pour des individus), ayant comme conséquence de lui conférer de l’autonomie et, donc, du
pouvoir qui va se mettre en œuvre dans le système d’action concret (i.e. les règles informelles
de l’organisation nécessaires à son bon fonctionnement, par lesquelles se règlent les
problèmes quotidiens et où se mettent en œuvre les jeux de pouvoir351). La littérature sur la
théorie des organisations (Plane, 2013 ; Aim, 2013) identifie l’acteur stratégique, les zones
d’incertitude, le pouvoir et le système d’action concret comme les concepts fondamentaux de
l’analyse stratégique.
350
Au moyen du SMQ qui en résulte.
351
« Le système d’action concret est bien un construit social qui correspond au jeu structuré et mouvant des relations de
pouvoir qui s’établissent dans les rapports sociaux » (Plane, 2013 : 85).
Segrestin (1997 : 561) soulignant que l’« on se souvient que les règles énoncées par la norme,
et qu'il s'agit d'appliquer littéralement, ne sont jamais que des règles de procédure, relatives
à la codification des pratiques industrielles, et qui ne sauraient à ce titre circonscrire
strictement les pratiques elles-mêmes. Cela explique que dans les faits, le principe
d'uniformité sous-jacent aux normes Iso pèse beaucoup moins, que ne pourrait le laisser
supposer la rhétorique prescriptive dont elles se parent ». Dès lors, malgré le potentiel de la
norme ISO 9001 et du management, le facteur humain demeure la variable essentielle pour la
maîtrise de l’activité de l’organisation.
Les résultats de cette recherche doctorale permettent d’accepter les neuf propositions
principales établies sur la base du corpus conceptuel soutenant notre cadre d’analyse, après
réalisation de l’étude empirique :
Par le fait, cette première proposition sous-tend l’idée d’une perception positive ou
négative de la norme ISO 9001 ;
352
Même si, eu égard aux attitudes négatives mises en relief par les résultats de l’étude, cette proposition se trouve
relativisée.
9) Proposition 9 : les attitudes positives influencées par la norme ISO 9001 influencent
en retour le management de la qualité.
Dans cette recherche, les résultats ont émergé à partir des entretiens réalisés et des
données traitées selon la méthode des cartes cognitives. Ainsi, au questionnement ouvert des
facteurs reliés à la perception de la norme (conformément à la méthodologie des cartes
cognitives - Baumard et al., 2007 -, nonobstant des biais liés à l’approche déclarative de ce
type de méthodologie), les répondants ont spontanément exprimé un large ensemble de
données d’une grande richesse. Cette situation conforte notre choix méthodologique ex ante
même si le terrain n’a pas toujours été facile d’accès, du fait que les répondants ne sont pas
nécessairement désireux d’être interrogés ou de s’exprimer sur un sujet comme celui de la
norme ISO 9001, notamment avec des personnes extérieures à leur entreprise.
Les résultats de l’étude ont mis en relief des attitudes influencées par la perception de
la norme ISO 9001, particulièrement en adéquation avec l’objet [partiel] du contrôle de
gestion de développement du potentiel humain, réparties selon leurs trois composantes : état
affectif, comportement et croyance.
353
Bien que les résultats de l’étude aient parallèlement fait émerger des croyances de qualification et de compétence, issues
de la perception de la norme ISO 9001.
354
Basée sur une projection où la moyenne d’âge devait passer de 39 à 47 ans dans les dix ans à venir.
355
Epaulés par un ergonome et un physiothérapeute et relevant des principes de la qualité précisent les auteurs (2010 : 4).
356
Savall et Zardet (2010 : 344) indiquent qu’ « 1 euro investi rapporte entre 2 et 40 euros, ce qui situe la rentabilité de ce
type d’investissement incorporel très au-dessus de celui des investissements matériels, pourtant privilégiés dans les modèles
traditionnels préconisés par les économistes et les gestionnaires ».
357
Alors que la démarche d’amélioration des conditions de travail, liées aux effets du vieillissement démographique dans
l’usine BMW était basée sur un groupe de travail composé de salariés (dans l’idée d’un cercle qualité), pour autant Savall et
Zardet (2010 : 15) indiquent qu’ « il est vain de chercher des solutions à l’amélioration de l’efficacité de l’entreprise en
demandant à un ou des groupes de volontaires de dire ce qui est bien et bon pour l’ensemble de l’entreprises (cercles de
qualité), renvoyant à l’idée de synchronisation de l’approche socio-économique où « le résultat et la performance de
l’entreprise résultent d’une combinaison efficace des comportements de tous les acteurs. Les améliorations doivent provenir
d’un ensemble d’actions concertées dans la totalité de l’entreprise ». A ce niveau, on constate qu’il est des cas où cette
6.3.2 Appréhender les attitudes influencées par la norme ISO 9001 : un intérêt certain
pour le contrôle organisationnel
L’appréhension des attitudes au travail revêt ainsi une importance capitale pour le
contrôle de gestion : « le processus de contrôle de gestion est essentiellement
comportemental. Il met en interaction managers et collaborateurs » (Anthony, 1993 : 87). Du
fait de la filiation entre le contrôle organisationnel et la norme de management de la qualité
ISO 9001 (i.e. le management de la qualité est un outil de contrôle de gestion - Maurand-
Valet, 2004 ; Gervais, 2009), l’explication des attitudes influencées par cette dernière présente
un intérêt certain pour la maîtrise de l’activité de l’organisation. A ce niveau, le
développement du potentiel humain au cœur du contrôle de gestion socio-économique trouve
approche par groupe de travail (e.g. des cercles qualité) n’est pas vaine et peut produire des résultats au bénéfice des salariés
et de l’organisation.
en la description des attitudes au travail influencées par la perception de la norme ISO 9001,
un moyen pour faciliter sa mise en œuvre. De manière plus précise, l’appréhension de la
séquence selon laquelle l’appropriation et la perception de la norme ISO 9001 varient selon
les individus (et que par voie de conséquence cela influence différemment les attitudes au
travail) informe le management sur le potentiel d’action pour contrôler l’organisation (au sens
de management control), c’est-à-dire pour avoir la maîtrise de l’activité de l’organisation.
Tels que le montrent les résultats de notre recherche, les attitudes influencées par la
perception de la norme ISO 9001 sont majoritairement positives. Cette situation laisse à
penser qu’une organisation dotée d’un système de management de la qualité selon la norme
ISO 9001 constitue, le cas échéant, un terreau fertile pour le développement d’une fonction
contrôle de gestion dans l’entreprise. Pour les organisations initialement dotées d’un système
conjoint de management de la qualité selon la norme ISO 9001 et de contrôle de gestion (i.e.
au sens d’une fonction dans l’entreprise), appréhender les attitudes influencées par la norme
ISO 9001 peut orienter l’action du management vers la simplification du SMQ (et/ou alors
vers davantage de communication ou de formation), par exemple, pour s’affranchir du fait
avéré ou du risque de lourdeur ressenti de la norme358) et, de facto, faciliter la réalisation du
travail et ainsi aller dans le sens d’une amélioration de la productivité, ou alors, d’une
réduction des coûts cachés. Bien-sûr, cette affirmation ne doit pas occulter les difficultés
potentielles liées à la mise en œuvre de la norme ISO 9001 dans un contexte de contrôle de
gestion (i.e. au sens où l’entreprise dispose d’une fonction à part entière de contrôle de
gestion), par exemple, le manque d’adhésion et d’intérêt ou la résistance au changement
(Nobre et Zawadzki, 2013).
Les résultats de notre recherche doctorale suggèrent trois principaux types d’apports :
des apports théoriques, des apports méthodologiques et des apports managériaux. Tout
358
Conformément aux affirmations des auteurs (Debruyne, 2002 ; Boiral, 2003 ; Lundmark et Westelius, 2006 ; Lambert et
Ouedraogo, 2010) soulignant le caractère potentiel bureaucratique et rigide de la norme.
d’abord, d’un point de vue théorique, cette recherche doctorale contribue à une meilleure
appréhension de l’outil de contrôle de gestion norme ISO 9001 et de son appropriation par le
personnel opérationnel. La norme est un outil de contrôle de gestion dont les résultats qu’il
produit dépendent pour partie de la manière dont il est utilisé. Le management interprète les
exigences de la norme ISO 9001, il conçoit le SMQ appliqué par les opérationnels, il encadre
le fonctionnement quotidien du SMQ et les phases clés (e.g. audit de certification). Le
management revêt une importance particulière dans la mise en œuvre réussie de la norme ISO
9001. La manière dont la norme est interprétée et le SMQ conçu, la manière dont la qualité est
promue et la manière dont le management encadre le SMQ au quotidien, conditionnent la
perception de la norme de management de la qualité ISO 9001selon cinq types (i.e. favorable,
distancié, contradictoire, défavorable et non perception) et son appropriation selon cinq
perspectives (i.e. rationnelle, socio-politique, psycho-cognitive, symbolique, et de légitimité).
Cette appropriation par les opérationnels est déterminante pour favoriser des attitudes
positives au travail, autant au bénéfice du salarié qu’à celui de l’organisation. En résumé,
notre recherche établit la conjecture selon laquelle le management influence la perception de
la norme ISO 9001 qui, à son tour, influence les attitudes au travail.
Par ailleurs, d’un point de vue méthodologique, notre recherche doctorale a montré
que la mobilisation de l’outil carte cognitive dans une perspective subjective et évolutive (i.e.
le passage d’une méthode structurée à une méthode non-structurée) pouvait aider à contribuer
à la réflexion sur une problématique de Sciences de Gestion.
Outre les biais liés aux méthodes déclaratives de recueil des données et au filtrage des
représentations dans les méthodes des cartes cognitives, les résultats de notre recherche
doctorale s’apprécient à l’aune de quelques limites qui suggèrent autant de perspectives
futures de recherche. Tout d’abord, les résultats de la recherche nécessitent d’être validés à
grande échelle. Notamment, les liens de causalité doivent être testés.
D’autre part, bien que le management soit une variable incontestable d’influence de la
perception de la norme ISO 9001, les résultats ne permettent pas d’appréhender le poids des
principaux facteurs d’influence de la perception de la norme ISO 9001 (i.e. le management et
les caractéristiques personnelles). Ce point ouvre la voie à d’autres études pour appréhender le
poids des facteurs d’influence de la norme.
La perception de la norme ISO 9001 est influencée par le management, mais les
résultats n’indiquent pas dans quelle mesure le management tente de persuader les salariés de
s’engager dans la norme, même si Courpasson (1996) indique que la normalisation repose sur
la persuasion et l’engagement dans sa forme implicite. Le concept de persuasion est souvent
vu négativement (e.g. persuasion des agences de publicité à faire acheter un produit), mais il
peut être appréhendé d’un point de vue plus favorable où la persuasion consiste à convaincre
les individus à regarder différemment ou plus profondément un concept ou un sujet (Fives et
Alexander, 2001). La persuasion des salariés par le management à adopter la norme ISO 9001
constitue un prolongement possible à cette recherche même si, comme le fait remarquer Plane
(2013 : 104) commentant les théories de l’engagement comme nouvelles perspectives pour le
fondé des deux grandes variables explicatives de notre cadre d’analyse : management et
facteurs externes, et caractéristiques personnelles.
Sans occulter ses limites, notre recherche doctorale propose des résultats originaux
pour les Sciences de Gestion, autant pour les chercheurs que pour les praticiens, et elle offre
de larges perspectives futures. Au terme de ce chapitre, nous pouvons donc affirmer que le
management influence l’appropriation et la perception de la norme ISO 9001 qui, à son tour,
influence les attitudes des salariés, favorisant ainsi le contrôle organisationnel.
Conclusion
Dans notre thèse, nous avons voulu montrer que le management influence
l’appropriation et la perception de la norme ISO 9001 qui, à son tour, influence les attitudes
des salariés, favorisant ainsi la maîtrise de l’activité de l’organisation. A l’aube de la
publication de la prochaine version de la norme ISO 9001 prévue en 2015, le thème de la
norme reste un sujet de recherche pertinent. En particulier, la problématique de la norme
qualité ISO est d’actualité dans le champ du contrôle organisationnel, comme en témoigne le
rapport Gallois (2012) rappelant que la compétitivité « hors prix » des entreprises françaises
se joue sur les facteurs tels que la qualité, l’innovation et le service. Si les normes de
management représentent un enjeu pour la maîtrise de l’activité de l’organisation, on voit bien
avec la multiplication des rapports gouvernementaux visant, par exemple, à limiter l’inflation
normative des collectivités territoriales (Lambert et Boulard, 2013) et à simplifier
l’environnement réglementaire pour améliorer la compétitivité des entreprises (Mandon,
2013), qu’il est nécessaire d’accroître les connaissances sur le sujet.
Dans la première partie de notre thèse, au chapitre I nous avons montré que la norme,
polymorphe et objet d’interprétations variées, remonte à des temps anciens. Accompagnant le
développement de l’humanité, la norme a évolué au fil du temps par le développement
économique et industriel pour devenir un outil de management dont l’ambition est de générer
des apports favorables aux entreprises. Différente de ses concepts voisins de réglementation et
de standard, et évoluant dans un écosystème pluriel, la norme de management s’est
développée autour du concept de qualité, en faveur de l’amélioration continue et de la
satisfaction du client. Au travers de la norme internationale ISO 9001, le management de la
qualité est, désormais, un outil de contrôle de gestion pour la maîtrise de l’activité de
l'organisation. Dans une approche cybernétique, la norme de management de la qualité ISO
9001 focalise sur l’attitude des salariés et les processus de l’entreprise afin d’en améliorer
toutes les fonctions, pour la maîtrise de l’activité. A ce titre, nous avons montré au chapitre II
que la norme de management de la qualité ISO 9001 vise à faire réaliser l’activité de façon
choisie et non de façon subie en agissant sur l’attitude des individus, avec en ligne de mire
l’atteinte des objectifs de l’organisation, c’est-à-dire sa performance. Historiquement basée
sur la préoccupation des coûts, la proximité entre la norme ISO 9001 et le contrôle de gestion
s’inscrit par ailleurs dans le développement du potentiel humain, tel que l’on peut l’envisager
selon une analyse socio-économique où les attitudes des salariés sont cruciales. La recherche
académique sur la norme ISO 9001 se distingue en deux grands thèmes d’investigation : les
motivations à l’adoption et les conséquences de la norme ISO 9001. Si elle présente des
avantages pour les organisations qui l’utilisent, malgré son ambition, la norme ISO 9001
présente également des inconvénients et des obstacles à sa mise en œuvre, interrogeant sur
son appropriation. Alors que le degré d’analyse des recherches discutant de l’influence de la
norme ISO 9001 se situe généralement au niveau de l’organisation, le niveau individuel
opérationnel est plus faiblement représenté. C’est ainsi que, alors qu’il est implicite, le lien
entre le management de la qualité et les attitudes au travail des salariés est diffus dans la
recherche académique. Même si la recherche suggère que ce lien est positif, nous avons
identifié notre problématique formulée de la manière suivante : quelle est la nature de
l’appropriation et de la perception de la norme ISO 9001, ses déterminants et son influence
sur les attitudes des salariés opérationnels en faveur de la maîtrise de l’activité de
l’organisation ?
Dans la deuxième partie de notre thèse, au chapitre III nous avons montré l’influence
du management de la qualité sur l’attitude des salariés, bien que sa théorisation soit
inachevée. En effet, malgré des écrits de référence, le management de la qualité à partir
duquel la norme ISO 9001 fonde son corpus, ne peut se revendiquer d’une théorie. En l’état
actuel de la recherche, le management de la qualité intègre le corpus des théories du
management. Le corpus de conceptualisations de la norme de management ISO 9001 est riche
et peut se résumer en trois dispositifs : coordination et régulation, apprentissage et innovation,
contrôle et gouvernance. La norme est ainsi interprétée de manière variée à l’aune de ces trois
dispositifs. Mais la norme ISO 9001 est à considérer dans un environnement tétranormalisé où
les entreprises sont soumises à un bombardement de normes auxquelles elles doivent se
conformer, dont l’enchevêtrement a comme conséquence d’introduire de la confusion entre
ces différentes normes ; affectant son appropriation. Mais alors que l’influence du
management sur la perception de la norme ISO 9001 est admise, la réponse à la question du
mécanisme de son appropriation ne se trouve pas dans la littérature dédiée au management de
la qualité, mais dans un corpus plus large s’intéressant aux outils de gestion. A ce niveau, la
théorie instrumentale reposant sur la manière dont le salarié conçoit l’utilisation de la norme
permet de comprendre l’usage de la norme ISO 9001, passant par le point de vue de ses
utilisateurs et de son appropriation. Le thème de l’appropriation renvoie à différentes
management de la qualité ISO 9001 qui, à son tour, influence les attitudes au travail, soutenue
par les neuf propositions résultant de la conceptualisation, a pris la forme d’une conjecture qui
restera à être testée. Pour accéder aux données du réel, nous avons opté pour la méthode
d’observation non participante des entretiens, plus à même de répondre à notre problématique
de recherche. Pour analyser les données primaires collectées, nous avons mobilisé la
méthodologie de cartographie sémantique des cartes cognitives. Différentes des cartes
conceptuelles et des cartes mentales, les cartes cognitives sont particulièrement adaptées pour
appréhender des relations d’influence entre variables. La littérature décrit les cartes cognitives
comme permettant la représentation graphique de la représentation du chercheur, concernant
la représentation du discours des répondants. A partir d’une variable centrale, le chercheur
interroge le sujet sur les liens éventuels qu’il opère avec d’autres variables, ainsi que la nature
et l’intensité des liens qui les unissent, mettant ainsi au jour de nouvelles variables faisant à
leur tour l’objet du même questionnement, ceci jusqu’à épuisement du sujet. A partir de la
riche méthodologie des cartes cognitives, nous avons établi notre processus d’élaboration des
cartes cognitives, en prévoyant d’agréger les différentes cartes cognitives individuelles en une
carte cognitive collective agrégée moyenne ou assemblée, fonction de la préservation de la
richesse du matériau. Pour favoriser une forte validité de la recherche, nous avons choisi
l’étude de cas multiples pour le terrain de notre thèse, fondée sur la compréhension des
phénomènes sociaux complexes et la saisie des caractéristiques significatives des évènements,
dans la perspective de trouver des résultats similaires (i.e. réplication littérale), selon le
principe de saturation (ne permettant pas de fixer, a priori, la taille de l’échantillon des
personnes interrogées). Dans un souci de représentativité (i.e. pour couvrir l’ensemble des
grands domaines d’activité), la collecte des données nous a conduits à sélectionner quatre
organisations différentes certifiées à la norme ISO 9001, afin de couvrir les principaux
secteurs d’activité (i.e. la santé, le service et la production) : le service stérilisation d’un
hôpital privé, un groupe de transport routier de marchandises, un chantier naval et une
entreprise de chaudronnerie.
Dans la troisième partie de notre thèse, au chapitre V nous avons présenté les résultats
bruts de notre recherche, après avoir décliné le calcul de la fiabilité du codage des données.
Partant de notre processus d’élaboration des cartes cognitives (considérant, à la fois, la carte
cognitive collective agrégée moyenne basée sur des entretiens structurés et fonction de
variables préalablement sélectionnées, et la carte cognitive collective agrégée assemblée basée
sur des entretiens ouverts) nous avons, tout d’abord, étudié le service stérilisation d’un hôpital
privé. Les résultats ont fait apparaître une opinion favorable de la norme ISO 9001, d’un côté,
perçue comme un ensemble de procédures obligatoires et, d’un autre côté, perçue comme un
guide d’action volontaire. Pour cette entreprise, six facteurs expliquent la perception de la
norme ISO 9001 (i.e. le management, les valeurs initiales du travail, les caractéristiques
personnelles, la formation, l’état initial du système qualité, et la contribution à la mise en
place de la norme). Un ensemble de variables expliquées de la perception de la norme ISO
9001 a émergé des résultats (i.e. satisfaction, reconnaissance, confiance, travail d’équipe,
autonomie, motivation, implication, intérêt, amélioration, performance, apprentissage et
stress). En analysant les résultats de cette première entreprise du terrain de notre thèse
(notamment au moyen du logiciel de cartographie cognitive Decision Explorer®), nous avons
constaté que la richesse du matériau collecté était affectée par les implications de la méthode
structurée des cartes cognitives. Cette situation nous a conduits à modifier notre processus
d’élaboration des cartes cognitives pour la suite de l’étude, en retenant uniquement la carte
cognitive collective agrégée assemblée comme représentation schématique finale des résultats
de notre thèse. Outre la perception favorable de la norme ISO 9001, les résultats de la seconde
entreprise constitutive du terrain (i.e. le groupe de transport routier de marchandises) ont mis
en relief une autre perception de la norme. A nouveau, vue comme un ensemble de procédures
obligatoires où un guide d’action volontaire dans sa perception favorable, la norme ISO 9001
est également perçue de façon défavorable, débouchant sur une attitude d’indifférence. Pour
cette seconde entreprise, quatre facteurs expliquent la perception de la norme ISO 9001 (i.e. le
management, les valeurs initiales du travail, les caractéristiques personnelles, et la
contribution à la mise en place de la norme). Outre la variable communication stigmatisant
l’action du management, et la variable indifférence issue de la perception défavorable, un
ensemble de variables expliquées de la perception de la norme ISO 9001 a émergé des
résultats : reconnaissance, comportement de citoyenneté organisationnelle, rigueur,
performance, implication, fierté, gratification, moral, accomplissement, motivation,
satisfaction, travail en équipe, confiance, remise en question, mobilisation. Les résultats de la
troisième entreprise du terrain de notre thèse (i.e. le chantier naval) ont mis en relief trois
autres perceptions de la norme ISO 9001, en plus de la perception favorable vue comme un
ensemble de procédures obligatoires où un guide d’action volontaire : la perception
distanciée, la perception contradictoire, et la non perception de la norme. Comme pour la
seconde entreprise, quatre facteurs expliquent la perception de la norme ISO 9001 au chantier
naval (i.e. le management, les valeurs initiales du travail, les caractéristiques personnelles, et
la contribution à la mise en place de la norme). Un grand nombre de variables d’attitude
expliquées par la perception de la norme ISO 9001 a émergé des résultats : des attitudes
positives (i.e. attention, apprentissage, implication, performance, satisfaction, polyvalence,
confiance, motivation, reconnaissance, comportement de citoyenneté organisationnelle,
qualification/compétence, intérêt, formatage - au sens positif -, mobilisation, travail en
équipe, amélioration, fierté, loyauté, communication, accomplissement, rigueur et autonomie)
et des attitudes négatives (i.e. scepticisme, déqualification, passivité, déresponsabilisation,
formatage - au sens négatif -, stress, sanction, et « flicage »). La quatrième et dernière
entreprise du terrain de notre thèse (i.e. l’entreprise de chaudronnerie) ne présente pas d’autres
nouveaux résultats par rapport aux trois premières entreprises de l’étude. La norme ISO 9001
est perçue favorablement (cette fois-ci, comme un ensemble de procédures obligatoires) et
cette perception s’explique par trois facteurs (le management, les valeurs initiales du travail et
les caractéristiques personnelles). Toutefois, les résultats de l’entreprise de chaudronnerie
mettent en relief deux niveaux de perception de la norme ISO 9001 : le niveau micro (i.e. la
perception de la norme ISO 9001 au niveau d’intervention de l’individu) et la perception
macro (i.e. la perception de la norme ISO 9001 au niveau global de l’entreprise). Enfin, un
ensemble de variables expliquées de la perception de la norme ISO 9001 a émergé des
résultats (i.e. fierté, reconnaissance, satisfaction, confiance, polyvalence, autonomie,
motivation, performance, rigueur, vigilance et communication).
en question, même si les attitudes relevant de cette composante sont plus nuancées avec une
part importante d’attitudes négatives (e.g. déqualification, déresponsabilisation, « flicage »).
Nonobstant des limites de notre étude, et compte tenu de ses apports théoriques,
méthodologiques et managériaux, l’appréhension de la séquence selon laquelle
l’appropriation et la perception de la norme ISO 9001 varient selon les individus (et que par
voie de conséquence cela influence différemment les attitudes au travail), informe le
management sur le potentiel d’action pour contrôler l’organisation (au sens de management
control), c’est-à-dire pour avoir la maîtrise de l’activité de l’organisation.
Arrivé au terme de cette thèse, nous pouvons donc affirmer que le management
influence la perception de la norme ISO 9001 qui, à son tour, influence les attitudes des
salariés, favorisant ainsi le contrôle organisationnel. S’il est important de développer une
influence normative internationale stratégique pour la France359 comme le rappelle le rapport
Revel (2013), il est important de considérer le potentiel lié à l’ambition d’une norme de
management, telle la norme ISO 9001, pour la maîtrise de l’activité de l’organisation. A
l’aune des tendances du management de ces dernières années (e.g. le lean management),
même si les tentatives pour la faire évoluer ne permettent pas nécessairement de surmonter les
problèmes mis en évidence par la littérature (i.e. les obstacles à sa mise en œuvre et ses
inconvénients), la version 2015 à venir de la norme de management de la qualité ISO 9001 a
comme ambition de soutenir la maîtrise des risques, d’opérer un recentrage sur la stratégie, la
dimension économique et la chaîne de valeur de l’entreprise, inscrivant davantage la norme de
management de la qualité ISO 9001 comme un moyen de contrôle interne, en plus de son
statut d’outil de contrôle de gestion.
359
Rappelant au passage que le développement des normes s’effectue dans un écosystème où le lobbying qui s’y exerce aura
des effets sur leur élaboration, ayant comme conséquence de conditionner leur perception ; toute chose égale par ailleurs.
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Annexes
L’ISO a été créée en 1948 afin d’apporter une visée universelle à la normalisation.
L’organisation est constituée de comités techniques (TC : Technical Committee) en charge de
thèmes spécifiques (e.g. TC176 portant sur le management et l’assurance de la qualité) et
composés d’experts des nations membres. Pour la France, ce sont les experts de l’AFNOR qui
participent aux réflexions des comités techniques de l’ISO autour de la normalisation.
Les organismes de normalisation ont des rôles pluriels et cruciaux. A la fois, ils sont
initiateurs de réflexions [de leurs membres] autour de thématiques, ils apportent leur aide dans
la réalisation d’études et ils diffusent les textes résultant de leurs travaux (Beringer et Hilaire,
1994 : 156)361. Le processus de normalisation vise à l’élaboration consensuelle et à la
contribution des participants. « C’est aussi et peut-être, dans un premier temps, une occasion
de rencontre entre des intérêts divergents, au moins au départ » souligne Cayla, (1994 : 163).
Cette situation d’élaboration collective où les points de vue ont pu être exprimés, confère à la
360
Selon les informations du site internet de l’ISO consulté en octobre 2013, au 31 décembre 2012, 19 573 normes
internationales et documents normatifs ont été publiés : http://www.iso.org/iso/fr/home/about/iso-in-figures.htm
361
Les auteurs soulignent qu’ « une norme européenne adoptée par le CEN est ipso facto intégrée dans la collection des
normes françaises (même en cas de vote défavorable) ».
norme sa légitimité. L’élaboration d’une norme ISO relève d’une démarche précise et
rigoureuse, jalonnées de plusieurs phases.
projet d’opportunité de norme (NP : New work item Proposal) est proposé au comité
technique approprié. Si le comité valide le besoin de norme, un groupe de travail composé
d’experts362 engage les débats en faveur d’une ébauche de travail (working draft). L’ébauche
de travail jugée la meilleure par le groupe d’experts après des tours successifs d’examen est
partagée (committee draft) avec le comité technique et le secrétariat central de l’ISO. Si le
consensus est obtenu autour du projet, il est partagé (DIS : Draft International Standard) avec
les membres de l’ISO qui sont invités à la commenter. Lorsque le consensus est obtenu à ce
nouveau stade, un document final (FDIS : Final Draft International Standard) est soumis à
l’approbation au vote des membres de l’ISO qui, s’il est approuvé au 2/3 de la majorité des
membres participants du comité technique concerné363 364
devient une norme internationale
ISO (IS : International Standard).
Les projets d’examen de nouvelles normes n’émanent pas de l’ISO mais proviennent
de l’industrie ou d’associations de consommateurs qui signale l’intérêt d’une norme au
membre ISO de leur pays (i.e. l’AFNOR pour la France), ces projets répondent donc aux
besoins du marché365.
362
Du Couëdic (1994 : 71) souligne que « les experts travaillent en leur nom propre, sans représenter leur pays, ce qui leur
donne une grande liberté de pensée et d'action. Ils ont cependant intérêt, bien entendu, à rester en contact étroit avec les
commissions de leur pays, qui seront appelées à examiner le projet développé par leur groupe de travail ».
363
L’ISO distingue trois catégories de membres : les membres à part entière (member bodies) qui participent de plein droit et
influencent les travaux de normalisation et les stratégies ISO (ils vendent les normes ISO et peuvent les adopter en tant que
normes nationales), les membres correspondants qui observent l’élaboration des normes - sans y participer - (ils vendent les
normes ISO et peuvent les adopter en tant que normes nationales) et les membres abonnés des activités de l’ISO - sans y
participer - (ils ne peuvent vendre les normes ISO ni les adopter comme normes nationales). Par exemple, AFNOR pour la
France, BSI (British Standards Institute) pour l’Angleterre, AENOR (Asociación Española de Normalización y
Certificación) pour l’Espagne, DIN (Deutsches Institut für Normung) pour l’Allemagne ou ANSI (American National
Standards Institute) pour les États-Unis, sont des membres de l’ISO.
364
Et pas plus d’un quart de votes négatifs.
365
Source : site internet de l’ISO, http://www.iso.org/iso/fr/home/standards_development.htm, consulté en juillet 2013.
366
Source : site internet de l’ISO, http://www.iso.org/iso/fr/2012_standard_development_short_highres.gif, consulté en août
2012.
Les relations mises en évidence dans le carré sémiotique entre les différents concepts
relèvent de la contrariété, de la contradiction et de la complémentarité. Ces relations
constituent des axes sémantiques, « […] où chacun des deux termes présuppose l’autre »
(Floch, 1989 : 43).
367
En admettant que les anges n’aient aucun sexe précise l’auteur.
368
L’auteur s’appuie sur Heilbrunn et Hetzel, 2003.
La norme s’appuie sur un manuel qualité (MQ) qui décrit le système de management
de la qualité, c’est-à-dire les différentes exigences précisées dans les huit chapitres de la
norme ISO 9001 version 2008. Nous allons maintenant parcourir ces chapitres369 en les
illustrant avec des exemples :
1.Domaine d’intervention
1.1.Généralités
1.2.Périmètre d’application
2.Références normatives
369
Les chapitres sont organisés en liste à trois niveaux. Pour ce document nous globalisons au niveau 2 (ex. article 6.2).
3.Termes et définitions
L‘article 4.1 prescrit que « L’organisme doit établir, documenter, mettre en œuvre et
entretenir un système de management de la qualité et en améliorer en permanence
l’efficacité conformément aux exigences de la présente Norme internationale ». C’est
à cet endroit qu’apparaissent les exigences relatives aux processus. A ce niveau,
doivent être décrits : leur détermination, leur séquence, leurs interactions, les critères
et les méthodes pour leur maîtrise, leur surveillance et leur mesure ainsi que la
manière dont ils sont planifiés ; tout ceci y compris lorsque des processus sont
externalisés. Prenons l’exemple d’un organisme de formation. Celui-ci serait
caractérisé en six processus selon la séquence suivante : le processus « Accueil » (qui
comprendrait l’accueil à proprement parler mais également une partie conseil, une
partie orientation, une partie commerciale pour la vente de prestations et
l’établissement des contrats,…), le processus « Inscription », le processus
« Réalisation du produit » (qui comprendrait les différentes prestations de formation
par exemple, formations pour les entreprises, cours du soir, etc.), le processus
« Mesure, analyse et amélioration », le processus « Direction » et le processus
« Management des ressources » (qui comprendrait la GRH, la comptabilité, les
achats, etc.). Leurs interactions seraient mentionnées dans une matrice précisant les
éléments de leur relation de client-fournisseur.
370
Les chapitres 4, 5, 6, 7 et 8 constituent véritablement le cœur de la norme. A noter que les articles sont accompagnés
d’alinéas et de notes qu’il est indispensable de bien prendre en compte.
Cet article débute par des informations générales puis se poursuit par des articles
prescrivant la gestion documentaire, notamment le manuel qualité, la maîtrise des
documents et la maîtrise des enregistrements.
5.Responsabilité de la direction
5.1Engagement de la direction
Cet article porte sur les exigences relatives à la direction, entre autres, son
engagement en faveur du SMQ - notamment formalisé au travers de la politique
qualité -, les objectifs qu’elle se fixe pour l’efficacité du SMQ et l’assurance qu’elle
donne en la mise à disposition des ressources.
5.2.Ecoute client
« La direction doit assurer que les exigences des clients sont déterminées et respectées
afin d’accroître la satisfaction des clients ». Cette partie renvoie aux articles 7.2 et 8.2
sur lesquels nous reviendrons plus loin. L’article 5.2 s’inscrit dans l’action visant à
déterminer les exigences clients, par exemple la participation à des salons
professionnels afin de prendre en compte quels sont les besoins actuels et futurs des
clients.
371
A noter que la norme rend obligatoire certains documents, entre autres, le manuel qualité, la procédure de maîtrise des
documents, la procédure de maîtrise des enregistrements, la procédure de maîtrise du produit non conforme, la procédure
d’audit, la procédure de maîtrise des actions correctives, la procédure de maîtrise des actions préventives, des enregistrements
spécifiques, etc.
5.3.Politique qualité
L’article 5.3 prescrit ce que la direction doit assurer en ce qui concerne la politique
qualité.
5.3.Planification
Cet article précise les exigences pour la direction en ce qui concerne la détermination
des responsabilités, des autorités et de la communication interne. Il s’agit par exemple
de l’organigramme et des fiches de fonction et - s’agissant de la communication - de
l’intranet ou de la newsletter interne.
5.5.Revue de direction
L’article 5.6 prescrit que la direction doit revoir le SMQ « à intervalles planifiés […]
pour assurer qu’il demeure pertinent, adéquat et efficace ». Il s’agit là de la revue de
direction où sont notamment mentionnés les éléments d’entrée (ex. rapport d’audit) et
de sortie (plan d’actions).
L’article indique que l’organisme doit mettre à disposition les ressources nécessaires
en faveur du SMQ pour la satisfaction des clients.
6.2.Ressources humaines
6.3.Infrastructures
6.4.Environnement de travail
7.Réalisation du produit372
7.1.Planification de la réalisation du produit
7.3.Conception et développement
372
Comme nous l’avons indiqué à l’article 1.2 (Périmètre d’application), la norme donne la possibilité d’exclure certaines
exigences – lorsqu’elles ne peuvent s’appliquer – « si ces exclusions se limitent aux exigences de l’article 7 et qu’elles n’ont
pas d’incidence sur l’aptitude ou la responsabilité des organismes à fournir un produit conforme aux exigences des clients et
aux exigences légales et réglementaires applicables ».
7.4.Achats
L’organisme doit maîtriser ses achats, ce qui suppose notamment l’évaluation de ses
fournisseurs. Il doit s’assurer de la conformité du produit/service aux exigences
d’achats spécifiées. Cela comprend les informations relatives aux achats et la
vérification du produit acheté.
L’article 7.5 prescrit que la réalisation du produit/service doit être planifiée (dont la
mise à disposition des instructions de travail, des équipements, etc.) et validée, y
compris lorsque « les éléments de sortie ne peuvent pas être vérifiés par une
surveillance ou une mesure effectuée a posteriori et dont les déficiences
n’apparaissent, de ce fait, qu’une fois le produit en usage ou le service fourni ».
L’organisme doit notamment assurer l’identification et la traçabilité du produit,
prendre soin de la propriété du client et préserver le produit lorsqu’il en a la
responsabilité.
8.Surveillance et mesurage
8.1.Satisfaction du client
8.2.Surveillance et mesurage
« L’organisme doit assurer que le produit qui n’est pas conforme aux exigences
relatives au produit est identifié et maîtrisé de manière à empêcher son utilisation ou
fourniture non intentionnelle ». Par exemple, il s’agit de la zone dite « prison » (ou
quarantaine) dans l’industrie qui sert à entreposer les pièces non conformes pendant
leur traitement (actualisation de l’état du stock et reprise, rebut,…).
L’article 8.4 détermine les exigences relatives à l’analyse des données pour
« démontrer la pertinence et l’efficacité du système de management de la qualité et
pour évaluer les possibilités d’amélioration de son efficacité ».
8.5.Amélioration continue
Ce dernier article de la norme ISO 9001 version 2008 détermine les exigences
relatives au principe de l’amélioration continue et aux actions – correctives et
préventives – en faveur de l’élimination des causes de non conformités effectives et
potentielles.
a) Orientation client
« Les organismes dépendent de leurs clients, il convient donc qu’ils en comprennent les
besoins présents et futurs, qu’ils satisfassent leurs exigences et qu’ils s’efforcent d’aller
au-devant de leurs attentes ».
Il est essentiel pour les organisations de prendre en compte les besoins actuels et ceux à
venir de leurs clients, afin – outre la satisfaction des clients – d’améliorer les performances de
l’entreprise. Par exemple, cela conduit : à la fidélisation des clients effectifs et à
l’augmentation du nombre de nouveaux clients, à l’augmentation du chiffre d’affaire, à
l’élargissement de la zone de chalandise, à la conquête de nouveaux marchés,…
b) Leadership
C’est la direction qui fixe le cap à suivre, les objectifs à atteindre et qui met en œuvre les
actions nécessaires à la participation de l’ensemble des salariés et – selon les cas – des
partenaires, dans et pour l’entreprise. C’est de la direction que doit venir l’impulsion et les
décisions pour faire fonctionner avec succès l’entreprise. Par exemple, la direction décide de
développer un nouveau produit, au sujet duquel elle s’est préalablement assurée de la
faisabilité auprès de son bureau d’études, du service marketing, de la fabrication et du service
commercial. A cette occasion, la direction communique sur le projet et organise des réunions
de présentation, en invitant les personnes intéressées à prendre part au projet. Elle met
également en œuvre les programmes de formation nécessaires. Elle recueille l’avis des
personnes concernées et s’appuie sur leur expérience pour la réussite du projet.
c) Implication du personnel
« Les personnes à tous les niveaux sont l’essence même d’un organisme et une totale
implication de leur part permet d’utiliser leurs aptitudes au profit de l’organisme ».
Les organisations doivent considérer que les collaborateurs - quels que soient leur statut,
leur fonction, leur niveau de responsabilité et leur ancienneté - constituent la ressource
d) Approche processus
« Un résultat escompté est atteint de façon plus efficiente lorsque les ressources et activités
afférentes sont gérées comme un processus ».
L’efficience peut se traduire, par exemple, dans les situations où l’on consomme moins de
ressources à résultat constant ou lorsque l’on augmente la production/le niveau de service à
ressources constantes (ou en diminution). L’organisation est appréhendée de manière
transversale. Ses activités sont caractérisées sous l’angle de la valeur qu’elles génèrent, selon
une approche séquencée des différentes « parties » de l’organisme de manière à pouvoir
maîtriser plus efficacement l’activité globale de l’organisme, tout en optimisant ses
ressources.
f) Amélioration continue
La prise de décision s’appuie sur des faits, c’est-à-dire des chiffres, des observations, des
résultats d’audits, des textes réglementaires, etc., elle peut s’appuyer également sur les
conseils de spécialistes/d’experts, sur les résultats de groupes de travail, etc., mais non en
fonction du hasard. Par exemple, l’entreprise prend la décision de développer un nouveau
produit parce que des enquêtes auprès de ses clients mettent en évidence un besoin non
satisfait d’un produit spécifique, absent chez la concurrence.
Afin de satisfaire les besoins des clients finaux, il est nécessaire d’organiser une relation
efficace entre le client et son fournisseur car chaque maillon de la chaîne est porteur de valeur
pour le client final. Par exemple : l’entreprise et son fournisseur mettent en commun des
ressources pour développer une innovation.
Annexe 5 : Les thèses françaises sur le thème de la norme ISO 9001 et du management
de la qualité dans les disciplines des Sciences de Gestion373
Comptabilité / Lobre (2000). La thèse s’intéresse […] à la Approche Dans l'entreprise étudiée, la
Contrôle Processus de marge de manœuvre dont qualitative certification a provoqué, par la
certification et marge disposeraient les organisations (observations directe sursophistication des procédures,
de manœuvre dans le cadre de leur démarche et entretiens) et par la légitimation des
organisationnelle : à de certification, et par suite, plus pratiques routinières existantes,
propos du cas d’une largement, aux relations qui une certaine rigidification des
unité de production s’établissent entre les normes ISO structures et du fonctionnement.
industrielle. 9000 et la procédure de
certification d’une part, et les
structures et le fondement des
organisations d’autre part.
Finance
Marketing
Ouedraogo (2007). Nous cherchons à comprendre Approche mixte Nos résultats montrent que les
Impact du comment le système de qualitative SMQ ISO 9001 participent à la
management de la management de la qualité (SMQ) (entretiens) puis gestion des connaissances et à
qualité sur ISO 9001 participe effectivement quantitative l'apprentissage organisationnel,
l’apprentissage au knowledge management (KM). (questionnaire). et que ces systèmes de gestion
organisationnel et la affectent positivement les
gestion des performances des entreprises.
GRH
connaissances.
Lérat-Pytlak (2002). Problématique du passage d’une Approche mixte Cette thèse conduit à proposer
Le passage d’une certification ISO 9001 à un qualitative un modèle
certification ISO 9001 management par la qualité totale (observation et explicatif d’une transition réussie
à un management par entretiens) puis entre certification et TQM.
la qualité totale. quantitative
(questionnaire).
373
La présente catégorisation est discrétionnaire puisque, comme le souligne le Conseil National des Universités 6ème section
(Sciences de Gestion) (2012 : 3) dans son rapport sur les qualifications aux fonctions de Maîtres de Conférences et de
Professeurs des Universités : « […] la répartition entre les différentes disciplines n’est pas forcément évidente en raison de
nombreux travaux aux problématiques transversales […] ».
374
Abouzaid (2013). Comprendre les incidences de la Approche Nos résultats montrent que cette
Les incidences de la certification ISO 9001 sur la qualitative basée sur certification peut avoir plusieurs
certification ISO 9001 qualité dans l'enseignement une étude de cas. incidences positives sur la
sur la qualité de supérieur. qualité dans l'enseignement
l’enseignement supérieur, y compris les aspects
supérieur : pédagogiques, à condition de
l’expérience du Maroc bien définir le périmètre de la
certification et d’adapter
l’interprétation des exigences de
la norme aux particularités de
l’enseignement supérieur.
Saulou (2013). Les La problématique de ces travaux Approche L’ISO9001 est bien un ensemble
Stratégie / conditions vise à déterminer si le processus, qualitative de contrats et de relations à
organisation contingentes du dans ses composantes et la façon (entretiens) maîtriser et le processus n’est
processus dans les dont il est mis en œuvre, qu’un support de la maîtrise des
démarches qualité de contribuerait à l’efficacité de la relations entre les activités.
type ISO 9001. démarche qualité
Riant (2012). Analyse des conditions Approche mixte Cette méthode d’amélioration
Applicabilité de la d’applicabilité de la norme ISO quantitative continue apporte des leviers de
norme ISO 9000 aux 9000 aux lycées professionnels (questionnaire) puis développement puissants, par
processus éducatifs - qui présentent des (qualitative exemple dans la modélisation des
Cas des lycées caractéristiques originales entretiens et processus mis
professionnels. permettant d’appréhender la observations) en œuvre
question de la finalité d’insertion
vers l’emploi du système scolaire
374
La thèse d’Abouzaid (2013) était indisponible lorsque nous avons demandé à y accéder en juin 2014 (La réponse est
négative pour votre demande de PEB concernant cette thèse, car le SCD de Toulon n’a pas encore les exemplaires corrigés
de la thèse) ; nous nous sommes basés sur le résumé disponible sur le site « theses.fr ».
Annexe 6 : Article du journal Les Echos des 11 et 12 mai 2012 avec le point de vue de
Bertrand Mabille, portant sur les coûts cachés du travail
1) Garder fermement le cap de la mission d’amélioration des produits et des services ; il s’agit
de devenir compétitif, de rester présent sur le marché et d’assurer des emplois.
2) Adopter la nouvelle philosophie. Nous sommes entrés dans une nouvelle ère économique. Le
management occidental doit s’éveiller à ce grand défi, apprendre ses responsabilités et
conduire le changement d’une main sûre.
3) Faire en sorte que la qualité des produits ne dépende pas des inspections. Construire la
qualité le plus tôt possible au cours de la mise au point des produits pour ne plus avoir
besoin de les inspecter massivement.
4) Mettre un terme à la pratique des achats au plus bas prix. Réduire au contraire le prix de
revient total en travaillant avec un seul fournisseur pour chaque article. Etablir des relations
de confiance et de loyauté à long terme.
8) Faire disparaître la crainte, en sorte que chacun puisse travailler efficacement pour la
société.
9) Renverser les barrières entre services. Les membres des services techniques, des services
commerciaux et des services de production doivent travailler en équipe, pour prévoir les
problèmes qui peuvent apparaître au cours de la réalisation et de l’utilisation des produits.
10) Eliminer les exhortations et les slogans destinés aux ouvriers. Supprimer les objectifs tels
que Zéro Défaut, etc. Ces exhortations ne font que créer des relations conflictuelles, car les
causes fondamentales de la mauvaise qualité et de la faible productivité appartiennent au
système. Elles échappent complètement au pouvoir des ouvriers.
11a) Eliminer les quotas de production dans les ateliers. Leur substituer le leadership.
11b) Eliminer la direction par objectifs ainsi que toute forme de direction par les chiffres. Leur
substituer le leadership.
12a) Supprimer les obstacles qui privent les ouvriers de leur droit à la fierté du travail. Les chefs
d’atelier doivent devenir responsables d’une qualité clairement mesurée.
12b) Supprimer les obstacles qui privent les ingénieurs et les cadres de leur droit à la fierté du
travail. Cette action implique, inter alia, l’abolition de la cotation du mérite et de la direction par
objectifs.
Annexe 15 : Exemples d’activités certifiées ISO 9001 dans des organisations de soins et
de santé (sur 1000 établissements consultés)375, regroupées par grands thèmes
375
Les données ont été obtenues par consultation en 2012 du site Internet de la Haute Autorité de Santé (HAS).
376
Ces activités sont souvent externalisées. Dans ce cas, leurs fournisseurs sont l’objet de la certification.
-Objet Î codage d’entretiens pour exploitation au moyen de la méthodologie des cartes cognitives
-Contexte Î recherche sur le thème de l’influence de la perception de la norme qualité ISO 9001 sur les
attitudes au travail des salariés opérationnels
-Catégories Î
Annexe 18 : Matrice pour le recensement des codages, pour le calcul de la fiabilité intercodeurs
Codeur 1
C1 C2 C3 C4 C5 C6 C7 Total
C1 0 A1
C2 5 5 A2
C3 3 3 6 A3
C4 4 4 A4
Codeur 2
C5 1 2 3 A5
C6 1 12 1 14 A6
C7 1 6 7 An
Total 5 5 3 4 2 13 7 GTotal = 39
B1 B2 B3 B4 B5 B6 Bn
Annexe 19 : Traitements des cartes cognitives individuelles des six répondants de l’hôpital privé opérés au moyen du logiciel Decision
Explorer®
Figure 1-2 : Evolution dans le temps de la confiance envers son fournisseur, Peyrat (1994) . 42
Figure 1-3 : Types de prises électriques dans le monde (Foray, 1996 : 259)........................... 46
Figure 1-4 : Carré sémiotique de l’univers conceptuel de la norme de management .............. 49
Figure 1-5 : Croissance 2011 des certifications ISO 9001 (croissance annuelle) en % ........... 61
Figure 1-6 : Répartition 2011 des certifications ISO 9001 (vue d’ensemble) en nombre ....... 61
Figure 1-7 : Répartition 2011 des certifications ISO 9001 (répartition régionale) en % ......... 62
Figure 1-9 : Cartographie des documents de la série des ISO 9000, AFNOR (2002 : 27) ...... 71
Figure 1-10 : La série des ISO 9000 articulée avec le P.D.C.A .............................................. 72
Figure 1-11 : Structure des chapitres prescriptifs de la norme ISO 9001 ................................ 74
Figure 1-12 : Modèle d’un système de management de la qualité basé sur les processus (ISO,
2008)......................................................................................................................................... 76
Figure 2-1 : Le contrôle comme influence créatrice d’ordre (Chiapello, 1996 : 53) ............... 85
Figure 2-2 : Modèle de processus de la relation entre la stratégie d'entreprise et les systèmes
de contrôle de gestion (Simons, 1991 : 50) .............................................................................. 88
Figure 2-3 : Cadre pour l’analyse du contrôle de la stratégie d’entreprise (Simons, 1994 : 173)
.................................................................................................................................................. 89
Figure 2-4 : Les deux dimensions du management control (Bouquin, 2005b : 12) ................. 90
Figure 2-5 : Les six dimensions d’analyse des modes de contrôle en organisation (Chiapello,
1996 : 55) ................................................................................................................................. 91
Figure 2-6 : Le contrôle de gestion et le contrôle interne au sein du modèle des « Trois lignes
de maîtrise des activités » (IFACI, DFCG, 2013 : 2) .............................................................. 92
Figure 2-10 : Classification des coûts résultant de la non-qualité (AFNOR, 1986 : 4) ........ 102
Figure 2-13 : Les questions majeures de recherche sur l’ISO 9001 (Sampaio et al., 2009) .. 112
Figure 2-14: Les motivations à l’adoption de la norme ISO 9001 ......................................... 114
Figure 2-16 : Perspective du lien d’influence entre la norme ISO 9001 et les attitudes des
salariés .................................................................................................................................... 134
Figure 3-1 : Traitement de la qualité totale dans la littérature en management (Dean et Bowen,
1994)....................................................................................................................................... 149
Figure 3-2 : Le modèle du management de la qualité de Deming (Anderson et al., 1994) ... 157
Figure 3-3 : Les trois dispositifs conceptuels de la norme de management de la qualité ISO
9001 ........................................................................................................................................ 165
Figure 3-5 : Les visions indigènes de la qualité (d’après Bonnet, 1996) ............................... 169
Figure 3-7 : Les quatre formes d’intervention des utilisateurs sur des objets techniques déjà
constitués (d’après Akrich, 2006b) ........................................................................................ 181
Figure 3-8 : Les sphères d’appartenance des représentations sociales (Jodelet, 2008) ........ 192
Figure 4-2 : Continuum des catégories de cartes cognitives selon les travaux d’Anne Huff 226
Figure 4-3 : Les cinq types de liens à coder (d’après Cossette et Audet, 1994), Chaney (2010)
................................................................................................................................................ 228
Figure 4-4 : Carte causale moyenne des acheteurs (Boujena et al., 2009 : 144).................... 229
Figure 4-5 : Illustration des concepts de « sentier » et de « boucle », Cossette et Audet (2003 :
51)........................................................................................................................................... 230
Figure 4-6 : Une carte conceptuelle décrivant les caractéristiques d’une carte conceptuelle,
Chauvin (2010 : 16)................................................................................................................ 232
Figure 4-7 : Carte mentale sur le thème des cartes mentales, Chauvin (2010 : 15) .............. 233
Figure 4-8 : Le processus d’élaboration d’une carte cognitive (inspiré de Laukkanen, 1994),
Chaney (2010) ........................................................................................................................ 236
Figure 4-9 : Version intermédiaire du logigramme de notre processus d’élaboration des cartes
cognitives ............................................................................................................................... 241
Figure 5-1 : Logigramme de notre processus d’élaboration des cartes cognitives au stade de
l’émergence des résultats avec la méthode non structurée à l’hôpital privé .......................... 275
Figure 5-2 : Logigramme de notre processus d’élaboration des cartes cognitives au stade de la
réalisation des entretiens structurés à partir de variables présélectionnées à l’hôpital privé . 283
Figure 5-3 : Logigramme de notre processus d’élaboration des cartes cognitives au stade de
l’établissement de la carte cognitive collective agrégée moyenne à partir des entretiens
structurés à l’hôpital privé ...................................................................................................... 287
Figure 5-4 : Carte cognitive collective agrégée moyenne de la perception de la norme ISO
9001 du service stérilisation d’un hôpital privé ..................................................................... 288
Figure 5-6 : Carte cognitive collective agrégée de la perception de la norme ISO 9001 du
service stérilisation d’un hôpital privé ................................................................................... 291
Figure 5-7 : Version finale du logigramme de notre processus d’élaboration des cartes
cognitives dans notre recherche doctorale ............................................................................. 292
Figure 5-8 : Attitudes influencées par la perception de la norme ISO 9001 selon trois
interprétations différentes ....................................................................................................... 296
Figure 5-9 : Carte cognitive collective agrégée assemblée de la perception de la norme ISO
9001 d’un groupe de transport routier de marchandises ........................................................ 297
Figure 5-10 : Carte cognitive collective agrégée assemblée de la perception de la norme ISO
9001 d’un chantier naval ........................................................................................................ 305
Figure 5-11 : Carte cognitive collective agrégée assemblée de la perception de la norme ISO
9001 d’une entreprise de chaudronnerie ................................................................................ 312
Figure 6-1 : Carte cognitive collective agrégée assemblée de la perception de la norme ISO
9001 ........................................................................................................................................ 317
Figure 6-2 : Les variables explicatives de la perception de la norme ISO 9001 .................... 327
Figure 6-3 : Les variables d’attitude - états affectifs - issues de la perception de la norme ISO
9001 ........................................................................................................................................ 329
Figure 6-5 : Les variables d’attitude - croyances - issues de la perception de la norme ISO
9001 ........................................................................................................................................ 332
Tableau 1-2 : Les propriétés essentielles de la normalisation (Grenard, 1996) ....................... 28
Tableau 1-4 : Les quatre fonctions principales des normes, structurant les conditions de
marché (Mione, 2006) .............................................................................................................. 34
Tableau 1-5 : Les avantages des normes internationales, ISO ................................................. 35
Tableau 1-6 : Typologie des normes (d’après Igalens, 2009) .................................................. 38
Tableau 1-8 : Caractéristiques de l’achat, dont celle de confiance portée par les normes, selon
Ruffieux et Valceschini (1996) ................................................................................................ 43
Tableau 1-10 : Les trois points de vue de la qualité (Igalens, 1999a) ...................................... 56
Tableau 1-11 : Les grands « gourous » de la qualité et leurs principales contributions .......... 58
Tableau 1-12 : Etudes rigoureuses sur l’influence de la norme ISO 9001 sur la performance
des entreprises (Levine et Toffel, 2010)................................................................................... 59
Tableau 1-13 : chiffres de la norme ISO 9001 dans le monde ................................................. 61
Tableau 1-14 : Classement des dix premiers pays détenteurs de certificats ISO 9001 – 2011
(ISO, 2012) ............................................................................................................................... 63
Tableau 1-15 : Classement des dix premiers pays en termes de croissance du nombre de
certificats ISO 9001 - 2011 (ISO, 2012) .................................................................................. 63
Tableau 1-16 : Classement des cinq premiers secteurs industriels détenteurs de certificats
ISO9001 - 2011 (ISO, 2012) .................................................................................................... 64
Tableau 1-17 : Les huit principes fondateurs de la norme ISO 9001 ....................................... 75
Tableau 2-1 : Les trois niveaux du contrôle (Anthony, 1993) ................................................. 86
Tableau 2-3 : Les obstacles à la mise en œuvre de la norme ISO 9001 ................................. 117
Tableau 2-4 : Les avantages du management de la qualité selon la norme ISO 9001 aux
organisations (d’après Sampaio et al., 2009) ......................................................................... 121
Tableau 2-5 : Les facteurs explicatifs des avantages potentiels du système ISO 9000, selon la
taille d’entreprise (Arauz et Suzuki, 2004) ............................................................................ 122
Tableau 2-7 : Synthèse des recherches explicites sur le lien d’influence entre le management
de la qualité et les attitudes des salariés ................................................................................. 133
Tableau 2-8 : Trois grands niveaux d’analyse de la norme de management ......................... 134
Tableau 3-1 : Les trois sources de la théorisation du management de la qualité ................... 145
Tableau 3-2 : Contribution du TQM à l’égard des théories classiques en management (Dale et
al., 2001) ................................................................................................................................. 147
Tableau 3-3 : Zones d’implications pour la recherche et la pratique entre le champ théorique
du management et la qualité totale (Dean et Bowen, 1994)................................................... 150
Tableau 3-4 : les quatre hypothèses de la stratégie du TQM selon ses autorités (Hackman et
Wageman, 1995) .................................................................................................................... 152
Tableau 3-6 : les cinq interventions en faveur des valeurs fondamentales du TQM, selon ses
autorités (Hackman et Wageman, 1995) ................................................................................ 153
Tableau 3-10 : Les cinq courants de recherche du corpus du management de la qualité (Sousa
et Voss, 2002) ......................................................................................................................... 163
Tableau 3-11 : Les quatre rôles des outils de gestion (David, 1998)..................................... 178
Tableau 3-12 : les cinq perspectives de l’appropriation d’un outil de gestion, et des exemples
de leur application à la norme ISO 9001 ................................................................................ 191
Tableau 3-13 : Les propositions principales de notre recherche doctorale ............................ 208
Tableau 3-14 : Les grandes variables du socle conceptuel intégrateur de notre recherche
doctorale ................................................................................................................................. 209
Tableau 4-1 : Exemples de Peirce pour comprendre les modes de raisonnement déductif,
inductif et abductif (David, 1999) .......................................................................................... 218
Tableau 4-2 : Description de trois méthodes d’analyses textuelles (d’après Fallery et Rodhain,
2007)....................................................................................................................................... 223
Tableau 4-4 : Les deux grands types de techniques de collecte de données de la cartographie
cognitive (d’après Cossette et Audet, 1994 ; Ehlinger, 1996 ; Allard-Poesi, Drucker-Godard
et Ehlinger, 2003), Chaney (2010) ......................................................................................... 238
Tableau 4-5 : Les indicateurs d’analyse structurelle des cartes cognitives (d’après Chaney,
2010)....................................................................................................................................... 246
Tableau 4-6 : Les traitements quantitatifs et qualitatifs des cartes cognitives pour l’analyse de
contenu (d’après Chaney, 2010)............................................................................................. 246
Tableau 4-7 : Matrice préparatoire des relations d’influence entre la norme ISO 9001 et des
variables présélectionnées d’attitude au travail chez les salariés ........................................... 252
Tableau 4-9 : Description des répondants du groupe de transport routier de marchandises .. 263
Tableau 4-13 : Caractéristiques des entreprises constituant le terrain de l’étude .................. 268
Tableau 5-1 : Regroupement des attitudes ayant émergé des entretiens ouverts après
traitement des six cartes cognitives individuelles de l’hôpital privé ...................................... 284
Tableau 6-1 : Typologie des perceptions de la norme ISO 9001 .......................................... 319
Tableau 6-2 : Les cinq perspectives de l’appropriation de la norme ISO 9001 ..................... 321
Sommaire ................................................................................................................................... 5
Introduction générale.................................................................................................................. 9
1.2.4 La norme qualité : un soutien pour la maîtrise de l’activité de l’organisation ... 50
2 Chapitre II : La norme ISO 9001 : ancrage au contrôle et revue de la littérature ............ 79
2.1 La norme ISO 9001 : pour la maîtrise de l’activité de l’organisation ...................... 79
2.1.2 Contrôle de gestion et norme ISO 9001 : une proximité historique basée sur la
qualité et les coûts ............................................................................................................ 97
2.1.3 Norme ISO 9001 et contrôle de gestion socio-économique : une relation logique
103
2.2 La norme générique ISO 9001 : revue de littérature d’une recherche abondante . 111
2.2.1 La norme ISO 9001 : deux grands thèmes d’investigation .............................. 111
2.2.3 L’influence de la norme ISO 9001 : des avantages et des inconvénients ........ 117
2.3.1 Management de la qualité et attitude des salariés : un lien démontré mais diffus
129
3.2.3 L’outil de gestion norme ISO 9001 : la théorie instrumentale pour l’expliquer
176
3.4 Les modèles explicatifs de l’appropriation de la norme ISO 9001 et de son influence
sur les attitudes des salariés opérationnels........................................................................ 198
3.4.1 La norme ISO 9001 : son adoption selon son utilité et sa facilité d’utilisation
perçues 198
3.4.2 Motivations intrinsèque et extrinsèque à l’adoption de la norme ISO 9001 .... 202
4.2.1 Variété des processus d’élaboration des cartes cognitives : définition d’une
méthodologie pour notre recherche ................................................................................ 235
4.3.1 Spécificité de l’étude de cas, taille d’échantillon et choix des entreprises ...... 255
5.1.1 Processus d’élaboration des cartes cognitives et codage des données ............. 274
5.1.4 Discussion autour des résultats de l’hôpital privé et retour d’information pour le
processus d’élaboration de la carte cognitive collective ................................................ 281
6.1 Observations sur la perception et l’appropriation de la norme ISO 9001 ............. 315
6.1.1 La norme de management de la qualité ISO 9001 : une perception variable... 316
6.2 Observations sur les attitudes influencées par la norme ISO 9001 et importance du
management ....................................................................................................................... 327
6.2.1 Variables d’attitude influencées de la perception de la norme ISO 9001 ........ 327
6.2.2 Des attitudes influencées par la norme ISO 9001 variées multiples et mêlées
dans un environnement tétranormalisé ........................................................................... 332
6.2.4 Réflexion sur l’appréhension de la norme ISO 9001 par la théorie des
organisations et retour sur la caractérisation scientifique de la recherche ..................... 341
6.3 L’outil de contrôle norme ISO 9001 : des attitudes influencées pour la maîtrise de
l’activité de l’organisation ................................................................................................. 345
6.3.2 Appréhender les attitudes influencées par la norme ISO 9001 : un intérêt certain
pour le contrôle organisationnel ..................................................................................... 348
Annexe 1 : Elaboration des normes par les organisations de normalisation .................. 397
Annexe 3 : Chapitres et articles de la norme ISO 9001 version 2008 ........................... 403
Annexe 4 : Explicitation des principes fondateurs de la norme ISO 9001 .................... 410
Annexe 5 : Les thèses françaises sur le thème de la norme ISO 9001 et du management
de la qualité dans les disciplines des Sciences de Gestion ............................................. 413
Annexe 6 : Article du journal Les Echos des 11 et 12 mai 2012 avec le point de vue de
Bertrand Mabille, portant sur les coûts cachés du travail .............................................. 417
Annexe 15 : Exemples d’activités certifiées ISO 9001 dans des organisations de soins et
de santé (sur 1000 établissements consultés), regroupées par grands thèmes ............... 427
Annexe 16 : Cartes cognitives individuelles des six répondants de l’hôpital privé ....... 429
Résumé La recherche vise à appréhender l’appropriation et la perception de la norme ISO 9001 par les salariés et son
influence sur leur attitude en faveur de la maîtrise de l’activité de l’organisation. La norme de management de la qualité ISO
9001 est un outil de contrôle de gestion. Basée sur l’approche processuelle de l’activité et l’amélioration continue des
fonctions de l’entreprise, la norme ISO 9001 focalise sur les attitudes des salariés. Malgré la littérature abondante sur la
norme ISO 9001, portant principalement sur les motifs de son adoption et ses conséquences sur l’organisation, les effets de sa
perception par les salariés opérationnels sont mal connus. Soutenue par un cadre d’analyse visant à expliquer l’appropriation
et la perception de la norme ISO 9001, la recherche explore au moyen de la méthodologie des cartes cognitives les
déterminants de la perception de la norme ISO 9001 et ses effets sur les attitudes au travail. Vingt-sept entretiens avec des
salariés représentatifs ont été menés dans quatre entreprises françaises couvrant les principaux secteurs d’activités. L’étude
débouche sur une typologie des perceptions de la norme ISO 9001 : favorable, distanciée, contradictoire, défavorable et non
perception. Les résultats montrent, qu’en majorité, les salariés perçoivent favorablement la norme et que des attitudes
positives au travail en résultent. La recherche valide la séquence selon laquelle le management influence la perception de la
norme ISO 9001 qui, en retour, influence les attitudes au travail. L’étude conclue que le management de la qualité selon la
norme ISO 9001 favorise le contrôle organisationnel.
Mots-clés Contrôle organisationnel ; management de la qualité ; norme ISO 9001 ; appropriation ; attitudes au travail
Abstract The research aims to understand the appropriation and the perception of ISO 9001 by employees and its influence
on their attitude in favour of the control of organizational activity. Quality management standard ISO 9001 is a tool for
management control. Based on the process approach to business and continuous improvement of business functions, ISO
9001 standard focuses on employee attitudes. Despite the extensive literature on the ISO 9001 standard, which focuses on the
reasons for its adoption and its impact on the organization, the effects of its perception by operational employees are poorly
understood. Supported by an analysis framework which aims to explain the appropriation and the perception of ISO 9001, the
research explores determinants of the perception of ISO 9001 and its effects on workplace attitudes, by using the
methodology of cognitive maps. Twenty-seven interviews with representative employees were conducted in four French
companies covering all major sectors. The study leads to a typology of perceptions of ISO 9001: favorable, distanced,
contradictory, and non-perception. The results show that employees perceive positively the standard and, also, positive
workplace attitudes result from standard. The research validates the sequence where management influences the perception of
ISO 9001 standard, which in turn influences workplace attitudes. The study concludes that the quality management according
to ISO 9001 promotes organizational control.
Key-words Organizational Control; Quality of Management; ISO 9001 Standard; Appropriation; Workplace Attitudes