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Recueil Dextrait 1 - Theatre
Recueil Dextrait 1 - Theatre
Recueil Dextrait 1 - Theatre
TIT-COQ – Oui... mais c’est égal : J’aurai le temps de me reprendre à mon goût.
TIT-COQ – Tellement nouveau que j’aime presque ça. Ce qui est triste, je m’en
rends compte, c’est pas de s’ennuyer...
TIT-COQ – Peut-être, oui Tandis que là, je pars avec une fille dans le cœur... Une fille
qui me trouve beau, figurez-vous !
LE PADRE – Non !
TIT-COQ – A ben y penser, c’est une maudite preuve d’amour qu’elle me donne là,
elle ?
TIT-COQ – Oui, je pars avec une fille qui m’aime, dans le cœur... et un album de
famille dans mon sac.
LE PADRE – Un album de famille ! C’est elle qui te l’a donné ?
TIT-COQ – Tout de suite si vous voulez ! (Il sort l’album de sa vareuse.) Et vous allez
voir la plus belle famille au monde ! Je le dis, même si c’est la mienne. (Lui
montrant la première page) Tenez : ça, ça va être mon beau-père et ma belle-mère.
TIT-COQ – Non, c’est ma belle-sœur Claudia, avec mon neveu Jacquot. (il tourne la
page) Marie-Ange, la v’la.
TIT-COQ – Rien pour vous ! Mais moi, avec un peu d’imagination, je distingue très
bien madame Arthur Saint-Jean... avec le petit Saint-Jean sur ses genoux. A moins
que ce soit la petite... Peux pas voir au juste... Et le gars à côté, l’air fendant comme
un colonel à la tête de sa colonne, c’est votre humble serviteur.
TIT-COQ – Tenté ? Tous les jours de la semaine ! Mais non. Épouser une fille, pour
qu’elle ait un petit de moi pendant que je serais parti au diable vert ? Jamais en
cent ans ! Si mon père était loin de ma mère quand je suis venu au monde, à la
Miséricorde ou ailleurs, ça le regardait. Mais moi, quand mon petit arrivera, je serai
là, à côté de ma femme. Oui, Monsieur ! Aussi proche du lit qu’il y aura moyen.
LE PADRE – Je te comprends
TIT-COQ – Je serai là comme une teigne ! Cet enfant-là, il saura, lui, aussitôt l’œil
ouvert, qui est-ce qui est son père. Je veux pouvoir lui pincer les joues et lui
mordre les suisses dès qu’il les aura nettes ; pas le trouver à moitié élevé à l’âge de
deux, trois and. J’ai manqué la première partie de ma vie, tant pis, on n’est parle
plus. Mais la deuxième, j’y goûterai d’un bout à l’autre, par exemple ! ... Et lui, il
aura une vraie belle petite gueule, comme sa mère.
[...]
LE PADRE – Dis-moi ça
TIT-COQ – (Ouvrant l’album à une certaine page) Je vous le dirai pas : je vais vous le
lire.
TIT-COQ – C’est-à-dire que j’ai composé ça hier, dans le train pour Halifax. Et, à
matin, j’ai collé le papier dans l’album pour être bien sûr de pas le perdre.
TIT-COQ – Vous allez peut-être rire de moi : si on comprend de travers, ç’a l’air un
peu enfant de choeur.
TIT-COQ – (Lisant) « Moi, je m’imagine pas sénateur dans le parlement, plus tard, ou
bien millionnaire dans un château. Non ! Moi, quand je rêve, je me vois en
tramway, un dimanche soir, vers sept heures et quart, avec mon petit dans les bras
et puis, accrochée après moi, ma Toute-Neuve, bien propre, son sac de couches à
la main. On s’en va veiller chez mon oncle Alcide. Mon oncle par alliance, mais
mon oncle quand même. Le petit bâtard, tout seul dans la vie, ni vu ni connu. Dans
le tramway, il y aurait un homme comme tout le monde, en route pour aller voir les
siens. Un homme bien ordinaire avec son chapeau gris, son foulard blanc, sa
femme et son petit. Juste comme tout le monde. Pas plus, mais pas moins,
maudit ! Pour un autre ce serait peut-être un bien petit avenir mais, moi, avec ça, je
serais sur le pignon du monde. Grâce à Marie-Ange Desilets, de Saint-Anicet, qui
me donnera en cadeau toute sa famille. C’est pourquoi je pourrai jamais assez
l’aimer et la remercier, même si je devais vivre cent ans. » (Il a fini de lire et se
tourne vers le Padre)
Extrait 2: Zone (Marcel Dubé) 1953
Dubé, M. (1968), Zone, Édition Léméac, p. 43 et 146.
Acte 1
TARZAN – Je vous ai avertis, je vous ai dit que des fois ça serait dur de
vous plier aux ordres, mais que c’était nécessaire. J’ai mis au point un
système de contrebande où vous courez aucun danger, où je prends
tous les risques sur mon dos… tous les risques… tu comprends, Passe-
Partout? Et dans quelques années d’ici on sera riche et on vivra
comme du monde. Personne pourra nous obliger à travailler et à nous
salir comme des esclaves dans des usines ou des manufactures. On
gaspillera pas notre vie comme les autres gars de la rue qui se laissent
exploiter par n’importe qui.
Acte 3
TARZAN – Réveille-toi, Ciboulette, c’est passé tout ça… Je
m’appelle François Boudreau, j’ai tué un homme, je me suis
sauvé de prison et je suis certain qu’on va me descendre.
JOSEPH – Moi, je serais peut-être quelqu’un si les Alliés avaient attendu encore un
peu avant de gagner la guerre. Je serais allé là-bas, de l’autre côté, et puis je serais
peut-être jamais revenu. Un gars qui se bat à la guerre, c’est un gars qui gagne pas
sa vie comme tout le monde, qui fait quelque chose de spécial. Tu peux lui donner
un nom, c’est un gars qui a une raison de vivre...
JOSEPH – C’était pas les grades, c’était pas pour les décorations, Émile.
JOSEPH – J’étais contre la conscription, Émile, parce que le Québec avait voté
contre au plébiscite. Puis après, quand je me suis enrôlé, c’est pas pour le roi
d’Angleterre que je serais allé me battre, c’est pour moi-même, pour moi tout seul.
Mais depuis que je suis haut comme ça, je sais pas ce qui joue contre moi, je
réussis jamais rien.
ÉMILE – Un gars comme toi, Joseph, un gars qui gagne sa vie comme soldat, un
gars qui tue du monde par métier, on appelle ça un mercenaire.
JOSEPH – Fais-moi rire avec tes grands mots. Moi, je savais ce que je voulais, c’est
tout! ... Ah! Puis je me sacre de tout ça maintenant, je vis au jour le jour et puis je
me sacre de tout le monde. Ce soir, je m’amuse, Émile, et puis j’aime autant plus
penser à rien.
JOSEPH – T’es pas mal habillé, tu dois travailler dans une banque.
ÉMILE – Dégouté : Non. Je suis collecteur pour une compagnie de finance. Mais
c’est seulement temporaire par exemple. Je cherche à me lancer en affaire, à me
trouver une p’tite business aussi payante que le marché noir.
Le garçon dépose deux bières sur la table des jeunes filles et s’en va.
JOSEPH – Moi je cherche rien. Du moment qu’un gars est logé-nourri, il a tout ce
qu’il faut... Il se débrouille pour se trouver quelques piastres de temps en temps et
puis il prend son coup quand ça fait son affaire... L’assurance-chômage c’est pas là
pour rien!... Un jour, peut-être que je me placerai les pieds une fois pour toutes,
on sait jamais.
JOSEPH – Je suis démobilisé depuis deux mois et puis je me suis arrangé comme
ça jusqu’aujourd’hui.
JOSEPH – J’endure pas les ramasseurs d’épaves. Parce que c’est tout ce qu’il est
Tit-Mine : un ramasseur d’épaves. Il achète de la vieille ferraille et puis il d’occupe
de ma soeur Marguerite... J’ai pas besoin de lui. J’aime pas les bandits, ‘aime pas
les gars de la pègre.
JOSEPH - Réveille-toi Émile. Y a au moins dix filles qui travaillent pour lui dans des
« grills » que je connais.
JOSEPH – Je travaillerai jamais pour Tit-Mine, j’ai pas besoin de son argent...Ah!
puis on n’est pas pour moisir ici, Émile! Qu’est-ce que tu dirais si on se faisait aller
dans le milieu de la place? Y a deux femmes à côté qui demanderaient pas mieux.
***
Note : la version Télé de 1957 est disponible sur Youtube : Téléthéâtre (Radio-
Canada) - Un simple soldat de Marcel Dubé - 10 décembre 1957 - YouTube
Extrait 4: Les oranges sont vertes
(Claude Gauvreau) 1958 à 1971
Gauvreau, C., (1994). Les oranges sont vertes, Éditions de l’hexagone, p.
35-38.
COCHEBENNE – Voici le poème (lisant) «Les blés mûrs holà montent la garde
chevaliers tudesques et envient l’ombre des fougères dodues holà la petite fille
candide holà hume le parfum de la pulpe des fraises holà et le crépuscule
harnaché de vert holà tourne la tête du paysan appuyé sur sa fourche grise holà la
nature tend ses bras virginaux holà à l’appel discret aux langueurs crème holà chéri
prends-moi sur ton cœur holi.»
YVIRNIG – Il ne fait aucun doute dans mon esprit que c’est d’une inauthenticité
consonnée. Entre autres détails, la répétition de «holà» est un procédé vieillot qui
est ici d’une gratuité insupportable. L’image «chevalier tudesque» est assez
inattendue et comporte un certain mystère; mais la plupart des autres
entassements de mots sont banaux et d’un gnian-gnian désespérant. «Holà!» c’est
le cas de le dire.
YVIRNIG – Pourquoi? Je n’ai pas de temps à perdre avec les écrivains ratés. Ton amie
Paprikouce veut se donner une allure «moderne», très artificiellement, et le fond
de sa pensée est niais. Tout snobisme est exécrable. Passons à autre chose.
[…]
DROUVOUAL - À propos, Yvirning, sais-tu que les représentations de la pièce de
Poumergent ont été interrompues? Sous prétexte d’obscénité.
IVULKA – Les gars courageux ont beau lui tordre le cou, la censure a plus d’existences
qu’un chat!
Pendant la tirade d’Yvirning, Mougnan mime un soldat, le corps très raide, qui marque
le pas.
YVIRNIG – La censure? La censure! La censure, c’est la gargouille qui vomit
hideusement son plomb liquide sur la chair vive de la poésie! La censure, c’est
l’acéphale aux mille bras aveugles qui abat comme un sacrifice sans défense
chaque érection de sensibilité délicate au moyen de ses moulinets vandales! La
censure, c’est l’apothéose de la bêtise! La censure, c’est le rasoir gigantesque
rasant au niveau du médiocre toute tête qui dépasse! La censure, c’est la camisole
de force imposée au vital! La censure, c’est la défiguration imprégnée sur la grâce
par un sourcil froncé saugrenu! La censure, c’est le saccage du rythme! La censure,
c’est le crime à l’état pur! La censure, c’est l’enfoncement du cerveau dans un
moulin à viande dont il surgit effilochement. […] La censure, c’est le pet par-dessus
l’encens! La censure, c’est l’éteignement de l’esprit! Où il y a censure, serait-elle la
plus bénigne du monde, il y a l’avortement généralisé. La censure, c’est la barbarie
arrogante. La censure, c’est le broiement du cœur palpitant dans un gros étau
brutal! Oui, mille fois oui, la censure, c’est la négation de la pensée!
Extrait 1
Marie retourne dans son lieu. Elle pleure. Elle est abattue et recroquevillée.
Madeleine vient à elle.
MARIE – Il est entré saoul à matin. Il voulait son petit-déjeuner tout de suite.
La Statue et Madeleine jouent toutes les deux le mari dans un lieu neutre.
LA STATUE - Imbécile!
MARIE – Marcel, Marcel, je t’ai attendu toute la nuit. J’ai pas pu fermer l’oeil. J’étais
inquiète. Tu rentrais pas. Je t’ai attendu.
MADELEINE – Niaiseuse!
[…]
MARIE – Elle relève la tête. Pis je lui ai encore dit : « Je t’aime, Marcel »
MADELEINE – Avec Marie. L’amour! C’est leur racket de la protection. Tous des
pimps. “Have no fear, your man is here”.
[…]
MARIE – Qu'est-ce que je fais à rester encore ici? Est-ce que je vais attendre qu’il
me tue? Peut-être que je n’ai pas le tour avec lui. Que je ne l’ai jamais compris. Ça
doit être de ma faute si je l’agace autant. Faudrait que je fasse attention. (silence)
Peut-être qu’il voudrait avoir d’autres enfants... Me semble que ça nous
raccorderait.
[…]
MARIE – Je me demande ce que j’ai fait pour vivre aussi longtemps avec lui. Huit
ans, c’est long! J’ai comme peur à rebours de ce qui aurait pu m’arriver dans cette
maison. J’ai été à la tabagie du coin, je regardais les étalages de journaux. Et j’ai vu
que je suis partie pour pas finir dans Allô Police. Y a des affaires que je trouvais
normales. Maintenant, elles n’ont aucun maudit bon sens, Avant de me marier,
quand je sortais avec lui, sais-tu, Madeleine, ce qu’il me disait? Il me disait: “Si tu
me quittes, je te tue” Et moi, la dinde, je luis répondais: “Si tu me quitte, je me
tue”. Il n’y avait toujours que moi qui mourrais. (Silence.) Une fois, après une
grosse chicane, sa mère m’avait dit: “Tu sais, Marie, une mère c’est toujours lâche
devant son enfant. Ça pardonne n’importe quoi. Mais vous, Marie, vous êtes pas
obligée d’être lâche.” Cette journée-là, c’est comme si elle m’avait donné la
permission de partir. Il me fallait encore des permissions. (Silence.) Mais je pense
juste aux petits. Comme si j’étais passée d’un piège à un autre.
Extrait 2
MARIE – Il y eut un procès
Il y eut un juge
Il y eut des avocats
Il y eu un accusé.
LA STATUE – La police fit aussi appel à son autre police des mœurs: la
médicalisation de tout acabit.
MARIE – Il y eut des centaines de femmes venues de partout donner leur appui
moral à la plaignante.
[...]
MARIE – Il y eut l’exercice du pouvoir qui questionne, qui tourmente, qui guette,
qui épie, qui fouille, qui palpe, qui pourchasse, qui ouvre grand les yeux, qui
cligne des yeux, le pouvoir qui désire et stigmatise en même temps.
[…]
[…]
MARIE – Il y eut la fin du procès. Le violeur fut innocenté. Ce fut comme la fin d’un
grand été. Dans ce transept, les hommes de loi fiers d’eux se congratulaient. Dans
la cour, tout le monde se levait en même temps.
MARIE – Il y eut des femmes qui sortait de la Cour la gorge engoitrée de sanglots.
Il y eut des femmes qui riaient du sort de la plaignante violée. Il y eut des femmes
dont les dents serraient des cris violents. IL y eut des femmes qui pleuraient
doucement. Tout bonnement. Il y eut des femmes qui demandaient à la porte :
« Le viol, c’est la pathologie du sexe ou du pouvoir? » Il n’y eut personne pour lui
répondre. Chaque réponse attendait son moment. Il y eut une femme qui fut
comme si elle n’avait jamais été violée.
Extrait 7 : UN (Mani Soleymanlou) 2012
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