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THEME 2 :
L’ANALYSE STRATÉGIQUE
L’analyse (ou diagnostic) stratégique regroupe l’ensemble des méthodes et outils permettant de
comprendre dans quelle situation se trouve l’entreprise par rapport à son environnement
(ses concurrents, fournisseurs, clients...) et de quels atouts elle dispose en termes de
ressources et compétences propres. Il s’agit donc bien de rassembler les éléments objectifs qui
vont nourrir la réflexion stratégique des managers : on l’a dit dans les pages introductives de cette
série : le diagnostic stratégique est la composante rationnelle du processus de décision qui doit
conduire à formuler des choix à long terme pour l’entreprise. Le développement d’outils et
méthodes correspond au souci d’introduire de la rationalité dans un processus de choix marqué
justement par le caractère en grande partie exogène, peu fiable et incomplet des informations.
Le raisonnement induit par le modèle LCAG donne une vision claire du problème
stratégique, facilement adaptable à toutes les situations d’entreprise. L'entreprise procède en effet à
une double démarche d'analyse, celle de son marché pour mieux en évaluer les contraintes et les
opportunités, et celle de son organisation interne afin de mesurer ses propres forces et faiblesses.
De cette double analyse doit émerger l'ensemble des orientations nécessaires à la résolution
de son « problème stratégique » : l’environnement concurrentiel comportant à la fois des menaces et
des opportunités, comment l’entreprise peut-elle se prémunir contre les premières et tenter de saisir
les secondes en fonction de ses capacités (ou forces) ou incapacités (ou faiblesses) ?
Évidemment, la logique de ce modèle est critiquable : deux entreprises n’ayant pas les mêmes
forces et faiblesses n’ont pas nécessairement la même perception des menaces et des
opportunités. Cela explique d’ailleurs l’apparition ultérieure d’un autre outil dérivé de ce modèle :
les matrices MOFF (Menaces-Opportunités/Forces-Faiblesses). La logique des matrices MOFF
s’inspire du modèle LCAG au sens où la réflexion stratégique est issue de la confrontation entre des
éléments extérieurs et des éléments internes, mais elle permet d’affiner l’analyse en suggérant que des
données concernant l’entreprise ne peuvent être considérées comme des forces et des
faiblesses qu’au regard des phénomènes de son environnement. Inversement, ces derniers ne
peuvent s’analyser en termes de Menaces et Opportunités qu’en fonction de la situation propre de
chaque entreprise. Par exemple, la fin des accords Multifibres en 2005 est une opportunité pour les
chaînes de distribution de vêtements, alors qu’elle constitue une menace quasiment définitive pour les
producteurs européens.
Par ailleurs, le modèle LCAG suppose une certaine stabilité de l’environnement, que l’on n’observe
plus aujourd’hui dans la majorité des secteurs d’activité. Enfin, il repose implicitement sur l’hypothèse
que l’entreprise cherche plus à « réagir » face aux évolutions de son environnement qu’à les anticiper,
voire les provoquer. Cela renvoie à un débat que nous évoquerons plus loin et qui est
fondamental pour comprendre la stratégie : les entreprises sont-elles dépendantes de leur
environnement ou possèdent-elles, vis-à-vis de ce dernier, une relative autonomie de décision ?
On se doute bien qu’un quasi-monopole sera plutôt dans la seconde situation, une petite entreprise
sous-traitante plutôt dans la première et que la méthodologie d’analyse stratégique devra être adaptée
à chaque type de situation.
Les modifications de l’environnement, les évolutions observées dans le comportement des entreprises
ont donc progressivement rendu désuet le modèle LCAG ainsi que les matrices MOFF et invité à une
nouvelle approche du problème stratégique. On essaiera de montrer dans la première partie de la
série l’évolution des méthodes en lien avec les mutations de l’environnement stratégique des firmes.
Si les dirigeants sont donc plus ou moins toujours dans la réflexion stratégique, il y a néanmoins des
périodes où la démarche stratégique est plus « visible », par exemple chaque année au moment de
l’élaboration des budgets. Ces derniers supposent en effet l’existence d’un cadre et d’orientations
permettant la cohérence des décisions. En dehors de ces démarches régulières, il existe aussi des
moments de la vie de l’entreprise où il est nécessaire de structurer la réflexion, de l’organiser en
utilisant des méthodes et des outils, éventuellement aussi en ayant recours à des prestataires extérieurs
susceptibles d’apporter des compétences en la matière et une certaine « neutralité ». Les périodes
difficiles, l’accumulation de mauvaises performances, ou au contraire la volonté de saisir une
opportunité, le souhait de se lancer de manière volontariste dans une nouvelle phase de croissance
peuvent justifier le recours à une démarche d’analyse plus formalisée. Des diagnostics peuvent aussi
être conduits ponctuellement à la demande d’un éventuel repreneur, d’un apporteur de capitaux,
mais aussi des salariés eux-mêmes à travers les droits à l’expertise dont dispose le comité
d’entreprise en cas de changement important, notamment dans le cadre d’un plan social.
quelconque, comment devra-t-on procéder ? Le plus simple, pour des raisons de clarté de
présentation, est d’organiser le travail en quatre grandes phases que nous reprendrons
successivement en détail :
1. Analyse de l'identité de l’entreprise (quelle est sa vocation, quels sont ses buts... ?) et de
sa diversité (quels sont ses différents métiers, et, dans chaque métier, quelles sont ses
différentes activités ?).
2. Analyse de l’environnement concurrentiel : quelles sont les caractéristiques de
son environnement professionnel, quelle est l’intensité de la concurrence, quels sont ses atouts face à
ses concurrents ... ?
3. Diagnostic des ressources et de leur mise en œuvre : il s'agit à la fois d'une évaluation
des capacités propres de l'entreprise, humaines, techniques et financières, et d'une analyse de
leur allocation. Mais on peut avoir une autre approche des ressources, et, au lieu de raisonner en
faisant l’inventaire des forces et faiblesses, tenter de repérer les ressources qui constituent les
véritables « compétences stratégiques de la firme », celles qui seront à la base de ses projets de
développement.
4. Synthèse du diagnostic et formulation des choix de stratégie : ces éléments constitueront
la matière de la troisième partie de cette série.
La finalité de l’entreprise est sa « raison d’être ». La finalité répond donc à la question : « pourquoi
l’entreprise existe-t-elle ? » On a déjà exposé dans la série précédente que la finalité d’une entreprise
ne peut se limiter à la seule évocation de la réalisation d’un profit. Celu i-ci est nécessaire, mais
l’existence de l’entreprise se justifie par son utilité sociale, autrement dit par les besoins du marché
qu’elle permet de satisfaire. Cette réponse à une demande sociale constitue ce que l’on appelle
la mission, notion qui permet de préciser la finalité de l’entreprise. La mission peut se définir comme
un énoncé général des différents objectifs de l’entreprise, précisant ses produits, ses marchés et ses
technologies, et reflétant les valeurs et les priorités des dirigeants. Elle e st facile à repérer lorsqu’il
s’agit d’une organisation non gouvernementale (la mission de Médecins sans Frontières est d’apporter
une aide médicale aux zones qui en sont dépourvues), plus délicate quand il s’agit d’une entreprise du
secteur concurrentiel où la question de la réalisation du profit peut brouiller l’énoncé de la mission.
Néanmoins, cette dernière est importante parce qu’elle oriente la réflexion stratégique. Par exemple,
Danone dont la mission pourrait être formulée comme la volonté affirmée par ses dirigeants dans le
cadre d’un double projet, économique et social, de satisfaire les besoins en produits de qualité
intégrant les préoccupations de santé des consommateurs dans le domaine des boissons, biscuits et
produits laitiers ne pouvait pas conserver son domaine d’activité « bières », en décalage évident avec
l’énoncé de sa mission.
La politique générale de l'entreprise, nous l'avons vu au début de cette série, est la déclinaison de la
mission sous forme d’objectifs généraux, c’est-à-dire des résultats attendus dans les domaines
commercial, économique, financier, social (emploi, développement des compétences du
personnel...). Elle permet une première approche du profil stratégique de l'entreprise, dans la mesure
où elle indique les orientations majeures mises au service d'objectifs fondamentaux de développement
et éclaire sur les choix économiques, sociaux ou même éthiques qui vont guider l'allocation des
ressources. Les éléments de politique générale sont assez faciles à repérer puisqu’ils constituent la
matière de la communication des dirigeants.
La culture d'entreprise peut se définir comme l’ensemble des valeurs, rites, normes communs aux
membres d’une organisation. Le poids de la culture est variable d’une entreprise à une autre ; il va
dépendre de l'âge de la firme (références à son histoire : son origine, des ruptures profondes
comme par exemple un grand conflit social), du rôle joué par un dirigeant charismatique, de
l'existence d'un langage spécifique, de rites ou d'idéologies partagées, de la présence de repères
communs aux salariés (symboles, héros, tabous)... Ces éléments ne sont cependant pas tous
utiles dans l’optique du diagnostic stratégique. Pour celui-ci, il convient d'identifier les traits
caractéristiques dominants, notamment la propension plus ou moins grande de l’entreprise au
changement. En reprenant la typologie d'I. ANSOFF, on peut se demander si l'entreprise a une
culture:
- stable (tournée vers le passé et réfractaire au changement),
- réactive (acceptant un minimum de risques), anticipatrice (privilégiant le changement pas à pas, par
adaptation), exploratrice (ouverte aux changements importants),
- créatrice (orientée vers un futur qu'elle invente).
Cette appréciation, enrichie d'éléments relatifs au fonctionnement interne de l'entreprise (analyse de
valeurs telles que le respect d'autrui, l'attachement aux procédures, le degré de routine, et l’évaluation
du niveau des compétences requises par le système de production, du niveau d'autonomie
des individus ... ), permet de mesurer sa capacité d'adaptation aux changements. Sans procéder à une
étude exhaustive et très approfondie de la culture, on peut obtenir une évaluation satisfaisante
de cette capacité en analysant par exemple la manière dont l'entreprise a réagi par le passé
face à des problèmes importants, en repérant les éléments qui ont influencé ses décisions et ses
actions.
En effet, pour les grandes entreprises très diversifiées qui interviennent sur des métiers et des champs
d'activité multiples, il peut y avoir plusieurs formules stratégiques ; d'où l'intérêt de la segmentation
stratégique, qui a pour objectif de « découper » l’entreprise en sous-ensembles homogènes constituant
les unités de base pour l’élaboration de la stratégie. Ces unités seront appelées domaines d’activité
stratégiques (DAS) ou encore « segments stratégiques ». Évidemment, l’opération de segmentation
stratégique n’a aucun intérêt pour les firmes n’exerçant qu’une seule activité : c’est le cas de la plupart
des petites et moyennes entreprises. Pour les firmes diversifiées, la segmentation fait apparaître un
niveau intermédiaire entre, d’une part, le métier, notion trop large et qui peut regrouper des activités
très distinctes, et, d’autre part, les gammes de produits (GP dans le schéma ci-dessous) qui sont au
1
D’ailleurs, Renault ne se présente pas comme constructeur d’automobiles, mais « créateur
d’automobiles ».
contraire trop peu agrégées pour l’élaboration de la stratégie et qui relèvent des politiques de
marketing. Une entreprise peut donc avoir plusieurs métiers et chacun de ces métiers peut
être décomposé en DAS, ces derniers étant eux-mêmes composés de plusieurs gammes de produits.
Par exemple, Bouygues a un métier d’origine, la construction, et s’est développé ensuite dans
plusieurs autres métiers : l’immobilier (Bouygues Immobilier), les routes (Colas), les médias (TF1),
les télécoms (Bouygues Telecom) ; chacun de ces métiers peut être ensuite décomposé en DAS (par
exemple, pour la construction, on peut segmenter selon les zones géographiques et selon les clients,
grands chantiers, maisons individuelles ... ) ; et chaque DAS sera ensuite décomposé selon des
critères marketing en gammes de produits (différentes gammes de maisons individuelles, par
exemple).
L'opération de segmentation stratégique peut être faite de deux manières. Soit on part de la
globalité de l’entreprise et on découpe en fonction de critères ; soit on part des différentes gammes de
produits, que l’on regroupe en ensembles homogènes sur la base des mêmes critères que l’option
précédente. En général, il est plus simple de procéder par découpage que par regroupements. Les
critères utilisés pour la segmentation sont les suivants :
– le type de clientèle concerné : critère proche de celui du marketing, mais à un niveau beaucoup
plus agrégé ; on distinguera par exemple les clients individuels et les clients professionnels, ou on
distinguera les clients en fonction de zones géographiques présentant des caractéristiques
spécifiques ;
– la fonction d'usage : les gammes de produits répondent-elles ou non au même besoin et aux
mêmes critères d'achat ? Par exemple, les papiers peints et les c olles à papier ne sont pas des
produits substituables, mais leur complémentarité justifie qu’on les range dans un même DAS ;
– la substituabilité : deux produits ont une fonction d'usage identique, sont distribués par les mêmes
canaux, correspondent à des comportements d'achat homogènes ; les ventes de l'un auront des
incidences sur le niveau des ventes de l'autre... L'exemple de la lessive en poudre et de la lessive
liquide est une bonne illustration de deux produits relevant du même segment stratégique, bien que,
par ailleurs, ils fassent l'objet de politiques commerciales distinctes ;
– les circuits de distribution ; on peut ainsi distinguer un DAS pour les produits vendus dans le
commerce spécialisé et un autre DAS pour les mêmes produits mais vendus dans la grande
distribution ;
– la concurrence : si deux activités n'ont pas de concurrents identiques, ils ne relèveront
probablement pas du même DAS ;
– la technologie : la segmentation entre deux activités est pertinente si les technologies en œuvre
sont différentes ; la nature de la fabrication (à l'unité, en série, en continu ... ) est également un
critère de segmentation ;
– la structure des coûts : si les coûts spécifiques pour deux activités sont prépondérants par rapport aux
coûts partagés, on peut considérer que ces deux activités n'appartiendront pas au même
segment stratégique ;
– le partage des ressources : ce critère est fortement lié au degré de partage des coûts. Des produits
partageant les mêmes moyens de production, d'études, ou nécessitant des compétences voisines
(mêmes facteurs clés de réussite) peuvent être considérés comme peu spécifiques et donc être
regroupés dans le même segment. Cela revient à évaluer le degré de synergie entre produits : plus il est
élevé, plus la présomption d'appartenance au même segment est forte. Les effets de synergie devront
donc logiquement être maximisés à l'intérieur de chaque segment et minimisés entre segments.
L'opération de découpage en segments stratégiques est moins évidente qu'il n'y paraît à première vue.
Deux activités peuvent être homogènes au regard de certains critères et hétérogènes par ailleurs. La
multiplicité des critères suppose alors d’établir une pondération entre eux afin de faire des choix clairs.
Par exemple, faut-il considérer que les véhicules particuliers et les véhicules utilitaires appartiennent à
un même DAS ou à deux DAS différents ? Il s’agit bien des mêmes technologies et des mêmes
concurrents, mais les marchés sont très différents et les compétences pour y réussir ne sont pas
identiques (on ne vend pas des voitures à des particuliers comme on les vend aux entreprises). Dans
la réalité, c’est l’analyste qui tranche en fonction de sa hiérarchie propre de critères, élaborée au
regard de la situation du secteur. De plus, la segmentation n’est pas nécessairement stable dans
l’espace et dans le temps : des choix opérés dans une zone géographique déterminée ne sont pas
nécessairement identiques à ceux retenus pour une autre zone ; et, par ailleurs, les choix de
segmentation faits à un moment donné peuvent être remis en cause dans le temps en raison des
évolutions technologiques ou du contexte concurrentiel.
Autrement dit, la segmentation stratégique est un exercice en partie subjectif, qui doit beaucoup au
professionnalisme de ceux qui la réalisent. L’important est que le résultat final permette d’avoir une
représentation claire du portefeuille d’activités de l’entreprise et donc de repérer des sous-ensembles
(les DAS) suffisamment indépendants les uns des autres afin d’envisager, pour chacun d’entre eux, des
perspectives propres de croissance et de rentabilité et formuler une stratégie spécifique. La
segmentation stratégique va ainsi largement prédéterminer les options relatives aux deux premiers
niveaux d’élaboration de la stratégie que nous avons évoqués précédemment : le niveau d’ensemble
(quels choix possibles pour le portefeuille de DAS ?) et le niveau des activités (quelles décisions
possibles pour chaque DAS ?). Elle ouvre aussi sur le troisième niveau, celui de la mise en œuvre de la
Il faudra intégrer également les données générales de l'environnement social, culturel et politique : on
touche là aux grands problèmes de société (montée du consumérisme, de la sensibilité
écologique, souci de « développement durable »), aux problèmes politiques et institutionnels
(rôle de l'État, politiques économiques, évolution de la législation, création de zones
commerciales de libre échange ... ). Des bouleversements politiques peuvent avoir
indirectement des répercussions économiques brutales sur un secteur et en bouleverser les règles
de la concurrence. Il est vrai que ces phénomènes sont rarement prévisibles : le récent conflit irakien,
le SRAS ou la grippe du poulet, l’illustrent parfaitement. Cela incite à la plus grande prudence
lorsqu’il s’agit d’investir dans une zone « à risque », quelle que soit la nature des risques identifiés.
On a vu dans le paragraphe précédent que la firme pouvait être présente sur plusieurs DAS. Il
convient donc d’analyser, pour chacun d’entre eux, l’intensité des forces concurrentielles en présence.
Plus l’intensité est importante, moins l’activité présentera d’attrait et de perspectives de
développement. En première approche, on peut évaluer l’attrait d'une activité par son taux de
croissance. Une activité dont les produits sont vieillissants n'exercera pas le même attrait qu'une
activité dont certains produits sont en pleine expansion puisque les perspectives de rentabilité à
moyen terme sont faibles. Plus précisément, la valeur peut s'apprécier en fonction du stade de
maturité auquel se trouve l'activité : le marché est-il saturé, existe-t-il des surcapacités de
production, a-t-on atteint la maturité technologique... ? Selon les réponses, on déterminera la
phase du cycle de vie dans laquelle se situe l'activité, cette notion étant une extension de la théorie du
cycle de vie du produit (voir encadré plus bas avec la description des quatre phases : démarrage,
expansion, maturité et déclin). En réalité, l'attrait exercé par une activité dépend largement des
caractéristiques de celui qui est attiré. Une activité en déclin peut constituer une opportunité pour
certaines entreprises : l’exemple de ces firmes qui se spécialisent dans la fabrication des pièces de
rechange destinées aux automobiles, dont la production a cessé depuis plus de dix ans, l’illustre bien.
On ne peut en rester à la prise en compte du taux de croissance et de la phase du cycle pour
déterminer précisément l’attrait d’une activité. M. Porter a proposé une approche plus complète de la
mesure des forces concurrentielles qui s’exercent dans toute activité à des degrés variables. Il estime
ainsi qu’il faut évaluer l’intensité de la rivalité entre les firmes concurrentes, la menace
constituée par les nouveaux entrants et celle que représentent d’éventuels produits de
substitution, le pouvoir de négociation des fournisseurs et celui des clients. Détaillons ces « 5 forces
concurrentielles ».
– La concurrence pure et parfaite : elle tient une grande place dans le raisonnement des
économistes, non pour son caractère réaliste, mais comme point de référence pour toutes les autres
situations possibles. Pour qu’il y ait concurrence pure et parfaite, il faut que plusieurs conditions
soient remplies : atomicité des producteurs et des consommateurs (leur nombre est suffisamment
grand pour qu’aucun d’entre eux ne soit en mesure d’imposer ses conditions au marché),
information parfaite, rationalité des agents parfaite, absence de barrières à l’entrée et homogénéité du
produit (les biens échangés sont parfaitement substituables). Les hypothèses sont bien sûr
irréalistes, mais le schéma de concurrence pure et parfaite constitue une sorte d’« idéal type » à
partir duquel on peut décliner les autres formes de structures concurrentielles, quant à elles
observables dans la réalité.
– Le monopole : c’est la situation de concurrence la plus imparfaite puisque le producteur est face à
une infinité d’acheteurs. L’entreprise n’a aucun concurrent direct et il n’existe pas de substitut
proche à son produit. À une époque, la production d’électricité en France était bien un monopole,
comme l’est encore aujourd’hui le transport ferroviaire ou, à une autre échelle, une grande surface
dans une zone géographique dépourvue de commerces de proximité (monopole géographique). Une
entreprise qui met sur le marché un produit totalement nouveau est en situation de monopole
technologique pendant un certain temps, jusqu’à ce que l’innovation soit reprise par d’autres
producteurs. À noter que le cas symétrique (un seul acheteur pour une multiplicité de producteurs)
est appelé monopsone. Par exemple, une laiterie qui achète le lait à un grand nombre d’éleveurs
locaux est en situation de monopsone.
– L’oligopole : c’est une situation répandue, dans laquelle un nombre limité d’entreprises fait face à
un grand nombre d’acheteurs. Les nouvelles implantations d’entreprises sont découragées par
l’existence de barrières à l’entrée (technologiques, institutionnelles ... ) ou par des coûts unitaires de
production inférieurs pour les firmes en place. Les produits des différents offreurs sont
substituables. On rencontre ces situations dans la construction automobile, la sidérurgie, la
production d’aluminium, la production de pétrole, la chimie de base, etc. La situation symétrique
(plusieurs acheteurs pour un grand nombre de producteurs) est appelée oligopsone. Les pêcheurs
qui vendent leurs poissons aux quelques mareyeurs dans les marchés à la criée sont dans une
situation concurrentielle d’oligopsone.
– La concurrence monopolistique : c’est également une situation fréquente et en réalité très proche
à la fois de la concurrence pure et parfaite et du monopole qui constituent pourtant deux situations
diamétralement opposées. En effet, les producteurs et les acheteurs sont très nombreux, mais cette
fois-ci, les produits vendus ne sont pas des substituts parfaits, ils sont au contraire différenci és.
C’est le cas par exemple dans la restauration, dans la fabrication de chaussures, c’est le cas aussi des
chaînes de télévision sur le câble ou des radios sur la bande FM. Chaque entreprise a le
monopole de sa marque (d’où l’expression de concurrence « monopolistique ») et dispose de son
stock de clients qu’elle cherche à fidéliser. En raison du grand nombre d’offreurs, elle n’a pas à
craindre les réactions de ses concurrents face à ses stratégies de prix puisqu’elle n’a pas
d’adversaire direct clairement identifié. Comme dans le cas du monopole, l’entreprise fait face non
pas à une courbe de demande générale pour un produit standard, mais a sa propre courbe de
demande pour son produit spécifique.
Ces cinq grandes menaces concurrentielles (ou « forces concurrentielles » pour reprendre la
terminologie de M. Porter) permettent d’avoir une idée plus précise de l’attrait d’une activité. Si la
rivalité inter-firmes est faible, qu’il n’y a pas de menaces directes, ni de nouveaux entrants ni de
produits de substitution, si le pouvoir de négociation des fournisseurs et des clients est limité, on peut
en déduire que l’intensité concurrentielle du secteur est faible et celui-ci est donc « attrayant ». Dans le
cas inverse, l’intensité serait forte et l’attrait du secteur limité.
stratégique ».
Il existe des outils permettant de procéder à une analyse plus systématique des concurrents : il s’agit
des cartes stratégiques. En retenant deux critères essentiels, le degré de spécialisation et d'intégration
verticale, on établit une carte sur laquelle on situe les entreprises concurrentes. On voit alors apparaître
des groupes d’entreprises assez proches par leurs caractéristiques stratégiques : d’où leur nom de
groupes stratégiques. Renault, PSA, Fiat, Ford, etc. appartiennent à un même groupe d’entreprises
généralistes de moins en moins intégrées, tandis que Ferrari, Rolls-Royce font partie d’un autre
groupe... L’intérêt de cet outil est de repérer visuellement les entreprises les plus proches, car elles
représentent la menace la plus réelle (Ford ou Volkswagen sont des menaces plus tangibles pour les
constructeurs français que Rolls Royce) et c’est bien entendu sur elles qu’il conviendra de faire porter
l’effort de veille stratégique. Mais, s’il a pu avoir un réel intérêt dans les années 80, cet outil semble
moins pertinent aujourd’hui. D’une part, les mouvements de concentration dans de nombreux
secteurs industriels à la fin des années 90 et au début des années 2000 ont de fait limité le
nombre de concurrents à analyser. D’autre part, la multiplication d’alliances entre firmes
concurrentes rend désuet un schéma qui suppose une opposition frontale entre les différents offreurs
sur le marché.
On peut mesurer les atouts de l’entreprise au moyen de critères très simples comme la part de
marché, ou mieux, la part de marché relative (c’est-à-dire le ratio entre la part de marché de la firme
et celle du plus gros concurrent sur le secteur). C’est un critère simple, voire simpliste, car une
situation de domination en termes de parts de marché peut masquer des faiblesses qui hypothèquent
l’avenir de l’entreprise : peu de produits innovants, retard dans la maîtrise de technologies nouvelles,
etc.
On peut alors enrichir l’analyse en évaluant la capacité de la firme à maîtriser (et si possible au moins
aussi bien que ses concurrentes, les différents Facteurs Clés de Succès (FCS) de l’activité. On définit
les FCS comme les compétences nécessaires pour réussir dans un secteur donné. Il peut s’agir de la
maîtrise d’une ou plusieurs technologies, de la capacité à baisser les coûts de production, de
l’existence d'un réseau de distribution performant, du contrôle ou de la proximité d'une source
d'approvisionnement, de l’offre de services spécifiques ou encore de la capacité à innover, à créer une
image de marque... Les FCS ne sont pas forcément les mêmes d'un secteur à un autre et peuvent par
ailleurs évoluer dans le temps. Dans l’automobile, par exemple, il fallait après-guerre fabriquer en
grandes séries des biens standardisés en recherchant les économies d’échelle : aujourd’hui, la capacité
à innover est devenue une condition sine qua non de réussite dans ce métier. La réflexion sur le degré
de maîtrise par l’entreprise des différents facteurs clés de succès a pour objectif de vérifier si elle
dispose d'atouts susceptibles de lui conférer un avantage concurrentiel, ou mieux encore, une
compétence distinctive, cette seconde notion évoquant généralement un atout plus durable que
l’avantage concurrentiel.
change, c’est la finesse de la mesure de l’attrait des DAS et des atouts de l’entreprise. Si le BCG se
contente de critères rustiques (la part de marché relative pour la position concurrentielle de
l’entreprise et le taux de croissance de l’activité pour mesurer l’attrait du DAS), les deux autres
cabinets cherchent une évaluation plus complexe, avec plusieurs critères.
Mis au point par le Boston Consulting Group, ce modèle est aussi le plus ancien (années soixante). Il
repose sur deux notions clés : le cycle de vie du domaine, inspiré de la théorie du cycle de vie du
produit et la courbe d'apprentissage (pour le détail de ces deux notions, voir l'encadré).
Par ailleurs, le BCG part de l'hypothèse que, grâce à l'effet d'expérience, la rentabilité de l'entreprise
sera d'autant plus élevée que sa part de marché relative est grande, ce qui doit l'inciter à rechercher
des parts supplémentaires de marché.
Le croisement de ces deux critères (croissance et part de marché) permet de classer les activités sur la
matrice suivante, sachant que les DAS seront figurés par des cercles dont la taille est proportionnelle à
leur poids dans le chiffre d'affaires de l'entreprise :
- Les activités « vedettes » : croissance forte, bonne position concurrentielle permettant des flux
financiers équilibrés. L'activité est en phase de croissance et est donc trop récente pour
dégager des bénéfices importants.
- Les activités « dilemmes » : la croissance du secteur a poussé l'entreprise à y investir, mais les flux sont
négatifs en raison du décalage entre le volume des investissements et la part de marché encore
faible.
- Les activités « vaches à lait » : la croissance du secteur est faible (phase de maturité), ces activités ont
connu un succès important au cours de leur cycle de vie, ce qui se traduit par une part
de marché relative élevée. Les bénéfices générés sont substantiels et les investissements ne
sont plus nécessaires ; les flux financiers sont positifs.
- Les activités « poids morts » : croissance faible ou négative, part de marché étroite, activités en déclin.
Il est préférable d'éviter d'y investir ; les flux financiers sont quasiment nuls.
Les prescriptions stratégiques issues de la matrice BCG sont dès lors évidentes :
– Le portefeuille d'activités doit être équilibré, l'idéal étant que les cercles figurant les DAS soient
répartis harmonieusement sur les différents quadrants de la matrice. Il faut des vaches à lait pour
financer les dilemmes et des vedettes pour prendre le relais des vaches à lait lorsque celles -ci
tendront à devenir des poids morts ;
– Chaque activité peut faire l'objet de prescriptions stratégiques : les poids morts devront être
abandonnés ou maintenus, mais sans investissements, les vaches à lait devront être conservées et
rentabilisées au maximum en évitant le piège du surinvestissement ; pour les d ilemmes, une
réflexion complémentaire sera nécessaire : l'analyse approfondie du système concurrentiel devra
orienter soit vers un engagement plus fort, soit vers un retrait pur et simple. L'existence de vaches à
lait générant des cash-flows positifs susceptibles de financer les dilemmes peut être, à cet égard, un
argument déterminant. Il est clair en revanche que la position dominante devra être maintenue pour
les activités vedettes.
Fondamentalement, le modèle BCG est conduit sur une double logique, financière et marketing. De
ce point de vue, par exemple, l'abandon des poids morts apparaît comme une évidence. On touche
ici une des grandes faiblesses du modèle, à savoir son caractère mécaniste. Il n'intègre pas l'existence
de synergies possibles entre DAS. Une entreprise peut avoir intérêt à conserver un poids mort qui lui
permettrait, par exemple, d'accumuler de l'expérience ou de développer des technologies exploitables
dans d'autres activités. Les autres modèles de portefeuille (A. D. Little et Mc Kinsey) chercheront à
pallier cette difficulté en intégrant l’existence des synergies dans l’évaluation des atouts.
Il faut alors prendre ces modèles pour ce qu'ils sont, à savoir des outils dont l'intérêt pédagogique est
indéniable, qui sont des supports à la réflexion stratégique des dirigeants. Ils permettent l'intégration
de deux dimensions essentielles de la stratégie : les aspects commerciaux et la finance. Ils ont été
utilisés surtout par des grandes firmes diversifiées dont le portefeuille était complexe à appréhender.
Aujourd’hui, leur utilité est beaucoup plus discutable. D’une part, les firmes ont eu tendance à se
recentrer sur quelques métiers et activités de base. Elles ont massivement procédé, à partir des années
90, à un véritable « nettoyage » de leur portefeuille d’activités, sous la double pression des
actionnaires qui souhaitaient une clarification et une transparence plus grandes de la stratégie, et du
contexte environnemental qui rendait de plus en plus difficile la gestion simultané e de plusieurs
situations complexes et instables.
porter des appréciations normatives sur l'ensemble des opérations réalisées par l'entreprise. C’est
donc un exercice clairement finalisé : il s'agit de savoir si l'entreprise a réellement la possibilité de
saisir des opportunités et de faire face efficacement aux menaces observées dans l’environnement
concurrentiel. Le diagnostic portera sur les différentes ressources de l’entreprise : financières,
humaines, techniques et technologiques, mais aussi organisationnelles. Le risque classique lorsqu’on
effectue un diagnostic des ressources est de privilégier l'information chiffrée au détriment d’éléments
qualitatifs toujours plus difficiles à exploiter. Les données qualitatives sont pourtant
indispensables à la conduite d'une réflexion stratégique.
Au-delà de cet inventaire, il est possible d’avoir une approche plus fine et ciblée de l’analyse des
ressources en utilisant un outil comme la chaîne de valeur (M. Porter) qui permet d’orienter
la réflexion sur les ressources principales permettant à l’entreprise de se constituer un
avantage concurrentiel. On peut enfin pousser plus loin l’analyse et intégrer les approches
plus récentes (années 90) qui privilégient l’identification de « compétences stratégiques ».
a. Le potentiel humain
Le potentiel humain s’évalue sur deux plans complémentaires. D’un point de vue quantitatif, il faut se
demander si l’entreprise dispose des mo yens suffisants correspondant à ses objectifs de
développement dans le cadre temporel défini par ses orientations stratégiques. Si elle manque de
main d’œuvre, il sera nécessaire de recruter. Mais la situation inverse est également envisageable, la
multiplication des plans sociaux de la première moitié des années 2000 le montre bien.
La rentabilité exprime l'aptitude de l'entreprise à dégager un excédent par rapport aux moyens mis en
œuvre. C'est le gage de la pérennité de l'entreprise ; apprécier la rentabilité économique et financière
autorise à la fois des comparaisons dans le temps (y a-t-il amélioration ou non ?) et dans l'espace
(quelles sont nos performances par rapport aux concurrents ?). L'analyse de la rentabilité, le plus
souvent appuyée sur les chaînes de ratios traditionnelles, est également l'occasion de prendre en
compte les risques qui pèsent sur l'entreprise : risque économique (effet de levier opérationnel)
et risque financier (effet de levier financier).
La solvabilité exprime la capacité de l'entreprise à assurer à tout instant le paiement de ses dettes
exigibles. C'est moins la solvabilité immédiate, mesurée par le rapport des valeurs réalisables et
disponibles aux dettes à court terme, que la solvabilité à plus long terme, qui nous intéressera ici ;
celle-ci se calcule par différence entre l'excédent de ressources permanentes sur les emplois de longue
durée (le fonds de roulement net) et les besoins nets de financement du cycle d'exploitation. C'est une
manière d'approcher la notion d'équilibre financier, fondamentale dans une optique stratégique, et
qui est à la base de la solvabilité structurelle de l'entreprise.
Les ratios d'endettement évaluent l'autonomie financière de l'entreprise (poids des sommes
empruntées par rapport à celles qu'elle détient en propre) et donnent une première indication
sur l'attitude qu'adopteront probablement les bailleurs de fonds éventuellement sollicités pour
financer la stratégie. Cela dit, il ne faut pas réduire la question de la capacité de l'entreprise à
mobiliser des ressources financières à la seule prise en compte des ratios de rentabilité,
solvabilité, endettement. D'autres facteurs interviennent :
– la composition du capital et le système de valeurs des actionnaires (volonté d'indépendance, goût du
risque),
– les relations entre le conseil d'administration et l'équipe dirigeante, cette dimension prenant une
importance considérable avec la banalisation des règles du « gouvernement d’entreprise »,
– la disponibilité des moyens financiers chez les actionnaires pour d'éventuelles augmentations du
capital,
– les relations entre l'équipe dirigeante et les banquiers, et la politique d'endettement de l'entreprise,
– la volonté d'utiliser des leviers externes (franchise, joint-venture) pour accélérer la croissance.
Les ressources technologiques sont une notion plus large, puisqu’elles intègrent les savoirs et les
savoir-faire qui sont nécessaires au développement de l’entreprise. La technologie à prendre en
compte dans le diagnostic ne doit pas se limiter aux frontières de l'activité ; les progrès réalisés
dans des activités connexes peuvent accélérer les mutations dans le domaine étudié. La technologie
joue un rôle particulier dans l’élaboration de la réflexion stratégique, car elle pose un double
problème. D’une part, il faut se poser la question de l’identification et de l’acquisition des
technologies, question d’autant plus importante dans les secteurs où l’évolution est rapide ; d’autre
part, la maîtrise technologique peut être utilisée comme arme concurrentielle permettant de se
constituer un avantage sur les firmes rivales. Elle peut donc être analysée aussi bien comme une
menace pour une entreprise « suiveuse » ou imitatrice, que comme un atout pour une firme
fortement innovante ou qui aurait privilégié la recherche et le développement par rapport à
l'activité de production. Le jeu concurrentiel peut ainsi se trouver transformé, donnant un avantage
immédiat à la firme innovante et obligeant les concurrents soit à acquérir le brevet ou le procédé
nouveau, soit à reconquérir un avantage concurrentiel d’une autre nature, par différenciation du
produit par exemple. On voit bien dès lors combien les évolutions technologiques modifient les
Toutes les technologies ne présentent pas le même intérêt stratégique, selon qu’elles sont naissantes
et captées par un petit nombre de producteurs, ou qu’elles sont largement maîtrisées par les firmes du
secteur et qu’elles ne constituent plus un véritable enjeu ni une réelle barrière à l’entrée. On peut
alors distinguer :
- les technologies de base, largement répandues dans le domaine d'activité et qui ne peuvent
constituer, de ce fait, une source d'avantage concurrentiel ; en général il s'agit des technologies
dont la maîtrise a été une des raisons d'être de la firme dans ce domaine ;
- les technologies clés, dont l'effet concurrentiel est le plus fort et sur lesquelles se détermineront la lutte et
les positions concurrentielles ;
- les technologies émergentes, en cours de développement et qui n'en sont qu'au stade des premières
applications, mais qui pourraient par la suite devenir des technologies clés.
Précisons qu’il est nécessaire pour l’entreprise, à ce stade de l’analyse stratégique, d’évaluer son «
patrimoine technologique » et de mesurer la force concurrentielle qu'il est susceptible de lui procurer.
En adoptant une approche identique à celle de l'analyse de portefeuille d'activités, on peut construire
une matrice positionnant les différentes technologies de l'entreprise en fonction de deux critères :
leur impact concurrentiel et leur degré de maîtrise par la firme. Le raisonnement serait le
même pour le portefeuille de technologies que pour son équivalent en DAS : recherche d'une gestion
équilibrée, prenant en compte les prévisions d'évolution technologique, formulation de stratégies
technologiques. Une telle approche peut considérablement enrichir l'analyse du portefeuille d'activités
: c’est une manière d’introduire des éléments plus qualitatifs pour réfléchir aux situations les plus
complexes. C'est par exemple l'un des facteurs qui permettront d'opérer les choix sélectifs
lorsqu'on est en présence de « dilemmes » et que l'on hésite entre le développement dans l'activité
et le désengagement.
raison de la manière dont elles sont mises en œuvre. Du reste, dans les années 80, les entreprises
japonaises vont apporter la preuve qu’avec des ressources équivalentes (ou tout au moins
comparables), elles obtenaient des résultats bien meilleurs que leurs concurrentes occidentales, grâce
à de nouvelles règles d’organisation (la mise en place du juste à temps, voir série suivante).
La recherche de cohérence entre les options stratégiques doit être recherchée à deux niveaux : celui
de l’organisation générale de la firme, d’une part, et celui de l’organisation du travail dans les ateliers
et les services où se réalise concrètement la combinaison productive, d’autre part. Ces
points fondamentaux de la mise en œuvre de la stratégie feront l’objet de développements
ultérieurs dans cette série (sur la conception de la structure) et dans la série suivante (sur la
conception des postes et de l’organisation du travail).
La chaîne de valeur a un autre intérêt : elle permet de visualiser, parmi les activités figurant sur le
schéma, celles qui présentent une « valeur stratégique » particulière parce qu’elles correspondent aux
facteurs clés dans le DAS considéré et qu’elles peuvent alors constituer une source possible
d’avantage concurrentiel. Par exemple, une entreprise qui fabrique des parfums sous une marque
de luxe sait que les deux activités sur lesquelles elle devra porter une attention particulière sont
la recherche et développement d’un côté, et le marketing de l’autre, parce que les deux principaux
FCS dans son métier sont la capacité à innover et l’image de marque.
De manière plus générale, l’approche des ressources par la chaîne de valeur permet de cibler
la réflexion sur les activités stratégiques de l’entreprise, celles sur lesquelles il conviendra de porter un
effort particulier en matière d’analyse puis d’allocation des ressources. Par ailleurs, l’entreprise peut
aller plus loin dans son raisonnement et considérer que les activités qui ne correspondent pas à
des FCS ne sont plus stratégiques pour elle : elle pourra alors être amenée à faire des
choix d’externalisation et confier certaines activités de sa chaîne de valeur à des prestataires
spécialisés. Pour reprendre l’exemple précédent, l’entreprise de parfums peut décider qu’elle ne
produit plus ellemême car ce n’est pas dans l’activité proprement dite de fabrication qu’elle peut
se constituer un avantage durable vis-à-vis de ses concurrentes. Le même raisonnement peut
être conduit pour l’activité « vente ». Du coup, elle ne conservera que les activités de conception
des produits et de gestion de la marque (donc, une partie marketing).
Les approches fondées sur les ressources renversent la problématique classique. Au lieu de
commencer par examiner les menaces et opportunités de l’environnement, l’entreprise conduit son
analyse stratégique en commençant par l’identification de ses compétences spécifiques, celles qui la
distinguent de ses concurrents et que ces derniers pourraient difficilement imiter. Et c’est à partir du
repérage de ses compétences stratégiques qu’elle peut ensuite se poser la question de savoir dans
quelles activités économiques elle peut les déployer. L’analyse de l’environnement n’est plus alors un
moyen de mettre en évidence a priori les menaces et opportunités, elle permet de vérifier s’il existe
un espace pour le développement des compétences stratégiques.
Autrement dit, les firmes qui ont un fort pouvoir de marché sont moins sujettes qu’on le pense aux
turbulences de leur environnement. Elles axent leurs orientations stratégiques sur ce qu’elles
considèrent comme leur métier, leurs compétences stratégiques. En fin de compte, elles valorisent
certaines ressources internes qu’elles considèrent comme stratégiques parce qu’elles constituent une
combinaison unique que les concurrents ne peuvent aisément reproduire.
Cette approche par les ressources est séduisante sur le plan de la cohérence, mais ne semble pas avoir
encore fait la preuve de son caractère opérationnel. Les notions de « compétences stratégiques »,
plates-formes de compétences et autres sont, dans la réalité, très complexes à identifier concrètement.
On aura d’ailleurs la même difficulté, plus tard dans le cours, à repérer les « compétences »
individuelles (voir le cours sur la gestion des ressources humaines) qui ne sont pas des données a
priori et n’apparaissent souvent que dans des situations spécifiques. De même, on peut
faire l’hypothèse qu’une compétence stratégique n’est pas une simple caractéristique attachée
à une entreprise au même titre que la taille ou l’âge ou la situation géographique : elle se
révèle et se construit en situation, dans un contexte donné et, si elle est repérée, doit être entretenue
pour préserver l’avantage concurrentiel ainsi généré. Une approche plus pragmatique est
cependant mise en œuvre par les cabinets de consultants dans cette optique de l’analyse par les
ressources : il s’agit de faire un inventaire des ressources et des capacités de l’entreprise et de les
comparer avec celles des concurrents les plus performants. Cette logique « d’étalonnage » est plus
connue sous le terme américain de « benchmarking ».
L’ensemble des données recueillies tout au long du diagnostic stratégique nécessite en effet une mise
en forme rigoureuse, afin de faire apparaître de manière logique et didactique les problèmes clés, leur
hiérarchisation, et leurs interactions. La synthèse mettra en évide nce, in fine, les
manœuvres stratégiques souhaitables. Ces manœuvres ne doivent toutefois être considérées à
ce stade de la démarche stratégique que comme des pistes. Il peut y avoir en effet un écart entre
les manœuvres « souhaitables » et celles qui pourront effectivement être décidées et mises en œuvre.
La synthèse du diagnostic met donc en lumière les options souhaitables, aussi bien sur le plan de la
stratégie d’ensemble que sur celui des stratégies d’activités (pour chaque DAS). Ce sont ces
différentes options que nous allons maintenant examiner en détail.