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Miniature illustrant une chronique anonyme, en langue française, XVe siècle, Bibliothèque
municipale de Besançon, Ms 677
(https://memoirevive.besancon.fr/ark:/48565/nr85d3jb9gpv/dcee8c42-2288-4d6f-bf17-
6ed4ba2e24b5)
Doc 2 : Déclaration faicte par Monsieur le Prince de Condé pour monstrer les raisons qui
l’ont contrainct d’entreprendre la défense de l’authorité du Roy, du gouvernement de la
Royne et du repos de ce Royaume, 1562, p. 1-3
Combien que ce soit à ceux qui s’arment les premiers par leur authorité privée de rendre
raison de leur faict, si est-ce que Monsieur le Prince de Condé considerant combien la
presente émotion à cause de plusieurs circonstances est subjecte à beaucoup de divers
jugemens, avec ce que l’interest public requiert un certain et prompt remède : a bien voulu,
pour prevenir toutes calomnies, declarer ainsi que s’ensuit les raisons qui l’ont esmeu de
s’accompagner de ses parents, amis et serviteurs pour faire service au Roy, à la Royne et à
tout ce royaume en leur grand besoin.
Chacun sait, qu’apres les grans troubles advenus pour le faict de la Religion desquels il est
tout notoire que plusieurs, en abusant de la bonté naturelle de nos Rois, se sont servis pour
fonder et entretenir leur grandeur : finalement au mois de janvier dernier a esté dressé un edict
par sa Majesté pour reigler les deux parties avec l’advis de la plus notable et mieux choisie
assemblee que le Roy ait peu eslire en tous ses Parlemens.
Cest Edict ayant esté tost apres publié en la pluspart des Parlemens de ce royaume, donnoit un
fort grand espoir de repos, comme l’effect l’a monstré. Et ne faut douter, que si le Parlement
de Paris n’eust usé de telle longueur, la tranquillité eus testé et fust encores aujourd’huy trop
plus grande que l’on ne la voit.
L’empeschement de ceste publication a engendré, à bonne et iuste cause, plusieurs
souspeçons que cela ne se faisoit sans grandes pratiques, qui tendoyent plus loin. (…)
toutefois, cela n’a aucunement esmeu ledit seigneur Prince ni autres des Eglises reformees à
dire ou faire chose qui troublast le public repos de ce royaume. Ainçois, au milieu d’infinies
violences et outrages, dont jamais ils n’ont peu avoir justice, ils ont attendu l’issue de la
publication, avec la plus grande modestie et patience qu’ils ont peu. (…)
Sur ces entrefaites furent apportees les nouvelles du cruel et horrible carnage comis à Vassy
en la présence et compagnie de Monsieur de Guise là où ont été très inhumainement occis
plusieurs des subjects du roy, tant hommes que femmes et enfans, qui s’etoient assemblez
sans armes, à leur manière accoustumee, pour oui la predication et prier Dieu, suivant la
Religion et pure parole de Dieu (…)
Art. 2. - Les traités des tailles, talion 1, subsistance et toutes autres levées seront dès à présent
révoquées et lesdites tailles assises et imposées à la forme ancienne et comme auparavant ;
lesdits traités à la diminution du quart au profit du peuple, attendu que ladite
diminution du quart est beaucoup moindre que ce qu'en profitent les traitants, avec
remise de tout ce qui reste dû jusques et compris l'année 1646 ; pour raison de quoi tous
prisonniers détenus ès prisons seront élargis.
Art 3. - Ne seront faites aucunes impositions et taxes qu'en vertu d'édits et déclarations, bien
et dûment vérifiés ès cours souveraines (…)
Art. 10. - Que toutes les commissions extraordinaires demeureront révoquées, toutes les
ordonnances ou jugements rendus par les intendants de justice cassés et annulés (…)
Art. 15. - Seront les officiers des bureaux des finances, secrétaires du roi, présidiaux,
commissaires et contrôleurs des guerres, trésoriers et payeurs de la gendarmerie,
trésoriers et provinciaux, officiers des maréchaussées, bailliages, prévôtés, eaux et
forêts, traites foraines [...] élections, greniers à sel et autres officiers tant de judicature
que de finance, rétablis en la fonction et exercice de leur charge et en la jouissance de
leurs gages et droits.
Art, 19, - Qu'il ne pourra à l'avenir être fait aucune création d'office, tant de Judicature
que de finances, que par édits vérifiés ès cours souveraines, [...] et que l'établissement
ancien desdites compagnies souveraines, ne pourra être changé ni altéré soit par
1
Établi par Henri Ill en 1549, 1e talon était un supplément de taille destiné à l'entretien des troupes.
augmentation d'officiers et des chambres, établissements de semestres, ou par
démembrement du ressort desdites compagnies, pour en créer et établir de nouvelles.
Isambert et alii, Recueil général des anciennes lois françaises, Paris, Plon, 1829, t. XXVII,
p. 72.
20 octobre 1675
M. de Chaulnes est à Rennes avec quatre mille hommes. Il a transféré le parlement à Vannes ;
c’est une désolation terrible. La ruine de Rennes emporte celle de la province. (…) Il s’en faut
beaucoup. Que je n’aie peur de ces troupes, mais je prends part à la tristesse et à la désolation
de toute la province. On ne croit pas que nous ayons d’États ; et si on les tient, ce sera pour
racheter encore les édits que nous achetâmes deux millions cinq cent mille livres, il y a deux
ans, et qu’on nous a tous redonnés, et on y ajoutera peut-être encore de mettre à prix le retour
du Parlement à Rennes. M. de Montoron s’est sauvé ici, pour ne point entendre les pleurs et
les cris de Rennes en voyant sortir son cher Parlement. Me voilà bien Bretonne, comme vous
voyez. Mais vous comprenez bien que cela tient à l’air que l’on respire, et aussi à quelque
chose de plus, car, de l’un à l’autre, toute la province est affligée.
Ibid. p. 136-137.
30 octobre 1675
Voulez-vous savoir des nouvelles de Rennes ? Il y a toujours cinq mille hommes, car il en est
venu encore de Nantes. On a fait une taxe de cent mille écus sur le bourgeois ; et si on ne les
trouve pas dans vingt-quatre heures, elle sera doublée et exigible par les soldats. On a chassé
et banni toute une grande rue, et défendu de les recueillir sur peine de la vie, de sorte qu’on
voyait tous ces misérables, vieillards, femmes accouchées, enfants, errer en pleurs au sortir de
cette ville, sans savoir où aller, sans avoir de nourriture ni de quoi se coucher.
On roua avant-hier un violon qui avait commencé la danse et la pillerie du papier timbré ; il a
été écartelé après sa mort, et ses quatre quartiers exposés aux quatre coins de la ville comme
ceux de Josseran à Aix. Il dit en mourant que c’étaient les fermiers du papier timbré qui lui
avaient donné vingt-cinq écus pour commencer la sédition, et jamais on n’en a pu tirer autre
chose. On a pris soixante bourgeois ; on commence demain les punitions. Cette province est
un bel exemple pour les autres, et surtout de respecter les gouverneurs et les gouvernantes, de
ne leur point dire d’injures, et de ne point jeter des pierres dans leur jardins. (…) Tous les
villages contribuent pour nourrir les troupes, et l’on sauve son pain en sauvant ses denrées.
Autrefois on les vendait, et l’on avait de l’argent, mais ce n’est plus la mode, on a changé tout
cela. (…) Enfin vous pouvez compter qu’il n’y a plus de Bretagne, c’et dommage.
Ibid., p. 146-147.
3 novembre 1675
M. et Mme de Chaulnes ne sont plus à Rennes. Les rigueurs s’adoucissent ; à force d’avoir
pendu, on ne pendra plus. Il ne reste que deux mille hommes à Rennes. Je crois que Forbin et
Vins s’en vont par Nantes.
Ibid., p. 149
17 novembre 1675
Voici des nouvelles de notre province. J’en ai reçu des lettres (un fagot), des Boucherats,
Lavardin, d’Harouys ; ils me rendent compte de tout. M. de Harlay demanda trois millions,
chose qui ne s’est jamais donnée que quand le Roi vint à Nantes ; pour moi, j’aurais cru que
c’eût été pour rire. Ils promirent d’abord, comme des insensés de les donner, et, en même
temps, M. de Chaulnes proposa de faire une députation au Roi pour l’assurer de la fidélité de
province et de l’obligation qu’elle lui a d’avoir bien voulu envoyer ses troupes pour les
remettre en paix, et que la noblesse n’a eu nulle part aux désordres qui sont arrivés. En même
temps, M. de Saint-Malo se botte pour le clergé ; Tonquedec voulut aller pour la noblesse,
mais M. de Rohan, président, a voulu aller lui-même, et un autre pour le tiers. Ils passèrent
tous trois à Vitré avant-hier. Il est sans exemple qu’un président de la noblesse ait jamais fait
une pareille course. (…) On ne voit point l’effet de cette députation. Pour moi, je crois que
tout est réglé et joué et qu’ils nous rapporteront quelques grâces ; je vous le manderai. Mais
jusqu’ici, nous n’en voyons pas davantage.
Ibid, p. 166
27 novembre 1675
Vous me parlez bien plaisamment de nos misères. Nous ne sommes plus si roués : un en huit
jours, seulement pour entretenir la justice. Il est vrai que la penderie me paraît maintenant un
rafraichissement. J’ai une toute autre idée de la justice depuis que je suis en ce pays ; vos
galériens me paraissent une société d’honnêtes gens, qui se sont retirés du monde pour mener
une vie douce. Nous vous en avons bien envoyé par centaines ; ceux qui sont demeurés sont
plus malheureux que ceux-là. Je vous parlais des Etats dans la crainte qu’on ne les supprimât
pour nous punir, mais nous les avons encore et vous voyez même que nous donnons trois
millions comme si nous ne donnions rien du tout. Nous nous mettons au dessus de la
circonstance de ne les pouvoir payer ; nous la traitons de bagatelle. Vous me demandez si tout
de bon nous sommes ruinés ; oui, et non. Si nous voulions ne point partir d’ici, nous y vivons
pour rien, parce que rien ne se vend ; mais il est vrai que, pour de l’argent, il n’y en a plus
dans cette province.
Ibid., p. 171