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© 1995 Editions De Vecchi S.A.

- Paris Imprimé en Italie


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Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et
suivants du Code Pénal.

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PREMIERE PARTIE

D'ABORD LES TROIS FONDATEURS:

ABRAHAM, MOÏSE, SALOMON

INTRODUCTION
Les peuples ont besoin de s'enraciner dans une tradition

Comme le peuple tzigane venu des confins du monde et détenteur de mystères, comme le
peuple aryen qui s'est répandu en Inde et en Gaule en des temps lointains, le peuple juif a une
antiquité vénérable et possède également une tradition. Celte tradition est un ensemble de
secrets et de pratiques magiques, transmis de génération en génération, qui permettent au peu-
ple juif de conserver son identité malgré les persécutions qu'il a connues. Mais ce secret ne
profile pas seulement au peuple juif. Il est bénéfique pour tous. Le peuple juif n'en est que le
dépositaire, et il a pour mission de lui faire traverser les siècles.
Le peuple tzigane est solidaire de toute l'humanité. L'humanité est comme un organisme, elle
a besoin de chacun de ses membres ou de ses organes. Il suffit qu'un seul d'entre eux vienne à
manquer pour que l'équilibre cosmique soit endommagé. Ainsi, le peuple tzigane apporte à
l'espèce humaine le sens du voyage, le sentiment que notre véritable pairie est ailleurs, hors de
ce monde, qu'elle ne se trouve pas sur terre, que nous sommes ici-bas pour un simple passage.
Et c'est ce sentiment très fort qui donne aux manouches, aux "gens du voyage" comme on les
appelle, la faculté de prédire l'avenir parce qu'il est en prise directe avec le cosmos. L'absence
d'enracinement définitif les y aide énormément. Les gens du voyage transportent au cours de
leurs pérégrinations leur maison (une roulotte), et se réunissent aux grandes occasions, venus
du monde entier pour célébrer leurs cérémonies.
Le peuple aryen fut d'abord guidé par les druides, puis par des "supérieurs inconnus" comme
les appelle la Tradition primordiale, c'est-à-dire la tradition réservée aux seuls initiés tels les
francs-maçons de haut grade. Ces supérieurs inconnus ont pris divers visages tout au long des
siècles. Ils se sont réincarnés. Ce furent d'abord les cathares, un groupe passionnant, dont il
est trop long d; parler: il dégageait une spiritualité qui, à elle seule, demanderait un livre en-
tier. Le peuple aryen a eu un destin exceptionnel: en Inde, il a développé l'initiation et la
contemplation, il a inventé le yoga par lequel le disciple peut devenir un dieu vivant, comme
Bouddha. En Europe, il a inventé des techniques scientifiques d'une force sans précédent dans
l'histoire de l'humanité: voyez les progrès que nous avons effectués en médecine et dans l'ex-
ploration de la nature! Mais le peuple aryen a parfois perdu la mesure: la science, la soif de
dominer l'univers, conduisent parfois vers des catastrophes: la bombe atomique en est une.
Elle fait planer une menace au-dessus de la tête de l'humanité.

L'humanité doit aujourd'hui retrouver sa tradition primordiale

Très haute spiritualité d'une part (en Inde), très haute technicité de l'autre (en Europe et en
Amérique), la civilisation occidentale est sans pareille. Il n'empêche qu'elle perd parfois son
équilibre entre la spiritualité et la science. Elle oublie que l'homme est à la fois un être de la
terre et un être du ciel. En Inde, on ne pense qu'au ciel et on oublie la terre, si bien qu'une
grande misère y règne. En Occident, on oublie que l'homme appartient également au ciel, on

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oublie qu'il n'est sur terre que pour un passage. Si bien que nous croulons sous les richesses,
mais que nous sommes un peu déboussolés. Les gens commencent aujourd'hui à s'en aperce-
voir. D'où leur soif de spiritualité et d'initiation, leur désir aussi de s'enraciner de nouveau
dans la tradition.

Parmi ces traditions diverses qui sont toutes des aspects particuliers de la tradition primor-
diale, le peuple juif a une place à part parce qu'il est celui dont la tradition particulière se rap-
proche le plus de la tradition primordiale. Il est, dit-on, le peuple du Livre. Cela veut dire qu'il
a consigné dans ses textes sacrés tout ce que l'humanité doit savoir pour se libérer, pour re-
trouver sa véritable nature, pour être de nouveau proche du cosmos et des dieux, pour réuni-
fier enfin la science et la spiritualité. Moïse, raconte la Bible, conduisit son peuple à la Terre
Promise, mais il n'y entra pas lui-même. La Terre Promise ne lui était pas destinée: il n'était
qu'un conducteur, un guide. De même, au cours de l'histoire, le peuple juif permit aux autres
peuples de construire leur patrie, et lui-même resta apatride. En effet, dispersé aux quatre
coins du monde, les Hébreux apportèrent partout leur savoir et leurs mystères; ils apportèrent
leurs savants, leurs artistes, ils apportèrent la parole de vérité contenue dans leur Livre (la
Bible) pour permettre aux tribus qui habitaient l'Europe d'évoluer, de se sentir unies et solidai-
res de territoires qui avaient nom France, Italie, Angleterre, etc. Et quand leur tâche fut ache-
vée, l'antique prédiction se réalisa: les Hébreux retrouvèrent une patrie. Cette antique pré-
diction connue des seuls initiés, mais dont saint Paul a recueilli quelques échos, dit que les
Juifs cesseront leur errance le jour où l'Europe des patries aura trouvé son identité. Le jour
où tous les peuples d'Europe constitueront les organes d'une grande nation. Ce jour est
peut-être arrivé. Israël est un pays comme les autres, les Hébreux ont retrouvé leur sol; et
l'Europe qui en a assez de s'entre -déchirer, l'Europe qui se trouve face à de nombreux
défis et périls de toutes sortes, a décidé de s'unifier.

Une extraordinaire trinité: Abraham, Moïse, Salomon

Mais, pour entrer directement dans le vif du sujet, quelle est la mystérieuse tradition se-
crète du peuple juif? Elle est très grande, et il n'est pas possible de la résumer en quelques
mots. Nous allons pourtant essayer de la connaître, pas à pas. Et pour commencer, pour
nous introduire dans le sujet, nous observerons que trois noms, trois grands personnages
sont parmi les fondateurs de cette tradition. Ces personnages sont très connus et toutes les
traditions les revendiquent, comme nous allons le voir.
Le premier, le plus légendaire de ces personnages est le patriarche Abraham, et nous en
parlerons dès le chapitre suivant. Le second est le prophète Moïse dont l'histoire est
connue de tous. Le réalisateur de cinéma Cecil B. De Mille n'en fit-il pas un très beau
film? Le troisième de ces personnages illustres est le roi Salomon. Le roi Salomon, fils de
David, connu pour sa sagesse et pour ses amours tumultueuses avec la belle reine de Saba.
Mais aussi et surtout, le roi Salomon construisit un temple pour conserver tous les secrets
de la tradition juive. Ce temple, les francs-maçons le reconstruisent symboliquement -
dans l'imaginaire du rituel - au cours de leurs cérémonies initiatiques.
Que ce soit Abraham, Moïse - qui a apporté au monde ses dix commandements - ou Sa-
lomon, toutes les religions revendiquent ces figures d'une haute spiritualité. Ils sont juifs,
mais les chrétiens comme les musulmans se soumettent à eux. C'est que ces personnages
sont porteurs de la tradition primordiale à laquelle se nourrissent toutes les traditions par-
ticulières. C'est dire l'importance de la tradition hébraïque: elle est la plus proche de la
tradition primordiale commune à tous les peuples, à toutes les civilisations.

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La tradition est à la fois philosophie, morale et magie

Simple morale avec les dix commandements que tous les peuples civilisés reconnaissent.
"Tu ne tueras point", "Tu ne voleras point", etc. Que serait la société sans ces principes?...
Simple philosophie d'autre part avec la croyance en un dieu unique et immatériel. Avec le
monothéisme qui rend compte de la véritable nature de la divinité au lieu du paganisme
qui la confond avec les forces naturelles. Pour un polythéiste, pour un païen, Dieu, ce peut
être le soleil. Pour un monothéiste, qu'il soit juif, chrétien ou musulman, le soleil n'est
qu'un symbole de la toute-puissance divine. Dieu ne peut se réduire au soleil, même si le
soleil est la vie. Car Dieu est la vie ultime, le mystère inaccessible. On ne peut tout à fait
bien imaginer la révolution que ces deux nouveautés, la morale et la philosophie, ap-
portèrent à l'humanité. Elles aidèrent tout simplement à la civiliser. Par elles, les hommes
et les femmes sortirent de la barbarie, apprirent qu'une partie de leur nature était d'essence
divine, entrèrent dans l'histoire. Simple morale, simple philosophie? Les mystères de la tradi-
tion hébraïque, encore une fois, sont plus vastes que cela. Ils consistent aussi en des pratiques
magiques et rituelles, que nous découvrirons dans ce livre. Dans ces mystères, une place à
part sera évidemment faite à la Kabbale, le livre des initiés juifs. Ce livre, nous le verrons, ré-
vèle les secrets les plus profonds de l'univers et de la divinité, des secrets aujourd'hui encore
ensevelis dans le silence de ceux qui savent. Des secrets auprès desquels nos succès scientifi-
ques, ceux de la médecine, de la psychologie, de la conquête de l'espace, de l'informatique, de
l'énergie nucléaire, sont peut-être de peu d'importance, ou du moins occupent une place tout à
fait relative.

La Kabbale explique la création du monde, elle explique la divinité, les mystères du cosmos,
mais elle donne aussi les moyens d'acquérir un certain pouvoir sur les choses de la nature.
Non seulement sur les forces électrique, magnétique, atomique, etc. mais aussi sur des forces
plus subtiles. On sait, ou plutôt on apprendra dans ce livre, comment la Kabbale a permis aux
Juifs persécutés du ghetto de Prague au Moyen Age de construire un Golcm, une sorte de
Frankenstein, pour leur défense. Comme on apprendra que la Kabbale était tout à fait au cou-
rant des recettes de l'alchimie, c'est-à-dire de la fabrication de l'or à peu de frais. C'est à toutes
ces merveilles extraordinaires qu'aboutit la découverte de la tradition juive que nous allons
restituer à l'aide des travaux les plus récents de la science, de l'histoire comme de la physique
d'avant-garde, et du message que nous sommes allés recueillir auprès des sages qui nous ont
ouvert leur porte parce qu'ils ont pensé que les temps étaient venus de lever le voile sur des
vérités pieusement conservées et dont l'humanité a aujourd'hui besoin pour traverser l'im-
mense crise économique et spirituelle qu'elle connaît. Ces vérités, nous ont dit ces sages, per-
mettront aux élus de passer tous les dangers d'une époque périlleuse. Et ces élus, nous ont-ils
précisé, ne seront pas forcément des hommes en vue; dans leur majorité, ce seront des gens
comme tout le inonde. De simples travailleurs, de simples pères de famille qui se sont écartés
du mal et qui se sont intéressés aux mystères de l'autre monde, même s'ils ne les ont pas com-
pris entièrement. L'important, nous ont dit ces sages, c'est de commencer à étudier; la lumière
viendra ensuite. D'ailleurs, ont-ils ajouté, l'époque est venue où les choses et les idées les plus
complexes peuvent devenir accessibles à tout le monde si on les expose simplement, sans fio-
ritures ni complications inutiles. Nous avons longtemps travaillé avec quelques-uns de ces
sages kabbalistes et nous espérons être parvenus à un tel résultat. C'est à nos lecteurs de juger
et de nous dire si nous avons pleinement réussi. Nous les convions à ce voyage dans le pays
du savoir sans timidité mais sans témérité.

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LA MYSTERIEUSE QUETE D'ABRAHAM
D'où viennent donc les Hébreux?

Où est né le peuple juif? Quelle est son origine la plus lointaine et la plus véridique? Il est très
difficile de répondre à cette question. Et cela non seulement pour le peuple juif, mais aussi
pour tous les autres. Car à l'origine des peuples comme des individus d'ailleurs, il y a un mys-
tère qui est celui même de la création. On peut dire qu'un individu est le fils de son père et de
sa mère. Mais ses parents eux-mêmes? Réponse: ils sont à leur tour les enfants de leurs pa-
rents. Et ainsi de suite. Il faut pourtant s'arrêter si on ne veut pas se perdre. Il y a là une
énigme vertigineuse, un problème insoluble. L'origine de la vie comme celle du cosmos,
comme celle des individus ou des peuples, nous échappe.

Certes, on peut dire que Moïse forma le peuple juif avec des esclaves égyptiens en révolte
contre le Pharaon et qu'il les conduisit quarante ans dans le désert pour les purifier et en faire
des hommes libres et responsables. Certes, cela est tout à fait exact - la tradition comme l'his-
toire le confirment - mais cela ne répond pas à toutes les questions. On peut en effet se de-
mander: ces esclaves, d'où venaient-ils? La Bible répond que ce furent des tribus nomades
conduites par le patriarche Abraham qui les premières entrèrent en terre d'Egypte. Mais
alors, pourquoi devinrent-elles esclaves? La réponse donnée par les initiés est qu'à ces
tribus persécutées par leurs hôtes égyptiens vinrent s'amalgamer, se réunir, d'autres tribus
venues d'ailleurs, et en particulier des soldats vaincus en territoire étranger par les armées
du Pharaon. Celui-ci avait besoin d'une immense main-d'œuvre pour construire ses pyra-
mides.
Cette dernière théorie est séduisante et elle est tout à fait vraie. La question se pose encore
cependant: qui étaient ces tribus? Qui était Abraham? Il faut s'arrêter. Mais s'arrêter où?
En quel point? A quel moment? Une vieille tradition hébraïque raconte que tout peuple
vient des confins du monde. Les Tziganes, les Juifs, les Aryens, les noirs comme les rou-
ges ou les jaunes viennent des confins du monde. Et par confins du monde, il faut enten-
dre une zone frontière entre ce monde-ci et "Tailleurs". Entre cette planète et le cosmos.

L'humanité est un organisme dont les différents peuples sont les organes

Le peuple juif, comme tout autre, n'est pas venu évidemment tout constitué de l'autre
inonde. Non! La tradition entend que le germe de la judaïté est venu de l'autre monde pa-
reil à un germe cosmique, un germe de vie. Ensuite, ce germe s'est développé tout au long
de l'histoire humaine. Cette tradition est connue des seuls rabbins de Djerbah. Djerbah est
une île très belle en Tunisie, où il y a quelques années encore vivait une communauté
juive venue de Palestine, qui s'y était installée après la destruction du premier temple de
Salomon (vers 604 av. J.-C.) et qui n'était pas retournée dans sa patrie à la construction du
deuxième temple quand les Hébreux revinrent d'exil (vers 504 av. J.-C.). Cette commu-
nauté juive de Djerbah vivait avec les mœurs de la Palestine d'alors et conservait des ma-
nuscrits très précieux que des kabbalistes ont aujourd'hui récupérés pour les étudier de
près.
La tradition dont nous parlons, vérification faite, se rattache à la tradition primordiale qui
affirme que toute l'humanité constitue un seul et même organisme malgré les différences.
Ces différences, dit celte philosophie, ont fait sa richesse. L'humanité est une et les diffé-
rents peuples sont ses organes: comme les poumons, le cœur, les yeux, etc. Il y a donc eu

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un germe initial: l'homme, mais ce germe s'est diversifié au cours de l'histoire pour donner
naissance aux peuples et aux races.
Il faut donc imaginer un germe primordial qui n'a pas encore donné ses fruits, puis des
éclats de germe qui ont fécondé la terre sous différents climats. Un de ces éclats a connu
son aventure vitale au Moyen-Orient. Il n'est évidemment pas question de suivre dans le
détail cette histoire bien qu'elle soit passionnante; cela concernerait plutôt la biologie ini-
tiatique, et ce n'est pas notre sujet qui doit se concentrer sur la tradition juive. Nous com-
mencerons donc avec Abraham. Celui-ci, on le sait peut-être, appartenait à une tribu no-
made installée à Sumer.

Abraham refuse l'idolâtrie


C'est à Sumer que la civilisation a peut-être commencé, disent les derniers travaux histori-
ques. En effet, cette société contemporaine de l'Egypte des Pharaons a beau être moins
connue, elle est aussi grande. Ses monuments ne sont peut-être pas aussi impressionnants
(d'ailleurs le temps a exercé sur eux ses ravages), mais sa culture, sa littérature, sa spiritualité
comme son organisation sociale et ses avancées techniques sont incontestablement remar-
quables. C'est Sumer qui nous a légué l'un des plus beaux poèmes initiatiques de l'humanité:
l'Epopée de Gilgamesh, où Gilgamesh, mi-héros mi-dieu, initié de haut vol, part à la conquête
de l'immortalité. Et c'est dans ce poème que l'on retrouve la première version du déluge. Oui!
La Bible n'est pas la seule à avoir évoqué le déluge. Le déluge, affirment les initiés, se repro-
duit toutes les fins de cycle. Lorsque la planète a atteint le fond de ses ressources, lorsque les
peuples sont trop énervés, lorsqu'ils s'entre-déchirent à un point devenu insupportable, lors-
qu'ils oublient les vertus les plus élémentaires de la civilisation, un déluge vient tout purifier.
Et certains initiés, mais nous ne citons cette opinion que comme une simple curiosité car elle
n'est pas partagée par tous, pensent que la crise actuelle va se terminer par un nouveau déluge
et que la nouvelle arche de Noé sera un immense vaisseau cosmique permettant aux humains
d'atterrir sur une nouvelle planète pour y reconstruire la vie sur des bases plus fraternelles.
Cette opinion est évidemment à prendre symboliquement et non au pied de la lettre.

En tout cas, pour en revenir à notre sujet, Abraham était le chef d'une tribu accueillie par Su-
mer et vivant peut-être aux franges des cités de cette civilisation, une tribu alors venue des
confins du monde. Les Juifs étaient peut-être pour les Sumériens ce que les Tziganes sont
pour nous. Ils étaient différents de leurs hôtes, ils gardaient leur identité propre, mais ils "se
frottaient" à ceux qui les accueillaient. Ils prenaient ce qui leur convenait comme les Tziganes
prennent la voiture et la télévision, mais ils conservaient leurs mœurs et leurs coutumes. Et à
force de vivre à Sumer dont ils admiraient les richesses et la civilisation, mais dont ils refu-
saient obstinément les dieux, ils finirent par pressentir l'idée du dieu unique. C'est-à-dire du
dieu immatériel (et non pas matériel comme celui de Sumer qui faisait l'amour dans les tem-
ples) et qui était accessible à tous, à condition de le mériter.

Abraham était le chef de cette tribu. Il avait hérité sa charge de son père, qui lui-même l'avait
héritée de ses ancêtres. Et comme il était à la fois intelligent et ouvert à tout ce que traversait
son peuple, au moindre mouvement de l'âme de son peuple, il refusa l'idolâtrie. Il eut la pré-
monition du Dieu unique, bien qu'il ne sût pas l'exprimer clairement. Abraham décida de des-
cendre en Egypte pour connaître les secrets des prêtres. Qu'on veuille bien s'arrêter un mo-
ment pour apprécier la grandeur du personnage. Abraham est un être fruste. Un chef de tribu,
certes, mais un paysan qui ne connaît rien de la culture et de la civilisation. Un homme qui
règne sur une poignée de pillards, de forgerons, de bourreliers et sur un maigre troupeau.
Quelques chameaux, quelques brebis...

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Or ce même Abraham ressent le besoin d'une nouvelle spiritualité. Et bien plus, il n'en reste
pas là: il décide d'aller voir ce qui se dit dans les temples des autres peuples. Une telle ouver-
ture d'esprit est tout à fait étonnante. Il faudra attendre les cathares et les francs-maçons pour
la retrouver! A l'époque elle était proprement impensable. Abraham était, c'est évident, un être
prédestiné, comme les grands poètes, les grands artistes, les grands conducteurs de peuples.
Le voici donc qui rassemble sa tribu, ses femmes, ses enfants, ses guerriers, ses sages, ses
sorciers, et qui leur fait part de son projet. Quelques-uns des assistants rechignent. Ce sont les
conservateurs qui pensent (à tort) que les anciens dieux de la tribu (des idoles encapuchonnées
d'un morceau de chiffon) suffisent encore. Qu'ils sont toujours puissants. Que l'esprit qui, un
temps, les a habités reste toujours vivace et que le changement n'amènera que le désordre. Les
autres, majoritaires, étaient sous le charme de la parole de leur chef. Ils savaient qu'Abraham
avait eu des visions et qu'il était en train de conclure une alliance avec un dieu situé tellement
loin de la terre que personne ne savait où il se tenait. Ils savaient aussi que ce dieu était plus
puissant que celui des Sumériens qui les tenaient pour quantité négligeable et ne faisaient que
les tolérer. Il se murmurait bien des choses sur Abraham. La majorité suivit le patriarche dans
son périple vers la terre d'Egypte.

L'initiation d'Abrahain

La Bible, l'Ancien Testament, rapporte bien des épisodes concernant Abraham, et ils ont tous
leur intérêt, en particulier la poignante histoire du sacrifice d'Isaac. Abraham faisant confiance
à son dieu lui sacrifie son fils Isaac, mais au moment où il va lui plonger le couteau dans le
cœur, un ange apparaît et lui arrête la main. Histoire d'une grande sagesse: c'est par le don (le
sacrifice d'Isaac)1 que l'homme recueille les bienfaits de la vie et l'amour de dieu. Les chré-
tiens compareront cette histoire au sacrifice du Christ qui donne ainsi son amour pour racheter
le monde. L'autre anecdote d'un intérêt majeur à laquelle les commentateurs peu au courant
des significations initiatiques n'ont pas suffisamment prêté attention concerne le nom d'Abra-
ham. En fait, dit la Bible, le nom de naissance du patriarche était Abram ( — Père élevé), et
après l'alliance passée avec l'Eternel, celui-ci décréta:
"Tu t'appelleras désormais Abraham ( = Père d'une multitude)".

Que signifie ce changement de nom? Rien n'est laissé au hasard dans les textes sacrés. Et cela
a d'autant plus d'importance que la scène est écrite en hébreu où chaque mot compte, comme
nous le verrons lorsque nous étudierons la Kabbale.
Abram, Abraham dans les deux cas, on a la même racine "Ab" qui signifie père. Par prédesti-
nation, par karma, notre personnage est donc un père, c'est-à-dire un fondateur. Les noms ré-
vèlent la qualité mystique de l'individu. Dans les temps anciens, le choix d'un nom procédait
d'une cérémonie magique. Celui qui avait un nom se conformait à lui. Exemple: sabbagh veut
dire "teinturier" en araméen, en arabe et en hébreu. Eh bien, tous ceux qui portaient le patro-
nyme Sabbagh étaient des teinturiers. De même haddad signifiait "ferblantier", etc. Les peu-
ples, les tribus, les groupes humains se trouvaient alors en résonance avec le cosmos. Le nom,
c'était l'être. La langue ne s'était pas dégradée. Les sages donnaient leur nom à chacun et qui
ne se conformait pas à son nom était rejeté dans le néant. Il était maudit, et abandonné dans le
désert avec une gourde d'eau et de la nourriture pour quelques jours. Les vautours s'empa-
raient ensuite de lui.
Abraham était donc destiné à devenir un fondateur, un patriarche. Les sages de la tribu avaient
compris que des temps nouveaux s'annonçaient et que les hommes ne pouvaient plus se
contenter des idoles et du paganisme. Un homme devait recueillir le germe d'humanisme que

1
C'est-à-dire le don par Abraham de ce qu'il avait de plus cher.

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les initiés cultivaient en secret. Cet homme serait Abraham. Il avait été choisi pour des raisons
astrologiques.

On lui avait donné son nom, et on l'avait laissé se débrouiller et prendre ses responsabilités.
L'aide s'était faite discrète et dispensée seulement aux moments cruciaux. Abraham, ou plutôt
Abram, avait d'abord eu des visions. C'est ainsi que se manifestent tous les grands hommes,
par des visions, des songes ou des idées géniales, chacun à sa manière. Ces visions étaient le
résultat de son nom, qui l'imprégnait et dont l'influence le portait vers un univers mental mé-
connu. Qu'on nous permette une comparaison pour nous faire mieux comprendre: le nom est
comme une vitamine qui permet à l'être de croître selon sa destinée.
Mais les visions ne suffisent pas. Toutes seules, sans une philosophie qui les coordonne et les
soutient, elles peuvent conduire à la folie. Des occultistes, comme Papus ou d'autres, ont mon-
tré que certains aliénés qui croupissent dans des asiles sont des individus qui ont eu des vi-
sions cosmiques, mais que rien n'est venu aider. Ces visions les ont dépassés, les ont entraînés
vers des gouffres et des vertiges. Pour Abram, comme plus tard pour Moïse, Mahomet,
Bouddha ou d'autres, le cosmos veillait. Abram fut initié. Qu'est-ce que cela veut dire? Etre
initié, c'est être mis sur le chemin, c'est s'éveiller à soi-même. C'est comprendre que ses vi-
sions indiquent une direction.
Or, la Bible elle-même indique qu'Abrarn fut initié. Voici ce qu'elle raconte. A un moment de
ces pérégrinations d'Abram, "Melchisédech, roi de Salem, fit apporter du pain et du vin (or il
était sacrificateur du Dieu très haut) et il le bénit, et il dit 'Béni soit Abram par le Dieu très
haut, possesseur de la terre et des cieux! Et béni soit le Dieu très haut qui a livré tes ennemis
entre tes mains!' Et Abram lui donna la dîme de tout." Curieux épisode! Qui est Melchisé-
dech? Son nom, Melchisédech = Roi de justice, comme
le sera plus tard le chef de la secte très mystérieuse des Esséniens qui vécut dans le désert en
Palestine et dont on retrouve les traces du temps même de Jésus-Christ. Les Esséniens avaient
des manuscrits très étranges, très magiques, les fameux "Manuscrits de la mer morte", retrou-
vés très récemment et dont le déchiffrement est loin d'être terminé. Les Esséniens sont un
foyer d'initiés qui accompagna le peuple d'Israël tout au long de sa première installation en
Palestine2.

Le maître de justice

Melchisédech = Roi de justice. Mais le nom complet de ce personnage est El melc Melchisé-
dech hisédec, et El veut dire Celui que l'Eternel a distingué. C'est-à-dire l'initié, celui qui a été
choisi pour préserver le dépôt de la tradition qui s'est perdue avec la faute d'Adam et Eve.
L'initiation équivaut à retrouver la connaissance originelle, celle qui donne pouvoir sur tout et
que l'humanité possédait dans son innocence. La cause est entendue: Melchisédech est l'initié
suprême, le chef occulte des Esséniens, ces francs-maçons de l'époque.

2
Le problème des Esséniens est très passionnant. Leurs textes montrent qu'ils recueillirent l'enseignement de Zoroastre et
d'autres sages, mais surtout qu'ils expriment la dimension ésotérique du judaïsme. C'étaient des kabbalistes hors pair! Ils
accompagnèrent Israël tout au long de sa première installation en Palestine, cela veut dire qu'ils veillèrent à la pureté de la
doctrine à la manière des inities qui agissent dans l'ombre et le secret. D'autre part il se dit parfois que Jésus-Christ fut un
initié essénien de haut grade, et c'est bien possible! Et il se dit encore que les cathares, après les druides celtes, furent les
réincarnations successives des Esséniens. On raconte enfin - mais cela semble une légende jusqu'à nouvel ordre - qu'il existe
encore des Esséniens dans des sociétés secrètes en Israël aujourd'hui.

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Cela est déjà assez extraordinaire. Mais demandons-nous encore de quelle nature était l'initia-
tion donnée par Melchisédech à Abraham. Etait-ce une initiation guerrière comme chez les
Samouraïs au Japon? Etait-ce une initiation chimique comme dans l'alchimie? Etait-ce une
initiation sexuelle comme dans le tantrisme, ou chez certaines sorcières celtes? Non! Le nom
de Melchisédech l'indique: c'est une initiation de justice. Les descendants d'Abraham ont pour
mission de témoigner pour la justice, pour la liberté, pour l'égalité. On le verra en pleine lu-
mière avec Moïse et la sortie d'Egypte, et avec les prophètes qui ne cesseront de dénoncer les
iniquités. Le Dieu de Melchisédech est un dieu de justice.
Dernière chose, et elle a son importance: Melchisédech est roi de Salem. Salem = Paix. La
mission d'Abraham et de sa descendance est de montrer qu'il n'y a pas de justice sans paix, et
qu'il n'y a pas de paix sans justice. Le royaume des cieux, la Jérusalem rêvée, celle où habite
la divinité, est une ville radieuse. Les hommes et les femmes y vivent en paix les uns avec les
autres; et la justice y règne. Est-ce un rêve? Les initiés répondent que toute spiritualité est un
rêve, c'est-à-dire un message envoyé par les puissances supérieures. Un rêve dont il faut se
rapprocher de plus en plus, et sur le chemin duquel l'initiation met l'initié. Qu'aurait été le
monde, que serait devenue la planète, sans un tel espoir? Et d'ailleurs, nous le verrons bien-
tôt, ce qui n'apparaît que sous la forme d'un rêve pour le vulgaire est une entité psychique dont
la maîtrise permet aux mages d'effectuer leurs merveilles, et aux sages de commander sur la
terre comme au ciel.

MOÏSE, OU
COMMENT SE FORGE L'AME D'UN PEUPLE
Le pain, le vin, l'Alliance

La cérémonie, la rencontre d'Abram avec Melchisédech, est riche d'enseignements pour qui
sait la considérer avec l'attention qu'elle mérite. Abram paye la dîme: il rend hommage à Mel-
chisédech, ce très mystérieux personnage. (Les francs-maçons diraient que c'est un Supérieur
Inconnu.) Cette cérémonie rappelle aussi l'institution de la chevalerie: de nombreux occultis-
tes affirment en effet que la chevalerie mystique, celle qui s'est mise en quête du Graal et qui
défend la veuve et l'orphelin, celle qui veille sur la bonne marche du monde et qui rend la jus-
tice, date de cette époque. Elle aurait ensuite été apportée à l'Occident par des voyageurs.
Mais, plus remarquable encore, Melchisédech fait apporter le pain et le vin et les partages
avec le nouvel initié. Cela rappelle évidemment la Cène où Jésus-Christ dit à ses disciples, en
montrant le pain et le vin: "Ceci est mon corps. Ceci est mon sang." En fait, le pain et le vin
symbolisent les forces vitales de l'univers, celles par lesquelles l'univers se perpétue. Que de-
viendrait l'humanité sans pain et sans vin? Et Melchisédech fait apporter le pain et le vin
consacrés par l'initiation, c'est-à-dire des éléments vitaux tout imprégnés des fluides de
l'univers et du cosmos. On n'a plus idée de ce que cela signifie. Boire le vin, manger le
pain donnaient à l'initié un pouvoir extraordinaire: cela éveillait ses facultés endormies.
(On sait, des travaux scientifiques l'ont montré, que nous n'utilisons qu'une infime partie
de notre cerveau.) Non seulement le cerveau de l'initié fonctionnait pleinement grâce à ce
pain et ce vin consacrés, mais il acquérait en outre des pouvoirs magiques. Abram reçut
ainsi la longévité, et la passion de la justice. C'est ainsi qu'il obtint d'être respecté par son
peuple et par ses adversaires.
On sait qu'Abraham vécut de nombreuses années pour avoir une longue descendance: la
Bible rapporte qu'il vécut cent soixante-quinze ans et que sa santé sexuelle ne déclina pra-
tiquement pas. On sait aussi (la Bible le raconte), qu'Abraham traversa des régions et des
pays très dangereux sans jamais être vraiment inquiété. Une invisible invincibilité le pro-

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tégeait. Pourtant, dans le cas d'Abraham, l'initiation de Melchisédech ne suffisait pas: le
patriarche avait non seulement une mission terrestre à remplir mais aussi une mission cé-
leste. La tradition répète sans cesse que les actes d'envergure réalisés sur la terre retentis-
sent au ciel. Hermès Trismégiste, le trois fois puissant et trois fois mystérieux occultiste,
ne dit-il pas: "Tout ce qui est en bas est comme ce qui est en haut". Il était bien de permet-
tre au patriarche de fonder un peuple, il fallait aussi que ce peuple soit en rapport avec le
cosmos. Car la tâche d'Abraham était de conclure une Alliance entre Dieu et les humains.
Il fallait que les hommes reconnaissent le Dieu unique pour poursuivre leur marche vers la
civilisation.
Cette alliance (fera-t-on peut-être observer), Dieu l'avait déjà conclue avec Noé après le
Déluge. L'arc-en-ciel devait en témoigner. Car Dieu dit à Noé: "L'arc-en-ciel me remettra
l'Alliance en mémoire." Oui, mais désormais, le moment était venu de fonder un peuple
qui se situerait sous le signe de cette alliance. L'alliance avec Noé était réelle, mais tout à
fait symbolique. Celle avec Abraham allait exercer une influence spirituelle sur des indi-
vidus de chair et d'os qui allaient porter le message sur toute la terre. C'est pour cela
qu'Abram (le "Père élevé", c'est-à-dire le fondateur initié) deviendra Abraham, le "Père de
la multitude". Place de choix que d'être le Père de cette multitude, mais place redoutable,
comme nous allons le voir!

Moïse initié et prince d'Egypte

Un peuple, cela se forme comme un organisme. (Et l'alchimie a, là-dessus, quelques recet-
tes). Le peuple juif descendit en Egypte, terre de tous les mystères, pour expier ses fautes
passées, ses fautes qui dataient du temps où il était encore une tribu barbare. Il passait par
l'étape connue en alchimie sous le nom de l'œuvre au noir. Chez les francs-maçons, cela
correspond à la descente dans le cabinet de réflexion où le futur initié prend contact sym-
boliquement avec toutes les souffrances de la vie. L'Egypte fut véritablement un creuset.
Mais pourquoi les hébreux descendirent-ils en Egypte? Pour souffrir. Mais pour apprendre
ce que la souffrance enseigne, n'auraient-ils pas pu aller ailleurs? C'est que l'Egypte
conservait dans le secret de ses temples le savoir sacré et la notion du dieu unique.
L'homme qui allait faire passer ce savoir dans le peuple hébreu, l'homme qui allait boule-
verser de fond en comble le destin de l'humanité s'appelait Moïse. Selon la tradition et des
sources historiques très fiables, il était le cousin de Ménephtah, fils de la princesse royale,
sœur du Pharaon Ramsès II. On le connaît sous son vrai nom de Hosarsiph.
Le récit biblique (Exode II, 1/10) fait certes de Moïse un juif de la tribu de Lévi, recueilli par
la fille du Pharaon dans les roseaux du Nil où la ruse maternelle l'avait déposé pour attendrir
la princesse et sauver le bébé d'une mort certaine, car le Pharaon, comme Hérode plus tard,
tuait tous les premiers-nés juifs.
Mais (et cette interprétation recoupe la tradition occulte et trouve confirmation dans les tra-
vaux historiques les plus récents), le prêtre égyptien Manéthon affirme que Moïse fut prêtre
d'Osiris, le dieu égyptien de la civilisation. Un auteur contemporain écrit: "La source égyp-
tienne a ici plus de valeur que la source juive. Car les prêtres d'Egypte n'avaient aucun intérêt
à faire croire aux Grecs ou aux Romains que Moïse était l'un des leurs, tandis que l'amour-
propre commandait aux Juifs de faire du fondateur de leur nation un homme du même sang.
Le récit biblique reconnaît d'ailleurs que Moïse fut élevé en Egypte et envoyé par son gouver-
nement pour surveiller les esclaves juifs de Gossen. C'est là le fait important qui établit la
filiation secrète entre la religion mosaïque et l'initiation égyptienne. Clément d'Alexandrie
(un Père de l'Eglise chrétienne) croyait que Moïse était profondément initié à la science de

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l'Egypte. Il affirmait que, si l'on ignorait cette donnée, l'œuvre du créateur d'Israël était in-
compréhensible" (Edouard Schuré, Les Grands Initiés, Presses-Pocket).
Moïse, initié aux mystères d'Osiris, était un être de justice. Il comprit que la civilisation égyp-
tienne était incomplète et qu'elle le resterait tant qu'il existerait des esclaves. Un jour, pendant
sa tournée d'inspection, il vit un garde-chiourme maltraiter un esclave Juif travaillant à la
construction d'une pyramide. Il en fut révolté et dans un mouvement de colère, il tua l'Egyp-
tien. C'était un acte très grave qui portait atteinte au prestige du Pharaon. Il ne restait plus à
Moïse qu'à s'exiler.
Or, au-delà de la mer Rouge et du Sinaï, il y avait un temple qui était indépendant des prêtres
égyptiens, un temple très mystérieux auquel les pouvoirs politique et religieux n'osaient tou-
cher. Ce temple était consacré à Osiris, mais on y adorait aussi le dieu unique sous le nom
d'Elohim. Ce sanctuaire était d'origine éthiopienne -comme la reine de Saba que le roi Salo-
mon aima d'un amour fou -, et il servait de centre aux blancs et aux noirs qui voulaient se faire
initier. A dire vrai, le Sinaï était déjà, depuis des siècles, le centre mystique d'un culte voué au
dieu unique. C'est là que Moïse vint se réfugier et méditer.

La lumière de la justice et le feu de la magie

Le grand prêtre de ce temple s'appelait Jéthro, et il était noir. Il appartenait à l'antique race
éthiopienne qui, cinq mille ans avant Ramsès, avait régné sur l'Egypte et qui, malgré ses re-
vers politiques, n'avait pas perdu son antique tradition. Moïse se soumit d'abord à l'expiation
de son crime. Sa colère était fondée, mais il y avait tout de même eu mort d'homme. Jéthro le
plongea dans un sommeil terrible pendant lequel défilèrent une foule de visions. Au terme de
sa léthargie, à la fin de sa méditation, Moïse s'était détaché de son passé d'Egyptien. Il prit un
nouveau nom du moins Jéthro le lui attribua-t-il: Moïse — le sauvé. Il épousa Séphora, la fille
de Jéthro, et séjourna de longues années auprès de son beau-père. Il consulta sa bibliothèque
qui était d'une richesse extrême. C'est là qu'il compléta la culture qu'il avait acquise en
Egypte. C'est là qu'il humanisa le savoir des prêtres d'Egypte. A force de méditer, l'initié finit
par se sentir soulevé, appelé à accomplir une mission. Qui l'appelle? Une voix intérieure. Est-
ce Dieu? Est-ce le cosmos? Les francs-maçons, dans leur grande sagesse, appellent cette force
"le Grand Architecte de l'Univers" et disent d'elle que "nos ancêtres l'adorèrent sous des noms
divers". Qu'importé l'identification, pourvu que l'être se manifeste. Qu'importé s'il s'agit de
Dieu ou de la Nature: cela reste une affaire de conviction personnelle, de sentiment intime.
L'essentiel est d'écouter cet appel.

Moïse rencontra la lumière, symbolisée dans la Bible sous la forme du buisson ardent. Il ren-
contra la lumière qui tisse le secret du cosmos, comme une laine discrète réunit l'ensemble des
mailles d'un vêtement. L'univers lui parla et lui dit que les hommes avaient besoin de justice.
Qu'autrement la terre s'écroulerait. Car la justice, ce n'était pas seulement une loi des hommes
(une loi incontournable), mais encore le visage de la divinité. Elle était inscrite dans la créa-
tion dès son commencement. Elle est une chose de la nature, même si on l'oublie souvent.
Moïse eut l'intuition qu'il était destiné à une tâche sans pareille: créer un peuple selon les
normes de la justice.
Son plan était l'un des plus téméraires qu'un homme ait jamais conçu: arracher un peuple,
tombé en esclavage, du joug d'une nation surpuissante (l'Egypte), le conduire dans le désert
pendant quarante ans pour lui faire perdre ses mauvaise habitudes, pour le laver de son ancien
esclavage, le mener à la conquête d'une patrie, et lui imposer la foi indéracinable en un dieu
unique. Dire qu'il a réussi au-delà de toute mesure, c'est encore se situer en deçà de la réalité:
le peuple juif persiste dans la voie de la justice contre vents et marées, malgré les pogroms du
Moyen Age, malgré les vexations antisémites des temps modernes, malgré les camps de

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concentration et les attentats. Il persiste, et il existe pour témoigner du Livre, de la parole de
l'Eternel. Mystère que cette persistance? Certes, mais il faut savoir que les hommes et les
peuples sont des jouets aux mains des forces cosmiques, qu'ils remplissent un rôle qui leur a
été attribué depuis des millénaires. Ils n'y peuvent rien: il s'agit d'un destin, d'un karma auquel
seuls les véritables initiés peuvent échapper pour atteindre la liberté absolue (une liberté qui
transcende le biologique, comme elle transcende la vie et la mort).

Qui ne connaît les pouvoirs de Moïse? La Bible les a rapportés en long et en large et le ciné-
ma les a popularisés. Il était capable de provoquer des épidémies, des tremblements de terre,
des raz de marée, etc. De quel pouvoir s'agit-il? Du pouvoir sur la force éthérée qui enrobe
toute chose, tout être, tout phénomène physique. Moïse avait atteint un aussi haut degré de
magie parce que les puissances spirituelles l'aidaient, comme elles aident tous les individus -
très rares, il est vrai - qui ont une mission cosmique. Moïse fut aussi aidé par l'Arche d'al-
liance que les Hébreux transportaient au cours de leurs pérégrinations. Celle-ci était une sorte
de réceptacle, de condensateur attractif pour la production de phénomènes électriques fou-
droyants. Moïse ainsi que ses adjoints s'isolaient d'ailleurs avec des vêtements de lin et des
parfums qui les protégeaient des décharges du feu éthéré.

LA PROFONDE SAGESSE DU ROI SALOMON


Le Trône de Dieu

Cette Arche d'alliance, voyons d'un peu plus près ce qu'elle était. Elle était portée et gardée
par les 70 chefs élus d'Israël qui se serraient autour du prophète Moïse, lequel leur avait
communiqué une partie de ses pouvoirs. L'Arche est toute en or. Moïse en emprunta l'idée aux
temples égyptiens, mais il la fit dessiner et construire selon ses plans personnels. L'arche est
flanquée de quatre Chérubins en or, semblables à des sphinx, qui rappellent les quatre ani-
maux symboliques des visions des prophètes ou les quatre éléments de l'alchimie. L'un a une
tête de lion, l'autre une tête de bœuf, le troisième une tête d'aigle. Seul le quatrième a une tête
d'homme3. Ce sont les quatre éléments: la terre, l'air, l'eau et le feu. Les chérubins ont des
ailes, et de leurs ailes ils protègent le tabernacle qui contient l'Arche d'alliance et les objets
sacrés. L'Arche d'alliance était le cœur mystique d'Israël. I1 y en a encore aujourd'hui dans les
synagogues, mais rares sont celles qui sont "chargées" de fluide occulte, c'est-à-dire capables
de faire des miracles. Au cours de l'histoire du peuple juif, au Moyen Age surtout, on a rele-
vé quelques arches qui, dans les synagogues des ghettos ou des quartiers juifs (car il y
avait des quartiers spécifiquement juifs, le reste de la ville leur étant interdit), on a relevé
quelques arches capables, bien manipulées, de provoquer un orage cosmique. Un orage
cosmique ressemble à un orage naturel; il tonne et il pleut, mais outre les nuages et le bou-
leversement des éléments naturels, sont rassemblées toutes les forces psychiques du mo-
ment. Ainsi ces orages cosmiques servirent aux Juifs pour condenser toutes les haines ac-
cumulées contre eux et les faire éclater loin de leurs têtes, loin de toute habitation hu-
maine, aux confins du monde où, selon la Bible, règne un monstre redoutable: le Lévia-
than.
Mais les différentes Arches d'alliance réparties dans les diverses synagogues à travers le
monde et correspondant à l'exil du peuple juif n'étaient que des fragmentations de l'Arche
3
Le christianisme a repris ce thème avec les quatre évangélistes qui entourent le Christ sur les tympans des cathédrales.

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d'alliance transportée par Israël à sa sortie d'Egypte. Cela explique pourquoi elles eurent
une efficacité réduite qui se perdit au cours des âges. L'Arche initiale était, nous en avons
touché quelques mots, l'instrument de phénomènes électriques, ou plus exactement élec-
tromagnétiques fort bien étudiés par la science moderne. Phénomènes lumineux au pre-
mier chef et produits par la constitution de l'Arche elle-même construite dans un alliage où
l'or était tout à fait dominant mais où d'autres métaux judicieusement choisis entraient à
doses homéopathiques. La magie de l'opérateur (Moïse en l'occurrence) était également
déterminante.
Moïse appelle l'Arche le "trône d'Elohirn". Elohim est l'un des noms de Dieu, et Moïse
entend par là que Dieu siège vraiment sur ce trône. On dira que c'est symbolique. Mais
quelque chose de l'éternité, du cosmos, n'était-il pas mis en branle aux moments cruciaux?
Cette Arche contenait le "Sépher Béréchit" (Livre de la création) dévoilant tous les mystè-
res de la création du monde et rédigé en égyptien par Moïse (aujourd'hui, l'Ancien Testa-
ment en donne une version tout à fait simplifiée, expurgée - le principe étant que de tels
mystères ne doivent pas tomber entre toutes les mains). L'Arche contenait en outre la ba-
guette magique de Moïse, sa "verge", avec laquelle il réussit à fendre les flots pour en-
gloutir les armées du Pharaon poursuivant son peuple, et bien d'autres merveilles. Elle
contient aussi les dix commandements, ce monument de l'histoire de l'humanité. C'est ici
que reposait la tradition sacrée d'Israël, la Parole même de l'Eternel. Yahwé, soit-il noté en
passant, est l'un des noms secrets de Dieu en hébreu. Et Yahwé signifie Je suis, j'étais, je
serai. Y a-t-il un autre terme qui dépeigne mieux l'Eternité? Rappelons-nous encore une
fois que les mots avaient jadis une puissance mystique. Il suffisait aux initiés de dire, de
nommer les choses pour qu'elles soient, pour qu'elles existent. Comme le montre la parap-
sychologie moderne, un bon opérateur peut faire surgir pour quelques brefs moments des
entités psychiques dont on ne sait encore si ce sont des anges ou des démons.

Les petits mystères et les grands mystères

II y aurait encore fort à dire sur l'Arche d'alliance, cette ancêtre de la radioactivité
contemporaine. Il faut noter que les quatre chérubins servaient aux initiés hébreux pour
procéder à la divination. Ils étaient en or et en alliage et étaient sertis de pierres précieu-
ses, diamants, rubis, améthystes probablement, et ils portaient des têtes de sphinx. Le
sphinx selon la tradition est le gardien d'une énigme. Moïse apprit aux hébreux à "faire
parler" les sphinx: il tenait ce savoir de ses maîtres les Egyptiens. Comment les faisait-il par-
ler? De deux manières.
• Une manière figurée, entrant dans la catégorie des "petits mystères". Il suffisait
d'observer pendant une journée complète, ou un mois lunaire, les différentes colora-
tions qu'émettaient les pierres, mais de les observer très finement et selon la connais-
sance aujourd'hui perdue de la symbolique des couleurs. Puis, par des calculs, de les
mettre en rapport avec la carte du ciel au même moment. C'était une science très so-
phistiquée! Goethe, le grand poète et savant allemand, nous a laissé un traité sur les
couleurs fort instructif. Il écrivit ce traité sur les instructions d'un rabbin qui avait re-
trouvé quelques-uns des éléments des petits mystères.
• Une manière concrète, dans la catégorie des "grands mystères". Cette manière est
tout à fait extraordinaire. On ne sait comment Moïse y parvenait, mais il faisait balbu-
tier quelques mots, parfois un murmure, un mince filet de voix, à ces chérubins! Oui, il
les faisait parler comme s'ils étaient des êtres humains! Le fait est attesté par la tradi-
tion secrète, et par des voyageurs, grecs ou romains, qui entendirent en Egypte les
sphinx parler, ou chanter, dans le désert. Chose incroyable, qui nous dépasse.

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La fin de l'errance

A la mort de Moïse, ses successeurs furent ceux qu'on appelle "les Juges" parce qu'ils étaient
des êtres d'une grande justice. C'étaient évidemment des initiés de haut niveau. Peut-être des
Supérieurs inconnus. En tout cas, les Juges disparurent quand la royauté fut établie en Israël.
Il fallait d'abord pour cela évidemment que le peuple pût s'installer en Palestine, toujours en
transportant son Arche d'alliance.
L'errance du peuple juif était terminée. Ou du moins, elle l'était provisoirement, puisque,
après une période heureuse, le peuple hébreu devait repartir en exil, mais cette fois-ci aux
quatre coins du monde. Le peuple juif a connu plusieurs exils, et aujourd'hui le cycle de l'exil
a pris fin. En tout cas, la première période d'exil, celle qui fut fondatrice, qui permit à Moïse
de forger la nation par l'épreuve du désert, prit fin lorsque les hébreux s'installèrent en Pales-
tine pour la première fois. Et surtout lorsqu'ils réussirent à ressembler, en apparence, à tous les
autres peuples de la terre, c'est-à-dire lorsqu'ils eurent une royauté.
Nous n'allons pas entrer dans les discussions théoriques; relevons toutefois que certains au-
teurs - comme Schuré déjà cité - affirment que sous les Rois "le sacerdoce commença à perdre
la véritable tradition de Moïse". Est-ce exact? Cela se discute: en fait, l'initiation s'occulta
pour laisser les hommes agir comme ils l'entendaient, pour les laisser exercer leur libre arbi-
tre. Cela n'empêchait pas que les forces spirituelles continuent de veiller discrètement...
Le roi David, le successeur de Saül, un Juge qui se sacra premier roi d'Israël (ici Schuré parle
"d'usurpation"), promit à l'Eternel de lui construire une demeure, c'est-à-dire un temple pour
son Arche. Mais ce fut son fils, le sage Salomon, qui mit en pratique cette promesse. Arrê-
tons-nous sur la personnalité de Salomon: retenons seulement qu'il fut un grand sage. Les
textes de lui qui nous sont parvenus sont au nombre de deux, mais ils appartiennent au patri
moine tout entier de l'humanité. C'est d'abord un écrit philosophique d'une haute portée, connu
sous le nom de "l'Ecclésiaste" et que nous invitons le lecteur à parcourir. Il se trouve dans la
Bible. L'autre texte est un long poème d'amour. C'est le "Cantique des cantiques", d'une ex-
trême beauté. Salomon était non seulement un sage, mais un amoureux. Non seulement un
philosophe, mais un poète. Non seulement un écrivain, mais un grand homme d'Etat. Non
seulement un savant, mais un homme qui craignait l'Eternel.
Tout le prédestinait donc à avoir la responsabilité de construire le Temple de Jérusalem. Cer-
tains occultistes font remarquer à juste titre que le même Salomon écrivit son "Cantique des
cantiques" pour la reine de Saba avec laquelle il vécut une histoire d'amour fabuleuse, et que
cette reine de Saba était éthiopienne. On se souvient que Jéthro, l'initiateur de Moïse, était
éthiopien et noir comme la reine de Saba. On ne peut donc que conclure à l'existence d'une
longue filiation ininterrompue entre Israël et l'Ethiopie, elle-même initiatrice de l'Egypte. La
tradition primordiale s'oublie au cours des âges, mais des initiés la revigorent. Moïse fut l'un
d'entre eux, qui se ressourça en Ethiopie. Et Salomon n'oublia pas la leçon.

L'histoire d'Hiram, le constructeur du temple

Le temple fut évidemment construit à Jérusalem, un centre mystique de la planète situé en un


site qui doit bien avoir quelque chose de magique, si l'on en croit l'histoire et la tradition.
Géographiquement parlant, il se situe entre l'Egypte et le Liban, entre l'Egypte profonde, celle
des Ethiopiens, et le Liban des marins et commerçants. Cette ville est le cœur du Moyen-
Orient, cœur spirituel et historique à l'époque. Le roi Salomon, pour construire le temple, fit
précisément appel à un architecte que lui envoya le roi de Tyr, un autre initié. Cet architecte
était Hiram, dont la Bible parle el qui est respecté par tous les francs-maçons du globe. Hiram
apporta avec lui des matériaux et surtout son savoir.

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L'art de construire n'est pas une chose si simple qu'il paraît, surtout lorsqu'il s'agit d'un temple.
Il faut respecter une certaine orientation, une architecture, des techniques, les principes initia-
tiques. Qu'on pense un peu: ce temple de Jérusalem allait être le premier temple d'Israël et des
religions qui allaient lui succéder (christianisme, islam). Et le temple de Jérusalem servira, au
cours des âges à venir, de référence suprême, comme la sagesse du roi Salomon atteindra la
légende.
On pourrait épiloguer longtemps, mais l'essentiel des principes initiatiques est que le temple
doit devenir la demeure effective de la divinité. Le temple chrétien, la cathédrale gothique
bien comprise est la demeure du Christ; le Christ y est réellement présent lors de la messe. Le
temple de Jérusalem devait remplacer le tabernacle et devenir à son tour le "trône de Dieu".
C'est dans ce temple, dans son sanctuaire le plus profond, dans un endroit très fort et très se-
cret, dans le "Saint des saints", que le grand prêtre se retirait pour pratiquer des rituels magi-
ques. C'est ici, en effet, que le grand prêtre, une fois l'an, prononçait le nom le plus secret de
l'Eternel. Cette pratique "rechargeait" le temple et faisait descendre la bénédiction de l'Archi-
tecte de l'Univers sur le peuple d'Israël.

Tant que ce peuple fut debout, Israël fut debout. Mais lorsque les ennemis d'Israël vinrent à
bout de lui, lorsque "le peuple élu" (Dieu avait choisi Israël pour témoigner de sa parole à
travers les nations) succomba sous le nombre et aussi du fait de sa désobéissance, le temple, la
magnifique demeure de Dieu, fut détruit. Malgré ce grand malheur, disent les initiés, chaque
individu, pourvu qu'il sache écouter la vérité, est une pierre de ce temple. C'est à l'humanité
maintenant qu'il incombe de se réunir pour reconstruire un temple fait de sa chair même. Car
la tradition dit qu'après la destruction définitive du temple de pierre, il se construira, lorsque
les différents peuples de la terre déposeront les armes, lorsqu'ils ne se dresseront plus les uns
contre les autres, un temple spirituel sur le modèle exact de celui qui se trouve dans l'Au-Delà.
Hiram vint à Jérusalem avec sa science, son art de bâtir. Le sage roi Salomon l'honora gran-
dement, il mit à sa disposition des hommes doués et qui ne demandaient pas mieux que d'ap-
prendre, ainsi que des moyens financiers et matériels importants. Hiram, en bon chef d'entre-
prise, partit de l'idée que chacun devait occuper une place précise. Il divisa ses ouvriers en
grades, comme cela se fera après lui dans toutes les corporations et dans les sociétés initiati-
ques: maîtres, compagnons et peut-être apprentis. On n'est pas tout à fait sûr de cette subdivi-
sion ternaire qui a cours dans les loges maçonniques. D'autres disent qu'Hiram s'arrêta à la
division en maîtres finis et en compagnons. Peu importe à vrai dire! L'essentiel est que Hiram
établit une hiérarchie fondée sur le seul mérite et les seules connaissances. Et son organisa-
tion fit merveille.

La tradition raconte encore bien d'autres choses dont la Bible ne s'est pas fait l'écho, et la tra-
dition explique ce silence par le fait que les événements, ou du moins leur signification, sont
en rapport avec un secret. Le poète Gérard de Nerval - célèbre au XIXe siècle - qui effectua un
voyage en Orient parle, lui, de ce qui s'est passé lorsque le temple fut presque fini. Remar-
quons que Gérard de Nerval mourut de façon mystérieuse: il fut pendu à un lampadaire près
de l'actuel square Saint-Jacques. On ne sait s'il s'agit d'un suicide ou du crime d'un rôdeur,
mais d'autres auteurs évoquent la possibilité que Gérard de Nerval ait été tué pour avoir révélé
des secrets dangereux. Gérard de Nerval racconte qu'au moment où le temple allait être com-
plètement achevé, trois mauvais compagnons, trois jaloux, désireux d'accéder tout de suite au
stade de la maîtrise, assassinèrent dans un mouvement de colère Hiram qui ne voulait pas en-
core leur communiquer les mots de maître. Cette tradition nous paraît tout à fait plausible, car
il fallait bien que, si parfait que fût le temple de Salomon, il lui manquât quelque chose. S'il
était absolument parfait, le ciel et la terre se seraient en effet confondus, l'Eternel aurait sans
cesse séjourné en ces lieux. Or, nous savons que la perfection n'est pas c'e ce monde et que les

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hommes continuent encore - hélas! - à s'entretuer comme dans l'épisode des mauvais compa-
gnons. Nous savons que l'envie règne encore sur la terre. Mais nous sentons aussi que des
influences bénéfiques la contrebalancent.
La destruction du temple fut une catastrophe qu'Israël paya très cher. Son exil s'accompagna
d'affreuses persécutions. Mais la destruction du temple permit à la parole divine de s'étendre
parmi d'autres nations de la terre. Et cette parole divine ne se manifestait pas par le seul
rayonnement du temple de Salomon que l'on venait admirer de tous les pays de la terre, mais
aussi par la tradition juive que le peuple d'Israël transportera avec lui dans ses pérégrinations.
Nous verrons dans la partie suivante de cet ouvrage de quoi se compose cette tradition.

DEUXIEME PARTIE
TALMUD, LANGUE SACREE ET KABBALE

SUR LE CHEMIN (ETROIT) DE LA TRADITION JUIVE


L'hébreu est une langue sacrée et mystérieuse

La parole divine, ou la simple parole initiatique, ne pourrait transiter par la terre si elle ne
trouvait pas un réceptacle approprié. Elle est en effet si puissante qu'elle fait tout exploser:
quelqu'un qui la recevrait sans être préparé connaîtrait un état psychologique frisant la folie.
Le secret a une double fonction: faire en sorte que la parole de vérité et ses puissances ne
tombent pas entre les mains de qui ne les mérite pas et, d'autre part, empêcher qu'elles soient
manipulées par des gens qui, tout en étant honnêtes, ne possèdent pas les techniques nécessai-
res permettant de les connaître sans danger.
On raconte que Moïse, une fois descendu du Sinaï où l'Eternel lui donna sa parole, rayonnait
tellement qu'il dut se couvrir le visage. Il était devenu éblouissant, et ce, à un point tel qu'il
était devenu impossible de le regarder en face sans danger. Il en est de même pour la vérité.
L'initiation, le sacre de l'adepte, est la cérémonie qui permet à l'individu de se renforcer, de
faire jouer ses facultés occultes, et d'être ainsi à même d'écouter la parole sans se perdre. Mais
il ne suffit pas de parler de l'initiation pour expliquer la tradition juive. Il faut encore savoir
que la langue hébraïque est, de par sa structure de langue sacrée, capable de recevoir le mes-
sage sans le dénaturer. La langue sanscrite est aussi une langue sacrée, mais pour un autre
message contenu dans les "Védas", le livre sacré des Hindous. L'hébreu est une langue sacrée
tout à fait adaptée au message de Moïse.

Dans la Bible même qui est un livre ouvert à tous, on trouve quelques traces de cette référence
au secret de la langue hébraïque. Le Psaume CX1X, par exemple, contient cent soixante-seize
versets, tous les huit versets successifs commencent par la même lettre de l'alphabet. Comme
l'a fait remarquer saint Jérôme, un père de l'Eglise catholique, il y a une relation entre le
contenu de chaque strophe et le caractère de la lettre par laquelle elle commence. Une telle
idée est loin d'être fantaisiste: des études linguistiques très poussées ont pu localiser dans la
Bible une mystique des sons et des lettres dont la Kabbale fera un usage approfondi.
Etant donné que l'alphabet hébraïque est formé uniquement de consonnes - c'est l'une des ses
caractéristiques majeures -, les esprits constituent d'une certaine manière un niveau de subtili-
té intermédiaire entre les consonnes et les voyelles. Mais surtout les deux noms divins princi-
paux utilisés dans la Bible hébraïque, EHYH et YHWH sont tels que les quatre lettres dont ils

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sont composés sont symétriquement prises parmi les dix premières lettres de l'alphabet, oc-
cupant respectivement la première place, la cinquième, la sixième et la dixième. Par ailleurs,
si on additionne les valeurs numériques des quatre lettres, le résultat est vingt-six, qui est un
nombre étroitement en rapport avec les valeurs numériques d'un grand nombre d'autres mots
qui ont une signification aussi bien religieuse qu'historique.
Cela se laisse aisément comprendre. La valeur numérique d'une lettre est un simple chiffre
(Ex: A=l; B = 2; C = 3; etc.) Si nous prenons un mot donné, nous pouvons calculer sa valeur
numérique en additionnant celle de ses lettres. Or, tout mot qui dans la langue sacrée a la
même valeur numérique renvoie au même mystère. La lecture des textes sacrés se fait en
fonction de cette clef qui donne des résultats surprenants.

Les dangers de la tradition secrète (histoire des quatre sages)

Les Juifs parlaient donc une langue sacrée qui les immergeait dans l'occulte sans même qu'ils
le recherchent. On comprend qu'après cela, ils aient une manière de concevoir les choses qui
est tout à fait particulière. Mais de quels textes tout le monde dispose-t-il? Des textes exotéri-
ques évidemment. C'est-à-dire ceux dont l'enseignement secret n'est pas le but des rédacteurs.
Et parmi ces textes, le "Talmud" occupe une place à part, parce que c'est le livre de la sagesse
et des mœurs du peuple élu. Or le Talmud lui-même, qui n'est pas réservé aux seuls initiés à la
tradition secrète, contient une doctrine mystique qui est une bonne introduction à ce qui nous
occupe. Le Talmud raconte une histoire symbolique fort instructive. Il dit "Quatre hommes,
quatre sages, entrèrent au Jardin (entendez: au cœur du mystère): Ben Azzaï et Ben Zoma,
Acher et R. Akiba. R. Akiba dit à ses compagnons: 'Quand vous arriverez aux marches de
marbre pur, ne dites pas De l'eau! De l'eau! Car il est écrit: 'Celui qui dit des mensonges ne
subsistera pas en ma présence (Psaume CI, 7). Ben Azzaï jeta un regard et mourut. De lui,
l'Ecriture dit: 'Elle a du prix aux yeux de Dieu, la mort de ceux qui l'aiment. Ben Zoma re-
garda et devint fou. De lui, l'Ecriture dit: 'Si tu trouves du miel, ne mange que ce qui te
suffit, de peur que tu n'en sois rassasié et que tu ne le vomisses. Acher arracha les jeunes
plantes. R. Akiba monta sain et sauf et redescendit sain et sauf.

Le Talmud qui comprend deux parties, la "Michna" qui est un code de lois et la "Gemar-
ra" qui contient des discussions sur la Michna, met donc en garde dans cette histoire ceux
qui, portés par leur présomption, veulent accéder aux secrets qu'il ne sont pas capables
d'assumer. Il ne faut pas manger plus de miel qu'on n'en peut manger! Et manger de ce
miel-ci, qui est un miel céleste, alors qu'on n'est pas prédisposé, alors qu'on présume de
ses forces, peut conduire à des catastrophes: on peut en mourir comme Ben Azzaï, on peut
devenir fou comme Ben Zoma, on peut "arracher les jeunes plantes", c'est-à-dire mettre
tout sens dessus dessous comme Acher. Sur quatre hommes qui tentent de regarder la lu-
mière en face, sur quatre hommes sages qui se sont mis en quête, seul un d'entre eux (R.
Akiba) a pu réussir. C'est-à-dire qu'il a pu s'élever dans l'indicible et revenir sur la terre
sain et sauf et plein d'une nouvelle sagesse.

Il ne s'agit pas ici de simples histoires symboliques, ou de simples fables: la santé mentale
se trouve en jeu. La communauté juive tunisienne a une expression pour dire que quel-
qu'un se trouve "sur les hauteurs", c'est-à-dire qu'il est devenu sage et est passé de l'autre
côté de la vie, ou qu'il est devenu fou et irrécupérable: elle dit qu'il est "entré en kabbale",
voulant signifier par là que le monde de la tradition, celui que narre la langue sacrée, est
vraiment inaccessible au commun des mortels. Et un psychologue contemporain, Carl-
Gustav Jung, qui a créé une école aujourd'hui florissante dans le monde, a montré que la

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folie, toute folie, est due au fait que l'aliéné s'est mis en quête du secret sans être mentale-
ment armé. Il suffit de l'aider à pénétrer peu à peu dans l'univers du mystère pour le soi-
gner.

La fabuleuse légende du Dibbouk

Une légende qui courut les ghettos au Moyen Age a trait également à ce problème. Et
cette légende a non seulement une valeur morale et symbolique mais elle recèle encore un
fond de vérité historique. Cette légende met en scène deux amis qui s'aimaient d'une si
forte amitié qu'ils se promirent que s'ils avaient des enfants de sexe opposé, ils les marie-
raient. L'un d'entre eux eut en effet une fille, et l'autre un fils. Mais les hasards de la vie,
l'usure de toute chose, de tout sentiment, fit qu'ils se perdirent de vue. L'un devint très ri-
che (celui qui avait la fille). L'autre (celui qui avait le garçon) resta pauvre et pieux.
Un jour - le garçon ayant grandi et étant devenu un étudiant en kabbale -, ce garçon qui
voyageait partout, de ghetto en ghetto, pour parfaire son éducation auprès des sages, tom-
ba violemment amoureux d'une jeune fille qu'il rencontra par hasard. Cette jeune fille était
celle qui lui avait été destinée: c'était la fille de l'ami de son père. D'ailleurs, elle aussi
éprouva quelque chose. Le jeune homme s'installa dans la ville. Il faut dire que les deux
pères étaient morts depuis quelque temps déjà et que personne n'était au courant de la
promesse qu'ils s'étaient faite. Le jeune homme fit sa cour à la jeune fille, mais il n'avait
aucune chance, c'était évident, car il était très pauvre.

Il se retira et étudia davantage, avec une plus grande passion, les textes sacrés. Mais ce
n'était pas pour oublier son amour malheureux. C'était pour trouver un moyen magique de
posséder la jeune fille. 11 se dit qu'il pourrait réussir ce qu'avait fait le roi Salomon, puis-
qu'il aimait aussi fort que le roi aimait la reine de Saba. Il n'eut de cesse qu'il trouvât le
secret. Le jour où il pénétra dans l'ultime mystère qui donne tous les pouvoirs, il mourut.
Il voulut en effet se servir de la loi sacrée au lieu de la servir.
Le jeune homme mourut donc comme Ben Azzaï dans notre histoire précédente; et au
moment précis où il trépassa, la jeune fille éprouva un étrange malaise. Elle sentit que le
jeune homme, ou plutôt son âme, l'habitait, la tenait fermement et ne voulait plus la lâ-
cher. Le jeune homme réussit dans la mort ce qu'il n'avait pas atteint dans la vie. La jeune
fille se mit à parler avec la voix du jeune homme. Ses traits se déformèrent: son visage
perdit toute beauté, toute douceur, et se virilisa. Elle souffrait, ressentait une forte brûlure.
Appelé à la hâte, un rabbin comprit de quoi il s'agissait: un Dibbouk (une entité) habitait
la jeune fille, s'était emparé d'elle.
Le rabbin n'hésita pas, bien qu'il sût ce qui allait advenir. Il était impossible de laisser la
jeune fille souffrir le martyre et il n'était pas question que le Dibbouk quitte le monde des
esprits. Il pratiqua un vieux rituel, très fort et très secret. L'entité quitta le corps de la jeune
fille qui en mourut aussitôt. Elle retrouva cependant sa beauté, et son cadavre montrait
qu'elle avait retrouvé la paix.

Une parole de vérité et d'amour

Cette histoire du Dibbouk est très belle, et elle a séduit des dramaturges. Remarquons tout
d'abord qu'elle révèle très fortement le motif du destin. Les deux pères, en se faisant leur
promesse, scellèrent le destin de leurs enfants. Une vraie parole, dit la tradition, une parole
dite avec un grand amour et une grande sincérité, crée quelque chose de définitif dans le

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monde. C'est le propre de la langue sacrée qui crée ce qu'elle nomme. C'est le propre de la
magie et de la parapsychologie. Mais surtout, cette légende met en scène une histoire de
possession due à la magie amoureuse mal utilisée.
Le jeune homme avait pénétré le secret, le mystère ineffable qui donne pouvoir sur les
êtres et les choses, et il avait voulu utiliser cette force. Il voulut s'en rendre maître alors
qu'il n'était encore qu'un apprenti. Il avait, par la langue sacrée, révélé prématurément le
Dibbouk, c'est-à-dire l'entité qui veillait sur l'amour. Ce jeune homme et cette jeune fille
étaient destinés l'un à l'autre. Rien ne pouvait les empêcher de s'unir. L'impossibilité dans
cette vie-là était leur destin, leur karma; mais cette impossibilité n'était que provisoire: ils
se réuniraient dans une vie future (la Kabbale croit en la réincarnation). Seulement, le
jeune homme avait dérangé le cours naturel des choses, et sans l'exorcisme, lui et la jeune
fille seraient devenus des esprits errants en proie à de longs tourments.

La parole d'amour et de vérité donne donc de grands pouvoirs; c'est là le message essentiel
de la tradition juive. En effet, dire les choses avec justesse, apprécier les êtres avec amour,
ou atteindre le cœur de leur mystère revient au même. C'est toucher aux ondes, au fluide
éthérique, qui les traversent. Et cela n'est possible que pour ceux qui étudient sans relâche
et avec humilité. Ceux-là apprennent que toutes les merveilles du monde sont contenues
dans la parole sacrée, puisque Dieu a créé l'univers avec les lettres de l'alphabet hébraïque
qui sont les incarnations d'anges et d'archanges, comme nous le verrons sous peu.

CE QU'EN DIT LE TALMUD


Les vingt-deux lettres magiques de l'alphabet hébraïque

Ce problème de la langue sacrée est des plus passionnants. Qui en détient la clef a (presque)
tout compris et a effectué une bonne partie du chemin. Un chemin semé de ronces, dit la tradi-
tion, mais sur lequel on cueille parfois des rosés d'une senteur inconnue. Les initiés juifs sont
souvent des poètes. Nous l'avons déjà vu pour le roi Salomon qui écrivit l'un des plus beaux
poèmes de l'humanité: "le Cantique des cantiques". Pour simplifier ce problème, on peut dire
rapidement que celui qui possède le mot exact, juste, précis, détient la vérité. Cela existe dans
toutes les langues: dire le mot juste, n'est-ce pas avoir compris de quoi on parle!
Mais si cela est vrai pour toutes les langues, en français comme en italien ou en chinois, ce
l'est a fortiori pour les langues sacrées comme l'hébreu. L'hébreu atteint au plus profond ce
qu'il nomme. C'est en lui que se cache une sagesse immémoriale. A l'origine, avant la confu-
sion introduite par les hommes qui construisirent la tour de Babel, dont la Bible elle-même
parle, les mots étaient tous de vérité, et ils collaient parfaitement aux choses. Il y avait une
adéquation parfaite entre le souffle humain et la respiration du cosmos4. Ou pour le dire plus
simplement, un même fluide éthérique passait aussi bien dans l'univers que dans l'homme,
qu'en toute chose. C'est plus tard, lorsque l'espèce humaine perdit son innocence, que le fluide
se scinda en deux. Et aujourd'hui, nous sommes peut-être à une fin de cycle: la science et la
spiritualité sont séparées, alors qu'elles devraient être lices puisqu'elle parlent toutes deux de
la même chose sous des aspects différents...

4
C'est cette adéquation que prétendent retrouver les maîtres yogis.

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L'alphabet hébraïque comprend vingt-deux lettres, comme les vingt-deux lames du tarot qui
est un jeu initiatique, une sorte de mini-ordinateur portatif avant la lettre. Ces vingt-deux let-
tres sont groupées en trois lettres mères (Aleph, Meni, Chin); sept signes doubles (c'est-à-dire
avec une prononciation double) et douze signes simples. Les trois lettres mères correspondent
à trois éléments: Y air, le feu et l'eau; les sept doubles signes aux planètes et les douze signes
simples au zodiaque. Cette subdivision s'applique en même temps au microcosme et au ma-
crocosme, c'est-à-dire aussi bien à l'homme qu'à la création.
Arrêtons-nous un moment. Pourquoi trois éléments et non quatre, comme il est d'usage dans
l'alchimie par exemple? La tradition hébraïque oublie-t-elle l'élément terre? Cela a soulevé de
nombreuses discussions parmi les occultistes. Certains d'entre eux ont fait observer que la
terre était un "résultat". Ils sont allés jusqu'à affirmer que la terre n'était pas un élément avec
lequel le cosmos a été créé, mais simplement la matière de notre planète. D'autres lieux, d'au-
tres planètes, d'autres mondes, peuvent très bien être composés d'une autre matière comme
semblent le montrer les prélèvements sur Mars. La terre est l'un des nombreux résultats de la
combinaison de l'air, du feu et de l'eau qui seuls sont d'origine céleste. Il est bien dit dans tous
les textes sacrés que l'Architecte a créé la terre à l'aide des autres éléments. Mais cette que-
relle est d'ordre philosophique et nous concerne peu! Il suffit de savoir à quoi correspondent
les lettres mères, c'est-à-dire celles qui doivent être fécondées par l'esprit pour donner nais-
sance à toutes les autres.

C'est le feu qui crée le monde

Un rapprochement avec le texte de la Genèse (Ancien Testament), texte qui raconte la créa-
tion du monde, nous aidera à mieux comprendre ce que sont les lettres rnères. Dieu (son Es-
prit) planait au-dessus des eaux, et il dit: "Que la lumière soit!" Dans ce texte, l'Esprit de
Dieu, c'est le feu ainsi que le dit le philosophe Heraclite. Or le feu planait dans l'air, au-dessus
des eaux. On retrouve là nos trois éléments. Et on retrouve également cette idée de la parole
de vérité: il suffit que Dieu nomme la chose, la lumière en l'occurrence, pour que cette chose
soit.
Cette incursion dans le texte biblique, cette manière que nous avons de le lire en fonction de
la langue sacrée, est des plus passionnantes. Elle est inépuisable. On remarquera que Dieu qui
est feu crée la lumière d'où tout l'univers va découler. Einstein a en effet montré que tout
l'univers est de la lumière plus ou moins pure ou plus ou moins dégradée (Einstein qui était
juif avait-il connaissance de l'ésotérisme hébraïque? On ne sait. Le fait ne paraît pas établi).
Dieu qui est feu crée donc la lumière. Et la lumière est un feu adouci, dit la tradition. Un feu
supportable pour les humains. La lumière dans son intensité absolue, c'est le feu. On sait que
Moïse a dû se voiler le visage quand il est descendu du mont Sinaï où il a rencontré l'Archi-
tecte de tous les mondes. La lumière qui émanait de sa personne était insupportable pour des
yeux humains. Qu'en est-il alors du feu constitutif de la divinité? Seuls quelques êtres d'ex-
ception, des mystiques ou des initiés, peuvent s'en approcher. Dans sa sagesse, Dieu voulant
rendre le monde habitable à l'espèce humaine fit passer son feu à un régime plus doux, la lu-
mière. Si le soleil était plus proche de la terre, ne la brûlerait-il pas? Pourtant, le soleil donne
la vie.
Le cosmos ressemble à une immense symphonie

La tradition dit, par ailleurs, que la création du inonde rapportée par la Bible fut infiniment
plus riche qu'on le croit. Dieu ne créa pas le monde tout simplement mais le cosmos, c'est-à-
dire les galaxies, les univers infinis, etc. Vouloir réduire l'acte de création à la seule terre, c'est
le restreindre et céder à l'égocentrisme. Il y a plus de richesse au ciel que l'esprit humain ne
peut en concevoir, dit un adage de l'hermétisme. La tradition juive se cantonne ici au système

20
solaire, mais encore une fois elle sait que la Création fut plus ample, infiniment plus ample.
Les sept signes doubles symbolisent les planètes, c'est-à-dire leurs influences. On sait que les
planètes neuvent, selon les circonstances du calendrier, exercer une influence bénéfique ou
maléfique. Tel signe astrologique varie en fonction du temps, de l'époque, etc. Le Bélier peut
connaître une période inintéressante de tel à tel moment de l'année, puis entrer dans une pé-
riode très riche tant pour ce qui est des affaires que des sentiments. Et ce que nous venons de
dire pour le Bélier s'applique évidemment aux autres signes. C'est pour cela que la tradition
juive évoque sept signes doubles. C'est-à-dire à double influence; l'une ou l'autre de ces in-
fluences s'exerçant selon le moment.
Quant aux douze signes simples, ils correspondent 1res exactement aux douze signes du zo-
diaque, ceux que tout le monde connaît (Bélier, Scorpion, etc.) Maïmonide, un savant philo-
sophe et médecin, réfutait l'astrologie. Il disait qu'elle était païenne et qu'elle n'avait pas de
place dans le judaïsme. Or, ce que nous venons d'exposer semble contredire Maïmonide. Faut-
il en rester à cette contradiction? En creusant davantage, on s'aperçoit que Maïmonide s'élève
contre les charlatans, et surtout qu'il veut dire que l'astrologie traditionnelle n'a rien à voir
avec l'astrologie courante. C'est du moins cela qui nous est apparu après une lecture attentive
de son œuvre.

L'astrologie traditionnelle se tient bien loin d'une pratique superstitieuse (Maïmonide a raison
de s'élever contre les superstitions. Moïse déjà ne décolérait pas quand son peuple y cédait).
L'astrologie traditionnelle offre une conception sublime de l'univers selon laquelle tout s'em-
boîte, rien n'est laissé au hasard comme dans une immense machine. L'astrologie rejoint ici la
cosmogonie, c'est-à-dire la science de l'univers qui chante la gloire de Dieu. Le cosmos est-il
matière? Est-il immatériel en son fond ultime? La tradition répond qu'il ressemble à une im-
mense symphonie, dont les planètes seraient les notes, les montées en intensité, les vagues
musicales, les grands événements de la géologie et de l'histoire. C'est de cette idée qu'il faut
s'imprégner si on veut commencer par y comprendre quelque chose.

La diction magique de la langue hébraïque


Cela est bel et bon, pourront dire certains, mais cela reste pure spéculation. Si nous ne
pouvons agir sur l'Univers, comment peut-il agir sur nous?, diront-ils. Si aucun pouvoir ne
nous est donné? Et bien, cela n'a pas raison d'être. Il est possible de coïncider avec la
symphonie cosmique et d'y "naviguer comme sur un navire", dit la tradition. Ce qui se
passe au ciel se produit exactement de même sur terre (bien qu'en infiniment plus petit),
pour les initiés. En effet, ce que l'Architecte fait au ciel, nous pouvons le faire sur terre, à
condition de devenir des "maîtres secrets" comme disent les sages d'Israël. Il suffit de sa-
voir utiliser la langue sacrée et toutes ses richesses. C'est-à-dire qu'il faut savoir la pro-
noncer comme il convient pour mettre en branle les ondes qui la traversent.
C'est un enseignement spécial qui s'apparente au théâtre et à la diction. Nous avons déjà
vu que le grand-prêtre de Jérusalem, une fois l'an, dans le Saint des Saints, l'endroit le plus
occulte du temple de Salomon auquel il était le seul à avoir accès, prononçait le nom ca-
ché de Dieu. Il faut bien comprendre que la manière de le prononcer comptait autant que
le nom lui-même. La diction importait autant que le contenu. On peut connaître le Nom et
ne jamais savoir le dire comme il convient. Cela dépend d'un long apprentissage qui res-
semble au yoga mais qui porte particulièrement sur la parole. Il s'agit de savoir faire pas-
ser le souffle vital dans les lettres.
Ainsi il faut savoir que la lettre Aleph est aérienne, qu'il faut la prononcer sans insistance,
avec subtilité, comme certains e en français; que la lettre Mem étant du feu, il faut la dire
avec une brûlante intensité sans jamais s'appesantir mais toujours avec une certaine force

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fluidique, et que la lettre Chin étant l'eau, il faut la prononcer en donnant l'impression
qu'on glisse sur l'eau. Il y a aujourd'hui des écoles de comédiens, de même il existait jadis
des écoles où l'on enseignait la prononciation adéquate de la Parole initiatique. Il fallait, à
chaque fois que l'on rencontrait ces lettres dans un mot, se conformer à ce que l'on avait
appris dans les Yéchiva. Et à ce moment-là les mots existaient d'une manière différente,
quelque chose se mettait à bouger, quelque chose du corps subtil de l'individu en question.
La tradition juive pensait que l'être humain est triple (comme les lettres mères): il est Ne-
fech, Aulam et Chana. Ce triple arrangement indique une division en une partie supérieure
(la tête), une partie médiane (la poitrine) et une partie inférieure (l'abdomen). La tête, c'est
l'esprit céleste qui habite l'individu, l'abdomen c'est son corps physique et la poitrine c'est
son corps subtil ou éthérique, qui se situe entre les deux autres.

La terrifiante histoire du Golem de Prague

Le Talmud affirme que faire bouger, "faire décoller" son corps subtil, en prononçant les
mots comme il convient, donne des pouvoirs. Grâce à ce savoir, dit le Talmud, deux sa-
vants, R. Oshaiah et R. Hanina, créèrent un veau âgé de trois ans à partir de rien et par la
seule force de leur volonté. (San. 65 b et 67 b). De même, R. Josué ben Hannina produisit
des daims et des faons à partir de courges et de citrouilles (San. VII, 154). Ces pouvoirs
magiques furent souvent très utiles au peuple d'Israël qui était persécuté. Ces persécutions,
on le sait, allèrent jusqu'aux pogroms, aux massacres. Et il fallait bien se défendre. Un
rabbin très célèbre et très savant de Prague créa un homon cule, un automate auquel il don-
na la vie en lui glissant entre les dents un papier sur lequel était écrit le nom secret de Dieu.
Il s'agit du Golem. Ce Golem était un gardien invincible. Lorsque les antisémites décidaient
de se livrer à un pogrom, on fermait les portes du ghetto et on plaçait à l'extérieur le Golem,
tout seul. Les autres s'avançaient sans avoir conscience du danger, emportés par leur furie
meurtrière. Ils commençaient par vouloir enfoncer les portes du ghetto. Le Golem s'interposait
et empêchait quiconque d'avancer. Il ne recherchait pas le combat mais formait une invincible
barrière. Il arrivait qu'il tuât un adversaire, mais c'était toujours sans avoir cherché à le faire.
Sa force lui échappait. La rumeur se répandit bientôt que les Juifs sans défense avaient trouvé
un gardien qui valait une armée, et on les laissa vivre en paix. C'est du moins ce que raconte
la tradition, qui ajoute qu'un jour le Golem échappa à son créateur. Il devint fou et brisa tout
autour de lui. Il représenta alors un danger pour la communauté qu'il avait charge de protéger.
Le rabbin qui l'avait créé lui enleva le papier d'entre les lèvres et le détruisit. Son souvenir
hante aujourd'hui encore les rues de Prague.

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CE QUE NOUS APPRENNENT LES LETTRES
La "construction des maisons"

Dans beaucoup de passages du Talmud, on explique que, dans les diverses combinaisons des
lettres, il existe un monde parallèle qui préside à la création de celui dans lequel nous vivons.
La Kabbale poussera cette croyance, ce postulat comme disent les mathématiciens, jusqu'au
bout. La combinaison des lettres est appelée la Tserufou, d'une manière plus imagée, la "cons-
truction des maisons". Et qu'est-ce que la combinaison des lettres, sinon la formation des
mots? Créer un mot dans la langue sacrée, c'est créer une chose ou un être. Seul le Grand Ar-
chitecte ou les initiés suprêmes peuvent créer des mots et donc des réalités.
Mais quel est donc le rapport avec l'expression "construire des maisons"? En créant le corps
de l'homme, en lui créant une compagne, en ayant créé la terre, les planètes et tout ce qui
existe, l'Architecte a créé les maisons de l'humanité. Sans ces maisons, l'homme n'aurait pas
pu vivre sur la terre. Celle-ci ne serait point devenue sa demeure.

Mais alors que sont les lettres? Nous avons vu que ce sont les souffles de la divinité. La tradi-
tion de tous les peuples, celle des anciens Egyptiens comme celle des Hébreux, des Arabes ou
des Celtes, répète saris cesse que trouver le mot juste, c'est avoir un pouvoir sur la chose ou
l'être. Si je trouve le nom secret d'une plante, si je sais le prononcer, je communique avec cette
plante. Je m'en fais une amie, ou je la mets à mon service. En fait, les lettres sont des anges,
ou des démons. C'est là que réside peut-être l'enseignement le plus profond de la mystique
juive. Se rendre maître de la combinaison des lettres, c'est-à-dire de la formation des mots,
c'est agir sur le monde et plus précisément sur sa dimension secrète. Le point central de ce
processus est la formation du nom de Dieu grâce aux permutations de ses lettres.

La méthode du "Notarikon"

Certains kabbalistes, comme Abraham Ibn Ezra, firent des analyses mystiques portant sur les
noms de Dieu, et arrivèrent à la conclusion que tous les secrets qu'ils révélaient étaient déjà
contenus dans la Bible mais que seuls les initiés les comprenaient et les découvraient. Pour les
autres, ils passent inaperçus...
Il existe trois genres de Tseruf, c'est-à-dire de combinaisons: le Notarikon, la Temura et la
Gematria. La méthode du notarikon consiste à faire de nouveaux points à partir des premières
et dernières lettres d'autre mots. Ainsi -nous prenons ces exemples entre des milliers - les
mystiques étaient connus, dans la tradition, sous le nom de Yod'ei Chen (connaisseurs de la
grâce) parce que les premières et les dernières lettres du mot Chen (grâce) peuvent être consi-
dérées comme le notarikon pour "Hokhma Nistara" (sagesse cachée).
De même le mot Fardes fait allusion à la quadruple manière d'interpréter l'Ecriture: littérale-
ment, en la prenant au pied de la lettre comme si elle n'avait aucun secret (Péchât); par allu-
sion (Reniez), c'est-à-dire lorsqu'elle fait allusion à quelque chose d'autre que ce qui est litté-
ral; allégoriquement (Deruch), dans la mesure où ce qu'elle conte est le symbole d'une vérité
supérieure; mystiquement (Sod), c'est-à-dire quand le lecteur fusionne avec les vérités ultimes
et cachées. Remarquez que les quatre lettres qui composent ces quatre mots - le P de Péchât,
le R de Reniez, le D de Deruch et le S de Sod - mis à la suite forment le mot Pardes5. L'ex-
traordinaire est que Pardes signifie paradis. On en conclut que bien comprendre, bien lire,
bien s'imprégner de la Parole de Dieu, de l'Ecriture, c'est entrer au paradis. Les chercheurs de
vérité accèdent au monde de l'Au-Delà dès cette vie-ci.

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Rappelons que les voyelles n'existent pas en hébreu.

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La "Temura"

La Temura, elle, signifie l'altération d'un mot par la transposition des lettres qui le composent.
C'est une sorte de "verlan" mystique, connu dans toutes les sociétés secrètes, comme celle des
coquillards à laquelle appartint au Moyen Age le grand poète français François Villon. Un
exemple: les mots Oneg et Nega sont composés des mêmes lettres mais sont opposés. Or, le
premier veut dire plaisir et le second signifie peine. Est-ce vraiment un hasard? Non. La lan-
gue sacrée est composée d'un grand nombre de ces "hasards". En veut-on deux autres exem-
ples? Les lettres finales des trois premiers mots de la Bible, Berechit bara Elohim forment le
mot "Emeth" qui signifie vérité. La création divine est indissociable de la vérité. D'autre part,
la parole de Dieu mentionnée dans le premier chapitre de la Genèse (le livre de la Création qui
ouvre la Bible), est représentée dans la Kabbale comme l'assemblage de Ech (Feu), Maïm
(Eau) et Rouah (Air) dont les trois premières lettres forment le mot "Amar" qui signifie "Il
dit". Rappelez-vous: la Genèse raconte que Dieu dit "Que la lumière soit" et la lumière fut.
Simple curiosité? Sûrement pas. L'essence de la magie encore une fois, c'est de désigner une
chose pour la faire apparaître ou la créer, comme le fit Dieu dans la Bible. Or, il est dit=les
trois lettres mères. L'Architecte crée, ou dit, à l'aide de ces trois lettres mères.

La "Gematria"

Les méthodes qui peuvent être appliquées dans la langue sacrée et dont la Kabbale, mais pas
seulement elle, a beaucoup usé sont vertigineuses. On comprend que certains chercheurs aient
sombré dans la folie. Mais quelles merveilles durent découvrir ceux qui réussirent à atteindre
le bout du chemin! La Gematria enfin était très largement répandue. Elle considère les valeurs
numériques des lettres et son principe est de mettre en rapport des mots ayant la même valeur
numérique. Ainsi l'ange "en qui réside le nom de Dieu", cet ange très mystérieux dont parle la
Bible (Exode XXIII, 21) est Metatron parce que les mots Metatron et Chaddai ont la même
valeur numérique qui est 314. De même Menahem (Mcin, Nun, Het, Mern) et Tsemah (Tsadé,
Mem, Het), chacun avec la valeur numérique de 138, signifient le Messie.
La numérologie actuelle est fondée sur le même principe. Elle part en effet de la valeur mysti-
que des nombres et de l'idée que chaque lettre correspond à un nombre (ex: A—1, B = 2).
Ainsi, par exemple et pour simplifier, tel ou tel prénom converti en nombre selon une table de
références livre son secret. Exemple: tous les prénoms qui ont la valeur 4 sont ceux d'indivi-
dus concrets. Les kabbalistes et les initiés refusent la numérologie. Pour eux, malgré quelques
coïncidences troublantes, elle reste tout de même une superstition. Ou du moins, elle fut jadis
une science qui a aujourd'hui perdu sa puissance et son efficacité.

Mais l'intérêt de la Gematria est ailleurs: elle met en rapport les mots et les valeurs numéri-
ques, le son et le nombre comme dans la musique. On sait que la musique est une immense et
vivante équation mathématique. Et non seulement la musique mais toutes les choses vivantes.
Mais écoutons ce que nous dit à ce propos Abraham Aboulafia, l'un des plus grands kabbalis-
tes, dans son livre célèbre l'Epître des sept voiles:

"Les lettres de notre alphabet peuvent être classées en individus, espèces et genres. Les indi-
vidus sont perçus par l'œil comme étant composés de matière et de forme au moment où ils se
trouvent écrits. Leur lieu est le support sur lequel ils ont été gravés, leur matière est l'encre, la
forme des lettres étant leur configuration. Chaque lettre est affectée d'accidents tenant soit à la
matière, soit à la forme. L'agent est le scribe qui les écrit: il informe de la sorte la matière-
encre qui est la matière première. Sachant que toute matière est une, tandis que les formes
multiples s'y succèdent, la matière-encre est ainsi prête à recevoir toute forme (...).

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Il en est de l'encre comme de la liqueur séminale porteuse des formes humaines, matière de
tout être humain (...). Du sang de l'homme, il est dit car le sang c'est l'âme. L'âme et le sang
sont donc des synonymes. Le sang dont il est question ici est d'abord féminin; il est de couleur
rouge, bien qu'il puisse changer de couleur comme de nature. Il constitue pour moitié la ma-
tière de l'homme. C'est un autre sang, masculin, cette fois-ci, et de couleur blanche qui en
constitue la seconde moitié".
Les lettres de l'alphabet sacré recèlent l'essence de la création. De la vie d'en haut comme de
celle d'en bas. Nous verrons plus tard comment le monde fut créé à partir lettres. La tradition
juive ne pouvait, comme toutes les autres traditions, que recueillir les méthodes de l'alchimie.
On sait par exemple que Nicolas Flamel, le très célèbre alchimiste parisien, commença à pou-
voir fabriquer la pierre philosophale le jour où il eut entre ses mains un manuscrit très antique,
le texte d'Abraham le sage, contenant la sagesse du peuple d'Israël. Il ne réussit d'ailleurs à le
déchiffrer qu'avec l'aide d'un Juif lui faisant confiance.

L'épisode du veau d'or et l'alchimie

La tradition s'arrête ici sur l'épisode du veau d'or. Cela se produisit, selon la Bible, lorsque
Moïse montant au Sinaï pour y recevoir la parole de l'Eternel et tardant à redescendre, les
Juifs fabriquèrent un veau d'or et l'adorèrent. Lorsque Moïse s'en aperçut, il entra dans une
colère folle et il brisa les tables de la loi. L'interprétation habituelle de ce fait est de l'expliquer
par l'impatience du peuple et sa retombée en idolâtrie. Et sur le plan exotérique, c'est-à-dire du
visible ou du littéral, cela semble bien s'être passé de la sorte. Mais sur le plan de l'invisible?
Comment comprendre allégoriquement, voire mystiquement, cet épisode?
La tradition répond deux choses: tout d'abord que les Juifs conservèrent intacte la connais-
sance de l'alchimie, et ils la gardèrent tant qu'ils restèrent un jeune peuple, proche de ses ori-
gines. Là-dessus, nulle novation, nul fait extraordinaire. Tous les peuples à l'origine connais-
sent le moyen de faire de l'or. Il en fut de même pour les Celtes, par exemple. D'autre part,
l'alchimiste, le vrai alchimiste, réussit à fabriquer de l'or, mais, méprisant tout bien matériel,
abandonne bien vite ce pouvoir pour se tourner vers les hautes vérités spirituelles. De même,
guidés par Moïse, les Juifs fabriquèrent de l'or mais délaissèrent bien vite la vérité physique
pour la vérité spirituelle. Ils n'y parvinrent pas immédiatement: il leur fallut errer quarante ans
dans le désert. Moïse manqua ici de patience pour son peuple. Sa colère et son impatience
furent la raison pour laquelle il n'entra pas en terre promise et qu'il mourut aux portes du pays
vers lequel il avait conduit Israël.

Cet épisode intéresse au plus haut chef les alchimistes et les initiés, qui y voient un avertisse-
ment à être patient. L'homme, disent-ils, est ainsi fait que la terre l'attire, qu'il n'y peut rien
mais qu'il est fasciné par les choses matérielles comme l'or; cependant le ciel l'attire tout au-
tant. L'homme est le lieu d'un combat entre le bien et le mal et il ne faut pas surestimer ses
forces.

Les "trente-deux voies dé la sagesse"

Cette parenthèse refermée, qui prouve que la tradition juive, comme toutes les autres, a re-
cueilli les techniques de l'alchimie, revenons aux lettres. La mystique juive, le Talmud comme
la Kabbale, parlent de la création du monde en "trente-deux voies de la sagesse", représentées
par les vingt-deux lettres de l'alphabet hébraïque et les dix chiffres de la première décade,
appelés "Sephiroth". Cet acte de création est dépeint comme l'émanation (l'accouchement
pourrait-on dire) de l'Esprit Saint, ou Grand Architecte, dans les (rois éléments supérieurs.

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L'élément central est l'air, d'où jaillit vers le haut le feu, fondement du monde céleste et vers le
bas l'eau, fondement du monde matériel.
Les lettres, avons-nous déjà dit, sont des anges ou des démons. Dans la mystique juive, les
anges sont uniquement concevables comme des êtres en mouvement et non pas au repos. Ils
sont parfois semblables à des tourbillons. Sont-ils des tourbillons cosmiques? Certains auteurs
l'affirment. Ces anges sont les Ophanim et les Seraphim, les "saintes créatures" vivantes
(Hayot) et les anges secourables. Il y a aussi les anges de la destruction, les esprits errants:
Asmodée l'adversaire de Salomon, Lilith la femme démon, Dumah l'ange de la mort et du
silence, etc. Comment ces anges deviennent-ils des lettres, ou vice versa? Quel est le rapport
entre les uns et les autres? A vrai dire, personne n'en sait rien. Alors, au lieu de faire des hypo-
thèses qui risquent de nous égarer, reconnaissons notre ignorance et avouons que nous avons
affaire à un mystère.

Les lettres créèrent le monde

Un texte a trait à ce qui nous occupe ici. Voici ce texte: "R. Akiba ainsi disait à Ismaël: Quand
je montai dans le premier palais, j'étais pieux (hassid), dans le second palais j'étais pur (ta-
hor), dans le troisième sincère (yachar), dans le quatrième j'étais en union avec Dieu (tra-
mim), dans le cinquième je faisais preuve de sainteté devant Dieu, dans le sixième je disais la
keducha6 devant Lui, dont la Parole a créé le monde, afin que les anges gardiens ne puissent
pas me faire mal. Dans le septième palais, je me dressai de toutes mes forces, et je tremblai de
tous mes membres. Je dis la prière suivante: 'Gloire à Toi qui es le Très Haut, gloire au Su-
blime dans les demeures de grandeur."
Cette vision, qui est celle d'une initiation, trouve son sens dans la compréhension du nom ca-
ché de Dieu. La tradition, répétons-le, fait la distinction entre le nom usuel de quatre lettres
qui est remplacé dans les prières par le nom "Adonaï" (Seigneur) et dans la conversation par
HaChem (le Nom) et un nom de valeur 72. Distinction qui pose encore un problème de nos
jours. On sait seulement que le second a été obtenu par une "réduction triangulaire" du nom
ineffable de YHWH de la manière suivante:

Le culte des noms, nous l'avons vu, se trouve au cœur d'une très riche mystique des sons et
des lettres. Cette mystique personnifie les lettres, parle d'elles comme si elles étaient des per-
sonnages. Et peut-être l'étaient-elles.

Dans l'ésotérisme grec, en effet, chaque dieu avait une valeur numérique et c'est en combi-
nant ces valeurs que le monde fut créé. Si bien que l'histoire de la création pouvait se lire sur
un double plan: celui du conte, ou de l'histoire, qui contentait les poètes, et celui des nombres,
dont se servaient les savants.
Le "Midrach des Lettres" de R. Akiba, texte kabbalistique, présente les lettres les unes après
les autres avec force révérences. Il commence par la fin. Chacune expose à Dieu sa prétention
à être utilisé pour la mise en route de la création du monde. La victoire revient en définitive à
Betli (B) qui est la première lettre dans la Torah, puisque la Bible commence par: "Au com-

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La prière que tous doivent dire.

26
mencement" (Béréchit). Dans d'autres textes, c'est l'Aleph qui l'emporte. Les lettres H et Y du
tétragramme, nom sacré de Dieu, se distinguent ensuite parce que, avec la première, le monde
matériel a été créé et qu'avec la seconde, a été créé en puissance le monde futur. Ce dieu est
donc bien le Grand Architecte dont parlent les traditions, et en particulier celle des francs-
maçons. Il fait en effet passer la création céleste sur la terre. Il est celui qui permet que le haut
et le bas se rejoignent, et que Jacob désira trouver lorsque dans son rêve, il gravit une échelle.
Il est celui que tous les initiés rencontrent une fois au moins dans leur vie.

LA LUMIERE DE LA KABBALE
L'origine de la Kabbale reste très controversée

C'est au XIe siècle que semble apparaître pour la première fois le nom de Kabbale, et cela
dans l'œuvre du poète et mystique Salomon Ibn Gabirol. Remarquons que le XIe siècle fut une
période de grande effervescence spirituelle qui, en Occident, par ses hérésies successives,
prépara le catharisme dont on sait qu'il bouleversa la chrétienté au point que l'Eglise n'en vint
à bout que par une longue et affreuse croisade (la Croisade contre les Albigeois). La tradition
dit simplement que cette époque fut une époque de désoccultation. En fait, dit-elle, la Kab-
bale, comme le catharisme qui présente d'ailleurs des points communs avec elle, a existé de-
puis l'origine et, à certains moments, elle resurgit, se manifestant au regard d'un vaste public,
au lieu de rester confinée à un cercle restreint d'initiés.
Divers auteurs se sont penchés sur la signification du mot "Kabbale". Parmi ces interpréta-
tions, deux seulement méritent d'être retenues de l'avis même des spécialistes. L'une est "tradi-
tion", et elle indique que la doctrine mystique est la véritable Torah, la loi ésotérique trans-
mise oralement. L'autre est "réception" de la tradition, ou "acceptation" de celle-ci.

En fait, la Kabbale, sous des formes diverses, a toujours existé au cours des âges. Les inities
racontent qu'outre la loi des dix commandements, Moïse transmit oralement un enseignement
secret à quelques-uns de ses disciples. Et cette parole s'est perpétuée, d'initié en initié, tout au
long de l'histoire. Evidemment, cet enseignement, cette philosophie et parfois ces pratiques
magiques se sont adaptés aux temps qu'ils traversaient. En fait, le noyau, le cœur secret de la
doctrine est resté identique à lui-même, et ce sont les disciples qui se sont chargé des adapta-
tions nécessaires. Chaque anneau de la tradition est ainsi forgé par un créateur.
Un enseignement secret du Talmud note déjà: "N'approfondis pas les choses qui sont trop
difficiles pour toi et ne cherche pas les choses qui te sont cachées. Pense à ce qui t'est permis,
mais ne t'occupe pas des sujets qui te sont mystérieux." Que le Talmud, qui n'est pas un livre
occulte, parle de choses mystérieuses et cachées montre la pérennité de la tradition ésotérique.
Et des légendes, de leur côté, racontent: "Le très sage Ben Sira désirait étudier la Kabbale
quand une voix céleste s'éleva: 'Tu ne peux pas le faire seul'. Aussi Ben Sira s'en alla-t-il vers
son père Jérémie et ils étudièrent ensemble. Au bout de trois ans, ils créèrent un homme sur le
front duquel était écrit 'Emet' (vérité) comme sur le front d'Adam. Celui qu'ils avaient créé
leur dit alors: 'Dieu créa Adam, et quand il désira le mettre à mort, il enleva au mot émet une
lettre, et ce terme devint met (la mort). C'est pourquoi je voudrais faire de même afin que vous
ne puissiez pas jouer aux apprentis sorciers." On connaît déjà celte histoire, nous l'avons ra-
contée lorsque nous avons parlé du Golem...
De nombreux auteurs suggèrent que la mystique juive des nombres dont on retrouve dans la
Kabbale la plus belle expression remonte à Pythagore, l'inventeur du "nombre d'or", à partir

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duquel sont construits les temples grecs et les cathédrales gothiques de la chrétienté. Le sage
Pythagore, chef d'une secte initiatique, croyait en la métempsycose et pensait que les étoiles
chantaient, c'est-à-dire que l'univers était en harmonie. Ce fut un grand savant, et l'inventeur
du mot "philosophe" (ami de la sagesse). Et en effet, les ressemblances sont nombreuses entre
la Kabbale et les théories de Pythagore: les nombres sont chargés de qualités mystiques, ils
permettent non seulement d'expliquer l'univers mais encore d'agir sur lui. Il y a une numéro-
logie secrète aussi bien dans la mystique juive que dans celle de Pythagore. Cependant, la
mystique des lettres propre à la doctrine juive reste tout à fait étrangère au pythagorisme.
Encore une fois, la tradition juive date de la naissance du peuple juif avec Abraham et surtout
Moïse, et elle appartient à la tradition primordiale. Les rapprochements avec le pythagorisme
ou d'autres philosophies sont certes réels et utiles, mais incomplets. Il restent exotériques et
n'atteignent pas l'essence des choses. Ils sont à la surface. Les historiens sont peu à peu
conduits à reconnaître qu'il y a là un mystère qui les dépasse.

Le Zohar et Siinéon bar Yochai

Parmi l'infinité de commentateurs juifs - infinité est un mot à peine exagéré, car les Juifs sont
empreints de leur tradition et les intellectuels amoureux du Livre, de la parole divine, sont
nombreux parmi eux-, parmi donc les commentateurs juifs de la Kabbale, nous retiendrons les
noms de Moïse ben Chemtob de Léon, d'Isaac d'Acre et de Nahamanide. Notre choix se justi-
fie par le fait que ces trois auteurs se sont attachés à étudier le livre le plus mystérieux de la
mystique et de l'initiation juive, le "Zohar" (le Livre de la Splendeur) qui constitue un chapitre
de la Kabbale. Nahamanide déclare d'emblée que la Torah (la Loi) a été transcrite par Moïse
à partir d'un original divinement créé. Et il ajoute: "Nous avons une tradition bien établie
(kabbala chel emeth) selon laquelle toute la Torah consiste en des noms de Dieu, puisque les
syllabes peuvent être divisées selon les noms (...) Il semblerait que la Torah écrite avec un feu
noir sur un feu blanc ait été rassemblée dans une vision, de telle sorte qu'il soit possible de la
lire soit selon la méthode des noms, soit selon celle du sujet et des préceptes. De cette ma-
nière, Moïse eut la possibilité d'en tirer des préceptes. D'autre part, la manière de lire la Torah
en ce qui concerne les noms lui a été transmise oralement"...

Dans le Zohar, ce livre légendaire au sujet duquel les historiens profanes se perdent en conjec-
tures, le principal personnage est Siméon bar Yochai. Un maître entouré de sept disciples,
appelés souvent ses "sept yeux". Les dits recueillis sur Rab Siméon ainsi que ses doctrines
constituent le noyau essentiel du Zohar qui porte aussi bien sur la vie quotidienne que sur les
sphères célestes. Cela ressemble aux dialogues de Platon: un événement quotidien est com-
menté et il sert de point de départ à un discours. Ainsi deux talmudistes errent d'une ville à
l'autre: mais ils sont rejoints par la Chekina (la Sagesse) quand ils se rencontrent. Le Christ
reprendra le même enseignement, puisque dans un Evangile apocryphe, non reconnu par l'E-
glise parce qu'hérétique, il dit qu'il se manifeste là où deux fidèles se rencontreront. A d'autres
moments, dans le Zohar, les disciples se rassemblent autour de leur maître Rab Siméon. Quel-
quefois, on les voit donner des conseils aux compagnons qu'ils rencontrent au cours de leurs
pérégrinations (tout comme le faisaient les Apôtres chrétiens). Souvent, il arrive que ces sages
rencontrent un être simple, un portefaix par exemple, et ils n'hésitent pas à recueillir la vérité
de la bouche de cet homme.

Un halo miraculeux entoure la figure de Rab Siméon appelé la "lampe sainte" et comparé à un
"arbre qui touche les deux mondes". Rab Siméon est le "maître de l'enseignement", le "mois-
sonneur", "celui qui est digne de la vérité", "le Sage du cœur", etc. Voyons d'un peu plus près
quel est l'enseignement de Rab Siméon et des autres maîtres secrets de la Kabbale.

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Quand Dieu désire voir Dieu

Dieu est Dieu, d'après la Kabbale. Cette évidence reflète une intense sagesse. Dieu est En Sof,
c'est-à-dire celui qui est partout et sans fin. La tradition première de la Kabbale est que Dieu
a désiré voir Dieu. C'est de ce désir qu'est né l'univers. Par un acte de libre volonté, Dieu, la
plénitude absolue, s'est retiré pour laisser apparaître le vide qui allait lui servir de miroir. Cet
acte, les kabbalistes en disent ceci: "Le lieu de Dieu est le monde mais le monde n'est pas le
lieu de Dieu". On dira que tout cela n'est que spéculation. Ce n'est pas tout à fait vrai: lors-
qu'un individu sort de son corps, lorsque son double astral le quitte et qu'il atteint, de la sorte,
les vérités de l'Au-Delà, il vit le même type d'expérience. Des enquêtes de parapsychologie
ont montré que les sorties hors du corps étaient des réalités, et que cela se passait (à une plus
petite échelle évidemment) de la même manière que le retrait de Dieu pour se contempler.
Lorsqu'à la suite d'un accident, d'un choc intense, d'une réflexion approfondie, ou de certains
exercices de yoga et de méditation, les individus quittent la terre, parfois lévitent et se
contemplent, c'est encore un phénomène de ce genre qui se produit. Les vérités de la Kabbale
sont à la fois philosophiques, théoriques, et pratiques: elles prennent toujours appui sur une
réalité, même si cette réalité, comme dans le cas de la parapsychologie, n'est pas très évidente.

Les splendeurs cachées

Reprenons l'acte de création. A partir de En Sof, une Lumière sans fin qui maintenant entoure
le vide, émane un rayon de lumière qui pénètre de la périphérie vers le centre. Ce rayon (kav)
de la Divine Volonté se manifeste à dix niveaux distincts d'émanations. Ces dix niveaux, ces
dix phases d'émanations, sont connus sous le nom de Séphiroth (sphères). Le mot séphira,
singulier de séphiroth, a pour racine à la fois chiffre et saphir. Les séphiroth sont les instru-
ments de Dieu ou de l'Architecte. Les mystiques les ont représentés comme les dix Visages,
ou Mains, ou Vêtements, de Dieu.
Ces séphiroth sont reliés les uns aux autres. Ils sont gouvernés par trois principes divins non
manifestés: les "Splendeurs cachées" (Zahzahoth) qui sont Volonté Première, Miséricorde et
Rigueur ou Justice. La Volonté maintient l'équilibre; la Miséricorde répand les flux d'é-
manations (les "fluides") tandis que la Rigueur les contient, leur assigne une frontière, les em-
pêche de se perdre dans le vide. La Kabbale se laisse lire à plusieurs niveaux:

- elle raconte la création du monde par l'Architecte;


- elle donne une leçon de sagesse. Ce que l'on a dit ici pour les trois principes qui gou-
vernent les séphiroth peut s'appliquer avec grand profit aux actions de la vie cou-
rante;
- elle met sur la voie d'une recherche initiatique celui qui a le goût du mystère.

L'Arbre de vie

A elles seules, les splendeurs organisent donc les dix attributs divins, et la structure qu'elles
forment de la sorte est le modèle sur lequel se fonde tout ce qui existe, tous les mondes mani-
festés. On nomme cette structure "Arbre de vie". Sa connaissance ouvre à de grands mystères.
Le moment où une personne parvient au plus près des vérités de la Kabbale constitue pour
elle une expérience unique dans sa vie. Un moment pareil peut survenir dans n'importe quelle
circonstance, mais son mystère, sa qualité, demeurent toujours les mêmes. Une conscience
physique plus vive se transforme en une lucidité qui devient à son tour une conscience pro-
fonde de tout l'univers et de la présence de la divinité. On entre alors en relation, on se "bran-
che", avec tous les mondes en même temps. Moment inoubliable! Moment que l'initiation

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empêche de s'effacer. Dans la Kabbale, la première étape consiste à se familiariser avec l'Ar-
bre de vie, ou l'arbre séphirothique. Il s'agit là d'une clef qui ouvre à l'inconnu, ou plus préci-
sément qui permet de se mettre en quête. Sans elle, il est inutile et vain de se mettre en route.
Voici comment l'arbre séphirotique se retrouve dans le corps humain:

Mais ce schéma établit une correspondance entre les séphiroth et le corps humain. Qu'en
est-il de l'univers? La réponse étant que "tout est dans tout", que le microcosme (l'homme)
ressemble au macrocosme (l'univers), que "tout ce qui est en haut est comme ce qui est en
bas", il est possible de transposer ce schéma dans l'univers. Et non seulement dans l'uni-
vers mais encore en toutes choses. Un auteur contemporain a appliqué le schéma des sé-
phiroth au moteur automobile. Voici comment (in La Cabale de Zev ben Shimon Halevi,
Editions du Seuil).

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Les quatre niveaux de la création

L'Arbre des Séphiroth relie donc la terre au ciel. Il explique comment Dieu qui est plénitude
absolue est tout de même relié à sa création qui, elle, est toute relative. L'Arbre des Séphiroth
est comme une échelle qui permet aux êtres humains de gravir toute la création, échelon après
échelon, du degré le plus grossier au degré le plus subtil, le plus ineffable, le plus mystérieux.
L'univers, le cosmos, la manifestation se classent en quatre niveaux d'après la Kabbale.
Le monde d'Assiah, ou le monde de l'action et des éléments, est le dernier des quatre niveaux
qui ait été manifesté. C'est le inonde physique, mais ce monde matériel n'est pas mé-
prisable comme on pourrait le croire: son noyau, son cœur caché par nos mauvaises actions,
est celui qui permet aux entités supérieures de se réaliser. Notre monde participe d'une cer-
taine manière au mystère de la création, et l'initiation y sensibilise, permet de le comprendre.
Comme elle permet d'agir sur lui, mais par des moyens subtils et magiques.
Comme dans toutes les autres traditions, celle de l'alchimie par exemple, la présence des qua-
tre mondes à ce niveau physique est symbolisée par les quatre éléments: le feu (ou la lumière)
qui représente l'Emanation, l'air qui représente à la fois le processus cosmique et spirituel de
la création, l'eau qui représente le flux de la formation, la terre enfin qui est l'élément solide.
Ces quatre éléments n'ont rien à voir avec les éléments de la physique profane; les alchimistes
ne cessent de le répéter. Le feu c'est la passion créatrice, l'air c'est l'expansion, l'eau c'est le

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flux cosmique et la terre c'est le solide. Une longue pratique de la démarche initiatique permet
de comprendre de quoi il retourne vraiment et de devenir opératif.
En tout cas, dans cette conception des quatre mondes, le niveau le plus bas de la manifesta-
tion, celui qui est le plus éloigné de la divinité, reste cependant le réceptacle de tout ce qui lui
est supérieur. Il faut pour cela le "désencrasser" des obscurités maléfiques qui l'encombrent;
et cela est la tâche de l'initié comme du maître secret kabbaliste. De la sorte, même si tout ce
qui est perçu par les sens est physique, voire inférieur, pour le kabbaliste tous les phénomènes
sont les causes d'une entité supérieure. Tout ce qui existe mérite de durer à condition de le
purifier. Telle est la leçon morale de la Kabbale. Tel est l'objectif secret de la tradition juive.
Et si les Juifs ont été dispersés, dit la tradition, c'est pour livrer ce message qui est d'une im-
portance primordiale pour que le monde s'ouvre à la transcendance.

LE MAL, LE DESTIN COSMIQUE,


L'ENIGME DE L'AMOUR
Pourquoi le mal existe-t-il ?

Pour se regarder, afin de pouvoir se mirer, se connaître, la divinité façonne donc le monde en
le tirant du Néant qu'elle déchire avec sa lumière. La Kabbale raconte qu'à l'origine, un éclair
divin perça le néant et que la divine volonté se manifesta par les séphiroth gouvernés eux-
mêmes par les Splendeurs cachées. C'est l'Arbre de vie qui relie le monde d'en haut et celui
d'en bas et fait que, malgré notre absolue petitesse, nous ne sommes pas séparés de l'Archi-
tecte. L'initiation, celle en particulier des maîtres secrets de la Kabbale, permet de connaître
l'Architecte, ses noms, ses attributs et de recueillir une particule de la lumière surnaturelle qui
baigne le monde d'en haut pour se répandre en bénédictions sur les justes.
Mais l'Architecte qui à l'origine remplissait tout l'espace s'est retiré, a déchiré sa perfection
pour créer le monde. Il suffit de cet instant pour que la non-perfection pénètre dans la créa-
tion. Il suffit de cet instant pour que le mal fasse son apparition, ou plutôt pour que la divinité
lui permette d'exister. Avec la création est survenue, comme nous l'avons vu, la première sé-
paration d'avec le divin; au premier écart du contact direct avec la divinité, le mal a percé la
coquille dans laquelle il était enclos. Ceci est représenté exotériquement par la rébellion de
l'archange Lucifer contre le décret divin qui lui intimait l'ordre de se soumettre à Adam le
premier homme, couronnement de l'univers qui malheureusement chutera.

Mais de ce fait, Lucifer s'est vu attribuer le rôle du tentateur (du serpent de la Bible). Avec les
forces démoniaques de la désintégration cosmique, il met à l'épreuve l'intégrité de la création
et en particulier de l'homme, seule créature dotée du libre arbitre. En fait, la Kabbale comme
le catharisme s'interroge sur le problème du mal qui est un scandale dans la création divine.
Car en effet, comment Dieu qui est tout bonté peut-il tolérer le mal, les guerres, les injustices,
les souffrances des petits enfants'! De deux choses l'une: ou il est impuissant devant le mal, et
il ne règne donc pas sur toute chose, ou bien il a permis au mal de sévir, et alors où se trouve
sa bonté? Plus qu'une simple question théorique, il s'agit là d'un grave problème qui a inquiété
tous les sages.

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L'homme, ce chargé de mission de la divinité

L'exotérisme rejette cette question sans l'avoir examinée; elle se situe cependant au cœur de la
doctrine traditionnelle. Le Zohar répond par une parabole, que voici: "Un roi qui possédait un
fabuleux trésor, disposa tout autour un serpent venimeux. Quiconque se hasardait à porter la
main sur le coffre risquait d'être mordu et de mourir. Le roi avait un ami à qui il confia le se-
cret permettant de parvenir au coffre et de s'emparer du trésor sans aucun danger. Le Saint
Loué soit-il a agi de même, en plaçant un serpent autour du sanctuaire, mais à ses amis, les
anges et les Justes, il révéla le secret d'éloigner le serpent pour se rapprocher de la Chékina (la
sagesse)".
Cette parabole indique que le mal n'est pas un pouvoir autonome mais qu'il est soumis à l'au-
torité de Dieu. Les actes maléfiques font œuvre de destruction dans le but d'éveiller les hom-
mes à la crainte du péché. Le mal fait partie intégrante du processus créateur. Il permet aux
Justes d'expier leurs défauts. Baudelaire a saisi cette idée en écrivant: "Soyez béni mon Dieu
qui nous avez donné la souffrance comme un divin remède à nos impuretés". Et en fait, sans
le mal, l'univers n'existerait pas, comme sans la destruction des sociétés injustes, l'esclava-
gisme par exemple, l'histoire humaine ne progresserait pas.

Du bas jusqu'en son sommet la Création est emplie d'entités, et la présence des créatures sur-
naturelles peut parfois être ressentie dans les lieux sacrés, où le niveau de la conscience
s'élève. Ces lieux sacrés sont pour les Juifs le temple de Salomon, pour les Celtes les pierres
levées, et pour les Grecs le temple de Delphes. La nature des créatures angéliques est la même
que celle des êtres d'en bas, la différence est qu'ils n'ont ni fonctions physiques ni volonté in-
dividuelle. La hiérarchie des êtres angéliques se conforme à l'ordre du monde. Dans le premier
chapitre de la Genèse, les oiseaux de l'air sont les archanges tandis que les poissons symboli-
sent les anges de la création. Selon la tradition, chaque inonde possède sa propre hiérarchie.
Les archanges Michaël et Gabriel remplissent des rôles particuliers, en relation avec l'homme:
ils sont les véhicules de la Grâce. L'archange Michaël a reçu la mission d'être l'adversaire du
mal dans le ciel, tandis que l'homme est responsable de l'ordre sur terre. L'homme est donc un
chargé de mission de l'Architecte, pour achever son œuvre.

Lucifer, le Porte-lumière, était l'un des archanges les plus élevés dans la hiérarchie céleste
mais lorsqu'il refusa de se soumettre à Adam, car il avait été envoyé sur terre pour se mettre
au service de l'humanité, on lui donna le titre affreux de Samaël (le Poison de Dieu). Il est le
chef des armées démoniaques; mais malgré tout, il pourra être racheté à la fin des temps. Les
anges et les démons, comme nous l'avons déjà dit, surveillent le conflit entre le bien et le mal
dans l'homme et dans le monde. Les kabbalistes disent qu'au moment des choix moraux d'im-
portance, chaque personne a au-dessus d'elle un "yetser a-tov" et un "yetser a-rah", une
"forme du bien" et une "forme du mal", sortes de nébuleuses ou d'auras, c'est à dire de halos
perceptibles par les extrasensibles et les initiés. A la fin de la vie de l'individu en question,
l'une ou l'autre des entités réclame la victoire et elle emporte l'âme vers sa demeure supérieure
ou inférieure. Signalons à cette occasion que la Kabbale croit en la réincarnation.

L'imperceptible souvenir du destin cosmique

Le bien est la conformité avec la Loi divine, cosmique, morale. La tradition juive dit que l'Ar-
chitecte a consulté la Loi (la Torah) avant de créer l'univers. Quant aux quatre inondes, ils
pénètrent dans la totalité de l'existence comme la loi constitue le bien suprême. 11 est possible
de donner à propos des quatre mondes l'image de l'échelle de Jacob. Le monde le plus infé-
rieur, celui des "Ecorces", représente le monde des forces démoniaques. Mais encore une fois,

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le mal entre dans les desseins de la divinité qui veut éprouver l'homme. Les forces du mal
sont, comme le dit plaisamment un auteur contemporain, des "fonctionnaires cosmiques".
Le monde divin (Azilouth), les kabbalistes l'appellent le "Vêtement de lumière", ou la
"Gloire". Dans ce monde d'Azilouth qui est le Paradis dont parle la Bible, l'homme primor-
dial était Adam Kadmon. Ayant forme humaine, il était pourtant une créature divine. Sa chute
dans la matière lui fit perdre son innocence, mais il vivra une rédemption à la fin des temps.
La Kabbale dit que toutes les créatures sont restées inachevées sauf Adam. Les animaux qui
n'ont pas accepté la supériorité de l'homme deviennent des forces démoniaques. Selon la Kab-
bale, le libre arbitre, la liberté est ce qui a introduit le mal dans la création mais en même
temps ce par quoi le Créateur se connaît. Ce qui permet les progrès.

Lorsque les quatre mondes ont été achevés, la part divine de chaque entité humaine s'est diffé-
renciée en cellules, mais au moment de la rédemption, lorsque notre libre arbitre deviendra un
choix conscient et volontaire du bien, nous retrouverons notre unité perdue. Nous redevien-
drons corps de lumière. L'étincelle divine contenue dans le monde supérieur d'Azilouth s'in-
carnera alors dans le concret. La tradition dit à ce propos que lorsqu'un couple fait l'amour, la
présence invisible de ses enfants plane au-dessus de lui. Lorsque la conception se produit,
l'âme et l'esprit s'attachent au corps embryonnaire; et ce n'est que lorsque le fœtus grandit que
la personne destinée à s'incarner entre en scène: elle prend à ce moment-là son "manteau de
peau" (Les Cathares, eux, parlaient d'une "tunique de chair").

Au cours de sa formation, la personne appelée à naître, ou plus précisément à se réincarner,


voit se dérouler sa vie future: aussi bien ses amitiés et ses amours que les événements qu'elle
vivra et les lieux où elle ira. Elle voit également les destins des personnes qui lui sont proches.
Mais lorsqu'elle verra le jour, juste avant ce moment crucial, Dieu, ou un ange de Dieu, lui
mettra un doigt sur les lèvres afin qu'elle garde le silence. Nous gardons trace de ce doigt dans
le petit creux au dessus de nos lèvres. Lorsque l'enfant naît, il a oublié ses souvenirs des vies
antérieures et surtout les visions de son destin. De temps en temps, cependant, il lui arrive de
retrouver une personne ou un événement dont on lui a parlé durant sa gestation. Cela constitue
les impressions de "déjà vu" dont parlent les parapsychologues. On découvre parfois qu'on
connaît un lieu ou une personne sans les avoir jamais rencontrés auparavant. Il arrive même
qu'on puisse parler un moment, pendant une opération par exemple, une langue qu'on n'a ja-
mais apprise. Cela constitue le "déjà vu". En tout cas, et là l'enseignement de la Kabbale est
complètement original: les gens que la personne croit reconnaître, les phénomènes de "déjà
vu", sont impliqués dans le même destin cosmique que la personne elle-même, et le plus sou-
vent sans que celle-ci le sache. Dans l'amour, par exemple, ne croit-on pas reconnaître celui
ou celle dont on tombe amoureux?

La sortie d'Egypte, modèle de l'initiation kabbalistique

La Bible raconte la descente de Jacob en Egypte. Cette descente, nous dit la Kabbale, est à la
fois un événement historique qui s'est réellement passé et un événement symbolique portant
sur l'invisible. De ce dernier point de vue, c'est la description de l'incarnation d'une âme. Mi-
sraïm, le nom hébraïque d'Egypte, signifie "confiné" ou encore "limité".
N'est-ce pas du corps physique qu'il s'agit ici? Les Cathares parlaient de la prison, ou du tom-
beau, du corps. L'habitat naturel de l'âme est l'Eden, le jardin décrit par la Bible; et ici-bas, en
Egypte, celle "vallée de larmes", elle oublie le pays d'où elle vient, à force d'être esclave.
La sortie de l'Egypte, l'Exode, a donc une haute signification psychologique et morale: c'est la
sottie hors de la prison matérielle. Une sortie dont on sait qu'elle ne réussit qu'après quarante
années d'épreuves. C'est une véritable initiation: le modèle même de /'initiation kabbalistique.

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Cette initiation résulte d'une crise, on a besoin d'un maître (Moïse) et d'un groupe ou d'une
société secrète (symbolisé par le peuple juif). Et une fois la mer Rouge franchie, il n'y a plus
de possibilité de revenir en arrière. Le sort en est jeté: si Moïse, c'est-à-dire le maître, fend les
flots, comme jadis, lors de l'acte de la création, l'Architecte fendit le néant, un processus est
irrésistiblement en marche. On ne peut plus reculer, à moins de participer délibérément aux
forces du mal.

La mise en branle du rituel

II y a plusieurs façons pour un maître de dispenser l'enseignement de la Kabbale. Cela peut se


faire dans une école, ou à titre individuel au cours de conversations, ou encore par des dé-
monstrations qui éveillent l'intelligence. Mais dans tous les cas, il faut que cela s'achève par
la mise en branle d'un rituel secret, et ce secret est bien gardé.
Le kabbaliste part toujours d'un commentaire du texte biblique. Ainsi le premier mot de la
Genèse (le livre de la Création dans la Bible) est "Bereshit"; selon la tradition, ce mot contient
à lui seul l'ensemble de l'enseignement puisqu'il est le premier. Les kabbalistes lisent les tex-
tes à différents niveaux - littéral, allégorique et mystique -mais ils cherchent sans cesse et
progressivement à ouvrir ce qu'ils appellent "les sept portes de la compréhension". Les trois
premières de ces portes sont: l'action quotidienne, le sentiment et la pensée. Les quatre sui-
vantes portent sur l'éveil des facultés intérieures, intimes. Les kabbalistes pensent que la Pré-
sence divine gît au fond de l'intimité de l'initié. Dieu n'est pas seulement dans le monde exté-
rieur mais aussi dans le noyau secret de l'individu qui a atteint une certaine connaissance.
Saint Augustin disait que Dieu lui était plus intérieur que lui-même. La Kabbale ne pense pas
autrement, mais comme elle est une méthode initiatique elle donne les moyens d'explorer
cette intériorité qui reste fermée aux profanes.

L'amour est le secret des secrets

A chacun des stades de l'avancement du disciple, le texte biblique prend une nouvelle signifi-
cation, plus riche. Nous avons vu ce qu'il en était du symbole de la traversée de la mer Rouge.
Nous avons dit que l'événement relatait également le processus d'une initiation. Quand un
nouvel initié quitte son mode de vie profane - représenté par l'Egypte, cette "vallée de lar-
mes"- il doit affronter son propre désert intérieur. Par moments, comme les Hébreux, il se
révoltera et voudra posséder le Veau d'or (la richesse matérielle), mais il devra se plier à une
discipline et à une purification. Il aura sa révélation (mont Sinaï) et enfin il entrera en sa terre
promise. De même le symbole d'Adam et Eve rend compte à la fois d'une réalité sexuelle,
d'une réalité psychologique et d'une réalité spirituelle. L'histoire d'Adam et Eve, qui se trouve
à l'origine du périple terrestre de l'humanité, est en fait une histoire d'amour qui échoue à
cause du serpent. Mais rien n'est jamais perdu: Salomon aimera vraiment la reine de Saba et il
fera progresser le peuple juif. L'un des plus grands secrets de la Kabbale tient en ce qu'elle
croit que l'histoire humaine est érotique. L'homme est sur terre pour apprendre à aimer la
femme, et la femme pour aimer l'homme.
Ce postulat amoureux, sexuel, érotique, est très secret: Il n'est pas transmis à tout le inonde.
Nous avons vu qu'il était extrêmement dangereux, avec l'histoire du Dibbouk. D'ailleurs, la
Kabbale n'est pas le tantrisme tibétain qui est une sexologie rituelle - où les hommes et les
femmes font l'amour au cours de cérémonies magiques pour obtenir des pouvoirs7. La Kab-
bale part du principe que l'âme une fois purifiée ne peut que se réjouir dans son corps,
"comme une fiancée qui entre dans la demeure de celui qu'elle aime", dit un auteur. Et de ce
7
Parmi ces pouvoirs, paraît-il, la rétention du sperme - l'homme peut indéfiniment retenir son éjaculation - et surtout l'élixir
de longue vie.

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fait les deux corps, celui de la femme et celui de l'homme, ne peuvent que désirer se ren-
contrer.
Le Zohar raconte la parabole suivante qui illustre magnifiquement notre propos.

"Un jour, un jeune homme aperçut la silhouette voilée d'une jeune fille qui se tenait à
la porte d'un palais. Poussé par la curiosité, il revint chaque jour pour essayer de l'en-
trevoir. Au bout d'un certain temps, elle tourna son regard vers lui comme si elle l'at-
tendait, et il sentit une passion naissante se substituer à la curiosité. Puis le temps
passant, la jeune fille abaissa son voile pour montrer une partie de son visage. Ce-
ci eut pour effet que le jeune homme resta de nombreuses heures devant la porte
du palais dans l'espoir de contempler la splendeur qu'il avait entrevue. Peu à peu
il devint tellement amoureux qu'il passa le plus clair de ses jours aux portes du pa-
lais. Le temps s'écoulant, elle se montra davantage à lui, et ils purent converser.
Elle lui parla des secrets du palais. Bientôt, le jeune homme fut incapable de sup-
porter la séparation plus longtemps. Il ne désira qu'une chose: être uni à la jeune
fille par le mariage pour pouvoir connaître par expérience tout ce dont elle l'entre-
tenait".

Un commentaire kabbalistique affirme que le palais était le corps de la jeune fille que le
jeune homme voulait connaître en lui faisant l'amour. Ce corps était le réceptacle de mer-
veilles divines réservées à l'initié qui saurait les accueillir.

LES VOIES DE LA KABBALE


L'action, la dévotion, la contemplation

Il existe trois manières d'entrer dans la Kabbale; elles correspondent au corps, au coeur et
à la tête. Nous avons déjà dit qu'il y avait trois manières de lire un texte sacré: la voie litté-
rale qui le prend au pied de la lettre, la voie allégorique ou symbolique et la voie mysti-
que. Nous aboutissons donc à des équivalences, et il en résulte le tableau suivant.

L'action est l'accès par le rituel, soit par la prière dans la communauté à laquelle on appar-
tient (juive, chrétienne ou musulmane), soit par initiation. La dévotion a de nombreuses
formes: la charité, la compassion et les bonnes actions en sont des exemples. Elle est
conduite par l'amour et la crainte de Dieu, et par la soumission. La contemplation est l'entrée
dans le monde de la mystique par l'esprit. C'est l'intellect qui comprend l'univers dans son
niveau le plus profond.

36
L'initié est le miroir de la divinité

Le but ultime de l'accomplissement humain, de l'initiation kabbalistique, est le contact direct


avec la divinité, la connaissance du nom secret de l'Architecte qui donne d'immenses pouvoirs
magiques que le kabbaliste n'utilise pas parce qu'il est tourné tout entier vers la spiritualité. A
ce niveau d'évolution, l'être humain voit des choses cachées au commun des mortels. Il voit
l'aura - c'est-à-dire le halo de vie ou de mort - qui entoure Unit être et toute chose. Il lit dans
les destins. Il converse avec des maîtres disparus depuis longtemps, et même avec le prophète
Elie. Il entre en relation avec l'Au-Delà, et il voit parfois les entités angéliques qui entourent
le Trône de l'Architecte.

Dans la pratique, l'initié réussit à unifier en lui-même les quatre mondes, et il devient de la
sorte un Miroir de la divinité. L'initiation des francs-maçons est une initiation spéculative; or,
spéculum signifie miroir en latin. Lorsqu'on devient un tel miroir, tout s'illumine et on peut
aisément lire le destin des humains et celui de la planète.
A côté de la Kabbale philosophique - celle qui décrit par exemple, les étapes de la création de
l'univers -, il existe une Kabbale pratique qui est en fait une manière d'affronter le mal et de
le vaincre. C'est donc une magie, un art qui permet d'exercer un pouvoir sur le monde pour le
plier à sa volonté. Cet art est extrêmement dangereux, nous ne cesserons de le répéter. Il naît
de l'utilisation des symboles. Et ces symboles permettent de mieux voir. Quelques exemples:

- la lettre Aleph, première lettre de l'alphabet, est donc celle du commencement. Les
kabbalistes devinent dans sa forme un modèle, une image, du corps d'Adam Kadmon.
On peut l'assimiler au Bateleur dans les Tarots initiatiques;
- la forme humaine permet par analogie de décrire la gloire divine. Nous avons vu
précédemment comment le corps humain était équivalent à l'arbre séphirotique;
- le plan du Tabernacle donné à Moïse sur le Sinaï exprime l'ordre des quatre mon-
des.

Magie, métempsychose et Messie

De nombreux livres kabbalistiques rapportent que la volonté humaine peut, en certaines cir-
constances, manipuler le monde d'en haut et parvenir à matérialiser tel ou tel objet désiré. La
chose s'explique: l'essence de l'objet se trouve dans le monde supérieur et il suffit d'agir sur
l'essence pour modifier l’existence. Ces opérations ne sont possibles que par l'invocation des
noms angéliques ou divins et par la mise en branle d'un rituel. La majorité des opérations ma-
giques de la Kabbale sont préventives. Des kabbalistes célèbres, comme Isaac Louria, ont
ainsi fabriqué des amulettes contre la peste ou contre les maladies. Il faut bien comprendre
que la magie kabbalistique ne dérange pas l'équilibre cosmique, n'empêche pas le déve-
loppement spirituel de celui qui s'y livre, parce qu'elle est pratiquée dans une intention pure
et dans un esprit de soumission à l'Architecte. Par la magie, l'homme se souvient qu'il est
un chargé de mission de la divinité.
La Kabbale, comme presque toutes les traditions d'ailleurs, croit en la réincarnation. Ne
parle-t-elle pas des "Gilgoulim", ces cycles de renaissance après la mort? La transmigra-
tion de l'âme à travers une série de vies successives, bonnes ou mauvaises, devient dans la
Kabbale, comme d'ailleurs dans l'ésotérisme hindou, un processus d'éducation, de purifi-
cation ou un moyen d'accomplir une mission spirituelle. La Kabbale avance ici l'idée d'un
destin cosmique qui est l'équivalent du karma hindou. D'ailleurs, destin cosmique et réin-
carnation ont partie liée: ils donnent tous deux naissance à l'impression de déjà vu dont
nous avons parlé au chapitre précédent.

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C'est ici également l'occasion d'évoquer de nouveau le Dibbouk qui est l'intrusion d'une
âme étrangère dans le corps d'une personne vivante. Et toujours à propos du Dibbouk,
notons que le mariage n'est pas une simple convention sociale pour la tradition juive: c'est
le croisement de fils divers dans la trame du destin. Deux vies qui donnent naissance à
d'autres vies (celles des enfants) se réunissent en un destin unique qui a son équivalent
dans le monde supérieur...

Dernière idée traitée par la Kabbale: celle de la venue du Messie. Cette idée n'est pas pro-
pre à la Kabbale, les Juifs l'ont toujours attendu et ils l'attendent encore. Leur histoire est
ponctuée par la venue de faux messies comme Sabbataï Zvi qui, au XVIIe siècle, entraîna
des milliers de fidèles et qui ensuite abjura et se convertit à l'islam. Les Juifs ne reconnais-
sent pas Jésus-Christ, mais certains kabbalistes pensent qu'il fait partie de la longue chaîne
d'initiés juifs et qu'il fut éduqué par les Esséniens, cette secte très mystérieuse qui contre
vents et marées conserva la plus pure Tradition juive.
L'arrivée du Messie annonce la fin d'un cycle cosmique (Shémittah). Lorsque le Messie
viendra, lorsque les temps seront consommés, les Justes, dispersés au sein de toutes les
nations, seront rassemblés en Terre Sainte. Adam Kadmon sera racheté, il renaîtra.
L'homme retrouvera sa nature primordiale. Il redeviendra le miroir de la Divinité, et la
paix et la justice régneront sur la terre. En attendant,'les initiés prépareront ces temps qui,
selon une prophétie, ne sont plus maintenant si loin que cela.

TROISIEME PARTIE
LES PRODIGES DU HASSIDISME

LA DIVINITE SE REVELE DANS LA JOIE ET LA FERVEUR


Les maîtres du nom ("Baal chem")

La Kabbale n'a fait que cristalliser un motif central de la tradition juive: celui selon lequel la
connaissance du nom de Dieu donne des pouvoirs spirituels et magiques extraordinaires. On
retrouve cette idée, popularisée cette fois-ci, avec les hassidim qui, en Europe au XVIe siècle,
se déclarent capables de faire des prodiges. De ce fait, on les a nommés Baal chem (les Maî-
tres du nom), et l'un d'entre eux, Haïm Falk, accomplit un miracle, sauvant la synagogue de
Londres d'un incendie... Mais les Baal chem les plus connus ont vécu en Pologne; ce sont eux
qui sont proprement appelés les hassidim.
L'un des personnages les plus mystérieux fut le Baal chem Eliézer Chemtob, surnommé
Becht, qui passa la plus grande partie de son enfance dans les bois. Il s'engagea à l'âge de
douze ans chez le maître d'hébreu du village où il habitait. Et sur ce, raconte Martin Buber,
l'un des meilleurs connaisseurs contemporains, "les habitants du village assoupi furent les
témoins d'un merveilleux changement. Becht conduisait chaque jour une procession d'enfants
chantant à travers les rues jusqu'à l'école et les ramenait chez eux par un chemin détourné à
travers les prairies et les bois. Les enfants ne montraient plus de visages pâles et abattus
comme auparavant. Ils criaient de joie et tenaient des fleurs et des branches vertes dans leurs

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bras". Becht avait reçu, outre son don de naissance qui le prédisposait à retrouver la tradition,
des écrits secrets d'un kab-baliste étrange, Rab. Adam. Sous des dehors d'être simple (sa fa-
mille avait honte de lui), Becht passa plusieurs années à se livrer à d'humbles tâches. La
femme qu'il épousa tenait une auberge; lui, jusqu'à un âge assez avancé, passa son temps à
méditer dans une hutte de branchages en pleine forêt, ne rentrant chez lui que pour le Sabbat
(le samedi qui est un jour saint pour les Juifs). Mais il révéla, sans môme l'avoir cherché, sa
nature prodigieuse; et un jour, alors qu'il s'en revenait des bois, il fut accueilli comme un maî-
tre par une foule qui lui fit un trône de branchages.
Il mena alors une vie errante, accompagné de disciples qui portaient avec lui la bonne parole.
Il enseigna la Kabbale et la mit au niveau des plus humbles. Pour lui, les spéculations n'étaient
pas l'essentiel alors que la piété devenait la voie royale de la connaissance. C'est pourquoi ses
disciples adoptèrent le nom de "hassidim" (pieux). Le mouvement était lancé: de nombreux
groupes se formèrent à travers l'Europe, qui poursuivirent dans la lignée de Becht. Y eut-il
transmission de l'enseignement de Becht aux autres groupes ou bien cette éclosion importante
a-t-elle répondu à un plan des initiés? Il semble qu'il faille opter pour la deuxième explication.

Qu'en est-il du Messie?

Ce qui frappe d'abord dans le mouvement hassidique c'est qu'il s'agit d'une tentative réussie de
mettre la Kabbale, doctrine secrète et complexe, à la portée du peuple et des humbles. Déjà les
kabbalistes les plus célèbres prêtaient attention aux paroles des portefaix et des âniers, déjà ils
pensaient que l'Esprit de vérité souffle où il veut et que le peuple est "le sel de la terre"; main-
tenant ils affirmaient que les temps étaient venus de désocculter le savoir, d'en faire le bien de
tous. Cette décision se traduisit par une vulgarisation dans le bon sens du terme, une vulgari-
sation de la mystique la plus obscure et jusqu'alors la plus inaccessible.
L'éducation théorique ou philosophique qui tenait jadis une place primordiale fut reléguée au
second rang, et remplacée par une illumination "éveillée et maintenue par un contact direct
avec la vie extérieure" (E. Müller, Histoire de la mystique juive, Payol Poche). Certains
conservateurs parlèrent d'une désorganisation de la mystique, et il est sûr que le hassidisme
n'atteignit pas les hauteurs intellectuelles de l'ancienne initiation. Mais ce qu'il perdit en ce
sens, il le gagna d'un autre côté. Son extension aux masses populaires fit pénétrer la mystique
dans des lieux et en des êtres qu'elle ne touchait jamais auparavant. De ce fait, elle apporta
une nouvelle dimension aux initiés eux-mêmes. Ceux-ci n'étaient plus des êtres isolés et sou-
vent regardés avec suspicion mais des chercheurs baignant littéralement dans un milieu et une
atmosphère favorables.
Certains critiques avancent l'idée selon laquelle le messianisme est, dans le hassidisme, relé-
gué à l'arrière-plan. Il n'est plus un thème essentiel comme il l'était dans la tradition juive.
Supprimez en effet l'attente du Messie et vous n'aurez plus de caractéristique singularisant le
judaïsme...
Si les Juifs attendent le Messie, c'est qu'ils veulent le voir venir. Il est le Sauveur qui réconci-
liera l'humanité avec elle-même, qui établira le règne de la justice et de la fraternité. Et par
leur piété, les Juifs pensent aider le Messie à hâter sa venue. Or, et c'est là qu'entre en
scène le hassidisme, à force d'attendre la venue du Messie, les humains, et même les plus
sages d'entre eux, ont fini par céder à la routine, par s'assoupir spirituellement, et par per-
dre espoir. Les hassidim rappellent à tous que l'attente du Messie ne peut se faire que dans
la joie. Si j'aime vraiment Dieu, si je crois vraiment qu'il va envoyer le Messie pour sau-
ver l'humanité, je ne peux qu'être joyeux. La quête de la joie, l'illumination par la joie,
devient l'acte initiatique par excellence. Le hassidisme rejette l'ascétisme, la mortification
et la tristesse. Et l'on voit dans le film de F. Rossif "Le Ghetto", en plein ghetto de Varso-

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vie sous l'occupation nazie, la terreur, la faim et les massacres, deux hassidim qui dansent
de joie.

On ne peut aimer le Créateur que dans la joie et la ferveur

Toute tristesse est impure parce qu'elle est un obstacle à l'élan de l'âme vers son créateur.
Cette joie n'est pas une simple humeur: elle a sa source dans une ferveur intérieure, qui
provient de l'émotion religieuse, spirituelle, initiatique, et qui peut se manifester par l'ex-
tase. Comme les derviches tourneurs musulmans, les hassidim s'étourdissent dans leurs
danses et leurs chants. Ils sont ivres de Dieu. Ils s'effacent, oublient leur propre personna-
lité, devant le vertige cosmique. Car c'est toujours le nom de l'Architecte que l'on cherche,
ce sont toujours les mystères de l'univers, ce sont toujours les pouvoirs, mais cette fois-ci
cela se fait dans la joie. Le terme ultime reste l'oubli de l'individualité et la fusion avec la
divinité. La Kabbale et la tradition juive insistent sur le fait que l'on doit mener la vie reli-
gieuse, ou plutôt spirituelle, à sa perfection. La tradition ne se contente pas de l'aspect su-
perficiel des choses, c'est un ésotérisme acquis par des méthodes secrètes. Le hassid attei-
gnait cette perfection au moyen de ce qu'il appelait le "service" (l'"Avodah"). Ce service
était double: celui de Dieu et celui que l'on pratiquait dans la vie quotidienne. Mais dans
tous les cas, il fallait qu'il y ait une intention dirigée vers la spiritualité ("Kawana"). Cette
intention ne provenait pas simplement d'un principe moral, d'un commandement, mais
d'un élan venu des profondeurs de l'être. Pour y parvenir, l'initié - et encore une fois, tout
le monde ou presque pouvait, dans le hassidisme, se mettre en quête de l'initiation - devait
pratiquer l'humilité et savoir que l'homme reste malgré tous ses efforts en relation avec les
mondes inférieurs. Les hassidim savaient que l'homme participait d'une double nature, à la
fois céleste et terrestre, et qu'il ne servait à rien de se surestimer ou de se sous-estimer.
Certains chefs hassidiques étaient si concentrés qu'ils laissaient passer l'heure de l'office.
Est-ce un bien ou un mal? Les formalistes disaient que l'heure de la prière était sacrée, les
novateurs affirmaient le contraire. Le contact avec les mondes supérieurs donné par la
concentration leur semblait plus important que toutes les prières du monde.

Tzadik et communauté initiatique

Le mode de vie des hassidim était tout à fait particulier: il n'avait plus rien à voir avec ce-
lui des doctes chercheurs enfermés dans leur cabinet et s'usant les yeux à déchiffrer de
vieux textes poussiéreux. Les hassidim aimaient la nature, les forêts, les animaux. Ils
avaient, semble-t-il, retrouvé un savoir originel et une connaissance des phénomènes natu-
rels. Mais jamais ils n'exercèrent leurs dons à la manière des sorciers; ils ne faisaient qu'aimer
la nature, et ne cherchèrent d'aucune façon à s'en rendre maîtres. Les hassidim créèrent aussi
une musique tout à fait nouvelle et adaptée à leurs exercices de danse ou de méditation, ou
encore d'extase. La musique et la danse ont, de tout temps, tenu une place importante dans la
vie spirituelle des peuples, et elles ont toujours été les adjuvants de la tradition. Eh bien, les
hassidim en retrouvèrent le sens et la fonction. L'art ne restait plus une futile occupation, un
simple plaisir des sens, il permettait de pressentir les vertiges cosmiques.
Les hassidim se rassemblaient en communautés, comme tous les groupes initiatiques, que ce
soient les Cathares, les francs-maçons, les soufis ou les Rosé-Croix. La solidarité du groupe
facilitait la descente de l'Esprit. Le groupe formait un "égrégore" comme disent les occultistes,
c'est-à-dire un "esprit collectif" susceptible de faciliter toutes les opérations magiques. Et ce
groupe était conçu sur le modèle céleste, il se centrait autour d'un "tzadik", un chef initié, un
Juste, un sage faiseur de miracles. Le tzadik donnait l'exemple et dispensait l'enseignement -

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parfois de manière énigmatique, toujours de manière imagée et poétique. Il était l'incarnation
d'une entité supérieure, et était entouré par trois groupes successifs: ses disciples qui étaient
les plus proches de lui, la communauté des fidèles, les pèlerins enfin. On venait souvent de
très loin pour consulter un tzadik réputé pour sa sagesse.

Dieu est présent partout

Voyons maintenant d'un peu plus près la philosophie du hassidisme. Le trait caractéristique
majeur de la doctrine est que Dieu est présent partout en toutes choses, en tout être. L'homme
est un missionnaire du cosmos et, en ce sens, son devoir est de servir le Créateur. Comme
toutes les hérésies et comme l'enseigne la tradition, pour les hassidim, le corps n'est qu'un
vêtement, une guenille de chair, une dépouille. L'essence, la vraie nature de l'être humain se
cache derrière cette tunique de la même façon que le message de l'esprit se cache derrière les
mots. L'initié a été mis sur la voie pour découvrir la parcelle de divinité qui l'habite, qui habite
tout homme sans que celui-ci en ait une claire conscience. Accueillir cette parcelle de divinité
équivaut à retrouver sa source, à se rapprocher de la nature originelle d'avant la chute. Le has-
sid consacre tous ses efforts à une telle tâche.
L'action la plus sainte est donc de délivrer la Chekhina (la sagesse) prisonnière des ténèbres.
En effet, le hassidisme se réfère ici à l'enseignement traditionnel le plus pur et le plus fonda-
mental. Selon cet enseignement, la sagesse, la Chekhina, celle que les Grecs appelaient la
Sophia, celle que les mystiques de toutes les religions nomment "l'épouse de Dieu", est des-
cendue sur terre par compassion pour la créature qui ne faisait que l'implorer. Elle savait ce
qu'elle risquait: devenir l'otage et la prisonnière des ténèbres, des forces d'en bas. Mais elle
accepta de courir ce risque tant était grand son amour pour les hommes et les femmes. Et c'est
aux hommes qu'il appartient désormais de la libérer en se libérant eux-mêmes, en combattant
le mal sur la terre et en aidant le règne du bien à se manifester.
Vieille espérance, impossible à contenir. Vieille espérance qui se trouve à la base de toutes les
traditions, et qui ne s'est jamais démentie. Si les hommes l'avaient oubliée, la barbarie se serait
définitivement installée.

DESOCCULTATION DE LA TRADITION JUIVE

Dieu n'aurait pas laissé son épouse succomber...

Revenons un peu sur l'idée de la Chekhina, ou de la Sophia, et demandons-nous comment


l'épouse de l'Architecte, puisque c'est d'elle qu'il s'agit, a pu se laisser capturer par les forces
démoniaques. Nous l'avons dit: c'est par compassion pour les humains qui se lamentèrent
après la chute et l'expulsion hors de l'Eden. Dieu n'aurait cependant pas laissé son épouse s'il
n'avait pas été sûr de la retrouver saine et sauve. Et c'est cette intuition qui fonde avec force
et vérité l'espoir de voir le mal vaincu à la fin.
Certains hassidim disent que le Messie n'est pas autre chose qu'un prince envoyé par l'Archi-
tecte pour ramener son épouse au ciel. Et la conviction que le bien triomphera à la fin des
temps se trouve à la base de leur ferveur.
Ceux-ci n'étaient pas des simples d'esprit, même s'ils voulaient devenir des "pauvres en es-
prit". Ils étaient, pour certains d'entre eux, en tout cas pour les chefs, des gens qui savaient fort
bien que le combat serait très dur, que les forces du mal avaient une puissance extraordinaire.
Il leur suffisait d'ouvrir les yeux sur les guerres, les famines, les maladies. Mais ils savaient

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aussi que si les hommes se laissaient pénétrer par la joie du royaume d'en haut, ils pourraient
surmonter tous les obstacles. Oui! La ferveur, la joie permettent de faire des miracles; et les
tzadikim en accomplissaient. Ils étaient des guérisseurs, certains d'entre eux savaient prédire
l'avenir, d'autres apaisaient les querelles les plus brutales par leur sagesse et leur influence
bienfaisante. Mais le plus grand miracle, celui auquel en tout cas ils tenaient le plus, n'était-il
pas de pouvoir soulever les foules, de leur faire serrer les rangs, de leur mettre le désir du
royaume de Dieu dans le cœur?

Une nouvelle race d'initiés

L'apparition du hassidisme s'explique historiquement par une longue période de maturation de


l'esprit kabbalistique dans les ghettos, mais elle a aussi un sens dans l'invisible. Car à côté de
l'histoire visible, celle de tous les jours, il en existe une autre, disent les initiés, qui est invisi-
ble. Les grands faits de cette histoire sont les maillons de la longue chaîne d'initiés qui, à tra-
vers les âges, maintiennent la tradition. Cette chaîne est, pour le peuple juif, formée par Abra-
ham, Moïse, Salomon, et ensuite par des initiés inconnus (ceux que certaines obédiences ma-
çonniques appellent "les Supérieurs inconnus"). Ces initiés inconnus n'ont cessé de travailler
dans l'ombre et d'impulser des secousses spirituelles à leurs contemporains. Avec Eliézer
Chemtob (Becht) apparaît une nouvelle race d'initiés juifs plus proches des hommes et de la
nature. Ces derniers sont certes beaucoup moins puissants que Moïse, par exemple, mais par
leur nombre, leur mode d'enseignement, leur action, ils correspondent aux temps modernes.
Un auteur de talent a dit que tout s'est passé comme si l'Esprit de Moïse ou celui de Salomon
s'était fragmenté en diverses personnalités. Les Tibétains précisent que l'Esprit ne meurt ja-
mais, mais qu'il trouve toujours de nouvelles réincarnations. Soit en se condensant (cas de
Moïse) soit en s'éparpillant (cas de nombreux tzadikim du hassidisme).

Tous les historiens s'accordent en tout cas pour dire que le mouvement hassidique apporta de
profonds changements clans la vie des juifs. C'est sous son influence que les discussions ari-
des et compliquées des talmudistes cèdent la place à la simplicité de l'expression et à la fer-
veur. La joie succède à la grisaille. On ne se mortifie plus, on ne se livre plus aux pratiques de
l'ascétisme mais on croit désormais que l'âme peut se réjouir dans son corps si elle trouve les
chemins de la vérité. Les tzadikim furent de très belles figures, dont quelques-unes méritent
d'être citées. Sussi de Hanipol était tellement absorbé par l'autre monde quand il méditait qu'il
devenait insensible aux plus terribles souffrances; et il avait une si grande compassion pour
les humains qu'il prenait à son compte les péchés des uns et des autres. Le "Maggid de Ko-
nitz" avait, lui, un tel don d'éloquence qu'il était impossible de résister à ses paroles qui en-
traient en vous comme des langues de feu. Lorsqu'il appelait à la prière quiconque se trouvait
dans les parages, Juif, non-Juif, homme ou animal, ne pouvait que s'exécuter. Jacob Isaac de
Przysucha, surnommé le "Saint rabbi", était un voyant: rien n'échappait à son œil perçant, on
était comme nu en sa présence. Abraham Malach était un modèle de pureté céleste, cet
homme rayonnait littéralement. Lôbl Sorehs (dit Sarahs) fut un faiseur de miracles. Mais, fa-
tigué de ses pouvoirs, sachant qu'ils n'étaient que la forme spectaculaire de la vérité, il travail-
la en secret pour le bien de la communauté juive et pour celui de l'humanité. Il fut l'un des
"trente-six saints légendaires" de sa génération.

Le dernier avatar de la tradition juive

Le hassidisme eut un succès foudroyant, mais son succès même provoqua un schisme: il
se heurta aux rabbins et aux talmudistes. Il fallait s'y attendre: l'ésotérisme est toujours
refusé par les pouvoirs en place. Et dans l'hiver 1772, une sentence d'excommunication fut

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prononcée par la synagogue contre les hassidim. On brûla leurs livres et on leur mena la
vie dure. Certains tzadikim, pour éviter d'envenimer les choses, s'embarquèrent pour la
Terre Sainte; d'autres continuèrent le combat.
Le hassidisme fut l'ultime avatar (jusqu'à nouvel ordre) de la tradition juive, la dernière
désoccultation. Est-ce qu'il contribua à redonner confiance en lui-même au peuple juif
persécuté et humilié pendant des siècles? L'influence d'un tel mouvement marque définiti-
vement la psyché et l'inconscient collectif. Certains auteurs vont jusqu'à dire qu'il contri-
bua à la création du sionisme, à la volonté de retourner en Terre Promise.
On ne peut à la vérité savoir si cette théorie est vraie ou exagérée. On peut pourtant dire
que le hassidisme permit à la tradition juive de briller d'un nouvel éclat et de s'inscrire
plus profondément dans la mentalité populaire. Et quand on sait que toutes les traditions
se livrent à un incessant et fécond échange, quand on sait que tous les initiés du monde
collaborent au même grand œuvre, on ne peut que se réjouir des richesses de la tradition
juive dont on doit rappeler qu'elle fut l'aînée des trois traditions du Livre, de ce qu'on ap-
pelle les religions abrahamiques (juive, chrétienne, musulmane).

QUATRIEME PARTIE LECTURES


Nous citons ici quelques documents de première main qui non seulement complètent les
informations que ce livre apporte et parfois les illustrent, mais permettent encore de com-
prendre de l'intérieur ce qu'est la tradition juive.
Certains de ces textes sont très anciens et tout à fait méconnus du grand public. Nous
avons été obligés de faire un choix: la littérature juive étant d'une grande richesse, nous
nous sommes limités à ce qui nous a paru être l'essentiel.

LE TALMUD
Ce Livre n'est pas ésotérique à proprement parler, mais il fait tout de même allusion à une
vérité de la tradition.

Avant que le monde fût créé

Sept choses ont vu le jour avant que le monde fût créé. Ce sont: la Torah, le Repentir, le Jar-
din de l'Eden, la Géhenne, le Trône de Dieu, le Temple et le Nom du Messie.
On le voit: le Talmud va plus loin que la Bible qui parle seulement des sept jours de la Créa-
tion. Pour le Talmud, les sept choses qui ont précédé le monde sont choses célestes; ainsi le
temple de Salomon n'a été qu'une transcription sur terre d'un modèle céleste. C'est ce que
disent aussi les compagnons du Tour de France et les francs-maçons.
Un autre texte que voici précise la conception que le Talmud se faisait du début de la Créa-
tion.

La Lumière que le Saint béni soit-il8 créa le premier jour, Adam pouvait la voir d'une
extrémité du monde à l'autre; mais dès que le saint vit la génération du Déluge et de la

8
Dieu.

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Dispersion et vit que leurs actions étaient corrompues, il se leva et la cacha à leurs
yeux. N'est-il pas dit: "Quant aux méchants, il seront privés de lumière" (livre de
Job)? Et pour qui l'a-t-il donc gardée? Pour les justes dans les temps à venir, car il est
dit: "Dites du juste qu'il est bon". Dès que Dieu vit la lumière qu'il avait gardée pour
les justes, il se réjouit.

Voir la lumière d'une extrémité du monde à l'autre, voir l'univers éclairé et sans mystère, est
un symbole. Ce symbole signifie que tous les mystères furent entre les mains d'Adam; c'est
l'image du Jardin d'Eden, du Paradis primordial, de l'état de l'homme encore enraciné dans ses
origines. Quand le mai vint sur terre, Dieu occulta la lumière. Il fit en sorte que la vérité de-
vienne ésotérique, cachée au plus grand nombre. Mais pourquoi cacha-t-il la lumière? Pour
qui la garda-t-il? Pour l'humanité lorsqu'elle s'améliorera, lorsque le Messie viendra. En atten-
dant, les Justes, les initiés se passent le flambeau en secret. Cette lumière, c'est évidemment
celle de la Tradition.

Le Messie
Le Messie a été créé avant que le monde ne le fût. Il en va de même, soit dit en passant, de
Jésus-Christ pour les Cathares et d'autres hérétiques combattus et pourchassés par l'Eglise de
Rome.
Au commencement de la création du monde, dit le Talmud, naquit le Roi Messie qui
monta dans les pensées de Dieu avant que le monde fût fait.

Et ailleurs, nous lisons dans le Talmud:

Malheur à ceux qui voient mais ne savent pas ce qu'ils voient; ils sont établis mais ils
ne savent aucunement sur quoi ils se tiennent. Or sur quoi repose la terre? Sur des co-
lonnes mystiques. N'est-il pas dit en effet: "Les colonnes sont placées sur les eaux, les
eaux sur la montagne, les montagnes sur le vent, le vent sur l'orage"? L'orage est sus-
pendu et tombe du bras du Saint béni sait-il. Par ailleurs, les sages précisent que c'est
sur douze colonnes que repose le monde, car il est dit: "II met des limites aux peuples
selon le nombre des tribus des enfants d'Israël"9'. Mais ces sages disent que le Juste
est le fondement du monde".

Ce texte montre comment la tradition juive et la tradition chrétienne se rejoignent tout en gar-
dant leur personnalité respective. La première phrase de ce texte nous fait irrésistiblement
penser au "Ils ont des yeux pour ne pas voir..." des Evangiles. Chaque tradition est singulière,
a son identité, mais elles se réfèrent toutes à une même vérité. Pourquoi donc y a-t-il différen-
tes traditions, différentes philosophies, diverses religions, de nombreux types d'initiation et
d'enseignement, si c'est pour répéter les mêmes choses sur des tons divers et en des formes
différentes? Chaque peuple vit dans un climat particulier, a sa mentalité particulière, prend un
chemin spécifique, et il faut bien que la tradition s'adapte chaque fois si elle veut se faire en-
tendre. D'autre part, toutes les traditions, et la tradition juive a fortiori, disent qu'à la suite
d'une catastrophe cosmique l'humanité s'est scindée en plusieurs rameaux divergents parlant
chacun une langue particulière, mais que la réunification se fera à la fin du cycle cosmique
que nous sommes en train de traverser. Cette catastrophe cosmique symbolisée dans la Bible
par le Déluge d'abord et par la construction de la Tour de Babel ensuite, nous la retrouvons
dans toutes les cultures, dans toutes les mythologies. Quant à la fin du cycle, il se manifestera
lors de la venue du Messie. Des commentateurs malveillants ont insinué qu'avec le Messie, les

9
Les Tribus d’Israël sont au nombre de douze.

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Juifs ont exprimé leur espoir de régner sur le monde. Il n'en est rien: la venue du Messie pour
les initiés juifs doit correspondre à une ère de fraternité où les persécutions cesseront, et no-
tamment les persécutions antisémites.

La Chekhina

La Chekhina, avons-nous dit, correspond à ce que les Grecs appelaient la Sophia (Sagesse).
Pour les mystiques, cette sagesse est l'épouse de Dieu.

Quand Adam commit son premier péché, la Chekhina monta vers le premier firma-
ment. Quand Caïn pécha à son tour, elle monta vers le second. Quand Enoch commit
ses péchés, elle monta vers le troisième ciel. Quand la génération du Déluge pécha,
elle monta vers le quatrième firmament. Quand la génération de la Tour de Babel pé-
cha, elle monta vers le cinquième firmament. Quand les habitants de Sodome péchè-
rent, elle monta vers le sixième. Et quand les Egyptiens péchèrent au temps d'Abra-
ham, elle monta vers le septième firmament. D'une manière équivalente, sept hommes
justes s'élevèrent pour faire descendre la Chekhina sur la terre. Abraham par ses ver-
tus réussit à la faire redescendre au sixième firmament. Isaac qui s'éleva la fit venir au
cinquième ciel. Jacob s'éleva à son tour et la fit descendre au quatrième. Lévi au troi-
sième, etc. (...) Puis Moïse s'éleva et la fit descendre sur terre.

Donc, lorsque l'humanité vivait au Paradis, lorsqu'elle était proche de ses origines, la Sagesse
de Dieu était sur la terre. Cela veut dire que Dieu, sa sagesse et sa bonté, guidaient alors
l'homme en chacun de ses pas. Et selon le principe ésotérique de la correspondance du ciel et
de la terre ("Tout ce qui est en haut est comme ce qui est en bas", dit Hermès Trismégiste), le
péché occulta la Chekhina, la fit monter au ciel, la rendit de plus en plus inaccessible, tandis
que l'initiation, la justice et la bonté la firent redescendre parmi les hommes.

Les sages firent une comparaison avec un roi qui donna sa fille en mariage à quel-
qu'un d'un autre pays. Les sujets du roi lui disent: "II convient à votre honneur, Sire,
et il est juste que votre fille demeure dans le même pays que vous". Il leur répond:
"Que vous importe?" Et eux de rétorquer: "Peut-être irez-vous la voir plus tard et res-
terez-vous avec elle, puisque vous éprouvez un grand amour pour elle". Et lui de ré-
pliquer: "Je donnerai ma fille en mariage hors du pays, mais je résiderai en votre
compagnie dans cette ville. " Ainsi, de la même manière le Saint béni soit-il annonça
son intention de donner la Torah à Israël. Les anges assistants lui dirent: "Souverain
de l'univers, Tu es celui dont la majesté est bien au-dessus du ciel. C'est ton honneur
et ta gloire que la Torah reste au ciel". Il répondit: "Que vous importe?" Et eux: "De-
main peut-être forceras-tu ta présence divine à demeurer dans le monde inférieur".
Alors il leur répondit: "Je donnerai ma Torah aux habitants de la terre mais je demeu-
rerai avec les êtres célestes. Je donnerai ma fille avec sa dot de mariage à un autre
pays afin qu'elle puisse s'enorgueillir avec son mari de sa beauté et de ses charmes et
qu'elle soit honorée comme doit l'être une fille de roi. Mais je demeurerai avec vous
dans le monde supérieur".

Les noms de Dieu, la révélation, les anges

On sait que le nom de Dieu, ou du moins son nom secret, est chargé d'un extraordinaire pou-
voir. C'est dans le saint des saints, au cœur le plus secret du temple de Salomon, que le grand

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prêtre d'Israël le prononce aux grandes occasions pour faire descendre sa bénédiction sur le
peuple.

Et quand les prêtres et le peuple se tenant dans la cour du Temple entendirent le Nom
prononcé par la bouche du grand prêtre, ils fléchirent les genoux, s'inclinèrent et tom-
bèrent à genoux. Un nuage de poussière passa sur l'assistance et des prodiges s'ac-
complirent.

Cette science du nom s'est aujourd'hui perdue. Il faut signaler qu'on en trouve toutefois quel-
ques traces en Orient, dans les arts martiaux initiatiques en effet certains vieux maîtres ensei-
gnent la technique du kiaï, c'est-à-dire du cri qui paralyse l'adversaire et qui peut même par-
fois le tuer.

Pourquoi changeons-nous le nom du Saint béni soit-il et l'appelons nous "lieu"? Parce
qu'il est le lieu du monde. Nous ne savons pas si Dieu est le lieu de son monde ou si
son monde est son lieu; mais nous savons que Dieu est le lieu de son monde mais que
son monde n'est pas son lieu.

Extraordinaire spéculation talmudique qui intéressera les philosophes et tous les amateurs de
formules!
Voici ce que dit, entre autres, le Talmud sur la révélation:

Le rouleau que Dieu donna à Moïse était d'un feu blanc et son écriture de feu noir.
C'était véritablement du feu brûlant, le rouleau était taillé dans le feu et complètement
formé de feu.

Cette réalité ne peut évidemment être contemplée par tout le monde. Seuls ceux qui ont éveil-
lé leur "œil intérieur" peuvent y accéder. Et sous des apparences anodines se cache un grand
secret.
A propos des anges, R. Yohanan dit:

Les juges sont plus grands que les anges qui assistent Dieu dans sa gloire. Car il est
dit: "Voici que je vois quatre hommes libérés, se promenant au milieu du feu, et ils ne
sont pas blessés et la forme du quatrième est semblable au fils de Dieu".

Et R. Siméon dit à son tour:

Il n'y a pas une seule herbe qui n'ait une constellation dans le ciel qui la frappe et lui
dise: "Pousse". Il est écrit: "Connais-tu les lois du ciel? Règles-tu son pouvoir sur la
terre?"

L'homme est un missionnaire de Dieu sur la terre. C'est en effet par son action qu'il peut com-
battre le mal et lorsqu'il se libère, lorsqu'il devient lumière, il aide la lumière céleste à rayon-
ner sur tout l'univers. Mais alors, demande le premier sage, n'est-il pas plus méritoire que les
anges qui, eux, sont de nature céleste de toute éternité? Non pas, répond le second, tout se
correspond. Comme le dit le maître Siméon: "II n'y a pas une seule herbe qui n'ait une cons-
tellation dans le ciel". Ainsi à chaque individu terrestre correspond un ange dans le ciel. Une
même entité se trouve sur terre sous forme d'individu et au ciel sous forme d'un ange.

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Le mal dans le Talmud

Ils ordonnèrent un jeûne de trois jours et de trois nuits; sur quoi il leur fut livré. Alors
le prophète leur fit remarquer: "Ceci est le mauvais désir de l'idolâtrie." Sur quoi ils
demandèrent: "Comment agirons-nous? Peut-être, Dieu nous pardonne, aura-t-on pi-
tié de lui au ciel. " Et le prophète leur dit alors: "Jetez-le dans un bassin de plomb, et
fermez l'ouverture avec du plomb". Ils dirent: "Comme c'est un temps de grâce, prions
pour la miséricorde à l'égard du Tentateur du mal". Ils prièrent pour la miséricorde et
on le leur livra. Il leur dit: "Rendez-vous compte que si vous le tuez le monde s'écrou-
lera." Ils l'emprisonnèrent pendant trois jours, puis ils visitèrent tout Israël sans pou-
voir le trouver. Et ils dirent alors: "Que ferons-nous maintenant? Faudra-t-il que nous
le tuions? Le monde risque de sombrer. Demanderons-nous une demi-miséricorde? Ils
n'acceptent pas les moitiés dans le ciel". Ils lui crevèrent les yeux et le laissèrent aller.

On le voit d'après ce texte, la tradition juive authentique pense que le mal a un rôle à
jouer dans la marche du monde. En effet, lisons-nous dans ce texte, la mort de Satan ferait
sombrer le monde. L'homme est sur terre pour vaincre le mal et c'est pour cela que le mal
existe. Il ne s'agit pas d'anéantir Satan, le principe du mal, mais de lui crever les yeux,
c'est-à-dire de le rendre inoffensif. Les yeux crevés, il ne reconnaîtra pas ses cibles. Il ne
saura sur quoi exercer ses ravages.
Et toujours sur le mal et sur le péché:

Antonius dit au rabbi: "Le corps et l'âme peuvent tous deux se libérer du jugement. Le
corps peut plaider de la sorte: 'C'est l'âme qui a péché. La preuve en est que, depuis le
jour où elle m'a quitté, je repose semblable à une pierre muette dans un tombeau sans
la possibilité de faire quoi que ce soit'. Et l'âme peut de son côté plaider ainsi: 'Le
corps a péché. La preuve? Depuis le jour où je l'ai quitté, je vole dans l'air comme un
oiseau et suis pure de tout péché' ". Le rabbi répondit: "Je vais te livrer une parabole.
A quoi peut-on comparer tout cela? A un roi humain qui possédait un magnifique ver-
ger contenant de splendides figues. Or il désigna deux gardiens, dont l'un était infirme
et l'autre aveugle. Un jour l'infirme dit à l'aveugle: 'Je vois de belles figues dans le
jardin. Place-moi sur tes épaules afin que nous puissions les cueillir et les manger.'
L'infirme monta donc sur l'aveugle, cueillit les figues et ils les mangèrent. Quelque
temps après, le roi vint et leur demanda: "Où sont ces belles figues?" L'infirme répon-
dit: "Ai-je des pieds pour marcher?" Et l'aveugle: "Ai-je des yeux pour voir?" Le roi
plaça alors l'infirme sur l'aveugle et les jugea ensemble. Ainsi le Saint béni soit-il
amènera l'âme, la replacera dans le corps et les jugera ensemble.

Le Talmud enseigne donc qu'il ne sert à rien de vouloir mortifier son corps pour sauver
son âme, comme le font certains ascètes, mais que l'âme et le corps ont chacun une part de
responsabilité. Le Talmud rejoint ainsi la science psychologique la plus moderne, pour
laquelle certaines maladies du corps sont des maladies de l'âme et vice versa. Le physique
et le psychique sont intimement liés, il est vain de les séparer. C'est aussi l'enseignement
premier de l'initiation, de toutes les initiations. Les idées ne sont pas de simples reflets
mais des fragments de psyché qui cherchent un corps. De telles notions donnent naissance
à une pratique difficile à mettre en œuvre mais qui se trouve à la base de la tradition.

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LA KABBALE
De l'avis des spécialistes et des initiés, le joyau le plus pur de la Kabbale est le livre du "Zo-
har" (Zohar signifie "splendeur"). Cette œuvre est consacrée à une analyse profonde des textes
bibliques pour en découvrir le sens caché. Nous vous en donnerons ci-après quelques extraits
pour familiariser le lecteur avec les écrits de la tradition juive la plus secrète.

L'univers est comme une noix

Quand le roi Salomon descendit en son jardin, il prit une noix et déduisit une analogie
entre les enveloppes de cette noix et les esprits qui inspirent les désirs sensuels aux
êtres humains. Le Saint béni soit-il créa toutes choses avec un sens extraordinaire de
la nécessité afin que le monde garde sa continuité, afin qu'il y ait, pour ainsi dire, un
cerveau entouré de nombreuses membranes.
L'univers est construit sur cette base: le monde supérieur et le monde inférieur, depuis
sa plus intime virtualité jusqu'à son expansion la plus spectaculaire. Et tout cela est
comme des revêtements successifs les uns sur les autres, un cerveau dans un cerveau,
un esprit dans un autre esprit, de telle sorte que chaque chose est la coquille d'une au-
tre. Le point essentiel est une lumière intérieure transparente, d'une telle finesse et
d'une telle pureté que cela est tout à fait inimaginable. L'extension de ce point premier
devient un "palais" qui forme un revêtement pour ce point avec un rayonnement en-
core inconnaissable à cause de sa transparence. Le palais qui est le vêtement du point
infini possède, lui aussi, un rayonnement insaisissable, il est cependant moins subtil et
moins transparent que le point mystique primordial. Ce palais s'étend dans la lumière
primordiale qui est un revêtement pour lui. A partir de ce point, il y a extension sur
extension, chacune formant un vêtement pour la suivante, comme la membrane et le
cerveau. Ainsi chaque chose est d'abord un revêtement et devient un cerveau à l'étape
suivante. Le même processus se produit en dessous, de telle sorte que, d'après ce mo-
dèle, l'homme combine dans ce monde cerveau et enveloppe, l'esprit et le corps; le
tout pour le meilleur ordre du monde. Quand la lune était en conjonction avec le so-
leil, elle était lumineuse, mais dès qu'elle se sépara du soleil et quand la garde de ses
propres hôtes lui fut signifiée, elle réduisit sa lumière... Elle devint un reflet du soleil.
Tout ceci a été fait pour le bienfait du monde, et de là il est écrit: "pour donner la lu-
mière sur la terre".

Un tel texte a besoin d'être médité, et cette méditation fait partie des exercices spirituels
auxquels se livrent les apprentis kabbalistes. Il y aurait infiniment de choses à remarquer,
mais ici les commentaires doivent s'effacer devant l'interprétation mystique de ce texte
dont l'une des centrales est que la lune et le soleil formaient une seule et même entité à
l'origine. Ce mystère, lui aussi, doit être médité jusqu'à ce que l'illumination tombe sur
celui qui veut comprendre.

Le symbolisme du Tabernacle

R. Juda récita le verset biblique: "Belle est la colline, joie de toute la terre". "Obser-
vez cela, dit-il: quand le Saint béni soit-il créa le monde, il détacha une pierre pré-
cieuse de dessous son Trône de Gloire et la plongea dans l'abîme. Une extrémité y
demeura fixée au fond tandis que l'autre extrémité en sortit: la partie supérieure cons-
titua le noyau du monde, le point central à partir duquel le monde se développa,
s'étendit à droite et à gauche et dans toutes les directions, et par quoi il est soutenu.

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Ce noyau, cette pierre est appelée fondation (shtoyah) car elle est le point de départ
du monde. De plus, le nom shtoyah est un composé de shath (fondé) et de Yah (un des
noms de Dieu) signifiant que le Saint béni soit-il en fit la fondation et le point de dé-
part du monde et de tout ce qui est à l'intérieur. Or, l'expansion de la terre autour du
point essentiel fut achevée en trois cercles concentriques, chacun ayant une teinte et
une texture particulière. Le premier anneau, le plus proche du point, est fait de la
terre la plus fine et la plus pure qui se puisse trouver; la seconde étendue qui entoure
la première est d'une terre moins raffinée, mais ce deuxième anneau est supérieur à ce
qui l'enveloppe; quant à la troisième étendue, elle consiste en une terre qui est la plus
grossière et la plus sombre de toutes. Puis, autour de ces anneaux, viennent les eaux
de l'océan qui entourent l'univers. Ainsi le point (mystique) se trouve au centre et les
diverses étendues l'encerclent.
La première étendue contient le Sanctuaire, ses cours, ses enclos et toutes ses dépen-
dances, de même que la ville de Jérusalem entière entourée d'un mur; la seconde
étendue enferme l'ensemble de la terre d'Israël, la terre qui fut déclarée sainte; la troi-
sième étendue contient le reste de la terre, la résidence de toutes les autres nations.
Puis vient le grand océan qui entoure le tout. La disposition entière est symbolisée par
la structure de l'œil humain. De même que dans l'œil humain, on trouve des couches
concentriques entourant un point central, qui forme le foyer de la vision, ainsi la vi-
sion du monde converge vers le point central qui consiste dans le saint des saints,
l'Arche et le Siège de la miséricorde. De là, la description "belle est la colline".

Texte magnifique! Les kabbalistes sont à la fois des poètes, des sages (des philosophes) et
des initiés. A partir d'une phrase de la Bible, ils tirent toute une leçon. "Belle est la col-
line", et voici le long développement que nous avons donné. Ce texte est, lui aussi, un
texte essentiel qui doit être médité. Sans tomber dans les spéculations intellectuelles qui
furent souvent le lot du Talmud mais jamais de la Kabbale, on doit toutefois remarquer
que le Tabernacle, le temple de Salomon, comme le temple des francs-maçons, celui des
Rosé-Croix, et celui de tous les initiés, est à l'image de l'univers. 11 rayonne lui aussi à
partir d'un point central: chez les francs-maçons et d'autres, c'est l'Orient, c'est-à-dire le
point où le soleil se lève, le point où luit la lumière, le point mystique dont parle notre
texte.
Le temple est comme l'univers divisé en trois chez les initiés d'Occident: les apprentis, les
compagnons et les maîtres - et chaque état symbolise une matière (une "terre") plus ou
moins fine, plus ou moins pure -. Le plus grand secret de la maçonnerie, qui se révèle aux
initiés de haut grade, et que la plupart des maîtres eux-mêmes ne peuvent contempler, c'est
précisément le point de convergence dont parle le texte sur sa fin: le saint des saints. Car
le saint des saints, c'est-à-dire le cœur de la révélation de la tradition hébraïque, le point où
la terre rejoint le ciel, l'endroit où le grand prêtre peut appeler la divinité en proférant son
nom, est l'endroit où l'Esprit descend dans son enveloppe terrestre. L'Architecte est vérita-
blement présent dans son Temple, qui contient en raccourci tout l'univers.

Le palais de l'amour

Il existe un secret qui est confié à la seule garde du sage, le voici. Au milieu d'un im-
mense rocher, d'un firmament très secret, se trouve un palais appelé Palais d'amour.
C'est la région où les trésors du roi sont amassés et toutes ses marques d'amour sont
là. Les aimées du Saint pénètrent dans ce palais et quand le roi lui-même apparaît,
"Jacob embrasse Rachel", c'est-à-dire Dieu découvre chaque âme sainte et la prend

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lui-même chacune à son tour, la dorlote et la caresse, "agissant envers elle à la façon
d'un père à l'égard de ses filles", comme un père se comporte avec sa fille bien-aimée,
la dorlotant, la caressant et lui donnant des présents. "L'oreille n'a pas entendu et les
yeux n'ont jamais vu... ce qu'il fait pour ceux qui se confient à lui" ; dans la mesure où
cette fille, l'âme, a fait son travail dans ce monde, le Saint fera le sien sur elle dans le
monde à venir.
La table de l'homme rend celui-ci capable d'entrevoir les délices de cette autre table.
Comme le dit le roi David: "Tu prépares une table devant moi", ce qui se rapporte à la
préparation de la Table dans l'autre monde pour ceux qui viennent d'en dessous. Car
ceci est la joie et la félicité de l'âme dans le monde à venir. Mais existe-t-il une table
mise pour les âmes dans le monde à venir? Il y en a une en vérité. Dans ce monde, el-
les mangent une nourriture de qualité et avec tant de satisfaction que les anges s'en
réjouissent. Mais les anges, eux, mangent-ils? A vrai dire, leur nourriture est sembla-
ble à celle dont les Hébreux étaient nourris dans le désert. Cette nourriture symbolise
la rosée qui émane du ciel, du mystère du monde à venir.

Le Messie

Pour ce qui est du Messie, il a accès au Jardin de l'Eden par une entrée appelée l'en-
trée des affligés. Là, il rassemble toutes les maladies, toutes les peines, toutes les souf-
frances d'Israël, et il leur ordonne de se fixer sur lui - ce qu'elles font. S'il n'allégeait
pas de la sorte le fardeau d'Israël, s'il ne le prenait pas sur lui, personne ne pourrait
endurer les souffrances qui sont le lot du peuple juif en raison de sa négligence de la
Torah (...). Car vraiment, sans nombre sont les souffrances qui, chaque jour, attendent
Israël à cause de sa négligence à l'égard de la Torah. Toutes ces punitions sont des-
cendues dans le monde au moment où la Torah a été donnée. Tant qu'Israël est de-
meuré en Terre Sainte au service du Temple et des sacrifices, il écartait du monde tou-
tes les maladies mauvaises et les afflictions. Maintenant, c'est le Messie qui possède le
moyen de les détourner de l'humanité jusqu'au moment où un homme quitte ce monde
et reçoit sa punition.

Personne ne pourrait endurer les souffrances qui sont le lot d'Israël. Lorsqu'on pense aux
persécutions subies par le peuple juif au cours de l'histoire, lorsqu'on pense à l'holocauste dû
aux nazis, on ne peut que souscrire à cette phrase, et la trouver prophétique. On s'étonne d'ail-
leurs qu'Israël ait pu survivre malgré tous ces massacres. Il y a là un véritable mystère auquel
participe la tradition. D'autre part, ce texte sur le Messie nous explique la raison d'être de ces
souffrances: Israël a négligé la Torah, la Loi, la Parole divine. Le texte précise que les souf-
frances sont descendues dans le monde au moment où la Torah a été donnée. C'est que la To-
rah responsabilise le peuple qui l'a reçue. Ce peuple ne peut plus dire que ce n'est pas sa
faute, qu'il a péché par méconnaissance de la loi. En outre, la Torah lui donne la force de ré-
sister à la tentation, car elle est l'épouse de Dieu descendue sur terre pour guider les humains
par son amour. Et cette affaire ne concerne pas seulement le peuple juif, même si elle le
concerne au premier chef: quand Israël a quitté la Terre Sainte, quand il s'est répandu sur
toute la terre, parmi toutes les nations, il a livré le message de sa tradition. Et ^maintenant,
tous les peuples se trouvent dans une situation semblable à celle du peuple juif. Ils se sont
civilisés, ils sont devenus adultes et responsables.

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Les fontaines d'Isaac

Tu seras comme un jardin arrosé (Isaïe): c'est-à-dire comme le jardin céleste. Les eaux de ce
jardin ne tarissent jamais, elles coulent sans cesse. Et comme une source dont les eaux ne ta-
rissent pas: il est fait ici nettement allusion à la rivière qui sort de l'Eden et coule pour l'éterni-
té. Remarquez que "la source d'eaux vives" est un symbole à l'intérieur d'un symbole. Il y a le
puits; mais ce puits est à la fois la source même des eaux et un puits alimenté par cette source.
Il existe ainsi deux degrés qui n'en font qu'un avec deux aspects: le côté masculin et le côté
féminin dans une union appropriée. Le puits et l'écoulement des eaux sont une seule et même
réalité désignée par le nom de "puits", celui-ci représentant à la fois la source céleste qui ne
cesse jamais de couler et le puits rempli par elle. Quiconque contemple ce puits contemple le
véritable objet de la foi. C'est le symbole que les patriarches transmirent en creusant le puits,
de manière à indiquer que la source et le puits sont indissociables.
Ce texte évoque ce que la magie et l'alchimie appellent la "fontaine de jouvence": une eau
perpétuellement en train de s'écouler et de se régénérer. C'est une image de la vie éternelle.
Que la vie éternelle soit le "véritable objet de la foi", la Kabbale le rappelle à sa manière, tou-
jours très concrète et très poétique à la fois. Les patriarches, Abraham et ses successeurs, n'ont
cessé de "creuser ce puits", c'est-à-dire d'enraciner la foi dans le peuple.

R. Siméon débuta: "Biche aimable, gazelle toute pleine de grâces, de tout temps sois
enivré de ses charmes" (Proverbes). Torah, Torah, lumière de tous les mondes, com-
bien de mers, de sources et de fontaines s'étendent devant toi, de tous côtés! Tout, tout,
repose sur toi, les choses supérieures comme les choses inférieures. La lumière la plus
haute vient de toi. Torah, Torah, que dirai-je de toi, aimable biche et gazelle pleine de
grâces, qui résides à la fois dans la sphère supérieure et dans l'inférieure? Parmi ceux
qui t'aiment, quel est donc celui qui est digne de recevoir comme il convient la nourri-
ture que tu dispenses? Torah, Torah, jouet chéri de ton maître. Qui peut découvrir ton
énigme et ton secret? Après avoir dit cela, R. Siméon pleura, baissa la tête entre ses
genoux et embrassa la terre. Il se vit alors entouré d'un groupe de compagnons. Ceux-
ci lui dirent:
"Ne tremble pas, fils de Yohai, ne crains pas, lampe sainte, écris et réjouis-toi dans la
joie de ton maître. " Aussi écrivit-il cette nuit-là toutes les paroles qu'il avait enten-
dues, les étudia et les récita sans en oublier une seule. Quand le jour commença à
poindre, il leva le regard et découvrit une lumière dans le ciel. Il baissa les yeux, les
leva de nouveau, et il vit une lumière qui s'étendait sur tout le ciel. Il discerna en cette
lumière une maison de plusieurs couleurs. R. Siméon fut emporté en ravissement mais
à ce moment précis, la lumière se cacha. Et c'est alors que deux messagers vinrent le
voir. Ils le trouvèrent la tête entre les genoux et ils lui dirent: "Paix à notre maître,
paix à celui à qui les êtres supérieurs et inférieurs sont heureux de rendre hommage.
Lève-toi. " R. Siméon se leva et il se réjouit de leur visite. Ils lui dirent: "N'as-tu pas
vu un souffle de l'esprit que le Seigneur a préparé pour toi? N'as-tu pas vu le reflet
d'une vision dans le ciel?" "Oui. Je l'ai vu". Ils lui dirent alors: "Dans cette maison,
l'Abîme a élevé un sanctuaire que le Très Saint a transporté dans la mer immense. Son
reflet brillait dans le ciel. " Ils lui dirent encore: "Maître, l'Académie céleste demande
ton hommage. Sache que nous avons été envoyés vers toi". Beaucoup d'anciennes le-
çons de la Torah furent réapprises cette nuit-là. R. Siméon dit aux messagers: "Je
vous prie de me donner quelques discours de la Torah". Ils répliquèrent: "Nous n'en
avons pas reçu la permission. C'est pourquoi nous sommes venus vers toi, pour que la
nouvelle leçon cette fois puisse venir de toi".

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Ce genre de visions est, paraît-il, très courant lorsqu'on a atteint un certain degré d'avance-
ment dans l'apprentissage de la Kabbale. De nombreux initiés ont vu la "maison de toutes les
couleurs" qui, soit dit en passant, ressemble à la maison au fond de la mer de la tradition celte.
Elle est l'ultime mystère qu'il n'est pas bon, dit-on, d'expliquer.

LE HASSIDISME
Reconnaître les faiblesses de l'homme

Les hassidim apportèrent une "bonne nouvelle" aux Juifs persécutés et se réfugiant dans
l'étude et la mystique: la vie est agréable. La vie est bonne, dit un hassid, car elle peut ap-
porter à un homme les joies du monde à venir. Aussi, si quelqu'un montre du mépris à son
égard, en se détruisant lui-même, il perd sa part de monde à venir. C'est dès ce monde-ci
que le royaume peut et doit être conquis. De ce point de vue, les hassidim rejoignent Jé-
sus-Christ et son sermon sur la Montagne.
Les hassidim s'adressent donc à l'homme tel qu'il est; ils ne l'idéalisent pas, ne lui deman-
dent pas plus qu'il ne peut, et craignent par-dessus tout l'ascétisme et le fanatisme.
Il y a longtemps que j'ai vaincu ma colère et que je l'ai mise dans ma poche, dit un autre
hassid. Mais je la prends quand j'en ai besoin. Cela nous éloigne infiniment du sage en-
fermé dans sa tour d'ivoire et que rien, ni les événements ni ses passions, n'affecte. Le has-
sid est un homme comme tous les autres mais il sait utiliser à bon escient ce qui le com-
pose. Il rejette la colère quand elle est inutile, mais quand elle s'avère indispensable,
quand elle est justifiée, il la laisse éclater.

Brisez votre colère. De quelle manière? En ayant de la compassion pour celui qui est
l'objet de votre colère. La colère et la cruauté sont dues à une incompréhension de la
Torah. Etudiez la parole divine. Exercez votre intelligence. Etre obsédé par la colère
revient à perdre la présence de Dieu en soi-même. La colère empêche Dieu de descen-
dre en nous.

En effet, celui qui est obsédé par la colère perd ses moyens, n'a plus aucun foyer affectif, se
disperse et s'avère incapable d'accueillir la bonté divine, et encore moins d'avoir des visions.
La colère est l'ennemie de l'initiation, elle est un manque de compassion envers autrui. Si je
me mets en colère contre quelqu'un, c'est que j'oublie mon amour pour ce quelqu'un. C'est que
je deviens intolérant. Ne pas être compatissant entraîne, comme nous l'avons vu, la brisure du
contact avec la divinité et les entités spirituelles.

Becht dit:

L'homme doit apprendre l'orgueil, mais il ne sera pas orgueilleux, il devra apprendre
la colère tout en ne s'irritant pas. Car l'homme doit devenir une personnalité complète
et posséder tous les traits humains. La Torah ne représente-t-elle pas Dieu comme
possédant à la fois la Justice et la Miséricorde?

L'homme doit devenir pleinement humain, il doit se connaître entièrement, se voir comme il
est, pour commencer à entreprendre son initiation. Dans certaines cérémonies d'initiation, ne
présente-t-on pas un miroir à l'initié pour lui dire: "Connais-toi toi-même"? Cette connais-

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sance de soi est le premier pas sur le bon chemin. Et le but de l'initiation est d'apprendre à se
détacher de ses passions, de sa colère, de son orgueil. Seulement encore une fois, pour s'en
détacher, il faut au préalable les reconnaître!

Les caractères

Les hassidim n'étaient pas des savants, disent certains auteurs: il ne s'est agi avec le hassi-
disme que d'une piété populaire. Ce n'est pas tout à fait exact: les tzadikim, les chefs de la
communauté hassidique, étaient des initiés de haut grade, des kabbalistes étonnants, des gens
qui détenaient la tradition et tous ses mystères, mais aussi des individus qui aimaient s'adres-
ser au peuple et qui savaient le faire.

Il existe trois types de caractères parmi les serviteurs de Dieu. Le plus méritant est le
serviteur qui peine tout le jour et qui croit qu'il n'a encore rien accompli. Le serviteur
qui n'a rien fait de bon pendant son service mais qui le reconnaît sincèrement, ce ser-
viteur possède un caractère de mérite moyen. Il peut, pour peu qu'il le veuille, com-
mencer à peiner véritablement. Quand au serviteur qui est un tzadik et qui est fier de
sa connaissance, il constitue le caractère le moins intéressant. Il se trompe lui-même
et sa dévotion envers la Torah reste sans valeur.

Le Becht raconta cette parabole à l'assistance:

Un oiseau migrateur d'une extrême beauté vola, un jour, au-dessus du palais royal et
se posa sur la cime d'un palmier fort haut. Le roi désirait vivement posséder cet oi-
seau10'. Il indiqua à ses courtisans la manière de former une chaîne humaine, en mon-
tant chacun sur les épaules de l'autre, jusqu'à ce que celui qui était le plus haut puisse
jeter un filet sur l'oiseau. Seuls les hommes forts furent choisis. Cependant, l'un d'eux
faiblit et tout l'échafaudage s'affaissa. Ce fut par la défaillance d'un seul homme que
le désir du roi ne put être satisfait.
Il en va de même pour nous. L'homme de sainteté dépend, sans qu'il s'en aperçoive, du
support et de l'appui d'un homme de moindre valeur, et ce dernier dépend d'hommes
d'encore moindre valeur. C'est ainsi que l'amour de Dieu descend sur la terre. Quand
un membre de la communauté chancelle, tout l'échafaudage s'effondre.

La mélancolie et la charité

Un hassid se plaignit à un tzadik: les mauvaises convoitises le tourmentaient et le ren-


daient mélancolique. Le tzadik lui dit alors: "Débarrasse-toi de la mélancolie plus que
de tous tes péchés, car c'est le plus pernicieux. Quand le Mal excite la convoitise chez
les individus, son but n'est pas de les faire pécher, mais de les jeter à l'aide du péché
dans l'abîme de la mélancolie.

La tristesse n'est pas un péché, mais elle durcit énormément le cœur. Elle reflète un incurable
égoïsme. Car l'égoïste pense toujours: cela doit m'arriver, cela m'est dû. Dans son rapport avec
l'Esprit, l'égoïste dit toujours "Je".

L'univers est fondé sur la charité. C'est par la charité que vous devez soumettre le corps à
l'âme, et la folie à la raison. Vous passerez de la sorte de l'obscurité à la lumière, de la mort à

10
Cet oiseau est un symbole de l'âme.

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la vie, de l'animalité à l'humanité. Vous perdrez l'oubli, et vous obtiendrez la mémoire. La
mémoire de quoi? De la tradition primordiale dont l'enseignement sommeille en nous et qu'il
suffit d'éveiller.

Vérité et mensonge

R. Bunma dit alors:

"Le Seigneur a choisi la vérité comme son sceau. Oui comme son sceau, parce que toute
autre vertu, quelle qu'elle soit, peut être une imitation adroite de la vraie forme, tandis
que toute imitation de la vérité est fausseté.
Un autre tzadik dit: "Le souffle du mensonge a créé Satan. " Et un autre: "Le sang est cor-
rompu par la fausseté; mais il est purifié par la vérité. " Et un autre encore: "Nombreuses
sont les faussetés, mais une est la vérité. Dans l'unité de la vérité, il y a une force; la véri-
té qui est divine finit par triompher. " Et le dernier enfin: "Là où on ne trouve pas de véri-
té, on ne trouve pas de paix".
Un rabbi rêva qu'il était monté au ciel et qu'en redescendant sur la terre, il entendit un
ange demander à Dieu d'accorder la richesse: "Vois combien d'hommes pieux, dit-il, se
trouvent dans la pauvreté. Rends-les riches. Ils seront encore plus pieux. " Le rabbi de-
manda le nom de l'ange, et il apprit qu'il s'appelait Satan. Le rabbi s'écria alors: "Laisse-
nous dans la pauvreté, Seigneur. Protège-nous contre la compassion de Satan".

La prière

On interrogea une fois un tzadik. On lui demanda pourquoi tant de tzadikim sont inattentifs
aux heures de la prière fixées par l'usage. Il répondit par une parabole, comme il affectionnait
de le faire:

"Le Roi a fixé une heure pour tous ceux qui viennent l'entretenir de leurs propres af-
faires et après cette heure, ils ne peuvent plus le voir. Mais ceux qui viennent non pour
leurs affaires privées, mais préoccupés du bien-être commun, n'ont pas besoin d'ho-
raire officiel. Ils sont toujours les bienvenus." Un disciple demanda alors: "Que fait le
rabbi avant de prier?" Et la réponse fut: "Je prie afin de pouvoir prier convenable-
ment. "
Un tzadik prononça ces paroles: "Le sabbat (samedi) est plus grand que le monde à
venir, car le monde futur prend sa source dans le sabbat et il n'en est qu'une branche".
Un tzadik remarqua un vieillard parmi ses auditeurs, et ce vieillard ne comprenait
manifestement pas son discours. H le fit approcher et lui dit: "Je vois que mon sermon
n'est pas clair pour toi. Ecoute cette mélodie et elle t'apprendra comment t'unir à
Dieu. " Le tzadik commença à chanter une chanson sans paroles. C"était un chant de
la Torah, de confiance en Dieu, de désir ardent adressé à Dieu, et d'amour. "Je com-
prends maintenant ce que vous cherchez à enseigner", s'écria le vieillard. "Je sens un
intense désir d'être uni à Dieu". La mélodie du tzadik fit ensuite partie de son discours
bien qu'elle fût sans paroles.

La sagesse et la souffrance

La sagesse est le vêtement de Dieu. La sagesse reçoit sans cesse l'influence des sphères supé-
rieures et donne de la spiritualité aux sphères d'en dessous. La pensée est un monde de liber-
té.

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Celui qui quitte volontairement sa maison et erre comme un mendiant, menant une vie
inconfortable, mais qui ne perd pas confiance en Dieu, celui-là entre dans l'errance de
la Chekhina11'. Ses péchés sont pardonnes et il comprend les secrets de la Torah".
L'amour de l'Aptéen (un tzadik célèbre) pour Israël était infiniment grand. Un jour, il
éclata en lamentations et pleura pendant des heures sans s'arrêter.
En ce jour, Rab. Sussya d'Anuipol visita Apt et vint directement vers l'Aptéen: "Quelle
est la cause de vos pleurs?" lui demanda-t-il. Et il ajouta, sévère: "Ne nous a-t-on pas
commandé d'être toujours joyeux?" L'Aptéen regarda tristement son ami et il s'écria:
"Sussya, que vous arrivera-t-il? Ne voyez-vous pas l’effroyable souffrance et les cruel-
les persécutions auxquelles Israël est soumis?" "Je les ressens, répondit Rab. Sussya,
mais il est écrit dans le Livre du Zohar que Dieu n'inflige des souffrances à l'humanité
que dans la mesure où elle peut les endurer."

Les enseignements

Un tzadik dit: "Nous devons apprendre trois choses de l’enfant si nous voulons bien
servir Dieu. D'abord, l'enfant est toujours heureux de vivre. Deuxièmement, l'enfant
est toujours actif. Enfin, l'enfant pleure pour obtenir ce qu'il désire. De la même ma-
nière, nous devons servir Dieu avec joie; nous devons être pleins de zèle pour ac-
complir ses ordres, et c'est avec des larmes que nous devons implorer Dieu pour réali-
ser nos aspirations".
Un tzadik dit: "Nous pouvons apprendre trois choses d'un voleur. D'abord, il ne se
laisse pas aller à ne rien faire au milieu de la nuit. Ensuite, s'il ne réussit pas à sa
première tentative il recommence jusqu'à ce qu'il ait accompli son acte. Enfin, il ne
méprise aucun objet".
Un jeune homme vint voir le Rizinien (un tzadik célèbre) et lui fit part de son désir de
devenir tzadik. Le Rizinien l'interrogea sur sa conduite quotidienne; le candidat ré-
pondit: "Je m'habille toujours en blanc, je bois seulement de l’eau, je mets des petits
clous dans mes chaussures par mortification, je me roule dans la neige et je demande
au gardien de la synagogue de me donner chaque matin cinquante coups de fouet sur
mon dos nu. " A ce moment-là précisément, un cheval blanc entra dans la cour, il but
de l'eau et il commença à se rouler dans la neige. "J'observe, dit le Rizinien, que cette
créature est blanche, qu'elle ne boit que de l'eau, qu'elle a des clous dans ses sabots,
qu'elle se roule dans la neige et qu'elle reçoit plus de cinquante coups de fouet par
jour. Ce n'est pourtant qu'un cheval!"

Autres paroles de tzadikim

Parlant à ses disciples, un tzadik leur expliqua: "Le tzadik ne peut prononcer aucune parole
sainte de l'Enseignement s'il n'a pas préalablement lié son âme à celle du maître de son maî-
tre. Le membre ainsi lié se lie au membre et la Torah que Moïse a reçue sur le Sinaï est
transmise à Josué qui la transmet aux Anciens, lesquels la transmettent aux prophètes, et ain-
si de suite jusqu'à son maître qui la lui transmet. "

Un tel texte indique, sans aucune contestation possible, que le hassidisme fait partie de la tra-
dition et que les hassidim entrent dans la longue chaîne d'initiés juifs qui ont commencé à se
manifester avec Moïse.

11
Rappelons que la Chekhina est l'épouse de Dieu.

55
Un bon vieux rabbin, adversaire du hassidisme, posa un jour cette question à un tza-
dik: "Comment expliquez-vous et pouvez-vous me dire la raison pour laquelle lors-
qu'un jeune homme vient à la maison d'étude, y travaille, médite et prie sans s'occuper
du tout des particularités hassidiques, il reste un jeune homme parfaitement convena-
ble et de bonnes manières; mais aussitôt qu'il se lie avec les hassidim, il devient im-
pertinent?" Le tzadik répondit:
'"Vous le connaissez bien, ce vieux docteur qui depuis l'origine des temps s'occupe ac-
tivement de l'espèce humaine? Le roi Salomon l'appelle un vieux roi; et le fait qu'il
soit un si grand docteur est attesté par la constance avec laquelle il travaille toujours
et jamais ne quitte les hommes à l'étude. Or quand ce vieux savant, ce bon docteur,
s'approche de l'un de vos timides jeunes gens et le pousse à suivre ses voies, le jeune
homme n ose pas le chasser, il n'a ni l'audace ni le courage de le repousser. En revan-
che, le jeune hassid que vous trouvez impertinent le prend dans ses bras et le serre. II
le serre jusqu'à lui rompre les os puis il le met à la porte".
Une fois que des incroyants se moquaient d'un tzadik et riaient de lui sans vergogne, il
sourit et leur dit: "II n'existe personne au monde qui n'ait été créé par Dieu autrement
que pour la joie de quelqu'un. Et moi aussi, j'ai été conçu pour la joie d'autrui: ceux
qui me suivent, parce qu'ils sont heureux dans la voie que je leur indique; et vous
parce que vous pouvez vous moquer de moi".
Autrefois, aimait raconter un tzadik, quand Satan voulait séduire un hassid, quand il
voulait l'empêcher d'aller rejoindre son maître, il prenait l'apparence de son père ou
de sa mère ou encore de sa femme, et ceux-ci insistaient pour essayer de le détourner
de la voie qu'il avait choisie. Mais comme il avait remarqué que tous les efforts faits
en ce sens n'avaient eu pour effet que de renforcer la volonté du hassid, Satan chercha
un autre moyen. Maintenant, il fait sa paix avec l'homme, il devient son ami et son
confident. Il lui dit avec gentillesse et douceur: "Oh! Tu m'as convaincu. Tu m'as
converti. Rends-toi chez ton maître et permets seulement que je t'accompagne. Prie
tant que tu voudras, mais permets seulement que je prie avec toi. Etudie et travaille
tant que tu veux mais permets- moi de t'assister et de faire de toi un grand docteur," Et
c'est ainsi que viendra le jour où il lui murmurera à l'oreille: "Assieds-toi donc dans le
fauteuil du tzadik, mais permets que je m'asseye avec toi."
Un hassid qui vivait dans une pauvreté extrême se plaignit un jour à son maître que la
misère l'empêchait de bien étudier. "Au temps où nous voici, lui répondit son maître,
dans les jours que nous traversons, le degré le plus élevé de la piété, le degré qui sur-
passe toute étude et toute prière, est de prendre le monde et de l'accepter tel qu'il est".

Nous terminerons ce florilège sur ledit suivant:

A un disciple qui lui demandait des explications sur la Kabbale, la science secrète, la
tradition, et aussi sur les actes visant des effets miraculeux et magiques, un tzadik ré-
pondit: "N'oubliez pas que le mot Kabbale a pour racine 'kabbel', ce qui veut dire 're-
cevoir, prendre'. Le fin mot de toute la science kabbalistique consiste à reprendre sur
soi et accepter le joug du royaume des deux, le joug de la volonté divine, et tout l'art
de notre magie revient en somme à orienter notre cœur vers Dieu. Quand quelqu'un
dit: 'Le Seigneur est mon dieu', cela signifie: 'II est mien et je suis sien'. Dans ces
conditions comment l'âme ne sortirait-elle pas de son corps?" Le tzadik avait à peine
prononcé ces paroles qu'il tomba dans une profonde extase.

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TABLE DES MATIERES
PREMIERE PARTIE: D'ABORD LES TROIS FONDATEURS:
ABRAHAM, MOÏSE, SALOMON

Introduction
Les peuples ont besoin de s'enraciner dans une tradition
L'humanité doit aujourd'hui retrouver sa tradition primordiale.
Une extraordinaire trinité: Abraham, Moïse, Salomon
La tradition est à la fois philosophie, morale et magie
La mystérieuse quête d'Abraham
D'où viennent donc les Hébreux?
L'humanité est un organisme dont les différents peuples sont les organes
Abraham refuse l'idolâtrie
L'initiation d'Abraham
Le maître de justice
Moïse, ou comment se forge l'âme d'un peuple
Le pain, le vin, l'Alliance
Moïse initié et prince d'Egypte
La lumière de la justice et le feu de la magie
La profonde sagesse du roi Salomon
Le Trône de Dieu
Les petits mystères et les grands mystères...
La fin de l'errance
L'histoire d'Hiram, le constructeur du temple

DEUXIEME PARTIE:
TALMUD, LANGUE SACREE ET KABBALE

Sur le chemin (étroit) de la tradition juive


L'hébreu est une langue sacrée et mystérieuse Les dangers de la tradition secrète (histoire des
quatre sages)
La fabuleuse légende du Dibbouk
Une parole de vérité et d'amour
Ce qu'en dit le Talmud
Les vingt-deux lettres magiques de l'alphabet hébraïque
C'est le feu qui crée le monde
Le cosmos ressemble à une immense symphonie
La diction magique de la langue hébraïque
La terrifiante histoire du Golem de Prague
Ce que nous apprennent les lettres La "construction des maisons" La méthode du "Notarikon".
La "Temura"
La "Gematria"
L'épisode du veau d'or et l'alchimie
Les "trente-deux voies de la sagesse' Les lettres créèrent le monde
La lumière de la Kabbale
L'origine de la Kabbale reste très controversée
Le Zohar et Siméon bar Yochai
Quand Dieu désire voir Dieu
Les splendeurs cachées
L'Arbre de vie

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Les quatre niveaux de la création
Le mal, le destin cosmique, l'énigme de l'amour
Pourquoi le mal existe-t-il?
L'homme, ce chargé de mission de la divinité
L'imperceptible souvenir du destin cosmique.
La sortie d'Egypte, modèle de l'initiation kabbalistique
La mise en branle du rituel
L'amour est le secret des secrets
Les voies de la Kabbale
L'action, la dévotion, la contemplation
L'initié est le miroir de la divinité
Magie, métempsychose et Messie

TROISIEME PARTIE:
LES PRODIGES DU HASSIDISME

La divinité se révèle dans la joie et la ferveur


Les maîtres du nom ("Baal chem")
Qu'en est-il du Messie?
On ne peut aimer le Créateur que dans la joie et la ferveur
Tzadik et communauté initiatique
Dieu est présent partout
Une nouvelle race d'initiés
Le dernier avatar de la tradition juive

QUATRIEME PARTIE: LECTURES

Le Talmud
Avant que le monde ne fût créé
Le Messie
La Chekhina
Les noms de Dieu, la révélation, les anges
Le mal dans le Talmud
La Kabbale
L'univers est comme une noix
Le symbolisme du Tabernacle
Le palais de l'amour
Le Messie
Les fontaines d'Isaac
Le hassidisme
Reconnaître les faiblesses de l'homme Les caractères
La mélancolie et la charité
Vérité et mensonge
La prière
La sagesse et la souffrance
Les enseignements et autres paroles de tzadikim

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