Vous êtes sur la page 1sur 112

L’absence d’une mère

1
L’absence d’une mère

2
L’absence d’une mère

L’ABSENCE D’UNE MERE


Roman

3
L’absence d’une mère

4
L’absence d’une mère

JESSICA NTUMBA

L’ABSENCE D’UNE MERE


Roman

5
L’absence d’une mère

Droits réservés :

Kinshasa / RDC
73, Avenue Likasi, C/Gombe - 9, Avenue Baku, C/Limete
Contacts : +243 841 484 700 - 825 303 031
E-mails : editionsafri.ka@gmail.com - brunellungambun@gmail.com
Mise en page : Deve Diasilua - Desing couverture : Yves Payenzo et Claudeo
Dépôt légal : MI 3.02105-57189 - ISBN : 987-99951-92-05-7 - CODE 055 04-21

RD Congo 2021

6
L’absence d’une mère

7
L’absence d’une mère

8
L’absence d’une mère
PROLOGUE

Un ciel grisâtre annonçait l’orage !


Et pourtant c’est la saison sèche : nous sommes déjà en plein
mois de juin ! Mois de Juin que les ekonda hantent au tout
début avec leur sève en larve brulante qui chauffe, blesse et
surtout incendie…

A Kinshasa, c’est la panique !

Panique général si pas généralisée. Tantôt par ici de bus sont


pris d’assaut par une population déchainée, tantôt par-là les
wewa sont sommés de transport des passagers au-delà des
limites habituelles et autorisées.

Les autres habitants cherchent instinctivement un abri. Une


telle pluie avec le froid glacial qui suivra, sera à coup sûr
fatale à tous les infortunés que le destin laissera sans protec-
tion.

Kin en Juin, c’est l’hiver, c’est la glace, c’est le rhume, la


toux, la migraine, les maux de tête, les courbatures, les an-
gines, les problèmes respiratoires et surtout un soleil timide
et presqu’invisible…

Dans un tel enfer, les wewas sont presque les seuls à être
au paradis, car toute pluie qui s’annonce, signifie pour eux,
augmentation vertigineuse de leur maudit chiffre d’affaire.
S’ils se donnent ce luxe sur toute une population au nom de
la démocratie, c’est parce qu’ils sont les seuls à avoir l’au-
dace. L’audace de continue à rouler sous la pluie en déroulant
9
L’absence d’une mère
plusieurs liasses de billet que le ventre du Congo dévore avec
un appétit glouton. L’audace de rouler tout le monde avec
certitude de l’impunité parce qu’un peu partout au pays, l’im-
punité est un don béni… Gloire au ciel !

Les motos taxi font alors tant de navettes ! « Le mauvais


temps signifie pour eux l’abondance », qui l’aurait cru ?

En plus, il n’y a plus des roulages policiers, agents de bureau


2, bref tous ceux qui parlent abusivement au nom de la loi
dans les jungles congolaises si par routes congolaises où le
mandat de l’Etat fait demander sans ironie, les avis de décès
des conducteurs en règle, ont disparu comme par magie.

La plupart de ces gens qui sont censés travailler pour nous


sont devenus les bourreaux de routes qui n’aiment guère trai-
ter les différends au bureau. Qui d’ailleurs aimerait aller trai-
ter son problème dans un bureau d’Etat ? Un fou peut-être ?

Et ces gens font peur parce qu’ils sont souvent habillés à


l’image de l’Etat : uniformes non entretenues, habits inco-
lores, coiffures inachevées avec un langage insolent, alors
que… C’est si réconfortant de payer son amende directe-
ment que ce soit juste ou injuste et cela sur terrain car dans
leur bureau, ils se transforment en pire que Hulk.

Sur nos routes à l’image des impôts qu’on paye abusivement,


ils sont les maitres, des dieux, des sauveurs, et surtout des
courageux qui se moquent du mauvais temps. Sauf de ce
mauvais temps qu’est la pluie qui vient, et d’ailleurs qui dit
que la pluie est un mauvais temps ? Tout le monde sauf les

10
L’absence d’une mère
wewa…

Les gouttelettes d’eau du ciel tombent déjà, et nous sommes


au quartier Kimbwala, dans la commune de Mont-Ngafula,
une de commune de la ville précisément dans la périphérie de
Kinshasa.

Un de rares lieux qui ignore les inondations, et comme


Kimbwala a une touche de Kin-terreur de la lumière, la faute
à une volonté obscure, il n’y a que quelques lampadaires pu-
bliques qui illuminent les étroits chemins qui comptent des
maisons mal alignées.

Certaines cours de maison sont simplement clôturées par des


fleurs. Des fleurs ici à Kimbwala, il n’y en a pas beaucoup, un
cas rare dans cette ville où la population est devenue des plus
en plus méfiantes. Parce que justement, tout le monde peut
voler tout le monde, et hormis cela, la jalousie danse partout
dans le cœur.

D’où il faut se protéger pour ne pas être vu et certains pré-


fèrent même barricader leur parcelles en couvrant tous les
trous, tout en défiant les conditions climatiques tropicales où
la chaleur y est intense. Vaut mieux supporter cette chaleur
que le feu de la convoitise que la haine attise. Une des malé-
dictions de la pauvreté !

Sur l’une des avenues du quartier, à la parcelle n°4, sous cette


pluie battante une maison se dessine, ses lumières externes et
internes restent allumées, car le quartier bénéficie des nou-
velles installations électriques, prépayées qui font le bonheur
11
L’absence d’une mère
des certains habitants, contrairement à plusieurs quartier du
centre-ville où l’électricité demeure une dentée rare.

Soudain des cris retentissent dans l’une des pièces de la mai-


son, précisément au salon :
— Maman ! Maman ! Viens vite voir !!!
— Qu’il y-a-t-il Josiane pour crie ainsi ?

Répliqua Marie-Jeanne dit MJ, à partir de sa chambre. MJ est


une femme battante, grasse, de tempérament sévère avec un
regard perçant capable d’effaroucher un félin.

Elle était habillée en simple robe-pagne habillement préféré


des mamans pour être détendue à la maison. C’était une
dame d’environ 64 ans, veuve depuis 5 ans, et qui élevait
seule ses deux filles, ainsi que sa petite fille.

Elle sortit vite de sa chambre, bible en main, car elle était en


train de méditer. Le climat était favorable pour se connecter
à Dieu comme elle avait l’habitude de la dire en ce temps
perturbé.
— Mais pourquoi ce dérangement ? Sais-tu que je suis en
pleine conversation avec mon Créateur ? Et pourquoi crier de
la sorte ? Tu as vu un revenant ? Une pluie de questions que
MJ alimentait sans jeter un coup d’œil à la tête…
— Regarde de toi-même Maman
Insistait Josiane
— Mais quoi donc ? Je ne comprends absolument rien, rétor-
qua violemment MJ.
— M’enfin Maman, sois calme et regarde bien…
C’est Leila et Emila, elles passent à la tété non…

12
L’absence d’une mère
— Ah bon ! Que font-elles là-bas ?
— Shuuut, assied-toi et suis….

Les yeux braqués sur son écran, MJ tira une chaise en bois
qui était juste à côté, se mit dessus pour suivre religieuse-
ment la scène de l’émission qui se déroulait devant son re-
gard hagard d’apparence, mais tout poussait à croire que
cela l’intéressait.

Quelques instants plus tard, le calme régna dans la pièce, et


le seul son émis, était celui qui venait du petit l’écran.

Un climat lugubre envahit la pièce, des larmes commencèrent


à couler des yeux, les yeux de ces deux dames qui demeurent
emportées par ce qu’elles voyaient.

Soudain ! Un bruit violent !

La chaise en bois craqua et éclata au contact des carreaux.


MJ s’écroula sans résistance comme du n’importe quoi.

— Qu’y-a-t-il Maman ? Qu’est-ce qui se passe ? Cria Josiane


sautant de son canapé, pour courir vers sa mère qui restait
allonger sans bouger. Et déjà les larmes coulaient à flot…
— Que Dieu me pardonne, je ne mérite pas de vivre, murmu-
ra-t-elle, en serrant fort sa bible contre son cœur, qu’elle ne
lâchait presque jamais et ce même malgré sa chute violente.

Sa fille lui tenant la tête d’une main et de l’autre, elle compo-


sait déjà le numéro de sa sœur ainée Joseph, qui était absent
ce soir-là…
13
L’absence d’une mère

En vain ! Et pire encore son téléphone était éteint.

Alors sans hésiter elle sortit comme une folle sous la pluie,
en criant à l’aide, pour alerter toute personne susceptible de
lui porter secours. Seul, un jeune couple ouvrit leur porte et
courut vers elle.

D’autres voisins bravèrent la faible tempête et s’attroupèrent


dans la parcelle. Certains entrèrent dans le salon pour s’infor-
mer de la situation.

Quelques messieurs et certaines dames se hâtèrent de trans-


porter la dame en direction d’une voiture, celle du jeune
couple qui était juste garée devant la barrière. Josiane grimpa
en premier et sa mère fut hissée sans la moindre difficulté par
les voisins déterminés à lui sauver la vie, malgré ses sulfu-
reuses relations avec le voisinage…

Elle a été mise, allongée, la tête couchée sur les cuisses de


sa fille qui ne cessait de pleurer. Le couple et une autre dame
grimpèrent à bord de la voiture, et celle-ci avait déjà disparu
peu à peu dans l’obscurité de la pluie battante…

14
L’absence d’une mère

LA RENCONTRE

Vingt ans auparavant, au mois de mars 1999, le pays tra-


verse une crise politique et économique sans précédent, la
guerre fait rage depuis août 1998, Laurent-Désiré Kabila de-
venu troisième Président de la république après avoir renversé
le maréchal Mobutu en mai 1997, est assiégé par ses anciens
alliés Rwandais et Ougandais.

Ces amis devenus ennemis ont formé plusieurs mouvements


rebelles en complicité avec d’autre congolais mécontents, et
tous ne juraient que sur la perte du nouveau régime.

Dans la ville de Kinshasa, la crise économique et sociale avait


atteint un niveau inquiétant, l’argent manquait, les produit
alimentaires étaient devenus rares sur les marchés, le carbu-
rant se raréfiait à la pompe, les rares stations qui approvision-

15
L’absence d’une mère
naient les véhicules étaient pris d’assaut, et le fil d’attente
des véhicules pouvait atteindre 5Km.

Avoir 5 litres d’essence ou de gasoil pouvait vous prendre


toute une journée, du coup, le transport partout était compli-
qué. Dans tous les arrêts, les bus étaient insuffisants à côté
de foule de personne.

Au volant de sa petite voiture Mitsubishi Lancer, une vieille


voiture des années 70 dont on trouve encore quelque modèle
dans les rues de Kinshasa Mike Mukendi un jeune homme de
33 ans, encore célibataire ingénieur en bâtiment.

Il revenait d’un chantier au centre-ville et se dirigeait vers


Bandalungwa où il louait un petit appartement de 3 pièces.
Arrive au niveau du rond-point Mandela, il individus qui
iraient vers sa commune, question de les aider vu la difficulté
du transport en commun, mais aussi pour avoir un peu de
fric, afin d’assurer l’approvisionnement en carburant pour le
lendemain.

Aussitôt la voiture arrêtée, la bagarre pour gagner de place


commença. Plusieurs mains se bousculant sur les poignets
des portières que compte sa pauvre voiture, au risque même
de les arracher. En une fraction de secondes, sa voiture était
déjà en surpoids. Six personnes s’y sont retrouvées, dont
deux au siège avant et quatre derrière.

La plupart ne connaissaient même pas la destination du véhi-


cule : « il faut d’abord entrer, on verra le reste après » s’ex-
clama un client qui était déjà à bord.

16
L’absence d’une mère

Mike jeta un coup d’œil et dehors, il aperçut une jeune fille


isolée, tenant des fardes en mains. Elle était toute abattue
puisqu’incapable de se donner à l’exercice de kung-fu pour
attraper un moyen de transport.

La fille, malgré son attitude lugubre, était très jolie, avec


une coiffure bien soignée, habillée en veston et pantacourt,
telle une fonctionnaire du parlement. Elle était éblouissante
et pleine de vie.

Tout d’un coup, les yeux de Mike s’illuminèrent, et son rythme


cardiaque accéléra, et pour rien au monde se dit-il, « je ne
peux rater cette occasion », alors il décida de débarquer un
malheureux, au profil de la belle inconnue.

— Excusez-moi, dit-il à son voisin d’à-côté, j’ai aperçu ma


cousine juste là, je suis désolé, pouvez-vous libérer cette place
pour que je la prenne ? S’il vous plait…
— Mais pourquoi seulement moi ?
Répliqua tout en hésitant le jeune homme en poursuivant :
— J’ai gagné cette place au prix d’énormes efforts, ta cou-
sine va trouver un autre moyen. D’ailleurs personne ne passe
la nuit dans un arrêt de bus, tout le monde finit toujours par
rentrer chez lui, ajouta-t-il en guise de conclusion.

Mike décida alors de changer de tactique, en maltraitant ses


économies ; en effet il plongea la main dans sa poche et sortit
un billet de cinq dollars, et de brandit au jeune-homme en lui
disant :

17
L’absence d’une mère
— Prends ça alors et rend-moi services s’il te plait…
Devant ce billet qui pesait à l’époque, le jeune-homme sans
réfléchir, le récupéra et ajouta :
— Merci mon vieux, avec ça en poche, je suis assuré et sans
souci, d’ailleurs Bandal n’est pas si loin que ça. Ajouta-t-il
avant de bondir de la voiture pour aller vers la jeune fille afin
de lui faire signe de monter à sa place.

La voiture continuait de rouler sur la grande artère de la ca-


pitale, par chance tous les autres clients étaient descendus.
Dans la voiture il ne restait que Mike et sa belle inconnue qui
resta d’ailleurs silencieuse, écoutant la mélodie d’une chan-
son de Koffi Olomide, l’artiste préféré de Mike, qui résonnait
à la radio de la veille voiture. Alors celui-ci décida de passer
à l’action.
— Salut mademoiselle, moi c’est Ingénieur Mike Mukendi,
comment vous appelez vous ?

Sans tourner son regard la jolie petite dame répondit :


— Mon nom est Nathalie Kitoko
— Que faites-vous dans la vie ? interrogea à nouveau Mike.
— Je suis étudiant en G1 français linguistique à l’ISP GOMBE,
Répondit-elle avec un peu d’hésitation.
— Ravis de faire ta connaissance dit Mike. Pouvons-nous,
nous avoir pour discuter autour d’un verre ? interrogea à
nouveau Mike.
— Ah je ne sais pas, vu que je ne sors pas trop, mis à part
les cours. Bon toute fois si tu veux me rencontrer, tu pourras
passer à l’ISP entre 12h et 14h, là on pourra se parler calme-
ment… Chez moi à la maison c’est compliqué.

18
L’absence d’une mère
— D’accord Nat, je vais passer le samedi à 12h, si ça te va ?
— D’accord alors, j’y serais…
Sans le savoir, une relation venait de se créer.

Après une année, Nathalie se retrouva enceinte d’un mois


alors qu’elle était encore en G2.

Pour éviter la colère de ses parents Mike décida alors de


mettre toutes les batteries en marche pour épouser directe-
ment Nat avant que la situation de sa grossesse soit connue
de tous. Il décida donc d’amener Nat chez lui.

A vingt ans, Nathalie était déjà une femme au foyer. Et tout


poussait à croire qu’elle ne se sentait pas prête de sa nouvelle
situation d’épouse et de mère, surtout qu’à trois mois, la
grossesse s’est révélée être double « maman mapasa ». Cette
situation l’avait terriblement déprimée car être doublement
mère à son âge, ce n’était pas évident. Surtout que Nat avait
des amies à l’université qui savouraient à pleine dent leur
jeunesse.

Elle avait alors décidé carrément d’interrompre l’université


malgré l’insistance de son mari qui ne trouvait en rien de
gênant cette situation pour sa femme.

Et depuis qu’elle n’allait plus aux cours, l’angoisse très vite


l’affecta, au point d’affecter même le pauvre Mike. Le ma-
riage se transforma petit à petit en enfer. Elle ne cessait guère
de culpabiliser son mari d’avoir brisé son existence, elle qui
avait l’ambition de s’envoler pour l’Europe, poursuivre son
rêve.
19
L’absence d’une mère
Presque à chaque instant une dispute éclatait même pour des
choses banales.

Le froid s’installa dans la vie de ce jeune couple, et heureuse-


ment cette situation n’entama point la vie des deux anges qui
étaient logés dans son sein maternel.

Le jour de l’accouchement, Mike était aux anges, et décida


de nommer ces filles Emila Kanku et Leila Mbuyi. Arrivé dans
la chambre de son épouse, croyant aveuglement que l’accou-
chement allait changer la donne, son illusion s’est vite dissi-
per comme une fumée. Il trouva Nathalie en larme à côté de
sa mère qui portait les deux magnifiques bébés dans les bras.
— Qu’est ce qui se passe Nat, il y a un problème ici ? de-
manda Mike.

Sa femme était toujours en sanglot. Alors la belle-mère se


leva du lit, par respect, elle s’éloigna de la scène et se mit au
fond de la chambre en chantant une berceuse aux jolies filles
qu’elle portait dans les bras. Mike insista à nouveau avec une
voie douce.
— Qu’y-a-t-il chérie, nos bébés ont un problème ?
— Non trancha Nathalie ! Les bébés n’ont rien c’est plutôt
moi. Dis-moi, à mon âge comment je vais faire pour élever
ces deux enfants ? Pourquoi tu m’as fait ça ? Tu as volé mes
rêves. Maintenant là je suis condamné à rester planté dans
ce pays de merde toute ma vie, alors que beaucoup de mes
amies s’envoleront d’ici l’année prochaine… Comment j’ai
pu être si naïve pour accepter ce sort !
— Snif snif… pleurnicha-t-elle.
Elle se mit à nouveau en sanglot. Mike, pour ne pas enveni-

20
L’absence d’une mère
mer le problème décida de ne rien ajouter, il s’approcha de sa
belle-mère et prit dans ses bras ses anges adorables, comme
il va d’ailleurs avoir l’habitude de les appeler.

Les mois passèrent vite, les fillettes grandirent faisant le bon-


heur de leur cher Papa qui va décider de prendre une nounou
pour elles car leur Maman ne manifestait pas vraiment d’in-
térêt pour ces mignons enfants. Ces pensées étaient ailleurs,
sans doute au pied de la tour Eiffel. Ce qui ne manquait pas
de créer des disputes et à chaque dispute, elle ne cessait de
rappeler à Mike la manière dont il avait gâché sa vie.

Quand à Mike, malgré le conseil de sa famille et ses proches, il


jugeait cette situation passagère en expliquant que sa femme
était encore jeune Espérant qu’elle reviendrait surement à la
raison. Mais hélas ! Il se trompait.

Cette situation a même créé des tensions entre lui et les


membres de sa famille qui affirmait qu’il était envouté par
sa femme car malgré son comportement désagréable et son
insolence à l’égard de la famille de Mike, ce dernier était in-
capable de demander le divorce.

Mike le faisait pour préserver la santé physique et mentale


de ses enfants, ignorant qu’il était lui-même en train de s’au-
to-détruire. Au fait, Mike avait un problème chronique d’hy-
potension, malgré son jeune âge. Et tout ce climat était mal-
sain pour lui…

21
L’absence d’une mère

22
L’absence d’une mère

L’IRREPARABLE

Un jour, alors que Mike revenait de son chantier où il avait


eu à passer toute la nuit pour couler un béton, très fatigué,
il arriva chez lui et trouva un climat désolant. Sa maison était
vidée, il n’y avait personne, ni sa femme, ni même la boniche
avec les bébés qui n’avaient à peine que 3 mois. Il courut
pour vérifier dans d’autres pièces de la maison, mais per-
sonne. Pris de panique, il sortit vite de la maison quand l’un
de ses voisins lui demanda :

— Oh Mike, n’es-tu pas partie avec ta famille ?


— Partir ? S’étonna Mike, mais où ? Demanda-t-il avec an-
xiété.
— Mais le matin ta femme nous a dit que vous partez pour
le Bas-Congo, d’ailleurs un grand camion est venu récupérer
tous vos bagages, expliqua le voisin avec un air surpris.

23
L’absence d’une mère
— Mon Dieu ! Ce n’est pas vrai, cette sorcière va me tuer !
S’exclama Mike en tournant sur lui-même. Mais où est-elle
partie avec les enfants ? Elle t’a rien dit ? Interrogea-t-il le
voisin à nouveau.
— Aucune idée mon pote, j’ai vu seulement le camion embar-
quer les bagages ainsi que ta famille et la boniche.
— Bon Dieu Nathalie, il fallait même me laisser mes enfants !
S’exclama-t-il tout en pleurant assis à même le sol, tête bais-
sée, soutenue par ses mains. Son voisin était débout, blême,
ne sachant quoi faire.
Soudain un cri de Bébé retenti de loin.

— C’est Emilia et Leila, cria Mike qui se mit vite débout,


courant vers la grande barrière, où il aperçoit la nounou re-
venir, tout en transportant les deux enfants l’une au dos,
accrochée à l’aide d’un pagne et l’autre, elle le tenait dans
ses bras mais elle n’arrêtait pas de pleurer.

Mike courut donc pour récupérer le bébé qui pleurait, il a vite


reconnu Leila, et la sera très fort contre sa poitrine : « arrête
de pleurer ma fille, papa est là » berçant le bébé, en lui chan-
tant une belle mélodie berçante.

— Qu’est ce qui se passe Maman Pauline ? Questionna-t-il.

— Je ne comprends non plus rien patron, répondit-elle. Ma-


dame m’as demandé d’emballer toutes les affaires à partir
de la nuit, sous prétextant que nous allons déménager pour
vous rejoindre à la nouvelle maison qui se trouve à Kinsuka.
Ajoute-t-elle.

24
L’absence d’une mère
— Le lendemain vers 9h, un camion est venu récupérer nos
affaires, et nous y sommes embarqués tous. Mais bizarre-
ment au lieu de se diriger vers Kinsuka, le camion a pris la
route de Selembao et nous sommes arrivés jusqu’à Mata-
di-Kibala, madame m’a demandé de descendre du véhicule et
de l’attendre dix minutes, vu qu’elle avait d’autres courses
urgentes Patron, ajouta-t-elle, je suis restée plantée là-bas
avec les bébés jusqu’à 16 heures. Tellement j’ai trouvé cette
affaire suspecte, j’ai décidé de revenir ici avec les enfants,
dans l’espoir de vous trouver ici, heureusement.

Après avoir entendu cela Mike n’en revenait pas.

— Cette sorcière va me tuer… S’exclama-t-il, encore et en-


core.

Le lendemain il se rendit chez les parents de Nathalie. Mal-


heureusement, ces derniers non plus ne furent au courant du
plan machiavélique de leur fille. Ce qui amena Mike d’ailleurs
à les traiter de complice et de voleurs de ses biens. Une dis-
puté éclata et Mike se tout de suite expulsé de la parcelle.
Depuis ce jour, il jura de ne plus y mettre ses pieds

Les années passèrent, Mike après ce coup, décida de ne plus


se remarier.

Trahi et abattu, il augmenta monstrueusement sa consom-


mation d’alcool. Il se construit l’habitude de rentrer le plus
souvent tard la nuit pendant que ses filles dorment. Ce qui ne
l’empêcha pas des temps en temps de passer du temps avec
elles. Mais son état de santé se fragilisait de plus en plus, vu
25
L’absence d’une mère
qu’il ne mangeait pas trop, il vivait quasiment dans le stress.
Ces stress permanent !
En 2007, alors qu’il ne restait que quelque jour, pour que les
filles soufflent sur leur septième bougie, l’irréparable arriva.
Mike qui s’était apparemment bien réveillé, se rendit dans un
de ses chantiers vers Lemba, où il supervisait les maçons qui
y travaillait. Soudain, il s’était assis sur un banc, et demanda
à boire à un travailleur, celui-ci n’était de retour, que Mike
poussa un cri horrible et s’écroula comme une brique.

Horrifié, les travailleur l’embarquèrent dans sa voiture et le


conduisirent dans un centre hospitalier du quartier, « trop
tard, vous avez amené un cadavre », dit le jeune médecin
qui était de service. Mike était déjà mort, emporté par une
crise cardiaque à l’âge de 41ans, laissant derrière lui, deux
pauvres  orphelines qui verront leurs destins basculés à ja-
mais.

Après les funérailles, les filles seront conduites par la nounou


chez le seul membre de la famille qui leur restait, vu que les
parents biologiques de Mike étaient déjà décédés depuis. Il
s’agissait bien de la tante paternelle de Mike, Maman Marie
Jeanne Kapinga affectueusement appelée MJ.

C’était une femme d’une cinquantaine d’année grande de


corpulence, grasse comme la plupart de femme africaine de
son âge.

Au grand étonnement de la nounou, les enfants furent ac-


cueillis froidement par MJ. Elle va expliquer à la nounou toute
sorte d’aventures concernant sa famille, affirmant que le Papa

26
L’absence d’une mère
de Mike qui était son propre frère ainé, ne s’était pas occupé
d’elle quand il avait des moyens, il avait préférés s’attacher
à sa femme.

Mike également, qui était fils unique, en a fait de même,


« maintenant c’est à moi de m’occuper de leurs charges ? »
se plaignit-elle. Elle garda un rancœur maladive contre Mike
et son Père, mais surtout contre sa belle-sœur et sa belle-
fille. « Mon frère et son fils, n’ont pas eu de la chance, ils
ont épousé des sorcières qui ont gâché leurs vies, une vraie
malédiction », dit-elle.

Continuant de se lamenter elle ajouta : « M’ajouter encore


deux, ave les trois qui se trouvent ici, comment je vais élever
cinq personnes en ce temps dure ? ». Imaginez, les deux
pauvres filles étaient juste assises là entrain de la regarder
dire toutes ces choses.

En effet, MJ était veuve. Sur les quatre enfants qu’elle eut


avec son défunt mari, elle perdit deux, l’ainé qui était mili-
taire, décédé au combat en 1997, l’autre qui aspirait devenir
footballeur professionnel, devenu fou après avoir touché au
gris-gris avant de mourir en 2004.

Donc MJ n’était restée qu’avec ses filles Josepha, 22 ans,


étudie à l’université de Kinshasa ainsi que sa cadette, Josiane
âgée de 16 ans, encore élève.

27
L’absence d’une mère

28
L’absence d’une mère

UNE AUTRE VIE

Quelques temps plus tard, une nouvelle vie sans Mike com-
mença. Après une courte année d’enfance, les fillettes sont
forcées à grandir vite malgré leur jeune âge un matin ordi-
naire, calme et ensoleillé, MJ, revenant de son office matinal,
trouve les jumelles assises seul à la terrasse. En les voyants, 
son cœur est rempli de rage. Elle se dit en murmurant : « je
ne sais quoi faire avec ces deux bâtardes ».
— Bonjour mamie, dit Leila.
— Je ne suis pas ta mamie répliqua MJ.
— Vas plutôt terminer la vaisselle, ajoute-t-elle, visage cour-
roucé.
— Désolée mamie dit Leila, c’est l’heure de l’école. Etonnée
de cette réponse Soudaine de Leila, par une voix forte MJ
gueula :
— Tais-toi, tu n’as aucun droit ici, pour revendiquer quoi que

29
L’absence d’une mère
ce soit, ou donner des sales excuses, tu te crois où ? Je suis
ta mère moi, pour supporter vos caprices ? Tant que vous
êtes sous mon toit, c’est ma parole où rien, compris ?

Ce comportement inhabituel et très cruel de MJ s’explique


du fait que dans son esprit les deux gamines représentaient
tout ce qui est démoniaque, c’est-à-dire l’image de leur ma-
man qu’elle considérait comme étant la source du malheur
qui s’était abattu dans sa famille.

— Si vous êtes ici c’est juste par respect de la dernière volon-


té de mon neveu alors contentez-vous d’exécuter à la lettre
tout ce qui sortira de ma bouche, que ça vous plaise ou non
Ajouta MJ.
— Ne t’apprête plus Emila. Dit Leila joignant sa sœur en
pleurant.
— Pourquoi donc, demanda sa sœur.
— Parce que mamie a dit qu’on doit faire la vaisselle.
— Mais c’est l’heure de l’école, dit Emila en tremblotant.
Oui, les autres ont droit d’y aller sans pourtant faire tous les
travaux ménagers ajoute-t-elle.
Emila par une voix rassurante, apaisa la tension par un simple
mot :
— Ça va aller. Ne t’inquiètes surtout pas pour ça, nous al-
lons trouver une solution.

Emilia a toujours été la plus forte, avec un comportement


extraverti, assorti d’un caractère patient et calme. Même de-
vant la tempête, elle savait rester calme, posée contrairement
à sa sœur cadette, qui était alarmiste, introvertie, et réac-
tionnaire devant tout évènement.

30
L’absence d’une mère
— Un de ces jours on finira illettrées avec l’allure où vont les
choses rétorqua Leila qui avait déjà tendance à se révolter.
— Shuuut, ne dit plus rien. Dit Emilia d’une voix calme, la
serrant dans ses bras.

C’est ainsi que s’acheva cette journée, les jumelles séchèrent


l’école pour passer toute la journée à faire des travaux mé-
nagers qui ne se terminaient pas et se succédaient l’un après
l’autre.

A l’école, elles étaient prises en charge par la volonté des au-


torités depuis la mort de leur père. Mais avant d’avoir ce luxe
d’étudier, il faillait souffrir, être humiliée, écrasée, piétinée
ce qui avait fini par avoir un impact négatif sur leur résultat
scolaire.

Alors qu’avant on les retrouvait à l’école toujours fringantes


et pleines de vie et surtout super douées vu qu’elles étaient
des exemples, des modèles pour beaucoup, mais leur réalité
cruelle finissait par les rattraper… Par conséquence, peu à
peu elles perdaient leur sourire !

Malgré la prise en charge au niveau de l’école, avec consen-


tement de MJ, qui malgré son attitude horrible, était déjà
passée à l’école juste après la mort de leur père en vue de
présenter sa difficulté de continuer à les scolariser, par ruse,
afin de les voir quitter définitivement l’école.

Grande fut son étonnement de voir que l’école acceptait de


les scolariser gratuitement, raison pour laquelle MJ va multi-
plier les tactiques et stratégies en vue de décourager complè-
31
L’absence d’une mère
tement les jumelles par l’accumulation des travaux ménager
pendant les heures de cours, qui vont finalement avoir raison
sur leur détermination et leur motivation.

En effet, à cause des multiples absences, les jumelles vont


manquer des matières, ce qui va entamer leur moyenne dans
presque toutes les matières. Elles ne se retrouvaient plus. Tout
paraissait nouveau pour elles, et leur ignorance va enchainer
dans leur cotation une succession des zéros, qui provoquera
de leurs camarades, la moquerie, le dénigrement, et un vif
étonnement auprès de quelques rares bonnes personnes…

Très vite elles seront surnommées les « Extras terrestre » par


leurs camarades de classe.

La vie bascula autour d’elles. L’école, seul endroit censé être


un refuge se transforma en enfer. La frustration s’installa et,
petit à petit le dégout des études envahit leurs cœurs qui au-
paravant avaient soif d’apprendre. Elles ne se sentaient plus à
leur place même les plus bougres de la classe, trouvaient l’oc-
casion de les dénigrer devant tout le monde. Les enseigne-
ments ne les citaient plus parmi les meilleurs, au contraire,
leurs nom étaient associés à la médiocrité alors qu’elles étu-
diaient gratuitement…

« Comment expliquer que des enfants qui étudiaient


gratuitement se livrent à l’école buissonnière en négligeant
tout » murmurèrent certains enseignants dans les coulisses de
leur lieu de repos. D’autres ajoutèrent : « c’est l’inconvénient
de gagner sans peine, ni payer dû ».

32
L’absence d’une mère
Par contre certains enseignants plus attentionnés et plus sen-
sibles, essayaient par des voies et moyens de comprendre le
pourquoi de cette chute brutale et comment y remédier, mais
n’osaient trouve la solution en descendant sur terrain pour
comprendre ce que les jumelles vivaient quotidiennement.

Pour les Jumelle, vivre cette décadence était pire que rendre
visite au diable en personne en enfer. C’était trop. Une humi-
liation totale. Elles se retrouvaient de plus en plus isolées, car
personne ne voulait trainer avec les moins que rien de l’école.

Un jour elles se sont réveillées, après leur chapelet des tra-


vaux ménagers, personne n’avait envie d’enfiler son uni-
forme, comme si elles s’étaient entendues auparavant, et
pourtant non, c’était juste la télépathie des sœurs jumelles,
qui fit qu’elles prennent ce jour-là la décision de « casser le
stylo » comme on dit à Kinshasa. Afin de ne plus se rendre
à l’école et ne plus vivre les pire atrocités qu’elles vivaient
quotidiennement.

C’en était donc fini avec les études, sans savoir ce qu’elles
pourront faire plus tard. Elles ont juste pris la décision afin de
se libérer d’un autre membre du corps de leur vie minable qui
faisait atrocement mal.

Les jours et les semaines passèrent, leur absence était de


plus en plus remarquables, pour ceux et celles qui trouvaient
du plaisir à les persécuter et ceux et celles qui avaient pitié
d’elles, les jumelles n’y étaient plus. Raison pour laquelle le
directeur se décida de descendre sur terrain pour palper du
doigt la réalité qui les éloignait de l’école. Il voulait faire le
33
L’absence d’une mère
responsable, quoi qu’il le fût aussi à l’occasion…

En arrivant au lieu d’habitation des jumelles, des loin, MJ


qui préparait sa potion pour souler la moitié des hommes de
son quartier remarqua l’arrivée vers son portail l’entrée d’un
homme chauve, habillé en costume, tenant sur ses mains des
documents, marchant pas à pas avec assurance, mais aussi,
elle vit en lui l’intuition d’un inspecteur de police qui voulait
élucider un mystère.

MJ ne s’était pas fait l’illusion dans sa tête, car elle connais-


sait bien cette tête qui débarquait dans sa parcelle et non
pour gouter à son succulent jus de maïs appelé « Lotoko »
mais plutôt pour lui bourrer les oreilles sur une affaire qui va
sans doute l’énerver. Tout d’un coup, son attitude va brus-
quement changer :
— Bonjour chère Madame.
— Bonjour monsieur, rétorqua-t-elle froidement.
— Excusez-moi madame, je me permets de venir à l’improvis-
te pour me rende compte de la situation des jumelles qui sont
depuis plusieurs semaines, absentes.
— Ne vous inquiétez surtout pas monsieur, excusez-nous de
ne vous avoir pas prévenu si tôt, un de leurs, oncles qui est
promoteur d’une école, les avait pris pour les inscrire chez lui.
On ne voulait pas trop vous embêter, car selon les jumelles,
certains enseignants les malmenaient en classe vu qu’elles ne
payaient rien, affirma-t-elle avec un ton calme et rassurant.
— Mais ce n’est pas vrai, rétorqua le Directeur avec éton-
nement et déception, cette décision avait été prise en com-
munion d’esprit avec tous les enseignants qui trouvaient cela
salutaire !

34
L’absence d’une mère
Et puis, il finit par conclure :
— Comme c’est le cas ok ! L’essentiel est que les filles étu-
dient dans des bonnes conditions.
— Merci beaucoup. Je vous laisse continuer votre travail,
avait-t-il conclu !
En effet le Directeur se laissa tromper facilement, mais que
pouvait-il faire d’autre ? MJ voulait clouer les deux malheu-
reuses sur la croix de l’esclavage et de l’exploitation et pour
cela, elle était prête à tout pour détruire leur avenir.

35
L’absence d’une mère

36
L’absence d’une mère

L’ANNIVERSAIRE

Fréquemment, MJ organisait de fêtes grandioses pour sa pe-


tite fille Jenny, la fille de sa fille ainée Josépha, qui habitait
avec sa mère et sa mémé depuis que son père est soi-disant
partie en Angola.

— Je veux que tout soit parfait aujourd’hui, dit la grand-


mère. C’est un jour heureux pour ma vraie petite fille, ma
vraie petite fille adorée…

Alors que les jumelles toutes tristes, un peu gênée et frus-


trées à cause de ces paroles méchantes en leur endroit, ne
savaient quoi faire, quoi dire, car elles-mêmes n’avaient plus
en souvenir la dernière fois qu’elles ont eu à soufflet sur une
bougie pour une quelconques fête d’anniversaire.

37
L’absence d’une mère
Elles étaient surtout blessées de voir comment MJ s’époumo-
nait, tournait, voir même s’endettait pour rendre le sourire
aux siens, alors qu’elle n’a jamais osé le faire, ni penser le
faire pour elles.

A 16 heures précises, c’était déjà la fête d’anniversaire qui


commença avec des nombreux invités du quartier et de la
famille. La grand-mère et ses filles étaient habillées en uni-
forme rouge et blanc, car c’étaient les couleurs préférées de
la petite Jenny.

La fille adorée à l’honneur, portait une jolie robe rouge mélan-


gées avec du blanc, dans un espace décoré en rouge blanc à
l’honneur de la petite princesse.

Tout le monde était dans la joie, et profitait de ce bon mo-


ment. La nourriture, la boisson, la musique, la danse était au
rendez-vous, mais bon, même dans un festin, la lionne garde
toujours son instinct. MJ ayant toujours en elle sa crinière de
lionne, n’avait pas permis aux jumelles de prendre part à son
banquet qui était réservé à ses invités privilégiés.

— Mamie ? dit Emila, peut-on prendre part à la fête ?


— Partir où ? répliqua soudainement MJ avec un rugisse-
ment telle une lionne énervée. Qui vous a invité ? Dans cette
fête il n’y a pas d’enfant bâtards car chaque enfant est ac-
compagné de ses parents, vous y serez avec qui ? Il n’y a pas
de place pour vous là-bas, ajoute-t-elle avec dédain.
Après ces paroles très choquantes, les jumelles se retirèrent
en sanglot derrière la maison juste tout près de la fenêtre de
leur voisine. Leur lieu habituel de lamentation.

38
L’absence d’une mère

— Pourquoi ce monde est tellement méchant dit Emila en


pleurant.
— Tu as raison ma sœur, répliqua Leila. Elle est vraiment
méchante, malgré notre amour pour elle, elle ne cesse tou-
jours de nous faire subir la potence, comme si on était des
monstres tout craché.

Après cette cérémonie de pleurs et grincement des dents, les


malheureuses se mirent à converser pour adoucir leurs peines
en se rappelant des bons souvenirs du passée.

— Emila !
— Oui ma sœur.
— Tu te souviens encore quand Papa nous amenaient par
surprise des gâteaux, à l’occasion de rien ou de notre anni-
versaire, bien qu’il n’était peut-être pas plus affectueux avec
nous, mais il avait sa façon à lui de nous manifester son
amour.

— Oui je m’en souviens parfaitement comme hier, répondit


Emila. J’aimerais tellement que ces bons moments reviennent
encore.
— Moi aussi j’aimerai bien les revivre, dit Leila. Pendant
qu’elles se lamentaient derrière la maison maman Carine les
entendit, touchée, elle sortit donc pour les consoler. En fait
maman Carine affectueusement appelé MC, était une jeune
femme d’une vingtaine d’année, infirmière dans un hôpital
militaire et célibataire de son état. Elle louait seule un petit
appartement juste à côté de la maison des jumelles. C’est elle
qui avait l’habitude de leur mettre le baume au cœur pendant
39
L’absence d’une mère
les moments difficiles qu’elles traversaient, sans vouloir heur-
ter la personne de MJ qui la détestait, la traitant d’une fille
libre, donc d’une pute, « Est-ce qu’une fille peut-elle louer une
maison toute seule ? » disait-elle à qui voulait l’entendre, avec
un ton moqueur dans le but de toucher maman Carine.

Voyant les jumelles dans cet état, elle leur demanda :

— Que faites-vous ici ?


— On veut trouver des réponses à nos questions.
— Mais quelles questions ?
— Même si on vous le dit, on ne croit pas que vous allez
pouvoir nous répondre, ajouta Leila.
— Allez-y dites, le moi, insista la jeune femme.
— Pourquoi notre mère nous a-t-elle abandonnée ? Pourquoi
papa nous a-t-il quitté ci-tôt ? Pourquoi n’avons-nous pas
l’amour tant souhaité de notre mémé ?
— Est-ce vrai que papa est mort à cause nous ? Ajourèrent
les jumelles.
— Désolé, dit MC, je n’ai pas des réponses à toutes vos
questions mais ce dont j’en suis plus que certain, c’est que
Dieu vous aime énormément. Il a planifié des projets de
bonheur pour vous, sachez que naître jumelle ou jumeau est
une exception et une bénédiction divine, car Dieu a créé tout
en double, et vous en faites parties.

Après avoir dit ses paroles, elle les serra dans ses bras très
fort.

— Et si vous venez passer un bon moment avec moi, le temps


que cette fête se termine, proposa MC.

40
L’absence d’une mère
— Merci beaucoup, répondirent les jumelles.

A cette invitation, les jumelles ont complètement oublié leurs


tristesses, elles ont repris le sourire et ne voulaient même plus
rentrer chez elles, parce qu’elles se sentaient mieux à l’exté-
rieur, plutôt que chez elles.

De retour chez elles, après la fête, tout le monde était indif-


férente, personne ne se souciait d’elle et personne pour cher-
cher à savoir d’où viennent-elles et surtout sont-elles faim ?

41
L’absence d’une mère

42
L’absence d’une mère

LE BONHEUR
A L’EXTERIEUR

Un dimanche matin, les jumelles se sont décidées de se rendre


à l’église, bien qu’elles n’avaient pas souvent l’occasion de
s’y rendre, vu qu’elles n’avaient presque as les belles robes
de dimanche. Mais cette-fois-ci, même avec des habits usés,
elles ont pris la route de l’église pour prendre part à l’of-
fice du matin. Elles étaient habillées de la même façon, bien
qu’avec des habits vieux de cent ans, elle attiraient quand
même l’attention du public. Voir deux personnages qui se res-
semblent comme deux gouteux d’eaux n’est pas un privilège
de tous les jours.

Avec un œil d’admiration, les passants, chacun selon sa des-


tination, scrutaient les deux créatures exceptionnelles, dont
certains prenaient le courage de leur dire un petit bonjour,
d’autres les interrogeaient superficiellement. Mais le geste le

43
L’absence d’une mère
plus beau de cette matinée était la réaction d’un jeune couple
qui comme elles, se rendaient également à l’église dans la
même direction qu’elles. Arrivé à cent mètres de l’église,
le mari précipita un peu ses pas en laissant légèrement son
épouse derrière lui pour rejoindre les jumelles et engager une
discussion.
— Bonjour les jumelles, leur dit-il étant superbement habillé,
comme un jeune qui avait rendez –vous avec son destin.
— Bonjour ! Répondirent les filles d’une même voix, avec un
air un peu surpris.
— Comment allez-vous ? rétorqua le monsieur qui était bien-
tôt rejoint par sa femme, et qui exaltait un sourire angélique
en étant près des jumelles.
— Bien !

Répondirent encore les jumelles, mais cette fois-ci un peu


méfiantes des inconnus dont elles n’ont aucune idée des in-
tentions qu’ils nourrissaient derrière leurs têtes, car la ville
était bondée des escrocs de tous genres qui arnaquaient de
paisibles et innocents enfants qui prenaient le risque de se
rendre seuls à l’église.

Alors le monsieur continua sa conversation :


— Excusez-nous, je suis monsieur Armand et voici ma femme
Clémence, avec qui on a fait plus de 5 ans de mariage sans
enfants. Mais dans ma tradition on dit si vous avez la chance
de tomber sur les jumeaux ou jumelles sur votre route très
tôt le matin, ça porte bonheur au couple et nous aurons peut-
être la chance d’avoir des jumeaux, telle est la raison de notre
présence parmi vous. Nous sommes ravis de tomber sur vous
et j’espère que ça nous portera bonheur.

44
L’absence d’une mère
Leila qui était un peu timide se tut. Sa sœur par contre, qui
ne gêne pas d’engager une conversation, prit la parole pour
dire :
— Oui oui, moi c’est Emilia, voici ma sœur Leila, nous par-
tons à l’église. Nous espérons également vous portez bon-
heur, parole des jumelles, vous aurez ce dont vous souhaitez
et promettez-nous de bien prendre soin de vos futurs enfants.

De ces paroles de bénédiction, l’homme qui était un fervent


croyant de sa tradition, tressaillit de joie, et glissa la main
dans sa poche en sortant deux gros billets de 10.000 Franc.
— Prenez s’il vous plait mes anges, je n’ai pas grand-chose
à vous donner.

Les jumelles un peu gênées et méfiantes hésitèrent mains la


dame qui n’avait jusque-là rien dit, insista !
— N’ayez pas peur, prenez. Vous savez une bénédiction n’est
pas gratuite, même l’église on donne les offrandes…

Devant cette insistance, les filles n’avaient plus d’autre choix


que de récupérer chacune son billet représentant une sommes
importante, car c’était pour elles la première fois de toucher
une sommes pareille.

Après ce geste, le couple salua pour une dernière fois les ju-
melles et se précipita pour entrer à l’église.

Les deux sœurs étaient figées sur place ne comprenant pas


ce qu’elles venaient de vivre en ce beau matin. En réalité, les
actes de charités n’étaient pas au rendez-vous dans leurs mi-
sérables existences. Comment allaient-elles justifier auprès de
45
L’absence d’une mère
MJ cette somme d’argent qui est tombé comme une manne
dans leurs mains. La question les torturait déjà…

A l’exception de cette épisode, les jumelles vivaient en dehors


des frontières de leur cour familiale, une vie de bonheur, sur-
tout avec leurs aimante voisine MC, qui ne cessait de leurs
apporter compassion et soutien tant soit peu matériel.

Elles se sentaient beaucoup aimer et éprouvaient de la joie


qu’en dehors de leur domicile qui ressemblait de plus en plus
à une tanière du diable.

46
L’absence d’une mère

LA GOUTTE DE TROP

— Leila et Emilia venez ici, d’un to nerveux que MJ appela


les jumelles.
— Oui mamie nous voici, répondirent-elles.
— A partir d’aujourd’hui vous commencerez à rester régu-
lièrement seules par ce que je ne serai très fréquente à la
maison ; j’ai des voyages d’affaire à entreprendre à l’intérieur
du pays pour acheter des produits frais et les revendre ici
alors en mon absence je ne tolérerai aucune bêtise comme
des sorties intempestives et visites indésirables.
— Vous êtes assez grandes pour veiller sur une maison, après
tout 18 ans c’est beaucoup trop et nous à notre époque à
14 ans on pouvait déjà se marier et être responsable de son
foyer, mais vous vous êtes des bonnes à rien, ajouta MJ.
Le lendemain latin la grand-mère sortit avec ses deux filles
Josiane et Josépha pour des petites courses en villes, laissant

47
L’absence d’une mère
derrières elles les jumelles comme gardiennes de la maison.
— Leila, veux-tu qu’on aille chez MC ? demanda Emilia.
— Mais il faut rentrer avant que mémé n’arrive ajouta-t-elle.
— Ah… personne ne nous a enchainées. On est libre après
tout… rétorqua Leila qui en avait déjà assez d’être soumise.

Vu que celle-ci connaissait décoder leurs comportement, elle


comprit vite qu’elles étaient tristes et préoccupées.
— Pourquoi faites-vous cette tête ?
— Rien MC, tout va bien, répondit Emilia, qui était toujours
prête à prendre la parole en premier.
— mais voyons ! Ne me cachez rien, je suis votre amie n’est-
ce pas ?
— D’accord on va tout te dire, dit Leila qui pour les rares de
cas ouvrit sa bouche, pour s’exprimer d’une voix tremblante
et pleine d’émotion. De ses yeux on sentait venir une ava-
lanche meurtrière des larmes.
— Je me demande, continua-t-elle, allons-nous passer tout le
restant de notre vie comme bonniche ? Dites-nous, comment
sera notre vie dans 5 ans, vu qu’à 18 ans nous n’avons rien
comme assurance. Nos études sont interrompues aucun ave-
nir fructueux et radieux ne se dessine devant nous.
— Cependant, notre cousine Jenny part à l’école, elle évolue
normalement et son avenir et garanti pendant que le nôtre est
sacrifié par des travaux ménagers, j’en ai marre de cette vie,
je n’en peux plus, insista Leila, qui laissa couler des grosses
gouttes de larmes.

Après quelques instants de soupir, elle continua encore,


comme si elle était décidée à vider son sac de tout ce fardeau
pesant qu’elle porte depuis des années :

48
L’absence d’une mère

— Depuis qu’on a commencé à lui obéir, à suivre à la lettre


toutes les instructions de MJ, qu’est-ce qu’elle nous a donné
en retour, hormis cette misérable existence… Elle ne s’épou-
mone même pas de notre avenir, nos études, nos vies. Malgré
la mesure de grâce accordée par l’école après la mort de
notre défunt père, elle a tout fait pour compromettre tout
cela, en manigançant des manœuvres pour nous empêcher
de poursuivre nos rêves. Naïves qu’on était nous lui avons
laisser-faire. On était tellement soumise en pendant que notre
soumission pouvait attirer sa compassion, hélas ! On a eu
tort de croiser les bras et ne pas nous battre pour ce qu’on
aimait.
Elle ajouta encore, toujours sous l’effet de la passion et la
rage qui lui dévoraient le cœur :
— D’ailleurs, quelle était la dernière fois où on a ne fut-
ce que soufflé sur une bougie d’anniversaire ? Tout ça est
complètement injuste, j’en ai plus que marre de tout ça. Nos
rêves se sont complétement envolés, ils sont complètement
perdus. Elle a tout fait pour nous empêcher de l’atteindre.

En effet depuis leurs tendres enfances, les jumelles avaient


une passion pour l’écriture. Comprenant cela, leur papa leurs
avait acheté des petits carnets dans lesquelles elles griffon-
naient tout ce qui leur passaient dans la tête. Ainsi, elles
transcrivaient des petites chansonnettes, des proverbes, des
poèmes, des récitations apprises à l’école, soit imaginées par
elles-mêmes des histoires romantiques et imaginaires, qu’elles
racontaient par la suite à leurs petits camarades du quartier
ou de l’école.

49
L’absence d’une mère
Mais après la mort de leur cher papa, aussi, après le démé-
nagement rapide qui était intervenu quelques instant après
cet évènement malheureux, elles n’ont pas pu emporter avec
elles, toutes leurs cargaisons des carnets, le peu de carnets
qu’elles emportèrent avec elles dans la précipitation étaient
tombés entre les mains de MJ, qui les avaient soit cachés,
soit détruits, les qualifiants en jargon local de « Cahier de
plaisir », un cahier que les parents regardent d’un mauvais
œil, alors que c’est parfois l’un des outils d’un futur écrivain.

Quand les jumelles voulaient continuer à écrire même en


cachette, elles étaient surprises par leurs tantes qui confis-
quaient immédiatement leurs carnets et les ramenaient à MJ
qui l’examinaient minutieusement pour ce qui était écrit, dont
on y trouvait de tout et de rien, surtout les récits en détail
de toutes leurs peines, endurées quotidiennement. La réac-
tion de MJ ne se faisait guère attendre : les filles étaient
tabassées, privées de nourriture et subissaient de nombreux
traitements inhumains, sauf que MJ n’avait pas le courage de
les chasser de chez elle par respect de sa promesse faite à son
neveu. En plus elles étaient d’excellentes mains d’œuvre pour
le ménage, donc elles tiraient d’elles plusieurs avantages.

En dépit des supplices endurées et de l’abandon des études,


les filles espéraient toujours une providence divine pour at-
teindre leurs buts, celles d’être parmi les écrivaines renom-
mées du pays et pourquoi pas du monde, Elles en parlaient
le plus souvent à MC qui était leur seule amie. Celle-ci les
encourageaient et leur laissaient un espace chez elle pour
qu’elles se donnent avec joie à leur passion qui était bien
entendu l’écriture. Oui, elles en avaient de la chance comme

50
L’absence d’une mère
l’ont souvent la plupart des jumeaux et le talent était là, il
fallait juste bien le travailler…

Depuis deux ans auparavant, elles avaient commencé à écrire


un petit livre autobiographique qui racontait tout ce qu’elles
traversaient. Heureusement pour cette fois-ci, elles n’ont rien
perdu comme manuscrit, vu que le tout était gardé chez MC,
qui à chaque temps les aidaient pour des petites corrections
et contributions. Chaque temps libres, elles se rendaient chez
MC pour ajouter des nouvelles expériences, heureuses ou
malheureuses, qu’elles croisaient quotidiennement.
— Dorénavant je ne vais plus vivre sous ses ordres. Non ! Je
préfère poursuivre ma vie ailleurs, tenter une autre chance en
vue de poursuivre mon rêve jusqu’au bout, coûte que coûte,
voir signer même un pacte avec le diable. Je le ferai, trop
c’est trop… martela Leila.
— Calme-toi, dit MC. Cesse de pleurer et de prendre des
décisions sous l’emprise de la colère. Penses à ta sœur, que
va-t-elle devenir sans toi ?
— Mais où veux-tu allez Leila, sans moi ? dit Emila. Cette
bataille est pour nous deux. On doit se serrer les coudes,
bientôt tout ira bien.
— Quoi ! Arrête avec ton optimiste aveugle, tu ne vois pas
que tout s’écroule autour de nous ? rétorqua Leila en pour-
suivant :
— Mais où veux-tu aller ? Veux-tu vraiment te séparer de
moi ? Mais tu es tout ce qui me reste, tu ne t’en rends pas
compte ? C’est toi qui me donne de la force et j’essaye de me
battre pour nous, répliqua Emila.
— Non ! Je sais me battre toute seule, j’en suis capable,
ajouta Leila d’un ton plus virulent.
51
L’absence d’une mère
Emilia toujours plus calme lui dit :
— Mais on doit lutter ensemble pour vaincre. Sois juste un
peu patiente. Je te promets que tout sera bientôt finit, on va
tourner cette page, ne me quitte pas s’il te plait.
— Non garde pour toi tes promesses, j’en ai plus besoin.
Depuis longtemps tu veux te comporter en protectrice en me
calmant toujours, croyant que les choses vont s’améliorer
pour nous mais je me rends compte que j’ai commis une bê-
tise en t’écoutant tout ce temps. Je devais depuis… prendre
ma décision, m’en aller d’ici et pour le reste, Dieu seul sait !
Répliqua encore Leila.

Après une minute de silence, un peu surprise et déçue des


propos de sa sœur, Emilia d’une voix tremblante décida aussi
de vider son sac :
— D’accord ! Comme tu te crois capable de prendre tes
propres décisions, vas-y ! Tu oublies un détail, tu es une fille
faible, fragile, donc sans moi tu ne pourras faire face au
monde où tu veux te plonger sans réfléchir. Seuls les stupides
prennent les décisions sous l’effet de la colère.
— Ab bon ? C’est toi la stupide-naïve. Tu crois que sans toi
je ne peux vivre ? Dis-moi madame la sagesse, toi la sage
fille qui connait tout, ça ira quand pour nous ? 100 ans ?
1000 ans ? Parce qu’on est que des simple domestiques, des
moins que rien dans cette fichue maison. Notre situation est
compromise et rien ne va s’arranger aussi longtemps qu’on y
restera bras croisés, un jour ou l’autre un orage va s’abattre
sur nous et tout sera fini. Réfléchis un peu, réfléchis…
— Mais voyons les enfants, arrêtez de vous disputer, écou-
tez-moi d’abord…

52
L’absence d’une mère
S’exclama MC pour essayer de les calmer.
Malheureusement, les filles ne voulaient faire machine arrière
sous l’effet de la rage, colère, haine. Un moment, Emilia pour
éviter le pire, décida de quitter le lieu, laissant MC et sa sœur
jumelle. Et toujours sa sœur grognait et les larmes de cha-
cune n’étaient pas si loin…
MC sans se lassait, continuait de faire de son mieux pour
convaincre la jumelle rebelle :
— Calme-toi Leila, tout ira bien ! Ôte de ta tête toutes ces
idées noires qui te poussent à vouloir t’échapper d’ici. Pour
l’instant, tu n’as nulle part où aller. Vous devez rester souder
l’une à côté de l’autre seules, votre union est votre force,
n’abandonne pas et surtout n’abandonne pas ta sœur mainte-
nant, tu sais qu’elle n, tu sais qu’elle n’a que toi. Si j’avais des
moyens j’allais vite vous faire reprendre le chemin de l’école
mais hélas…
— A l’école ? Questionna Leila soudainement avant de
poursuivre :
— Bon sang, j’ai déjà 18 ans et je ne retournerai pour rien
au monde à l’école primaire ! Le sort en, est déjà scellé ! Je
ne veux plus reculer, je l’ai assez fait, maintenant tout ce
qui compte, c’est d’avancer, avancer, avancer droit devant,
vers un avenir, un avenir radieux, loin de cet enfer, loin de
la misère, loin de la faim, loin de la crasse, loin de toutes les
garces qui nous hébergent, oui, loin, vraiment loin et pour
cela, je sais que je dois travailler. Je suis assez grande, je peux
me trouver un emploi, après, on verra bien… pour ce même
si je dois embrasser la rue, de toutes les façons, nous avons
toujours été dans la rue ! Si pas traiter comme des enfants de
la rue et pour le reste je m’adapterai, le bon Dieu aidant s’il
existe belle et bien !
53
L’absence d’une mère
— Mais que veux-tu faire dans la rue ? Te prostituer ? Peu
importe que tu n’aies pas pu continuer tes études, il y a plu-
sieurs formation professionnelles qui peuvent t’apprendre un
métier qui pourra t’aider en te rattrapant.
— Si tu n’as pas eu la chance d’aller à l’école continua MC,
ne t’en fait pas. Dans la vie il y a des gens qui parfois n’ont
pas eu l’opportunité d’aller à l’école mais qui avec les poten-
tiels que Dieu a mis en eux ont réalisé leur rêve, avec un peu
de détermination et du travail…
La nuit fut venue avec le retour de leur grand-mère. Aussitôt
revenue, la tristesse fit son entrée en même temps qu’elle.
— Rentre à la maison, dit MC. Je vois votre grand-mère qui
est déjà de retour, rentre avant qu’elle ne vous fasse une
litanie des problèmes.
— Un drame ? Interrogea ironiquement Emilia d’une voix
nerveuse. Nous sommes habituées à ça, car c’est chaque jour
qu’elle en fait.
— Eh pas toi s’il te plait, rétorqua MC, ne fait pas le re-
belle, garde toujours ton calme, ton respect et tes bonnes
manières. Ne te laisse pas voler par la passion ou la colère,
tu dois être forte pour ta sœur rebelle. Partez maintenant !
Mais soyez fortes !

Après les sages conseils de MC, Emilia sortit en gardant si-


lence, sans y ajouter un mot.
— Bonsoir mamie lança Emilia.
— Hum ma soirée était jusque-là bonne, avant l’apparition
de vos têtes, où étiez-vous ? dit MJ d’un ton sévère.
— Juste dans la parcelle, vu qu’on s’ennuyait, nous nous
sommes décidés de faire un tour chez MC répondit Emilia
sans crainte.

54
L’absence d’une mère
— Chez qui ? grommela MJ, vous laissez ma maison sans
bonne garde pour aller je ne sais où, et en plus vous allez
chez cette voisine qui venez fouiner son nez partout !

Toujours sous l’effet de la rage, MJ continua à distiller ses


venins mortels sur les pauvres gamines qui sont restées sta-
tiques sans mots :
— Bande de cochons ! Si votre idiote de mère ne s’était pas
mise sur le chemin de mon neveu, tout ceci ne serait pas
arrivé et il serait en ce moment à mes côtés… Vous êtes des
bons à rien comme cette pute de dame qui vous prête ses
oreilles !
— Assez
Interrompit Leila d’une voix audacieuse :
— Je ne veux plus te permettre de traiter ma mère d’idiote
et je ne tolérerai plus, alors plus jamais, aucune humiliation
de ta part.

Sa sœur, abasourdie, ouvrit grandement ses yeux croyant


être dans un rêve ! Vu la réaction inattendue de sa sœur qui,
malgré tout était décidé de vider son sac :
— En effet je ne la connais même pas, je ne connais non plus
les raison qui l’ont poussées à partir, peu importe ses raison,
et surement elle avait des bonnes raisons de la faire, je n’en
doute pas, je paris même que t’en en grande partie respon-
sable, car ici tu es la seule de ta race. Tu as un cœur noir, un
cœur de pierre, copie conforme de celui du diable, si pas de
Lucifer en personne.
Une foudre venait de s’abattre sur MJ, qui ne s’attendait pas
à une telle réplique venant de celles qu’elle a toujours consi-
dérée comme une de bon à rien chez elles.
55
L’absence d’une mère
Non ! Non et non ! C’était trop de la part de MJ qui après
un moment de stupéfaction, avait réagi pour ne pas perdre
complétement la face.
— Tais-toi ! Gronda d’une voix imposante MJ pour recon-
quérir le bout de terrain qu’elle venait de perdre à la seconde.
— Je ne vais me taire cette fois-ci, lui cracha Leila qui avait
nullement l’intention de perdre la partie.

Emilia, craignant des représailles après cette bataille que son


audacieuse de jumelle venait de lancer contre leur naturel
bourreau, décida d’hisser le drapeau blanc, en calmant un
peu sa sœur qui venait d’engager un combat du genre David
contre Goliath.
— Maos Leila qu’est-ce qui te prends ? Calme-toi !
— Non je ne vais pas me calmer, répliqua Leila.

Laisse-moi dire ce que je dois dire à cette sorcière. Je ne vais


pas être une poule mouillée comme toi, trop c’est trop.
En poursuivant avec la même rancœur :
— A cause de toi mamie, nous avons interrompu nos études,
nos rêves se sont envolés, on a vécu une enfance horrible. Tu
nous as volées tous les moments de bonheur de la vie pen-
dant notre enfance. Tu as fait de nous tes paillassons, tes bo-
niches, nous avons perdu notre sourire, tout ça doit prendre
fin. Moi là, je ne vais plus être ta servante ! Cette Leila que
tu vois devant toi, n’est plus celle d’hier, celle qui craignait de
dire ce qu’elle pense. Je ne vais plus permettre que tu nous
maltraites gratuitement ainsi, sans nous défendre.

La grand-mère étonnée, n’en revenait pas de voir de ses


propres yeux la révolte de la petite esclave qui était déci-

56
L’absence d’une mère
dée à s’affranchir. Aux grand maux, des grands remèdes !
Alors MJ leva sa main, donna une gifle violente à Leila ! En
croyant que cela calmerait la rebelle mais peine perdue, la
petite après être tombées se releva en gueulant encore parce
qu’elle n’avait plus rien à perdre.
— Tu peux me gifler autant de fois que tu veux, plus rien
ne m’effraie en toi. Tu es toujours un monstre et tu vas le
demeurer, c’est ainsi que tu es. Mais bientôt, très bientôt,
dans quelques jours à venir je ne te permettrai plus de porter
la main sur moi, vieille aigrie…

La carte de la violence ayant échoué, MJ a perdu la main, il


ne lui restait plus que de foutre cette insolente ingrate hors
de chez lui :
— Sors de chez moi ! Je ne peux pas, je ne veux pas garder
sous mon toi une petite mal-éduquée, salle progéniture du
diable !

Reprît violement Leila :


— Nous avons passé toute notre vie ici, c’est qui, qui devait
s’occuper de notre éducation ? Donc si je suis mal éduquée
comme tu le dis, ne t’en glorifie pas, je suis ton produit.
Progéniture du diable, c’est bien beau ! Mais quand on a
une sorcière de grand-mère, il faut être fou pour espérer des
anges comme petites filles…
— Je n’en crois pas mes oreilles, dit MJ. Cette fille est sure-
ment ensorcelée, celle que j’ai hébergée dans ma maison, que
j’ai nourrie et vêtue gratuitement, en fin de compte, c’est ça
qui ose me parler de la sorte ? La gratitude n’est plus de ce
monde ! Dehors avant que je perde mon sang froid et que je
ne commette un crime. Je ne sais d’où votre pute de mère à
57
L’absence d’une mère
ramasser votre grossesse pour faire porter le chapeau à mon
neveu, car vous ne ressemblez pas aux gens de ma famille.
Sors vite !

C’était une soirée cauchemardesque pour Emilia, mise au pied


du mur, car elle ne savait plus qui calme, et les deux femmes
étaient prêtes à en découdre pour en finir une bonne fois pour
toute. Leila était dans l’extrême, comme si elle était entrée en
transe. Elle n’obéissait qu’à sa propre pulsion qui la dictait.
Elle ne voulait entendre personne, un seul mot du genre à la
calmer, c’était de l’huile sur le feu.

Le vacarme de cette dispute réveilla tout le voisinage, dont


certains s’approchèrent par curiosité ! D’autre allumèrent
leurs téléphones pour prendre ne exclusivité la scène qui se
déroulait devant eux. Sacré Kinshasa ! Pire encore des petits
enfants du quartier se sont mis à rigoler en criant « Santan
Kotela bango babunda ». Triste ville ! A l’écoute de tous ces
brouhaha intense, MC sortit vite de sa tanière de célibataire,
pour voir ce qui se passait à côté de sa maison, de loin elle
aperçut Leila dans tous ses états, prête à bondir sur sa mémé
et de la dévorer toute crue, mais sa sœur et un autre jeune
garçon du quartier la retenait très fort.

De l’autre côté MJ engagée comme une bête féroce, rete-


nue par deux mamans du voisinage était aussi prête à en
découdre avec l’orpheline qui venait de saper son autorité en
l’humiliant en public.

Voyant venir MC, Emilia lâcha sa sœur entre les mains du


garçon qui est tout de suite rejoint par un autre, pour lui prê-

58
L’absence d’une mère
ter main forte, et courut vers celle qu’elle considère comme
un ange-gardien, tout en la serrant dans ses bras en sanglot.
— Mais que se passe-t-il ? Interrogea MC.
— je ne sais quoi dire, c’est Leila. Elle s’est déroulée sur
mamie et ne veut rien entendre de personne, ni même moi…
— Mon Dieu ! Pas jusque-là, elle a pétée le plomb ou quoi ? Il
faut l’extirper de là, sinon c’est un massacre assuré ! Et avant
l’intervention de la police, cela risque d’être une hécatombe.

MC avait raison de s’inquiéter de la police. Cette dernière


adore ce genre d’occasion pour raquetter et soutirer, l’occa-
sion fait toujours le larron chez eux. Alors, elle courut vite
vers le champ de bataille pour tenter d’hisser un drapeau
blanc, et se convertir en facilitateur espérant obtenir un ces-
sez-le-feu.
— Leila ! Leila ! Cria-t-elle ; calme toi enfin, regarde de toi-
même le spectacle que tu crées, et pourtant je t’avais dit de
te calmer et de laisser Dieu combattre à votre place…

Sans qu’elle ne termine sa phrase, MJ d’un rugissement tel


d’un félin, l’interrompit :
— Et toi arrête ! Sale demoiselle qui ne sait que fourrer son
nez dans les affaires des autres ! Quel Dieu, peut combattre
pour le diable que représente ces filles ? Toi également tu en
fais partie, c’est toi la responsable de ceci, sale pute, tu as
plantée ton venin de l’impudicité dans ces filles qui en avait
déjà autant, héritée de leur pute et sorcière de mère qui un
jour a envoutée mon neveu… et voilà le résultat.
Elle enchaine avec d’autres insultes, comme si elle attendait
depuis des siècles ce moment pour se déchainer sur sa voisine
visiblement elle avait toujours eu une dent contre elle :
59
L’absence d’une mère
— Tu as eu ce que tu voulais n’est-ce pas ? Ces filles ont
l’audace de me tenir tête…

Elle s’en prenait de plus en plus à MC, tout en oubliant parti-


culièrement son principal chalangeur.

Alors que les choses ne s’arrangeaient pas l’arrivée instan-


tanée de Josépha et Josiane jeta encore de l’huile au feu. La
mémé avait de l’’avantage d’être rejoint par deux alliées de
plus.
— Maman c’est quoi ce spectacle ? Que se passe-t-il ? Inter-
rogea Josiane prête à entrer en scène.
— Ce sont ces deux diablesses ingrates, qui malgré ma bonne
foi de les avoir hébergées sous mon toit, ont osé me tenir tête
en public, répondit MJ.
— A bon maman, laisse-nous nous allons nous occuper d’elles
tout de suite, sans ménagement, intervint Josépha qui avan-
çait déjà comme un TGV vers l’une des jumelles. Par chance,
un voisin s’interposa entre elles.
— Mais tout doux ma belle, dit-il, il y a assez de dégâts ici,
ne vient pas envenimer les choses. A la place, calme plutôt ta
mère ainsi que tes sœurs, « la corde de la famille peut s’étirer,
mais ne se rompt jamais… » ajouta-ti-il en sage improvisé.
— Quelle famille ! Cria Josépha sur le monsieur, qui ne sem-
blait pas lâcher prise. Ces bâtardes ne sont pas de ma famille,
elles n’ont qu’à suivre leur pute de mère là où elle se trouve.
Mais plus question de rester ici chez nous, sinon ça sera
l’hécatombe, un jour nous risquons de trouver notre pauvre
maman taillée en toute pièce.

Non trop c’est trop, répliqua-t-elle.

60
L’absence d’une mère
— Elles doivent quitter cette maison tout de suite, répliqua
Josiane. Si aujourd’hui elles ont osé défier sans peur notre
maman, demain elles seront capables de la tuer, insista-t-elle,
avec une silhouette exprimant la malice d’un félin prête à
dévorer sa proie.
— Si elles ont fait ça à un arbre plein de sève, que feront-elles
de nous les arbres asséchés, en tout cas ces enfants sont dan-
gereuses, elles doivent partir, enfonçant davantage Josépha.
— Avec plaisir, rétorqua Leila, enfin je vais prendre ma liber-
té, sortir de cet enfer tel fut mon vœu depuis une éternité.

Elle rigola très fort pour monter son degré de satisfaction qui
cachait en réalité à la fois un grand chagrin et surtout une
rage profonde.
— Mais où veux-tu qu’on aille, interrogea Emilia, avec une
voie grelottante.
— N’importe où, mais sauf ici, interrompit d’une vive voix sa
sœur. Je préfère encore vivre dans la rue, que dans ce trou in-
fernal, toi suit tu veux rester c’est ton problème, ajouta-t-elle.

Aussitôt intervient MC :


— Non non les enfants, personne n’ira dans la rue, désor-
mais vous allez vivre avec moi. J’aurais dû le faire plus tôt, on
n’allait pas en arriver là !

« Oui fait-le ce mieux que ces filles trouvent enfin la paix »


appuyaient certains voisins, témoins du calvaire de ces
pauvres filles, mais malheureusement n’ont jamais réagi pour
calmer l’hémorragie, par crainte de super les relations de bon
voisinage.

61
L’absence d’une mère
— A bon ? Ce comme ça, intervient MJ, donc dans ce quar-
tier c’est tout le monde qui complotait contre moi ? Euh !
Bande d’hypocrites, je vous connais maintenant, ajouta-elle
sortez tous de chez moi, mes filles, jetez hors de chez moi les
histoires souillées de ces deux diablesses, qu’elles foutent le
camp de chez moi.

Rapidement elle tourna violement ses pas, suivi de ces deux


acolytes, elles entrèrent dans la maison et commencèrent à
jeter par la porte le peu d’habit, de chaussures et document
appartenant aux jumelles, qui se sont un peu calmées depuis
en restant silencieuses mais plus en larmes devant ce spec-
tacle apocalyptique dont elles étaient les protagonistes.

Chaque mouvement de MJ et de ses enfant qui accomplis-


saient leur sale besogne était accompagné des hurlements et
hurlements de la foule amassée devant chez elle « Sorcière,
après le dimanche on te verra à l’église », hurlaient les
uns ; « vous serez maudits, on ne touche pas aux jumelles
qui ont des enfants sacrés », crièrent les autres.

Malgré ce mouvement de protestation MJ demeura sourde


comme un vieux dictateur africain, rien ne pouvait perturber
son action, il ne craignait même pas une intervention de la
police, dans un pays où le service d’assistance sociale n’est
qu’un slogan.

Pour la toute première fois de leurs misérables vies, les ju-


melles malgré le chagrin qui tourmentait leurs cœurs, ont
ressenti en elles une assurance. En voyant tout ce monde au-
tour d’elles, qui les soutenaient, dont certains épaulaient MC

62
L’absence d’une mère
pour ramasser, et transporter leurs affaires au domicile de
cette dernière, elles furent émues. Tandis que, d’autres voisin
et voisines du quartier se tenaient à côté des jumelles pour les
consoler tant soit peu mal : « soyez forte, désormais vous
ne manquerez de rien, nous allons vous assister à travers
MC » assurèrent et rassurèrent certains voisins.

63
L’absence d’une mère

64
L’absence d’une mère

LA SEPARATION

Bien qu’accueillie, Leila dans son cœur n’était pas du tout


rassurée. La méfiance s’était installée, connaissant le cœur
des gens qui promettent sans réaliser. L’expérience avait en-
durci son cœur. Elle n’avait plus confiance en personne, son
seul désir était de se libérer et d’être autonome. Elle voulait
voler de ses propres ailes. Mais son tendon d’Achille était en
effet sa sœur, qui n’était pas du même avis qu’elle, alors que
faire ? s’interrogea-t-elle du fond du cœur.

17h45’, un après-midi plutôt calme, trois jours se sont passés


depuis les derniers évènements malheureux, assises sur le ca-
napé, le seul qui se trouvait dans me salon, avec deux chaises
en plastique à côté, devant elles, une télévision plasma était
planté dans le décor, non pas par manque d’électricité, mais
par manque d’abandonnement, qui venait d’être expiré. Le

65
L’absence d’une mère
salon n’était pas tellement meublé, mais plutôt bien rangé et
chaque chose se retrouvait à sa place. Sur une table basse po-
sée devant elles on y trouvait quelques documents médicaux
appartenant à la jeune infirmière, ainsi que quelques photos
d’elles et de ses amies prises dans quelques sites touristiques
de la ville de Kinshasa, notamment à la place de la gare,
ou encore à Kinsuka au bord du fleuve, car MC pendant ce
temps libre, le weekend, aimait bien se divertir et fêter en
compagnie des siens.

Assises côte à côte, chacune voulait passer du temps à sa


manière évitant de se parler, pour ne pas réveiller des vieux
souvenirs.

Emilia griffonnait quelques phrases dans son journal sans


doute des derniers évènements vécus, tandis que sa sœur
avait bouché ses oreilles avec des écouteurs branchés dans
un vieux smartphone que leur avait offert MC pour qu’elles
soient toujours en contact pendant ses heures de garde. Elle
écoutait la musique surtout le Gospel qu’elle adorait tant.
Contrairement à sa sœur qui semblait tourner petit à petit la
page, en essayant de s’adapter à la nouvelle vie. Leila, intro-
vertie qu’elle était, ruminait la colère, entretenait le doute et
échaudait des plans pour sortir de la situation qu’elles consti-
tuaient un poids supplémentaire pour MC, un jour ou l’autre
elle pourrait se fatiguer, deuxièmement, le fait d’être logées
juste à côté de la tanière du loup, où elles ont vécues l’enfer,
cela alimentait en elle l’esprit de vengeance. Pour elle, la seule
solution était de partir et vivre libre.

66
L’absence d’une mère
Ce jour-là, soudain, la porte s’ouvrit grandement, MC fit son
entrée, d’un air fatigué à cause des longues heures de travail
pénible, dans les hôpitaux où le cas augmentaient au jour
le jour, vu les conditions sociales particulièrement difficiles.
D’une de ses mains, elle tenait un sac en plastique contenant
quelques articles de cuisine qu’elle s’est procurée dans un
supermarché, de l’autre main elle avait également un autre
sac contenant sa blouse d’infirmière qu’elle a l’habitude de
nettoyer chez elle à la maison. A l’épaule pendait son sac
à main contenant principalement des objets de maquillage,
son portemonnaie, ainsi que ses papiers d’identité. Elle mar-
cha jusqu’à se laisser tomber sur le canapé, entre les deux
jumelles, qui à peine se sont faites remarque par une saluta-
tion :

Bonsoir MC !
— Bonsoir mes joujoux, comment était la journée ? poursui-
vit-elle.
— Comme si comme ça, répondit Emilia, tandis que sa sœur
toujours silencieuse, était concentrée avec sa musique.
— Alors Leila MC, comment te sens-tu ?
— Hum… pas tellement bien, répondit-elle en sourdine après
un soupir qui trahissait son angoisse.
— Mais enfin, continues-tu toujours de te ronger le cœur ?
Essaye un peu de tourner la page ma fille, répliqua MC avec
un sentiment de déception.
— Comment tourner la page ? Si à chaque réveil, chaque
midi et chaque soir, pendant mon sommeil, dans mes rêves,
cette maison d’à-côté est toujours présente dans ma vue et
me rappelle que des mauvais souvenirs.

67
L’absence d’une mère
MC poussa un soupir :
— Mais que veux-tu enfin, que nous déménageons d’ici pour
que tu trouves enfin la paix ? Questionna-t-elle.
— Non non, ne te donne pas la peine MC, ça va passer,
dit-elle pour faire semblant alors que son attitude trahissait
ses dires. En effet, c’était le contraire de ce qu’elle pensait
intérieurement.

MC, malgré sa fatigue se redressa sur le canapé, prit un


angle à 80° et tourna légèrement vers Leila, en lui abordant
en ces termes :
— Ecoute ma fille, tu sais que je comprends ta situation, tout
ce que vous avez enduré depuis des années, mais tu dois par-
donner, soigner ton cœur et formater ton cerveau de ce mau-
vais souvenir. Tu sais, poursuivit-elle, la haine, la vengeance
ne vont rien t’offrir de durable, sinon des courtes joies, elles
t’empêcheront de voir plus loin et surtout de construire ton
futur qui est important pour toi… le poids de la haine, de
la colère, l’envie de la vengeance sont dures à porter et à
supporter, le mieux pour toi c’est de les abandonner pour ton
bien ma chère.

Voulant l’interrompre, MC la tint la main, pour l’en empêcher


calmement :
— Shuut, s’il te plait, supplia-t-elle, écoute moi sans m’inter-
rompre.

Elle hocha sa tête par signe d’approbation.


— Tu sais, poursuivre MC, je travaille dans un hôpital mili-
taire dans lequel je vois des nombreux cas, tels que des bles-
sées par balle, mais ce derniers temps nous avons des plus

68
L’absence d’une mère
en plus des jeunes malades qui souffrent d’AVC, une maladie
jadis destinée au vieux, mais qui maintenant, s’attaque aussi
aux jeunes, même de votre âge. Sais-tu pourquoi ? Question-
na MC.

Leila haussa ses épaules pour dévoiler son ignorance.


— A cause des stresses, angoisses, rancœurs, bref, tout le
mal que nous causons à notre corps finit par remonter dans
notre cerveau et ça crée des dégâts par la suite. Ma fille
poursuivit MC, il ne fait pas trop garder des mauvais souve-
nirs, apprends à vivre avec, et fais ta vie.

Leila demeura calme en écoutant religieusement cette dame,


qui malgré son amour pour les divers d’une femme libre, céli-
bataire sans enfant, a également un côté religieux, ainsi qu’un
amour maternel. Au fait, MC oublia le dur labeur enduré à
son service, sans même se reposer, elle préféra vider son sac
pour tenter de soigner comme son métier lui demandait, le
cœur saignant de cette pauvre fille pour enfin cicatriser ses
plaies. Elle poursuivit donc son sermon :
— J’ai quitté mes parents à 18 ans, les laissant dans mon
Bandundu natal pour venir ici poursuivre mes études. Il a été
convenu que je devais vivre chez un de mes oncles qui habi-
tait à la commune de Ngaba, pour me faciliter le transport
jusqu’à l’ISTM, vu que les places aux homes étaient indis-
ponibles. Mais après une année, la vie chez lui va se com-
pliquer, car ma relation avec sa femme ne semblait pas aller
sur plusieurs questions, notamment les travaux ménagers et
consorts… Lassée de cette situation, j’ai appelé mes parents
pour leurs informer de ma décision, c’est-à-dire retourner
chez moi et poursuivre mes études à l’ISTM Bandundu, mais
69
L’absence d’une mère
mes parents avec leurs maigres moyens ne voulurent pas de
cette décision. C’est ainsi qu’ils vont me proposer si possible
de louer une maison.
— Au départ, continua-t-elle, je ne savais comment m’y
prendre, je me plaignais chaque fois, surtout quand je man-
quais le nécessaire. Mais avec le temps, j’ai appris à vivre
avec, et cela a forgé en moi l’esprit d’indépendance, raison
pour laquelle, après mes études, je ne suis plus retourné chez
moi, j’ai trouvé un travail ici et je loue ma maison sans com-
plexe. Même si d’autres voisins voient ça d’un mauvais œil,
moi je m’en fous.
— C’est pour vous dire que, poursuivit-elle, ce qui ne te tue
pas te rend plus fort. Chaque situation de la vie à sa raison
d’être, il ne faut pas garde rancune. Vouloir se venger, peut
nous transformer en oppresseur, ce qui n’est pas bien ! Car
c’est un mécanisme de propagation du mal dans le monde !
Moi j’ai compris que c’est grâce au comportement de la
femme de mon oncle que j’ai aujourd’hui la vie dont je suis
fière. De temps en temps je me rends chez eux, avec le peu
que je gagne, j’apporte un peu de provision, et je contribue
à ma manière à leur survie… et quand ils ont des problèmes
de santé, c’est moi qui intervient, en leurs facilitant la tâche,
n’est-ce pas un motif de satisfaction ?

Questionna-t-elle en souriant.
— Vraiment ! répondit Emilia, qui depuis lors n’a pas vou-
lu intervenir, pour n’est pas attiser une nouvelle discussion
comme celle de l’autre fois.
Quant à Leila, elle demeura tête baissée, les bras croisés,
comme une élève qui écoutait attentivement les conseils du
disciplinaire, pour S’échapper à une sanction grave après

70
L’absence d’une mère
avoir été surpris dans un délit grave.
— Bon j’ai assez parlé, conclut-elle, j’ai une faim d’élé-
phant, s’il te plait Emila, chauffe la nourriture, mangeons vu
qu’il est presque 20 heure, ensuite vous irez dormir.
— D’accord MC, répondit Emila, qui bondit sur le canapé et
courut vers la cuisine pour exécutive les ordres de la nouvelle
maitresse. Leila toujours perdu dans ses pensées, resta assise,
sans dire un mot toute la soirée jusqu’à l’heure de dormir.

Dans une petite chambre qu’elle avait réservée pour sa petite


sœur qui devait arriver dans quelques mois, continuer elle
aussi ses études à Kinshasa, MC installa les deux filles, dans
un petit lit pour deux, mais assez confortable que la natte qui
leur servait de lit dans la maison, d’à-côté. Pendant qu’Emilia
dormait paisiblement pour se restituer et oublier les mauvais
souvenirs, Leila malgré les conseils inspirés de MC, demeurait
perdue dans ses pensées, et ses plans.

Toute la nuit elle ne fait que pleurer en sourdine pour ne pas


attirer l’attention de sa sœur. Elle ne ferma pas l’œil de la
nuit, elle avait de l’insomnie comme à la veille d’un voyage
très attendu. Surement, elle avait un plan cette nuit-là.
Kinshasa, la ville animée, dort très tard à minuit et se réveille
très tôt à 3 heures du matin. Les premiers à se réveiller bien
avant les oiseaux, ainsi le beau vieux coq, ce sont les dames
qui déambulent sur les rues obscures ou partiellement allu-
mées, en direction des boulangeries ou des dépôts pour ré-
cupérer les pains chauds, un des aliments le plus consommés
des Kinois.

71
L’absence d’une mère
L’aurore se dessinait par la levée timide du soleil qui laissait
apparaitre les silhouettes de habitations qui s’étalaient les
unes sur les autres dans une vue qui se tendait à l’infini.
Vraiment, bien que tout petit sur la carte, Kinshasa semblait
illimité de vue, au point de donner des vertiges aux différents
gouverneurs qui s’y sont succédé… par où commencer se
demandent-ils souvent quand il s’agit de l’assainir.

Le chant des rares coqs du quartier résonnait de part et


d’autre. Après une nuit paisible, sans angoisse, Emilia a de
la peine à se lever du matelas, mais elle s’étire et finit par se
mettre assise. En jetant un coup d’œil à côté, il n’y-a per-
sonne, elle se dit surement que Leila est sortie pour un be-
soin, vu que les installations sanitaires se trouvent en dehors
de la maison. En cet instant, rien de suspect n’est constaté,
tout semblait donc normal.

Dix minutes plus tard rien à signaler, Leila n’est toujours pas
de retour, elle commence à s’inquiéter. Alors, elle décida d’al-
ler jeter un coup d’œil à la chambre de MC question de se
rendre compte si sa sœur avait voulu passer la nuit auprès de
cette dernière :
— Toc toc !
— C’est qui ?
— Emilia.
— Qu’y-a-t-il tôt ce matin ? Marmonna MC qui voulait pro-
fiter de la fraicheur matinale pour approfondir son sommeil.
— Excuse-moi MC, dit Emilia, est ce que Leila se trouve avec
toi ?
— Non non pas du tout, elle est surement à la toilette, va
dormir.

72
L’absence d’une mère
— Eiiih ! Par ce que ça fait déjà plus de 10 ou 15 minute
qu’elle n’est pas revenu bon je pars quand même vérifier si
elle est dehors ou à la toilette, se décida finalement Emila.
— D’accord, mais laisse-moi dormir, je n’ai pas fini mon rêve
de tout à l’heure. Grommela MC.

Quelques instant plus tard, elle revient mais avec un ton in-
quiétant :
— MC MC MC ! S’il te plait viens ! Viens ! Je ne la trouve
pas, et il y a quelque chose d’inhabituel ici.
— Quoi encore ? Ah ! Pourquoi paniques-tu ? Bon j’arrive
Garde ton calme.

MC, enfila son peignoir sur sa robe de chambre, elle apparut


au salon, en boudant légèrement, et frottant ses yeux pour
chasser définitivement son précieux sommeil, surement du
fond de son cœur, elle regrettait un la décision d’héberger
ces deux diablotines.
— Qu’il y-a-t-il pour troubler mon sommeil, en plus qu’as-tu
trouvé d’inhabituel ici ?
Sans dire un mot, Emilia pointa son doigt sur la table basse.
Mais il y a quoi là-bas, sois claire, bredouilla MC.
— Ce papier-là, murmura Emilia, d’une voix tremblante. Hier
soir nous l’avions pas laissé sur la table.
— Mais qu’est-ce que t’a à avoir avec ce bout de papier ?
Répliqua MC, qui avançait de deux pas et avec sa main droite
se saisit du papier pourvoir son contenu.

Soudain, en lisant les premières lignes, elle s’arrête nette, en


ouvrant grand ses yeux, toute figée comme un homme face
à une bête féroce.
73
L’absence d’une mère
— Qu’y-a-t-il, insista Leila.

Après un bref soupir, elle se lit à lire la note à haute voix :

« Chère Emilia, je sais que quand tu vas découvrir cette lettre


tu vas beaucoup m’en vouloir, je sais et je te comprends, mais
pour cette fois je te demande aussi de ma comprendre, j’ai
beau essayé d’être forte et de supporter, mais cette fois-ci je
dois agir pour notre survie. Rester sans rien faire, et laisser
Maman Carine se couper en morceau pour nous, c’est trop lui
demander, vu qu’elle a aussi une famille, et surtout sa sœur
qui dans quelques jour va venir pour les études. En plus,
demeurer dans cet environnement dans lequel nous avons
enduré notre calcaire et voir tous les jours ces sorcières
qui nous ont tant maltraitées, réveille en moi des mauvais
souvenirs et nourrit en moi le sentiment de vengeance. Je
ne sais pas comment toi tu supportes tout ça, mais moi je
ne saurai emmagasiner davantage.

Ne t’inquiètes pour moi, je vais m’en sortir, je quitte cette


ville satanée pour tenter ma chance ailleurs, mais je ne te
dirai as de quelle ville il s’agit, tu le sauras après, quand
je vais me stabiliser, et je reviendrai te prendre. J’ai appris
à me débrouiller, ne sois pas inquiète, je vais survivre et
vaincre.

Maman Carine, merci pour ton amabilité et surtout pour


ton accueil… Je vous aime, c’est la seule chose dont je
suis certaine ! »

74
L’absence d’une mère
Elle reposa un peu ses bras en laissant tomber le papier, car
elle n’en croyait pas ses yeux « c’est une blague de mauvais
goût, ou une réalité » dit-elle au fond d’elle. Mais personnel-
lement elle sait que l’introvertie de Leila, ne prends pas des
décisions sans qu’elle les applique véritablement… Elle ra-
massa le papier en voyant la suite sur une autre page, alors,
elle poursuit sa lecture, pendant que Emilia, était bouche bée
prête à pleurer :

« …Je veux que tu me promettes de garder ma sœur pour


un petit temps, car bientôt je reviendrai avec suffisamment
des moyens pour la récupérer et partir vivre avec elle dans
la quiétude. Que Dieu nous bénisse, il va nous protéger. A
bientôt je vous aime beaucoup, en particulier toi mon sang
Emilia. Signée LEILA MBUYI. »

Après cette lecture, MC se laissa tomber sur le canapé, dé-


posa sa tête sur ces deux mains, faisant couler des larmes
en douce. Emilia, inconsolable tomba par terre, couchée face
contre terre, se mit à pleurer et libérer toutes les réserves des
larmes qu’elle gardait pour d’autre occasion difficiles. Cette
fois-là, ni MC, ni un voisin ne pouvait s’interposait pour l’en
empêcher.

Soudain, elle se mit brutalement débout courant vers la porte


d’entrée, MC se précipita vers elle, la retint et la sera fort
contre elle, et la ramena sur le canapé où elles restèrent ainsi
presque toute la journée. Dans sa tête MC tourna son cer-
veau et questionna son cœur « que peut faire une fille d’à
peine 18 ans dans la rue ? Comment va-t-elle s’en sortir ? ».
Puis elle se redressa, en caressant la tête d’Emilia qui était
75
L’absence d’une mère
couchée sur ses cuisses. Puis elle improvisa en sourdine une
prière, tout en demandant à Dieu de toucher le cœur de Leila
pour qu’elle regagne la maison.

Les jours passèrent, les semaines et les mois s’écoulèrent, au-


cun signe de vie de la petite. Elles ont sillonné presque toutes
les communes, voir même explorer les milieux les plus reculés
de la ville, sans succès et toujours aucun indice pouvant les
mener vers la petite qui s’était échappée.

En dépit de tout, elle gardait toujours espoir que celle-ci se


portait bien là où elle se trouvait, ainsi pour ne pas éveiller les
soupçons dans les voisinages, elles décidèrent de ne lancer
aucun avis de recherche publique, ni même de contacter la
police.

76
L’absence d’une mère

LA GRANDE DECISION

Huit mois plus tard, Emilia lassée de penser à tout ceci, dé-
cida partiellement de tourner la page, pour compenser ses
ennuis. Elle intensifia les travaux ménagers refusant d’être
en repos.

Elle travaillait tout le temps comme une machine, et touchait


à tout, vaisselle, lessive, repassage, nettoyage de la maison,
cuisine et encore vaisselle… Des fois, MC lui demandait de
se reposer, mais sans succès. Pendant ce rare moment de
repos, elle renait son journal pour écrire et écrire encore,
jusqu’à ce que le sommeil vienne à sa rescousse.

Un beau matin elle se leva avec une idée dans sa tête, « Oh
ça y est » dit-elle, « je dois sortir »

77
L’absence d’une mère
— Mais où veux-tu aller demanda d’un ton inquiétant MC,
veux-tu aussi me quitter ?
— Non non, répondit-t-elle en souriant, je prends un peu de
l’air, pour détendre mes nerfs, t’inquiète pas pour moi.
— Waouh, je te trouve quand même suspecte, ajouta MC, en
souriant également, sans doute soulagée de la voir avec une
bonne attitude.
— Non rien MC, je vais juste aller me dégourdir les jambes.

Elle ramassa son carnet et l’enfila dans un sac, et sortit en


courant.

La rue était bondée et était remplie de plusieurs piétons, ven-


deurs ambulants, évitant les véhicules taxis et motocyclettes
qui circulent sans se soucier d’autres emprunteurs de cette
même route. De chaque côté de la route, des commerces de
tous genres, surplombés des bars et terrasses, dont le son des
baffles raisonnait sans perturber les clients ni les changeurs
des monnaies dont les oreilles sont vaccinés contre les va-
carmes, qui font vibrer et danser les bâtiments des environs.

Elle était arrivée à Matonge ! Et Matonge ne dors jamais !


C’est l’un de quartiers le plus animé, depuis l’époque colo-
niale, dont la réputation a franchi les frontières du pays. Et il
parait qu’il y en une copie, chez les belges ! Matonge, c’est
l’ambiance, l’art, la sape, la bière, les liqueurs locales comme
importés, bref tout ce qui fait plaisir.

Quand on parle de la musique congolaise moderne, le nom


de ce quartier anciennement appelé RANCKIN y est associé,
surtout qu’il est immortalisé par des grands noms de la ru-

78
L’absence d’une mère
mba congolaise, notamment Tabuley, ainsi que Papa Wemba
qui l’a choisi comme siège naturel en y créant même tout
un village : « Village Molokai ! » qui est au fait le mélange
des préfix des quelques avenues dudit quartier populaire et
célèbre de Kinshasa.

Serrant son sac dans sa main, Emila avançait à grand pas,


craignant d’être dévalisée en plein jour par des petits voleurs
qui pullulent ce coin où règne encore la loi de la jungle. Au
fur et à mesure qu’elle avançait, devant elle, un monument
architectural, datant de l’époque coloniale, s’agrandissait,
devenant de plus en plus impressionnant.

Oui, c’était le stade Tata Raphael, un vieux stade, mais très


connu dans le monde pour avoir été témoin en 1974, du
combat du siècle, le combat de boxeur de tous les temps
Mohamed Ali. Ce jour-là toutes les caméras du monde étaient
braquées sur le ZAÏRE. Raison pour laquelle, ce stade est
entré dans l’histoire. Et comme au pays on ne respecte rien
surtout pas notre propre histoire, le pauvre stade a été aban-
donné !

A l’esplanade du stade, un autre monde se dessinait, de part


et d’autre, des jeunes gens en maillots s’entrainaient dans
des terrains annexes, des supporteurs d’équipes célèbrent de
Kin se donnaient aux débats en petits groupe et enfin, il ap-
paraissait devant ses yeux, la raison de sa sortie précipitée
de la maison.

Un groupe des petites filles dont l’âge varie de 8 à 15 ans,


habillés à moitié nue, dont l’une d’entre elle était presque nue,
79
L’absence d’une mère
et se cachait entièrement dans un caniveau en laissant entre-
voir uniquement sa tête. Oui sa mission consistait à chercher
ce genre de fille de la rue pour un entretien. Quelqu’un lui
avait indiqué le lieu ! Et la personne avait bel et bien raison.
— Mais comment alors les aborder ? se demanda-t-elle, avec
un peu d’hésitation.

Elle prit courage te avança vers le groupe des fillettes qui


étaient environ au nombre de six. Soudain une voix cria :
— Qu’y-a-t-il demoiselle, que veux-tu faire de mes filles ?

Elle tourna brusquement sa tête, et vit une fille en tenue de


sport, munie des gants de boxe, dont la morphologie ressem-
blait plutôt à tout sauf à celle d’une fille. Emila resta figée,
une sueur froide lui coula dans tout le corps, son cœur bat-
tait à une vitesse phénoménale prête à exploser sa poitrine.
La peur de sa vie ! Même MJ ne l’avait jamais effrayée de la
sorte.
— Que veux-tu ? Je t’ai posée une question demoiselle, in-
sista la créature musclée qui se dressait maintenant en face
d’elle.
— Rien rien, j’ai juste apporté des biscuits pour les enfants,
rien d’autre, répondit-elle en dévoilant sa frayeur par le
tremblement instantané de tous ces membres. Le monstre
humain demeura ferme, yeux braqués sur elle, visage froissé,
pendant quelques secondes sans rien dire, puis soudain elle
s’éclata de rire, gorge déployée...
— Petite ! Tu as eu la peur de ta vie, t’as même failli en faire
dans ton froc, ricana-t-elle.
— Non non, pas du tout, répondit Emila en poussant un ouf
de soulagement.

80
L’absence d’une mère
— Bon déballe ton colis, mes bébés ont super faim.
— D’un coup rapide, elle ouvrit son sac, et sortit une dizaine
de paquet de biscuits qu’elle s’était procurée au marché au
cas où.
— Rien que ça ? Réclama la chef de la bande.
— Oui oui, c’est n’est qu’un début, justifia-t-elle, je suis venu
me rendre compte de la situation pour apporter prochaine-
ment un peu plus.
— Bon t’inquiète, mieux vaut ça que rien, temporisant la
chef, prenez mes enfants, votre tantine vous a apporté le
diner, profitez-en bien.

Les fillettes se précipitèrent sur le colis, chacun bénéficia d’un


paquet, qu’elles mastiquèrent déjà…

— Bon on ne s’est pas présentée, ajouta la chef de la bande,


tendant sa main vers bienfaitrice. Mon véritable prénom c’est
Béatrice, mais ici on me surnomme Miss Djudja, je suis au
fait la mère et la protectrice de ces filles.
— Enchantée de vous connaitre ! Moi c’est Emila KANKU,
je vis à Mont-Ngafula et je me préoccupe de la vie des en-
fants de la rue, vu que ma propre Sœur jumelle est partie de
la maison ça fait un peu plus 8 mois, je ne sais comment elle
vit ? Raison pour laquelle j’ai voulu m’approcher de vous pour
avoir de plus amples information, et savoir si par hasard vous
l’avait croisée quelque part…

Elle brandit la photo d’elle et de sa jumelle à MISS Djudja,


question d’étayer son argumentaire.
— Dis donc, s’étonna le chef de la bande, vous vous ressem-
blez comme deux gouttes d’eau.
81
L’absence d’une mère
— Oui nous sommes des vraies jumelles, nées ensemble,
mais aujourd’hui le destin en a décidé autrement. Dit-elle
tristement.
— Bon vous au moins, vous avez un toit où coucher la tête
lança Miss Djuda d’un air maussade, quant à nous dormir est
un calvaire, car toutes les intempéries nous tombent dessus,
sans trop nous plaindre de la vie einh, ajouta-t-elle.
— Ah je vois, répliqua Emilia comparez à la vôtre ma situa-
tion n’est pas à la plaindre.

Après avoir jeté un coup d’œil aux fillettes qui s’adonnent


aux festins, elle ajouta :
— Regardez-moi ces fillettes, comment font-elles pour sur-
vivre dans cet environnement de crasse, exposer ainsi à tout ?
— Ah ma sœur, ici la compassion est devenu un luxe, garde
tes sentiments pour toi, averti Miss Djudja.
— Désolée, s’était-elle ressaisie, pour ne pas vexer son hôte.
— Bon que puis-je faire pour toi ? Demanda la maitresse de
lieu.
— Au fait, je veux que tu puisses te renseigner pour moi, je
veux avoir des infos sur ma sœur en passant par ton réseau
qui je l’espère est large… Peux-tu me dire quoi si jamais vous
la voyez quelque part…
— D’accord, passe-moi sa photo pour plus de précision, mais
sache qu’ici rien ne se fait gratuitement, ce n’est le CICR ici,
ajouta Miss, d’un ton blogueur.
— Pas de problème, aujourd’hui je n’ai rien apportée de spé-
cial, prends même 6000 Franc, comme ça je reviendrai avec
une autres somme, rassura Emilia.
— Bon pas de problème, je vais lancer mes recherches dès
aujourd’hui auprès de mes contacts dit-t-elle.

82
L’absence d’une mère

Avec cette assurance Emilia serra la main pour la dernière fois


à sa nouvelle collaboratrice et retourna chez elle.

Cet après-midi-là, elle n’avait touché à rien, elle qui était pas-
sionnées des travaux ménagers n’avaient rien fait ce jour-là
car elle avait la tête dans les étoiles… Heureusement que MC
avant de sortir pour le boulot avait déjà tout fait. Elle était
plongée dans ses pensées, non pas pour sa sœur, mais plutôt
pour les jeunes enfants qu’elle a pu apercevoir la journée
exposée en plein rue. « Quel destin ? » se questionnant-elle ?
« Que puis-je faire pour les aider à s’en sortir ? »

Après une brève réflexion, elle trouva l’idée de contacter


quelques églises du quartier, qui pullulaient dans chaque ave-
nue, pour collecter des fonds et quelques bien en nature,
notamment les habits pour ensuite les distribuer auprès des
enfants qu’elle avait ciblé au niveau du vieux stade.

Le lendemain, au retour de MC, elle fit part de son petit


projet qu’elle avait pris soin de griffonner dans un papier,
étonnant pour une fille qui n’a même pas fini ses humanités.
MC était émerveillée, « mais d’où viennent toutes ces idées
ma chère ? » questionna-t-elle, « je ne sais pas, de ma tête »,
répondit EMILA en exhibant un sourire.

Satisfaite par cet engagement pris par cette petite fille, MC


lui avait promis de l’aider à concevoir une lettre de demande
d’aide qu’elle pourra déposer dans quelques églises du quar-
tier.

83
L’absence d’une mère
Aussitôt dit, aussitôt fait, deux jours plus tard, Emila, fit la
ronde du quartier munie d’un sac en plastique, elle sillonnait
et franchissait les portes des églises du quartier, et dans cer-
tains cas son initiative était louée, et on lui proposait de pas-
ser les jours suivant afin de récupérer ce dont l’église pourrait
collecter auprès des fidèles.

Dans d’autre lieu par contre, elle fit froidement accueillie par
des pasteurs qui se plaignaient du manque de moyen de leurs
fidèles, qui seront à coup sûr dans l’incapacité de contribuer.
Des bons devins !

D’autre encore par manque de volonté, ou par méfiance exi-


geait d’elle des documents qui l’autorisaient à mener une
telle démarche. « Tu fais partie d’un ONG ? Comment sau-
rions-nous que tu vas redistribuer ces biens aux enfants de
la rue ? ». De tas de questions embarrassantes, qui la mettait
de fois dans un état de gêne ou de colère. « Comment ces
gens qui prêchent l’amour, sont incapables de l’appliquer ? »
se questionnait-elle au fond du cœur.

Quelques jours plus tard, elle s’est retrouvée au même endroit,


à l’esplanade du stade Tata Raphael, mais cette fois-ci avec
plusieurs sacs en plastique remplis d’habits de chaussures,
babouches, ainsi que des biscuits et jus, qu’elle fit transpor-
ter par un pouce-pouce, vu que la quantité était énorme. Son
visage était radieux, car pour la première fois de sa vie elle
avait accompli quelque chose d’utile.

A quelques mètres de l’endroit, elle fut aperçue par les en-


fants, qui abandonnèrent vite leurs séance d’entrainement et

84
L’absence d’une mère
coururent vers leurs bienfaitrices. « Tantine est là », criaient-
t-elles joyeusement, ces gamines que la rue avait forgées au-
trement.
— Waouh ! As-tu dévalisé une boutique ou quoi, cria Miss
Djudja.
— Non non, j’ai fait juste le tour de quelques églises pour
collecter tout ça, d’autres m’ont promis pour la semaine pro-
chaine, ajouta-t-elle.
— A bon c’est une bonne chose de penser aux enfants, t’es
vraiment très gentille.

Pendant que les enfants se partageaient le butin, supervisée


par la seconde de Miss, une fille d’environ 15 ans mais qui
as déjà une expérience de 6 ans dans la rue, Miss tira Emila
par le bras :
— Viens, j’ai une information pour toi.
— A bon, répliqua Emila d’un air curieux, propos de ma
sœur ? Anticipa-t-elle, tu l’as retrouvée ?
— Oooh sois calme, temporisa Miss, non je ne l’ai pas en-
core retrouvée, mais j’ai une piste.
— Laquelle ? Questionna-t-elle, un abattue.
— Au fait, en montrant la photo de ta sœur, à l’un de mes
contacts, une fille l’a formellement reconnue, voir même
connait son nom, Leila n’est-ce pas ? Questionna Miss, très
fière de sa prise.
— Oui oui, où se trouve-t-elle ? Questionna à nouveau Emila,
troublée par cette nouvelle.
— Là je ne sais pas, répondit Miss, en serrant ses lèvres.
— Mais dis-moi, insista Emila.
— Comme je viens de te le dire l’amie l’a reconnue, mais ne
connait pas là où elle se trouve présentement, répliqua-t-elle.
85
L’absence d’une mère
Elle m’a avoué être celle qui l’a recueillie dans la rue, rien que
quelques jours, à la gare de bus de Mariano, d’où elle voulait
se rendre à Matadi, mais malheureusement son argent et ses
bien furent volés, et elle était obligée de dormir à la gare de
bus. C’est là qu’elle m’a affirmé l’avoir secourue la nuit, car
elle était menacée de viol par une bande des Kuluna du coin.
— Mon Dieu crie Leila, en serrant ses mains contre sa
bouche. Qu’est ce qui s’est passé par la suite, raconte-moi
tout, insista-t-elle.
— Bon l’amie dit qu’elle a ramené dans un endroit, sûr, d’om
elle fut recueillie par « L’impératrice MAMU ».
— C’est qui cette impératrice, questionna encore Emila.
— Ah oui c’est une ancienne enfant de la rue, devenu pros-
tituée et convertie enfin en proxénète VIP qui livre des pros-
tituées aux hommes de la haute société de notre pays, ainsi
que des expatriés. Donc estimes-toi heureuse, car ta sœur a
eu le privilège d’être recrutée dans son équipe, ajouta-t-elle.

Elle se mit en sanglot, et s’assit sur une bordure. Prise de


peine, un sentiment rare qu’on trouve en une fille forgée en
fer dans la rue, Miss se mit accroupie au côté de sa bienfai-
trice…
— Oh ! Pourquoi te lamentes-tu, rien que pour un simple
vagin, mieux vaut l’utiliser, que le laisser intacte et mourir de
faim et de froid, dit-elle en blaguant, pour arracher le sourire
de sa nouvelle amie.
— Tu n’as pas un cœur toi ?
— Si si, j’en ai mais il s’est transformé en pierre à cause de
la vie.

86
L’absence d’une mère
Mais voyant Emila s’enfoncer en sanglot à chacune de ses
dires, elle décida de changer de méthode.
— Voyons, arrête de pleurer, consola-t-elle comme elle put.
Contrairement à nous, ta sœur est privilégiée voulais-je dire,
tout le monde ici voudrait bien être à sa place, malheureuse-
ment ma tronche ne me permet de gouter à ce délice, même
un gorille de montagne ne voudrait pas de moi. Par contre
elle, ne manque de rien, elle est logée confortablement et
nourrit correctement, tu vois…

Après elle sursauta :


— D’ailleurs à travers ce boulot, elles font le tour du pays
pour rencontrer des clients qui veulent de leur service à do-
micile. En ce moment elles sont en déplacement dans un coin
de la RDC, n’est-ce pas une chance dit-elle gauchement.

Après un moment de silence, Emila se redressa essuya ses


larmes et déclara.
— Ah ! Elle a fait son choix, que puis-je faire encore ? Elle n’a
même pas tenu compte de moi, ajoute-t-elle d’un air abattu
mais décidée à tourner la page.
— Ah oui ma sœur, parfois la vie nous réserve des surprises,
déclara à son tour Miss ; qui pensait qu’un jour moi je pourrai
terminer ma vie de cette façon, si ma mère n’avait pas décidé
de mourir si tôt, en nous laissant avec un père qui quelques
jours plus tard amena dans notre maison un monstre qu’on
nomme par euphémisme marâtre. Ouf balbutia-t-elle.
— A bon, s’étonna Emila, donc ton père est en vie ?
— Exactement, répondit-elle, comme bon nombre d’enfants
qui se trouvent ici, toutes ne sont pas orphelines de père et
de mère, ajouta-t-elle.
87
L’absence d’une mère
Elle grinça ses dents, ce qui exprimait une rage interne :
— Tu sais ma chère, moi je préfère que les pères meurent
avant, parce qu’ils sont incapables d’élever seuls les enfants,
contrairement à une maman veuve qui peut seule s’élever 10
à 12 enfants sans être obligée de faire appel à un homme
pour lui venir en aide. Tandis qu’un père incapable qu’il soit,
se précipite de mettre sa maitresse à la maison, qui vient
comme un agneau, et se transforme plus tard en loup.
— Ma marâtre, ajouta-t-elle, m’a fait vivre, moi et mes frères
toutes les sales couleurs, à chaque fois mon mouton de père
prenait position pour sa femme, en nous chargeant sévère-
ment. Au début on supportait, mais les choses se sont com-
pliquées quand son pasteur est entré en jeu en nous quali-
fiant tous de sorciers, et d’être à l’origine du décès de notre
maman. Ce fut la goutte d’eau qui avait débordé du vase,
et vite je me suis retrouvé dans la rue avec mes deux jeunes
frère, dont éclipsé. Il se retrouve surement dans une bande de
criminels loin d’ici, et de lui, je n’ai aucune trace. J’ai juré de
faire un jour la peau à cette femme. C’est l’une des raisons
qui m’ont poussé à pratiquer la boxe, en plus de me protéger
contre les violeurs. Mais contrairement à mes prédictions,
le sport a apporté la paix, aujourd’hui je me bats pour ma
propre survie et celui de mes filles, dont je crois qu’un jour
une providence nous parviendra, pourquoi pas à travers toi.

Emila avait de nouveau des larmes sur ses joues, non pas
pour le sort de sa sœur cette fois, mais pour la triste histoire
qu’elle venait d’entendre de la part d’un être qu’elle percevait
comme une grincheuse, mais qui par contre avait de l’huma-
nité plus que beaucoup d’homme et femme habillés en tu-
nique et toge prêchant matin, midi et soir l’Amour de Dieu à

88
L’absence d’une mère
travers des longs sermons, parfois dépourvus de sens, car en
réalité ils ne vivent presque jamais ce qu’ils disent.
— Ah Miss, mes yeux se sont ouvert, moi qui croyait vivre
le pire du monde, alors qu’il y a ceux et celles, qui vivent pire
que ça. Mon Dieu pourquoi des telles injustices, ces enfants
ne méritent pas ça, ajouta-t-elle avec contrariété.
— T’inquiète, ma chère, lui rassura Miss. Que ça soit dans
un château ou dans la rue, l’essentiel c’est de vivre et de
s’adapter. Même des chefs d’Etat, ajouta-t-elle avec plaisan-
terie, vivent dans la rue, la rue est faite pour tout le monde,
car aucune vie ne possède une sure garantie…
— Ah oui, l’essentiel, c’est d’être mieux dans sa peau ! Le
bonheur c’est l’acceptation de sa condition, bien que dur
« un chien ne se contente que de l’os qui est au bout de ses
lèvres, il n’envie jamais l’herbe tendre du lièvre… », Dit un
adage de chez nous. Donc à chacun sa vie et son parcours.
— Bien sûr, qui sait… compléta Miss.

Tout d’un coup le climat s’éclaircit, la vie jaillit dans cet en-
droit particulièrement lugubre. Prenant un paquet de biscuit,
Emila partit s’assoir au beau milieu de ces enfants qui se sont
mis en cercle, mastiquant le biscuit et prenant à cœur joie
les jus apportés par leur tantine l’ange providentielle. Elle
se mit à discuter avec elles des divers sujets, ainsi que des
expériences de chacune, qu’elle prenait soin de noter dans
son carnet.

89
L’absence d’une mère

90
L’absence d’une mère

LE BOUT DU TUNNEL

— Emila, où es-tu chou ? J’ai une nouvelle pour toi annonça


MC qui venait de faire son entrée en provenance du boulot.
— Oui, dans la cuisine, j’arrive, répondit-telle.

Elle sort de là, essuyant ses mains avec une serviette.


— Quelle nouvelle ? demanda-t-elle d’un air très impatient.
— C’est quoi ? demande-t-elle
— Lis toi-même, insista MC.

« Bonjour Mademoiselle Emila KANKU, Le concours jeunes


écrivains et auteurs, CJEA en finaliste de la catégorie livre.
Sur ce, nous vous invitons à prendre part à une importante
rencontre qui aura lieu dans les locaux du centre MWINDA,
le samedi 15 juillet 2021 à 16h précises.
Nos sincères félicitations et franche collaboration.
Signé, KITENGE Gabriel, Coordonnateur »
91
L’absence d’une mère
— Waouh, s’exclama-t-elle toute excitée, mon travail est re-
tenu. Dieu merci, moi qui croyais que je ne faisais le poids
face aux milliers de candidats qui avait postulé que j’avais vu
là-bas et certains venaient de grandes école de la capitale,
ajoute-t-elle. Tu imagines MC, moi être retenu parmi les 5
finalistes, je n’en crois pas es yeux.

— Oui je t’avais dit, qu’il fallait te faire confiance, tu avais


peur pour rien, même si en RDC on dit souvent « tout concours
est magouille », sache qu’il y a aussi des cas d’exception, où
l’on considère ceux et celles qui méritent.
— Oui oui, tu avais raison de me pousser à y participer, mer-
ci beaucoup, dit Emila qui embrassa très fort sa protectrice.

En effet, un mois auparavant, MC après avoir lu le livre


d’Emila, intitulé « L’absence d’une mère », l’avait encouragée
à participer au concours dont les annonces et publicités pas-
saient en boucle à la télé. D’abord hésitant, vu qu’en RDC,
les gens n’ont pas souvent confiance au concours, qui pour
la plupart sont entachés de corruption et de favoritisme, elle
avait fini par déposer sa copie finale au concours, sur insis-
tance de MC.

MC l’a même donné avant, à l’un de ses amis pour l’aider


dans la relecture et correction de son texte.

L’absence d’une mère était en effet un livre autobiographique


qui parlait d’elle ! Ce livre retraçait le calvaire vécu avec sa
sœur ainsi que l’enfer que vivait au quotidien des nombreux
enfants qui se retrouvaient dans la rue…

92
L’absence d’une mère

LA SURPRISE

Le jour de remise du prix, Emila était radieuse, joliment habil-


lée avec une robe bleue ciel, elle ajouta un pull, vu que le mois
de juillet est d’un froid hivernal à Kinshasa.

Elle était assise dans une de salles réservées aux finalistes


du concours, à côté d’elle se trouvait les quatre autres fina-
liste, et chacun relisait par cœur son travail pour les derniers
réglages. Concentrée sur son sort comme une inculpée en
attente d’une sentence, elle était comme tous les autres can-
didats : anxieuse !

De loin, elle entendait la balance des instruments de musique


dans la grande salle du centre, et le lancement des activités
pour la catégorie jeunes auteurs de musique.

93
L’absence d’une mère
Emila, très concentrée sur son travail, ne voulait même pas
prêter l’oreille à ce qui se passait dans l’autre salle, d’ailleurs
le son était légèrement audible vu que la salle où elle se trou-
vait, était hermétiquement fermée.

En fait Emila, bien que confiant et heureuse de se retrouver là


parmi les 5, était loin de la surprise qui l’attendait.

A la porte se tenait un garde qui empêchait les candidats à


sortir pour voir ce qui se faisait dans l’autre salle, pour qu’il
nait pas de probable copie ou plagiat.

Quelques instants plus tard, une jolie fille protocole fit son
entrée dans la salle, « c’est ton tour ma demoiselle Emila
KANKU », dit-elle. En effet, trois des concurrents sont passés
avant elle, il était resté dans ce purgatoire sont un jeune gar-
çon d’environ 17 ans, bien battu, parlant un français impec-
cable avec un accent occidentalisé démontrant vite son rang
social aisé. Il donnait l’air d’habiter probablement la France.
« Face à un tel candidat dont le français est la langue mater-
nelle, ferai-je le poids », Elle avait de quoi être complexée et
un peu découragée !

Le rideau s’ouvrit devant-elle, elle découvrit la grande salle


avec plus de 500 places assises, pleine à craquer, et tous les
yeux caméras et projecteurs étaient braqués sur elle.

Dans une autre table posée juste devant le podium, se trou-


vait 5 membres du jury, qui prenaient soin de coter immé-
diatement les candidats après leurs prestations. Subitement,
son petit corps frissonna, son cœur battait à la vitesse de la

94
L’absence d’une mère
lumière, elle transpirait, et avait des sueurs froides. Mais sa
tension baissa d’un cran au bout d’un moment, lorsqu’elle
s’aperçut qu’elle n’était pas seule sur scène.

En effet, le centre MWINDA lui avait réservé une surprise


agréable, en invitant MC ainsi que Miss Djudja accompagnée
de toute sa bande, qui avancèrent et se mirent en demi-cercle
autour d’elle sur scène.

Elle se tint devant un autel sur lequel était posé son livre
joliment relié. C’est pour la première fois de sa vie qu’elle se
tenait devant un micro, son rêve de tout le temps. La salle
était silencieusement, en attente du discours. Les mots tar-
daient de sortir de sa bouche, inquiétant ses compagnons,
MC, posée juste derrière elle, lui avait pincée légèrement au
dos en lui disant à voix basse : « Commence ! Parle bébé,
c’est ton heure ! ».

Ce coup de pouce de son mentor, l’excita et la boota d’un


coup. Elle salua tout le monde dans la salle, et commença à lire
mot à mot son exposé, avec des images illustrées qui étaient
projetées derrière elle à l’aide d’un rétroprojecteur puissant.
La salle était d’un calme envoutant et tout le monde suivait
ce récit avec intérêt et les émotifs pleuraient déjà comme de
bambins…

Après 30 minutes, elle conclut son exposée par ce mot :


«  Donner vie c’est bien, mais comme pour le reste tout
ne dépends pas toujours de nous soyons tous les pères et
les mères de tous les enfants du monde, ne laissons plus
la rue faire notre travail, ce ne sont pas des enfants de la
95
L’absence d’une mère
rue, ce sont des enfants à la rue, parce que nous avons
choisi de la abandonner… La rue n’enfante pas ! Merci ».

La salle garda silence un moment avant de faire surgir le


son d’un tonnerre d’applaudissement ! Des gens au regard
mouillé, criaient en bénissant la petite, tout le monde lui fit
une ovation et son cercle d’amies se resserra autour d’elle en
forme de cœur…

Mais Emilia ignorait que quelques instant avant elle une scène
similaire venait aussi de se produire par une autre équipe ve-
nue de Goma-ville, la capitale du Nord-Kivu, une des 26 pro-
vinces de la République Démocratique du Congo, qui devrait
être connu pour ses capacités touristiques vu qu’elle regorge
en son sein plusieurs chaines de montagnes, des lacs qui at-
tirent des nombreux touristes du monde. Mais ce n’était pas
le cas, car de là tout le monde ne connaissait que les atro-
cités, instabilités et viols qui y ont élu domicile depuis des
décennies.

Les membres du jury dévoilèrent leurs cotations inscrites sur


des papiers cartonnées A3. La surprise était à son comble
« 10,10 10,10, et 10 » l’une d’entr’eux ajouta même « si
ça ne dépendait que de moi, j’allais même te coter 12/10
madame », affirma-t-elle avec admiration. « Tu es un véritable
Ange du ciel » ajouta un autre. « Merci, merci » répondit
Emila avec émotion, les yeux rouges presqu’en larme. « Il
va pleuvoir les larmes vu l’orage dans tes yeux », cria Miss
Djudja en plaisantant comme d’habitude.

La salle ne faisait qu’applaudir s ;ans s’arrêter malgré les

96
L’absence d’une mère
appels au silence du modérateur, pour la suite du programme.

En dehors de la cotation des membres du jury, les spectateurs


étaient invités aussi à voter via internet, et cela augmentait
l’inquiétude d’Emila, qui craignait de ne pas être connu as-
sez !

Les concurrents étaient invités à s’installer sur des chaises


posées du côté droit du podium, tandis que de l’autre côté
étaient installés les cinq concurrents de la catégorie auteurs
de musique, que de grands projecteurs de la salle empêchaient
de voir clairement.

Le Président du jury qui est aussi le Coordonnateur du centre,


prit la parole en remerciant tous les candidats au concours,
les membres du jury, ainsi que tous les spectateurs, ensuite
il laissa à nouveau le micro au modérateur qui annonça la
manière dont ils allaient procéder pour proclamer les vain-
queurs dans chaque catégorie. Il allait appeler simultanément
les gagnants de chaque catégorie chacun à son niveau, par
exemple le troisième de la catégorie écrivain et la catégorie
auteur de musique, seront appelés un a un et les deux vien-
dront ensemble récupérer leurs prix.

Il prit à nouveau la parole pour annoncer le verdict du jury,


contresigné par un représentant du ministère de la justice
pour attester le fait.

— A la 3ème place de la catégorie Jeune Auteur de musique et


Ecrivain nous avons Mademoiselle Pélagie Nzoyepa et Mon-
sieur Jack Mongu !
97
L’absence d’une mère
Sous les applaudissements, les deux candidats venus de part
et d’autre du podium, rejoignent le Coordonnateur au centre,
et récupèrent à cœur joie leurs prix.
— A la deuxième position, à la deuxième position… nous
avons : Monsieur Céleste Katang et Mademoiselle Chanceline
Aningo !

Encore des applaudissements ahurissants et sans fin, ensuite


les deux candidats comme leurs prédécesseurs vinrent récu-
pérer leurs prix.
— Et à la première place du concours Jeune Erivain et Auteur
de Musique, nous avons, nous avons… la salle qui manifesta
cela par une exclamation :
— « Aaaaaaaaaaa »

Deux minutes plus tard, il reprend son micro et mit à rude


épreuve la patience des spectateurs par des blagues qui amu-
saient certains et d’autre pas.
— Enfin ! Dit-il, les gagnants au concours jeune Ecrivain et
Auteur de Musique, sont…
— Monsieur Hugues Kambale et Mademoiselle Julie Kas…

Coup de tonnerre dans la salle, d’un côté il y a applaudisse-


ment des spectateurs parce que certains ne savent que res-
pecter la tradition, et de l’autre côté, c’était un scandale en
live ! Comment est-ce possible que les gagnants ne soient pas
les favorites, et qui ont raflé le maximum de cote auprès de
tous les membres du jury. Ils ignoraient, et c’est ce qu’expli-
qua le Coordonnateur plus tard pour calmer les ardeurs des
certaines personnes qui criaient au scandale, que la réussite
ne dépendant pas seulement de la cotation des membres du

98
L’absence d’une mère
jury, mais surtout de vote à partir des réseaux sociaux, l’as-
pect que Emila et MC n’avaient pas envisagé !

Scotchée sur sa chaise, la pauvre Emila avait la tête baissée,


seule, car MC et les autres ne pouvaient monter au podium,
seuls les vainqueurs en avait le privilège. Emila larmoyait un
petit peu, ne voulant pas montrer sa déception aux yeux du
monde, elle gardait la tête baissée et jurant dans son cœur
« mon Dieu, pourquoi ça, après tant d’effort consentis,
j’avais raison de ne pas participer dans ce concours truqués
d’avance, MC m’as données des faux espoirs », pleurni-
chait-elle en douce.

Après la remise du grand prix aux meilleurs lauréats qui em-


pochèrent un chèque de 100.000 chacun, un voyage aller-re-
tour pour la Belgique et d’autre biens des différents sponsors
du concours, le Coordonnateur en personne prit la parole,
pour encourager les candidats qui n’ont pas réussis, par la
suite en disant :
— La cérémonie est arrivée à son terme, mais patientez un
tout petit peu pour un petit truc, annonça-t-il.
Pendant ce temps, Emila demeura dans la même position, ses
pensées en divagation et son esprit totalement absent de la
salle, son seul souhait était que tout soit fini, qu’elle quitte
définitivement cette maudite salle. Pendant ce temps le Coor-
donnateur poursuit :
— En effet en dehors des prix remis aux différents gagnants,
il y a un prix très spécial accordé à deux de nos candidates
qui ont accompli un travail exceptionnel, mais qui malheureu-
sement n’ont pas obtenu le vote nécessaire sur internet pour
être classées parmi les 3 premiers.
99
L’absence d’une mère
Il retint son souffle un instant, et proclama avec conviction :

— Nous avons le plaisir d’accorder le prix spécial du concours


jeune Ecrivains et Auteur de musique à Mademoiselle Emila
KANKU et mademoiselle Leila MBUYI…

Un cri énorme retentit dans la salle !

Emilia qui planait dans on ne sait quelle planète, ne compre-


nait plus rien, elle était toujours assise, un peu troublée par
l’annonce et quand elle aperçut de loin la silhouette de sa
sœur qui avançait en courant vers elle :
« Mon Dieu je rêve », se dit-elle.

Dans cette euphorie, elle bondit de sa chaise, courut comme


une folle et plongea sur sa sœur et les deux tombèrent par
terre en se serrant très fort, pendant que la salle continuait
d’applaudir et de hurler de joie.

Pendant plus ou moins 5 longues minutes elles restèrent dans


cette même position et versèrent les dernières réserves des
larmes qu’elles possédaient. Personne alors personne n’avait
voulu troubler ce qui paraissait être visiblement dés émou-
vantes retrouvailles. Comme le hasard savait bien faire les
choses !

Tout applaudissait, tout le monde applaudissait, les chaises,


les tables, les esprits, les papiers, les oiseaux, les animaux,
les caméras, les anges, les démons mêmes, tout était en train
d’applaudir… Tout le monde applaudissait !

100
L’absence d’une mère
Revenues sur terre, elles se mirent débout, se tenant par la
main, elles avancèrent vers le Coordonnateur, pour découvrir
le fameux prix spécial. Le Coordonnateur, qui essuyait lui aus-
si ses larmes après un tel moment d’émotion, prit la parole
en ce terme :
— En effet, nous venons tous d’être témoins d’un instant
magique, celui de la rencontre inattendue de ces sœurs ju-
melles après une année de séparation, sans aucun contact,
ajouta-t-il.

Il fit un petit soupir et poursuivit :


— Avant que je dévoile le prix spécial, laissez-moi vous ra-
conter brièvement l’histoire de ces jumelles.

Il sort un papier de sa poche, et se met à lire :

« En effet, Emila et Leila sont deux jumelles qui sont nées
un certain 20 décembre 2000 à Kinshasa, elles ont connu
une enfance difficile après le départ de leur mère pour une
destination inconnue, juste six mois après leur naissance, les
laissant seules avec leur pauvre Papa Mike MUKENDI, ainsi
qu’une nounou qui va s’occuper d’elle pendant 7 ans… »

Il poursuit encore…

« Quand elles ont atteint 7 ans, un autre malheur s’est


abattu dans la famille. En effet, pour n’avoir pas pu supporter
le départ de sa femme et en élevant seul ses deux enfants,
Monsieur Mike va développer une malformation cardiaque
qui va l’emporter en 2007, laissant les deux jumelles entre les
mains de sa tante paternelle, qui ne sera pas du tout tendre
101
L’absence d’une mère
avec ses deux créatures adorables. Elles seront maltraitées
durant des années de leur séjour chez elle où elles ont vécu
un vrai calvaire, jusqu’à interrompre leurs études malgré la
gratuite qu’avait offert leur école en connaissance de leur
situation »

Il regarda les deux jeunes filles comme ses propres enfants se


tenant en disant avec émotion « Je poursuis ».

« Au début des années 2020 avant que le pays ne soit


confiné à cause de la pandémie du COVID19, laissées par le
traitement infligé par leurs grand-mère, les jumelles se sont
révoltées ce qui est tout à fait explicable, elles ont tout de
suite été expulsées de la maison et recueillies par une de
leurs voisines, Mademoiselle Carine MUNTU que je de-
mande de nous rejoindre sur le podium… »

Fièrement, elle gravit chaque marche du podium et les filles se


détachèrent à nouveau de l’endroit où elles se tenaient pour
serrer forcement MC dans leurs bras.

— Pardonne-moi MC, lui souffla Leila à l’oreille.


— Ce n’est rien ma fille, nous sommes contentes de te voir en
vie, c’est l’essentiel, dit-elle e, versant à son tour des larmes.
— Cette brave dame mérite notre respect déclara le Coor-
donnateur, après avoir serré fortement la main de MC, qui
m’arrivait pas à retenir ses larmes, émotionnée des applaudis-
sements dont elle faisait objet.

Toutes les caméras étaient braquées sur elle.

102
L’absence d’une mère
«  Maman Carine était une véritable consolatrice et rempart
pour ces filles », ajuta le Coordonnateur, ensuite il poursuivit.
« Leila qui ne voulait plus de dépendaance, par souci de se
faire seule, décida de quitter sa sœur et MC, le cœur gros,
ce qui l’amènera à la rue, ensuite elle a été recueillie par
une proxénète, qui la força à se prostituer pour rappor-
ter de l’argent, pour survivre. Cette mésaventure va lui
faire traverser différentes province de notre pays, jusqu’à
atterrir dans la ville de Goma où elle sera forcée d’être
la quatrième épouse d’un puissant homme d’affaire vu sa
beauté. Ne sont-elles pas belles, les jumelles… ? »

Encore les applaudissements dans la salle. Leila timide, abais-


sa sa tête. Le Coordon continua sa lecture, dans une salle
très curieuse de connaitre la suite.

« Refusant catégoriquement ce nouveau statut qu’on venait


de lui imposer, aidée par une des épouses de l’homme d’affaire,
elle s’échappe de là, et se réfugie dans une communauté
des sœurs religieuses, qui s’occupent des orphelines et filles
victimes des viols et mariage forcé.

C’est parmi ces enfants dont certains ont vécu le pire


qu’elle parvint à s’intégrer finalement, et à mettre en pra-
tique l’une de ces passions, qui est le chant, oui en fait
Leila adore chanter, vous l’avez-vous-même entendu de
vos oreilles ici, avec sa chorale des petits orphelins qu’elle
a créé là-bas. Nous les invitons à nous rejoindre ici… »

Un groupe d’une vingtaine de jeunes et d’enfants apparait


de chaque côté du podium et rejoint les jumelles. Emila n’en
103
L’absence d’une mère
revenait pas « Oui oui, ce sont mes formidables chantres »,
répond Leila en souriant gracieusement.

« Oui, avec sa chorale », poursuit-il « elle va organiser des


concerts, qui vont remporter beaucoup à sa nouvelle maison
d’accueil. Raison pour laquelle, en ayant eu connaissance de
ce concours, elle a écrit une chanson, qu’elle a interprétée
ici avec sa chorale, intitulée, L’absence d’une mère. Ironie du
sort, ou télépathie, le titre coïncide avec le livre de sa sœur
1000 Km plus loin. Waouhhh !

Et ce livre parle d’elle et des enfants de la rue, encadrés


par Miss DJUDJA que j’invite à rejoindre la scène avec ces
enfants… »

Sous les applaudissements Miss encadrés de ces enfants gra-


vis les marches, en exhibant une dans bizarre, deux doigts en
l’air comme signe de victoire. « Vous êtes terribles » commen-
ta le Coordon en ricanant tout en continuant :

« Pendant la sélection des divers projets, nous avons découvert


les deux travaux qui correspondaient presque, la première
impression, en voyant les nom, nous avions conclu que ce
sont les œuvre des jumelles qui vivent certainement ensemble,
ce qui est tout à fait normal. Mais en lisant l’histoire d’Emila,
en plus en menant des enquêtes sur terrain, notamment avec
MC et ensuite avec la Sœur supérieure à partir de Goma,
nous avions compris que les jumelles n’avaient aucun contact
physique, le seul contact qu’elles avaient était certainement
spirituel. »

104
L’absence d’une mère
Les applaudissements plus intenses accompagnés des cris des
joies… Emila regarda le MC :
— Hummm donc tu connaissais l’astuce et tu ne m’as rien
dit, s’exclama-t-elle.

Celle-ci lui répondit avec un sourire radieux pendant que le


Coordon remettait le papier dans sa poche, en disant :
— Pour conclure, l’histoire de ces filles nous a tellement fas-
cinées, raison pour laquelle nous avons ajouté ce prix spécial
au cas où elles n’ont pas pu obtenir des voix nécessaires pour
remporter les prix destinés aux trois premiers…

Il soupira longuement en concluant :


Le prix spécial est constitué d’un chèque de 200.000$.

Coupé par un long moment d’acclamation, il poursuivit quand


même :
— Cet argent va permettre aux jumelles des concrétiser leurs
projets sur l’encadrement des enfants de la rue à Kinshasa et
de Goma.
— A part ce chèque, les jumelles sont bénéficiaires de deux
bourses d’études, la première c’est dans une école spéciali-
sée d’ici, afin qu’elles se rattrapent vite et décrochent leurs
diplômes d’état, tandis que l’autre c’est pour l’Université de
Liège où elles vont poursuivre leurs études supérieures.

A cette nouvelle, les jumelles s’embrassèrent de nouveau en


fondant en larmes, rejoint par leurs compagnons sous un ton-
nerre d’acclamation.

105
L’absence d’une mère

106
L’absence d’une mère

LE PARDON

Une Jeep range rover stationna devant la parcelle de MJ, «


c’est qui ? », demanda Josiane qui tressait les cheveux de sa
sœur Josépha dans un coin de la parcelle qui ressemblait à un
jardin sauvage, vu que des mauvais herbes poussaient par-ci,
par-là, défigurant la physionomie de la parcelle, qui dans le
temps, sous le règne tyrannique de MJ, était inacceptable
de voir même un herbe tenter de pousser sans qu’une des
jumelles ne l’arrache sous la pluie des insultes et réprimandes.

« Sale fille ! On est en ville pas dans la brousse pour laisser


ma parcelle dans cet état », disait-elle. Vu l’absence de sa
petite Jenny qui depuis lors, a rejoint son père, la santé de
MJ s’est dangereusement détériorée.

107
L’absence d’une mère
Escortée par les deux tantes qui ont du coup changées d’at-
titudes, en optant pour un air flatteur, les jumelles s’intro-
duisirent dans cette maison, dans laquelle les services subis
restaient encore visibles dans la mémoire, qu’elles tentaient
d’effacer.

Emila comme d’habitude prit le devant sans gêne, par contre


sa sœur marchait sans trop d’enthousiasme comme si elle
n’avait pas totalement approuvé la démarche proposée certai-
nement par sa sœur qui a tendance à vite tourner les pages
douloureuses.
— Waouh vous avez sacrément grandit. Le voyage était
bon ? demande Josépha.
— Oui oui, très dit Emila.
— Etes-vous pour combien de temps ici ?
— Non juste deux semaines pour régler quelques trucs par
rapport à notre fondation et aussi assiter au mariage de MC.
— Ah oui nous avons même une invitation ici. Répliqua Jo-
sépha, donc vous allez vite nous quitter, poursuit-elle.
— Oui, vu que nous avons des examens à présenter dans un
mois, répond Emila.

Ensuite elle tourna vers Josiane et lui dit :


— S’il te plait tantine, dit au chauffeur de descendre les
colis que nous avons apportés pour vous. Quelques années
auparavant, elle n’aurait pas eu le ce courage…
— Ah merci je cours lui dire, merci merci, dit-elle

Elles s’arrêtèrent devant la porte de la chambre de MJ, après


quelques seconde de soupir, comme un joueur devant le bal-
lon pendant un tir au but, elles accédaient enfin dans la dite

108
L’absence d’une mère
chambre, qui ressemblait à un dépotoir publique, en étant
obscure. « Ça c’est une salle d’attente pour l’enfer », dit Leila
par cœur. En réalité, cette dernière avait du mal à l’oublier
toutes les atrocités subis dans cette maison. A l’époque elles
n’avaient aucun droit d’accéder dans cette chambre royale
où l’accès était uniquement réservé aux privilégiées de la mai-
son, comme la petite adorée Jenny : « La terre tourne pour
tout le monde, on doit aussi tourner cette page », pensa
Emila. C’est elle qui avait le cœur très disposé à pardonner
contrairement à sa rancunière de sœur.
— Bonjour Mémé saluèrent au même moment les deux ju-
melles.

Couchée, sa bible au chevet de son lit, MJ la mémé était mé-


connaissable, le dinosaure d’hier avait perdu son poids et sa
langue, le fait d’être clouée au lit, à cause de la crise d’AVC,
survenue le jour où elle aperçut avec sa fille Josiane la scène
de remise du prix aux jumelles.

L’ACV lui a fait perdre la faculté de sentir toute sa partie


gauche. Elle était incapable de marcher, de manger, et ne
pouvait se laver seule.
Josiane sa cadette était toujours à ces côtés pour l’aider à
accomplir ce sale travail quotidiennement « Très dure d’être
garde malade de sa propre mère », déclara-t-elle.

Oui, c’était visible à l’œil nu, Josiane avait perdu sa san-


té et son éclat du passé. Elle ressemblait à une vielle fille.
Quand à Josépha, s’en-foutiste, elle était toujours absente
physiquement et moralement, accrochée éternellement à son
smartphone.
109
L’absence d’une mère
— Vous êtes là mes petites filles, balbutia MJ, qui a perdu à
moitié l’usage de son langage à cause de la maladie.
— Aah, regardez l’état de votre Mamie, ajouta-t-elle Dieu
m’a infligé un châtiment sévère et exemplaire à cause de mes
péchés, il refuse même de m’accorder la mort pour que j’aille
me reposer en paix, que faire pour qu’il me l’accorde enfin ?
— Ah Mamie, répliqua Emila, ne dit pas ça, tu n’y es pour
rien, c’est le destin qui a voulu ainsi. Tout est tracé par la vo-
lonté de Dieu. Faisons lui confiance. Notre présence en ce lieu
se résume à un mot en 5 lettres, le pardon. Ce pour ça que
nous sommes ici Marie, ajouta-t-elle en essuyant quelques
gouttelettes de larmes qui coulaient sur ses joues.

Quant à Leila, elle demeura silencieuse, manifestant aucun


sentiment de compassion. Elle observait la scène, en laissant
à sa sœur toutes les initiatives.

Elle poursuit :
— Ne te culpabilise pas Mamie, nous n’avons ni toi, ni nous,
choisis ce destin, c’est Dieu qui en est le maitre. Raison pour
laquelle nous sommes venus pour que vous nous accordiez
votre pardon pour tous les préjudices que nous avons fait su-
bir, ainsi vous accorder sincèrement notre pardon pour tous
préjudices que nous avions subits de votre part…

Josiane baissa sa tête par sentiment de remord en jetant un


regard compatissant à sa mère qui cherchait les mots à pro-
noncer.
— Ne dites pas ça, c’est à moi de vous demander sincère-
ment pardon, mes petites filles, je vous ai rendu la vie infer-
nale. Pardonnez-moi, regretta MJ.

110
L’absence d’une mère
Elle se mit à pleurer, tout d’un coup Leila se leva de sa chaise
pour aller se mettre à côté de sa grand-mère en pleurant
aussi, et en essuyant les larmes de sa mamie. Elle est tout
de suite jointe par sa sœur, qui avec Josiane et Josépha, se
réunirent autour de MJ pour pleurer à l’unisson…

Ainsi va la vie.

111
L’absence d’une mère

112

Vous aimerez peut-être aussi