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Histoire Financiere de L Antiquite A Nos Jours
Histoire Financiere de L Antiquite A Nos Jours
Histoire financière
De l’Antiquité à nos jours
Gallimard
Sommaire
Couverture
Présentation
Page de titre
INTRODUCTION
LA MONNAIE ET DE L’ÉTAT
INTRODUCTION
DU PILLAGE AU TRIBUT
DE LA CORVÉE À LA TAXE
L’ACTION DE LA COLLECTIVITÉ
L’INTERVENTION DE L’ÉTAT
PRODUCTIVITÉ ET FISCALITE
D’ÉTABLISSEMENT DE L’IMPÔT
L’IMPÔT ET LA MONNAIE
L’EXPLOITATION DU MONDE
l’Empire
LE PROBLÈME DE LA MONNAIE
ÉCHANGES
L’impôt foncier
La capitation
Conclusion
LA TENTATIVE CAROLINGIENNE
INTRODUCTION
DE LIBÉRATION ET DE PROGRÈS
monnaie et de l’État
LA RENAISSANCE DU COMMERCE
LA RECONSTITUTION DE L’IMPÔT
POLITIQUE
hommes
PRINCIPAUTÉS
modernes
L’EXEMPLE DE L’ESPAGNE
D’OR ET D’ARGENT
CHAPITRE III
LA CAPITATION
Extension de la capitation
Conclusion
système de la contrainte
FRANÇAISE
Naissance de l’institution
ADMINISTRATIVE
CONTRAINTE FISCALE
LES TUDORS
LES STUARTS
LA MONNAIE ET L’ÉCONOMIE
servage russe
L’ASSERVISSEMENT
ORIENTALE
INTRODUCTION
POUVOIR
financières
L’EXEMPLE AUTRICHIEN
LE NÉO-MERCANTILISME
LA MONNAIE ET LE CRÉDIT
LE PROBLÈME FISCAL
L’ASSIETTE
LA COURSE À LA RÉVOLUTION
France révolutionnaire
La contribution foncière
La contribution mobilière
Les patentes
L’enregistrement et le timbre
fiscales
INTRODUCTION
TRIOMPHANTE
financier
LE RÉGIME DU CRÉDIT
L’ACTIVITÉ BANCAIRE
LE CONTRÔLE DE LA CIRCULATION
États-Unis
L’EXEMPLE ITALIEN
INTRODUCTION
Changes et transferts
la démocratie
L’AVÈNEMENT DU FASCISME
Fascisme el fiscalité
L’impôt et l’emprunt
Les États-Unis.
L’Allemagne
La Suède
VALEUR AJOUTÉE
FISCALE
l’investissement
L’IMPÔT ET L’ACTIVITÉ
L’IMPÔT ET L’ÉPARGNE
L’IMPÔT ET L’INVESTISSEMENT
contre l’inflation
CHAPITRE II - La réforme des structures fiscales
DE MATIÈRES PREMIÈRES
Conclusion
La productivité de l’entreprise
LA RÉFORME DE 1965
RÉSULTATS DE LA RÉFORME
Autonomie de gestion
CONCLUSION
L’ignorance
Notes
Copyright d’origine
Achevé de numériser
INTRODUCTION
Première partie
NAISSANCE ET DÉGRADATION DE
L’IMPOT, DE LA MONNAIE ET DE
L’ÉTAT
DE L’ANTIQUITÉ
À LA FIN DE L’EMPIRE
DE CHARLEMAGNE
INTRODUCTION
Naissance de l’impôt
DU PILLAGE AU TRIBUT
DE LA CORVÉE À LA TAXE
La Bible montre les Juges rassemblant les hommes valides pour lutter
contre les peuples environnants. Tite-Live décrit les premières guerres
menées par la réunion des familles patriarcales, le chef de la gens
commandant lui-même sa famille et ses clients. Chacun s’équipait ou plutôt
son équipement était assuré par la tribu. Chacun emportait sa nourriture et
la renouvelait par le pillage.
Ce système avait des inconvénients et des limites. Facile pour certains,
s’équiper était trop onéreux pour d’autres. On pouvait en tenir compte et
fixer l’équipement en fonction de la fortune, imposant aux plus riches
l’armement le plus lourd. L’histoire a gardé trace de cette évolution. A
Athènes, comme à Rome, les plus riches servaient dans la cavalerie, les
membres de la classe moyenne dans l’infanterie lourde, les citoyens les plus
pauvres étaient, en cas de besoin exceptionnel, enrôlés comme rameurs ou
dans l’infanterie légère 2.
Mais la fortune pouvait appartenir à des hommes trop âgés, à des
invalides ou à des femmes, notamment à des veuves. On leur demandait une
contribution permettant d’aider ceux qui étaient mobilisables à s’équiper et
même à compenser la perte de leur travail.
Restait le problème de la durée du service. Bien vite, on comprit que les
campagnes limitées à une courte période ne pouvaient suffire. Il fallait
choisir : laisser les hommes abandonner l’armée ou les retenir par une
solde.
C’est la solution vers laquelle les cités méditerranéennes s’orientèrent à
partir d’une certaine époque.
A Rome, la guerre de Véies, par sa durée qui ne s’accommodait plus des
levées annuelles, fut, selon Tite-Live, l’origine de la solde et de l’impôt
direct.
L’armée soldée, il devint possible, et il fut nécessaire, de faire appel aux
dernières classes, aux « prolétaires » que Marius fut le premier à enrôler. La
technique combinée de la solde et de l’impôt permit à la République de
lever l’armée à défaut de laquelle elle n’eût pu mener des guerres longues
sur des théâtres d’opérations relativement éloignés, à défaut de laquelle, en
un mot, l’Empire n’aurait pu être constitué.
CHAPITRE II
Naissance de la monnaie
L’ACTION DE LA COLLECTIVITÉ
L’INTERVENTION DE L’ÉTAT
Il n’est pas facile de savoir dans quelle mesure les premiers États eurent
recours à la corvée, à la réquisition et à l’impôt. Les fouilles nous révèlent
l’importance des magasins royaux de Mésopotamie, d’Égypte ou de Crète.
Mais les entrepôts pouvaient contenir le produit des pillages et des
réquisitions, aussi bien que des fermages ou des taxes.
Rares, les textes sont généralement peu explicites sur l’existence ou du
moins sur le degré de généralisation et sur les modalités d’application de
l’impôt.
C’est à l’aide d’indications éparses, en utilisant des arguments a
contrario, en interprétant les titres des fonctionnaires, que nous pouvons
essayer de dégager ce que furent les systèmes fiscaux des premières grandes
constructions politiques.
C’est ainsi que les chartes d’immunités de l’ancien empire égyptien
permettent de déduire a contrario le régime de droit commun : les paysans
devaient à la fois des corvées, des taxes, des livraisons de récoltes brutes ou
de produits manufacturés, et l’entretien des messagers royaux ou de la cour
lorsqu’elle passait sur leurs terres 8.
On peut également tenir compte des documents qui évoquent le
recensement de personnes car celui-ci pouvait servir soit à lever l’impôt soit
à convoquer les hommes pour la corvée ou le service militaire. Avec plus
d’assurance on peut se fonder sur les textes ou les peintures retraçant des
opérations d’arpentage destinees à l’établissement ou au contrôle d’impôts
ou de redevances, par exemple une peinture du temps de Thoutmès IV
(XVIIIe dynastie) représentant la mensuration d’un champ de blé mûr :
l’arpenteur déroule un cordeau, un scribe relève le volume des tas de blé.
Citons enfin, du temps de Ramsès V, le rapport d’agents chargés de taxer
les terres appartenant a des temples, à d’autres institutions ou a l’État, le
Wilbour Papyrus que son traducteur, Alan Gardiner, jugeait aussi important
que le Domesday book.
Sur les États du Proche-Orient asiatique, nos informations sont peu
nombreuses et souvent imprécises. Nous connaissons l’existence et parfois
le montant des tributs auxquels les pays conquis étaient soumis, mais nous
ignorons la façon dont la répartition était effectuee entre les contribuables
de chacune des provinces ou de chacun des États vassaux. D’une façon
générale, nous ne possédons que de rares indications sur les conditions dans
lesquelles les impôts étaient établis 9.
Aucune taxe ne peut être prélevée durablement, sinon sur la marge entre
ce que l’individu produit et ce qu’il consomme pour assurer la subsistance
de sa famille et la continuation de son activité.
La récolte du paysan doit permettre la vie de son ménage ; une certaine
quantité de grains doit être mise de côté pour les semailles de la récolte
suivante. C’est seulement sur ce qui reste, après ces deux prélèvements, que
l’État peut opérer une ponction. Encore doit-il, sous peine de tarir l’impôt
futur, laisser disponible ce qu’il faut pour acheter des outils ou réparer des
bâtiments d’exploitation.
On conçoit que les premières grandes puissances soient apparues dans les
régions de limons fertiles où, même avec une technique rudimentaire, les
récoltes étaient relativement abondantes par rapport au travail qu’elles
exigeaient : l’Égypte, la Mésopotamie, le bassin de l’Indus, la terre jaune
chinoise 14.
Les conquérants issus de montagnes ou de steppes ne purent former de
véritables États que lorsqu’ils mirent la main sur une de ces régions de l’eau
et du soleil, mais ils purent alors constituer de vastes empires.
Ces pays donnent toutes leurs possibilités lorsque de multiples travaux
ont assuré la maîtrise des eaux par l’irrigation ou le drainage. La nécessité
d’un minimum d’organisation pour construire et entretenir des ouvrages
hydrauliques était une raison de plus de voir naître, de bonne heure, des
collectivités organisées dont la dimension devait tendre à rejoindre celle des
bassins fluviaux. Ces travaux eux-mêmes supposaient un système de
corvées organisées, sinon de véritables impôts 15.
On ne saurait considérer la richesse de la terre indépendamment de la
densité des hommes qu’elle fait vivre. Lorsque la population augmente au-
delà de certaines limites sans un accroissement correspondant de la
productivité — ce qui a tendu constamment à se produire sur les terres les
plus fertiles —, le surplus s’amenuise considérablement. Cette
surabondance de population entraîne naturellement une plus grande
difficulté de perception. Les résistances au fisc s’accentuent, ce qui se
traduit non seulement par des phénomènes de vagabondage et de révolte,
mais aussi par la concession de chartes d’immunités à de hauts
fonctionnaires, à de grands propriétaires ; d’où l’apparition d’un régime de
caractère féodal, c’est-à-dire d’une sorte de démembrement de l’État.
Condition nécessaire de l’impôt, un minimum de productivité n’en est
pas la condition suffisante. Son établissement suppose la mise en œuvre de
techniques liées elles-mêmes à la structure de l’économie.
Dès une époque relativement reculée, des pays fertiles, riches de leurs
céréales, de leur huile ou de leur vin, voulurent se procurer les matières
premières, le bois et les métaux, qui leur faisaient défaut — cela sans
préjudice de produits de luxe plus ou moins élaborés, la pourpre, les perles,
la soie, par exemple, que les privilégiés désiraient faire venir des contrées
les plus éloignées.
Cet arrière-plan économique, sommairement retracé, signifiait l’existence
de trafics par mer, sur les fleuves, au travers des steppes ou des déserts,
trafics qui pouvaient se prêter aux impôts les plus simples, les péages. Faire
payer en fonction du tonnage des navires ou du nombre des animaux de bât,
prélever une part des marchandises de grande valeur, sur les lieux de
débarquement ou aux points de passage obligé, ce fut dès les temps les plus
reculés le moyen le plus simple de lever l’impôt. Comme les brigands, le
fisc se place volontiers aux carrefours des grands chemins, sur les ponts, sur
les sols, dans les défilés.
Il était beaucoup plus difficile de saisir les ventes en tant que telles : ces
transactions étaient trop dispersées. On conçoit l’intérêt porté par
l’administration aux lieux de rassemblement et de concentration des
échanges, aux foires, aux marchés, plus généralement aux villes 16. On
comprend aussi que les impôts de ce genre aient été parfois limités à des
catégories de ventes faciles à connaître et à surveiller, par leur nature même,
aux ventes aux enchères par exemple.
Tout ceci pouvait fournir des ressources appréciables aux cités et aux
États commerçants, mais ne pouvait suffire aux grands empires agraires.
Les quelques villes marchandes qu’ils englobaient ne pouvaient procurer
toutes les ressources dont les souverains avaient besoin pour administrer de
vastes espaces. Il fallait faire payer les agriculteurs.
Comment déterminer ce que le paysan pouvait verser ? Prélever une part
de la récolte simplifiait le problème : il suffisait de compter le nombre des
gerbes, des tas d’olives ou des jarres d’huile. et le paysan n’avait pas a se
préoccuper de vendre.
Mais comment connaître le volume de la production ? Faut-il exiger que
la récolte se fasse en présence d’un agent du fisc ou, du moins, ne soit
enlevée que devant lui ? Il semble que cette règle ait été fixée dans certains
pays, en Égypte notamment. On conçoit la difficulté de ce genre
d’opérations.
On pouvait imaginer des discussions entre l’administration et
l’agriculteur au moment où la récolte était sur le point d’être faite. Au vu de
la promesse des champs, on pouvait essayer de déterminer la dette de
chacun.
Ces discussions difficiles, pouvaient-elles être évitées en fixant, une fois
pour toutes, ce que chaque exploitation pourrait fournir ? Ne pouvait-on
classer les terres suivant leur degré de fertilité et, dans les pays de l’Orient
et du bassin méditerranéen, suivant qu’elles étaient ou non irriguées ? Il
suffisait alors de concentrer les efforts d’appréciation sur quelques parcelles
types, puis d’étendre ce résultat à toutes les terres qui présentaient les
mêmes caractéristiques.
Il suffisait... Ce n’était pas si simple. Il fallait d’abord mesurer les
surfaces, opération d’arpentage qui supposait elle-même un certain niveau
de connaissances scientifiques et techniques. On conçoit que, selon
Hérodote, les nécessités fiscales aient été a l’origine de la géométrie.
L’arpentage effectué, restait l’évaluation, relativement facile lorsque la
production était largement commercialisée, beaucoup plus difficile lorsque
les hommes vivaient en consommant ce qu’ils produisaient, sans qu’aucun
marché, aucune mercuriale vînt en indiquer la valeur.
L’État ne pouvait-il se contenter d’appréciations sommaires ? Il l’a fait
souvent, mais il était alors obligé de s’en tenir à des impôts très légers sous
peine d’écraser certains contribuables. Nous verrons, tout au long de
l’histoire, et dès l’Antiquité, l’importance de cette remarque.
L’IMPÔT ET LA MONNAIE
Ne pouvant les décrire tous, on peut relever l’un d’entre eux, l’empire
des Lagides, dont le système financier nous est relativement bien connu 18.
Il s’agit d’une fiscalité très savante dont il n’y avait probablement pas, à
cette époque, et même à des dates plus tardives, l’équivalent dans le
monde 19.
Comme dans les systèmes fiscaux européens du XIXe siècle on y trouve
des droits de douane, des droits de consommation, des impôts directs sur la
terre ou les maisons, des taxes sur les personnes, des droits
d’enregistrement.
Le rendement d’un tel système repose à la fois sur la richesse de la vallée
du Nil et sur un commerce très actif. L’administration lagide, dirigée par
des techniciens grecs, met en œuvre des procédés relativement
évolués — qu’il s’agisse de la passation des baux des terres domaniales, du
régime des impôts indirects dont la réglementation évoque, même dans le
détail, certains monopoles fiscaux contemporains, ou du réseau de greniers
et de banques publiques qui facilitait le transport des marchandises ou les
mouvements de fonds.
La puissance engendrée par des possibilités financières exceptionnelles
put donner à des hommes d’État l’ambition d’une expansion sans limites.
Antoine et Cléopâtre crurent que les richesses de l’Égypte leur
permettraient de vaincre celui qui détenait les moyens d’action de l’Italie et
d’une partie du monde occidental. Ils échouèrent en raison des excès
auxquels l’administration lagide s’était laissé conduire. Une politique
étrangère trop dispendieuse finit par écraser les contribuables égyptiens
sous le poids d’une fiscalité tellement lourde qu’elle engendra la fuite ou la
révolte des contribuables. Libérée de ces abus l’Égypte resta l’un des
fondements les plus assurés du pouvoir du vainqueur d’Actium et de ses
successeurs.
CHAPITRE VII
L’EXPLOITATION DU MONDE
LE PROBLÈME DE LA MONNAIE
CHAPITRE X
L’impôt foncier
Avec un mélange d’irritation et de terreur, les empereurs assistaient aux
abandons de terres que déclenche tout système d’impôl foncier forfaitaire,
d’autant plus qu’il est plus lourd, plus simpliste et plus rarement révisé.
Pour éviter cette fuite devant la matière imposable, l’administration se
trouva conduite à imaginer une série d’institutions.
Le défrichement des terres incultes fut encouragé par des exonérations
temporaires d’impôts ou de redevances. En Afrique du Nord 55 un édit
d’Hadrien permit au premier venu d’occuper des terres incultes et d’en
transmettre la possession à ses héritiers.
Généralisant ce système, Pertinax accorda la propriété des terres incultes
et une exemption temporaire d’impôts à quiconque les exploiterait.
Passant de l’incitation à la contrainte, Constantin mit les terres
abandonnées à la charge des curies avec exemption d’impôt pendant trois
ans, les obligeant ainsi à trouver des preneurs, ou à conserver elles-mêmes
les terres et à payer l’impôt.
Celui qui possédait des terres cultivées entourées de terres désertes devait
défricher celles-ci à peine de confiscation des unes et des autres.
Valentinien II et Gratien défendirent aux héritiers de n’accepter que la
partie jugée fertile du patrimoine successoral : ils devaient tout prendre ou
renoncer à tout. Théodose le Grand imposa les fonds stériles du domaine
d’abord aux voisins, ensuite aux propriétaires plus éloignés. Ainsi se
constitua l’epibole. institution qui consistait à unir les terres stériles ou
désertes aux terres fertiles et cultivées.
Des dispositions de cet ordre ne pouvaient suffire. Si le propriétaire ne
trouvait pas de cultivateur, il était voué à se ruiner progressivement et à ne
plus pouvoir payer l’impôt. Si le propriétaire était en même temps
exploitant, il fallait l’empêcher de fuir en même temps sa terre et l’impôt
excessif qui s’y attachait. Le colonat prit ainsi sa place parmi une série
d’institutions qui visaient toutes au même objet : maintenir en culture des
terres trop lourdement chargées.
Sans doute pouvait-on atténuer le poids de l’impôt foncier par la taxation
de la main-d’œuvre, mais, par un mécanisme à peine différent, la capitation
eut des effets identiques.
La capitation
Au sens précis de ce terme, la capitation ne peut, en principe, être
esquivée. puisqu’elle est liée a l’existence même de l’être humain.
Simple, en apparence, la capitation n’est pas si facile à établir qu’on le
croirait de prime abord. Il suffit que la population se déplace ou se cache au
moment ou elle doit être comptée pour que les résultats en soient faussés.
C’est peut-être un écho de ces difficultés que nous retrouvons dans le
texte souvent cite de Lactance :
« Les recenseurs mesuraient les terres jusqu’à la moindre-motte,
comptaient les ceps de vigne et les arbres, inscrivaient les animaux de toute
espece, prenaient note de tous les habitants. Les populations des campagnes
avaient ordre de venir se joindre a celles des villes, en sorte que toutes les
places publiques étaient pleines de groupes de familles ; chacun était la
avec ses enfants et ses esclaves. De tous côtes retentissait le bruit des fouets
et des instruments de supplice ; on torturait les enfants pour les forcer de
deposer contre leurs pères ; les plus fidèles esclaves contre leurs maîtres, les
femmes contre leurs maris 56. »
Même moins brutaux, des travaux de ce genre ne pouvaient être
constamment refaits. Il y a donc lieu de penser que le recensement, une fois
accompli, restait valable pendant une certaine période, cinq ans ou quinze
ans par exemple. Cette fixité tendait a introduire — comme en matière de
cadastre — une discordance entre la réalité et l’évaluation, décalage que les
déplacements de la population ne pouvaient qu’accentuer dangereusement.
Des impôts de ce genre posent également un problème de recouvrement.
Comment le fisc pouvait-il prendre contact avec de multiples redevables ?
On retrouve un problème que les administrations modernes n’arrivent pas à
résoudre de façon entièrement satisfaisante 57. On conçoit que
l’administration du Bas-Empire ait estimé ne pouvoir y faire face si elle ne
rendait le grand propriétaire responsable des cotes des cultivateurs
employés sur ses terres.
Mais, si le cultivateur pouvait se déplacer, il fallait admettre que le
propriétaire responsable pût être déchargé de la cote d’impôt
correspondante. Interdire le déplacement évitait de réduire l’impôt.
Il restait un danger d’évasion fiscale au propre et au figuré.
En Égypte, sous le règne de Commode, des contribuables s’enfuirent des
villages pour échapper aux réquisitions de main-d’œuvre et aux impôts. Ils
se réfugièrent dans les marécages du delta en nombre tel qu’ils purent se
mesurer aux troupes impériales 58.
En Gaule, les Bagaudes apparurent pour la première fois à la fin du IIIe
siècle ; ils furent écrasés par Maximien, mais plus tard on vit réapparaître
des bandes de ce type.
Pour un des auteurs du Bas-Empire, Salvien, les Bagaudes tirent leur
origine de l’impôt ou plutôt de la façon dont il est appliqué 59.
Un historien contemporain, C. Jullian, estime que ces « gens sans aveu »
contribuèrent pour une large part à la chute de l’Empire 60.
Il n’est donc pas sûr que les régimes restrictifs de liberté aient été
vraiment efficaces. La sujétion peut être, pour certains, une raison de plus
d’échapper à la règle. Celui qui n’eût été qu’un simple vagabond peut
devenir, du fait de la loi, un véritable pillard. La législation du Bas-Empire
accentua l’insécurité en ne laissant aux populations surchargées d’autre
issue que la révolte ouverte.
Conclusion
Ce régime de cristallisation de la société s’explique donc par l’incitation
à l’abandon des exploitations marginales, à la fuite et au vagabondage,
inhérente à tout système d’imposition forfaitaire — impôt foncier ou
capitation.
Si ces phénomènes atteignirent une telle ampleur, c’est parce que les
charges restaient relativement lourdes dans un Empire qui voulait maintenir
son armature administrative et ses moyens de défense militaire malgré la
régression du système économique.
La charge fiscale globale pouvait être assez faible. L’inégalité de la
répartition n’en rendait pas moins insupportable à certains un impôt
relativement léger pour d’autres contribuables. La surimposition des terres
et des contribuables « marginaux », source elle-même d’une tendance à la
« fuite devant l’impôt », nous explique l’influence des préoccupations
fiscales sur la structure de la société du Bas-Empire.
Dans la suite de l’histoire des circonstances analogues donnèrent
naissance à des institutions du même type.
CHAPITRE XI
LA TENTATIVE CAROLINGIENNE
Deuxième partie
LA RECONSTITUTION DE L’IMPOT,
DE LA MONNAIE ET DE L’ÉTAT
INTRODUCTION
Durant toute cette période, les pays européens virent se reconstituer une
économie monétaire. Ce fut à la fois l’effet et la cause de la reprise du
commerce sur les bords de la Méditerranée, de la mer du Nord et de la
Baltique, en attendant les grandes échappées vers l’Atlantique et l’océan
Indien.
La renaissance de l’économie monétaire s’accompagna d’une
reconstitution des États, disons plus précisément d’un affranchissement du
système féodal.
Plus ou moins conscients de la source de leur pouvoir, les hommes d’État
de cette époque furent hantés de façon à peu près constante par les
préoccupations financières et, comme toujours, ceux qui les ressentirent le
plus furent ceux qui n’avaient pas voulu y porter suffisamment d’attention.
Les souverains se heurtèrent à deux sortes d’obstacles.
Le premier consistait dans la pénurie de monnaie. A plusieurs reprises les
effets d’une insuffisance de l’instrument des échanges freinèrent l’activité
commerciale et, par là même, la rentrée de l’impôt. Pour surmonter cet
obstacle les souverains s’efforcèrent d’accroître le stock monétaire en
recherchant de nouveaux gisements et en développant les exportations. En
prenant le terme dans un sens très large on peut dire que la politique
mercantiliste a constitué l’accompagnement des efforts de reconstitution des
États.
Le deuxième obstacle résidait dans les réactions provoquées par l’impôt,
les révoltes si fréquentes à certaines époques et qu’ils essayèrent d’apaiser
ou de prévenir en créant des institutions représentatives.
La domination de l’impôt, si caractéristique de cette période, tient à une
sorte de contraste. Les souverains voulurent constituer des monarchies
administratives, parce qu’ils y voyaient la possibilité de réaliser leurs
ambitions les plus hautes comme les plus médiocres et parce qu’ils se
sentaient appuyés par une partie de la population désireuse d’être assurée
d’un minimum d’ordre et libérée d’une série de contraintes.
Ces aspirations ne pouvaient se réaliser que dans un certain cadre
économique. Or la structure de la production et des échanges, qui se prêta,
certes, à cette reconstruction des impôts et des États, ne s’y prêta que dans
une certaine mesure.
Devant la résistance du milieu, les souverains essayèrent diverses
solutions. Les uns cherchèrent à la briser brutalement, d’autres à la
contourner, en usant de persuasion sinon de duperie, d’autres à la faire
disparaître en agissant sur la société elle-même. Les choix, généralement
inconscients, ne furent pas identiques d’un pays à l’autre.
Commandés, au départ, par la plus ou moins grande facilité que donnait
la structure économique et sociologique, ils s’affirmèrent, se durcirent avec
le temps. Les différences profondes qui subsistent de nos jours entre les
institutions et les conceptions politiques des différents pays sont
incompréhensibles si l’on ne remonte pas à l’époque où elles ont débuté.
Comme l’histoire financière, l’histoire de l’individu et celle de l’État, au
cours de cette période où ils se sont reconstitués ou réaffirmés, se
caractérise par ce mouvement dialectique dont nous essayerons de retracer
les trois grands aspects.
TITRE I
CHAPITRE PREMIER
LA RENAISSANCE DU COMMERCE
La reconstitution de véritables États apparaît en Europe, à partir du Xe
siècle, parallèlement à la renaissance du commerce. Dans ses traits
généraux, cette évolution répète celle du monde antique.
Une première phase correspond à la création et au développement des
« États commerçants », c’est-à-dire de villes, situées au bord de la mer ou à
un carrefour important de routes fluviales et terrestres, qui se rattachent à
d’autres villes ou fondent des comptoirs sur les voies principales du trafic.
Aux empires de la Crète, de Tyr, d’Athènes ou de Carthage, font pendant,
au Moyen Age, les républiques italiennes, les cités flamandes, certaines
villes de l’Allemagne du Sud, les ports de la Baltique et de la mer du Nord.
Les formules politiques sont diverses, allant d’une relative centralisation à
une fédération telle que la Ligue hanséatique. Comme dans l’Antiquité, les
cités commerçantes tendent à se subordonner quelques possessions « de
terre ferme ». Celles-ci restent relativement limitées, et les États, si on les
figure sur la carte, apparaissent comme de longs rubans allongés le long de
la mer ou des routes.
Dans une deuxième phase, on voit se constituer, en partie par le
démembrement et l’absorption des États commerçants, en partie par leur
influence économique, des États plus étendus, dont les formes plus
arrondies commencent par ce qu’on appellera plus tard les frontières
naturelles. Les grandes seigneuries, les royaumes existaient, mais ils
manquaient jusque-là des ressources, et par conséquent des institutions et
des méthodes caractéristiques des États modernes : les unes et les autres
leur viennent progressivement.
Le passage d’une phase à l’autre s’est effectué suivant divers
mécanismes.
Autour des centres de trafic l’économie d’échange s’étendit
progressivement. Les marchands offrirent des produits nouveaux qui,
suscitant des besoins, incitèrent à produire en vue de l’échange.
Réciproquement, les villes industrielles et commerçantes recherchèrent des
matières premières, offrirent des débouchés. Une partie de l’économie
anglaise fut ainsi orientée vers l’échange par les besoins en laines des
drapiers italiens ou flamands.
Des rapports de plus en plus étroits s’établirent entre les États
commerçants et les principautés « territoriales ». Parfois ce fut la conquête
pure et simple, ou la tentative de conquête, telles les guerres de Flandre qui
tinrent une place si importante dans la politique capétienne. Dans d’autres
cas, les États moins évolués économiquement furent les alliés ou les clients
des villes marchandes. Les villes d’Italie jouèrent à l’égard des croisés un
rôle voisin de celui des cités de la Grande Grèce à l’égard de Rome lorsque
la politique de celle-ci fut dirigée vers l’Orient. Des relations plus
complexes, de protection, s’instituèrent entre les communes françaises et le
pouvoir royal.
Entre ces deux phases s’est parfois situé un stade intermédiaire : les
premières grandes seigneuries, les premières monarchies eurent pour axes
les voies principales de commerce. L’exemple le plus caractéristique est
celui de la maison de Bourgogne, installée dans une région de passage, liée
au centre commercial des Flandres. L’étroitesse de son cadre, où l’on a vu la
cause de sa faiblesse et de sa défaite finale, avait permis un développement
relativement précoce. Antérieurement, l’empire des Plantagenêts présentait
une forme également significative, allongée de la Grande-Bretagne à
l’Aquitaine avec pour axes la route maritime du vin et la voie terrestre qui,
de Bordeaux, remontait par le Poitou vers la Normandie et l’Angleterre. La
monarchie française de son côté trouva dans la route de Paris à Orléans, si
importante par la jonction qu’elle établissait entre deux voies fluviales, la
première base de sa puissance.
LA RECONSTITUTION DE L’IMPÔT
Cette évolution s’explique aisément si l’on considère la place que
tenaient, dans les revenus des seigneurs et des rois, les ressources tirées du
commerce.
A Dinant au XIe siècle, les revenus du comte provenaient principalement
de l’exercice du tonlieu et de la réglementation du commerce local : droit de
quai des bateaux, droit d’étalage, taxe due par chaque échoppe, redevance
des brasseurs 66.
C’est ainsi que les princes purent confier l’administration à des
fonctionnaires rétribués.
Parmi les revenus domaniaux des rois de France, ceux qui étaient tirés
des villes tenaient une place très importante : plus de 40 % du total 67. C’est
grâce à leur concours que Saint Louis trouva les moyens financiers de sa
politique 68.
C’est au trafic que Philippe le Bel demande une partie importante de ses
ressources ; des contributions de guerre de la Flandre aux emprunts
souscrits par les « riches bourgeois des bonnes villes ».
Ses expédients financiers eux-mêmes témoignent de la renaissance du
commerce : les mesures prises contre les Templiers, les Juifs, les Lombards
sont un signe du développement des échanges d’où les uns et les autres
tiraient ces fortunes que le roi cherchait à s’approprier. Quant aux mutations
monétaires elles n’auraient pu être envisagées avec cette ampleur à défaut
d’une certaine extension de l’économie d’échange.
CHAPITRE III
L’EXEMPLE DE L’ESPAGNE
Aux temps de ses succès, la monarchie espagnole était menacée par ses
difficultés financières. Ni François Ier, ni Charles Quint ne l’ignoraient.
C’était par l’épuisement de ses finances que le roi de France voulait
neutraliser l’empereur s’il faut en croire l’ambassadeur de Venise, M.
Giustianiano, à qui le roi aurait tenu en 1535 le propos suivant :
« Monsieur l’Ambassadeur, je ne puis nier que je désire vivement voir le
Turc très puissant et prêt à la guerre, non pas pour lui, car c’est un infidèle,
et nous autres nous sommes chrétiens ; mais pour affaiblir la puissance de
l’Empereur, pour le forcer à de graves dépenses, pour rassurer tous les
autres gouvernements contre un ennemi si grand 83. »
Charles Quint ne sous-estimait pas ces problèmes. Dans les instructions
que, d’Augsbourg, le 18 janvier 1548, il adresse à son fils Philippe, il
revient à plusieurs reprises sur les difficultés financières. Une des raisons
principales qui doivent inciter à la paix est l’état de fatigue et d’épuisement
de ses États 84.
Un peu plus loin, parlant du Milanais et de Naples, Charles Quint
s’exprime en ces termes : « Un régime équitable et modéré serait fort à
propos pour soulager ces deux États des charges énormes qu’ils ont
supportées jusqu’ici. Je vous recommande ce point tout particulièrement et
vous promets qu’à ce prix vous trouverez toujours leur population soumise
et fidèle 85. » Cent ans plus tard, un successeur de Charles Quint éprouve,
avec la révolte fiscale de Naples, l’inconvénient qu’il y avait à ne pas suivre
les conseils de son aïeul.
Philippe II devait certes bénéficier de l’afflux des métaux précieux de
l’Amérique et l’on ne peut nier tout ce qu’il put tirer de ses galions pour
recruter des armées et acheter des consciences.
Mais les effets favorables de ces apports s’atténuèrent avec la hausse des
prix et les finances furent compromises par la politique économique et par
la politique religieuse 86.
La monarchie espagnole s’était organisée, plus pour exploiter ses
possessions d’outre-mer que pour développer le commerce et l’industrie de
la métropole, où d’ailleurs il semble que l’économie ait été étouffée par une
réglementation maladroite.
Le commerce était contrecarré par l’intolérance, par l’expulsion des Juifs
et des Morisques, par les persécutions aux Pays-Bas. Aux effets directs de
la politique intérieure s’ajouta l’action des Anglais, des révoltés de
Hollande, des marins de La Rochelle qui, par leurs guerres de course,
diminuaient à la fois les apports de métal précieux d’Amérique et le
commerce de l’Espagne.
La vulnérabilité de la puissance espagnole, atteinte dans son trafic,
permet de mieux comprendre l’Invincible Armada.
En 1587, un commerçant espagnol s’inquiète du départ de Drake en ces
termes :
« Si Sa Majesté Catholique ne châtie pas ce corsaire, et ceux qui
l’envoient, ils iront là-bas tous les ans ; car ils ne trouvent pas d’autre
moyen pour affaiblir les forces de Sa Majesté Catholique, que de s’emparer
des flottes, car le nerf de la guerre, c’est l’argent. »
Son correspondant formule le même souhait 87. Les négociants espagnols
ont donc poussé à l’expédition. La puissance de Philippe II survécut au
désastre de l’Armada parce que cette défaite ne fut pour les Anglais qu’un
demi-succès. Les coups portés au trafic de l’Espagne n’en continuèrent pas
moins.
La faiblesse financière de l’Espagne réagit de plusieurs façons sur sa
puissance extérieure. Elle réduisit le nombre ou la qualité de ses troupes. En
diverses circonstances, l’insuffisance de la solde ou de la nourriture des
armées espagnoles fut une des causes de leur échec 88.
L’augmentation de la charge fiscale provoqua, d’autre part, des révoltes
dans lesquelles le sentiment religieux ou le désir de l’indépendance eurent
une part, mais où l’on ne saurait méconnaître l’effet d’impôts jugés
insupportables 89.
Les traités de Westphalie furent le résultat de la ruine économique et
financière de l’Espagne et de l’Empire.
LA RÉSISTANCE DU MILIEU
CHAPITRE PREMIER
L’insuffisance de la monnaie
Pour comprendre la place que les problèmes financiers tenaient dans les
préoccupations des souverains de ce temps, il faut se souvenir de quelques
données très simples. Vouloir se dégager des formules patrimoniales ou
féodales, vouloir construire ce que nous appelons des États modernes, cela
voulait dire vivre dans une économie monétaire. La perception de l’impôt
puis le règlement des dépenses publiques avaient le même effet. Elles
augmentaient les besoins de paiement. Il fallait que les paysans disposent de
numéraire pour satisfaire le fisc mais ils ne pouvaient se procurer cet argent
que s’ils pouvaient vendre leurs produits sur les marchés et sur les foires.
Or, au fur et à mesure que le commerce se développait et que les États se
dégageaient de l’économie féodale, le stock monétaire devenait insuffisant
pour faire face à ces deux mouvements de fonds, celui des princes et celui
des particuliers.
Plus ou moins conscients de cet arrière-plan de leur volonté de puissance,
les monarques s’efforcèrent de mettre à la disposition de leurs sujets des
moyens de règlement suffisants. Pour comprendre leurs difficultés et leur
politique, il est nécessaire d’examiner les divers types de solutions qui
s’offraient à eux 95.
CHAPITRE II
CHAPITRE III
CHAPITRE IV
L’infrastructure de l’impôt
CHAPITRE V
LA CAPITATION
La capitation semble échapper aux servitudes de l’échange. Sous sa
forme la plus simple, elle consiste à faire payer à chaque individu — ou à
chaque homme adulte — la même somme. Sous une forme un peu plus
complexe une distinction s’introduit suivant les catégories, juridiques ou
professionnelles.
Prise comme exemple, la capitation instituée en France en 1695
comprenait 22 classes taxées de 1 livre à 2000 livres. La place de chacun
dans cette espèce de « tchin fiscal » était marquée soit par les titres de
noblesse soit par la fonction ou profession.
Extension de la capitation
On conçoit que la capitation ait tenu une large place aux époques et dans
les pays où les pouvoirs publics demandaient des ressources relativement
importantes à une économie rudimentaire, peu évoluée ou en régression.
Les impôts directs établis par les monarchies féodales étaient pour partie
des capitations mais, au fur et à mesure que progressait l’économie
d’échange, la part des prélèvements de ce type tendit à s’atténuer.
Il est cependant caractéristique de voir les États européens y recourir à
nouveau à une époque où les difficultés économiques avaient pour effet un
ralentissement des échanges et une réduction des ressources tirées des
impôts indirects.
Les impôts de capitation se rencontrent, depuis le XVIIe siècle, assez
régulièrement en Autriche, en Prusse, en Angleterre, en France. En Prusse,
le Grand Électeur y recourut 2 fois, son successeur 8 fois.
Il ne faut cependant pas se dissimuler les limites de cet impôt.
Par son caractère forfaitaire, la capitation. trop légère pour certains, est
trop lourde pour d’autres.
Si elle reste à l’état pur ou ne comporte que de faibles distinctions, elle a
pour effet d’inciter à l’émigration ou au vagabondage. Le fisc ne peut éviter
la fuite du contribuable que par une restriction de la liberté allant jusqu’à un
véritable servage 136.
C’est pourquoi on est souvent amené a utiliser la capitation comme le
moyen d’établir la contribution d’un groupe déterminé, laissant à des
représentants qualifiés de ce groupe le soin de procéder a la répartition du
contingent entre ses membres, ce qui ne fait que reporter le problème 137.
Conclusion
Un examen plus détaillé des politiques fiscales de cette époque nous
montrerait les responsables des finances se porter successivement vers l’une
puis l’autre des « solutions » que nous venons d’évoquer — tels des
insectes qui se heurtent successivement aux différentes vitres d’une pièce.
La leçon de ces tàtonnements est tres simple. Malgré l’ingéniosité des
techniciens ou des economistes les États ne peuvent reculer très loin les
limites que la structure de l’économie oppose à leurs ambitions. S’ils
veulent aller au-delà, ils provoquent l’arrêt du commerce, l’abandon des
terres ou la fuite des contribuables, c’est-à-dire, en définitive, la disparition
de la matière imposable.
Et nous n’avons pas encore exposé un autre type d’obstacle : la révolte
des contribuables.
CHAPITRE VI
CHAPITRE PREMIER
CHAPITRE II
Mercenaires et privilégiés
CHAPITRE III
CHAPITRE IV
LES TUDORS
Le règne des Tudors se marque par un recul ou du moins une stagnation
des institutions représentatives 166.
L’évolution vers l’absolutisme tient sans doute à la période de guerre
civile qui a précédé le règne de Henri VII, au besoin d’ordre de l’ensemble
de la population, à l’affaiblissement de l’aristocratie, à l’imitation des
monarchies du continent.
La cause financière n’en doit pas, pour autant, être sous-estimée. Ayant
renoncé à de coûteuses interventions sur le continent, les Tudors semblent
avoir eu de moindres besoins d’argent par rapport à la richesse du
pays — que leurs prédécesseurs.
Le recours à l’impôt fut limité par la confiscation des biens de l’Église
sous Henri VIII, et par les parts de prises d’Élisabeth dans les pirateries de
ses sujets.
Le développement des échanges facilita le paiement des impôts directs,
tout en augmentant le rendement des impôts sur le trafic 167.
Il y eut enfin sous les Tudors un accord étroit entre la politique du
souverain et les aspirations de la nation ou du moins de la bourgeoisie
commerçante.
Les institutions représentatives subsistèrent cependant. Les Tudors ne
s’affranchirent pas de la règle qui subordonnait l’impôt au vote de
l’assemblée. Les « déguisements » qu’ils firent subir à certains
prélèvements constituaient un hommage rendu au principe.
Le principe maintenu du consentement de l’impôt devait constituer un
des fondements de l’évolution ultérieure.
LES STUARTS
Les progrès qui, durant cette période, au travers de deux révolutions et
d’une série de conflits mineurs, devaient conduire à faire admettre le
principe de la souveraineté du Parlement ne sont pas dus à la contrainte
fiscale, dans le sens du moins où l’on peut le dire de l’époque des
Plantagenêts.
Ce n’est pas parce qu’ils percevaient l’impôt, c’est parce qu’ils n’étaient
pas en accord avec les aspirations de leurs peuples que Charles Ier et
Jacques 11 furent écartés du pouvoir. C’est pour faire prévaloir leurs
volontés dans les affaires de l’État que les opposants réclamèrent la
limitation de plus en plus étroite de la « prérogative » royale.
On ne doit cependant pas sous-estimer l’importance de l’impôt.
La baisse des prix et le ralentissement de l’activité économique qui se
manifestèrent dans le monde à partir des années 1630-1640 durent
accentuer la pression fiscale 168.
Jacques Ier, Charles II et Jacques II restaient des années sans convoquer
l’assemblée 169. Lorsqu’ils se résignaient à le faire, c’était pour lui
demander de consentir à l’établissement ou au renouvellement des impôts.
Le jour où Charles Ier décida de lever une taxe qui, malgré son déguisement
juridique, était de façon évidente un impôt 170 et de plus un impôt direct, il
provoqua le début de la résistance ouverte 171. En 1640, deux ans après la
condamnation de Hampden, Charles Ier fut contraint de convoquer le
Parlement pour obtenir les ressources nécessaires à la répression de la
révolte écossaise.
On eût dit que les Anglais avaient besoin de l’intervention du fisc pour
sentir qu’ils avaient le droit et le devoir de s’occuper des affaires publiques.
Un prélèvement irrégulier fut considéré comme un signe d’oppression plus
grave que les juridictions extraordinaires créées par les Tudors et
conservées par les Stuarts.
Consentir l’impôt n’étant plus pour elle qu’un instrument, l’assemblée
devait entrer en conflit avec la royauté. Comme sous Édouard II ou Richard
II, l’extension des attributions de l’assemblée représentative 172 provoqua le
refus et la réaction du souverain, et en définitive la double révolution de
1648 et de 1688.
La convention passée avec Charles II, lors de la Restauration, laissa de
larges pouvoirs au roi. Ce n’est qu’en 1688 que la suprématie du Parlement
fut vraiment établie. Les 13 articles de la déclaration des droits de 1689
consacraient à la fois le pouvoir fiscal et le pouvoir législatif de
l’assemblée.
Cependant le principe subsistait de l’existence de deux pouvoirs : celui
du souverain et celui de l’assemblée. La notion même de pacte, mise en
forme philosophique par Locke, traduisait cette idée de coexistence,
aboutissement normal d’une évolution constitutionnelle d’origine fiscale.
CHAPITRE V
CHAPITRE VI
Évolutions comparées des institutions politiques européennes
LA RÉPONSE ÉCONOMIQUE :
MERCANTILISME ET SERVAGE
CHAPITRE PREMIER
LA MONNAIE ET L’ÉCONOMIE
Accroître la quantité de monnaie c’était d’abord fournir au commerce les
moyens de règlement dont il avait besoin. Sans l’avoir formulé, on se
rendait compte qu’il n’était pas possible d’attendre des mécanismes
naturels, par exemple d’une baisse des prix très accentuée, l’adaptation de
la monnaie à l’économie. Les récessions du XIXe et du XXe siècle ont
montré le bien-fondé de cette attitude.
Les mercantilistes savaient également, les exposés des motifs des
ordonnances royales le montrent bien, l’influence de la quantité de monnaie
sur le taux d’intérêt et par suite sur les investissements.
Mais à quoi bon, répondent les classiques, plus de monnaie, plus de
demande, plus de désir d’investissement : cela n’accroîtra pas la production
mais seulement les prix. Ils oubliaient, ou voulaient oublier, un fait dont les
hommes du XVIe ou du XVIIe siècle étaient parfaitement conscients :
l’existence d’une masse d’hommes qui ne trouvaient pas de travail. Il suffit
de parcourir les ouvrages et les documents de l’époque pour voir
l’importance que tenaient les vagabonds ou les oisifs, c’est-à-dire les
hommes que nous nommons les chômeurs. Les pays sous-développés
actuels nous donnent quelque idée de ce chômage endémique. C’était une
préoccupation constante pour les responsables de l’ordre public. Augmenter
les débouchés, augmenter les investissements, défrichements ou
constructions de manufactures, c’était le moyen de mettre ces hommes au
travail par suite de l’existence de capacités de constructions disponibles,
l’augmentation de la quantité de monnaie et de la demande pouvait se
traduire par un accroissement de la production et une diminution du
chômage.
Or, nous l’avons déjà relevé, les possibilités d’agir de la quantité de
monnaie étaient relativement minimes. Faute de pouvoir ou de vouloir
émettre de la monnaie de papier, faute de savoir faire une politique
raisonnable de « dévaluation », chacun tentait d’accroître sa part du stock
de métaux précieux ou du moins d’en limiter la diminution.
On pouvait y parvenir, théoriquement du moins, en interdisant la sortie
de monnaie. Les différents pays d’Europe connurent l’équivalent du
contrôle des changes de notre époque. Il n’était pas facile d’y parvenir et
surtout l’on pouvait craindre un effet contraire à l’objectif cherché. Interdire
des sorties de monnaie risquait d’empêcher l’achat de produits que l’on
pouvait revendre avec de gros bénéfices à l’étranger. Cela revient à dire, ces
réflexions sont de tous les temps et tous les contrôles des changes les
provoquent. que pour accroître la quantité d’or et d’argent, il faut avant tout
améliorer la balance du commerce, c’est-a-dire vendre à l’étranger plus
qu’on ne lui achète. On pouvait y parvenir en limitant les importations de
produits manufacturés par des droits de douane ou des prohibitions et en
favorisant les exportations. Au contraire il fallait laisser entrer librement les
produits bruts, de la laine par exemple, que les habitants du pays pouvaient
transformer en tissus et vendre à l’étranger. Pour la même raison on pouvait
interdire de taxer la sortie des matières premières. Ainsi le mercantilisme
vit-il s’édifier l’arsenal du protectionnisme.
Mais il ne suffisait pas d’interdire les importations ou de stimuler les
exportations. Encore fallait-il amener les habitants à fabriquer les produits
demandés y compris les produits de luxe dont on ne voulait pas priver les
cours royales et plus généralement les classes privilégiées. Il fallait donc
favoriser la constitution de manufactures, notamment de manufactures de
luxe qui dispensaient des importations les plus coûteuses par des privilèges,
par des subventions, par l’appel aux techniciens et aux ouvriers qualifiés
que les différents États se disputaient à prix d’or.
CHAPITRE II
Troisième partie
INTRODUCTION
1715.
Dès la fin, avant même la fin du règne de Louis XIV, des hommes
s’efforcèrent de discerner les lacunes des systèmes financiers, notamment
du système financier français, et proposèrent une nouvelle approche de ce
problème.
L’Écossais Law ne fut pas le seul, mais celui dont les premiers succès et
l’échec final furent les plus spectaculaires. Il n’est pas facile de démêler ce
qu’il y eut de fondé et ce qu’il y eut d’excessif dans ses idées et ses
réalisations. Du moins doit-on distinguer leurs divers aspects 206.
Un certain nombre d’observations l’avaient conduit à souligner
l’incidence de la monnaie sur l’activité et la prospérité des États. Il avait
réfléchi comme d’autres sur les insuffisances de la quantité de monnaie en
circulation à la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIIe. Il avait bien
discerné la part qu’il fallait faire à la faiblesse du stock monétaire et à
l’insuffisance de la vitesse de circulation de la monnaie. Il avait observé les
entraves apportées à l’activité de certaines régions par l’envoi des encaisses
des comptables provinciaux au Trésor parisien, faute des instruments de
crédit qui auraient dispensé de la longue « voiture des espèces ». Il estimait
qu’une monnaie de papier faciliterait le mouvement des fonds et que l’on
devrait s’acheminer vers la création d’une monnaie tout à fait affranchie
d’une base métallique trop souvent insuffisante. A défaut d’une telle
solution, l’exemple de la Banque d’Angleterre et de la Banque
d’Amsterdam montrait qu’il était possible d’émettre une masse de billets
dépassant le volume des encaisses.
Effectivement la banque de Law fondée en 1716, comme banque privée
en raison de l’opposition des financiers traditionnels, fut un véritable succès
et les Français apprécièrent les commodités offertes par cette nouvelle
monnaie 207.
En 1718 la banque devint banque royale.
Les idées de Law ne s’arrêtaient pas là. Ainsi qu’il l’écrit explicitement
au Régent en décembre 1715 : « La banque n’est pas la seule ni la plus
grande de mes idées. Je produirai un travail qui surprendra l’Europe par les
changements qu’ils porteront en faveur de la France, des changements plus
grands que ceux qui ont été produits par la découverte des Indes ou par
l’introduction du crédit. »
Impressionné par le succès des compagnies de commerce anglaises et
hollandaises, il fit décider en 1717 l’établissement d’une compagnie
équivalente, la Compagnie d’Occident, qui, absorbant d’autres compagnies
maritimes, devint par la suite la Compagnie des Indes en 1719. L’idée
n’était pas mauvaise en elle-même mais Law s’aveugla sur les difficultés de
sa mise en œuvre. Les bénéfices de la compagnie française étaient
relativement limités en raison du caractère de son domaine colonial. Pour
s’en tenir à cet exemple, on pouvait attendre beaucoup de la Louisiane mais
on ne pouvait espérer la mobilisation rapide des richesses potentielles d’un
territoire encore peu peuplé. En outre, les Français étaient moins enclins
que les voisins du Nord à s’intéresser au commerce d’outre-mer. Colbert
s’était déjà heurté à cet obstacle. Law tenta de le surmonter en faisant
miroiter par une intensive propagande d’énormes bénéfices et en
provoquant une violente spéculation. Les hausses fantastiques des actions
de la compagnie ne pouvaient, de toute évidence, durer indéfiniment. Tout
recul des cours risquait de provoquer l’échec de la compagnie et par là
même de la banque dont les émissions avaient été inconsidérément utilisées
au profit de la spéculation.
Le système de Law présentait un troisième aspect. La compagnie des
Indes prit en charge progressivement une série de tâches financières : la
ferme du tabac, la fabrication des monnaies, le bail des fermes générales,
les recettes générales.
Enfin la compagnie se chargeait de rembourser la dette publique
moyennant une rente de 45 millions. A cet effet elle émit des actions
nouvelles payables en contrats de rentes, en contrats d’État ou en billets de
la banque. Ce mécanisme apparaissait favorable à l’Etat qui bénéficiait
d’une réduction d’intérêts et aux créanciers qui échangeaient des titres de
valeur incertaine contre des actions dont on espérait des hausses
indéfinies 208.
Tout ceci signifiait une très dure atteinte aux intérêts des financiers
traditionnels auxquels on avait repris la ferme des impôts et ses bénéfices.
Ceux qui avaient été ainsi écartés — et leurs protecteurs de la grande
aristocratie — surent déclencher une spéculation à la baisse qui, après
diverses péripéties, devait emporter l’ensemble du système, y compris la
banque.
On connaît la suite : la liquidation du système confiée aux adversaires de
Law (les frères Paris) et le retour à la finance traditionnelle.
Certains des aspects du système de Law se retrouvent à l’étranger. Au
lendemain de la paix d’autres hommes d’affaires proposèrent à des
gouvernements de réduire leur dette en substituant aux créances sur l’État
les actions de compagnies de commerce. Ce fut du moins le cas en
Angleterre avec la Compagnie des mers du Sud à laquelle fut confiée le
soin de prendre en charge la dette publique. Ici également, la création de
multiples sociétés et une spéculation effrénée vinrent porter atteinte à ce
qu’il pouvait y avoir de fondé dans le système. L’effondrement des sociétés
fondées sur des bases de plus en plus fragiles atteignit la Compagnie des
Mers du Sud elle-même. Il s’ensuivit une crise politique grave dans le détail
de laquelle je ne saurais entrer.
Notons seulement que le système anglais de crédit ne fut pas durablement
atteint tandis que la chute du système de Law compromit pour longtemps la
possibilité de créer en France une banque d’émission.
Rappelons que dès sa création, en 1694, par les grands marchands de
Londres, la Banque d’Angleterre pouvait émettre des billets pour un
montant correspondant au capital (1 200 000 livres) prêté au roi.
La Banque d’Amsterdam, à son origine (1608), recevait des dépôts et
effectuait des règlements par virements mais n’émettait pas de billets. A
partir de 1683, elle commence à accorder des avances aux particuliers et des
récépissés commencent à circuler comme de la monnaie ordinaire.
Durant le XVIIIe siècle d’autres États s’engagèrent, avec plus ou moins
de succès, dans l’émission de la monnaie de papier.
Les États, comme les particuliers, commençaient à disposer de
techniques inflationnistes analogues à celles de notre époque.
S’y ajoutèrent des progrès en matière de circulation des fonds,
d’émission d’emprunts publics, de négociation des valeurs mobilières.
CHAPITRE II
CHAPITRE III
L’EXEMPLE AUTRICHIEN
De la liaison du commerce de la finance et de la puissance, un des
exemples les plus nets est celui de l’Autriche. Les traités d’Utrecht en
avaient fait un État à qui certaines possessions italiennes — et surtout la
possession des Pays-Bas — donnaient une virtualité commerciale
indiscutable.
Par le seul accroissement des droits d’entrée et de sortie, le
développement de la navigation pouvait fournir un appoint considérable aux
finances publiques en état très médiocre.
Après diverses tentatives, deux hommes d’affaires proposèrent un plan
complet de rénovation financière et commerciale comportant la création
d’une Compagnie privilégiée des Indes et du Levant avec siège à Anvers et
magasins à Ostende. L’empereur recevrait 1/8 des bénéfices, qui lui
permettrait d’acquitter ses dettes en quatre ans.
En 1722, la charte de la Compagnie fut approuvée par l’empereur 209.
Cette volonté de développement commercial inquiéta la Grande-
Bretagne, attentive durant tout ce siècle à freiner le commerce des autres.
Charles VI, à la suite d’une série de péripéties diplomatiques, abandonna la
Compagnie d’Ostende en contrepartie de la reconnaissance de la
Pragmatique Sanction, espérant assurer ainsi l’intégrité de ses États au
profit de sa fille 210.
Plus généralement, l’empereur sacrifia le commerce et la puissance
matérielle de ses États à la collection d’une série de garanties
internationales qui ne furent d’aucune utilité à Marie-Thérèse, car il n’est
guère de gouvernement qui n’ait renié sa signature.
Nous avons vu le résultat de cette politique : un État sans finances et par
conséquent sans armée.
LE DESPOTISME ÉCLAIRÉ
CHAPITRE PREMIER
CHAPITRE II
LE NÉO-MERCANTILISME
Comme leurs prédécesseurs, les souverains du XVIIIe siècle se rendirent
compte que l’accroissement de leur puissance financière supposait une
structure économique plus avancée.
Les uns et les autres s’efforcèrent de développer les échanges extérieurs
et particulièrement le trafic avec l’Asie, l’Amérique et l’Afrique. Ils
utilisèrent à cet effet, suivant les circonstances, le négoce libre ou la
compagnie de commerce.
Cette politique ne suffisait pas. L’infrastructure d’une fiscalité productive
supposait un minimum d’industrialisation en même temps qu’une
agriculture rénovée. Suivant l’exemple de la Grande-Bretagne et des
Provinces-Unies, la France chercha la solution dans un libéralisme
économique plus accentué. D’autres s’engagèrent dans des voies
antérieurement frayées et partiellement abandonnées par les puissances
dirigeantes du siècle.
Ce qu’avaient fait les Anglais au XVIe, les Français au XVIIe, les princes
allemands, l’Autriche, l’Espagne, la Russie s’efforcèrent de le réaliser au
XVIIIe siècle. Le mercantilisme s’y transporta avec ses
méthodes — protectionnisme, subventions à l’industrie privée, création de
manufactures.
A cet égard, la politique de Frédéric II, celle de Marie-Thérèse et de
Joseph II, celle de Philippe V, de Ferdinand VI, de Charles III, se
ressemblent.
Le mercantilisme du XVIIIe siècle — comme celui du XVIIe, mais avec
un accent un peu nouveau — combina l’intervention de l’État avec, dans de
nombreux domaines, une politique libérale : suppression de douanes
intérieures et de péages, atténuation des liens féodaux ou communautaires,
diminution des privilèges corporatifs, etc.
En tout cela, les mercantilistes rejoignaient les conclusions des nouveaux
économistes, les physiocrates et des disciples d’Adam Smith qui
s’attachaient à démontrer que leur système était, sur le plan fiscal, plus
efficace que celui des mercantilistes.
CHAPITRE III
LA MONNAIE ET LE CRÉDIT
Par comparaison avec son principal adversaire, la France était dotée d’un
système monétaire et d’une organisation du crédit nettement déficients.
Il n’existait pas de banque d’émission analogue à la Banque
d’Angleterre. Sans doute Law avait-il réussi à créer une banque qui eut, au
début, un plein succès. Mais les excès du « système » entraînèrent sa chute
et compromirent pour longtemps ce type d’établissement.
A défaut de techniques monétaires de type moderne, pouvait-on recourir
aux méthodes traditionnelles ? Faire varier la valeur libératoire de la
monnaie métallique et obliger les particuliers à faire refondre leurs écus ou
leurs louis, ces procédés archaïques ne semblaient plus de mise 220.
Le besoin des services qu’une banque d’émission pouvait offrir aux
milieux commerçants finit par triompher des mauvais souvenirs du début du
siècle : en 1776, le gouvernement permit à une banque privée, la « Caisse
d’escompte », d’émettre des billets. Mais lorsque le contrôleur général, en
1783, demanda une avance à cet établissement, il provoqua une telle
panique qu’il fallut revenir en arrière et renoncer à ce recours.
Le gouvernement pouvait naturellement emprunter mais dans des
conditions difficiles et à des taux très onéreux.
Faute d’un marché bien organisé, le contrôleur général s’adressait à ceux
que l’on appelait les « financiers », c’est-à-dire, dans la terminologie de
l’époque, à ceux qui participaient à la gestion des finances publiques.
Certains voulurent délivrer les finances royales de cette servitude. C’était
un des aspects du système de Law et ce fut une des raisons de son échec.
Son insuccès renforça durablement la puissance des « financiers » et rendit
plus difficile la réforme du crédit. Necker eut l’idée de substituer les
banquiers privés aux financiers de la cour. Mais, trop soucieux de réussir, il
emprunta à des conditions très onéreuses et techniquement indéfendables.
Indépendamment du retard du marché monétaire et du marché financier
français, la difficulté d’emprunter tenait au peu de rigueur de la gestion
financière.
A la base des emprunts répétés, des suspensions de paiement et des taux
excessifs nous trouvons non seulement le poids des guerres mais aussi
l’excès des dépenses inconsidérées. Leur volume importait moins que
l’impression de désordre et de facilité qu’elle donnait à l’opinion. La
faiblesse du crédit public tenait aussi — et peut-être surtout — aux lacunes
de la fiscalité.
LE PROBLÈME FISCAL
Les contrôleurs généraux se préoccupèrent assez peu de la réforme des
impôts indirects dont ils se contentèrent de majorer les taux. Eurent-ils le
sentiment qu’il valait mieux s’abstenir de réformer une branche très
rentable, mais difficilement défendable ? Furent-ils influencés par la
doctrine des physiocrates hostiles aux impôts indirects ou par le souci de ne
pas aggraver la hausse des prix ? Était-ce une des conséquences du régime
de la Ferme que le gouvernement hésitait à modifier parce qu’il utilisait à la
fois la compétence et le crédit de ses dirigeants ?
Pour ces raisons, d’autres peut-être, les réformateurs s’attaquèrent surtout
aux impôts directs.
Comme leurs prédécesseurs les contrôleurs généraux du XVIIIe siècle ne
pouvaient escompter de plus larges recettes que s’ils rendaient la
distribution de l’impôt plus équitable.
Certains pensèrent y parvenir en proportionnant la taille à des éléments
aussi simples que la superficie des terres, leur qualité, ou le nombre des
bêtes de labour. Des mesures prises au début de la Régence en vue d’établir
cette « taille tarifée » ne donnèrent de résultats appréciables que dans
quelques provinces.
Sans abolir la taille, il fallut créer un nouvel impôt, nommé le ou les
vingtièmes, un impôt qui ne comportait pas les exemptions inhérentes à la
taille et que l’on s’efforçait d’asseoir de façon plus équitable. Au lieu
d’apprécier de façon très approximative la fortune globale du contribuable,
on tentait d’appréhender chacun de ses revenus par des méthodes
appropriées. Une véritable administration fut montée à cet effet.
Mais la réforme fiscale se heurtait à deux sortes d’obstacles : la puissance
des privilèges et la structure de l’économie.
LA COURSE À LA RÉVOLUTION
Joints au poids des guerres et à la faiblesse des rois, tous les obstacles se
conjuguèrent pour entraîner la dégradation progressive de la situation
financière.
L’histoire de la France pendant soixante-dix ans se résume en une
succession de tentatives de réformes : celle du duc de Noailles ne réussit
pas ; celle de Pâris-Duverney qui fit instituer un prélèvement sur la récolte,
le cinquantième, entraîna la chute du duc de Bourbon et conduisit au long
ministère, financièrement passif, du cardinal Fleury ; Machault
d’Arnouville voulut faire du vingtième un impôt modéré, bien assis et sans
privilège d’aucune sorte : il dut partir sous la pression du clergé ; Silhouette
fut chassé et ridiculisé pour avoir voulu instituer un impôt foncier ; Bertin
prescrivit un recensement exact de tous les biens-fonds : il provoqua
l’opposition furieuse des parlements. L’endettement s’accentuant, l’abbé
Terray, après avoir fait une série de banqueroutes partielles, profita du
renvoi des parlements pour améliorer le fonctionnement de l’administration
du vingtième : il fut écarté à la mort de Louis XV dont le successeur, Louis
XVI, rappela les parlements ; Turgot s’occupa d’économie plus que de
fiscalité mais ses réformes suffirent à le rendre suspect aux privilégiés et
décidèrent son renvoi.
Tous ces ajournements du problème financier fondamental entraînèrent
un tel endettement qu’il fallut confier la direction des finances françaises à
un banquier genevois. Necker fit face aux dépenses de la guerre
d’Amérique par des emprunts très onéreux : ce n’est d’ailleurs pas ce qui
entraîna son départ mais sa volonté de mieux contrôler les dépenses.
Après quelques intermèdes, on se tourna Vers un habile fonctionnaire,
Calonne, qui réussit encore à emprunter pour un temps mais dut en venir à
proposer un programme de réformes, dont certaines étaient techniquement
bien conçues ; elles reposaient sur l’élimination des privilèges ; cela suffit à
le faire écarter, mais-son successeur, Loménie de Brienne, ne put que
reprendre l’essentiel de ses projets. Après diverses péripéties, devant
l’opposition des parlements et les désordres généralisés, le roi finit par se
résoudre à convoquer les états généraux.
Ainsi, la France, le pays qui vit publier un des’ premiers ouvrages de
sociologie politique, naître une des premières écoles d’économistes, paraître
une des premières encyclopédies modernes des sciences et des techniques,
est aussi le pays où les tentatives de réforme furent le plus souvent freinées,
contrecarrées, interrompues.
Le contraste entre un esprit critique relativement répandu, une volonté
réformatrice plusieurs fois affirmée et le blocage perpétuel des réformes
constituait un mélange explosif, plus explosif que la situation d’autres pays
européens où les conceptions des souverains étaient souvent en avance sur
celles de la grande majorité de la population.
TITRE III
Pour étonnant que cela puisse paraître à ceux pour qui révolution signifie
exaltation, enthousiasme, luttes sanglantes, volonté de rupture avec le passé,
audace généreuse et irréfléchie, les révolutions furent la suite, le
prolongement de ce grand mouvement rationaliste que constituait le
despotisme éclairé.
Les révolutions qui réussissent sont celles qui ont été longuement et
sérieusement préparées. Les hommes qui se soulèvent n’ont pas le temps de
méditer ce qu’ils feront : il faut un minimum de solutions toutes prêtes
substituant de nouveaux mécanismes à ceux qu’ils éliminent, assurant les
ressources nécessaires aux individus comme aux États.
Or, depuis le début du XVIIIe siècle ou antérieurement, des hommes
avaient réfléchi à ce que pourrait être une nouvelle société ; ils avaient
imaginé des constitutions, des institutions, des impôts. Bien plus. lorsque
des réformes avaient été tentées, réalisées, même localement, elles avaient
permis d’essayer des mécanismes dont on pouvait penser qu’il suffirait de
les généraliser pour répondre à tout un ensemble d’aspirations. Les
réformes des administrateurs éclairés préparaient les révolutions en les
rendant plus faciles.
Elles les préparaient aussi par les réactions qu’elles provoquaient.
Lorsque l’opposition des nantis était plus forte que la volonté des
souverains, l’échec des réformes montrait qu’il faudrait aller plus loin et,
pour parler net, que les réformateurs devaient devenir révolutionnaires.
Les privilégiés, de leur côté, sentaient bien qu’ils ne pouvaient s’en tenir
à une position négative. Pour éviter la perte de leurs avantages, ils avaient
besoin de participer au pouvoir. Ils devaient mettre en tutelle ces rois ou ces
empereurs incapables de respecter les termes du contrat tacite qui les
unissait aux classes favorisées de leurs États. Désireux de limiter le
despotisme, ils pouvaient s’allier à d’autres, notamment à la bourgeoisie,
également soucieuse de participer au pouvoir.
En France, par exemple, l’échec de la politique coloniale contrariait les
intérêts des milieux commerçants et en 1786 la conclusion d’un traité de
commerce mal préparé livra les manufactures françaises aux assauts des
usines anglaises ; les chefs d’entreprise eurent le sentiment que les résultats
eussent été meilleurs s’ils avaient eu leur mot à dire. Que dire enfin des
menaces de banqueroute, dans un monde où les titres d’État s’étaient
diffusés ?
Pour des motifs différents, une partie de l’aristocratie et la bourgeoisie
souhaitaient également tenir le pouvoir en tutelle.
A fortiori en était-il ainsi dans les territoires dépendant d’une métropole
qui n’hésitait pas à sacrifier leurs intérêts, notamment leurs intérêts
commerciaux, à ceux de la puissance dominante : c’était le cas des
possessions anglaises de l’Amérique du Nord et de l’Irlande comme de la
Belgique.
La puissance des États était trop forte pour qu’une aristocratie et une
bourgeoisie plus ou moins unies puissent venir à bout d’administrations
déjà évoluées et d’armées relativement puissantes. Mais la conjoncture
économique, favorable en un sens à la tranquillité des peuples, était, en un
autre sens, source de mécontentement et de troubles.
L’augmentation de la population et l’afflux monétaire avaient déclenché
une hausse des prix dépassant l’augmentation des revenus nominaux des
ouvriers et des paysans qui ne possédaient pas suffisamment de terres ou
supportaient de trop lourdes charges pour vivre en économie fermée.
Que le climat vînt à défavoriser les récoltes, alors se posaient de graves
problèmes de subsistance.
Les peuples rendaient le pouvoir responsable des famines d’autant plus
que les idées du temps incitaient certains administrateurs à ne pas
intervenir. La police des grains, peut-être inefficace, donnait du moins aux
affamés le sentiment que l’État se préoccupait de leur misère. Les attitudes
d’abstention leur semblaient intolérables.
On conçoit que les révolutions de la fin du XVIIIe siècle aient tenu à
l’influence des phénomènes financiers pour une part importante, mais non
exclusive.
L’impôt restait un des grands éveilleurs de la conscience politique et de
la conscience nationale. Mais ce n’était pas le seul. S’y ajoutait, plus ou
moins consciente, la volonté de participer au pouvoir. C’est parce que le
comportement des insurgés n’était pas purement négatif que le XVIIIe
siècle finissant vit s’ouvrir une ère qui n’était plus seulement une ère de
révoltes, mais aussi de révolutions ; des révolutions qui détruisirent
beaucoup, mais surent également construire dans bien des domaines,
notamment dans le domaine financier.
Deux révolutions doivent être examinées ici, l’américaine et la française,
en raison de leur origine financière et surtout des modifications qu’elles
apportèrent à la conception de l’État 226.
CHAPITRE PREMIER
La Révolution américaine
Jugeant que les colonies d’Amérique avaient tiré profit des sacrifices
consentis par. la mère patrie durant la guerre de Sept Ans, le gouvernement
anglais voulut leur faire supporter une partie du fardeau financier : d’où
l’établissement en 1765 de l’impôt du timbre 227.
C’était oublier que les colons étaient imbus d’une tradition plusieurs fois
séculaire qui rattachait le pouvoir d’imposer au système représentatif.
Devant l’opposition des délégués de neuf colonies réunis à New York, le
gouvernement britannique supprima l’impôt du timbre 228. Mais peu après
Townshend fit voter par le Parlement une série de droits indirects. Une autre
loi réorganisa le Service des douanes, créa des tribunaux de l’Amirauté pour
juger les procès de contrebande, stipulant que l’argent ainsi recueilli
servirait à payer des dépenses du gouvernement colonial : c’était retirer aux
colons une des armes dont ils disposaient à l’encontre des fonctionnaires
britanniques.
L’agitation reprit. Les colons employèrent, à nouveau et avec plus de
vigueur, l’arme du boycott, de telle sorte que les importations anglaises en
Amérique baissèrent dans des proportions très importantes. Le 5 mars 1770,
trois citoyens de Boston furent tués par des soldats britanniques.
La métropole céda de nouveau : les droits indirects furent abolis, à une
réserve près. Pour maintenir le droit d’imposer les colonies, une taxe sur le
thé fut maintenue.
Pour les Anglais, il s’agissait d’affirmer un principe, pour les Américains
de le contester. Ceux-ci n’étaient guère préoccupés du poids de ce dernier
impôt, pas plus que ne l’avaient été certains sujets des Stuarts, un Hampden
par exemple qui accepta de faire de la prison pour ne pas payer une taxe
illégale de quelques shillings. Comme les bourgeois puritains de l’époque
de Charles Ier, les Américains voulaient autre chose que le rejet de l’impôt.
Ils voulaient l’abolition du pacte colonial qui leur interdisait de commercer
à leur guise et d’établir des manufactures, la métropole se réservant le droit
de leur vendre des objets fabriqués et d’acheter leurs matières premières. La
non-participation au pouvoir, la non-représentation au Parlement de
Westminster, l’obligation de subir des impôts votés par d’autres signifiaient
l’impossibilité de défendre leurs intérêts. Dans le monde anglo-saxon, la
formule « no taxation without representation » avait une valeur de choc.
Les Anglais ne surent pas prendre au mot leurs compatriotes, ils ne leur
offrirent même pas d’être des citoyens britanniques à part entière.
Dans ce contexte psychologique, l’agitation fut relancée en 1773. Voulant
faciliter l’écoulement d’une partie des stocks de la Compagnie des Indes, le
gouvernement anglais lui donna le monopole de la vente du thé aux
colonies. Les commerçants américains répondirent par une contrebande à
laquelle la Compagnie essaya d’opposer une baisse de prix, lésant ainsi les
marchands et les fraudeurs. En outre, le monopole du thé pouvait être le
prélude à l’établissement d’autres monopoles. Des Américains déguisés en
Indiens prirent d’assaut des bateaux de thé et jetèrent les cargaisons à la
mer.
La « partie de thé de Boston » et les sanctions qui s’ensuivirent
déclenchèrent la résistance. Un nouveau Congrès, réuni à Philadelphie,
protesta contre les lois de répression (5 septembre 1774). En avril 1775. des
troupes britanniques qui voulaient mettre la main sur des dépôts d’armes
furent repoussées par des insurgés. La guerre commençait.
Le 4 juillet 1776. le Congrès adopta la déclaration d’indépendance.
La fiscalité n’avait pas été la seule cause de la lutte pour
l’indépendance 229. Elle avait largement contribué à son déclenchement.
Elle avait fourni une admirable justification. No taxation without
representation, c’était la règle pour laquelle les Anglais s’étaient battus tout
au long de l’histoire.
Il paraît inutile de souligner l’influence de cette révolution américaine sur
les révolutions du continent européen.
CHAPITRE II
CHAPITRE 111
La contribution foncière
La loi du 1er décembre 1790 sur la contribution foncière porte la marque
des réalisations et des projets antérieurs, consacrant la revendication
physiocratique de l’imposition du produit net, reprenant les systèmes de
déduction forfaitaire des frais d’entretien expérimentés dans la généralité de
Paris ainsi que les encouragements accordés en 1764 et 1766 à ceux qui
desséchaient des marais ou défrichaient des terres incultes.
La contribution mobilière
L’établissement de la contribution mobilière s’inspire des conceptions
qui, dans plusieurs villes, avaient conduit les « administrateurs éclairés à
répartir l’ancienne capitation à raison des loyers et avaient trouvé ce moyen
plus propre que tout autre à prévenir les inégalités et les injustices 234 ».
Après diverses modifications, la loi du 3 nivôse an VII reprit les principes
de 1791 en simplifiant leurs modalités : à quelques réserves près cette loi
régit la contribution mobilière jusqu’au début du XXe siècle.
Les patentes
La contribution des patentes n’avait pas été primitivement prévue cet
impôt sur l’activité commerciale et industrielle ne faisait pas partie des
conceptions physiocratiques, de telle sorte que le système établi resta
beaucoup trop simpliste. Il fallut attendre le milieu du XIXe siècle pour
élaborer un mécanisme fiscal relativement perfectionné, en ce sens que l’on
s’efforça de trouver pour chaque profession les signes caractéristiques de
son activité.
L’enregistrement et le timbre
En ce qui concerne l’enregistrement, l’Assemblée constituante reprit les
grandes lignes de la législation antérieure avec quelques améliorations et
aussi des imperfections que la loi du 22 frimaire an VII fit disparaître : on
conçoit que cette loi ait constitué si longtemps et constitue encore sur bien
des points la base de la législation française.
Quant au timbre l’Assemblée reprit jusque dans le détail le projet soumis
à l’Assemblée des notables.
Si l’œuvre financière de la Révolution ne doit pas être sous-estimée, on
ne doit pas en méconnaître les faiblesses.
La fiscalité jacobine
CHAPITRE VI
Par son arbitraire, l’emprunt forcé de thermidor an VII eut pour effet la
thésaurisation, la hausse du taux de l’intérêt, un arrêt des affaires, une
recrudescence du chômage.
Il provoqua, de la part de ceux qui étaient atteints ou se sentaient
menacés, une violente réaction contre le Directoire. Plus directement, il
détermina un certain nombre de capitalistes à fournir à Bonaparte un
minimum de moyens financiers — et à lui laisser espérer une aide s’il
réussissait 240.
De fait, lorsque le 3 frimaire le Premier Consul réunit un certain nombre
de banquiers, il reçoit la promesse d’un concours de 12 millions d’ailleurs
réduit par la suite. Il sait - et c’est là le fait important pouvoir compter sur
l’appui du milieu financier. Naturellement, une des premières décisions du
nouveau pouvoir consiste dans l’abrogation de l’emprunt forcé : dès le 23
brumaire an VIII, un message du gouvernement consulaire demande aux
commissions intermédiaires de « faire disparaître du code de notre
législation une loi qui le déshonore 241 ».
Bonaparte n’eut garde d’oublier cette leçon : le système financier qu’il
consolida et qu’il compléta ne pouvait déplaire à la bourgeoisie d’argent 242.
Il ne se trouvait pas devant une table rase. La Révolution avait éliminé
les privilèges ainsi que la dîme et les droits féodaux qui constituaient une
sorte de parafiscalité. Elle avait construit un système d’impôts directs,
maintenu et amélioré la législation de l’enregistrement et du timbre.
Que restait-il à faire ?
Reconstruire une administration capable de mettre en œuvre la législation
fiscale ; créer une banque d’émission et monter un système de trésorerie ;
rétablir des impôts indirects dont, manifestement. le budget ne pouvait se
passer ; enfin, préparant l’avenir, entamer la confection du cadastre.
CHAPITRE VII
Quatrième partie
LE XIXe SIÈCLE
INTRODUCTION
CHAPITRE PREMIER
LE RÉGIME DU CRÉDIT
Les États abandonnèrent les pratiques d’autrefois, le traitement
désinvolte de leurs créanciers, les banqueroutes délibérées, les réductions
autoritaires d’intérêts. L’exemple fut donné par le baron Louis le jour où il
décida Louis XVIII à respecter les dettes de l’Empire. Certains n’eurent pas
les mêmes scrupules — leur crédit s’en ressentit. Ils empruntèrent plus
difficilement et plus cher.
A des taux différents les uns et les autres purent avoir recours à des
emprunts largement répandus dans le public, grâce à l’action des banquiers
qui y trouvèrent de larges bénéfices.
Au premier rang de ces banquiers figurent les Rothschild. On sait
comment plusieurs frères originaires de Francfort s’étaient dispersés en
Europe au moment de l’Empire.
En raison de leur habileté et particulièrement de l’adresse de celui qui
s’installa en Angleterre, Nathan, ils surent organiser les mouvements de
fonds entre l’Angleterre et les armées que celle-ci envoyait ou
subventionnait sur le continent. Ils utilisèrent toutes les occasions, ils
profitèrent du désir de Napoléon d’appauvrir l’Angleterre de son or, ils se
servirent mieux que d’autres des lettres de change. Ils surent aussi spéculer
judicieusement grâce à un bon système d’information et à une bonne
prévision.
En définitive, au moment de la défaite de l’Empereur, Nathan et ses
frères apparurent comme les banquiers de la coalition victorieuse et de la
France vaincue. Les versements que la France devait faire aux alliés
supposaient de larges opérations de crédit. Les Rothschild surent
s’entremettre. Ils profitèrent de l’amitié des puissances alliées pour offrir
leur concours à des taux très élevés. Ils souscrivaient aux émissions des
titres de rente français à des cours très bas et les plaçaient à de bien
meilleures conditions. Ils réussirent dans d’autres pays des opérations
analogues.
Leur crédit était tel qu’ils purent jouer un rôle politique important. Ils ne
se contentèrent pas de soutenir la Sainte-Alliance — c’est-à-dire la victoire
du conservatisme sur la révolution. Ils furent, il faut bien le dire, des
facteurs de paix en se refusant à prêter aux fauteurs de guerre. En ce sens ils
furent à la source d’un pouvoir réactionnaire, certes, mais aussi
relativement pacifique.
L’ACTIVITÉ BANCAIRE
Aux profits que permettait le placement des valeurs mobilières publiques
ou privées s’ajoutaient les bénéfices résultant de la gestion des dépôts.
Moyennant de substantiels intérêts, les banques prêtaient les sommes
déposées par les entreprises ou les particuliers, satisfaits de pouvoir réduire
leurs encaisses. Pour les gestionnaires prudents, les risques étaient
relativement réduits. Les phénomènes de panique qui amenaient les
déposants à vider leurs comptes soudainement et tous ensemble n’étaient
pas fréquents. Dans les conditions courantes, les banquiers aménageaient
leur trésorerie de façon à faire face, sans difficultés, aux retraits de fonds
que le calcul des probabilités permettait de prévoir.
Ils disposaient en outre des mécanismes que les siècles précédents
n’ignorèrent pas mais qui se perfectionnèrent au cours du XIXe siècle. A
condition de prêter à court terme et à bon escient, les banquiers pouvaient
« mobiliser » leurs créances auprès de l’institut d’émission, sous forme de
réescompte ou de toute autre façon. Du jour au lendemain les prêts à
échéance rapprochée des banques de dépôt pouvaient être transformés en
argent comptant : cette seule possibilité suffisait généralement à rassurer les
déposants.
Sans doute, les porteurs de billets de banque pouvaient-ils en demander
le remboursement en pièces d’or ou d’argent. Mais, si la Banque centrale
conservait suffisamment d’espèces métalliques dans ses coffres et se
contentait de réescompter les traites à brève échéance, le risque d’un rush
des porteurs de billets était relativement mince. En cas de besoin le
gouvernement pouvait interdire provisoirement les remboursements en
espèces : il le faisait en temps de guerre ou de révolution.
Ce schéma comportait naturellement des variantes. Au mécanisme que
nous venons d’évoquer, celui de la France, on pourrait opposer le système
anglais qui reposait sur un emploi beaucoup plus répandu du chèque comme
moyen de paiement et sur une structure bancaire différente. Dans le fond,
les diverses techniques étaient voisines.
Elles reposaient, en définitive, sur le droit accordé aux banquiers de
créer de la monnaie. Que signifiait, en effet, le prêt, même à court terme, de
sommes déposées à vue ? Le déposant gardait la disposition de son pouvoir
d’achat qu’il pouvait utiliser du jour au lendemain en payant ses
fournisseurs par voie de virement ou de chèque. L’emprunteur détenait
également un pouvoir d’achat immédiatement utilisable. Le pouvoir d’achat
originel, celui du déposant, avait été doublé. Il pouvait même avoir été créé
purement et simplement. Prêtant à un commerçant, le banquier lui ouvrait
normalement un compte de dépôt pouvant donner lieu à chèques ou
virements, chèques ou virements qui entraînaient l’alimentation du compte
d’une autre personne dans une autre banque ou dans la même.
Curieusement, on mit un certain temps à discerner le caractère réel de ces
opérations combinées de dépôt et de prêt. Au début du XXesiècle
seulement, un Anglo-Saxon le résuma dans la formule brève mais
explicite : les prêts font les dépôts (« loans make deposits ») 269. Pendant
longtemps on ne se rendit pas compte de la source de profits que constituait
le droit accordé aux banques de dépôt.
CHAPITRE II
CHAPITRE III
L’ACCROISSEMENT DE LA PRODUCTION ET LE
RENDEMENT DES IMPÔTS
Nous pourrions prendre comme exemple n’importe lequel des États de
l’Europe occidentale.
En France, d’après les calculs effectués par l’équipe qui s’est attachée à
fournir des bases d’une histoire quantitative, la production par habitant
augmenta considérablement : de 252 F de 1815 à 1824, elle passe à 651 F
de 1905 à 1913 278. La marge sur laquelle pouvait s’exercer le prélèvement
fiscal, c’est-à-dire ce qui dépassait les besoins d’entretien et de
renouvellement de l’appareil productif ainsi que le minimum vital de
chacun, était en moyenne beaucoup plus élevée à la fin de la période.
En Grande-Bretagne même constatation : à prix constant le produit
physique par habitant aurait à peu près doublé au cours du siècle, passant de
11,3 £ en 1821 à 20,6 £ en 1901 279.
Ici également le prélèvement fiscal était plus facile du seul fait que le
« produit net » était plus important.
Dans les autres pays touchés par la révolution industrielle, on trouverait
des chiffres équivalents.
A côté de l’accroissement de la production et de la productivité, il
convient de tenir compte du développement de l’économie d’échange qui, à
lui seul et à production équivalente, facilita considérablement l’assiette et
la perception de l’impôt.
CHAPITRE IV
LE CONTRÔLE DE LA CIRCULATION
Parmi les denrées de « demi-luxe », les boissons fermentées figuraient en
bonne place. Or la production de beaucoup d’entre elles était trop
disséminée pour qu’il fût possible de les saisir à la source. Asseoir l’impôt,
chez le vigneron, pour s’en tenir à cet exemple, aurait multiplié des contacts
difficiles et irritants.
L’expérience confirmant le raisonnement montra qu’il fallait s’efforcer
de taxer les matières imposables à l’occasion des échanges, ou du moins
des transports, auxquels elles donnaient lieu, là où on était obligé de
rassembler la marchandise, de la stocker, de la faire transiter, de la vendre.
Deux exemples concrets, l’exemple français et l’exemple italien,
montrent bien comment, suivant la structure et la tradition de ces pays, le
fisc parvenait à saisir la circulation 286.
CHAPITRE V
CHAPITRE VI
L’esprit de la fiscalité du XIXe siècle
CHAPITRE PREMIER
CHAPITRE II
CHAPITRE III
CHAPITRE IV
CHAPITRE VI
L’EXEMPLE ITALIEN
L’exemple italien le montre bien. Créé en 1864 l’ « impôt sur les revenus
de la richesse mobilière donna lieu à des fraudes d’une si grande
importance qu’en 1877 le ministre des Finances Depretis consacra de longs
passages d’un de ses discours à en fournir quelques preuves 329 et qu’un
ouvrage entier fut consacré à ce problème 330.
Au début du XXe siècle, avec un taux d’impôt quatre à cinq fois plus
élevé que celui d’Angleterre ou de Prusse, le produit total était moins de
moitié de ce qu’il était en Prusse, moins du tiers de ce qu’il était en
Angleterre 331.
On ne pouvait s’en étonner lorsqu’on apprenait qu’en 1874 le revenu
moyen des pharmaciens s’élevait à 688 lires, celui des avocats à 756, des
médecins à 398, etc.
La situation n’a guère changé lorsque, en 1910, Pierre Perdrieux observe
que l’administration établit l’impôt en utilisant quelques indices et en
procédant à des « accommodements » avec les contribuables.
Cette évasion fiscale était liée, dans une large mesure, à la structure
économique de l’Italie.
En effet, là où le contrôle était facile, l’impôt était beaucoup mieux assis.
C’était le cas des sociétés dont la part était, en 1877, de 37 %, chiffre
vraisemblablement supérieur à la réalité.
Le ministre des Finances relevait également l’imposition plus exacte des
salariés « qui ne pouvaient cacher aucune partie de leur revenu ».
Cela revient à dire que si l’Italie avait compris plus de sociétés et plus de
salariés, l’impôt sur le revenu eût été beaucoup plus productif.
On peut penser que l’on s’était trop facilement accommodé des
« accommodements », il n’en demeure pas moins que la structure
économique italienne n’offrait pas au contrôle les mêmes facilités que
l’économie britannique ou allemande.
CHAPITRE VII
Progrès et illusions
Cinquième partie
LE XXe SIÈCLE
INTRODUCTION
CHAPITRE PREMIER
L’inflation destructrice
CHAPITRE II
Fascisme el fiscalité
En Italie les prélèvements fiscaux s’étaient accumulés, au moins sur le
papier : droits de succession qui pouvaient dépasser le montant de la
fortune, impôts sur le patrimoine et sur son accroissement, conversion
obligatoire en titres nominatifs de tous les titres au porteur émis par l’État
ou par les sociétés. Cette dernière loi resta lettre morte, mais le coup avait
été porté 338.
Cette politique n’était d’ailleurs pas contraire au plan initial du fascisme
(1919) qui comportait une confiscation des biens par une législation
successorale appropriée, un impôt sur le capital, un cadastre des fortunes.
C’était le premier programme, correspondant à la première phase des
mouvements de cette nature, celle durant laquelle ils s’efforcent de capter
des mouvements populaires pour pouvoir ensuite vendre leur appui à des
éléments capitalistes.
Ceux-ci ne s’y étaient d’ailleurs pas trompés. Aussitôt après la marche
sur Rome, le ministre des Finances, Stefani, se hâta de déclarer : « Un
système financier qui a pour base la persécution du capital est entaché de
folie 339. »
Le gouvernement Mussolini avait été constitué le 30 octobre 1922 ; le 10
novembre de la même année, un décret supprima l’obligation de donner aux
titres la forme nominative.
Il s’agissait « de faire comprendre à l’Italie et à l’étranger que l’ère de la
finance démagogique était définitivement close » 340.
On ne peut pas ne pas penser à l’attitude de Bonaparte supprimant au
lendemain du 18 Brumaire l’emprunt forcé du Directoire.
L’évolution continua dans le même sens. Un décret du 20 août 1923
supprima tout impôt sur les successions dévolues dans le cercle familial,
c’est-à-dire entre ascendants et descendants, conjoints, frères, sœurs et
neveux. Pour les parents plus éloignés, les droits furent considérablement
abaissés.
D’autre part, de 1924 à 1930, les droits portant sur les denrées de large
consommation furent fortement relevés.
Cette histoire se répète en Allemagne 341. Le programme nazi de 1920
comportait l’étatisation de la Reichsbank et le contrôle des banques privées,
la mise des titres au nominatif en vue de les transformer en participations
personnelles, la fermeture des bourses et — sous l’influence de Feder la
suppression de l’intérêt. Il fallait attirer des prolétaires ou des petits-
bourgeois pour avoir des troupes permettant d’obtenir l’appui financier de
la grande industrie.
En fait, la prise du pouvoir par Hitler se caractérisa par un certain nombre
de mesures destinées à la fois a lutter contre le chômage en stimulant les
investissements et à favoriser les détenteurs de capitaux.
La loi du 15 juillet 1933 accorda des exemptions d’impôts en faveur des
nouvelles entreprises ou des nouveaux investissements. Une réduction de
moitié des impôts non payés fut accordée aux fraudeurs a condition qu’ils
participent aux emprunts de lutte contre le chômage.
On peut noter également la déduction des charges entraînées par les
domestiques, assimilés aux enfants mineurs.
La « réforme fiscale » du 16 octobre 1934 comportait entre autres
dispositions l’abrogation de la loi de 1922 relative à l’impôt sur
l’accroissement de fortune, l’extension de l’impôt sur le revenu aux sociétés
cooperatives, la réduction très sensible des droits de succession entre époux
en ligne directe, etc.
Il ne paraît pas inutile, ne serait-ce qu’afin d’avertir ceux qui resteraient
encore tentés par des mouvements de ce genre, de rappeler ce que devinrent
les systèmes fiscaux fascistes et nazis.
Les nécessités budgétaires, dues elles-mêmes à la place que tenaient dans
ce type de régimes les dépenses militaires, la police, l’aide aux privilégiés
et la guerre, obligèrent à demander un plus gros effort financier aux classes
possédantes.
En Italie, dès 1926, et plus encore à dater de la guerre d’Éthiopie, se
manifeste une tendance sensiblement différente de celle qui était apparue
lors de l’installation du régime 342.
C’est surtout à partir de 1935 que se marque cette évolution, dont on
pourrait dire qu’elle est la seconde duperie du fascisme, celle des
capitalistes après celle des travailleurs. En 1935 une taxe spéciale sur les
titres au porteur est créée et les distributions de dividendes sont limitées,
cette dernière disposition étant remplacée en 1936 par un impôt
extraordinaire et progressif sur les dividendes, en même temps que sont
institués un impôt extraordinaire et un emprunt forcé sur la propriété
immobilière. Apparaissent un impôt extraordinaire sur le capital des
sociétés de capitaux en 1937, et sur le capital des sociétés de personnes et
des entreprises individuelles en 1938 343, en attendant l’impôt ordinaire sur
le patrimoine des personnes physiques et morales de 1939.
En Allemagne la pression fiscale est également renforcée en 1936, 1938
et 1939.
CHAPITRE III
De la crise économique au déclenchement de la Seconde Guerre
mondiale
La crise de 1929 était analogue à toutes celles que le XIXe siècle avait vu
se répéter à intervalles réguliers mais son ampleur dépassait ce que l’on
avait connu jusqu’à présent. Le cataclysme financier se prolongeait en
catastrophe économique.
Il paraît inutile de rappeler les faillites multiples, les millions de
travailleurs licenciés, la production réduite de 30 %, 40 % 50 % dans
certains pays.
Par son ampleur, la crise économique semblait réaliser les prédictions de
Marx ; c’était la crise catastrophique, celle qu’il trouvait au bout de ses
équations, celle qu’il croyait, à vrai dire, beaucoup plus proche. Un seul
pays industriel y échappait, l’U.R.S.S. L’ensemble du système économique
et du régime politique des pays capitalistes était compromis, discuté, remis
en cause.
Doit-on rendre responsable la fiscalité ? Non, mais on peut dire que les
charges fiscales renforcées à contre-courant aggravèrent la situation. Faute
d’une analyse correcte, les responsables ne virent pas que la dépression
tenait à l’insuffisance de la demande globale, c’est-à-dire de la masse des
débouchés offerte à la production.
Ils ne virent pas que les difficultés de leurs budgets tenaient à l’incidence
de la baisse de la consommation, de l’investissement, de la production et
des revenus sur les recettes fiscales. Aggraver les impôts pour réduire le
déficit c’était diminuer un peu plus le pouvoir d’achat des individus et des
entreprises, c’était restreindre les débouchés, c’était accentuer le déficit.
Hantés par les souvenirs des inflations d’après guerre, les ministres des
Finances ne virent pas que l’industrie reconstruite, bien outillée, bien
équipée aurait gagné à des déficits budgétaires délibérés qui, augmentant
directement et indirectement le pouvoir d’achat, auraient permis la remise
au travail des chômeurs, l’accroissement de leurs ressources et, par une
série de réactions en chaîne, le rétablissement de l’économie.
Certains le comprirent, mais trop tardivement.
TITRE II
LA RÉVOLUTION FINANCIÈRE DE
L’OCCIDENT
CHAPITRE PREMIER
CHAPITRE II
L’impôt et l’emprunt
On comprend mieux ce qui distingue l’impôt d’un autre procédé de
« financement », l’emprunt. Très voisin de l’impôt, lorsqu’il s’agissait
essentiellement de recueillir de l’argent, l’emprunt en est très différent
lorsqu’on apprécie l’effet de la politique financière sur la demande. On
n’avait, sans doute, pas besoin de cette analyse pour éviter une confusion
qui pesa sur les finances de certains pays — de la France notamment — au
lendemain de la Première Guerre mondiale. Il n’est cependant pas inutile de
la rappeler. En effet, à plusieurs reprises durant les trente dernières années,
des gouvernements se figurèrent à nouveau avoir conjuré l’action d’une
demande très vive sur un marché très restreint par le lancement de grands
emprunts publics. L’expérience a montré qu’il n’en était rien 348.
L’analyse de la fonction économique de l’impôt incite à l’utilisation de
procédés intermédiaires entre l’emprunt et l’impôt.
Il en est ainsi de l’emprunt forcé, des systèmes de pécules ou des limites
apportées à la distribution des dividendes. Ces mécanismes intermédiaires
ressemblent à l’emprunt en ce sens que les sommes bloquées restent dans le
patrimoine de leurs titulaires ; ils ressemblent à l’impôt en ce sens que, le
blocage excluant toute possibilité de négociation, il n’est pas possible de
reconstituer directement les liquidités correspondantes.
De façon délibérée un certain nombre de pays y ont eu recours en vue
d’obtenir des effets économiques voisins de ceux de l’impôt 349.
A l’heure actuelle, les restrictions apportées au crédit à la consommation
constituent un autre moyen non fiscal de réduction des dépenses
privées — et de lutte contre l’inflation.
CHAPITRE III
Les États-Unis.
Les États-Unis sont un des pays où l’emploi du budget et de la fiscalité
comme instruments d’équilibre s’est heurté pendant longtemps aux plus
grandes résistances.
Le dogme de l’équilibre budgétaire y a toujours été l’objet d’une grande
révérence. Il n’est peut-être pas exagéré de dire que les atteintes qui y furent
portées lors du New Deal ont revêtu aux yeux de certains un caractère
véritablement diabolique 353.
Cet arrière-plan psychologique explique, pour partie, la politique
économique du président Eisenhower dont l’action restrictive devait
entraîner une forte progression du chômage ; de 4 % en 1955-1956 à 7 % en
1960-1961.
Kennedy se fixe, au contraire, comme premier objectif, la pleine
utilisation des ressources du pays et la réduction du chômage.
Une importante augmentation des dépenses accompagnée d’une
augmentation d’impôts ne suffisant pas, il demande au Congrès de donner
au président le droit de réduire temporairement le tarif de l’impôt sur le
revenu et d’accélérer les dépenses d’équipement. Aucune de ces demandes
n’aboutit. Vers la fin de 1962 le Congrès se contente d’ouvrir 900 millions
de dollars de crédits pour les travaux publics.
Convaincu de la nécessité de lutter contre les principes budgétaires
traditionnels, Kennedy déclenche une campagne d’information qui
commence par un discours à l’Université de Yale.
Il n’en demeure pas moins nécessaire d’attendre treize mois, durant
lesquels le chômage n’est jamais inférieur à 5,3 %, avant de faire accepter
par le Congrès des réductions d’impôt.
La situation de l’emploi s’améliorant rapidement, l’opinion publique finit
par admettre que l’impôt et le crédit peuvent être utilisés au bénéfice de
l’économie.
L’Allemagne
Jusqu’à 1960 les dirigeants de la R.F.A. considéraient que les
mécanismes automatiques du marché et des mesures monétaires suffisaient
à résoudre les problèmes de l’équilibre économique. Toutefois certaines
expériences — notamment l’accroisement considérable du chômage en
1967 — ont conduit les dirigeants allemands à réviser leur position.
Ils ont tenté de se donner les instruments fiscaux et budgétaires d’une
politique de croissance plus équilibrée.
D’après la loi de stabilisation de 1967 le gouvernement est autorisé à
majorer ou à réduire les dépenses budgétaires, dans certaines limites, en
deçà ou au-delà des crédits votés par le Parlement.
Il peut bloquer une partie des recettes de l’État fédéral et des Länder dans
un « compte conjoncturel » à la Banque centrale et les débloquer quand la
situation économique le rend opportun.
Il peut augmenter ou réduire de 10 % au maximum les tarifs des impôts
sur le revenu. D’autres dispositions fiscales intéressant les investissements
et les amortissements des entreprises peuvent également être décidées.
La prise de toutes ces mesures n’est subordonnée qu’à une procédure
parlementaire très sommaire.
C’est là un bon exemple des modifications constitutionnelles que le souci
d’une croissance équilibrée peut rendre souhaitables 354.
La Suède
Dès 1933 Gunnar Myrdal proposait d’utiliser délibérément le budget et
l’impôt en vue d’assurer l’équilibre économique et le plein emploi. Cette
idée fut retenue et le principe d’une politique budgétaire anticyclique
officiellement adopté en 1937 ; le budget des opérations courantes devait
être équilibré en longue période mais il pouvait comporter des années de
déficit, ultérieurement compensées par des années d’excédent.
Par la suite, la Suède s’engage délibérément dans la recherche de
l’équilibre économique, utilisant à la fois l’octroi des permis de construire,
le crédit, la fiscalité et les dépenses publiques.
Parmi les moyens qui permettent d’agir rapidement sur la conjoncture
figurent trois séries de dispositions.
Outre les crédits normaux d’investissement, le Parlement vote un crédit
additionnel de 10 % que le ministre des Finances peut utiliser en période de
récession.
Il peut également faire appel à un budget d’intervention conjoncturelle
dans lequel figurent des projets d’investissement précis dont l’étude a été
suffisamment poussée pour que leur démarrage puisse être effectué dans un
bref délai.
Un troisième mécanisme permet d’agir sur les investissements des
entreprises privées. Toute entreprise peut affecter, en franchise d’impôt,
40 % de ses bénéfices a une réserve pour investissement. 46 % de cette
réserve doivent être déposés à un compte bloqué à la Banque centrale.
L’ensemble de ces fonds peut être débloqué, suivant diverses modalités qui
toutes visent à favoriser les investissements dans les régions où le chômage
est important, dans certains secteurs, ou pour constituer des stocks
supplémentaires 355.
CHAPITRE IV
CHAPITRE V
L’IMPÔT ET L’ACTIVITÉ
Il y a deux siècles, ceux qui écrivaient sur l’impôt, beaucoup d’entre eux
du moins, relevaient son caractère stimulant. C’était devenu une sorte de
lieu commun 363.
Au XXe siècle, des économistes, des chefs d’entreprise, des hommes
d’État insistent au contraire sur la réduction d’activité provoquée par
l’impôt.
Ce contraste s’explique par le double effet de l’impôt : d’un côté il
stimule, de l’autre il freine.
Il stimule parce qu’il réduit le revenu, incitant le contribuable à travailler
plus pour récupérer, en partie, ce qu’il a dû payer.
Il freine toutes les fois qu’il porte sur le produit de l’activité.
Ce sont là des conséquences évidentes, mais non exclusives, de l’impôt
sur le revenu. Les impôts indirects ont également cette double incidence :
augmentant les prix, ils diminuent le pouvoir s’achat réel des individus.
Cependant ils portent une moindre atteinte aux dispositions pour le travail,
on peut y échapper en voyageant à l’étranger, les produits sont inégalement
taxés et surtout, il faut bien le dire, leur poids se sent beaucoup moins.
Il faut également faire intervenir un effet de frustration. Payer un impôt
visible, inscrit sur la feuille de paye en cas de retenue à la source, provoque
le sentiment d’être dépouillé. L’homme a l’impression que son activité est
pénalisée.
Ces phénomènes de freinage sont renforcés par la progressivité des
tarifs. L’heure supplémentaire est plus taxée que l’heure normale, le travail
supplémentaire plus que l’activité courante. Or tout supplément de travail
augmente la fatigue et le désir de repos. Avec la progressivité de l’impôt, la
« désutilité » du travail l’emporte plus vite sur son utilité. Le contribuable
estime que la société ne souhaite pas le voir travailler davantage.
Indépendamment des mesures à prendre pour réduire la frustration 364,
peut-on compenser les effets restrictifs de l’activité ?
On peut, s’attaquant directement à un aspect du problème, détaxer le
produit des heures supplémentaires. Divers pays le font à l’heure actuelle.
la République fédérale allemande, l’Autriche, l’Italie.
Une autre façon de rechercher l’égalisation sans atteindre exagérément
l’activité consiste à faire un plus large appel aux impôts de consommation,
quitte à différencier leurs tarifs.
On peut enfin recourir aux impôts fixes dont le montant est, par
définition, indépendant des résultats de l’activité. Réduisant les ressources
des individus ils les incitent à travailler davantage et, comme la contribution
n’augmente pas en fonction de l’augmentation des revenus, rien, en
première analyse, n’incite un redevable à modérer son effort au-delà des
propensions naturelles au repos et au loisir.
C’est là un des effets de la capitation. Dans certains pays, notamment en
Afrique, il fut, au XIXe siècle, largement utilisé. Mais il est difficile de
donner une large place à une contribution de ce genre dans les sociétés
industrielles. Par contre on peut penser, nous le verrons, à l’impôt sur le
capital.
L’IMPÔT ET L’ÉPARGNE
De différentes façons les systèmes modernes d’impôts tendent à
restreindre la propension à l’épargne 365.
Lorsqu’un homme met de côté une fraction de revenu qui a déjà supporté
l’impôt, il sait que le revenu de son placement sera également frappé.
On peut soutenir que l’individu épargnera plus pour compenser un
prélèvement fiscal. Mais il est possible qu’un double prélèvement ait un
effet inverse 366.
Les impôts de consommation n’ont pas cet effet. Ils n’atteignent le
revenu que lorsque celui-ci est dépensé.
Certains caractères des impôts contemporains balancent partiellement les
effets défavorables a la propension à l’épargne individuelle mais non sans
affecter les modes de gestion des entreprises.
Dans les pays où n’existent ni impôt sur le capital ni impôt général sur
les gains en capital — c’était jusqu’à 1976 le cas de la France, réserve faite
de la taxation des gains immobiliers ou des plus-values des entreprises —,
les individus peuvent choisir des placements dont ils espèrent retirer, sous
forme d’une augmentation de la valeur de leur capital, des profits qui ne
devront rien au fisc 367.
Il faut tenir compte, d’autre part, du développement de l’épargne des
sociétés, elle-même provoquée, dans une large mesure, par la législation
fiscale.
Tout ceci provoque, dans les méthodes de financement des entreprises,
des distorsions dont on a pu dénoncer les inconvénients. Que l’épargne
tende à s’investir là où elle a pris naissance n’est pas, du point de vue de
l’économie générale, la solution la meilleure.
Des États ont donc adopté des mesures destinées, de façon explicite, à
encourager les actes d’épargne individuelle, en exonérant des placements
déterminés ou des engagements d’épargne.
Ces règles sont-elles efficaces ? Nous aurons à nous poser la question.
L’IMPÔT ET L’INVESTISSEMENT
Les investissements sont particulièrement atteints par l’impôt à tendance
égalitaire :
— parce qu’il s’agit d’un impôt sur le revenu ;
— parce que cet impôt est progressif ;
— parce que la progressivité comporte, en elle-même, une menace pour
l’avenir.
Les investissements les plus atteints sont ceux qui ont la plus grande
utilité pour la société.
Ressentis ou redoutés, ces effets ont été atténués par une série de
mesures dont l’adoption successive constitue un des aspects de l’histoire
contemporaine de la fiscalité.
L’une d’entre elles consiste dans le report des pertes. Le risque sera plus
facilement accepté si l’on sait que l’on pourra déduire le déficit d’un
exercice du bénéfice imposable de l’un des quatre, cinq ou six exercices
suivants. Certaines législations admettent aussi que les pertes soient
imputées sur les profits d’une année antérieure.
La constitution de provision en franchise d’impôt permet de déduire du
bénéfice d’un exercice des risques futurs éventuels 370.
L’extension des facilités d’amortissement est un des moyens les plus
utilisés pour développer l’investissement.
En principe, il s’agit de déduire une somme correspondant aussi
exactement que possible à la dépréciation effective d’un immeuble ou d’une
machine, qu’il s’agisse d’une dégradation physique, l’usure, ou
économique, la désuétude, notion exprimée par le terme anglo-saxon
difficilement traduisible d’ « obsolescence ». Des forfaits ont naturellement
été établis pour les diverses sortes de bâtiments et d’outillages.
Le souci d’accroître la puissance de leur industrie et celui de lutter contre
la stagnation et le chômage par une « relance » de l’investissement ont
conduit les gouvernements — la propension est assez générale — à
envisager plus libéralement le problème de l’amortissement. Ils ont
raccourci les délais et substitué à l’amortissement dit linéaire
l’amortissement dégressif. Lorsqu’on estime que la vie utile d’une machine
durera cinq ans, au lieu d’autoriser l’entreprise à verser chaque année à un
fonds d’amortissement 20 % de la valeur de cet outillage (amortissement
linéaire), on peut lui accorder le droit de porter la première déduction à un
taux nettement supérieur, 40 % ou 50 % par exemple (amortissement
dégressif).
On peut soutenir que la dépréciation économique la plus forte se situe au
début : une machine neuve du jour de son achat devient une machine
d’occasion. Il n’en demeure pas moins que l’amortissement dégressif
permet à l’entreprise de réaliser un bénéfice appréciable grâce au placement
des sommes mises de côté en franchise d’impôts 371.
LA RÉVOLUTION INACHEVÉE
LA MONNAIE
Nous avons non sans peine, disons plutôt : non sans douleur et
catastrophe, dépassé la monnaie de Gyges corrigée par les banquiers des
temps modernes. Mais faut-il vraiment s’en tenir à cette monnaie fiduciaire,
un des meilleurs instruments d’exploitation que l’homme ait su monter
puisque certains peuvent, en fabriquant du papier, s’approprier le travail et
la richesse des autres ? Que les partis révolutionnaires ne se soient pas
attaqués à ce talon d’Achille du système capitaliste, on serait tenté de s’en
étonner. On sera encore plus surpris que des réformateurs ne se soient pas
avises qu’il existait peut-être des moyens de réaliser le plein emploi sans
tomber dans l’inflation. Nous verrons, à propos du problème de l’équilibre
et de la croissance, que la révolution monétaire reste à faire car elle seule
peut fournir un des éléments essentiels de la solution.
LE CRÉDIT
LA FISCALITÉ
LA TECHNIQUE BUDGÉTAIRE
Comme l’impôt, le budget conserve toute son utilité politique : son vote
reste le meilleur moyen, pour une assemblée, d’éviter une prépondérance
excessive du pouvoir exécutif. Il présente également une utilité
économique. Le seul fait de rassembler dans un même document et de
confronter toutes les dépenses et toutes les recettes de l’État permet — ou
plutôt devrait permettre — de ne pas sacrifier l’essentiel à l’accessoire, le
plus utile au moins utile. Encore faut-il que l’on sache tirer parti de cette
institution. Pour que le budget permette à la collectivité de choisir en
connaissance de cause, il faut fournir à ses représentants et à l’opinion tout
entière des informations précises et claires. Il faut que chacun sache ce que
coûte chaque service et ce qu’il rapporte afin de se demander si ce qu’il
apporte en bien-être, en sécurité, en enseignement, etc., en vaut la peine. 373
Cette idée était à la base des travaux entrepris au lendemain de la
Seconde Guerre mondiale par le Comité central d’enquête sur le coût et le
rendement des services publics. Elle a été reprise, sous une terminologie un
peu différente, avec ce que les Anglo-Saxons appellent Planing
Programming Budgeting System (P.P.B.S.) et ce que l’on nomme en France
Rationalisation des choix budgétaires (R.C.B.). De telles méthodes ont été
mises en œuvre. Mais nul n’oserait prétendre qu’elle ait été toujours
employée et toujours suivie : s’il en avait été ainsi, un certain nombre de
gaspillages et de scandales seraient invraisemblables. A notre connaissance,
il n’existe pas un budget au monde qui soit réellement un budget de prix de
revient. Dans ce domaine la révolution n’est pas inachevée, elle est à peine
entamée.
Nous ne saurions nous étendre autant qu’il le faudrait sur chacune de ces
institutions, notamment sur le crédit et le budget. Il a paru préférable de
reprendre quelques grands problèmes et de montrer que l’emploi judicieux
des techniques financières — ce qui suppose, dans certains cas, un véritable
bouleversement des méthodes et des conceptions actuelles — permettrait
seul de les résoudre. Il en est ainsi du problème de l’équilibre économique,
qui commande aussi bien le problème de l’emploi que celui de l’inflation,
du problème conjoint de l’égalité et de la productivité, du problème de
l’environnement.
CHAPITRE PREMIER
CHAPITRE II
Conclusion
L’utilisation de l’impôt comme instrument de progrès doit bien entendu
se combiner avec celle du crédit ou de la subvention — cet impôt à
rebours — et de la tarification des services publics 386.
L’essentiel consiste à ne plus séparer l’impôt — chargé de procurer des
ressources au Trésor — de la dépense publique.
Il faut se dire constamment que l’impôt doit non seulement faire rentrer
de l’argent mais aussi réduire les charges de la collectivité. Cette optique
nouvelle n’est pas suffisamment familière aux praticiens des finances. Dans
ce seul sens on pourrait parler d’une révolution fiscale.
TITRE IV
A la fin du XIXe siècle on se faisait souvent une image très simple et très
simpliste de ce que pourrait être le collectivisme. Il ne pourrait s’agir que
d’une économie de caserne ; l’État déterminerait la tâche de chacun ; il
fixerait produits et services attribués à chacun : nourriture, logement,
habillement, distraction, etc. Le problème du choix ne se poserait pas.
L’autorité publique déciderait pour chacun.
Dans un tel régime les techniques financières — qui sont avant tout des
techniques de choix et d’initiative — perdraient de leur importance. On
pourrait, à la rigueur, se passer de monnaie et d’impôt sans parler de crédit
et d’emprunt.
En fait, le souci d’assurer à la production un maximum d’efficacité, au
consommateur un maximum de satisfaction et au travailleur un maximum
de liberté conduit à maintenir ou à réintroduire les principales techniques
financières.
Une analyse économique simple permet de déterminer les lignes
principales de ce que doit être le système financier d’un régime de ce type.
L’examen de l’évolution de l’U.R.S.S. et d’un autre pays de l’Europe de
l’Est montre comment les faits se sont conformés à la logique des choses. Il
montre aussi qu’un recours plus complet aux techniques financières
permettrait de surmonter les difficultés économiques de ces pays 387.
CHAPITRE PREMIER
La productivité de l’entreprise
Une entreprise ne saurait être bien gérée si ses dirigeants ne peuvent
prendre des initiatives, s’ils sont obligés d’attendre des ordres tardifs et mal
adaptés à la situation.
Mais la liberté de gestion d’une entreprise dont le gérant n’est pas
propriétaire risque d’être défectueuse, entachée du goût de produire et de
construire sans souci du prix de revient. Il est donc indispensable que
l’initiative s’accompagne de responsabilité, disons plus nettement d’un
mécanisme de récompenses et de sanctions.
L’impôt peut en être l’instrument.
Il s’agit là, est-il besoin de le dire, d’une analyse schématique qui néglige
beaucoup de problèmes particuliers. Elle peut permettre cependant de
mieux comprendre l’évolution du régime économique de l’Union
soviétique, comme celle des autres pays collectivistes.
CHAPITRE II
LA RÉFORME DE 1965
En 1962 un professeur à l’université de Kharkhov, Evsei Liberman,
proposa de modifier profondément les conditions de gestion des
entreprises 398. Ces idées donnèrent lieu à une série de discussions et de
critiques 399. Celles-ci se poursuivirent à l’Académie des sciences qui
approuva les propositions de Liberman, mais avec des réserves. Ces
discussions ne furent pas inutiles. Fournissant une explication du
ralentissement de la croissance économique de l’U.R.S.S., offrant des
propositions qui avaient subi l’épreuve de la critique, elles venaient à leur
heure. Elles inspirèrent la réforme de 1965 400.
Celle-ci visait a la fois une plus grande autonomie de l’entreprise et, ce
qui en était la condition, l’établissement d’un mécanisme de récompenses et
de sanctions.
RÉSULTATS DE LA RÉFORME
Le nombre des entreprises appliquant le nouveau système augmenta
progressivement. En 1970 elles assuraient 93 % de la production totale de
l’industrie.
Très appréciable au début, la progression des résultats a tendu à
s’atténuer par la suite. La réforme n’a donc pas répondu entièrement aux
espoirs qu’elle avait suscités. Les observateurs, tant soviétiques
qu’étrangers, en ont déjà longuement disserté. Il semble que les raisons
suivantes puissent être données.
CHAPITRE III
Autonomie de gestion
Les kolkhozes 403 ont plus de liberté quant au choix de leurs productions :
ils n’ont plus à respecter qu’un plan de vente. Ils ont le droit de développer
les activités non agricoles, notamment de créer des entreprises auxiliaires et
d’artisanat pour employer la main-d’œuvre durant la morte-saison.
Sans entrer dans le détail, observons seulement que dans l’ensemble des
pays de l’Europe de l’Est, des réformes analogues à celles de l’U.R.S.S. ont
été apportées à la gestion des entreprises agricoles et à leur fiscalité.
CHAPITRE IV
CONCLUSION
L’ignorance
Notes
1
Cf. Livre de l’impôt foncier écrit au VIIIe siècle par le cadi de Bagdad.
2
Ajoutons le système des « liturgies » sur lequel nous reviendrons plus loin.
3
Il paraît inutile de les recenser : « échanges silencieux » encore en vigueur
dans certains pays, cadeaux qui provoquent en contrepartie d’autres
cadeaux (potlatch), etc.
4
Le négoce des Phéniciens reposait essentiellement sur le troc.
5
A ce moment-là, on pouvait presque supprimer la référence à l’orge et se
contenter de fixer l’amende en une monnaie de compte immatérielle dont
chaque unité valait telle quantité de tel produit, telle quantité de tel autre,
etc.
6
Des villes grecques d’Asie Mineure suivirent cet exemple : Milet, Phocée
puis Égine, Corinthe et Athènes et, vers la fin du Ve siècle, les cités
marchandes de Phénicie. Précisons que parmi les premières monnaies
figuraient des pièces d’électrum, mélange d’or et d’argent.
7
Les monnaies soigneusement contrôlées quant à leur composition et à leur
poids étaient naturellement recherchées, même en dehors du territoire des
États qui les émettaient. Mais si le bénéfice de la frappe était exagéré, les
étrangers — et même les nationaux — avaient tendance à ne plus accepter
les pièces de monnaie que comme de petits lingots en fonction de leur poids
en métal précieux.
Les monnaies « divisionnaires » qui facilitaient les petites transactions
pouvaient être acceptées pour leur valeur nominale sur le territoire des États
qui les émettaient.
8
Cf. R. Weill, Les Décrets royaux de l’ancien empire, in « Chartes
d’immunités dans l’ancien empire » (A. Moret, Journal asiatique, 1912 à
1917).
9
Parmi les indications à relever citons la correspondance d’Hammourabi,
qui, aux environs du IIe millénaire avant l’ere chrétienne, régnait sur un État
relativement bien organisé. Les palmeraies du domaine royal etaient
entretenues par des jardiniers qui versaient une partie du produit des
dattiers. On evaluait la quantité des dattes vertes sur les arbres. Au moment
de la récolte le jardinier devait verser la moitié ou les deux tiers en dattes
mûres. Le cultivateur dont le champ n’avait pas été arrosé n’etait pas tenu
de payer son lover. C’est là un simple exemple d’une methode qui a persiste
dans cette région jusqu’aux abords de notre epoque.
10
Cf. le Livre des Rois.
11
Les plus anciens spécimens de monnaie remonteraient au Ve siècle.
12
Tel était, du moins, le système fiscal de l’époque des Han (202 av. J.-C.-220
apr. J.-C.).
13
Jacques Pirenne, dans son Histoire des institutions et du droit privé de
l’ancienne Égypte (Bruxelles, 1932-1934, 4 vol.), a insisté sur ce rythme,
dont il a peut-être systématisé le caractere. La réalité de ce phénomène
semble admise par la plupart des historiens actuels, sinon par tous.
14
Ajoutons les sociétés américaines précolombiennes ou la culture du mais
laissait un surplus suffisant pour permettre la création de véritables États
15
Nous ne devons pas oublier que les États avaient la possibilité d’utiliser les
périodes de sous-emploi saisonnier que connaissent les sociétés agraires
J’incline a penser mais ce n’est là qu’une conjecture que la mobilisation des
masses paysannes durant les mois de morte-saison permit de réaliser des
travaux — travaux d’hydraulique ou construction de vastes
monuments — dont l’ampleur nous étonne encore. Encore fallait-il que
l’État se procurât la nourriture de ces masses de travailleurs. On peut lire à
cet égard les réflexions d’Hérodote sur les quantités de produits
alimentaires utilises pour nourrir ceux qui édifièrent les pyramides.
16
L’examen du régime fiscal des centres urbains et des États commerçants de
l’Antiquité nous montrerait comment l’importance des échanges y rendait
l’assiette et le recouvrement de l’impôt relativement faciles. C’est pourquoi
on vit apparaître, à Athènes en tout cas, cette recherche d’impôts
égalisateurs que l’on ne retrouvera plus guère, mis à part certaines
républiques commerçantes et industrielles, qu’aux abords du XIXe siècle.
17
Strabon, L. XV, § 21.
18
Notre information bénéficie d’une série de coïncidences. Le papyrus permit
à l’Égyptien d’écrire beaucoup ; l’habitude d’embaumer les cadavres des
hommes, et des animaux sacrés, conduisit à utiliser les vieux papiers pour
fabriquer les cartonnages bariolés qui entouraient les momies ; la sécheresse
du climat nous a conservé les traces multiples d’une des plus anciennes
bureaucraties. Aux papyrus s’ajoutent les ostraca, fragments de poteries sur
lesquels on pouvait écrire quelques notes sommaires et notamment donner
quittance.
Le ventre de tel crocodile sacré, bourré de circulaires et de notes
communes ou particulières, nous fournit des renseignements d’une valeur
inappréciable sur les ressorts intimes des monarchies antiques. Ils
permettent d’observer un pays particulièrement propice à l’établissement
d’un système financier relativement « avancé ». Ils nous montrent aussi les
limites auxquelles se heurtait l’État, même dans un milieu qui constituait à
l’époque, pour le fisc, une sorte de terrain d’élection.
19
Relativement bien connu et particulièrement évolué, le système fiscal des
Lagides mériterait de plus longs développements. Un souci de brièveté
m’oblige à renvoyer au chapitre correspondant de l’Histoire de l’impôt. Je
dois également signaler l’intérêt particulier de l’ouvrage de Claire Préaux,
L’Économie royale des Lagides.
20
C’est l’interprétation d’un historien italien, E. Pais, Histoire romaine,
p. 216.
21
Dans son ouvrage sur L’Influence de la puissance maritime sur l’histoire.
A.T. Mahan a particulièrement insisté sur le fait suivant : dès le début de la
deuxième guerre punique, Rome était pratiquement maîtresse de la mer.
22
Dans son Histoire de la Gaule, livre I, chap. x, Camille Jullian, tout en
soulignant la force de l’empire marseillais, insiste sur l’étroitesse des liens
qui l’unirent a Home. Il parle d’une véritable symbiose entre les deux
républiques.
23
Les citoyens romains bénéficiaient d’autres avantages ; ils étaient exempts
des taxes douanières établies par les villes sujettes, ils n’étaient pas soumis
à l’interdiction de certaines productions dans les provinces, etc.
24
Les contributions de guerre étaient importantes. Les Carthaginois, après la
première guerre punique durent payer 2 200 talents en 20 ans, après la
deuxième guerre punique 10000 talents en 50 ans, Philippe de Macédoine
1000 talents en 10 ans, Antiochus 15000 talents en 12 ans.
25
Je reviendrai dans la IIe partie sur cette incidence de la dîme.
26
C’est ce qu’Antoine aurait rappelé aux envoyés des cités asiatiques venus le
voir après la bataille de Philippes. Antoine continua en indiquant que les
cités avaient avancé à Brutus et Cassius le payement du stipendium pour
dix années. Il exigea la même avance en sa faveur. Appien, Bello civili (5-
4).
27
Cf. L. Homo, L’Italie primitive et les débuts de l’imperialisme romain,
p. 264.
28
Dont une des premières mesures fut de dispenser l’Asie du paiement du
tribut pendant cinq ans. On sait qu’il était en relation avec les révoltés
d’Italie, ce qui marque bien le caractère général de l’effort accompli dans le
monde méditerranéen pour renverser la pyramide.
29
L’appui des propriétaires, effrayés par les réformes sociales de Mithridate,
facilita la victoire de Sylla.
30
La mise en ferme des impôts fut restreinte. Elle semble avoir disparu en ce
qui concerne les impôts directs.
31
Il s’agissait de droits perçus, notamment lors du franchissement des limites
qui séparaient l’Empire de l’etranger ou les provinces les unes des autres.
32
Il reste, dans ce domaine, beaucoup d’incertitude Cf Deléage, « Les
cadastres, antiques jusqu’à Dioclétien ». in Études de papyrologie. Le
Caire, 1934, II
33
Suétone et Tacite citent plusieurs décisions de ce genre.
34
Sur l’importance des ventes aux enchères dans l’Antiquite a une époque ou
la publicité n’existait guère, cf. les remarques de List dans Paulys Real
Encyclopédie, verbo Auctio
35
Le texte fameux de Strabon sur le caractère « providentiel » de la
disposition des fleuves gaulois est le signe de l’importance attachée par les
Romains au transit par l’ « isthme gaulois ».
36
Rostovtzeff, dans Social and Economie History of Roman Empire, a insisté
sur ce point.
37
Albert Grenier a montré l’importance des corporations de bateliers
(Archéologie gallo-romaine).
38
Cf. notamment Charlesworth, Les Routes et le trafic commercial dans
l’Empire romain (traduction, Paris, 1938).
39
Sur l’importance de ces ressources, sur l’existence à Leuke Corne d’une
petite garnison pour percevoir les droits, sur les perceptions possibles en
Arabie, cf. Charlesworth, Les Routes et le trafic commercial dans l’Empire
romain, p. 79.
40
Géographie, livre XVII. chap. I, p. 13.
41
Cf. Lot, L’Art militaire et les armées au Moyen Age, t. I, p. 24.
42
Sous Néron le poids de l’aureus d’or et celui du denier d’argent s’abaissent
légèrement. La diminution du poids de métal précieux s’accentue sous les
Antonins et plus encore sous Septime Sévère : à ce moment les monnaies
d’or et d’argent contiennent de 50 à 60 % d’alliage.
Au cours du IIIe siècle la dégradation s’accentue : Caracalla crée une
monnaie d’argent, l’antoninianus, qui finit par contenir jusqu’à 98,5 %
d’alliage sous Claude II. Il s’agit alors d’une pièce de cuivre ou de plomb
recouverte d’une mince couche d’argent.
Dioclétien reprend la frappe de la monnaie d’argent sur la base de 96 à la
livre (réforme reprise et complétée par Constantin) et la frappe de l’or
réapparaît. Dioclétien s’efforce également de contenir la hausse des prix en
instituant un prix maximum des denrées, salaires et objets usuels :
Constantin retira l’édit.
Le détail de cette évolution importe moins que la limitation des recettes
inhérentes à ce régime d’inflation métallique et ses effets destructeurs de la
circulation monétaire : le retour à l’impôt en nature et aux prestations de
services devait en découler.
43
On peut également supposer que d’anciennes espèces continuent de circuler
en tenant compte de leur poids de métal, c’est-à-dire pour une valeur
supérieure à leur valeur nominale. Cet usage, généralement irrégulier mais
qui put être toléré ou accepté par le Pouvoir, limite la fuite devant la
monnaie dans la mesure même où il prive l’État de la possibilité de tirer
grand parti de la monnaie.
44
Nous n’insistons pas sur les autres méthodes qui ont été utilisees. Elles non
plus ne pouvaient procurer que des ressources limitées et non sans perturber
le mécanisme des échanges.
45
Opinion exprimée par Rostovtzeff, Léon Homo, Le Haut-Empire. p. 623.
46
Opinion exprimée par Carcopino dans son etude sur « Trajan et l’or des
Daces », étude parue dans son ouvrage Points de vue sur l’impérialisme
romain.
47
Cf. L’Archéologie gallo-romaine de Grenier, « L’archéologie du sol :
navigation, occupation du sol », surtout in fine.
48
Cf. Edgar Faure, « Étude de la capitation de Dioclétien d’après le
Panégyrique VIII », in varia Etudes de droit romain, 1961.
49
Nous avons vu que l’on peut présumer — mais non affirmer — que les
travaux poursuivis d’Auguste à Trajan avaient conduit à l’établissement
d’un cadastre, au moins dans plusieurs régions.
50
L’exemple même du cadastre napoléonien nous montre l’importance des
distorsions qui peuvent se produire en un siècle.
51
Il s’agit d’un petit traité de pratique remontant au VIe siècle mais
reproduisant sans doute un texte du Ve, et se référant à une mesure attribuée
à Dioclétien.
52
Au contraire, dans la mesure ou il est insoucieux des résultats réels, l’impôt
fixe, de type cadastral, constitue une forte incitation à la culture intensive,
puisqu’une production plus importante ne supportera pas un impôt plus
lourd. Mais on ne peut escompter les effets favorables de l’impôt fixe que si
deux conditions sont réunies que le potentiel de production du sol ait été
judicieusement évalué, que l’impôt ne soit pas trop lourd. Autrement la
prime accordée aux exploitations évoluées est compensee par le grand
nombre de celles qui ne peuvent payer l’impôt.
Or avec le système fiscal du Bas-Empire, impôt lourd dont l’assiette etait
très sommaire, le deuxième effet devait l’emporter sur le premier
53
Ce schema, relativement complique, n’a rien d’inconcevable on en trouve
des exemples a des epoques beaucoup plus recentes
54
Cf. Marc Bloch, « Comment et pourquoi finit l’esclavage antique », in
Annales, économies, sociétés, civilisations, 1947, p. 34.
55
Cf. les inscriptions d’Aïn Ouassel et d’Henchir Mettich.
56
De mortibus persecutorum, chap. XXIII.
57
De nos jours, la perception de la contribution mobilière et des faibles cotes
pose des problèmes de ce genre, particulièrement lorsqu’il s’agit de la
population relativement mobile de certains ports méditerranéens.
58
Rostovtzeff, Social and Economic History of Roman Empire, p. 327.
59
Salvien, De gubernatione Del, trad. Grégoire et Colombet, p. 282.
60
Histoire de la Gaule, t. VIII, pp. 175-176, ainsi que le paragraphe consacré
à l’ « insécurité générale » dans le chapitre suivant.
61
M. Lombard, « L’évolution urbaine pendant le haut Moyen Age », in
Annales, économies, sociétés, civilisations, janv.-mars 1957, p. 15.
62
L’exagération possible de la thèse d’Henri Pirenne sur l’affaiblissement de
l’économie d’échange au temps des Carolingiens ne change pas une donnée
essentielle : la faiblesse du trafic
63
Sur les effets « institutionnels » de la révolution tactique intervenue a cette
époque, cf. notamment Lynn White, « Stirrup, mounted shock combat,
feudalism and chivalry », in Medieval technology and social change.
Oxford, Clarendon Press, 1962.
64
Au début, le service militaire semble avoir été illimité. Au XIIe siècle, les
vassaux cherchèrent à le faire réduire et à se faire rétribuer. A la suite de
cette première évolution, on se trouvait, au début du XIIIe siècle, en
présence de trois systèmes : a) le régime de droit commun : le vassal doit 40
jours de service gratuit ; au-delà il est libre ; s’il consent à rester le suzerain
lui doit une « soudée » (Ile-de-France, Centre-Provence) ; b) la Normandie
était soumise au même régime, mais le roi pouvait contraindre le vassal à
rester ; c) en Picardie, Beauvaisis, Champagne, le service limité à 40 jours
n’était jamais gratuit.
65
Les Normands avaient introduit dans l’Italie du Sud et la Sicile le système
féodal tel qu’il était pratiqué dans le duché de Normandie. Comme l’a fait
observer M. Claude Cahen, ce régime fonctionnait conformément à ce qui
était sans doute l’intention première des Carolingiens. Tenant bien en main
ses vassaux, chaque seigneur rendait au duc, seigneur suprême, des services
nettement précisés dans leur nature et leur étendue ; cf. Claude Cahen, Le
Régime féodal de l’Italie normande.
66
H. Pirenne, Les Villes et les institutions urbaines, t. II, p. 8.
67
Cf. J.J. Strayer, « The royal domaine in the Baillage of Rouen », in Annales
d’histoire économique et sociale, année 1937, p. 199.
68
Vuitry, Études sur le régime financier..., p. 397.
69
Marc Bloch, dans son Histoire monétaire de l’Europe, cite un exemple
caractéristique, tiré du Romancero du Cid. Contraints par la cour de Castille
de rendre au Cid la valeur de 3 000 marcs d’argent qu’ils en reçurent en dot
pour des filles ensuite répudiées, les condamnés, qui n’ont pas de monnaie,
pourront s’acquitter en coursiers, palefrois, mules, épées...
Le même historien signale quelques textes précisant qu’au lieu et place
de numéraire on pouvait s’acquitter des deniers du « chevage » (redevance
due par les serfs) avec diverses denrées. On voit le rôle de la notion de
monnaie de compte qui persistera par la suite.
70
En France le denier devint alors une monnaie d’appoint.
71
Henri Pirenne, Histoire de l’Europe, p. 208.
72
L’historien allemand des finances, Wagner, souligne le caractère avancé des
institutions financières établies en Sicile par Frédéric II, y compris
l’organisation remarquable de la comptabilité et du contrôle ; cf. Science
des finances, t. IV, p. 69.
73
Wagner, op. cit., t. IV, p. 91.
74
Cf. les études de Lot dans son ouvrage L’Art militaire et les armées du
Moyen Age
75
C’était une armée féodale, lente à se réunir, lente à s’ébranler. Quantité de
nobles restaient chez eux, malgré supplications ou injonctions, ou ne se
mettaient en marche que trop tardivement », Lot, op. cit., II, p. 15.
76
Marc Bloch, Rois et serfs.
77
Dès Philippe Auguste certaines communes obtinrent de fournir le service
d’ost en argent.
78
On pourrait dire que si les monarchies agissaient dans ce sens, c’est parce
qu’elles représentaient les classes privilégiées. Le résultat financier était le
même.
79
Lettre reproduite dans les Papiers d’État du cardinal Granvelle, III, p. 272.
80
Les citations suivantes sont extraites des Relations des ambassadeurs
vénitiens.
81
Il ne faut pas, pour autant, sous-estimer l’importance du trafic
méditerranéen dont F. Braudel, dans son ouvrage La Méditerranée et le
monde méditerranéen au temps de Philippe II, a mis en relief la persistance
durant tout le XVIe siècle et peut-être au début du XVIe.
82
Sans doute de trop petits États finissent-ils par être battus — ou réduits au
rôle de satellites — lorsque leur dimension est par trop réduite : tel fut le
cas du Portugal et de la Hollande. Il n’en demeure pas moins que
l’existence d’un trafic développé contrebalance des différences de
population et de richesse très considérables.
83
Relations des ambassadeurs vénitiens, I, p. 67.
84
Cf. les Papiers d’État du cardinal Granvelle, t. III, p. 272.
85
Ibid., p. 290.
86
Dans le titre suivant, je reviendrai sur ce point.
87
Correspondance entre Francisco de Hontaneda et Simon Ruiz citée par H.
Lapeyre, Une famille de marchands : les Ruiz.
88
Sur les difficultés financières de la monarchie espagnole, cf. l’ouvrage
précité de F. Braudel.
89
Cf. infra.
90
Sur tous ces points et pour plus de détails, cf. le chapitre consacré aux
révoltes fiscales du XVIIe siècle.
91
En ce qui concerne l’évolution de la fiscalité anglaise à cette époque, cf.
essentiellement l’ouvrage de Dowel, History of taxation in England, t II
92
La capitation — à la mode en Europe à cette époque — fut instituée en
1689. Une taxe sur la propriété transformée en impôt de répartition en 1697
tendait à porter surtout sur la terre. Sous le nom de Land tax elle subsista
jusqu’en 1795.
Un impôt fut établi sur les maisons (1696) compte tenu du nombre des
fenêtres.
93
C.C.G., II, appendice III.
94
Réserve faite de la Hollande. Nous avons vu pour quelle raison l’économie
d’échange d’un pays trop restreint ne suffisait plus à fonder sa puissance
politique.
95
Nous pourrons examiner ensuite, dans une autre partie, comment les
souverains pouvaient extraire de cette économie plus ou moins monétarisée
les ressources dont ils avaient besoin. Je distingue pour la commodité de
l’exposition ces deux attitudes — accroître la quantité de monnaie ou
faciliter le mouvement des espèces d’une part, prélever sur ce stock et sur
ce mouvement ce dont l’État avait besoin d’autre part. En fait ces deux
attitudes étaient étroitement liées l’une à l’autre et réagissaient l’une sur
l’autre.
96
Les États contemporains se heurtèrent au même phénomène, notamment
entre les deux guerres mondiales (cf. la Ve partie).
Histoire financière 9
97
Cf. dans le titre IV de cette partie le chapitre consacré à la politique
mercantiliste.
98
Elle était possible puisque la Chine y eut recours de bonne heure. Il serait
trop long de discuter ici les raisons pour lesquelles ce qui était difficile en
Europe fut possible en Extrême-Orient.
99
On assiste cependant, notamment au XVIIe siècle, à la création de banques
d’émission dont l’action pouvait à la fois accroître la quantité de monnaie et
en accélérer la circulation. Ces créations se situèrent, d’une façon générale,
dans les régions commerçantes. Nous aurons à y revenir.
100
Je simplifie naturellement. Pour être plus complet il faudrait étudier
l’utilisation par la Suède d’une monnaie de cuivre d’ailleurs très
encombrante. Il faudrait également s’étendre sur l’utilisation par l’Espagne
d’une abondante monnaie de cuivre à une certaine époque ou sur des
phénomènes analogues qui se sont produits dans divers pays.
101
On le fit durant le Moyen Age, voire durant la période suivante.
102
Les monnaies divisionnaires, de cuivre et de tels métaux courants,
correspondaient, elles aussi, à une certaine fraction d’unité de compte.
103
Plus exactement, il fallait distinguer : le droit de brassage, correspondant
aux frais de la frappe, et le seigneuriage, c’est-dire le profit de l’autorité
émettrice, le seigneur puis le roi.
104
C’est la thèse exposée par Landry dans son ouvrage Les Mutations de
monnaie en France de Philippe le Bel à Charles VII.
105
Je schématise et simplifie un ensemble d’errements, très variés, très
complexes qui permettait aux « officiers de monnaie » de faire preuve d’une
véritable virtuosité — et de réaliser au passage des gains personnels
appréciables.
106
Cf. l’ouvrage de Pierre Vilar, Or et monnaie dans l’histoire.
107
Cf. P. Vilar, op. cit., qui s’est largement fondé sur l’ouvrage de V.M.
Godinho, L’Économie de l’Empire portugais aux XVe et XVIe siècles.
108
Le « détournement » du trafic de l’or soudanais devait contribuer aux
difficultés éprouvées par les États musulmans à partir du XVe siècle.
109
Cf supra le chapitre III du titre I
110
Cf. notamment P. Vilar, op. cit., passim.
111
Phénomène méconnu par des économistes du XVIIIe siècle, voire du XIXe,
jusqu’à sa remise à jour par l’analyse économique contemporaine.
112
Il faut ajouter que les métaux monétaires exercèrent une action avant même
d’être découverts. Les dépenses engagées, par les États ou les particuliers,
pour chercher de nouveaux gisements (en Europe centrale), pour envoyer
des expéditions le long de la côte d’Afrique ou vers l’Amérique, la
construction des vaisseaux, le recrutement des équipages et des corps
expéditionnaires, la commande de matériel de mines ou de navigation, tout
cela contribuait à la réanimation de l’économie, en même temps que
d’autres phénomènes, une plus grande sécurité et l’augmentation de la
population.
113
Cf. infra l’explication des révoltes du XVIIe siècle.
114
Ce n’est pas que l’Espagne n’ait vendu à l’étranger mais ses exportations
consistaient en matières premières et en denrées alimentaires plus qu’en
produits manufacturés : c’était une cause supplémentaire de
renchérissement de la main-d’œuvre et des produits espagnols.
L’observation en a été faite justement par P Vilar, op. cit., p. 187
115
On ne doit pas, pour autant, sous-estimer le surcroît de puissance que la
monarchie espagnole tira pendant un temps appréciable des apports
d’Amérique
116
On sait qu’à la différence du roi de France qui payait comptant, le futur
Charles Quint faisait remettre aux électeurs dont il voulait acheter le vote
des lettres de change payables s’il était élu. Les Fugger avaient mené toute
cette opération, ce qui permit à leur chef de rappeler à l’empereur, dans une
lettre célèbre, qu’il lui devait son trône.
117
Dans son ouvrage La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque
de Philippe II, M. Braudel a souligné l’importance et la difficulté des
mouvements de fonds entre l’Espagne, où les galions déchargeaient l’or et
l’argent de l’Amérique, et les Flandres où il fallait transporter, sinon des
pistoles ou des écus, du moins le moyen d’en assurer le paiement.
118
Cette institution n’avait pas pour seul objet l’alimentation du Trésor. C’était
aussi un moyen d’associer la bourgeoisie a l’exercice du pouvoir et de la
rendre solidaire de l’État Cf a cet égard les études de Pages et de Roland
Mousnier
119
D’où les efforts accomplis par les monarques en vue de limiter les
prélèvements féodaux même dans des États où la classe seigneuriale
constituait un des fondements de la puissance publique.
120
En tout état de cause, le fermage ne permet pas de connaître le bénéfice
propre du cultivateur, sauf à appliquer des systèmes de coefficients,
systèmes imparfaits que les régimes fiscaux contemporains connaissent
encore, ou connaissaient il y a peu de temps.
121
Sauf les commerçants en gros.
122
A titre d’exemple, un impôt sur les ventes fut essayé en Bohème en 1534. Il
devait atteindre la généralité des produits agricoles ou industriels à raison
de 1/60 du prix de vente. Le vendeur devait évaluer l’impôt et le verser
chaque semaine. Ce fut un échec complet. Faute de contrôle sérieux les
contribuables ne tardèrent pas à se dérober, à peu près entièrement, à
l’impôt. Un nouvel essai, effectué en 1570, fut un nouvel échec. On n’arriva
à un résultat qu’en limitant l’impôt à un petit nombre d’articles relativement
faciles à surveiller — c’est-à-dire finalement aux boissons, au bétail et au
poisson
Quant à l’alcavala espagnol, il reposait en fait sur des abonnements
accordés par le fisc aux principaux groupes de commerçants ou d’artisans.
123
Réserve faite de certaines productions, la bière par exemple, qui pouvait
être saisie à la production en se fondant sur le nombre des brassins ou la
quantité de malt mis en œuvre. C’est pourquoi, de bonne heure, l’impôt sur
la bière tint une très grande place dans le système fiscal des pays
germaniques.
Certains produits pouvaient eux aussi être appréhendés au stade de leur
fabrication. C’est pourquoi des pays précocement industrialisés comme la
Grande-Bretagne purent asseoir leurs impôts indirects sur le contrôle de la
production (et plus encore de l’importation).
124
Signalons l’intérêt particulier de l’ouvrage de W. Kennedy, English taxation
1640-1799.
125
Il était apparu que les règles fixées par les lois étaient trop difficiles à
appliquer. C’est la raison pour laquelle l’ordonnance de février 1654 décida
que, dans le cas ou les méthodes prescrites se révéleraient « prejudicial and
obstructive », les commissaires des différents districts seraient autorisés à
procéder suivant la méthode de taxation la plus équitable.
126
Cf. de multiples indications dans la Correspondance de Colbert.
127
L.I.M. Colbert, t. II, nos 42 et 68.
128
La circonscription dite des « Cinq grosses fermes » comprenait les
provinces suivantes : Normandie, Picardie, Champagne, Bourgogne, Berry,
Bourbonnais, Poitou et Anjou.
129
Richesse des Nations, livre V, chap. II, 2e partie, art. IV. L’Angleterre avait
en effet supprimé les droits intérieurs jusqu’à l’époque — XVIIIe et XIXe
siècle — où furent institués des péages correspondant à l’usage des canaux
qui venaient d’être aménagés ou des routes qui venaient d’être ouvertes.
130
C.C G., t I. n° 1282. Citons aussi des lettres de l’intendant de Caen
(n° 1107) ou de Houen, t II, n° 75.
131
Dîme royale, 1re partie, Projet...
132
De nombreux faits de ce genre sont relatés dans la correspondance des
contrôleurs généraux des Finances.
133
D’après Vignes, Histoire des doctrines sur l’impôt en France, Vauban se
serait inspiré du Traité de la politique de France (chap. VII, édit. de 1669,
pp. 146-147) de Paul Hay du Castelet, présenté au roi en 1667 et publié en
1669 en Hollande. Cet auteur propose une taille payable en nature. « Un
paysan qui aurait dix boisseaux de blé en payerait un très volontiers au roi
et sans incommodité ; mais quand pour payer quarante sols en argent, qu’il
n’a pas, les sergents et collecteurs exécutent et vendent les dix boisseaux de
blé, ce qui s’adjuge à vil prix, et que tout se consomme en frais, n’est-il pas
vrai que le paysan au lieu de 40 sols paie 20 livres, ce qui ne tourne point au
profit du roi et va à la ruine de son peuple ? » Observons seulement que des
conceptions de ce genre apparaissent à toutes les époques de mévente dans
les lettres adressées au Contrôleur général des finances par ses divers
correspondants.
134
Marx avait bien vu l’importance du problème. « Cette modification [le
paiement des impôts en monnaie et non plus en nature] dépend des
conditions générales de la production. C’est ce que démontre le double
échec subi par l’Empire romain dans ses tentatives de faire payer en
monnaie toutes les contributions. La misère incroyable des populations
rurales françaises sous le règne de Louis XIV, si éloquemment dénoncée par
Boisguilbert et le maréchal Vauban, n’avait point comme cause unique
l’élévation de l’impôt, mais encore la transformation de l’impôt en nature
en impôt en monnaie En Asie, la forme naturelle de la rente foncière
constitue l’élément principal des impôts d’État, elle repose sur les
conditions de la production. Et comme ces conditions se reproduisent avec
l’immuabilité des rapports naturels, cette forme de paiement reprend
rétroactivement l’ancienne forme de production. C’est un des secrets de la
conservation de l’Empire turc », Le Capital, trad. Molitor, t. I, pp. 152-153
135
Vignes en a recensé cinquante en face d’une trentaine d’opposants.
Observons que l’on pouvait concevoir un prélèvement proportionnel à la
récolte payé en argent ou impôt fixe payé en nature.
136
Cf. infra l’origine fiscale du servage russe.
137
En France, la capitation supprimée apres 1695 fut rétablie en 1701 sous la
foin e d’impôt de répartition.
138
Nous pourrions ajouter ceux qui se situèrent hors d’Europe.
139
De l’avis même de Petit-Dutaillis qui, en annexe à la traduction de
l’Histoire constitutionnelle de l’Angleterre de Stubbs, a étudié les Causes et
caractères généraux du soulèvement des travailleurs anglais en 1381
140
Cf. supra le chapitre consacré à l’insuffisance de monnaie.
141
Ce qui ne veut pas dire que les luttes religieuses n’aient laissé un milieu
favorable aux soulèvements et que l’on ne puisse trouver dans bien des
révoltes une influence protestante. Cela sans préjudice, bien entendu, de la
révolte des Camisards.
142
Dans son ouvrage sur Les Soulèvements populaires en France de 1623 à
1648. M. Porchnev évalue à plusieurs centaines les soulèvements urbains de
1623 à 1648, période qui déborde le ministère de Richelieu.
143
Cf. Earl J. Hamilton, « American treasure and the rise of capitalism 1500-
1700 », in Economica, nov. 1929, pp. 338-357.
144
Dans son ouvrage déjà cité, Fureurs paysannes, M. Roland Mousnier a
justement rapproché les révoltes françaises de la révolte russe de Stenka
Razine et des révoltes qui précédèrent et provoquèrent, au milieu du siècle,
la chute de l’empire des Ming.
145
Dans son Essai sur l’évolution des institutions administratives en France du
commencement du XVIe siècle à la fin du XVIIIe. G. Pages a insisté sur cette
formule à laquelle les Valois-Angoulême furent conduits par les besoins
croissants de la fiscalité.
146
Cf. l’ouvrage d’Hanotaux, Les Premiers intendants de province.
147
Hanotaux et La Force, Histoire du cardinal de Richelieu, t. IV, p. 283.
148
Encore maintenant, il faut l’autorisation du préfet pour faire vendre les
biens des contribuables.
149
L.I.M. Colbert, t. IV, p. 267.
150
Rappelons que contrairement à ce que l’on pourrait croire les « élus »
étaient des fonctionnaires du pouvoir central. Les pays d’élections étaient
privés d’assemblées provinciales, à la différence des pays d’états où
existaient des assemblées qui devaient théoriquement consentir l’impôt, en
tout cas en assurer la répartition et gérer certains services.
151
Pour simplifier, il ne sera question ici que des villes et de l’évolution
intervenue depuis le ministère de Colbert. Nous faisons également
abstraction des multiples interventions particulières des intendants dans les
élections des corps municipaux. On en trouvera de nombreux exemples
dans le tome I de la Correspondance administrative sous Louis XIV publiée
par Depping.
152
La liaison étroite entre les difficultés fiscales du XVIe ou du XVIIe siècle et
les constructions juridiques actuelles nous a conduit à déborder largement la
période étudiée dans cette partie.
153
Ayant étudié 16653 arrêts rendus par le Conseil d’État, donc à la suite du
dessaisissement de la justice ordinaire, de 1592 à 1610, Noël Valois
conclut : « le plus grand nombre, la presque totalité des arrêts rendus par le
Conseil d’État se réfère à des intérêts fiscaux », Inventaire, t I, p CXXV
154
Il en était ainsi parce que les charges correspondantes étaient achetées, mais
aussi par la nature des choses elle-même.
155
L.I.M. Colbert, t. II, p. 260. Cf. également une lettre du 10 décembre 1674 à
l’intendant de Limoges, ibid., t. II, p. 267.
156
Lettres de Richelieu, V, p. 71.
157
Déclaration du 8 janvier 1640, publiée par La Gazette, n° 26, p. 109.
158
Cette différence provenait aussi du fait que les provinces périphériques
étaient plus éloignées donc plus difficiles à châtier et moins favorisées par
les dépenses publiques. Plus lourde en valeur, la charge fiscale des
provinces proches de la capitale était probablement plus facile à supporter
que celle de provinces apparemment plus favorisées.
159
Bigot de Monville, dans ses Mémoires. note cette évolution du mouvement,
disant que la foule s’en prenait maintenant « non plus aux partisans mais
aux riches marchands », p. 45.
160
En ce qui concerne la noblesse, ce qu’elle craignait n’était peut-être pas la
menace fiscale (encore que l’épuisement de ses tenanciers réduisît ses
propres redevances) c’était bien souvent la réduction des pensions ou autres
avantages qu’elle possédait. La grande noblesse, entraînant ses clients,
luttait pour accroître les bénéfices qu’elle tirait de l’État, bénéfices qui
n’étaient pas seulement fiscaux. La cour sous Louis XVI craignait à la fois
l’impôt et les politiques d’économies d’un Turgot ou même d’un Necker.
161
Je simplifie, bien entendu. Je pourrais en effet trouver, en Grêce ou ailleurs,
des amorces de systèmes représentatifs Dans l’ensemble, ils ne se sont pas
développés
162
N’oublions pas le caractère particulièrement « sensible » de l’impôt
nouveau.
163
Nous aurions pu choisir notre exemple en d’autres pays, en Espagne où
l’histoire des Cortès présente un très grand intérêt, dans les Pays-Bas, en
Allemagne, notamment en Prusse, etc. L’étude relativement précise d’un
pays nous a paru préférable à la description sommaire de l’histoire des
« états » dans l’ensemble des pays européens.
164
Dans son Essai sur l’origine de la Chambre des communes, Pasquet
remarque que « le roi était à peu prés désarmé si les jurys faisaient
volontairement une estimation trop faible ou si, comme en 1297, une cour
de comté tout entière refusait de payer la somme demandée ».
« Il était donc indispensable pour le bon rendement de l’aide que le roi
put compter sur la bonne volonté et la coopération de la classe dirigeante
des comtés, c’est-à-dire de la classe des Chevaliers », p. 224.
« Ce n’est donc pas précisément pour se faire « accorder » des aides que
le roi a convoqué les délégués des chevaliers et des bourgeois ; les aides
avaient été perçues jusque-là sans qu’on leur eût demande leur avis, et ce
n’est pas eux qui ont réclame le droit d’aller sieger au Parlement, avec les
prélats et les barons. Mais, pour percevoir l’aide plus facilement, le roi a le
plus grand intérêt à ce que des délégués de chaque comté et de chaque ville
se soient engagés à la payer », p 226
165
Pasquet, op. cit., p. 261.
166
Pendant les treize dernières années du règne de Henri VII, le Parlement ne
fut assemblé que deux fois, sept fois sur les vingt-quatre ans du règne.
Sur la richesse de Henri VII, cf. la relation de V. Quirini, ambassadeur de
Venise en 1506, Relazioni..., vol. I, pp. 18 à 22.
167
On peut en donner une preuve a contrario. Les impôts de Henri VII furent
acceptés facilement dans les provinces du Sud-Est. Il n’en fut pas de même
en Cornouaille, dans le pays de Galles et dans les provinces du Nord : les
paysans du Nord, mécontents des impôts, assassinent le comte de
Northumberland et se soulèvent de 1487 à 1489. En 1490, la Cornouaille
refuse de payer les taxes destinées à la guerre contre l’Écosse. Les
historiens peuvent y voir l’effet du particularisme des populations celtiques,
de la persistance du regime féodal. de l’exemple d’indépendance donné par
les Écossais ; mais il faut tenir compte également du caractère de ces
régions qui devaient plus que d’autres vivre en économie fermee Du moins
peut-on présenter cette hypothèse qui demanderait évidemment à être
confirmée par des recherches plus approfondies.
168
On sait que M. Trévor Roper donne une très grande importance à la réaction
de la partie de la population la moins adaptee a l’évolution de l’économie,
donc la plus sensible à l’impôt. La these de cet historien si elle s’avérait
donnerait encore plus d’importance aux causes fiscales de l’évolution
politique de l’Angleterre C’est sous cette réserve que les affirmations
présentées dans ce paragraphe doivent être considérées
169
Sous Jacques Ier, de 1614 a 1621 aucun Parlement ne fut convoque Il en fut
de même sous Charles Ier, de 1629 à 1640
170
Notons cependant que le Parlement de 1621 réclama vigoureusement contre
les monopoles. En 1629, Charles Ier fit lever le tonnage et poundage qui
n’avaient pas encore été votés C’est une remontrance contre cette levée
illégale des droits de douane qui fit dissoudre le Parlement que, durant dix
ans, le roi ne devait plus convoquer. De 1629 à 1640, Charles Ier leva une
taxe sur les vins, sur les voitures de place, concéda divers monopoles. Ces
procédés furent impopulaires ; néanmoins, il fallut l’impôt direct pour
déclencher la résistance ouverte.
171
En 1634, le Ship money fut présenté comme la conversion d’une prestation
de biens, la fourniture de vaisseaux, en une somme d’argent. En 1635, il fut
étendu à tout le royaume. Il put encore être perçu. En 1636, Hampden
refusa de le payer. Son procès se termina en 1638.
172
En 1621, le Parlement engagea Jacques Ier à intervenir contre l’Autriche et
à ne pas marier son fils à une princesse espagnole. Le roi ayant voulu lui
défendre de discuter ce genre d’affaires, la Chambre des communes protesta
hautement de son droit de délibérer sur toutes les affaires de l’État. Le
premier Parlement de Charles Ier, en 1625, examina la politique intérieure et
extérieure, l’état de la religion, la répression du catholicisme. Il fut dissous
moins d’un mois après sa convocation.
173
Cf. Carl Stephenson. « Les aides des villes françaises aux XIIe et XIIIe
siècles, in Moyen Age, 1922.
174
Cf. la Correspondance administrative d’Alphonse de Poitiers, éditée par
Molinier.
175
Cf. notamment Straver et Taylor, Studies in early french taxation.
176
C’est ainsi qu’aux états de 1347, on rappela au roi qu’il avait par mauvais
conseil tout perdu et néant gagne.
177
Ordonnance du 26 mai 1356, III, p. 53.
178
A partir d’une certaine époque tout au moins : j’ai releve la précocité et la
dureté de la fiscalité des Plantagenêts.
179
Malgré l’intérêt de cette étude pour la compréhension des institutions de
cette époque, j’ai cru devoir faire abstraction de ce type de solutions.
180
Dans sa Théorie générale, Keynes a rendu hommage aux qualités d’analyse
des hommes qui, comme lui, avaient reconnu l’importance des mécanismes
monétaires.
181
Cf. Gandilhon, La Politique économique de Louis XI.
182
Cité par Bémont in Lavisse et Rambaud, t. IV, p. 552.
183
H. Hauser, dans son ouvrage La Pensée et l’action économique du cardinal
de Richelieu, fait justement remarquer que cet aspect de la politique de
Richelieu a été laissé dans l’ombre jusqu’à présent.
184
L.I.M. Colbert, Agriculture, n° 31.
185
Cf. mémoire pour les sieurs Colbert, de Terron et de Seuil, 3 juin 1666,
L.I.M. Colbert, t. III, 1re partie, n° 48. Cf. également une lettre du 20
novembre 1669, L.I.M. Colbert, t. IV, Adm. provinciale, n° 136.
186
C.C.G., II, n° 633.
187
Circulaire aux intendants du 1er juin 1680, Depping, III, p. 38.
188
Je cite en anglais, pour ne pas en affaiblir le style, ce passage, que Hecksher
relève à juste titre (Mercantilism, II, p. 281) et dont on peut donner la
traduction suivante : « Considérez la vraie forme et le mécanisme du
commerce extérieur qui est le grand revenu du roi, l’honneur du royaume,
la noble profession du marchand, l’école de nos arts, la fourniture de nos
besoins, l’emploi de nos pauvres, l’amélioration de nos terres, la pépinière
de nos marins, les remparts du royaume, les ressources de notre trésor, les
nerfs de nos guerres, la terreur de nos ennemis. »
189
Pour être plus précis, il faudrait distinguer les différentes époques.
L’Angleterre eut — plus tôt que d’autres — sa période mercantiliste.
190
Disons plutôt l’origine principalement fiscale. En effet il paraît
difficile — en l’état de notre information de ne pas faire une place à des
phénomènes proprement économiques, particulièrement à l’endettement des
paysans. C’est ainsi que pour Schkaff, Boris Godounov et Alexis
Mikhaïlovitch « ne firent que régulariser par des oukases ce que la coutume
et l’usage des propriétaires avaient établi depuis longtemps. Les privilèges
judiciaires des seigneurs et la responsabilité de la perception régulière des
impôts, l’exploitation des paysans, le fractionnement des familles et le
transport de villages entiers — tout cela était le résultat d’une pratique de
deux siècles et demi », La Question agraire en Russie, p. 30.
Quelles que soient les modalités, nous retrouvons toujours l’intervention
de l’État pour consacrer ou étendre, sinon pour instituer l’asservissement.
191
Dans son étude sur L’Asservissement du paysan russe publiée dans le
Recueil Jean Bodin, A. Eck souligne nettement cet effet du morcellement
politique du pays.
192
Les indications des historiens variant, le résumé donné ici ne doit être
considéré que comme exprimant les grandes lignes d’une évolution. Il
faudrait une longue étude historique pour préciser chaque étape de
l’asservissement.
193
Une série d’autres faits, guerres, massacres, mauvaises récoltes et famines
eurent le même effet : dépopulation et tendance des paysans à fuir les terres
dévastées.
194
Eck, L’Asservissement du paysan russe, p. 251.
195
Cf. Schkaff, op. cit., p. 28.
196
On trouvera le récit de cette révolte — ainsi d’ailleurs que de l’état de la
société russe au XVIIe siècle, dans les chapitres consacrés à la Russie de
l’ouvrage de M. Roland Mousnier intitulé Fureurs paysannes.
197
Le budget de l’armée passe de 700000 roubles en 1680 à plus de 5 millions
de roubles en 1725.
198
Avant Catherine II, Elisabeth (1741-1761) donna aux seigneurs le droit de
faire déporter leurs serfs en Sibérie et, après Catherine II, Paul Ier introduisit
le servage en Crimée et au Caucase.
199
Miller, « Considérations sur le développement des institutions agraires de
l’Ukraine au XVIIeet au XVIIIesiècle », in Revue internationale de
sociologie, 1925.
200
Cf. Bratianu, « Servage de la glèbe et régime fiscal », in Annales d’histoire
économique et sociale, 1933, p. 445-599.
201
Publiée dans le livre II des Œuvres de Frédéric le Grand. Nous prenons ces
chiffres sans entrer dans une discussion qui allongerait inutilement cet
exposé : ce qui importe c’est l’ordre de grandeur — et aussi l’impression
que les souverains pouvaient retirer de telles confrontations.
202
Il semble que, vers la fin du siècle, les effectifs de l’armée espagnole aient
atteint le même chiffre que ceux de l’armée française.
203
Recueil des instructions données aux ambassadeurs et ministres de France
(t. I, Autriche, p. 208).
204
Dans son ouvrage intitulé Du militaire et de son institution jusqu’à la fin du
règne de Frédéric-Guillaume, Frédéric II souligne les bases financières de
la force prussienne.
205
Le revenu de l’État s’élevait à peine à 30 millions de florins sous Charles V.
Il était monté à 56 millions en 1773, il dépassait 80 millions à la mort de
Marie-Thérèse.
206
Je souligne l’intérêt des Œuvres complètes de Law publiées par Paul
Harsin.
207
Les particuliers apprécièrent surtout l’avantage suivant : libellés en « écus
de banque » les billets devaient être remboursés au porteur en monnaie du
même titre et du même poids que les espèces déposées. On échappait ainsi
aux effets des mutations monétaires, si fréquentes à l’époque.
208
Toutes ces extensions étaient conformes aux idées exposées par Law dans
un mémoire intitulé « Restablissement du commerce », où il proposait un
vaste plan dirigé par l’État dans le sens d’une vigoureuse expansion. Le
document ne semble pas avoir été diffusé par son auteur avant la fin de sa
vie. Il n’en est pas moins significatif de sa pensée et il éclaire son action.
209
Cf. Huisman, La Belgique commerciale sous l’empereur Charles VI : la
Compagnie d’Ostende, Bruxelles, Paris, 1902.
210
Cette attitude eut aussi pour explication la menace de la guerre. En effet, le
gouvernement anglais exigea, en 1727, la suspension de la Compagnie
d’Ostende pour sept ans, l’abandon du traité de commerce austro-espagnol,
le consentement de l’Autriche au rétablissement des monopoles anglais en
Espagne et aux Indes. C’était l’abandon du plan économique de l’empereur.
211
Il s’agit de valeurs nominales, à réduire bien entendu pour tenir compte de
la hausse des prix.
212
En 1789, la population de l’Angleterre ne dépassait pas 9 millions, alors
que la population française atteignait 26 millions.
213
Réserve faite de la convocation des états généraux en France en 1789.
214
On trouvera dans l’ouvrage de Mirabeau, De la monarchie prussienne sous
Frédéric le Grand (Londres, 1788), dans le 2e tome, livre VI, et dans les
appendices, un exposé détaillé de l’action de Launay, chargé par Frédéric II
de lui monter un système de douanes et d’impôts indirects. Les
appréciations de Mirabeau, hostile comme les physiocrates aux impôts
indirects, sont naturellement très critiques à l’égard de Launay et de son
équipe.
215
Je ne reviens pas sur cette incidence déjà étudiée dans la IIe partie, à propos
de la dîme.
216
Celui-ci, en 1789, supprima la dîme ecclésiastique et fixa une limite aux
prélèvements des seigneurs : au lieu de verser 10 % de son revenu à
l’Église, 30 % au seigneur et 60 % à l’État, le paysan n’aurait plus à payer
que 30 % environ, moitié au seigneur, moitié à l’État. Devant l’opposition
de la noblesse, Joseph II fut contraint de suspendre l’exécution de ces
mesures. Son successeur rétablit le servage qui ne fut définitivement aboli
qu’en 1848.
217
Exemples : les corporations supprimées en Toscane entre 1770 et 1781, en
Lombardie de 1778 à 1787, les règlements corporatifs assouplis en Suède
après le coup d’État de Gustave III (1772), en Espagne de 1735 à 1789, une
série de mesures libérales prises en matière industrielle.
218
Par contre, la Navarre et les provinces basques gardèrent leurs régimes
particuliers.
219
Décidé en 1719, le cadastre milanais fut terminé vers 1760.
220
En fait, la dernière modification de la parité monétaire de l’Ancien Régime
se situe en 1726. Depuis cette date (à de légères réserves près), et jusqu’à la
Révolution, il n’y eut plus de « manipulation » monétaire.
221
Je laisse de côté cet impôt dont l’assiette resta toujours imparfaite.
222
Cette formalité n’avait, au début, d’autre objet que de porter l’ordonnance à
la connaissance du tribunal chargé de l’appliquer. Mais au XVe siècle, les
parlements estimèrent qu’ils étaient en droit de refuser l’enregistrement.
Du temps du règne personnel de Louis XIV, le droit de remontrance avait
été réduit à plusieurs reprises et plus particulièrement en 1673. Après avoir
protesté, une dernière fois, les parlements s’abstinrent de manifester leur
opposition jusqu’à la mort du roi. On sait comment, ayant obtenu la
cassation du testament de Louis XIV par le parlement de Paris, le régent lui
rendit le droit de présenter des remontrances avant l’enregistrement. Le
parlement de Paris usa largement de cette faculté.
223
Cf. les ouvrages de M. Labrousse, particulièrement La Crise de l’économie
française à la fin de l’Ancien Régime et au début de la Révolution.
224
La taille était un impôt de répartition mais ce mécanisme ne donnait pas
satisfaction.
225
Œuvres de Turgot, t. IV.
226
Nous ne sous-estimons pas, pour autant, d’autres révolutions ou tentatives
de révolutions, celles de l’Angleterre, de l’Irlande, des Provinces-Unies et
des Pays-Bas qui devinrent la Belgique. Il faudrait leur consacrer plus de
place que nous ne pouvons le faire dans cet ouvrage.
227
Des timbres d’un demi-penny à dix livres devaient être apposés sur les
licences, contrats, testaments, pamphlets, almanachs.
228
L’arme la plus efficace fut le boycott de marchandises britanniques.
229
Les historiens insistent sur le fait qu’il y avait bien d’autres éléments et que
les causes fiscales étaient tout à fait secondaires.
Sans doute, on ne peut le nier, la séparation de la métropole répondait-
elle à un certain nombre d’oppositions et à un besoin profondément ressenti
par les colons de décider eux-mêmes dans des domaines qui les
intéressaient au premier chef.
Mais cela ne veut pas dire — nous retrouvons un vieux débat, qui
réapparaît à bien des tournants de cette histoire financière — que l’impôt
n’ait déclenché la révolution en rendant plus manifeste et plus sensible la
domination exercée par un pays sur un autre. On trouverait aisément dans
l’histoire de la décolonisation des phénomènes qui ne suffisent pas à
expliquer les mouvements de sécession mais qui en ont été un facteur
déterminant, quant à la date où ils se sont produits, quant à la forme qu’ils
ont revêtue.
230
Cf. le Mémoire de la Ferme générale auquel se réfère Marion in Histoire
financière de la France, t. II, p. 7 sq.
231
D’autres, il est vrai, notamment la population pauvre des villes et des
campagnes, se soulevèrent pour obtenir la réglementation et le contrôle des
prix dont ils attendaient des subsistances plus abondantes et moins chères.
232
Rien n’est plus édifiant, à cet égard, que la correspondance des
représentants en mission avec le Comité de salut public.
233
Notamment par Boncerf, ami de Turgot, dans son ouvrage : Les
Inconvénients des droits féodaux, condamné par le parlement.
234
Cf. le rapport de La Rochefoucauld, Sur le système général d’imposition
(18 août 1794), et les débats devant l’Assemblée.
235
Des propositions lurent faites alors, notamment par d’anciens employés de
la Hégie des aides : elles étaient trop tardives
236
Il devait y avoir aussi, au profit du prolétariat des campagnes, des ventes de
terres à bon marché.
237
Dans un article du Patriote français du 28 décembre 1792, intitulé « Égalité
de fait », cité par Jaurès, Histoire socialiste. pp. 1012-1015.
238
Dans le passé, indépendamment des exemples tirés de l’Antiquité, on peut
citer les tentatives de certaines républiques italiennes, notamment de
Florence où l’on vit apparaître, à une certaine époque, des impôts qui
rappelaient le système athénien et préfiguraient certains aspects de la
fiscalité moderne. Des impôts à tarif progressif sur la fortune furent établis
au XVe siècle. Ils prirent fin en 1529. Ils furent vivement critiqués par
Guichardin.
Pour le détail de cette histoire, cf. Parieu, Les Impôts généraux sur le
capital et le revenu, et Seligman, L’Impôt progressif. Ce dernier auteur cite
quelques autres cas, au Moyen Age et au XVIe siècle. Au XVIIIe siècle, un
impôt progressif sur le revenu aurait été établi en Saxe (1742), en Hollande
(1748), à Genève.
239
Gracchus Babeuf et ses partisans estimaient insuffisante cette technique
d’égalisation. Ils payèrent de leur vie les efforts qu’ils firent pour faire
prévaloir la technique directe des réformes de structure. Cf. Buonarotti, La
Conspiration pour l’égalité.
240
Sur cette origine du 18 Brumaire, cf. l’ouvrage de Vandal, L’Avènement du
Consulat.
241
Cette ressource fut remplacée par l’addition au principal des contributions
foncières, personnelles et somptuaires, d’un supplément de 25 %.
242
Je passe sur les expédients de toutes sortes qui permirent au Consulat de
faire face, dans des conditions très difficiles au début, à l’insuffisance des
ressources financières. Cf à cet égard H. Stourm, Les Finances du Consulat
243
Cf. la publication d’Hauterive, La Police secrète sous le Premier Empire.
244
L’impôt sur le sel prit la forme d’une taxe modérée perçue à la sortie des
lieux de production : c’était la réalisation du projet de Calonne. Le
monopole du tabac fut combiné avec la liberté de la culture indigène, elle-
même strictement réglementée.
245
La méthode d’établissement du cadastre a été définie avec une grande
précision au début des opérations ; les instructions furent ensuite (en 1811)
rassemblées dans le Recueil méthodique. Les principes sur lesquels reposait
le cadastre établi dans le Milanais sous le règne de Marie-Thérèse
paraissent analogues à ceux des techniciens français du Premier Empire.
246
On le vit lorsque la France dut développer les fabrications de guerre. On a
souvent relevé les « improvisations » des savants auxquels il fut fait appel.
Mais ces résultats n’eussent pas été possibles sans une « infrastructure »
préalable.
247
Beaucoup plus hésitante, l’émission des billets de monnaie lors des guerres
de la fin du règne de Louis XIV ne procura pas les mêmes ressources.
248
Nous n’entrons pas dans le détail de calculs qui ne sont à prendre que sous
réserve.
249
Les armées des coalisés étaient à la fois coûteuses, difficiles à recruter,
lentes à mouvoir Pour qu’il en eût été autrement, il eût fallu un effort visant
à associer le peuple à l’action de l’État, ce que précisément les
gouvernements, soucieux de maintenir l’Ancien Régime, n’osaient faire.
250
Ces bulletins reproduisaient ou résumaient les multiples rapports reçus
quotidiennement par le ministre de la Police générale (rapports des préfets,
des colonels de gendarmerie, des indicateurs, etc.). Ils étaient rassemblés,
recopiés ou résumés à l’ usage de l’Empereur, à qui ils étaient transmis
chaque jour La publication de ces bulletins (ou de leur condensé) par Ernest
d’Hauterive sous le titre : La Police secrète sous le Premier Empire cette
publication qui couvre la période 1804-1808 donne des indications du plus
grand intérêt sur la réaction des individus contre l’État.
251
Il serait souhaitable de préciser par des chiffres les coûts comparés du soldat
français, autrichien, anglais. Mollien dans ses Mémoires (t. Ier, p. 550)
évalue la dépense à 600 F par homme en comptant la solde et l’entretien,
700 en comprenant aussi la fabrication des armes et la remonte. Dans un
rapport de 1806 relatif à l’entretien des troupes françaises à Naples, Mollien
inclinait à croire que chaque homme devait revenir à 600 F et s’élevait
contre le chiffre réel de 900 F. Il rapprochait ce chiffre de celui de 1 400 F
qui aurait été le coût moyen d’un homme de l’armée d’occupation étrangère
en France, après 1815. Ce dernier chiffre est contesté par Marion (Histoire
financière, t. IV, p. 322). Même avec une correction, un écart semble
probable.
252
Correspondance de Carnot. t. IV, p. 307, citée par Marion, Histoire
financière, t. III, p. 193. On y trouvera une série de déclarations toutes dans
le même sens.
253
Sur cette volonté délibérée de substituer l’impôt au pillage et aux
réquisitions, cf. La Correspondance de Napoléon. Cette attitude peut être
comparée à celle des conquérants arabes et mongols et à celle des
Allemands durant la Seconde Guerre mondiale.
254
Essai général de tactique. Ce sont des vues développées longuement dans
le chapitre XVIII intitulé : « Rapport de la science des subsistances avec la
guerre et particulièrement avec la guerre de campagne. Examen de la
manière dont nous faisons subsister nos armées » (p. 101). Nous citons
d’après la nouvelle édition (Londres, 1773).
255
C’est ainsi qu’il put expliquer au Directoire, le 21 vendémiaire, an V,
comment il faisait face aux dépenses de la campagne : « ... Vous voyez donc
que, depuis dix mois que nous sommes en campagne, on n’a dépensé que
onze millions. Il reste à vous expliquer pourquoi on a dépensé si peu ; c’est
que : 1°) on a longtemps vécu de réquisitions ; 2°) nous avons eu des
denrées en nature de Modène, Parme, Ferrare et Bologne ; 3°) la république
de Venise nous a fourni et nous fournit encore beaucoup de denrées ; enfin,
nous vivons souvent avec les magasins de l’ennemi » (Correspondance. t.
II. n° 1087).
256
Général Camon, Où et comment Napoléon a-t-il conçu son système de
manœuvre.
257
Cf. Correspondance de Napoléon, notamment les bulletins et les lettres
relatifs à la campagne d’Iéna (t. XVIII, n° 15112 et 15901).
258
Cf. par exemple une lettre écrite par Napoléon à Berthier le 11 juillet 1810
afin qu’il dise à Joseph, roi d’Espagne, que celui-ci ne tire pas assez de
ressources du pays. Cette lettre est publiée dans le livre intitulé : Mémoires
du roi Joseph (t. VII, p. 293). Non moins instructifs sont les Mémoires du
prince Eugène ou figurent une série de doléances adressées à l’Empereur
par le vice-roi d’Italie qui ne cesse de se plaindre de l’insuffisance des
fonds qui lui sont envoyés
259
Guibert l’avait prévu quand il écrivait : « Je ne suis pas exclusif ni outré
dans mes opinions ; je ne dirai pas à une armée : N’ayez point d’équipages,
de vivres, de magasins, de moyens de transport ; vivez toujours du pays ;
avancez, s’il le faut, dans, les déserts de l’Ukraine, la Providence vous
nourrira » (Essai général de tactique, IIe partie, p. 119).
260
Cf. Marcel Dunan, Le Système continental et les débuts du royaume de
Bavière.
261
Cf. l’ouvrage précité d’Hauterive, La Police secrète sous le Premier
Empire.
262
Le gouvernement révolutionnaire l’avait déjà compris.
263
Cf., à cet égard, les justes observations de G. Lefebvre, Napoléon.
264
Cf. les justes observations de Mollien, Mémoires. t. III, p. 132.
265
Sauf, bien entendu, du multiples modes d’emprunts indirects, des retards de
règlement des fournisseurs, etc. Tout cela ne suffisait pas.
266
Cf. par exemple le décret du 15 juin 1810 permettant l’admission de
Smogleurs, c’est-à-dire de navires contrebandiers, à Dunkerque. à condition
que le total du prix de leur exportation soit rapporté en lingots d’or, en
guinées, en piastres ou en traites. Extrait des Lois et règlements des
douanes, t. VI. 1807-1810, p. 440.
D’une façon générale, cf. la Correspondance de Napoléon, les Mémoires
de Mollien, les Mémoires de Bourrienne.
Lefebvre, dans le chapitre consacré au Blocus continental (Napoléon,
p. 343-399), remarque que Napoléon n’obtint pas tous les résultats
possibles du Blocus continental, parce qu’il respecta l’armature bancaire
internationale. Il indique plus loin : « Le papier de commerce est la seule
marchandise qui ne soit pas prohibée. » C’est là une affirmation peut-être
excessive, car il résulte des Mémoires de Mollien que, les lettres de change
étant interceptées, le commerce se fit au comptant. Il n’en demeure pas
moins que Napoléon méconnut la puissance du crédit et les ressources des
banquiers.
267
Cf. le discours de Pitt du 3 décembre 1798.
268
Je reviendrai sur ce point après avoir examiné les caractères principaux des
impôts du XIXe siècle.
269
Hartley Withers dans l’ouvrage Qu’est-ce que la monnaie ?
270
Il existait aussi un bimétallisme boiteux — relativement répandu. Un des
métaux, l’or, pouvait être frappé sans limite, les pièces d’argent
continuaient à circuler (avec un pouvoir libératoire, complet ou non) mais
leur émission était limitée.
271
C’était le cas de certains pays de l’Europe centrale ou orientale et de
l’Amérique latine.
272
Je résume sommairement une analyse qui apparut plus clairement au cours
de la grande crise de 1929 (cf. Ve partie).
273
Comme au temps de la monnaie métallique (cf. IIIe partie).
274
Il y eut cependant des dévaluations dans les pays où les gouvernements
avaient émis des quantités considérables de papier-monnaie dont le cours en
monnaie métallique avait sensiblement et durablement baissé. Pour y porter
remède, les autorités pouvaient décider, par exemple, qu’une pièce d’or ou
d’argent s’échangerait contre une quantité supérieure de monnaie de papier
275
Parmi les exceptions figurent les États-Unis. Durant la deuxième moitié du
XIXe siècle, le problème monétaire déclencha — nous aurons à y
revenir — l’action combinée des partisans d’une émission plus large de
billets ou d’une frappe libre de l’argent. Parmi les « révolutionnaires » qui
attachèrent de l’importance aux mécanismes du crédit, on doit relever le
nom de Proudhon.
276
E. Beau de Loménie a souligné tous les avantages que les « dynasties
bourgeoises » du XIXe (et du XXe) siècle retiraient de l’action économique
de l’État.
277
Sous réserve, bien entendu, du large emploi de l’inflation, durant les guerres
de la Révolution et de l’Empire, par la France et par ses adversaires
278
Ces chiffres et les suivants sont tirés de l’étude de M. Marczewski, Le
Produit physique de l’économie française de 1789 à 1913 (comparaison
avec la Grande-Bretagne), chiffres qui reprennent eux-mêmes des travaux
de MM. Toutain (agriculture) et Markovitch (industrie). Il s’agit ici de
francs courants.
279
Durant la. même période, le produit physique par habitant de la France
(évalué en livres, aux prix relatifs anglais) passe de 10,3 à 16,4).
280
Au sens géographique, bien entendu : le sucre des Antilles n’était pas pour
la France une « importation » au sens juridique du terme. Fiscalement, elle
avait les mêmes avantages.
281
On pouvait, il est vrai, fabriquer de la bière de ménage ; cette possibilité ne
semble pas avoir beaucoup préoccupé les administrations fiscales.
282
En 1908, les droits sur le thé représentaient plus du quart des recettes
douanières russes.
283
Le comte Mollien, qui avait connu les inconvénients de la trésorerie de
l’Ancien Régime, eut le souci de monter un mécanisme de mouvements de
fonds qui suppléa, pendant longtemps, l’insuffisance des techniques
bancaires françaises.
284
Il n’a pas paru nécessaire d’insister sur la liaison qui unit le progrès des
échanges au développement du système bancaire et au fonctionnement du
régime monétaire.
285
A fortiori le développement du commerce international offrait des
ressources faciles à percevoir sous forme des droits de douane qui tinrent
une grande place dans les budgets des États industriels du XIXe siècle. Je
n’insiste pas ici sur les avantages qu’en tirèrent les États fédéraux :
l’Allemagne et les États-Unis
286
Je n’insiste pas sur des produits que les métropoles importaient de leurs
colonies. Café, thé, cacao étaient, je le redis, particulièrement faciles à saisir
à l’entrée dans les ports. La douane en était chargée.
287
Cette vue est un peu schématique. Les points de passage restaient tout de
même utilisés pour la surveillance.
288
On sait que la République italienne s’est efforcée de modifier cette structure
par sa réforme foncière : les latifundia ont été découpés en de multiples
petits lots sur lesquels les maisons d’habitation et les bâtiments
d’exploitation sont situés.
289
Cf. l’article du B.S.L.C. d’avril 1889 intitulé : « Les dazi di consumo »,
p. 450 sq.
290
A côté des droits d’entrée perçus au profit des États, on trouvait dans divers
pays européens — dont la France — des taxes perçues dans les mêmes
conditions au profit des communes. Ces droits d’octroi constituaient une
part appréciable des recettes locales.
291
Comme le gouvernement français, le gouvernement italien essaya de
provoquer une modification de structure économique en incitant (en 1886)
les petits propriétaires à s’associer pour distiller en commun leur récolte.
292
Cf. dans la IIIe partie la méthode d’établissement du cadastre.
293
En Autriche, une loi de 1817 avait prescrit la confection d’un cadastre
uniforme basé sur l’arpentage et l’évaluation de toutes les parcelles. Une loi
de 1869 en prescrivit la révision.
La monarchie des Habsbourg avait, en cette matière, une tradition déjà
ancienne. Aussitôt après la prise de possession de la Bosnie et de
l’Herzégovine, le gouvernement autrichien entreprit l’exécution d’un
cadastre qui fut effectué de 1880 à 1886.
En Hongrie, un cadastre fut établi en vertu d’une loi de 1875.
Aux États-Unis où l’impôt foncier était réservé aux États, il existait dans
certaines régions des cadastres géométriques.
Dans certains pays, il n’existait pas de cadastre géométrique, soit parce
que l’agriculture était évoluée c’était le cas de l’Angleterre —, soit pour la
raison inverse ; il en était ainsi notamment des pays anciennement dominés
par les Turcs.
Mentionnons enfin l’apparition, dans certains pays, du système des livres
fonciers : la seule inscription sur un cadastre, tenu par immeuble, faisait
preuve du droit de propriété ou du droit de créance hypothécaire.
294
Les barèmes de la patente variaient naturellement d’un pays à l’autre.
Certains n’avaient que des droits fixes : l’Espagne, le Portugal, les Pays-
Bas, la Belgique. D’autres avaient, comme la France, une taxe fixe et une
taxe variable, c’était par exemple le cas de la Bavière. Les tarifs variaient
suivant la profession, la population, parfois l’outillage et le nombre
d’ouvriers — ces différents éléments se combinant de diverses façons.
295
On peut comparer à cet impôt la taxe sur les cheminées ou sur les foyers
que certains pays conservèrent pendant une partie du XIXe siècle. En
Hollande, d’après les lois de 1821-1822, l’impôt sur les foyers était un des
éléments de l’impôt personnel. Il portait suivant un tarif progressif sur le
nombre de cheminées, les poètes étant comptés comme équivalant a un
certain nombre de cheminées.
296
Après avoir essayé un certain nombre de formules relativement
compliquées, on en était arrivé en 1832 au régime suivant : le taux de la
taxe personnelle, due par tout habitant avant personnellement des moyens
d’existence, était fixé par les conseils généraux : il devait correspondre à la
valeur de trois journées de travail. Cette contribution personnelle était
réunie à la contribution mobilière. Elles étaient établies par voie de
répartition.
297
Les cartes à jouer et les spectacles étaient déjà soumis a des impôts
indirects.
298
Les billards furent imposés aux États-Unis après la guerre de Sécession.
299
On notera également que d’après le système autrichien et celui de certains
États allemands, l’impôt sur les propriétés bâties distinguait :
les villes où existait un véritable marché de location : on y prenait le bail
pour bases ;
les autres localités où l’on procédait par voie de comparaison.
300
N’oublions pas que le produit de l’impôt sur le revenu des valeurs
mobilières (et sur les intérêts des créances et cautionnements), perçu par
l’Administration de l’enregistrement, était compris dans le premier chiffre.
301
Discours du 26 décembre 1871, cité par Stourm, Systèmes généraux
d’impôts.
302
La dépense était taxée non seulement par les impôts de consommation mais
aussi par les impôts de type indiciaire : ceux-ci visaient en effet à atteindre
le revenu présumé en taxant le lover ou des frais somptuaires (cf. chap v).
303
Discours au Landtag prussien du 4 février 1881.
304
Sauf, encore une fois, des exceptions limitées qui apparurent surtout vers la
fin du XIXe siècle.
305
Germain-Martin, Les Finances publiques de la France et la fortune privée.
1925, p. 35.
306
En Suisse en 1870 le canton de Zurich décida la progressivité de l’impôt sur
le capital et sur le revenu. Durant les trente années suivantes, ce système fut
appliqué successivement dans douze cantons.
En Australasie, l’impôt progressif sur les successions est voté à Victoria
en 1870, dans la Nouvelle-Galles du Sud en 1875, dans le Queensland en
1892, dans l’Australie du Sud en 1893, en Tasmanie en 1904. La même
décision avait été prise en Nouvelle-Zélande en 1887.
307
On notera cependant que la motion tendant au maintien de l’impôt ne fut
rejetée qu’à une faible majorité : 37 voix.
308
G. Weill, L’Éveil des nationalités et le mouvement libéral t. XV de la
collection « Peuples et civilisations ».
309
Le Congrès d’Erfurt (1891), qui proposait des réformes politiques et
sociales plus avancées, conserva la revendication de l’impôt progressif
direct.
310
En fait, les socialistes avaient obtenu en 1890 1 500000 voix, presque le
double de 1887. Bismarck rêvait de leur enlever le droit de vote. Il espérait
dit-on une révolte qui eût permis une répression.
311
Système mis en œuvre en 1891 par Pierson, ministre des Finances des Pays-
Bas.
312
Dans ce chapitre, comme dans les précédents, nous avons largement utilisé
l’ouvrage de Seligman, L’Impôt sur le revenu.
313
On trouverait, cependant, quelque chose de comparable en Europe où, dans
différents pays, on débattait vivement des charges respectives de la
propriété foncière et de la propriété mobilière.
314
Les billets émis pendant la guerre de Sécession portaient le nom de
Greenbacks (les verts).
315
Le « People’s Party » recueillit plus d’un million de voix en 1892.
316
Renforcés par les difficultés du monde rural qui s’étaient accentuées avec
l’aggravation de la baisse des prix à partir de 1890.
317
Il semble inutile de s’étendre sur le débat juridique. Rappelons que l’un des
articles constitutionnels invoqués à l’encontre de la loi était formulé dans
les termes suivants : « Il ne sera établi de capitation ou autre impôt direct
qu’en proportion du recensement ou dénombrement qui sera prescrit
dorénavant. » Que fallait-il entendre par « impôt direct » à une époque qui
ne connaissait pas ce que nous appelons : impôt sur le revenu ? C’était un
beau thème de dispute pour des juristes.
318
Je passe sur les vaines tentatives de certains États.
319
« A special excise tax on the gross receipts of compagnies refining
petroleum or refining sugar. »
320
Il était formulé dans les termes suivants : « Le Congrès aura le droit
d’établir et de percevoir des impôts sur le revenu, de quelque source qu’ils
proviennent, sans répartition entre les différents États et sans tenir compte
d’un recensement ou d’un dénombrement de la population. »
321
Cf. Marion, Histoire financière, t. VI, pp. 107-108. Mais Peytral fit
procéder à une enquête sur l’imposition des revenus à l’étranger. Les
résultats de cette enquête furent publiés par le ministère des Finances en
1894.
322
Proposition Pelletan visant la création d’impôts progressifs sur le capital et
le revenu ; proposition Goblet visant l’institution d’impôts sur le revenu,
proposition Doumer et Cavaignac d’impôts sur le revenu à taux progressif.
D’autres propositions furent déposées, notamment par Jaurès.
323
A propos de crédits pour Madagascar.
324
Lors de la discussion, Caillaux protesta contre toute pensée de niveler les
fortunes par l’impôt.
325
Durant la législature 1902-1906, les problèmes religieux l’emportèrent sur
les problèmes financiers.
326
Par exemple celle de Cavaignac en 1894 ou celle de Jaurès.
327
Dans les quatre États qui avaient adopté l’impôt sur le revenu avant 1870,
deux, Hambourg et Lübeck, sont des villes essentiellement commerçantes.
Ce type d’impôt apparaît ensuite en Saxe en 1874, dans le grand-duché de
Bade en 1884, de Prusse en 1891, en Wurtemberg en 1893, en Bavière en
1910 seulement. Les deux Mecklembourg, en 1913, n’avaient pas encore
d’impôt sur le revenu. De ces indications très sommaires nous négligeons
une série d’États secondaires —, se dégage une liaison assez nette entre le
développement industriel ou commercial et l’apparition de l’impôt sur le
revenu.
328
Nous devons noter que la Belgique ne connut l’impôt sur le revenu que
tardivement, puisqu’elle attendit 1920, alors qu’en Espagne il fut créé en
1900.
329
Exposé des motifs du projet de loi présenté à la Chambre des députés le 10
mars 1877, cf. le B.S.L.C., nov. 1877, p. 261 sq.
330
Pierre Perdrieux, Les Fraudes dans l’impôt italien sur les revenus de la
richesse mobilière. avec une lettre préface de M. Luigi Luzzatti : 1910.
331
Cf. Seligman, op. cit., p. 109.
332
Il n’était pas difficile d’appliquer la discrimination à l’impôt global ; il
suffisait, il suffit toujours, de déduire un certain pourcentage de la partie du
revenu provenant du travail.
333
Il s’agit là d’un phénomène d’« anticipation des revenus » nécessaire à la
compréhension de l’inflation.
334
L’Allemagne fait exception, avec sa puissance industrielle très poussée,
mais cette anomalie s’explique aisément. Après la Première Guerre
l’effondrement de la monnaie allemande semble avoir été, en partie du
moins, délibérément voulu comme une sorte de démonstration de l’excès
des charges que le traité de Versailles imposait au vaincu. Du jour où il y
eut une volonté de rétablir la monnaie, cette restauration se fit à une vitesse
qui étonna les experts.
335
Je reviendrai ultérieurement sur ce point.
336
Les travaillistes avaient soutenu sans succès un projet d’impôt
extraordinaire sur le capital. Cf. Jèze, « Le rejet de l’impôt extraordinaire
sur le capital comme moyen de liquider les charges financières de la
guerre », in R.S.L.F., 1920, p. 401 sq.
337
Le problème ne se posait pas dans certains pays, notamment en Grande-
Bretagne où tous les titres étaient nominatifs. Une fois de plus, la structure
financière de l’Angleterre fournissait au fisc une base plus assurée.
338
Cf. Daniel Guérin, Fascisme et grand capital. Jèze, « L’impôt
extraordinaire sur le capital en Italie », in B.S.L.C.. 1920, p. 247 sq. ;
« Italie — le régime des valeurs mobilières », in B.S.L.C., 1923, p. 1037
sq. ; « Italie — la réforme fiscale », in B..S.L.C.. 1924, I, p. 942 sq.
339
François-Perroux, Contribution à l’étude de l’économie et des finances
publiques de l’Italie depuis la guerre, 1929, p. 212.
340
Cf. B.S.L.C.. 1923, II, p. 1307 sq.
341
Cf. Guérin, op. cit. et B.S.L.C.. notamment dans le numéro d’octobre 1934,
« La réforme fiscale », p. 1059 sq.
342
Cf. Dubergé, La Politique fiscale de l’Italie fasciste, 1938 ; Daniel Guérin,
Fascisme et grand capital ; François Perroux, Contribution à l’étude de
l’économie et des finances publiques de l’Italie depuis la guerre, 1929.
343
Cf. B.S.L.C.. 1938, I, p. 669 ; « Italie — les prélèvements extraordinaires
sur les capitaux depuis 1935 », et B.S.L.C., 1938, II, p. 1237 :
« Italie — l’impôt sur le capital des entreprises industrielles et
commerciales. »
344
Dans l’ensemble, ces mesures étaient conformes aux conclusions du Comité
des experts, créé par décret du 31 mai 1926, dont le rapport a été publié
notamment dans le B.S.L.C. de juin 1926, p. 1065 sq.
345
Cf. R.S.L.F.. 1934, p. 323.
346
Le livre de base reste The general theory of employment interest and money
de Keynes, paru en 1936 et traduit en français par Jean de Largentaye. Il
paraît inutile de relever ici les différents ouvrages consacrés à la théorie
générale pour la critiquer, l’approfondir ou la compléter.
347
En fait, la suite de cet ouvrage le montrera, on peut retenir l’apport de
Keynes dans le domaine de l’analyse sans adopter toutes ses conclusions
car celles-ci reposent sur des jugements de valeur qui n’ont pas de portée
scientifique. D’ailleurs le souci du plein emploi conduit à dépasser les
analyses et surtout les conclusions de Keynes.
348
Cf. l’Inventaire de la situation financière 1913-1946. effectué en France en
1946.
349
Ce fut, par exemple, le cas de la Grande-Bretagne durant la guerre 1939-
1945. La France tout récemment a connu un prélèvement exceptionnel
partiellement remboursable.
350
Parlant de la taxe sur les achats, le chancelier de Échiquier insisté sur la
même idée : « Mais pendant toute la période où l’impôt a été appliqué il a
eu également un autre objet et un autre but, décourager la consommation
intérieure. Cela a une grande importance à l’heure actuelle où nous n’avons
pas seulement besoin de nous procurer davantage de ressources fiscales
mais où il nous faut encore exporter une quantité importante de biens de
consommation et, dans la mesure où cela est possible, diriger vers la
production d’armement la main-d’œuvre, les matières premières et
l’outillage utilisés actuellement à la fabrication de biens de
consommation. »
351
Le rapport des experts, Politique budgétaire et équilibre économique,
leçons du passé, problèmes de perspectives, s’est appuyé notamment sur
une étude intitulée La Politique budgétaire dans sept pays, 1955-1965.
352
Les régimes et les évaluations n’étant pas les mêmes, les comparaisons d’un
pays à l’autre n’ont qu’une signification relative. En particulier elles ne font
pas état du « chômage déguisé » qui, dans certains pays, présente une très
grande importance.
353
Comme d’ailleurs d’autres réalisations du New Deal. Il faut ajouter que les
politiques d’expansion fondées notamment sur l’action budgétaire ou
fiscales apparaissent dans certains milieux comme pouvant entraîner le
recours à des mesures de contrôle des salaires et des revenus ou plus
généralement de l’activité économique mesures jugées par avance
insupportables.
354
Le Comité des experts de l’O.C.D.E. estime que d’autres pays auraient
intérêt à s’inspirer de ce système (dont nous n’avons indiqué que les
grandes lignes) tout en estimant qu’il présente quelques lacunes, notamment
en ce qui concerne les impôts indirects dont les taux devraient pouvoir être
modifiés en fonction de la conjoncture.
355
Cf. Gunnar Eliasson, Investment Funds in Operation, 1965.
356
Maurice Lauré. Traité de politique fiscale, p. 110.
357
Ou plutôt de permettre à chaque producteur de déduire de l’impôt qu’il
paye l’impôt payé au stade antérieur, impôt qui lui a été facturé.
358
Le traité de Rome avait posé certaines règles. L’article 95 interdit toute
discrimination directe ou indirecte en matière d’impôt sur la consommation.
L’article 96 en tire une première conséquence : le remboursement des
charges fiscales au profit des produits exportés ne peut excéder le montant
de la charge fiscale interne. L’article 97 fait application de ce principe aux
pays qui appliquent une taxe en cascade sur le chiffre d’affaires. Un autre
article — l’article 99 — évoque une perspective d’harmonisation dans le
domaine des taxes sur le chiffre d’affaires et des accises.
359
En ce qui concerne le Royaume-Uni, cf. le Richardson Report (Report of
the Committee on Turnover Taxation). the Nedo Report, et le livre vert
publié par les services officiels en vue de provoquer un large débat sur ce
problème. Le souci d’éliminer les distorsions provoquées par le système
fiscal et de faciliter le remboursement aux exportateurs de toutes leurs
charges fiscales y est particulièrement souligné.
360
Pour ne pas alourdir cet ouvrage je me permets de renvoyer au passage
consacré à ce problème dans mon Histoire de l’impôt.
361
Ici également je me contente d’évoquer une question fiscale
particulièrement complexe et dont l’étude même sommaire demanderait de
longs développements.
362
Entendons par là les impôts progressifs sur le revenu et sur l’héritage.
Cependant il sera surtout question ici des impôts sur le revenu qui jouent le
plus grand rôle dans les systèmes contemporains.
363
On trouvera dans l’ouvrage de Séligman, Incidence et répercussion de
l’impôt, de nombreuses citations d’auteurs anglo-saxons.
364
Cf. infra.
365
Je parle ici de la propension à l’épargne individuelle. Il n’est pas sûr on le
sait que l’accentuation des efforts d’épargne individuelle augmentent
l’épargne globale de la collectivité, épargne qui elle-même s’identifie avec
l’investissement. Sur ce point la démonstration de Keynes n’a pas, a notre
connaissance, été réfutée. En effet, en voulant épargner, les individus
peuvent restreindre les débouchés, créer le sous-emploi et, en définitive,
déterminer une baisse de production qui fera perdre, et au-delà, ce que
certains ont épargné.
On pourrait donc soutenir que le seul problème consiste a favoriser
l’investissement, problème que nous examinerons plus loin.
On peut ne pas s’arrêter à cette objection pour les raisons suivantes :
366
Y a-t-il double imposition ? les économistes en discutent. L’important est de
savoir si les individus ressentent cet effet.
367
Ceci n’est pas tout à fait exact. S’ils réalisent la plus-value en vendant leur
capital, les contribuables paieront des droits de mutation, relativement
faibles s’il s’agit de valeurs mobilières, plus élevés s’ils aliènent des
immeubles.
368
Cf. in Black, The Incidence of income taxes, le chapitre XVII consacré à
l’effet que l’impôt sur le revenu peut exercer sur l’acceptation du risque
(« uncertainty-bearing »). Cf. également in Kaldor, An Expenditure Tax,
1955, le chapitre III. « Taxation and Risk-bearing ».
369
Le phénomène est si évident qu’il parait superflu d’en donner la
démonstration.
370
On peut, naturellement, être plus ou moins sévère sur le degré de
probabilité nécessaire pour faire accepter une provision.
371
Il est vrai que la dépréciation monétaire continue représente une charge
pour les entreprises, lorsqu’elles sont obligées d’acquérir le nouveau
matériel à un prix nettement supérieur à celui auquel l’ancien avait été
acheté et amorti. On sait que les législateurs prévoient de temps en temps
des réévaluations de bilans permettant, entre autres avantages, d’accroître le
volume des amortissements en fonction de la hausse des prix La
réevaluation des bilans évite aussi de faire apparaître des bénéfices lorsque
certains éléments d’actif sont vendus à un cours supérieur au prix d’achat.
Nous n’avons pas cru devoir entrer dans l’étude de ces mécanismes.
372
Aux États-Unis, les entreprises pétrolières peuvent déduire du revenu
imposable 27,5 % du revenu brut (50 % au maximum du revenu net) en vue
de procéder à des recherches nouvelles. Les déductions à opérer à ce titre
sur les bénéfices bruts sont de 23 % pour l’uranium et les minerais
stratégiques, de 15 % pour d’autres métaux, de 10 % pour le charbon.
373
Cf. Gabriel Ardant, Technique de l’État, et Pierre Mendès-France et Gabriel
Ardant, Science économique et lucidité politique : p. 337 sqq.
374
Par les explosions sociales qu’il déclenche le sous-emploi ne peut même
pas être considéré comme un instrument assuré de freinage des prix.
Indépendamment de telles réactions, les politiques déflationnistes n’arrivent
plus à freiner suffisamment la hausse des prix.
375
Je reprends les termes d’Alain Chenicourt dans son ouvrage sur la société
d’inflation.
376
L’acuité de la pression inflationniste des pays occidentaux n’avait pas
attendu la crise de l’énergie
377
Cf. notamment l’ouvrage de Gabriel Ardant, Le Monde en friche, et
l’ouvrage de Pierre Mendès France et Gabriel Ardant, Science économique
et lucidité politique.
378
Cf. le rapport de la commission Commerce des produits de base et
développement de l’O.N.U. et notre ouvrage Le Monde en friche.
379
Rappelons que l’institution des produits utilisés avait pour objet de réduire
l’emploi de matières premières dont il fallait réserver la plus grande part
aux fabrications de guerre et, pour la même raison, de diminuer la quantité
de travail incorporée dans chaque objet.
On pourrait d’ailleurs, dans un monde menacé de pénurie, réserver la
qualité utilité aux produits qui consommeraient moins d’énergie et de
matières premières « rares » que d’autres (cf. infra).
380
Cf. par exemple l’évolution concordante de la législation anglaise et de la
législation française.
381
Cf. supra la IVe partie, titre II.
382
Il existe généralement, en France en tout cas, une fiscalité de la forêt et du
boisement. Est-elle bien adaptée à son objet ? Cela ne paraît pas évident. La
même question se pose pour d’autres pays.
383
En France par une loi de 1971 qui avait été précédée par un accord passé
entre les organisations patronales et ouvrières.
384
Un certain nombre de précautions doivent être prises pour que la formation
donnée serve l’intérêt de celui qui la reçoit en même temps que l’intérêt de
l’entreprise qui la fournit.
385
Cf. les rapports de l’organisme dit « Commission Laval », du nom de son
président.
386
Nous n’insistons pas sur l’importance des régimes de tarification et de leur
modulation en fonction des exigences économiques : tarifs plus accentués
des trafics de pointe, tarifs plus modérés des « heures creuses », etc.
387
J’ai laissé de côté la Chine, non que j’en méconnaisse l’intérêt mais
l’importance même de ce pays et les caractères propres de son régime
obligeraient à des développements trop longs pour trouver place dans cet
ouvrage. Je me permets de renvoyer au chapitre correspondant d’Histoire de
l’impôt.
388
La mévente ne déclenchera pas le chômage, au sens strict du mot, si la
stabilité de l’emploi est assurée, mais elle peut entraîner le chômage
déguisé, c’est-à-dire le maintien d’un personnel inutile.
389
Déduction faite, bien entendu, des tendances à l’épargne.
390
A défaut, les décisions prises risquent de verser dans un arbitraire dont il
n’est pas besoin de souligner quels peuvent être les inconvénients : crainte
exagérée paralysant l’action des gérants, etc.
Il est à noter que la faillite n’est pas la seule ni peut-être la principale
sanction du régime capitaliste. Les établissements financiers, lorsqu’ils
refusent un crédit ou le subordonnent à telle ou telle réorganisation, sont les
instruments d’un système de sanctions. Eux aussi d’ailleurs doivent se
fonder sur des indicateurs de gestion. A cet égard, les vues présentées ici ne
sont pas sans valeur pour les régimes non collectivistes. Le rapprochement
va plus loin. On peut penser que dans les régimes collectivistes il y a
avantage à confier à des établissements de type financier le soin de mettre
en œuvre une partie des sanctions.
391
Résolution du Xe Congrès du parti communiste.
392
Je n’insiste pas sur cet aspect de l’histoire des finances soviétiques. On
pourra se reporter à l’ouvrage de Zverev, Trente années de finances
soviétiques.
393
Cf. Holzman, Soviet taxation.
394
Trois ordres de faits semblent permettre de dire que les emprunts
soviétiques ont eu un effet de limitation de la demande que les emprunts
n’ont généralement pas : encore que leur souscription ait été facultative, les
observateurs occidentaux admettent généralement qu’il était pratiquement
difficile de s’y soustraire ; les bons n’étaient pas remboursables avant
échéance ; des conversions forcées ont eu lieu.
395
Analogue aux échanges effectués dans les pays d’Europe occidentale,
l’opération soviétique fut accompagnée d’un prélèvement particulièrement
sévère sur les avoirs monétaires et les titres de rente des individus.
396
Dans l’étude : Trente Années de finances soviétiques, Zverev souligne lui-
même la gestion défectueuse des banques : « En violation des principes
fondamentaux de la réforme du crédit, les ennemis du peuple consentaient
des crédits aux entreprises, qu’elles aient ou non exécuté les plans », op.
cit., p. 162.
Pour éliminer ces abus, une série de dispositions furent prises en 1931 :
les crédits devaient être consentis non suivant le plan, mais suivant son
exécution. D’autres réformes, également destinées à renforcer la discipline
du crédit, furent prises en 1932, 1933, 1935, 1936.
397
Cf. Les Questions du léninisme, notamment le titre II, p. 56.
398
Dans des articles antérieurs, Liberman avait formulé des propositions
sensiblement différentes de celles qu’il présenta en 1962.
399
Le 7 février 1969, la Documentation française a publié, sous le titre « La
discussion », de nombreux extraits des articles des économistes soviétiques
de 1962 à 1965.
400
Cf l’expose de Kossyguine devant le Plénum du Comité central, le 29
septembre 1965.
401
Rappelons que, grâce à la taxe sur le chiffre d’affaires, il est possible que
les prix de vente au détail soient très différents des prix départ usine. Encore
convient-il que cette taxe ne soit pas fixée arbitrairement, qu’elle
corresponde au souci d’absorber les rentes de conjoncture et de situation.
C’est là un des points délicats des réformes de l’Europe de l’Est.
402
Il est possible qu’un certain nombre de mesures du type de celles qui sont
évoquées ici aient été prises.
403
Coopératives de production.
404
Les prix eux-mêmes varient suivant les zones.
405
Fermes d’État.
406
René Dumont, in Kolkhoz. sovkhoz el le problématique communisme.
407
Nous insistons sur ce point que certains réformateurs tendent parfois à
perdre de vue. Les enseignements du passé comme ceux du présent doivent,
ici comme ailleurs, ne pas être oubliés.
408
Cf. 1° les études ou articles des économistes qui ont joué un grand rôle dans
la préparation de la réforme ; 2° les Résolutions du Comité central du Parti
socialiste ouvrier hongrois sur la réforme du mécanisme de l’économie
(1965) ; 3° des documents d’information générale, tel « La Réforme du
mécanisme de l’économie en Hongrie », Pannonia, 1969 (interview de M.R.
Nyers, secrétaire du Comité central du P.S.O.H. ; 4° divers articles du
Courrier des pays de l’Est.
409
Nous devons beaucoup aux observations faites en 1968 au cours d’un
voyage d’études en Hongrie, à des visites d’entreprises, aux entretiens que
nous avons eus notamment avec MM. Bognar et Vajda, ainsi qu’avec le
ministre des Finances.
410
Sous réserve de l’action des syndicats qui doivent désormais jouer un plus
grand rôle.
411
Il faut tenir compte notamment de la modification du régime du travail en
raison de l’introduction de la semaine de 11 heures contre 18 heures
antérieurement.
412
On doit également se demander si le volume des investissements planifiés
n’est pas resté excessif, faute d’avoir été réduit en vue de « faire la place »
aux investissements décentralisés.
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