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CCXVI

PAR tout le champ ceux de France mettent pied à terre : plus de cent mille
s'adoubent à la fois. Ils ont des équipements à leur gré, des chevaux vifs, et
leurs armes sont belles. Puis, ils se mettent en selle [...] Si l'heure en vient, ils
comptent soutenir la bataille. Leurs gonfanons pendent jusqu'à toucher les
heaumes. Quand Charles voit leur contenance si belle, il appelle Jozeran de
Provence, Naimes le duc, Antelme de Mayence : « Sur de tels vaillants on
doit se reposer. Bien fou qui, au milieu d'eux, se tourmente ! Si les Arabes ne
renoncent pas à venir, je leur vendrai cher, je crois, la mort de Roland. » Le
duc Naimes répond : « Que Dieu nous l'accorde ! »

CCLIV
L'EMIR dit : « Jangleu, avancez. Vous êtes preux et de grande sagesse :
toujours j'ai pris votre conseil. Que vous en semble, des Arabes et des
Francs ? Aurons-nous la victoire dans cette bataille ? » Et il répond : « Vous
êtes mort, Baligant ; vos dieux ne vous défendront pas. Charles est fier, ses
hommes sont vaillants. Jamais je ne vis engeance si hardie au combat. Mais
appelez à votre aide les barons d'Occiant, Turcs, Enfruns, Arabes et Géants.
Advienne que pourra, ne tardez pas ! »

CCLXIV
LA chaleur est forte, la poussière s'élève. Les païens fuient et les Français les
harcèlent. La chasse dure jusqu'à Saragosse. Au haut de sa tour Bramidoine
est montée ; avec elle ses clercs et ses chanoines de la fausse loi, que jamais
Dieu n'aima : ils ne sont ni ordonnés ni tonsurés. Quand elle vit les Arabes en
telle déroute, à haute voix elle s'écrie : « Mahomet, à l'aide ! Ah ! gentil roi,
les voilà vaincus, nos hommes ! L'émir est tué, si honteusement ! » Quand
Marsile l'entend, il se tourne vers la paroi, ses yeux versent des larmes, sa
tête retombe. Il est mort de douleur, chargé de son péché. Il donne son âme
aux démons.

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