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INGÉNIERIE DES TRANSPORTS

Ti604 - Transport fluvial et maritime

Infrastructures, environnement
et transport par voie d'eau

Réf. Internet : 42617 | 4e édition

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III
Cet ouvrage fait par tie de
Transport fluvial et maritime
(Réf. Internet ti604)
composé de  :

Hydrodynamique, navires et bateaux Réf. Internet : 42599

Infrastructures, environnement et transport par voie d'eau Réf. Internet : 42617

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IV
Cet ouvrage fait par tie de
Transport fluvial et maritime
(Réf. Internet ti604)

dont les exper ts scientifiques sont  :

Geoffroy CAUDE
Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts. Membre permanent du
Conseil général de l'environnement et du développement durable. Président
de l'AIPCN (association mondiale pour les infrastructures de transport
maritimes et fluviales)

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V
Les auteurs ayant contribué à cet ouvrage sont :

Marion de BARBEYRAC Élisabeth GOUVERNAL Gaëlle MISEREY


Pour l’article : W1700 Pour l’article : AG8130 Pour l’article : W1700

Maurice BERNADET Sylvain HAUVILLE Véronique NICOLAS


Pour l’article : AG8020 Pour l’article : TRP5005 Pour l’article : W1710

Antoine BEYER Marc IGIGABEL Christelle PAGOTTO


Pour l’article : TRP5013 Pour l’article : TRP5003 Pour l’article : W1700

Pierre BONAFOUS Sylvain PIOCH


Pour l’article : C4640 Pour l’article : C4695 Pour l’article : GE1024

Nicolas BRUTIN Guillaume JUNQUA Philippe REFAIT


Pour l’article : AG8120 Pour l’article : TRP5010 Pour l’article : COR620

Daniel CAMINADE Romuald LACOSTE René SABOT


Pour l’article : C4631 Pour l’article : TRP5013 Pour l’article : COR620

Geoffroy CAUDE Jean-Philippe LACROIX Jean-Pierre SAINT-ÉLOI


Pour l’article : TRP5015 Pour les articles : AG8041 – Pour l’article : AG8170
AG8040
Juliette CERCEAU Michel SAVY
Pour l’article : TRP5010 Xavier LE BARS Pour les articles : AG8000 –
Pour l’article : C4640 AG8005 – AG8006
Béatrice CHABRIER
Pour l’article : AG5125 Francis LEGRAS Paul SCHERRER
Pour l’article : C4640 Pour l’article : C4630
Marc COTTIGNIES
Pour l’article : AG8230 Claire MARCOTTE Jean-Claude SOUCHE
Pour l’article : TRP5020 Pour l’article : GE1024
Juan CREUS
Pour l’article : COR620 Nicolas MAT Benoît THAUVIN
Pour l’article : TRP5010 Pour l’article : TRP5020
Jacques DUBOIN
Pour l’article : AG1322 Jean-Louis MATHURIN Armand TOUBOL
Pour l’article : C5550 Pour l’article : AG8160
Pascal GALICHON
Pour l’article : TRP5040

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VI
Infrastructures, environnement et transport par voie d'eau
(Réf. Internet 42617)

SOMMAIRE

1– Conception des infrastructures et aménagements Réf. Internet page

Principes d'implantation et d'aménagement des Ports Maritimes C4630 11

Dragages des chenaux d'accès maritimes et portuaires. Gestion des sédiments TRP5005 15
dragués
Voies navigables C5550 23

Dimensionnement logistique d'un site AG5125 29

Diagnostic et adaptation des systèmes d'endiguement TRP5003 33

Ouvrages de protection contre la houle C4631 43

Ports de commerce et de pêche. Aménagement et équipements intérieurs C4640 49

Corrosion et protection des métaux en milieu marin COR620 59

2– Gestion et exploitation des ports Réf. Internet page

Logistique douanière AG8041 65

Gérer la logistique internationale. Transport AG1322 73

Douane, élément clef de la facilitation des échanges internationaux. Instruments AG8040 81


douaniers internationaux
Écologie industrielle dans les territoires portuaires. Pratiques internationales et TRP5010 85
expériences françaises
Débats publics portuaires sur les projets d'aménagement des ports maritimes TRP5015 91

Stratégies de coopération pour la mise en réseaux des ports intérieurs et maritimes TRP5013 97
européens
Gestion de patrimoines d'infrastructures portuaires TRP5020 101

3– Transport de fret et transport par voie d'eau Réf. Internet page

Transport de marchandises AG8000 107

Transport de matières dangereuses AG8170 109

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VII
Transport et développement durable AG8230 113

Transport intermodal AG8160 119

Transport maritime AG8130 125

Transport par voie navigable AG8120 129

Économie du fret - Processus de transport AG8005 133

Économie du fret - Système de transport AG8006 137

Les professions du transport AG8020 141

4– Problématiques environnementales et risques Réf. Internet page

Paysage institutionnel des acteurs de l'eau en France W1710 145

Protection du littoral en France C4695 149

Protection juridique des milieux aquatiques W1700 155

Environnement et projets d'aménagements portuaires TRP5040 163

Écoconception des ouvrages maritimes : de la théorie aux exemples appliqués GE1024 167

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Infrastructures, environnement et transport par voie d'eau
(Réf. Internet 42617)

1
1– Conception des infrastructures et aménagements Réf. Internet page

Principes d'implantation et d'aménagement des Ports Maritimes C4630 11

Dragages des chenaux d'accès maritimes et portuaires. Gestion des sédiments TRP5005 15
dragués
Voies navigables C5550 23

Dimensionnement logistique d'un site AG5125 29

Diagnostic et adaptation des systèmes d'endiguement TRP5003 33

Ouvrages de protection contre la houle C4631 43

Ports de commerce et de pêche. Aménagement et équipements intérieurs C4640 49

Corrosion et protection des métaux en milieu marin COR620 59

2– Gestion et exploitation des ports

3– Transport de fret et transport par voie d'eau

4– Problématiques environnementales et risques

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1

10
Référence Internet
C4630

Principes d’implantation
et d’aménagement des Ports Maritimes
1
par Paul SCHERRER
Ingénieur Général des Ponts, des Eaux et des Forêts
Directeur Technique et Projets du GPMH (Port du Havre) – Directeur du Projet Port 2000
Représentant français au Comité Environnemental EnviCom de l’AIPCN/PIANC

1. Définition et rôle des ports maritimes ....................................... C 4 630v2 – 2


1.1 Définition ............................................................................................ — 2
1.2 Rôle des ports maritimes ................................................................... — 2
1.2.1 Ports de pêche ......................................................................... — 3
1.2.2 Ports à passagers..................................................................... — 3
1.2.3 Ports minéraliers...................................................................... — 3
1.2.4 Ports céréaliers ........................................................................ — 3
1.2.5 Ports pétroliers ........................................................................ — 3
1.2.6 Ports gaziers ............................................................................ — 4
1.2.7 Ports à conteneurs ................................................................... — 4
2. Conception et choix d’implantation d’un port maritime ........ — 5
2.1 Port durable ........................................................................................ — 5
2.2 Éléments de besoins et objectifs du projet portuaire ....................... — 5
2.2.1 Définition des trafics ............................................................... — 6
2.2.2 Contexte économique local ..................................................... — 6
2.2.3 Données démographiques ...................................................... — 6
2.2.4 Contexte social ........................................................................ — 6
2.2.5 Contexte juridique du projet ................................................... — 6
2.2.6 Position géographique du port ............................................... — 7
2.2.7 Moyens de transfert des informations .................................... — 7
2.2.8 Évolutions à court et moyen terme ........................................ — 7
2.3 Comprendre l’environnement global de la zone du projet............... — 7
2.3.1 Études sur le milieu vivant ...................................................... — 7
2.3.2 Études sur le milieu physique ................................................. — 7
2.3.3 Autres études ........................................................................... — 8
2.3.4 Évolutions prévisibles ............................................................. — 8
2.4 Concertation autour du projet ........................................................... — 8
3. Réaliser un projet pour 2 besoins : portuaires
et environnementaux ..................................................................... — 9
3.1 Implantations géographiques possibles ........................................... — 9
3.1.1 Ports intérieurs ........................................................................ — 9
3.1.2 Ports extérieurs ........................................................................ — 9
3.1.3 Ports détachés du rivage ......................................................... — 9
3.2 Éléments de plan masse des ports et des aménagements
environnementaux liés ....................................................................... — 9
3.2.1 Importance du management adaptatif ................................... — 9
3.2.2 Plan masse des accès à un port .............................................. — 10
3.2.3 Ouvrages de protection ........................................................... — 10
3.2.4 Aménagement intérieur des ports .......................................... — 11
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. C 4 630v2

a conception et la réalisation d’un port maritime constituent une tâche diffi-


L cile, mais passionnante, car elle fait nécessairement appel à un travail
d’équipe pluridisciplinaire.
Parution : août 2011

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. C 4 630v2 – 1

11
Référence Internet
C4630

PRINCIPES D’IMPLANTATION ET D’AMÉNAGEMENT DES PORTS MARITIMES –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

Doivent ainsi être abordées, en particulier, les questions relatives :


– à la connaissance de l’environnement naturel des sites potentiels d’implan-
tation (houles, courants, mais aussi biologie, inventaires faune/flore, etc.) ;
– aux trafics potentiels et leurs évolutions à moyen et long terme, trafics en
termes de tonnage de marchandises, mais aussi de taille de navires ;
– aux montages financiers et juridiques (partenariats publics privés, conces-
sions, etc.) en vue de réaliser le futur port ;

1
– aux données techniques pour concevoir les ouvrages extérieurs et intérieurs
du futur port ;
– à la concertation avec les populations locales, les ONG et les différentes
administrations nationales ou supra-nationales.
Le but de ces études est de proposer des solutions adéquates en vue de :
– sélectionner le site présentant le meilleur compromis entre les divers impé-
ratifs et contraintes ;
– retenir un parti d’aménagement général se traduisant par l’élaboration d’un
plan de masse initial, complété par d’éventuelles variantes et par les phases
ultérieures ;
– ce parti d’aménagement devra intégrer le plus en amont possible l’insertion
environnementale du projet avec des mesures de suppression ou réduction
d’impact, ainsi que d’accompagnement environnemental ;
– choisir le meilleur cadre juridique pour réaliser le futur port ;
– réaliser non seulement les infrastructures portuaires, mais aussi les autres
infrastructures de transport (routes, autoroutes, voies ferrées, voies navigables,
pipe-line…) nécessaires au bon fonctionnement du port ;
– doter le port des moyens les plus appropriés pour traiter, le plus efficace-
ment possible les divers trafics et les informations nécessaires au commerce
national et international.
Le présent article ne peut, bien entendu, être dissocié de l’article Ports de
commerce et de pêche. Aménagement et équipements intérieurs [C 4 640]. En
effet, comment imaginer que les dispositions adoptées pour l’aménagement
intérieur soient sans conséquences sur le tracé des ouvrages extérieurs et
réciproquement ?
Toutes les étapes de la conception devront être menées de front pour permet-
tre que les décisions prises quant à la politique d’aménagement soient inté-
grées au mieux dans le projet.
Le présent article ne traitera, ni de la problématique des ports militaires, ni de
celle des ports de plaisance qui ont leurs spécificités particulières, très éloi-
gnées de celles des ports à vocation de transport.

Des ports situés à l’intérieur des terres et qui accueillent les navi-
1. Définition et rôle des ports res de mer tels que Anvers sur l’Escaut, Rouen sur la Seine sont
aussi, bien entendu, des ports maritimes.
maritimes
1.2 Rôle des ports maritimes
1.1 Définition Le port est un maillon de la chaı̂ne de transport qui permet d’as-
surer le passage d’un mode de transport maritime à un mode de
Un port est un endroit géographique par lequel transitent des transport terrestre, voire un autre mode maritime via le transborde-
marchandises et/ou des passagers. ment entre lignes.
Un port maritime est un port qui accueille des navires de mer, Avant d’envisager l’implantation et l’aménagement d’un port, il
qui est un lieu de rendez-vous entre ces navires de mer et l’en- est nécessaire de bien identifier les fonctions que l’on désire voir
semble des divers modes de transport terrestre. C’est également assurer par ce port. Il faut donc se poser la question essentielle :
nécessairement un téléport par lequel transitent toutes les données un port, pour quoi faire ?
informatisées indispensables à la facilitation du transit, aussi bien De la réponse à cette question découlera tout le reste, y compris
des navires que des marchandises. les partis d’aménagement.

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


C 4 630v2 – 2 est strictement interdite. – © Editions T.I.

12
Référence Internet
C4630

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– PRINCIPES D’IMPLANTATION ET D’AMÉNAGEMENT DES PORTS MARITIMES

L’apparition de la conteneurisation dans les années 1960, puis 1.2.3 Ports minéraliers
son formidable développement à partir des années 1980, a for- Les ports minéraliers, ou charbonniers, ont pour rôle essentiel,
tement estompé la distinction traditionnelle entre ports à soit de charger les marchandises extraites des mines, en vrac à
fonction unique et ports à fonctions diversifiées. bord des navires, soit de les décharger.
En effet, le conteneur nécessite des installations très spécifi-
ques, comme pour les ports à fonction unique, mais permet Bien des ports de chargement ont pour seule activité ce type de
de transporter à peu près toutes les marchandises que l’on trafic, ils sont, en général, implantés dans des zones qui permettent
peut imaginer et est donc par définition multi-usages. à la fois un accès maritime aisé et un acheminement terrestre facile.

Parmi les nombreuses fonctions des ports, certaines méritent un


examen particulier.
Exemple
Le Port de Nouadhibou, situé à l’extrémité d’une ligne de chemin de
fer longue de plusieurs centaines de kilomètres, qui permet à la Mau-
1
ritanie d’exporter son minerai de fer, ne vit que grâce à cette activité.
1.2.1 Ports de pêche À l’inverse, la réception de minerai se fait dans des terminaux
Le rôle de ces ports est de gérer l’ensemble des activités liées à spécialisés, intégrés dans des ports à vocation diversifiée dans la
la pêche et à la commercialisation du poisson. Les différentes pha- mesure où ces ports exportent des produits finis ou semi-finis, sou-
ses concernent la réception des navires de pêche, du poisson, son vent fabriqués sur le site même, en faisant appel aux techniques
traitement, son conditionnement sous les formes les plus variées, traditionnelles des ports de commerce (Marseille-Fos, Dunkerque).
sa commercialisation et, enfin, son expédition vers les lieux de
consommation. 1.2.4 Ports céréaliers
Suivant que l’une ou l’autre des fonctions est prédominante, le Les ports céréaliers ont pour rôle essentiel de charger ou déchar-
port est implanté près des lieux de pêche (Saint-Pierre à Terre- ger les céréales.
Neuve, ports en Norvège, en Irlande…) ou plutôt près des lieux de Les ports de chargement sont, en général, proches des zones de
consommation (Boulogne, mais aussi Lorient, Concarneau ou Port- production, bien reliés à elles par le train et la route, et offrent de
Vendres). Dans ce dernier cas, une attention toute particulière doit grandes capacités de stockage dans des silos portuaires.
être accordée au réseau des liaisons terrestres et commerciales.
Un bel exemple est le Port de Rouen, premier port céréalier euro-
La tendance actuelle est de privilégier le premier débarquement péen, situé à 120 km à l’intérieur des terres. Pour ce port, la problé-
du poisson dans des ports de pêche près des lieux de pêche, puis matique majeure est l’augmentation de la taille des navires.
de réexpédier, éventuellement en conteneurs, les poissons vers des Ainsi, le Port de Rouen qui faisait, il y a peu, l’essentiel de son tra-
ports proches des lieux de consommation (éventuellement d’an- fic avec des navires Handysize (15 à 35 000 tonnes de port en lourd)
ciens ports de pêche traditionnels) qui deviennent avant tout des doit s’adapter pour accueillir de plus en plus de Handymax (35 à
plates-formes de transformation et de commercialisation (principe 50 000 tonnes de port en lourd).
des « bases avancées »…).
Une part croissante des céréales, en particulier, celles à haute
1.2.2 Ports à passagers valeur ajoutée, est désormais transportée en conteneurs.

Aujourd’hui, leur rôle est essentiellement réduit au trafic sur 1.2.5 Ports pétroliers
courtes distances ou au trafic des voyageurs désirant emmener
Ce domaine est certainement le seul où la problématique ne soit
leur véhicule. Ce trafic est, principalement, assuré par des car-fer- plus l’augmentation de taille des navires. Ainsi, alors qu’une centaine
ries dont l’équilibre financier est souvent largement complété par d’ULCC (Ultra Large Crude Carrier de port en lourd supérieur à
le transit des poids lourds. 320 000 tonnes) a été construite (notamment le « Pierre Guillaumat »
L’implantation de ces ports est bien évidemment dictée par des de 555 000 tpl, 414 m de long, 63 m de large, 28,6 m de tirant d’eau),
considérations géographiques : Calais, Douvres, Tanger (face à l’Es- depuis la crise pétrolière des années 1970, la plupart ont été démolis.
pagne), Incheon (face à la Chine).
Les plus grands pétroliers encore en exploitation sont des
L’aménagement de ces ports, dont le trafic peut représenter VLCC (Very Large Crude Carrier) qui transportent entre
comme à Calais quelques 12 millions de passagers et 40 millions 150 000 et 300 000 tonnes.
de tonnes de marchandises par an, fait appel à des solutions parti-
culières décrites dans l’article [C 4 640].
Il n’en reste pas moins que les ports pétroliers nécessitent de très
larges espaces pour permettre l’évolution de grands navires, tout
Il faut, par ailleurs, souligner le développement très fort de la croi- en leur offrant des profondeurs importantes. Le respect de ces
sière dans certaines zones géographiques (Caraı̈bes, mais aussi contraintes limite considérablement le choix des sites possibles.
Méditerranée, Ports ouest-Européens…).
Les ports pétroliers peuvent donc être classés en plusieurs caté-
gories suivant la position qu’ils occupent au sein de la chaı̂ne de
L’accueil occasionnel des navires de croisière en escale ne néces- production des produits raffinés.
site pas d’infrastructures particulières. Dans certains cas, les paque-
bots qui sont de plus en plus grands (par exemple le paquebot & Ports d’expédition
« Oasis of the Seas » de Royal Carribean Cruiseline : 360 m de Leur rôle est de charger à bord des navires le pétrole but extrait
long, 47 m de large, 6 296 passagers et 2 165 membres d’équi- des champs pétrolifères.
page), restent même sur rade et mettent en œuvre des navettes Leur implantation est située au plus près des lieux de production.
avec leurs propres vedettes pour les passagers souhaitant mettre Les installations peuvent être constituées :
pied à terre.
– de simples bouées de chargement au large ;
Par contre, un port de base (c’est-à-dire de début et fin de croi- – d’appontements spécialisés, tels que ceux de Ra’s Tannura
sière) nécessite impérativement l’accueil à quai et toute une série (Aradie Saoudite) ;
de superstructures pour régler les questions d’avitaillement, mise – de structures offshore sophistiquées comprenant des installa-
à bord des bagages, sécurité, sûreté, etc.). tions de stockage en mer comme à Ekofisk.

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13
1

14
Référence Internet
TRP5005

Dragages des chenaux d’accès


maritimes et portuaires
Gestion des sédiments dragués 1

par Sylvain HAUVILLE


Chef du service des dragages et des ateliers de réparation navale du port de Rouen
de 1987 à 2008
Directeur du chenal et des travaux maritimes du port de Rouen de 2008 à 2012
Administrateur du GIE Dragages-Ports de 2012 à 2015

À François Xicluna, directeur de l’aménagement et de l’environnement du grand port


maritime de Rouen de 2005 à 2008, qui a initié et piloté les derniers programmes
d’amélioration et d’entretien des accès du port, en ajoutant son empreinte personnelle sur
la prise en compte et le respect des dimensions environnementales et écologiques de ces
projets, réalisés à ce jour.

1. Identification du besoin de dragage d’entretien : où,


quand, comment entretenir les profondeurs d’un chenal
de navigation maritime....................................................................... TRP 5 005 - 3
2. Processus de dragage ......................................................................... — 4
2.1 Phase de dragage..................................................................................... — 4
2.2 Rejets des produits de dragage/devenir des sédiments dragués ........ — 8
3. Différents types de dragage.............................................................. — 9
3.1 Dragage d’entretien ................................................................................. — 9
3.2 Dragage d’approfondissement ............................................................... — 10
4. Aspects réglementaires : cadre juridique des suivis relatifs
aux opérations de dragage et d’immersion .................................. — 10
4.1 Suivi des impacts des dragages et immersions.................................... — 10
4.2 Suivi des zones portuaires ...................................................................... — 11
5. Théorie et pratique détaillées des dragages d’entretien
des chenaux d’accès aux ports et exécutés par des DAM ....... — 13
5.1 Enjeux sédimentaires des ports soumis à la marée et en particulier
des ports d’estuaire ................................................................................. — 13
5.2 Production d’une drague aspiratrice en marche (DAM) ....................... — 13
5.3 Mesure des quantités draguées, suivi et contrôle des opérations ...... — 20
5.4 Organisation des dragages ..................................................................... — 22
6. Enjeux environnementaux : impacts des opérations
de dragage et des rejets en mer....................................................... — 24
6.1 Bonnes pratiques environnementales ................................................... — 24
6.2 Dragage d’amélioration et d’entretien des accès, devenir
des matériaux du port de Rouen ............................................................ — 25
6.3 Estuaire de la Loire et grand port maritime de Nantes-Saint-Nazaire. — 30
6.4 Remblaiement par des sédiments de dragage et restauration
écologique de la ballastière d’Yville-sur-Seine ..................................... — 32
7. Réflexions et conclusion .................................................................... — 34
8. Annexe..................................................................................................... — 34
Pour en savoir plus ....................................................................................... Doc. TRP 5 005
Parution : mars 2020

Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés TRP 5 005 – 1

15
Référence Internet
TRP5005

DRAGAGES DES CHENAUX D’ACCÈS MARITIMES ET PORTUAIRES ____________________________________________________________________________

e transport par voie d’eau est historiquement vital pour le commerce inté-
L rieur et international. Il offre le transport le plus économique, le plus
économe en énergie et le moins polluant de tous les types de frets.
Les objectifs pour les armateurs d’améliorer la rentabilité du transport mari-
time et les développements techniques ont conduit à construire des navires de
plus en plus grands, de plus en plus lourds, avec des tirants d’eau de plus en
plus forts, obligeant ainsi les places portuaires à adapter et dimensionner leurs
1 infrastructures (chenaux d’accès aux ports, ouvrages d’accostage) pour rece-
voir de tels navires. Les ports d’estuaire ont ainsi progressivement cédé la
place aux ports côtiers, les chenaux d’accès, plus courts, se prêtant plus facile-
ment aux travaux d’approfondissement.
Pour le transport de conteneurs, seul certains grands ports côtiers ont dû ou
pu adapter leurs infrastructures portuaires pour permettre l’escale de navires
porte-conteneurs de dernière génération.
C’est ainsi que Port 2000 au Havre a été mis en service en 2006, le linéaire de
quai ayant été augmenté de 2,1 km en 2010, ou pour des navires de 16,00 m de
tirant d’eau, voire plus (jusqu’à 18,00 m).
Sous la pression de ces nouveaux modes de transport cités ci-dessus, la
plupart des grands ports, en bordure du littoral maritime, ont été ainsi poussés
à mettre en œuvre des projets d’élargissement et d’aménagement des chenaux
d’accès, bassins, zones d’évitages, faisant massivement appel aux divers
moyens de dragages, consistant à creuser, transporter, vider ou mettre en
dépôt les sédiments dragués sur un site approprié.
Le défi de la massification des trafics maritimes nécessite, pour être atteint,
de réduire le temps de passage au port des conteneurs ou des passagers, en
organisant simultanément une desserte adaptée de l’hinterland : d’abord des-
serte fluviale, lorsqu’elle existe pour les arrières-ports d’estuaire, et desserte
ferroviaire, puis desserte routière fluide. À titre indicatif, un très faible pourcen-
tage de conteneurs déchargés au port du Havre à destination de la France
intérieure est redistribué par la voie fluviale et la voie ferroviaire, alors que
plus de 80 % de ces conteneurs sont réacheminés par la route.
On ne peut donc admettre que les ports ne soient qu’une porte d’accès d’une
chaîne de transport dont on néglige les autres maillons. Cette chaîne de trans-
port, et notamment la voie maritime et fluviale mérite d’être soignée, valorisée,
et entretenue de bout en bout.
Or, parallèlement à la réalisation des travaux d’investissements, la marée et
les crues apportent naturellement et inexorablement ses sédiments marins et
fluviaux, obligeant les ports à mener des campagnes de dragages d’entretien
des accès navigables pour préserver les fonds nécessaires à la navigation et
sécuriser l’accueil des navires.
Trois catégories d’acteurs sont, de nos jours, concernés : le citoyen (habi-
tants, professionnels de la mer), le politique et l’ingénieur.
Depuis les années 1990, les nouvelles exigences des populations locales en
matière d’environnement et de qualité de vie ont conduit les maîtres
d’ouvrages à des procédures de concertation avec les habitants et les élus sur
les projets portuaires importants.
Le politique qui a bien conscience des conséquences, des réels enjeux à terme
et des risques environnementaux à la mesure du gigantisme des moyens de
transports maritimes internationaux, navires porte-conteneurs de plus de
21 000 EVP, navires de croisières de plus de 8 000 personnes embarquées (les
navires pétroliers de plus de 400 000 tonnes de port en lourd (tpl) ayant été à ce
jour désarmés ou démantelés), devrait toutefois prendre quelque distance avec
les armateurs toujours plus portés vers les économies d’échelle.
Il reviendra alors à l’ingénieur de démontrer au citoyen et au politique ses
capacités à :
– réaliser dans les règles de l’art technique et dans le respect des pratiques
environnementales vertueuses les opérations de dragage d’entretien tout au

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long de ses différentes phases : extraction de matériaux, immersion ou mise à


terre des produits, valorisation des sédiments dragués, impact des rejets sur
l’environnement ;
– réaliser ces différentes opérations d’entretien à moindre coût.
Les techniques de dragage et le matériel décrit dans cet article concernent
principalement les dragages pour la navigation. Comme on le verra plus loin,
les préoccupations environnementales (comme la lutte contre les inondations
par exemple) font heureusement désormais partie intégrante des projets de
dragage. 1
Mutation du transport maritime

Dans les années 1960 et 1970, la mutation du transport maritime de pétrole vers la
mise en service de géants de capacité de 550 000 tpl (Batillus et Bellamya) – on évoquait
même des capacités de 1 million de tpl – a conduit l’État français et le port du Havre à
décider, en 1969, la construction du port d’Antifer. Ce port a été réalisé entre mars 1973
et novembre 1975. Le navire de dimensionnement était le Batillus de 414 m de long, 63 m
de large et 28,60 m de tirant d’eau, avec possibilité d’approfondir à 35 m pour des
navires de 1 million de tpl.
Deux chocs pétroliers, la réouverture du canal de Suez en 1975, ainsi que le naufrage
de l’Amoco Cadiz en 1978 ont provoqué le renoncement des armateurs à utiliser les
grands navires mis en service et ces derniers sisterships (Batillus, Bellamya construits en
1976, Pierre Guillaumat et Parial respectivement construits en 1977 et 1979) :
– les deux premiers ont terminé leur carrière en 1983 et ont été ferraillés en 1985 ;
– les deux autres ont été démolis en 2003.
Aujourd’hui, seul reste encore en service un grand pétrolier de 440 000 tpl (Ti Oceania).
Ceux qui conservent en mémoire les cinq accidents majeurs de navires pétroliers entre
1967 et 2002, cités en annexe, ont été probablement rassurés de la décroissance de la
taille des navires et des cargaisons unitaires de pétrole transporté par voie maritime.
Dans le même temps, l’intérêt pour les armateurs de massifier les transports a gagné
deux types de transports distincts, conteneurs et passagers dont l’évolution des caracté-
ristiques figure en annexe 1 (§ 8).

Le niveau de dragage (figure 1) est déterminé à partir de plu-


1. Identification du besoin sieurs paramètres qu’il faut en permanence vérifier et surveiller :
de dragage d’entretien : – le niveau de la marée : il varie selon le régime de marée
(mortes eaux, vives eaux, pleines mers ou basses mers) et peut
où, quand, comment être influencé par les conditions météorologiques (vents, pressions
atmosphériques). Pour les navires de taille maximale à accueillir
entretenir les profondeurs dans un port, les manœuvres se font à marée haute, surtout si le
d’un chenal de navigation chenal d’accès se situe dans des zones à fort marnage (par
exemple en Manche), les prévisions de trafic étant établies à
maritime l’avance en fonction des hauteurs de pleine mer atteintes par la
marée ;
– le tirant d’eau du navire : c’est le tirant d’eau nominal du navire
Avant d’entrer en détail dans le processus de dragage, il y a lieu suivant le certificat international de franc-bord, le navire étant tota-
de rappeler les facteurs qui influent sur la stratégie de dragage et lement ou partiellement chargé, le tirant d’eau « eau salée » étant
le mode de réponse aux besoins de la navigation. En particulier : éventuellement corrigé « eau douce » en rivière pour les ports
– les conditions de marées et les variations de niveaux de la d’estuaire.
mer ; – le pied de pilote : on distingue le pied de pilote « brut » qui est
– les propriétés physiques et variations du fond du chenal ; par définition la marge réservée sous la quille du navire immobile,
– les caractéristiques maximales des navires à accueillir. en eau calme et à vitesse nulle. Pour le navire en mouvement, il
peut subir un enfoncement supplémentaire dû à sa propre vitesse
L’une des premières tâches de l’ingénieur est de définir et véri- (squat) et/ou sous l’effet de la houle, et il faut donc veiller à la
fier, en étroite liaison et concertation avec la capitainerie du port marge minimale qui subsiste alors sous la quille du navire. Cette
et/ou le pilotage (selon les organisations) la profondeur des voies marge minimale est le « pied de pilote net ».
d’accès en considérant qu’il faut réserver entre le point le plus bas
du navire et le fond du chenal une marge minimale appelée « pied Les paramètres ci-dessus permettent de définir le niveau nomi-
de pilote ». nal des profondeurs du chenal HC (Height Channel).

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Niveau de la mer Hw

1 Tirant d’eau du navire

Mouvements verticaux dus


à la houle + squat

Niveau nominal
Pied de pilote net du fond
Pied de pilote brut
de chenal Hc

Précision des sondages


Niveau
Dépôt de sédiments entre nominal de
deux campagnes de dragage dragage du
chenal Hd
Tolérance de dragage

Figure 1 – Niveau de dragage

Mais il y a lieu, pour l’ingénieur, d’introduire des marges supplé- dragage garantissant les performances du chenal, à un coût global
mentaires liées à la définition, l’organisation, la conduite des acceptable par l’autorité portuaire. D’où des schémas d’organisa-
dragages, le déclenchement et la fréquence des interventions, tion mis en œuvre par certains états ou autorités portuaires et
toutes considérations influant sur le mode d’exécution des travaux décrits à la section 4.
et de choix des outils adaptés pour satisfaire aux objectifs d’exploi-
tation du chenal : le niveau nominal des dragages d’entretien du
chenal.
Pour passer du niveau nominal du fond du chenal au niveau 2. Processus de dragage
nominal de dragage, il faut ajouter les marges suivantes :
– la précision des dragages : cette précision dépend du maillage
Le processus de dragage comporte trois étapes que l’on exécute
et de la densité de points de sondes bathymétriques et de la
successivement : excavation, transport et rejet ou dépôt à terre des
confiance dans les informations fournies par les opérateurs. C’est
matériaux.
pourquoi ces missions spécifiques méritent d’être réalisées par des
professionnels recrutés en interne par le maître d’ouvrage ; Il est possible qu’un seul dispositif exécute l’ensemble de ces
– l’épaisseur des dépôts de sédiments apportés par la marée trois opérations. Au contraire, parfois trois engins différents sont
dans le chenal entre deux opérations de dragage ; nécessaires pour l’extraction (drague), le transport (barges,
– la marge de tolérance d’exécution sur les travaux de dragage. conduites hydrauliques) et pour le rejet ou la mise en dépôt des
Un point est fondamental : les opérations de dragages peuvent- matériaux (refouleur, élévateur).
elles être exécutées de façon discontinue ou doivent-elles être En outre, pour certains travaux spéciaux, dans des terrains durs,
assurées par une permanence continue ? un ameublissement des matériaux préalablement à leur extraction
On pourrait être tenté d’espacer le plus possible les campagnes est nécessaire.
de dragage, en augmentant la marge correspondant à une plus
grande épaisseur de sédiments, c’est-à-dire en « surcreusant » le
chenal de navigation ; mais les apports sédimentaires n’étant pas 2.1 Phase de dragage
linéairement croissants avec la profondeur (la vitesse critique
d’entrainement des matériaux de diamètre d sous l’action d’un Cette phase concerne l’excavation et l’extraction des sédiments
courant est une fonction logarithmique de la hauteur d’eau), l’opti- du fond sous le plan d’eau. Une machine spéciale – la drague – est
mum économique entre dragages continus ou discontinus est à utilisée pour creuser, prendre ou déplacer le sédiment, que ce soit
analyser site par site. mécaniquement, hydrauliquement ou par action combinée.
En outre, le vent et la houle de tempête peuvent créer en moins La nature des matériaux influe de façon prépondérante sur le
de 24 h des ondulations de fond (ridins) qui nécessitent d’être rapi- choix du type d’engin à utiliser. Les vases plus ou moins fluides,
dement dragués. les sables, graviers, galets, « blocs sédimentaires », roches
La mission de l’ingénieur est d’analyser les différents para- tendres, telles qu’argiles, marnes, craies, roches dures, nécessitent
mètres technico-économiques pour définir la meilleure stratégie de de mobiliser des matériels de type spécifiques.

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Les matériels de dragage sont des matériels importants et coû-


teux, amortis en général sur de longues périodes (20 à 30-40 ans).
On examine successivement : les dragues mécaniques, les dra-
gues hydrauliques, les dragues pneumatiques et les dragues par
agitation.

2.1.1 Dragues mécaniques


Les dragues mécaniques comprennent les dragues à benne, à
cuiller (dipper dredge), à godets et les draglines. 1
■ Dragues à benne preneuse
Ce sont des engins flottants (pontons ou navires) sur lesquels
sont montées une ou plusieurs grues à benne preneuse (figure 2).
Les produits de dragages sont en général déversés dans des cha-
lands, mais il existe aussi des dragues à benne autoporteuse qui
Figure 2 – Drague à benne Gambe d’Amfard rejettent dans leur propre puits à déblais.
Elles sont très utilisées pour draguer en pied de quai et dans les
Les critères suivants sont généralement utilisés : angles des bassins portuaires. Elles sont aptes au dragage des
produits suivants : graviers, galets, sable non cimenté, limon,
– la granulométrie des matériaux à draguer, dont en particulier
argile, tourbe.
la teneur en éléments fins (∅ < 50 µm). Leur vitesse de chute en
eau douce ou en eau saumâtre, donc leur vitesse de décantation, Elles présentent l’inconvénient de laisser derrière elles un sol
est une fonction croissante du diamètre des grains ; irrégulier.
– la masse volumique des matériaux : la concentration de la mix-
■ Dragues à cuiller et dipper dredge
ture dépend de la masse volumique dégagée du matériau en
place ; Elles sont constituées d’une pelle à câble montée sur un ponton
– la cohésion et la rigidité. (figure 3) et travaillant en « butte ».
De manière empirique, on a constaté que des matériaux cohé- Elles comprennent un godet (qui peut varier de 2 à 12 m3), un
rents nécessitent plus d’énergie de dragage que des matériaux bras porte-godet et une flèche qui supporte et guide le bras et est
non cohérents. montée sur un plateau tournant.
Les vases sont caractérisées par le seuil de cisaillement Elles prennent appui sur le fond par l’intermédiaire de trois
(contrainte tangentielle minimale pour entraîner un déplacement pieux, deux latéraux à l’avant, utilisés pour « déjauger » le ponton,
de la vase sur elle-même) dont le niveau élevé pourra altérer forte- le stabiliser et l’ancrer en cours de dragage, le troisième à inclinai-
ment de débit de la pompe d’aspiration d’une drague suceuse. son variable situé à l’arrière du ponton. Les matériaux dragués
sont déversés dans des barges amarrées à couple.
Le choix de l’équipement et de la méthode de dragage dépend
des facteurs suivants : Compte tenu de leur fixation sur pieux, elles présentent l’avan-
tage de travailler de façon précise sur des profondeurs d’une quin-
– nature des matériaux à draguer ; zaine de mètres en traitant le sol par couches horizontales, livrant
– quantité des matériaux à draguer ; ainsi un sol plus nivelé après dragage.
– profondeur de dragage ; Ces dragues sont utilisées pour des travaux lourds : enlèvement
– distance entre le chantier de dragage et le lieu de rejet ou de d’infrastructures très anciennes ou de roches sédimentaires tendre
dépôt des déblais ; ou altérées.
– possibilité d’accès au chantier de dragage ;
– environnement physique du chantier de dragage et des lieux ■ Dragues rétrocaveuses
de dépôt ; Ce type de drague n’est autre qu’une pelle terrestre à chenille
– pollution éventuelle des matériaux à draguer. installée sur un ponton flottant.

a dipper dredge Gargantua b dipper dredge Gargantua c autre dipper dredge

Figure 3 – Dipper dredges

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■ Draglines
La dragline est une grue équipée d’un godet spécial mis en place
à l’extrémité d’un long mât.
Le godet est traîné sur le sol au moyen d’un câble attaché à
l’avant du ponton, alors qu’à l’arrière un second câble maintient
l’inclinaison voulue pour permettre au godet d’attaquer le sol et de
le charger correctement.

1 La dragline est plus couramment utilisée dans le domaine flu-


vial, le godet étant vidé sur la rive ou dans un chaland, lorsque du
matériel plus important ne peut être mobilisé.

2.1.2 Dragues hydrauliques


Ce sont des dragues dotées d’une pompe centrifuge aspirant le
matériau à draguer additionné à de l’eau à travers une canalisa-
tion.
Des mélanges de matières solides et d’eau, à hauteur de 50 %,
Figure 4 – Drague à godets Val de Seine
sont théoriquement possibles, mais de façon générale le rapport
est d’environ 15 à 20 % de matières solides pour 80 à 85 % d’eau.
L’intérêt de ce matériel est la polyvalence du matériel, tantôt uti- La densité de la mixture est de l’ordre de 1,2 et la masse de mix-
lisation terrestre d’une pelle à chenille classique, tantôt utilisation ture transportée est ainsi de l’ordre de trois fois supérieure à la
sur ponton flottant. Son inconvénient est sa portée limitée, de masse du sol en place.
l’ordre d’une dizaine de mètres, la taille des godets étant égale- Les produits de dragage sont soit refoulés au moyen d’une
ment limitée (inférieur à 4-5 m3 environ). pompe hydraulique et d’une conduite flottante vers le lieu de
dépôt, soit déversés dans des chalands qui les transportent
■ Dragues à godets jusqu’au lieu de dépôt où ils sont déchargés par clapage (chaland
« ouvrant ») ou repris par une station de refoulement pour être mis
Ce sont des dragues classiques en Europe, polyvalentes et adap- en dépôt dans une chambre aménagée à terre pour les recevoir.
tées à des chantiers et matériaux très divers.
On distingue les dragues suceuses simples, les dragues
La drague à godets (figure 4) comporte une chaîne de godets suceuses à désagrégation et les dragues suceuses porteuses (dra-
qui creusent le sol et qui déversent les matériaux par gravité par gues aspiratrices en marche).
l’intermédiaire de goulottes latéralement dans des barges ou cha-
lands accostés à la drague. ■ Dragues suceuses
Les godets sont fixés à une chaîne sans fin qui tourne autour Elles se composent d’un ponton équipé d’une pompe d’aspira-
d’un bras rigide inclinable en tête, dénommé élinde. Ainsi les tion. Avec une pompe à bord du ponton, la profondeur de dragage
godets découpent le sol à draguer en continu, à une cote constante atteint des profondeurs de l’ordre de 20 mètres. La profondeur de
préalablement définie, la drague se déplaçant longitudinalement et dragage peut atteindre 70 mètres si l’on installe des pompes
perpendiculairement en grands arcs de cercle (papillonnage) à immergées sur la conduite d’aspiration.
l’aide de ses treuils, câbles ancrés à terre ou sur des ancres ou des Les dragues suceuses « simples » ne sont plus utilisées pour des
corps-morts, pour que les godets ne tournent jamais dans le vide. travaux d’amélioration et de maintenance en raison de la faible
gamme de sols qu’elles peuvent traiter. Elles sont par contre utili-
Les godets sont systématiquement adaptés au sol à draguer : en sées pour l’extraction de matériaux ciblés, non cohésifs, tels que
terrain meuble, on utilisera des godets de grande capacité (800 à graviers, sables peu compacts, limons…
1 200 l) ; par contre, on utilisera des godets renforcés de plus faible
capacité et éventuellement équipés de dents spéciales en terrain ■ Dragues suceuses avec désagrégation (cutter)
dur. Cette drague suceuse est équipée à l’extrémité de son bras
La profondeur de dragage dépend de la longueur de l’élinde. Les (élinde) supportant la conduite hydraulique d’un désagrégateur
profondeurs usuelles sont de l’ordre de 20 mètres, exceptionnelle- rotatif de grande puissance qui peut briser le matériau et le mélan-
ment de 30 mètres, permettant de traiter des chantiers spéciaux ger avec de l’eau avant son aspiration.
tels le creusement de souilles de quais, de traversées sous- La désagrégation augmente considérablement la gamme de
marines ou fluviales pour pose et enfouissement de canalisations matériaux susceptibles d’être dragués, conférant à cette drague
profondes, pipes ou câbles à des profondeurs inférieures aux cotes des possibilités élargies d’utilisation et son emploi dans de nom-
nominales de navigation des chenaux d’accès portuaires. breux chantiers de dragage.
Ces dragues sont utilisées lorsque l’emploi des dragues Ce sont des dragues stationnaires. Elles sont composées d’un
suceuses ne s’avère pas possible, que ce soit au plan technique, ponton équipé d’une pompe, d’une élinde d’aspiration équipée
par exemple matériaux « impompables » ou au plan économique, d’un désagrégateur et d’une conduite de refoulement.
par exemple lorsque la distance entre le point de dragage et la Elle dispose de deux pieux d’amarrage à l’arrière, d’ancres de
zone de dépôt est trop importante pour utiliser le transport par treuils et câbles, qui alternativement ancrés et relevés l’un après
canalisation. l’autre permettent au ponton de se déplacer en « papillonnant »
Si ces dragues présentent l’avantage de consommer peu d’éner- sur la zone de dragage.
gie (peu d’eau transportée) elles nécessitent, pour être produc- L’utilisation économique courante de cette drague, en général de
tives, d’être assistées par d’autres engins tels que barges et forte production si elle est continue, concerne les travaux de
pousseurs pour le transport des matériaux, refouleur ou élévateur dragage, avec refoulement direct en conduite flottante et/ou ter-
pour la reprise et la mise en dépôt, moyen nautique de manuten- restre, des matériaux dans une chambre de dépôts ; tout arrêt de
tion (bigue ou engin multiservice) pour la préparation et le dépla- refoulement en conduite nécessite en effet, des phases de rinçage
cement du matériel d’ancrage nécessaire à la drague (ancres, de colonne pour éviter que les matériaux secs ne s’y agglutinent et
corps-morts, câbles, etc.) pour se déplacer. portent sévèrement atteinte à la production de l’engin.

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a b

Figure 5 – Dragues aspiratrices en marche

La distance de mise en dépôt est en général limitée, 1 à 3 km


selon la puissance de refoulement, étant précisé que cette distance
peut être accrue par l’interposition de pompes relais installées en
série sur la conduite de refoulement.
Mais, compte tenu de cette contrainte de distance de dépôt, ce
type de drague est de moins en moins utilisée en Europe pour les
travaux d’entretien, et devient exclusivement réservée pour les tra-
vaux d’approfondissement, surtout si les matériaux dragués sont
recyclables et réutilisables à partir de chambres de dépôt proches
des lieux d’extraction.
■ Dragues suceuses porteuses (dragues aspiratrice en
marche)
Au plan mondial, les capacités de puits varient selon les dragues
de 200 m3 à 46 000 m3, et les profondeurs de dragage de 10 à
155 mètres.
Sont actuellement en exploitation :
– de l’ordre de 620 DAM de capacité puits inférieure à 3 500 m3,
de tirant d’eau compris entre 2,00 et 6,00 m ;
Figure 6 – Drague aspiratrice en marche Jean Ango, refoulant à
– de l’ordre de 170 DAM de capacité puits comprise entre 4 000 terre
et 10 000 m3, de tirant d’eau compris entre 6,00 et 9,00 m ;
– de l’ordre de 70 DAM de capacité puits comprise entre 10 000
et 46 000 m3, de tirant d’eau compris entre 9,00 et 15,50 m. Le puits à déblai comporte en partie inférieure une série de
portes ou clapets permettant la vidange (clapage) des produits dra-
La drague aspiratrice en marche (DAM, figure 5) est utilisée tant
gués.
pour l’approfondissement que pour l’entretien des entrées de ports
et de leurs chenaux d’accès (mer et rivière). Comme on le verra à la section 4, l’élément essentiel qui fixe le
rendement de ces dragues est la vitesse de décantation des maté-
Mais, en grande majorité, ces dragues (70 %) sont utilisées
riaux en puits, déterminante pour atteindre la production horaire
exclusivement par un port ou plusieurs ports dédiés pour réaliser
optimum de l’engin.
leurs propres dragages d’entretien par exemple :
– aux États-Unis par l’US Corps of Engineers ; Le dragage par drague aspiratrice en marche (figure 6) consiste
– en Chine par la China Harbour Engineering Company (CHEC) ; à amener le navire à faible vitesse (de l’ordre de 2 nœuds contre-
courant) en laissant traîner ses élindes (une ou deux selon les cas)
– en Indonésie par Perum Pengerukan ;
dont la (ou les) pompe(s) aspire(nt) en continu les matériaux.
– en Espagne par Dragados ;
– au Maroc par Drapor ; Dès l’arrêt du remplissage, la drague remonte l’élinde (ou les
– en France par GIE Dragages-Ports ; élindes) et se déplace jusqu’au lieu de déchargement : décharge-
ment en mer (vidage/clapage) ou déchargement à terre par refou-
– en Angleterre par ABP UK Dredging.
lement hydraulique selon l’équipement de la drague.
Les DAM ont été initialement conçues pour le dragage des che-
naux en pleine mer mais elles sont aussi utilisées pour l’extraction Elle peut être équipée de becs spéciaux avec désagrégateurs
de matériaux marins (sables et galets). pour le dragage de matériaux de nature diverses, tels les sables,
graviers, limons, argiles et tourbes selon leur degré de compacité.
Elles sont désormais utilisées aussi pour les dragages d’entre-
tien des chenaux à l’intérieur des ports ainsi que pour les souilles ■ Dragues pneumatiques
bord à quai lorsque les longueurs de quai sont importantes. Ce type de drague, utilisée en Italie et au Japon, consiste à trans-
Ces dragues comprennent une tuyauterie d’aspiration, des porter par voie pneumatique le matériau pénétrant dans la pompe
pompes et un puits à déblais dans lequel la mixture est déversée en raison de la différence de pression entre l’air des comparti-
et décantée, l’eau excédentaire étant évacuée par surverse. ments et l’eau.

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Cette drague est adaptée aux dragages de petites quantités de


matériaux de fonds mobiles tels les vases, sables, limons et
argiles.

■ Dragage par agitation


Cette technique s’applique dans les zones de forte sédimentation
en particulier dans les estuaires (par exemple la Loire).

1 Elle a pour but de remettre en suspension le matériau vaseux en


cours de consolidation, que les courants emmènent hors de la
zone à entretenir. I II III

Ces méthodes ne s’appliquent que dans les chenaux parcourus


Figure 8 – Phases du dragage à injection
par des courants importants et lorsqu’il y a peu de risque de recy-
clage des sédiments.
Plusieurs types de matériel sont utilisés : L’action d’une drague à injection d’eau dans la couche de sédi-
ments se décompose en trois phases :
– les dragues aspiratrice en marche, qui déchargent la vase dra- – injection d’eau (variante air/eau) à basse pression (de 1 à
guée par-dessus bord par surverses, ou au moyen d’une pompe ; 1,5 bars) ;
– les mêmes dragues équipées d’une flèche transversale pivo- – génération d’un courant de densité ;
tante (de l’ordre de 25 à 100 m) autrefois utilisées sur le continent – déplacement des sédiments mis en suspension par les cou-
américain (et dites dragues à l’américaine) ou en ex-URSS pour rants locaux, marins ou fluviaux.
l’approfondissement de chenaux maritimes ou voies d’eau inté-
rieures envasées ;
– le nivellement des fonds par herses. La méthode de la herse 2.2 Rejets des produits de dragage/
consiste à traîner une herse (figure 7) derrière un remorqueur dans devenir des sédiments dragués
la zone d’interface entre l’eau turbide et la vase molle. Ces herses
étaient à l’origine traînées derrière des remorqueurs et disposées
de façon que la mixture mise en suspension par la herse soit
2.2.1 Immersion
entraînée dans la turbulence de l’hélice du remorqueur ; L’immersion est la principale filière d’évacuation des produits de
– la drague à injection d’eau (Milouin) ou mixte air/eau (Bro- dragage. Les volumes immergés en France varient en fonction de
tonne) a pour objectif de favoriser le déplacement des sédiments la façade considérée, du type de port à l’origine des dragages, et
par courant de densité, limitant ainsi fortement les remises en sus- des possibilités ou des disponibilités des autres modes d’évacua-
pension dans la colonne d’eau. Elle permet de déconsolider les tion des déblais.
sédiments fins (diminution de la cohésion) afin de les rendre Les grands ports maritimes (GPM) français réalisent à eux seuls
mobiles par l’action des courants ou la gravité ; les sédiments 85 % du volume total immergé, soit de l’ordre de 35 millions de
rejoignent donc alors la dynamique naturelle du site de dragage. mètres cubes.
Cette technique de dragage par injection d’eau repose sur un
principe de remobilisation des sédiments fins déconsolidés. Si la réglementation souhaite encourager à limiter les immer-
Un jet d’eau (plusieurs milliers de m3/heure) à faible pression (≤ 1à sions de sédiments en faveur d’une gestion à terre, à ce jour,
1,5 bar) est envoyé dans la couche sédimentaire pour créer un cou- aucune filière opérationnelle et pérenne ne permet d’imaginer le
rant de densité (I, figure 8). Les sédiments gonflés par l’eau se flui- recyclage de tels dépôts, les volumes de sédiments susceptibles
difient (II, figure 8). Le fluide ainsi créé a une densité supérieure à d’être valorisés à terre restant très faibles au regard des volumes
l’eau. Il commence à se déplacer sur le fond sous l’effet des forces dragués.
de gravité et l’action des courants de marée en se dirigeant vers Ainsi, le recours à l’immersion reste incontournable compte tenu
les zones situées plus en aval (III, figure 8). des volumes récurrents générés par l’activité de dragage d’entre-
tien des chenaux de navigation, dès lors bien évidemment que les
sédiments ne soient pas pollués.
Le rejet par clapage est réalisé par des navires disposant d’une
cale s’ouvrant par le fond (portes ou clapets) ou fendables. Les
matériaux sont entraînés vers le fond par gravité, la différence de
densité entre les particules constitutives du sédiment engendrant
des différences de comportement, d’influence potentielle sur la
stabilité des dépôts, d’où l’analyse des conditions hydrodyna-
miques et sédimentaires des lieux de dépôt permettant de prédire
et vérifier sur une échelle de temps pluriannuelle le caractère
conservatif et/ou dispersif de la zone, conduisant à une accumula-
tion de matériaux les plus lourds, à une dispersion des matériaux
de moindre densité sur une zone élargie.

2.2.2 Rechargement des plages


La disponibilité de volumes de sédiments dragués importants
pourrait donner l’idée de réutilisation en masse de ces matériaux
pour des opérations de rechargement de plages. Les matériaux
peuvent être alors soit refoulés directement par la drague aspiratrice
en marche, soit après clapage et reprise par dispositif de refoule-
Figure 7 – Drague équipée d’une herse ment et transfert par conduite flottante, mais la granulométrie des

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C5550

Voies navigables

par Jean-Louis MATHURIN


Ancien directeur de l’ingénierie, en retraite
Compagnie nationale du Rhône (CNR), Lyon, France
1
Cet article est la réédition actualisée de l’article [C 5 550] intitulé « Voies navigables » paru
en 1993, rédigé par Pierre Savey.

1. Contexte.................................................................................................. C 5 550v2 - 2
1.1 Voies navigables en Europe et dans le monde ..................................... — 2
1.2 Performance des voies navigables......................................................... — 2
1.3 Intégration des voies navigables dans la chaîne logistique................. — 3
1.4 Principaux types de marchandises transportées .................................. — 3
1.5 Valeur ajoutée pour la société ................................................................ — 3
2. Conception d’une voie navigable .................................................... — 4
2.1 Principes de conception .......................................................................... — 4
2.2 Types d’aménagement ............................................................................ — 4
2.3 Aspects hydrauliques généraux ............................................................. — 7
2.4 Prise en compte des impacts sur l’environnement............................... — 9
3. Ouvrages d’une voie navigable ........................................................ — 10
3.1 Aménagement du chenal ........................................................................ — 10
3.2 Écluses ...................................................................................................... — 12
3.3 Ouvrages de retenue : barrages mobiles et seuils fixes....................... — 19
3.4 Ouvrages associés ................................................................................... — 22
4. Ports fluviaux ........................................................................................ — 23
4.1 Conception et construction ..................................................................... — 23
4.2 Exploitation............................................................................................... — 23
4.3 Haltes nautiques pour bateaux de tourisme et de croisière................. — 24
5. Exploitation de la voie navigable..................................................... — 24
5.1 Exploitation générale............................................................................... — 24
5.2 Surveillance .............................................................................................. — 25
5.3 Entretien et renouvellement.................................................................... — 26
6. Conclusion.............................................................................................. — 26
7. Glossaire ................................................................................................. — 27
Pour en savoir plus ....................................................................................... Doc. C 5 550v2

es voies navigables sont les infrastructures qui permettent le transport


L fluvial de marchandises et de voyageurs, sur des rivières (à courant libre
ou aménagées avec des retenues), des canaux artificiels ou des plans d’eau.
Le transport fluvial rencontre un regain d’intérêt, en raison de la prise de
conscience de la saturation du mode routier et de la préoccupation croissante
pour la protection de l’environnement. Ce mode de transport est en effet le
plus économe en énergie du fait de la massification qu’il opère. Utilisé le plus
souvent dans un cadre intermodal, il occupe une place significative sur le plan
économique dans les pays où la géographie fluviale est favorable, notamment
des grands pays comme les États-Unis, la Chine ou l’Allemagne. Son rôle en
forte progression dans l’acheminement des conteneurs lui permet d’élargir les
types de marchandises transportées.
Parution : mai 2020

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VOIES NAVIGABLES _________________________________________________________________________________________________________________

Ce contexte pousse à moderniser les voies navigables existantes et à réaliser


de nouvelles infrastructures, en Europe et dans le monde, avec les différents
types d’aménagements possibles : à courant libre pour les cours d’eau à fort
débit et faible pente, par création de retenues en rivière ou par réalisation de
canaux artificiels, notamment lorsqu’il s’agit de réunir deux vallées entre elles.
La conception générale d’une voie navigable dépend du bateau ou du convoi
de taille maximale qui peut l’emprunter : le bateau ou l’unité fluviale de projet.
1 L’autre élément important pour la conception est l’hydraulique. La ressource
en eau conditionne la hauteur d’eau à l’étiage pour les rivières à courant libre,
et la bonne alimentation des écluses pour les rivières aménagées avec rete-
nues et des biefs pour les canaux artificiels.
Le dimensionnement de chacun des grands ouvrages qui composent une
voie navigable telles que les écluses, barrages mobiles et chenaux, comprend
une forte composante hydraulique et fait appel aux techniques du génie civil et
de l’électromécanique.
Les ports fluviaux, que ce soient de simples aménagements de berges ou de
grands ports multifonctionnels, sont les compléments indispensables d’un
projet de voie navigable.
Les méthodes de conduite, d’exploitation et de surveillance des infrastruc-
tures de navigation se sont profondément modernisées grâce aux progrès
dans les systèmes d’information et de télécommunication.

1. Contexte grandes zones économiques d’Europe accessibles par le transport


fluvial intérieur.
En France, les voies navigables à grand gabarit du bassin de la
Seine, du Nord Pas-de-Calais, du Rhin et du bassin Rhône-Saône
1.1 Voies navigables en Europe ne sont pas reliées entre elles [18] ; le projet de canal à grand
et dans le monde gabarit Seine-Nord-Europe, dont les études détaillées ont été enta-
mées en 2017, permettra de relier le bassin de la Seine, via l’Oise,
Dans le monde, il y a plus de 600 000 km de voies navigables. et le bassin de l’Escaut.
Plus de 50 pays disposent d’un réseau navigable de plus de
1 000 km de long, mais la majorité de ces réseaux est sous-utilisée.
Les plus grands réseaux sont situés en Chine, en Russie, au Brésil,
dans l’Union européenne (Union européenne), aux États-Unis [50].
1.2 Performance des voies navigables
En Chine, la longueur totale du réseau atteint 127 000 km mais Dans l’Union européenne, les voies navigables transportent
les voies navigables d’importance commerciale totalisent 147 milliards de tonnes × kilomètres (TK) de fret (données Eurostat
24 000 km. 2017) [28] [29], soit à peu près 6 % du total des transports réalisés
par voie terrestre (rail, route, voies navigables), sur une distance
Le réseau fluvial intérieur des États-Unis comprend 41 000 km de
moyenne de 300 km. Cette part modale est sensiblement constante
voies navigables, dont environ 16 000 km sont commercialement
depuis plus de 20 ans. Elle peut sembler modeste, mais il faut gar-
importants.
der à l’esprit que le transport fluvial ne peut rivaliser avec les
Dans l’Union européenne, la longueur des voies navigables autres modes de transport terrestres et gagner des parts de mar-
régulièrement utilisées pour le transport de fret ou de passagers, ché que dans les corridors de transport où des voies navigables
en canaux, rivières et lacs, atteint 42 000 km, dont 7 700 km en existent parce que la géographie fluviale le permet.
Allemagne, 6 300 km aux Pays-Bas et 4 700 km (sur les 6 800 km
Ainsi, à une échelle géographique plus petite que l’Union euro-
gérés par Voies navigables de France) en France (figure 1). À titre
péenne dans son ensemble, les situations sont plus contrastées.
de comparaison, le réseau d’autoroutes de l’Union européenne
L’Allemagne, pays où le réseau navigable est le plus long, la quan-
s’étend sur 77 000 km [28].
tité de transport par voie navigable est la plus grande (55 milliards
L’épine dorsale du réseau européen se compose des deux plus de TK) avec une part modale de 12 %. Aux Pays-Bas, pays au
grands fleuves, le Danube, qui coule sur une distance de 2 850 km réseau navigable développé et très dense, la part modale de la
de l’Allemagne à travers l’Autriche, la Hongrie, la Serbie et la Rou- voie navigable atteint près de 40 %. En France, où le réseau navi-
manie à la mer Noire, et le Rhin (1 300 km), reliant la Suisse et gable est relativement long, mais ne dessert pas une bonne partie
d’importantes régions industrielles en Allemagne avec le port du territoire, la part modale n’est que de 2 %.
maritime de Rotterdam aux Pays-Bas.
Dans les pays de la zone intertropicale qui disposent d’un réseau
Il s’y ajoute les affluents du Rhin en Allemagne, l’Elbe et l’Oder fluvial important et régulièrement alimenté en eau, le transport flu-
dans la partie nord de l’Allemagne, la Meuse qui traverse la vial permet de desservir efficacement des territoires mal reliés aux
France, la Belgique et les Pays-Bas, le canal Rhin-Escaut, la Seine autres réseaux de transport terrestre ; c’est notamment le cas dans
et le Rhône en France [45]. Ces voies navigables rendent les le bassin de l’Amazone et dans le bassin du Congo.

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Figure 1 – Voies navigables de l’Union européenne (source : STC-NESTRA © et UNECE)

1.3 Intégration des voies navigables agricoles et denrées alimentaires. Ces types de marchandises en
vrac impliquent souvent de gros envois, sont peu sensibles aux
dans la chaîne logistique temps d’acheminement, mais en raison de leur valeur relativement
faible par tonne sont sensibles aux coûts de transport [50].
Pendant la plus grande partie du XXe siècle, le système de trans-
port a fonctionné et évolué dans des cadres réglementaires essen- Le transport de marchandises par conteneurs est un marché en
tiellement mono- « modaux ». Le développement rapide de la pleine croissance pour les voies navigables et représente l’une des
conteneurisation, la mondialisation des échanges ont conduit à opportunités prometteuses pour la croissance future. Dans l’Union
l’intégration du transport de fret dans un cadre logistique pluri- ou européenne par exemple, il a augmenté de 30 % entre 2007 et
intermodal [42]. 2016 ; une bonne partie de cette croissance provient du transport
des conteneurs vers l’hinterland des grands ports européens reliés
C’est particulièrement le cas du transport par voie navigable.
à la voie navigable à grand gabarit [14] [15].
Contrairement à son concurrent routier, il ne peut souvent pas
assurer un approvisionnement direct de porte à porte. Cela conduit L’implantation de grands ports au sein de métropoles a permis
à des chaînes logistiques plus complexes, intégrant des ruptures de développer de nouveaux types de trafics comme les déchets
de charge et des transbordements ainsi qu’un pré- ou post- ache- (récupération et recyclage) avec des bateaux adaptés.
minement par voie routière, par exemple de conteneurs [38].
Le transport par voie navigable s’intègre cependant bien dans
les chaînes d’approvisionnement grâce à ses qualités 1.5 Valeur ajoutée pour la société
intrinsèques : faible coût par unité transportée (sur des longues
distances), capacité de transport de gros volumes, prédictibilité Grâce à son caractère massifié, le transport fluvial répond aux
grâce à l’absence de congestion, sécurité et sûreté, faible émission exigences des trois piliers du développement durable [36].
de gaz à effet de serre. Sur le plan économique, les prix de marché du transport fluvial
Les ports intérieurs jouent un rôle crucial dans les chaînes de sont compétitifs face à ceux de la route.
transport multimodales comme lieu d’échange vers les autres Sur le plan environnemental, il est à la fois sobre pour ce qui est
modes de transport, comme points de connexion avec les centres de la consommation d’énergie et vertueux en matière d’émission
logistiques, les zones industrielles et les grands marchés de de gaz à effet de serre. Un convoi poussé (figure 2) ou un grand
consommation métropolitains [50]. automoteur rhénan émettent 4 fois moins de CO2 par TK qu’un
poids lourd. Les émissions de particules fines des moteurs de
bateaux sont toutefois un point d’attention qui pousse à la rénova-
1.4 Principaux types de marchandises tion de la motorisation et à l’innovation pour les sources d’énergie
transportées (GNL, électricité, hydrogène) [14] [TRP 5 023].
Concernant le pilier social, le mode fluvial génère peu d’acci-
Les voies navigables jouent un rôle de premier plan dans le dents et contribue à décongestionner les réseaux routiers surchar-
transport de minerais, de charbon et de produits pétroliers, de gés dans les régions densément peuplées. De plus, la voie d’eau
matériaux de construction, de produits chimiques et de produits n’est pas exclusivement une infrastructure de transport [4]. Elle est

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Ces deux dernières démarches sont particulièrement impor-


tantes dans un projet de voie navigable du fait de son lien avec le
milieu aquatique, de son empreinte sur le paysage et de sa fonc-
tion importante d’aménagement du territoire.

Elles doivent s’appuyer sur les résultats des évaluations environ-


nementales règlementaires : notamment, étude d’impact sur l’envi-
ronnement et document d’incidence « loi sur l’eau » [23].

1 La conception doit aussi prendre en compte le dérèglement cli-


matique car il peut mettre en danger la durabilité de la voie navi-
gable, en particulier par suite d’évolutions du régime hydrologique
(niveaux de crue exhaussés ou étiages plus prononcés).

2.2 Types d’aménagement

2.2.1 Matériel de navigation


Figure 2 – Convoi poussé et automoteur sur le Rhône (source : CNR ©
C. Moirenc) Dans les voies navigables intérieures, on distingue essentielle-
ment les bateaux automoteurs et les barges qui doivent être pro-
pulsées par un pousseur. Ces bateaux sont répartis en classes qui
utilisée comme vecteur d’eau pour l’industrie, pour l’agriculture, représentent l’état de la flotte d’un pays ou d’un ensemble de
pour l’alimentation en eau et pour l’assainissement et elle consti- pays.
tue souvent un milieu touristique agréable qui permet aux plaisan-
ciers de se livrer à leur sport et aux touristes de découvrir des En Europe, la résolution 92/2 de la Conférence européenne des
régions intéressantes à bord de bateaux de croisière aménagés en ministres des Transports (CEMT) a défini en 1992, à la suite de la
hôtels flottants. proposition du comité technique permanent de l’Association mon-
diale pour des Infrastructures de transport maritimes et fluviales
Cela explique pourquoi, parmi ses dix objectifs pour un système
(AIPCN), le système de classification européen qui doit à l’heure
de transport compétitif et économe en ressources, l’Union euro-
actuelle être la base des règlementations de conception de chaque
péenne vise à transférer une bonne partie du fret circulant sur des
pays. Il comprend sept classes de bateaux, comme le montre le
distances supérieures à 300 km vers les modes de transport plus
tableau 1.
économes en énergie que sont le chemin de fer et la navigation
intérieure [26]. La résolution de la CEMT recommande d’utiliser la classe Vb
pour moderniser ou créer une voie navigable d’importance inter-
nationale.
À retenir
Depuis la mise en vigueur de cette classification, on a constaté
– Dans l’Union européenne, la longueur des voies navi- que le tonnage des bateaux augmentait de 1 % à 1,5 % par an sous
gables atteint 42 000 km. l’effet de la concurrence entre les modes de transport [12].
– Elles transportent 6 % du total des transports par voie ter- L’importance croissante du transport de conteneurs a aussi
restre de l’Union européenne. conduit à agrandir la dimension des bateaux circulant sur les tron-
– Le transport fluvial s’opère le plus souvent dans un cadre çons sans écluses des grands fleuves comme le Danube et le Rhin
intermodal. ou sur les canaux d’accès aux ports maritimes.
– La voie navigable joue un rôle de premier plan pour le
Corrélativement, la puissance de la motorisation des bateaux a
transport de marchandises en vrac ; elle a un rôle croissant
augmenté et leur manœuvrabilité s’est améliorée à faible vitesse,
pour le transport de conteneurs.
notamment par l’introduction de propulseurs d’étrave et de gou-
– Le transport massifié par voie navigable est le plus éco-
vernails sophistiqués [12].
nome en énergie.

2.2.2 Réglementations techniques


2. Conception d’une voie Les caractéristiques géométriques minimales à adopter pour le
navigable chenal navigable et les écluses des voies navigables de chaque
classe sont définies par des règlementations techniques propres à
chaque pays.
2.1 Principes de conception
En France, elles sont définies par la circulaire 76-38 du 1er mars
Comme tout projet d’ampleur, un projet de voie navigable doit 1976, modifiée par la circulaire 95-86 du 6 novembre 1995 en ce
être conçu en suivant des démarches transversales : qui concerne la hauteur libre sous les ponts franchissant une voie
navigable (tableau 2).
– optimisation logistique de la navigation ;
– démarche qualité ; Il est admis que cette règlementation doit être adaptée. Par
– démarche sécurité ; exemple, dans le référentiel technique du projet en cours du canal
– démarche d’optimisation de l’exploitation et de la Seine-Nord - Europe, au gabarit Vb, les prescriptions pour le tracé
maintenance ; en plan du chenal font référence à la règlementation technique
– démarche écoconception, environnement et développement néerlandaise, plus récente (2011) ; les courbes du chenal et les
durable ; dimensions de sas d’écluses sont plus grandes  : 195 m de lon-
– démarche d’intégration au territoire. gueur utile et 12,5 m de largeur [48].

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Tableau 1 – Classification des voies navigables (CEMT 1992)


Automoteurs et chalands Convois poussés Hauteur
mini-
Type Classes
male
de voie de voies Longueur Largeur Tirant Tirant
Tonnage Longueur Largeur Tonnage sous les
navigable navigables Dénomination max max d’eau Dénomination d’eau
[m] [m] [m]
[t] [m] [m] [t] ponts
[m]

1
[m]

I Péniche 38,50 5,05 1,80-2,20 250 à 4,00


D’intérêt régional

400

II Kast 50 à 55 6,6 2,50 400 à 4,00 à


Campinois 650 5,00

III Gustav 67 à 80 8,2 2,50 650 à 4,00 à


Koenigs 1 000 5,00

IV Johann 80 à 85 9,5 2,50 1 000 à 1 barge E I 85 9,5 2,50 - 1 250 à 5,25 ou
Welker 1 500 2,80 1 450 7,00

Va Grands 95 à 110 11,4 2,50-2,80 1 500 à 1 barge E II 95 à 110 11,4 2,50 - 1 600 à 5,25 ou
Rhénans 3 000 4,50 3 000 7,00 ou
9,10

Vb 2 barges E II 172 à 185 11,4 2,50 à 3 200 à 5,25 ou


1×2 4,50 6 000 7,00 ou
D’intérêt international

9,10

VIa 2 barges E II 95 à 110 22,8 2,50 à 3 200 à 7,00 ou


2×1 4,50 6 000 9,10

VIb 140 15,0 3,90 4 barges E II 185 à 195 22,8 2,50 à 6 400 à 7,00 ou
2×2 4,50  12 000 9,10

VIc 6 barges E II 270 à 280 22,8 2,50 à 9 600 à


2×3 4,50 18 000
9,10
6 barges E II 195 à 200 33,0 à 2,50 à 9 600 à
3×2 34,2 4,50 18 000

VII 9 barges E II 285 33,0 à 2,50 à 14 500 à 9,10


3×3 34,2 4,50 27 000

Tableau 2 – Caractéristiques des voies navigables à adopter pour les projets (extrait)
Rectangle de naviga-
Tracé en plan : courbes Écluses Ponts
tion minimal

Section Ouverture libre


Surlargeur R mouillée Pour une passe
Classe Rayon Rayon
représente normale Longueur Largeur Hauteur navigable à double
minimal minimal Largeur Profondeur Mouillage
le rayon réel [m] utile utile libre sens
normal réduit [m] [m] [m]
de la courbe [m] [m] [m]
[m] [m]
[m] normale minimale
[m] [m]

I 400 250 800/R 16 2,70 ou 62 ou 40 6,00 3,00 ou 3,70 34 25


3,00 72 3,30

III 700 450 3 600/R 18 2,70 ou 72 ou 92 6,00 3,00 ou 4,10 39 30


3,00 82 3,30

IV 800 500 5 500/R 36 3,50 ou 170 ou 110 12,00 3,50 ou 5,25 45 36


4,00 200 4,50

V 1 000 750 16 000/R 36 3,50 170 185 12,00 3,50 7,00 45 36

VI 1 000 750 16 000/R 38 4,00 200 185 12,00 4,50 7,00 47 38

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2.2.3 Choix de la classe d’une nouvelle voie En général, ces techniques sont difficiles à mettre en œuvre et
navigable exigent des dragages d’entretien non négligeables [TRP 5 005].
Elles sont en revanche peu onéreuses en investissement.
Le choix de la classe d’une nouvelle voie navigable dépend de Les caractéristiques minimales des voies d’eau aménagées à
différents facteurs : courant libre peuvent être momentanément accrues, en période
– le trafic attendu, qui peut résulter, pour les grands projets, d’étiage accusé, par une augmentation artificielle du débit, si l’on
d’une étude économique ; dispose en amont d’un barrage réservoir.
– la rentabilité de l’investissement (comparaison coût –

1
Les cours inférieurs des grands fleuves en zone intertropicale,
avantage) ;
bénéficiant de débits soutenus en toutes saisons, peuvent être
– la topographie ; navigables sans aménagement important, si ce n’est le balisage du
– la classe des voies navigables auxquelles se raccorde la nou- chenal et des dragages localisés. C’est le cas par exemple du
velle infrastructure, notamment la taille des écluses s’il y en a ; fleuve Rouge au Vietnam [44].
– l’impact sur l’environnement.
Tous ces facteurs permettent de définir le bateau ou l’unité flu-
2.2.5 Aménagement par création de retenue
viale de projet, dont découleront les caractéristiques géométriques
à adopter : tracé en plan et profils en travers du chenal, hauteur
en rivière
libre sous les ponts, dimensions des écluses ou autres ouvrages Ce procédé consiste à relever le niveau des lignes d’eau de la
de franchissement. rivière en construisant des barrages à bouchure mobile, dits de
navigation. Ces ouvrages créent localement des dénivelées qu’il
2.2.4 Aménagement à courant libre faut pouvoir franchir. Il est donc, dans ce cas, nécessaire
d’adjoindre au barrage un ouvrage de franchissement (écluse,
Pour rendre un cours d’eau navigable, il faut presque toujours ascenseur).
augmenter les profondeurs à l’étiage et adapter le tracé et la lar- La surélévation des lignes d’eau ne doit pas créer de dommages
geur du lit aux impératifs de la navigation. aux riverains. Il faut donc, dès que le relèvement est un peu impor-
Il est nécessaire pour cela d’avoir une bonne connaissance de la tant, protéger par des digues les terrains agricoles ou les habita-
morphologie fluviale et de sa dynamique. tions situées en bordure de la retenue, et assurer l’écoulement des
eaux pluviales par des moyens appropriés (contre-canaux de drai-
Les lois qui régissent l’évolution morphologique d’un cours
nage, stations de relevage...).
d’eau sont complexes et nécessitent des observations sur une
longue période : relevés hydrographiques, mesures du transport En outre, les ouvrages construits doivent laisser passer les
sédimentaire, détermination de la nature des matériaux constitutifs débits de crue sans aggraver les niveaux naturels. Cela conduit la
du lit mineur, mesures hydrométriques. plupart du temps à prévoir des barrages dont l’effet s’atténue
lorsque le débit augmente, c’est-à-dire des barrages à bouchure
Elles permettent de définir, à partir du débit, de la pente et de la
mobile (voir § 3.3).
nature des fonds, la longueur d’onde et les rayons de courbure du
chenal. Toutefois, elles ne suffisent pas à s’assurer de la stabilité Différents types d’aménagement sont possibles suivant que les
des fonds et doivent être généralement complétées par des études ouvrages de bouchure et de navigation sont implantés côte-à-côte
sur modèle réduit en fond mobile. ou non, sur la rivière elle-même ou sur un canal de dérivation. On
distingue :
L’aménagement à courant libre consiste à créer un chenal dont
le maintien est assuré par le pouvoir érosif de la rivière. Pour cela, – les aménagements sans dérivation pour lesquels le barrage et
il faut approfondir le lit existant, concentrer le débit dans le chenal l’ouvrage de franchissement sont implantés sur la rivière elle-
à l’aide d’épis plongeants et de digues basses et fermer les bras même ou à proximité (Saône ou Mékong [32]) ;
secondaires par des seuils submersibles en hautes eaux. – les aménagements avec dérivation où le barrage reste sur ou à
proximité de la rivière, l’ouvrage de franchissement étant construit
Une autre technique consiste à guider les courants à l’aide de sur une dérivation plus ou moins longue (Rhône) ;
panneaux (en béton ou même en bois dans certains pays) accro- – les aménagements avec canal latéral où un seul barrage per-
chés à des pieux métalliques ou en bois. Cette méthode dite des met d’alimenter un canal de grande longueur sur lequel se trouve
panneaux de fond a été employée en Afrique et dans les années en général plusieurs ouvrages de franchissement successifs (grand
1970 sur le Petit Rhône en aval d’Arles. Cette technique convient canal d’Alsace).
pour des fonds sableux ou limoneux alors que la précédente
s’applique mieux aux fonds de sables, graviers et galets. La création de retenue permet souvent de prendre en compte,
lors de la réalisation de l’aménagement, des objectifs autres que la
Un tel aménagement n’est possible que si le débit d’étiage de la navigation tels que :
rivière est supérieur au débit qui correspond à la section minimale
nécessaire à la navigation et si la pente n’est pas trop forte. De – la production d’énergie puisqu’une chute est créée par le
plus cette concentration du débit dans une section réduite aug- barrage ;
mente les vitesses et donc le pouvoir d’érosion du cours d’eau, ce – la protection contre les crues ;
qui peut provoquer des instabilités surtout si le tracé du chenal est – la fourniture d’eau pour des usages agricoles ou industriels ;
plus court que celui du lit initial (augmentation de la pente et donc – la création de zones de loisirs orientées vers des activités nau-
de l’action érosive). tiques et aquatiques.
La technique d’aménagement à courant libre convient pour les L’aménagement devient alors un aménagement à buts multiples
rivières à gros débit d’étiage (plusieurs centaines de mètres cube et la création de la voie navigable devient une opération complète
par seconde) et à faible pente (quelques décimètre par kilomètre). d’aménagement du territoire [41].
Elle rencontre cependant des limites et ne permet généralement
pas de garantir le tirant d’eau important que nécessitent les 2.2.6 Canaux artificiels
bateaux modernes. Par exemple, dans le cas du Rhône, où l’étiage
atteint 300 m3/s, elle n’a pas permis de dépasser 2 m de tirant Ce type d’aménagement est utilisé pour réunir deux vallées
d’eau pour cet étiage et un aménagement global par création de entre elles (exemple du canal Main-Danube, en Allemagne et du
retenues a été réalisé. De nos jours, le Rhin et le Danube, dans projet de canal Seine-Nord - Europe entre le bassin de la Seine et
leurs parties aménagées à courant libre, connaissent certaines celui de l’Escaut) grâce à un « escalier d’eau » constitué de plu-
années des périodes de basses eaux prolongées [14]. sieurs biefs avec ouvrages de franchissement. Le principal

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Dimensionnement logistique
d’un site
par ETDE Logistique Service, Conseil et Ingénierie
1
1. Généralités sur le dimensionnement logistique .............................. AG 5 125 - 2
1.1 Définition ...................................................................................................... — 2
1.2 Objectifs d’un dimensionnement ............................................................... — 2
1.3 Positionnement de l’étude dans le temps.................................................. — 2
1.4 Principes de modélisation, de calcul .......................................................... — 2
1.5 Équipe projet ............................................................................................... — 3
2. Méthodologie............................................................................................. — 5
3. Description des différentes phases .................................................... — 5
3.1 Lancement du projet, définition des objectifs ........................................... — 5
3.2 Collecte des données................................................................................... — 6
3.3 Premier modèle macro, définition des équipements structurants .......... — 6
3.4 Réflexion sur les process et procédures .................................................... — 7
3.5 Formalisation des hypothèses d’étude ...................................................... — 7
3.6 Réalisation du modèle statique de dimensionnement ............................. — 8
3.7 Analyse des résultats................................................................................... — 10
3.8 Dossier de synthèse..................................................................................... — 10
4. Étude de cas DHL ..................................................................................... — 10
4.1 Objectifs, contexte ....................................................................................... — 10
4.2 Organisation de l’étude ............................................................................... — 11
4.3 Modèle informatique ................................................................................... — 12
4.4 Difficultés rencontrées ................................................................................. — 12
5. Limites et pièges du dimensionnement logistique ......................... — 13
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. AG 5 125

e dimensionnement logistique est utilisé par les industriels et prestataires ou


L opérateurs logistiques en phase d’avant-projet sommaire et détaillé en vue de
déterminer les besoins d’un futur système. Il se situe au niveau de la planification
stratégique concernant les équipements structurants et au niveau de la planifica-
tion tactique pour les équipements périphériques et besoins de ressources.
Il n’existe pas à ce jour de méthodologie ou de concept normé : certaines
entreprises, fortes de leurs expériences, se sont constitué des référentiels et
certaines écoles d’ingénieurs ou de logistique/transport dispensent des cours
sur le dimensionnement et la simulation de flux. Depuis quelques années, les
logiciels de simulation sont devenus plus simples d’utilisation et les entre-
prises y ont de plus en plus souvent recours.
L’intérêt de cet article est d’apporter au lecteur les bases méthodologiques et
pratiques pour mener à bien une étude de dimensionnement logistique par la
simulation statique.
Tout d’abord, nous traiterons de généralités sur le dimensionnement, afin de
situer l’étude dans le projet de l’entreprise et de comprendre les tenants et
aboutissants.
La deuxième partie présente la démarche dans son ensemble.
La troisième partie développe la méthodologie pratique de mise en œuvre
Parution : octobre 2008

pour dimensionner un site ou un chantier spécifique.


Un cas concret vous sera présenté en quatrième partie.

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29
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AG5125

DIMENSIONNEMENT LOGISTIQUE D’UN SITE _____________________________________________________________________________________________

1. Généralités Tableau 1 – Résumé des trois cas de lancement


d’une étude de dimensionnement
sur le dimensionnement
Terrain acquis
logistique Terrain non trouvé
ou non cherché
ou en cours
d’acquisition
1.1 Définition Bâtiment non

1 Le dimensionnement est le fait de calculer les dimensions


normales ou optimales d’une chose. Le dimensionnement logisti-
construit ou
à reconstruire
Cas no 1 Cas no 2

que s’applique principalement aux sites industriels et plates- Bâtiment à rénover


Cas no 3
formes logistiques. ou aménager
Une étude de dimensionnement est une étude de flux quantita-
tive permettant de chiffrer les besoins d’une exploitation non exis-
tante telle qu’on souhaite la modifier. 1.4 Principes de modélisation, de calcul
Le dimensionnement se base principalement sur un nombre
d’objets, les activités de manutention et de production, les caracté- Il existe trois principaux outils liés au dimensionnement : le chif-
ristiques techniques des équipements, les cadences des personnels. frage global, la simulation statique et la simulation dynamique.

1.2 Objectifs d’un dimensionnement 1.4.1 Méthode du chiffrage global

Le premier objectif d’un dimensionnement est d’aider à la défini- Lorsqu’une entreprise a suffisamment de recul vis-à-vis de son
tion de l’organisation et de déterminer au plus juste : équipements, activité, elle dispose en général d’un référentiel d’organisation. Ce
surfaces et effectifs d’exploitation. référentiel contient les principes d’organisation, ainsi que les
notions permettant de réaliser un chiffrage global. Il peut s’agir
Le deuxième objectif est de déterminer la souplesse de l’organi- de : cadences, temps de traitement, surfaces types, ratios tels que
sation dimensionnée au regard des besoins préalablement définis le nombre d’objets à traiter, le nombre de machines, etc.
dans la stratégie. Ce retour d’informations vers la direction peut
entraîner des modifications des orientations stratégiques initiales Ces données résultent de la compilation d’analyses des services
ayant fait office d’hypothèses de dimensionnement. « méthodes/process » réalisées sur la base de chronométrages, de
comparaisons entre sites ayant les mêmes fonctions et/ou d’étu-
des sur un poste de travail.
1.3 Positionnement de l’étude
dans le temps Exemple : les prestataires de messagerie dimensionnent les
agences de distribution avec des « rapports tonnages », c’est-à-dire
L’étude de dimensionnement doit être lancée le plus tôt possible
que pour x tonnes à traiter, le chantier de préparation doit avoir une
dès lors que la décision stratégique de la direction est de restructu-
surface de x m2. Le ratio n’est pas constant pour chaque entreprise,
rer les sites de production et/ou logistiques. Il existe trois cas de
car il est fonction de nombreux paramètres, tels que le poids moyen
figure où le dimensionnement logistique intervient :
des colis, les écarts-types volumétrie et poids... Cependant, leur
1. Le positionnement du futur site est choisi, mais la recherche méthode tend à évoluer vers les méthodes de simulation expliquées
immobilière n’a pas commencé. Le dimensionnement logistique a ci-après, avec la parcellisation croissante de leurs envois.
pour objectif principal de définir la surface du hall d’exploitation
afin d’orienter la recherche immobilière. La recherche immobilière,
Le chiffrage global permet de dimensionner rapidement un éta-
une fois aboutie, nous amènera au cas 2 ou 3, et le dimension-
blissement ou un chantier. Il est utilisé principalement dans deux
nement logistique pourra être terminé.
cas de figure :
2. Le terrain est acquis, vierge ou avec un bâtiment à détruire. Le
choix du terrain a été réalisé sur la base du schéma directeur et – l’entreprise ne veut ou ne peut pas optimiser ses process ni
d’une estimation de la surface basée sur l’actuel ou un référentiel. moderniser ses techniques ou son outil de production ;
Le dimensionnement logistique permettra d’affiner le besoin en – lors de la conception de plusieurs sites ayant la même voca-
surfaces, d’optimiser la circulation des flux et de dimensionner les tion (projet de refonte du schéma directeur), le premier site sera
équipements périphériques et effectifs. dimensionné par une des méthodes expliquées ci-après et fera
3. Le choix du hall d’exploitation est arrêté, il s’agit d’un hall existant office de référence pour les autres.
dont l’activité va être restructurée, ou d’une acquisition ou d’une
location en vue, suite à l’étude schéma directeur. L’objectif principal
du dimensionnement sera alors de vérifier la surface choisie. On appelle chantier tout endroit où se passe une action
Un résumé de ces trois cas est présenté tableau 1. majeure sur le flux : déchargement, atelier de production,
zone de conditionnement, ouverture de sac, tri de palette, etc.
Nous n’abordons pas dans ce type d’étude les aspects ressources
humaines, communication et conduite du changement, mais ils doi-
vent être menés en parallèle au projet industriel. Des échanges ont
lieu entre les groupes de travail au travers du comité de pilotage. L’utilisation d’un référentiel d’organisation pour la conception
Sur la figure 1 représentant un planning type de projet de présente les risques suivants :
conception d’un site industriel, le délai d’un dimensionnement – obsolescence des ratios ;
paraît relativement long, même s’il représente seulement 1/9e du
délai global du projet. Le développement du modèle informatique – évolution des techniques et des outils de production ;
est relativement court par rapport aux étapes de formalisation, – divergence de culture entre pays, source de pratiques différen-
réflexion, analyse de données existantes qui sont source ciées non référencées. La référence est souvent établie sur le pays
d’échanges. fondateur de l’entreprise.

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AG5125

_____________________________________________________________________________________________ DIMENSIONNEMENT LOGISTIQUE D’UN SITE

Année x Année x + 1 Année x + 2


M1 M2 M3 M4 M5 M6 M7 M8 M9 M10 M11 M12 M1 M2 M3 M4 M5 M6 M7 M8 M9 M10 M11 M12 M1 M2 M3 M4 M5 M6 M7 M8
0 Etude Schéma Directeur
1 Avant-projet sommaire (APS)
Collecte des données de dimensionnement
Schématisation d'organisations existantes
Étude macro des flux, choix des équipements structurants
1er dessin du hall d'exploitation
Optimisation process, fiches process

1
Réalisation du modèle de dimensionnement
Plan d'implantation générale
Comparaison, choix d'un scénario d'organisation
Déclaration de travaux
2 Consultation des fournisseurs (DCE*)
Spécifications Techniques générales et Fonctionnelles
Plans détaillés
Rédaction des cahiers des charges
Envoi de l'appel d'offre
Analyse des offres
Choix des fournisseurs
3 Avant-projet détaillé (APD)
Modélisations complémentaires de l'industriels
Suivi des études et validations des APD fournisseurs
Planification des travaux et des contrôles des organismes
Elaboration des procédures de recettes
4 Suivi des travaux (CGT*)
Suivi de fabrication des matériels
Suivi des travaux de préparation du site
Suivi des travaux d'installation
Certification CE (Communauté européenne)
5 Réception (RDT*)
Tests d'intégration
Vérification des documentations finales
6 Montée en charge

Légende
*DCE : dossier de consultation des entreprises Réunions de travail
CGT : contrôle général des travaux Comités de pilotage Mise à disposition du bâtiment
RDT : réception et décompte des travaux Validation APD fournisseurs Démarrage de la garantie

Figure 1 – Planning type du projet de conception d’un site industriel, cas no 3, aspect production

1.4.2 Principes communs à la simulation Exemple : pour illustrer le principe, prenons un exemple simpliste :
la mise en stock dans un entrepôt quelconque. Nous savons que la
cadence de mise en stock est de 200 colis par heure et par
personne soit 50 colis tous les quart d’heure. Les standards du réfé-
Définition de la simulation rentiel en matière de zone d’en-cours indiquent une capacité de 80
colis. La partie déchargement a déjà été modélisée et nous avons la
La simulation est un procédé qui a pour vocation de repro- courbe des produits déchargés (colonne 1 de la figure 1). Il s’agit de
duire la réalité par la décomposition d’un système complexe savoir, ici, si un opérateur est capable de mettre en stock tous les
en une succession de phénomènes simples. Pour dimension- produits sans saturer la zone des en-cours.
ner, on va chercher à représenter chaque poste de travail, Nous voyons sur le tableau 2 que, le maximum en reste à traiter
chaque étape de traitement, de manutention... dans un est de 68, donc la zone ne sera pas saturée si un seul opérateur met
modèle informatique. en stock.
En modélisation statique, chaque activité est représentée au
Si l’on observe le fonctionnement d’un système dans son minimum par trois colonnes : ce qui arrive, le reste à traiter et ce
ensemble, il est impossible d’en appréhender le moindre change- qui est traité.
ment, ni surtout ses conséquences sur le reste du système.
L’objectif de la simulation est de reproduire un certain nombre
de règles et de phénomènes simples lorsqu’ils sont décrits indivi- 1.4.4 Simulation dynamique
duellement afin de les « faire vivre » ensemble et de reproduire
ainsi la complexité apparente de la réalité. Cette méthode est basée sur l’utilisation de logiciels spéciali-
sés*. Les machines, moyens de manutention, produits, personnels
Le but d’un modèle est également de pouvoir comparer rapide- et tout autre élément y sont réellement représentés, comme on
ment plusieurs solutions sur la base d’hypothèses d’étude. Il est peut le voir sur la figure 2.
important dans un modèle de pouvoir modifier rapidement un
* Une liste de ces logiciels peut être trouvée sur un site Internet (voir en
paramètre et que les résultats en sortie soient également modifiés. [Doc. AG 5 125]).

1.4.3 Simulation statique Les événements se produisent à l’heure précise et les files
d’attentes y sont physiquement représentées.
Cette méthode consiste à reporter les éléments par tranche de
temps : 5, 10, 15 min. Les écarts entre un dimensionnement par
chiffrage global et par simulation statique sont non négligeables 1.5 Équipe projet
et, ce, principalement sur les surfaces. Un chiffrage global ne tient
pas toujours compte des pointes et des creux d’activité. Que l’étude de dimensionnement soit réalisée en interne ou en
Pour développer un modèle statique, on utilise un tableur ou externe, les acteurs du projet ont les mêmes fonctions. Celles-ci
une base de données. sont détaillées dans le tableau 3.

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1

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Référence Internet
TRP5003

Diagnostic et adaptation
des systèmes d’endiguement
par Marc IGIGABEL
1
Ingénieur responsable d’études
Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité
et l’aménagement (Cerema), Plouzané, France

1. Éléments de contexte................................................................................. TRP 5 003 - 3


1.1 Les levées de la Loire.................................................................................. — 3
1.2 Les digues fluviales et maritimes aux Pays-Bas....................................... — 4
1.3 Le cas de la Nouvelle-Orléans.................................................................... — 5
2. Situation des endiguements par rapport aux aléas hydrauliques ......... — 5
2.1 Les aléas d’inondations fluviales et de submersions marines................ — 5
2.2 Les composantes d’un système de protection contre les eaux fluviales
et marines .................................................................................................... — 8
2.3 Éléments de conception des digues.......................................................... — 10
3. Fonctionnement et dysfonctionnements des systèmes
d’endiguement ............................................................................................ — 11
3.1 Interactions réciproques entre les systèmes d’endiguement
et leurs zones d’influence........................................................................... — 11
3.2 Compréhension du mode de fonctionnement normal
et des dysfonctionnements possibles des systèmes d’endiguement .... — 12
3.3 Compréhension du mode de fonctionnement normal et des défail-
lances possibles des digues....................................................................... — 16
4. Méthodologie d’analyse du comportement et de la résilience
d’un système d’endiguement .................................................................... — 18
4.1 Cadrage de l’analyse................................................................................... — 19
4.2 Analyse structurelle des composantes du système d’endiguement ...... — 22
4.3 Méthode d’étude du comportement global et de la résilience
du système .................................................................................................. — 23
4.4 Cartographie des aléas ............................................................................... — 28
4.5 Synthèse et préconisations ........................................................................ — 29
5. Adaptation des systèmes d’endiguement existants ............................... — 29
5.1 Principes d’adaptation ................................................................................ — 29
5.2 Réglementation applicable en France ....................................................... — 33
5.3 Analyses coûts-bénéfices ........................................................................... — 34
5.4 Exemples de réalisations d’adaptations préconisées .............................. — 34
6. Conclusion ................................................................................................... — 38
7. Glossaire ...................................................................................................... — 38
Pour en savoir plus .............................................................................................. Doc. TRP 5 003

ant pour ses besoins vitaux que pour de multiples activités, le bord des
T cours d’eau et le littoral ont toujours constitué pour l’homme des lieux
d’implantation privilégiés. Sur ces territoires, pour se prémunir des inonda-
tions fluviales ou des submersions marines, ont été aménagés des « systèmes
d’endiguement », ensemble organisé de digues, généralement associées à
d’autres structures ou aménagements hydrauliques (murs de protection, struc-
tures de fermeture, dispositifs de rétention, stations de pompage, etc.).
Parution : février 2017

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TRP 5 003 – 1

33
Référence Internet
TRP5003

DIAGNOSTIC ET ADAPTATION DES SYSTÈMES D’ENDIGUEMENT ____________________________________________________________________________

La protection offerte par ces systèmes est néanmoins limitée : lorsque les
phénomènes naturels dépassent une certaine intensité, les ouvrages laissent
passer l’eau, soit par surverse, soit au travers d’une brèche en cas de rupture
accidentelle. Dans un cas comme dans l’autre, il peut en résulter une aggrava-
tion de l’aléa, notamment par une accélération des phénomènes hydrauliques.
L’effet positif de réduction de la fréquence des inondations produit par le
système d’endiguement étant plus immédiatement perceptible que ses effets

1 négatifs potentiels, cela produit souvent une fausse impression de sécurité.


L’aménagement des « systèmes de protection » au fil des siècles a donc
modifié l’expression de l’aléa dans les zones endiguées, mais sans le sup-
primer. En outre, dans une période plus récente, l’exposition des enjeux a
sensiblement augmenté : l’attractivité croissante des bords de mer et de rivière
et surtout, la raréfaction des emprises disponibles sur ces sites ont conduit à
implanter des enjeux vulnérables dans des zones situées à basses altitudes ou
dans des « cuvettes » sujettes à des phénomènes de submersion rapide.
Au-delà de cet état de fait, la maîtrise du risque inondation dans les zones
endiguées se heurte à de multiples incertitudes : les sollicitations hydrauliques,
les évolutions morphologiques du milieu et l’évolution de l’état des ouvrages
ne peuvent être qu’imparfaitement connues.
Le constat que nous pouvons dresser est donc double : d’une part une aug-
mentation de la vulnérabilité par une concentration des enjeux sur les sites
exposés à un aléa fort et d’autre part une protection dont le principe est équi-
voque (puisque dans certains cas, l’aléa peut être aggravé) et dont la
performance est soumise à de multiples incertitudes.
Il apparaît donc nécessaire d’améliorer la sécurité des systèmes d’endigue-
ment par :
– la compréhension du fonctionnement et des risques de défaillance de ces
systèmes ;
– l’évaluation régulière de leurs performances et des risques résiduels en
lien avec les phénomènes naturels identifiés ;
– la réalisation des travaux de maintenance, de confortement ou d’adapta-
tion nécessaires à l’atteinte des performances recherchées.
Après avoir apporté quelques éléments fondamentaux de connaissance,
notamment par une mise en perspective historique, le présent article traite du
diagnostic et de l’analyse de risque des systèmes d’endiguement, démarche
essentielle pour éclairer les prises de décision en matière de gestion ou d’inter-
vention. Des recommandations techniques sont ensuite apportées pour
l’adaptation de ces systèmes, en relation avec des considérations réglemen-
taires (réglementation française) et économiques.
Si le cas de la révision complète d’un système d’endiguement est présenté,
par contre, le cas de son aménagement ex nihilo avec l’implantation de nou-
veaux enjeux n’est pas traité. (Ce dernier cas impliquerait a priori un
accroissement de l’exposition à l’aléa, donc une augmentation non acceptable
du risque.)
Signalons enfin que la gestion des risques d’inondation sur un site s’effectue
par la mise en œuvre d’un ensemble de mesures cohérentes destinées à réduire
ces risques. (Sur les principes de prévention des risques naturels majeurs et sur
la réglementation qui en découle, se référer à [TBA250]. Sur les plans et
méthodes de prévision et de prévention du risque inondation, se référer à
[TBA251].) Nous n’aborderons ici la gestion du risque inondation que sous l’angle
des structures influant la propagation des eaux. Mais il convient de rappeler que
ce dispositif doit être complété par des actions de prévision des événements
naturels à l’origine des inondations et par d’autres mesures destinées à réduire la
vulnérabilité des enjeux, notamment humains (urbanisation contrainte par un
plan de prévention des risques, gestion de crise au travers d’un plan d’urgence
prévoyant le cas échéant des refuges ou une évacuation de la population…). Sur
le thème des systèmes d’alerte précoce pour les inondations soudaines (crues
éclair), l’article [P4225] pourra être consulté en complément.

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TRP 5 003 – 2

34
Référence Internet
TRP5003

_____________________________________________________________________________ DIAGNOSTIC ET ADAPTATION DES SYSTÈMES D’ENDIGUEMENT

1. Éléments de contexte VIIIe siècle (ordonnance de Charlemagne de 779) [1]. Elles ont été
initialement construites pour l’assèchement des marais, puis ont
permis le développement de l’agriculture et enfin, et très récem-
Pour bien appréhender la diversité des systèmes d’endigue- ment (XIXe et XXe siècles), ont pris le statut de digues de protec-
ment, quelques exemples significatifs des cas français, américain tion contre les inondations.
et hollandais sont présentés sous la forme de brefs historiques.
Ces exemples permettront de mieux comprendre les situations Aujourd’hui, la Loire moyenne compte environ 600 km de
auxquelles nous sommes désormais confrontés. digues délimitant une trentaine de zones protégées constituant les

1.1 Les levées de la Loire


« vals ». La forme actuelle de la levée et sa structure hétérogène
(figure 2) sont le résultat d’une série de rehaussements et de
reconstructions successifs réalisés après les crues qui ont marqué
1
l’histoire des bords de Loire.
Les levées de la Loire (figure 1) sont des ouvrages très anciens
puisque les premières références historiques remontent au

Figure 1 – Levée de la Loire à l’étiage à Sigloy (Nicolas Auger, DREAL Centre)

Côté
9 m 1922 Loire
Côté
8
Val Niveau de la crue de 1856
7
6 1784
1846-56
5
1573
4
3
2
1 Niveau d’étiage
0

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 m

Figure 2 – Exemple d’évolution depuis le XVIe siècle d’un profil de levée de Loire (Dion – 1934)

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TRP 5 003 – 3

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TRP5003

DIAGNOSTIC ET ADAPTATION DES SYSTÈMES D’ENDIGUEMENT ____________________________________________________________________________

1.2 Les digues fluviales et maritimes ravagées par les vers marins importés des expéditions en Amérique.
Des revêtements de pierres ajustées ont alors été adoptés. À
aux Pays-Bas l’époque, ces matériaux étant importés sur de longues distances, des
La gestion de l’eau par les digues, les canaux et les lacs a pierres ajustées étaient plus économiques que des enrochements
façonné le territoire des Pays-Bas [2] depuis le Moyen Âge. malgré les coûts de main d’œuvre. Aujourd’hui des enrochements ou
des revêtements en béton ou en asphalte sont couramment utilisés.
Dans les terres, ces digues peuvent être disposées sur plusieurs
rangs, celles de plus hautes altitudes étant les plus éloignées des La gestion des inondations et leur prévention est au Pays-Bas

1
fleuves, en protection rapprochée des enjeux. Les sols étant de une préoccupation historique nationale qui a motivé dès 1798 la
faible portance, dès leur création, les digues servaient non seule- fondation de la Rijkswaterstaat (Administration royale de l’Eau).
ment de protection contre les inondations mais également de Cette agence du ministère de l’Équipement et de l’Environnement
routes. Des bâtiments étaient souvent construits en bordure des Pays-Bas assure en particulier l’aménagement et l’entretien
immédiate des digues (figure 3a). Lors des opérations de rehaus- des digues et des dunes. À la suite de la tempête catastrophique
sement des digues, cette situation imposa une intervention « côté ayant entraîné des submersions littorales historiques en 1953, le
eau », en raidissant le talus extérieur. projet phare de cette agence fut le Plan Delta, considéré comme le
Sur le littoral, l’aménagement des digues suivit une autre logique : plus grand système de défense contre les eaux au monde. Les tra-
la protection contre l’attaque des vagues imposa l’adoption d’une vaux liés au plan Delta se sont déroulés sur une période d’environ
pente faible côté mer (figure 3b). La forme des digues maritimes est 40 ans et ont nécessité le développement de techniques nouvelles
donc très différente de celle des digues fluviales. Par ailleurs, les revê- d’ingénierie, principalement pour deux des barrages constituant le
tements extérieurs ont beaucoup évolué au cours des siècles : les système de défense, l’Oosterscheldekering et le Maeslantkering
palissades en bois étaient initialement utilisées, mais elles ont été (figure 4).

a digue fluviale b digue littorale

Figure 3 – Digues fluviale et littorale (Bart van Eyck, Rijkswaterstaat, Henk van Hemert, STOWA)

Figure 4 – L’Oosterscheldekering par temps de tempête (Rens Jacobs) et le Maeslantkering vu du nord (Eszter Simonfi)

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TRP 5 003 – 4

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TRP5003

_____________________________________________________________________________ DIAGNOSTIC ET ADAPTATION DES SYSTÈMES D’ENDIGUEMENT

1.3 Le cas de la Nouvelle-Orléans 2. Situation des


La Nouvelle-Orléans est entourée par le lac Pontchartrain, le lac endiguements par rapport
Borgne et le Mississippi, non loin de son embouchure dans le
Golfe du Mexique (figure 5).
aux aléas hydrauliques
La figure 6 montre la situation topographique particulière de la Avant de s’intéresser aux endiguements, et plus particulièrement

1
ville par rapport à son système d’endiguement : une large partie aux ouvrages qui les composent, il est nécessaire d’identifier au pré-
se situe en deçà du niveau moyen du Mississippi. alable les aléas contre lesquels on souhaite se prémunir.
Cette situation expose la Nouvelle-Orléans, non seulement à
l’accumulation des eaux de ruissellement issues des précipitations,
aux crues du Mississippi mais aussi et surtout aux ouragans qui se
2.1 Les aléas d’inondations fluviales
forment dans le Golfe du Mexique. Son système de protection est et de submersions marines
composé d’un vaste ensemble de digues, de murs anti-tempête et
de stations de pompage édifiés au fil du temps sur plusieurs L’aléa inondation résulte d’un phénomène météorologique (pluie
décennies [3]. ou tempête) et se caractérise par une remontée du niveau d’eau en
surface ou par une remontée de la nappe phréatique. Ces phéno-
mènes hydrauliques sont généralement accompagnés de modifica-
tions morphologiques (mise en suspension, charriage, dépôt de
sédiments…). Selon le site considéré, les scénarios d’inondation
peuvent varier très sensiblement. Chaque inondation est donc un
cas particulier que ce soit dans ses causes, dans son déroulement
M
iss ou dans ses conséquences. L’expression de l’aléa généré par une
iss
ip
pi
Lac Pontchartrain inondation n’est pas uniforme et constant mais varie au cours d’un
événement à la fois dans l’espace et dans le temps.
Lac
Borgne Si l’emprise de la surface inondée et les niveaux d’eau atteints sont
des paramètres révélant l’ampleur de l’inondation, il est essentiel de
s’intéresser également à la cinétique des événements puisque les
conséquences des inondations dépendent aussi largement de la
Chandeleur Sound vitesse du courant ou de celle de montée des eaux et de la durée de
l’inondation. Les crues rapides sont plus meurtrières que les crues
lentes car la montée rapide des eaux laisse peu de temps de prépara-
Lac Raccourci tion et de réaction. Les crues lentes néanmoins, par leur durée, aug-
mentent les risques sanitaires (conséquences psychologiques post-
Terrebonne Bay
traumatiques et insalubrité des bâtiments) et perturbent plus forte-
ment l’activité économique comme l’a montré la coupure de l’auto-
Delta route A 10 dans le Loiret au mois de juin 2016 par exemple.
GOLFE DU MEXIQUE du Mississippi
Que la cinétique du phénomène naturel soit lente ou rapide, il
convient d’ajouter qu’en cas de formation d’une brèche dans le
Figure 5 – Situation géographique de la Nouvelle-Orléans système d’endiguement ou, même en l’absence de brèche, en cas
(Le Monde)
de débordement des eaux dans une zone dont la topographie est
en dépression, la montée des eaux dans la zone endiguée peut
être très rapide. Il ne faut donc pas confondre la cinétique du phé-
nomène naturel générateur et la cinétique de l’aléa auquel sont
exposés les enjeux.
La cinétique des phénomènes naturels à l’origine des submer-
Lac sions est sensiblement différente selon que l’on considère :
Pontchartrain B

Depuis Canal St. et les rives – les crues des grands fleuves. Ces crues ont une cinétique qui
du Mississippi au front peut être soit lente soit relativement rapide. La crue de la Seine de
de lac de l’Université 1910, largement due à des pluies abondantes survenant en période
de Nouvelle-Orléans de redoux et ruisselant sur un sol gelé [4], illustre le cas d’une crue
Nouvelle- A
Orléans lente : la montée des eaux s’est faite en une dizaine de jours, tan-
Cloison anti-inondation
Levée
dis que la décrue s’est étalée sur environ 35 jours. Cependant la
le long du Mississippi
30 de protection 30 crue du Rhône en décembre 2003 (crue centennale) a été relative-
anti-ouragan
A 23 pieds ment rapide, notamment sous l’influence de ses affluents cévenols
20 20
18 pieds Project Flowline
Avg Annual Highwater 14 pieds
SPH Design 17.5 pieds B (l’Eyrieux, l’Ardèche et le Gard) : les eaux au niveau du bas Rhône
Elevation 11.5 pieds
10
Crête de Normal Lake Level 1.0 pieds
10 sont montées en 2 jours [5]. La surface inondée par cette crue est
Hauteur en pied

Gentilly visible sur la figure 7. Les volumes de débordement ont principale-


0 0
UNO
Lit
ment transité par quatre brèches (deux situées en rive gauche du
St. Louis Cathedral

t
Po du oral –10 Rhône libérant un volume de 17 millions de mètres cubes et deux
Canal St. at River

–10
Derbigny at I-10

nt
i

ch lac
ipp

situées en rive droite du Petit-Rhône libérant un volume de l’ordre


St. Anthony at

at L.C. Simon

art
Esplanade at

Gentilly Blvd

Wainright Dr

Wainright Dr
UNO Side of
iss

Dillard Univ

rai
Wildair DR

n –20
de 210 millions de mètres cubes) ;
St. Claude
iss

–20
Campus
at Allen
uM

– les crues de nappe (inondations dues pour l’essentiel à une


ed

remontée de la nappe phréatique). Leur cinétique est générale-


Riv

ment très lente. L’inondation dure de quelques jours à plusieurs


Figure 6 – Topographie de la Nouvelle-Orléans (Wikipedia)
mois. La crue de la Somme en 2001 est un exemple de ce type
d’événement. La figure 8 représente les conséquences en surface
d’un niveau piézométrique exceptionnellement élevé ;

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TRP 5 003 – 5

37
Référence Internet
TRP5003

DIAGNOSTIC ET ADAPTATION DES SYSTÈMES D’ENDIGUEMENT ____________________________________________________________________________

Cavaillon

Beaucaire

1
Tarascon
St-Rémy-
NÎMES -de-Provence

Garons

ST-MARTIN-
-DE-CRAU
Vauvert
ARLES
ône

St-Gilles
Le Petit Rh

Aérodrome
d’Istres-le-Tubé
Le
Étang de Gr
Scamandre an
d
Rh
ôn
e

ÉTANG DE VACCARES
Aigues-Mortes

PETITE CAMARGUE
Port-St-Louis-
-du-Rhône

Stes-Maries-
-de-la-Mer

Image acquise par le satellite Spot 4 le 7 décembre 2003 - 20 m de résolution

Figure 7 – Étendue des inondations sur la basse vallée du Rhône et la Camargue (SPOT 4 © CNES 2003, Distribution Airbus Defence and Space)

– les crues des cours d’eau alimentés par un petit bassin versant. voque le dépôt des sédiments. Il peut en résulter un comblement
Leur cinétique est rapide, voire très rapide dans le cas de petits du lit du torrent et par voie de conséquence une divagation impor-
bassins versants soumis à de violents orages (épisodes de plus de tante du cours d’eau. La crue survenue sur le bassin du gave de
400 mm en quelques heures). En France des « crues-éclairs » se Pau dans les Pyrénées le 18 juin 2013 (figure 10) est une illustra-
produisent notamment lorsqu’en automne de grandes masses tion de ce type d’événement ;
d’air chaudes et humides en provenance de la Méditerranée ren- – les inondations par ruissellement pluvial urbain. Ces inonda-
contrent les reliefs froids des Cévennes, ce qui déclenche les « épi- tions apparaissent en cas d’écoulements exceptionnels dans un
sodes cévenols ». Ces crues qui ont des conséquences milieu artificialisé. Si les apports dépassent les capacités du réseau
dramatiques se produisent en moyenne tous les deux ou trois ans. de drainage, l’eau ruisselle dans les rues et s’accumule très rapide-
La figure 9 montre le débordement du Lez à Montpellier le 6 sep- ment dans les points bas, avec un risque d’embâcles de véhicules ;
tembre 2005 ;
– les submersions marines. Ces événements se produisent au
– les crues torrentielles en montagne. Celles-ci sont générale-
passage des tempêtes qui génèrent des états de mer perturbés et
ment provoquées non seulement par des pluies soutenues mais
augmentent le niveau marin par une surcote dépressionnaire :
également par la fonte des neiges qui est accélérée par les précipi-
tations (épisode pluvio-nival). Du fait des fortes pentes, les torrents • sur les littoraux soumis à marées, le cas le plus défavorable
charrient des sédiments de gros calibres en grande quantité. En correspond à la conjonction de la surcote dépressionnaire
pied de montagne, la réduction de la vitesse d’écoulement pro- avec la pleine mer d’une marée de vive-eau. Dans tous les

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TRP 5 003 – 6

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TRP5003

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Figure 8 – Principe de fonctionnement hydrogéologique du bassin versant de la Somme (d’après [6])

Figure 9 – Débordement du Lez, à Montpellier, le 6 septembre 2005


(Wikipedia)
Figure 10 – Changement du lit du Bastan au niveau des thermes de
Barzun lors de la crue du 18 juin 2013 (RTM65)
cas, le pic de l’événement a une durée maximale de l’ordre
de trois heures mais les débordements se produisent généra-
lement sur une durée encore plus courte, autour de l’étale de
haute mer. Comme ces débordements peuvent concerner de dépressionnaire et au déferlement des vagues, ce qui
très longs linéaires, les entrées d’eau peuvent néanmoins implique un épisode de submersion qui peut s’étendre sur
être très importantes (figure 11). De plus, en cas de brèche plusieurs jours en fonction de la durée et des caractéristiques
dans les systèmes d’endiguement, les entrées d’eau se pour- de la tempête.
suivent sur des durées bien supérieures à celle du pic de
marée, Dans les zones soumises à ouragan, les phénomènes météo-
marins peuvent être d’une plus grande intensité. L’encadré ci-
• sur les littoraux non soumis à marée – en France, sur la Médi- après présente sommairement les caractéristiques du cyclone
terranée – la montée des eaux n’est liée qu’à la surcote Katrina et quelques chiffres de son bilan désastreux.

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TRP 5 003 – 7

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TRP5003

DIAGNOSTIC ET ADAPTATION DES SYSTÈMES D’ENDIGUEMENT ____________________________________________________________________________

Figure 11 – Submersion de Port-des-Barques (Charente-Maritime), le


28 février 2010 par la tempête Xynthia (Bruno Landreau, Cerema)

Le cyclone Katrina

Le 29 août 2005, au sud des États-Unis, les côtes de la Loui-


siane ont été frappées par le cyclone de catégorie 5 Katrina
(figure 12), une des tempêtes les plus puissantes qu’a connu
le pays, avec des vents soufflant régulièrement à 257 km/h et
des rafales encore plus fortes.
Figure 12 – Le cyclone Katrina vu de l’espace, le 28 août 2005 (NASA)
Ce cyclone et les submersions qu’il a engendrées ont provo-
qué la mort de 1 245 personnes et des dommages évalués à
108 milliards de dollars.
Le principal site affecté par ce cyclone fut celui de la Nou- 2.2 Les composantes d’un système
velle-Orléans. La figure 13 présente le nombre de victimes et
les dommages recensés sur le système d’endiguement. de protection contre les eaux
Au-delà des victimes et des dommages, cet événement a eu
fluviales et marines
un impact global considérable sur la ville : comptant
343 829 habitants selon le recensement fédéral de 2010, la L’implantation des structures de protection s’effectue sur des
ville a perdu 30 % de sa population après le passage de l’oura- terrains qui se présentent sous des configurations très diverses et
gan d’après le bureau du recensement. qui sont de nature variable. En plus des formations naturelles pré-
existantes (telles que les plages et les dunes sur lesquelles
Les facteurs explicatifs des effets dévastateurs de ce cyclone l’homme peut exercer certaines actions de gestion en accompa-
sont les suivants : gnement des processus naturels), les systèmes d’endiguement
– son intensité et surtout sa trajectoire ; comportent généralement :
– la suppression progressive des îles situées à l’embouchure – des digues (et leurs éventuels déversoirs) ;
du Mississippi qui avaient un effet retardateur des ondes de – des perrés ;
tempête ;
– des murs et ouvrages de soutènement (figure 14).
– les fortes pluies locales qui ont accompagné le cyclone
n’ont pu être évacuées car les pompes submergées n’ont pas En complément, des épis et des brise-lames peuvent être utili-
fonctionné, ce qui a aggravé l’effet des brèches. sés. Ces ouvrages exercent à la fois une action immédiate sur les
vagues et les courants et une action à des échelles de temps
L’ouragan Katrina a par ailleurs accéléré la réalisation d’un variables sur les processus sédimentaires. Les modifications
important programme de protection, le New Orleans Hurri- topo-bathymétriques induites influent également sur les mouve-
cane & Storm Damage Risk Reduction System (NOHSDRRS) ments de l’eau. Ces ouvrages peuvent donc être considérés
d’un coût de 15 milliards de dollars. Ces travaux ont été réali- comme faisant partie intégrante d’un système d’endiguement
sés en trois ans par l’USACE (United States Army Corps of (figure 15).
Engineers) et comprennent notamment :
– une conception rénovée des digues et des murs ; Par ailleurs d’autres équipements interviennent en bordure ou à
l’intérieur de la zone endiguée et participent à la régulation hydrau-
– des barrages bloquant la remontée des eaux dans les
canaux conduisant au lac Pontchartrain ; lique et au bon fonctionnement du système d’endiguement :
– des stations de pompage résilientes en cas de submersion. – les drains ;
– les canaux et fossés ;

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TRP 5 003 – 8

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TRP5003

_____________________________________________________________________________ DIAGNOSTIC ET ADAPTATION DES SYSTÈMES D’ENDIGUEMENT

Figure 13 – Victimes et dommages recensés à la Nouvelle-Orléans après Katrina (Le Monde d’après des éléments de l’USACE)

Figure 15 – Aménagement du littoral de Valras-Plage (DREAL Lan-


guedoc Roussillon)

– les canalisations à section fermée ;


– les vannes, écluses et clapets ;
– les aires de stockage ou d’expansion ;
– les dispositifs de pompage (figure 16).
Dans le domaine fluvial, la protection contre les inondations est,
en outre, favorisée par les barrages écrêteurs, les canaux de déri-
vation ou les ouvrages de ralentissement dynamique. Ces disposi-
Figure 14 – Mur de protection contre les inondations à Saint Louis, tifs agissent sur les caractéristiques des crues, notamment pour
Missouri, États-Unis (USACE)
limiter le pic de crue.

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TRP 5 003 – 9

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1

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Référence Internet
C4631

Ouvrages de protection
contre la houle
1
par Daniel CAMINADE
Ingénieur civil des Ponts et Chaussées. Docteur en Génie civil
Maître de conférences et Responsable de la Maîtrise de Génie civil à l’Université du Havre

1. Études préalables..................................................................................... C 4 631 - 2


1.1 Caractéristiques géotechniques du site..................................................... — 2
1.2 Caractéristiques océanographiques du site .............................................. — 3
1.3 Matériaux disponibles................................................................................. — 4
1.4 Évaluation de la houle de projet................................................................. — 5
1.5 Évaluation des contraintes du projet ......................................................... — 6
2. Digues à talus ........................................................................................... — 7
2.1 Généralités ................................................................................................... — 7
2.2 Conception de la digue ............................................................................... — 8
2.3 Aménagements particuliers........................................................................ — 15
2.4 Modes de réalisation ................................................................................... — 15
2.5 Surveillance. Entretien. Réparations.......................................................... — 17
2.6 Pathologie des digues à talus..................................................................... — 17
2.7 Aménagements particuliers de digues à talus submersibles
ou fortement franchissables ....................................................................... — 18
2.8 Digues à talus en sable ............................................................................... — 19
3. Digues verticales...................................................................................... — 21
3.1 Généralités ................................................................................................... — 21
3.2 Conception de la digue ............................................................................... — 21
3.3 Digues mixtes .............................................................................................. — 22
3.4 Ouvrages peu réfléchissants ...................................................................... — 24
3.5 Modes de réalisation ................................................................................... — 25
3.6 Pathologie des digues verticales................................................................ — 25
4. Quelques ouvrages spéciaux ................................................................ — 26
4.1 Digues verticales perméables ou mur d’eau fixe...................................... — 26
4.2 Plaques minces horizontales ou mur d’eau oscillant ............................... — 27
4.3 Brise-lames flottants.................................................................................... — 27
4.4 Ouvrages de prédéferlement...................................................................... — 27
5. Études sur modèles réduits................................................................... — 27
5.1 Nécessité de telles études........................................................................... — 27
5.2 Comment les suivre ?.................................................................................. — 27
5.3 Leur coût....................................................................................................... — 28
Références bibliographiques ............................................................. — 28

es ouvrages de protection contre la houle sont les ouvrages qui permettent


L de protéger un port ou une partie d’un port (plan d’eau, terre-plein) contre
les actions de la houle (attaque directe, franchissements, submersion, érosion...).
Certains de ces ouvrages peuvent aussi être utilisés pour protéger des
installations ou des ouvrages isolés (prise d’eau, émissaire en mer) ou même
des portions de littoral.
Parution : août 1995

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Référence Internet
C4631

OUVRAGES DE PROTECTION CONTRE LA HOULE ______________________________________________________________________________________________

Ce sont des ouvrages artificiels construits par l’homme, à l’exception des


ouvrages naturels qui peuvent avoir les mêmes fonctions.
Certains de ces ouvrages peuvent être situés à l’intérieur du port ; ils permettent
alors d’améliorer ou de compléter la protection contre la houle : jetées intérieures,
contre-jetées, talus de terre-pleins ou plages d’amortissement.
D’une manière traditionnelle, on peut classer ces ouvrages en :

1 ■ digues ou brise-lames ou jetées qui se subdivisent en :


— digues à talus construites généralement à l’aide d’enrochements naturels
ou artificiels (béton) ;
— digues verticales dont la paroi exposée à la houle peut être ou non
perméable ;
■ ouvrages spéciaux qui sont employés dans des conditions spécifiques. Parmi
ceux-ci, on peut citer :
— le mur d’eau fixe ;
— le mur d’eau oscillant ;
— les brise-lames flottants ;
— les ouvrages de prédéferlement ;
— les tapis d’algues synthétiques ;
— les rideaux de bulles d’air.
Jusqu’à présent, ces deux derniers types d’ouvrage ont un rapport coût
(investissement et exploitation)/efficacité trop défavorable pour être utilisés de
façon étendue.

Notations et symboles 1. Études préalables


Symbole Définition Avant d’entreprendre l’implantation finale et la construction d’un
ouvrage de protection contre la houle, il est nécessaire de bien
d profondeur d’eau devant l’ouvrage connaître les caractéristiques du site ainsi que les ressources locales,
de façon à réaliser un ouvrage qui soit optimisé en fonction des cri-
e épaisseur d’une couche tères fondamentaux que sont :
h hauteur d’eau au-dessus de la berme — la durabilité ;
H creux de la houle — l’efficacité de la protection contre la houle ;
creux moyen du tiers des vagues les plus fortes — le coût de construction ;
H 1/3 — le coût d’entretien.
d’un enregistrement
creux moyen du dixième des vagues les plus En effet, compte tenu du coût très élevé de ce type d’ouvrage, leur
H 1/10 fortes d’un enregistrement durée de vie souhaitable est d’au moins 50 ans, et atteint souvent
plusieurs siècles.
creux moyen du centième des vagues les plus
H 1/100 fortes d’un enregistrement En général, les renseignements recueillis lors de la phase
Hmax creux maximal de la houle préliminaire des études sont suffisants pour pouvoir déterminer
l’implantation du port et les caractéristiques de ses ouvrages
k∆ coefficient de forme principaux de protection contre la houle, mais ils s’avèrent souvent
KD coefficient de stabilité trop partiels pour pouvoir définir et concevoir de façon précise ledit
L longueur d’onde de la houle ouvrage.
Il y a donc lieu, dans la plupart des cas, de recourir à une
Ns nombre de stabilité
campagne de reconnaissance spécifique au site retenu.
T période de la houle
W poids d’un enrochement
α angle d’un talus avec l’horizontale 1.1 Caractéristiques géotechniques du site
masse et poids volumiques des grains
ρs , γ s ou des enrochements (secs) Les reconnaissances géotechniques porteront sur les divers
ρw , γ w masse et poids volumiques de l’eau de mer aspects, exposés ci-après, de façon à utiliser les matériaux dis-
ponibles sur le site ou à proximité immédiate comme fondation ou
comme éléments constitutifs de la digue.

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C4631

_____________________________________________________________________________________________ OUVRAGES DE PROTECTION CONTRE LA HOULE

1.1.1 Fondation de la digue La première, très précise, doit être entreprise à l’emplacement
projeté pour la future digue. Le maillage des points de sonde est
Nota : on se reportera à la rubrique Géotechnique. Mécanique des sols et des bien entendu fonction de la morphologie des lieux. Lorsque le site
roches [C 200] de ce traité. est très accidenté (falaises sous-marines, récifs coraliens, etc.), il
La campagne de reconnaissance devra préciser les caractéris- est souhaitable d’avoir un relevé sur la base d’une maille de 10 m,
tiques des sols à prendre en compte pour le calcul des ouvrages, voire 5 m dans les cas les plus difficiles. Si le site est peu accidenté
non seulement en ce qui concerne la stabilité proprement dite, mais (talus sous-marin en pente douce et régulière), le maillage peut
aussi en ce qui concerne les évolutions à moyen terme (tassements). être plus lâche pour arriver jusqu’à 20 m. Le but de cette campagne
Si l’on envisage un ouvrage sur pieux, on déterminera la force
portante de ceux-ci au moyen de techniques de reconnaissance
appropriées (pressiomètre, pénétromètre dynamique et statique).
est bien entendu de pouvoir réaliser un avant-projet suffisamment
précis, d’estimer correctement les quantités à mettre en œuvre et
enfin d’établir les plans correspondants.
1
Pour un ouvrage plus massif tel qu’une digue à talus, compte tenu La seconde, qui a pour but de pouvoir estimer les caractéris-
du volume important des matériaux mis en œuvre et donc de la sur- tiques de la houle qui viendra frapper l’ouvrage à partir de celles
charge correspondante du sol de fondation, on essayera d’évaluer de la houle au large telles que définies à l’article Mouvements de
les tassements par les diverses méthodes utilisables (œdomètre, la mer [C 4 610] dans ce traité, devra être réalisée sur un espace
pressiomètre). beaucoup plus grand que le précédent, mais avec une maille beau-
coup plus lâche.
Dans les zones soumises à des actions sismiques, on procédera
à une étude particulière permettant d’évaluer le risque de liqué- Cet espace de mesure est en fait fonction de la longueur d’onde
faction du sol, notamment si celui-ci est constitué de sables lâches, de la houle incidente et peut être borné par deux considérations :
de sables silteux ou carbonatés. — la profondeur d qui, si elle est supérieure à la moitié de la
longueur d’onde L de la houle, n’influe pas sur la réfraction de la
houle donc sur la modification de celle-ci ;
1.1.2 Fourniture de matériaux — l’éloignement qui devra être de l’ordre de 30 à 50 longueurs
nécessaires à la construction d’onde, distance suffisante pour prendre en compte les modifica-
tions de la houle à proximité de l’ouvrage.
Une étude particulière des matériaux situés à proximité ainsi que Bien entendu, des variations importantes dans la topographie,
de ceux qui forment le fond de la mer doit être entreprise dans le même éloignées, doivent être reconnues.
but de définir leur aptitude à être utilisés dans l’ouvrage :
Exemple : au large des côtes de Jijel (Algérie), une butte culminant
— les sables comme soubassement de digue à talus, remplissage à (– 30 m) par des fonds de 600 m à quelques miles au large a dû être
en noyau de digue, lest de caissons préfabriqués, agrégat pour les reconnue, compte tenu de l’effet de convergence qu’elle pouvait
bétons ; induire sur l’ouvrage projeté.
— les galets comme soubassement de digue, agrégats pour
béton ;
— les enrochements (§ 1.3.1). 1.2.2 Houles
L’utilisation des matériaux du site permet de réaliser d’impor-
tantes économies, si l’on a pris soin de déterminer dans quelles Une fois connues les houles au large, il s’agit de les « ramener
conditions ces matériaux peuvent être utilisés et notamment les à la côte », c’est-à-dire de caractériser la houle qui viendra frapper
traitements à leur appliquer tels que : lavage, criblage et concassage l’ouvrage.
des agrégats.
À partir des caractéristiques de la houle au large et en utilisant
les méthodes décrites aux articles Mouvements de la mer [C 4 610]
1.1.3 Sédimentologie actuelle et Modèles en hydraulique maritime [C 182], il est possible d’estimer
avec une bonne approximation la houle à prendre en compte pour
Les ouvrages portuaires sont le plus fréquemment installés près le calcul de l’ouvrage.
des côtes, là où le transit littoral est le plus important. De façon à En plus des caractéristiques des houles extrêmes (période Tpic
prévoir l’impact du nouvel ouvrage, il est primordial d’avoir une correspondant au pic d’énergie du spectre et creux significatif Hs),
idée précise de la sédimentologie actuelle (cf. article Ouvrages de il est utile de connaître la durée de la tempête de référence et
protection des côtes [C 4 690] dans ce traité). l’évolution de la période et du creux de la houle pendant celle-ci
Un transport de sédiment de 50 000 m3/an en un point donné pour pouvoir en tenir compte dans l’établissement du projet.
peut être la résultante de deux transports importants et de sens Ainsi, on déterminera pour les conditions normales (CN) et pour
contraire, de 200 000 m3/an et de 250 000 m3/an, et l’implantation les conditions exceptionnelles (CE), par analogie aux règlements
d’un ouvrage interrompra non pas le transport résiduel mais bien aux états limites de service (ELS) et aux états limites ultimes (ELU),
l’ensemble des deux transports. Ces matériaux se déposeront de les caractéristiques des houles à prendre en compte (Tpic , H s ) ainsi
part et d’autre de l’ouvrage et les côtes avoisinantes reculeront par que l’histogramme des tempêtes correspondantes. Bien entendu,
manque d’apport. on tiendra compte de l’effet des autres ouvrages du port.
À l’inverse, si l’on veut implanter une digue dans une zone
érosive, il y aura lieu de prévoir des dispositions constructives
permettant d’en stabiliser le pied. 1.2.3 Vents

L’étude des vents locaux n’est à entreprendre que s’ils sont suscep-
tibles de modifier notablement les caractéristiques de la houle au
1.2 Caractéristiques large ou s’ils peuvent avoir un impact important sur le franchis-
océanographiques du site sement par la houle des ouvrages de protection.

1.2.1 Bathymétrie
1.2.4 Courants
La connaissance précise de la bathymétrie ou topographie sous-
marine est primordiale lors de l’établissement du projet. Une étude particulière est à entreprendre si les courants quels
Il y a lieu de procéder à deux campagnes de reconnaissance qu’ils soient, y compris ceux générés par la houle, sont susceptibles,
dont le but est bien différent. soit de modifier profondément les caractéristiques de la houle, soit,

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OUVRAGES DE PROTECTION CONTRE LA HOULE ______________________________________________________________________________________________

par leur capacité de transport des matériaux, notamment ceux mis En tout état de cause, il est rare que même une excellente
en suspension par la houle, de modifier la sédimentologie le long carrière puisse produire plus de 30 % d’enrochements de catégorie
de l’ouvrage. supérieure à 1 t.
Dans ce dernier cas, il faudra prévoir des dispositifs antiaffouil-
lement en cas d’érosion présumée, ou des mesures destinées à
lutter contre l’engraissement si celui-ci n’est pas souhaité. 1.3.2 Bétons

La construction des ouvrages de protection, dès lors qu’ils sont

1 1.2.5 Niveaux de référence

À partir des données recueillies et des études faites conformément


d’une taille importante, utilise beaucoup de béton :
— non armé pour les blocs artificiels des carapaces des digues
à talus ;
à l’article Principes d’implantation et d’aménagement des ports — armé par les caissons des digues verticales.
[C 4 630], il est possible de déterminer pour les conditions normales Il s’agit donc de produire en grande quantité un béton de bonne
(CN) et les conditions exceptionnelles (CE) les niveaux d’eau à qualité lui permettant de résister à l’eau de mer. Certaines règles
prendre en compte : méritent d’être rappelées ici.
niveau de référence haut NRH
niveau de référence bas NRB ■ Il est nécessaire d’utiliser un ciment prise mer ou en ayant les
caractéristiques, d’autant que les bétons sont souvent gâchés à
qui permettront de définir et de calculer les diverses parties de l’eau de mer (bétons non armés). Faute de quoi le béton est
l’ouvrage. désagrégé en moins de 2 ans.
D’une manière générale, les parties hautes des ouvrages sont
plus exposées lorsque le niveau s’établit au NRH et réciproquement ■ Le dosage en ciment doit être élevé (règle des eaux agressives) :
pour les parties basses. 700
C ⭓ -----------
Par contre, des niveaux intermédiaires peuvent s’avérer plus 5 D
néfastes, notamment si l’on s’intéresse à l’attaque du talus arrière
de digues à talus fortement franchissables. avec C (kg /m3 de béton) dosage en ciment,
D (mm) dimension du tamis du plus gros agrégat.
■ Le dosage en eau E (kg/m3 de béton) doit être faible, ce qui rend
1.3 Matériaux disponibles souvent nécessaire l’emploi de fluidifiant :
E
Outre la recherche des matériaux marins nécessaires ou simple- ----- ⭐ 0,4
C
ment utiles à la réalisation de tels ouvrages, il est nécessaire de bien
cerner les ressources en matériaux principalement utilisés dans ce ■ La granulométrie des agrégats doit être bien étalée.
type d’ouvrage. Le respect de ces règles, après les essais de convenance, conduit
à un béton présentant une bonne résistance à la compression
simple et une bonne durabilité.
1.3.1 Carrière d’enrochements
Ces qualités ne sont toutefois pas suffisantes si l’on désire réaliser
des blocs artificiels utilisés à la place d’enrochements naturels, pour
Lors de la construction de digues à talus en enrochements, le lesquels on recherche :
besoin en ce type de matériaux est très important et peut atteindre
plusieurs millions de mètres cubes (Antifer en France, Sinès au — une densité élevée, au minimum de 2,4 soit un poids volu-
Portugal, Jorf-Lasfar au Maroc). Le besoin est un peu moindre s’il mique de 23,5 kN/m3, ce qui peut conduire soit à l’utilisation d’agré-
s’agit seulement de réaliser le soubassement d’une digue verticale. gats lourds, soit à améliorer la granulométrie par ajouts d’éléments
ultrafins (fumée de silice, sablon, filler ...) ;
Il y a donc lieu de procéder à une reconnaissance géotechnique — une résistance aux chocs élevée, pour lesquels on procédera
permettant de choisir la carrière qui devra fournir l’ensemble du à des essais grandeur nature de chute de blocs sur une surface
chantier. Mais cette reconnaissance n’est, en général, pas suffisante dure ou même sur un autre bloc.
et il faudra procéder à des tirs expérimentaux qui permettront de
définir la proportion et la granulométrie des enrochements que l’on Exemple : les spécifications pour la reconstruction de la digue de
peut espérer de cette carrière. Sinès (Portugal) sont très précises sur ces deux derniers points, mais
n’imposent rien en ce qui concerne la résistance à la compression
En général, et malgré ces précautions, les estimations s’avèrent
simple qui devient alors une conséquence du reste...
trop souvent optimistes. Il est bien rare que la carrière soit
homogène et cela peut réserver quelques surprises désagréables.
De plus, l’exploitation de la carrière avec des tirs journaliers n’est
pas sans conséquence sur la fissuration ou la microfissuration de
1.3.3 Aciers
la roche en place, et les blocs obtenus en fin de chantier sont
généralement de moins bonne qualité que ceux obtenus au début. La fourniture des aciers pour béton armé ou pour les pieux doit
Il y a donc lieu d’adopter une gestion prévisionnelle de la carrière respecter les normes en vigueur.
et de se prémunir contre une dégradation des caractéristiques des On vérifiera, notamment lorsqu’il s’agit de réaliser un ouvrage
matériaux fournis par celle-ci, parfois en réalisant des stocks dans certains pays aux approvisionnements difficiles, que l’on dis-
complémentaires. posera en temps utile des quantités, qualités et dimensions
Par ailleurs le concepteur s’attachera à utiliser l’ensemble des nécessaires.
produits de carrière et à limiter le tri et la manipulation des Il ne faut pas oublier que l’eau de mer est agressive et produit
enrochements. une corrosion très active à l’interface eau-air (figure 1). En l’absence
Ainsi on évitera de prévoir des catégories 0,5 t à 2 t puis 3 t à 8 t de protection, il est donc raisonnable de tabler sur une corrosion
qui supposent 2 tris et laissent un résidu de blocs compris entre 2 t pouvant atteindre 2 à 3 mm au bout de 10 à 15 ans pour les aciers
et 3 t. directement exposés (pieux, tubes).

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_____________________________________________________________________________________________ OUVRAGES DE PROTECTION CONTRE LA HOULE

La détermination de la houle de projet est basée sur la bonne


connaissance des houles du site, mais aussi sur d’autres critères
parmi lesquels figurent en bonne place la durée de vie de l’ouvrage
et le risque admissible.

1.4.1 Durée de vie de l’ouvrage

Plus la durée de vie de l’ouvrage est importante, plus la


probabilité d’avoir affaire à des tempêtes importantes est grande.
Les formules suivantes, extraites de l’article Mouvements de la
1
mer [C 4 610], traduisent cette quasi-évidence :
pE = 1 – exp (– L /T )
ou T = – L /In (1 – pE )
avec T durée de retour,
L durée de vie de l’ouvrage,
pE probabilité du risque de dommage E (correspondant à un
creux H de la houle d’une durée de retour T ).
D’un point de vue pratique, pour un ouvrage déterminé dont la
durée de vie est de l’ordre de 50 ans, on a :
— une quasi-certitude d’être confronté au moins une fois à la
houle décennale (pE = 99,5 %) ;
— pratiquement une chance sur deux d’être confronté à la houle
centennale (pE = 39 %) ;
— une chance non négligeable (5 %) d’être confronté à la houle
millénaire.
Si l’on désire se prémunir contre les risques à 99 %, il faudra adop-
ter une houle de calcul dont la période de retour sera 100 fois la
durée de vie de l’ouvrage, ce qui entraînera vraisemblablement un
coût d’investissement prohibitif. Il est alors nécessaire d’accepter un
risque plus important, mais raisonnable.

1.4.2 Risque admissible

Il s’agit ici de déterminer aussi précisément et aussi objecti-


vement que possible la notion de risque admissible. En effet, celui-ci
n’est pas le même si l’on veut protéger des effets de la mer une cen-
trale nucléaire ou un simple remblai non exploité.
On peut utiliser alors deux critères qui permettent de mieux
quantifier le risque encouru :
— le critère de non-dommage pour lequel la structure doit res-
Figure 1 – Corrosion des aciers en site maritime
ter intacte et ne pas subir de mouvement important (non-
(mesures effectuées sur des palplanches)
remaniement de la carapace pour une digue à talus, ou du talus de
soubassement pour une digue verticale) ;
— le critère de dommage réparable pour lequel on admet que
La meilleure protection reste la peinture, ou tout autre système la structure puisse être endommagée mais effectivement réparable.
de protection superficielle si elle est possible, ou un surdimension- Le concepteur doit s’assurer que l’ouvrage pourra objectivement être
nement dans le cas contraire. La mise en place d’une liaison équipo- réparé du point de vue :
tentielle est elle aussi efficace. • administratif : les autorisations doivent être facilement
L’utilisation de protection cathodique doit être examinée avec obtenues (pourquoi pas a posteriori !),
précaution car on doit alors prévoir le coût de fonctionnement • financier : il ne peut être question d’attendre plusieurs années
annuel et surtout s’assurer que les nombreux autres ouvrages les crédits pour réparer une digue car la mer se chargera
métalliques du port (portes d’écluses, pieux des appontements, d’augmenter les dégâts, sinon de la détruire complètement,
palplanches des quais, etc.) ne serviront pas d’anode sacrificielle. • technique : il faut s’assurer que l’on dispose dans un délai
raisonnable et à courte distance des compétences nécessaires, de
la technologie, des matériels et des matériaux nécessaires à la
réparation.
1.4 Évaluation de la houle de projet
Exemple : pour le port du Havre-Antifer, où l’on a utilisé ce type de
critère pour le dimensionnement de la digue, l’ensemble des
La stabilité des ouvrages de protection contre la houle dépend conditions a été respecté : lors de la construction, des éléments de la
essentiellement des caractéristiques de la houle susceptible de carapace en blocs cubiques rainurés ont été fabriqués et sont stockés
venir attaquer l’ouvrage pendant sa vie. sur place au cas où...

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OUVRAGES DE PROTECTION CONTRE LA HOULE ______________________________________________________________________________________________

En général on associe le critère de non-dommage aux conditions 1.5.1 Contraintes techniques


naturelles normales (houle, vent, niveau de référence) et le critère
de dommage effectivement réparable aux conditions naturelles Le recensement des compétences et des matériels utilisables
exceptionnelles. permet de fixer les bornes du projet : si l’on ne dispose que d’une
grue de 10 t à 15 m il ne peut être envisagé de poser des éléments
de 15 t à 20 m, ce qui peut contribuer à écarter les solutions de
1.4.3 Critères à retenir pour l’évaluation type digue à talus.
de la houle de projet

1
À l’inverse, l’absence d’installations spécialisées (type forme de
radoub ou équivalent) nécessaires à la construction de caissons de
La bonne connaissance des houles régnant sur le site, l’évaluation
grandes dimensions peut conduire à écarter les solutions du type
du risque admissible en fonction de la durée de vie et de la nature
digue verticale.
de l’ouvrage sont les critères les plus importans.
Dès le niveau de la conception, l’analyse objective et impartiale
Mais il ne faut pas négliger les phénomènes de fatigue des
des capacités d’une carrière d’enrochements et du choix des
ouvrages, car la houle va imposer de l’ordre de 10 000 sollicitations
solutions possibles peut éviter bien des déboires.
alternées par jour (pour une période de 8,6 s) et c’est sur une
structure éprouvée qu’arriveront groupées les vagues les plus fortes. Exemple : pour la construction du port du Havre-Antifer, il a été
La durée de la tempête intervient comme facteur important sur procédé à la réalisation d’une digue expérimentale afin de tester la
les problèmes des dégradations des fondations ou des érosions de qualité des matériaux extraits de la falaise. Cela a permis de conclure à
pied dues au transport des sédiments généré par la houle. la faisabilité d’une telle digue.
On peut essayer de tenter une approche économique pour À l’inverse, et malgré l’excellente qualité des basaltes du Mont
choisir la houle de projet. Si l’on appelle, pour une houle de projet Cameroun, l’importance du volume des cendres volcaniques qui aurait
donnée : nécessité des terrassements volumineux a conduit à choisir une digue
verticale pour protéger le port pétrolier de la pointe Limboh desservant
C le coût total actualisé sur la durée de vie de l’ouvrage ; la raffinerie de Victoria.
I les coûts d’investissement ;
E les coûts d’entretien ;
R les coûts des réparations ; 1.5.2 Contraintes d’environnement
(ces deux séquences de coût peuvent être calculées en
tenant compte des probabilités d’apparition des dommages)
J le taux d’actualisation ; Les études d’impact ont pour but d’évaluer l’incidence des
N la durée de vie de l’ouvrage ; nouveaux ouvrages sur le devenir marin. À titre d’exemple, une
a l’indice de l’année ; digue à talus en enrochements permet de développer la vie
sous-marine, sous réserve du maintien de la qualité du milieu.
on obtient :
a=N Exemple : le port pétrolier du Hauvre-Antifer a permis quelques
expériences d’élévage de saumons. La production de homards n’a
C = ∑ ( I a + E a + R a )/ ( 1 + J ) a
cessé de croître depuis vingt ans. Le site a donc été classé, ce qui est
a=0
une réussite pour une activité considérée comme polluante.
En fait, l’expérience montre que l’obtention des crédits d’entretien
ou de réparation est en général plus difficile que celle des crédits Par contre, il est nécessaire de tenir compte de la gêne apportée
de premier investissement. On peut alors faire appel à la notion de lors de la construction. Ainsi, pour la nouvelle digue destinée à pro-
taux de rareté des crédits τ ( τ ⭓ 1 ) et la formule ci-dessus s’écrit téger l’agrandissement du port de Dieppe, il a été admis comme une
alors : gêne non tolérable le fait de faire traverser la ville par des milliers
a=N
de camions nécessaires au transport des enrochements de la nou-
velle digue. Une solution de type digue verticale a été retenue. Le
C = ∑ ( τ I I a + τ E E a + τ R R a )/ ( 1 + J ) a
choix de cette solution a été facilité dans la mesure où les caissons
a=0 ont pu être fabriqués au Havre en forme de radoub.
En général :
— τI taux de rareté des crédits d’investissement, est connu car il
résulte de choix et de priorité de la politique d’investissement ;
1.5.3 Contraintes d’efficacité
— τE et τR taux de rareté des crédits d’entretien et de réparations,
sont mal connus, dépendent des ressources disponibles à un Il faut tenir compte des paramètres exposés à l’article Principes
moment donné (généralement faibles pour les pays en voie de d’implantation et d’aménagement des ports [C 4 630], qui per-
développement), mais sont en général très grands. mettent d’évaluer l’efficacité comparée des diverses solutions. Pour
un port, seul le résultat global est important : une digue verticale,
Donc, pour un coût total actualisé, il vaudra souvent mieux
même à paroi perforée, est en général plus réfléchissante qu’une
augmenter les investissements en accroissant la sécurité de
digue à talus. Par contre, elle permet au niveau de la passe d’entrée,
l’ouvrage et en diminuant l’entretien et les réparations. Un surdi-
pour une même longueur utile, une pénétration moindre de la houle,
mensionnement de l’ouvrage ne coûte pas forcément plus cher.
ce qui entraîne une moindre agitation des plans d’eau, qui peut
Au total, on pourra, pour un ouvrage standard d’une durée de vie compenser et au-delà l’inconvénient signalé ci-avant.
de 50 ans, retenir comme conditions normales la tempête décennale
et comme conditions exceptionnelles la tempête centennale asso-
ciées aux niveaux d’eau correspondants. 1.5.4 Choix du type d’ouvrage

Le choix du type d’ouvrage à réaliser est en fait assez simple et


1.5 Évaluation des contraintes du projet se résume dans la plupart des cas à choisir entre une digue à talus
et une digue verticale.
Une fois accomplies toutes les études préliminaires destinées à Pour cela, on pourra recourir à une ou des analyses multicritères
mieux cerner les données techniques du projet, il s’agit de choisir pour lesquelles on aura eu soin de mettre en évidence des critères
les deux ou trois variantes susceptibles d’être réalisées compte éliminatoires tels que ceux qui ont été cités ci-avant à titre
tenu du contexte local dans toutes ses composantes. d’exemple.

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Ports de commerce et de pêche


Aménagement et équipements intérieurs
par Pierre BONAFOUS
1
Ingénieur Civil des Ponts et Chaussées
Ancien Chef du Service des Études techniques du Port Autonome du Havre
Xavier LE BARS
Ingénieur des Travaux Publics de l’État
Chef du Service des Études techniques du Port Autonome du Havre
et Francis LEGRAS
Ingénieur de l’École Nationale Supérieure d’Arts et Métiers
Chef du Service technique de l’Outillage du Port Autonome du Havre

1. Aménagement général intérieur.......................................................... C 4 640 - 2


1.1 Fonction des ports. Différents types de ports ........................................... — 2
1.2 Plan masse général ..................................................................................... — 4
1.3 Conception et dimensionnement des plans d’eau ................................... — 5
1.4 Conception et dimensionnement des terminaux...................................... — 7
1.5 Aménagements divers intérieurs ............................................................... — 12
1.6 Dessertes et liaisons intérieures terrestres ............................................... — 12
2. Infrastructures des terminaux.............................................................. — 13
2.1 Classement fonctionnel............................................................................... — 13
2.2 Caractéristiques communes aux ouvrages ............................................... — 13
2.3 Classification des ouvrages selon leur structure ...................................... — 17
2.4 Entretien et réparations. Transformations des ouvrages ......................... — 24
3. Outillage ..................................................................................................... — 25
3.1 Considérations générales ........................................................................... — 25
3.2 Trafic des passagers .................................................................................... — 25
3.3 Trafic des marchandises diverses .............................................................. — 26
3.4 Postes pour marchandises pondéreuses en vrac ..................................... — 33
3.5 Manutention des liquides en vrac .............................................................. — 36
4. Autres équipements intérieurs des ports ......................................... — 36
4.1 Accueil et guidage des navires................................................................... — 36
4.2 Écluses maritimes........................................................................................ — 37
4.3 Formes de radoub et docks flottants ......................................................... — 39
4.4 Divers............................................................................................................ — 43
Pour en savoir plus........................................................................................... Doc. C 4 640

es mutations technologiques en matière de manutention portuaire ont


L comme dans beaucoup de secteurs profondément bouleversé le paysage des
ports au cours de ces trente dernières années. Il y a peu, en effet, ceux-ci
ressemblaient encore à de véritables fourmilières où le recours à la force humaine
était la règle et créait cette atmosphère si particulière dont les films de l’époque
restent le seul témoignage.
Aujourd’hui, les ports semblent déserts, comme abandonnés.
À y regarder de plus près pourtant, ceux-ci, s’ils ont perdu en pittoresque, ont
gagné en efficacité, se transformant en des ensembles industriels où les notions
de productivité et de compétitivité sont devenues la règle.
Parution : août 1994

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PORTS DE COMMERCE ET DE PÊCHE _______________________________________________________________________________________________________

Les anciens quais imbriqués dans les cités, devenus obsolètes, ont perdu leurs
vocations premières et les magasins qui les bordaient, reconvertis en ensembles
immobiliers ou de service, ont obtenu un certain succès auprès des citadins
(docks de Londres, Amsterdam, Gênes, Montréal, etc.).
De nouveaux terminaux spécialisés ont vu le jour, dédiés à un seul type de
trafic, parfois même intégrés à un processus industriel (postes à vracs pour les
centrales thermiques, la sidérurgie les pieds dans l’eau comme à Dunkerque ou
1 à Fos en France).
Parallèlement, le nombre de « terminaux d’usine » qui ne se limitaient à
l’époque qu’à des installations de transbordement de liquide se sont diversifiés.
Le présent document se propose de passer en revue et de décrire les différents
ouvrages et aménagements qui font les ports d’aujourd’hui.

1. Aménagement général L’espace abrité peut être naturel comme à Brest avec sa rade ou arti-
ficiel comme à Cherbourg où de très importantes digues de protec-
intérieur tion ont été réalisées. Des installations lourdes de protection peuvent
être nécessaires : bases sous-marines par exemple. Les équipements
d’un port militaire comprennent généralement aussi des installations
Dans l’article Principes d’implantation et d’aménagement des pour l’armement et l’entretien des navires (quai d’armement, forme
ports [C 4 630] ont été examinées les conditions qui conduisent au de radoub).
choix de la localisation d’un port et au dimensionnement de ses
Le port militaire est localisé dans un endroit stratégique (exemple
ouvrages extérieurs. Le présent article aborde les considérations
de Cherbourg au centre de la Manche). Afin d’assurer la fiabilité et
relatives à l’aménagement intérieur du périmètre ainsi défini.
la rapidité des interventions, le port est généralement situé sur la
côté avec accès direct à la mer sans contraintes de marées ni
d’ouvrages d’accès (écluses maritimes).
1.1 Fonction des ports. ■ Ports de commerce
Différents types de ports Ils permettent de traiter les trafics de marchandises et de
passagers. Ils sont le point de rupture dans la chaîne de transport :
1.1.1 Fonction des ports soit entre le mode terrestre et le mode maritime, soit entre deux
modes maritimes. Le coût de transport terrestre étant nettement
Le port peut se définir comme l’ensemble des équipements devant supérieur au coût de transport maritime, ils doivent être localisés
répondre aux besoins des opérations réalisées à l’interface terre- le plus près possible de l’origine ou de la destination des trafics, sous
navire. Ces équipements concernent soit les fonctions relatives aux réserve de présenter des accès nautiques satisfaisants.
navires, soit celles relatives aux opérations à terre.
La nécessité économique de réduire les coûts de transport ter-
Le navire attend d’un port des services pour son abri, son accos- restre peut même imposer, dans certains cas, de localiser l’origine
tage, son avitaillement et ses réparations. ou la destination des trafics en site portuaire (raffinerie de pétrole,
Liées aux navires, les opérations portuaires à terre concernent centrales thermiques, sidérurgies...).
essentiellement le traitement des marchandises et des personnes Les installations des ports de commerce, autrefois très poly-
transportées par voie maritime et transitant par les installations valentes, sont de plus en plus spécialisées en terminaux (rouliers,
portuaires où elles sont soit chargées, soit déchargées. conteneurs, passagers, hydrocarbures...).
■ Ports de pêche
1.1.2 Différents types de ports Outre la fonction accueil des navires, ces ports sont équipés de
façon conséquente pour débarquer, traiter et commercialiser les
Un port est à l’origine conçu pour remplir une mission bien définie produits de la pêche. De récentes normes sanitaires, éditées au
et donc une activité bien spécifique. Cependant, profitant des équipe- niveau européen, imposent à ces ports de s’équiper d’installations
ments mis en place, d’autres activités viennent généralement se particulièrement étudiées.
greffer sur l’activité d’origine. Par ailleurs, la localisation d’un port
en fonction des besoins à remplir (position stratégique militaire, ■ Ports de plaisance
proximité des lieux de production et de consommation...) doit en Se reporter à l’article spécialisé du présent traité.
général être optimisée en fonction des impératifs nautiques (tirants
d’eau des navires par exemple) et des caractéristiques des sites en 1.1.2.2 Classification par implantation
présence (courants, houles, sédimentation...).
La classification des ports ne peut, dans ces conditions, être faite Les contraintes physiques des sites qui se présentent pour
d’une façon unique. On peut l’aborder en distinguant les ports, soit l’implantation d’un port et les nécessités économiques qui justifient
par leurs fonctions principales, soit par leur implantation. sa création conduisent à des types d’implantations très variées. Il
s’agit bien souvent de compromis technico-économiques entre les
impératifs en présence.
1.1.2.1 Classification par fonctions principales
Suivant le critère de l’implantation, on peut retenir la classification
■ Ports militaires suivante.
Le port militaire requiert des espaces abrités importants où les
navires peuvent stationner disséminés dans un but de protection.

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______________________________________________________________________________________________________ PORTS DE COMMERCE ET DE PÊCHE

■ Ports au large Ces installations peuvent servir à des transferts de navire à navire
L’accroissement des tirants d’eau des navires peut nécessiter des ou être reliées à la terre par des oléoducs sous-marins (trafic d’hydro-
travaux d’aménagement d’infrastructures (chenaux, ports) et carbures) ou des bandes transporteuses.
d’entretien très onéreux. Une alternative est offerte avec des ■ Ports à la côte
installations aménagées au large, là où les profondeurs naturelles
existent. Ils peuvent être établis dans des sites naturellement abrités (golfe
de Fos) ou protégés artificiellement (terminal pétrolier du
Il peut s’agir d’îles artificielles ou simplement de bouées d’amar- Havre-Antifer, figure 2).

1
rage (figure 1).

Figure 1 – Type de bouée d’amarrage au large

Figure 2 – Plan masse du port du Havre-Antifer

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PORTS DE COMMERCE ET DE PÊCHE _______________________________________________________________________________________________________

Les terre-pleins et plans d’eau portuaires peuvent être aménagés ment à une augmentation considérable du trafic roulier qui permet
soit par remblaiement sur la mer, soit par creusement à l’intérieur d’assurer une fluidité presque idéale dans le passage des marchan-
des terres. dises par le port.
■ Ports intérieurs Cette évolution a imposé de doter les ports d’infrastructures de
desserte intérieure plus largement dimensionnées, évitant pour des
Ils sont établis, souvent de longue date, le long de cours d’eau raisons de nuisance les agglomérations. Les navires ont eu tendance
ou de canaux maritimes [Nantes (figure 3), Anvers, New York]. à se spécialiser et à connaître un accroissement de taille pour

1
Leurs débouchés à la mer peuvent être soit naturels (Québec), répondre aux besoins de ces nouveaux modes de transport. À l’inter-
soit aménagés (Rouen). Le débouché à la mer peut être équipé par face ports/navires sont apparues ainsi des installations spécialisées :
des écluses (Anvers). les terminaux à conteneurs plus largement dimensionnés et dotés
Un certain nombre de ces ports s’étendent progressivement vers d’engins de manutention spécifiques (les portiques), les terminaux
l’extérieur pour recevoir des navires plus importants (extension de rouliers, etc.
Bordeaux vers le Verdon et de Rotterdam vers le Maasvlakte). ■ Marchandises en vrac
Poussés aussi par l’augmentation du trafic international, les trans-
ports de marchandises en vrac (pétrole, charbon, minerais,
1.2 Plan masse général céréales...) ont évolué non pas à partir de la marchandise mais à
partir du navire, ceux-ci étant devenus de plus en plus importants
en taille. Les infrastructures portuaires ont dû s’adapter (profondeurs
Le port est le lieu de contact entre les modes d’acheminement admissibles, largeur des quais) ainsi que les superstructures (outil-
terrestre et maritime des personnes et des biens. Il doit permettre lages de manutention plus puissants).
un passage le plus rapide possible entre ces deux modes.
■ Passagers
Dans ce passage sont concernés : le navire, les marchandises et
Les transports intercontinentaux de passagers, autrefois exclusi-
les terminaux situés à l’interface.
vement effectués par voies maritimes, ont recours maintenant, dans
Pour chacun de ces éléments, qui seront analysés plus en détail l’immense majorité des cas, aux moyens aériens. Par ailleurs, le
dans les paragraphes suivants, le concepteur du plan masse d’un développement de l’automobile et celui du tourisme ont conduit à
port doit intégrer de nombreux paramètres indépendants les uns des l’apparition de techniques de transport par navires rouliers (car-
autres dans une chaîne de transports dont le port est l’un des ferries) auxquelles les ports ont dû s’adapter. Dans ce même temps,
maillons. les grandes gares maritimes à paquebots (Le Havre, Cherbourg)
L’augmentation considérable, ces dernières décennies, des étaient petit à petit désaffectées. Depuis peu, toutefois, on assiste
échanges internationaux, effectués pour une bonne part par voie en Europe à un renouveau des escales de paquebots liées au déve-
maritime, a ainsi conduit les modes de transport à évoluer souvent loppement des croisières touristiques.
vers des techniques industrielles.

1.2.2 Évolutions du plan masse


1.2.1 Tendances par catégories d’activités
Le port a très souvent été conçu, cela fait plusieurs décennies, voire
■ Marchandises diverses plusieurs siècles, pour des types d’activités qui ont aujourd’hui
disparu. Compte tenu de l’évolution des besoins à satisfaire par le
Autrefois conditionnées par petites unités de charge très diverses,
port, le plan masse de ce dernier a dû s’adapter.
elles sont maintenant de plus en plus traitées par l’intermédiaire de
conteneurs normalisés sur le plan international. On a assisté égale-

Figure 3 – Plan de l’estuaire de la Loire

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______________________________________________________________________________________________________ PORTS DE COMMERCE ET DE PÊCHE

L’adaptation s’est faite, au départ, dans le cadre physique des 1.3.1 Caractéristiques des navires
infrastructures d’origine qui ont été réorganisées. Cela est le cas,
par exemple, pour les bassins de la Manche et de la Citadelle au Un port peut être appelé à recevoir plusieurs catégories de navires
port du Havre (figure 4) qui ont été réaménagés pour recevoir des (pétroliers, porte-conteneurs, rouliers, etc.) avec leurs caractéris-
trafics rouliers. Dans de nombreux ports, des bassins anciens ont tiques propres. Les ouvrages généraux d’accès doivent prendre en
été affectés aux besoins des navires de plaisance. compte les navires les plus contraignants. Par contre, pour les
Cette évolution a cependant très vite connu ses limites et les ports terminaux spécialisés, ce sont les caractéristiques propres à la

1
ont dû se déplacer en dehors de leurs frontières ancestrales pour catégorie de navires concernés qui sont à retenir. Cela se fait à partir
répondre aux nouveaux besoins (figure 5). Des sites portuaires délo- d’une analyse des flottes de navires en service au moment de
calisés se sont développés sur le littoral, comme évoqué ci-avant l’élaboration du projet. Mais il est essentiel également de mener une
(§ 1.1.2.2). étude des tendances afin de définir les caractéristiques des navires
qui seront en service dans l’avenir, les installations portuaires, très
onéreuses, étant aménagées pour plusieurs décennies.
1.3 Conception et dimensionnement Dans ces conditions, il y a lieu de définir au début de cette réflexion
le navire de projet. Cela se fait généralement en retenant les caracté-
des plans d’eau ristiques suivantes :
tirant d’eau en charge – longueur hors tout – largeur hors tout
Les plans d’eau intérieurs d’un port sont réalisés essentiellement À titre indicatif le tableau 1 donne des caractéristiques maximales
pour les besoins des navires. Il importe donc de bien analyser les pour les navires modernes actuellement en service.
caractéristiques de ces derniers avant de dimensionner les plans
d’eau.

Figure 4 – Aménagement du secteur Manche-Citadelle au Havre

(0)

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Figure 5 – Projet d’extension à la côte du port de Bilbao

— les hauteurs d’eau disponibles. La connaissance du niveau de


Tableau 1 – Caractéristiques maximales l’eau est essentielle pour la conception d’un port. Si cet aspect du
des navires actuels problème ne revêt qu’une importance moindre dans les mers à
faibles variations de niveaux (Méditerranée, par exemple), il est par
Tirant contre primordial dans les mers à marée. Dans celles-ci, la variation
Longueur Largeur
Type de navire d’eau du niveau de l’eau peut atteindre des amplitudes très importantes,
(m) (m) (m) jusqu’à 14 m (baie de Fundy au Canada) ;
— les données géologiques. La nécessité d’offrir une hauteur
Cargo traditionnel de 15 000 à 20 000 tpl 9,5 à 10 140 22 à 25 d’eau suffisante pour les manœuvres de navire peut conduire à
Porte-conteneurs de la 4e génération draguer ou à dérocter les fonds. Une très bonne connaissance
(Panamax 4 250 EVP) 11 à 13 290 32,2
géologique du site est, dans ce cas, nécessaire.
Porte-conteneurs Over Panamax
5 000 EVP 13 à 14  290 39,5
1.3.3 Dimensionnement horizontal des plans d’eau
Minéralier de 225 000 tpl 20,5 315 50
Minéralier de 360 000 tpl 23,2 340 63,5 Venant d’une navigation en route libre au large, le navire, avant
d’être immobilisé au poste où il doit effectuer ses opérations, effec-
Pétrolier 300 000 tpl 23 350 55
tue un certain nombre de manœuvres : chenalage pour arriver dans
Pétrolier de 550 000 tpl 28,5 415 63 l’avant-port, évitage et approche du poste, accostage au poste.
La capacité de transport d’un navire (c’est-à-dire le tonnage qu’il peut trans- Le chenal d’approche est généralement de largeur réduite en
porter) s’exprime en tonnes de port en lourd [(tpl), en anglais (tdw) ton raison des coûts d’établissement et de maintien des profondeurs.
dead-weight] Le navire, par contre, doit composer avec des courants et des vents
EVP équivalent vingt pieds (en longueur) traversiers, ce qui nécessite qu’il dispose d’une largeur de chenal
supérieure à sa largeur propre. En première approximation on retient
généralement une largeur de chenal égale à la longueur du navire.
1.3.2 Caractéristiques du site
Afin de casser son erre et de se présenter à la zone d’accostage,
le navire manœuvre dans une zone d’évitage. Il s’agit d’un plan d’eau
Afin de répondre aux besoins ci-avant définis, le site doit être largement dimensionné et contraignant dans l’élaboration d’un plan
aménagé en conséquence. Cela nécessite une analyse des données masse (figure 2). La forme de la zone d’évitage est généralement
naturelles locales. Pour l’étude de l’implantation du port et de ses circulaire. La détermination de son diamètre avec des conditions
ouvrages extérieurs (cf. article Principe d’implantation et aménage- normales de courants (1 nœud ≈ 0,5 m/s) et de vents (15 nœuds)
ment des ports [C 4 630]) ces données ont déjà été largement prises prend en compte la capacité de manœuvre du navire, et en particulier
en compte. En ce qui concerne la conception des plans d’eau, une son nombre d’hélices, ainsi que les aides apportées par le port, et
étude plus approfondie est à mener sur : en particulier le nombre et la présence des remorqueurs d’assis-
— les données météorologiques et notamment le vent. Les postes tance. On peut retenir qu’en fonction de ces divers paramètres, le
doivent en effet être orientés dans le sens des vents dominants afin diamètre du cercle d’évitage est à dimensionner entre 1,5 et 5 fois
de faciliter la manœuvre des navires. De même, dans les zones de la longueur du navire.
navigation aux largeurs réduites (chenaux, pertuis, écluses), les
vents traversiers ne doivent pas être excessifs ;

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Le dimensionnement des zones d’approche des postes pose


principalement celui des darses et bassins, et plus particulièrement
leur largeur. Cette largeur doit permettre d’accueillir, le long de
chaque quai, un navire avec ses engins de servitude (pontons, grues,
allèges...). Elle doit, de plus, dégager une largeur minimale égale à
deux fois la largeur du plus grand navire reçu dans le bassin. Dans
ces conditions, une largeur de 100 m est un minimum à prévoir. Des
largeurs supérieures sont cependant souvent retenues, en particulier
quand le bassin a une longueur importante (par exemple, le nouveau
bassin du Pacifique du port du Havre pour les navires porte-
conteneurs de 4e génération a une largeur de 300 m).
1
1.3.4 Dimensionnement des profondeurs
La donnée de base est le tirant d’eau du navire de projet. À celui-ci
s’ajoute une marge de sécurité appelée pied de pilote (figure 6).
La détermination du pied de pilote est complexe. Elle doit intégrer
de nombreux facteurs tels que :
— les engraissements entre deux campagnes de dragage ;
— la précision des mesures des fonds ;
— l’abaissement du niveau de l’eau et l’enfoncement du navire
pendant le déplacement de ce dernier (phénomène de squat, Figure 6 – Définition des pieds de pilote
cf. article Navires. Navigation [C 4 620]. Balisage dans ce traité) ;
— l’agitation du plan d’eau ;
— les décotes accidentelles du niveau d’eau. Toutefois, dans des petits ports, des terminaux peuvent être
En pratique, on peut retenir un pied de pilote approximativement aménagés afin de recevoir divers types de trafics. Ils sont alors
dimensionné comme suit : conçus en fonction des caractéristiques propres aux activités locales
et des trafics prédominants.
• 20 % du tirant d’eau dans la zone d’approche au large ;
• 10 à 15 % du tirant d’eau dans les chenaux selon l’exposition ; Dans ce qui suit seront analysées les structures des terminaux
• 10 à 15 % en site exposé et 7 % en site abrité pour les zones de spécialisés pour des trafics individualisés. Seront abordés, dans ces
manœuvre et d’accostage. conditions, les terminaux à vrac, à marchandises diverses, de pêche,
et de voyageurs.
Ce calcul conduit bien souvent à des valeurs de profondeurs
théoriquement nécessaires, mais difficilement réalisables soit d’un D’une façon générale, la longueur de chaque poste dépend de celle
point de vue technique, soit d’un point de vue économique. du navire de projet. À celle-ci doivent être ajoutés 30 ou 40 m pour
l’amarrage. Concrètement, cela conduit à des longueurs, pour des
Dans les ports à marée, il peut être remédié à cette difficulté en navires accostés sur leurs murailles, de 150 m pour des cargos,
utilisant la hauteur d’eau supplémentaire offerte au moment de la 300 m pour les paquebots et plus de 400 m pour les plus grands
pleine mer. Dans ce cas, les accès et sorties du port ne peuvent transporteurs de vracs.
s’effectuer qu’à ce moment de la marée et l’exploitation du port doit
être conçue en conséquence. À l’extrême, quand les amarrages se font sur des ducs-d’Albe pour
les plus grands pétroliers, les distances requises peuvent atteindre
À titre d’exemple, on peut citer le terminal pétrolier du 500 à 600 m.
Havre-Antifer (figure 2). Le tirant d’eau du navire de projet retenu,
un pétrolier de 550 000 tpl, est de 28,50 m. Les études ont montré
que le pied de pilote brut pouvait être limité à 2,50 m. La profondeur 1.4.1 Terminaux à vrac
d’eau nécessaire est donc de 31 m. Le chenal d’accès au port a été
dragué à la cote – 25 par rapport au zéro des cartes marines. La
hauteur d’eau nécessaire en supplément, 6 m, est obtenue en On opérera une distinction entre les vracs liquides et les vracs
opérant à pleine mer. solides.
On peut aussi avoir recours à des ouvrages de retenue des eaux ■ Vracs liquides
dans des bassins à niveau constant ou à flot. Il s’agit de portes de La manutention de ces vracs se fait par pompage soit par refou-
flot ou d’écluses derrière lesquelles un approfondissement moindre lement à partir des pompes du navire pour l’importation, soit par
des bassins est compensé par une hauteur d’eau disponible en refoulement à partir des pompes de terre pour l’exportation.
permanence plus grande. Dans ce cas aussi l’exploitation du port
doit être adaptée en conséquence. Les terminaux doivent être équipés d’aires de stockage à terre.
Elles sont formées de bacs de contenance globale au moins égale
au volume de la cargaison manutentionnée.
Dans ces bacs, les liquides sont stockés soit avant d’être
1.4 Conception et dimensionnement embarqués pour les exportations, soit après avoir été débarqués
des terminaux pour les importations. Ces stockages nécessitent en général d’être
reliés aux destinations finale ou d’origine par des réseaux de cana-
Le terminal est la zone du port où un navire peut accoster et où lisations qui sont très contraignants dans les plans masses portu-
ses opérations à terre, liées à son escale, peuvent être effectuées. aires.
La spécialisation des navires et des engins de transports terrestres Dans les terminaux pétroliers, les capacités des bacs peuvent
a conduit de plus en plus à équiper les ports de terminaux affectés atteindre 150 000 m3 de volume unitaire pour le pétrole brut.
à tel ou tel type de trafic. Cela nécessite des investissements impor-
tants, souvent moins utilisés par rapport à des ouvrages banaux. Ces équipements, qui sont des installations classées pour la
Cependant les économies d’exploitation qu’ils permettent d’obtenir protection de l’environnement (loi no 76663 du 19 juillet 1976 relative
compensent les investissements supérieurs qu’ils requièrent. aux installations classées pour la protection de l’environnement),
demandent à être soigneusement étudiés du point de vue de leur
sécurité et de leur compatibilité avec leur environnement.

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■ Vracs solides (charbon, minerai de fer, céréales, etc.) L’équipement de transbordement à terre est complété par une aire
Ces installations sont plus complexes que celles des terminaux de stockage qui doit être dimensionnée avec ses facilités terrestres
de vracs liquides car les opérations de manutention et de transfert d’approvisionnement et d’évacuation, de façon à ne pas entraver les
se font par l’intermédiaire d’équipements situés à terre, en général cadences de transbordement (figure 7).
lourds et volumineux. Par ailleurs, les équipements de déchar-
gement sont différents des équipements de chargement.
1.4.2 Terminaux à marchandises diverses
L’accroissement de la taille des navires a nécessité une augmen-

1
tation des rendements des engins de manutention.
Longtemps opérées par conditionnements unitaires de faible
Dans le cas de chargement, l’opération se fait d’une façon rela- volume et à caractères très disparates, les marchandises diverses
tivement simple par gravité. Au déchargement, par contre, la néces- sont maintenant de plus en plus traitées par unités de charges plus
sité de relever la marchandise conduit à un rendement moindre. On importantes et de plus en plus normalisées. La technique de manu-
peut, dans ces conditions, atteindre un rendement de 8 000 t/h au tention, autrefois presque exclusivement verticale, s’est diversifiée
chargement et seulement 4 000 t /h au déchargement par engin pour, en particulier, faire une part plus importante aux techniques
(§ 3.4.1). de manutention horizontale.
On examinera successivement les terminaux à marchandises
diverses classiques, les terminaux à conteneurs, les terminaux
rouliers.

Figure 7 – Terminal minéralier de Fos

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1.4.2.1 Terminaux à marchandises diverses classiques Le conteneur est généralement caractérisé par sa longueur
exprimée en pieds. Dans la normalisation traditionnelle cette
Le navire cargo classique a une capacité de 8 000 à 10 000 tpl, ce
longueur peut être de 20, 30 ou 40 pieds. L’unité de comptage est
qui requiert une longueur de poste de l’ordre de 150 m.
l’équivalent vingt pieds (EVP) ou le twenty equivalent unit (TEU). Il
Les marchandises peuvent être transbordées soit directement y a lieu de noter qu’apparaissent des conteneurs non conformes aux
entre le moyen de transport terrestre et le navire, soit indirectement normes traditionnelles (High cube par exemple), qui nécessitent des
avec passage sous hangar ou sur terre-plein. La technique de trans- adaptations particulières.
bordement indirect nécessite d’importantes surfaces de transit, mais

1
Les navires ont évalué considérablement en taille avec le dévelop-
elle assure une meilleure fluidité dans l’exploitation et réduit les
pement de la conteneurisation.
temps d’immobilisation des moyens de transport. La technique de
transbordement direct réduit par contre le nombre d’opérations de Au départ, la 1re génération, qui était formée en fait d’anciens
manutention. cargos adaptés, pouvait porter de l’ordre de 700 EVP. Les évolutions
successives ont conduit à des navires de 290 m de long avec une
Transversalement, sur un poste à marchandises diverses clas-
capacité de 4 000 EVP (4e génération).
sique, on trouve une voie de grue enjambant une voie ferrée. Les
grues ont une force de levage courante de 15 t. En arrière, le poste Plus récemment sont apparus des navires dont la largeur excède
est doté de une ou deux voies ferrées (transbordement direct). Ces celle des écluses du canal de Panama (32,35 m). Cette nouvelle géné-
voies, de même que celles des grues, doivent être du type « rails ration dite « Over Panamax » offre des capacités de charge très
à gorge » afin de ne pas entraver la circulation des engins de manu- importantes, de l’ordre de 5 000 EVP ; elle nécessite toutefois des
tention et de transport sur pneus. engins de manutention à quai adaptés avec, en particulier, des
portées plus grandes.
Une zone d’empilage (transbordement indirect) est à prévoir pour
le stockage intermédiaire des marchandises. Puis viennent des zones Les grands navires porte-conteneurs modernes représentent des
de stockage en plein air et couvertes (hangars) pour les marchan- investissements très importants avec des coûts d’exploitation éle-
dises fragiles. vés. Le port doit, dans ces conditions, être situé près de grandes
routes maritimes. Le terminal doit être proche de l’entrée du port,
En arrière des hangars, l’équipement du terminal est complété par
et accessible rapidement 24 h sur 24 tout au long de l’année. Cela
des routes et des voies ferrées destinées à l’acheminement ou à
impose des localisations de terminaux très contraignantes pour des
l’enlèvement des marchandises.
navires ayant une durée d’escale très réduite qui doivent pouvoir
La largeur d’un tel dispositif est de l’ordre de 150 m pour un poste accéder au port à tout moment. C’est ainsi, en particulier, que les
à transbordement direct et de 250 m pour un poste à transbordement ports d’Anvers et du Havre ont implanté leurs nouveaux terminaux
indirect. à conteneurs en aval de leurs écluses maritimes (figure 9).
On peut retenir que l’optimum économique d’occupation d’un Un grand terminal moderne est formé de plusieurs postes ; pour
poste par les navires est de l’ordre de 50 % du temps. Avec un équi- chacun d’entre eux on retient une longueur de quai de 300 m et des
pement normal, le rendement d’un tel poste est d’environ profondeurs d’eau de 14 à 15 m pour les grands navires porte-
700 t/m/an. Un poste de 150 m de long permet donc d’assurer un conteneurs de la 4e génération.
trafic annuel de 100 000 t.
En arrière des quais, le terminal à conteneurs doit avoir des terre-
pleins très vastes. Une profondeur de 200 m est un minimum (pour
1.4.2.2 Terminaux à conteneurs les trafics de cabotage feeders ). Cependant, dans les grands
Depuis une trentaine d’années, le développement des conteneurs terminaux modernes la profondeur peut atteindre 500 m.
a profondément marqué le transport maritime et a imposé aux ports En bordure de quai, une zone de 50 m environ de large doit être
(figure 8) de s’adapter à cette nouvelle technique de condition- réservée pour le transfert et la circulation.
nement de la marchandise (cf. article Transport par voie navigable
[AG 8 130] dans le traité L’entreprise industrielle).

Figure 9 – Terminaux à conteneurs en aval


Figure 8 – Plan masse du terminal de Normandie de l’écluse François 1er du Havre
du port du Havre (terminal à conteneurs)

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COR620

Corrosion et protection des métaux


en milieu marin
1
par Juan CREUS
Ingénieur de l’Institut national des sciences appliquées de Lyon (INSA)
Docteur en génie des matériaux
Professeur à l’université de La Rochelle
René SABOT
Docteur en sciences, spécialité électrochimie
Maître de conférences à l’université de La Rochelle
et Philippe REFAIT
Ingénieur de l’École supérieure des sciences et technologies de l’ingénieur de Nancy (ESSTIN)
Docteur en sciences et génie des matériaux
Professeur à l’université de La Rochelle

1. Spécificités du milieu marin .............................................................. COR 620v2 - 2


1.1 Composition de l’eau de mer ................................................................ ... — 2
1.2 Propriétés physico-chimiques.................................................................. — 3
1.3 Activité biologique et micro-organismes ............................................... — 3
1.4 Courants, sédiments et autres paramètres ... ......................................... — 4
2. Mécanismes de la corrosion marine ................................................ — 4
2.1 Zones de corrosion ................................................................................... — 4
2.2 Corrosion galvanique et corrosion sélective .......................................... — 6
2.3 Piqûration et corrosion caverneuse......................................................... — 8
2.4 Biodétérioration ........................................................................................ — 9
2.5 Corrosion et contraintes ........................................................................... — 9
2.6 Corrosion-érosion ..................................................................................... — 9
3. Prévention et protection ..................................................................... — 10
3.1 Mesures à prendre dès la conception ..................................................... — 10
3.2 Choix des matériaux ................................................................................. — 10
3.3 Protection cathodique............................................................................... — 12
3.4 Protection par revêtements ...................................................................... — 13
4. Conclusion............................................................................................... — 14
Parution : décembre 2013 - Dernière validation : octobre 2019

Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. COR 620v2

a corrosion est une interaction entre un matériau métallique et son envi-


L ronnement qui entraîne une dégradation du matériau, c’est-à-dire des
modifications de ses propriétés susceptibles de conduire à un dysfonction-
nement du système technique auquel il participe (norme NF EN ISO 8044). Aux
températures ambiantes, le phénomène résulte le plus souvent de l’action
combinée d’un milieu aqueux et du dioxygène de l’air. Il est donc clair, et de ce
fait doit toujours rester présent à l’esprit, que la résistance à la corrosion d’un
métal n’est pas une propriété intrinsèque, au même titre que la masse volu-
mique par exemple, mais dépend d’un grand nombre de paramètres, dont
ceux liés au milieu agressif.
La corrosion « aqueuse » est de nature électrochimique et ne peut se
comprendre sans les connaissances de base de cette discipline. Nous ferons ici
l’hypothèse que le lecteur possède ces bases, qui sont par ailleurs aisément
accessibles [M 150] [1] [2] [3] [4].

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CORROSION ET PROTECTION DES MÉTAUX EN MILIEU MARIN _______________________________________________________________________________

Le vocable « corrosion marine » regroupe donc l’ensemble des interactions


physico-chimiques et mécaniques entre les matériaux et un environnement
tout à fait spécifique, le milieu marin. Il ne s’agit pas simplement d’un cas par-
ticulier de corrosion aqueuse et, typiquement, assimiler la corrosion marine
aux phénomènes se déroulant dans une solution de 0,5 mol · L–1 de NaCl
constituerait une approximation très grossière. Ce distinguo découle des pro-
priétés particulières, uniques, de l’environnement marin.
1 En règle générale, cet environnement doit être considéré comme un milieu
aqueux dynamique, contenant des sels dissous, des gaz, des composés organi-
ques, des solides non dissous et des micro-organismes vivants. Un de nos
objectifs sera de montrer, via l’étude de quelques cas concrets, le lien entre les
mécanismes de corrosion et les différentes propriétés du milieu marin. La pro-
tection contre cette dégradation, qui doit être envisagée dès la conception du
système, et le choix des matériaux sont eux aussi intimement liés à la spéci-
ficité du milieu.
Ainsi, l’article décrit tout d’abord le milieu marin sous tous ses aspects, phy-
sico-chimiques, biologiques et hydrodynamiques. Les principaux mécanismes
de la corrosion marine des matériaux métalliques et leur relation avec les spé-
cificités du milieu sont ensuite exposés. Les mesures de prévention à prendre
dès la conception d’une structure, les règles à suivre pour le choix des maté-
riaux et les méthodes de protection contre la corrosion en environnement
marin sont discutées dans la troisième et dernière partie.

1. Spécificités du milieu marin Tableau 1 – Concentration des principaux


constituants de l’eau de mer [6]
Rappelons d’abord que l’eau de mer recouvre plus de 70 % de la Ion Concentration
surface du globe. Il est donc difficile d’en faire abstraction, et ce (g/kg)
d’autant plus qu’il s’agit d’un milieu riche en ressources variées.
L’homme, par nécessité, s’y est donc rapidement aventuré et Cl– 19,354
lorsque les métaux ont fait leur apparition dans le domaine naval,
Na+ 10,77
sous forme de clous utilisés pour fixer la charpente des navires, la
corrosivité de l’eau de mer a vite été remarquée. Ainsi, dès le SO2− 2,712
4
XVe siècle, des écrits décrivent des voies d’eau causées dans les
bateaux par la réduction du diamètre des clous en contact avec Mg2+ 1,290
l’eau de mer. Au XVIIIe siècle, un rapport de l’amirauté anglaise
mentionne le premier cas répertorié de corrosion bimétallique [5]. Ca2+ 0,412
K+ 0,399

1.1 Composition de l’eau de mer HCO3− 0,140


Br– 0,067
Un litre d’eau de mer contient en moyenne 30 à 40 g de sels
dissous et environ une dizaine de milligrammes de matières en sus- Sr2+ 0,008
pension. La masse totale de sels dissous peut varier d’une zone géo-
graphique à une autre et, pour une zone donnée, d’une saison à B(OH)3 0,0257
l’autre. Cette caractéristique de l’eau de mer est définie par la sali-
nité, communément exprimée en « pour mille » (‰). Cette grandeur F– 0,0013
est égale à la masse totale de sels inorganiques, exprimée en gram-
mes, contenue dans un kilogramme d’eau. Le calcul se fait en rem-
micro-organismes souvent associés à de spectaculaires cas de
plaçant Br– et I– par une quantité molaire équivalente de Cl– et en
dégradation [7] [8] [9]. En outre, la concentration en ions sulfates
remplaçant HCO3− et CO23−par des oxydes. Dans 97 % des mers du est suffisante pour que des produits de corrosion spécifiques
globe, la salinité est comprise entre 33 et 37 ‰. puissent se former. L’hydroxysulfate à valence mixte Fe(II-III) ou
« rouille verte sulfatée » est, par exemple, l’un des principaux
Le tableau 1 regroupe les concentrations des principales
produits de la corrosion des aciers dans l’eau de mer [10] [11] [12].
espèces dissoutes présentes dans une eau de mer de salinité égale
à 35 ‰. Ces espèces représentent 99,85 % des sels dissous. Si la salinité peut varier, on observe par contre que les pro-
portions des différents éléments sont constantes, ce qui implique
■ On note en particulier que les ions sulfates arrivent, par ordre que la mesure de la concentration d’une espèce quelconque
d’importance, après les constituants Na+ et Cl– du chlorure de permet de déduire les concentrations des autres espèces et la
sodium. Leur présence est loin d’être anecdotique puisqu’elle salinité [13]. On mesure ainsi généralement la chlorinité (Cl ‰) via
favorise le développement des bactéries sulfato-réductrices (BSR), un titrage de l’eau de mer par AgNO3 . Elle représente la

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Tableau 2 – Réactions du système CO2 – eau [16]


Réaction Vitesses comparées Constantes d’équilibre (à 25 oC) No
CO2 (atm.) ⇔ CO2 (sol.) (1)
CO 2 (sol.) + H2O ⇔ H2CO 3 lent (2)

1
H2CO 3 ⇔ H+ + HCO−3 très rapide pK1 = 6,35 (3)
HCO3− ⇔ H+ + CO23− très rapide pK2 = 10,33 (4)
HCO3− + H2O ⇔ H2CO3 + OH− rapide (5)
Ca2+ + CO23− ⇔ CaCO3 lent Ks = 4,96 × 10–9 (6)

concentration totale en halogénures, en g · kg–1, Br– et I– étant équilibres chimiques. Il est donc en général difficile d’évaluer son
remplacés par une quantité équivalente de Cl–. La salinité S est impact sur les processus de dégradation des matériaux.
ainsi telle que :
S (‰) = 1, 807 Cl (‰) ■ La pression hydrostatique devient un paramètre prépondérant
dans le cas de structures métalliques placées en profondeur.
■ L’eau de mer contient en outre différents gaz dissous. Le Rappelons que la pression augmente de 1 bar tous les 10 m. Cette
dioxygène O2 nous intéresse plus particulièrement puisqu’il augmentation influe essentiellement sur la concentration en
constitue l’un des principaux moteurs de la corrosion marine. Sa dioxygène dissous. Par ailleurs, la variation de la pression
concentration dans l’eau de mer est bien évidemment liée aux provoque celle des coefficients d’activité des espèces ioniques en
échanges avec l’atmosphère mais elle dépend aussi des phé- solution et celle de la fugacité des gaz dissous. Les équilibres
nomènes d’oxydation, de la photosynthèse et de la respiration des chimiques sont ainsi déplacés. Le pH baisse aux grandes profon-
organismes vivants. La solubilité du dioxygène dans l’eau de mer deurs et la solubilité de la calcite CaCO3 augmente. L’augmen-
dépend par ailleurs de la salinité et de la température. Ainsi tation de la pression modifie aussi les cinétiques électrochimiques,
observe-t-on que la teneur en dioxygène varie avec la profondeur, en entraînant notamment une modification des films passifs, des
le lieu géographique et les saisons [14] [15]. coefficients de diffusion et du degré d’hydratation des ions.
La température et la salinité jouent un rôle similaire sur la solu-
bilité du dioxygène ; lorsque la température ou la salinité
augmentent, la solubilité de O2 diminue. Une eau donnée 1.3 Activité biologique
contiendra donc plus de dioxygène à basse température et O2 est et micro-organismes
légèrement moins soluble dans l’eau de mer que dans l’eau douce.
L’activité biologique influe, de manière générale, sur le pH et sur
■ Le dioxyde de carbone dissous participe à l’équilibre chimique les concentrations en CO2 et O2 dissous, via les processus de
carbonate/hydrogénocarbonate, qui est le principal responsable photosynthèse et de respiration (oxydation biochimique) :
des propriétés tampon de l’eau de mer et de son pH relativement
élevé. Les réactions impliquées sont rappelées dans le tableau 2. Oxydation biochimique
L’eau de mer peut être considérée comme une solution Matière organique + O2  CO2 + H2O
d’hydrogénocarbonates en équilibre, à la surface, avec le dioxyde
de carbone de l’atmosphère. Elle est le plus souvent sursaturée en Photosynthèse
carbonate de calcium, sauf aux grandes profondeurs et dans les La respiration consomme de la matière organique et du
régions polaires puisque la solubilité de CaCO3 augmente lorsque dioxygène en produisant du gaz carbonique, ce qui tend à dimi-
la température diminue ou lorsque la pression augmente. La nuer le pH (équations 2 et 3, tableau 2). Il est ainsi souvent
valeur du pH est ainsi maintenue entre 7,5 et 8,5. observé une corrélation entre les variations avec la profondeur de
la concentration en dioxygène et du pH. En raison de l’oxydation
biochimique, ces deux paramètres diminuent de la surface vers
1.2 Propriétés physico-chimiques des profondeurs intermédiaires, pour augmenter aux profondeurs
les plus importantes et atteindre des valeurs constantes [17].
■ La salinité importante de l’eau de mer confère à ce milieu une
grande conductivité électrique. La résistivité de l’eau de mer, de L’immersion en eau de mer d’un matériau non toxique d’un
l’ordre de 20 Ω · cm, est cent fois inférieure à celle de l’eau douce. point de vue biologique conduit, dans les heures qui suivent, à la
Les couplages galvaniques vont donc être particulièrement actifs, formation d’un biofilm contenant des bactéries, des micro-algues
et sur des distances plus grandes. et des détritus. Le biofilm et les « salissures marines » qui le recou-
vrent induisent des nuisances variées telles qu’un accroissement
■ Le pH est tamponné, nous l’avons vu, par le système de la charge des structures, une augmentation de la résistance aux
échanges de chaleur dans des circuits échangeurs ou des réduc-
CO2 /HCO3− /CO23− . Il varie assez peu, dans la plage 7,5 – 8,5. Il
tions d’écoulement de fluide. Ils perturbent en outre localement les
dépend notamment de la température. Typiquement, une eau de caractéristiques physico-chimiques du milieu et donc modifient le
pH égal à 8,30 à 0 oC voit son pH baisser à 7,9 à 35 oC [6]. comportement à la corrosion du matériau [18]. La figure 1 illustre
l’ampleur de ce phénomène.
■ La température de l’eau de mer est bien entendu liée aux
échanges thermiques avec l’atmosphère. La température des eaux Il est généralement admis que les différentes étapes de la
de surface subit, au cours des saisons, des variations atteignant formation d’un biofilm en milieu marin sont les suivantes [COR 130] :
une dizaine de degrés dans les zones tempérées et quelques – adsorption à la surface du matériau de macromolécules organi-
degrés dans les zones équatoriales. Les variations de la tempéra- ques (exopolymères, protéines, etc.) et/ou inorganiques présentes
ture ont un impact sur la quasi-totalité des autres paramètres, que dans l’eau ou produites par des micro-organismes. Ce phénomène
ce soit la concentration en gaz dissous, l’activité biologique ou les se déroule lors des quelques minutes qui suivent l’immersion ;

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sous forme dissoutes ou colloïdales, peuvent jouer un rôle impor-


tant dans les phénomènes de corrosion. La pollution peut modifier
considérablement la composition de l’eau de mer et conduire à une
augmentation de l’agressivité de celle-ci, notamment dans des
zones où l’eau est peu brassée. À l’embouchure d’un fleuve, se pro-
duisent une diminution de la salinité de l’eau et une apparition de
nouveaux constituants, ce qui peut permettre la formation de piles
de concentrations localisées.

1 La présence d’un dépôt minéral ou organique peut favoriser


l’amorçage de phénomènes de corrosion caverneuse. Les courants
marins doivent également être pris en considération car ils influent
sur le renouvellement des espèces impliquées dans les processus
électrochimiques. Le vent et l’écoulement de l’eau sont souvent
associés au sable et à la vase et peuvent perturber profondément
les mécanismes de dégradation et augmenter la vitesse de
corrosion des structures métalliques. Ainsi les sédiments, associés
au courant marin, et notamment les particules de silices dures,
peuvent induire des phénomènes de corrosion-abrasion qui aug-
mentent la dégradation des matériaux.

2. Mécanismes
de la corrosion marine
Les principaux modes de corrosion sont tous susceptibles de se
produire. Les particularités de l’eau de mer induisent cependant aisé-
Figure 1 – Salissures marines (Crédit photo : LaSIE – Laboratoire ment la corrosion par piqûres et la corrosion caverneuse, favorisées
des Sciences de l’Ingénieur pour l’Environnement) par les ions chlorures, la corrosion galvanique, favorisée par la
conductivité électrique élevée, et la biocorrosion, favorisée par l’acti-
vité biologique. Enfin, la corrosion marine se déroule de façon diffé-
– adhésion des bactéries et, lorsque la surface est éclairée, des rente selon que le métal est immergé en permanence, en alternance
diatomées unicellulaires, suite aux modifications des propriétés de avec des périodes de séchage, en contact avec les seuls embruns, etc.
surface induites par l’adsorption des macromolécules ;
– le film microbien ainsi constitué permet le développement
d’espèces multicellulaires et l’incorporation de débris et de 2.1 Zones de corrosion
sédiments ;
Le comportement à la corrosion des matériaux peut varier
– sur ce biofilm, des « salissures marines », constituées de
considérablement en fonction de leur condition d’exposition et l’on
macro-organismes, algues et invertébrés, viennent enfin se fixer.
doit distinguer différentes zones, comme résumé sur la figure 2.
Une des caractéristiques du biofilm est son hétérogénéité [19].
Des porosités apparaissent à côté d’amas plus denses, la distri- ■ La zone atmosphérique désigne la partie de l’atmosphère où des
bution des espèces chimiques n’est pas uniforme et l’épaisseur peut particules d’origine marine peuvent être présentes. Dans cette
varier de quelques micromètres à plusieurs centimètres. Les zone, se produit une corrosion dite « atmosphérique », qui désigne
conséquences sont multiples : des zones anaérobies peuvent être la réaction d’un métal avec le dioxygène de l’air lorsque l’humidité
observées à côté de régions aérées, le dioxygène pouvant être et certains polluants permettent la formation d’un électrolyte à la
consommé ici par des bactéries aérobies et produit là par des algues surface. Les mécanismes sont voisins de ceux de la corrosion en
microscopiques. De même, le pH peut être localement très faible, le milieux aqueux, mais s’en distinguent sur les points suivants :
métabolisme de certaines bactéries produisant des acides.

Il est d’autre part important de noter que les couches de


produits de corrosion peuvent rapidement atteindre des épais-

}
seurs conséquentes. Les aciers non ou faiblement alliés sont
par exemple recouverts après quelques années d’une couche
épaisse de ~ 1 à 10 mm. Cette couche très poreuse contient Zone atmosphérique
alors une biomasse intimement associée aux produits de corro-
sion [11] [20]. La surface métallique n’est plus recouverte à ce
stade par un « biofilm » mais par une « couche composite
rouille-biomasse » qui gouverne les échanges entre le milieu
extérieur (eau de mer) et la surface de l’acier. Marée haute
} Zone des éclaboussures

Marée basse
} Zone de marnage
1.4 Courants, sédiments et autres
paramètres } Zone immergée

} Zone des sédiments


Si les constituants majeurs de l’eau de mer sont pratiquement
identiques dans toutes les eaux du globe, les constituants mineurs
varient d’un site à l’autre. Ces espèces, organiques ou minérales, Figure 2 – Différentes zones de corrosion

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62
Infrastructures, environnement et transport par voie d'eau
(Réf. Internet 42617)

1– Conception des infrastructures et aménagements 2


2– Gestion et exploitation des ports Réf. Internet page

Logistique douanière AG8041 65

Gérer la logistique internationale. Transport AG1322 73

Douane, élément clef de la facilitation des échanges internationaux. Instruments AG8040 81


douaniers internationaux
Écologie industrielle dans les territoires portuaires. Pratiques internationales et TRP5010 85
expériences françaises
Débats publics portuaires sur les projets d'aménagement des ports maritimes TRP5015 91

Stratégies de coopération pour la mise en réseaux des ports intérieurs et maritimes TRP5013 97
européens
Gestion de patrimoines d'infrastructures portuaires TRP5020 101

3– Transport de fret et transport par voie d'eau

4– Problématiques environnementales et risques

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63
2

64
Référence Internet
AG8041

Logistique douanière

par Jean-Philippe LACROIX


Responsable douane du groupe PSA Peugeot-Citroën

1. Dédouanement .......................................................................................... AG 8 041 - 2 2


1.1 Territoire de l’Union européenne ............................................................... — 2
1.2 Principes douaniers ..................................................................................... — 3
1.3 Formalités préalables au dédouanement .................................................. — 3
1.4 Pratiques du dédouanement dans l’Union européenne ........................... — 7
1.5 Procédures de dédouanement .................................................................... — 9
2. Régimes douaniers ................................................................................... — 16
2.1 Mise en libre pratique (Free Circulation ) ................................................... — 16
2.2 Transit ........................................................................................................... — 17
2.3 Exportation ................................................................................................... — 23
2.4 Régimes économiques ................................................................................ — 23
3. Produits soumis à contrôles particuliers .......................................... — 27
3.1 Politique agricole commune ....................................................................... — 27
3.2 Export Control : produits stratégiques et biens à double usage.............. — 28
3.3 Autres réglementations ............................................................................... — 30
4. Fonction douane dans l’entreprise ...................................................... — 30
5. Conclusion.................................................................................................. — 30
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. AG 8 041

’entreprise confrontée aux formalités douanières adopte souvent une atti-


L tude passive, soit en renonçant à réaliser l’opération, soit en se pliant (sans
comprendre) aux obligations signifiées par l’agent de l’administration des
douanes, ou par l’intermédiaire qu’il aura, au préalable, chargé de réaliser ces
opérations douanières (en France, le commissionnaire en douane).
En réalité, malgré les contraintes qu’elles engendrent, les réglementations
douanières, ainsi que les autres règles administratives internationales,
constituent des outils intéressants pour les opérateurs économiques, à
condition d’en maîtriser l’usage. Ces règles instaurent une certaine sécurité
juridique pour l’entreprise face aux administrations nationales.
Parution : avril 2011

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est strictement interdite. – © Editions T.I. AG 8 041 – 1

65
Référence Internet
AG8041

LOGISTIQUE DOUANIÈRE _____________________________________________________________________________________________________________

1. Dédouanement 1.1 Territoire de l’Union européenne


Avant de définir le dédouanement et ses modalités, il est essen-
Pourquoi une formalité de dédouanement ? Quelles sont les tiel d’indiquer que le dédouanement ne concerne que des mar-
obligations des marchandises qui franchissent une frontière, ou chandises qui ne sont pas à l’intérieur de l’Union européenne. Il
arrivent dans un port ou un aéroport ? n’existe plus de formalités douanières entre les 27 États Membres
de l’Union européenne, même s’il existe encore des obligations
Ces formalités sont peu transparentes, les intermédiaires (transi- fiscales différentes d’un EM à l’autre (TVA intra-communautaire,
taires, agents maritimes, aériens, commissionnaires) utilisent droits d’accises sur les tabacs, alcools et produits pétroliers)
volontiers « le blocage en douane » pour justifier de la non-livrai- (figure 1).
son dans les délais de conteneurs, ou de colis à l’international.

2
L’environnement portuaire, ou aéroportuaire, est complexe en Les marchandises qui circulent dans l’UE sont appelées
raison du nombre élevé d’opérateurs chargés d’intervenir sur les « marchandises communautaires ». Elles ont été produites
marchandises. La formalité douanière n’est qu’un élément dans la dans l’UE ou bien, déjà importées, elles ont auparavant payé
succession des opérations portuaires, mais elle en constitue néan- les droits et taxes à l’importation.
moins un élément essentiel.

A contrario, les termes importation et exportation ne concernent


(sauf exception) que des mouvements de marchandises à desti-
Depuis le 1er janvier 2011, les obligations liées à la sûreté
nation, ou au départ, du territoire de l’Union européenne. Les
du fret vont accroître l’impact des formalités douanières dans
échanges de services ne sont jamais concernés par les formalités
la chaîne logistique.
douanières.

Açores (P)
Island

Madeira (P)
Canarias (E) Guadeloupe
Suomi (F)
Finland Martinique
(F)
Norge
Guyane (F)
Suriname Réunion (F)
Sverige Eesti
Brazil

Latvija
Ireland Danmark Rossija
Lietuva
Eire
United Kingdom R.
Belarus'
Nederland
Polska
Belgie Deutschland
Belgique
Ceska Ukraïna
Luxembourg
republika
Liechtenstein Slovensko Moldova
France
Suisse Osterreich
Schweiz Magyarország
Svizzera Slovenija România
Hrvatska Sakartvelo
Bosna i Azerbaycan
Andorra San Marino Hercegovina
Portugal Monaco Haïastan
Srbija <?>
Italia Bulgaria
España Crna Gora
Cilta P.J.R.M
del Shqiperia
Vaticano Türkiye
E␭␭␣␦␣
Ellada

Kú␲␳␱ς
Kypros
Malta Kibris

Figure 1 – Territoire douanier de l’Union européenne (Crédit CE)

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66
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AG8041

_____________________________________________________________________________________________________________ LOGISTIQUE DOUANIÈRE

■ Exception 1.3 Formalités préalables


au dédouanement
Les départements d’Outre-mer font partie du territoire doua-
nier de l’Union européenne (Martinique, Guadeloupe, Le fait générateur du droit de douane est constitué par le fran-
Réunion, Guyane), mais ils ne font pas partie du territoire fis- chissement de la frontière, cela se matérialise dans l’UE par
cal métropolitain. l’entrée sur le territoire douanier de l’Union européenne.
Conséquence : on établit des déclarations d’exportation et Cette règle s’applique de la même façon dans tous les pays du
d’importation. monde.

Le même dispositif s’applique pour :


– les Açores ; 1.3.1 Prise en charge douanière

2
– les îles Canaries ; (Customs Presentation )
– les Îles Anglo-Normandes ;
– les Îles Åland ; 1.3.1.1 Prise en charge à l’importation
– le Mont Athos.
■ Territoires tiers ■ Puisque l’impôt douanier est portable, dès l’approche de la fron-
tière, le conducteur du moyen de transport doit se diriger vers un
Les territoires d’Outre-mer : Polynésie française, Nouvelle Calé- bureau de douane (article 40 à 47 du CDC). Il existe donc des :
donie, Saint-Pierre et Miquelon, Wallis et Futuna, les terres australes
et Antarctiques françaises ne font pas partie du territoire de l’Union – itinéraires douaniers à emprunter ;
européenne. Ils constituent des « territoires tiers ». Il en est de
même pour : – ports et aéroports douaniers (ouverts au trafic international) ;
– Andorre ; – plates-formes logistiques ou lieux de passage, sous sur-
– le Vatican ; veillance douanière.
– San Marin ;
– Gibraltar ; ■ À l’arrivée du moyen de transport, le conducteur, ou son repré-
– les Îles Féroé ; sentant, doit présenter à la douane les marchandises pendant les
– Livignio Campione d’Italia ; heures d’ouverture des bureaux. Cette obligation se traduit par le
– la partie hollandaise de Saint-Martin (San Maarten). dépôt d’une déclaration sommaire. Elle est constituée, le plus sou-
vent, d’une copie du document de transport :
■ Hors douane
Certaines marchandises peuvent circuler à l’intérieur de l’UE – manifeste maritime ou contrat de transport (bill of lading,
sans avoir été dédouanées. Dans ce cas, elles sont sous sur- airway-bill ) ;
veillance douanière. On dit qu’elles sont « couvertes par un régime – lettre de voiture CMR (route) ou CIM (fer) articles 43, 44 et 48
douanier » (cf. § 2 pour les différents régimes douaniers). du CDC.

1.2 Principes douaniers Attention : le fait de ne pas utiliser un itinéraire douanier


Pour examiner les modalités pratiques du dédouanement, il et/ou ne pas se présenter lors d’une importation de marchandi-
importe de préciser que l’impôt douanier est régi par trois ses auprès d’un bureau de douane constitue une fraude.
principes qui expliquent les formalités auxquelles sont soumises Ainsi, ne pas déposer une déclaration sommaire constitue un
les marchandises à l’entrée sur le territoire du pays d’importation acte de contrebande.
(encadré 1).
Ces principes sont universels. Ils s’appliquent dans tous les pays
même s’ils ont été aménagés pour tenir compte du développe- Après le dépôt de la déclaration sommaire, les marchandises ne
ment des flux internationaux. peuvent être déplacées, ouvertes, ou enlevées, du lieu désigné par
le bureau de douane sans l’autorisation express des autorités
Ces principes douaniers ont pour conséquence la mise en place douanières. Si cette condition n’est pas respectée, les autorités
de formalités dont la maîtrise est importante pour comprendre le douanières exigent le paiement immédiat des droits de douane et
déroulement des opérations de dédouanement. infligent une pénalité « pour soustraction de marchandises sous
douane ».
Encadré 1 – Trois principes de l’impôt douanier ■ Lorsque la déclaration sommaire a été déposée, l’opérateur doit
donner un régime douanier à ses marchandises dans un délai de
• Impôt portable 1 jour.
Les marchandises doivent être conduites physiquement au
bureau de douane pour y être taxées. En effet, lors de l’arrivée d’une marchandise, l’opérateur peut
choisir :
• Impôt déclaratif
Il doit s’agir d’un acte spontané de l’importateur qui rédige – de mettre en libre pratique (paiement des droits et taxes et
et présente la déclaration en douane. application des mesures de politique commerciale) ;
• Impôt payable au comptant – d’acheminer ses marchandises vers un autre point du territoire
communautaire (transit douanier, § 2.2) ;
Les droits de douane sont exigibles dès le dépôt de la décla-
ration. Dans certains pays (Brésil, Argentine, Mexique, Inde...), – de réexporter les marchandises avec, ou sans, utilisation d’un
les droits de douanes et taxes doivent être transférés sur le régime de transit (§ 2.2 et § 2.3) ;
compte de l’Administration douanière avant le dépôt de la
– de suspendre les droits et taxes par l’utilisation d’un régime
déclaration en douane.
économique (§ 2.4).

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AG8041

LOGISTIQUE DOUANIÈRE _____________________________________________________________________________________________________________

■ S’il ne dispose pas des informations nécessaires pour donner un 1.3.2.1 Préalable à la prise en charge à l’importation
régime douanier à ses marchandises, l’opérateur (prestataire de au 1er janvier 2011
service ou entreprise) peut demander de placer ses marchandises
dans un magasin de dépôt temporaire (MDT – § 1.3.3). Depuis le 1er janvier 2011, une déclaration sommaire d’entrée
(ENS pour Entry Summary Declaration ) doit être adressée, par
anticipation, au premier bureau de douane d’introduction dans
Exemple l’Union européenne (figure 2).
Si, à l’arrivée des marchandises à Anvers, le transitaire portuaire n’a
pas encore reçu d’instructions particulières de son client français, ou ■ Transport maritime
s’il est en attente de certains documents, il place les marchandises
Il existe trois cas :
en MDT.
– par conteneur, ENS adressée au moins 24 heures avant le
chargement du navire dans le port de départ ;

2
1.3.1.2 Prise en charge à l’exportation
– en vrac, au moins 4 heures avant l’arrivée sur le territoire
Comme à l’importation, il existe une formalité de prise en douanier de l’Union européenne ;
charge douanière à l’exportation. Cette formalité se situe chronolo-
– exceptions territoriales (Îles Féroé, Canaries, Madère, dépar-
giquement après le dépôt de la déclaration d’exportation. En effet,
tements d’Outre-mer, ou lorsque le voyage n’excède pas
dès le dépôt de la déclaration en douane pour l’exportation, les
24 heures). Dans ce cas, le délai d’envoi de la déclaration som-
biens concernés par cette déclaration sont sous contrôle douanier.
maire est réduit à 2 heures avant l’arrivée au premier point
Le mouvement des biens du bureau de douane d’exportation d’entrée dans l’Union européenne.
où a été déposée la déclaration jusqu’à la frontière de l’UE se
matérialise par un message de prise en charge retourné par le
bureau de douane de sortie de l’UE. Celui-ci constate la fin de
l’opération douanière. Données à faire figurer sur la déclaration sommaire d'entrée
(Message électronique)
Cette formalité est importante car elle a des conséquences Nombre d'articles Y Y
fiscales pour l’exportateur : il doit justifier la vente en exonération
Numéro de référence unique de l'envoi X/Y X/Y
de TVA.
Numéro du document de transport X/Y X/Y
Expéditeur X/Y X/Y
1.3.2 Nouvelle étape : mesures de sûreté Personne présentant la déclaration sommaire Y Y
Destinataire X/Y X/Y
Après les événements du 11 septembre 2001 aux États-Unis
Transporteur Z
d’Amérique, des mesures de protection du territoire américain ont
été mises en place afin d’éviter l’arrivée intempestive de marchan- Partie à notifier X/Y
dises dangereuses (armes de destruction massive, produits Identité et nationalité du moyen de transport actif franchissant
chimiques interdits, etc.). la frontière
Numéro de référence du transport Z
Code du premier lieu d'arrivée Z
Ces mesures de protection sont connues sous le sigle CSI
Date et heure d'arrivée au premier lieu d'arrivée sur le territoire douanier
(Container Security Initiative ). Les douanes américaines
demandent aux exportateurs vers les USA de les informer sur Code du (des) pays de l'itinéraire Y Y
la nature de la cargaison et les parties au contrat, 24 heures Bureau de douane de sortie Y
avant l’embarquement sur le navire à destination d’un port Localisation des marchandises Y
américain (destination finale ou simple escale). Lieu de chargement X/Y
Cette information prend la forme d’une déclaration som- Code du lieu de déchargement X/Y
maire électronique qui est véhiculée, le plus souvent, par les Désignation des marchandises X X
compagnies maritimes ou leurs agents. Type de colis (code) X X
Nombre de colis X X
Ces obligations existent pour les autres modes de transport, Marques d'expédition X/Y X/Y
mais les délais pour informer les autorités américaines sont Numéro d'identification de l'équipement, si conteneurisé X/Y X/Y
réduits : Numéro d'article X X
– 6 heures pour le trafic aérien ; Code SH des marchandises X X
Masse brute (kg) X/Y X/Y
– 1 heure pour le trafic routier.
Code marchandises dangereuses ONU X X
■ Ces dispositions ont été approuvées au niveau mondial, en juin Numéro du scellé X/Y X/Y
2005, par l’ensemble des Directeurs généraux des douanes dans Code du mode de paiement des frais de transport X/Y X/Y
une déclaration de l’OMD (Organisation mondiale des douanes) Date de déclaration Y Y
qui invite tous les pays à mettre en place des dispositions ana- [Signature ] Authentification Y Y
logues pour lutter contre le terrorisme (programme SAFE). Autre indicateur de circonstance spécifique Y Y
légende :
■ De son côté, l’Union européenne a publié un règlement modi-
fiant le Code des douanes communautaire (règlement 685/2005) y information au niveau du message
instaurant une obligation similaire. Les déclarations préalables à x information au niveau de l'article
l’importation, comme à l’exportation, devaient entrer en vigueur Annexe 30 A du règlement 1875/2006 du 18 décembre 2006
au 1er janvier 2009. La date à été repoussée jusqu’au 1er janvier
2011. D’autres pays prennent, ou ont pris, des mesures analogues Figure 2 – Données obligatoires à faire figurer dans le message
(Chine, Australie, Brésil, Argentine...). ICS/ECS

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AG8041

_____________________________________________________________________________________________________________ LOGISTIQUE DOUANIÈRE

■ Transport aérien ■ Cette déclaration doit être adressée au bureau de douane de


sortie du territoire de l’Union européenne, avant l’embarquement
Le délai d’information dépend de la durée du vol : sur un moyen de transport, ou avant que celui-ci se présente au
– court ou moyen courriers, l’information doit avoir lieu au bureau de sortie du territoire d’exportation.
moment du décollage effectif de l’avion ;
• Cette déclaration doit, en priorité, prendre la forme d’un
– pour les longs courriers, au moins 4 heures avant l’arrivée au message. L’obligation d’émettre un message valant déclaration
premier aéroport de l’Union. sommaire de sortie est entrée en vigueur au 1er juillet 2009.
■ Transport routier • La déclaration d’exportation est réalisée auprès du bureau
Le délai de réception de la déclaration sommaire est de 1 heure d’exportation, le message ECS est émis à destination du bureau
avant l’arrivée au premier bureau d’entrée dans l’Union. de sortie du territoire de l’UE.

2
■ Le message ECS peut être confondu avec la déclaration d’expor-
■ Transports par voie ferrée et fluvial
tation, notamment lorsque la déclaration d’exportation est
Le délai d’envoi au premier bureau d’introduction dans l’UE est elle-même émise sous la forme d’un message électronique. C’est
de 2 heures. le cas, en France, lors de l’exportation réalisée à partir d’un bureau
intérieur (en dehors des ports et aéroports).
La déclaration sommaire d’entrée doit prendre la forme d’un
message électronique et comporter des informations qui ne • Depuis le 1er janvier 2011, pour permettre une analyse de ris-
figurent pas sur les documents de transport (bill of lading, lettre de ques, ce message doit comporter des informations sur le moyen
voiture CMR ou CIM, Airway Bill ). de transport :
– numéro d’immatriculation ou d’enregistrement du conteneur ;
Les échanges avec la Suisse et la Norvège ne sont pas – mode de paiement du transport.
concernés par ces dispositions. Il existe un accord de
■ Ce message a, en outre, une fonction fiscale : il sert de preuve
reconnaissance mutuelle avec ces deux pays où les contrôles
de sortie de l’UE pour justifier la vente en exonération de TVA. Le
de sûreté ne sont pas exigés pour les échanges avec l’UE.
bureau de sortie informe le bureau émetteur de la sortie effective
Chaque pays s’engage, en revanche, à appliquer des des biens en dehors de l’Union. Un accusé de réception est
contrôles de sûreté pour les marchandises arrivant d’autres adressé à l’exportateur ou à son représentant. Cet accusé de
pays, quel que soit le mode de transport. réception doit être conservé pour présentation en cas de contrôle
douanier, ou fiscal.
■ Les informations contenues dans la déclaration sommaire
d’entrée sont, en principe, fournies par le transporteur. Le mes-
Attention : dans certaines circonstances, les biens peuvent
sage d’envoi est suivi d’un retour avec un code-barre appelé
quitter les locaux de l’exportateur, sans être directement ache-
« MRN ». Ce code sera le sésame pour entrer dans l’UE.
minés en dehors de l’Union européenne. Ils sont stockés dans
À partir de ce message, les douanes de l’État Membre d’impor- un lieu proche de la frontière dans un autre État Membre.
tation vont réaliser une analyse de risque et déclencher des Le délai de stockage ne peut excéder 150 jours. Au-delà, la
contrôles physiques sur les cargaisons importées dans l’Union déclaration en douane d’exportation et le message ECS
européenne. peuvent être annulés, une nouvelle déclaration devra être
déposée dans l’État Membre où a eu lieu le stockage.
■ Résumé
L’obligation d’adresser un message valant déclaration sommaire
d’entrée avant l’arrivée sur le territoire douanier de l’Union euro- Exemple
péenne change les pratiques logistiques, en particulier pour les Marchandises exportées vers la Russie, mais stockées en Finlande
transports maritimes et aériens. La majorité des informations avant expédition en dehors de l’UE, le délai de séjour en Finlande ne
nécessaires pour établir sa déclaration en douane doit être devra pas excéder 150 jours. Au-delà, une nouvelle déclaration devra
communiquée au point d’entrée dans l’Union européenne par le être déposée auprès des douanes finlandaises, la déclaration d’expor-
transporteur avant son arrivée. Pour les transports conteneurisés, tation déposée en France sera annulée. Il faudra récupérer la preuve
c’est avant même le départ du navire du lieu d’exportation. de la sortie de l’UE pour justifier l’exonération de la TVA à l’expor-
Ces informations vont servir à réaliser des contrôles physiques tation. Cela va entraîner des coûts supplémentaires pour l’exportateur
au port d’arrivée dans l’Union et peuvent éventuellement en inter- et/ou des risques, il faut donc faire attention à l’Incoterm choisi.
dire l’accès au territoire de l’UE. Un Incoterm EXW ou FCA transporteur français risque d’être très
Dans la pratique, l’entreprise doit fournir la majorité des informa- pénalisant pour l’exportateur. Le contrat devra prévoir une clause
tions à partir de la déclaration d’exportation du pays de départ qui va, concernant l’acheminement direct, ou la durée du stockage en Finlande.
dans bien des cas, servir de base à la déclaration sommaire d’entrée.
Ces informations sont demandées par les compagnies maritimes au 1.3.3 Magasins et aires de dépôt temporaires
moins 2 jours avant le chargement du navire. Cela occasionne des
coûts supplémentaires et un accroissement des lead times à prendre Prévus dans les articles 50 à 53 du CDC, ces magasins et aires de
en considération dans les cotations maritimes (figure 3). dépôt temporaires (MADT) permettent de conserver des marchan-
dises en attente de régime douanier. Il ne s’agit pas de stocker
1.3.2.2 Prise en charge à l’exportation – sous douane des marchandises, mais de permettre à l’opérateur
Dispositions relatives à la sûreté économique d’attendre que lui parviennent certains éléments
indispensables au dédouanement.
À l’exportation, il existe un dispositif similaire qui est entré en
Les marchandises peuvent être placées en MADT soit par :
vigueur au premier juillet 2009. Comme pour l’importation, le Code
des douanes communautaire a été modifié pour intégrer une nou- – le détenteur des marchandises qui les a introduites dans l’UE ;
velle formalité : la déclaration sommaire de sortie ECS (Export – le transitaire portuaire ;
Control System) (figure 4). – l’entreprise importatrice dans ses propres locaux.

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Référence Internet
AG8041

LOGISTIQUE DOUANIÈRE _____________________________________________________________________________________________________________

Au 1er Janvier 2011


1
2
Notification
of arrival
Entry summary
declaration (ENS) Results of
risk analysis
ENS
(Entry summary

2
declaration) faite rter Y Notification d'arrivée
par le transporteur par transporteur au
Office of entry
pour obtenir un premier point touché
Office of entry de l'UE
code MRN de l'UE
GOODS
Carrier
ENS

3 4

Summary Carrier
• Arrivée dans l'UE déclaration
• Présentation des Office
marchandises Régime douanier
of entry
• Validation de l'ENS dans SI donné par le déclarant
Office of entry
• Prise en charge des MRN sur (ou son représentant)
une déclaration sommaire
pour donner aux douanes la
suite prévue des flux
• Escale, transit, MLP ENS ENS
Customs declaration

Figure 3 – Scénario import – Traçabilité des flux (Crédit CE)

3
Entreprise Édition
papier Transporteur jusqu'au
exportatrice
EAD point de sortie
avec MRN

5 6 7
1 2 9 Présentation de l'EAD Notification d'arrivée Autorisation de sortie
au point de sortie des marchandises du territoire de UE
Émission Accord Attestation
avec lecture optique du MRN IE 507
Déclaration bureau de sortie
code barres
export dans douane et IE 599
DELT@ possibilité
émission
MRN

4
Avis anticipé
d'exportation
IE 501 Bureau de sortie
Bureau de douane d'exportation
de l'Union européenne
Mulhouse
Anvers
8
Constatation de la sortie
effective des marchandises
IE 518

Figure 4 – Schéma globa∑CS

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70
Référence Internet
AG8041

_____________________________________________________________________________________________________________ LOGISTIQUE DOUANIÈRE

Phase 1

Déclaration sommaire d'entrée (ENS) Douane (NL)

24 h avant le chargement du navire Analyse


de risques
Rotterdam premier
port d'arrivée dans l'UE
Yokohama Prise en charge de sûreté

2
Phase 2 Le Havre
Port de destination

Douane
Phase 3 Déchargement et prise en
charge douanière

Douane
Delta D

Dédouanement
immédiat
Delta C
Transit
Commissionnaire
douanier
en douane
NSTI

MADT Schéma alternatif


Dédouanement
domicilié (entreprise)

Figure 5 – Schéma douanier complet avec déclaration de sûreté

Les délais de séjour en MADT sont respectivement de : • Les délais de séjour sont limités à :
• 45 jours dans les ports ; – 60 jours après la date de dépôt d’une déclaration
d’exportation ;
• 20 jours dans les autres lieux.
– 15 jours s’il s’agit d’une suite d’opérations de transit.
Les MADT sont, le plus souvent, gérés par des professionnels tran-
• En cas de dépassement des délais de séjour, tant à l’impor-
sitaires du transport, des transporteurs, etc., ou par des organismes
tation qu’à l’exportation, les marchandises sont placées par le ser-
publics (chambre de commerce, port autonome). Quand le dédoua-
vice des douanes en « dépôt d’office ». Dans la plupart des cas,
nement a lieu dans le cadre d’une procédure à domicile, le MADT
elles sont déplacées et placées en entrepôt de stockage. La durée
peut être situé dans les locaux du destinataire des marchandises.
maximale en dépôt d’office est de quatre mois. À l’issue de cette
période, les marchandises sont vendues aux enchères.
■ La gestion des MADT est relativement simple. L’entrée est réali-
sée à partir de la Déclaration sommaire, et la sortie sur la base de • On doit attirer l’attention sur le niveau élevé des frais de stoc-
la déclaration qui sera faite pour affecter un régime douanier à la kage et de manutention qui sont à la charge du propriétaire des
marchandise. L’exploitant doit tenir une comptabilité « matières » marchandises, ou de son représentant (Incoterms), lors d’une mise
(inventaire) des marchandises stockées. à FOB dont les délais ne sont pas respectés. Dans les ports ou les
aéroports, ils peuvent atteindre des montants importants. En
conséquence, il est souhaitable d’éviter une telle situation qui peut
Déroulement des opérations (en résumé) : aboutir à la vente forcée des marchandises (vente en douane réali-
sée par le receveur des douanes).
– prise en charge : présentation du document de transport
ou colisage ; Dans certaines situations, il est intéressant d’utiliser les facilités
– mise en MADT : inscription dans une comptabilité offertes par les MADT, il est possible d’en créer au sein même
« matières » par le gestionnaire du MADT ; d’une entreprise. En raison de leur simplicité de gestion, ces
– sortie du MADT : apurement de la comptabilité magasins permettent de stocker à peu de frais des marchandises
« matières », suivi de la mise sous régime douanier des mar- non communautaires.
chandises (importation, exportation, transit...) (figure 5).

1.4 Pratiques du dédouanement


■ À l’exportation en France, il est possible de conserver des mar- dans l’Union européenne
chandises sur le territoire communautaire après dépôt de la décla-
ration d’exportation, mais avant expédition effective (attente Toutes les personnes (physiques ou morales) établies dans
d’embarquement maritime par exemple), en magasin et aires l’Union européenne peuvent importer, ou exporter, des marchan-
d’exportation (MAE). dises.

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est strictement interdite. – © Editions T.I. AG 8 041 – 7

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Gérer la logistique internationale


Transport
par Jacques DUBOIN
Professeur agrégé d’économie et gestion, spécialisé en affaires internationales
Corédacteur et coconcepteur d’« Exporter » et de « S’internationaliser », ville, pays
2
1. Du transport à la logistique ................................................................. AG 1 322v3 - 2
1.1 Évolution de la notion de transport........................................................... — 2
1.2 Définitions de la logistique......................................................................... — 2
1.3 La logistique dans l’activité de l’entreprise .............................................. — 3
1.4 La circulation de l’information, condition d’une bonne logistique ......... — 4
1.5 Principaux documents courants utilisés en logistique ............................ — 4
1.6 Principales caractéristiques de l’EDI.......................................................... — 4
1.7 Les particularités de la logistique internationale ..................................... — 5
1.8 L’Index de Perfomance logistique ............................................................. — 6
2. Définition d’un choix logistique ......................................................... — 6
2.1 Les enjeux et la finalité ............................................................................... — 6
2.2 Les acteurs de la logistique........................................................................ — 7
2.3 La gestion des flux logistiques .................................................................. — 8
2.3.1 Pourquoi gérer ces flux ?................................................................... — 8
2.3.2 Les différents flux............................................................................... — 8
2.3.3 La gestion de la chaîne de valeur ..................................................... — 8
2.4 Les infrastructures logistiques................................................................... — 8
2.5 Les coûts logistiques .................................................................................. — 9
3. Les spécificités de la logistique internationale ........................... — 9
3.1 Le contrat de vente ..................................................................................... — 9
3.2 L’incoterm.................................................................................................... — 10
3.3 La question de l’emballage ........................................................................ — 10
3.4 Le prestataire de transport ......................................................................... — 11
3.5 Les documents spécifiques ........................................................................ — 11
4. Gestion de la logistique, du transport international
et de la douane .............................................................................................. — 13
4.1 Réflexion préliminaire ................................................................................ — 13
4.2 Rappel des différentes phases d’une vente internationale ..................... — 18
4.3 Le choix d’un incoterm ............................................................................... — 20
4.3.1 Rappels ............................................................................................... — 20
4.3.2 Les précisions apportées par les incoterms .................................... — 20
4.3.3 Les incoterms multimodaux 2020 .................................................... — 20
4.3.4 Les incoterms maritimes ou fluviaux ............................................... — 20
4.3.5 Le choix des incoterms en cas de crédit documentaire.................. — 20
4.3.6 Les difficultés d’utilisation du crédit documentaire
avec les incoterms — 20
4.4 Le choix d’une solution transport.............................................................. — 21
4.4.1 Les critères de choix d’une solution de transport ........................... — 21
4.4.2 Les solutions de transport possibles................................................ — 22
4.5 Le choix d’un prestataire de transport international................................ — 22
4.6 Le choix d’une bonne formule d’assurance transport ............................. — 24
4.6.1 La responsabilité du transporteur .................................................... — 24
4.6.2 Les assurances transport................................................................... — 24
5. Conclusion.............................................................................................. — 31
6. Glossaire ................................................................................................. — 33
Parution : octobre 2020

Pour en savoir plus ....................................................................................... AG 1 322v3

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u XXe siècle, la notion de transport international était plutôt associée aux


A exportations de produits finis et aux importations de produits bruts ou
semi-finis. Les Incoterms avaient toute leur place et étaient une partie impor-
tante des contrats.
Au XXIe siècle, les courants d’échanges se sont intensifiés et fortement modi-
fiés, et si les produits bruts ou semi-finis sont toujours importants, ce sont les
produits et composants finis ou technologiques qui sont l’objet principal des
échanges internationaux. Nous achetons donc, par exemple, des produits qui
peuvent être « fabriqués » en Europe ou en Chine, mais dont certains compo-
sants proviennent du monde entier : ainsi certaines voitures Toyota sont
assemblées en France, pour des raisons de coûts logistiques vers un marché de

2 proximité (environ 100 millions de consommateurs à revenu élevé dans un


rayon de 500 km autour de l’usine), mais les divers composants sont fabriqués
ailleurs dans le monde et arrivent notamment par Anvers ou Rotterdam. Il en est
de même d’Airbus dont les chaînes de montage sont à Hambourg et Toulouse
(bientôt en Chine), mais dont les diverses parties sont fabriquées en Europe et
30 % de la valeur l’est aux États-Unis, ou ailleurs. Dans un autre domaine, Ikea
peut proposer un assortiment de produits de la maison à des prix de vente com-
pétitifs en provenance du monde entier car cette société a une maîtrise presque
parfaite de sa « logistique » ou « supply chain » : elle conçoit tous ses produits
en Suède, la manière de les fabriquer souvent en Allemagne et les fait fabriquer
par une entreprise qui maîtrise la technologie nécessaire à un coût acceptable
par le consommateur européen et américain. Ainsi la logistique devient un
élément du coût de revient.
Cela est en lien direct avec l’accroissement de la productivité des navires
grâce à une spécialisation croissante, à la conteneurisation quasi systématique,
à la forte augmentation de productivité des ports maritimes et au développe-
ment intensif du transport routier. Il en résulte une baisse impressionnante des
taux de fret, transformant ainsi le transport international en « logistique », un
des éléments clé du coût de production ou de distribution des produits : c’est
désormais la « supply chain ».
L’ « envers de la médaille » est la dépendance croissante de la production
finale et/ou des marchés de consommation, d’un arrêt de production ou
d’approvisionnement de l’un des maillons de la « supply chain ». La sûreté
des approvisionnements est certainement l’une des difficultés majeures
auxquelles les entreprises ou les États vont être confrontés dans un proche
avenir.
Cet article présente la nouvelle manière de concevoir les transports comme un
élément du coût de revient global, et non plus un coût que l’on rajoute à un coût
de fabrication ou de distribution à partir et en direction d’un pays déterminé.

1. Du transport à la logistique Pour cela, il est nécessaire de bien comprendre les attentes et
besoins des clients.

1.1 Évolution de la notion de transport 1.2 Définitions de la logistique


La notion de transport a évolué de manière rapide en quelques Le « Council of Supply Chain Management Professionnals »
dizaines d’années et elle s’est intégrée encore plus comme un définit la logistique comme :
élément à part entière de l’activité économique. Mais, seuls les « L'intégration de deux ou plusieurs activités dans le but d'éta-
professionnels impliqués directement parlent encore de « trans- blir des plans, de mettre en œuvre et de contrôler un flux efficace
port ». Les autres acteurs utilisent le concept de « logistique », de matières premières, produits semi-finis et produits finis, de
partie intégrante de la valeur ajoutée du produit ou du service leur point d'origine au point de consommation. »
vendu.
Ces activités peuvent inclure -sans que la liste ne soit limitative- : les
La logistique est donc considérée comme une fonction stratégique achats, l'emballage la manutention, l'organisation des transports ainsi
et doit avant tout garantir la cohérence entre les processus internes, que le transport effectif des marchandises, la fabrication, l'entreposage
propres à l’entreprise ou à l’organisation et les attentes du marché, le et le stockage, le contrôle des stocks, la prévision de la demande, les
tout en intégrant les contraintes externes. Source de valeur ajoutée, communications liées à la distribution, le traitement des commandes,
elle vise à ajuster les principes de l’amélioration continue dans tous les services offerts aux clients tels que le service après-vente et des
les processus de la chaîne de production et d’approvisionnement. pièces détachées, le traitement des marchandises retournées, etc.

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On peut regrouper et distinguer trois familles complémentaires – elle est un outil d'aide à la décision fournissant un ensemble
d’activités qui définissent la logistique : de renseignements et de coûts prévisionnels lors du développe-
– les opérations logistiques (transport, manutention, entrepo- ment d'un projet ;
sage, emballage, etc) ; – elle assure une fonction de régulation des flux et agit comme
– la gestion des flux de produits et d’informations et les outils de agent économique en tant que tel puisque sont touchés les trans-
gestion associés ; ports, la production, la distribution et la maîtrise organisationnelle.
– les opérations économiques qui regroupent les prestataires de L’Aslog indique qu’elle concerne l’ensemble des opérations concer-
transport, d’entreposage, etc, fournissant aux clients un service nant le mouvement des produits et des marchandises telles que :
logistique intégré.
Nota : Aslog : « Association pour la logistique » réseau français des professionnels de
La logistique apparait alors comme l'activité ayant pour objet la logistique
de gérer les flux et les données qu’ils soient physiques, d’informa-
tions ou financiers, afin de mettre à disposition des ressources « localisation des usines et entrepôts, approvisionnements, ges-

2
correspondant à des besoins préalablement déterminés. tion physique des encours de fabrication, emballage, stockage et
gestion des stocks, manutention et préparation des commandes,
transports et tournées de livraison ».
1.3 La logistique dans l’activité Les différentes activités décrites dans cette définition doivent
de l’entreprise permettre une réflexion générale construite autour d’une double
préoccupation : réaliser les opérations au moindre coût et assurer
La fonction logistique agit de façon transversale dans l'entreprise : la meilleure qualité de service possible (tableau 1)
– elle réunit toutes les informations des différents services pour Toutes ces tâches sont les mêmes à l’international avec des dif-
proposer un schéma de la gestion des flux de marchandises et ficultés supplémentaires dues notamment à des documents dans
d'informations ; une autre langue et l’intervention d’autres acteurs.

Tableau 1 – Activités et acteurs de la logistique


Phase de l’activité Activités dans l’entreprise Activités induites
Développement de produit ou d’activité Recherche et mise en relation avec :
et recherche de sources • des fabricants,
• des producteurs,
• des industriels fournisseurs (suppliers),
Approvisionnement (sourcing), • des sous-traitants (sub-contractors),
dans ou à l'extérieur de l'entreprise • des prestataires de services, tels que commissionnaires
de transport
• ou transporteurs ;
Achats (purchasing) Ils impliquent la notion de contrat et de paiement
En amont du processus
de fabrication Apparaissent
• les commandes internes à l’entreprise (order),
Approvisionnement (procurement • ou les bons de commandes (à l'extérieur) (purchase order),
• les demandes, bons ou ordres de fabrication,
de livraison… » (à l'intérieur) et aux fournisseurs (supplier) ;
Acheminement (transport) des marchandises (Produit
fini ou matériaux, minerais, composants…) vers un point
Transport amont de stockage (notion de stock) ou une plateforme
de préparation de commandes (notion de Juste-à-temps
ou flux tendu).
En entrepôt ou dans l’entreprise avec manutentions liées
Stockage
à l’entreposage
Constitution de kits ou de lots (kitting), conditionnement
Suremballage (copacking),
à façon, adressage, etc. ;
« Répartition » pour certaines entreprises, mais aussi
stockage avant expédition et transport aval
Préparation de commandes
« Éclatement » pour d’autres activités notamment
En aval du processus dans le secteur alimentaire frais
de fabrication
Il se décompose en :
• « traction », c'est-à-dire acheminement (transport) jusqu'à
un point de répartition ou d'éclatement ou de mise en tournée ;
Transport aval après le lieu de stockage, expé- • « passage à quai », pour « éclater », « répartir »
dition ou « mettre en tournée » sur d'autres véhicules ;
• « distribution », c'est-à-dire le transport du « dernier
kilomètre » vers une entreprise (Business to business)
ou vers un particulier (Business to consumer).

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Dans ce contexte l’optimisation, l’adaptabilité et la circulation


de l’information sont des mots d’ordre pour la fonction logistique. Tableau 2 – Principaux documents utilisés
Attestation Pour servir de preuve dans un dossier
1.4 La circulation de l’information, Document privé pour une action définie
condition d’une bonne logistique Autorisation ou public pour permettre par exemple
une importation
La condition d’une logistique performante, pour que les opéra-
tions commerciales, industrielles, administratives et financières Avis Document d’information
s’effectuent à la bonne date, est une bonne maîtrise des systèmes
Liste de marchandises ou approbation
d’informations, en liaison avec les flux physiques de marchan-
par un donneur d’ordre ou d’attestation
dises pour les réguler. Bon
d’une action – document souvent

2 Ceci nécessite un bon système d’informations, non seulement


pour suivre les opérations physiques, mais aussi pour les coordon-
ner en liaison avec les divers prestataires partie-prenantes, que ce Bordereau
très important

Relevé d’articles ou de documents


soient les opérateurs de transport, administratifs, de douane ou les ou d’opérations
banques.
Relevé ou note d’un état de quelque
Les principaux avantages sont : Bulletin
chose
– une information en temps réel sur le transport et notamment :
Certificat Preuve de l’exécution d’une prestation
• l’avertissement systématique de toute anomalie,
En transport, contrat entre deux parties
• la progression de l’acheminement, Lettre mais aussi crédit accordé
• la bonne connaissance du système de transport utilisé ; par une banque
– le choix d’une meilleure qualité de transport (réduction des erreurs Document délivré
de routage et des délais de formalités puisque prévues à l’avance). Licence par une Administration pour exercer
Dans ce contexte, le développement des échanges électroniques une activité précise
professionnels et, plus particulièrement, de l’échange de données
informatisé (EDI), améliore la productivité et constitue un avantage Ordre Mandat ou instruction à un tiers
concurrentiel pour les entreprises qui l’ont adopté. Pré-alerte Information à l’avance de ce qui va être fait
Dans la chaîne logistique, l’EDI en permettant la connexion
directe des systèmes informatiques des divers intervenants, rem- Document d’information des détails
Préavis
plit deux fonctions fondamentales : de l’opération de logistique à venir
• facilitation des transferts de données et de bases de stockage Souvent destinée aux douanes du pays
(commandes, ordres de transport, factures, etc.) ; d’importation pour indiquer la nature
Pré-notification
• remontée des informations en temps réel à tous les niveaux des marchandises embarquées
de la chaîne de transport. et les documents d’accompagnement

Pour remplir cette deuxième fonction, il est indispensable de «tra- Acte juridique pour attester
Procès-verbal
cer » les envois, qu’il s’agisse d’un colis, d’une palette, d’un conteneur des déclarations ou des constatations
ou d’un véhicule, c’est-à-dire de retrouver leur localisation et l’histo-
rique de leur déplacement au moyen d’une identification enregistrée. Reçu certifiant la réception
d’une marchandise, d’un document
L’étiquette logistique standard élaborée par Gencod-EAN avec Récépissé
ou la perception d’une somme
code à barres est la technique largement utilisée pour suivre les de monnaie
colis et palettes. Son usage est européen. Éditée par l’expéditeur,
elle assure le lien entre le flux physique des marchandises et le Document attestant la possibilité de jouir
flux d’informations. Outre une meilleure traçabilité tout au long de Titre
d’un droit ou exécuter une prestation
la chaîne logistique, elle procure les avantages suivants :
Permis de circuler d’une personne
– gain de temps du fait de l’automatisation des saisies et du
Titre de circulation ou d’une marchandise sur un territoire
contrôle des opérations ;
déterminé
– retour d’information vers le donneur d’ordre ;
– meilleure conformité des contrôles en liaison avec l’EDI. Document permettant d’effectuer
Titre de transport
la prestation de transport
La performance de la chaîne logistique et de la relation client est
de plus en plus dépendante de la gestion des systèmes d'informa-
tions en raison du besoin accru de flexibilité, de vitesse et de qualité.
Les documents à transmettre sont nombreux.
1.6 Principales caractéristiques de l’EDI
1.5 Principaux documents courants L’EDI (Electronic Data Interchange est un système d’échanges
de données informatisées structurées dans un langage normalisé.
utilisés en logistique Il se définit par des :
Le tableau 2 récapitule quels sont les différents types de docu- – caractéristiques : conçu pour remplacer la transmission des
ments couramment utilisés en logistique et à quoi ils servent. Tous données papier et diminuer les interventions humaines, c’est une
ces documents doivent pouvoir être échangés par voie numérique dématérialisation des informations dès que les données originales
avec l’EDI. sont introduites, une seule fois.

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– éléments nécessaires : • réseau à valeur ajoutée (RVA) permettant notamment la codi-


• plusieurs partenaires commerciaux (entreprises, partenaires fication des messages d’un langage à un autre et la transmis-
commerciaux ou industriels, banques, transporteurs/logisticiens, sion par boîte aux lettres électronique,
Administrations notamment douanières, etc.…), • internet, mais il est nécessaire de mettre en place un système
• messages normalisés, d’authentification et de confidentialité des données.
• format des messages structuré et compréhensible par les sys- Nota : les protocoles sont standardisés pour l’utilisation de l’EDI
tèmes informatiques de chacun,
• protocole de transmission des messages normalisés (voir Nota),
• réseau constitué, pour chaque intervenant, des matériels, des 1.7 Les particularités de la logistique
logiciels propriétaires de traduction des données, des procé- internationale
dures permettant l’accès aux serveurs de chaque partenaire,
• un accord d’inter-change formalisant les modalités d’échange ;
– méthodes de transmission : 3 méthodes sont principalement
La logistique internationale dépasse le cadre du transport
international. Elle est constituée de toutes les étapes de la logis-
tique et de la distribution de produits, dès leur sortie d’un entre-
2
utilisées : pôt du vendeur, mais doivent supporter les opérations physiques
• EDI direct ou point à point permettant une liaison directe et administratives de l’acheminement international. Les marchan-
d’ordinateur à ordinateur (lorsque le nombre de transmis- dises doivent arriver en parfait état, au bon endroit, au moment
sions est élevé), prévu et à moindre coût : c’est tout l’enjeu !

Fournisseurs
en Europe
Ordres d’achat
Entreprise

Sous-traitants
En Europe
Demandes Ordre
d’achat de préparation

Fournisseurs
à l’étranger Frontière
Fabrication ou préparation

Sous-traitants
à l’étranger Frontière Ordre de livraison
attestations de livraison
en retour Mise
Transmission des ventes en entrepôt

Vendeurs en Europe Vendeurs


à l’étranger Entrepôt

Client européen

Client étranger Transitaires


et transports européens

Frontière

Transports
étrangers

Figure 1 – Flux de l’activité d’une entreprise

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La logistique intègre tous ces éléments Elle rappelle que les facilitations du commerce et du transport
Il s’agit de trouver la meilleure solution permettant de maîtriser sont un grand stimulant du développement économique et, en
ces flux logistiques passant les frontières, d'optimiser la rentabi- conséquence, la logistique en est un élément important.
lité, de mesurer la performance, d'offrir de la valeur ajoutée aux La Banque Mondiale a défini 6 critères pour calculer son index
clients ou aux revendeurs, de coordonner les étapes de la Supply qu’elle applique de manière égale à 160 pays :
Chain…dans un souci de qualité et de traçabilité. – fonctionnement des Douanes (customs) ;
Le logiciel doit prendre en charge le pilotage en temps réel de – infrastructures de transport (infrastructures) ;
l'activité logistique, le suivi des flux de marchandises et d'informa- – facilité d’organisation d’une expédition (ease of arranging
tions, la gestion avancée de stock, l'optimisation des surfaces de shipments) ;
stockage, le tout de manière adaptée aux besoins de l'entreprise – qualité des services logistiques (quality of logistics services) ;
– rapidité et promptitude (timeliness) ;
– suivi et localisation (tracking and tracing).

2
Il faut se rappeler que la logistique est une fonction straté- Cet index participe à une meilleure compréhension des efforts
gique majeure devant être cohérente avec les processus en réalisés pour mieux comprendre la complexité croissante des
amont (achats et sous-traitances dans le monde entier) et « supply chains » et de leur fiabilité.
internes à l’entreprise (entre les différents établissements), les
attentes particulières des marchés tout en intégrant les Il permet de manière simple de comprendre quels sont les
contraintes externes propres à chaque origine et destination. points forts et les faiblesses de chaque pays et donc, de mettre en
Elle est évidemment source de valeur ajoutée pour définir la place une disposition pour se prémunir de difficultés possibles et
meilleure adéquation entre les coûts (transports et actes admi- notées dans l’index en adaptant la logistique, pour commercer ou
nistratifs propres à chaque pays) et la satisfaction des clients travailler avec un pays déterminé, et notamment pour mettre en
situés sur tout marché extérieur. place des processus redondants afin de pallier aux faiblesses.
C’est un bon indicateur de choix avant la mise en place de la
stratégie logistique. Les grandes sociétés de transport et logis-
En dehors des coûts de production situés dans des lieux bien tique fonctionnent évidemment avec les mêmes données.
déterminés, la logistique internationale doit intégrer notamment Le tableau 3 présente le classement des 20 premiers pays (sur
les coûts suivants : 160) établi par la World Bank en 2018/2019.Les grands pays expor-
– traitement des commandes propres à chaque pays ; tateurs sont en tête.
– stocks en fonction de chaque destination ;
– entreposage avant l’expédition de chaque commande ;
– constitution de lots économiques par destination ; 2. Définition d’un choix
– différents transports pour approvisionner les unités de stoc-
kage et d’expédition vers chaque client ; logistique
– documents propres à chaque transport et administration de
chaque pays ou destination ; La chaîne logistique étant un élément majeur de la gestion et
donc des coûts de revient, tout management de la logistique
– financement de chaque partie d’opération ;
devra comprendre :
– services proposés à la clientèle en fonction des coutumes locales
et de la stratégie marketing et de service clientèle et après-vente. – la définition des enjeux et de la finalité dans l’entreprise ;
– la désignation des acteurs ;
La logistique est une discipline complexe à fort potentiel d’amé- – la gestion des différents flux ;
lioration et s’appuyant sur des systèmes administratifs et informa- – le recensement des infrastructures nécessaires afin de construire
tiques performants. la chaîne de valeur ;
Exemple – l’inventaire des coûts pour avoir une vue de leur montant et de
leur origine.
C’est ainsi que Danone pour expédier l’eau d’Evian dans le monde
L’étude des flux est donc un élément économique capital.
entier pré-achemine les lots palettisés étiquetés selon leur destination
terminale par trains entiers vers un vaste entrepôt dans le port
d’Anvers. Les palettes sont regroupées ensuite en conteneurs en
fonction du port d’arrivée ou sont collectées par un groupeur. L’expé-
2.1 Les enjeux et la finalité
dition se fait selon les départs programmés des navires. La pression concurrentielle constante des marchés justifie la mise
en place d’une réflexion fondamentale sur les flux de l’activité de
La logistique est donc un élément majeur de l’efficacité de toute entreprise.
l’entreprise et conditionne ses performances. Ainsi, pour le cas de
Au niveau international, comme au niveau national, la logis-
Danone, expédier de l’eau et faire en sorte qu’elle soit à un prix
tique ne peut pas être improvisée pour plusieurs raisons :
acceptable au client final exige une maîtrise quasi parfaite de la
logistique de bout en bout. L’international, du fait des distances – la concurrence ;
accrues, des systèmes administratifs et légaux différents, des – les coûts aussi bien de production, que de transport, d’organi-
cultures parfois incomprises voire méconnues, l’international sation administrative, de documents de toutes sortes, de marke-
donc, rend cette fonction encore plus importante pour le maintien ting, de vente ou l’après-vente ;
et le développement de la compétitivité de l’entreprise. – le service à apporter au client ou au revendeur ;
– la réponse à une demande de prix qui doit intégrer les diffé-
rents éléments et être très rapide,…
1.8 L’Index de Perfomance logistique Elle est un élément intégrateur de réponse à la demande des clients.
Ou Logistics Performance Index (LPI) de la Banque Mondiale ■ Les enjeux
(World Bank) La fin de l’entreprise intégrée verticalement marque le prodigieux
Chaque année, la Banque Mondiale calcule un index pour développement de la « logistique ». Puisque des entreprises
mesurer la performance et la qualité de la logistique par pays peuvent fournir des composants plus performants à inclure dans la
membre de l’« International Transport Forum ». production finale, l’atelier intégré va, soit disparaître, soit faire

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Tableau 3 – les 20 premiers pays du classement du LPI de la World Bank en 2019

Infra- International Logistics Tracking


LPI rank LPI score Customs quality and Timeliness
% highest structure shipments competence and tracing
Economy performer
Rank Lower Upper Score Lower Upper Rank Score Rank Score Rank Score Rank Score Rank Score Rank Score
bound bound bound bound
Germany 1 1 1 4.20 4.16 4.25 100.0 1 4.09 1 4.37 4 3.86 1 4.31 2 4.24 3 4.39
Sweden 2 2 12 4.05 3.90 4.20 95.4 2 4.05 3 4.24 2 3.92 10 3.98 17 3.88 7 4.28
Belgium 3 2 12 4.04 3.92 4.16 94.9 14 3.66 14 3.98 1 3.99 2 4.13 9 4.05 1 4.41

2
Austria 4 2 14 4.03 3.88 4.17 94.5 12 3.71 5 4.18 3 3.88 6 4.08 7 4.09 12 4.25
Japan 5 2 10 4.03 3.96 4.09 94.5 3 3.99 2 4.25 14 3.59 4 4.09 10 4.05 10 4.25
Netherlands 6 2 11 4.02 3.95 4.09 94.3 5 3.92 4 4.21 11 3.68 5 4.09 11 4.02 11 4.25
Singapore 7 2 15 4.00 3.86 4.13 93.6 6 3.89 6 4.06 15 3.58 3 4.10 8 4.08 6 4.32
Denmark 8 2 17 3.99 3.82 4.16 93.5 4 3.92 17 3.96 19 3.53 9 4.01 3 4.18 2 4.41
United 9 3 11 3.99 3.93 4.05 93.3 11 3.77 8 4.03 13 3.67 7 4.05 4 4.11 5 4.33
Kingdom
Finland 10 1 21 3.97 3.68 4.26 92.7 8 3.82 11 4.00 16 3.56 15 3.89 1 4.32 8 4.28
United Arab 11 2 15 3.96 3.86 4.05 92.3 15 3.63 10 4.02 5 3.85 13 3.92 13 3.96 4 4.38
Emirates
Hong Kong 12 7 17 3.92 3.83 4.01 91.2 9 3.81 15 3.97 8 3.77 12 3.93 15 3.92 15 4.14
SAR, China
Switzerland 13 7 17 3.90 3.80 4.00 90.6 16 3.63 9 4.02 20 3.51 11 3.97 5 4.10 13 4.24
United 14 12 17 3.89 3.83 3.94 90.1 10 3.78 7 4.05 23 3.51 16 3.87 6 4.09 19 4.08
States
New 15 2 23 3.88 3.63 4.12 89.8 13 3.71 13 3.99 27 3.43 8 4.02 16 3.92 9 4.26
Zealand
France 16 14 17 3.84 3.79 3.90 88.8 19 3.59 12 4.00 17 3.55 17 3.84 12 4.00 14 4.15
Spain 17 12 18 3.83 3.74 3.92 88.4 17 3.62 19 3.84 6 3.83 18 3.80 19 3.83 20 4.06
Australia 18 14 26 3.75 3.60 3.90 85.9 7 3.87 16 3.97 40 3.25 21 3.71 20 3.82 21 3.98
Italy 19 18 22 3.74 3.68 3.80 85.6 23 3.47 18 3.85 21 3.51 24 3.66 18 3.85 17 4.13
Canada 20 14 27 3.73 3.56 3.89 85.2 18 3.60 21 3.75 30 3.38 14 3.90 21 3.81 22 3.96

partie de ce que l’on nommera les « sous-traitants », à condition • À long terme, contribuer à une meilleure organisation, et donc à
que le transport et la gestion du flux soit économique, lui-même mieux maîtriser la complexité de la production et la vente.
réalisé par une « entreprise de service », et que sa prestation soit Des entreprises comme Ikea, ou les grandes entreprises de
économiquement avantageuse et fiable. distribution comme Lidl, Carrefour ou Leclerc, sont passées
L’enjeu de la logistique est donc de fournir une prestation profi- maîtres dans l’optimisation de ces flux. Et comme il a été rap-
table pour le processus de production quelle que soit l’origine de pelé ci-dessus le succès d’Amazon tient avant tout à une maîtrise
l’expédition. presqu’absolue de la logistique.

Face à la concurrence, la logistique va aussi avoir des finalités


de lutte pour un meilleur service au moindre coût. Les entreprises 2.2 Les acteurs de la logistique
de construction automobile ont développé ces caractéristiques de
manière très remarquable. De même, une entreprise comme Ils se situent à plusieurs niveaux :
« Amazon « n’a pu se développer que grâce à une conception très
– en amont de la production notamment les fournisseurs, les
fine de sa logistique.
sous-traitants, les divers prestataires de service, les transpor-
teurs, les administrations nationales et étrangères, les organisa-
■ La finalité
tions financières, les services organisant l’approvisionnement,
Concrètement il s’agit d’optimiser les flux. la production et l’optimisation des flux, la gestion du panel de
fournisseurs ;
• À court terme, gérer les flux en amont et en aval : les – au sortir de la production et notamment :
approvisionnements, les livraisons en fonction des carnets
de commande, la production et le service après-vente. • le stockage en entrepôt et sa gestion, notamment le pilotage
du niveau des stocks,
• À moyen terme avec la préparation des budgets et des plans • la gestion de la qualité,
d’action, la logistique va permettre de mieux choisir les actions
en fonction des services apportés et de leurs coûts, et ainsi • les emballages divers : de protection, de stockage, de transport,
contribuer à une meilleure évaluation du fonds de roulement. • la préparation des commandes et des unités d’expédition,

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2

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Référence Internet
AG8040

Douane, élément clef de la facilitation


des échanges internationaux
Instruments douaniers internationaux

par Jean-Philippe LACROIX


2
Responsable des questions douanières internationales du groupe PSA Peugeot Citroën

1. Cadre général ............................................................................................ AG 8 040 - 2


1.1 Cadre international ..................................................................................... — 3
1.1.1 Négociations multilatérales .............................................................. — 3
1.1.2 Négociations bilatérales .................................................................... — 3
1.2 Cadre communautaire ................................................................................ — 4
1.3 Cadre national ............................................................................................. — 6
2. Statut douanier d’une marchandise.................................................... — 6
2.1 Nomenclatures douanières ........................................................................ — 6
2.1.1 Nomenclature du système harmonisé ............................................. — 6
2.1.2 Nomenclatures douanières européennes ........................................ — 8
2.1.3 Autres nomenclatures internationales ............................................. — 9
2.2 Origine douanière des marchandises ....................................................... — 9
2.2.1 Règles d’origine non préférentielles ................................................ — 9
2.2.2 Règles d’origine préférentielles ........................................................ — 10
2.2.3 Règle d’origine au sein de l’Union européenne .............................. — 12
2.2.4 Cas particulier : la Turquie, Andorre et Saint-Marin ....................... — 14
2.3 Politique tarifaire de l’Union européenne ................................................. — 14
2.3.1 Tarif extérieur commun ..................................................................... — 14
2.3.2 Tarifs préférentiels ............................................................................. — 14
2.4 Autres réglementations douanières non tarifaires .................................. — 16
2.4.1 Contingents quantitatifs .................................................................... — 16
2.4.2 Mesures antidumping et antisubventions ....................................... — 16
2.5 Valeur en douane ........................................................................................ — 17
2.5.1 Valeur transactionnelle...................................................................... — 17
2.5.2 Éléments à ajouter ou à déduire de la valeur transactionnelle ...... — 18
2.5.3 Valeur en douane et prix de transfert............................................... — 19
Pour en savoir plus ........................................................................... Doc. AG 8 040

a formalité administrative est souvent le point bloquant de la mécanique du


L commerce international. La volonté d’importer ou d’exporter existe dans les
entreprises en particulier dans les PME. Cette volonté se heurte à la complexité
des démarches administratives. Celles-ci paraissent insurmontables, elles
constituent un frein à la circulation des produits et augmentent le coût des opé-
rations réalisées. D es études menées par l’OCDE et différents organismes
internationaux évaluent le coût de ces formalités à 7 % en moyenne du prix des
produits échangés. Les différents pays ont accompli de nombreux efforts pour
réduire le nombre de ces formalités, mais elles continuent à peser sur le
commerce mondial. De son côté, l’Organisation mondiale du commerce et
l’Organisation mondiale des douanes ont élaboré des conventions qui incitent et
même obligent les pays signataires à réformer leurs pratiques administratives.
S’adressant à des non-spécialistes du domaine douanier, cet article peut être
considéré comme une clef d’entrée dans un domaine complexe mais, cependant,
Parution : avril 2009

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AG8040

DOUANE, ÉLÉMENT CLEF DE LA FACILITATION DES ÉCHANGES INTERNATIONAUX _______________________________________________________________

indispensable à maîtriser pour assurer la sécurité juridique des opérations inter-


nationales. Dans l'article "Logistique douanière" (AG 8041), les modalités
pratiques du dédouanement dans l’Union européenne sont abordées avec
quelques considérations sur le dédouanement dans d’autres parties du monde.

Abréviations et définitions de notations Abréviations et définitions de notations (suite)


ACP Afrique, Caraïbes, Pacifique NCC Nomenclature combinée communautaire

2 AELE
ASEAN
AT
Association européenne de libre-échange
Association of South East Asian Nations
Admission temporaire
NDP
NGP
Nomenclature des produits
Nomenclature générale des produits
OCDE Organisation de coopération et de développement
ATA Admission temporaire/Temporary Admission OMC Organisation mondiale du commerce
ATR Attestation dans les relations avec la Turquie OMD Organisation mondiale des douanes
BOD Bulletin officiel des douanes ONU Organisation des Nations-Unies
CACO Codes additionnels communautaires PA Perfectionnement actif
CANA Codes additionnels nationaux PAC Politique agricole commune
CE Commission européenne (organe administratif PECO Pays d’Europe centrale et orientale
de l’UE) PP Perfectionnement passif
CDC Code des douanes communautaire PTOMA Pays et territoires d’outre-mer
CIF Cost, Insurance and Freight PVD Pays en voie de développement
CIM Contrat international des marchandises SH Système harmonisé de codification
CMR Contrat de marchandises par route et de classification des marchandises
CNUCED Conférence des Nations-Unies sur le commerce SPG Système de préférences généralisées
et le développement TARIC Tarif intégré communautaire
Conseil Conseil des ministres de l’Union européenne TC Transit communautaire ou transit commun
(organe exécutif de l’UE)
TEC Tarif extérieur commun
CTCI Classification type pour le commerce international
TIR Transit international routier
DAU Document administratif unique
TVA Taxe à la valeur ajoutée
DELT@ Système de dédouanement électronique
UE Union européenne
DI Déclaration d’importation
Doha Cycle de négociations internationales dans le cadre
DOM Département d’outre-mer Round de l’OMC
EEE Espace économique européen
EM États membres
Eurostat Organisme qui gère les statistiques de l’UE, 1. Cadre général
pour les échanges entre les EM de l’UE et le reste
du monde En France, lorsqu’une entreprise acquitte des droits de douane à
FORM A Certificat d’origine dans les accords SPG l’importation auprès de son commissionnaire en douane, elle n’a
pas conscience de payer un impôt communautaire qui est fondé
GATT General Agreement on Tariffs and Trade (Accord
sur une législation internationale.
général sur les tarifs douaniers et le commerce)
La réglementation douanière s’est affranchie aujourd’hui presque
Intrastat Système de collecte statistiques interne,
totalement de la législation française pour trouver sa source dans le
pour les échanges entre les EM de l’UE
droit communautaire ou les traités internationaux. Cette internatio-
IRU International Road Union nalisation de la législation douanière a accompagné, depuis plusieurs
JOCE Journal officiel des Communautés européennes années, la mondialisation des échanges. Elle place le chef d’entre-
JORF Journal officiel de la République française prise ou ses collaborateurs devant l’obligation de connaître la régle-
mentation douanière, non seulement afin d’éviter tout blocage qui
JOUE Journal officiel de l’Union européenne pourrait résulter d’une mauvaise application des textes en vigueur,
LIDIS Licence de distribution mais aussi pour optimiser sa gestion logistique et financière.
Machreq Égypte, Jordanie, Syrie, Liban Les gains ou les coûts induits par la prise en compte des aspects
MADT Magasins et aires de dépôt temporaire douaniers font, désormais, partie intégrante de la stratégie de
Maghreb Ensemble des pays du nord-ouest de l’Afrique l’entreprise. En voulant profiter de toutes les opportunités des
(Maroc, Algérie, Tunisie) marchés, celle-ci voit son champ d’action dépasser largement les
frontières de l’Union européenne. Dans ces conditions, il lui est
MAC Mise à la consommation indispensable de s’interroger sur :
Mercosur Marché commun d’Amérique du Sud – l’assiette et le niveau des droits de douane ;
MFN Most Favoured Nation (traitement tarifaire normal – les pays susceptibles d’offrir les meilleures sources d’approvi-
des membres de l’OMC) sionnement en exonération des droits de douane ;
MLP Mise en libre pratique – ou le moyen d’optimiser les opérations de stockage ou de
fabrication en suspension de droits et taxes.

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AG8040

_______________________________________________________________ DOUANE, ÉLÉMENT CLEF DE LA FACILITATION DES ÉCHANGES INTERNATIONAUX

Les réponses à la plupart de ces questions se trouvent dans les L’OMC est chargée de contrôler la bonne application de ces dis-
textes internationaux ou communautaires. Ces textes constituent positions et d’encadrer strictement toute mesure de sauvegarde.
les instruments de base qui déterminent le statut douanier d’une L’adhésion à l’OMC implique l’application à tous les autres
marchandise à l’importation et à l’exportation. Même si l’approche membres de la clause de la nation la plus favorisée (MFN). Les
des textes administratifs n’est pas chose aisée, il convient de sou- membres de l’OMC doivent accorder les mêmes avantages tari-
ligner que, grâce à cette internationalisation des échanges et à faires et préférences commerciales à tous les autres membres sauf
l’harmonisation des législations, la formalité douanière s’est adap- exceptions prévues par l’accord.
tée et modernisée pour mieux répondre aux besoins des opéra-
teurs du commerce extérieur. L’OMC dispose d’un organisme de règlement des différents
entre les membres de l’organisation. En cas de violation des prin-
Le cadre international est constitué par les engagements des cipes ou des engagements par les États, une plainte peut être
pays membres de l’Organisation mondiale du commerce, OMC, et déposée auprès de l’Organisation par le pays du plaignant. Les
des conventions signées dans le cadre de l’Organisation mondiale règles de l’OMC sont un levier important pour l’ouverture des

2
des douanes. Celles-ci apportent une réelle sécurité juridique aux marchés et le renforcement de la sécurité juridique des opérateurs
entreprises. Elles permettent une meilleure connaissance de l’envi- du commerce extérieur. On peut cependant regretter la lourdeur
ronnement international des droits et des obligations des acteurs de la procédure et l’impossibilité pour les opérateurs individuels
du commerce mondial. de saisir directement l’OMC.
En 2001, un nouveau cycle de négociations a été lancé. Il a pour
1.1 Cadre international objectif affiché la participation active des pays en développement
au commerce mondial (Doha Development Round). Ce cycle est
1.1.1 Négociations multilatérales très ambitieux, notamment en matière de réduction de droits de
douane, mais aussi dans le domaine de la facilitation des
Depuis 1947, l’Accord général sur les tarifs douaniers (GATT) échanges. Il intègre deux nouvelles priorités :
devait aboutir à une véritable Organisation mondiale du – la dématérialisation des documents administratifs ;
commerce (OMC). Il a fallu attendre 1995 pour voir ces efforts
– le renforcement de la transparence des textes réglementaires.
récompensés. L’OMC mise en place à l’issue des négociations de
l’Uruguay Round a changé assez fondamentalement le type de En 2008, le cycle de Doha est entré dans sa phase finale, malgré
relations entre les pays adhérents. Selon les règles de l’OMC, les difficultés rencontrées, en particulier dans les négociations
l’adhésion à cet organisme implique pour les parties agricoles. Il devrait cependant déboucher sur un accord global
contractantes : soutenu par les pays de l’OCDE et les grands pays émergents
– d’une part, d’accepter les principes du GATT : (Chine, Brésil et Inde) à terme.
• non-discrimination des échanges, La figure 1 retrace l’historique des accords multilatéraux conclus
• réciprocité des concessions tarifaires, depuis 1947.
• mesures de protection des économies, négociées et transpa-
rentes,
1.1.2 Négociations bilatérales
• interdiction des pratiques de dumping et de subvention à
l’exportation ; En parallèle des négociations de l’OMC, les différents membres
– d’autre part, de ratifier le code, notamment sur les aspects de cette organisation ont signé entre eux des accords de
douaniers non tarifaires : libre-échange ou ont constitué des unions douanières (figure 2).
• adoption du système harmonisé de classification et codifica- Ces accords de libre-échange ou ces unions douanières sont auto-
tion des marchandises, risés par la charte de l’OMC dans les articles VIII, XI et XII et XXIV.
Ils se constituent le plus souvent en organisations régionales
• application de l’accord sur l’évaluation des marchandises,
comme l’Union européenne ou l’ALENA (États-Unis, Mexique et
• mise en place des règles prévues en matière d’antidumping, Canada) dont l’objectif majeur est la suppression des droits de
• adoption des règles de détermination de l’origine non préfé- douane pour les produits originaires des pays de la zone de
rentielle. libre-échange.

Accès au marché Règles internationales

1948 1973-79 : cycle de Tokyo

Tarifs sur les biens non agricoles Anti-dumping, TBT, marchés publics, subventions, licences
CATT 1986-94 : cycle d’Uruguay

Baisse des tarifs douaniers sur les biens non agricoles, AD, TBT, SPS, TRIPS, règle d’origine, investissement,
services, faible réductions tarifaire sur l’agriculture textiles, règlement des différends
2001 : cycle du développement Doha 2008 ou 2010 ?
1995

Baisse des tarifs douaniers sur l’agriculture AD, subventions, régionalisme, investissement, concurrence,
OMC Très forte baisse sur les biens non agricoles, services facilitation des échanges, transparence dans les marchés publics,
Négociations sectorielles : ATI service financiers, environement...
2010 ?

Figure 1 – Évolution des accords multilatéraux

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Référence Internet
AG8040

DOUANE, ÉLÉMENT CLEF DE LA FACILITATION DES ÉCHANGES INTERNATIONAUX _______________________________________________________________

2 ALENA
CEI

EU

QUAD ATA
CARICOM EAU
CACM
CAN AFTA

SADC
MERCOSUR

Figure 2 – Principales zones de libre-échange et unions douanières

Les unions douanières sont beaucoup plus ambitieuses car elles ont droits douaniers des différents États membres et concerne la
pour objectif une réelle intégration économique qui se traduit par : quasi-totalité des règles douanières. L’organisation des services
– un tarif extérieur commun (le taux de droit de douane appliqué des administrations douanières et le contentieux restent encore les
à l’importation est le même quel que soit le pays membre de principales prérogatives du droit douanier des États membres.
l’union douanière) ; Dans tous les autres domaines douaniers, le droit communautaire
– une politique commerciale commune (un produit importé dans est d’application directe.
l’union douanière circule librement). Les principaux textes sont réunis au sein d’un codex appelé code
Actuellement, seule l’Union européenne et l’union douanière des douanes communautaire (CDC) qui est entré en vigueur pour
entre la Turquie et l’Union européenne répondent totalement à ces l’essentiel en 1994 (règlements du conseil no 2913/92 et 2454/93 des
critères. Les autres unions douanières ne sont pas encore 12 octobre 1992 et 2 juillet 1993). Ces textes sont en cours de révi-
complètement achevées (par exemple : le Mercosur, communauté sion, un premier règlement est paru en 2005 : le règlement 648/2005
économique dont les membres sont l’Argentine, le Brésil, le Para- sur la sûreté et le statut d’opérateur économique agréé (voir infra).
guay, l’Uruguay et le Vénézuela). La création des ces unions doua- Un code des douanes modernisé a été adopté par le Conseil de
nières et des zones de libre-échange est une réponse à la difficulté l’Union et le Parlement européen en 2007. Les dispositions d’appli-
de négocier au niveau multilatéral. cation doivent être finalisées en 2009. Le code et ses dispositions
Pour les entreprises, la multiplication de ces zones de d’application devraient entrer en vigueur en 2011.
libre-échange ou de ces unions douanières rend plus complexe Sont donc définies sur le plan communautaire les trois
l’approche des différents marchés. Les règles liées à l’importation politiques suivantes.
(règles d’origine notamment) sont différentes d’une zone de
libre-échange à l’autre (figure 3). ■ La politique tarifaire
Le 1er juillet 1968, l’Union douanière européenne a été créée par
1.2 Cadre communautaire les six États fondateurs d’Europe (France, Allemagne, Italie, Belgique,
Luxembourg et Pays-Bas). Les droits de douane ont été abolis entre
À partir de ces dispositions internationales, la réglementation les États membres et un tarif douanier extérieur commun a, dès lors,
douanière applicable en France et dans l’ensemble de l’Union régi les échanges avec le reste du monde. Cette Union douanière a
européenne trouve sa source dans le droit communautaire issu de été l’un des moteurs de la construction européenne, s’élargissant au
la création de l’Union douanière européenne. Le droit gré des adhésions à l’Union européenne qui compte depuis le 1er jan-
communautaire s’est progressivement, depuis 1957, substitué aux vier 2007 27 États membres (voir figure 4).

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AG 8 040 – 4 est strictement interdite. – © Editions T.I.

84
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TRP5010

Écologie industrielle
dans les territoires portuaires
Pratiques internationales et expériences
françaises
2
par Nicolas MAT
Chercheur doctorant
Laboratoire de génie de l’environnement industriel – École des mines d’Alès (LGEI-EMA),
Alès, France
Guillaume JUNQUA
Enseignant-chercheur
Laboratoire de génie de l’environnement industriel – École des mines d’Alès (LGEI-EMA),
Alès, France
et Juliette CERCEAU
Docteur en sciences et génie de l’environnement
Laboratoire de génie de l’environnement industriel – École des mines d’Alès (LGEI-EMA),
Alès, France

1. Écologie industrielle et territoire portuaires ................................ TRP 5 010 - 2


1.1 Économie circulaire, écologie industrielle et territoire.......................... — 2
1.2 Pertinence des territoires portuaires pour l’écologie industrielle ........ — 2
2. Diversité des initiatives portuaires d’écologie industrielle
à l’échelle internationale .................................................................... — 4
2.1 Diversité des approches techniques ....................................................... — 4
2.2 Diversité des approches organisationnelles........................................... — 10
3. Dynamiques et perspectives pour les territoires portuaires
français .................................................................................................... — 13
3.1 Des flux récurrents aux initiatives menées en France ........................... — 13
3.2 Évolution de la gouvernance pour l’écologie industrielle en France :
port, ville portuaire, réseau portuaire ..................................................... — 16
4. Évaluation de l’écologie industrielle dans les territoires
portuaires ................................................................................................ — 19
4.1 Évaluation de synergies : cas de la mutualisation d’infrastructures
et d’échanges de flux................................................................................ — 19
4.2 Évaluation de filières de valorisation : cas des sédiments de dragage
et des déchets ménagers ......................................................................... — 20
4.3 Évaluation globale de démarches portuaires d’écologie industrielle
et territoriale.............................................................................................. — 21
5. Conclusion .............................................................................................. — 21
Pour en savoir plus ......................................................................................... Doc. TRP 5 010

n s’inspirant du fonctionnement des systèmes biologiques, l’écologie


E
Parution : novembre 2014

industrielle cherche à optimiser le management local des ressources et


des déchets en densifiant les interactions, et notamment les échanges de flux,
entre parties prenantes occupant une même aire géographique.

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85
Référence Internet
TRP5010

ÉCOLOGIE INDUSTRIELLE DANS LES TERRITOIRES PORTUAIRES ______________________________________________________________________________

Le présent article propose de considérer les territoires portuaires, en tant que


plateformes de circulation et de transformation des principaux flux de matières
et d’énergie, comme des laboratoires pertinents pour la mise en œuvre de
l’écologie industrielle. Il a pour objectif de présenter les enjeux de l’écologie
industrielle pour les territoires portuaires en fournissant des exemples précis
d’initiatives portuaires d’écologie industrielle en Europe, en Afrique, en Asie et
en Amérique du Nord.
Il s’agit de présenter la diversité des approches techniques (types de syner-
gies) et organisationnelles (types de gouvernance) dans les territoires
portuaires afin d’offrir un panorama des pratiques internationales et des expé-
riences françaises. Des éléments d’évaluation des bénéfices environnementaux

2 et socioéconomiques de ces initiatives permettront d’apprécier l’intérêt


qu’offre l’écologie industrielle pour le management des ressources ainsi que
pour le développement économique des activités industrialo-portuaires. Réci-
proquement, ce panorama international et national des initiatives portuaires
d’écologie industrielle permettra d’argumenter en faveur du rôle que peuvent
jouer les territoires portuaires pour la mise en œuvre globale de l’écologie
industrielle, dans le management local, voire régional, des ressources, et de
l’économie circulaire dans un réseau mondialisé d’échanges de ressources.

1. Écologie industrielle offertes par la proximité géographique [5]. Plusieurs conceptions


de l’écologie industrielle s’articulent au sein de ce champ discipli-
et territoires portuaires naire en structuration. Parmi les discussions qui animent la
communauté scientifique sur ces sujets, on distingue classi-
quement une conception technique qui met la technologie au cœur
de l’écologie industrielle [6] et une conception sociologique qui
1.1 Économie circulaire, écologie replace l’acteur au centre des réflexions [7]. Ces approches diffé-
industrielle et territoire rentes mais complémentaires conduisent à une définition plurielle,
voire polysémique de l’écologie industrielle. Pour autant, Beaurain
1.1.1 De l’économie circulaire... et Brullot [8] ont montré que, quelle que soit la vision adoptée,
l’écologie industrielle relève d’une démarche territoriale. En effet,
La transition vers un modèle économique plus circulaire est que l’accent soit porté sur la proximité géographique favorisant
acceptée comme une des priorités européenne et nationale. La techniquement les échanges de matières et d’énergie entre entre-
stratégie pour une Europe efficace en termes de gestion des res- prises, ou qu’il soit mis sur la proximité institutionnelle et organi-
sources vise à transformer l’Union européenne en économie circu- sationnelle reposant sur les interactions entre acteurs et l’adhésion
laire fondée sur une culture du recyclage [1]. En France, la de ceux-ci à un espace commun, l’écologie industrielle apparaît
conférence environnementale de septembre 2013 acte la volonté comme un processus de construction du territoire productif [8].
de passer d’une seule logique de gestion des déchets à une L’écologie industrielle est mise en œuvre au sein de territoires qui
logique plus large de gestion des ressources, en mettant en place peuvent différer par leur nature et par leur taille. Les travaux
un système de production et d’échanges qui prenne en compte, menées en écologie industrielle et territoriale adressent des terri-
dès leur conception, la durabilité et le recyclage des produits [2]. toires à vocation industrielle [9], agricole [10] [11], urbaine [12] [13]
L’enjeu est l’indépendance de nos économies vis-à-vis des ou encore portuaire [14] [15] [16] [17]. Le périmètre d’analyse et de
ressources non renouvelables et de l’importation de matières pre- mise en œuvre de l’écologie industrielle et territoriale peut s’ins-
mières [2] ; l’opportunité est la réalisation d’économie substan- crire à l’échelle d’un parc éco-industriel [18] [19] [20] ou
tielle sur le coût des matières, que l’on estime jusqu’à urbain [21], d’une ville [12] [22], d’une région [23], d’une île [24] ou
450 milliards d’euros à l’échelle du seul secteur manufacturier encore à l’échelle d’un bassin versant [25].
européen [3] ; l’objectif est le maintien de la compétitivité natio-
nale et européenne dans un contexte international de pressions
sur les ressources. Ainsi, l’économie circulaire intègre toute région 1.2 Pertinence des territoires portuaires
du monde comme marché potentiel pour cette nouvelle activité
humaine qu’est le recyclage des ressources [4]. pour l’écologie industrielle
De récents travaux ont montré que les territoires portuaires
1.1.2 ...à l’écologie industrielle et territoriale méritent d’être considérés comme un objet à part entière de
recherche et de mise en œuvre de l’écologie industrielle et de
Si l’économie circulaire s’inscrit dans des stratégies nationales, à l’économie circulaire [26] [27] [28]. Jusqu’à présent, les territoires
l’instar de la Loi pour la promotion de l’économie circulaire entrée portuaires n’étaient considérés qu’à titre de cas d’études parmi
en vigueur en 2009 en Chine, l’écologie industrielle s’inscrit davan- d’autres [14] [15] [25] [29], sans souligner à proprement parler les
tage à l’échelle locale des territoires. En s’inspirant du fonction- opportunités spécifiques qu’offre ce type de territoires en termes
nement des systèmes biologiques, l’écologie industrielle cherche à d’écologie industrielle.
optimiser le management local des ressources et des déchets en
densifiant les interactions entre parties prenantes occupant une 1.2.1 Territoire portuaire, à l’interface
même aire géographique. Les symbioses industrielles, comme
entre le local et le global
moyens de mise en œuvre de l’écologie industrielle, impliquent
des échanges de flux de matières, d’énergie, d’eau, de sous-pro- Un territoire portuaire est entendu comme disposant d’une
duits et d’informations, grâce aux opportunités synergétiques infrastructure portuaire pourvue d’une fonction logistique de tran-

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______________________________________________________________________________ ÉCOLOGIE INDUSTRIELLE DANS LES TERRITOIRES PORTUAIRES

sit et de stockage combinée à une fonction de collecte (réception), etc.). Face à ce développement de grands complexes indus-
distribution (expédition) et de transformation industrielle des flux trialo-portuaires à l’extérieur de la ville, vers les zones urbaines
de matières et d’énergie [30]. Ducruet et al. [31] ont défini diffé- périphériques ou des sites vierges, des questions se posent
rents types de ports au regard des liens qui s’opèrent entre aujourd’hui quant à la reconquête et à la redensification des liens
l’infrastructure portuaire et le territoire d’ancrage : les régions entre la ville et le port pour une création mutuelle de valeur
métropolitaines et industrielles portuaires sont caractérisées par ajoutée [37].
des concentrations démographiques, économiques et portuaires
importantes (inscription forte dans le trafic international de mar- Les enjeux de gestion des ressources sont exacerbés dans les
chandises). Ces régions métropolitaines sont généralement assez territoires portuaires. En effet, ces derniers doivent à la fois opti-
riches et leurs activités sont davantage orientées vers le service miser l’utilisation des ressources (eau, énergie, etc.) entre les
alors que les ports industriels régionaux sont plutôt caractérisés différents secteurs industriel, urbain et agricole et gérer une
par des activités de production et de transformation. Les régions grande diversité de rejets (émissions gazeuses, effluents liquides,
portuaires productives sont plus vastes générant un produit inté- déchets solides) dans l’air, les sols, les cours d’eau et le milieu

2
rieur brut élevé tout en ayant un trafic de fret international généra- marin. Situées sur des zones littorales rassemblant tout à la fois
lement inférieur à la moyenne mondiale. Ainsi, les espaces une grande diversité biologique et une forte concentration démo-
portuaires présentent la singularité d’être à la confluence entre un graphique, les perspectives de développement des espaces indus-
« système-monde » enchâssé dans une interconnexion globale et trialo-portuaires se heurtent régulièrement aux enjeux de
un « système-territoire » imbriqué dans une trame locale. La tran- préservation environnementale locale vis-à-vis d’espèces proté-
sition socioécologique de ces espaces portuaires vers une optimi- gées (zones « Natura 2000 », « Oiseaux et Habitats », etc.) et de
sation de la gestion des ressources est à la croisée des chemins conflits d’usage avec d’autres activités (pêche, tourisme, etc.).
entre une économie circulaire globale et une écologie industrielle
locale : elle peut faire du port le nœud stratégique de l’optimi- Dès lors, des défis s’imposent aujourd’hui à ces territoires en
sation de la circulation des flux à une échelle globale ; elle peut termes de trajectoires de développement durable, car si les enjeux
aussi faire du port l’interface pour une meilleure gestion des res- environnementaux et sociaux sont cruciaux à considérer, ces terri-
sources à une échelle locale [32]. toires demeurent malgré tout stratégiques d’un point de vue éco-
nomique. La création de valeur de ces territoires est en effet
considérable et ils restent de grands pourvoyeurs d’emplois. Par
1.2.2 Territoires portuaires, laboratoires exemple, l’activité induite par le Grand Port Maritime de Marseille
pour la gestion des flux et des espaces génère plus de 40 000 emplois directs et indirects, soit près de 8 %
des emplois salariés du département des Bouches du Rhône [38].
Les territoires portuaires sont directement concernés par la Autre exemple, en Belgique, en 2007, la valeur ajoutée générée par
double tendance observée à une échelle internationale d’augmen- le complexe industrialo-portuaire d’Anvers représentait 2,9 % du
tation globale de la population et de concentration de ce dévelop- Produit intérieur brut (PIB) national et 15,5 % du PIB régional [39].
pement démographique au sein des espaces urbains, pour la
plupart situés sur les littoraux des pays bénéficiant de façades
maritimes. Au niveau mondial, 65 % des villes ayant une popula- 1.2.3 Territoire portuaire, opportunités
tion supérieure à 1,3 million d’habitants étaient situées en 2010 sur pour l’écologie industrielle et territoriale
un littoral [33]. Ces espaces contribuent jusqu’à 25 % de la produc-
tion primaire mondiale [34] et constituent des nœuds logistiques Les territoires portuaires sont donc des systèmes complexes,
essentiels pour les flux de matières et d’informations, à l’interface soumis à de nombreux facteurs de pression endogènes et exo-
entre la terre et la mer, dans un réseau mondial de chaîne de gènes, mais qui disposent d’atouts contextuels considérables pour
transfert [35]. Si les villes côtières intègrent la plupart du temps la mise en œuvre de l’écologie industrielle et territoriale. Il est à ce
une activité de pêche artisanale ou industrielle, certains ensembles titre intéressant de constater qu’un des exemples les plus emblé-
urbains côtiers ont également développé d’importantes unités matiques d’écologie industrielle, cité et étudié dans la littérature
industrielles et portuaires. Du fait des capacités foncières en front scientifique à l’échelle internationale, reste la symbiose (indus-
de mer et de l’utilisation du caractère maritime pour l’approvision- trialo-portuaire) de Kalundborg au Danemark [40] [41] [42] [43]. En
nement en matières premières ou l’export de produits bruts ou termes d’écologie industrielle, les territoires portuaires offrent
transformés, ces territoires peuvent accueillir une industrie lourde donc de réelles opportunités :
et des activités de transformation et de stockage à grande échelle
(pétrochimie et raffinage, métallurgie, sidérurgie, usine à papier, – de par leur emprise géographique, ces territoires bénéficient
cimenterie, etc.). Jusqu’au milieu du XXe siècle, les espaces por- souvent d’une interaction avec un axe fluvial, qui leur permet de
tuaires se sont généralement développés sur un modèle territorial développer les échanges entre industriels à l’échelle d’un bassin,
articulant une dimension urbaine (habitat et activités de entre plusieurs ports ;
commerce) et industrielle (réception, transformation et exportation – de par leur inscription dans un contexte mondialisé très
de matières et d’énergie). Néanmoins, au lendemain de la seconde concurrentiel, favorisant leur recherche constante de compétitivité,
guerre mondiale, le développement industriel s’est fortement accé- ces territoires peuvent utiliser l’écologie industrielle comme une
léré, notamment en Europe, et la concurrence foncière s’est accen- véritable stratégie de différenciation leur permettant de construire
tuée entre la ville, l’industrie et l’agriculture. Progressivement, des des avantages comparatifs à une échelle locale et nationale, en
Zones industrialo-portuaires (ZIP) spécialement dédiées aux activi- proposant par exemple des services complémentaires (équipe-
tés industrielles ont été développées, parfois loin des emprises ments mutualisés, base d’échanges d’utilités, etc.) allant au-delà
portuaires initiales, à l’instar des bassins Ouest (notamment la ZIP de leurs prestations plus classiques ;
de Fos sur Mer) développés par le port de Marseille dans les
– de par leur tissu économique généralement très diversifié, ces
années 1960 en France, distants de plus de 30 km des bassins Est
territoires disposent d’atouts considérables pour envisager des
historiques [36]. Cette séparation spatiale et fonctionnelle a pu
synergies éco-industrielles très variées ;
constituer une réponse intéressante aux besoins d’espaces fon-
ciers pour l’accueil et le développement d’industries lourdes, sym- – enfin, dans un contexte de transition vers une société à faible
boles d’une économie « pétrolière » consommatrice d’espaces, de empreinte carbone, ces territoires stratégiques, longtemps sym-
ressources et d’énergie à bas coût. Elle a également pu constituer boles d’une économie basée sur le « tout pétrole », doivent s’adap-
une réponse à la concurrence Ville-Port, et notamment à la gestion ter et innover, favorisant des expérimentations et des nouveaux
des nuisances issues du domaine portuaire (bruit, pollutions modes de coordination et de coopération multi-acteurs en dépas-
atmosphériques, émissions de poussières, trafic routier induit, sant le seul périmètre de la ZIP.

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ÉCOLOGIE INDUSTRIELLE DANS LES TERRITOIRES PORTUAIRES ______________________________________________________________________________

Asie
(Extrême Orient)
Europe de l’Ouest
Port de Galice (Espagne) Port de MapTa Phut
Port de Bruxelles (Belgique) (Thailande)
Port de d’Anvers (Belgique) Port de Ningbo Beilun
Port de Rotterdam (Pays-Bas) (Chine)
Amérique du Nord Port deTerneuzen (Pays-Bas) Port deTianjin (Chine)
(Côte Est) Port de Bristol (Royaume-Uni) Port de Ulson
(Corée du Sud)
Port de Montréal
(Canada) Port d’Osaka (Japon)
Amérique du Nord Port de Kawasaki (Japon)
(Côte Ouest) Port de NewYork/
New Jersey (E-U) Pearl Delta River
Port de Seattle (Hong Kong)
(E-U)

2
Port de Long Beach
(E-U)
Afrique
(Côte Nord Ouest)

Port d’Agadir (Maroc)


Port de Jorf Lasfar
(Maroc)
Port de Bejaïa
(Algérie)

Afrique
(Côte Sud Est)
Port de Durban
(Afrique du Sud)
Port de Saldanha
(Afrique du Sud)
Port de Mombasa (Kenya)

Figure 1 – Panorama international de démarches d'écologie industrielle menées dans les territoires portuaires (source : Mat et Cerceau, 2012)

2. Diversité des initiatives


portuaires d’écologie Analyse de flux
de matière et
industrielle à l’échelle d’énergie

internationale
Analyse étendue
Flux de matière Flux d’énergie des tables
Un retour d’expériences mené à l’échelle internationale en entrées/sorties
2011-2012 a permis de recenser et d’étudier plus d’une trentaine
de cas en Amérique du Nord, en Europe, en Afrique et en
Asie [27] : 21 sites industrialo-portuaires ont été visités, 31 cas de
Tables des flux Analyse des
symbioses industrielles portuaires ont été analysés et plus de Analyse des flux Analyse des flux physiques réseaux
70 parties prenantes (industriels, élus, autorités portuaires, etc.) de matériaux de substance entrées/sorties écologiques
ont été interviewées. En s’inscrivant en complémentarité avec
d’autres exemples portuaires d’écologie industrielle déjà bien ren-
seignés dans la littérature scientifique (Kalundborg, Kwinana, Figure 2 – Méthodologies les plus utilisées en écologie industrielle
Moerdijk, Landskrona, etc.), cette analyse internationale a permis
de dresser un panorama des démarches et initiatives d’écologie
industrielle spécifiquement mises en œuvre au sein de territoires et du premier principe de la thermodynamique relatif à la conser-
portuaires (figure 1). vation de l’énergie. L’AFME peut être réalisée selon différentes
méthodologies utilisées de manière conjointe ou séparée
(figure 2). Brunner et Rechberger [44] ainsi que Loiseau et al. [45]
définissent, présentent et comparent l’ensemble de ces méthodes,
2.1 Diversité des approches techniques ainsi que leurs limites et leurs complémentarités.
Ces méthodologies respectent les grandes lignes de la procé-
2.1.1 Approches techniques utilisées dure suivante [44] :

Les approches techniques reposent sur différentes méthodolo- – 1/ Définition du problème et des objectifs de l’étude : cette
gies permettant de réaliser une Analyse de flux de matières et étape est primordiale car elle conditionne toutes les autres ;
d’énergie (AFME) qui établit, à l’échelle d’une zone géographique 2/ Définition des frontières spatiales (zone d’activité, ville,
déterminée, un bilan des flux de matières, d’énergie et de substan- région, bassin versant) et temporelles du système étudié ainsi que
ces entrants et sortants, ainsi que des stocks et des procédés de des types de flux (substances, matériaux, biens, déchets), de pro-
transformation de ces flux. Cette analyse est basée sur la loi de cédés de transformation et des stocks à considérer, en fonction du
conservation de la matière, mise en évidence par Lavoisier en 1778 problème et des objectifs posés ;

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3/ Caractérisation des flux et des stocks (masse, concentration, sources de pollution a pu être établi sur la base de données exis-
équilibre du bilan massique) de manière itérative en fonction des tantes et d’analyses complémentaires [25] [46].
données collectées et accessibles ; À l’échelle internationale, plusieurs autres initiatives existent,
4/ Représentation et interprétation des résultats. L’ensemble de que ce soit dans un objectif de lutte contre les rejets de polluants
cette procédure est itérative : en fonction de l’avancement des tra- dans l’air ou dans les eaux. Ces initiatives peuvent être conduites
vaux, de nouvelles connaissances sont générées, ce qui modifie au travers de coopérations entre différentes autorités portuaires :
l’interprétation du fonctionnement du système et donc peut ports de Seattle, Tacoma et Vancouver (États-Unis et Canada),
ensuite conduire à modifier certaines étapes précédentes. ports de l’Alliance verte (États-Unis et Canada), ports du Pearl
En ce qui concerne les territoires portuaires en particulier, les Delta River en Asie, réseaux portuaires à l’Est et au Sud de
objectifs des démarches d’écologie industrielle vont de l’analyse l’Afrique, etc. De plus, de nombreuses autorités portuaires ont
spécifique de substances, du diagnostic de filières jusqu’à l’élabo- développé des engagements communs (politiques volontaristes et
ration d’une dynamique structurée d’écologie industrielle. Elles actions concrètes) avec leur collectivité d’ancrage, visant à réduire
les rejets d’émissions de polluants dans l’air ou l’eau. C’est le cas

2
s’inscrivent ainsi dans des démarches ayant des caractéristiques
spatiales (périmètre d’étude) et temporelles différentes. Cerceau par exemple à Rotterdam (Pays-Bas), à Anvers (Belgique), à Ulsan
et al. [17] ont proposé une typologie permettant de classer les (Corée du Sud), à Kawasaki et Osaka (Japon), à Tianjin et Ningbo
différentes démarches d’écologie industrielle en fonction de ces (Chine), à Long Beach (États-Unis), etc. Des initiatives intéres-
critères (objectifs court, moyen ou long terme ; zone santes sont également relevées en France, à Dunkerque par
géographique : zone industrielle et portuaire, ville et région, exemple, permettant in fine une meilleure gestion des sédiments
réseaux de ports). En fonction de ces différents objectifs, les diffé- de dragage.
rentes méthodologies d’écologie industrielle et territoriale peuvent
être utilisées pour : 2.1.3 Investigation par filière pour la valorisation
– une meilleure compréhension des flux de polluants, qu’ils se de sous-produits de l’activité
diffusent dans l’atmosphère, dans l’eau, les sols ou les sédiments, industrialo-portuaire
via les méthodes d’analyse des flux de matières et d’analyse de
flux de substances ; La caractérisation et la recherche de valorisation d’un ou de plu-
sieurs flux industrialo-portuaires (sédiments, déchets de navires,
– la recherche de valorisation d’un ou de plusieurs flux spéci- utilités thermiques et CO2, eau) peuvent être appréhendées à tra-
fiques (sédiments, déchets de navires, eaux chaudes...), via l’ana- vers leur filière de gestion et de traitement.
lyse de flux de matières et d’énergie appliquée à la caractérisation
et l’étude de filière ; § Sédiments de dragage
– l’émergence et la structuration d’une véritable démarche d’éco- La gestion des opérations de dragage incluant une valorisation
logie industrielle et territoriale s’appuyant sur une compréhension des sédiments constitue un enjeu majeur pour certains ports ayant
élargie du métabolisme du système industrialo-portuaire et une une sédimentation importante. En effet, le coût du dragage et de
recherche plus systématique de mise en relations (synergies) entre l’enfouissement des sédiments peut remettre en cause la viabilité
flux entrants et sortants. Dans ce cas, l’ensemble des méthodo- économique de certains ports de pêche et de plaisance. Au-delà de
logies présentées ci-dessus peuvent être utilisées, de manière l’entretien des voies de navigation, la gestion de sédiments peut
séparée, mais aussi en complémentarité. être préventive, en réduisant en particulier la pollution à la source
comme dans le cas de New York/New Jersey, afin d’en faciliter
ultérieurement la valorisation à terre. Il est alors nécessaire de
2.1.2 Compréhension des flux de polluants développer une filière locale de traitement et de valorisation des
concentrés dans les ZIP sédiments [47] [48]. À l’échelle internationale, la gestion des sédi-
ments fait l’objet de nombreux travaux et expérimentations. Le
L’analyse des flux de polluants est effectuée dans un objectif de
port de Long Beach (États-Unis) a par exemple choisi d’utiliser des
préservation d’une ressource ou d’un milieu par rapport à une
sédiments dragués à l’échelle de plusieurs ports de plaisance de
pollution, qu’elle soit diffuse ou localisée. Selon les ports, leurs
Californie comme matériaux de remblais pour l’extension d’un ter-
bassins versants et les activités présentes ou historiques, diffé-
minal portuaire. Les bénéfices économiques générés par cette
rents types de polluants peuvent être analysés, que ce soient des
solution privilégiant une revalorisation de matériaux sont
polluants organiques et en particulier les polluants organiques per-
conséquents : le coût total de l’opération ayant été évalué à
sistants, ou des polluants inorganiques, (métaux et métalloïdes).
14 millions de dollars contre 85,5 à 114 millions de dollars pour
Les initiatives recensées mettent en évidence que de nombreux
une solution traditionnelle d’enfouissement des sédiments. Cette
territoires portuaires s’intéressent à l’identification, à la prévention
opération de substitution à l’enfouissement généralement pratiqué
et à la réduction des sources de pollution dans l’eau et les sédi-
a aussi permis d’éviter plus de 65 000 trajets de camions. Des pro-
ments. L’objectif est avant tout la préservation de la qualité des
jets d’échanges de bonnes pratiques ont aussi été menés, tel que
masses d’eau (limitation de la pollution organique ou inorga-
le projet européen Interreg Setarms qui a permis de réaliser des
nique), incluant les sédiments pour permettre une meilleure ges-
travaux scientifiques et des échanges entre la France et la Grande
tion lors des opérations de dragage. Mais de telles approches
Bretagne pour améliorer la gestion des opérations de dragage. La
peuvent également avoir pour objectif d’évaluer la capacité de
France est également particulièrement active dans ce domaine,
réutilisation de certaines eaux usées.
notamment sur le Dunkerquois.
Le cas des ports de New York/New Jersey est emblématique et
pionnier puisque la prévention de la pollution de l’eau y a débuté § Déchets des navires
en 1980, et s’est poursuivie par une politique de gestion des sédi- La structuration de filières de collecte, de traitement et de valori-
ments de dragage à partir de 1993. À partir de 1990, la meilleure sation des déchets provenant des navires (liquides et solides) est
compréhension des phénomènes d’accumulation de la pollution une préoccupation forte pour les autorités portuaires. Selon les
dans l’eau et les sédiments du bassin portuaire a conduit à mieux pays, voire selon les ports, les modes d’organisation et de rede-
identifier les principales sources de pollution le long du bassin ver- vance peuvent différer sensiblement et devenir un facteur
sant. En 1997, un « Harbor Consortium » a été créé afin de renou- d’attractivité entrant dans le cadre de la politique commerciale glo-
veler la gouvernance entre les multiples parties prenantes du bale d’un port [26]. Au Maroc, un Groupement d’intérêt écono-
territoire et les différents échelons territoriaux. En ayant recours mique (GIE), le GIE PROGRES, récupère les déchets liquides de
aux méthodologies d’analyse de flux de matières et de substances navires, notamment les boues d’hydrocarbures ainsi que des
propres à l’écologie industrielle, un diagnostic des principales déchets solides des ports d’Agadir, de Tanger, de Kenitra et de

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TRP5015

Débats publics sur les projets


d’aménagement des ports maritimes

par Geoffroy CAUDE

2
Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts
Membre permanent du CGEDD, Président honoraire de l’AIPCN
Ministère de la Transition écologique, Paris, France

1. Genèse et évolution des débats publics portuaires en France... TRP 5 015 - 2


1.1 Genèse des formes de concertations organisées
sur les infrastructures de transport ........................................................ — 2
1.2 Évolution plus récente de la législation autour des débats publics
portuaires.................................................................................................. — 3
1.3 Spécificités des projets portuaires ......................................................... — 3
1.4 Nature des questionnements abordés : opportunité du projet,
évocation des variantes, des compensations et des mesures
environnementales .................................................................................. — 3
1.5 Exemple de la concertation menée sur le projet Port 2000.................. — 6
2. Préparation du débat public : réflexions préalables,
informations et données utiles au port, maître d’ouvrage ...... — 11
2.1 Typologie d’aménagement envisagé ..................................................... — 11
2.2 Analyse sommaire des alternatives possibles de localisation............. — 11
2.3 Justifier le besoin grâce à une analyse socio-économique
préalable ................................................................................................... — 11
2.4 Connaissance des schémas stratégiques et documents
de planification aux échelles pertinentes du territoire ......................... — 11
2.5 Connaissance des données environnementales relatives
aux sites retenus pour les débats publics.............................................. — 15
2.6 Appréciation des parties prenantes qui se manifesteront
lors du débat public ................................................................................. — 17
2.7 Vérification des cohérences entre l’aménagement projeté
et les différents documents de planification.......................................... — 17
2.8 Recours à des sociétés spécialisées dans la concertation
autour des grands projets ....................................................................... — 19
3. Conclusion.............................................................................................. — 19
4. Glossaire ................................................................................................. — 20
Pour en savoir plus ....................................................................................... Doc. TRP 5 015
Parution : juillet 2021 - Dernière validation : janvier 2023

es projets d’aménagement portuaires suscitent à l’évidence de très nom-


L breuses questions. En effet ces aménagements portent sur des espaces
géographiques littoraux ou estuariens très convoités par les nombreuses acti-
vités concurrentes qui peuvent s’y exercer. Bien souvent environnés d’espaces
naturels limitrophes ou d’espaces urbanisés, une très grande variété d’acteurs
ou de parties prenantes interviennent. En général délimités par les circonscrip-
tions, ces projets ont des effets qui débordent très largement des espaces
portuaires au niveau de leur valeur ajoutée qui s’exerce sur les chaînes logis-
tiques de l’hinterland ou sur les acteurs industriels ou logistiques, qui auront
recours aux activités portuaires liées à ces aménagements. Ils ont aussi des
impacts sur l’environnement, qui, lorsqu’ils sont négatifs, doivent être évités,
réduits ou compensés.
Les principes généraux d’aménagement portuaires ont été décrits de façon
assez exhaustive dans un article de Paul Scherrer [C 4 630]. Il y met en avant

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Référence Internet
TRP5015

DÉBATS PUBLICS SUR LES PROJETS D’AMÉNAGEMENT DES PORTS MARITIMES _______________________________________________________________

l’équilibre à réaliser entre aménagement et environnement que sous-tend le


développement du concept « Œuvrer avec la nature ». L’interaction entre les
aménagements portuaires et l’environnement est détaillée dans un article spé-
cifique de Pascal Galichon [TRP 5 040].
L’objectif ici est de prêter attention à l’importance et aux spécificités des
débats publics portuaires du point de vue des autorités portuaires, maîtres
d’ouvrage de ces aménagements, qui bénéficient aujourd’hui d’un recul et du
retour d’expérience de plusieurs débats menés sur des projets extrêmement
variés. L’article se limitera principalement aux projets portuaires maritimes, les
projets fluviaux étant à la fois plus rares et souvent plus marqués par d’autres
logiques d’aménagement.

2 Pour répondre à cet objectif, nous rappellerons d’abord succinctement, dans


une première partie, la genèse et l’évolution des débats publics en France et
resituerons, dans une seconde partie, la réglementation propre aux débats
publics portuaires par rapport aux autres types de réglementation applicable
aux projets portuaires en décrivant les problématiques auxquelles certains
maîtres d’ouvrages portuaires ont pu être confrontés.

1. Genèse et évolution Le décret 96-388 du 10 mai 1996 portant relatif au renforcement


de la protection de l’environnement pour la CNDP et les débats
des débats publics publics fixe les conditions de la consultation du public et des asso-
ciations en amont des décisions d’aménagement. Son annexe
portuaires en France mentionne explicitement les projets portuaires et fixe un seuil de
coût ou un seuil d’emprise au-dessus desquels le débat est obliga-
toire. Ces seuils ont été actualisés pour les projets de l’État à
1.1 Genèse des formes de concertation 150 millions d’euros ou 200 hectares (et des seuils moitié
organisées sur les infrastructures moindres pour lesquels le maître d’ouvrage doit informer le public
mais est libre de demander la consultation ou non de la CNDP).
de transport
En pratique, il est demandé au maître d’ouvrage de produire les
La concertation autour des projets d’infrastructures de transport éléments suivants :
a fait l’objet d’une attention particulière depuis notamment les dif- « Pour ces projets, le ou les maîtres d’ouvrage adressent à la
ficultés singulières rencontrées lors de la mise au point du tracé de commission un dossier qui décrit les objectifs et les principales
la LGV Méditerranée dans la vallée du Rhône entre Lyon et caractéristiques du projet entendu au sens de l’article L. 122-1 (du
Marseille au début des années 1990. C’est ainsi qu’a été mise au code de l’environnement), ainsi que des équipements qui sont
point la circulaire dite Bianco du 15 août 1992 [1]. Celle-ci, consta- créés ou aménagés en vue de sa desserte. Il présente également
tant les lacunes de la loi du 10 juillet 1976 sur la protection de la ses enjeux socio-économiques, son coût estimatif, l’identification
nature, de la loi du 12 juillet 1983 sur la démocratisation des des impacts significatifs sur l’environnement ou l’aménagement
enquêtes publiques et de la loi d’orientation des transports inté- du territoire, une description des différentes solutions alternatives,
rieurs du 30 décembre 1982, demande l’instauration d’un débat y compris l’absence de mise en œuvre du projet. »
préalable à l’enquête d’utilité publique. L’organisation de ce débat Les frais d’organisation du débat, ainsi que les éventuelles
portant sur l’aspect économique et social d’un projet revient à un expertises complémentaires, sont à la charge du maître d’ouvrage,
préfet coordonnateur, nommé à cet effet, qui doit ensuite finaliser le compte rendu du déroulement du débat et son bilan mentionnés
le cahier des charges de l’infrastructure mise au débat public. plus haut devant être publiés dans un délai de 3 mois maximum,
Concomitamment, l’évaluation de la loi de 1983 sur la démocra- et mis à disposition du commissaire enquêteur lors de l’enquête
tisation des enquêtes publiques, dix ans après sa promulgation, a publique.
conduit à l’instauration d’une autorité indépendante, la Commis- Si l’on cherche à prendre un peu de recul sur ces évolutions,
sion nationale du débat public (CNDP), instituée par l’article 2 de la comme l’a fait le rapport Dron-Réocreux [2] de juillet 1996, dans un
loi n° 95-101 du 2 février 1995 sur le renforcement de la protection contexte de difficulté à faire reconnaître la notion d’intérêt général
de l’environnement. La composition de cette commission reflète sur ces projets et de cristallisation d’oppositions plus ou moins
les parties susceptibles de la saisir d’un projet : initialement fortes, le débat public instauré en amont « peut, s’il est correcte-
ministres, parlementaires, conseils régionaux, associations de pro- ment mené, permettre de construire l’utilité publique du projet,
tection de l’environnement de portée nationale. Localement, la pour qu’elle soit reconnue par la plus grande partie de la popula-
CNDP organise des commissions particulières du débat public tion (y compris par ceux qui n’en bénéficient pas directement). »
(CPDP) qui ont la charge de l’organisation du débat public en lien
étroit avec le maître d’ouvrage. Chaque débat donne lieu à des Pour la géographe Valérie Lavaud-Letilleul [3], le mouvement qui
contributions sous la forme de cahiers d’acteurs ou de séances a conduit à organiser des débats sur les aménagements s’inscrit
publiques de débat. À l’issue de ces débats, un bilan et un compte dans une dynamique plus large analysée par certains scientifiques
rendu sont établis respectivement par la CNDP et par la CPDP qui comme le « communicative turn » identifié en 1992 par Patsy
sont mis en ligne de même que les cahiers d’acteurs. Si le maître Healey [4] en Grande-Bretagne plus particulièrement dans les
d’ouvrage donne suite à son projet, l’ensemble est communiqué expériences de planification urbaine.
au commissaire-enquêteur désigné pour l’organisation de Le premier projet portuaire à avoir fait l’objet d’un débat public
l’enquête publique. est le projet Port 2000 au Havre en 1997, il prévoyait la réalisation

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d’un nouveau port à conteneurs et a permis à l’autorité portuaire équilibré des espaces logistiques, économiques et naturels dans
de se familiariser avec cette procédure. Par la suite, les projets de l’estuaire.
terminaux méthaniers, de postes rouliers ou nombre d’autres pro- Une concertation de même nature que celle des débats publics
jets de diverses autorités portuaires ont eu recours à ces débats est prévue par le code de l’urbanisme (articles L 103-2 à L 103-6)
publics. ainsi que par le code de l’environnement (articles L 121-15-1 à
L 121-21). Il n’entre pas dans les objectifs de cet article d’aborder
ces questions d’autant que le code de l’urbanisme prévoit que les
1.2 Évolution plus récente projets déjà soumis à la procédure des débats publics n’ont pas à
de la législation autour des débats être également sujets à concertation au titre du code de l’urba-
nisme. D’ailleurs les projets d’infrastructure portuaires dont il est
publics portuaires question ici relèvent souvent de la notion de projet dits d’intérêt
général instaurée en 1983 et repris dans les articles L 102-1 à
L’évolution constante de la législation sur l’association du public

2
L 102-3 du code de l’urbanisme.
et l’interaction entre les projets portuaires et les processus de pla-
nification nécessitent d’aborder successivement l’évolution des Il est utile d’opérer ici une distinction entre les aménagements
règles d’association du public d’une part et l’interaction des pro- portuaires maritimes pour lesquels les aspects urbains ne sont
cessus des projets portuaires et de leur planification d’autre part. Il généralement pas prépondérants et qui sont l’objet principal de cet
n’entre pas dans l’ambition de l’article de donner le détail de ces article et les projets d’aménagement portuaires fluviaux qui sont
dispositions mais juste d’en retenir celles susceptibles d’éclairer le beaucoup plus marqués par cet équilibre à trouver entre projet
lecteur sur le contexte entourant les débats publics portuaires. portuaire logistique, urbanisation et environnement. Le lecteur
intéressé trouvera matière à réflexion dans le bilan du débat public
Port-Seine Métropole Ouest [18] où il est dit notamment en conclu-
1.2.1 Évolution des règles d’association du public sion « Insertion urbaine, environnement, intermodalité et écono-
mie du projet ont nourri la majorité des échanges », ce qui montre
En fait c’est l’article 7 de la Charte de l’environnement de 2004 bien combien projets fluviaux et aménagements urbains peuvent
adoptée par le Conseil constitutionnel et plus connue pour l’instau- être étroitement imbriqués.
ration du principe de précaution en matière d’environnement avec
son article 5 qui introduit en son article 7 le droit pour toute per-
sonne de « participer à l’élaboration des décisions publiques ayant 1.3 Spécificités des projets portuaires
une incidence sur l’environnement ».
Puis la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement Les projets portuaires importants soumis au débat public en rai-
national pour l’environnement a établi un lien entre évaluation son de leur coût ou de leur emprise ont cela de spécifique qu’ils
environnementale et participation du public. touchent à la fois les espaces maritimes littoraux ou proches de la
côte et les espaces terrestres (notamment les terminaux ou leurs
Les dernières avancées sur la démocratisation du dialogue envi- dessertes). Ainsi, l’organisation du débat public avec les diverses
ronnemental ont été introduites par l’ordonnance n° 2016-1058 du parties prenantes regroupe à la fois les pêcheurs, les plaisanciers,
3 août 2016 relative à la modification des règles applicables à le cas échéant les conchyliculteurs et les associations de protection
l’évaluation environnementale des projets, plans et programmes et de l’environnement, l’ensemble des professions portuaire, logis-
l’ordonnance n° 2016-1060 du 3 août 2016 portant réforme des pro- tique ou de transport, les riverains ou les habitants des communes
cédures destinées à assurer l’information et la participation du concernées. À ces parties prenantes s’ajoutent bien entendu les
public à l’élaboration de certaines décisions susceptibles d’avoir élus des territoires concernés et les administrations compétentes
une incidence sur l’environnement, ratifiées par la loi n° 2018-148 qui peuvent apporter nombre d’éclairages complémentaires. C’est
du 2 mars 2018. d’ailleurs dans cette optique d’une concertation organisée dès la
L’ordonnance du 3 août prévoit qu’alternativement au débat conception du projet qu’ont été développés les concepts assez voi-
public une concertation avec garant désigné par la CNDP puisse sins « Œuvrer avec la nature » (AIPCN – association internationale
avoir lieu, et le droit d’initiative a été ouvert plus largement au-delà pour les infrastructures maritimes et fluviales), « Engineering with
du maître d’ouvrage ou de l’autorité compétente pour autoriser un nature » (USACE – United States Army Corps of Engineers) ou
projet au préfet compétent territorialement saisi soit par une col- « Building with nature » (chez les Hollandais).
lectivité territoriale, soit par une association agréée ou par une La liste des projets variés soumis au débat public permet de se
fédération d’associations ou encore par un certain nombre de res- forger une idée de cette diversité. Valérie Lavaud-Letilleul [4] a
sortissants de l’Union européenne, majeurs, résidant en France, lié d’ailleurs recensé les onze projets portuaires sur la période 1997-
à la population des communes du périmètre concerné. 2010 (figure 1).
Ces débats ont porté sur :
1.2.2 Débat public portuaire et planification – les grands terminaux à conteneurs (Port 2000 au Havre en 1997
et Fos 2XL à Marseille en 2004) ;
Les projets portuaires relativement circonscrits peuvent être
– les terminaux méthaniers amenés à déployer la nouvelle poli-
abordés en considérant principalement lors de la phase amont la
tique énergétique avec en 2007 les terminaux méthaniers de Dun-
procédure du débat public portuaire. Mais, parallèlement, pour des
kerque, d’Antifer et du Verdon dont seul le premier verra le jour et
raisons de cohérence, notamment lorsque l’ampleur du projet ou
en 2010 les trois terminaux de Fos Faster, de Fos Tonkin et de Fos
ses conséquences environnementales sont fortes, le maître
Cavaou à Marseille, dont seul le dernier a été approuvé ;
d’ouvrage établit la cohérence interne avec le plan stratégique ou
avec le plan de développement portuaire, souvent appelé plan – des grands projets d’aménagement de ports décentralisés :
masse ou masterplan car il se situe à des horizons de temps d’une • en 2007 sur le projet Calais 2015 qui représente le projet
ou deux décennies (§ 2.4), en outre, sur le plan spatial, il ne peut majeur des ports décentralisés conçu pour adapter le port de
ignorer les procédures adjacentes qui s’exercent tant en matière Calais aux nouveaux ferries de grande longueur du Trans-
environnementale qu’urbanistique. Ainsi dans le cas de Port 2000, manche en développant de nouvelles digues extérieures et
un processus de création d’une réserve naturelle dans l’estuaire de nouveaux terminaux ferries,
s’est déroulé pratiquement concomitamment à la procédure du • le projet d’extension du port de Bastia a été confié à la collec-
débat public portuaire et en matière d’aménagement à la directive tivité territoriale Corse en 2007 quelques années après la
territoriale d’aménagement qui visait à organiser un aménagement décentralisation du port,

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Mer du Nord Pays-Bas


Grande-Bretagne 2007 DUNKERQUE
Calais
2009
Boulogne Belgique
Manche Caen-Ouistreham Allemagne

Cherbourg Dieppe
Luxembourg
ROUEN
Granville
1997 Port 2000
Brest

2
Saint-Malo 2007 Antifer

Lorient 2009 Grand Canal


Concarneau

NANTES-SAINT-NAZAIRE

France Suisse
LA ROCHELLE-LA PALLICE
La Rochelle-Chef de Baie
2007 Le Verdon

Océan Atlantique Italie

Bayonne 2001
MARSEILLE Nice
Sète
Toulon
GRAND PORT MARITIME Port-la-Nouvelle Fos 2XL
2004
Port régional
Port départemental 2010 Fos Faster 2007
Port mixte (région + département) Bastia
Port mixte (région + département + ville) 2010 Fos Tonkin
Terminal méthanier Espagne
Terminal à conteneurs
Mer Méditerranée Ajaccio
Projet diversifié N

1997 Date du débat public 0 100 200 km

Figure 1 – Localisation des onze débats publics portuaires réalisée par Valérie Lavaud-Letilleul en 2011

• par ailleurs l’échec du projet de Nice en 2001 suivi de la veiller à la bonne information et participation du public jusqu’à
décentralisation du port a contribué du fait des oppositions l’ouverture de l’enquête publique ;
marquées lors du débat à limiter les ambitions d’évolution de – comme développement d’un port généraliste on trouve en
ce port ; 2012 le projet d’extension du port de Jarry en Guadeloupe et celui
– en 2008 sur l’amélioration des accès nautiques au port de du port de Brest, puis en 2015 celui du port décentralisé de Port-la-
Rouen ; Nouvelle ;
– en 2009 sur le projet Emerhode (éfficacité multimodale, écono- – le cas des ports fluviaux avec en 2014 le projet Port Seine-
mie, réseaux hydrauliques) du port du Havre qui est l’extension du Métropole Ouest à Achères et un projet de plus faible importance,
grand canal du Havre vers le canal de Tancarville mais qui n’a fina- celui de Creil Ec’Eau visant à transformer une friche industrielle et
lement pas été réalisée. à créer un port de plaisance fluvial dont la concertation s’est
Si l’on essaie d’étendre à la dernière décennie les projets soumis déroulée en 2012 et 2013 en deux phases.
à la concertation on trouve, en plus des projets déjà mentionnés :
– en matière de conteneurs, les projets CAP 2020 d’extension
de l’activité conteneurs au port de Dunkerque dont le débat public 1.4 Nature des questionnements abordés :
a été conclu favorablement en décembre 2017 et ceux liés à la des- opportunité du projet, évocation
serte fluviale de Port 2000 au Havre qui visent à compléter la des-
serte fluviale de la nouvelle darse de Port 2000 par un accès direct des variantes, des compensations
protégé par digue à toute unité fluviale. Une première tentative de et des mesures environnementales
débat public lancée en 2008 a été relancée dix ans plus tard et a
abouti à une concertation préalable menée du 20 octobre 2017 au La nature des questionnements a été examinée en profondeur
15 janvier 2018, sachant que la CNDP a donné acte du bilan de la par Valérie Lavaud-Letilleul [3] pour la dizaine des projets déjà
concertation établie par la garante et a chargé cette dernière de cités (tableau 1) ; nous la compléterons par une analyse du débat

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Tableau 1 – Arguments échangés lors des débats publics portant sur les projets portuaires (d’après [3])

Projet soumis au débat public Arguments sur l’opportunité


Arguments sur les modalités du projet (acteurs)
(date) du projet (acteurs)

Pas de débat d’opportunité Large accord en faveur d’un aménagement extérieur


Port 2000 Création d’une réserve naturelle et programme de
(1997 à 1998) réhabilitation de vasières comme mesure compensatoire
(écologistes)

Forte opposition locale au projet Polémique sur le plan de circulation autour du port

2
Projet d’extension du port de Nice Débat houleux avec de forts enjeux (habitants, élus)
(2001 à 2002) politiciens lors d’une élection locale (élus Impacts sur les herbiers de posidonies (écologistes)
locaux, habitants)

Pas de débat sur l’opportunité du projet Infrastructures routières : scepticisme sur les créations
Quasi-unanimité en faveur du projet d’emploi annoncées ; pollution sur le site (qualité de
Fos 2XL (2004) l’air) ; concertation après de débat (habitants, élus)
Impacts sur le milieu marin et terrestre (écologistes)
Préservation de certaines activités (chasseurs)

Grand scepticisme sur l’opportunité du Impacts visules et paysagers ; impacts touristiques ;


projet (populations, écologistes, de risques industriels ; mesures d’accompagement
Implantation d’un terminal
nombreux élus) (préserver la plage...) ; concertation après le débat (élus,
méthanier au Verdon (2007)
habitants).
Impact sur les milieux estuariens (écologistes)

Public partagé entre un nouveau site Questions de sécurité et d’environnement ; problèmes de


Seveso et la réduction du chômage santé ; risques industriels ; choix du site (plage du
Implantation d’un terminal Fort soutien des élus locaux au projet Clipon) (habitants)
méthanier Dunkerque (2007) Atteinte à la biodiversité (sternes naines) et suppression
d’un spot de birdwatching, renommé sur la jetée du
Clipon (écologistes)

Opposition au projet trop évidente pour Enjeu central de l’implantation du terminal ; accès à la
Implantation d’un terminal être contestée (habitants, élus locaux, plage ; aménagement du site ; risques industriels ;
méthanier à Antifer (2007) écologistes) retombées économiques (emploi local et formation)
(habitants, élus)

Un projet jugé très majoritairement Gènes dues au chantier ; traitement paysager du port ;
Projet d’extension opportun et utile amélioration des liaisons ferroviaires et routières
du port de Calais (2009) (habitants)
Promotion des énergies renouvelables (écologistes)

Un projet opportun pour certains, Lien entre biodiversité, hydraulique et qualité des eaux
inopportun pour d’autres et suscitant de pour la réserve naturelle (écologistes)
Prolongement du Grand Canal
nombreux doutes (stratégie foncière du Impacts fonciers du projet (agriculteurs)
du Havre (1999 à 2010)
CPMII) Report modal. Complémentarité entre les ports du Havre,
Rouen et Paris (habitants)

Accueil plutôt favorable Risques industriels ; enjeux paysager (réservoirs) ;


Modernisation des installations existantes retombées financières ; bilans carbone ; synergies
Comparaison favorable avec le projet Fos industrielles ; plan de circulation pour les camions du
Projet pour prolonger l’exploitation
Faster chantier ; marchés de travaux pour les entreprises locales
du terminal méthanier
Demande d’un débat « d’options et politique de formation ; demande de concertation
de Fos Tonkin (2010)
générales » sur la zone industrielle de Fos renforcée (habitants, élus)
Préservation de la biodiversité ; rejets en mer ;
compensations environnementales (écologistes)

Accueil mitigé. Comparaison défavorable Problèmes des risques industriels au niveau du transport
avec Fos Tonkin maritime et de l’usine de regazéification ; problèmes
Remise en cause du projet et des choix paysagers (réservoirs trop visibles) ; création d’emploi et
Projet de terminal méthanier
énergétiques retombées financières pour le territoire (habitants, élus)
Fos Faster (2010)
Demande d’un débat « d’options Remise en cause du site maritime (écologistes, habitants)
générales » sur la zone industrielle de Fos Dangers et impacts des rejets en mer (pêcheurs,
conchyliculteurs)

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TRP5013

La coopération interportuaire
Stratégies de coopération et mise
en réseaux des ports intérieurs
et maritimes européens
2
par Antoine BEYER
Professeur
UFR Lettres et Sciences Humaines, Université de Cergy-Pontoise, Cergy-Pontoise, France
et Romuald LACOSTE
Chargé de recherche en géographie
Cerema, Nantes, France

1. Les ports dans un système de relations ................................................... TRP 5 013 - 3


1.1 Coopérations et interdépendances dans les transports maritimes
internationaux ............................................................................................. — 3
1.2 Des stratégies d’entreprises aux « systèmes » territoriaux organisés ... — 3
2. La coopération entre les ports : logiques et interprétations .................. — 5
2.1 Les logiques de la coopération .................................................................. — 5
2.2 Des clés d’interprétation............................................................................. — 7
3. La coopération en France : la voie législative et les initiatives
des autorités portuaires ............................................................................. — 9
3.1 Une démarche de coopération formelle, inscrite dans la loi .................. — 9
3.2 La coopération à l’initiative des autorités portuaires............................... — 10
4. Coopération portuaire et corridors fluviaux en Europe
du Nord-Ouest............................................................................................. — 12
4.1 Panorama des systèmes nationaux........................................................... — 12
4.2 Des systèmes coopératifs emboîtés et des appartenances multiples :
quelques illustrations ................................................................................. — 14
5. Conclusion. La diversité des coopérations interportuaires
et de leurs trajectoires territoriales........................................................... — 15
Pour en savoir plus .............................................................................................. Doc. TRP 5 013

es rapprochements entre les ports fluviaux et maritimes sont de fait


L multiples et très variés dans leur portée et leur intensité. Engagées
parfois depuis plusieurs années, les relations interportuaires connaissent
aujourd’hui un regain d’intérêt marqué. Elles mettent en évidence l’émer-
gence d’une nouvelle échelle de gouvernance. La question de l’échelle
pertinente de l’action publique se pose également de plus en plus face à la
réduction des ressources financières (mutualisation des services) et fon-
cières des ports (relais fonciers dans des ports secs), face à la complexité et
à l’ampleur des projets (transition énergétique), enfin face à la dématériali-
sation des flux documentaires (réseau informatique partagé, rapidité des
opérations de dédouanement et de gestion des flux dans le cadre des
Cargos Community Systems), etc. ; ces évolutions s’accompagnent d’une
réflexion sur les modalités de mise en œuvre de la coopération entre entités
Parution : août 2017

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TRP 5 013 – 1

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TRP5013

LA COOPÉRATION INTERPORTUAIRE ___________________________________________________________________________________________________

existantes jusqu’à leur possible fusion. L’analyse des finalités et des méca-
nismes de rapprochements coopératifs au sein des ports et entre les ports
permet alors de mieux saisir les dynamiques territoriales qu’implique l’évo-
lution des échanges.
La notion de port elle-même renvoie à des réalités distinctes bien que com-
plémentaires. C’est d’abord un lieu équipé pour la manutention. Celle-ci n’est
fonctionnelle qu’avec les opérateurs présents (la communauté portuaire) qui
s’appuient sur des infrastructures et se coordonnent pour mettre en place
l’offre de service la plus attractive possible pour les chargeurs. Ils entretiennent
des liens avec les acteurs actifs dans le port mais aussi avec les opérateurs
extérieurs. Il y a parallèlement, l’autorité portuaire (le Port), c’est-à-dire l’ins-

2 tance, publique ou privée, en charge de la gestion des infrastructures au


détriment de l’outillage, une fonction qui tend à s’imposer avec l’affirmation du
modèle portuaire du Land lord. C’est avant tout à cette dernière catégorie, les
autorités portuaires que s’attachera notre analyse.

Les diverses échelles de coordination dans la structuration des espaces


portuaires
■ À l’échelle portuaire :
Promotion de la Communauté portuaire comme groupe coordonné
d’acteurs économiques : le cluster portuaire.
■ À l’échelle de la chaîne de transport :
Amélioration de la succession des opérations en vue d’un plus grande
fluidité de la chaîne de transport par des opérateurs présents dans un ou
plusieurs ports : l’intégration des chaînes logistiques.
■ Dans le rapprochement entre entités portuaires :
Concertation et coordination au sujet d’actions communes et d’accords
entre gestionnaires : la coopération portuaire.
■ Dans un cadre territorial élargi (régional ou national), politique por-
tuaire :
Définition d’un plan d’aménagement et de développement portuaire sous la
tutelle d’instances politiques et dans la perspective d’une mise en cohérence
territoriale : schémas d’aménagement et de développement portuaires.
Nota : Des interactions existent entre ces niveaux de coordination qui définissent un
système portuaire à la fois dynamique et territorialisé.

De nombreuses notions voisines sont associées à la notion de coopération,


selon les champs scientifiques ou les discours des protagonistes sur leurs pra-
tiques. On trouve mobilisées les notions de coordination, d’alliance, de
partenariat, d’association, qu’il est délicat de hiérarchiser selon l’ampleur et
l’intensité des relations. La notion de coopération interportuaire renvoie ici à
un cadre générique qui formalise des accords liant entre elles deux autorités
portuaires.
La coopération est un objet de recherche aujourd’hui largement étudié. Les
économistes, gestionnaires et sociologues ont développé des corpus théo-
riques importants pour comprendre les déterminants, les modalités et les
conséquences de la coopération au sein des entreprises et entre entreprises
[AG1317]. La théorie des jeux, la théorie des organisations, l’entreprise
étendue, l’école de la proximité en particulier fournissent des clés pour décrire,
expliquer voire anticiper les comportements et les stratégies des acteurs, du
salarié à la multinationale. Ces approches insistent surtout sur les conditions et
les formes de collaboration sous-tendues par la rationalité économique. En
revanche, la composante spatiale de la coopération est souvent sous-évaluée,
alors même qu’elle joue un rôle prégnant dans la logique du transport.

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TRP 5 013 – 2

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____________________________________________________________________________________________________ LA COOPÉRATION INTERPORTUAIRE

des points de passage reliés à des hinterlands contestables (port de


1. Les ports dans un système transit où la rapidité du passage portuaire et la qualité des dessertes
de relations terrestres témoignent de l’efficacité du port). Cette transformation
portée par l’émergence, puis la généralisation de grands opérateurs
globalisés, a placé les ports dans des systèmes de relations qu’ils ne
maîtrisent que partiellement.
1.1 Coopérations et interdépendances La réalité portuaire s’inscrit ainsi dans une chaîne logistique
dans les transports maritimes élargie dont l’efficacité repose sur la coordination accrue des élé-
internationaux ments qui la composent. On retrouve ici le modèle du système
territorial multiniveaux tel que le décrit Theo Notteboom [17]. À
chacune des échelles du système, le rapprochement des acteurs
1.1.1 Une lecture de la coopération interportuaire conduit à redéfinir les modalités de relations, et partant, contri-

2
buent à des logiques d’interaction, sur des bases plus écono-
Le renouveau de la coopération interportuaire n’a pas échappé aux miques pour les opérateurs et selon des modalités plus
maritimistes qui abordent le phénomène comme une réponse à la institutionnelles pour les autorités portuaires.
nécessaire intégration qui accompagne la massification des flux et
leur conteneurisation. Celle-ci renforce l’interdépendance des acteurs Dans ce contexte, les grands opérateurs globalisés les compa-
le long de la chaîne de transport, rendant plus solidaire et plus effi- gnies maritimes, les entreprises de manutention et les organisa-
cace chacun de ses maillons. Les opérateurs fluviaux, les armements teurs de transport qui gèrent les flux internationaux, adoptent des
maritimes, les manutentionnaires portuaires ont largement précédé le stratégies partenariales dans le cadre du marché concurrentiel :
mouvement en investissant les diverses étapes du transport. La for- – des stratégies d’intégration verticale comme par exemple la
tune de la notion d’Extended Gateway lancée par l’Institut flamand création d’entreprises de manutention communes entre arme-
pour la logistique [5] [23] fait écho et approfondit les notions déjà ments et manutentionnaires ;
envisagées de Port System (Robinson, 1976), de port networks [25] – des stratégies de rapprochement horizontal avec la constitution
ou de terminalization (Slack, 2005). Cette évolution conceptuelle sou- d’alliances dans le secteur du transport maritime de conteneurs.
ligne la structuration toujours plus continentale des opérations mari-
On parle alors de coopétition [9] pour décrire ce phénomène
times. L’interdépendance croissante des installations portuaires est
dans lequel des entreprises concurrentes collaborent partielle-
d’abord posée comme un fait au travers des pratiques effectives des
ment dans certains domaines. Ce phénomène s’applique aussi
acteurs plus que par le caractère formalisé des autorités portuaires
aux relations entre ports dans la mesure où, dans un contexte
elles-mêmes (§ 1). Cette problématique est abordée dans un ouvrage
compétitif, des coopérations opportunistes [12] trouvent leur
collectif [15] qui décline une approche approfondie des diverses inte- place.
ractions portuaires possibles au sein d’une même façade maritime :
concurrence, coopération, intégration, concentration régionale, effets
d’échelle. L’analyse bibliographique entreprise par C. Ducruet sou-
La coopétition
ligne effectivement l’émergence de cette thématique dans les publica-
tions au tournant des années 1990 (op. cit. p. 24). Mais plus que de
Nalebuff et Brandenburger (1996) ont popularisé ce concept
coopération, les auteurs ont recours à la notion plus ouverte de « sys-
à partir de la théorie des jeux, que d’autres auteurs, notam-
tème portuaire ». La coopération renvoie en revanche à une modalité
ment, Bengtsson et Kock (1999), ont précisé à leur manière. Il
spécifique de lien, fondée sur une relation explicite et instituée rap-
en ressort que la firme peut avoir quatre comportements afin
prochant deux acteurs ou deux autorités portuaires (§ 2). Le cas fran-
de générer une rente : monopolistique, compétitif, coopératif,
çais permet de mettre en lumière les logiques des rapprochements
coopétitif. Dans le premier cas, l’entreprise n’est pas confron-
portuaires à l’aune des politiques publiques (§ 3). Par ailleurs, les coo-
tée aux (ou évite les) relations concurrentielle comme coopé-
pérations interportuaires peuvent aussi être présentées dans leur
rative ; dans le deuxième cas, l’entreprise privilégie les
caractère multidimensionnel, impliquant indifféremment tous les
stratégies agressives ; dans le troisième, elle opte au contraire
acteurs d’un corridor de transport. Dans une très large mesure, les
pour des stratégies collaboratives ; et dans le dernier, elle a
approches et les analyses qui s’appliquent aux ports maritimes
recours en même temps à des stratégies agressives et colla-
peuvent être prolongés vers les ports fluviaux (§ 4).
boratives (d’après la typologie de Lado et al., 1997).

1.1.2 La composante spatiale de la coopération


C’est ainsi que les ports sont, du fait des stratégies des entre-
Envisageant le phénomène d’intégration de la chaîne logistique
prises, insérés dans des relations d’interdépendance commer-
dans sa composante spatiale, Notteboom et Rodrigue [16] ont mis
ciale ; les démarches de coopération interportuaire qu’ils
en avant la notion de « régionalisation portuaire » (Port Regionaliza-
cherchent à leur tour à mettre en œuvre répondent en grande par-
tion). Si pour eux cette notion procède fondamentalement d’une
tie à la volonté de répondre aux attentes des opérateurs pour pou-
logique économique, ils montrent qu’elle redéfinit et élargit le rôle
voir conserver les trafics voire à les orienter à l’échelle d’une
des autorités portuaires en tant que « facilitateurs » des opérations
façade maritime et/ou d’un corridor fluvial. La mise en réseau coo-
logistiques au sein d’un arrière-pays étendu : « The implementation
pérative des ports est alors une réponse directe à l’intégration
of regional load centre networking strategies can vary from informal
accrue des chaînes logistiques.
programs of co-ordination to advanced forms of strategic
partnerships through strategic alliances, (cross-) participation, joint-
ventures or even mergers and acquisitions » [16]. Se dessinent alors
des formes inédites d’interdépendances dont l’expression est la 1.2 Des stratégies d’entreprises aux
nécessité de dépasser l’émiettement institutionnel initial. « systèmes » territoriaux organisés
Dans une économie ouverte où la fluidité des échanges est pri-
mordiale, la fixité des infrastructures (portuaires) place les autorités 1.2.1 L’intégration du transport maritime :
dans une position de dépendance vis-à-vis des stratégies des hub & spoke et alliances
acteurs logistiques : les ports sont devenus des maillons potentielle-
ment interchangeables dans des chaînes de transport mondialisées. Dans le secteur du transport à la demande (tramping), les
En position de force en tant que lieux d’entrée d’hinterlands captifs alliances et les conférences n’existent pas. Les armements
(port de transformation fixant la valeur ajoutée), ils sont devenus regroupent une partie de la capacité de transport dans le cadre de

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TRP 5 013 – 3

99
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TRP5013

LA COOPÉRATION INTERPORTUAIRE ___________________________________________________________________________________________________

pools de navires. Cependant ces pools ne pèsent pas sur le choix Cette tendance à l’intégration ne se limite pas à la conteneurisa-
des escales dont la décision relève du chargeur, pas plus que sur tion. Elle se vérifie aussi dans le secteur de la manutention des
la formation des prix du transport. Par contraste, l’organisation du produits en vrac. Le marché de la manutention des pondéreux sur
transport conteneurisé repose sur une forte hiérarchie portuaire, la rangée nord européenne est ainsi largement structuré par
les navires de grande capacité limitant leurs escales aux princi- quelques grands groupes [1]. Les entreprises de manutention ne
paux ports maritimes (les hubs qui massifient les flux) et qui sont sont plus dépendantes d’une seule localisation, elles ont pris posi-
en relation avec des ports secondaires desservis par des navires tion dans plusieurs ports pour capter les flux et pour compenser
caboteurs (feeders). Chaque armement structure son offre mari- la volatilité des trafics.
time sur ce principe en sélectionnant des ports principaux et
secondaires. Les moyens nécessaires au développement des
réseaux de lignes régulières conteneurisées ont poussé les com- 1.2.3 Gateway, extended gateway
pagnies maritimes à constituer des alliances techniques. À partir et régionalisation portuaire
des années 1990, les armateurs ont pris conscience qu’ils ne pou-

2 vaient plus, de façon indépendante les uns des autres, continuer à


assurer le déploiement d’un nombre toujours plus important de
services maritimes. D’une part, le nombre de navires nécessaire
La notion de gateway port renvoie à la fonction de point de pas-
sage majeur, de porte d’entrée (portuaire) pour un hinterland
élargi [13]. C’est donc à cette échelle et dans une perspective de
dépassait la capacité d’investissement de chacun ; d’autre part, la facilitation des flux de transit que se conçoit désormais le posi-
multiplication de services similaires par différentes compagnies tionnement des acteurs et des fonctions portuaires. Le port
générait une concurrence accrue, source de surcapacité et de s’interprète comme le support d’articulation de chaînes logis-
baisse de revenus ; les armements se sont alors regroupés au sein tiques plus vastes. C’est aussi une stratégie de projection où
d’alliances maritimes dont les objectifs ont été le partage de la l’accent est mis sur la priorité accordée aux fonctions de transit.
capacité de transport combinée des membres de l’alliance sur une Le terme de gateway devient un instrument de promotion repris
route maritime, et la répartition des escales portuaires entre les pour inscrire les facilités portuaires en lien avec un pôle métropo-
membres de l’alliance. Ces alliances évoluent, elles se créent, sont
litain afin de s’affirmer comme son débouché naturel. Ainsi Lon-
dissoutes, et se recomposent en fonction des conditions du mar-
don Gateway est la désignation du terminal conteneurs géré par
ché : fusion/acquisition entre armateurs appartenant à des
DP World dans l’estuaire de la Tamise. De même, Seine Gateway
alliances différentes, faillite d’une compagnie, demande de trans-
cherche à fédérer les acteurs du territoire autour d’une offre logis-
port et/ou concurrence accrue sur une zone économique émer-
gente, etc. Les alliances pèsent sur le développement des ports de tique globale au profit de l’axe de la Seine et de la métropole pari-
commerce et imposent des interdépendances hiérarchiques et sienne. Elle se conçoit comme « approche en réseau » [2] se
techniques que les autorités portuaires ne sauraient ignorer. développant sur l’ensemble du littoral (de Cherbourg à Dieppe) et
dépassant les concurrences territoriales (Ports, CCI, Agences
d’urbanisme, industriels).
1.2.2 L’intégration de la manutention portuaire
C’est le même souci d’intégration qui a guidé le développe-
Les entreprises de manutention portuaire de conteneurs se sont ment de la notion « d’Extented Gateway », terme initialement
engagées à partir des années 1990 dans un mouvement d’interna- lancé par l’Institut flamand pour la logistique [23]. Au-delà du
tionalisation de leur activité. Les entreprises asiatiques ont été les
marketing territorial, la notion se comprend comme la capacité
premières à investir dans des ports étrangers afin de trouver des
d’offrir les services logistiques nécessaires, en diversité et en
relais de croissance. Elles ont d’abord acquis des entreprises de
capacité, à une échelle élargie en incluant les territoires et les
manutention en Europe et en Amérique du Nord, et elles ont éga-
acteurs de l’arrière-pays immédiat du port. Il peut être porté par
lement remporté des appels d’offre pour l’exploitation de nou-
veaux terminaux. Le marché européen de la manutention de des autorités portuaires (Anvers) ou des manutentionnaires
conteneurs s’est aussi concentré sous l’impulsion de quelques (CCS). Le trait commun est d’assimiler les fonctions de manuten-
entreprises qui ont développé une stratégie d’acquisition d’entre- tion ainsi que les services administratifs et douaniers normale-
prises locales ou régionales de manutention. Ces groupes ment dévolus aux seuls terminaux portuaires à des plateformes
contrôlent désormais la manutention des conteneurs dans tous intérieures (Inland Terminals) pour accélérer le traitement des
les grands ports européens. Dans les zones à forte croissance, on flux en transit. Les facilités accordées sont par ailleurs exercées
observe aussi des prises de participations croisées entre opéra- par des acteurs portuaires délocalisés. Entrepôts et terminaux
teurs de terminaux. intérieurs obtiennent alors un statut douanier qui les assimilent à
une extension fonctionnelle du port.
De leur côté, les compagnies maritimes ont pu développer des
filiales de manutention avec des objectifs multiples : garantir leur
L’idée de régionalisation portuaire développée par Rodrigue
accès à certains hinterlands, sécuriser les nœuds d’articulation
et Notteboom [21] étend un peu plus la portée géographique et
stratégiques de leur réseau maritime, contrôler les coûts de la
fonctionnelle des relations du système portuaire avec sa zone
manutention, avoir un accès sans contraintes ni restrictions aux
élargie de desserte. Il part de l’idée que l’intégration de la
terminaux ce qui permet d’éviter les temps d’attente et de com-
penser plus ou moins partiellement des retards de navigation par chaîne logistique, sous l’effet de la conteneurisation croissante
une prise en charge plus rapide du navire lors des opérations de des flux, pousse à solidariser davantage la traditionnelle notion
manutention. Les terminaux qui desservent des marchés impor- d’arrière-pays portuaire. La croissance des volumes, la régula-
tants ou en forte croissance constituent des lieux stratégiques rité des flux conduisent à l’émergence d’un système fortement
d’implantation. Comme les investissements à consentir pour hiérarchisé et spécialisé de plateformes reliées par des règles
adapter régulièrement les équipements au nombre grandissant de communes et une offre de transport efficace, les corridors de
conteneurs à transborder et aux nouvelles générations de navires transport.
sont très importants, les compagnies maritimes et les entreprises
de manutention s’associent dans des joint-ventures de gestion de Gateway, Extented Gateway et Port regionalization traduisent
terminaux dédiés : le système garantit au manutentionnaire un en somme les différentes échelles et degrés d’intégration des
volume d’activité et à l’armateur un équipement dédié et adapté. fonctions portuaires au sein d’un système territorial en voie
La présence d’une entreprise ou d’une joint-venture de manuten- d’élargissement et d’intégration, sous l’effet d’une interdépen-
tion dans un port peut en outre bloquer l’installation d’une entre- dance accrue des opérations de transport et des fonctions logis-
prise concurrente. tiques.

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TRP 5 013 – 4

100
Référence Internet
TRP5020

Gestion de patrimoines
d’infrastructures portuaires

par Benoit THAUVIN

2
Ingénieur des travaux publics de l’État, chef du Groupe ouvrages d’art et maritimes
Cerema, Direction territoriale Ouest, Département Laboratoire régional de Saint-Brieuc,
France
et Claire MARCOTTE
Ingénieur divisionnaire des travaux publics de l’État, responsable de l’unité « Bétons-
Inspections »
Cerema, Direction territoriale Nord-Picardie, Site de Sequedin, France

1. Enjeux et défis propres à la gestion TRP 5 020 - 2


des infrastructures portuaires ...........................................................
1.1 Enjeux considérables ................................................................................ — 2
1.2 Défis pour les gestionnaires..................................................................... — 2
2. Contexte portuaire singulier .............................................................. — 3
2.1 Ouvrages anciens et vieillissants............................................................. — 3
2.2 Complexité des ouvrages et des structures............................................ — 3
2.3 Modes d’exploitation et des fonctionnalités spécifiques ...................... — 3
2.4 Environnement maritime agressif ........................................................... — 3
2.5 Conditions d’accès contraignantes.......................................................... — 3
2.6 Priorité donnée à l’exploitation des ouvrages ........................................ — 3
2.7 Multiplicité d’acteurs ................................................................................ — 4
3. Gestion des infrastructures portuaires :
principes et méthodes ......................................................................... — 4
3.1 Principes généraux de la gestion de patrimoine d’infrastructures ....... — 4
3.2 État des lieux des pratiques françaises ................................................... — 5
3.3 État des lieux des pratiques internationales ........................................... — 7
3.4 Classification des méthodes .................................................................... — 7
4. Conclusions............................................................................................. — 13
4.1 Bilan des expériences en matière
de gestion de patrimoines d’infrastructures portuaires ........................ — 13
4.2 Conditions de réussite .............................................................................. — 13
4.3 Particularités.............................................................................................. — 13
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. TRP 5 020

u cours des deux derniers siècles, l’activité portuaire a connu un déve-


A loppement important se traduisant par la construction de nombreuses
infrastructures. Afin de pérenniser leur exploitation tout en garantissant un
niveau de service minimum tout au long de leur cycle de vie, la surveillance et
la maintenance régulières des infrastructures deviennent un impératif pour les
maîtres d’ouvrages – gestionnaires. Dans un contexte économique contraint
et de compétition entre les ports, cette nécessité de gestion doit en outre
s’inscrire dans un objectif d’optimisation des coûts. Le présent article a pour
objectif de présenter les démarches et méthodologies dont la finalité est de
formaliser, de faciliter et en définitive d’optimiser la gestion des patrimoines
d’infrastructures portuaires. Dans la suite, la notion de gestion de patrimoine
est comprise comme l’ensemble des actions organisées de surveillance et de
Parution : novembre 2015

maintenance qui s’y rapportent. La notion d’infrastructure s’entend comme


l’association de la structure de génie civil et des équipements associés permet-
tant d’assurer la ou les fonctions (exploitation) attendues.

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101
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TRP5020

GESTION DE PATRIMOINES D’INFRASTRUCTURES PORTUAIRES _____________________________________________________________________________

1. Enjeux et défis propres 1.2 Défis pour les gestionnaires


à la gestion des 1.2.1 Contexte contraint
infrastructures portuaires Le patrimoine national français des infrastructures portuaires est
vieillissant. Au regard de la distribution de l’âge des ouvrages, on
peut s’attendre à court et moyen terme à l’apparition de dégrada-
1.1 Enjeux considérables tions dont certaines touchent déjà de nombreux ouvrages et
nécessitent des opérations de maintenance indispensables pour la
continuité d’exploitation. En parallèle de ce constat, les opportuni-
1.1.1 Histoire ancienne tés de développement et de construction de nouvelles infrastructu-
res sont de plus en plus limitées, du fait de contraintes

2 La France métropolitaine comprend trois façades maritimes


d’environ 5 600 km jalonnées par environ 560 ports. Plusieurs
grandes périodes de construction d’infrastructures portuaires et
budgétaires, administratives et environnementales. Les exigences
réglementaires et normatives se sont accrues (maîtrise des risques
industriels, préservation des espèces protégées, gestion des
maritimes se sont succédées sous l’impulsion de l’État. Dès le déchets, etc.) et les capacités de financement se sont trouvées
XVIIe siècle, avec l’essor du commerce maritime mondial, les ports limitées sous l’effet de la diminution des subventions publiques
sont devenus essentiels pour le développement économique, tout (cofinancements locaux, nationaux ou européens) et de la concur-
en étant stratégiques pour la défense du territoire national (cons- rence nationale et internationale (stagnation des recettes issues
truction des premières formes de radoub dédiées à la construction des droits de port et de la redevance domaniale). La poussée
et à l’armement des navires de commerce et de guerre). Mais c’est urbaine d’une part et les espaces protégés d’autre part (Natura
au XIXe siècle que la construction d’infrastructures portuaires et 2000, loi Littoral) limitent également les possibilités d’extension
maritimes connaît un développement exponentiel illustré notam- portuaire et a minima conditionnent l’implantation des nouvelles
ment par la réalisation d’ouvrages et d’équipements de signali- infrastructures et les actions de maintenance. Enfin, l’implantation
sation maritime pour le balisage des côtes. C’est également à cette d’ouvrages dans (ou à proximité) des sites classés (patrimoine,
époque que les ports commencent à connaître de grands boulever- architecture) peut affecter leurs modalités de réhabilitation.
sements liés à la nature du trafic, à la taille des navires et aux
moyens de manutention. Ces évolutions se poursuivent encore
aujourd’hui, marquées par l’évolution du conditionnement des 1.2.2 Optimisation de la gestion, nécessité
marchandises transportées en mer, depuis la conteneurisation, et
la poursuite de l’augmentation de la taille des navires. Le contexte actuel incite donc à optimiser l’exploitation du patri-
moine et à prolonger la durée de vie des ouvrages. La surveillance
et la maintenance des ouvrages existants deviennent donc un défi
1.1.2 Multiplicité d’enjeux majeur pour les gestionnaires ; ces derniers devant garantir la
continuité d’exploitation d’ouvrages vieillissants dans des
Aujourd’hui, le patrimoine français des infrastructures portuaires conditions de sécurité et de disponibilité optimales et avec des
et maritimes a des vocations multiples (commerce, passagers, coûts maîtrisés [3] [4].
pêche, plaisance) auxquelles sont rattachés des enjeux spécifi- Or, très souvent, les opérations de maintenance sont décidées
ques. Ainsi, la défense nationale s’appuie sur des ouvrages gérés sans que l’on ait suffisamment bien appréhendé les exigences
par la marine nationale, qui sont indispensables pour le déploie- techniques, les risques et les enjeux associés. Il s’avère en effet
ment et la maintenance des bâtiments de guerre et de dissuasion. que les arbitrages et la programmation des opérations de mainte-
Dans le domaine économique, les infrastructures des ports de nance sur un patrimoine avec de multiples ouvrages sont difficiles
commerce constituent un enjeu majeur puisque deux cinquièmes car ils nécessitent un compromis entre des enjeux opérationnels,
du tonnage et un cinquième de la valeur du commerce extérieur techniques, financiers, voire stratégiques et impliquent des acteurs
français sont acheminés par voie maritime [1]. Or, une partie de ce multiples. À l’extrême, on rencontre deux stratégies de gestion. La
commerce est vital pour le fonctionnement de l’économie natio- première repose, par défaut, sur une « maintenance curative » où
nale, s’agissant de l’importation de certains produits de bases l’on intervient a posteriori pour traiter les imprévus, ce qui fait
(produits alimentaires et énergétiques par exemple). Enfin, un subir au gestionnaire les aléas, les coûts et les impacts qui en
nombre important d’ouvrages joue un rôle essentiel pour la pro- résultent sur l’exploitation, ainsi que les risques accrus sur la
tection des biens et des populations notamment vis-à-vis des sécurité. La seconde repose, à l’inverse, sur une « maintenance
risques de submersion et d’inondation. Les ouvrages portuaires et préventive » qui paraît plus sécurisante et conservative mais peut
maritimes présentent donc un caractère stratégique qu’il convient s’avérer inefficace car la mise en œuvre d’une technique de main-
de prendre en compte dans leurs modalités de gestion. tenance inappropriée ou réalisée à contretemps conduit à une
démarche sécuritaire et conservative souvent coûteuse et en tout
cas non optimisée sur le plan financier. Pour finir, en l’absence
1.1.3 Mode de gouvernance en évolution d’une réflexion approfondie, le risque est que le mode de gestion
ne réponde qu’à des enjeux financiers et d’exploitation immédiats
Il convient de rappeler que le milieu portuaire en France a connu sans prise en considération des aspects techniques (de disponibi-
depuis ces dernières années une évolution notable de son mode lité, de capacité et de performances des ouvrages) et de sécurité
de gouvernance qui n’est pas sans conséquences sur la gestion (des usagers et des tiers).
des ouvrages portuaires. En 1984, une première phase de décen-
tralisation a conduit au transfert de 532 ports vers les collectivités L’optimisation de l’organisation des actions de surveillance et de
(départements, communes, syndicats). En 2007, une seconde maintenance doit répondre à plusieurs objectifs : identifier les
phase de décentralisation a conféré aux collectivités territoriales risques sur la sécurité, identifier les points critiques des structures
de nouvelles responsabilités portuaires par le transfert des Ports et les risques de dégradations, mieux évaluer l’état des ouvrages,
d’Intérêt National aux régions et aux départements. Avec la cibler les actions de surveillance et de maintenance et les rendre
réforme de 2008, les Ports Autonomes sont devenus des Grands prioritaires en tenant compte des différents enjeux (technique,
Ports Maritimes conduisant progressivement au transfert des acti- exploitation, sécurité). Cela résulte donc d’un processus complexe
vités de manutention vers des opérateurs privés tout en réaffir- suivant une démarche formalisée et s’inscrivant dans un cadre
mant les missions d’aménageur et d’autorité portuaire. méthodologique précis.

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TRP5020

______________________________________________________________________________ GESTION DE PATRIMOINES D’INFRASTRUCTURES PORTUAIRES

« sol/structure » ainsi que par les effets résultant de la présence, de


2. Contexte portuaire la variation de niveau et de la circulation d’eau dans les sols qui
singulier conditionnent leur fonctionnement mécanique et constituent une
source de complexité supplémentaire.
La singularité du domaine portuaire et maritime au sens large
implique un contenu et une organisation particulière de la gestion 2.3 Modes d’exploitation
des ouvrages. Ainsi, l’organisation de la gestion des ouvrages
portuaires doit intégrer les spécificités suivantes : et fonctionnalités spécifiques
– la complexité des ouvrages et des structures ; Les terminaux portuaires sont de natures variées (commerce,
– les modes d’exploitation et les fonctionnalités des ouvrages ; plaisance, pêche, tourisme) et les infrastructures et équipements
– la forte agressivité de l’environnement portuaire (et plus géné- correspondants sont généralement spécialisés. À chaque ouvrage
ralement maritime) ; son mode d’exploitation et ses fonctionnalités propres, protection

2
– les conditions d’accès aux ouvrages contraignantes ; contre la mer, amarrage et/ou accostage, chargement-décharge-
– la priorité donnée à l’exploitation des ouvrages ; ment de marchandises (conteneurs, vrac solide ou vrac liquide) ou
– la multiplicité des acteurs. encore franchissement (ponts mobiles, écluses). À chaque fonc-
tionnalité correspond un niveau d’enjeu pour le maître d’ouvrage –
L’ensemble des éléments présentés ci-après conditionne le
gestionnaire que la démarche de gestion doit prendre en compte.
mode de gestion tant au niveau des actions de surveillance que
des actions de maintenance. Leur prise en compte est l’exigence
majeure à laquelle doit répondre la démarche de gestion d’un
patrimoine d’infrastructures portuaires [5].
2.4 Environnement maritime agressif
La mer et l’environnement associé sont des milieux particulière-
ment agressifs pour les infrastructures portuaires. L’agressivité phy-
2.1 Ouvrages anciens et vieillissants sico-chimique de l’eau conduit à des dégradations accrues des
En premier lieu, il convient de faire le constat que le patrimoine matériaux constitutifs des structures (corrosion des structures
d’infrastructures portuaires français est en majorité constitué métalliques et des armatures du béton armé, altération des mortiers
d’ouvrages anciens ou vieillissants. Une enquête réalisée en de maçonnerie par exemple). L’agressivité mécanique de la mer, à
2006-2007 auprès des principaux ports français (7 ports autono- travers l’action de la houle et des courants, peut également conduire
mes, 3 ports militaires et 16 ports d’intérêt national) montre globa- à des endommagements majeurs d’une part et à des phénomènes
lement que la majorité des ouvrages a plus de 30 ans et que 60 % d’usures (abrasion) d’autre part. Les sollicitations et agressions liées
des infrastructures sont antérieures à 1955 [2]. Autrement dit, la à l’exploitation (charges d’exploitation, stockage, engins de manu-
proportion d’ouvrages susceptibles de présenter (ou de dévelop- tention, etc.) conduisent à des efforts considérables dans les élé-
per à court terme) des dégradations est très importante. Néan- ments de structures pouvant initier des défaillances.
moins, dans le détail, il s’avère que les différents gestionnaires
n’ont pas un patrimoine équivalent en matière de vétusté des
infrastructures, la vétusté des patrimoines étant directement (et 2.5 Conditions d’accès contraignantes
inversement) corrélée avec le niveau d’investissement dans les La réalisation des actions de surveillance et de maintenance pré-
aménagements portuaires. L’enquête de 2006-2007 confirme cette suppose d’avoir accès aux différents ouvrages. Or, la configuration
assertion et montre : des ouvrages et leur environnement (zones constamment immer-
– que les Ports d’Intérêt National (devenus ports décentralisés, gées, zones de marnage, conditions météorologiques) induisent
confiés aux collectivités territoriales) avaient en gestion une pro- des conditions d’accès contraignantes qui peuvent nécessiter de
portion importante d’ouvrages construits avant 1900 (essentielle- mobiliser :
ment des ouvrages en maçonnerie) ; – des embarcations et des échafaudages ;
– que les ports militaires géraient principalement des ouvrages – des interventions subaquatiques ;
construits pendant la première moitié du XXe siècle (périodes de
– le déploiement d’outils de surveillance spécifiques (bathymétrie
guerres et de reconstruction, essentiellement des ouvrages en
par exemple) ;
maçonnerie et en béton armé) ;
– des travaux à la marée...
– que les ports autonomes (devenus Grands Ports Maritimes) dis-
posaient d’ouvrages plus récents construits entre 1950 et 1980 (prin- De plus, la nature de l’activité supportée par l’infrastructure (raf-
cipalement des quais sur pieux et soutènements en palplanches). finerie, construction et réparation navale par exemple) peut impli-
quer des contraintes et donc rendre difficile la conduite des
opérations de surveillance et de maintenance.
2.2 Complexité des ouvrages
et des structures
2.6 Priorité donnée à l’exploitation
La complexité des ouvrages et des structures découlent, outre des ouvrages
l’évolution historique des techniques constructives, des fonctions
attendues de ces ouvrages (amarrage, accostage ou soutènement), Une infrastructure doit garantir l’exploitation en toute sécurité et
des contraintes de site (nature du sol de fondation, profondeur de en tout confort pour les usagers et les tiers. Pour un même
souille attendue, etc.) et enfin des adaptations apportées aux ouvra- ouvrage, les usagers peuvent être multiples : exploitant, naviga-
ges pour tenir compte de l’évolution de leur exploitation (rempiète- teur, touriste, etc. L’ensemble de ces usagers doit pouvoir utiliser
ment, renforcement pour s’adapter aux dimensions des navires et à l’infrastructure sans risque pour sa sécurité et sans inconfort afin
l’augmentation des charges d’exploitation). Ces considérations que l’exploitation soit optimale. Les équipements et les configura-
conduisent à un grand nombre de type de structure : digues à talus, tions qui participent à cette sécurité et à ce confort (échelles
digues verticales, digues mixtes, rideaux de palplanches, parois d’accès, gardes-corps, défenses d’accostage, dispositifs d’amar-
moulées, quais sur pieux, gabionnades, caisson en béton armé, rage, revêtement de terre- pleins, signalisations, etc.) doivent être
murs poids, etc. Certains ouvrages sont rendus plus complexes par opérationnels et méritent donc une attention particulière. Ainsi,
la superposition de structures élémentaires construites au cours du l’exploitation des ouvrages est une priorité du gestionnaire. En
temps pour gagner sur la mer ou approfondir la souille. Enfin, les complément, même s’ils ne sont plus exploités, les ouvrages
ouvrages portuaires sont caractérisés par une forte interaction « délaissés » ou désaffectés doivent être intégrés au processus de

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GESTION DE PATRIMOINES D’INFRASTRUCTURES PORTUAIRES _____________________________________________________________________________

gestion puisqu’ils peuvent constituer une source de risques en cas présent article. Dans un second temps, un état des lieux de la ges-
de dégradations importantes ou d’instabilité. tion des infrastructures portuaires est proposé. Il s’appuie notam-
ment sur l’enquête nationale réalisée en 2006-2007 [6] ainsi que sur
l’enquête présentée en annexe du rapport n˚ 103 de l’AIPCN [4].
2.7 Multiplicité d’acteurs
Depuis les deux phases successives de décentralisation, les modes 3.1 Principes généraux de la gestion
de gouvernance des ports sont diverses et évolutives : État, régions,
départements, communes, syndicats mixtes, sociétés privées. Les de patrimoine d’infrastructures
organisations sont très hétérogènes d’un site à l’autre. Pour un port
Les méthodes de gestion d’un patrimoine d’infrastructures
donné (voire même pour un ouvrage donné), de multiples acteurs se
suivent certains concepts communs. Tout d’abord, les ouvrages
côtoient avec des rôles et des prérogatives particulières : maître
ayant tendance à se dégrader et leurs propriétaires se trouvant
d’ouvrage, gestionnaire, concessionnaire/ exploitant, capitainerie,
dans un contexte de budget contraint, il s’agit d’optimiser la main-

2
lamaneurs, dockers, marins, plaisanciers, etc. Localement, on peut
tenance tout en garantissant la sécurité des usagers et l’exploita-
même observer des superpositions de gestion. Dans certains cas, les
tion optimale des infrastructures. La maintenance se définit au
liens et les responsabilités des acteurs sont régis par des contrats de
plan normatif comme « l’ensemble des actions techniques, admi-
concession ou des délégations de service public qui encadrent la ges-
nistratives et de management durant le cycle de vie d’un bien, des-
tion et l’exploitation des ouvrages. Ces documents, selon leur degré
tinées à le maintenir ou à le rétablir dans un état dans lequel il
de précision et leur contenu, peuvent être sources d’incertitudes sur
peut accomplir la fonction requise » (AFNOR [7]). Sur le cycle de
le périmètre des prérogatives de chacun.
vie d’un ouvrage (figure 1), différentes stratégies de maintenance
Lieux d’échange par nature, les ports concentrent les interfaces peuvent être adoptées pour atteindre cet objectif [8]. Ces stratégies
(urbain/littoral, hinterland/international) et les intermodalités dépendent évidemment du type d’actions de maintenance (effica-
(transports maritime, routier et ferroviaire) ce qui complexifie cité, pérennité), de leur coût mais aussi de l’instant où elles sont
encore le jeu des acteurs. réalisées. La définition de l’instant où la maintenance est effectuée
découle d’un processus complexe qui résulte d’un compromis
entre les résultats des actions de surveillance (évaluation de l’état
de l’ouvrage), l’importance stratégique de l’ouvrage et le coût de la
3. Gestion des maintenance.
infrastructures portuaires : De façon pragmatique, trois stratégies générales peuvent être
envisagées : pas de maintenance (conduit à une durée de vie
principes et méthodes limitée ou réduite par rapport aux exigences initiales), actions de
maintenance régulières à faible coût, actions de maintenance
Dans un premier temps, des généralités relatives à la gestion de ponctuelles de grande envergure à coût important. Le choix de la
patrimoines sont rappelées pour cadrer le champ d’application du stratégie de maintenance résulte d’un compromis entre le coût de
la meilleure

Nouvel atout Reconstruction complète,


exigences modifiées
État initial, condition de classe « A »

Stratégie : niveau
de performance idéal, [Major Rehab]
Dépendant
maintenance la
de la stratégie
C meilleure et continue
de maintenance
Capacité structurelle

[FEM] Stratégie c [FEM]


A B

Stratégie : aucune
maintenance [FEM]
[No FEM]

Stratégie
b
Niveau acceptable minimum
Stratégie
Varie suivant le consensus Stratégie a [Major O&M] d

politique, social et administratif


la plus mauvaise

Échecs

40 80 ∝
Âge des actifs et durée de vie (années)
– varient selon les types d’actifs, les constructions, les usages –

Figure 1 – Stratégies de maintenance et dégradations du niveau de service des ouvrages (d’après [8])

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104
Infrastructures, environnement et transport par voie d'eau
(Réf. Internet 42617)

1– Conception des infrastructures et aménagements

2– Gestion et exploitation des ports


3
3– Transport de fret et transport par voie d'eau Réf. Internet page

Transport de marchandises AG8000 107

Transport de matières dangereuses AG8170 109

Transport et développement durable AG8230 113

Transport intermodal AG8160 119

Transport maritime AG8130 125

Transport par voie navigable AG8120 129

Économie du fret - Processus de transport AG8005 133

Économie du fret - Système de transport AG8006 137

Les professions du transport AG8020 141

4– Problématiques environnementales et risques

 Sur www.techniques-ingenieur.fr
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105
3

106
Référence Internet
AG8000

Transport de marchandises

par Michel SAVY


Professeur à l’université Paris Est (École d’urbanisme de Paris et École des ponts –
ParisTech
Directeur de l’Observatoire des politiques et des stratégies de transport en Europe

1. Branche technique majeure................................................................ AG 8 000v3 - 2


2.
3.
Un processus industriel .......................................................................
Un système complexe ..........................................................................


2
3
3
4. Une activité sociale .............................................................................. — 4
5. Une approche multiforme ................................................................... — 5
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. AG 8 000v3

e transport de marchandises est une branche majeure de la technologie,


L pour la production du matériel de transport, du transport comme tel, ou de
sa consommation dans des organisations logistiques. C’est un processus
industriel dont la valeur contribue à la valeur totale du produit.
Le transport est un système complexe impliquant de nombreux agents :
– gestionnaire d’infrastructure ;
– transporteur ;
– chargeur ;
– commissionnaire de transport, etc.
Il est organisé en réseaux.
Le transport est une activité sociale, aux puissants effets externes. Les pou-
voirs publics jouent un rôle important dans l’organisation et la régulation du
transport ; et la politique des transports touche la gestion privée des
opérations de transport.
Parution : avril 2013

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est strictement interdite. – © Editions T.I. AG 8 000v3 – 1

107
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AG8000

TRANSPORT DE MARCHANDISES ______________________________________________________________________________________________________

1. Branche technique majeure Le transport de marchandises est ainsi un puissant vecteur de


modernité dans tout le système de production et d’échanges.
Le transport de personnes, comme de marchandises, participe
aux avancées techniques et aux révolutions qui en scandent l’his-
toire (avec la machine à vapeur ou l’automobile, par exemple).
Il faut, à cet égard, distinguer entre : 2. Un processus industriel
– la production des outils de transport ;
– la production du transport ; Transporter des produits, les déplacer dans l’espace est une
– sa consommation. opération matérielle qui requiert de la main-d’œuvre, des équi-
pements, des consommations intermédiaires (et notamment éner-
■ Industries du matériel de transport et industrie du transport
gétiques) considérables. Le transport modifie les caractéristiques
Les industries de production des outils de transport – physiques des produits (leurs coordonnées spatio-temporelles),
constructions ferroviaire, automobile, maritime, aéronautique, tout comme les opérations manufacturières en modifient la
sans oublier les infrastructures, les systèmes de signalisation et de composition ou la morphologie. Le transport de fret est un process
contrôle, l’énergie, etc. – demeurent parmi les plus innovatrices. industriel ([AG 8 005] et [AG 8 006]).
Elles sont situées à l’amont de l’activité de transport, à qui elles
fournissent des équipements, qui requièrent eux-mêmes une tech- ■ La valeur ajoutée

3 nique spécifique pour leur exploitation. C’est de celle-là, la tech-


nique du transport proprement dit, qu’il sera question ici.
Quant à la consommation du transport par les « chargeurs », sa
La valeur du transport s’incorpore à la valeur totale du produit,
qui additionne plusieurs coûts :
– des matières premières ;
gestion s’appuie sur des techniques logistiques qui connaissent – de fabrication ;
aujourd’hui un développement rapide (voir les articles – de transport ;
complémentaires [AG 8 005] et [AG 8 006]).
– de stockage, etc.
Les techniques liées aux matériels de transport et à la logistique
sont abordées ailleurs, dans des rubriques dédiées (voir le Pour en La valeur d’usage d’un bien dépend immédiatement du lieu où
savoir plus). ce bien est disponible, sa valeur d’échange également (et cette
dépendance se reflète, par exemple, dans la différence entre les
■ Effets du développement technique du transport prix « départ usine » et les prix « rendu »). En outre, l’opération de
Les effets du développement technique du transport peuvent transport se déroule dans le temps, et le temps de transport
ainsi s’appréhender selon plusieurs niveaux successifs de s’ajoute intégralement au cycle de rotation du produit, depuis
développement : l’engagement de sa fabrication, jusqu’à sa vente sur le marché.
– d’une industrie des matériels de transport ;
– d’une industrie du transport ; L’influence du transport sur la gestion industrielle est donc
– des activités (et des pratiques sociales) liées à la double, jouant à la fois sur le coût de production et sur le
consommation du transport. volume du capital engagé.
Toutes les activités, agricoles, industrielles et tertiaires sont utili-
satrices de transport.
■ « Process » ou « service » ?
Techniquement, le transport est un process (une opération pro-
La compétence technique du transport se partage donc ductive), et non un produit (le bien issu du process). En terme
entre les transporteurs et leurs clients, les chargeurs, qui d’organisation économique, l’accomplissement de ce process se
organisent aujourd’hui leurs fonctions logistiques dans des répartit entre deux régimes. Certaines entreprises agricoles, indus-
divisions spécialisées. trielles ou commerciales disposent de moyens de transport
(humains et matériels) pour assurer elles-mêmes tout ou partie du
• D’un point de vue macroéconomique, l’abaissement continu des transport requis par leur activité. On parle alors de « transport
coûts de transport contribue directement à l’augmentation des échan- pour compte propre ».
ges et de la production, et à l’élargissement d’espaces géographiques Mais une large part du transport de produits est confiée à des
de plus en plus interdépendants, jusqu’à l’échelle mondiale. entreprises spécialisées, et on parle alors de « transport pour
compte d’autrui ».
Exemples
Les entreprises de transport sont, sous l’angle technique, des
Pour les transports terrestres, le prix de la t · km en monnaie entreprises industrielles. Mais, sous l’angle économique, elles ont
constante a été divisé par un facteur supérieur à 10 depuis le la particularité de vendre un process, et non le produit auquel
lancement du chemin de fer dans les années 1840, malgré une aug- celui-ci s’applique (le transporteur vend le transport, et non les
mentation considérable de la vitesse d’acheminement marchandises transportées). Dans ces circonstances, le transport
Celui du transport maritime international de conteneurs a été divisé est un service.
par 4 pendant la dernière décennie sous l’effet conjugué des gains de
productivité technique et de la surcapacité commerciale liée à la crise ■ Le poids économique de la logistique
économique actuelle. La montée de la fonction logistique dans toutes les grandes
organisations industrielles et tertiaires apparaît alors, pour la
• Au demeurant, le transport participe pleinement d’un sys- gestion du transport, à la fois comme une chance et un danger.
tème technique global. Tout en étant le lieu de création et de déve-
loppement de multiples techniques spécifiques, il est aussi un • Chance, car le transport entre ainsi dans une des fonctions
consommateur intense et un développeur des techniques issues stratégiques de gestion de la firme et, à travers le supply chain
des autres secteurs de l’industrie : les industries du génie civil, du management, des relations inter-firmes.
génie mécanique, des matériaux et des diverses sources d’énergie • Danger, si la gestion logistique s’intéresse exclusivement aux
sont intensément sollicitées, sans oublier la présence transversale systèmes d’information, ignorant les opérations physiques moins
de l’électronique et de l’informatique, tant pour la construction des « nobles » que sont la manutention, l’entreposage, l’emballage et
équipements que pour leur mise en œuvre. le transport.

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108
Référence Internet
AG8170

Transport de matières dangereuses


par Jean-Pierre SAINT-ELOI
Docteur de l’École Nationale des Ponts et Chaussées
Adjoint au Chef du Service mobilités et infrastructures à la Direction régionale
de l’environnement, de l’aménagement et du logement de Normandie

1. Classement et identification des matières ............................................... AG 8 170v3 - 4


1.1 Classification ............................................................................................... — 4
1.2 Énumération et identification des matières.............................................. — 4
2.
2.1
Réglementation applicable ........................................................................
Transport sur route .....................................................................................


5
5
3
2.2 Autres modes de transport ........................................................................ — 5
3. Organisation de la réglementation européenne...................................... — 6
3.1 Champ d’application................................................................................... — 6
3.2 Structure ...................................................................................................... — 6
3.3 Dispenses d’application.............................................................................. — 6
4. Préparation des expéditions ...................................................................... — 7
4.1 Normes d’emballage et marquage des colis ............................................ — 7
4.2 Documents d’expédition ............................................................................ — 8
5. Formation des personnels ......................................................................... — 8
5.1 Obligation de formation des conducteurs ................................................ — 8
5.2 Convoyeur ................................................................................................... — 9
5.3 Qualification du préposé conseiller à la sécurité ..................................... — 9
5.4 Qualification des autres personnels .......................................................... — 10
6. Véhicules et équipements.......................................................................... — 10
6.1 Nature des essais et contrôles ................................................................... — 10
6.2 Équipements de sécurité ............................................................................ — 10
6.3 Signalisation et placardage des unités de transport................................ — 11
7. Prescriptions de chargement..................................................................... — 13
7.1 Limitation des envois.................................................................................. — 13
7.2 Marges de remplissage .............................................................................. — 13
7.3 Interdictions de chargement ...................................................................... — 14
8. Sûreté des matières dangereuses à haut risque ..................................... — 14
9. Règles de circulation et prescriptions de service .................................... — 14
9.1 Restrictions de circulation .......................................................................... — 14
9.2 Modalités de stationnement sur la voie publique.................................... — 14
9.3 Prescriptions de service aux équipages.................................................... — 15
Pour en savoir plus .............................................................................................. Doc. AG 8 170v3

e transport des marchandises dangereuses, de par sa diffusion à travers


L l’espace et sa proximité avec des lieux habités, suscite au sein de l’opinion
publique une frayeur et la crainte rémanente d’accidents démesurément
catastrophiques.
Pourtant, le véritable degré d’exposition des populations vis-à-vis de ces
transports s’établit à un niveau bien inférieur aux risques virtuels redoutés :
• Le nombre d’accidents impliquant des véhicules de transport de matières
Parution : septembre 2016

dangereuses, qu’il s’agisse de simples accidents de circulation (pour près

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AG 8 170v3 – 1

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AG8170

TRANSPORT DE MATIÈRES DANGEREUSES ______________________________________________________________________________________________

de deux accidents sur trois) ou d’accidents avec participation de la matière


(fuite, incendie, etc.) s’établit chaque année en France aux environs de 150
à 200 événements, soit 1,5 % des accidents de poids lourds seulement,
alors que ce trafic représente plus de 15 % de la circulation des poids
lourds.
• 80 % de ces accidents surviennent fort heureusement en rase campagne
et n’ont pas d’effets sur les populations.
• Une forte concentration du trafic opéré, pour 75 % en véhicules citernes,
au sein de groupes de transport structurés où la spécialisation et le profes-
sionnalisme sont de règle, caractérise l’activité et la distingue radicale-
ment du reste du secteur des transports routiers où l’atomicité reste
persistante.
Il est vrai que la réglementation, de par sa complexité, s’érige comme une
barrière à l’entrée de nouveaux compétiteurs sur le marché, et joue ainsi un

3 rôle déterminant dans la démarcation de ce secteur vis-à-vis des autres filières


du transport en restreignant l’accès aux frets, et surtout par l’esprit de la sécu-
rité qu’elle a développé entre les acteurs.
Les transports de marchandises dangereuses sont en effet subordonnés au
respect de prescriptions réglementaires très strictes édictées par les autorités
publiques, nationales et/ou internationales, pour chacun des modes de trans-
port. Plusieurs motifs obligent les chefs d’entreprise à ne pas se désintéresser
des modalités d’exécution de leurs transports de matières dangereuses et des
opérations de manutention qui les encadrent :
– impératif de sécurité publique : une attention particulière doit être portée à
la qualité de réalisation de ces transports qui doivent, en toutes circonstances,
être exécutés dans le strict respect d’obligations réglementaires de sécurité
afin que la potentialité d’événements dramatiques ne devienne l’amère réalité ;
– co-responsabilité pénale du donneur d’ordre du transporteur en cas
d’infraction ; celle-ci pouvant être mise en cause même si les manquements
ont été commis à son insu ;
– obligation générale de prévention du chef d’entreprise en matière d’acci-
dents du travail. La loi (art L.4121-1 du code du travail) fait obligation à tout
employeur de préserver la santé et la sécurité des salariés en développant des
actions de prévention vis à vis des risques identifiés par le document unique
d’évaluation des risques créé par le décret n° 2001-1016 du 5 novembre 2001.
Dans ce domaine, l’employeur est tenu envers ses salariés à une obligation de
sécurité de résultat. Tout manquement à cette obligation constitue une faute
inexcusable lorsque l’employeur :
– avait (ou aurait pu avoir) conscience du danger auquel le salarié était
exposé ;
– n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
La faute éventuelle commise par la victime (non utilisation des EPI par
exemple) n’étant pas de nature à enlever son caractère inexcusable à la faute
de l’employeur.
Par ailleurs, le chef d’entreprise est affublé d’une obligation générale de pré-
vention renforcée par la loi n° 91-1414 du 11 décembre 1991 faisant de la
formation un principe général de la prévention (art. L 4121-1 du code du tra-
vail). Elle prend la forme d’une obligation de formation pratique et appropriée
à la sécurité du travail au sein de l’établissement, en fonction de sa taille, de la
nature de l’activité, du caractère des risques constatés et du type d’emploi
occupé par les salariés concernés. Elle doit être renouvelée périodiquement.
La formation à la sécurité, visée à l’article L 4141-2, concerne :
– les travailleurs nouvellement embauchés ;
– ceux qui changent de poste ou de technique ;
– ceux qui reprennent leur activité après un arrêt de travail d’au moins 21
jours ;
– les travailleurs temporaires ou sous contrat à durée déterminée ;

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AG 8 170v3 – 2

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AG8170

_______________________________________________________________________________________________ TRANSPORT DE MATIÈRES DANGEREUSES

– et les salariés d’entreprises dites « extérieures », tout particulièrement


concernés par le protocole de sécurité que l’entreprise d’accueil leur aura
nécessairement notifié (itinéraires d’accès aux installations de chargement/
déchargement des véhicules, lieux de stationnement des véhicules..). Rendu
obligatoire en application d’un arrêté du 26 avril 1996, pris en application du
décret n° 92-4158 du 20 février 1992 et intégré à l’article R. 237-1 du Code du
travail, ce document doit être établi conjointement entre l’entreprise d’accueil
(expéditeur de la marchandise ou destinataire ou encore opérateur de trans-
port intermédiaire) et le transporteur, préalablement à chaque opération ou
sous la forme d’un protocole unique lorsque les opérations revêtent un carac-
tère répétitif. Il a pour objet de préciser les règles de sécurité applicables aux
opérations d’enlèvement ou de livraison de marchandises effectuées par une
entreprise extérieure.
Le défaut de protocole de sécurité est un délit passible d’une amende de
3 750 € appliquée autant de fois que de salariés concernés par l’infraction.
Sur route, les transports sont exécutés en conformité avec l’Accord européen
relatif au transport de marchandises dangereuses par route, dit ADR, intégré 3
en droit interne en 1997 et complété, par un arrêté ministériel français, par des
dispositions propres à la France.
En dépit des efforts d’harmonisation déployés depuis 1992, la matière,
compte tenu de la technicité des frets et des matériels, reste ardue et la régle-
mentation afférente, abondante.
Élaborée depuis 1942 au sein de la Commission interministérielle pour le
transport de matières dangereuses (CITMD) qui rassemble toutes les adminis-
trations et organisations professionnelles concernées à divers titres par ses
prescriptions (fabricants d’emballages, organismes agréés ou certificateurs,
constructeurs d’engins ou d’équipements de véhicules, expéditeurs, usagers
des transports, transporteurs, corps de contrôle, etc.), cette réglementation
mêle alternativement des dispositions de service concernant l’acheminement
proprement dit, et les modalités de fabrication des emballages, véhicules,
citernes, équipements de service, y compris pour ce qui concerne les fonctions
en amont du transport comme les essais ou les tests de réception des engins.
Notre but ici n’est pas d’établir un inventaire complet des dispositions appli-
cables à de telles marchandises, car toute synthèse est par nature
nécessairement simplificatrice, voire réductrice, au risque d’éluder la portée de
certaines dispositions complexes. Or, l’exploitation oblige à recourir au texte
réglementaire dans son exhaustivité. Il s’agit simplement de donner un aperçu
des différents types de mesures auxquelles peuvent être assujettis les envois
de marchandises dangereuses et de proposer des démarches logiques et
déductives de recherche pour identifier le moment venu, grâce au règlement,
les prescriptions applicables à telle ou telle expédition, compte tenu de la
nature de la marchandise, de son conditionnement, de ses quantités, du mode
utilisé, etc.
Les prescriptions suivantes sont présentées sur la base des règlements rou-
tiers. Pour les autres modes, on se reportera aux documents réglementaires
cités par le présent article. Au besoin, on prendra l’attache des organismes
chargés de l’application de ces textes périodiquement modifiés pour tenir
compte des transformations, des innovations politiques ou techniques qui
affectent régulièrement ce secteur d’activité.
En complément de cet article, nous invitons le lecteur à consulter l’article
[AG 6 510] consacré à l’emballage des matières dangereuses.

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AG 8 170v3 – 3

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AG8170

TRANSPORT DE MATIÈRES DANGEREUSES ______________________________________________________________________________________________

1. Classement Sauf s’il s’agit de matières non admises au transport spécifiées à


la sous-section 2.2.x.2 de chaque classe, une matière non référen-
et identification cée individuellement peut être transportée à la condition de l’avoir
préalablement assimilée à une rubrique collective. À défaut, le pro-
des matières duit devra être classé après avoir vérifié les critères physiques ou
chimiques génériques de la classe (selon le cas, point éclair, den-
sité, viscosité, dose létale, point d’auto-inflammation, radioélé-
ments, etc.) à une rubrique générique dite « collective » ou encore
1.1 Classification figurant dans la sous-section 2.2.x.3 de ladite classe.
Les matières dangereuses sont des substances qui, soit par L’énumération des matières précise les données suivantes :
leurs propriétés chimiques ou celles de leurs composants, soit par – désignation officielle ;
la nature des réactions physiques qu’elles sont susceptibles de – classe et code de classification ;
mettre en œuvre, présentent un risque pour l’homme ou son envi- – numéro d’identification, dit encore « code ONU », UN, ou
ronnement. Des nomenclatures alphabétiques, non exhaustives, « code matière », composé de quatre chiffres affectés par l’ONU à
complètent les accords ou règlements afférents au transport des un produit ou un groupe de produits de danger similaire en nature
matières dangereuses, et permettent d’identifier ces matières. et en intensité ;
En référence aux Recommandations du Comité d’experts de – groupe d’emballage (chiffre romain) indiqué au tableau A du

3 l’ONU (Organisation des Nations unies) relatives au transport des chapitre 3.2 correspondant à une graduation du danger :
marchandises dangereuses (Règlement type) (19e édition révisée), • I) – très dangereux,
les marchandises dangereuses se trouvent répertoriées en classes • II) – moyennement dangereux,
de matières numérotées de 1 à 9. En transport terrestre français, et
même européen, pour lequel certaines subdivisions de risques ont • III) – faiblement dangereux.
été constituées en classes, la nomenclature des marchandises dan- Ces groupes d’emballage (I, II et III) correspondent à ceux utili-
gereuses comporte 13 classes répondant aux intitulés suivants : sés en transport maritime.
– 1. – Matières et objets explosibles ;
– 2. – Gaz ; Exemple
– 3. – Liquides inflammables ; Le white spirit sera ainsi recensé :
– 4.1. – Matières solides inflammables, autoréactives et matières 1 300, succédané d’essence de térébenthine, classe 3, code F1,
explosibles désensibilisées solides ; GE II, LQ 1.
– 4.2. – Matières sujettes à l’inflammation spontanée (ou auto-
inflammables) ; La désignation des matières étant opérée en fonction de l’inten-
– 4.3. – Matières qui, au contact de l’eau, dégagent des gaz sité du danger, un même produit peut faire l’objet de plusieurs
inflammables ; désignations distinctes selon différents taux de concentration.
– 5.1. – Matières comburantes ; Ainsi, les boissons alcoolisées apparaissent-elles distinctement en
– 5.2. – Péroxydes organiques ; classe 3, en concentration supérieure à 70 % et en concentration
– 6.1. – Matières toxiques ; comprise entre 24 et 70 %.
– 6.2. – Matières infectieuses ; Les classes 1, 2 et 7 ont chacune leur propre règle de classifica-
– 7. – Matières radioactives ; tion :
– 8. – Matières corrosives ;
Les substances explosives de la classe 1 sont répertoriées en
– 9. – Matières et objets dangereux divers.
six divisions (1.1 à 1.6) et 13 groupes de compatibilité entre
matières (A, B, C, D, E, F, G, H, J, K, L, N, S).
1.2 Énumération et identification En ce qui concerne les gaz et aérosols de la classe 2, ils sont
affectés d’un chiffre et d’une lettre ou d’un groupe de lettres
des matières majuscules en fonction des propriétés dangereuses qu’ils pré-
sentent :
Que l’on soit expéditeur ou transporteur, il ne peut être ques-
tion d’identifier les dispositions afférentes à une expédition de
produits, sans avoir préalablement classé et identifié le (ou les) A – Asphyxiant T – Toxique TO – Toxique, comburant
produit(s) concerné(s). C – Corrosif CO – Corrosif, comburant
Le classement d’une matière, d’un mélange ou d’un objet a FC – Inflammable, corrosif
pour but de le situer dans une classe de danger, et de lui affecter
une rubrique et un numéro ONU, ainsi qu’une désignation offi- O – Comburant TF – Toxique TFC – Toxique, inflammable,
cielle (attributs sans lesquels l’identification des prescriptions qui Inflammable corrosif
lui seront applicables ne saurait être faite avec certitude). F – Inflammable TC – Toxique TOC – Toxique, comburant,
corrosif corrosif
Les marchandises dangereuses sont couvertes par le titre d’une
classe en fonction de leurs propriétés ou critères tels qu’énoncés
en partie 2, à la sous-section 2.2.x.1 de la classe correspondante.
Dans le cas général, lorsqu’elles sont conditionnées, les marchan-
dises dangereuses sont affectées à des groupes d’emballage en
fonction du degré de danger qu’elles présentent.
     
Exemples :
• UN 1 066
• UN 1 057    
: azote comprimé, 2,1
: briquets, 2,6 F
A

Les matières sont recensées dans la classe correspondant à leur


risque prépondérant. La recherche infructueuse d’un produit au sein de la nomencla-
Chaque classe est décomposée en rubriques affectées de numé- ture (liste A) doit, avant de conclure qu’il s’agit d’une marchandise
ros de code ONU. Ces rubriques sont dites « individuelles » ou non classée dangereuse, conduire l’intervenant à s’interroger sur la
« collectives ». Toutes les rubriques de matières dangereuses sont désignation exacte du produit. Trop souvent, la recherche butte sur :
énumérées au tableau A du chapitre 3.2 dans l’ordre numérique – la recherche de marques commerciales dont l’usage est passé
de leur numéro ONU. dans le langage courant : zip pour allume-feu, par exemple ;

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AG 8 170v3 – 4

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AG8230

Transport et développement durable

par Marc COTTIGNIES


Ingénieur expert service transports et mobilité
Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), Valbonne, France

1. Concept de développement durable ............................................... AG 8 230v3 - 2


1.1 Signification.............................................................................................. — 2

3
1.2 Trois piliers du développement durable ................................................ — 2
1.3 Développement durable décliné à l’échelle de l’entreprise ................. — 3
1.4 Imperfections du concept........................................................................ — 3
1.5 Conclusion ................................................................................................ — 3
2. Impacts environnementaux du transport de marchandises..... — 4
2.1 Consommation de ressources non renouvelables................................ — 4
2.2 Accroissement de l’effet de serre et changement climatique .............. — 4
2.3 Pollution atmosphérique ......................................................................... — 7
2.4 Bruit........................................................................................................... — 9
2.5 Consommation d’espace......................................................................... — 10
2.6 Pollution maritime ................................................................................... — 10
2.7 Conclusion ................................................................................................ — 10
3. État des lieux de la performance environnementale
des transports ....................................................................................... — 10
3.1 Unités de mesure de la performance ..................................................... — 10
3.2 Offre de transport : les performances énergétique et
environnementale des différents modes et moyens de transport....... — 11
3.3 Paramètres opérationnels et organisationnels de la performance
énergétique et environnementale .......................................................... — 15
3.4 Performance environnementale des chaînes logistiques..................... — 17
4. Actions et pistes de réduction des impacts
environnementaux du transport de marchandises ..................... — 18
4.1 Rôle de l’entreprise .................................................................................. — 18
4.2 Programmes d’engagements volontaires dans le transport
de marchandises ...................................................................................... — 19
4.3 Information GES des prestations de transport...................................... — 23
5. Conclusion.............................................................................................. — 24
6. Glossaire – définitions ........................................................................ — 24
Pour en savoir plus ....................................................................................... Doc. AG 8 230v3
Parution : août 2019 - Dernière validation : mai 2021

pparu il y a une trentaine d’années, le concept du développement


A durable est aujourd’hui très largement connu et admis ; il propose de
concilier développement économique, satisfaction des besoins essentiels des
populations et préservation de l’environnement.
Cet article propose de montrer comment le volet environnemental de ce
concept s’applique au domaine des transports de marchandises.
Il s’agit d’abord de mieux comprendre le lien entre activités de transport et
dégradations environnementales, en dressant un état des lieux des divers
impacts environnementaux tels que l’accroissement de l’effet de serre, la pol-
lution atmosphérique, le bruit : quels sont ces impacts dans le cas des
transports de marchandises ? Pour qualifier les performances énergétiques et
environnementales des transports, il faudra distinguer les différentes solutions

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Référence Internet
AG8230

TRANSPORT ET DÉVELOPPEMENT DURABLE _____________________________________________________________________________________________

de transport (mode, véhicule) et les paramètres opérationnels (vitesse, taux de


chargement). Et au-delà, il faudra s’intéresser aux enjeux que représentent la
conception des chaînes logistiques et les pratiques logistiques : les schémas et
organisations logistiques déterminent les flux de marchandises et influent
donc fortement sur les performances environnementales du transport d’un
produit et de ses matières premières. Des travaux variés (statistiques natio-
nales, études, résultats de travaux de recherche, outils et méthodologies de
calcul) permettent dorénavant aux acteurs (transporteurs, commissionnaires
de transport ou chargeurs) de disposer des informations essentielles, ce qui
doit les encourager à agir. Des dispositifs d’engagements volontaires sont à
leur disposition à cette fin.

3
1. Concept 1.2 Trois piliers du développement
durable
de développement durable
Le développement durable repose sur trois piliers : le développe-
ment économique, les aspirations sociales et l’environnement. Ces
trois dimensions sont indissociables :
1.1 Signification – l’économie : il s’agit de développer la croissance et l’efficacité
économique pour favoriser la création de richesses pour tous à tra-
« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. La nature, muti- vers des modes de production et de consommation durables. Le
lée, surexploitée, ne parvient plus à se reconstituer et nous refu- pilier économique repose notamment sur :
sons de l’admettre. L’humanité souffre. Elle souffre de mal • l’utilisation raisonnée des ressources et des milieux naturels,
développement, au Nord comme au Sud, et nous sommes indiffé- • une évolution des relations économiques internationales (par
rents. La terre et l’humanité sont en péril et nous en sommes tous exemple la place du commerce équitable et du commerce
responsables ». Ainsi s’exprimait Jacques Chirac en septembre éthique...),
2002 au sommet mondial de Johannesburg.
• l’intégration des coûts environnementaux et sociaux dans le
Il est vrai que notre planète va mal. Le réchauffement climatique, prix des biens et des services ;
dû pour partie aux activités humaines, est désormais reconnu – le social : il s’agit de satisfaire les besoins humains (en matière
comme une menace planétaire. L’eau est rare et polluée. Les sols de santé, logement, consommation, éducation...) et de répondre à
aussi sont pollués. Les déchets toxiques se répandent. Les forêts un objectif d’équité sociale. Le pilier social repose notamment sur :
ont diminué de 2,4 % depuis 1990. La faune s’appauvrit. Et plus • la satisfaction des besoins essentiels des populations,
d’un quart des espèces de mammifères et 12 % des espèces • la lutte contre l’exclusion et la pauvreté,
d’oiseaux sont considérés comme menacées d’extinction. • le respect des cultures ;
Tout cela engendre déjà des tensions sur le marché des res- – l’environnemental : il s’agit de préserver, améliorer et valoriser
sources agricoles et énergétiques mondiales. Or, selon certains l’environnement et les ressources naturelles sur le long terme. Le
experts, le rythme de croissance de ces ressources est inférieur à pilier environnemental repose notamment sur :
celui de la population mondiale. Nous sommes aujourd’hui • la gestion durable des ressources naturelles,
presque sept fois plus nombreux sur terre qu’il y a deux siècles ! • le maintien des grands équilibres écologiques (climat, diver-
Qui plus est, les consommations individuelles augmentent. À cela sité biologique, océans, forêts...),
s’ajoutent les inégalités économiques et sociales entre les popula- • la réduction des risques et la prévention des impacts environ-
tions, source de tensions et de conflits... nementaux.
Ces évolutions inquiétantes obligent à reconsidérer la question Pour être durable, tout développement doit concilier la triple
du développement et à envisager de nouvelles voies de croissance performance économique, écologique et sociale.
qui garantissent à long terme un progrès économique, social et Pour mettre en œuvre une nouvelle dynamique, le développe-
environnemental. Cette démarche a un nom : le développement ment durable s’appuie aussi sur un certain nombre de principes :
durable (DD). Né de la prise de conscience progressive de mainte- – la solidarité entre les générations, entre les peuples, entre les
nir l’équilibre entre l’homme et son milieu et de la contradiction territoires, mais aussi entre les individus d’une même société ;
entre une croissance démographique continue et des ressources – la participation et la bonne gouvernance pour impliquer tous
naturelles non épuisables, il vise à « satisfaire les besoins de déve- les acteurs (entreprises, collectivités, citoyens...) dans des projets
loppement des générations présentes sans compromettre la capa- d’intérêt général afin d’assurer leur réussite, et développer des
cité des générations futures de répondre aux leurs » (définition politiques partenariales ;
donnée en 1987 dans le rapport Brundtland, « Notre avenir à – la précaution, en faisant preuve de prudence dans l’action, en
tous », commission des Nations unies sur l’Environnement et le privilégiant une démarche « raisonnée », ou encore en recherchant
Développement). Le développement durable répond ainsi aux des solutions alternatives.
grands défis auxquels l’humanité est aujourd’hui confrontée.
Précisons que le développement durable se traduit différemment
Précisons que le terme anglais est « sustainable development » parmi les différents pays de la planète, en fonction du niveau de
d’où l’expression française parfois employée de « développement développement économique déjà atteint. En effet, un habitant des
soutenable ». pays industrialisés consomme 10 fois plus d’énergie qu’un habitant

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du tiers monde ; les pays industrialisés consomment 70 % des com- 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du
bustibles fossiles comme le pétrole ou le charbon, alors qu’ils ne Grenelle de l’environnement) et « Grenelle II » (loi n° 2010-788 du
représentent même pas 25 % de la population mondiale. 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement),
Donc, pour les pays les plus développés (économiquement par- puis par la loi relative à a transition énergétique pour la croissance
lant), l’enjeu principal du développement durable est de diminuer verte (loi n° 2015-992 du 17 août 2015) : certaines grandes entre-
les impacts environnementaux et les consommations de res- prises doivent publier des informations non financières parmi les-
sources non renouvelables qui ont atteint des niveaux « non quelles, concernant le changement climatique, comme précisé
soutenables » à moyen terme : ces pays (leurs économies, leurs dans le décret n°2017-1265 du 9 août 2017 : « les postes significa-
entreprises, leurs gouvernements, leurs citoyens) sont à l’origine tifs d’émissions de gaz à effet de serre générés du fait de l’activité
d’une crise environnementale. Ils doivent trouver des solutions de la société, notamment par l’usage des biens et services qu’elle
pour la régler, sans déclencher un déclin économique ou consentir produit, les mesures prises pour l’adaptation aux conséquences du
à des régressions sociales. changement climatique, et les objectifs de réduction fixés volontai-
rement à moyen et long terme pour réduire les émissions de gaz à
Pour ce qui concerne les pays les moins développés, le dévelop- effet de serre et les moyens mis en œuvre à cet effet ».
pement économique est l’ambition prioritaire. Il s’agit donc de
croître en prenant en compte dès maintenant les impasses aux- Pour l’application particulière de la RSE au domaine du transport
quelles les conduirait le modèle des pays aujourd’hui développés. et de la logistique, se reporter au « Référentiel de responsabilité
Pour atteindre la prospérité économique, ils doivent nécessaire- sociétale des entreprises (RSE) en logistique » publié par le minis-

3
ment suivre une autre voie que celle qu’ont suivie les pays déve- tère des Transports en 2018 (lien dans la rubrique Pour en savoir
loppés. plus).

1.3 Développement durable décliné 1.4 Imperfections du concept


à l’échelle de l’entreprise Jean-Louis Borloo, ministre de l’Écologie, du Développement et
Le développement durable se décline au niveau des politiques de l’Aménagement durables, déclarait dans Le Monde du 27 sep-
publiques avec la Stratégie nationale de développement durable tembre 2007 : « Il y a des gens qui sont des visionnaires, qui ont
(SNDD), au niveau des collectivités territoriales sous forme de inventé des concepts, comme le développement durable. Mais, en
chartes ou d’Agenda 21, et enfin au niveau des entreprises par le réalité, à l’échelle d’un système global de production, d’un État-
concept de responsabilité sociale des entreprises (RSE, encore nation, on ne l’a jamais mis en pratique ».
appelé responsabilité sociétale des entreprises et en anglais CSR En effet, le développement durable est un concept et n’est pas
pour Corporate Social Responsibility). encore devenu une réalité concrète facilement observable. Et l’on
Dans son livre vert intitulé Promouvoir un cadre européen pour dispose davantage d’exemples de cas contraires au développe-
la responsabilité sociale des entreprises, la Commission des com- ment durable que de cas d’applications pratiques de ce concept.
munautés européennes a défini le concept de RSE comme De plus, la définition est si générale que le concept peut être
« l’intégration volontaire par les entreprises de préoccupations qualifié de trop large, voire de flou. Mais c’est précisément ce qui
sociétales et environnementales à leurs activités commerciales et lui permet de constituer un objectif universellement accepté. Très
leurs relations avec leurs parties prenantes ». peu d’acteurs ne reprennent pas à leur compte cet objectif, avec
Ce concept repose sur l’idée qu’aujourd’hui, les entreprises cependant quelquefois des abus dans la communication qui tra-
peuvent difficilement évaluer leur performance sur leurs seuls hissent une volonté de détourner le sens du concept.
résultats financiers. Elles sont amenées de plus en plus à prendre L’idée est donc unanimement acceptée comme objectif général
en compte le bilan social et environnemental de leurs actions. pour la société, mais la mise en œuvre pratique fait aussitôt l’objet
Dans ce cadre, nombreuses sont celles qui se sont engagées dans de débats et de contestations. Le développement durable est donc
des pratiques de responsabilité sociale. Ces pratiques sont fondées un concept qui a le mérite de réunir des courants de pensée et des
sur des valeurs éthiques : le respect des employés, de la société intérêts très variés « autour de la même table » pour débattre
civile et de l’environnement. Il s’agit de prendre en compte les d’objectifs et des moyens pour les atteindre, d’après le rapport
attentes des diverses parties prenantes, d’identifier celles que « Le développement durable, signification et enjeux » de juillet
l’entreprise veut et peut chercher à satisfaire, et de rendre publi- 2002 du groupe Caisse des dépôts et le Cercle des Économistes.
quement compte des actions mises en œuvre dans ce but et des
résultats obtenus. Cette démarche a séduit en particulier les entre- Notons enfin que l’utilisation du terme a tendance à progressive-
prises européennes, qui y voient un net avantage concurrentiel. ment diminuer, comme en témoigne le changement de nom du
Une démarche de responsabilité sociale permet en effet de fidéli- ministère de l’Écologie et du Développement durable (2007-2017),
ser les employés et les consommateurs, d’obtenir à terme des devenu depuis « ministère de la Transition écologique et
coûts plus bas, de réduire les risques, notamment juridiques, et de solidaire ».
construire une nouvelle crédibilité auprès des investisseurs et du
public.
La demande croissante d’informations crédibles et comparables 1.5 Conclusion
sur la performance non plus seulement boursière, mais aussi envi-
ronnementale et sociétale des entreprises a progressivement Le développement durable est maintenant devenu un concept
poussé les plus grandes d’entre elles à publier un rapport de déve- incontournable qui oriente l’évolution de la société, en France tout
loppement durable, qui comprend un ensemble d’indicateurs de du moins. L’introduction au sein même de sa Constitution d’une
développement durable pour suivre les progrès réalisés sur cette charte de l’Environnement (loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er
voie. mars 2005) en est un symbole et une confirmation très forts au
niveau institutionnel.
En France, la loi relative aux « nouvelles régulations
économiques » (loi n° 2001-420 du 15 mai 2001) a rendu le rapport Dans les pays développés, le concept général du développement
de développement durable obligatoire pour toutes les entreprises durable appliqué à l’entreprise et à ses questions de transport de
cotées (article 116). L’obligation de transparence des entreprises marchandises peut se résumer au volet environnemental et donc
en matière sociale et environnementale a été renforcée par la se traduire simplement par la nécessité de prendre en compte les
suite : d’abord par les lois dites « Grenelle I » (loi n° 2009-967 du impacts environnementaux et de parvenir à les réduire.

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Les clés ou les étapes de cette mise en pratique seront donc : face à un plateau de production qu’à un « pic » de production, qui
apprendre, mesurer, agir, en adoptant des analyses et des solu- sera suivi d’une diminution progressive sur plusieurs dizaines
tions basées sur le long terme et non seulement l’avantage écono- d’années.
mique immédiat.

2.2 Accroissement de l’effet de serre


et changement climatique
2. Impacts environnementaux
du transport 2.2.1 Contexte
de marchandises Certains gaz permettent de piéger autour de la planète une par-
tie de la chaleur du rayonnement solaire, qui est réémise vers
l’atmosphère. C’est ce que l’on appelle l’effet de serre. Ce phéno-
Indispensable à nos modes de vie, la mobilité est source de nui- mène est indispensable à la vie sur terre : en son absence, la tem-
sances environnementales et sanitaires : le secteur des transports pérature moyenne serait de – 18 °C. Mais les concentrations de gaz
est le premier émetteur de gaz à effet de serre (30 % des émissions à effet de serre ont fortement augmenté depuis le début de
en France en 2016) et le premier consommateur de produits pétro- l’industrialisation : à titre d’exemple, la concentration moyenne de

3
liers. À l’échelle locale, pollution atmosphérique, bruit, consomma- CO2 dans l’atmosphère s’est élevée, en 2017, à 405,5 ppm, contre
tion d’espace affectent la qualité de vie de la population. 280 ppm en 1750 (ère préindustrielle), selon l’Organisation météo-
rologique mondiale, soit une hausse de 146 %. Ce phénomène est
directement lié à l’activité humaine : la combustion de pétrole, de
2.1 Consommation de ressources charbon et de gaz, le méthane produit par l’agriculture, les gaz
non renouvelables fluorés issus de la climatisation des bâtiments et des voitures...
Ces émissions modifient la composition de l’atmosphère et per-
En France, l’énergie utilisée par les transports dépend presque turbent l’écosystème mondial. L’augmentation des concentrations
exclusivement du pétrole et le secteur des transports est ainsi le de gaz à effet de serre dans l’atmosphère laisse craindre pour
premier consommateur de produits pétroliers. l’avenir des variations climatiques sans précédent.
Pour ce qui relève des transports de marchandises, les engins La prise de conscience du phénomène a entraîné une mobilisa-
motorisés utilisés fonctionnent principalement à partir des sources tion progressive de la communauté internationale :
d’énergie suivantes : – créé en 1988 par l’ONU, le Groupe d’experts intergouverne-
– le gazole routier, pour presque tous les véhicules utilitaires et mental sur l’évolution du climat (GIEC) a pour vocation d’établir
poids lourds routiers ; régulièrement l’état de la science climatologique. Comptant plus
– le gazole non routier, pour les bateaux fluviaux (automoteurs de 2 000 scientifiques parmi les meilleurs chercheurs du monde, ce
et pousseurs), et une partie des locomotives ; réseau ne mène pas de recherches par lui-même mais synthétise
– le fioul lourd, pour les navires ; les résultats des études parues dans la littérature scientifique mon-
diale. Ces synthèses sont compilées dans un rapport d’évaluation
– le kérosène, pour les avions ;
(le 5e a été finalisé en novembre 2014) ;
– l’électricité, pour la plupart des locomotives, pour certains
– afin d’optimiser la lutte contre le réchauffement climatique, du
véhicules utilitaires et quelques poids lourds ;
sommet de Rio en 1992, à Rio+20 en 2012, les représentants des
– le gaz naturel pour véhicules (GNV, sous forme liquide = GNL
états se rencontrent régulièrement pour débattre et avancer vers
ou gazeuse = GNC), pour une part encore très faible mais crois-
une véritable gouvernance mondiale de l’environnement. Ils se
sante des véhicules routiers. Pour plus d’informations au sujet de
retrouvent notamment chaque année lors des conférences des par-
cette solution, le lecteur peut notamment se reporter aux informa-
ties de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements
tions relatives au projet Équilibre (voir la rubrique Sites Internet du
climatiques (CCNUCC, adoptée par 195 parties), les COP. De la
Pour en savoir plus).
COP1 à Berlin, à la COP3 de Kyoto ou la COP17 de Durban, ces
À noter que le gazole (routier ou non routier) diffusé sur le mar- sommets internationaux permettent le dialogue entre pays. Ils sont
ché français est mélangé à du biocarburant ; le taux d’incorpora- le théâtre d’une véritable diplomatie climatique : les négociations
tion de biogazole dans le mélange est de l’ordre de 6 à 7 % depuis tentent chaque année d’aboutir à un consensus le plus large pos-
2009. sible afin de concilier intérêts nationaux et intérêts de la planète ;
Quant au GNV, il est disponible en station soit en tant que GNV, – la COP21, qui s’est tenue à Paris fin 2015, a débouché sur
soit en tant que bioGNV. Sauf exception, il s’agit strictement du l’Accord de Paris, perçu à l’époque comme un évènement histo-
même carburant, mais l’achat de bioGNV permet de contribuer au rique dans l’engagement unanime des nations dans la lutte contre
financement de la production et la distribution de biométhane, via le changement climatique, mais il n’a pas été suivi depuis cette
le dispositif français des garanties d’origine. date d’une confirmation forte de cet engagement, avec notamment
l’annonce du retrait de certains pays, dont les États-Unis.
Mis à part l’électricité, les biocarburants, et le GNV, toutes ces
sources d’énergie sont obtenues à partir du pétrole. Or, le pétrole Au niveau national, un objectif précis de réduction a été adopté,
est une ressource naturelle qualifiée de « non renouvelable » : il a dans le domaine des transports dans le cadre de la loi dite
fallu des millions d’années pour que les réserves se constituent, et « Grenelle I », loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation
au rythme actuel, elles pourraient disparaître en quelques décen- relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement : il
nies. Certes, nous sommes encore loin de « l’épuisement » des s’agit de ramener les émissions de gaz à effet de serre, en 2020, au
réserves de pétrole et de gaz. Mais, s’agissant d’une ressource fos- niveau qu’elles avaient atteint en 1990 (soit une réduction de
sile limitée, la production de pétrole ne pourra continuer d’aug- l’ordre de 16 % par rapport au pic atteint dans les années 2002 à
menter indéfiniment. En effet, il n’est pas possible de « vider » un 2004). Il n’est toutefois pas précisé la part de progrès attendue spé-
gisement à n’importe quel rythme. Le pic de production peak oil cifiquement pour les transports de marchandises.
interviendra et la production commencera alors à décliner. La date La loi « Grenelle I » a également confirmé l’engagement pris par
du peak oil dépend à la fois de la demande mondiale, des réserves la France de diviser par quatre (= – 75 %) ses émissions de gaz à
existantes, de progrès technologiques, des choix politiques effet de serre entre 1990 et 2050 en réduisant de 3 % par an, en
d’exploitation des ressources et des investissements dans les moyenne, les rejets de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, afin
moyens de production. Vraisemblablement, le monde fera plutôt de ramener à cette échéance ses émissions annuelles de gaz à

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effet de serre à un niveau inférieur à 140 millions de tonnes équi- de son raffinage, de la distribution du carburant depuis la raffinerie
valent de dioxyde de carbone. jusqu’à la pompe. Dans le cas des biocarburants, il s’agit notam-
Ces objectifs ont été revus depuis dans le cadre de la Stratégie ment de la culture de la plante et des étapes de la transformation
nationale bas-carbone. Celle-ci donne les orientations stratégiques en carburant. Dans le cas de l’électricité, il peut s’agir de l’extrac-
pour mettre en œuvre, dans tous les secteurs d’activité, la transi- tion du combustible utilisé dans la centrale, de son transport et des
tion vers une économie bas-carbone et durable. Dans sa 1ère ver- émissions liées à son utilisation dans la centrale électrique . On uti-
sion adoptée en 2015, elle fixe des objectifs de réduction lise ici aussi le terme d’émissions « du puits au réservoir » (« well-
d’émissions de gaz à effet de serre à l’échelle de la France : to-tank » en anglais).
– à court/moyen terme : les budgets-carbone (réduction des L’ensemble des deux phases est souvent désignée par l’expres-
émissions de – 27 % à l’horizon 2028, par rapport à 2013), déclinés sion « du puits à la roue » (« well-to-wheel » en anglais).
en trois périodes (2015-2018, 2019-2023 et 2024-2028) ; Le tableau 1 montre les « facteurs d’émission » (quantités uni-
– à long terme (2050) : l’atteinte du facteur 4 (réduction des taires d’émission) de différentes sources d’énergie, incluant la
émissions de – 75 % par rapport à 1990, soit – 73 % par rapport à phase amont et la phase de fonctionnement.
2013).
Le projet de stratégie révisée, dont la publication est prévue cou-
rant 2019, vise la neutralité carbone, qui signifie qu’il ne faudra pas 2.2.3 Données relatives aux émissions en France
émettre plus de gaz à effet de serre que notre territoire peut en Dans l’ensemble de ce paragraphe, les données d’émission sont
absorber via notamment les forêts ou les sols.
Les sept principaux gaz à effet de serre (GES) habituellement
retenus sont le CO2 (dioxyde de carbone), le CH4 (méthane), le N2O
uniquement celles de la phase de fonctionnement des véhicules,
correspondant à la combustion de la source d’énergie (carburant).
Ces données sont issues de l’inventaire national annuel des émis-
3
(protoxyde d’azote), les HFC (hydrofluorocarbures), les PFC (per- sions de polluants atmosphériques et de gaz à effet de serre com-
fluorocarbures), le SF6 (hexafluorure de soufre) et le NF3 (trifluo- mandé par le ministère de la Transition écologique de solidaire et
rure d’azote). réalisé par le CITEPA (Centre interprofessionnel technique d’études
En France (métropole + DROM), le secteur des transports (mar- de la pollution atmosphérique).
chandises et personnes) a représenté, en 2016, 30 % des émissions Dans la catégorie des véhicules lourds (poids lourds, ainsi que
de GES. Le CO2 (dioxyde de carbone) est de très loin le principal bus et cars), le tableau 2 montre la répartition des émissions de
gaz émis par les transports. C’est un produit « fatal » de la gaz à effet de serre en France métropolitaine en 2016. Il illustre
combustion : celle-ci libère par exemple théoriquement environ bien la prépondérance d’un gaz sur les autres : le CO2 (dioxyde de
2,66 kg de CO2 pour un litre de gazole pur (c’est un peu différent carbone).
pour le gazole à la pompe, qui est mélangé avec du biocarburant).
Les trois autres gaz sont le CH4 (méthane), le N2O (protoxyde Précisons que ces chiffres n’isolent pas strictement les émis-
d’azote) et les HFC (hydrofluorocarbures, liés aux dispositifs de cli- sions attribuables aux transports de marchandises. En effet, les
matisation et production de froid). catégories retenues dans les inventaires nationaux pour présenter
les activités de transport sont les suivantes : VP (véhicules particu-
La capacité de chacun de ces gaz à accroître l’effet de serre n’est liers), VUL (véhicules utilitaires légers), PL (véhicules lourds,
pas identique, et se mesure à l’aide d’un indicateur appelé pouvoir incluant poids lourds, bus et cars) et deux-roues pour le mode rou-
de réchauffement global (PRG), qui s’exprime en « équivalent tier, et les autres modes (ferroviaire, fluvial, maritime et aérien).
CO2 », noté « CO2e » d’après la norme ISO 14064. On remarquera qu’aucune de ces catégories ne peut être classée
Selon les derniers éléments établis par le GIEC (rapport dit de façon exclusive dans l’un ou l’autre des deux domaines que
« AR5 »), les PRG des quatre gaz sont : sont le transport de marchandises et les déplacements de per-
• 1 pour le CO2 ; sonnes. En effet, même les voitures sont régulièrement utilisées
• 30 pour le CH4 ; pour le transport de marchandises, lors des trajets pour le motif
• 265 pour le N2O ; d’« achats » par exemple ; et certains deux-roues sont utilisés pour
des livraisons.
• 1 300 pour les HFC-134a.
Cependant, on sait par exemple, que, pour la catégorie des véhi-
L’unité de mesure des émissions de GES est donc le CO2e, pour
cules lourds français (partiellement objet du tableau 2, qui inclut
« équivalent dioxyde de carbone ». Ainsi, 1 kg de CO2 équivaut à
également les véhicules lourds étrangers ayant circulé en France
1 kg de CO2e et 1 kg de méthane (CH4) équivaut à 30 kg de CO2e.
métropolitaine), 85 % des consommations de gazole sont le fait
des poids lourds, contre 15 % aux bus et cars (source : Comptes
2.2.2 Phase de fonctionnement et phase amont des transports 2017).
Par ailleurs, il est intéressant de connaître les parts relatives de
D’une façon générale, les impacts environnementaux des trans-
chaque catégorie dans les émissions globales du transport
ports peuvent être considérés sur un périmètre spatial et temporel
(tableaux 3 et 4).
plus ou moins large. En particulier, on peut se restreindre à
prendre en compte les émissions de GES produites localement En complément, la figure 1 illustre une partie des chiffres du
lors du fonctionnement du véhicule ; ou bien, on peut au contraire tableau 3.
tenir compte des émissions produites plus loin et plus tôt, lors de Il est également intéressant d’observer les tendances d’évolution
la production de la source d’énergie utilisé par le véhicule (gazole, depuis l’année de référence 1990. Les figures 2, 3a, 3b et 3c
électricité...). apportent des éclairages utiles.
On utilisera, dans la suite du document, les deux notions La figure 2 montre l’évolution globale pour l’ensemble des
suivantes : transports, tous modes confondus. On fait apparaître deux
– émissions de la phase de fonctionnement : elles sont courbes : l’une (« yc CO2 biomasse ») permet de neutraliser l’effet
émises à l’utilisation du moyen de transport, et directement liées à de l’incorporation de biocarburants dans les carburants distribués
la combustion de la source d’énergie ; on parle aussi parfois alors à la pompe (elle représente les émissions réelles à la sortie des
des émissions « du réservoir à la roue » (« tank-to-wheel » en pots d’échappement) alors que l’autre (« hors CO2 biomasse »)
anglais) ; représente les émissions déductions faites de celles résultant de la
– émissions de la phase amont : elles sont émises par les acti- combustion des biocarburants contenus dans le super et le gazole
vités mises en œuvre pour que le moyen de transport dispose de à la pompe. On distingue quatre périodes : de 1990 à 2002, la crois-
sa source d’énergie ; il peut donc s’agir de l’extraction du pétrole, sance est nette et régulière, puis un plafond est atteint de 2002 à

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Transport intermodal

par Armand TOUBOL


Ingénieur des Ponts et Chaussées, ancien directeur du Fret SNCF

1. Définition du transport intermodal ............................................... AG 8 160v2 — 2

3
1.1 Transport intermodal.............................................................................. — 2
1.2 Les divers modes de base ..................................................................... — 2
1.3 Les diverses UTI ..................................................................................... — 3
1.4 Desserte terminale.................................................................................. — 5
2. Maillons de la chaîne de transport intermodal .......................... — 5
2.1 Desserte terminale.................................................................................. — 5
2.2 Chantiers de transbordement................................................................ — 5
2.3 Transport principal.................................................................................. — 9
3. Développement du transport intermodal en Europe ................ — 11
3.1 Le marché ................................................................................................ — 11
3.2 Analyse économique du transport intermodal .................................... — 12
3.3 Autres facteurs favorables au développement du transport combiné — 15
3.4 Diverses stratégies de développement ................................................ — 16
4. Les grands flux de trafics européens ............................................ — 17
4.1 Flux combinés rail-route ........................................................................ — 17
4.2 Flux combinés mer-route ....................................................................... — 17
5. Organisation du transport intermodal .......................................... — 17
5.1 Jeu des acteurs ....................................................................................... — 18
5.2 Structures ................................................................................................ — 19
5.3 Règles européennes ............................................................................... — 19
5.4 Cadre juridique ....................................................................................... — 19
6. Perspectives du transport intermodal .......................................... — 20
6.1 Optimisations organisationnelles ......................................................... — 20
6.2 Optimisations techniques ...................................................................... — 20
6.3 Nouvelles pistes...................................................................................... — 20
6.4 Politiques européennes.......................................................................... — 20
Pour en savoir plus ...................................................................................... Doc. AG 8 160v2

a croissance de la demande de transport a été très forte en Europe au cours


L des dernières décennies et sa nature s’est profondément modifiée. Les
transports de vracs solides tels que les minerais et charbons se sont largement
réduits en raison du développement du gaz, du pétrole, de l’énergie nucléaire et
de la baisse de la production d’acier en Europe. À l’inverse, les transports de pro-
duits à plus forte valeur au kilogramme se sont largement développés et la
nécessaire amélioration de la productivité a conduit aux flux tendus, au juste à
temps et au fractionnement des envois pour réduire les stocks à tous les stades
du processus de production et de distribution. Le mode ferroviaire bien adapté
aux envois massifs de vracs a régressé, ainsi que le mode fluvial, au profit du
mode routier. Le développement du mode routier génère aujourd’hui de plus en
plus de nuisances de moins en moins bien acceptées par les populations et la
recherche de solutions de développement durable assises sur des transports
plus respectueux de l’environnement s’intensifie. Les modes alternatifs au mode
Parution : avril 2007

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. − © Editions T.I. AG 8 160v2 − 1

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TRANSPORT INTERMODAL _______________________________________________________________________________________________________________

routier ne sauraient satisfaire aux exigences du marché (dispersion des unités


de production et nécessité d’une desserte fine des zones de consommation).
C’est donc naturellement que des solutions utilisant plusieurs modes successi-
vement sont apparues pour utiliser au mieux les qualités de chacun d’eux tout
en respectant la compétitivité globale de la chaîne de transport. Le transport
intermodal est ainsi apparu et s’impose progressivement sur certains segments
du marché.

1. Définition du transport 1.2.2 Navigation intérieure dite « mode fluvial »

intermodal Les navires fluvio-maritimes décrits ci-dessus, les péniches de fai-

3 Le schéma ci-dessous (figure 1), ci-dessous, présente les divers


types de transport intermodal.
ble capacité 20 à 100 TEU et les convois de barges porte-conteneurs
poussés (quelques centaines de TEU) (figure 5) sont les vecteurs de
ce mode qui permet de relier terminaux maritimes et ports fluviaux
par les voies navigables naturelles ou les canaux.

1.1 Transport intermodal 1.2.3 Mode ferroviaire

Par définition, un transport intermodal est un transport qui C’est en trains complets, de quelques dizaines de TEU (60) en
utilise successivement plusieurs modes différents pour ache- Europe sur une longueur allant jusqu’à 750 m, voire 1 000 m excep-
miner des unités de transport intermodales (UTI) qui contien- tionnellement, sur un seul niveau, à plusieurs centaines de TEU aux
nent les marchandises, sans avoir à dépoter les marchandises États-Unis sur 2 niveaux (« double stack »), sur une longueur pou-
d’un premier contenant pour les recharger dans un autre. vant atteindre 2 250 m, que ce mode permet de relier des chantiers
multitechniques ferroviaires.

p Sécurité des marchandises En Europe, les wagons sont plats. Aux États-Unis, les wagons
cuves permettent le transport sur deux niveaux. La traction, large-
Le transport intermodal permet de préserver les marchandises ment électrique en Europe, est essentiellement diesel aux États-
contre le vol et réduit les risques d’avaries liés aux manutentions
Unis. De nouveaux types de wagons permettent aujourd’hui de
directes.
charger en Europe des ensembles routiers complets, des semi-
p Circulation des informations, responsabilité vis-à-vis des remorques, des caisses mobiles ou des conteneurs dans le gabarit
marchandises ferroviaire B1 qui est le plus courant.
Les informations relatives au transport et à la marchandise doi-
vent circuler plus rapidement que les UTI. La fluidité du transfert des
informations aux interfaces entre les modes et la continuité des 1.2.4 Mode routier
schémas juridiques de responsabilité sont des conditions indispen-
sables à l’efficacité des transports.
Sur un réseau principal d’autoroutes irriguant l’Europe, complété
par un réseau routier capillaire très développé, ce mode assure tant
la desserte fine terminale que les transports de marchandises à lon-
1.2 Les divers modes de base gue distance. La charge maximale roulante autorisée (de 40 à 60 t
selon les pays) et la longueur maximale de 18,75 m sont
réglementées. Le mode routier est aujourd’hui le mode de transport
1.2.1 Mode maritime dominant avec près de 80 % de part de marché. Pour le transport
des conteneurs, on trouve soit des camions transportant deux con-
Ce mode s’appuie sur des navires porte-conteneurs : teneurs de 20’ ou un conteneur de 40’ sur un seul plateau, soit un
— soit transocéaniques, atteignant aujourd’hui une capacité de camion transportant un conteneur de 20’ sur son plateau auquel est
transport de près de 10 000 TEU (ou EVP équivalent conteneur de accroché un remorque articulée (dolly) sur laquelle est posé un
20 pieds) (figure 2) et dont on estime qu’ils pourraient transporter deuxième conteneur de 20’.
jusque 15 000 TEU dans les années à venir ;
— soit des navires feeders, de capacité allant de quelques centai-
nes de TEU à 2 000 ou 3 000 TEU (figure 3) qui, à partir d’un port
d’escale principal, desservent plusieurs autres ports ; 1.2.5 Mode aérien
— soit des navires fluvio-maritimes (figure 4) de taille sensiblement
inférieure à un millier de TEU qui peuvent remonter des fleuves.
Soit par avion spécialisé comme des 747 Cargo (de 110 t de capa-
cité) sur de très longues distances, soit dans les espaces libres des
TEU Twenty foot Equivalent Unit ou EVP Equivalent Vingt Pied soutes à bagages, ce mode assure le transport de marchandises à
est une unité de calcul des volumes d’UTI mis à bord des moyens haute valeur ajoutée en palettes de colis ou en petits conteneurs de
de transport. Un conteneur de 40 pieds vaut 2 TEU ou EVP. colis.

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______________________________________________________________________________________________________________ TRANSPORT INTERMODAL

Client

Client

3
Client

Client

Client

La concurrence routière

Client

Figure 1 – Diverses formes de transport intermodal

Figure 2 – Porte-conteneur géant d’Hapag Lloyd COLOMBO Figure 4 – Navire fluvio-maritime


Express (8 800 TEU)

1.3 Les diverses UTI

On peut classer les diverses UTI (figure 6) en les rattachant à leur


mode de transport principal. Leur diversité conduit la Commission
européenne à promouvoir une UECI (unité européenne de charge-
ment intermodale) standard (figure 7) optimisée pour les europalet-
tes et gerbable (empilable les unes sur les autres).
Figure 3 – Navire feeder Nota : Europalette : palette standard européenne de 80 cm × 120 cm

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TRANSPORT INTERMODAL _______________________________________________________________________________________________________________

Automoteur Freycinet 38,50 m : capacité 350 t Convoi moderne constitué d'un pousseur et de barges
capacité 2 500 à 5 000 t - longueur 143 à 185 m

Figure 5 – Des péniches Freycinet aux grands convois poussés

3
a transport combiné de semi-remorques b conteneurs maritimes c transport combiné de caisses mobiles

Figure 6 – Les diverses unités de transport intermodales (UTI)

12,027 m
13,2 m
2,33 m
2,4 m

Espace
perdu

a UECI longue : 33 europalettes dimensions intérieures


a conteneur maritime ISO 40 pieds : 25 europalettes
7,2 m
5,6 m
2,4 m

Espace
perdu

b UECI courte : 18 europalettes


4,8 m

Figure 7 – Remplissage des UECI europalettes b conteneur maritime ISO 20 pieds : 11 europalettes

Figure 8 – Conteneur maritime : remplissage en europalettes


p En transport maritime, les UTI sont principalement des
conteneurs ISO (figures 6 et 8) de 20’ (6 m), 40’ (12 m) et, plus
récemment, 45’ (13,72 m) de longueur, de 8’ de largeur (2,44 m) et Le choix des UTI s’appuie sur une analyse prenant en compte la
de 8’6’’ (2,59 m) ou de 9’6’’ (2,90 m) de hauteur. Ces dimensions ne hauteur des palettes à transporter et le poids maximal conforme aux
permettent pas d’optimiser le remplissage par des europalettes caractéristiques de l’UTI. On procède ensuite à une vérification de la
(80 cm × 120 cm). cohérence de ces choix avec le poids maximal acceptable sur le vec-
teur de transport utilisé (barge, péniche, camion ou wagon) et avec
p En transport terrestre européen, on trouve des caisses mobiles le gabarit de l’infrastructure de transport utilisée (voie d’eau, voie
(figure 9) dont la largeur de 2,50 m est en cohérence avec la taille ferrée, cale du navire...) en tenant compte des conditions d’utilisa-
des europalettes. Lorsqu’il s’agit de transport sous température diri- tion du vecteur.
gée, la nécessaire isolation a conduit à autoriser une surlargeur de
10 cm (2,60 m). Les hauteurs varient de 2,67 à 2,90 m. p Dans certains cas, les UTI en transport continental sont consti-
tuées soit de l’ensemble routier complet à charger sur des wagons
En termes de longueur, les caisses de 7,15 à 7,82 m, comportant de la route roulante (ou autoroute ferroviaire), soit des semi-remor-
des pieds repliables, sont fréquemment utilisées en Allemagne alors ques (figure 6 a) à charger sur des wagons poche ou sur des
que celles de 13,6 m le sont fréquemment en France. wagons spécialisés.

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______________________________________________________________________________________________________________ TRANSPORT INTERMODAL

Zones de préhension par élingues Zones de préhension par élingues Zones de préhension par élingues
Supports Supports
de préhension de préhension Supports
par pinces par pinces de préhension
par pinces

Pièce d'arrimage inférieure Pièce d'arrimage inférieure Pièce d'arrimage inférieure

a caisse longue (classe A) b caisse intermédiaire (classe B) c caisse courte (classe C)


Longueurs : 12,19 m, 12,5 m, 13,6 m Longueurs : 9,12 m Longueurs : 7,15 m, 7,45 m, 7,82 m

Figure 9 – Caisses mobiles


3
1.4 Desserte terminale Dans le cas le plus courant, cette desserte terminale routière est
sous-traitée à des transporteurs locaux, mais l’organisation des
tournées, sous la responsabilité de l’opérateur de transport com-
Un transport intermodal, qui associe plusieurs modes de trans- biné ou, plus généralement, du client, revêt une importance toute
ports, doit assurer une desserte de bout en bout. Hormis les cas où particulière :
l’expéditeur ou les destinataires sont directement embranchés sur le — elle constitue l’élément de contact physique avec le client (des-
fer ou situés au bord d’une voie d’eau aménagée, il est nécessaire tinataire ou expéditeur) ;
de mettre en œuvre une desserte terminale routière du chantier de — elle porte l’image de la qualité globale de la chaîne ;
transbordement. — elle peut remonter des informations importantes sur la concur-
rence et sur des perspectives éventuelles de trafic ;
— elle représente une part significative des coûts de la chaîne :
40 % environ en transport domestique national et 20 % en transport
2. Maillons de la chaîne national, à partir d’un port maritime ;
— elle a un impact sur la productivité globale car, de sa bonne
de transport intermodal organisation et de sa bonne coordination avec l’action commerciale,
dépend le taux de parcours à vide dans les tournées.
Son importance est parfois considérée comme tellement
déterminante que le client de la chaîne intermodale contrôle en
2.1 Desserte terminale direct cette partie de la chaîne (cas des transporteurs rail-routiers
clients de Novatrans par exemple).
Ce maillon, qui constitue le premier et/ou le dernier de la chaîne
de transport intermodal, est la plupart du temps dévolu au mode
routier et doit être optimisé (figure 10). 2.2 Chantiers de transbordement
Ce principe peut souffrir quelques exceptions, lorsque le destina-
taire ou l’expéditeur sont embranchés fer, qu’il reçoivent ou expé-
dient des UTI (conteneurs maritimes ou caisses mobiles) sur 2.2.1 Les divers types de chantiers
wagons, soit le long de quais aménagés, soit sur des zones où circu-
lent des chariots élévateurs qui peuvent élever la marchandise dans
2.2.1.1 Ports maritimes
l’UTI ou sur des zones où les UTI sont posées à terre. Dans ce cas, la
desserte terminale est ferroviaire entre la gare principale fret et Les terminaux portuaires de transbordement constituent l’inter-
l’embranchement. La coordination entre les arrivées/départs de la face entre des navires de capacité de plus en plus grande (8 800 TEU
GPF (gare principale fret), les dessertes terminales ferroviaires, les pour le Colombo Express d’Hapag Lloyd avec des perspectives à
besoins des clients et les acheminements ferroviaires principaux est 10 000 voire 15 000 TEU) et des moyens de transport terrestre dont
un facteur essentiel de la qualité des services. les capacités unitaires sont très inférieures.
Port 2000, au Havre, compte un terminal à conteneurs pouvant
recevoir les plus grands navires. Sa conception est typique de ce
V que doit être un terminal moderne comme le montre la photo
P V (figure 11) prise avant l’achèvement des travaux.
V P P P Quasiment tous les terminaux ont aujourd’hui une organisation
V V qui impose le passage par le stock.
P P La réduction de la durée d’escale du navire conduit les opérateurs
de terminaux à développer les cadences de chargement et
a desserte classique b desserte optimisée déchargement des conteneurs (42 mouvements/heure par portique)
V parcours à vide P parcours à charge en créant une plate-forme intermédiaire de dépose sur le portique
lui-même, laissant à un deuxième engin de levage le soin de repren-
Figure 10 – Desserte routière terminale dre le conteneur pour le déposer :

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3

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Transport maritime

par Elisabeth GOUVERNAL


Directrice de recherche
Directrice de l’Unité de Recherche Systèmes productifs, Logistique et Organisation
des Transports SPLOT/INRETS

1.
1.1
Commerce international et transport maritime.........................
Grands flux du transport maritime .......................................................
AG 8 130v2 — 2
— 2 3
2. Contraintes à prendre en compte par le chargeur .................... — 5
2.1 Optimisation de la chaîne de transport de bout en bout..................... — 5
2.2 Types de produits et caractéristiques des marchés ............................. — 6
2.3 Maîtrise du transport.............................................................................. — 6
3. L’offre de transport maritime .......................................................... — 6
3.1 Fluctuations des marchés de l’affrètement .......................................... — 7
3.2 Cabotage et ferry .................................................................................... — 8
3.3 Grandes évolutions affectant le transport maritime de ligne ............. — 8
3.4 Conséquences pour le chargeur............................................................ — 11
3.5 Pavillons, registres d’immatriculation et problèmes de sécurité ....... — 11
4. Partenaires, organisation et contrats de transport .................. — 12
4.1 Externaliser ou intégrer la prestation de transport.............................. — 12
4.2 Choix du port .......................................................................................... — 12
4.3 Transport multimodal ou intermodal.................................................... — 13
4.4 Contrats de transport et responsabilité du transport .......................... — 14
5. Détermination des prix...................................................................... — 14
5.1 Tarification de la ligne régulière ............................................................ — 14
5.2 Prix de l’affrètement ............................................................................... — 15
6. Conclusion ............................................................................................ — 16
Glossaire......................................................................................................... — 18
Pour en savoir plus ...................................................................................... Doc. AG 8 130v2

a mondialisation croissante de l’économie a été largement autorisée par le


L transport maritime et sa rapide évolution, tant au niveau de l’organisation,
de l’évolution technologique que des prix du transport. Cette mondialisation des
échanges renforce elle-même le rôle du transport maritime par l’ampleur de son
développement. On remarque d’ailleurs qu’en période d’expansion, la demande
de transport croît plus vite que la production mondiale, signe de l’effet multipli-
cateur des échanges.
Le marché est aujourd’hui mondial et toute entreprise se doit d’être compétitive
sur le marché international. Le transport maritime est partie prenante de cette
compétitivité, puisque le prix du produit rendu sur le marché de consommation
comprend le prix de transport du lieu de production au lieu de consommation.
Des évolutions techniques importantes se sont produites, au niveau de la
conception des navires, de leur vitesse, de leur consommation en carburant. On
observe également des évolutions importantes quant à l’organisation, notam-
Parution : octobre 2006

ment en ce qui concerne la ligne régulière : augmentation de la taille des navires,


systèmes de manutention dans les ports plus performants, desserte vers et à

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TRANSPORT MARITIME _________________________________________________________________________________________________________________

partir de ports principaux par éclatement vers des ports secondaire (système de
desserte plus connu sous le terme anglais « hub & spokes »), alliances... condui-
sant à des gains de productivité importants dans le secteur maritime.
La concurrence est forte et les prix fluctuants mais toujours avec une tendance
décroissante et un niveau très bas comparé aux autres modes de transport.
Cette évolution pousse les entreprises de transport maritime à faire de nouveaux
investissements pour bénéficier des améliorations technologiques qui leur per-
mettront d’avoir un coût de production plus faible pour rester compétitives. Mais
elles participent ainsi à créer une surcapacité qui est une des caractéristiques du
secteur. Les évolutions étant rapides et la durée de vie des navires longue, les
navires anciens restent dans le marché.
L’entreprise chargeur a donc les moyens, si elle choisit bien ses partenaires,
d’obtenir un transport maritime de qualité, peu cher et qui lui permette d’être
compétitive.

3
Nous verrons que la croissance du commerce international et son évolution
jouent un rôle essentiel dans la configuration du secteur du transport maritime
aujourd’hui (§ 1). Face à ces évolutions, les entreprises chargeurs doivent tenir
compte d’un certain nombre de contraintes propres à leurs activités qui vont les
amener à choisir un transport à la demande ou la ligne régulière (§ 2). Ces mar-
chés sont sensiblement différents (§ 3), tant en ce qui concerne les acteurs impli-
qués, qu’en terme d’organisation et de contrats de transport (§ 4). La
détermination des prix répond à des critères extrêmement différents (§ 5).
Le secteur maritime utilise de nombreux mots spécifiques, souvent anglais,
peu connus. Afin de faciliter la lecture de ce texte, un glossaire en fin de dossier
permet de clarifier les définitions.

1. Commerce international 1.1 Grands flux du transport maritime


et transport maritime
Les flux du transport maritime sont recensés en trois grandes
catégories, les vracs liquides, les vracs solides et les marchandises
Le mouvement général de libéralisation des échanges industriels diverses.
a commencé après la seconde guerre mondiale et avec les négocia-
tions multilatérales dans le cadre du GATT (General Agreement on ■ Les vracs liquides, c’est-à-dire le pétrole et les produits pétroliers,
Trade and Transport). Cette libéralisation a été stimulée par : ont leurs principaux échanges plutôt sur les trafics nord-sud. L’Asie
— la création du marché commun en Europe ; est le plus gros importateur avec presque 600 millions de tonnes en
— la réunification de l’Allemagne et la disparition des régimes 2002 et bien sûr le Moyen Orient le plus gros exportateur avec
communistes ; 737 millions de tonnes la même année. Mais la croissance des
— les accords régionaux de libre-échange dont Mercosur qui importations la plus forte vient de l’Amérique du Nord, plus de 26 %
regroupe Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay en Amérique entre 1995 et 2002 (tableau 2). Depuis 1995, les échanges maritimes
Latine et ALENA qui réunit États-Unis, Canada et Mexique en Amé- mondiaux de marchandises en vrac ont augmenté de 28 % pour
rique du Nord. atteindre 1,2 milliards de tonnes. Mais durant cette période, les
courants d’exportations se sont sensiblement modifiés au détriment
Elle s’étend aux pays en développement depuis le début des de l’Amérique du Nord, tandis que les courants d’importations se
années 1980, sous l’effet des politiques de libéralisation imposées sont renforcés sur l’Asie. (0)

par la Banque Mondiale et le Fond monétaire international FMI dans


le cadre de la gestion de la crise de la dette. Avec le développement ■ De façon générale, on note un accroissement de la concurrence
de la libéralisation, la circulation des capitaux s’est accentuée ainsi sur les marchés céréaliers mondiaux avec l’entrée de nouveaux
que la mondialisation des échanges de biens et de services. exportateurs comme l’Ukraine ou bien la montée en puissance de
En 2004, le montant des importations mondiales est de pays agricoles comme le Brésil ou l’Argentine. Sur le marché char-
9 153 milliards de US$. Premier continent dans les échanges, bonnier, on remarque surtout la croissance de l’Est, Europe – CEI, et
l’Europe de l’Ouest représente 45 % des exportations et des impor- plus encore le rôle inéluctable que prennent la Chine et l’Indonésie
tations mondiales (figure 1). L’Amérique du Nord compte respecti- sur le marché régional asiatique. Enfin sur le secteur minéralier, la
vement pour 15 % et 22 % des exportations et des importations domination et la concentration des deux premiers exportateurs, le
tandis que la caractéristique de l’Asie est d’avoir vu sa part des Brésil et l’Australie s’accentuent. De la sorte, l’affaiblissement du
échanges croître considérablement. De 1980 à 2004, sa part est pas- pôle d’exportation nord-américain tend à consolider l’orientation
sée de 17 à 30 % pour les exportations et de 18 à 27 % pour les sud-nord des grands trafics de vracs secs en même temps que la
importations. Cette croissance s’est faite au détriment des parts de régionalisation des échanges prend de l’ampleur, en particulier sous
marché de l’Afrique et du Moyen Orient. l’impulsion de la demande asiatique. Début 2000, les vracs secs
Nota : pour le Moyen-Orient, cette baisse est en partie à attribuer à la guerre du Golfe, à étaient très présents sur les trafics est-ouest, importants entre
l’embargo consécutif sur l’Irak et à la chute des exportations. l’Amérique du Nord et l’Europe et entre l’Amérique du Nord et l’Asie.

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_________________________________________________________________________________________________________________ TRANSPORT MARITIME

Exportations mondiales par région


1980 1998 2004

Amérique latine Afrique Amérique latine Afrique Amérique latine Afrique


6% 6% 5% 2% 3% 3%

Amérique du Nord
Amérique du Nord Amérique du Nord 15%
6% 17%
Asie Asie Moyen-Orient Asie
17% 28% 4% 30%
Moyen-Orient
Moyen-Orient 3%
11%

3
Europe de l'Ouest Europe de l'Ouest Europe de l'Ouest
44% 45% 45%

Importations mondiales par région


1980 1998 2004

Amérique latine Afrique Amérique latine Afrique Amérique latine Afrique


6% 5% 6% 2% 3% 2%

Amérique du Nord Amérique du Nord


Amérique du Nord 22%
17% 20%
Asie Asie Asie
18% 27% 27%
Moyen-Orient Moyen-Orient
5% Moyen-Orient 3%
3%
Europe de l'Ouest Europe de l'Ouest Europe de l'Ouest
49% 42% 44%

Figure 1 – Exportations et importations mondiales par région (Source : Statistiques OMC)

volume d’augmentation des exportations sud-américaines de


Tableau 1 – Grands flux de vrac sec (figure 2) grands vracs secs sur la même période –, ensuite la part des échan-
Vrac sec ges intra asiatiques est passée de 11,6 % des échanges de l’Asie en
Route 1995 à 20,7 % en 2002. Sur la figure 2 et dans le tableau 1 sont
95 02 donnés les principaux trafics de vracs secs.

Amérique du Nord/Asie 124 690 78 400


■ La catégorie des marchandises diverses est représentée par les
Asie/Amérique du Nord 4 610 9 490 conteneurs dès lors qu’on s’intéresse aux principaux trafics, c’est-à-
Amérique du Nord/Europe 96 670 50 150 dire aux trafics est-ouest. Les trafics conteneurisés concernaient
dans les années 1970 les marchandises diverses avec la plus forte
Europe/Amérique du Nord 2 450 4 590
valeur ajoutée mais ont progressivement intégré toutes sortes de
Asie/Europe 13 360 25 290 produits. Leur trafic se développe de manière spectaculaire (figure 3
Europe/Asie 19 100 30 830 et tableau 3). C’est le trafic entre l’Asie et l’Amérique du Nord, cou-
Source : World Bulk Trades 1996, World Bulk Trades 2003, Fearnleys
ramment appelé transpacifique qui représente la part la plus impor-
tante, plus de 54 % des trafics conteneurisés est-ouest en 2004 et
surtout qui connaît le taux de croissance le plus fort plus que doublé
Deux chiffres résument assez bien cette double évolution : tout depuis 1998. Le trafic transatlantique, premier trafic conteneurisé
d’abord, entre 1995 et 2002, les exportations nord-américaines de dans les années 1970 voit sa part décroître de façon très sensible, de
grands vracs secs ont chuté d’environ 90 Mt, – ce qui correspond au 25 % des trafics est-ouest en 1995 à 13 % en 2003.

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TRANSPORT MARITIME _________________________________________________________________________________________________________________

(0)

Tableau 2 – Principaux échanges de vrac liquide en 1995 et 2002 (millions de tonnes)


Importateur Europe nord-ouest Méditerranéen Amérique du Nord Amérique du sud Asie

Exportateur 1995 2002 1995 2002 1995 2002 1995 2002 1995 2002
Moyen-Orient 101,7 63,2 79,1 69,1 87,9 126,3 21,5 10,8 442,3 467,5
Afrique 34,3 19,9 92,5 82,8 80,3 78,3 15,7 10,1 26,1 57,4
Caraïbes 9,4 6,3 7,5 12,9 146,5 183,2 12,9 18,7 11,4 6,7
Autres 34,5 67,1 42,7 74,7 65,4 93,5 18,8 12,8 84,1 68,2
Source : World Bulk Trades 1996, World Bulk Trades 2003, Fearnleys

3
Milliers de tonnes

Milliers de tonnes

Milliers de tonnes
140 000 140 000 140 000

120 000 120 000 120 000

100 000 100 000 100 000

80 000 80 000 80 000

60 000 60 000 60 000

40 000 40 000 40 000

20 000 20 000 20 000

0 0 0
95 02 95 02 95 02

Amérique du Nord/Asie Amérique du Nord/Europe Asie / Europe


Asie/Amérique du Nord Europe /Amérique du Nord Europe/Asie

Source: World Bulk Trades 1996, World Bulk Trades 2003, Fearnleys

Figure 2 – Principaux trafics de vrac sec


Milliers d'EVP

Milliers d'EVP

Milliers d'EVP

18 000 18 000 18 000

16 000 16 000 16 000

14 000 14 000 14 000

12 000 12 000 12 000

10 000 10 000 10 000

8 000 8 000 8 000

6 000 6 000 6 000

4 000 4 000 4 000

2 000 2 000 2 000

0 0 0
95 98 04 95 98 04 95 98 04

Europe/Asie Asie/Amérique du Nord Europe/Amérique du Nord


Asie/Europe Amérique du Nord/Asie Amérique du Nord/Europe

Figure 3 – Principaux trafics de conteneurs est-ouest

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Transport par voie navigable

par Nicolas BRUTIN


Chef de la Division de la Prospective, Études et Statistiques de Voies navigables
de France

3
1. Place du transport fluvial ...................................................................... AG 8 120 — 2
1.1 Une importance méconnue ........................................................................ — 2
1.2 Des évolutions contrastées ......................................................................... — 3
1.3 Des avantages liés à la massification des flux .......................................... — 3
1.3.1 En termes de coût de production ...................................................... — 3
1.3.2 En termes de coût des nuisances...................................................... — 4
1.4 La voie d’eau aujourd’hui ........................................................................... — 4
1.4.1 Spécificités sectorielles ...................................................................... — 4
1.4.2 Trafic des fluvio-maritimes ................................................................ — 4
1.4.3 Échanges extérieurs et trafic fluvial en Europe................................ — 5
1.4.4 Ports fluviaux en France et en Europe .............................................. — 5
2. Principaux moyens de transport ......................................................... — 5
2.1 Matériels courants de transport ................................................................. — 5
2.1.1 Automoteurs ....................................................................................... — 5
2.1.2 Barges.................................................................................................. — 5
2.2 Matériel pour le transport des marchandises sèches en cale
non spécialisée ............................................................................................ — 5
2.3 Matériel spécialisé ....................................................................................... — 6
2.4 Barges de navire .......................................................................................... — 6
2.5 Masses indivisibles ..................................................................................... — 6
3. L’offre de transport et son évolution : la modernisation
en marche................................................................................................... — 6
3.1 Transport public et transport pour compte propre ................................... — 7
3.2 Mode d’exploitation des flottes.................................................................. — 7
3.3 Contrats de transport .................................................................................. — 7
3.4 Assurance complémentaire de la marchandise ........................................ — 7
4. Fluvial et multimodal .............................................................................. — 7
4.1 Développement du conteneur .................................................................... — 7
4.2 Interface fluviale .......................................................................................... — 8
5. Réseau actuel et projets ........................................................................ — 8
5.1 Réseau actuel ............................................................................................... — 8
5.2 Projets........................................................................................................... — 8
5.2.1 Seine-Nord Europe ............................................................................. — 8
5.3 Projets européens et dernières réalisations.............................................. — 8
5.3.1 Belgique............................................................................................... — 8
5.3.2 Allemagne ........................................................................................... — 9
6. Conclusion : un potentiel avéré ........................................................... — 9
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. AG 8 120

ien qu’essentielle, la fonction de voie de communication du réseau naviga-


B ble ne recouvre qu’une fraction de l’avantage qu’il procure à la collectivité.
On dénombre une vingtaine de fonctions qui donne donc au réseau un aspect
très polyvalent. À ce jour, et dans bien des cas, la navigation commerciale n’est
Parution : avril 2007

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AG8120

TRANSPORT PAR VOIE NAVIGABLE ________________________________________________________________________________________________________

plus l’activité majeure qui justifie le maintien du réseau. Pour mémoire, on citera
la production d’hydroélectricité, l’alimentation des grandes agglomérations en
eau, le tourisme fluvial...
Il n’en demeure pas moins que la vocation du réseau navigable reste centrée
sur l’activité de transport de marchandises. Peu connu, ce secteur offre
aujourd’hui l’image d’un visage dynamique qui année après année progresse
tant en valeur absolue que relative. Après la description des matériels de trans-
port, la présentation de l’offre de transport et de son évolution permet de mesu-
rer l’importance et la profondeur de la modernisation que connaît le transport
fluvial, au moment où il affirme sa place dans les chaînes multimodales de trans-
port.
Dotée d’un réseau moderne à l’aube du XXe siècle, grâce à Freycinet, la France
doit maintenant compléter son réseau pour être à même d’affronter le
XXIe siècle. C’est à cette condition que l’on pourra faire preuve d’un optimisme
raisonné pour le développement du transport fluvial qui est une des activités de

3 Voies navigables de France.


(0)

Voies navigables de France

Voies navigables de France VNF, établissement public de l’État à caractère industriel et


commercial créé en 1991, est chargé de l’exploitation, de l’entretien, de l’amélioration et de
l’extension des voies navigables et de leurs dépendances, missions qu’il assure avec l’aide
de 17 services de l’État – ministère de l’Équipement et des Transports – mis à sa disposition.
Par ailleurs, VNF a repris l’essentiel des attributions de l’ancien Office national de la navi-
gation qui concernent l’administration du transport fluvial, les relations avec les profession-
nels et le développement des activités sur la voie d’eau.
VNF est également chargé de l’exploitation et de la mise en valeur des 80 000 ha du
domaine public fluvial, ce qui en fait le troisième propriétaire foncier de France.
Au-delà, VNF centralise et diffuse les informations de toute nature concernant l’utilisation
de la voie d’eau et recherche tout moyen propre à développer cette utilisation et à améliorer
l’exploitation du réseau.

1. Place du transport fluvial


(0)

Tableau 1 – Parts de marché pour la voie d’eau


suivant les différentes régions traversées
Parts de marché (1)
Axe fluvial
1.1 Une importance méconnue (%)
Seine-Oise 18,6
Rhin 30,0
La part relative de la voie d’eau dans le partage modal est évaluée
pour la France à moins de 3 %. Ce chiffre sous-évalue largement son Moselle 18,4
poids puisqu’une moitié, seulement, du territoire est irriguée par le Rhône-Saône 5,0
réseau. Ramenée aux départements mouillés, la part du fluvial est
d’environ 7 % en tonnes-kilomètres (t · km). Nord/Pas-de-Calais 8,7
(1) Parts de marché mesurées en limitant l’aire géographique aux dépar-
Mais ce chiffre reste toujours réducteur car le trafic est concentré tements traversés par la voie à grand gabarit. Pour le Nord/Pas-de-
sur les portions à grand gabarit du réseau navigable. En effet, les Calais, la Moselle et le Rhin sont également inclus les trafics avec le
flux générés sur le réseau Freycinet, qui n’est accessible qu’aux seu- Benelux, l’Allemagne et la Suisse.
les péniches dont la capacité d’emport n’excède pas 350 t, sont en
très nette perte de vitesse. À tel point qu’aujourd’hui, les presque
4 000 km de ce réseau ne produisent qu’une part marginale du trafic La non-continuité du réseau justifie la présentation de parts de
total. La quasi-totalité de l’activité est donc concentrée sur 1 800 km marché propres à chaque bassin. Chacun se comporte en effet
de voies (cf. [Doc. AG 8 120], figure A). comme un micromarché, indépendant des autres. La Moselle et le
Rhin forment un ensemble connecté au principal réseau transeuro-
En conséquence, la part modale que s’octroie la voie d’eau péen. À ce titre, le dynamisme des opérateurs, qu’ils soient français
devient importante pour des régions industrielles traversées par des ou étrangers, bénéficie des opportunités offertes par un réseau
grands axes fluviaux comme la Seine ou le Rhin. étendu. Le bassin du Nord/Pas-de-Calais est lui aussi connecté à ce
réseau mais, en pratique, des contraintes particulières en limitent
Évaluées par « Voies navigables de France » (VNF), ces parts sont, l’accès à des bateaux de taille moyenne. Enfin, la Seine comme le
pour l’année 2001, celles présentées dans le tableau 1. Rhône sont des bassins fermés.

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AG8120

_______________________________________________________________________________________________________ TRANSPORT PAR VOIE NAVIGABLE

On notera que les parts de marché obtenues sur les voies au gaba-
rit européen dans les régions « mouillées » en France sont du même
Flux générés (106 t · km)
ordre de grandeur que celles assurées à l’étranger (tableau 2).
(0) 7 000

6 000
Tableau 2 – Répartition modale des tonnes — kilomètres GG
réalisées (%) (1) 5 000

Voies 4 000
Pays Route Fer
navigables
3 000
PG
Allemagne 67,1 18,1 14,8
2 000
Pays-Bas 37,5 5,9 56,6
Belgique 77,0 10,5 12,5 1 000

(1) Source : CEMT 2003. 0

75
77
79
81
83
85
87
89
91
93
95
97
99
01
03
05
3

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19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19

20
20
GG grand gabarit
1.2 Des évolutions contrastées PG petit gabarit (réseaux Freycinet)

Figure 1 – Évolution comparée des flux générés par les réseaux


La navigation a subi jusqu’au milieu des années 1990 un double Freycinet et à grand gabarit de 1975 à 2005 en millions de t · km
choc. D’abord celui de la fermeture d’un grand nombre de centrales
thermiques et par voie de conséquence celles des flux associés
d’approvisionnement en charbon. Ensuite celui de la restructuration
Activité (indice)

de l’industrie sidérurgique.
Il s’en est suivi jusqu’au milieu des années 1990 une décennie de 300 Rhône-Saône
restructuration où la navigation intérieure a dû rechercher de nou-
veaux marchés et « digérer » la perte de substance de ses créneaux
historiques. 250

À partir de 1995, la navigation entre dans une nouvelle phase.


L’activité de 2005 repasse à un niveau qui était le sien 20 ans plus 200
tôt. Toutefois, la structure du trafic a évolué, et aujourd’hui, la crois-
sance se fonde notamment sur le transport de produits tels que les
150 Rhin-Moselle
conteneurs ou la chimie.
Parallèlement, l’activité générale pâtit de la contraction de celle Seine-Oise
sur le réseau à petit gabarit et masque partiellement les progrès 100
enregistrés sur les axes à grand gabarit.
L’hétérogénéité qualitative du réseau se traduit dans les faits par 50
des évolutions différenciées. Ainsi, les trafics réalisés sur le réseau à
5
87

89

91

93

95

97

99

01

03

05
8

20
19

19

19

19

19

19

19

19

20

20
petit gabarit ont subi une forte érosion. Il a abandonné 32 % de son
activité de 1985 à 2005. Dans le même temps, le réseau à grand Indice 100 pour l'activité de chaque bassin en 1985
gabarit a progressé de 35 % (hors transit rhénan). Depuis le milieu Calculs effectués en t · km
des années 1990, ce dernier entame une très nette hausse (figure 1).
Figure 2 – Évolution de l’activité sur les principaux bassins
L’évolution propre à chaque bassin s’opère de manière relative-
de navigation de 1985 à 2005
ment indépendante.
De 1985 à 2005, le Rhin et la Moselle ont progressé respective-
ment de 48 % et 36 %. Ainsi, les automoteurs porte-conteneurs les plus récents peuvent
emporter 398 EVP, quand un train complet plafonne à 80 au maxi-
L’activité sur la Seine est restée relativement stable (+ 5,5 %). mum.
Quant au bassin Rhône-Saône, son activité a enregistré une hausse
sans précédent : + 190 %. Non représenté sur le graphique ci-après, Cette massification autorise un gain en termes de coût tout à fait
le bassin de Nord – Pas-de-Calais a connu de 2000 à 2005 une crois- appréciable.
sance de 30 % (figure 2).
L’échelle des prix fluviaux s’établit à 1 à 2 centimes d’euro par
tonne et par kilomètre (1 à 2 c€/t · km) sur le réseau à grand gabarit
national. Il descend à 1 c€/t · km sur le bassin rhénan pour des rai-
1.3 Des avantages liés à la massification sons qui tiennent tant à la qualité de l’offre qu’à celle de la demande.
des flux
À titre de comparaison, les prix ferroviaires sont d’environ 1,5 à
3 c€/t · km et les prix routiers de 4 à 6 c€/t · km.
1.3.1 En termes de coût de production
EVP Équivalent Vingt Pieds : d’après la définition ISO, 1961,
Les grands automoteurs comme les convois poussés présentent Comité TC 104, conteneur de 20 pieds de long, 8 pieds de
l’avantage d’offrir une capacité de transport unitaire inégalable large et 8 pieds 6 pouces de haut, d’une capacité de 16 à 18 t
parmi les modes terrestres. de marchandises.

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131
3

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AG8005

Économie du fret
Processus de transport

par Michel SAVY


Professeur à l’université Paris Est (École d’urbanisme de Paris et École des Ponts-ParisTech)
Directeur de l’Observatoire des politiques et des stratégies de transport en Europe

3
1. Notions fondamentales ....................................................................... AG8 005v2 - 2
1.1 Définitions et champs ............................................................................... — 2
1.2 Service ou industrie .................................................................................. — 2
1.3 Relation chargeur/transporteur................................................................ — 3
2. Consommation de transport .............................................................. — 4
2.1 Statistiques ................................................................................................ — 4
2.2 Flux nationaux et internationaux ............................................................. — 4
2.3 Structure par produits .............................................................................. — 5
2.4 Fret et dynamique économique ............................................................... — 6
3. Production de transport ...................................................................... — 8
3.1 Poids du transport dans l’économie........................................................ — 8
3.2 Partage modal ........................................................................................... — 8
3.3 Compte propre et compte d’autrui .......................................................... — 11
3.4 Branche et marché du transport .............................................................. — 11
3.5 Évolution technique et organisationnelle ............................................... — 17
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. AG 8 005v2

e transport de marchandises opère le déplacement des biens dans l’espace


L et, nécessairement, dans le temps (car cette opération n’est pas instantanée,
à la différence du transport des informations par les télécommunications auquel
on la compare parfois). C’est une fonction technique et économique qui recoupe
toutes les autres. Elle est le support indispensable à l’ensemble du système pro-
ductif, de l’amont à l’aval : des approvisionnements en matières premières à la
fabrication et à la distribution des produits finaux, puis au soutien d’après-vente
qui accompagne toute leur durée d’utilisation. Le transport contribue, en outre,
au circuit de retour des produits après leur consommation, pour leur récupéra-
tion et le recyclage des déchets. Cette omniprésence, et ce caractère nécessaire
du transport, en font une composante majeure de toutes les étapes du dévelop-
pement d’un pays, depuis les stades initiaux jusqu’aux évolutions récentes des
économies les plus prospères.
D’un point de vue technique, le transport a les caractéristiques d’une activité
industrielle. D’un point de vue organisationnel et juridique, quand il est
exécuté par une entreprise spécialisée pour le compte d’un client, il revêt les
caractères d’un service : c’est-à-dire d’une relation entre deux parties. Les
divers sens du mot fret reflètent bien la diversité des acteurs qui participent au
transport et leurs rôles respectifs, dans un fonctionnement de système. Selon
le Dictionnaire historique de la langue française d’Alain Rey (Paris, Diction-
naires Le Robert, 1992, 2 vol.), « fret désigne le prix du transport par mer de
marchandises (XIIIe s.) – aujourd’hui aussi par route, par avion –, par méto-
Parution : avril 2013

nymie et couramment la cargaison elle-même (1596), le prix de location d’un

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ÉCONOMIE DU FRET _________________________________________________________________________________________________________________

navire (1606) et le louage d’un bateau de transport utilisé au transport de mar-


chandises (1681, à fret), puis s’applique à tout moyen de transport ».
Le double aspect d’autonomie et de dépendance du transport à l’égard des
autres activités concerne aussi l’innovation technique, organisationnelle et
sociale. Le transport est mû par sa propre dynamique, avec des progrès
constants dans les infrastructures, dans les matériels roulants et dans les sys-
tèmes d’information pilotant les flux physiques comme les relations
commerciales. En même temps, il reçoit directement les effets de l’innovation
des autres branches, dans le fonctionnement desquelles il s’insère. Dans le
présent article, le transport est envisagé comme un process industriel. Dans
l’article suivant [AG 8 006], on examinera comment il s’intègre dans des orga-
nisations logistiques plus larges et comment, par ses effets externes, il a une
forte dimension politique et sociale.

3
1. Notions fondamentales Gestion de production
Fabrication
Distribution
Approvisionnement
1.1 Définitions et champs
La définition générale du transport ne pose guère de difficulté. Matières premières
SAV Vente
Si l’on définit le transport par le mouvement qu’il imprime à des
produits dans l’espace, rien ne le différencie de la manutention. (service
Sur le fond, l’analogie est acceptable. après-vente)

Recyclage Consommation
Pratiquement, la différence entre transport et manutention
Déchets
s’est établie en fonction des matériels utilisés (un camion n’est Élimination
pas un chariot élévateur) et des infrastructures empruntées (la Traitement
manutention ne sort guère des emprises propres à un établis-
sement, tandis que le transport utilise le plus souvent une Figure 1 – Transport et cycle écologique
infrastructure publique et partagée entre de nombreux
usagers).
enregistrement statistique, hors transport. Il en est de même du gaz
en bouteille, dûment transporté, alors que, selon les sources, le tra-
■ Concept de « marchandise » fic des oléoducs et gazoducs est inclus ou non dans les statistiques
Il est plus utile de réfléchir à la notion même de marchandise. de transport. Le charbon est transporté, le transfert d’énergie électri-
L’usage en français, et dans les autres langues latines, est en effet que sur des lignes à haute tension relève d’une autre activité. Quant
de désigner ainsi la cargaison, ce qui associe implicitement le aux déchets ménagers, qui représentent des tonnages
transport à la liaison entre la fabrication et la commercialisation. considérables, étant acheminés généralement sur de courtes distan-
Le transport est une opération permettant la transformation d’un ces, ils ne figurent pas dans les statistiques de transport.
produit en marchandise, en le rendant accessible à ses acheteurs Dans certains cas, la limite du domaine du transport de marchan-
et à ses consommateurs. dises a des causes administratives : en France, on évalue le trafic
Pour autant, il est bien d’autres opérations de transport dans le routier à partir du tirage au sort de certains véhicules dans le fichier
circuit économique : des cartes grises ; on connaît donc mal le trafic massif assuré par
des engins agricoles, qui relèvent d’une autre immatriculation.
– à l’amont de la fabrication pour les approvisionnements ;
– à l’aval de la distribution pour le « retour » des déchets ;
– souvent à l’intérieur même de la sphère de la fabrication : en Notons enfin que le transport et la distribution du courrier,
passant d’un établissement d’une même entreprise à un autre, les qui mobilisent directement environ 200 000 personnes, fait de
produits ne changent pas de propriétaire, ils ne sont pas à La Poste le premier employeur du monde du transport, alors
proprement parler des marchandises. qu’elle relève d’une branche différente de la comptabilité
nationale et d’une autre tutelle administrative.
En toute rigueur, il conviendrait donc mieux de parler de trans-
port de biens, comme le font les Anglo-Saxons (goods transport,
Gütterverkehr...). Mais gardons les usages établis, dès lors que les
transports de marchandises pris en compte ne se limitent pas à 1.2 Service ou industrie
l’approvisionnement des marchés (figure 1).
Sous l’angle technique, le transport est un process industriel qui
■ Nature des marchandises modifie physiquement les produits qui lui sont soumis en chan-
On sait que le transport d’eau minérale en bouteille relève du geant leurs coordonnées dans le temps et dans l’espace : transpor-
transport. Tandis que l’eau courante des réseaux d’adduction relève ter, c’est transformer. Pour autant, le transport est couramment
d’une autre technique, d’un autre monde professionnel et d’un autre considéré comme un service.

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AG8005

_________________________________________________________________________________________________________________ ÉCONOMIE DU FRET

Il faut souligner que le classement du transport parmi les l’organisation du transport, alors qu’il constitue un des thèmes les
services ne relève pas, comme il est souvent dit, du caractère pré- plus modernes de la gestion de production, insistant sur l’enrichis-
tendument immatériel du transport. Bien au contraire, le transport sement des relations de « partenariat » entre entreprises.
de fret est une industrie éminemment matérielle, mobilisant une
grande quantité de main-d’œuvre, d’équipements lourds (infras- ■ Relation de service
tructures et matériel roulant), de consommations intermédiaires La relation chargeur/transporteur est donc, par excellence, une
(et en particulier d’énergie) et opérant un process physique. Le relation de service [1] (figure 2). Le schéma ci-dessous reprend, en
caractère de service désigne une forme de division sociale du tra- y introduisant (en caractères gras) le vocabulaire propre au
vail, et ne vaut que pour une part du transport, celle qui est assu- transport, la disposition triangulaire d’une relation de service,
rée par des prestataires : le transport public, dénommé aussi où un prestataire intervient pour le compte de son client à travers
transport pour compte d’autrui, effectué pour le compte d’un une intervention sur un objet, appartenant au client mais
client, couramment dénommé le chargeur. temporairement confié au prestataire. La relation de service entre
les deux agents vise donc à réguler une double liaison :
– contrôle de la cargaison par son propriétaire, qui décide de
Le caractère public du transport pour compte d’autrui n’a l’opportunité de son transport ;
donc rien à voir avec les notions de secteur public ou de ser- – traitement de la cargaison par le transporteur, conformément à
vice public. la commande de son client.

3
Le transport public s’oppose au transport privé, ou pour
La figure 2 ne prend pas en compte certaines spécificités du
compte propre, où le chargeur est son propre transporteur, uti-
transport, et notamment le rôle du réceptionnaire de la marchan-
lisant une main-d’œuvre et un matériel de son ressort direct.
dise, quand bien même il n’est pas partie prenante au contrat de
transport. On suppose ici que le chargeur est un industriel, fournis-
Si le transporteur public est, techniquement, un industriel, sa seur d’un destinataire qui achète ses produits (pour les transfor-
situation économico-juridique est particulière. À la différence de la mer à son tour, les consommer ou les revendre). Le transport
plupart des autres industriels, il n’est pas propriétaire des produits parachève donc, par la fourniture de la marchandise, une transac-
qu’il transforme et à la production desquels il contribue et il ne les tion commerciale entre expéditeur et destinataire. Si la coopéra-
vend pas : pour un transporteur de marchandises, la marchandise, tion entre l’expéditeur et le transporteur est indispensable, la
c’est le transport (et non la marchandise transportée !). Il vend une manière dont s’accomplit la coopération entre le destinataire et le
production, et non un bien, un process et non un produit. Il a donc transporteur contribue également à la performance économique et
le statut de façonnier, qui intervient sur des produits qui à la qualité de service de l’opération de transport (figure 3).
demeurent la propriété de ses commanditaires, tels que c’est
souvent le cas dans d’autres secteurs de l’industrie, comme la
confection ou l’imprimerie. C’est la raison pour laquelle le trans-
port confié à un transporteur public est classé parmi les services. Producteur Consommateur
Fournisseur Relation de service Client
Compte tenu de son partage entre le compte propre et le compte Prestataire Usager
d’autrui, l’activité de transport (dans son ensemble) ne coïncide pas Transporteur Chargeur
avec la branche des transports de la comptabilité nationale (qui ne
recouvre que le transport pour compte d’autrui et se définit par réfé-
rence au seul marché du transport). Cette particularité pose évidem- Intervention Usufruit
ment une difficulté de connaissance, les statistiques économiques Traitement Contrôle
étant couramment construites sur la base des branches. Transformation Propriété
Transport Gestion logistique
Objet
Informations
1.3 Relation chargeur/transporteur Personne
Cargaison
Les rapports entre un transporteur public et un chargeur sont
donc particulièrement étroits.
Figure 2 – Relation de service dans le transport
■ Interrelations commerciale, technique et organisationnelle
À la relation commerciale usuelle entre un fournisseur et un
client, qui porte sur la définition de la prestation et la négociation
Contrat de transport
de son prix, s’ajoute une autre relation, spécifique et nécessaire,
qui est technique et organisationnelle. À la différence d’un bien, le Transporteur Fournisseur
transport se consomme au moment et à l’endroit mêmes de sa
production. Production et consommation sont confondues en un
processus unique. Transport
Pour qu’une opération de transport s’accomplisse, il faut : Expédition

– que le produit ait une taille et un poids entrant dans les capacités
du véhicule prévu ;
Coordination
– qu’il soit conditionné (en vrac, en colis, en palette, etc.) de Marchandise Contrat de vente
sans contrat
manière convenable pour sa manutention et sa protection durant de la marchandise
le transport ;
– que la taille, la capacité et la carrosserie du véhicule soient Réception
adaptées au produit à transporter (benne, citerne, fourgon, etc.).
Cette congruence a, en outre, une dimension spatio-temporelle :
la cargaison et le véhicule doivent être mis en présence de façon
exacte, par un rendez-vous, en un lieu et à un moment donnés. On Acheteur
remarque que ce type de coordination entre le prestataire et son
client, que l’on peut qualifier de coproduction, est inhérent à Figure 3 – Expéditeur, transporteur, destinataire

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est strictement interdite. – © Editions T.I. AG 8 005v2 – 3

135
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ÉCONOMIE DU FRET _________________________________________________________________________________________________________________

■ Notion de qualité de service ■ Sources


La simultanéité de la production et de la consommation du Les principales sources sont publiques, avec les informations
transport se traduit par l’accent mis sur la qualité de service. établies ou recueillies par le Service de l’observation et des statis-
Quand on achète des produits, on peut en vérifier la qualité avant tiques (SOeS) du ministère de l’écologie, du développement
de les consommer ou de les inclure à un bien composite, et éviter durable et de l’énergie, dont relèvent les transports.
ainsi d’affecter la qualité du produit final. Quand on achète du
transport, aucun contrôle a priori n’est possible et, en cas de
défaut, celui-ci (destination erronée, retard, dégradation, vol, livrai- On utilisera en particulier la base de données du Système
son incomplète, etc.) se répercute immanquablement sur le pro- d’information sur le transport de marchandises (SITRAM)
duit transporté. D’où l’importance des pratiques en œuvre pour pour la connaissance des mouvements de marchandises.
réduire autant que possible le risque et l’incertitude. Qu’il s’agisse Par ailleurs, l’INSEE fournit avec le dispositif ESANE (Élabora-
des « certifications qualité » formelles soumettant le prestataire à tion des statistiques annuelles d’entreprises) des données éco-
une série de procédures normalisées de décomposition et contrôle nomiques touchant les entreprises de la branche du transport.
de ses process, ou des relations plus informelles de confiance
qu’un chargeur tisse au fil du temps avec un transporteur et qui
contribuent à dresser la liste de ses fournisseurs référencés, ■ Données sur le mouvement des marchandises
considérés comme fiables.
Elles portent sur l’ensemble des transports et sont des données

3 On observe donc une tendance à l’enrichissement de la relation de


service entre le prestataire et son client, relation qui s’inscrit désor-
mais dans le temps. En amont de la prestation proprement dite, une
en unités physiques et non monétaires. En effet, à la différence du
transport public dont on saisit la valeur marchande, la valeur du
transport privé est directement incluse dans la valeur des produits
phase plus ou moins longue permet d’élaborer la solution adéquate, auquel il est appliqué. Elle ne fait pas l’objet d’une transaction ni
comme un consultant le ferait. En aval, le suivi des performances et même souvent d’une mesure, et échappe donc au statisticien.
leur confrontation au cahier des charges initial permet, selon une
démarche d’apprentissage, d’identifier les problèmes, d’y porter On apprécie l’importance du transport privé en termes de circu-
remède. Éventuellement, des clauses financières fixent le partage lation physique. Pour ce qui concerne le transport routier, le mode
des bénéfices ainsi obtenus entre le chargeur et le prestataire ou, au le plus important, ne sont pris en compte que les véhicules utili-
contraire, établissent des pénalités en cas de qualité de service infé- taires de plus de 3 tonnes de charge utile. Le rôle des petits véhi-
rieure aux engagements. Dans cette perspective, les grands groupes cules, essentiel notamment en transport urbain de marchandises,
mettent en place à la fois des services d’études et des services reste donc mal connu.
commerciaux dédiés aux grands comptes (« key account ■ Unités et nomenclature
managers »). Cet enrichissement de la relation chargeur/transpor-
teur est encore plus fort quand il s’élargit à la gestion logistique. • Les unités utilisées sont la tonne transportée et la tonne-kilo-
mètre (qui est le produit de la masse du chargement par la dis-
Pour autant, on a déjà observé que l’intégralité du transport tance de transport parcourue). Les données disponibles
n’est pas assurée par les transporteurs publics. Une part distinguent les modes de transport (la voie d’eau, le fer, et la route
importante des trafics est le fait du transport privé, pour compte répartie entre le compte propre et le compte d’autrui).
propre, et ne relève donc pas directement du marché du transport.
Faut-il étendre la notion de relation de service à des relations • Les marchandises sont répertoriées selon la Nomenclature
internes à la firme regroupant en son sein les fonctions de char- statistique des transports (NST), spécifique au transport et qui
geur et de transporteur ? répond donc à une autre logique que celle qui classe les entre-
prises selon leur branche d’activité. Élaborée par la Commission
économique pour l’Europe de l’ONU, la nomenclature NST 2007
remplace progressivement la version précédente, datant de 1967,
2. Consommation ce qui rend les découpages statistiques plus conformes aux décou-
pages du système productif moderne, mais supprime les séries
de transport longues de données méthodologiquement homogènes.
• Les données européennes sont, en général, moins détaillées
La production et la consommation du transport étant et moins récentes que les données nationales. La base Eurostat
confondues, l’examen séparé de l’une et de l’autre reflète des couvre l’Union européenne et fournit les éléments d’une indispen-
points de vue différents sur un même processus. L’accent mis sable comparaison internationale. Le Forum international des
aujourd’hui sur les logiques économiques et techniques dans les- transports, qui a succédé à la Conférence européenne des
quelles s’insère le transport avec la gestion logistique invite à exa- ministres des transports (CEMT), est un organisme proche de
miner d’abord la consommation du transport, puis les manières l’OCDE et publie également des statistiques de transport couvrant
d’y satisfaire, selon une approche sectorielle plus traditionnelle. un grand nombre de pays développés (voir le Pour en savoir plus ).
Le mot de consommation est préféré à celui de demande, pour
tenir compte du transport pour compte propre qui ne constitue
pas une demande sur le marché. Mais la part du transport réglée 2.2 Flux nationaux et internationaux
par le marché et la part du transport hors marché ne sont pas pour
autant indépendantes. L’une et l’autre sont prises en compte dans La plupart des statistiques des administrations des États
les mécanismes d’arbitrage qu’opèrent les chargeurs entre produc- membres de l’Union européenne présentent les flux terrestres de
tion propre et sous-traitance, selon les possibilités de substitution marchandises à l’intérieur des frontières nationales : c’est ce que
et de complémentarité relatives qui les régissent. l’on dénomme le transport intérieur ou « domestique » (figure 4).
Le transport intérieur est la somme de trois catégories de flux. Il
comprend :
2.1 Statistiques – le transport national ayant son origine et sa destination à
l’intérieur du territoire du pays ;
L’étude des transports de marchandises peut, en France, – la partie intérieure du transport international d’importation et
s’appuyer sur de solides données statistiques qui mesurent d’exportation ;
l’importance des phénomènes et étayent l’explication économique – la partie intérieure du transit, soit la somme des parties
des comportements des agents. continues des flèches du graphique de la figure 4.

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AG 8 005v2 – 4 est strictement interdite. – © Editions T.I.

136
Référence Internet
AG8006

Économie du fret
Le système de transport
par Michel SAVY
Professeur à l’Université Paris 12 et à l’École nationale des ponts et chaussées
Directeur de l’Observatoire des politiques et des stratégies de transport en Europe

1.
1.1
1.2
Transport et logistique ..........................................................................
Définitions. Démarche logistique ..............................................................
Gestion logistique et transport..................................................................
AG 8 006 - 2


2
3
3
2. Transport et environnement politique .............................................. — 5
2.1 Infrastructures............................................................................................. — 5
2.2 Accès au marché, capacité de transport et tarification............................ — 6
2.3 Vers une nouvelle régulation ? .................................................................. — 6
3. Perspectives ............................................................................................. — 8
3.1 Croissance et transport .............................................................................. — 8
3.2 Prix et coût de transport............................................................................. — 9
3.3 Partage modal ............................................................................................. — 9
3.4 Opérateurs de réseau ................................................................................. — 10
3.5 L’Europe des transports.............................................................................. — 11
4. Conclusion ................................................................................................ — 13
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. AG 8 007

e transport est tout à la fois une activité particulière, dont les caractéristiques
L justifient une approche propre, et une activité mêlée aux autres. D’une part,
le transport est une activité industrielle dont la technique, les conditions de
travail (notamment l’itinérance de nombre de postes de travail), l’utilisation d’un
patrimoine productif collectif énorme (la plus grande part des infrastructures)
la différencient fortement des autres activités. Les cultures professionnelles y
sont particulièrement accentuées : un marin n’est pas un cheminot ni un routier,
et ni les uns ni les autres ne ressemblent à un employé de bureau ou à un ouvrier
d’usine... D’autre part, le transport s’applique nécessairement à un produit issu
et destiné à une autre activité économique : le transport de marchandises n’est
jamais une fin en soi, il s’insère dans les filières de production et de distribution.
Le terme de logistique, à travers les multiples sens qu’il reçoit selon le contexte
où on l’emploie, exprime cette interdépendance technique et organisationnelle
intime qui lie le transport aux autres activités de production. On peut voir un
indice de cette intimité, et des difficultés qu’elle soulève, dans le fait qu’une part
seulement du transport est déléguée à des entreprises spécialisées, appartenant
à la branche des transports. Une large part des opérations de transport demeure
interne à des entreprises agricoles, industrielles ou de services qui préfèrent dis-
poser de leurs propres moyens et assurer en leur sein même l’adéquation du
transport aux besoins de leur activité principale, celle de la branche à laquelle
elles appartiennent.
Par ailleurs, si la plus grande part de la production de transport de marchan-
dises est le fait d’entreprises privées ou d’entreprises publiques soumises aux
règles du marché et de la concurrence, le rôle de l’État y est puissant et
multiforme, qu’il touche les infrastructures, la réglementation technique et la
sécurité, la réglementation sociale ou la régulation économique.
Parution : avril 2013

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137
Référence Internet
AG8006

ÉCONOMIE DU FRET ____________________________________________________________________________________________________________________

Le mécanisme central de fonctionnement du marché du transport de mar-


chandises est en effet particulièrement délicat car, portant sur une prestation
(une opération de production, un processus analysé dans l’article précédent
[AG 8 005]) et non sur un produit, son équilibre devrait idéalement se réaliser
de manière parfaite, à tout instant et en tout lieu. Le marché fonctionne donc
plus souvent en état de déséquilibre, et en particulier de surcapacité plus ou
moins chronique, seul moyen d’échapper au risque contraire de sous-capacité,
de goulet d’étranglement faisant obstacle à la fluidité des circuits économiques.
En outre, il convient de tenir compte des effets externes, c’est-à-dire touchant
des agents non directement impliqués par les transactions marchandes sur le
marché du fret, que le transport provoque sur son environnement : effets
externes négatifs et positifs, tels que la congestion, le bruit, la pollution, l’insé-
curité, l’émission de gaz à effet de serre, mais également la desserte du territoire
et la contribution au développement économique. Aussi bien, en dépit du
mouvement général de libéralisation de l’économie, la régulation du transport

3 demeure-t-elle une préoccupation notoire des pouvoirs politiques. Dans tous les
gouvernements, il y a un ministre des transports...
Le rôle des pouvoirs publics est amplifié encore, ou du moins rendu plus
complexe, par la montée en puissance de l’Union européenne. Les transports
sont désignés par les traités comme un élément important de développement
économique et de cohésion sociale et territoriale. La politique communautaire
ne se limite plus, comme dans les années quatre-vingt, à aiguillonner à la marge
les évolutions nationales. Elle établit désormais un cadre législatif et réglemen-
taire à l’intérieur duquel les politiques nationales n’ont plus qu’une autonomie
relative (les directives européennes fixent les principes que les membres de
l’Union n’ont que la faculté de « transposer » dans leur droit national ; quant aux
règlements, ils s’imposent en l’état). Il convient donc d’appréhender l’interaction
de plusieurs niveaux institutionnels. La Commission compte toujours un
commissaire chargé des transports...

1. Transport et logistique conditionnement des produits. Ces opérations peuvent éventuelle-


ment être confiées par le propriétaire des produits, totalement ou
partiellement, à un prestataire extérieur.
La logistique compte désormais parmi les grandes fonctions Ce sens n’est aujourd’hui nullement obsolète mais, plus récem-
autour desquelles se structurent l’organisation et le fonctionne- ment, un autre sens est apparu qui résulte de la plus grande atten-
ment des entreprises. tion portée aux outils et méthodes sur lesquelles s’appuie la gestion
de ces opérations. À la façon des robinets et des lavabos des problè-
mes de calcul de l’école primaire, les flux et les stocks de
1.1 Définitions. Démarche logistique marchandises se mesurent et entrent dans des modèles de simula-
tion et d’optimisation. Dans une université américaine, un cours de
Les définitions académiques et professionnelles de la logistique logistics est principalement un cours de recherche opérationnelle,
sont nombreuses et disparates. La plupart sont pertinentes mais se de mathématiques appliquées à la modélisation de la gestion des
réfèrent à un aspect particulier de la question, à moins de définir opérations logistiques, à des fins stratégiques ou opérationnelles :
la logistique non par son contenu substantif mais par ses finalités localisation d’usines et d’entrepôts, gestion de flottes de véhicules,
très générales (« mettre à disposition le bon produit, au bon choix d’itinéraires de tournées, etc. Réciproquement, le problème
endroit et au bon moment, au moindre coût »). D’autres mots clefs emblématique de la recherche opérationnelle, le problème du voya-
du vocabulaire du transport sont également polysémiques : on l’a geur de commerce, est en effet un problème logistique.
vu pour « fret », on le constate aisément pour « réseau ». Les mul-
Se constituant graduellement comme un outil puis une démarche
tiples sens du mot logistique sont apparus au fil du temps et l’on
gestionnaire, la logistique est ainsi devenue, à côté de la finance ou
peut ainsi en dresser une taxonomie chronologique.
du marketing, une branche des sciences du management, appréhen-
Historiquement, dans un contexte militaire puis civil, la logistique dant l’entreprise comme un système de flux – de produits, d’informa-
a d’abord désigné un ensemble d’opérations physiques, d’inter- tions – passibles d’une gestion spécifique. Cette démarche s’est
ventions matérielles sur les produits, périphériques (préalables et d’abord appliquée à l’intérieur des firmes. C’est une démarche trans-
postérieures) à leur transformation manufacturière. Si celle-ci modi- versale au découpage usuel des étapes de production et de distribu-
fie les caractères morphologiques ou chimico-physiques des tion, qui décompose et sépare approvisionnements, fabrication et
produits, la transformation logistique en modifie les caractères spa- ventes en séquences juxtaposées. La démarche logistique se rappro-
tio-temporels. Elle englobe le transport (déplacement dans l’espace) che ainsi de la démarche de qualité, car un fonctionnement plus
et l’entreposage (déplacement dans le temps) ainsi que les opéra- cohérent et plus fiable de l’entreprise permet de réagir plus vite et
tions liées que sont la manutention et l’emballage, voire le plus aisément face à un environnement plus instable. Une telle

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AG8006

____________________________________________________________________________________________________________________ ÉCONOMIE DU FRET

notion est opérationnelle, pour dégager les compromis satisfaisants


entre les pratiques ou les aléas de chaque étape de l’élaboration d’un
produit et de chaque fonction. Une vision plus ambitieuse encore de
35

% du coût logistique
la logistique apparaît alors, elle ne traite pas seulement de la gestion
des flux, mais de la gestion par les flux et acquiert alors un statut stra- 30
tégique, pour établir un mode de régulation globale de l’entreprise. 25
Dans une étape ultérieure, la gestion logistique sort des limites 20
de l’entreprise et touche les relations entre firmes, pour optimiser
15
par exemple les flux reliant une entreprise, ses fournisseurs et
sous-traitants. Elle touche à la charnière cruciale qu’est la coordi- 10
nation de la production et du marché. Si la prédominance d’intérêts 5
contradictoires entre les acteurs n’y fait pas obstacle, la gestion
logistique vise à embrasser toute la chaîne d’approvisionnement 0

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(supply chain management ) de l’amont à l’aval (ou réciproquement

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dans une optique de flux tirés ), « du fournisseur du fournisseur au

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client du client ». Des notions telles que le stock zéro, le pilotage par

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l’aval, les flux tendus, le juste à temps, confirment le rôle primordial

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de la logistique dans la nouvelle organisation de la production, plus

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flexible et plus intégrée, que recherchent les entreprises. Dans le

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vocabulaire toujours mouvant des grandes entreprises industrielles

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Tr
et de distribution internationales, le mot de supply chain tend
aujourd’hui à supplanter celui, déjà un peu désuet, de logistique.
Figure 1 – Structure du coût logistique [4]
Toutefois, le premier sens du mot logistique, associé aux opéra-
tions physiques, revient en vogue mais sous la forme d’un adjectif,
associé au substantif « prestataire ». Un prestataire logistique est ment élevée pour les produits de faible densité de valeur (soit 15 %
une entreprise offrant un ensemble de services couvrant tout ou pour les eaux minérales et jusqu’à 50 % pour les matériaux de
partie de la gamme des opérations logistiques (au sens initial du construction) et plus faible pour les produits de haute densité (3 %
terme : transport, manutention, etc.) à un client désireux d’externa- pour les cosmétiques). En pourcentage du chiffre d’affaires moyen
liser (sous-traiter) ces opérations périphériques à sa propre activité des entreprises, une estimation courante est de 6 %, mais ce chiffre
principale (son core business ) sur laquelle il veut concentrer ses ne couvre pas tous les coûts logistiques internes et une proportion
investissements et ses compétences. De nombreuses entreprises totale de l’ordre de 12 % est raisonnable. Dans les entreprises
issues du transport, et notamment les plus grandes, s’efforcent industrielles, ce coût est du même ordre de grandeur que le coût
maintenant d’élargir leur offre et de devenir des prestataires logis- de fabrication, c’est-à-dire de transformation industrielle des
tiques. C’est ainsi une nouvelle branche économique, débordant le produits ! On en mesure donc les enjeux, en termes de satisfaction
transport et incluant des pans de l’entreposage, de la manutention, des clients, de concurrence et de rentabilité.
de l’emballage, mais aussi du conseil, de la gestion immobilière,
des services en informatique, etc., qui se constitue aujourd’hui. La place du transport dans la logistique s’avère singulière. D’une
part, le transport représente le premier poste de dépense logistique.
La technique du transport gagne ainsi en complexité puisqu’elle Confirmant des enquêtes antérieures (enquête du BIPE en 1993 par
est désormais intimement liée à d’autres opérations, disposant exemple), une décomposition récente du coût logistique total
chacune d’une technique propre, mais dont l’exploitation doit lui (figure 1) montre que le transport (amont et aval) représente à lui
être étroitement coordonnée. Les outils et méthodes de gestion de seul quelque 40 % du coût logistique total.
l’information, les matériels et logiciels adaptés, jouent évidemment
ici un rôle crucial : tous les grands progiciels de gestion de produc- Par ailleurs, le transport est l’opération logistique la plus cou-
tion assistée par ordinateur comprennent désormais un module de ramment sous-traitée et, a contrario, la moins présente à l’intérieur
logistique. des entreprises chargeuses. À partir d’une enquête portant sur
quelque 5 500 entreprises de grande taille fortement utilisatrices de
S’il désigne à la fois une famille d’opérations et une fonction services logistiques, on constate (figure 2) que les fonctions logis-
managériale de l’entreprise, le mot logistique peut enfin s’appli- tiques internes portent principalement sur le traitement physique
quer à certains éléments des structures d’une organisation (service statique des produits (entreposage, manutention et emballage) et
logistique, direction logistique), à certains métiers (il existe des sur la gestion administrative et commerciale des flux (achats et
associations professionnelles de logisticiens). Un débat permanent approvisionnements, ordonnancement, stratégie et organisation)
porte sur la place et le poids à accorder aux fonctions logistiques tandis que le transport ne représente que 15 % des activités logis-
dans le fonctionnement et dans l’organigramme des firmes. Les tiques internes aux firmes industrielles.
réponses varient, en fonction des branches et des produits et selon
que l’accent est plutôt mis sur les tâches d’exploitation ou sur le En revanche, le transport est le plus lourd des postes de la
contrôle et l’orientation. sous-traitance logistique des mêmes entreprises industrielles
(figure 3).
Quant à la gestion de l’ensemble des opérations logistiques de
manière intégrée, c’est une tendance forte, vantée par les Si cette préférence pour la sous-traitance vaut principalement
consultants spécialisés et déjà pratiquée par de grandes firmes pour les opérations d’exécution du transport (et dans des propor-
internationales. Toutefois, dans la plupart des entreprises plus tions bien plus fortes que pour l’entreposage, la préparation de
banales, on distingue encore la logistique d’approvisionnement, de commandes, etc.), une autre enquête (figure 4) montre même une
fabrication, de distribution, de maintenance et d’après-vente, et inclination limitée à sous-traiter les opérations de pilotage du
enfin la logistique de retour avec la récupération et le recyclage. transport : sélection et achats de transport, voire optimisation du
réseau de distribution, avant la gestion des stocks, l’entreposage,
etc. Les industriels et les distributeurs ont appris, ces dernières
trente années, à externaliser l’exécution du transport. Pour autant,
1.2 Gestion logistique et transport ils veillent à en conserver la maîtrise. Dans les années à venir, on
peut penser qu’ils vont poursuivre leur apprentissage de l’externa-
La part des opérations logistiques dans la valeur finale des pro- lisation de l’entreposage puis, graduellement, d’une gamme plus
duits est très différente d’un produit à l’autre. Elle est générale- large d’opérations logistiques.

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139
3

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Référence Internet
AG8020

Les professions du transport

par Maurice BERNADET


Professeur émérite à l’université Lumière-Lyon 2
Chercheur au Laboratoire d’économie des transports

3
1. Transporteurs routiers de marchandises....................................... AG 8 020v2 — 3
1.1 Données statistiques ............................................................................... — 3
1.2 Aspects réglementaires : l’inscription au registre des transporteurs . — 3
2. Loueurs de véhicules industriels ..................................................... — 4
2.1 Le métier de loueur ................................................................................. — 4
2.2 Données statistiques ............................................................................... — 4
3. Auxiliaires de transport ..................................................................... — 4
3.1 Données statistiques ............................................................................... — 4
3.1.1 Caractéristiques des organisateurs de transport de fret ............. — 5
3.1.2 Messagers, affréteurs et organisateurs de transport
international ............................................................................................. — 5
3.2 Approches réglementaire et juridique ................................................... — 5
3.2.1 Le commissionnaire ....................................................................... — 5
3.2.2 Les autres professions d’auxiliaire................................................ — 6
3.3 Approche fonctionnelle ........................................................................... — 6
3.4 Approche modale .................................................................................... — 7
3.4.1 Transport routier ............................................................................. — 7
3.4.2 Transport fluvial .............................................................................. — 8
3.4.3 Transport maritime ......................................................................... — 8
3.4.4 Transport aérien.............................................................................. — 8
4. Conclusion ............................................................................................. — 9
Pour en savoir plus ....................................................................................... Doc. AG 8 020v2

a grande variété des professions du transport et le fait que l’on peut les
L décrire à partir de points de vue différents expliquent la difficulté à cons-
truire une présentation simple. Mais la complexité fait partie de la réalité écono-
mique, et l’on peut faire du transport sans pour autant être transporteur et ne pas
être transporteur et appartenir aux professions du transport...

Transport pour compte Une distinction fondamentale doit en effet être posée d’emblée entre le trans-
propre et transport port pour compte propre (dit encore transport « privé ») et le transport pour
compte d’autrui (encore appelé transport « public »).
pour compte d’autrui Les transporteurs pour compte propre sont des industriels ou des commer-
çants qui, à l’occasion de l’exercice de leur activité principale, exécutent, en se
dotant des moyens en personnels et en véhicules adéquats, des déplacements
de marchandises concernées par leur activité professionnelle. Les transporteurs
pour compte d’autrui sont des professionnels des transports qui assurent le
déplacement des marchandises pour le compte de leurs clients.
Cette distinction traditionnelle, qui concerne le mode routier, mais aussi le
transport fluvial ou le transport maritime, paraît claire. En réalité la frontière
entre les deux catégories est parfois difficile à tracer, d’autant que la législation
Parution : octobre 2006

ne donne pas une définition précise du transport pour compte propre. L’adminis-

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141
Référence Internet
AG8020

LES PROFESSIONS DU TRANSPORT ________________________________________________________________________________________________________

tration et la jurisprudence admettent toutefois que, pour qu’une opération soit


considérée comme du transport pour compte propre, trois conditions doivent
être remplies :
— le véhicule doit appartenir à l’entreprise ou faire l’objet d’un contrat de loca-
tion de longue durée ;
— il existe une relation entre l’activité de l’entreprise et la marchandise qu’elle
transporte ;
— l’entreprise doit avoir une activité principale autre que le transport.
On remarquera que la distinction transport pour compte propre − transport
pour compte d’autrui ne fait pas référence au caractère gratuit ou onéreux du
transport ; dans la pratique, on peut cependant admettre qu’il y a dans le trans-
port pour compte d’autrui rémunération de la prestation par le client.
La distinction entre des activités pour compte propre et des activités pour
compte d’autrui ne concerne pas que le transport stricto sensu (c’est-à-dire le
déplacement physique d’une marchandise). Toutes les prestations qui sont four-
3 nies par les professions du transport (organisation de chaînes de transport,
entreposage et prestations logistiques, etc.) peuvent également être réalisées
pour compte propre.
Nous ne nous intéresserons dans ce dossier qu’à ceux qui exécutent des pres-
tations pour compte d’autrui.

La grande diversité des activités liées au transport réalisées par les profession- Des professions considérées
nels appelle un effort de classement, une répartition en catégories qui permette différemment
de distinguer en leur sein des professions différentes. Mais on peut, pour établir
un tel classement, adopter des approches variées qui, par malheur, ne coïncident
pas...
■ On peut tout d’abord se référer à la typologie des professions réglementées
du transport. En effet, l’exercice de certaines professions du transport (au sens
large du terme) est soumis à des règles fixées par les pouvoirs publics, et les
entreprises soumises à ces règles, pour être facilement identifiées, doivent être
inscrites sur un registre tenu par l’État. Trois professions principales apparais-
sent alors :
— les transporteurs, au sens strict du terme ;
— les loueurs de véhicules industriels ;
— les auxiliaires de transport.
Ni les loueurs, ni les auxiliaires en tant que tels n’assurent le déplacement phy-
sique de marchandises. Ainsi on peut appartenir à l’une des professions
réglementées du transport sans transporter.
■ On peut aussi se référer aux dispositions du droit privé qui, en fonction des
actes juridiques qu’ils accomplissent, distingue les voituriers, les commission-
naires, les transitaires, etc., catégories qui ne sont pas sans rapport avec celles
des professions réglementées, mais qui ne les recouvrent pas exactement.
Les milieux professionnels utilisent leur propre vocabulaire, sans doute plus
proche des pratiques et qui, de ce fait, paraît plus précis. Il n’est malheureuse-
ment pas exempt d’ambiguïtés puisqu’on qualifie habituellement de transitaire
un commissionnaire organisant des transports internationaux, ce qui ne corres-
pond pas à la définition juridique du transitaire. De même, dans l’acception cou-
rante, un messager est un transporteur, alors qu’il appartient à la profession
réglementée des auxiliaires de transport.
■ Une dimension évidemment importante qui peut permettre de classer les pro-
fessions du transport est le mode auquel elles se rattachent ou avec lequel elles
sont, à titre principal ou exclusif, en relation : transport routier, transport ferro-
viaire, transport fluvial, etc.
■ Reste enfin l’approche statistique, essentielle si l’on veut pouvoir associer à la
présentation des informations relatives au nombre des entreprises, à leur chiffre
d’affaires, au nombre d’emplois qu’elles créent...

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AG 8 020v2 − 2 © Techniques de l’Ingénieur

142
Infrastructures, environnement et transport par voie d'eau
(Réf. Internet 42617)

1– Conception des infrastructures et aménagements

2– Gestion et exploitation des ports

3– Transport de fret et transport par voie d'eau


4
4– Problématiques environnementales et risques Réf. Internet page

Paysage institutionnel des acteurs de l'eau en France W1710 145

Protection du littoral en France C4695 149

Protection juridique des milieux aquatiques W1700 155

Environnement et projets d'aménagements portuaires TRP5040 163

Écoconception des ouvrages maritimes : de la théorie aux exemples appliqués GE1024 167

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143
4

144
Référence Internet
W1710

Paysage institutionnel des acteurs


de l’eau en France

par Véronique NICOLAS


Ingénieur agriculture et environnement
Chargée de mission ingénierie écologique
Direction de l’action scientifique et technique
Office national de l’eau et des milieux aquatiques (Onema)

1. De la régulation des usages de l’eau à une politique W 1 710 - 2


de gestion intégrée ..................................................................................
1.1 Héritages anciens à travers les territoires.................................................. — 2

4
1.2 Gestion de l’eau : nouvel objectif pour les pouvoirs publics ................... — 3
1.2.1 1964 : le contrôle de la ressource en eau.......................................... — 3
1.2.2 1992 : planification et préservation de la qualité de l’eau
pour une durabilité de la ressource............................................................ — 3
1.2.3 2006 : garantir la qualité des milieux aquatiques............................. — 5
2. Compétences multiples et imbriquées aux différentes
échelles territoriales................................................................................ — 5
2.1 Pluralité de l’eau : quels acteurs et quelles règles entrent en jeu ? ......... — 5
2.1.1 Eau comme bien de consommation.................................................. — 5
2.1.2 Eau comme ressource : utilisation pour l’industrie,
l’agriculture, l’énergie, le tourisme............................................................. — 6
2.1.3 Eau comme infrastructure de transport ............................................ — 6
2.1.4 Eau comme risque .............................................................................. — 6
2.1.5 Eau comme milieu .............................................................................. — 7
2.2 État et ses relais : un panel d’actions et d’échelles d’intervention .......... — 7
2.2.1 Services de l’État................................................................................. — 7
2.2.2 Onema.................................................................................................. — 8
2.2.3 Agences de l’eau ................................................................................. — 8
2.3 Entre multitude d’acteurs et déficit de compétences :
quel équilibre trouver ? ............................................................................... — 8
2.3.1 Superpositions complexes et outils en excès .................................. — 8
2.3.2 Nécessité d’une clarification des compétences locales
et d’un renfort de moyens ........................................................................... — 10
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. W 1 710

’eau est un bien commun qui présente une double caractéristique : il s’agit
L à la fois d’une ressource et d’un milieu. Autre particularité : son caractère
cyclique qui ne permet pas de la gérer comme un stock. Sa gestion questionne
donc des aspects quantitatifs et qualitatifs qu’il convient de replacer dans une
dynamique spatiale et temporelle : pénuries en période d’étiage, prévention du
risque lors des crues, problématiques différenciées suivant une situation en
tête de bassin, en plaine ou en estuaire, en zone rurale ou urbaine...
Au cœur des besoins anthropiques, les modalités d’aménagements et de
régulation des réseaux hydrographiques pour exploiter cette ressource exis-
tent depuis des siècles. Dans un premier temps, nous replacerons les
modalités qui ont régi la politique de l’eau dans une perspective historique,
avant d’analyser les apports des lois sur l’eau successives en France.
Pour assurer la bonne gestion de la ressource en eau, ces lois ont mis en
place des périmètres géographiques et des circuits financiers dédiés, ainsi que
des modalités spécifiques de relations entre les usagers et les pouvoirs
Parution : août 2011

publics, que ce soit par le biais de la réglementation ou de la concertation.

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est strictement interdite. – © Editions T.I. W 1 710 – 1

145
Référence Internet
W1710

PAYSAGE INSTITUTIONNEL DES ACTEURS DE L’EAU EN FRANCE _____________________________________________________________________________

Ces différents acteurs, dont nous dresserons un panorama rapide et orienté


en fonction du rôle qu’ils occupent (usager, gestionnaire, instance de régula-
tion ou d’incitation financière) doivent aujourd’hui plus que jamais travailler de
façon complémentaire et concertée pour atteindre les objectifs de « bon état
des eaux » fixés par l’Europe.

1. De la régulation de terres cultivables. Lorsque les sites monastiques étaient


dépourvus d’eau, des systèmes de canaux et aqueducs étaient
des usages de l’eau construits pour acheminer l’eau jusqu’au cloître, alimenter des
moulins et des étangs de piscicultures. Un grand nombre de ces
à une politique édifices existent encore de nos jours.
À l’époque médiévale, les ruisseaux et rivières sont investis, et
de gestion intégrée des réseaux de biefs, drains, puits sont mis en place pour
répondre à des besoins d’adduction dans le cadre d’activités
préindustrielles [1]. L’exemple le plus frappant est celui de la mise
1.1 Héritages anciens à travers en place de seuils et chaussées de moulin qui ont durablement
les territoires modifiés les réseaux hydrographiques. Aujourd’hui, on recense
plus de 60 000 ouvrages sur les cours d’eau de France [3].
L’eau a depuis toujours été utilisée par l’homme pour divers

4 besoins, allant bien au-delà de la seule alimentation humaine.


Aussi, les aménagements de cours d’eau ont longtemps été menés
selon une perspective utilitaire. Les interventions sont fondées sur
Si la rivière constitue d’abord une ressource de première impor-
tance pour les populations, elle représente aussi une limite, un
obstacle physique et un danger (inondations). Pour parvenir à la
la régulation des flux, la stabilisation des formes et des dyna- « maîtriser » et à l’exploiter, de nombreuses infrastructures et
miques fluviales. En France, l’ingénierie hydraulique a été mise au équipements sont installés : ports, quais, digues, canaux, ponts,
service des travaux de canalisation, de valorisation agricole et de barrages, écluses, mais aussi canalisations, égouts, thermes, fon-
développement de l’industrie des fonds de vallée (moulins et taines, puits, lavoirs, moulins, etc. Cela génère des modifications
usines) [1], et a servi d’appui à la mise en place d’infrastructures importantes des réseaux hydrographiques par chenalisation, reca-
industrielles, énergétiques ou encore de transports, laissant de librage et endiguement ou aménagement des marais. Le rema-
nombreuses traces dans le paysage. niement peut aller jusqu’à des modifications fortes de la
topographie, via des pratiques telles que des mises en eau, des
Les travaux des archéologues, des géographes ou encore des boisements de grandes zones comme les Landes, la conquête de
historiens sur ce sujet font ressortir l’ancienneté et la diversité des zones humides par assèchement ou encore la poldérisation au
aménagements produits par les sociétés au fil des siècles pour nord de la France. La maîtrise de l’eau apparaît alors comme un
mobiliser l’eau. Aujourd’hui, ils sont inscrits dans notre espace, levier fort de l’aménagement du territoire.
comme vestige, élément du patrimoine, ou ouvrage encore opéra-
tionnel mais qui guide encore les usages actuels. Au XIXe siècle, la révolution industrielle fait évoluer l’enjeu de
maîtrise de l’eau, avec la naissance d’une préoccupation nouvelle :
Ces héritages ne reposent d’ailleurs pas que sur des éléments celui du maintien de sa qualité. L’apparition de théories nouvelles
physiques de notre environnement, mais aussi sur les façons sur la relation entre « milieu » et « santé » et les capacités de
d’organiser l’accès à la ressource et son partage : les héritages mesure scientifique dues au développement de l’hygiénisme per-
sont aussi institutionnels et culturels. mettent d’évaluer la qualité de l’eau. Des protocoles de mesure
Le colloque « Au fil de l’eau. L’eau : ressources, risques et sont élaborés et de nouvelles inquiétudes apparaissent. Aussi, le
gestion du Néolithique à nos jours » de mars 2009 [2] a permis, au « génie sanitaire », qui naît dans les dernières années du
travers d’exemples, d’illustrer l’évolution du lien entre les aména- XIXe siècle, met au point des procédés de traitement de l’eau, pour
gements et les usages au fil des périodes historiques. Nous allons tenter d’éteindre les dernières grandes épidémies de maladies
voir que ces liens reposent sur trois leviers principaux : hydriques (choléra, typhoïde...) en s’appuyant sur les ambitions
– l’aménagement du territoire, que ce soit pour assurer la pro- hygiénistes pour convaincre les pouvoirs municipaux d’adopter
tection face aux eaux, il s’agit de se prémunir contre les risques des techniques comme la filtration par le sable ou la stérilisation
d’inondation, ou pour exploiter la ressource ; de l’eau par l’ozone. L’enjeu de la maîtrise de la qualité de l’eau
– la reconnaissance d’usages « autorisés » ; passe alors par l’innovation technologique.
– l’arbitrage entre usages de l’eau. En parallèle, des mesures sont prises pour tenter de limiter la
Comme le rappellent Alain Trintignac, Alain Ferdiere et Emma- mortalité des poissons qu’entraînent les pollutions engendrées par
nuel Marot (archéologues et historien à l’UMR CITERES de Tours), les activités humaines. Ainsi, l’article 25 de la loi du 15 avril 1829
un des exemples les plus anciens est la gestion de l’eau par les (dite « code de la pêche fluviale ») préconise que : « Quiconque
urbanistes gallo-romains. Diverses infrastructures hydrauliques aura jeté dans les eaux des drogues ou appâts qui sont de nature
étaient mises en place pour maîtriser au mieux cet élément. Les à enivrer le poisson ou à le détruire, sera puni d’une amende de 30
villes étaient déjà pourvues de systèmes d’adduction et de stoc- à 300 francs et d’un emprisonnement de trois mois à un an ». Un
kage d’eau (puits, citernes), d’évacuation (égouts) et de drainage autre levier d’intervention apparaît alors : celui du droit et de la
très développés. Dans les traversées urbaines, certains cours d’eau réglementation.
étaient endigués par aménagements de berges en blocs de gra- Pour protéger les activités qui vivent de l’exploitation des eaux
nite. Autre exemple, cité par Isabelle Pignot (doctorante du Centre douces, de nombreux acteurs se rassemblent (pêcheurs, méde-
d’histoire « Espaces et Cultures » de l’université Blaise Pascal à cins, industriels, élus, etc.) et mènent des réflexions avec l’objectif
Clermont-Ferrand), l’implantation au XIIe siècle des monastères de mettre en place une législation capable de limiter la pollution
cisterciens (par exemple dans les anciens diocèses de Clermont et des cours d’eau. Progressivement, diverses modalités de régula-
du Puy) relevait d’une véritable politique d’aménagement du terri- tion des différents usages se mettent en place : constitution de
toire. Les moines blancs recherchaient prioritairement des lieux corporations pour la mise en place d’aménagements et la défense
proches d’un cours d’eau, le plus souvent en fond de vallée, dotés de leurs intérêts par rapport aux autres corps de métiers, institu-

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W1710

_____________________________________________________________________________ PAYSAGE INSTITUTIONNEL DES ACTEURS DE L’EAU EN FRANCE

tions collectives allant au-delà des droits individuels. À noter que


des formes d’organisation collectives avaient pu être mises en Loi pêche de 1984
place également par des pouvoirs publics depuis longtemps. Gil-
bert Larguier (professeur d’histoire moderne de l’université de Per- La loi relative à la pêche en eau douce et à la gestion des
pignan) cite pour exemple des États provinciaux du Languedoc ressources piscicoles du 29 juin 1984 est un texte à retenir en
qui, dès le XVIe siècle, s’étaient engagés dans une « politique de ce qui concerne l’organisation des usages de l’eau, en particu-
l’eau » qui englobait des aspects techniques et financiers, par la lier celui de la pêche en eau douce.
construction d’ouvrages de grande ampleur (canal des Deux-Mers,
« canal des étangs » qui joint le Rhône à la mer), la protection des Cette loi, codifiée dans le livre deuxième du code rural,
terres et des habitants contre les risques d’inondation, et la gestion affirme l’intérêt général de la préservation des milieux
des zones humides par la mise en place d’indemnités accordées à aquatiques et de la protection du patrimoine piscicole.
la suite d’intempéries, de dégâts des eaux. En matière de police, elle permet une répression contre les
responsables de pollution des eaux ayant un effet sur les
poissons. À noter que cet article, qui est la transposition de la
1.2 Gestion de l’eau : nouvel objectif disposition de la loi du 15 avril 1829, a longtemps été le prin-
cipal outil pour sanctionner les pollutions.
pour les pouvoirs publics
Pour ce qui concerne les ouvrages, elle instaure l’obligation
de maintenir un débit réservé garantissant la vie, la circulation
1.2.1 1964 : le contrôle de la ressource en eau et la reproduction des espèces qui peuplent les eaux au
moment de l’installation de l’ouvrage.
À la fin des années 1950, la qualité de l’eau potable est remise
en question du fait des pollutions. Les débats et les tentatives de En outre, cette loi prévoit l’obligation sur certaines rivières,
gestion concrètes se construisent dans la deuxième moitié du déterminées par décrets, de mettre en place des dispositifs

4
XXe siècle, jusqu’à la parution de la loi sur l’eau de 1964 [4]. assurant la circulation des poissons migrateurs.
En janvier 1959, la publication d’une ordonnance qui fait de la Aussi, cette loi vient compléter la loi sur l’eau de 1964 sur
pollution un délit entraîne une réaction des industriels, concernés un volet qui sera repris en 1992 : celui de la qualité des
au premier chef. Ils saisissent le gouvernement pour exiger une milieux aquatiques en tant qu’enjeu à part entière.
nouvelle loi, qui soit cette fois débattue par les deux assemblées.
Aussi, pendant 5 ans, le Commissariat général au plan va s’atta-
cher au problème de l’eau. La commission de l’eau élabore le pro- L’autre grand principe de la loi de 1964 stipule que désormais
jet de loi qui vise à atténuer les conséquences économiques de la « l’eau paie l’eau ». Au sein de chaque bassin, une agence de l’eau
pénalisation de la pollution en mettant en place un moyen de est instituée (figure 1). Il s’agit d’un établissement public technique
financement de la dépollution. et financier qui perçoit les redevances auprès des usagers et les
redistribue sous forme d’aides aux investissements. Les besoins
Après de nombreux échanges sur le principe de la redevance,
en équipement induits par les besoins et usages en eau (protection
accepté dans la mesure où il servira les investissements, la loi
des captages, assainissement, réseaux d’eau potable, etc.) sont
adoptée le 16 décembre 1964 [5] est la première grande loi fran-
donc financés par les recettes que dégage la distribution d’eau : un
çaise sur l’eau.
circuit financier s’instaure, en parallèle du cycle de l’eau. Cette
Cette loi assure la promotion de la gestion de l’eau par bassin assise financière confère à chaque bassin une autonomie d’action
hydrographique, et non selon des limites administratives. par rapport aux autres, et sert de fondement à la cohésion de
Au niveau national, elle crée un dispositif original décentralisé et l’espace du bassin.
participatif de gestion de l’eau. Celle-ci est organisée en métropole Dans les départements d’outre-mer, les offices de l’eau sont
en six grands « bassins », correspondant aux bassins hydrogra- habilités à percevoir des redevances, et les mettent en place pro-
phiques des cinq grands fleuves français (Garonne, Loire, Rhin, gressivement.
Rhône, Seine) ainsi qu’un bassin réunissant les cours d’eau trans- Cette loi fixe les bases du modèle français de gestion de l’eau,
frontaliers et côtiers du nord de la France. dont les principes se sont progressivement généralisés à une
Chaque bassin est doté d’un comité de bassin, instance déci- échelle internationale à partir des années 1990 [6].
sionnelle au sein de laquelle s’organise la concertation entre les
parties prenantes de la gestion de l’eau : élus, associations envi- 1.2.2 1992 : planification et préservation
ronnementales, industriels, agriculteurs, consommateurs, etc. de la qualité de l’eau pour une durabilité
(nous détaillerons ce point au paragraphe 2.2).
de la ressource
Cette loi « relative au régime et à la répartition des eaux et à La croissance régulière des besoins domestiques s’accompagne
la lutte contre leur pollution » vise également à « tenter de lut- d’une forte demande de la part du secteur agricole, essentiel-
ter contre la pollution des eaux et d’assurer l’alimentation en lement due à la mécanisation des techniques agricoles et au déve-
eau potable des populations tout en permettant de fournir à loppement de l’irrigation en période d’étiage (les surfaces irriguées
l’agriculture et à l’industrie l’eau dont elles ont besoin. Elle ont pratiquement doublé en dix ans). Cette forte croissance n’a pas
porte donc sur l’ensemble des ressources en eau, à l’exception été compensée par la stabilité relative des besoins industriels.
de l’eau minérale ». À cette demande quantitative s’est progressivement ajoutée une
demande qualitative forte. Au niveau européen, la direction géné-
Les comités de bassin sont l’enceinte dans laquelle s’établit un rale de l’environnement, en écho aux revendications des écolo-
dialogue entre les différents usagers (par secteurs d’activité). C’est gistes, a obtenu le vote de deux directives sur l’eau : la directive
donc sur un principe de régulation des usages d’une eau « eaux résiduaires urbaines » (dite « ERU ») et la directive
considérée comme ressource que se construit cette nouvelle « nitrates ». Ces directives imposent un effort en vue de la préser-
politique de l’eau. Le principal élément d’arbitrage est quantitatif. vation de la qualité des eaux.
Cela ne permet pas de prendre en compte d’autres types de Ainsi, la loi du 3 janvier 1992 répond à une préoccupation
relations d’interdépendance (amont-aval, ville-campagne, urbain- nouvelle et forte devant la dégradation croissante de la ressource en
rural), ni des valeurs de l’eau qui ne seraient pas inscrites dans un eau, et traduit la volonté de mieux maîtriser la pollution, notamment
circuit économique. pour garantir les usages domestiques tels que l’alimentation en eau

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Protection du littoral en France


par Jade ISIDORE
Ingénieur agronome de Montpellier SupAgro
Chargée des études et de la communication scientifiques au Conservatoire du littoral
Cette édition est une mise à jour de l’article de Violaine CHENAT de même titre paru
en 2005.

1. Données générales sur le littoral français ................................. C 4 695v3 – 2


1.1 Informations géographiques.............................................................. — 2
1.2 Démographie des zones côtières ....................................................... — 3
1.3 Urbanisation littorale ......................................................................... — 3
1.4 Plaisance et trafic maritime................................................................ — 3
1.5 Agriculture littorale ............................................................................ — 4
1.6 Évolution des faciès littoraux............................................................. — 4
1.6.1 Régression des zones humides ............................................... — 4

4
1.6.2 Érosion et submersion des côtes ............................................ — 5
2. Protections réglementaires du littoral ....................................... — 6
2.1 Principales dispositions réglementaires ............................................ — 6
2.1.1 Loi sur la protection de la nature du 10 juillet 1976 ............... — 6
2.1.2 Instruction du 4 août 1976 et directive d’aménagement
national du 25 août 1979 ......................................................... — 7
2.1.3 Loi littoral du 3 janvier 1986 .................................................... — 7
2.1.4 Loi du 2 février 1995 renforcement de la protection
de l’environnement (loi Barnier) ............................................. — 8
2.1.5 Loi du 14 avril 2006 – Parcs nationaux
Parcs naturels marins et Parcs naturels régionaux ................ — 9
2.1.6 Lois planification et aménagement du territoire .................... — 9
2.1.7 Loi démocratie de proximité du 27 février 2002..................... — 10
2.2 Prescriptions de protection réglementaire ........................................ — 11
2.2.1 Prescriptions à l’initiative de l’État ......................................... — 11
2.2.2 Prescriptions à l’initiative des collectivités territoriales ......... — 12
3. Protection par la maı̂trise foncière ............................................. — 14
3.1 Protection par une personne publique .............................................. — 14
3.1.1 Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres .... — 14
3.1.2 Espaces naturels sensibles des départements ....................... — 16
3.2 Protection par une personne privée .................................................. — 17
3.2.1 Conservatoires régionaux des espaces naturels .................... — 17
3.2.2 Fondations ............................................................................... — 17
4. Protection conventionnelle des zones d’intérêt écologique.. — 17
4.1 Convention de gestion d’un site appartenant à l’État....................... — 17
4.2 Autres protections par actes conventionnels
Opérations grand site (OGS).............................................................. — 18
4.3 Zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique
(ZNIEFF) .............................................................................................. — 18
5. Protection issue d’un engagement international ..................... — 18
5.1 Convention de Ramsar ....................................................................... — 18
5.2 Conservation des zones écologiques d’intérêt communautaire....... — 18
5.3 Mesures d’incitation financières de l’Union européenne ................. — 19
5.4 Organismes de coopération internationale ....................................... — 20
5.4.1 Réseau Eurosite ....................................................................... — 20
5.4.2 Réseau EUCC ........................................................................... — 20
5.4.3 Union internationale pour la conservation de la nature ........ — 20
5.5 Politique européenne de gestion du littoral – GIZC .......................... — 20
6. Conclusion........................................................................................ — 21
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. C 4695v3
Parution : mai 2010

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PROTECTION DU LITTORAL EN FRANCE ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

C ette édition est une mise à jour de l’article de Violaine CHENAT, de même
titre, paru en 2005.
La France dispose d’un important linéaire côtier qui lui donne une ouverture,
aussi bien sur le monde méditerranéen et les pays du Sud, que sur l’Europe du
Nord et les pays atlantiques. Les départements français d’outre-mer, pour leur
part, sont répartis sur presque toutes les mers du globe, ce qui donne d’ailleurs
à la France la place de deuxième espace maritime mondial. Ce privilège ne doit
pas seulement être évalué en termes de puissance économique, stratégique et
politique, il se traduit également par une richesse patrimoniale aussi bien éco-
logique que paysagère, qui contribue pour beaucoup à la qualité de vie des
Français et à l’image de la France à l’étranger.
Ligne de contact entre la terre et la mer, et point de rencontre entre les eaux
douces et salées, le rivage, comme toutes les interfaces, est un lieu de grande
diversité biologique et rassemble une variété extrême de milieux naturels :
marais salés, vasières, zones humides, etc.
La diversité des reliefs, des climats, de la végétation, a façonné une grande
variété de paysages, dont certains ont acquis une réputation mondiale. C’est le
cas notamment de la pointe du Raz, de la baie du Mont-Saint-Michel, des falai-

4
ses d’Etretat, des marais salés atlantiques, des calanques de Marseille et Cassis,
du golfe de Porto, du lagon de Mayotte.
Si le littoral français est particulièrement riche, il est également menacé et
l’État porte la responsabilité importante de faire en sorte qu’il puisse être
légué en bon état de conservation aux générations futures.
Fait nouveau, la plupart des acteurs économiques et des élus locaux sont
convaincus que la protection des espaces naturels de bord de mer constitue
un atout essentiel pour assurer un développement économique durable des
régions littorales. Le site naturel protégé est une « infrastructure » touristique,
au même titre que les équipements hôteliers ou les infrastructures routières.
Les espaces naturels sont également des espaces de vie et des espaces de
liberté.

1. Données générales 1.1 Informations géographiques


sur le littoral français La longueur des côtes dépend des méthodes de calcul utilisées
par les géographes. Elle varie en fonction de l’échelle des cartes et
du choix de la ligne à mesurer (ligne du 0 hydrographique, niveau
Le littoral, zone de contact entre terre et mer, rassemble des IGN 69 pour le continent ou IGN 78 pour la Corse, niveau moyen de
milieux extrêmement variés et convoités. Les zones estuariennes, la mer ou ligne de côte), ainsi qu’avec les détails que l’on décide
les côtes sableuses ou rocheuses, les zones humides et les marais d’intégrer dans le parcours du curvimètre. On peut effectuer une
maritimes, présentent bien souvent, en plus de leurs attraits écolo- mesure à marée basse en intégrant le contour de chaque rocher
giques, des intérêts économiques. ou anfractuosité du rivage ou au contraire tirer des lignes droites
Aussi est-il indéniable de constater que la grande variabilité du entre différents points saillants du rivage.
littoral constitue sa richesse. Sur ces rivages en perpétuelle évolu- Il est désormais habituel de se baser sur le chiffre calculé par dif-
tion, il est très délicat de distinguer les espaces « naturels » des férents services de l’Administration à partir de cartes au 1/100 000e
milieux artificialisés. qui aboutit à une longueur totale de 5 533 km pour les rivages mari-
times métropolitains, en incluant les ı̂les discernables à cette échelle.
On note, toutefois, les actions combinées de plusieurs facteurs
qui contribuent à fragiliser le littoral : les pressions anthropi- & Longueur des côtes
ques croissantes (urbanisation, densités élevées de population,  La longueur des côtes se décompose de la façon suivante :
développement des activités industrielles et touristiques…), les
mouvements géomorphologiques naturels (notamment le – Côte d’Opale : 232 km ;
recul du trait de côte) et l’occurrence des phénomènes climati- – Haute-Normandie : 167 km ;
ques extrêmes liés au changement climatique. – Basse-Normandie : 471 km ;
– Bretagne : 1 772 km ;
– Centre Ouest-Atlantique : 732 km ;
Exemples – Le recul des falaises hautes-normandes et picardes, – Aquitaine : 456 km ;
de 6 m en moyenne sur la période 1966-1995, en est une illustration, – Languedoc-Roussillon : 214 km ;
comme la dégradation des récifs coralliens en outre-mer, ou encore – Provence-Côte d’Azur : 687 km ;
le déclin de la mangrove… – Corse : 802 km.

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–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– PROTECTION DU LITTORAL EN FRANCE

 À ces chiffres, il convient d’ajouter 12 602 km de trait de côte 2006), la population sur la partie arrière des cantons littoraux a très
pour l’outre-mer dont : fortement progressé (+ 56 %) avec une accélération depuis 1999.
– 720 km pour les trois départements d’Amérique (Guadeloupe, Cette progression du peuplement littoral dans l’arrière-pays est
Guyane et Martinique) ; très certainement liée au coût et à la raréfaction du foncier cons-
– 460 km pour le département de la Réunion ; tructible dans les communes littorales.
– 135 km à Mayotte ;  Écarts de densité de population importants selon les départe-
– 4 497 km en Polynésie ; ments littoraux
– 3 367 km en Nouvelle-Calédonie ;
– 120 km à St Pierre et Miquelon ; Le peuplement littoral présente d’importantes disparités. Les
communes littorales des Alpes-Maritimes arrivent très largement
– 160 km à Wallis et Futuna ;
en tête avec une densité de 2 600 habitants par km2. La densité de
– 2 709 km dans les terres australes et antarctiques françaises
population des communes littorales des Pyrénées-Atlantiques ou
(TAAF).
du Nord dépasse les 800 habitants par km2, alors que les densités
 Le littoral français compte : de population des communes littorales de Corse, des Landes ou de
la Gironde avoisinent les 60 habitants par km2.
– 1 948 km de côtes sableuses (35,2 % du linéaire total) ;
– 1 316 km de marais et de vasières (23,7 %) ;
– 2 269 km de côtes rocheuses (41 % dont 13 % de falaises) 1.3 Urbanisation littorale
(Source : IGN).
Depuis 1990, 12 % en moyenne des superficies en logement
La Bretagne, qui arrive en tête des régions littorales pour l’impor- construites chaque année en France le sont sur la bande littorale
tance de son linéaire côtier (1 772 km), offre également une remar- qui ne représente que 4 % du territoire.
quable diversité de types morphologiques de côtes, puisqu’elle dis-
pose de 437 km de côtes sableuses, 573 km de marais et de & La pression de la construction est donc 2,5 fois plus forte sur le

4
vasières, et de 762 km de côtes rocheuses, ces chiffres étant en littoral que la moyenne métropolitaine. En dehors des opérations
valeur absolue supérieurs à ceux des autres régions françaises. de densification du tissu urbain, ces constructions se font surtout
au détriment des terres agricoles et des milieux naturels. Le littoral
& Les ı̂les breton concentre à lui seul 30,2 % des surfaces de logements cons-
Louis Brigand [1], enseignant-chercheur à l’université de Bre- truits sur le littoral en 2006. La construction y a augmenté de près
tagne occidentale, a dénombré pour la France métropolitaine de 40 % entre 2003 et 2006. Elle a aussi augmenté sur le littoral de
1 260 ı̂les et ı̂lots qui couvrent une superficie totale de 23 000 ha. la façade Manche-Mer du Nord et de Corse.
Parmi eux, 891 (dont 13 habités en permanence) concernent les À l’opposé, la construction annuelle de logements semble sta-
côtes de la Manche et de l’Atlantique et 369 la Méditerranée (dont gner depuis 2000 sur le littoral de Provence-Alpes-Côte d’Azur, du
125 ı̂lots uniquement pour la Corse). 75 % de ces ı̂les ont une super- Languedoc-Roussillon et de l’Aquitaine.
ficie inférieure à 1 ha, 20 % ont une superficie comprise entre 1 et
21 ha, et 5 % ont une superficie supérieure à 20 ha. & La capacité d’hébergement touristique des communes littorales
représente, par ailleurs, près de 40 % de la capacité française (soit
De nombreuses ı̂les sont regroupées au sein d’archipels. C’est le 2 M de lits), sur seulement 4 % de la superficie du territoire. Les
cas notamment pour Chausey, les Sept-ı̂les, Molène, les Glénan, modes d’hébergement y sont inégalement représentés.
Riou, les Sanguinaires, les Cerbicales, ou les Lavezzi.
 Au début des années 1990, les communes littorales concen-
traient, par rapport à la capacité d’hébergement totale du territoire
1.2 Démographie des zones côtières national, un cinquième des chambres d’hôtel, près du tiers des rési-
dences secondaires, et près de la moitié des places de camping.
Les communes littorales, dont la liste est définie par la loi Littoral
 Au cours de la décennie 1990/1999, la capacité d’accueil touris-
de 1986, représentent 4 % de la superficie du territoire national
tique des communes littorales a augmenté deux fois plus vite que
(21 786 km2), et les cantons littoraux 7,3 % (39 948 km2).
dans l’ensemble des communes françaises, principalement à cause
En métropole, on dénombre 970 communes littorales dont de l’engouement pour les résidences secondaires. La construction
883 maritimes et 87 en bord d’estuaires (principalement situées de résidences secondaires représente 17 % des surfaces de loge-
sur la Seine, la Loire, la Charente et la Gironde) c’est à dire situées ments construits sur le littoral.
entre la limite de salure des eaux et la limite transversale à la mer.
 Sur la période 1988/1998, une résidence secondaire occupe en
& La démographie des zones côtières se caractérise par les trois moyenne 1 337 m2, mais cette superficie est passée de 700 m2, en
éléments principaux que sont : 1988, à 1 763 m2, en 1998.
– une densité de population supérieure à la moyenne nationale ; & Qu’il s’agisse de la croissance de la population, de la capacité
– une concentration de la population sur le littoral ; d’accueil hôtelier ou du nombre de résidences secondaires, les
– des écarts importants de densité de population. dynamiques les plus fortes concernent essentiellement la façade
méditerranéenne continentale. La côte Atlantique, du Pays Basque
 Densité de population largement supérieure à la moyenne
à la Bretagne, connaı̂t également des évolutions rapides.
nationale
La densité de population des communes littorales, 272 habitants Plus au nord, les zones de croissance sont plus limitées dans
par km2, est deux fois et demie supérieure à celle du territoire l’espace : département du Calvados, Basse-Seine et Côte d’Opale
principalement. Les pressions d’urbanisation avivent les conflits
national, 113 habitants par km2. Cette part est sensiblement la
sur l’utilisation de l’espace littoral, notamment dans les régions où
même depuis le début des années 1980.
les espaces naturels remarquables sont les plus nombreux entre
 Concentration de la population dans les communes littorales 1990 et 2006, cette part étant de 4,5 % pour l’ensemble du territoire
On compte trois fois plus d’habitants dans les communes littora- métropolitain.
les que dans celles situées dans l’arrière pays (82 hab/km2) qui cor-
respondent aux communes non littorales des cantons littoraux.
1.4 Plaisance et trafic maritime
En revanche, alors que la croissance des communes littorales est
sensiblement équivalente à la croissance moyenne observée au L’essor que connaissent les activités nautiques depuis les vingt
niveau national durant la même période (+ 25 % entre 1968 et dernières années ne vient que conforter les pressions sur le littoral.

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De plus, qu’il s’agisse d’extensions portuaires, de projets immo- Finistère a perdu 12 600 ha de terres agricoles entre 1979 et 1988,
biliers ou commerciaux, de perturbation du bilan sédimentaire des ce qui correspond en valeur absolue à la plus forte régression de
côtes sableuses, le développement des activités portuaires n’est SAU avec 68 000 ha de perdus de 1970 à 2000. Seule la SAU de la
pas sans poser de problème sur le littoral. En vingt ans, le nombre façade aquitaine se maintient. Le littoral perd donc peu à peu sa
de bateaux de plaisance a doublé. vocation agricole : 40 % des terres agricoles littorales ont disparu
Plus de 20 000 bateaux, dont 80 % de bateaux à moteur, sont depuis 1970.
immatriculés en moyenne chaque année. En 2008, on dénombre
environ 907 000 bateaux immatriculés en métropole et 31 300 en
outre-mer.
1.6 Évolution des faciès littoraux
Les phénomènes de saturation se multiplient donc le long des 1.6.1 Régression des zones humides
côtes françaises, particulièrement en Bretagne et en Pays de la Les zones humides couvrent 1,5 millions d’hectares, soit 3 % du
Loire. Les « mouillages spontanés » sont désormais un nou- territoire national (Source : ministère de l’Écologie et du Dévelop-
veau fléau pour le Golfe du Morbihan où ils représentent 50 % pement durable). On en compte 152 d’importance majeure dont
des 4 000 à 5 000 mouillages individuels recensés. 61 sur le littoral. Les deux plus grandes zones humides littorales
concernent l’ensemble marais poitevin, baie de l’Aiguillon, Arçay
Le trafic portuaire métropolitain, dominé par les échanges et Ré (120 000 ha) et la Petite Camargue (120 000 ha).
d’hydrocarbures (149 Mt en 1999, soit 44,7 % du trafic total), a qua-
& Les estuaires offrent des zones humides particulièrement
druplé en 40 ans, passant de 84 Mt en 1960 à 333 Mt en 1999. Ce
développement, insuffisamment contrôlé, comporte de nombreux étendues :
risques : – 30 000 ha pour les rives de Canche et l’estuaire de la Somme ;
– le 12 décembre 1999, le naufrage du pétrolier Erika, à 70 km au – 30 000 ha pour l’estuaire et les marais de la Seine ;
large de Penmarc’h (Finistère) affecte de manière plus ou moins – 30 000 ha pour les marais de l’estuaire de la Gironde ;

4 intense 450 km de côtes (déversement de 20 000 t de fioul lourd) ; – 50 000 ha pour l’ensemble constitué par l’estuaire de la Loire,
– le 31 octobre 2000, le chimiquier Ievoli Sun, transportant 6 000 t les marais de Brière et Grand-Lieu.
de produits chimiques, sombre à 35 km du Cap de la Hague
(Manche) ;
Ce que l’on appelle les zones humides, c’est-à-dire les marais
– le 13 novembre 2002, le fioul échappé du pétrolier Prestige pol-
littoraux, les vasières salées ou saumâtres, les lagunes, les tour-
lue les côtes espagnoles, portugaises, françaises…
bières, les rives d’estuaires, possèdent une exceptionnelle
Ces accidents ne représentent pourtant qu’une partie minime de richesse biologique.
l’ensemble des déversements en mer (dégazage et déballastage).
Des mesures réglementaires devront être adoptées pour contrer & Les marais littoraux sont parmi les zones les plus productives du
ce phénomène. globe, certains d’entres eux peuvent produire annuellement plus de
40 t de matière sèche à l’hectare (cas des herbus avec obione).
Cette production de matière organique, puis sa décomposition,
Notons la récente application de l’article 1er de la loi relative à enrichit le milieu marin. On estime que près de 90 % de ce qui vit
la création d’une zone de protection écologique au large des en mer se reproduit le long des côtes. Les plus importantes zones
côtes du territoire de la République, votée à l’unanimité et adop- conchylicoles de France se sont développées au contact des marais
tée par le Parlement le 15 avril 2003. de grande superficie : baie des Veys, marais de Carentan, baie du
Cette loi a pour objectif de permettre à l’État de sanctionner Mont-Saint-Michel, baie de l’Aiguillon, marais poitevin, Marennes-
les faits de pollution commis dans cette zone par des navires Oléron, marais saintongeais…
de toutes nationalités. Le décret n 2004-33 du 8 janvier 2004
institue une zone de protection écologique en mer Méditerranée Les zones humides sont des sites de repos ou de nidification
et en fixe les limites. pour l’avifaune migratrice (50 % des espèces d’oiseaux en
dépendent). La baie du Mont-Saint-Michel possède, par exem-
ple, les plus fortes populations hivernales de bécasseaux mau-
1.5 Agriculture littorale bèches des côtes européennes.
Richesse internationale, l’avifaune migratrice est également un
L’agriculture littorale subit des pressions foncières importantes et indicateur de la qualité des milieux.
répercute souvent plus fortement les problèmes rencontrés par
l’agriculture en France métropolitaine : & Les zones humides ont également une influence tout à fait
– diminution importante du nombre d’exploitations ; déterminante dans :
– âge des exploitants en augmentation ; – la régulation des ressources en eau ;
– difficulté de reprise ; – le rechargement des nappes phréatiques ;
– augmentation du prix des terres. – la prévention des inondations ;
– l’autoépuration des eaux par filtration biologique ;
Les surfaces agricoles diminuent fortement sur la frange littorale,
– la stabilisation et la protection des sols.
alors qu’elles jouent un rôle essentiel de production, mais aussi de
maintien des équilibres dans l’aménagement du territoire. Les zones humides, fait remarquer Jean-Claude Lefeuvre [2], Pro-
L’agriculture est clairement l’activité traditionnelle des littoraux. fesseur au Muséum national d’histoire naturelle et Président du
Elle y occupe encore près de la moitié de l’espace (45 %), soit envi- conseil scientifique du Conservatoire du littoral, sont en régression
ron 700 000 hectares. Et on y compte environ 50 000 exploitations constante : « En Bretagne, en moins de cinquante ans, 65 % des
agricoles, ce qui représente 1/10 du nombre total des exploitations zones humides ont été détruites par poldérisation, sous les rem-
de France. Mais, la régression de la Surface agricole utile (SAU) est blais des zones industrielles, des parkings, des ports de plaisance...
très forte sur le littoral : la SAU a chuté de 20 %, entre 1970 et 2000, Les vasières de l’estuaire de la Loire, comblées pour les besoins du
contre 6,8 % à l’échelle nationale, soit 3 fois plus vite. port autonome, ne seront bientôt plus qu’un souvenir ».
Les plus forts niveaux de régression sont constatés sur le littoral & Depuis quelques années, de nombreuses actions ont été entre-
de PACA : les Alpes-Maritimes ont vu leur SAU divisée par 2 dans prises pour contrer la dégradation de ces milieux (tableau 1). En
la décennie 1980, mais aussi celui du Languedoc-Roussillon. Le 1995, le Gouvernement a adopté le « plan national d’action pour

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–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– PROTECTION DU LITTORAL EN FRANCE

Tableau 1 – Mesures de protection des zones humides « d’importance majeure »


Protections réglementaires Autres protections

Nationales (1) Internationales (2) Nationales (3) Internationales (4) Total

Zone humide Surface Surface Surface Surface Surface

(en ha) (en %) (en ha) (en %) (en ha) (en %) (en ha) (en %) (en ha) (en %)

ZH littoral atlantique 29 234 4,8 148 422 24,2 35 300 5,8 99 997 16,3 229 972 37,5

ZH littoral
25 114 13,2 23 615 12,4 83 546 44,0 109 342 57,6 120 500 63,5
méditerranéen

ZH vallées alluviales 20 727 2,5 30 694 3,8 86 396 10,6 49 804 6,1 123 916 15,1

ZH plaines
11 175 1,3 13 414 1,5 207 272 23,2 318 811 35,7 402 815 45,2
intérieures

Total ZH 86 250 3,4 216 144 8,6 412 514 16,4 577 953 23,0 877 203 34,9
(1) CELRL (1997), réserve naturelle (1999), réserve naturelle volontaire (1997), réserve nationale de chasse et de faune sauvage (1998), arrêté de biotope (1997),
zones centrales des parcs nationaux (1999).
(2) Zone de protection spéciale (1999).
(3) Parc naturel régional (1999), zones périphériques des parcs nationaux (1999).
(4) Ramsar (1998).
4
les zones humides », destiné à reconquérir les sites d’intérêt natio- zones humides sont des milieux insalubres qu’il faut assainir au
nal. Ce plan a conduit notamment à la création d’un observatoire profit d’activités économiques plus rentables.
national des zones humides (ZH) et à la conduite de projets de Par ailleurs, la création d’un parc national en « zone humide » est
recherche. Des moyens ont été progressivement mis en œuvre actuellement à l’étude.
pour contribuer à la protection des ZH, comme :
– les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux 1.6.2 Érosion et submersion des côtes
(SDAGE) ;
– le recours aux instruments juridiques (réserves, arrêtés de pro- L’accélération du réchauffement de la basse atmosphère terres-
tection de biotopes, Natura 2000) ; tre, très probablement liée aux activités humaines (+ 1  C en un siè-
– les labels internationaux (convention de Ramsar) ; cle), devrait avoir des répercussions sur l’évolution des côtes dans
– ou encore la mise en œuvre des mesures agri- le courant des prochaines décennies.
environnementales.
Même en diminuant de façon drastique les émissions de gaz à
Plus récemment, la définition des schémas de cohérence terri- effet de serre, la température augmenterait car le climat de
toriale (SCOT) et l’inscription obligatoire des zones humides 2020/2030 est déjà programmé. Il est indépendant de ce que
dans les documents d’urbanismes viennent consolider les l’on va injecter dans l’atmosphère ces 10/20 prochaines années
efforts de protection de ces milieux sensibles. (effet d’inertie). Les efforts faits les prochaines décennies
auront un effet sur le climat de la fin du XXIe siècle.
& Le comité interministériel de l’évaluation des politiques publi-
ques (CIME) a effectué, en réponse à une demande du ministre de La montée du niveau des mers est la signature du réchauffement
l’Environnement du 21 mars 1991, un bilan de la protection des global. L’augmentation moyenne annuelle, observée depuis 1993,
zones humides en France qui concerne 76 des 82 zones humides est de 3,3 mm, mais d’importantes variations (jusqu’à 10 cm) sont
françaises d’importance nationale, représentant les différents observées localement (dilation inhomogène de l’eau, courants,…).
types de milieux humides du territoire métropolitain.
Selon les estimations contenues dans le dernier rapport du
 Au cours des trente dernières années : Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat,
– 64 zones enquêtées et expertisées, soit 85 % de l’échantillon on peut prévoir une augmentation de 20 à 60 cm d’ici 2100, et plu-
retenu, ont connu une forte dégradation (parmi ces zones, 12 ont sieurs mètres d’ici quelques siècles. Même avec un climat stabilisé,
subi des atteintes majeures à leur fonctionnement et perdu plus l’eau continuera de monter à cause de l’inertie des océans.
de 50 % de leur superficie) ; Ces estimations sont actuellement contestées, car elles ne pren-
– 9 zones sont restées stationnaires, ou ont été légèrement nent pas en compte la fonte des glaces de mer (Groenland, Arc-
atteintes ; tique) qui contribue à une amplification du phénomène de 10 %,
– seulement 3 zones ont vu leur état s’améliorer et leur superficie mais seulement la fonte des glaciers terrestres (45 %) et la dilata-
s’accroı̂tre. tion thermique des océans (45 %).
Le rapport d’évaluation faisait apparaı̂tre les aspects négatifs dus Suite à l’accélération prévue pour l’élévation du niveau de la
à l’absence de coordination des politiques publiques concernant mer, les effets attendus sont « une extension des submersions tem-
les zones humides, dénonce les opérations systématiques réalisées poraires et permanentes, une exacerbation des érosions sur les
par les services de l’État d’assèchement et de poldérisation menées rivages, une accentuation de la salinisation des eaux souterraines
pour les besoins de l’agriculture, la réalisation d’équipements et et des sols. » [3].
d’infrastructures, préjudiciables aux zones humides et, surtout,
l’absence complète de « culture écologique » de fonctionnaires et & L’érosion du littoral est un phénomène naturel (marées, houles,
d’élus qui persistent à penser, comme au siècle dernier, que les vents, surcôtes), mais peut être accentué par les activités

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Protection juridique des milieux


aquatiques

par Marion de BARBEYRAC


Juriste droit de l’environnement/droit public
Veolia Eau France (direction juridique)
Gaëlle MISEREY
Responsable juridique droit de l’environnement
Veolia (direction juridique)
et Christelle PAGOTTO
Chef de projet « qualité assainissement »
Veolia Eau France (direction technique)

Note de l’éditeur : cet article est la réédition actualisée de l’article intitulé « Protection
juridique et réglementaire des milieux aquatiques » rédigé par Christelle PAGOTTO, Magali
4
DECHESNE et Gaëlle MISEREY, paru en 2009

1. Principes de la protection de l’environnement


et des milieux aquatiques.................................................................. W 1 700v2 - 2
1.1 Aperçu historique en France et en Europe ............................................ — 2
1.2 Directive cadre sur l’eau (DCE) ............................................................... — 6
1.3 Principes de la politique de l’eau en France .......................................... — 9
2. Gestion concertée, planifiée et financée
des milieux aquatiques....................................................................... — 10
2.1 Nécessité d’agir en concertation ............................................................ — 10
2.2 Planification et programmation.............................................................. — 13
2.3 Financement et incitation........................................................................ — 17
3. Prélèvements et rejets réglementés et contrôlés....................... — 19
3.1 Installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) .. — 20
3.2 Installations ouvrages travaux activités (IOTA)..................................... — 23
3.3 Activités non classées ............................................................................. — 27
4. Un arsenal répressif dissuasif .......................................................... — 27
4.1 Délits de pollution des eaux.................................................................... — 27
4.2 Autres infractions pénales en matière d’eau......................................... — 31
5. Conclusion ............................................................................................. — 32
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. W 1 700v2

ongtemps, on a considéré que la nature avait une forte capacité à se res-


L taurer face aux multiples agressions de l’homme. Il en allait ainsi des
milieux aquatiques, récepteurs de nombreux rejets (urbains, agricoles, indus-
triels) que l’on dotait d’une grande capacité auto-épuratoire. C’était en partie
vrai tant que les pollutions restaient faibles, ponctuelles et dispersées. Or, la
croissance démographique et le développement économique ont conduit à
exercer sur les milieux aquatiques des pressions telles que leurs aptitudes à se
régénérer ont été dépassées avec, pour conséquence, une dégradation de la
qualité des masses d’eau engendrant des risques pour la santé humaine et les
écosystèmes aquatiques. Pour tenter d’enrayer ce processus et reconquérir la
qualité des eaux, sachant que les enjeux économiques ne sont pas toujours en
adéquation avec les enjeux environnementaux, depuis les années 1960, une
Parution : février 2017

réglementation européenne et française a été mise en place pour protéger

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PROTECTION JURIDIQUE DES MILIEUX AQUATIQUES ______________________________________________________________________________________

l’environnement et en particulier les milieux aquatiques. Elle ne cesse de se


renforcer, sous l’impulsion de l’Union européenne et de ses États membres,
conscients de la valeur de la ressource en eau et des milieux aquatiques.
Cet article a pour objectif de faire un point sur la protection juridique des
milieux aquatiques, 15 ans après la publication de la directive cadre sur l’eau
du 23 octobre 2000 (DCE) et 10 ans après sa transposition par la loi sur l’eau et
les milieux aquatiques du 30 décembre 2006 (LEMA). En particulier, il dresse
un aperçu historique des principaux textes européens et français et de leurs
apports respectifs, il présente les principes d’une gestion équilibrée et durable
de l’eau en France qui en découlent, l’ensemble des acteurs publics et privés et
les outils existants (planification/programmation et financiers) pour les mettre
en œuvre. Il met également l’accent sur la réglementation applicable aux rejets
et aux prélèvements, et sur la protection pénale des milieux aquatiques.
Texte mis à jour le 30 janvier 2017.

Cet article porte essentiellement sur les eaux douces superficielles et souterraines et traite
plus succinctement les eaux marines. Cette étude se base sur l’ensemble des textes législatifs
et réglementaires tant au niveau européen que national ainsi que les textes relatifs à la
répression pénale associée.

4
1. Principes de la protection toutes les installations pouvant présenter des dangers ou des
inconvénients pour la commodité, la santé, la sécurité, la salubrité
de l’environnement publique, l’agriculture, l’environnement, la conservation des sites
et des monuments. Ces installations et activités sont inscrites dans
et des milieux aquatiques une nomenclature, et doivent obtenir une autorisation préfecto-
rale, ou être déclarées avant leur mise en service, suivant la gravité
des dangers ou inconvénients qu’elles peuvent présenter. Elles
En France, les années 1960 marquent l’adoption des premières sont soumises à des prescriptions techniques (§ 3.1) définies par
grandes lois sur la protection de l’eau (en 1964 puis en 1992), sur arrêté préfectoral.
la protection de la nature et sur les installations classées (en 1976)
qui mettent en place les grands principes fondateurs applicables, Viennent ensuite, dans les années 1990, les grands principes
pour la plupart, aujourd’hui encore. Avec ces diverses lois, le droit généraux du droit de l’environnement instaurés en droit fran-
français est un des « moteurs » du droit communautaire en çais par la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforce-
matière d’environnement qui va fortement s’en inspirer (§ 1.1). ment de la protection de l’environnement (loi « Barnier »), dont les
quatre grands principes suivants, codifiés à l’article L. 110-1 du
En Europe, ce n’est qu’à partir des années 1980 que le droit com- code de l’environnement (voir encadré 1) :
munautaire va se saisir du droit de l’environnement et mettre en
– le principe de précaution, selon lequel l’absence de certi-
place un cadre juridique commun aux États membres dans diffé-
tudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques
rents domaines et en particulier dans celui de la ressource en eau,
du moment, ne doit pas retarder l’adoption de mesures effectives
avec la directive cadre sur l’eau (DCE) en octobre 2000 (§ 1.2) dont
et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages
découlent les actuels principes de la politique de l’eau en France
graves et irréversibles à l’environnement, à un coût économique-
(§ 1.3).
ment acceptable ;
– le principe d’action préventive et de correction, par prio-
rité à la source, des atteintes à l’environnement, en utilisant les
1.1 Aperçu historique en France meilleures techniques disponibles (MTD) à un coût économique-
et en Europe ment acceptable ;
– le principe « pollueur-payeur », selon lequel les frais résul-
tant des mesures de prévention, de réduction et de lutte contre la
1.1.1 Protection de l’environnement pollution doivent être supportés par le pollueur ;
– et le principe de « participation », selon lequel chaque
1.1.1.1 En France citoyen doit avoir accès aux informations relatives à l’environne-
Les premiers textes majeurs relatifs à la protection de l’envi- ment.
ronnement sont adoptés dans les années 1970 dont : Puis, en 2005, une charte de l’environnement a été instituée
– la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la par la loi constitutionnelle du 1er mars 2005. Cette charte est inté-
nature. Cette loi reconnaît d’intérêt général la protection des grée dans le bloc de constitutionnalité du droit français, reconnais-
espaces naturels et des paysages, la préservation des espèces ani- sant ainsi les droits et devoirs fondamentaux relatifs à la
males et végétales, le maintien des équilibres biologiques et la protection de l’environnement.
protection des ressources naturelles ; La loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle
– la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations de l’environnement du 3 août 2009 (dite loi « Grenelle 1 ») et la loi
classées pour la protection de l’environnement (en remplacement portant engagement national pour l’environnement du 12 juillet
de la loi du 19 décembre 1917 relative aux établissements dange- 2010 (dite loi « Grenelle 2 ») sont venues modifier le droit de l’envi-
reux, insalubres ou incommodes). Les installations classées sont ronnement en touchant plusieurs domaines. Ainsi, dans celui de
les usines, les ateliers, les chantiers... et d’une manière générale l’eau, ces lois « Grenelle » visent à réaffirmer l’objectif de bon

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_______________________________________________________________________________________ PROTECTION JURIDIQUE DES MILIEUX AQUATIQUES

Ces grands principes ont été institués par les « lois sur l’eau » :
Encadré 1 – Principes généraux du droit – la loi n° 64-1245 du 16 décembre 1964 relative au régime
de l’environnement (articles L. 110-1 et suivants et à la répartition des eaux et à la lutte contre leur pollution fonde
du code de l’environnement) le système français de l’eau. La France est divisée en sept bassins
hydrographiques en métropole (Adour-Garonne, Artois-Picardie,
Les principes généraux du droit de l’environnement Loire-Bretagne, Rhin-Meuse, Rhône-Méditerranée, Seine-Norman-
reposent sur deux fondements ; l’un constitutionnel avec la die et la Corse) et cinq en outre-mer. Chacun de ces bassins est
charte de l’environnement, l’autre législatif avec l’article doté d’une instance de concertation (comité de bassin constitué
L. 110.1 qui a fait l’objet d’une récente modification avec la loi par trois collèges : les collectivités territoriales, les usagers et per-
n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiver- sonnes compétentes, les représentants de l’État) et d’une agence
sité, de la nature et des paysages. financière (agence de l’eau ou office de l’eau en outre-mer) char-
gée d’une politique financière incitative (aides). Les atteintes à la
Les neuf principes figurant dans cet article sont les
ressource (prélèvements, rejets) font l’objet de redevances et de
suivants :
taxes et un volet pénal contre les pollueurs est mis en place ;
– le principe de précaution ;
– le principe d’action préventive et de correction des – la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l’eau reconnaît la res-
atteintes à l’environnement ; source en eau comme « patrimoine commun de la Nation ». Elle a
– le principe pollueur-payeur ; pour vocation de préserver les écosystèmes aquatiques et les
– le principe selon lequel toute personne a le droit d’accéder zones humides, de protéger et restaurer la qualité des eaux super-
aux informations relatives à l’environnement détenues par les ficielles et souterraines, de protéger, mettre en valeur et dévelop-
autorités publiques ; per la ressource en eau de manière à satisfaire les exigences liées
– le principe de participation ; à la santé publique, aux activités économiques et aux loisirs. Elle
– le principe de solidarité écologique qui appelle notamment dote le bassin d’un instrument de planification, le schéma direc-

4
la prise en compte des interactions des écosystèmes, des teur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) et prévoit
êtres vivants et des milieux naturels ou aménagés ; des schémas d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) au
– le principe de l’utilisation durable, selon lequel la pratique niveau local (§ 2, § 2.2.2 et 2.2.3). Cette loi est à l’origine de la
des usages peut être un instrument qui contribue à la police des IOTA (installations, ouvrages, travaux, activités) et du
biodiversité ; renforcement des règles relatives à l’assainissement des eaux
– le principe de complémentarité entre l’environnement, usées. En complément, la Mission interservices de l’eau (MISE)
l’agriculture, l’aquaculture et la gestion durable des forêts ; regroupe au niveau départemental les services de l’État et les éta-
– le principe de non-régression selon lequel la protection de blissements publics assurant des missions dans le domaine de
l’environnement ne peut faire l’objet que d’une amélioration l’eau. Elle constitue un pôle de coordination des actions et d’infor-
constante, compte tenu des connaissances scientifiques et mation sur la politique de l’eau ;
techniques du moment. – la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les
milieux aquatiques (LEMA) vient compléter cet ensemble et réno-
ver le cadre global de la politique de l’eau en France (encadré 2) ;
état des eaux institué par la directive cadre sur l’eau (§ 1.2), réduire – la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de
l’émission et la dispersion de produits nocifs pour la santé, réduire la biodiversité, de la nature et des paysages est venue récemment
les déchets flottants... renforcer les principes du droit de l’environnement par l’introduc-
tion de nouveaux principes et consacrer la notion de réparation du
1.1.1.2 En Europe préjudice écologique. Elle crée également l’Agence française pour
la biodiversité (qui regroupe l’ONEMA, l’Agence des aires marines
La directive 2004/35/CE du 21 avril 2004 sur la responsabi-
protégées, les parcs nationaux de France et l’Atelier technique des
lité environnementale en ce qui concerne la prévention et la
espaces naturels) et modifie la gouvernance de la politique de
réparation des dommages environnementaux est fondée sur le
l’eau (composition des comités de bassin, attribution des aides des
principe « pollueur-payeur ». Elle met en place un nouveau régime
agences de l’eau...).
de police administrative afin de prévenir et réparer les dommages
graves causés aux espèces et aux habitats naturels protégés, les
dommages affectant les milieux aquatiques ainsi que la pollution 1.1.2.2 En Europe
des sols présentant un risque pour la santé humaine.
La législation européenne comprend environ une trentaine de
Cette directive a été transposée par la loi n° 2008-757 du 1er août directives et règlements européens en lien avec le domaine de
2008 relative à la responsabilité environnementale et à diverses l’eau et les milieux aquatiques ; la principale étant la directive
dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine cadre sur l’eau (DCE) qui est reprise et détaillée ci-dessous (§ 1.2).
de l’environnement (dite « LRE ») et qui traite des dommages qui
affectent gravement l’état écologique, chimique ou quantitatif ou le En effet, depuis les années 1970, ont été publiées diverses
potentiel écologique des eaux. directives sectorielles ou d’usages dans le domaine de l’eau. Parmi
les principales, on peut citer notamment :
– des directives relatives à la protection des eaux destinées à la
1.1.2 Protection de l’eau « production d’eau potable » (75/440/CEE, 79/869/CEE abrogées par
la « DCE ») et à la qualité des eaux destinées à la consommation
1.1.2.1 En France humaine (directive 80/778/CEE abrogée par la directive 98/83/CE en
La politique de l’eau en France est fondée sur quatre grands vigueur aujourd’hui) ;
principes de structuration entre les différents acteurs : – des directives concernant la pollution par les substances dan-
– une approche globale (ou intégrée) tenant compte des gereuses (76/464/CEE, abrogée par la DCE et 80/68/CEE abrogée
équilibres physiques, chimiques et biologiques des eaux superfi- par la directive 2006/118/CEE sur la protection des eaux souter-
cielles et souterraines et des écosystèmes ; raines en vigueur) ;
– un territoire adapté à la gestion des ressources en eaux : le – la directive « eaux de baignade » (76/160/CEE abrogée par la
bassin hydrographique ; directive 2006/7/CE en vigueur) ;
– une concertation entre l’État, les collectivités et les usagers ; – les directives « eaux piscicoles » (78/659/CEE) et « eaux
– des instruments d’incitation économique : les principes conchylicoles » (79/923/CEE) (abrogées par la DCE) ;
« pollueur-payeur » et « usager-payeur ». – la directive « boues d’épuration » (86/278/CEE) ;

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Encadré 2 – Principaux objectifs de la LEMA Encadré 2 – Principaux objectifs de la LEMA


et bilan de 10 ans d’application et bilan de 10 ans d’application (suite)

La LEMA de 2006 visait pour l’essentiel à : – Pour l’eau potable : une des propositions sénatoriales
– répondre aux nouveaux enjeux de la politique européenne serait de soutenir financièrement les collectivités pour lutter
de l’eau, et notamment l’atteinte, en 2015 du bon état des contre les fuites d’eau sur les réseaux d’eau potable et mettre
eaux, fixé par la directive cadre sur l’eau (DCE) (§ 1.2) ; en place un plan d’action visant à acquérir une connaissance
– prendre en compte l’enjeu social en affirmant le droit plus approfondie de ces réseaux, rechercher et réparer les
d’accès à l’eau potable dans des conditions économiquement fuites ou renouveler les conduites.
acceptables par tous ; – Pour les usages agricoles : le rapport souligne un certain
– répondre aux attentes du public en matière de nombre de difficultés concrètes pour la mise en œuvre pra-
transparence ; tique des organismes uniques de gestion collective (OUGC)
– moderniser l’organisation et la gestion des services publics institués par la LEMA (art. L. 211-3 CE) et la création de réser-
d’eau et d’assainissement ; voirs/stockage d’eau dans les secteurs en tension quantitative.
– prendre en compte les effets du changement climatique
pour la gestion de l’eau ; – Plusieurs propositions sénatoriales : sécuriser juridique-
– préserver les milieux aquatiques par une gestion quantita- ment ces OUGC en clarifiant leurs liens avec les irrigants,
tive et qualitative : la LEMA vise à améliorer l’entretien du encourager la recherche en matière de techniques d’accroisse-
milieu aquatique et propose plusieurs mesures pour remédier ment de la ressource en eau (REUSE, désalinisation...).
aux déséquilibres entre les ressources disponibles et la ■ Sur les autorisations uniques pour les projets sou-
demande en eau. Elle vise également à renforcer la lutte mis à la loi sur l’eau

4
contre les pollutions diffuses.
Le rapport souligne qu’une première évaluation des autori-
10 ans après l’entrée en vigueur de cette loi, de nom- sations uniques IOTA a été rendue publique le 26 janvier 2016
breuses avancées sont observées sur ces points mais des axes et a mis en évidence des résultats en deçà de la simplification
de progrès sont également identifiés (simplification des procé- escomptée. Quelques propositions : simplifier les procédures
dures et normes, amélioration de la gouvernance, meilleure de nettoyage des rivières et fossés, raccourcir les délais d’ins-
gestion des aspects qualitatifs...). truction pour les dossiers de création de réserves en eau et les
Le rapport d’information Sénat n° 807, du 20 juillet 2016, sécuriser juridiquement.
fait un bilan de l’application de la LEMA. Le sénateur Rémy
Pointereau dresse un bilan mitigé de son application et propose ■ Sur la gouvernance et la planification
28 axes d’amélioration. Ce rapport intervient deux mois après Le Sénat rappelle que la gouvernance de l’eau est caractéri-
la publication d’un autre rapport du Sénat : « Eau : urgence sée par une grande complexité résultant du nombre d’éche-
déclarée ». lons administratifs, d’organismes et de services et la rendant
Même si la LEMA reste un « jalon structurant de l’organisa- « kafkaïenne, coûteuse et dysfonctionnelle ». Compte tenu de
tion de la politique de l’eau en France », le bilan est mitigé la complexité des SDAGE, il propose de revoir leur contenu en
quant à sa mise en œuvre concrète. Les sénateurs relèvent les y intégrant un volet prospectif sur l’anticipation au change-
points suivants. ment climatique et en les simplifiant. Par ailleurs, une repré-
sentation au sein des instances de bassins est à équilibrer sur
■ Sur la gestion qualité de l’eau la base d’une répartition, un tiers de consommateur/associa-
L’objectif de la DCE sur le bon état écologique de 66 % des tions, un tiers de collectivités et un tiers d’utilisateurs indus-
masses d’eau pour 2015 n’a pas été atteint. Toutefois, le rap- triels et agricoles et enfin attribuer la compétence GEMAPI
port constate que le « thermomètre permettant d’évaluer les (voir § 1.3.4) à l’État, aux régions ou aux agences de l’eau plu-
résultats évolue tous les ans ». Or, des efforts considérables tôt qu’à l’échelon communal.
ont été effectués et sont biaisés par l’ajout de critères supplé-
mentaires et plus restrictifs. Les moyens financiers pour
atteindre les objectifs de la DCE sont insuffisants et en baisse – la directive « eaux résiduaires urbaines » ou « ERU »
compte tenu des prélèvements de l’État sur le fonds de roule- (91/271/CEE) toujours en vigueur ;
ment des agences de l’eau. Le principe de « l’eau paie l’eau » – des directives relatives à la lutte contre les « pollutions
(voir § 1.3.2) est en danger puisque les missions des agences diffuses » : directive « nitrates » (96/676/CEE), directive « produits
de l’eau sont étendues à la biodiversité terrestre. phytopharmaceutiques » (91/414/CEE), la directive « biocides »
(98/8/CE)... (encadré 3).
Le classement des cours d’eaux avec le critère « réservoirs
biologiques » condamnerait 72 % du potentiel hydroélectrique – ...
restant. Or, c’est une filière industrielle importante dans le À partir des années 2000, cet arsenal juridique a été com-
domaine de l’énergie. Quant aux pollutions diffuses, la moitié plété par la directive cadre sur l’eau (DCE) et les directives « filles
des masses d’eau sont dégradées du fait de pollutions diffuses ou associées » (§ 1.2).
d’origines agricoles (nitrates ou pesticides), il serait nécessaire
de renforcer les moyens dédiés à la protection des captages et Divers règlements européens sur les produits chimiques ont
mieux utiliser les moyens du fonds de garantie lié à l’usage des également été pris en raison de l’incidence indirecte des subs-
boues d’origine résiduaire mis en place par l’article 45 de la tances chimiques qui se retrouvent in fine dans le milieu naturel :
LEMA. – le règlement (CE) n° 1907/2006 du 18 décembre 2006
■ Sur la gestion quantitative de l’eau concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des
substances chimiques (REACH) qui vise à prévenir les risques sani-
Le Sénat rappelle qu’un des défis essentiels de la politique de taires et environnementaux liés à la fabrication et à l’utilisation de
l’eau concerne la quantité disponible sur les territoires français substances chimiques ;
et la conciliation harmonieuse des usages entre l’eau potable – le règlement (CE) 1272/2008 du 16 décembre 2008 rela-
destinée à la consommation, l’eau utilisée pour le développe- tif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage (CLP – Classifi-
ment des cultures et de l’irrigation, l’eau utilisée dans le secteur cation, Labelling, Packaging) qui harmonise, quant à lui, les
de l’industrie et dans le secteur de l’énergie. Ces usages dispositions existantes et les critères concernant la classification,
peuvent, de manière conjoncturelle, entrer en conflit. l’emballage et l’étiquetage des substances dangereuses.

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Encadré 3 – Lutte contre les pollutions diffuses Encadré 3 – Lutte contre les pollutions diffuses
d’origines agricoles d’origines agricoles (suite)

Les pollutions diffuses liées à l’utilisation de fertilisants et de Comme pour les nitrates, ces dispositions sont longtemps
produits de traitement des cultures concernent des millions restées sans écho. Il n’existe pas aujourd’hui de réglementa-
d’hectares en France. Largement reconnues, ces pollutions tion nationale spécifique sur le contrôle de la pollution diffuse
contribuent à la contamination des milieux aquatiques et par le phosphore d’origine agricole. Toutefois, des réglemen-
posent des problèmes tant écologiques (eutrophisation, éco- tations locales s’appliquent en fonction des enjeux locaux, là
toxicité) que sanitaires (contamination d’eaux destinées à la où des problèmes liés au phosphore d’origine agricole ont été
consommation humaine). Dès 1984, les ministères de l’Agri- identifiés. D’autre part, d’autres réglementations contribuent à
culture et de l’Environnement créent le CORPEN, chargé d’éla- la maîtrise des risques de contamination des eaux par le phos-
borer des recommandations sur les pratiques agricoles. Son phore d’origine agricole, et notamment :
domaine d’action visait initialement la pollution de l’eau par – les conditions applicables au stockage et à l’épandage des
les nitrates et les phosphates, et a été étendu depuis 2001 aux effluents d’élevage, en application des programmes d’actions
pratiques agricoles respectueuses de l’environnement. nitrates et de la réglementation des ICPE ;
La politique de lutte contre les pollutions diffuses porte prin- – les bandes tampons le long des cours d’eau imposées par
cipalement sur les nitrates et les pesticides. Elle s’appuie sur la conditionnalité de la PAC et par les programmes d’actions
une combinaison de dispositifs réglementaires, économiques nitrates ;
et volontaires et en particulier a été largement poussée par les – la couverture des sols à l’automne (cultures intermédiaires
directives européennes (directives « nitrates », « produits pièges à nitrate) imposée dans le cadre des programmes
phytopharmaceutiques », « biocides »...). d’actions nitrates en zones vulnérables.
Cet encadré présente dans les grandes lignes les principaux La réglementation locale sur le phosphore agricole est prin-
textes européens et leur transposition en France. En revanche, cipalement définie dans le cadre des schémas directeurs
les outils économiques (éco-conditionnalité de la PAC (poli-
tique agricole commune), mesures agro-environnementales et
climatiques, TGAP, redevances...) et dispositifs volontaires mis
en place par ailleurs (opérations Ferti-Mieux...), nombreux et
d’aménagement et de gestion des eaux, adoptés en applica-
tion de la DCE. 4
■ Pesticides
parfois controversés, ne sont pas développés.
Il existe plusieurs milliers de pesticides, dont plusieurs cen-
■ Azote taines utilisées en France, et la contamination des milieux
La directive européenne nitrates 91/676/CEE, transposée par aquatiques est avérée. L’action des pouvoirs publics vise à
le décret n° 93-1038, constitue le principal instrument réglemen- contrôler l’usage des substances et à améliorer les connais-
taire pour lutter contre les pollutions liées à l’azote issu de sances sur les impacts.
sources agricoles. Elle concerne l’azote toutes origines confon- Au niveau européen, les premières directives visant à régle-
dues (engrais chimiques, effluents d’élevage, effluents agro-ali- menter la mise sur le marché via l’homologation sont adoptées
mentaires, boues...). L’application nationale de cette directive dans les années 1990 : la directive européenne n° 91/414/CEE du
comprend : 15 juillet 1991 (transposée par le décret n° 94-359) est relative
– la délimitation de zones vulnérables. Il s’agit de zones où aux produits phytopharmaceutiques et la directive n° 98/8/CE
la concentration en nitrates dans les eaux superficielles desti- du 16 février 1998 est relative aux produits biocides (transposée
nées à la production d’eau potable dépasse 50 mg/L (ou par le décret n° 2004-187). L’autorisation examine notamment la
menace de dépasser). Environ 55 % de la surface agricole utile toxicité et l’écotoxicité des produits. Tout usage non autorisé
de la France est classée en zones vulnérables (donnée 2013) ; est interdit. Les règlements européens (règlement n° 1107/2009
– la mise en œuvre de programmes d’action dans les zones du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des pro-
vulnérables, pour faire évoluer les pratiques agricoles afin de duits phytopharmaceutiques et règlement n° 528/2012 du 22
protéger voire restaurer le milieu aquatique. Le 5e programme mai 2012 concernant la mise à disposition sur le marché et l’uti-
d’action est entré progressivement en vigueur depuis le 1er sep- lisation des produits biocides) abrogent et remplacent ces direc-
tembre 2012 (arrêtés du 19 décembre 2011 et du 23 octobre tives européennes, en particulier en simplifiant la procédure
2013). À la différence des précédents programmes définis en d’autorisation et en imposant la tenue d’un registre des applica-
département, le 5e programme d’action s’appuie sur un socle tions de produits phytosanitaires.
national de mesures avec des dispositions régionales (PAR :
programmes d’actions régionaux). Il définit des ZAR (zones La directive du 21 octobre 2009 (2009/128/CE) vient complé-
d’actions renforcées) où des mesures complémentaires sont à ter ces textes en instaurant un cadre d’action communautaire
adopter pour la protection des captages ; pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec
– la définition d’un code national des bonnes pratiques agri- le développement durable.
coles, d’application volontaire en dehors des zones vulné- Au niveau national, la loi n° 2014-100 du 4 février 2014 (loi
rables (arrêté du 22 novembre 1993). Labbé) transpose cette directive en encadrant l’utilisation des
Cette directive a inégalement été respectée ou trop tardive- produits sur le territoire national. Elle vise à restreindre ou
ment appliquée dans certains pays. Elle a, pour cette raison, interdire l’utilisation de pesticides dans certaines zones spéci-
été une source importante de contentieux européen (entre fiques (espaces verts ouverts au public...), prendre des
l’Europe et certains États membres, dont la France) dans les mesures de gestion spécifique et favoriser l’utilisation de pro-
années 1990 et 2000. duits à faibles risques et des mesures de lutte biologique. Elle
La réglementation relative aux installations classées (§ 3.1) vient compléter deux principaux arrêtés ministériels qui
fixe des prescriptions applicables aux effluents d’élevages en cadrent la mise sur le marché et l’utilisation des produits
fonction de leur taille. En particulier, les effluents d’élevage ne phytosanitaires : l’arrêté du 12 septembre 2006 pour l’agricole
peuvent être épandus que dans le cadre de « plans et l’arrêté du 27 juin 2011 pour le non-agricole. On notera en
d’épandage » qui précisent notamment la quantité et le lieu particulier que l’arrêté de septembre interdit l’usage de phyto-
précis de l’épandage. sanitaires à moins de 5 m des cours d’eau ou plans d’eau.
On notera également le plan national Écophyto issu des tra-
■ Phosphore vaux du Grenelle de l’environnement et de la transposition
Contrairement à d’autres pays européens où la politique de française de la DCE qui vise la réduction progressive de
l’eau s’est construite sur la lutte contre les excès en phosphore, l’usage des pesticides en zones agricoles et non agricoles
la France s’est focalisée sur l’azote. Le problème du phosphore, (§ 2.2.1).
présent dans les engrais minéraux et les effluents d’élevage au
même titre que l’azote, n’a été abordé que plus tardivement. En
1998, le CORPEN a proposé un programme d’action pour la Nota : CORPEN : initialement Comité d’orientation pour la réduction de la pollution
maîtrise du phosphore provenant des activités agricoles. des eaux par les nitrates ; renommé « Comité d’orientation pour des pratiques agricoles
respectueuses de l’environnement » en 2001.

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1.2 Directive cadre sur l’eau (DCE) – 2008 : consultation du public sur les plans de gestion ;
– 2009 : publication du premier plan de gestion qui corres-
pond au SDAGE et fixe les objectifs environnementaux ainsi que
1.2.1 Rôle stratégique et fondateur du premier programme de mesures qui définit les actions qui
vont permettre d’atteindre les objectifs ;
■ Depuis les années 1970, diverses directives « sectorielles » ou
– 2015 : point sur l’atteinte des objectifs, suivi d’un second plan
d’« usages de l’eau » dans le domaine de la protection des milieux
de gestion et programme de mesures ;
aquatiques ont été publiées (§ 1.1).
– 2027 : dernière échéance pour la réalisation des objectifs de
Avec le temps, il est apparu que cette approche par les usages bon état.
de l’eau (eau potable, baignade, pisciculture, conchyliculture) ou
Ces étapes s’articulent ainsi autour de quatre documents (l’état
par les types de pollution à réduire (eaux usées, nitrates d’origine
des lieux, un programme de surveillance, un plan de gestion et un
agricole) n’était pas satisfaisante pour la préservation des milieux
programme de mesures) qui sont à renouveler tous les six ans.
aquatiques, notamment sur les aspects écologiques. En 1995, le
Conseil de l’Union européenne a donc décidé que soit élaborée Le programme de surveillance défini a été mis en place à partir
une directive cadre fixant les principes de base d’une politique de 2007 en France. Le suivi réalisé a une vocation patrimoniale et
de l’eau durable. s’appuie en partie sur les réseaux de surveillance existants. En par-
ticulier, on notera l’existence de trois types de contrôles :
■ En 2000, le Parlement européen et le Conseil de l’Union euro- – contrôles opérationnels des masses d’eau à risque
péenne arrêtent la directive 2000/60/CE du 23 octobre 2000 éta- (non-atteinte du bon état écologique ou NABE) pour évaluer l’effi-
blissant un cadre pour une politique communautaire dans le cacité des programmes de mesures. En principe, un site de
domaine de l’eau (ou « DCE ») qui vise à harmoniser la gestion de contrôle représentatif est retenu par masse d’eau. Les paramètres
l’eau au niveau européen et à préserver à long terme les milieux suivis sont établis en fonction du type de pression identifiée ;
aquatiques par grand bassin hydrographique. – contrôles additionnels pour la surveillance des zones proté-

4 La DCE (ou directive « mère ») impose des objectifs environ-


nementaux ambitieux pour 2015 :
– l’atteinte du « bon état écologique, chimique et quantitatif »
gées. Le suivi comprend les substances prioritaires pertinentes et
toute substance susceptible de modifier l’état du milieu ;
– contrôles d’enquête en cas de non-respect des objectifs envi-
pour toutes les masses d’eau » (cours d’eau, lacs, eaux souter- ronnementaux, pour en déterminer la cause lorsque l’information
raines, eaux côtières et de transition) et la non-détérioration des n’est pas disponible, ou en cas de pollution accidentelle, pour en
ressources en eau ; déterminer l’ampleur et l’incidence.
– la réduction ou la suppression de la pollution par les subs-
■ Analyse économique des modalités de tarification de l’eau
tances prioritaires et les substances dangereuses prioritaires.
et intégration des coûts environnementaux : ce principe vise à
Les États membres sont responsables de la mise en œuvre de la ce que les utilisateurs de l’eau supportent autant que possible, prin-
DCE au niveau national. La DCE continue aujourd’hui à fixer un cipalement au travers du prix de l’eau, les coûts induits par leurs uti-
cadre structurant pour les autres directives européennes qui vont lisations de l’eau : investissements, coûts de fonctionnement et
suivre dans le domaine de l’eau. d’amortissement, coûts environnementaux (application des prin-
cipes « pollueur-payeur » et « l’eau paye l’eau ») (§ 1.3).
1.2.2 Grands principes et transposition ■ Consultation et transparence : une participation active des
Les principes de la DCE visent la reconquête de la qualité des acteurs de l’eau et du public à l’élaboration des plans de gestion
eaux de surface et souterraines et la non-dégradation de celles qui doit être assurée. La directive renforce la transparence de la poli-
sont en « bon état écologique et chimique » (codifiés aux articles tique de l’eau avec la publication des données techniques et éco-
L. 212-1 et R. 212-10 du code l’environnement). nomiques sur les usages de l’eau.
Ont été ainsi mis en place des outils et des échéances communs
à l’ensemble des États membres. La DCE a été transposée en droit
français par la loi n° 2004-338 du 21 avril 2004 portant transposi- Vers la reconquête de la qualité écologique
tion de la DCE et par la LEMA de 2006, qui apportent de nouveaux des cours d’eau
outils permettant d’atteindre les objectifs fixés. En particulier, sont
précisées la mise en œuvre opérationnelle de la DCE au travers
des SDAGE et des SAGE (qui constituent les plans de gestion Avec la DCE, la reconquête de la qualité écologique s’impose.
requis) et les règles d’élaboration de ces schémas et leur articula- Aussi, la LEMA en France exige que les continuités écologiques
tion avec les documents d’urbanisme. soient assurées. Celles-ci se définissent par la libre circulation des
espèces biologiques et le bon déroulement du transport naturel
Les principaux principes et échéancier sont les suivants : des sédiments. La loi donne également les outils juridiques pour
■ Création d’une nouvelle unité de rapportage : la masse protéger les frayères : leur destruction est qualifiée de délit et le
d’eau (exemple : eau de surface continentale, souterraine, côtière) tribunal peut ordonner la remise en état du milieu aquatique.
sans remise en cause de l’échelle d’intervention s’appliquant à Concernant les ouvrages hydrauliques, les ouvrages existants
toutes les eaux. ou à construire doivent désormais garantir une protection des
milieux aquatiques et une protection des biens et des personnes.
■ Gestion par bassin hydrographique : avec la DCE, il existe Ainsi, lorsqu’un ouvrage hydraulique présente des risques pour
sept grands bassins hydrographiques français et 12 comités de la sécurité publique, une étude de dangers doit être réalisée.
bassin élaborant les SDAGE. Pour chaque bassin hydrographique, Cette étude doit exposer les risques que présente l’ouvrage pour
les SDAGE fixent les objectifs d’état à atteindre pour chaque la sécurité publique et définir des mesures pour la réduction des
masse d’eau. accidents. Les ouvrages construits ou existants doivent égale-
■ Échéancier et programmation par cycle de six ans, res- ment garantir un débit minimal pour la vie, la circulation et la
pecté (figure 1) : reproduction des espèces. Ce débit ne doit pas être inférieur au
dixième du module du cours d’eau, ou au vingtième pour les
– 2004 : état des lieux qui permet d’identifier les probléma- cours d’eau dont le module est supérieur à 80 m3.
tiques à traiter par la France ;
– 2005 : consultation du public sur l’état des lieux ; Le module est le débit moyen interannuel évalué à partir des
– 2006 : programme de surveillance de l’état des eaux qui informations disponibles portant sur une période minimale de
assure le suivi de l’atteinte des objectifs fixés ; 5 ans.

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CALENDRIER DE MISE EN ŒUVRE DE LA DIRECTIVE CADRE SUR L’EAU EN FRANCE ATTEINTE DES OBJECTIFS
Ne sont représentées ici que les dates de l’agenda DCE actuellement connues FIXES PAR CHAQUE ÉTAT
MEMBRE
ATTEINTE DES OBJECTIFS
FIXES PAR CHAQUE ÉTAT
MEMBRE Rapportage à l’Europe
des plans de gestion
et des programmes
de mesures
Rapportage à l’Europe
des plans de gestion
et des programmes
de mesures N
TIO GE
ATTEINTE DES OBJECTIFS ES DA
FIXES PAR CHAQUE ÉTAT D E G des S7
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TOUTES LES MESURES Rapportage à l’Europe T A Pd
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OPERATIONNELLES* et des programmes A TIO tion d d M
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et des programmes E UX AGE 2021
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La DCE fait obligation de mesures ES es SD
ND d 2020
aux États membres de : Rapportage à l’Europe TIO ration M
LI S A
pa Pd
* Transposer la directive en droit des programmes A é es
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national de surveillance D r a tio
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SU Pré 027
* Respecter le calendrier commun
Rapportage à l’Europe ES 7-2 2018
de mise en application OC
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des états des lieux ce
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tat surve 2017
par district hydrographique É de
établissant les objectifs 15 es APPROBATION
20 m 2016
environnementaux et les 2 0 10- g ram DES SDAGE ET PdM
5 ro
programmes de mesures GE 201 e sp 2016-2021
SD
A 0- nd 2015 CONSULTATION
ad hoc (dont les programmes TRANSPOSITION DE LA DCE ION es 201 tio PAR LES COMITÉS
de surveillance) EN DROIT FRANÇAIS E ST tion d s PdM p lica sur les projets de SDAGE 2016-2021 DE BASSIN
G a e A p
DE plic nd 2014 et des PdM
* Consulter le public NS Ap icatio
S PLA p pl * des citoyens * des assemblées
E A 2013 CONSULTATION
LOI LOI SUR L’EAU IER 2014 2015
EM sur les enjeux et
DE TRANSPOSITION ET LES MILIEUX PR
D ES 2012 le programme de travail des SDAGE
AQUATIQUES
T ION * des assemblées * des citoyens
ISA E M 2011
AL Pd 2012 2013
E RÉ s SAG es
S D d e i o nd
SU atio n a t 2010 APPROBATION
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PR
OC répa Pré DES SDAGE ET PdM
P
2009 2010- 2015
PAR LES COMITÉS
2008 CONSULTATION DE BASSIN
sur les projets de SDAGE 2010-2015
x 2007 et des PdM
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es
td * des citoyens * des assemblées
Éta 2006 2008 2009 Objectifs DCE
2005 CONSULTATION
Étape de rapportage
sur les enjeux et
2004 le programme de travail des SDAGE

2003 * des assemblées * des citoyens


2004 2005
* SDAGE : schéma d’aménagement
2000
et de gestion des eaux
*PdM : programme de mesures

* Une mesure est considérée comme opérationnelle dès lors qu’a été mis en place le cadre législatif,
réglementaire et financier nécessaire à sa mise en œuvre.

Figure 1 – Calendrier de mise en œuvre de la DCE en France (source : www.eaufrance.fr)

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4

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Référence Internet
TRP5040

Environnement et projets
d’aménagements portuaires
par Pascal GALICHON
Directeur du développement durable et du pilotage
Grand Port Maritime du Havre, Le Havre, France

1. Le contexte réglementaire.................................................................... TRP 5 040 - 2


1.1 La doctrine Éviter Réduire Compenser (ERC) ........................................... — 2
1.2 La justification du projet............................................................................. — 4
1.3 La démarche itérative de conception ........................................................ — 5
2. Les différentes composantes environnementales

2.1
dans lesquelles s’inscrivent les projets d’aménagements
portuaires ..................................................................................................
La définition du périmètre de l’étude environnementale ........................


5
5
4
2.1.1 Le périmètre de l’aménagement....................................................... — 5
2.1.2 Le périmètre d’impact environnemental de l’aménagement......... — 5
2.2 La connaissance de l’environnement........................................................ — 6
2.2.1 Les milieux physiques ....................................................................... — 6
2.2.2 Les inventaires floristiques et faunistiques ..................................... — 9
2.2.3 Les habitats......................................................................................... — 9
2.2.4 Les fonctionnalités environnementales ........................................... — 9
2.3 L’évaluation des impacts environnementaux........................................... — 9
2.3.1 Les impacts directs ............................................................................ — 9
2.3.2 Les impacts indirects ......................................................................... — 9
2.3.3 Les impacts induits ............................................................................ — 9
2.3.4 Les impacts cumulés ......................................................................... — 10
2.4 La définition des mesures de réduction.................................................... — 10
2.4.1 Pendant la phase de conception....................................................... — 10
2.4.2 Pendant la phase de travaux............................................................. — 10
2.4.3 Pendant la phase d’exploitation ....................................................... — 11
2.4.4 Réduction lors de la libération du site.............................................. — 11
2.5 La définition des mesures compensatoires .............................................. — 11
2.6 La définition des mesures environnementales d’accompagnement...... — 11
3. Le dialogue et la concertation............................................................. — 12
3.1 Les processus de concertation réglementaire.......................................... — 12
3.1.1 La concertation en phase « amont » : le débat public .................... — 12
3.1.2 La concertation en phase « aval » : l’enquête publique.................. — 12
3.2 Les démarches de concertation volontaires ............................................. — 12
4. La prise en compte de l’environnement pendant les phases
de travaux.................................................................................................. — 13
4.1 Les plans d’assurance environnementale (PAE) ...................................... — 13
4.2 Le coordinateur environnemental ............................................................. — 13
5. Les suivis des impacts et des mesures environnementales........ — 13
5.1 Les thèmes et les protocoles des suivis.................................................... — 14
5.2 La définition des valeurs cibles des indicateurs de suivi......................... — 14
6. Conclusion................................................................................................. — 14
7. Glossaire .................................................................................................... — 14
Pour en savoir plus ......................................................................................... Doc. TRP 5 040
Parution : août 2018

Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés TRP 5 040 – 1

163
Référence Internet
TRP5040

ENVIRONNEMENT ET PROJETS D’AMÉNAGEMENTS PORTUAIRES ____________________________________________________________________________

es espaces portuaires se situent sur une frange d’interface terre-mer qui


L par nature a des caractéristiques environnementales spécifiques et de fait
représente de faibles surfaces par rapport aux milieux essentiellement marins
ou terrestres. Par ailleurs, ils subissent des pressions anthropiques fortes. Des
aménagements portuaires dans ces espaces présentent donc rapidement des
enjeux importants. Au regard de ce contexte particulier le présent article
expose successivement :
– le contexte réglementaire dont la démarche Éviter Réduire Compenser,
avec en particulier la nécessité d’exposer le bien-fondé de la justification socio-
économique du projet et la stratégie d’aménagement dans laquelle il s’inscrit ;
– les différentes composantes environnementales dans lesquelles s’ins-
crivent les projets d’aménagements portuaires et la nécessité de démontrer
que les impacts environnementaux ont été bien intégrés dès l’initialisation du
projet, minimisés et compensés de manière satisfaisante ;
– la nécessaire prise en compte de l’environnement pendant les travaux ;
– les suivis des impacts et des mesures environnementales mises en
œuvre ;
– le dialogue et la concertation : au-delà de la communication des docu-
ments nécessaires à l’élaboration des différents dossiers réglementaires,
l’acceptabilité d’un projet nécessite aussi des phases de dialogue et de concer-
4 tation avec les différentes parties prenantes qu’il convient d’organiser très en
amont, parfois au-delà des exigences réglementaires.

1. Le contexte réglementaire l’environnement, issu de la loi biodiversité, fait de la compensa-


tion écologique une obligation de résultats car : « Les mesures de
compensation des atteintes à la biodiversité visent un objectif
Depuis mars 2017, dans un souci de simplification et de cohé- d’absence de perte nette, voire de gain de biodiversité. Elles
rence, la législation française a retenu le principe d’autorisation doivent se traduire par une obligation de résultats et être effec-
unique couvrant les différents aspects environnementaux d’un tives pendant toute la durée des atteintes. Elles ne peuvent pas se
même projet, ce qui n’était pas le cas auparavant. Les textes substituer aux mesures d’évitement et de réduction. »
réglementaires y afférant sont principalement : Il est à noter que cette démarche globale rejoint la philosophie
– l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ; « Working with Nature » (WwN ou « œuvrer avec la nature ») éta-
– le décret n° 2017-81 du 26 janvier 2017 ; blie par l’association AIPCN/PIANC (Association mondiale pour les
– le décret n° 2017-82 du 26 janvier 2017. infrastructures de transport maritimes et fluviales) qui comporte
quatre étapes :
Le synoptique présenté figure 1 détaille l’ensemble de la
démarche [1]. – établir les besoins et objectifs du projet ;
Les projets d’aménagements portuaires peuvent nécessiter plu- – comprendre l’environnement global de tout le périmètre du
sieurs autorisations. Classiquement et en fonction de la nature et projet ;
des impacts du projet des autorisations peuvent être requises au – faire appel d’une manière constructive à l’engagement des par-
titre : ties intéressées pour identifier les opportunités gagnant/gagnant ;
– de la loi sur l’eau en fonction de seuil définis dans le code de – préparer des propositions/conceptions initiales pour le projet
l’environnement ; répondant aux besoins fonctionnels du projet mais aussi à ceux de
– de la destruction d’espèces protégées ; l’environnement.
– d’incidences sur des sites classés Natura 2000 ; La réglementation française impose une démarche qui néces-
– de défrichement si des boisements sont détruits (code fores- site de prendre en compte, dès le début du projet, l’environne-
tier). ment et les attentes des parties intéressées, à travers la mise en
Les grandes étapes pour constituer les dossiers d’autorisations œuvre de la séquence Éviter Réduire Compenser.
sont les suivantes :
– la justification du projet ;
– la démarche ayant conduit à un choix de site ; 1.1 La doctrine Éviter Réduire
– la démarche itérative de conception ayant pour but de concilier Compenser (ERC)
la réponse fonctionnelle attendue et la minimisation des impacts
environnementaux ; La doctrine Éviter Réduire Compenser (ERC) a pour objectif
– la démonstration que les impacts résiduels sont bien compen- d’éviter les atteintes à l’environnement, de réduire celles qui n’ont
sés à travers des mesures compensatoires appropriées. pu être suffisamment évitées et de compenser les effets significa-
tifs résiduels. Elle est définie à travers un certain nombre de docu-
Une fois le projet réalisé, l’efficacité des mesures environne-
ments et guides qui aident à structurer l’ensemble de la
mentales doit être prouvée. Le porteur du projet a en effet une
démarche.
obligation de résultats et non plus seulement de moyens comme
par le passé. En effet, l’article L. 163-1 point I al. 2 du code de Elle peut être illustrée par la figure 2 [2].

TRP 5 040 – 2 Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés

164
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TRP5040

____________________________________________________________________________ ENVIRONNEMENT ET PROJETS D’AMÉNAGEMENTS PORTUAIRES

La procédure

Cadrage préalable à la demande du porteur de projet

Constitution de la demande d’autorisation, comprenant


notamment l’étude d’incidence eau et, si nécessaire, l’étude d’impact,
l’étude d’incidence Natura 2000 et les pièces relatives à la demande
de dérogation d’espèces protégées, le défrichement, ou les travaux en réserve
naturelle nationale ou dans un site classé

Délivrance
Dépôt du dossier au guichet unique (DDT-M ou préfecture)
d’un accusé de réception

Instruction interservices

4
Demande
Avis de l’autorité Consultation des instances de complément
environnementale notamment CNPN, CDNPS, CSRPN, dans un délai fixé
CTPBOH, CLE, CSSPP, CDCEA si le dossier est
incomplet ou irrégulier
(suspend le délai
Avis conforme des ministres de l’instruction)
lorsqu’ils sont requis

5 mois Arrêté de
refus d’autorisation
si le dossier non recevable

Dossier mis à enquête publique


8 mois comprenant le dossier d’autorisation complet, les avis des instances
et de l’autorité environnementale

Sur décision du préfet : Projet d’arrêté d’autorisation Soumis pour avis


avis du CODERST ou de refus au porteur de projet

10 mois
Notification
Signature de l’arrêté et publicité
de la décision

Figure 1 – Synoptique de la procédure d’autorisation 8-201Cop


yrig

Les prémices de la doctrine ERC ont été introduits en droit fran- – l’obligation de résultat des mesures de compensation
çais par la loi relative à la protection de la nature de 1976, et la (L. 163-1) ;
doctrine ERC a été précisée en août 2016 par deux textes (loi de – l’effectivité des mesures pendant toute la durée des impacts
reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages du (L. 163-1) ;
8 août 2016 et la réforme de l’évaluation environnementale du
3 août 2016). – la proximité fonctionnelle des mesures vis-à-vis du site endom-
magé (L. 163-1)
Au-delà de la description de la séquence ERC, il convient de – la géolocalisation des mesures compensatoires et leur accessi-
retenir que les textes législatifs (code de l’environnement) bilité au public (L. 163-5) ;
affichent :
– la non-autorisation du projet en l’état si les atteintes liées au
– l’objectif d’absence de perte nette, voire de gain de biodiver- projet ne peuvent être ni évitées, ni réduites, ni compensées de
sité (L. 110-1) ; façon satisfaisante (L. 164-3).

Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés TRP 5 040 – 3

165
4

166
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GE1024

Écoconception des ouvrages


maritimes : de la théorie
aux exemples appliqués

par Sylvain PIOCH


Docteur en géographie et aménagement, maı̂tre de conférences, ingénieur écologue
(AFIE), EA Laboratoire de Géographie et d’Aménagement de Montpellier (LAGAM),
Université Paul Valéry Montpellier 3, France

et Jean-Claude SOUCHE
Docteur en mécanique et génie civil, ingénieur génie civil et génie maritime

4
Laboratoire de Mécanique et Génie Civil (LMGC), Université de Montpellier, DMS, IMT
Mines Alès, France

1. Solutions fondées sur la nature et écoconception


des ouvrages maritimes................................................................. GE 1 024 – 3
1.1 Définition de l’écoconception ............................................................ — 3
1.2 Ouvrages maritimes et projets écoconçus ........................................ — 5
2. Place de l’écoconception dans le projet d’aménager.............. — 7
2.1 L’écoconception comme nouvelle pratique usuelle en ingénierie
de projet ............................................................................................. — 7
2.2 Étude d’impact : un levier pour prendre en compte les enjeux
écologiques des projets ..................................................................... — 7
2.3 Méthodologie d’écoconception ......................................................... — 8
3. Exemples appliqués d’écoconception......................................... — 11
3.1 Écoconception de mouillages organisés : exemple de la ZMEL
de Deshaies (Guadeloupe) ................................................................. — 11
3.1.1 Lutte contre la dégradation des fonds et développement de
la biodiversité .......................................................................... — 11
3.1.2 Résultats du suivi écologique : performance
environnementale des lests écoconçus .................................. — 13
3.2 Écoconception de pipe-line : exemple du premier ouvrage marin
écoconçu à Mamoudzou (Mayotte) ................................................... — 14
4. Conclusion........................................................................................ — 17
5. Glossaire ........................................................................................... — 17
6. Sigles, notations et symboles ...................................................... — 17
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. GE 1 024

a très grave perte de biodiversité mondiale est concomitante avec l’anthro-


L pocène, cette nouvelle ère géologique où l’Homme est devenu l’acteur
principal des pressions subies par les écosystèmes. À ce titre, le dernier rap-
port de l’IPBES [1] dresse un constat dramatique sur l’état de la biodiversité,
depuis 200 ans, début de l’ère industrielle : l’Homme a altéré 75 % des terres,
66 % des océans et il a détruit plus de 85 % des zones humides. Par consé-
quent, c’est la capacité de l’Homme à stopper immédiatement ses impacts
qui conditionnera notre avenir sur cette planète unique. Face à ce constat dra-
Parution : janvier 2023

matique et anxiogène pour les jeunes générations, l’humanité devrait arrêter

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167
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GE1024

ÉCOCONCEPTION DES OUVRAGES MARITIMES : DE LA THÉORIE AUX EXEMPLES APPLIQUÉS ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

ou tout du moins ralentir très fortement les causes, bien connues, qui sont à
l’origine de cette catastrophe annoncée : (1) artificialisation et utilisation des
sols, (2) exploitation des ressources (pêche, foresterie, etc.), (3) changement
climatique, (4) pollutions (plastiques en mer…) et (5) espèces invasives des
écosystèmes [1].
Nota : l’IPBES est la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosysté-
miques.

L’artificialisation et l’utilisation des sols qui résultent de l’aménagement des


territoires est bien le problème majeur. Au-delà du modèle agricole intensif, ce
sont les choix d’urbanisme et leurs conséquences qui sont pénalisants car ils
génèrent une artificialisation des milieux naturels quasiment irréversible (exten-
sion des villes, zones portuaires, zones industrielles et infrastructures de trans-
ports). Les littoraux payent le prix fort vis-à-vis de cette artificialisation galo-
pante et non maı̂trisée. En effet, huit des dix mégalopoles mondiales sont
situées sur le littoral et la superficie des paysages marins impactés par ces amé-
nagements est estimée entre 1 et 3,4 millions de km2 en 2018, avec une aug-
mentation de 50 à 70 % prévue d’ici 2028 [2].
Et en France ? Entre 2000 et 2006, la construction d’infrastructures et d’autres
types ouvrages représentent environ 6 900 ha de surfaces naturelles détruites
pour être artificialisées. Quand on cumule le double effet du dérèglement clima-

4 tique et de l’élévation du niveau de la mer qui en résulte, avec l’explosion des


activités humaines et des aménagements sur le littoral, il apparaı̂t une sévère
incohérence entre les techniques d’aménagement et leurs impacts négatifs sur
l’environnement et sur les écosystèmes.
Face à l’enjeu colossal que représente une renaturation du projet d’aménager,
pour un futur durable et désirable, l’expertise environnementale devient essen-
tielle. Elle se positionne au moins de façon équivalente vis-à-vis de l’expertise
en génie civil, pour la prise en compte de la biodiversité dans les projets d’amé-
nagement des territoires. C’est tout l’enjeu de l’écoconception des ouvrages
maritimes.
La prise en compte de l’écosystème marin dans les projets d’aménagement
maritimes est réalisée de différentes façons. L’évitemment du projet est la pre-
mière étape à évaluer avec honnêteté et sincérité (le projet est-il prioritaire,
utile, ou pas ? doit-il être réalisé ici ? ou ailleurs ? peut-il être groupé avec un
autre aménagement ?). Dès lors que la décision de construire est prise, il est
essentiel de réduire les impacts négatifs du projet sur l’environnement avec
beaucoup plus d’exigence et de volonté, en particulier en faisant appel à une
démarche d’écoconception d’infrastructures supports de biodiversité. In fine,
la compensation de tout impact résiduel permettra d’atteindre l’objectif de
« pas de perte nette de biodiversité » imposé par la réglementation depuis la
loi RBNP de 2016 (loi n 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la
biodiversité, de la nature et des paysages).
La finalité de l’écoconception (œko-conception, littéralement « concevoir pour
l’environnement et les hommes rattachés à un même lieu d’habitation »)
s’insère bien dans ces évolutions législatives environnementales, avec une exi-
gence supplémentaire : développer un gain net de biodiversité. Le but est de
concevoir un projet, dès les phases d’esquisse ou de faisabilité, voire au
moment de la programmation (au sens de la loi n 85-704 du 12 juillet 1985
relative à la maı̂trise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maı̂trise
d’œuvre privée, dite « loi MOP »), selon des exigences usuelles de résistance,
de durabilité et de niveau de service, mais également selon des objectifs de
performance écologique, ou de cobénéfices. À partir de connaissances techni-
ques standards, la démarche en ingénierie doit introduire des considérations
biophysiques, relatives à la nécessité de protéger et de favoriser le milieu natu-
rel marin dans le projet d’aménagement maritime.
L’écoconception des infrastructures marines est un champ de recherches en
plein développement. Elle fait appel aux domaines de l’ingénierie écologique
(sciences humaines, géo-aménagement, droit), aux sciences de l’ingénieur
(génie civil et science des matériaux) et aux sciences naturelles (biologie,

GE 1 024 – 2 Copyright © - Techniques de l’Ingénieur - Tous droits réservés

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GE1024

–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– ÉCOCONCEPTION DES OUVRAGES MARITIMES : DE LA THÉORIE AUX EXEMPLES APPLIQUÉS

écologie). Elle apporte une réponse au défi majeur de la réalisation d’ouvrages


produisant un cobénéfice à l’Homme et à la Nature qui devient incontournable
pour les sociétés humaines responsables et gestionnaires de la biodiversité.
Nous présenterons dans cet article les étapes nécessaires à l’application de
l’écoconception et en particulier une conception conforme aux principes écolo-
giques, une conception adaptée à la spécificité environnementale de chaque
site, et enfin le maintien des exigences fonctionnelles des ouvrages, indépen-
damment des exigences environnementales. Ces éléments conceptuels seront
étayés d’exemples de quelques applications illustrant la démarche en situation
réelle, dans le cadre de deux projets : l’un situé à Mamouzou pour un émissaire
sous-marin au sein du lagon de Mayotte et l’autre à Deshaies en Guadeloupe
pour la réalisation de corps-morts (lests immergés) en zone corallienne.

1. Solutions fondées sur la « Concevoir des projets d’aménagements maritimes durables


avec des fonctions techniques et écologiques précises/spécifi-
nature et écoconception
des ouvrages maritimes
ques (évaluables, quantifiables et exigibles), donc adaptées à
chaque site ou type de projet demandé, qui génèrent des cobé-
néfices socio-écosystémiques, sans générer de surcoût à terme »
4
(voir figure 1).

L’aspect esthétique des infrastructures en mer est également


Au niveau mondial un engouement croissant se développe important pour pouvoir favoriser une meilleure intégration des
pour les solutions fondées sur la nature (SFN), c’est-à-dire, aménagements au paysage sous-marin. En effet, le fond marin est
d’après l’Union internationale pour la conservation de la nature un environnement naturel et la question esthétique d’un objet dis-
(UICN), « les actions visant à protéger, gérer de manière durable posé au sein de cet environnement se pose. Actuellement, les
et restaurer des écosystèmes naturels ou modifiés pour relever cahiers des charges d’aménagement « classiques » n’intègrent pas
directement les défis de société de manière efficace et adapta- d’objectifs esthétiques ou d’insertion des ouvrages dans un pay-
tive, tout en assurant le bien-être humain et en produisant des sage sous-marin naturel. La géométrie des éléments immergés rap-
bénéfices pour la biodiversité ». L’écoconception des ouvrages pelle l’humain et est en général éloignée des substrats naturels
s’insère directement dans cette définition. durs habituellement rencontrés sous la mer. Les éléments mis en
œuvre font souvent appel à des objets préfabriqués utilisés pour
des chantiers terrestres : blocs cubiques ou trapézoı̈daux, buses
cylindriques, angles saillants, béton à la surface lisse, etc. Une
1.1 Définition de l’écoconception meilleure intégration visuelle de ces aménagements sous les mers
est souhaitable. Elle nécessite d’adopter une approche paysagère
L’écoconception est issue des réflexions relatives aux solutions de l’aménagement avec une vision sous-marine de celui-ci dans
fondées sur la nature. Celles-ci peuvent être de simples mesures son milieu. La réponse à cet objectif permettrait que les projets
de gestion (réserve, gestion des ressources), ou des techniques soient mieux acceptés par les acteurs concernés mais également
« douces » qui s’appuient sur des espèces ou des processus natu- par le grand public.
rels (restauration d’un banc de sable côtier par rechargement de
sable, transplantation de mangrove pour protéger des submersions Très usité en ce qui concerne les SFN, la notion de biomimétisme
marines) ou des ouvrages supports de biodiversité (blocs de (mimer la nature) apparaı̂t séduisante, mais ambitieuse. Celle-ci se
digues troués, lests d’ancrage en bio-béton). C’est dans cette der- décline au niveau macroscopique, en jouant sur l’aspect visuel d’un
nière acceptation que notre propos s’inscrira, c’est pourquoi nous ouvrage dans son environnement sous-marin (géométrie mimant
préfèrerons le terme d’« écoconception » des ouvrages maritimes, un tombant, un platier, un éboulis, une faille, etc.), mais également
car plus précis. D’ailleurs, le syndicat des ingénieurs, Syntec Ingé- à plus petite échelle, celle du matériau de construction et de ses
nierie, définissait dès 2011 l’écoconception selon : « l’écoconception mécanismes de colonisation (inspiration de la rugosité des roches
est le fait de concevoir techniquement des projets en considérant locales naturelles, qualité chimique des matériaux utilisés, etc).
également des préoccupations écologiques globales et locales » et Enfin, il va de soi que le choix des matériaux utilisés pour des
comme « une approche pouvant s’appliquer à un grand nombre de ouvrages marins écoconçus doit prioriser des matériaux biogènes
secteurs, sans générer de surcoût à terme. » et proscrire les plastiques divers ou matières synthétiques qui
sont susceptibles de se transformer en microplastiques.
À cette définition, il semble important d’ajouter que la plus-value
écologique peut aussi améliorer les performances techniques d’une
infrastructure. Par exemple, un quai portuaire écoconçu qui serait Ainsi, ajoutons qu’un ouvrage écoconçu est un ouvrage dont
colonisé par des organismes marins de type moules, balanes, etc. les formes et les objectifs de conservation des espèces sont bio-
permettrait, par la barrière physique supplémentaire offerte par la inspirés par le milieu naturel où il prendra place.
colonisation, de protéger les bétons de l’ouvrage des ions chloru-
res. Cette bioprotection offrirait alors un gain sur le vieillissement
L’AIPCN (Association internationale des ports et canaux de navi-
de l’ouvrage. gation) met en avant le concept du building with nature et édite
Cette spécificité nous amène à proposer comme définition de des recommandations professionnelles dans ce sens [3] : « Buil-
l’écoconception des infrastructures marines le fait de : ding with nature est une philosophie qui nécessite d’être

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GE1024

ÉCOCONCEPTION DES OUVRAGES MARITIMES : DE LA THÉORIE AUX EXEMPLES APPLIQUÉS ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

Caractérisation du milieu (écologie) et du contexte (technique et socio-économique)

Identification des enjeux et des objectifs

Étude des fonctions


– Étude des habitats
de l’ouvrage, des contraintes
– Étude des espèces
et atouts associés

Caractéristiques du milieu naturel Caractéristiques de l’ouvrage


à « mimer » maritime à mettre en place

Association des caractéristiques

Conception éco-technique

Choix des matériaux, des formes,

4
des associations d’éléments

Ouvrage proactif, écoconçu

Figure 1 – Démarche d’écoconception maritime, à partir de connaissances en écologie et en génie civil, via des études spécifiques
indépendantes (encadrés vert et bleu) pour identifier les caractéristiques respectives de ces deux champs d’expertise (en rouge), associées lors
de la conception technique (encadré en pointillés)

Ingénierie écologique

Écoconception : intégration environnementale des infrastructures au milieu marin

Impacts écologiques : Évitement Réduction Compensation

Réduction /
Programmation Conception Exécution
compensation

Études préalables Avant-projet Travaux (entreprise) Réduction des impacts


Programme Projet Contrôle des travaux Compensation

I – PHASE DE CONCEPTION II – PHASE DE RÉALISATION

Figure 2 – Méthodologie d’écoconception des projets (flèche verte du haut) appliquée à une approche usuelle (frise centrale). L’écoconception est
développée dès les études préalables puis lors de la phase de la conception du projet (étape 1) de la maitrise d’œuvre (au sens de la loi MOP)

appliquée très tôt dans un projet, quand celui-ci est encore modi- bien trop tard pour pouvoir encore agir sur le projet car, pour rap-
fiable à l’envi. Ce processus intégré implique de travailler dans le pel, l’avant-projet est la phase ultime de validation de la faisabi-
but d’identifier des solutions gagnant-gagnant qui respectent la lité de l’aménagement à l’issue de laquelle les grandes lignes
nature et qui soient acceptables vis-à-vis des fonctionnalités du fonctionnelles, techniques et financières sont bouclées. Les mesu-
projet et du niveau de service et vis-à-vis de l’environnement » [4], res compensatoires sont en général réalisées pendant la réa-
(figure 2). Cette philosophie est importante pour fédérer autour de lisation du projet qui n’a plus toutes les latitudes nécessaires
l’aménagement les promoteurs du projet d’une part mais égale- pour proposer les adaptations permettant de réduire les impacts
ment les partisans de l’environnement d’autre part. Elle permet environnementaux.
donc de fiabiliser le processus du projet et de réduire les opposi- A contrario, l’écoconception permet d’intervenir dès la program-
tions dès le démarrage de celui-ci. mation du projet (flèche verte sur la figure 2). Cela permet d’optimi-
L’approche usuelle est caractérisée par des études d’évitement, ser l’implantation ainsi que les emprises foncières (Évitement).
de réduction et de compensation qui sont développées à Cela peut être fait dès les phases amont de la conception en propo-
l’issue de l’avant-projet (lors de la réalisation du dossier d’étude sant le design adéquat (Réduction) de même que les solutions de
d’impact, flèche bleue sur la figure 2). Malheureusement, cela est compensation à prévoir dès l’avant-projet.

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