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Chapitre 4 :

LA MISE EN OEUVRE DE LA STRATÉGIE

Les décisions stratégiques ne sont pas de simples invocations, comme s’il suffisait de décider
pour que les choses se déroulent ensuite comme on l’avait (plus ou moins) planifiées. Si les
choix fondamentaux de développement de la firme sont du ressort de la direction générale,
c’est bien l’ensemble de l’organisation, y compris d’ailleurs les partenaires qui collaborent
avec elles, qui est concernée par leur mise en œuvre. Dans la plupart des cas, l’annonce de
décisions stratégiques correspond à une inflexion plus ou moins grande de la trajectoire
stratégique de la firme. Qu’il s’agisse d’une rupture (modification de trajectoire), ou d’un
recadrage (modification incrémentale de la stratégie), cette annonce suppose la mise en
oeuvre d’un changement dont l’échelle dépend bien sûr de la nature des choix opérés :
changement d’organisation générale, de produits, de politiques commerciales, de modes de
fabrication et/ou de distribution, de partenaires économiques…
Ce sont donc toutes les ressources qui sont concernées par l’inflexion envisagée : ressources
productives (financières, humaines, techniques et technologiques), mais aussi ressources
immatérielles comme l’organisation : organisation générale de la firme, au sens de structure
d’entreprise, organisation des processus au sens de la recherche de la combinaison productive
la plus efficiente. On s’attardera sur la double dimension de l’organisation, à savoir la
question de la structure la plus adaptée aux choix stratégiques et celle de l’allocation des
ressources qu’il convient d’optimiser au regard des objectifs stratégiques.

I. STRATÉGIE ET ORGANISATION GÉNÉRALE DE L’ENTREPRISE


Henry Mintzberg définit la structure d'une organisation comme « la somme totale des moyens
employés pour diviser le travail en tâches distinctes et pour ensuite assurer la coordination
nécessaire entre ces tâches « (Structure et dynamique des organisations, 1982). Au sens
étroit, le terme de structure désigne alors l'architecture générale de l'entreprise, représentée
schématiquement par un organigramme. Dans une vision plus large, une structure peut se
définir comme un ensemble de dispositifs, permettant de répartir, coordonner et contrôler les
activités, et d'orienter le comportement des hommes dans le cadre des objectifs de l'entreprise.
Dans ce sens, elle constitue bien une dimension essentielle du déploiement stratégique. En
effet, en tant que modalité d'agencement et d'articulation des différentes composantes de
l'entreprise, la structure détermine de manière plus ou moins formalisée les modes principaux
de division du travail entre unités de même que les mécanismes de collaboration et
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coordination assurant la cohérence globale de l'organisation par rapport aux objectifs qu’elle
s’est fixés.
La structure doit donc favoriser le développement économique de l'entreprise et la réalisation
de ses grandes options stratégiques. Pour cette raison, le choix de la structure est une décision
importante relevant de la direction générale. C'est une décision délicate dans la mesure où la
conception d'une structure, comme on va le voir, ne se limite pas à la prise en compte de
différents paramètres comme la taille de l'entreprise, son activité ou encore les
caractéristiques de son environnement. Une structure est aussi le reflet de la culture
dominante dans l'entreprise et traduit, formellement, la hiérarchie sociale et les jeux de
pouvoir au sein de l'organisation.
Les grands modèles de structure, organisation fonctionnelle, divisionnelle ou matricielle, ne
sont d'ailleurs que des référents types que les entreprises adaptent à leurs contraintes
spécifiques. Avec son approche par les configurations structurelles, Mintzberg a insisté sur la
nécessaire plasticité de l’organisation aux caractéristiques propres de l’entreprise, mais aussi
aux caractéristiques de ses managers. Ainsi, des dimensions aussi fondamentales pour la mise
en oeuvre des options de développement que l’autonomie et/ou la décentralisation relèvent
parfois au moins autant des contraintes stratégiques découlant de ces options que du type de
leadership exercé par les managers centraux.
Enfin, il faut noter que la diffusion des stratégies fondées sur des partenariats et des alliances
a tendance à modifier l’approche traditionnelle que l’on pouvait avoir d’une structure
d’entreprise.
L’éclatement des chaînes de valeur, la multiplication des réseaux et autres formes d’ «
arrangements institutionnels » déplacent désormais le problème de l’organisation au-delà des
frontières traditionnelles de la firme. La notion même de périmètre de la firme devient elle-
même floue et instable : il n’est pas sûr que les formes organisationnelles classiques ou même
les configurations structurelles de Mintzberg soient encore longtemps des catégories
pertinentes pour expliquer l’organisation générale des firmes.
Avant de préciser cette problématique du périmètre de la firme, voyons tout d’abord plus
précisément ce qu’est une structure, quelles sont ses principales caractéristiques. On verra
ensuite les principales formes et configurations qu’elles peuvent adopter.

1. LES CARACTÉRISTIQUES D'UNE STRUCTURE


1.1. Organes, liaisons, organigramme

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Si l'on s'en tient à la conception étroite, la structure est un agencement particulier des organes
composant l'entreprise. Ces derniers sont généralement rangés en trois catégories principales :
– les organes opérationnels ou d'exploitation, participant directement à l'activité
productive et commerciale de la firme : services de fabrication, de vente, de conception des
produits ;
– les services fonctionnels, assurant des activités de soutien aux organes opérationnels
dans le cadre d'une fonction déterminée : finance, comptabilité, gestion des ressources
humaines, maintenance des équipements, etc. ;
– les organes d'état-major, chargés de missions particulières auprès des principaux
responsables qu'ils conseillent et assistent dans la préparation de leurs décisions.
Plusieurs types de relations existent entre les différents organes de l'entreprise : relations
hiérarchiques, fonctionnelles et de conseil. Une liaison hiérarchique est la relation classique
de chef à subordonné. Les liaisons fonctionnelles désignent les relations entre services
spécialisés qui, dans leur domaine d'attribution, disposent de l'autorité et du pouvoir de
décision ; par exemple, les politiques de personnel élaborées par la direction des ressources
humaines s'imposent à l'ensemble des services de l'entreprise. Les liaisons de conseil sont les
relations entre un cadre hiérarchique et un spécialiste ou un service spécialisé, ce dernier
n'ayant ni autorité sur le premier ni pouvoir de décision.
L'organigramme d'une entreprise, lorsqu'il existe, est une représentation schématisée et
souvent simplifiée de ces organes et liaisons. Dans sa forme classique, il a tendance à
privilégier les liaisons hiérarchiques entre individus et/ou services et donc l'importance des
niveaux hiérarchiques au sein de l'entreprise. Pour cette raison, mais aussi parce qu'il ne
donne qu'une figuration formelle et statique de la structure, l'organigramme n'est qu'un reflet
partiel de l'organisation réelle. Pour décrire plus finement celle-ci, il est préférable de la
caractériser à partir de ses trois dimensions de base.

1.2. Spécialisation, coordination, formalisation


La division de l'entreprise en organes distincts repose sur le principe de spécialisation, qui
définit la manière dont est opéré le découpage des activités dans l'organisation. L'existence de
liaisons entre ces organes se justifie par la nécessaire unité d'action, par le besoin de
coordonner les activités de chacun afin d'assurer la cohérence globale de l'organisation. Par
ailleurs, celle-ci peut s'appuyer sur des règles et procédures plus ou moins précisément
définies ; autrement dit, elle peut être plus ou moins formalisée. Niveau plus ou moins élevé

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de spécialisation, nature des modes de coordination et degré variable de formalisation
permettent ainsi de caractériser toute structure d'entreprise.
Le mode principal de spécialisation de l'entreprise apparaît à la lecture de l'organigramme : on
voit immédiatement s'il s'agit d'un découpage des activités par grandes fonctions, par
domaines d'activités stratégiques, par zones géographiques, etc. Mais aux niveaux inférieurs
de la structure, d'autres modes de spécialisation sont envisageables. Ainsi, une entreprise
structurée principalement par grands métiers peut ensuite choisir une organisation par
fonctions pour chacun d'entre eux. Au sein d'une même organisation, les modes de
spécialisation peuvent donc se côtoyer et/ou se combiner. La division du travail se poursuit
ensuite au niveau des ateliers et des services pour la réalisation des activités : cet aspect de la
spécialisation sort du domaine de la structure d’entreprise.
Parallèlement au choix en matière de spécialisation, l'entreprise doit se poser la question des
mécanismes de coordination préservant la cohérence d'ensemble. La coordination par la
hiérarchie, inspirée du principe de l'unité de commandement cher à Fayol, reste un modèle
dominant, même si la tendance est aujourd'hui à une réduction des niveaux hiérarchiques et
donc à une conception moins « pyramidale « des structures. La coordination hiérarchique
existe dans toutes les organisations, mais elle est moins prégnante dans celles où le
management est plus participatif, et où la coordination s’opère alors majoritairement par
interactions directes entre les individus (ce que Mintzberg appelle l’« ajustement mutuel »).
Mais, dans toute organisation, il existe aussi une multitude de modes de coordination entre
services, entre activité, entre individus. La coordination peut ainsi s'opérer grâce à des
dispositifs tels que comités, réunions périodiques, documents internes (plan d'action, budget,
charte, etc.). Les entreprises ont aussi recours, ponctuellement ou de manière permanente, à
des agents ou services « intégrateurs « dont l’objectif est justement d’assurer la coordination
entre entités dont les objectifs peuvent être partiellement divergents : chef de projet,
coordinateur budgétaire, ou encore service logistique assurant la coordination des flux.
Le niveau de précision dans la description des fonctions, des liaisons et des modes de
coordination, des tâches et des domaines de responsabilité détermine le degré de formalisation
d'une entreprise. En général, un haut degré de formalisation dans une organisation se traduit
par la production de règles, définissant ce qui est acceptable ou inacceptable de la part de ses
membres, et de procédures, précisant les séquences d'étapes à respecter dans l'exécution des
tâches et la manière de traiter les problèmes. Dans les bureaucraties, et parfois aussi dans les
entreprises de grande taille, la formalisation de ces règles et procédures peut être étroitement
prescriptive et restreindre la liberté d'interprétation par les salariés des principes
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organisationnels. Ailleurs, au contraire, on mettra plus l'accent sur les missions et objectifs à
atteindre : on parlera dans ce cas de conception « organique « de la structure, par opposition à
la conception « mécaniste « du cas précédent.

1.3. Systèmes mécanistes, systèmes organiques


L'organisation mécaniste correspond au modèle webérien de la bureaucratie : une
spécialisation induite par une forte division du travail, une grande emprise de la coordination
hiérarchique, un haut degré de formalisation (poids des règles et procédures écrites). Dans sa
version extrême, une organisation mécaniste se distingue par sa lourdeur (nombre important
de niveaux hiérarchiques), sa lenteur (prise de décision ralentie par la circulation le long de la
ligne hiérarchique), son inertie et sa rigidité (le respect des règles laisse peu d'initiative à ses
membres). Pourtant, ce type de structure a été, et est encore dans des versions plus ou moins
aménagées, un modèle de référence pour les organisations de taille importante, en particulier
lorsqu’elles sont marquées par un niveau élevé de spécialisation du travail. Dans des
environnements relativement simples et stables, ces organisations mécanistes ont
d'incontestables vertus, en gros celles que Weber reconnaissait à l'entreprise bureaucratique :
les buts de l'organisation et la sphère de compétence de chacun sont clairement définis,
l'autorité est exercée à l'aide de règles et de procédures impersonnelles, l'incertitude est
éliminée grâce à une coordination et un contrôle hiérarchiques étroits. On comprend bien que
ce type de structure correspondait parfaitement à la fois aux caractéristiques de
l’environnement jusqu’à la fin des Trente Glorieuses et aux stratégies relativement peu
sophistiquées des entreprises pendant cette période de croissance stable et régulière.
La crise d'efficacité des systèmes fordiens dans les années 70-80 a poussé les entreprises à
mettre en place des structures plus souples et légères, plus décentralisées, moins
impersonnelles et moins formalisées, quitte à laisser un certain flou dans l'énoncé des
principes organisationnels. Cette conception « organique « des structures permet une plus
grande plasticité pour réagir aux évolutions parfois imprévisibles de l’environnement.
Concrètement, cette réactivité s'obtient par une réduction des niveaux hiérarchiques
(accompagnée souvent d'un « amaigrissement « des structures et des coûts fixes induits), la
mise en place d'organisations par projets, ou matricielles, ou encore, débordant les frontières
de l'entreprise, par réseaux. Dans les structures organiques, l'autorité hiérarchique laisse une
place importante aux mécanismes de coordination plus souples : ajustements mutuels,
réunions périodiques, agents intégrateurs etc.

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2. LES DÉTERMINANTS DE LA STRUCTURE
L'importance du choix de la structure dans la réalisation des objectifs stratégiques de
l'entreprise explique l'intérêt porté par de nombreux auteurs aux mécanismes de conception de
l'organisation. Au début du siècle, Taylor, Fayol, mais aussi Weber ont défini les
caractéristiques d'une « bonne « organisation. Dans la même optique empirique et normative,
d'anciens praticiens des affaires comme Alfred Sloan (1875-1966) ou consultants comme
Peter Drucker ou Octave Gélinier ont cherché à énoncer à leur tour des principes « efficaces »
d'organisation (décentralisation coordonnée des responsabilités, management par objectifs,
direction participative par objectifs...). A l'instar des classiques, ces auteurs partent
d'hypothèses et de constats tirés de l'expérience et en dégagent des règles générales d'action.
Abandonnant la quête de l'organisation « idéale », plusieurs auteurs ont mené, dans les années
60-70, des études comparatives des structures d'entreprises et mis en évidence les données de
contexte susceptibles d'influencer les choix organisationnels et les performances de la firme.
Pour Chandler le déterminant principal est la stratégie de l'entreprise, au sens où celle-ci doit
trouver dans l’organisation générale une forme pertinente. D'autres auteurs ont établi des
corrélations entre l'efficacité des structures et certaines variables « contingentes » comme
l'âge ou la taille de l'entreprise, sa technologie, son environnement.

2.1. Stratégie et structure


Dans l’optique de cette partie, il est essentiel de présenter les travaux théoriques explicitant la
relation existant entre stratégie et structure. Cette relation a été conceptualisée par un
spécialiste de l'histoire des entreprises, Alfred Chandler. Examinant les modalités de
croissance de quelques grandes firmes américaines depuis la première moitié du XIXe siècle
jusqu’aux années 1970, Chandler montre que chaque changement important de stratégie
conduisait les entreprises à modifier leur structure. Il met ainsi en évidence une séquence de
phases d'évolution :
– le stade initial de la petite entreprise mono-activité peu structurée fondant sa croissance
sur une expansion en volume de son activité ;
– la phase d'expansion géographique de l'entreprise dans son activité de base : la
multiplication des sites conduit à un renforcement de la fonction administrative pour faire face
aux besoins nouveaux de coordination ;
– la phase suivante est celle de l'intégration verticale, l'entreprise internalisant différentes
activités auparavant assurées par des entreprises spécialisées (approvisionnements,
distribution) : elle met alors en place une organisation par fonctions ;
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– la dernière phase est la croissance par diversification des activités : l'entreprise sort de
son activité de base et s'organise alors en grandes divisions (firme multi-divisionnelle).

Autrement dit, pour Chandler, les choix stratégiques induisent les choix en matière de
structure. Cette relation déterministe est validée dans les faits, lorsque les changements
stratégiques sont réellement radicaux (désengagement d’un DAS, ou au contraire
diversification, fusion, absorption, intégration verticale…). S’il s’agit seulement d’infléchir
sans la remettre vraiment en cause la trajectoire stratégique, la firme ne modifie pas, ou
seulement à la marge son organisation générale. Cette remarque n’invalide pas le propos de
Chandler, mais en limite la portée à des situations précises de changement en rupture avec une
trajectoire antérieure.
D'autres auteurs ont souligné que la relation était plus complexe : la structure elle-même
induit partiellement certaines orientations stratégiques. L'analyse des processus de décision
dans les grandes entreprises comme la tendance des organisations à reproduire les choix
stratégiques expérimentés avec succès confortent cette hypothèse. On a pu voir dans la
première partie de cette série que la manière dont est organisé le processus de prise de
décision au sein de la firme influence les choix produits (voir le modèle organisationnel de
prise de décision). Mais, là encore, cette vision « dialectique « de la relation stratégie-
structure affine plus qu'elle ne contredit l'analyse de Chandler, ce dernier estimant que les
changements structurels n'intervenaient qu'à partir du moment où l'accumulation de
mauvaises performances imposait la recherche de formes organisationnelles plus efficaces.

2.2. L'âge, la taille, la technologie


L'idée centrale de l'analyse contingente des organisations est qu'une « bonne « structure (i.e. :
la plus efficace) se manifeste par la cohérence entre les différentes composantes du système
entreprise et les contingences auxquelles elles sont confrontées. La taille des unités joue un
rôle essentiel : dans une grande organisation, la division du travail est plus poussée, la
standardisation renforce la coordination par la hiérarchie, le degré de formalisation est élevé.
L'âge de l'organisation joue dans le même sens d'une tendance à la complexité, au poids
renforcé de la fonction administrative (la « spirale bureaucratique « ).
L'organisation de l'entreprise est naturellement influencée par ses choix techniques. Dans les
années 60, Joan Woodward explique les différences de structures observées par les
différences de technologie ; distinguant plusieurs catégories d'organisation en fonction du
processus de production (production par projets, « à l'unité », de masse, en continu), elle
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montre que les firmes les plus performantes sont celles dont les caractéristiques
organisationnelles correspondent à leur type de technologie. Ainsi, la hiérarchie est courte
dans les firmes à production unitaire et plus lourde dans les entreprises de production de
masse où la main-d’œuvre est peu qualifiée. La coexistence de plusieurs systèmes techniques
dans une entreprise multi-activités oblige à adopter différentes solutions structurelles.

2.3. L'influence de l'environnement


Cette idée d'une différenciation des choix organisationnels au sein d'une même firme est
reprise dans les travaux de Paul Lawrence et Jay Lorsch qui associent diversité
organisationnelle et différences environnementales. Pour eux, en effet, plus l’environnement
est complexe (le nombre de variables à maîtriser est élevé) et instable (les variables évoluent
rapidement et le degré d'incertitude s'élève), plus la firme a intérêt à mettre en place une
structure souple et décentralisée, faiblement formalisée, sur le modèle vu plus haut des
systèmes organiques. A l'opposé, des structures de type mécaniste dotées de systèmes très
centralisés de prise de décision sont efficaces dans les environnements simples et stables.
Par ailleurs, les différents sous-systèmes composant l'entreprise (ses divisions, ses grandes
fonctions) étant confrontés à des sous-environnements spécifiques aux caractéristiques de
complexité et de stabilité variables, il faut adapter l'organisation de chacun d'entre eux à ses
contraintes spécifiques. De plus, les managers responsables de ces différents sous-ensembles
n’ont pas le même horizon temporel, n’ont pas la même représentation de l’activité puisqu’ils
ont en charge un fragment spécifique de cette dernière. La manière de raisonner d’un
responsable de R&D est assez différente de celle d’un responsable de production ou d’un
responsable financier. Pour Lawrence et Lorsch, il faut accepter cette approche différenciée
inévitable dans des organisations structurées en sous-ensembles dont les logiques peuvent être
partiellement divergentes. Ils pensent d’ailleurs que le rôle de l’organisation n’est pas d’éviter
ou de nier les conflits, mais de les gérer de manière profitable pour l’organisation.
La différenciation poussée des formes organisationnelles au sein d'une même firme suppose
donc la mise en œuvre conjointe des mécanismes d'intégration permettant d’assurer la
cohérence du système et de résoudre les inévitables conflits organisationnels.

2.4. Culture et pouvoir


La conception d'une organisation n'est pas seulement influencée par des facteurs tels que
l'âge, la taille, la technologie ou l'environnement. D'autres déterminants interviennent qui
permettent d'expliquer les différences de choix structurels d'un pays à un autre, y compris
8
pour des firmes d'un même secteur d’activité. Les entreprises sont en effet traversées par des
éléments culturels sociétaux qui interagissent avec leur propre système de valeurs, liées à leur
histoire, à leurs traditions, aux évènements qui les ont marquées.
En particulier, la nature du pouvoir et la manière dont il se distribue dans la société, la place
accordée par les individus au travail, le style dominant de management, l'attrait plus ou moins
fort des dirigeants pour le pouvoir et un contrôle étroit de l'organisation sont autant d'éléments
de différenciation des structures d'une culture à une autre. Le management « à la française «
est ainsi très différent du management « à l'américaine « au sens où il est caractérisé par une
forte emprise de la hiérarchie, une valorisation de la notion d'encadrement, une relative
aversion à l'égard de l'instabilité et du risque. Ces traits se retrouvent dans la conception des
organisations sénégalaises : importance des niveaux hiérarchiques, souci marqué de
centraliser les décisions, de structurer les tâches, de formaliser des règles et procédures, de «
ritualiser « les comportements. L’influence de ces éléments culturels sur l'organisation est
considérable : non seulement ils participent à la configuration générale de la structure, mais ils
déterminent en outre son aptitude plus ou moins grande au changement et à la réalisation des
apprentissages nécessaires aux adaptations structurelles.
C’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons souligné l’importance de la prise en compte
des traits culturels dominants de l’entreprise dans la phase d’analyse-diagnostic.

3. LES FORMES STRUCTURELLES

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La typologie traditionnelle des structures d'entreprises permet de situer ces dernières par
référence à des modèles-types : structure fonctionnelle où le découpage des activités est opéré
par grandes fonctions (logique d'organisation par les inputs), structure divisionnelle où les
différentes unités correspondent aux domaines d'activités de l'entreprise (logique
d'organisation par les outputs), structure matricielle croisant les deux logiques précédentes.
Cette typologie classique présente deux inconvénients : elle conduit à sous-estimer
l'extraordinaire diversité des structures réelles et peut masquer les hybridations et les
dynamiques possibles entre les diverses formes structurelles.
L'approche par les configurations structurelles de Mintzberg tente de pallier cette double
lacune.

3.1. Les structures traditionnelles


Après le stade initial de la structure « en soleil », caractéristique des toutes petites entreprises
faiblement organisées où le patron coordonne directement l'activité des quelques personnes
travaillant avec lui, la croissance de l'entreprise impose une certaine spécialisation des tâches.
Comme le suggérait Chandler, l'entreprise commence à se structurer en identifiant des entités
spécialisées et, en règle générale, opte pour une structure fonctionnelle sur le modèle suivant :

La poursuite du développement conduit à accentuer la spécialisation et le degré de


formalisation ; la direction générale s'entoure de collaborateurs : le schéma fonctionnel simple
se complexifie avec l'apparition d'organes d'état-major se superposant aux fonctions
opérationnelles :

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Dans les structures divisionnelles, la départementalisation des activités obéit à un découpage
par unités stratégiques de base, ou par produits, par marchés, ou encore par zones
géographiques. Chaque division correspond en fait à une entreprise mono activité, d'ailleurs
souvent organisée selon le modèle fonctionnel évoqué précédemment. Les décisions
opérationnelles relèvent des divisions ; la direction générale élabore la stratégie d'ensemble,
décide de l'allocation des ressources entre divisions, contrôle leurs performances, les services
d'état-major (exemples : planification, service juridique, mais il peut s’agir aussi d’un service
de R&D centralisé, d’un département ressources humaines gérant les politiques sociales au
niveau du groupe etc.) qui lui sont rattachés fournissant des prestations communes à
l’ensemble des divisions, l’idée étant d’éviter l’éparpillement des moyens entre les différentes
entités :

Structures fonctionnelles et divisionnelles ont des avantages et inconvénients à peu près


symétriques qui sont résumés dans le tableau 5 ci-dessous.

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Les structures matricielles, quant à elles, cherchent à combiner les deux modes précédents
afin de cumuler leurs avantages sans en avoir les inconvénients ; elles tendent ainsi à :
– préserver le potentiel commun de l'entreprise (logique fonctionnelle) ; les ressources
restant centralisées, l'entreprise réalise des économies d'échelle et développe des compétences
spécialisées ;
– conduire des projets complexes nécessitant de multiples collaborations (logique
divisionnelle).
Outre leur caractère complexe, les organisations matricielles présentent l'inconvénient de
remettre en cause le principe d'unité de commandement. La double hiérarchie (responsable
fonctionnel, chef de projet) risque de fragiliser l'organisation ou de faire tendre cette dernière
vers l’une ou l’autre logique, ce qui reviendrait alors soit à une structure fonctionnelle, soit à
une structure divisionnelle. Ce risque d’instabilité des structures matricielles est minimisé
lorsque les projets ont une durée de vie limitée (exemple de la conception de nouveaux
véhicules dans l'industrie automobile).

3.2. L'approche de Mintzberg par les configurations structurelles


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Dans son ouvrage de référence sur les structures d’entreprises, Mintzberg propose une
approche synthétique des formes structurelles. Son approche par les configurations est une
perception globale de l'organisation, cette dernière étant saisie à travers les relations entre ses
différentes composantes et leur poids respectif.
Il part du principe que toute organisation comporte certaines composantes plus ou moins
développées selon des contingences qu’il s’emploiera ensuite à préciser. Mintzberg identifie
cinq composantes de base présentes dans toute organisation :

– le sommet stratégique (l'équipe dirigeante) ;


– la ligne hiérarchique, assurant la liaison entre le sommet stratégique et le centre
opérationnel ;
– le centre opérationnel (les services réalisant le travail de production et de
commercialisation des biens et services) ;
– la technostructure, composée des services qui planifient, conçoivent les procédés de
travail, l'organisation etc. ;
– le support logistique, c'est-à-dire les services assurant des prestations internes non
directement liées à l'activité (conseil juridique, service courrier, restaurant d'entreprise...).
Pour Mintzberg, le problème de la structure se ramène alors à la définition des moyens utilisés
pour diviser le travail en tâches distinctes et pour en assurer la coordination. Les choix ainsi
opérés vont configurer l'organisation : la ligne hiérarchique sera plus ou moins longue, la
technostructure et le support logistique auront une importance plus ou moins grande, la
centralisation du pouvoir aura un degré variable etc. En jouant ainsi sur l’importance variable
de chacune de ces cinq composantes, Mintzberg propose plusieurs configurations-types

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(structure simple, bureaucratie mécaniste, organisation professionnalisée, structure
divisionnalisée, adhocratie1, organisation missionnaire, organisation politisée), que l'on peut
représenter en déformant le schéma des cinq composantes de base. Par exemple, une
bureaucratie mécaniste aura une longue ligne hiérarchique avec une importante
technostructure, alors qu’une organisation professionnalisée (un cabinet de consultants, par
exemple, ou une société de services informatiques) aura une ligne hiérarchique courte et une
technostructure réduite (les salariés du centre opérationnel conçoivent eux-mêmes leurs
modes opératoires).
L'intérêt de cette typologie est double :
– pour l'élaborer, Mintzberg s'est appuyé sur une analyse fine des différents mécanismes
possibles de coordination du travail : ajustement mutuel (coordination des activités par
interactions directes), supervision directe (coordination par la hiérarchie), standardisation des
tâches (formalisation des procédés), standardisation des résultats (l'organisation définit le
résultat à atteindre lorsque les tâches sont trop complexes pour être prescrites), standardisation
des qualifications (l'organisation ne peut spécifier ni les procédés ni le résultat à atteindre, et
détermine alors les compétences individuelles nécessaires) ; si plusieurs modes de
coordination peuvent coexister au sein d'une entreprise, l'un d'entre eux est dominant et
contribue à profiler l'organisation ; par exemple, c’est la supervision qui dominera dans une
bureaucratie mécaniste, alors qu’une organisation professionnalisée valorisera les ajustements
mutuels (le mode de management étant supposé plus participatif à mesure que le niveau des
qualifications des salariés augmente) ;
– la typologie proposée prend en compte les aspects dynamiques de l'évolution des
organisations considérées dans leur ensemble. Face à des contraintes et des contingences
mouvantes, ces dernières tendent à s'adapter par saut d'une configuration à une autre. Cela dit,
Mintzberg reste assez discret sur la manière dont s’opèrent ces sauts et sur le processus de
changement proprementdit.

3.3. La complexification des formes d'organisation


Les grands modèles-types de structures sont avant tout des repères permettant de situer les
caractéristiques principales de l'organisation des entreprises. Dans la réalité, celles-ci

1
Les " adhocraties " désignent des formes structurelles difficilement classables, expressément
mises en œuvre pour conduire un projet complexe associant des équipes de spécialistes de
haut niveau dans un environnement incertain.

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empruntent aux différents schémas, la tendance actuelle à la différenciation des formes
d'organisation accentuant le caractère combinatoire des structures. Cette hybridation
s'explique par les données propres à chaque firme, mais provient aussi des aménagements
successifs que les firmes sont amenées à effectuer à partir de leurs structures existantes pour
s'adapter aux modifications de leur environnement et, plus généralement, aux inflexions de
leur stratégie. Si elle reste pertinente pour décrire les modalités principales de
départementalisation des entreprises, l'approche par les grands modèles-types rend de moins
en moins compte de la complexification en cours des formes organisationnelles.
Les configurations structurelles de Mintzberg reflètent mieux cette réalité dans la mesure où
elles englobent l'organisation et permettent ainsi d'analyser simultanément ses différents
niveaux sans se limiter au mode principal de spécialisation et de coordination. Mais la
typologie de Mintzberg comporte aussi ses zones d’ombre : parler d’adhocratie, par exemple,
est une commodité que l’on peut utiliser pour désigner des formes spécifiques d’organisations
soit très simples (une start-up, par exemple), soit très complexes. Mais les caractéristiques
propres de ces adhocraties ne sont pas réellement explorées.

4. STRUCTURE ET PÉRIMÈTRE DE LA FIRME


Toutefois, ces différents outils, formes-types et configurations mintzbergiennes, pertinents
pour analyser les tendances organisationnelles récurrentes (structures plus souples et
décentralisées, réduction des niveaux hiérarchiques, développement de modes plus
transversaux de coordination), risquent de l'être moins pour rendre compte d'évolutions plus
significatives remettant en cause les frontières mêmes de l'entreprise. Or, ce phénomène tend
à s'accélérer en raison de la mondialisation des activités et du mouvement d’externalisation
ou, plus précisément, de « désintégration verticale » (tendance des entreprises à confier une
ou plusieurs des fonctions de leur chaîne de valeur à des partenaires extérieurs).
On voit alors se multiplier des organisations complexes associant en vue d’un objectif
commun et sous des formes diverses des entreprises concurrentes et/ou complémentaires, ce
que nous avons appelé dans la partie précédente la « croissance contractuelle ». Le succès de
ces coopérations et de la notion de réseau s'explique par les évolutions récentes des relations
interentreprises. Recentrées sur leurs métiers de base et leurs compétences stratégiques, les
firmes préfèrent désormais développer les alliances et partenariats, optant ainsi pour des
modalités de régulation contractuelle a priori plus souples que les mécanismes internes de
coordination et moins risquées que les pratiques antérieures de diversification. Comme le
souligne Alain Desreumaux, au modèle de la grande entreprise intégrée se substituent des
15
modes de développement permettant de « retrouver, à travers la désintégration verticale,
l'exploitation de compétences distinctives et la constitution de véritables réseaux stratégiques
aux frontières fluctuantes, les avantages de souplesse, de dynamisme et de capacité
d'adaptation de l'organisation de petite taille ». Autrement dit, les réseaux, sous leurs
différentes formes plus ou moins centralisées1, permettraient de cumuler les avantages des
structures fonctionnelles (spécialisation technique) et des structures divisionnelles (adaptation
souple des couples produits-marchés), sans avoir à souffrir de l'instabilité propre aux
structures matricielles.

La question de l’organisation générale de la firme a longtemps concerné des ensembles


juridiques, économiques et sociaux bien délimités, aux frontières précises. Les modèles-types
de structures ou l’approche par les configurations structurelles ont donné des repères fiables
permettant de décrire les organisations et de comprendre les modalités de leur évolution. Ils
proposent aujourd’hui un cadre toujours pertinent mais insuffisant pour appréhender les
changements en cours depuis une vingtaine d’années dont les deux principaux méritent d’être
rappelés. Le premier est le souci de transversalité de plus en plus marqué dans l’organisation
interne de la firme, comme en témoigne la banalisation des structurations par projets.
Le second est le caractère plus incertain du périmètre de l’entreprise en raison de la
multiplication des coopérations inter-firmes sous de multiples formes, ce que Williamson,
dans ses prolongements de la théorie des coûts de transaction, appelle les « arrangements
institutionnels » (réseaux, alliances, partenariats etc.). La question de l’organisation devient
alors un problème d’agencement entre plusieurs acteurs complémentaires au sein de la filière,
résultant souvent du processus de « désintégration verticale ». Ces acteurs sont associés au
sein d’une même chaîne logistique (supply chain) et partagent fréquemment des systèmes
d’information communs. La structure de l’entreprise doit alors intégrer deux composantes
nouvelles, deux variables de contingence supplémentaires, à savoir l’organisation globale du
réseau ou de la filière et l’existence de systèmes d’information intégrés. L’importance de ces
deux composantes est parfois telle qu’on a inventé des termes –firme virtuelle ou
transactionnelle- pour désigner ces sociétés qui, à l’instar de Nike ou, dans une moindre
mesure, de Benetton, limitent leur périmètre à quelques activités, en général la conception des
produits et le marketing, et à la gestion de l’organisation globale de leur réseau et des contrats
avec leurs partenaires. L’avantage pour ces firmes est alors évident : elles échappent en
grande partie à la contrainte du changement et le déploiement de la stratégie devient
principalement l’affaire de leurs partenaires du réseau.
16
II. LA QUESTION DE L’ALLOCATION DES RESSOURCES
L’analyse stratégique a pu mettre en évidence les capacités et incapacités au regard des
objectifs stratégiques et de l’inventaire des ressources financières, technologiques, humaines
et organisationnelles de l’entreprise. Les choix stratégiques ont été opérés, non pas sur la base
d’un existant stable, mais en fonction de ce que l’entreprise est en mesure de se procurer
comme ressources à l’horizon du plan stratégique. Dans la phase de mise en oeuvre de ce
dernier, il convient donc de configurer ou reconfigurer ces ressources, en préservant et en
cherchant à constituer ou stabiliser celles qui sont uniques et/ou susceptibles d’être
déterminantes dans la concrétisation de l’avantage concurrentiel. Le processus d’allocation
des ressources n’est donc pas seulement la mise en place de la combinaison productive la plus
efficiente à un moment donné. C’est aussi une construction de l’avenir, l’ambition de se
procurer les ressources futures considérées comme essentielles. C’est enfin le souci de
contrôler l’utilisation optimale de ces ressources : le déploiement stratégique suppose donc la
mise en place de différents systèmes de contrôle depuis le niveau des décisions stratégiques
(le contrôle stratégique est affaire de « gouvernance ») jusqu’à la mesure individuelle de la
performance.
Ce paragraphe reprend les trois logiques exposées ci-dessus2 : configuration, anticipation,
contrôle.

1. LA CONFIGURATION DES RESSOURCES


Il est du ressort de chacune des entités de l’entreprise de savoir repérer les besoins en
ressources et de combiner ces dernières (on utilisera ci-après le verbe de « configurer » qui a
une dimension plus organisationnelle et évoque aussi l’idée de « processus » contrairement au
terme « combiner » qui évoque l’approche abstraite de l’allocation des facteurs de production
dans la théorie économique standard) dans le souci de constituer les compétences qui seront
nécessaires au déploiement des options stratégiques. Comme on part presque toujours d’un
existant (les stratégies mises en place ex nihilo sont rares, et les approches « greenfield »,
désignant les situations où tout est à faire, et donc tout est possible, est surtout un outil de la
réflexion), il y a forcément une réflexion à avoir sur le redéploiement des ressources
existantes. Dans les industries où le processus technique est complexe comme par exemple
des chaînes de montage des véhicules automobiles, l’existant est même intégré comme
contrainte lors de la conception de nouveaux produits. On ne reconfigure pas la totalité de la

2
Logiques que nous reprenons de Johnson et alii, Stratégique, Publi Union Editions, 2000.

17
ligne pour la mise en fabrication d’un nouveau modèle. Dans de tels cas, on voit même que la
manière dont sont configurées les ressources est une donnée incontournable de la mise en
oeuvre de la stratégie.
La pertinence de la configuration des ressources conditionne le maintien voire la conquête
d’un avantage concurrentiel. L’objectif est simple à énoncer, mais difficile à mettre en œuvre
pour au moins trois raisons :
– une configuration optimale dépend autant de la qualité des ressources et compétences
elles-mêmes que de la cohérence des processus, liaisons et types de coordination qui les
associent et leur donnent leur cohérence organisationnelle. C’est le principe de l’efficience «
X » que l’on a évoquée précédemment ;
– le travail de configuration doit identifier correctement les ressources et compétences-
clés, celles qui seront à la base de l’avantage concurrentiel et qu’il faudra préserver et
protéger de l’imitation (donc probablement qu’il faudra développer) ; comme on l’a vu dans
la partie relative au diagnostic stratégique, le problème de ces ressources et compétences
stratégiques est de savoir identifier leur subtile alchimie (qu’est-ce qui fait par exemple qu’un
service de R&D est particulièrement fécond, les individus qui y travaillent, le collectif ainsi
constitué, l’ensemble organisationnel dans lequel ils s’insèrent ?) ; lorsque ces compétences
sont liées en propre à un ou plusieurs individus (exemple des traders dans les sociétés
financières par exemple), les compétences sont plus faciles à circonscrire mais pas toujours
plus aisées à préserver : il faut alors savoir motiver les compétences afin de les conserver ;
– les configurations de ressources doivent s’inscrire dans une logique d’efficience, c’est-
à-dire de minimisation des moyens consommés par rapport au résultat recherché. Les
économistes industriels ont montré que l’efficience dépendait en partie de l’expérience
cumulée. Dans la théorie, la firme ayant cumulé le plus d’expérience, donc la firme leader,
disposait d’une avance intrinsèque sur ses rivales. Mais l’expérience pose plusieurs
problèmes, bien que l’accumulation d’expérience par effets d’apprentissage constitue
indubitablement une source d’amélioration de la productivité. D’une part, l’expérience peut
aussi être contre-productive dans la mesure où elle inscrit une trajectoire de raisonnement
dont il est souvent difficile de s’extraire. D’autre part, l’expérience peut être anéantie soit par
la recherche d’un avantage concurrentiel par différenciation (on sort ainsi de la logique des
coûts induite par les effets d’apprentissage), soit par la découverte de procédés de fabrication
nouveaux. Cela peut être par exemple le comportement d’un suiveur qui attend que le leader
s’installe et fasse les expérimentations pour ensuite corriger les erreurs repérées.

18
Néanmoins, ces réflexions sur la configuration des ressources restent dans une logique
classique d’allocation des moyens de production. La montée en puissance des problèmes liés
à la gestion de l’information montre que, de plus en plus, la question de l’allocation des
ressources tourne autour de la mise en place de systèmes performants d’information et de
communication. Ce n’est sûrement pas un hasard si des outils de gestion de la production
comme le supply chain management sont fondés sur l’optimisation des flux physiques, mais
aussi d’information.
L’avantage concurrentiel est aujourd’hui obtenu plus sûrement par la firme qui sait réagir vite
que par celle qui fournit à un moment donné le bien ou le service de meilleure qualité.
L’idée d’optimiser la configuration des ressources par le biais des systèmes d’information
n’est pas vraiment nouvelle. Elle relève de la logique de reengineering (ou reconfiguration
des processus) qui s’est développée dans les années 90 et dont nous montrerons plus loin,
dans le paragraphe suivant relatif au changement, l’intérêt et les limites. Il est certain que la
diffusion des NTIC (Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication) a eu
un impact essentiel sur la configuration des ressources productives, sur leur gestion et sur leur
contrôle. Non seulement elles ont accru dans des proportions encore inconnues la vitesse de
diffusion et la capacité de traitement des informations.
Mais elles ont aussi abaissé leur coût à tel point qu’il est plus économique de transférer au
marché certaines activités de la chaîne de valeur. Dans une logique « transactionnelle » (voir
la théorie des coûts de transaction), l’abaissement des coûts de l’information rend moins
coûteuses les transactions marchandes et constitue une incitation à l’externalisation.

2. ANTICIPER LES RESSOURCES ET LES COMPÉTENCES


La configuration des ressources est un ensemble de décisions qui suivent les choix
stratégiques, mais qui ne doivent pas donner une vision figée de l’organisation. De même que
l’entreprise a tout intérêt à opérer une « veille stratégique » pour suivre toute modification de
son environnement, elle a intérêt à opérer une veille permanente de ses ressources et en
particulier de celles qui sont à la base de l’avantage concurrentiel (celles donc qui
correspondent aux facteurs-clés de succès de l’activité). Cela suppose par exemple une
réflexion sur les ressources et compétences existantes au moment de la réflexion stratégique et
une mise en comparaison de ces dernières avec les ressources des entreprises les plus
performantes du secteur. Cette démarche d’ « étalonnage » (benchmarking en anglais) est de
plus en plus fréquente dans le contexte actuel où les firmes cherchent à fonder leur stratégie
plus sur l’identification de leurs compétences stratégiques que sur l’examen des menaces et
19
opportunités de l’environnement (voir l’approche de la stratégie fondée sur les ressources). Le
benchmarking donne une indication de la position de l’entreprise au regard de ses principales
ressources et compétences stratégiques et indique les points à améliorer.
On voit bien ici une des implications logiques de l’analyse présentée dans la partie 2 :
l’identification des FCS permet de repérer les activités de la chaîne de valeur qui sont
susceptibles de contribuer à la réalisation de l’avantage concurrentiel. Et c’est bien entendu
sur ces ressources qu’il conviendra de mettre l’accent pour préparer le futur. Et la réflexion
sur l’acquisition de ces ressources ou compétences stratégiques renvoie à des choix essentiels
qui relèvent de la direction générale. Par exemple, le maintien d’un avantage concurrentiel
aujourd’hui et la préparation d’un avantage pour demain dans de nombreux secteurs de haute
technologie suppose l’acquisition de compétences humaines (ingénieurs) mais aussi de
technologies que l’on peut se procurer de diverses manières, en particulier par le rachat
d’entreprises existantes (on achète alors la technologie et/ou la matière grise).
On voit bien dans ces cas que la question de l’anticipation des ressources et compétences est
une composante à part entière de la réflexion stratégique de la firme.
On remarquera que si une démarche planifiée pose des problèmes spécifiques pour
l’acquisition de ressources technologiques, elle est pertinente en revanche pour l’acquisition
des ressources humaines. C’est même le développement d’outils tels que la Gestion
Prévisionnelle de l’Emploi et des Compétences (GPEC) qui a élevé la fonction RH au rang du
« management stratégique des ressources humaines ».
La dimension prévisionnelle d’anticipation des ressources relève ainsi de la planification
propre à chaque grande fonction de l’entreprise. C’est clairement le niveau intermédiaire de
décision entre le stratégique et l’opérationnel que l’on a évoqué dans la partie précédente (les
stratégies fonctionnelles).

3. LE CONTRÔLE DE LA MISE EN OEUVRE DES RESSOURCES


Toute organisation met en place des dispositifs de contrôle, c’est-à-dire de mesure de la
qualité des décisions et des actions. D’ailleurs, tous les processus de gestion, qu’il s’agisse de
stratégie, de choix d’investissement, de reconfiguration de l’organisation ou de mise en place
d’une formation, obéissent à une séquence classique assimilable à un processus de résolution
de problème : information-décision-exécution-contrôle.
Les dispositifs de contrôle peuvent être plus ou moins formalisés. Les dispositifs de contrôle
non formalisés sont évidemment complexes à analyser et renvoient aux éléments de culture et
aux modes de management qui incitent les acteurs à adhérer aux buts de l’entreprise, à
20
interpréter de manière convergente les événements, à se comporter selon des « normes »
admissibles par tous les membres de l’organisation. On parle de « contrôle social » pour
évoquer cette standardisation des normes sociales internes de fonctionnement et la pression
ainsi exercée par l’organisation sur le comportement de ses membres. C’est un mode de
coordination qui comporte des avantages évidents dans la mesure où il oriente les attitudes et
actions des individus dans le sens souhaité par l’organisation ; il peut aussi être interprété
comme un facteur de stress s’il est perçu comme une « normalisation » des comportements.
Nous nous intéresserons ici plus particulièrement aux dispositifs formalisés produits par toute
organisation et que cette dernière met en place pour vérifier la bonne réalisation des objectifs
qu’elle a définis. L’ensemble des dispositifs de contrôle constitue un système plus ou moins
complexe (notamment en fonction de la taille de l’entreprise, de la diversité de ses activités,
de son caractère centralisé ou non, etc.) et plus ou moins stabilisé (les dispositifs de contrôle
ne sont pas figés, ils sont en construction permanente dans l’organisation). Les outils du
contrôle permettent de vérifier que les comportements réels des acteurs dans l’organisation,
l’exécution des décisions et le niveau des performances sont conformes aux buts fixés par les
dirigeants. Ce système constitue donc une somme de références pour les acteurs, à laquelle ils
se rapporteront plus ou moins consciemment pour orienter leurs comportements, mesurer
leurs propres performances par rapport aux objectifs prévus. Ce point est fondamental car il
signifie que les dispositifs de contrôle ne sont pas neutres dans une organisation : ils
influencent le comportement des acteurs, ces derniers ayant tendance à déterminer leurs
actions en fonction de la manière dont elles sont évaluées. Il suffit pour s’en convaincre
d’observer les différences d’attitudes des salariés dans une entreprise où on contrôle le travail
au regard d’objectifs à atteindre et dans une autre entreprise où on contrôle le temps travaillé.
Les sociologues des organisations ont même montré que l’influence des systèmes de contrôle
était parfois telle (notamment dans les organisations bureaucratiques) que le respect des
procédures et des règles pouvait être considéré par les salariés comme plus important que les
objectifs mêmes de l’organisation.

3.1. Les missions du contrôle d’entreprise


L’exigence de contrôle se justifie non seulement par le souci de maîtrise du fonctionnement
de l’organisation, mais aussi par le respect d’obligations imposées à celle-ci par des acteurs de
son environnement (les actionnaires, l’État, les intermédiaires financiers). Mais, qu’il soit à
l’initiative des dirigeants de l’entreprise ou qu’il résulte d’une obligation externe, le contrôle
remplit les mêmes missions de mesure de l’efficacité et de l’efficience.
21
L’efficacité est la mesure du résultat obtenu par rapport aux objectifs poursuivis. Autrement
dit, il s’agit de savoir si les décisions prises sont conformes aux buts fixés et contribuent à les
atteindre. La référence à ces derniers est inévitable pour donner du contenu à la notion de «
qualité de la décision », très abstraite si les buts ne sont pas clairement partagés au sein de
l’organisation ou s’ils sont énoncés de manière large. Ainsi, préserver la compétitivité, voire
l’accroître, sont des objectifs généraux censés orienter les actions des individus. La définition
de processus formalisés de prise de décision, comme toutes les formes de planification,
permet de contrôler la qualité des actions au regard des buts ; de même, le contrôle s’exerce
par voie hiérarchique, chaque manager étant supposé, à son niveau, adapter la « qualité » des
décisions et des actions aux spécificités de son service.
L’efficience est la mesure des moyens utilisés par rapport aux résultats obtenus. Le souci
d’efficience n’est pas dissociable du souci d’efficacité, une organisation pouvant être à la fois
efficace et sous efficiente (elle atteint ses buts à un coût trop élevé). Les dispositifs de
contrôle doivent donc assurer aux dirigeants que non seulement les décisions et les actions
vont dans le sens des objectifs définis, mais aussi qu’elles permettent l’utilisation la plus
économique des moyens pour y parvenir (minimiser les moyens pour atteindre les buts, se
procurer les ressources au moindre coût).
Cette double mission (recherche de l’efficacité et de l’efficience) permet à l’entreprise
d’évaluer ses performances et de s’assurer que son fonctionnement l’oriente vers les objectifs
qu’elle s’est fixés. On voit bien que, même si la volonté de détection des erreurs, des fraudes
et des comportements déviants est une mission à part entière du système de contrôle, ce
dernier a des ambitions beaucoup plus larges de construction d’une cohérence, notamment
dans les grandes structures où se développent des délégations de pouvoir et de responsabilités.
De ce point de vue, qu’il s’agisse de dispositifs informels comme le contrôle social ou de
dispositifs formalisés comme la planification ou toute autre modalité de coordination des
activités, le système de contrôle est un puissant facteur d’ « intégration ».

3.2. Les différentes formes du contrôle


Le système de contrôle, que nous avons défini comme l’ensemble des dispositifs permettant
d’assurer les missions rappelées ci-dessus, n’est pas une fonction spécifique de l’entreprise ou
l’apanage d’un service en particulier. Certes, le contrôle de gestion occupe une place bien
identifiée et centrale que nous rappellerons rapidement ; mais il n’épuise pas à lui seul la
variété des formes du contrôle.

22
Traditionnellement, on distingue deux grandes formes de contrôle en fonction de l’origine des
intervenants :
– Le contrôle externe, sous la pression d’intervenants extérieurs, principalement opéré dans
le cadre des contrôles obligatoires (inspection du travail, administration fiscale, vérifications
comptables par les commissaires aux comptes…) ; mais on doit aussi ranger dans cette
catégorie les dispositifs mis en place par les parties prenantes de la firme, au premier rang
desquelles les actionnaires, pour contrôler les décisions des mandataires sociaux. Cette
dimension du contrôle stratégique renvoie aux mécanismes du gouvernement d’entreprise et
aux rôles respectifs des instances de contrôle (conseil d’administration ou de surveillance,
assemblée générale des actionnaires) que nous avons déjà examinés dans la série précédente.
Le contrôle externe ne sera donc pas traité dans ce chapitre.
– Le contrôle interne, c’est-à-dire effectué à la demande des dirigeants de l’entreprise, dont
le champ (toute l’entreprise ou un service seulement) et l’objet (contrôler l’application des
décisions stratégiques, vérifier le niveau des performances…) sont très variables. Ce sont ces
dispositifs internes que nous allons rapidement décrire. La diversité des dispositifs de contrôle
interne est telle qu’une énumération en serait fastidieuse et de toute manière incomplète. Pour
surmonter cette difficulté, on peut faire référence à la typologie des décisions dans l’entreprise
selon leur degré d’importance et de risque encouru : les décisions stratégiques (non
programmables et non structurées), les décisions socio-administratives (non programmables et
structurées) et les décisions de gestion courante (programmées et structurées, décisions de
routine). A chaque niveau de décisions correspond un sous-système de contrôle adapté, ce qui
semble évident puisqu’on ne va pas contrôler de la même manière (et bien entendu au même
coût), les actions et performances globales résultant des décisions stratégiques et les choix
quotidiens effectués dans chaque service de l’entreprise. Intuitivement, on peut aisément
imaginer que le contrôle des décisions stratégiques fera référence à des objectifs beaucoup
plus qu’à des règles de fonctionnement ; ces dernières sont en revanche parfaitement adaptées
aux décisions de routine qui rythment le fonctionnement quotidien de l’organisation.
Le système de contrôle sera alors constitué de plusieurs sous-ensembles que l’on peut
schématiser comme suit :
1. Aux décisions les plus importantes correspond le contrôle stratégique. En dehors des
mécanismes de gouvernance, cette modalité de contrôle est souvent formalisée : c’est la
planification stratégique (examinée dans la partie 1), dispositif qu’on ne peut dissocier du
contrôle de l’exécution de la stratégie à plus court terme, le contrôle budgétaire.

23
2. Aux décisions intermédiaires entre le niveau stratégique et le niveau de gestion courante
correspond le contrôle de gestion, dont l’objectif est de vérifier que les actions concourent
bien à la réalisation des objectifs stratégiques et que chaque responsable garantit que les
ressources sont acquises au moindre coût et utilisées de la manière la plus efficace et la plus
efficiente.
3. Aux décisions de gestion courante correspond le contrôle d’exécution ou d’exploitation
courante (contrôle du caractère efficace et efficient des tâches effectuées par les membres de
l’organisation). Le contrôle d’exécution relève de la responsabilité de l’encadrement dans
toutes les fonctions de l’entreprise.

3.3. Le contrôle budgétaire


De manière générale, donc y compris pour les décisions stratégiques, les plans et les budgets
constituent un outil de contrôle car ils servent de base pour le suivi des réalisations. Si ces
dernières montrent des écarts avec les prévisions, des mesures correctives devront être
envisagées, allant d’un effort renouvelé pour atteindre les objectifs à la remise en cause plus
radicale des objectifs stratégiques eux-mêmes.
Les budgets sont un sous-ensemble du plan, ils correspondent au détail des actions permettant
d’atteindre les objectifs fixés dans le cadre de la première année du plan. Tous les centres de
responsabilité de l’entreprise y participent, ce qui est aussi un moyen d’impliquer
l’encadrement dans la préparation des décisions stratégiques, comme on peut le voir sur le
schéma ci-après :

24
Dans la mesure où il définit le cadre de l’action et les moyens utilisés ainsi que les
performances attendues, le budget fournit une base de référence pour contrôler
périodiquement les écarts entre réalisations effectives et performances attendues. Le contrôle
budgétaire apparaît ainsi comme une procédure centrale du contrôle de gestion. D’ailleurs, le
contrôleur de gestion joue un rôle important dans l’élaboration des budgets : il définit les
procédures et le calendrier, réalise la consolidation des budgets primaires pour élaborer le
compte de résultat prévisionnel. C’est lui qui assure donc la coordination des travaux et
l’assistance aux différents centres de responsabilité. C’est également lui qui transmet, après
parfois une série d’allers-retours avec les centres de responsabilité et plusieurs réunions
budgétaires, le projet de budget à la direction générale qui procède aux derniers arbitrages
avant la production du budget définitif.
L’intérêt du contrôle budgétaire a été contesté ces dernières années pour plusieurs raisons. Sa
lourdeur et son coût, en particulier, ont été soulignés ; mais, surtout, dans un contexte en
rapide évolution, la procédure budgétaire présente d’évidentes faiblesses ; elle démarre
plusieurs mois avant le début de l’année, sur la base d’hypothèses et de prévisions que toute
modification de l’environnement peut rendre caduques avant même le début d’exécution du
budget. Le délai de plusieurs mois entre la phase d’élaboration et l’exercice effectif du budget
rend inévitables ces dérives que l’entreprise ne peut corriger que si elle se dote de systèmes
d’informations pertinents et si elle est capable de réactions rapides. Certaines entreprises ont
été tentées de supprimer le budget (et donc le contrôle budgétaire), mais ont été refroidies
dans leurs ardeurs par les avantages incontestables qu’il présente : système de référence, outil
de communication et de concertation, levier favorisant l’implication de l’encadrement… Mais
aussi, le budget donne lieu à toute une production chiffrée dont les entreprises ont le plus
grand mal à se passer (tableaux de bord des performances, comparaisons par rapport aux
prévisions) et qui servent souvent de base aux systèmes complémentaires de rémunération.

3.4. Le contrôle de gestion


Le contrôle de gestion désigne l’ensemble des dispositifs et des procédures permettant aux
managers de mesurer le caractère efficace et efficient de l’utilisation des ressources au regard
des objectifs stratégiques qu’ils ont fixés. Il fournit aux acteurs concernés (direction, cadres
intermédiaires) les informations sur les performances économiques et financières de
l’entreprise et constitue, de ce fait, une source d’information incontournable pour la prise de
décision au sommet de l’entreprise. Dans la mesure où il contribue à orienter les choix des

25
décideurs, le contrôle de gestion doit être considéré comme un instrument de pilotage des
organisations.
Il collecte toutes les informations et données chiffrées établies par l’ensemble des
responsables fonctionnels. Ces derniers effectuent en effet un travail de « reporting », terme
désignant les différents tableaux de bord, documents financiers et documents chiffrés relatifs à
l’activité industrielle, commerciale et sociale, que les centres de responsabilité communiquent
aux niveaux hiérarchiques supérieurs pour rendre compte de l’avancement de leurs plans et
budgets par rapport aux objectifs (Ardoin, cf. bibliographie). Les informations issues du
reporting et des systèmes d’information de gestion (principalement les données de la
comptabilité générale et de la comptabilité analytique) sont traitées et synthétisées au moyen
d’indicateurs regroupés dans des tableaux de bord. Ceux-ci permettent de comparer les
résultats observés mois par mois au regard des objectifs budgétés et révéler d’éventuels écarts
de performances.
On voit bien que l’efficacité du contrôle de gestion dépend de l’existence de dispositifs de
gestion prévisionnelle permettant de construire une base de référence, en particulier les plans
et budgets évoqués plus haut. Si les plans et budgets ont une fonction de mobilisation et
d’implication des membres de l’encadrement, l’information produite par le contrôle de
gestion doit constituer une incitation à l’amélioration des performances. Ce rôle ne peut être
assuré que si l’instrumentation de gestion est pertinente, les indicateurs d’activité adaptés et
si, en fin de compte, l’évaluation de la performance est un reflet fidèle des facteurs-clés de la
compétitivité de l’entreprise.
Or, depuis une quinzaine d’années, le contrôle de gestion est critiqué parce que trop en
décalage par rapport aux critères sur lesquels se mesure aujourd’hui la performance. Hérité du
contrôle industriel taylorien, le contrôle de gestion est encore trop axé sur les logiques de
réduction des coûts. Ce qui se justifiait dans un contexte de croissance stable et régulière, où
la concurrence se faisait principalement sur la capacité à maîtriser les coûts, semble
aujourd’hui largement dépassé ; les critères de qualité, de délais, la capacité à innover sont
autant de facteurs-clés de succès peu pris en compte par les indicateurs de gestion
traditionnels. Des sociétés comme Nike qui sous-traitent l’intégralité de leur activité
productive sont plus sensibles aux rythmes de leurs innovations produits et de leurs nouveaux
concepts marketing qu’aux problèmes de coûts de fabrication qui ne les concernent que très
indirectement. L’instrumentation de gestion doit s’adapter à l’émergence de ces firmes «
postindustrielles » et, plus généralement, de la tendance à l’éclatement des chaînes de valeur

26
(ou désintégration verticale), à la constitution de réseaux plus ou moins informels, à
l’apparition d’entreprises virtuelles…

3.5. Le contrôle d’exécution


Le contrôle d’exécution (ou opérationnel) désigne les différents dispositifs de contrôle
existant au sein de chaque fonction, de chaque service. Il peut donc prendre des formes
variées, allant du contrôle par supervision directe (hiérarchique) aux différentes modalités
d’ajustement mutuel, en passant par la mise en place de dispositifs formels de contrôle de
l’exécution des tâches routinières. Cela permet à chaque responsable de s’assurer que les
tâches sont exécutées en conformité avec les règles et dans le souci de l’efficacité et de
l’efficience. On entre ici dans les problèmes du management des individus : cette abondante
matière sera développée dans la quatrième série du cours consacré au management des
ressources humaines.

Références bibliographiques relatives aux structures :


A. Chandler, Stratégie et structure, Les Éditions d'Organisation, Paris, 1989.
A. Desreumaux, Structures d'entreprises, Vuibert, Paris, 1992.
P. Lawrence et J. Lorsch, Adapter les structures de l'entreprise, Intégration ou
différenciation, trad. fr., Les Éditions d'Organisation, Paris, 1973.
H. Mintzberg, Structure et dynamique des organisations, Les Éditions d'Organisation/Éditions
Agence d'Arc, Paris/Montréal, 1982.
Strategor, Stratégie, structure, décision, identité, InterEditions, Paris, 1993.
J. Woodward, Industrial Organization : Theory and Practice, Londres, Oxford University
Press, 1965

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