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Madeleine

V i o n n e t
(0 Editions A s s o u l i n e
26-28, rue Danielle-Casanova, Paris 75002 France
Tél. : 42 60 33 84 Fax : 42 60 33 85

Dépôt légal : 1er semestre 1996


Tous droits réservés
ISBN : 2 908228 57 2

Première de couverture : robe fourreau portée


par le mannequin Sonia sous une large jupe en tulle noir brodée de roses.
Photographie de Georges Saad. @ photo DR.

Photogravure Gravor (Suisse)


Imprimé par Artegrafica S.p.A. (Italie)

Toute reproduction, même partielle,


de cet ouvrage est interdite
sans l'autorisation préalable de l'éditeur.

1ère édition
Madeleine
Vionnet
TEXTE DE L Y D I A K A M I T S I S

Conseiller scientifique, chargé de la programmation et de


la recherche au musée de la Mode et du Textile

EDITIONS ASSOL LINE


Àla mémoire d'Yvonne Deslandres

"Si l'on peut dire qu'il existe actuellement une école


Vionnet, c'est surtout parce que je me suis montrée une
ennemie de la mode. Il y a dans les caprices saisonniers,
fugitifs, un élément superficiel, instable, qui choque mon
sens de la beauté. "
Madeleine \ ionnet, 29 mai 1937

orsqu'on dit d'un homme politique —faisant ainsi de lui le


plus magnifique éloge - qu'il est au-dessus des partis, cela -
. ne signifie pas qu'il se désintéresse des courants d'idées de
son temps, mais que, dédaigneux des engouements momentanés et
retenant de chaque doctrine ses directives généreuses ou ses sugges-
tions pratiques, il s'élève au-dessus des erreurs du jour pour prépa-
rer des lendemains plus heureux. Ainsi elle est au-dessus de la
mode. N'entendez point par là qu'elle soit hors la mode, mais bien
qu'elle annonce la mode de demain."
Le critique anonyme qui écrit ces lignes en 1924 dans la Gazette du
Bon Ton, se montre d'une rare perspicacité dans l'analyse de l'œuvre
d'une figure hors duIl�c l r , en effet, le rôle annonciateur de
Madeleine Vionnet dans l'évolution de la mode non seulement ne
s'est pas démenti à la disparition de sa maison de couture en 1939
mais n'a fait que se renforcer, devenant aujourd'hui l'évidence
même. Or —et ce n'est pas le moindre paradoxe de l'histoire de cette
griffe— qui a gardé en mémoire ce nom, hormis les générations de
couturiers qui lui ont succédé jusqu'à nos jours, lui vouant une
admiration unanime ? Le grand Cristobal Balenciaga reconnaissait
en elle un maître ; Christian Dior avouait à son propos que : "Jamais
on n'a poussé plus loin et plus haut l'art de la couture" ; Azzedine
Alaïa lui voue un culte exclusif ; Issey Miyake ou Yohji Yamamoto
dont les créations sont pourtant fort éloignées de la tradition occi-
dentale de la couture, s'inclinent à leur tour devant son génie.

es personnalités aussi différentes réunies au-delà du


temps et de l'espace par une ferveur unique, voilà de
d . quoi intriguer ! Méconnue du grand public pendant
près de cinquante ans, la trace de Vionnet n'a donc jamais véritable-
ment disparu. Et si son nom fut éclipsé pendant ce demi-siècle par
de multiples petites révolutions dont l'histoire de la mode est
émaillée, accomplies par autant de couturiers jalons, son enseigne-
ment et la force de ses principes demeurent vivants. C'est que l'art
de Madeleine Vionnet s'inscrit moins dans l'histoire de la mode (à
laquelle pourtant elle participe, presque malgré elle), que dans la
recherche constante d'une cohérence entre le corps et le vêtement.
Cette quête essentielle, hors des tribulations d'un monde en attente
de la dernière nouveauté saisonnière, la place d'emblée* au cœur
d'une dialectique qui hante tout couturier. En pionnier, elle explora
des voies inédites, bouleversant les règles du métier, innovant dans
Robe en crêpe romain de soie jaune safran, 1918-1919. Musée de la
Mode et du Textile. @ Collection UFAC. Une autre application du principe de la
figure géométrique simple, dont le dessin ci-contre explicite la construction ;
bâtie sur la répétition des rectangles d'étoffe disposées tout autour de la robe,
celle-ci s'anime par le jeu des pans laissés libres dans leur tombé.
Dessin original de Miguel Cisterna et Myriam Teissier, en 1994, faisant
partie d'une série de commande spéciale à l'occasion de l'exposition
Madeleine Vionnet, les années d'innovation, au musée des Tissus de Lyon.
Musée de Io Mode et du Textile. @ Collection UFAC.

Robe du soir en crêpe marocain ivoire, hiver 1935-1936. Photo Quentin


Bertoux. Musée des Tissus de Lyon. @ Collection UFAC. D'une construction extrê-
mement complexe, cette robe est un des meilleurs exemples du "drapé Vionnet",
à peine cousu, qui ne prend sa forme que lorsqu'il est posé sur le corps. Elle fait
partie de ces modèles pour lesquels les clientes revenaient se faire expliquer le
mode d'emploi. Longtemps considérée comme inachevée par Yvonne
Deslandres, en raison de cette difficulté posée par sa construction qui ne délimite
ni l'emplacement de la taille ni celui de l'encolure, elle fut "restituée" grâce à
l'obstination d'Azzedine Alaïa qui chercha à en percer le mystère. Les photogra-
phies de l'album de copyright furent particulièrement précieuses pour le guider.

Sonia, mannequin vedette de la maison, et épouse de Charles Montaigne,


"premier" chez Vionnet depuis 1923, pose dans "Bas-Relief", une frise célèbre
due au photographe Hoyningen-Huene et publiée dans Vogue en novembre
1931. @ 193 1. The Condé Nost Publication Inc. Courtesy of Vogue.
"La robe que voici, sans cesser d'être la robe d'une femme d'aujourd'hui, a le
pouvoir peu commun de donner à la réalité directe des prolongements de la
réalité imaginée", commente alors Jean-Louis Vaudoyer. Et de fait, la composi-
tion savamment élaborée renvoie à un bas-relief du Louvre représentant des
nymphes dansant. Pour obtenir le mouvement sculpté dans la pierre, le photo-
graphe fait allonger Sonia sur un plan incliné et dispose l'ampleur de la robe et
de l'écharpe dans un mouvement d'envol.

D e s s i n o r i g i n a l s i g n é M u g u e t t e . M u s é e d e la M o d e et du Textile.
@ Collection UFAC. Parmi les plus talentueux dessinateurs d e Vionnet, Muguette
Buhler traduira tout au long des années vingt l'esprit rigoureux qui habite les
créations de cette période. Particulièrement prolifique, Muguette fournira des
dessins à Augustabernard et Jean Patou dans les années trente puis à M a d
Carpentier dans les a n n é e s quarante et cinquante. Ses archives exception-
nelles, qui comptent quinze mille dessins et croquis, ont été données par sa fille
Rosine à l'uFAC en 1 9 9 4 .
R o b e du soir, 1 9 3 7 . Photographie de Horst. @ 1 9 3 7 . The C o n d é N a s t
Publication Inc. Courtesy of Vogue. Cette robe à dos nu, entièrement inscrite
dans un cercle, est significative de l'exploitation de l'ampleur du tissu faite par
Madeleine Vionnet. Ici, les côtés sont entièrement repliés sur le devant, formant
un effet d e superposition.
R o b e d u soir e n c r ê p e m a r o c a i n blanc, été 1 9 3 5 . Musée d e la M o d e et
du Textile. © Collection UFAC. Le décolleté "bénitier" du corsage, au drapé fluide
et mouvant, était communément a p p e l é par les collaborateurs de la maison
"dégueulé-Vionnet". Originellement porté avec une ceinture de cuir doré repous-
sé, réalisée par Lesage, ce modèle en deux parties est significatif du jeu d e
contrastes auquel s'exerce souvent M a d e l e i n e Vionnet. Au c o r s a g e d r a p é
répond ici le tombé majestueux d'une jupe à multiples plis plats, retenus au
niveau des hanches par des nervures.

R o b e du soir en c r ê p e ivoire, 1 9 3 6 . M u s é e d e la M o d e et du Textile.


@ Collection UFAC. Le corsage d r a p é dans un noeud incrusté prolongé en bre-
telle-collier, est caractéristique des recherches menées par Vionnet tout au long
d e sa carrière, autour d'un même thème.
R o b e d u soir en l a m é , 1 9 3 7 . Photographie de Horst. @ 1937. The C o n d é
Nost Publications Inc. Courtesy of Vogue. Le lamé souple traité en plissé fin,
devenant progressivement plus lâche sur la jupe, emprunte son esthétique à
celle du khiton ionien.

C o u v e r t u r e d e la revue Vu, 5 avril 1 9 3 3 . Photo G e o r g e s S a a d . @ Droits


réservés. En guise d'allégorie : une robe d e M a d e l e i n e Vionnet parmi les
étoiles qui brillent ou firmament de Io mode parisienne.
R o b e en m o u s s e l i n e d e soie bleu p â l e et rose, 1 9 3 6 . Photographie d e
Pottier, publiée dans Plaisir d e France en avril 1 9 3 6 . @ Photo Bibliothèque
nationale d e Fronce, Paris.

Détail d ' u n e r o b e d u soir e n velours violet et r o u g e , hiver 1 9 3 8 - 1 9 3 9 .


M u s é e d e 10 M o d e et du Textile. @ Collection UFAC. Huit b a n d e s en biais
entrecroisées par groupe de deux sur Io poitrine, laissant apparaître la peau
nue ou milieu d e "fenêtres" triangulaires. Appréciant surtout les tons sourds,
Vionnet surprend souvent par ses associations d e couleurs fortes, comme ici le
rouge incrusté en bandes ondoyantes dans le violet.
R o b e a u d r a p é n o u é , p o r t é e p a r Aliky D i p l a r a k o s , une authentique
beauté grecque, photographiée par Hoyningen-Huene en 1 9 3 2 . @ 1 9 3 2 .
The C o n d é Nost Publication Inc. Courtesy of Vogue.

R o b e du soir en c r ê p e b l a n c b r o d é d e perles d e cristal a r g e n t , 1 9 3 0 .


Photographie d e Edward Steichen. @ 1930. The C o n d é Nost Publication Inc.
Courtesy of Vogue. La broderie d e Lesage répond par son motif croisé à la
structure du corsage.
Dessin d e René G r u a u , décembre 1 9 3 8 . Revue FeminÓ: ©Droits réservés.

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