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L'ecole Et La Crise Des Valeurs
L'ecole Et La Crise Des Valeurs
L’école face
à ses nouveaux défis
Gérald Boutin
Groupe LIRE
Université du Québec à Montréal
dont elle est le reflet. C’est ainsi que la crise des valeurs qui marque la société
actuelle trouve dans le milieu scolaire un écho direct. Il n’est donc pas
étonnant que l’opposition entre les visées culturelles de l’école et les visées
marchandes de la société occupe une place importante dans le discours actuel
de l’éducation. Les enseignants se voient ainsi aux prises avec les attentes
de l’école qui leur demande de préparer des citoyens critiques et autonomes,
d’une part, et d’autre part, avec celles de l’industrie qui attend d’eux la fabri-
cation d’un ouvrier, soumis, producteur de biens. Par ailleurs, il est diffi-
cile pour les écoles de refuser les subsides que lui font miroiter l’industrie
alors qu’elles manquent cruellement de moyens matériels pour mener à bien
leurs projets de développement. C’est ce même argent qui est le nerf des
réformes et, bien sûr, de la recherche. Plusieurs universités ont déjà ouvert
leurs portes à des firmes industrielles qui font appel «sur place» aux savoirs
de jeunes chercheurs et cela à moindre coût. En l’occurrence, on peut se
demander quelle est la marge de manœuvre de ces derniers quand il s’agit
de produire les résultats de leurs travaux. Cette école ouverte aux marchés
inquiète à juste titre un nombre de plus en plus grand d’observateurs (de
Sélys, 1998). En un mot, l’école, entendons surtout ici les enseignants, se
retrouve face à un véritable paradoxe : soit se refermer sur elle ou alors
s’ouvrir au vent de l’industrie, de la mode et de l’immédiat. Les choix
d’écoles auquel adhère un gouvernement quelconque ne sont jamais
innocents. Les valeurs d’une nation se retrouvent tout naturellement à la
base de son choix d’écoles. À l’heure actuelle, ce choix se présente souvent
sous la forme de l’opposition entre les méthodes du passé et celles du
présent, entre l’école d’hier et celle d’aujourd’hui : école nouvelle vs école
traditionnelle, paradigme constructiviste vs positiviste, etc. Ces oppositions
convenues masquent les enjeux véritables et relèguent aux oubliettes
tout débat véritable.
Bref, les valeurs éducatives diffèrent d’une société à l’autre, d’une
époque à l’autre, d’une strate sociale à une autre. En ce début de millé-
naire, il importe de nous demander non seulement quelles sont les valeurs
qui sous-tendent nos décisions et nos actions, et cela encore plus particu-
lièrement quand il s’agit de l’éducation des futurs citoyens. Bien évidem-
ment, les conceptions de la société et de l’école vont fluctuer selon les réa-
lités auxquelles l’école peut faire face. Qu’on pense seulement au défi
ethnique dont Debarbieux (2003) trace un portrait très pertinent.
La relation famille-école
L’un des principaux problèmes qui confrontent l’École réside dans sa rela-
tion avec les parents d’élèves. De plus en plus, les parents sont sollicités
pour suivre de plus près la vie scolaire de leurs enfants. Les pouvoirs publics
ont mis en place des dispositifs qui donnent aux parents un pouvoir qu’ils
n’avaient pas auparavant ou, du moins, un pouvoir qu’ils ne s’arrogeaient
pas. Ces dispositifs, à l’évidence, ont créé dans certains cas des liens
plus serrés entre parents et enseignants. Mais ce n’est pas toujours le cas.
De nombreux écueils subsistent encore. Pensons, par exemple, à la prise
de pouvoir par des groupuscules de parents qui finissent par éroder celui
de la direction et des enseignants eux-mêmes et aux parents « indifférents »
à la réussite scolaire de leurs enfants.
À l’heure actuelle, la place des parents à l’école se situe entre accep-
tion et méfiance. Les exigences de certains d’entre eux envers les enseignants
vont jusqu’à les charger de réparer les pots cassés, de régler des problèmes
de les discipline qui sont de leur ressort. « Trouvez un moyen de le mettre
au lit et qu’il dorme ! », demande une mère à l’enseignant de son fils. Cette
supplique révèle un désarroi qui est plus répandu qu’on ne le croit en général.
Certes, les parents sont de plus en plus présents à l’école, par le truche-
ment des conseils d’établissement et autres dispositifs, mais cela ne saurait
régler tous les problèmes. Il faudrait ici encore pousser la réflexion plus
avant et proposer des avenues destinées à favoriser au maximum la
relation entre la famille et l’école.