Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Rapport final :
jeu d'échecs qui insiste sur l'investissement personnel que ce jeu suscite chez ses adeptes
: «What is chess ? A game to which the most serious men have devoted their lives and
about which bulky volumes have been written.» ' (cité in Reinfeld, Treasury of Chess
Lore. p.213). Significativement, cette formule lie passion et écriture. De fait, le jeu
d'échecs (plus précisément, le jeu d'échecs de compétition) est une pratique ludique qui
ne peut se comprendre pleinement sans inclure dans l'analyse son caractère de jeu écrit.
compétition, considérons tout d'abord comment un nouveau joueur découvre que le jeu
familiale, un nouveau joueur pousse pourla première fois la porte d'un club d'échecs, il
ne se doute probablement pas qu'il entre dans un univers où règne sans conteste l'écrit.
abord, des pratiques scripturaires exceptionnelles car elles peuvent se manifester aussi
bien dans n'importe quel milieu associatif. Dans la civilisation occidentale urbaine, il
n'est probablement aucune activité qui ne porte ainsi quelques traces écrites. Invité à
1 Les guillemets («...») indiquent soit des citations extraites d'ouvrages, soit des
paroles de joueurs, soit des expressions typiques du «monde des échecs». Les doubles
l'adversaire qui lui est opposé est rarement le meilleur du club, il sent néanmoins à tout
-en entrant dans le local du club- transparent, invisible...) qu'il doit faire ses preuves sur
Immédiatement, la partie semble mal engagée : «on n'avance pas deux pions d'une
case !» est la première parole de son mentor improvisé qui ajoute peut-être , s'il a quelque
culture historique en matière échiquéenne, que «ça fnel se fait plus depuis un siècle». Si
le joueur débutant n'a pas commis cet anachronisme, il marque, un peu plus tard dans la
confiance, car solidement protégé, disparaît comme par magie ; «c'est la prise en
passant». L'étonnement ne suscite que cette réponse dont le ton, sans appel, indique ces
évidences qui n'appellent aucune justification. Pour son malheur (ou son bonheur), le
novice n'a pas. comme premier partenaire, un de ces pédagogues qui peuplent aussi les
mouvement très particulier du «roque» que le nouveau joueur doit accepter. Ces règles ne
se discutent pas, elles sont. Les refuser c'est sortir du «monde des échecs» et reconnaître
au passage son ignorance. Parmi les histoires drôles que les joueurs d'échecs se racontent
lorsque je vis assis sur un banc, une personne dont le visage ne m'était pas
-Monsieur, je crois vous avoir entrevu déjà dans notre cercle d'échecs, au
cercle «les Pousseurs de Bois» ?
-J'y suis allé une seule fois, monsieur, et j'ai juré de ne plus y remettre les
pieds.
-Ah ! et pourquoi ?
«Figurez-vous queje suis un très fort joueur d'échecs. Depuis des années, je
quand l'occasion s'en présentait, il m'arrivait parfois de faire une partie avec
obligé de faire des efforts. Je me rendis dans votre local et entamai une partie
avec un des membres. Quelques coups avaient déjà été échangés, lorsque
mon partenaire déplaça son Roi de 2 cases et simultanément il fit sauter une
des Tours au-dessus du Roi !
échecs, de jouer plus d'une pièce à la fois. -Ceci est autorisé et s'appelle
roquer, répliqua-t-il. -En êtes-vous bien certain ? Je n'ai jamais joué de cette
façon avec aucun de mes amis. -Absolument. -Et pourquoi fait-on cela ?
-Pour mettre le Roi en sécurité et lier les deux Tours.
«Je n'étais qu'à moitié convaincu, mais je n'insistai pas, et quelques coups
«J'avais compris que j'avais affaire à un joueur qui voulait gagnera tout prix,
Je répondis :
-Mon cher monsieur, je ne puis vous donner tort, mais il est dommage que
vous ayez dû en arriver là, car après ce que vous venez de me dire, je voyais
Et sur ce, l'entretien prit fin. (in Pat, juillet 1958, p.4-5)
mesure de leur méconnaissance des règles. Car celui qui ignore ainsi quand il a le droit on
non de roquer ne peut pas être, et ne peut pas être pensé comme, fort joueur. «Il ne sait
pas jouer» dira et pensera de lui n'importe quel joueur de club qui n'accordera aucune
partie de sa vigueur de l'appui que lui foumit la Règle du jeu des échecs de la Fédération
intemationale des échecs (F.I.D.E.). un texte évidemment écrit que les joueurs n'ont
généralement pas lu mais dont ils connaissent indirectement le contenu à travers toute une
série de relais. Ainsi l'arbitre d'un toumoi citera comme argument final contre un
mouvement fautif du roque que : «article 6. f...] Le roque est momentanément empêché si
la case initiale du roi ou la case que le roi doit franchir ou celle qu'il doit occuper est
menacée par une pièce adverse f...]» (FIDE. Règles.... p.3). Mais cette référence ultime,
Si l'on suppose que le joueur dont nous suivons fictivement l'entrée dans le
passant» ou du «roque» et la partie se poursuit sans plus de discussion sur les règles. Il
admeL de fait, ce qui n'est encore pour lui que la parole d'un ancien car ce demier ne se
accorde quelques paroles de réconfort du genre «vous vous êtes pas mal débrouillé», lui
montre quelques grossières erreurs commises au cours de la partie, puis finalement lâche
le morceau :
sur les «ouvertures» à la bibliothèque de son club, s'abonne à une revue d'échecs, se fait
prêter par un ami un ouvrage sur les «finales», ... Quelques années plus tard, ayant
progressé dans la hiérarchie du club, il sera surpris qu'un camarade de club, du même
niveau que lui, ne possède aucun livre d'échecs. Mais ce demier lui-même ne contestera
6
pas que sans «travailleD>, c'est-à-dire sans lire de livre d'échecs, il ne peut progresser
davantage.
«sérieuses» (c'est-à-dire officielles) ; les coups des parties «sérieuses» ou «légères» qu'il
disputera lui rappelleront des coups joués par d'autres joueurs, en d'autres temps, en
d'autres lieux mais qu'il coiuiaîtra pour les avoir lus. Lorsqu'il participera à un toumoi, il
s'arrêtera devant le stand de livres. Il discutera avec ses amis de la valeur de telle analyse
soutenue par tel commentateur dans tel livre. Il fréquentera une librairie spécialisée dans
les livres d'échecs. Sa façon de parler sera même modelée par ses lectures. Il cherchera
son nom dans les revues d'échecs. Il saura qu'il est impossible de lire toute la «littérature
échiquéenne» et qu'aucun autre jeu n'a suscité une telle production d'écrits. 11 ne
s'étonnera pas qu'un Dictionnaire des échecs pam en 1967 affirme que «plus de 20.000
livres ont été consacrés exclusivement aux échecs» (Le Lionnais, p.38) ou qu'un autre
dictionnaire plus récent estime que «Today there is probably an average of one new
encore récemment que dans le cadre informel de la famille ou des relations amicales. Mais
depuis quelques années, l'insdtution scolaire permet à un nombre toujours plus croissant
d'enfants de s'initier au jeu d'échecs. Ainsi à Paris, plus de 2.000 petits parisiens
pratiquent chaque année les échecs dans leur école élémentaire et l'on constate que cette
constate de plus que l'enseignement de ce jeu se moule sur les pratiques scolaires pré¬
Les «contrats bleus», renommés depuis -officiellement- «contrats ville», ont été mis
«un moment de détente» ^ qui s'inscrit dans deux créneaux horaires : soit le midi, soit -
le plus souvent - en fin d'après-midi de 17 h à 18 h. Chaque atelier a lieu une fois par
semaine mais la plupart des écoles proposent plusieurs ateliers par semaine, voire
plusieurs ateliers différents par jour (en moyenne, on compte 5 ateliers par école et par
semaine). Ainsi, en 1992-93, plus de 7(X)0 enfants ont ainsi profité des 1800 ateliers
Les activités proposées sont d'une grande diversité : judo, construction de cerf-
différentes qui sont représentées dans des proportions très variables. Il n'existe par
exemple qu'un seul atelier de tir à la carabine contre 20 de tir à l'arc. Les quatre
animations sportives les plus répandues sont, par ordre croissant, le tennis de table (141
ateliers), le judo ( 156 ateliers), la danse et l'expression corporelle (182 ateliers) et enfin
L'importance relative du jeu d'échecs dans le cadre des ateliers bleus s'avère donc
remarquable et ceci d'autant plus qu'il ne s'agit pas d'une pratique ludique excessivement
développée en France. L'analyse de ce succès met en évidence que celui-ci ne résulte pas
d'une cause unique mais est la résultante d'une conjonction de facteurs qui sont d'ordre
3 La présence du jeu d'échecs parmi les ateliers sportifs est due à la volonté de la
Fédération française des échecs d'être reconnue comme un sport et au fait que la Direction
sportive de la jeunesse et des sports de la Ville de Paris n'a pas rejeté cette proposition.
8
Il faut tout d'abord remarquer que l'image d'un jeu et son adéquation imaginaire
société) avait proposé aux autorités compétentes six jeux de société : le bridge, les dames,
les échecs, le go, le Scrabble et le taroL Significativement les jeux de carte (bridge et
tarot) n'avaient pas été retenu par le ministère et aucun directeur d'école n'avait par
ailleurs choisi l'atelier jeu de dames, jugé sans doute trop simple. Cette année-là, on
manière, il ressort déjà que le processus de sélection officielle semble donc avoir écarté
Mais introduire un jeu dans le cadre scolaire n'est pas sans incidence sur les
d'échecs, qui dans l'ensemble n'ont guère subi la contrainte d'aucun moule pédagogique
-^, structurent tous leur atelier de la même manière : une demi-heure de cours précède une
demi-heure de jeu. Cette répartition du temps est jugée "naturelle" par les animateurs qui
s'estiment investis d'une mission éducative. Les plus "sérieux" vont même jusqu'à
aussi y inclure les représentations et les attentes des parents, de la municipalité, des
enfants, ...
5 Jusque vers 1994, la seule consigne que les animateurs recevaient de la Ligue Ile-
de-France des échecs était : «vous n'êtes pas là pour faire des champions, mais pour faire
organisés.
prises, l'attaque, l'échec au Roi, l'échec à la découverte, comment parer l'échec au roi,
l'échec et mat, le mat du couloir».
9
Cet enseignement se présente sous forme de questions mettant en pratique des
principes préalablement expliqués (par exemple : «comment les blancs donnent-ils échec
et mat en 1 coup ?»). Pour ce faire, l'animateur utilise un grand échiquier mural (un carré
de un mètre de côté) équivalent au tableau noir du maître. Les pièces y sont symbolisés
par des jetons magnétiques plats et ronds qui reproduisent la forme des caractères
typographiques des pièces '^. Les enfants sont invités à répondre en utilisant les
coordonnées cartésiennes des cases qui sont inscrites sur le pourtour de l'échiquier mural
Ainsi plusieurs médiations s'intercalent entre le jeu "réel" et le jeu enseigné : tout
haut. L'échiquier mural collectif est ainsi équivalent au diagramme du livre d'échecs.
remettent certains animateurs à leurs élèves. Le cours sur l'échiquier mural se double
alors d'un travail individuel de mise en application de l'apprentissage sur un support écrit
dont le schéma paraît a priori banalement scolaire. Or une curieuse mise en abîme
se trouve de fait superposée sur l'échiquier déjà installé sur la table dans l'attente de la
deuxième partie de l'animation (les parties entre enfants). L'échiquier en vinyle sert de
d'exercices foumit donc un effet de profondeur entre "l'écrit" et ce que j'appelle, faute
participe également de cette mise entre parenthèses du réel qui constitue un des
fondements de l'enseignement ^ ; l'enfant qui avance une réponse purement orale comme
«il faut prendre le fou qui est à côté du pion» se voit systématiquement corrigé par
l'expression formelle tirée de l'écriture : «le pion h4 prend le fou g5». L'enfant apprend
ainsi qu'il ne suffit pas de trouver le coup "juste", il faut aussi l'exprimer dans un
vocabulaire particulier et selon une syntaxe appropriée. L'écrit s'enseigne par l'oral et
Après cette demi-heure de cours les enfants sont enfin autorisés à jouer. Bien que
tous les animateurs s'accordent à juger essentiel le fait que les enfants jouent, la pratique
ne peut que procéder de la théorie '^ Les enfants, par contre, manifestent à ce moment
une liesse qui indique clairement leur préférence... L'agitation verbale que certains
animateurs ont parfois du mal à contenir témoigne ici d'un certain "retour" à une pure
oralité où la formule contrainte de l'écrit «le pion h4 prend le fou g5» devient un
met apparemment en évidence une inversion constitutive : alors que lors d'un toumoi. la
partie est d'abord jouée puis ensuite discutée, l'animation échiquéenne place par contre la
discussion collective avant la partie jouée. Mais cette inversion dissimule de manière plus
profonde une symétrie qui est peut-être plus fondamentale. On passe en effet dans les
deux cas d'une pratique tirant vers l'écrit à une pratique tirant vers l'oral. Pendant la par¬
tie de toumoi. le joueur note ses coups et se voit contraint au silence ; pendant le "cours".
écrivait aux recteurs : «la question m'est parfois posée de savoir si l'on peut comprendre
le jeu d'échecs parmi les activités dirigées. Vous voudrez bien faire une disdnction entre,
d'une part, l'enseignement de ce jeu. qui fait appel à la logique et à la réflexion et. d'autre
part, le jeu lui-même pratiqué pendant les loisirs. L'enseignement du jeu peut être autorisé
au titre des activités dirigés, tandis que les échecs pratiqués comme divertissement font
l'enfant propose des coups selon une forme qui s'origine dans l'écrit 'O. Après la partie,
le joueur discute (avec véhémence) de la valeur des coups choisis ; pendant la partie de
l'heure d'animation, l'enfant accompagne ses coups d'une sorte de parole "naturelle". De
à résoudre à la maison. Ainsi cette animation, hors-temps scolaire et hors programme, re¬
prend volontiers sous l'impulsion des animateurs, une apparence très scolaire avec une
Selon l'idée «naturelle» que le bmit nuit à la réflexion, le profane en matière échi¬
quéenne suppose généralement que les joueurs engagés dans leurs parties respectent un
silence religieux. Or si cela s'avère relativement exact dans le cas des parties longues, les
blitz' ' sont en revanche des moments où s'observe bien évidemment une certaine
agitation due à la nécessaire célérité des gestes mais où s'entendent aussi des paroles qui
On pourrait penser tout d'abord que ces paroles lors des blitz constituent dans le feu
diable perte d'une pièce, pousse par exemple un «merde» tonitruant, il n'en reste pas
moins que ces expressions brutes de décoffrage ne représentent qu'une part minime de ce
'^ Dans certains cas, l'enfant peut même être invité à noter sa réponse.
Cette sous-partie consacrée à l'opposition oral / écrit a fait l'objet d'un article
intitulé "Mutisme et joutes oratoires chez les joueurs d'échecs de compétion" à paraître
tandis que les «blitz» (de l'allemand "éclair") sonten revanche limités à dix minutes pour
l'ensemble de la partie.
12
qui à I'observadon apparaît bien comme des échanges verbaux, c'est-à-dire comme un
véritable dialogue dans la mesure où l'adversaire s'y trouve tutoyé (ou vouvoyé), alors
l'émetteur s'adresse soit à lui-même, soit à un ami spectateur qui, debout, suit
saire avec qui il entretient une attitude relationnelle ambivalente qui, oscillant
rait appeler 1' "iloiement" : en tout cas, comme ces différentes interprétations
Deux-trois secondes plus tard, alors qu'une série de coups ont été rapidement
joués, le joueur reprend la parole : j ' 2 ha vous m'en faites des misères vous.
I contre toute attente son adversaire continue donc à résister et à opposer à ses
coups des répliques posant problème | qu'est-ce que vous voulez que je fasse
s'avère laisser en prise la Dame qui est, aux échecs, la pièce maîtresse] ha
merde ! »
contexte de ces dialogues. Le premier cas a été filmé dans un club d'échecs parisien qui
organise pour ses membres tous les samedis un tournoi de blitz. Les deux joueurs se
connaissent depuis plusieurs années et ont une trentaine d'années. Après les premiers
coups de l'ouverture '-^ qui ont été effectués silencieusement, le joueur qui mène les
'2 D'une manière encore plus forte que dans les conversations ordinaires, ces
propos tenus sur l'échiquier apparaissent remarquablement opaques dès qu'ils sont sortis
de leur contexte. Les remarques entre crochets servent donc à évoquer certains détails
pertinents qui aident à comprendre le sens et l'intention des propos ainsi tenus.
'^ Le terme d'ouverture désigne les coups qui, répertoriés dans les manuels
d'échecs, permettent aux joueurs de débuter la partie dans les meilleures conditions. Les
Énoncé très bref qui établit curieusement une redondance entre le mouvement de la
pièce sur l'échiquier et la parole qui a accompagné ce coup puisqu'il peut légitimement
être glosé par *Comme tu peux le voir, j'ai joué le fou sur la case c3 . Cet énoncé met de
morphème c3 est directement issu de la "notation algébrique" qui permet aux joueurs
d'inscrire les coups des parties en fonction d'un système de coordonnées imprimé à
même l'échiquier. Plus précisément encore, l'expression Fou c3 est la lecture littérale du
coup noté 'Fc3' et ce fait manifeste d'autant plus l'influence d'un processus scriptural sur
une énonciation orale que le rythme des blitz interdit toute velléité de notation.
L'utilisation du terme "canasson" pour désigner la pièce à tête d'équidé témoigne ici
du fait que cette conversation est placée dans le registre de la badinerie entre personnes
averties. Comme une règle élémentaire inculque en effet au débutant que cette pièce n'est
'^ Les difficultés posées par la transcription du langage parlé sont l'occasion
d'échanges contradictoires entre les linguistes et nous n'entrerons pas dans ce débat.
S'approchant -pour des raisons de lisibilité- d'un texte écrit ordinaire, notre transcription
est volontairement simplifiée et ne retient que les éléments qui, après de multiples
écoutes, nous ont semblé être pertinents pour la présente étude. Chaque locuteur est
«bourrin», autre terme en vogue dans l'argot échiquéen) exploite avec brio la capacité de
Mais le joueur perd, ou abandonne, aussitôt cet accent marseillais devant la réponse
B: «voui. bon, faut bien, holà va du monde, oh c'est pas bien grave, mm. je
suis sûr qu'il va y avoir du monde» fie joueur réalise soudain que l'action de
dangereusement vers son Roi ; le «c'est pas bien grave» est une tentative - qui
Le deuxième cas a été enregistré au Jardin du Luxembourg qui est durant la belle
saison un haut lieu du "monde des échecs". Là se côtoient d'une part des joueurs
d'autre part des gens que les premiers repèrent au premier coup d'oeil comme n'étant pas
Les joueurs de notre deuxième exemple sont deux vaillants gaillards de 70 et 60 ans
'"''qui écumant les compétitions échiquéennes depuis des dizaines d'années ont déjà, à
ces occasions, disputé entre eux plusieurs «parties longues» Ce jour-là, ils se sont
retrouvés par hasard «au Jardin» attirés par la douceur de l'été, l'ombrage des Catalpas,
^^ Le même jeu sur le langage doit se retrouver dans toutes les langues qui
distinguent ainsi le nom de la pièce du nom de l'animal représenté. Kent Patterson écrit
ainsi que pour les joueurs américains : «to call a knight a horse without a broad grin at the
joke is a linguistic faux pas that marks the novice» ( 1971 : 234). Pour l'anecdote, on peut
rapporter le mauvais sous-titrage d'un film de Woodie Allen où celui-ci apprenant les
échecs à une jeune femme lui expliquait : «it's not a horse, it's a knight». Phrase rendue
par «ce n'est pas un cheval, c'est un chevalieD>. Ce genre d'erreur linguistique irrite et
l'enregistrement une séquence d'échanges qui n'est qu'une illustration parmi d'autres des
D continue ainsi:
D: «ha. c'était pas si fin que ça. ha si quand même il me reste un. . . Même pas
Le joueur D effectue enfin son coup qui a nécessité une dizaine de secondes, c'est-
à-dire une durée de réflexion relativement longue malgré son affirmation qu'il n'y avait
nous pouvons indiquer que la transcription d'un blitz représente en général au moins
deux pages dactylographiées sous interligne simple. Il faut cependant remarquer que les
transcriptions ainsi réalisées créent une illusion de continuité car il est rare que de bout en
bout de la partie les joueurs discutent comme dans une conversation ordinaire sans jamais
variable car selon le contexte général, le type de partie, l'état de fatigue, la présence de
spectateurs, etc., les mêmes joueurs peuvent dans la même après-midi ou la même soirée,
paroles.
Les joueurs sont évidemment conscients du fait qu'ils parlent lors de ces blitz et ils
utilisent parfois l'expression un peu péjorative de «jouer à la parlotte» pour désigner cette
forme de jeu. Trois raisons sont fréquemment avancées par les joueurs eux-mêmes pour
souvent un tour qui paraît en comparaison des paroles ordinaires quelque peu excessif.
Ainsi on assiste parfois à une enflure de l'arrogance doublée d'une forte dose
d'agressivité. Au Jardin par exemple, une violence certaine animait cet homme d'une
bonne cinquantaine qui, cramponné des deux mains à sa table '^, agonissait son
explosaient :
Mais la vingtaine de personnes qui se pressaient alors autour des deux adversaires
témoigne aussi du fait que ces paroles participent d'un spectacle qui bénéficie ainsi d'une
fusil», il y avait certes une agressivité réelle, mais tout autant un plaisir du verbe auquel
^ ° Cette table pliante est spécialement amenée par ce joueur alors que les autres se
contentent de poser leur échiquier à cheval entre deux chaises.
17
les participants, spectateurs comme acteurs, ne restaient pas insensibles. On ne s'étonnera
pas de ce que la présence d'un public stimule sensiblement l'inventivité verbale des
d'un quasi acteur devant ceux qui composent ce que le jargon échiquéen appelle, d'un
La présence d'une «galerie» témoigne aussi de la valeur d'une partie dans la mesure
où un spectateur ne reste jamais longtemps sur une partie qu'il juge échiquéennement
sans valeur ^o. Mais comme toute reconnaissance sociale entretient un phénomène tout
autant qu'elle le révèle, on peut inverser la proposition en disant que la présence d'une
assistance nombreuse contribue aussi à la valeur de la partie. A l'issue d'une partie qu'il
venait de remporter, un président de club s'est ainsi exclamé, malgré la retenue dont il fait
toujours preuve :
F: «c'est une partie qui vaut quatre points, un point parce que j'ai gagné, un
point parce que j'avais les Noirs, un point parce que c'était une belle partie, et
'"Le "sérieux" dictionnaire des échecs de Le Lionnais et Maget possède même une
entrée à ce mot : «Galerie : ensemble des spectateurs suivant le déroulement d'une partie.
Il est demandé à la galerie de ne pas incommoder les joueurs, de quelque manière que ce
soit, notamment par des commentaires faits à haute voix.» (1974:163). La prescription
indique bien sûr une pratique dont nous verrons qu'elle répond souvent à une stratégie
délibérée.
20 Le jugement d'une position est faite en un temps très bref qui permet néanmoins
de prendre en compte plusieurs éléments : identification éventuelle des joueurs, présence
quelques secondes) permet généralement au spectateur (si c'est un "vrai" joueur d'échecs)
2 1 Lors des compétitions, les victoires sont comptabilisées par un point, les parties
nulles par 1/2, et les défaites par zéro. En s'adjugeant un point supplémentaire sur le
motif d'avoir mené les Noirs à la victoire, F exprime ici l'idée partagée par les joueurs, et
confirmée parles statistiques, que le camp des Blancs bénéficie d'un léger avantage dû à
18
Les exemples précédents ont tous été empmntés à des dialogues entretenus par
deux adversaires au cours de la partie mais il ne faudrait pas en déduire que cette parole
privilégié, rien n'interdit en effet de s'adresser également aux personnes situées près de
soi. Ceci est en particulier vrai lors des toumois de blitz qui constituent pour quelques
heures une petite communauté aux relations très denses puisque dans l'espace réduit de
quelques échiquiers serrés les uns contre les autres, une dizaine ou une vingtaine de
participants rencontrent tour à tour chacun des autres compétiteurs. Le voisin de droite ou
de gauche est donc toujours l'adversaire d'une partie précédente ou d'une partie
prochaine. Une très jolie illustration des jeux de mots collectifs qui peuvent surgir à
l'occasion de telles compétitions met ainsi en scène les joueurs de trois échiquiers
différents. Un premier joueur, pour laisser croire qu'il estime négligeable les
compensations d'un sacrifice proposé par son adversaire, accompagne la prise d'une
pièce par l'exclamation «je prends»; sur un autre échiquier, un deuxième joueur, engagé
quant à lui, dans une série d'«échanges» -2, s'écrie: «je reprends». Enfin un troisième
joueur, sur un troisième échiquier, achève cette série de répliques d'un «tu me surprends»
qui indique en passant que le demier coup de son adversaire est si mauvais qu'il ne l'avait
même pas envisagé. Ces trois énoncés qui ont été enchaînés très rapidement «-je prends.
la priorité de l'attaque. Vaincre avec les Noirs en est donc d'autant plus méritoire. Par
ailleurs, les joueurs sont sensibles à la «beauté» des parties et de nombreux toumois
attribuent ainsi des «prix de beauté» en nature aux joueurs ayant conçu les plus belles
précisées dans une affichette annonçant un toumoi : «Tout joueur désirant concourir pour
l'attribution de ce prix. Les autres parties candidates figureront toutefois dans le Livret du
participants de ces blitz apprécient l'à-propos de ces réparties d'un point de vue tant
verbal qu'échiquéen (puisqu'il leur suffit de toumer la tête pour voir la position qui a
suscité une telle parole) et en même temps, les adversaires de ces trois locuteurs se
demandent pourquoi leur vis-à-vis à juger bon à ce moment précis d'énoncer cette phrase-
là.
Car la troisième raison clairement énoncée par les joueurs est que parler ainsi durant
les parties présente le grand intérêt de déstabiliser l'adversaire. Ainsi que l'expliquent
Et puisque les deux adversaires utilisent donc la parole comme une arme, ces
échanges verbaux s'avèrent constituer une joute verbale qui se trouve ainsi doubler
l'affrontement purement échiquéen. Ne pas répliquer à une parole, c'est en effet d'une
certaine façon reconnaître qu'on risque de ne pas savoir non plus répondre aux coups sur
l'échiquier et vice-versa. Certaines joutes oratoires avortent ainsi à cause d'une différence
de force trop notable entre les participants. Un joueur moyen affrontant pour la première
fois un adversaire qu'il savait crédité d'un classement international se trouva ainsi
décontenancé lorsque ce demier lui lança ce qui ne devait normalement être que la
première pique d'une future joute oratoire. C'est au moment précis où le joueur cessait de
répondre «a tempo» 23 et commençait donc à réfléchir réellement sur les différents coups
23 «A tempo» signifie que les coups sont joués selon un rythme très rapide qui ne
laisse à la réflexion (ou à la remémoration) que le temps nécessaire à la main pour saisir la
évidemment lesjoueurs les plus forts qui sont sensés posséder le répertoire théorique le
plus étendu.
20
H: «mmh»
question. La joute oratoire était dès lors terminée et les joueurs ne dirent plus un mot du
reste de la partie, le jugement pour les joueurs comme pour les spectateurs était sans
Les connaissances théoriques dont il est question concement les «ouvertures» que
les joueurs apprennent par coeur dans les livres. Ces suites de coups se trouvent
effectuées par lesjoueurs sur l'échiquier si rapidement que l'argot échiquéen parle ici de
«réciter la théorie». C'est évidemment lesjoueurs les plus forts qui sont sensés posséder
parole.
Comme les blitz se déroulent généralement entre joueurs d'une force égale, des cas
cela pose le problème général de l'enjeu de telles joutes oratoires. Cet enjeu est, pensons-
nous, d'une nature complexe car au gain immédiat de la partie sur l'échiquier s'ajoute le
contrôle d'une certaine parole sociale. La force aux échecs et l'habileté langagière
concourent ainsi, parmi beaucoup d'autres facteurs, à situer le joueur dans le «monde des
échecs».
Cette pratique des joutes oratoires amène naturellement à penser que la parole
déplacements de pièces sur l'échiquier. L'analyse fine des enregistrements vidéo met en
effet en évidence que le verbe et le geste convergent régulièrement aux moments forts de
leur énonciation ou réalisation. Ainsi, très souvent, le joueur achève sa phrase au moment
précis où il pose la pièce qu'il déplace. L'effet spectaculaire peut même être doublé quand
un premier terme fort de la phrase est marqué d'une manière sonore par la main frappant
21
l'échiquier avec la pièce qu'elle dépose et que la fin de la phrase est elle-même ponctuée
par le claquement du bouton de la pendule sur lequel la même main s'abat 25. L'insuccès
éventuel de l'action est ici pour l'observateur tout aussi révélateur que le geste
parfaitement coordonné :
A: «Tour prend ici fie joueur exprime ici à haute voix une bribe de son
coïncide avec l'instant où le Cavalier eimemi est pincée entre le pouce, l'index
glisse sous l'annulaire et l'auriculaire tandis que les trois autres doigts libérés
attrapent un Fou; notons que significativement la pièce qui prend n'est pas la
Tour mais un Fou], pourquoi favec le «pourquoi», la main lâche le Fou qui
prendrai-je pas ça ? fie «ça» est prononcé alors que l'index fait le mouvement
bouton de la pendule.]
L'efficacité de la parole échiquéenne provient aussi de son recours très direct à des
"actes de langage". Les blitz sont en effet l'occasion pour les joueurs de proférer
extrêmement souvent des performatifs explicites, c'est-à-dire des paroles ayant la faculté
d'agir sur le monde, alors que dans la vie ordinaire il est assez rare d'être confronté à des
performatifs (on ne se marie pas tous les jours). Deux performatifs extrêmement
importants dans la pratique du blitz sont les expressions «mat» et «tombé». «Mat»
chronologie des événements est ainsi assurée puisque cette règle empêche un joueur
distrait ou indéliquat d'arrêter son temps de réflexion avant d'avoir effectué son coup.
22
désigne la situation sans issue d'un roi et «tombé» 26 signifie que le temps imparti à la
pendule est dépassé. Ces deux mots fonctionnent comme des performatifs dans le cas
assez fréquent où un joueur dépasse le temps qui lui était alloué en même temps qu'il met
échec et mat son adversaire. Pour résoudre ce paradoxe d'un joueur qui aurait à la fois
gagné sur l'échiquier et perdu à la pendule, lesjoueurs considèrent que la victoire revient
au premier des joueurs qui énonce le performatif pertinent II ne suffit donc pas de gagner
joueur à qui c'est le tour de jouer, c'est-à-dire celui dont la pendule tourne, est
généralement celui qui parle. Au contraire, parler sur le temps de l'adversaire peut être
considéré comme un coup illégal par ce demier qui pourra éventuellement sortir une
expression du type «parle pas sur mon temps» et rappuyer sur la p)endule alors que c'est
toujours à lui déjouer; (dans ce cas, l'autre joueur se tait et rappuie sur la pendule).
parole, convergent en fait vers cette idée fondamentale d'une parole qui vient renforcer,
d'une parole qui vient doubler, l'efficacité des coups joués sur l'échiquier.
En contraste des blitz chargés de paroles, les «parties longues» (appelées également
coutume orale, l'agrément interpersonnel sur les règles à appliquer, laisse la place à un
règlement écrit intemational qui stipule qu'il est «interdit de distraire ou de gêner
l'adversaire, de quelque façon que ce soit». Autrement dit. il est strictement interdit de
déstabiliser verbalement son adversaire car toute parole avec autmi se trouve dans les faits
prohibée.
hiérarchie de valeurs est établie entre le «blitz» et la «partie longue» : les rencontres entre
clubs se déroulent au rythme des «parties longues» et c'est aussi en disputant de telles
parties que les plus forts joueurs obtiennent les titres de maîtres intemational ou de
champion du monde. . . Le «blitz» en regard est considéré comme un jeu, une distraction,
et les détracteurs du jeu rapide considèrent que le «blitz» «ne produit que des parties
paroles. De fait même les expressions qui semblent concomitantes au jeu d'échecs
disparaissent puisque d'une part les parties ne se poursuivent jamais jusqu'au mat 28 et
que d'autre part lesjoueurs n'annoncent jamais l'échec au roi. Plus généralement, on
constate la disparition de tous les performatifs à l'exception d'un, qui il faut le préciser
différence des autres performatifs, il n'agit pas mais empêche au contraire d'agir sur le
monde : c'est la formule «j'adoube» qui permet au joueur d'ajuster la position des pièces
sans être obligé de les jouer. Il faut noter en revanche que l'écriture obligatoire des coups
joués par les compétiteurs remplit une certaine fonction performative. Si le mot «échec»
n'esL dans la pratique des «parties longues», pratiquement jamais prononcé, son écriture
s'avère en revanche systématique sur la feuille de partie que tiennent les deux joueurs. Un
signe « -(- », qui se lit «échec» et provient du dessin de la croix (i), est ainsi ajouté à la
suite du coup proprement dit. L'écrit se substitue ainsi d'une certaine manière à l'oral.
La partie est nulle sur demande du joueur ayant le trait lorsque la même
l'arbitre son intention déjouer un tel coup et écrit ce coup sur sa feuille de
inachevée est remise à une date ultérieure. Avant r«ajouraemenb>, le joueur qui a le
«trait» doit en effet inscrire sur sa feuille de partie, mais non pas jouer sur l'échiquier,
son demier coup. La feuille de partie étant ensuite gardée dans une enveloppe cachetée
par l'arbitre, ce demier coup reste ainsi ignoré de l'adversaire jusqu'au lendemain. Or
cette inscription sur la feuille de partie opère comme un véritable performatif car le coup
est alors considéré comme définitivement joué29. S'il s'avère de plus, à la reprise de la
partie, que le coup noté n'est pas réalisable sur l'échiquier, autrement dit qu'il s'agit d'un
«coup impossible», la partie est alors déclarée perdue pour le joueur ayant commis cet
Comme ce sont les mêmes joueurs qui disputent des blitz accompagnés de joutes
oratoires et des longues parties silencieuses mais écrites, il semble pertinent de considérer
ce mutisme des parties sérieuses non pas comme une conséquence naturelle de la
réflexion mais plutôt comme un renoncement volontaire à la parole et une imposition tout
dans l'esprit des joueurs d'instaurer une sorte de pureté échiquéenne où seule compterait
l'action des pièces sur l'échiquier. Plus d'action psychologique, plus de paroles
déstabilisantes, rien que la lutte abstraite de deux intelligences, voici la réalité, et l'illusion
privant de la parole, en s'investissant au contraire dans l'écrit (tous les coups sont notés),
29 C'est plus précisément au moment où l'enveloppe est cachetée qu'il n'y a plus
pour le joueur de possibilité de revenir en arrière.
25
Il convient donc dans cette perspective de ne pas penser, comme le font la plupart
des auteurs échiquéens, le blitz comme un dérivé, voire une dégénérescence de la partie
lente car ce sont les mêmes joueurs qui réclament un parfait silence pour les parties
sérieuses et qui "s'abandonnent" au délire verbal lors des blitz. On trouvera une
confirmation de cette idée dans le fait que, plus un joueur s'avère fort d'un point de vue
purement échiquéen, plus il fait preuve d'agilité verbale au cours de ces joutes oratoires et
ludiques. La relation entre le blitz et la partie longue redessine ainsi, dans la sphère même
du jeu d'échecs, l'opposition classique entre jeu et sérieux. Mais on notera que cette
opposition sert à orienter des relations et non pas à définir des catégories a-priori.
voudrait nous le faire croire des raisons comme : le joueur reste silencieux parce qu'il
réfléchit, ou encore le joueur vocifère parce que "le jeu est l'expression des instincts les
plus primitifs" ou encore les coups les plus intéressants sont conservés par le moyen de
l'écriture. Le silence n'est pas donné, il est construit d'une part en fonction de la
la représentation que les joueurs souhaitent avoir et donner de leur passion. De la même
façon, il est difficile de considérer la parole échiquéenne des blitz comme naturelle ou
l'entendre, sans écouter aussi ce silence rempli d'écrits des parties longues.
appartiennent à des genres extrêmement variés puisqu'à côté des opuscules de règles, des
biographies de champions, des histoires du noble jeu, des récits anecdotiques, on trouve
aussi des poèmes versifiés, des pièces de théâtre, des romans... Les livres "techniques"
26
c'est naturellement la lecture d'ouvrages de cette nature qui est recommandée aux
débutants.
littérature technique. Ces textes présentent généralement un bref exposé sur l'histoire du
jeu qui, dans sa composition comme dans sa fonction, apparaît comme une sorte de
qualités requises d'un bon joueur peuvent également être présentes. Le domaine
vocabulaire spécifique et se poursuit par l'explication des principes de base à suivre pour
bien mener une partie d'échecs. Comme lesjoueurs d'échecs décomposent une partie en
systématiquement cette division dans leur composition inteme. Ainsi le chapitre sur les
«ouvertures» précise comment et dans quel ordre, il faut développer les pièces ; «sortez
les Cavaliers avant les Fous» est, par exemple, une recommandation très générale que des
commence dans une partie lorsqu'il ne reste plus qu'un «matériel» limité sur l'échiquier ;
l'étude des finales débute ainsi par l'apprentissage du mat d'un Roi seul par une Dame et
un Roi. Le «milieu de jeu» est, quant à lui, située entre r«ouverture» et la «finale» et il
encore d'appliquer des plans spécifiques comme la «centralisation» des pièces. Le but de
tout manuel d'initiation est de foumir le B.A.-BA de ces trois moments d'une partie
d'échecs.
chacun de ces domaines : la célèbre Batsford chess openings, que certains joueurs
30 Bien entendu, toutes les parties n'atteignent pas ce stade de la «finale» car un
mat peut surgir dès les premiers coups de r«ouverture».
27
appellent «la bible», rassemble ainsi en plusieurs centaines de pages les grandes lignes de
toutes les «ouvertures» coimues. Mais des ouvrages tout aussi volumineux peuvent
développer des «variantes» qui, dans l'ouvrage cité, n'occupent que quelques lignes. Il
existe de même des ouvrages consacrées exclusivement aux «finales de tours», c'est-à-
dire des positions où il ne subsiste plus que les deux rois, des pions et des tours.
A ces livres, s'ajoutent encore des monographies qui rassemblent les parties
disputées par un joueur de renom : par exemple, les 100 meilleures parties de Tahl, ex¬
champion du monde par Bemard Cafferty (1975). Il existe également des recueils centrés
«match» entre deux forts joueurs) -^'. Fischer-Spassky. Reykjavik 1972 par H.
Alexander et F. Wyndham fut ainsi un des premiers ouvrages pams en français sur le
célèbre championnat du monde qui opposa le champion américain au tenant du titre msse.
Ceci apparaît clairement dans le contenu de la revue Europe-Echecs qui répertorie, dans
son sommaire annuel paru en février 1996, l'ensemble des ouvrages ayant fait l'objet
d'un compte-rendu en 1995 ; 5 catégories ont été retenues : les «ouvertures» sont
représentées par 23 ouvrages ; «les finales», un seul ; la «composition» ^2^ deux ; «les
champion, etc. Le même numéro de cette revue contient une page de publicité qui propose
exclusivement 45 opuscules présentant, chacun, 100 parties jouées sur une «ouverture»
donnée.
que les «problèmes» ne présentent aucune ressemblance avec les positions des parties
imprimée échiquéenne est constituée par les revues d'échecs. C'est d'ailleurs dans celles-
ci que les livres d'échecs viennent puiser leurs exemples. Matériaux de première main,
échecs» en portant à la connaissance des joueurs des faits techniques mais aussi des
informations sur les compétitions en cours ou à venir, les classements des joueurs, des
nouvelles et des faits divers relatifs aux échecs. Une recherche bibliographique a permis
1836 (cf. bibliographie finale). Les trois principales revues d'échecs contemporaines sont
actuellement:
Auxerre Karpov -
4 GMI :. Komsky
dans Itr
National, M?4 portie»
éu rroTch
mais la
d Eti ï tu
releve
semble Tournois
prête Dor»
p* Bifn-><-
Claire
Gervais
Bogncux
remporte Montpellier
le titre
féminin
Uiii Sl Affrtquf
Va! Thcrcns
raison, ou tort, déjouer tel coup dans telle partie ^^. Mais l'aspect scientifique de ce
savoir accumulé depuis des générations 34 ne le rend pas pour autant totalement
différentes manières de débuter une partie ont en effet été répertoriées sous des
appellations diverses qui s'avèrent néanmoins répondre à certaines logiques. Une bonne
inclut des ouvertures rares ou oubliées depuis longtemps, on peut néanmoins estimer que
centaines de ces appellations. Il s'agit donc d'un savoir partagé qui, par son utilisation
Ces «ouvertures» se trouvent tout d'abord désignées d'un terme générique qui
apporte des précisions sur le camp qui impose «l'ouverture» en question et sur le type de
partie engagée. Ainsi l'expression «défense», utilisée par exemple dans l'expression
«défense française», annonce une ouverture choisie par les Noirs pour répondre aux
coups des Blancs. Le terme de «gambit» qui provient d'un mot italien signifiant «croc-en-
jambe» s'utilise lorsqu'un des deux joueurs offre, dans les premiers coups de la partie,
un pion ou une pièce à son adversaire (dans l'espoir de tirer ultérieurement avantage de ce
don grec). Il est également fait recours aux termes d'«attaque», de «partie» et de «début».
Une étude des différents noms de ces ouvertures montre que ceux-ci peuvent être
d'une «sociologie des sciences» (on pourrait aussi bien dire, d'une anthropologie des
une attention accme pour les premiers coups d'une partie. Avec les nouvelles règles, une
partie pouvait basculer en effet dès les premiers coups et ceci contribua largement (avec
référence aux pièces jouées. Ainsi l'expression «partie des quatre Cavaliers» désigne-t-
elle le début d'une partie faisant intervenir dès les premiers coups les pièces en question.
où les Blancs mettent en prise, dès le deuxième coup, non le Roi ou la Dame mais le pion
Une seconde classe de désignation comprend sept ouvertures recourant à des noms
Quoi qu'appartenant à des genres très différents, ceux-ci apparaissent significatifs en eux-
mêmes car ils réfèrent toujours à des animaux pourvus de propriétés bien spécifiques : au
plus petit des oiseaux (le colibri) s'oppose ainsi le plus grand mammifère terrestre
(l'éléphant) ou encore le roi des animaux (le lion). Mis à part le dragon, et peut-être le
hérisson, ces noms désignent des ouvertures qui sont considérées par lesjoueurs comme
se situant à la limite du jouable ; l'ouverture du lion dépasse même cette ligne frontière
puisqu'elle sert à nommer un mat réalisé par les Noirs dès le deuxième coup de la partie ;
premier correspond à une défense des Noirs et doit son nom au fait que «la disposition
des deux Fous noirs peut faire penser avec une certaine bonne volonté à un
hérisson dont les piquants sont rentrés. » (Le Lyonnais, 1974 : 180). La «défense du
Dragon» constitue, par contre, un début de partie renommé pour les joueurs qui
souhaitent attaquer avec les Noirs ; dans l'esprit des joueurs, le Fou noir en g7, typique
de cette ouverture, rappelle à cause de la puissance qu'il peut déployer, la gueule d'un
dragon prêt à cracher le feu. Pour contrer cette ouverture redoutée la seule à porter le
nom d'un animal imaginaire la théorie échiquéenne a élaboré une riposte qui puise son
peu développé, s'organise donc, à une exception près, autour d'une pensée dépréciative
moquer d'un autre en le traitant d'«animal». Seul un être mythique, comme le dragon,
pays, de villes, de régions, de fleuves, de lieux de villégiature abondent en effet dans les
réputés avoir été choisis en fonction du lieu où l'ouverture fut utilisée pour la première
fois ; chaque nom véhicule ainsi avec lui la mémoire d'un toumoi d'échecs ou encore
d'un groupe de joueurs originaires d'une région donnée. L'attribution de ces différents
noms est cependant le résultat d'une longue élaboration de la tradition, car il est rare de ne
pas trouver d'antécédents à la première apparition retenue par l'histoire et la plupart des
noms d'ouverture ne se sont finalement imposés qu'après avoir été en concurrence avec
d'autres appellations. Un choix collectif s'est ici exercé, lesjoueurs retenant dans les
publications échiquéennes le terme qui, pour des motifs variables, leur paraissaient le
plus approprié à chaque ouverture, et les textes imprimés se faisant en retour l'écho du
indienne, américaine, argentine, chinoise,...) pourrait laisser croire que les principaux
entre les ouvertures réellement pratiquées par lesjoueurs et celles qui n'ont qu'une
importante :
secondaire :
Une certaine logique spatiale s'est donc exercée dans la constitution de cette
représentation du monde que dessinent les ouvertures échiquéennes. Sur cette carte, seule
l'Inde, berceau des échecs et ancienne colonie anglaise, voisine avec l'Europe qui a, à
33
partir du XVIII^ siècle, normalisé les règles du jeu d'échecs et imposé finalement à
laisse néanmoins apparaître que l'Allemagne est le seul pays européen à ne pas avoir
donné lieu à l'appellation d'une ouverture. L'existence d'une forte tradition échiquéenne
allemande au cours du XIX^ siècle, époque à laquelle ont commencé à se constituer les
noms des ouverture, est cependant avérée et le simple rappel d'un livre ou d'un joueur
suffit à montrer que les pays germaniques occupaient même une place prépondérante sur
Handbuch, véritable travail editorial collectif dont les nombreuses éditions et mises à jour
qui remporte le premier toumoi intemational organisé à Londres en 1851 . Aussi l'absence
cartographie imaginaire du monde que composent les ouvertures échiquéennes car si l'on
complète la carte des principales ouvertures portant le nom d'un pays ou d'une région par
celle des villes d'Europe ayant donné leur nom à un début de partie, il ressort que c'est le
D'une manière plus générale, cette carte souligne une concentration de villes éponymes
noms des ouvertures gardent aujourd'hui la trace trouve une confirmation dans la
participation par équipe nationale aux premières Olympiades d'échecs qui furent
organisées à Londres en 1927 sur le modèle des Jeux Olympiques. L'Argentine était le
seul pays non européen présent. On constate néanmoins l'absence notable de l'URSS qui
35
de la révolution populaire à la seconde guerre mondiale resta à l'écart des compétitions
échiquéennes intemationales. Aussi est-il légitime de comparer la carte suivante aux deux
précédentes :
échiquéenne d'un écrit très abondant. Au premier rang de cette production se trouve un
formulaire d'un genre très spécial que tout joueur d'échecs de compétition est tenu de
remplir lors des parties officielles. La «feuille de partie» se présente comme un document
pré-imprimé sur lequel chaque compétiteur doit noter au moment où ils sont réalisés sur
l'échiquier les différents coups de la partie ; chaque partie donne donc lieu à
ces feuilles sont remis à l'arbitre qui s'en sert pour enregistrer le résultat^^ pius
précisément, le joueur note en haut de la feuille de partie les noms des deux adversaires
qu'il peut compléter par la mention de leur classement respectif et de leur club
échiquéenne spécialisée ; lesjoueurs inscrivent rarement cette information mais elle est
toujours présente dans leur esprit et s'il arrive qu'un joueur se trouve confronté à une
ouverture dont il ignore le nom, il ne manque pas, lors de l'analyse qui suit la partie, de
s'en informer auprès de son adversaire. Les coups joués sont inscrits sur la «feuille de
partie» en fonction d'un système de notation qui sera analysé en détail dans le troisième
nom du vainqueur, ou le nom des deux joueurs s'il s'agit d'une partie nulle, et en
apposant leur signature en bas des deux feuilles de partie ce qui souligne l'aspect
contractuel de ce texte.
35 II faut noter que lorsque la partie est terminée, l'un des deux joueurs ayant
abandonné ou l'accord s'étant fait surla partie nulle, il n'est plus possible de revenir sur
ce résultat même s'il est constaté au vu de cette feuille de partie que des coups
impossibles l'ont entaché. Ce n'est que durant la partie que cet enregistrement écrit peut
asseoir une contestation.
37
LE DAMDER DE L'OPERA
7, rue Larayvttc - 75009 l'AKIS
Ici. : 'ÍK 7Í 33 ¿Í Fux : 4« 74 24 52
Ddte Zl.0^hyC^Jp
Ronde n" : -^ Tabla n° : !o.
Tournoi : : ^ '
Cercle : . .
Ouverlure
38
Un tout autre type de document mais qui reste néanmoins produit par des scripteurs
ordinaires est l'affichette de toumoi qui est distribuée pour engager les joueurs à
participer à des compétitions futures. Ces annonces de toumoi seront étudiées en détail
statut des associations loi de 1901, les compte-rendu des assemblées générales, les
différents courriers adressés aux membres ou aux autres institutions, ... Le monde des
échecs ne se distinguent pas dans cette création des autres milieux associatifs et il ne sera
pas proposé ici d'études particulières de ce genre d'écrits. Il faut néanmoins noter qu'un
production de petits feuillets par des joueurs ou des cercles d'échecs. Ainsi certains clubs
rédigent-ils à l'intention de leurs membres des documents qui se révêlent être, dans leur
composition, semblables aux revues d'échecs imprimées (reproduction des parties des
Un demier ensemble de documents est constitué par les différents règlements qui
régissent le bon déroulement des compétitions échiquéennes. Les règles générales sur le
mouvement des pièces se trouvent en effet complétées par des règlements spécifiques
ou par équipe répond de plus à des modalités précises. Ces règlements émanent de
différentes institutions hiérarchisées les unes par rapport aux autres car il revient à la
Fédération Intemationale des Echecs d'édicter les grandes règles du règlement qui ne
peuvent être enfreintes dans les compétitions qu'elle supervise. La Fédération Française
des Echecs précise quant à elle certains points du règlement et spécifie les conditions de
jeu ou encore les modalités des rencontres par équipe. Chaque club organisateur d'un
toumoi constitue enfin un règlement intérieur du tournoi qui permet par exemple de
déterminer l'ordre du classement final et l'attribution des différents prix aux lauréats.
évidence parle volumineux classeur dans lequel chaque arbitre rassemble les centaines de
39
pages qui concernent les seules réglementations de la FIDE et de la FFE. Objets de
longues discussions et exégèses parmi les arbitres, ces textes ne provoquent en revanche
guère l'intérêt des joueurs de compétition qui se doivent néanmoins d'en connaître
certains points. Aussi trouvera-t-on logiquement dans les différents chapitres de cette
4. Contenu de Tétude
La présente étude s'organise plus précisément sur l'analyse de quatre types d'écrits
ainsi les caractéristiques d'un écrit particulièrement "ordinaire" qui est produit par un petit
toumoi. Comme une simple analyse de contenu ne présenterait qu'un intérêt limité face à
ces textes qui présentent pour certains d'entre eux une opacité extrême, il a été ici
privilégié une approche qui s'appuie sur la connaissance des attentes et des inferences des
destinataires.
historique des figurines utilisées dans ces diagrammes et de l'usage qu'en font lesjoueurs
fait apparaître qu'un système qui paraît relever de l'iconographie appartient en fait
Le troisième chapitre propose une longue étude de la notation des coups aux
échecs, car il était essentiel de porter la plus grande attention à ces systèmes formels de
notation qui constituent le coeur de l'écriture échiquéenne. Ayant pour point de départ une
comparaison de différents systèmes de notation des coups aux échecs, cette étude en
du temps. Ce chapitre reprend un texte pam dans la revue L'Homme (1996, n°138, pp.
87-109).
41
Chapitre I
Parmi les différents types de documents écrits que manipulent lesjoueurs d'échecs, il
s'en trouve un qui, malgré sa forme anodine en apparence, remplit un rôle essentiel
pour la pratique échiquéenne. Simple photocopie en format A4, l'annonce de toumoi
d'échecs est l'exemple typique d'une "écriture ordinaire" qui contribue à la constitution
d'un groupe spécifique. Rédigées par des joueurs à l'intention d'autres joueurs, ces
affichettes sont évidemment révélatrices des éléments jugés utiles à connaître par les
compétiteurs mais elles véhiculent aussi certaines valeurs propres au «monde des
échecs». Informatives, ces affichettes sont enfin conçues pour produire un effet :
provoquer la participation des joueurs.
Aussi est-il intéressant d'étudier ces textes en les considérant tant du point de vue de
leur contenu (texte et image) que de leur production et de leur réception. A cette fin. j'ai
conjugué dans une perspective anthropologique l'analyse d'un corpus constitué
d'environ 300 annonces de toumoi (concemant des compétitions allant de 1990 à 1997)
avec les résultats obtenus lors du travail de terrain réalisé auprès des joueurs d'échecs
de compétition. En même temps que les annonces de toumoi à proprement parler, des
affichettes proposant des stages d'échecs ou faisant la promotion de clubs d'échecs. Ces
autres textes ne dépareillent néanmoins pas le corpus dans la mesure où ils sont réalisés
par les mêmes auteurs que les annonces de toumoi et distribués selon les mêmes canaux
à l'intention d'un même public. On trouve d'ailleurs parfois sur un même document
l'annonce d'un toumoi, la proposition d'un stage et la publicité d'un club.
1 m- r
'
cadre d'un club, d'un toumoi pour enfants R:,^' Tcj* 39 -'2 3^ 6-1 3d' .'56 96 . 7-
signalant un concours de jeu de cartes en fc-j.r-<a vei-sü^ ""e^i&e des dhx -. '9
Normandie :
cf. Illustration 3
Aussi faut-il voir dans cette omni¬
PrhJnnn
n'est guère sujette à une évaluation
ivsniiPTiov»
esthétique même si ses scripteurs les Aihk>i2l''i| . Jen»sll:i 1
(A»ift!fc:2»m23l>F«123F>
élaborent généralement avec soin et si les M « OMI piurt
l'illustration. Ces textes sont typiques M U.mN inNSCIUPTIO> A RKN\ OVtR AV'A^T U H MAI A :
CIKTHÏ ITAVl.MA nU.N roUMP UO JOllM .BWE «lOÏVIl, TMIt t^^MS
d'un usage de l'écriture réduit à sa
fonction de communication. Mr)H PRl^m- . . .
ciuD V m :
Un texte opaque
Le lecteur "profane" ne peut cependant ÜATLtTSKNAn'iU;
De cette omission peuvent se dégager mois, invités par des plus anciens à les
deux remarques : accompagner pour prendre part à leur
(i) ces compétitions ne s'adressent pas première compétition.
à des joueurs qui n'appartiennent pas déjà (ii) des signes, ininterprétables pour un
au «monde des échecs». S'il est certain profane mais significatifs pour le joueur
qu'un joueur débutant éprouve quelques d'échecs, jalonnent le texte et lèvent toute
difficultés à soutenir l'attention nécessaire ambiguïté sur le type d'activité proposée.
à une journée, voire à une semaine de Ces signes sont variés dans la mesure
compétition, il n'en reste pas moins que où il n'y a pas un mot particulier pour
cette opacité donne le sentiment d'une coder le fait qu'il s'agit d'un texte à
relative fermeture du monde des échecs propos du jeu d'échecs. Il s'agit plutôt
sur lui-même. Le déroulement des d'un ensemble de termes dont la réunion
apparaît ainsi comme un cap à passer car néanmoins suffire en elle-même puisque
s'il faut d'un côté appartenir au monde d'autres sports l'utilisent tout autant.
des échecs pour y participer, on ne devient Aussi est-ce lorsque l'expression «open»
d'un autre côté joueur d'échecs qu'à partir se trouve couplé avec le mot «ronde»,
du moment où l'on prend part à un que le sens en devient évident pour le
toumoi. Face à ce paradoxe qui devrait en joueur d'échecs. Une ronde désigne en
toute logique interdire au monde des effet la «séance d'un toumoi [d'échecs] au
échecs de se renouveler, un rôle cmcial de cours de laquelle tous les participants se
relais est assuré soit par la presse rencontrent deux à deux» (Le Lionnais
spécialisée, soit par les clubs constitués. 1967 : 337). Le nombre de rondes d'un
«semi-rapide», soit une partie «officielle» ne mobilise que quelques rares centaines
et porte sur ces trois types de parties des de passionnés. Ce cercle beaucoup plus
jugement appréciatifs très différents qui réduit justifie sans doute l'aspect sans
détermineront ou non sa participation au ambiguïté des affichettes du jeu de Dames
toumoi proposé sur l'affichette. qui précisent systématiquement la nature
L'importance de ces indications de l'activité :
Gymnique du Travail, organisation -¡nw i"ir.<ifi-fp' .-a, ,.>. Tm'- i. ^' "-r*'.-.» ' iriL-.'j-.- ¡'...r f«-'vi-' a- .
k. ;' ans!. Lm chíijct.. w*rc..i h»l1.« ., -.¡.M.-l J- ' a. CES .JELOÎKMS ifiVICir
Ptfvaiifi Avyn- i£ JS AVBiL IWi lAUCUHE IItS£BI£IUK JC.SEM Ol^SiSUl*^ '-
omnisport comportant une section
-.. f:i-i.- tiA-.r-îf.'j ALMAS?/. %-ni.evr AiH:re «XT'?!:
échecs), «FIDE» (Fédération
T7Wu :HA»*S'<fAll(iF,
T.i 1^. V- OC» Tft. . 61. b3 U Jt
Intemationale Des Echecs ; seul ce terme
social qui les produit et les consulte. Cette qui affichent explicitement leur nature
opacité rappelle en effet que le «monde échiquéenne (environ un tiers des
des échecs» a développé une "tradition" affichettes). Il est intéressant de constater
qui lui est propre et qui se manifeste ici que celles-ci comportent dans la majorité
par l'emploi d'un vocabulaire spécifique. des cas (plus de 70%) la mention explicite
Mais ce fait, en soi peu particularisant car de sponsors soit privés (banques, hôtels,
propre à toute communauté, laisse de plus entreprises nationales ou locales), soit
transparaître que le «monde des échecs» publics (municipalité, conseil général,
dispose d'une assise suffisament large conseil régional). Comme les
pour ne pas avoir besoin, dans ses compétitions totalement *'opaques" ne
activités de propagande, de s'affirmer signalent en revanche que rarement
explicitement. Sur la seule Ile-de-France, (moins de 10%) l'existence d'un
on dénombre en effet près de cinq mille organisme soutenant la manifestation, il
joueurs d'échecs alors que le jeu de dames ressort que l'existence d'une subvention
46
oblige à une plus grande transparence. pROvcfjc'. - Cm . t ic; ;j:; : W; .jti, D'f checs - r.F.E
cf. Illustrations 7, 8 et 9.
ftM.
Le Cercle d'Echecs P«G.I. 7ème OPEN SEMI-RAPIDE de
\Pft
'Le Grand Roque" DAMMARTIN en Goële
Le Dimanche 8 mars 92
à 9h30 précise^
7' OPEN
UBc des Idtes de l'Eiubonac. A«cniK de St'OoaUbn Dtmmtrtin
INTERN.ATIONAL D'ECHECS
Ml guiias
SèiB« pfû OOOF . ttur priL '. SOÛF . Itnw P*U . 400 P
de 8h30 à 19 beures
Milrl* d'Evry
-nB»<oaOioiiid>rHM<mai«icwvar rmecvnr
société générale
cette opacité relative est possible. Elles ne connu existant depuis plusieurs années, la
sont par exemple jamais distribuées, au décision de participer à une compétition
hasard, aux passants dans la rue. Les plus récente ou moins cotée dépend en
destinataires sont toujours parfaitement revanche largement du contenu de
ciblés dans la mesure où ces affichettes l'affichette.
envoyées aux joueurs licenciés (pour (complétée souvent d'un plan d'accès )
lesquels la Fédération vend un mailing) figurent comme on peut s'y attendre
ou d'une manière plus limitée aux toujours sur ces feuilles d'annonce de
joueurs ayant précédemment participé à la tournoi, il est en revanche d'autres
conviennent de se rendre en groupe à une que leur emploi marque une quelconque
manifestation échiquéenne . Ce choix est variation de sens. En témoigne le fait
évidemment tributaire de la disponibilité qu'ils se trouvent indifféremment associés
des joueurs : les tournois qui ne durent à l'adjectif «intemadonal» auquel seules
qu'une journée sont pratiquement tous les compétitions locales (ou réservées aux
bloqués sur des dimanches ; ceux qui enfants) ne recourrent pas. Par la mention
s'étendent sur plusieurs jours profitent du d'«Open international» ou de «Toumoi
intemational», l'aspect cosmopolite du jeu
48
Tournoi Open d'Aubervilliers» tandis que 10) Open international d'échecs à Dié
la lettre qui accompagnait cette annonce
précisait en même temps qu'il s'agissait afU RfXUEλ V K«.lEâ
manifestation, apparaît pour environ une OrganiEó par c Centre dArnimatiun MJC Poinl au Jour
les positions échiquéennes dans les textes En ntlHon tin réfi^r«pnd 11 m . le tnurnol <L£l>UBfrrB
A O henreo pr^cme^ pour «'mJkCVia- Si 17 hcrurub.
I
imprimés s'avère également relativement
fréquente. Pour les joueurs, ces signes itet h prtaofea tt : GU.l Lev POLOtIGArOTSKY (RUSSIE»
GJ1I.L Kcvii SPRAGGETT (CANADA)
évoquent directement la littérature GAI.I. Igw RAUSIS (lËITONIE)
M.L NicohtGlFFAliD
Ml Jean Uic BERET
spécialisée dont la lecture constitue une de M-L Akin -vnUKEUVE
ELO :
DHI:
naiIIC)ttES£>'CE: gClUTUlit:
^'',2 ,3 NOVEMBRE 1996 Wiry ijl% I. hiir.fiKt r>a-^-(iik' ()u-i>r. ne pitii X'.ii^: -i.l
Jv? r.lo.' ik Mkx-nt iilX ptrfXX'^Jllh- tf.V <\' (.'..«tn. T.. iH «ar
45 69 69 10 hnndctuuii '«*r
j*i.pn.ic^»i.Tuiik-_i.J*ii..B3«nxiL'»p»;(.ï»ui:«Ix*l»cc_-
45693107 DLMOi.LiNrwç bt' wr Livtvie tar: J'jun.'s iCT-ifb^v* d.'^'ii.T v »» ^ï
45^8 03 76 BiXiHiLLVicl CM
Buet. tte ftandwlcb
jOTttHiJia
*
«.T*«-
n Tel*
-#«lLr
..
Ïi lo chorode
r
àe . i f
li
MfiriL
1,^,^
.Txr-o
*F3W^ =T^.,
. HAMJ riLlSlO*,-.
ta H-^kri» B-mfi^M w
l.t;i natvuF'-
'
*w »«,
iMwr.fl-yio' wrrrt-
vi<. H l^j*..
^^^*wHwn
*MW*--
TELEPHONE 4 6 2 0 13 (4
«w iT./»j7r- .'. IS.? AL wj vruï Fi>*T pr Ei-wiî s?r^ pfx.' -r.^j-
/7j Ajfwhetie arec figurines 18) Affichette avec des échiquiers miniaturisés
de diagramme échiquéen
Utilisables indifféremment quelque soit PROVENCE - COnrTE VAUCLUSIEN OU JEU D'ECHECS - F.F£
0« mtAMC 90IAÍ7Í7
9ft3ABTV7
cf Illustrations 19,20,21, 22 et 23
19) Pièces modèle Staumon
IO LUCLIO e ACOSTÓ 9S
7 - 14 ACOSTÓ 95
/, 1 '' ^
AVEYRON : JOUEZ en SERENITE
;J È^^
20) Pièces modèle Staumon 2J) Les passants sur le poní de Sainte-Aj]rique
devant des palmiers sonî des pièces d'échecs
pour le tournoi de Cannes J 995
41 VK VIKILC
C.\L£NMUSft:
Ï0M..9Z: nafu«ra«»
llb-Ifb dnqHknc rviÉ<
JII>fc.9r «itMniin
l*-ÏLiM(ii.<>Kfwde
20 mnm *l.t2.R:»0T
UGl'E:
¿'nh/r 'iir.r
ELOFXDJCt OtCOr
,\I>ltX£SD Cttri par lr Í amiit tfOrganivivijt dr MoBifeaaanti^ licbigufenaes
I'UI,úMr:
D«n 5iptaisr«
-
09 ^^jk
D'autres photographies servent parfois
à annoncer aux éventuels concurrents la
cf. Illustration 26
Le Cefde d'Echecs "Le Grand Roque" "^'-
de la MJ.C. de Courcounmnes '
DREUX - JUILLET 1995
8
«M »JU1 «t « ta DDJS/ll
ÎFESTIVAL DU BICENTENAIRE
'iWMBAi^HlWJi
^ HEWLETT
DACKAna
I
LA iWTEJf^
dS i
IKKJ
figure ?
cf. Illustrations 27 et 28 f-fc. Lr .-.et M .-«p..-.
-,. . :......>,..
bjb I'M*.
.», :_*,.-u.; .J
Le dessin du championnat de France ::r.-; ri 1 1 T'f tV. :, iV-j * .,
féminin (1992) place au premier plan un «^.. .... _^ . wl. ^.;.j Dt-i
»«
Î3ÏÏ ' W- k .j
corps de femme qui rappelle les
^- d .1,4 . '. ~ ^-H-VJ. «.VI *-t Ϋ* "I
LYON OYONNAX
ECHECS
la Municipalité du Havre
I ..Xf .ua rMr «t: j&oor J. «CMIS.I ^U l.C .1.
>
\ / \ !
3 4 JUIN 1990
^^ 1
OPEN INTERNATIONAL de / \ \
Ki'.U ...
MMH-.'SI- .
2* TOURNOI
OPEN
DE BLANC-MESNIL
(93)
9 heures précises
nuance qu'«un jeu auquel on se trouverait «Les forfaits feront l'objet d'une
forcé de participer cesserait aussitôt d'être demande de sanction à la FFE» (extrait
suite d'une série de défaites que des Campanile nous fait savoir qu'une "tenue
maladies diplomatiques sont évoquées correcte" est exigée dans l'enceinte de
pour justifier l'interruption de la l'établissement, il est donc vivement
propos noter que les joueurs d'échecs que les joueurs d'échecs sont aussi des
distinguent radicalement le «forfait» (non- "Gentlemen"...» (extrait du 2e Grand
présentation du joueur devant l'échiquier) Toumoi du CEE, 1994).
des parties et signifie que le joueur exigée. Les qualifiés pour le "Grand Prix
reconnaît qu'il ne peut éviter que son Intel de Paris" devront obligatoirement
adversaire le mette «mat». (C'est respecter le règlement et porter chemise,
officiellement des raisons liées au veste et cravate ; les chaussures de sport et
départage des joueurs pour le classement les jeans sont interdits.» (extrait du
final qui sont à l'origine de cette volonté Trophée Fnac 95. Toumoi qualificatif du
d'éviter tout forfait). "Grand Prix Intel" de Paris, 1995).
L'énonciation de cet engagement sur le Or de telles exigences ne se trouvent en
bulletin ou la menace de sanction sur revanche jamais imposées dans les
l'affichette elle-même peuvent ainsi être compétitions qui ne précisent pas
59
DK.MASSY
ronde (appelée «appariement») s'effectue
(1 14 kiiKaurfixlitr Puin)
Ri-nvi|^rniml.i(c<intr((ii>tl<ippr
Uinl)r^)rl inM.riplHici :
Mr IXINKOV
CHPISIXJ
.Ifam^t
OECARTEMCNTAUX routsmtft
«. h,ii j; p. [«..>,., ,-j«.j .ir. .
POUSSIN<E)S ET
CHPTS C
PET'TIEl!
EUtOfE
COUSÏINIS «» ..u.. -mn .itfK-Bl JaiwK.:c;ür-x
CMl M MI VMM
CHAMPIOIVNATS
lOt.lS.SÎNSMlVn-.S Bn LrnpjasjiJttllUi.
^.'«',T.,TM,f:l
LTlf.TlIM'asaNf, MIXTES
PAKISIENS
üLUtlirK.wl<fit puur (rs rnampicmnan M UBU* Ht* Munm 199T
MfOflTifWffft
rinformation inédite de «système sui.sse C04»
5000 F. 1200 F.
déterminant dans sa décision de 4000 F. 900 F.
3000 F. MO F.
participation car le montant total des 700 F
2000 F.
liste des maîtres ayant participé aux 1989 : 241 engagés : Abravanel - Taimanov -
BelVbodja Murrry Yedlinf Hiuchard Scholz
précédentes éditions du tournoi ou Giacommazzi - Lccuyc: - Beatriz Mansilia
tournoi de joueurs ex-aequo aux PRIX PARTAGES APRES 3S0 PLACES OiSPONIBuS
DEPARTAGE BRESILIEN
premières places du classement qui
S-orCMceZ3T.n«:ww|Cjeui irpiuiJe
découle du principe même du système ¡XtOUMJI
ÚI 700 tou«.Tt.
ZènM AOOOF 7ÍKX «Uf
du toumoi se dégage en effet nettement Itne 3 00DÍ «"'^ BOO F
* Niniy '
*rtfrlet3oc!Xx* t30h»r:î
chacun. Plusieurs systèmes de départage Prà Pir cnéforiM « prñ isíwm fi -f 'C Mc-icMCa'* 8Cli*nu
prix, les organisateurs et arbitres ont pris T'clMMW-MUill'B.AF'U taaviof» Mji p'Kc de 8 f- 3C * 9 fl
des points des 7 adversaires rencontrés -tOJCLOSOÍ > 3E FPE ' ".-.j,* SfUe--* S-i»-i
sans tenir compte du plus fort et du plus nil 4. ^3_m)3r pr anti oirr*(eot¿
PMM10 roeo" oojKitve ^ Jtwr etc
France. 1992)
mTM-^m IftOOr 1
'.-t^: ««l.-M.-fc- I
n ^ : *.if*î* .
*** 1 1
collectives. Le pourcentage des droits u«« rMiMt-mn
*.^ a. w«..v.«
la préparation d'un toumoi entraîne une échecs et non pas un individu peut
série de frais (réservation de la salle, tirer un relatif profit de ce grand échange
location des jeux et des pendules, envois redistributif qu'est le tournoi d'échecs.
postaux, rémunération des arbitres, frais Les annonces qui ne déterminent pas le
informatique, achat des coupes, etc.) qui pourcentage reversé aux joueurs n'entrent
grèvent plus ou moins lourdement le cependant pas en conflit avec ce principe
budget des organisateurs. Aussi la de redistribution car dans ce demier cas,
par la prise en compte d'une certaine comparant le montant global des prix avec
réalité financière. La présentation sous le nombre de joueurs attendus multiplié
forme de pourcentage de cette réalité par le prix d'inscription.
financière accentue d'ailleurs l'idée d'une Si l'inscription à un tournoi d'échecs
redistribution car il est significatif de est une action individuelle effectuée soit à
constater qu'il n'est jamais fait état du l'avance par l'envoi du bulletin
montant des frais déboursés par d'engagement, soit sur place dans les
l'organisateur alors que ceux-ci instants qui précèdent la première ronde,
constituent en fonction des la distribution finale des prix est en
caractéristiques données d'un tournoi une revanche un moment collectif et
(récoltant les prix des tournois) ou des suivant ; ils manquent donc à cette
66
láilt'k
~ -
l.ktUk
KM» 1»
tl.l.. 1
.mets
ir-A .1..,;» I-..7,,
..T?""'. ,:ri',.'. '-'T,'?,"'" 1
TOIJRAOI au profit Ut
(^«mral
urxiT
Par OtAMfIr («->) pTtiKiiMntn
i.viir
Prli Jnmr«
lM-> } [ft. T
IV. r
l«ft»^. .:»tvl l««i.. W-.r-r.tJéi-
rrtt »w«**fc^irpirt»«.»T« I
.\%cc kip«Ttu-ip«li<>n Ur :
ííhlílíhSílíklS :
1 * ii.i>tR\TiON fTiA\( \\s\ l>^stt
Si»49J7J«|HJL]
^ IAI «.I F II FM yUWi r nLSL(IIU>
IHfCtt-^IDHS . i(ri..ti.. : »U<. X. fi««i-i» (
S..M Mil ;.» tu» Cl^p.iWV»ri»*rAf n^E.I>BSjUKTJirf1IICAIN
AL NOVOTEL DE BAGNOLET
un (irc , 1 wi vi r a.», im-»iK>i.t *ín mr.vju î \r rr^ 4fh^tt>*r^
T¿(épbofie7 46.20.13.14
M>|i'"l
l»MI Ut
Chapitre II
considération les symboles typographiques qui servent à figurer sur le papier les pièces
également de tels diagrammes. Avec un à deux diagrammes par page en moyenne, les
visible dans l'univers urbain. D'autres expressions de graphismes figés s'observent dans
les logos des marques, les emblèmes des villes, ou pour le domaine ludique les
Le diagramme est habituellement inséré dans la liste des coups d'une partie. Il
retrouver le coup décisif, place d'une certaine manière le lecteur en position de joueur. Le
diagramme n'apparaît en effet que pour des coups à quelque égard exceptionnels
(sacrifice d'une pièce, mouvement a priori aberrant mais a posteriori prometteur, plan
particulièrement original ou subtil, ...) qu'il faut savoir saisir sur l'instant car réalisée
plus tard dans la partie, la solution se révélera sans effet. Ainsi un article sur le 46e
championnat d'URSS (une des plus fortes si ce n'est la plus forte compétition de
l'époque) relate la partie qu'un «grand maître» L Dorfman disputa contre un nouveau
venu dans la compétidon mondiale, G. Kasparov, qui était à l'époque âgé seulement de
accompagné de ce commentaire :
«Dans cette position Dorfman joua : 18. ... C x c6. 2. Après quoi, s'étant
retiré dans les coulisses, il confia : "je viens de refuser la nullité proposée par
2 Le signe «x» dans «18. ... C x c6» indique que le 18^"!^ coup de Dorfman qui
joue avec les Noirs consiste en une prise du Cavalier sur la case c6.
69
G. KASPAROV I. DORFMAN
Partie Espagnole
1. e4 e5 2. Cf3 Cc6 3. Fb5 j6 4.
Fa4 Cf6 5. 0 0 Fe7 6. Tel b5 7.
Fb3 d6 8. c3 0 0 9. h3 Fb7 tO. d4
Te8 11. Cb<l2 Ff8 12. a4 h6 13. dS
Cb8 14. e4 c6 15. a Xb5 aXbS 16.
T X a8 F X a8 1 7. d X e6 b4 1 8. Fa4.
m m. iii.i'
^ mt m. m m
lecteur qui n'a besoin ni de recourir à son jeu pour reconstituer la position, ni de faire
petit génie en qui beaucoup voyait un futur champion du monde, aurait-il ou non accepté
la partie nulle ? La suite de la partie indique qu'au 39^"^^ coup, Dorfman s'est vu
de la partie est proposée à la réfiexion du lecteur : «Peu après le 18^ coup, Dorfman, à
s'ajoute de plus le fait que chaque joueur peut aussi employer des tampons encreurs qui
70
lui permettent de rendre ces diagrammes personnels plus lisibles^ et plus expressif qu'un
Conçus initialement pour représenter les pièces d'échecs sur les «diagrammes», les
signes typographiques remplacent même maintenant l'initiale des lettres dans les parties
- VERSAILLES 1995 -
Y. MUREY I. RAUSIS
Partie Anglaise
1. ç4 ç6 2. ^t3 d5 3. e3 Ç^f6 4. i^ a6
5. d4 b5 6. çxd5 çxd5 7. Çie5 e6 8. JLd3
ÎJxJ? 9. f4 JLb? 10. (K) Ae? 1 1. Jt.d2 0-0
12. «f3 b4 13. ibe2 i»4 14. Vh3 f5 15.
Efdl aç8 1 6. JLel «JceS 1 7. fxeS iig5 1 8.
«g3 *b6 19. Çif4 a5 20. h4 Çje4 21 . JLxe4
dxe4 22. Sd2 idS 23. Wh3 Wb5 24. g4
ájca2 25. gxfS 2x15 26. dS A.Ç4 27. ixe6
2fU 28. *h2 JLxd5 29. -î^ Wç4 30. b3
Wa631.tird7ll3732.Wxb71j(b733. *g2
Sçf8 34. 4:166 a8r735.Bç1 h636.Bd7 jLa6
37.i:if4JLxh438.Exf7*xf739.Bç7+JLe7
40. Ag3 Ed1 41 . e6+ *f6 42. «i\5+ *xe6
43. aç6+ *d7 44. Exa6 Jtç5 45. Sxa5 *ç6
46. 2a8 ad3 47. 2ç8+ ét)5 48. Sb8+ *ç6
49. ^g7 2xb3 50. i:f5 SdS 51 . Jte5 *d5
52. JLg7 h5 53. *f2 b3 54. *e2 h4 55. ae8
h3 56. Se5+ 'i/çB 57. Sxe4 2d5 58. Sh4
Exf5 59. Sxh3 Sg5 60. JLç3 ¿t5 61 . *d3
Sd&»- 62. ^2 lb4 63. JLd4 Sg5 64. ^3
Sg265.Sh1 Sd2-i-66.ée4^ç467.£h8b2
68. 2ç8+ ¿t)3 69. .âj(b2 Sxb2
de marquage d'identité du «monde des échecs» : on les retrouve dans les placards
d'annonces de toumoi. les publicités de société en rapport avec les échecs, les fiéchages
"impression" domestique.
71
ÉCHECS
L'A.C.L.G. ORGANISE LE
1er TOURNOI DE GISORS
HOMOLOGUÉ I.N.J ES.
L'apprentissage technique échiquéen basé en grande partie sur la lecture fait que
n'importe quel joueur d'un certain niveau est capable de "comprendre" un «diagramme»
aussi aisément qu'une position sur l'échiquier^. Ces symboles étant utilisés comme un
outil de communication, il est cohérent que leurs formes subissent peu de variations d'un
éditeur à un autre, comme d'un pays à un autre. A partir de ce constat, on pourrait ne voir
dans ces symboles que des formes conventionnelles ne véhiculant pas d'autre
De fait, seules les dimensions parfois très réduites du diagramme peuvent limiter
sa compréhension.
72
forme de ces symboles typographiques ne soulève d'ailleurs pas plus d'interrogation que
apparence le plus curieux sera simplement explicité par n'importe quel joueur comme un
«le Fou^ est représenté par la mitre d'un évèque car cette pièce s'appelle en
anglais Bishop»^.
des figurines échiquéennes (en bois, ivoire, ...) est assez bien documentée, il n'existe en
l'alphabet ordinaire, ne sont pas purement abstraites car elles représentent quelque chose
et représentent cette chose d'une certaine manière. Ainsi la pièce du Roi n'est pas
indiquée par l'effigie d'un roi comme cela existe dans certains jeux d'échecs aux pièces
figuratives qui voient s'affronter Louis XIII et Charles I^*" d'Angleterre, ou plus
fréquemment Napoléon et un de ses célèbres adversaires (le Tsar Alexandre I^'', le roi
Ferdinand VIII d'Espagne, le duc de Wellington) '. Ces représentations que l'on retrouve
^ Le nom des pièces d'échecs (Fou, Cavalier, Tour, etc.) se trouve, dans le présent
texte, écrit avec une majuscule de manière à les différencier des termes non échiquéens.
nition suivante donnée par le Dictionnaire des échecs puisque son auteur ne ressent même
pas la nécessité d'expliquer la présence d'une symbolique ecclésiastique pour une pièce
nommée en français «Fou» : «Son symbole typographique est une mitre ou une tête de
bouffon avec bonnet à clochettes et, en notation écrite, il est désigné par la majuscule F»
(Le Lionnais, 1993 : 155). L'usage d'un bouffon pour représenter le Fou a été
^ Sans parler de rencontres an-historiques mettant face à face Napoléon et Henri IV.
(Pour l'histoire des pièces d'échecs, cf. Keats, chessmen for collectors).
73
avec les honneurs des cartes à jouer imprimées" n'ont évidemment pu être retenues pour
les diagrammes échiquéens à cause des dimensions limitées des cases imprimées, des
solution. Une représentation réaliste irait de plus à I'encontre de la pratique des joueurs
qui ont rejeté l'usage des pièces dites «figuradves» au profit des modèles conventionnels
du type Régence, Saint-George ou Staunton^ qui affectent des formes plus abstraites.
Aussi le livre italien intitulé II Dilettevole Giudizioso Giuoco de Scacchi (le jeu d'échecs
charmant et sage) (vers 1730) qui donne à chaque pièce la figuration d'un visage apparaît
à cet égard un exemple unique ; les pièces n'y sont d'ailleurs pas imprimées mais peintes.
'^ Dans les jeux de cartes classiques, la distinction visuelle entre Roi, Dame, Valet
^ Actuellement, seules les pièces Staunton (du nom d'un champion anglais du
milieu du XIX^ siècle) sont utilisées et autorisés en compétition (selon le règlement de la
Fédération Intemationale des Echecs qui s'accorde pleinement aux goûts des joueurs de
compétition).
74
Plus abstraites, les formes typographiques contemporaines n'en restent pas moins
laquelle chaque joueur est capable de renvoyer : une couronne sert ainsi à représenter le
sceptre royal, la crosse ou la marotte (pour le bishop-fou). le fer à cheval, ... : ou encore,
r, -^
I i > I
* __
1
K,
i i 1
\j
i; :;
i \>vr'u r
^:z..
i:k
'^^
(fs
m. tirs
i \
-r-'
.^
.\j ! A \ I m
diagramme s'avère en fait radicalement étranger au «monde des échecs» '^ : il provient de
fait non pas d'une publication "indigène" mais d'une étude de psychologie cognitive' ' .
propose quant à lui des signes qui, par rapport aux symboles échiquéens, inversent
curieusement les attributs du Roi et de la Dame. La tête du Roi se trouve en effet ceinte
d'une couronne qui s'apparente à celle qui symbolise habituellement la Dame, tandis que
Observe m complète.
ABCDE l=GM
es: sur a cast- C,3
^1 ^ B
7 ^m ^M ^m ^ 7
5 _JB__JH__HLJi G
^
i ^m MM ^B ^1 1
A B C D E F G
1
'^'11 faut néanmoins mentionner que la revue British Chess Magazine tenta dans les
années 1920 d'imposer une forme typographique imitant la forme des pièces modèle
Staunton. La tentative fut sans lendemain.
typographiques que nous connaissons qui ont été préférés. Comme l'association du
symbole typographique au nom de la pièce est immédiate pour le joueur (et également
pour le non-joueur dans les cas de la Tour et du Cavalier'"^), l'analyse ne saurait s'arrêter
à cette significadon première et doit donc se reporter sur l'explicitation des significations
véhiculées par la forme iconographique elle-même. Autrement diL l'ensemble images (par
exemple la couronne royale) - significations (le Roi du jeu d'échecs) peut lui-même être
perçu comme le signifié d'une autre signification qu'il s'agit de mettre en lumière. A cette
fin, la recherche de l'origine des symboles typographiques échiquéens apparaît tout à fait
instructive car elle fait ressortir que ces petites images échiquéennes n'ont pas été conçues
ex nihilo ; elles reprennent en particulier des formes issues de l'art héraldique. L'on peut
dès lors se demander si cet emprunt iconographique ne s'est pas effectué sur la base
alors certains aspects de la pensée échiquéenne. Il apparaîtra que cette analyse au départ
inspirée de l'héraldique. On sait que cette science des armoiries s'est constituée à partir du
Xll-XllF siècle pour foumir en emblème les familles nobles et bourgeoises. L'écu
constituait ainsi avec son contenu et ses couleurs une sorte de carte d'identité familiale qui
se trouvait largement reprise sur toutes sortes de support. Il n'est pas sans importance
'-^ Rappelons que lesjoueurs d'échecs appellent «Cavalier» une pièce figurée
dans le jeu "réel" comme dans la représentation imprimée par une tête de cheval. Le
fait d'appeler cette pièce «cheval» est considéré comme une faute de vocabulaire dénotant
faute de vocabulaire est d'une certaine manière équivalente (dans son processus cognitif
comme dans sa portée identitaire) à la faute de lecture qui fait prononcer Broglie comme
ce nom s'écrit [brogli] ; le signe (tête-de-cheval) doit se lire, doit se dire «Cavalier».
77
pour notre propos que la présence de couleurs (appelées en blason, les «émaux» et les
«métaux») n'ait en aucune façon limité les madères et les techniques servant à représenter
les armoiries car un système de correspondances entre les huit couleurs reconnues et des
couleur bleu) sur une pierre taillée ou une plaque gravée par des traits horizontaux. Ceci
facilitait en effet le passage d'une forme peinte (le blason) à une forme imprimée (le signe
L'idée de blason étant par définition liée à celle de famille (à chaque famille, un écu
blasons'^. De plus, malgré l'importance du jeu d'échecs dans le monde médiéval, ce jeu
d'objets figurés sur l'écu)' '. Aussi n'est-ce pas à proprement parler l'écu ou les meubles
qui ont nourri la symbolique échiquéenne. L'origine de cette symbolique se trouve en fait
dans un des éléments périphériques'^ de l'écu, plus précisément dans le «timbre» qui.
'-'' Ces blasons servaient néanmoins aussi à marquer les liens de dépendance et
d'appartenance.
"^' Le «roc d'échiquier» (équivalent à la Tour modeme) est le seul «meuble» inspiré
Le fait qu'un élément culturel important ne soit pas ou peu utilisé en héraldique est
relativement fréquent. Michel Pastoureau écrit ainsi : «Le contraste entre l'immense vogue
de la légende de la licome à la fin du Moyen Age et sa rareté dans les ecus souligne, une
fois encore, les faibles infiuences que les traditions religieuses, symboliques et
folkloriques ont exercé sur les armoiries, ou tout du moins sur les armoiries véritablement
' "^ Ces meubles, extrêmement divers, appartiennent aux registres animal (du lion au
brochet en passant par les animaux mythologiques), végétal (feuilles, fleurs, fruits),
'^ Comme le précise Michel Pastoureau, ces éléments extérieurs à l'écu sont
longtemps restés «d'un emploi très libre et tout à fait facultatif» (1993 : 205) puisque
seule la composition des couleurs et des meubles déterminent la famille. Variables, ces
éléments extérieurs n'en étaient pas moins très fréquents et il faut remarquer qu'ils furent
surmontant l'écu, est selon les cas un casque avec son cimier, un heaume, une
couronne, une mitre ou un chapeau. En accord avec la hiérarchie des pièces du jeu
d'échecs, les différents timbres offrent le principe d'une classification aristocratique ainsi
«Les couronnes dont les artistes ont, dès la fin du XIII^ siècle, parfois
titres ou des fonctions précis, alors que dans la pratique chacun semble avoir
Le Roi est représenté par une couronne royale semblable à celles représentées par
les héraldistes du XVIII^ siècle. On y reconnaît, en général, trois arcs visibles surmontés
d'un monde (un globe'" portant une croix). Bien que l'art héraldique ait, en France,
fortement souffert de la répression qui le frappa en 1790, il faut noter que cette couronne
royale continue néanmoins une carrière en quelque sorte souterraine à travers certaines
images publicitaires de marques souvent étrangères (par exemple Philipp Morris, Tuborg
beer). Perçues sans être véritablement vues, ces images héraldiques utilisent et ravivent
bière incliné car en train d'être rempli (mais on peut facilement s'imaginer, à tort, que le
verre est en train d'être bu). La paroi du verre laisse nettement se détacher, sur un fond de
fines bulles blanches, la couronne royale dorée. Située dans le prolongement du verre,
caractères plus grands et plus larges, le nom du brasseur «Tuborg Beer». Deux légendes
' ^ Le globe qui servait aux empereurs romains à symboliser leur souveraineté sur le
monde fut ultérieurement surmonté d'une croix par les princes chrétiens.
79
encadrent la photographie. En haut : «Pour un service royal, l'usage veut que l'on
s'incline» ; en bas, d'une part le logos (la couronne et le nom) et d'autre part, en
caractères peu épais, la prescription légale sur le danger présenté par l'abus d'alcool. La
nature de la boisson qui fait ainsi l'objet de cette réclame n'apparaît textuellement qu'à
travers le mot étranger de "beer" (apparent sur le verre et dans la légende du bas) ; l'image
joue donc essentiellement sur une connaissance du monde qui doit permettre d'identifier
un liquide doré à l'écume blanche. Toute cette composition publicitaire, paru dans Je
Point le 19 Août 1995. est ainsi basée sur l'association d'une forme graphique et de l'idée
de royauté.
TUBORG
BEER
dans les pays anglo-saxons du Bishop et de la mitre d'évêque était en effet relativement
"planent" sous la mitre proprement dite et ce fait apporte un témoignage très direct de
l'influence héraldique ; (dans les représentations "réalistes" d'évêque portant la mitre, les
-' Le nom de cette pièce varie de manière significative d'une langue à une autre et
on peut ainsi signaler que l'allemand la dénomme Laiifer (Coureur). Ces divergences de
termes sont au départ dues à des interprétations différentes de la forme de la pièce lors de
l'emprunt du jeu au monde musulman vers le XI^ siècle. Les deux pointes qui servaient
dans les jeux musulmans (non figuratifs) à indiquer les défenses de la pièce appelée
France comme un bonnet de fou et en Angleterre comme une mitre à deux pointes
(devenus obligatoire pour les évêques à partir du XI^ siècle). La langue russe conserve
d'ailleurs le nom d'éléphant (sion) pour désigner cette pièce. Par ailleurs, au XV^ siècle,
2' Cf. la note précédente pour l'origine du nom Bishop. Il faut cependant
remarquer que. cette interprétation de la pièce musulmane datant du Moyen Age, une
Notons simplement ici l'importance pour l'histoire des échecs du champion anglais
Howard Staunton (1810-1874) qui fut en 1851 le premier organisateur d'une compédtion
universellement adopté.
Jw^gTraq,
^m^^
'\
Le cas de la Tour, représentée de manière évidente comme une tour, n'appelle pas a
priori de commentaire sur son éventuelle origine héraldique. On notera cependant que
quelques ecus médiévaux utilisaient comme meuble une figure appelée «roc d'échiquier»
qui se trouve être l'ancêtre de la Tour ; cette pièce qui apparaît figurée dans les miniatures
des anciens recueils de textes échiquéens comme sur les ecus n'a absolument pas été
reprise dans les notations modemes ; elle n'évoque, il faut le préciser, en rien une Tour
if" '1.
fréquent mais leur représentation affectait des formes très diverses. Il existait en revanche
un timbre qui s'appliquait non pas à des personnes mais à des villes et qui était constitué
d'une couronne ornée de tours aux formes similaires à celles de la Tour ; il serait
m a Qâ D 3 m
i Ü D û n n
LJ
D2
1 1
il II
1
II
P D II LJ
Ü II D D û n
D.ÛJÉ d^
dwu
ottrt Iv tour rtifl Vl <1)f îttinr v»nr
piiiflhtrmir i plus Iiyntmiff fnuoir
1 Oitni*» oMifm nr fntjttdf manutr
J
>
Cour. Murale
vue comme étranger à l'univers héraldique. Il n'existe tout d'abord pas de timbre
étonnante, pour l'art d'une époque de chevalerie, d'avoir très peu recouru aux
formes typographiques.
chevalines : «On notera également la rareté du cheval tant dans les armoiries médiévales
être étudié. Peut-être le cheval a-t-il été desservi par son faible contenu symbolique et par
la difficulté à l'utilisercomme figure parlante ? A moins que sa présence dans les sceaux
équestres ait freiné son emploi dans les ecus ? " (Pastoureau, 1993 : 147-8). Dans les
rares fois où un cheval apparaît en meuble, celui-ci est généralement représenté entier
Les jeux de voyage anciens étaient généralement constitués de jetons plats et ronds
sur lesquels était figuré le symbole de la pièce. Or le jeu en question propose trois
le Cavalier. Les symboles de la Tour et de la Dame confirment tout d'abord le fait que
l'héraldique traditionnelle ne proposait pas de concordance parfaite pour ces deux pièces
mais il faut noter que si la Tour est symbolisée par la forme modeme d'un fortin, la Dame
Enfin c'est à nouveau à un timbre qu'il est recouru pour représenter le Cavalier !
figure plus classique du Cavalier sous forme d'une tête de cheval dans les diagrammes
n'est peut-être pas étrangère au blason car elle correspond à la disposition normale des
figures dans les armoiries pour lesquelles «Le côté dextre correspond à la gauche du
spectateur, le côté senestre à son côté droit. Dextre et chef sont places d'honneur»
(Meurgey de Tupigny). Aussi les animaux des armoiries se trouvent-ils, dans un but
^- On remarquera qu'en revanche dans le diagramme de Geetz (cf. figure 6), donné
plus haut, les deux Cavaliers blanc et noir se regardent mutuellement. Dans les parties
"réelles" sur l'échiquier, il est d'ailleurs fréquent que lesjoueurs toument leurs Cavaliers
Licorne
il était loisible de puiser soit des images (la couronne royale, la mitre d'évêque, le heaume
inventées, il n'est pas sans intérêt de constater que l'art du blason présentait, de fait, trois
correspond en cela à l'image du jeu d'échecs comme jeu noble (cf. la formule «jeu des
rois, roi des jeux»). Les échecs comme le blason parlent de rangs, de titres et sont
considérés comme une marque de ceux qui portent un rang, un titre. Que la réalité sociale
soit, pour la possession d'armoiries comme pour la pratique du jeu d'échecs, fort
Les symboles que l'héraldique proposait ensuite pour ces titres ont la particularité
d'être des couvre-chefs (les couronnes du Roi et de la Dame, la mitre). Dans cet esprit, il
faut de plus remarquer que les créneaux de la Tour dessinent eux-mêmes une forme de
couronne. Le Cavalier est quant à lui représenté par la partie supérieure d'un cheval (sa
tête et son cou)^^. Tous ces graphismes concourent donc à illustrer l'idée (largement
développée par ailleurs) selon laquelle le jeu d'échecs appartient à la sphère intellectuelle.
Il faut noter, enfin, une conformité fondamentale de nature entre l'image héraldique
et l'image échiquéenne. Les remarques que Pastoureau formule sur le blason sont ainsi
fonctionne sur tout support et hors de tout support. [...J l'armoirie peut
exister sans avoir besoin d'être représentée. C'est même là sa plus grande
originalité. A la limite, on peut dire que l'armoirie est une image matérielle.
^^ On sait ainsi que «le célèbre armoriai de Charles d'Hozier [qui date de 1696|
offre une réunion de 100.000 blasons familiaux, dans la proportion de 30% pour la
noblesse et 70 pour la bourgeoisie». (Meurgey de Tupigny). Mais il n'en est pas moins
certain qu'au niveau des représentations les blasons ont toujours été rapportés à la
noblesse. C'est ainsi que la Révolution française voyant «dans les armoiries des
De manière peut-être plus forte encore, le jeu d'échecs s'est, depuis longtemps,
monopole de ce jeu.
dessin simplifié d'un cheval sans pattes (autrement dit une tête et un corps).
88
une image à part entière : un champ jaune sur lequel est posé un lion noir. Elle
n'a aucunement besoin d'être peinte, dessinée ou gravée pour devenir une
armoirie puisque la description, verbale ou écrite, de la position des pièces (selon une
formalisation tout aussi stricte que celle donnée lorsqu'on blasonne un écu) est par nature
l'autre, et sur le tout d'azur à une fleur de lis d'or» ^7 [g description d'une position
«Blancs : Rhl, Ta8 : Noirs : Rd4» (qui se prononce «Roi blanc en hl , Tour blanche en
a8. Roi noir en d4») n'est en rien moins complète, moins significative que le dessin du
diagramme correspondant.
-^^ cf Mai gne. Abrégé méthodique de la science des armoiries. 1885, réédition 1991
151.
89
w w w F"
'^ tí
t * q I*
Il n'est pas plus pertinent dans la lecture d'un diagramme de considérer que la
couronne est surmontée d'une croix latine ou maltaise, que le cheval porte ou non
crinière, etc., que de s'attacher aux petites variations de formes que l'artiste héraldiste
impose aux meubles. Seul compte le fait de pouvoir identifier une idée abstraite et
précise. Pourtant, les signes typographiques échiquéens n'en restent pas moins contraints
des paradoxes qu'un système qui n'avait pas un besoin absolu de signes graphiques ait
emprunté certaines de ses formes graphiques à un système qui n'en avait pas non plus
besoin...
90
Chapitre III
Parmi les histoires ou anecdotes que lesjoueurs d'échecs connaissent par lecture ou
L'auteur de l'une d'entre elles, pâme dans le célèbre British Chess Magazine^ en 1925,
raconte ainsi comment il a éprouvé, à l'aide du jeu d'échecs, les capacités de clairvoyance
d'un médium:
Je lui demandai d'essayer déjouer une partie sans voir l'échiquier ; mais à la
différence du jeu dit «à l'aveugle» je ne devais pas lui dire les coups que je
faisais. Il s'assit à l'écart derrière un rideau l...] (tpm, British... 1986 : 23) 2.
Une partie de ce chapitre a donné lieu à la rédaction d'un article intitulé "L'espace écrit
des joueurs d'échecs" (pam in D. Fabre (sous la dir. de) 1997 : 219-239).
' Parmi les différentes revues échiquéennes, le British Chess Magazine fait preuve d'une
longévité exceptionnelle puisque cette revue, fondée en 1881, existe toujours. Le
récit qui va suivre témoigne par son histoire éditoriale de l'intérêt qu'il suscite pour
la culture échiquéenne. Cet article signé par le Major C. C. Colley est pam dans le
numéro d'octobre 1925 avec une introduction qui précise qu'il a été repris du vol.
IV, n°l, April 1925 du Quaterly Transactions of the British Collège of Psychic
Science (je n 'ai pas pu vérifier l 'existence de cet article initial). Mais cet article attire
toujours l'attention des joueurs contemporains car il a été reproduit dans une petite
anthologie de textes du British Chess Magazine qui a été imprimée en 1986. (C'est
ce demier locus que j'utilise comme référence).
2 Comme ce chapitre conceme des notions peu évidentes et met perpétuellement enjeu
des abréviations, un certain nombre de citations dont le texte original est en anglais
ou en allemand se trouvent traduites en français. Le sigle "tpm" (c'est-à-dire, traduit
par moi) signale ces traductions.
91
facultés en poursuivant pendant plus de 50 coups cette partie qui pour une raison
extérieure se trouva suspendue. Comme le médium vint à mourir peu de temps après,
la partie resta donc inachevée. L'histoire, déjà fort surprenante, se poursuit en relatant
qu'en 1913 (la partie n'est elle-même l'objet d'aucune datation) parvint une lettre qui
transmet à l'auteur un message reçu à son intention lors d'une réunion de spiritisme. Le
texte en est énigmatique puisqu'il ne comprend que ces 4 signes : «TR x C».
Sibyllin, ce message n'en est pas moins porteur d'un sens que l'auteur, en tant que
joueur d'échecs, décrypte aussitôt comme «la Tour du Roi prend le Cavalier» et ce coup
s'avère être, en référence aux notes conservées sur la partie inachevée, une nouvelle
réplique du médium. 11 s'agit même d'un «bon coup» ^. Restant dans l'espoir de pouvoir
«Je n'ai pas besoin de dire que le message était dépourvu de signification
culture échiquéenne. 11 montre, en premier lieu, que l'écriture préserve de l'oubli les
^ Bien que l'histoire ne donne ni la partie, ni la position atteinte à l'arrêt du jeu, on peut
Le coup indiqué par l'auteur de l'article ou, si l'on préfère, le coup transmis par le
médium décédé possède donc une puissance évocatrice qui concourt au succès de
cette histoire auprès d'un public averti qui non seulement y reconnaît une forme
correspondre. En bref, le lecteur, s'il est bon joueur d'échecs, est invité à prendre
parties du passé car le joueur conserve une trace écrite des parties qu'il a disputées.
L'intérêt d'une telle démarche pour le développement d'une science échiquéenne est
évident. A l'enregistrement des parties se marie, en second lieu, l'idée que la notation des
possibilité déjouer ou de commenter une partie sans la présence simultanée des deux
adversaires. Les parties «par correspondance» opposent ainsi des personnes éloignées
qui ne se connaissent souvent pas de vue. Sans aller enfin jusqu'à considérer que ce
moyen de communication dépasse les limites humaines de la vie sur Terre en permettant
de poursuivre des parties avec l'au-delà '*, il est certain que les notations échiquéennes
fréquemment des ouvrages publiés dans des pays dont ils ignorent la langue.
des coups aux échecs ne répond donc pas aux caractéristiques classiques d'un objet
Il existe aussi d'autres histoires, du même genre mais inversées, où une série de
questions posées à un grand joueur défunt par l'intermédiaire d'un soi-disant
capable de foumir une réponse aux questions anodines tout d'abord posées («By
the way, Mr. Hammond, do you play chess up there?» «Frequentiy, Mr. Stone»
(...] «Now that you know all about chess, may I ask you kindly to relieve my mind
of a harassing uncertainty?» «Certainly, Mr. Stone, I will answer you with the
pose à l'esprit dont il se fait l'interprète une question précise («Well, George, old
boy! Who was right you or me? What IS [sic] White's best ninth move in the
apologue fut écrit par Franklin K. Young ; il est reproduit dans Reinfeld 1951 : 30-
33).
93
notation des coups, autrement dit la description du mouvement des pièces sur l'échiquier,
n'offrirait a/7nV>n que l'illustration du principe d'économie qui réduit le mot "Cavalier" à
son initiale.
Les faits ne s'accordent cependant pas avec ces hypothèses car le jeu d'échecs
déploie sur le sujet de la notation des coups une diversité qui induit à en vérifier les
universelle, a en effet longtemps coexisté avec d'autres systèmes dont les plus notoires
sont la «descriptive» et r«italienne» -''. Le point capital est donc ici de déterminer si ces
divers systèmes sont constmits selon une même stmcture (comme dans le cas irréaliste de
deux langues qui partageraient une même grammaire et ne se distingueraient que par les
identique dans l'autre langue) ou s'ils mettent en jeu des principes radicalement
divergents.
Sans s'attacher déjà aux détails des différents systèmes, un argument de poids en
faveur d'une réelle hétérogénéité est foumi par les commentaires en forme de rejet que les
partisans de ces systèmes ont posés sur les notations concurrentes. Si au XIX^ siècle tel
(Hooper 1988 : 227), tel autre joueur du XX^ siècle, adepte de r«algébrique», verra
quant à lui dans la «descriptive» la «notation contre nature de l'ancien temps» {British...
1986 : 85). L'algébrique elle-même ne s'imposera pas sans mal vers 1930 en France
On trouvera dans les différents dictionnaires d'échecs une entrée "notation" qui enumere
les principaux systèmes. L'excellent Oxford Companion to Chess de Hooper et
Son nom vient de ce qu'elle fut utilisée (mais pas exclusivement) par des auteurs
italiens.
94
et vers 1980 en Angleterre car certains la jugeaient trop «formelle» et pas assez
représenter par des signes l'espace de l'échiquier. Des psychologues de l'enfance, des
historiens de l'art ou des historiens de l'Antiquité (Piaget, Francastel, Vemant, ...) nous
ayant convaincus pour leur domaine d'étude que l'espace ne peut être réduit à une
expérience des sens car il résulte avant tout d'une constmction de la pensée, il semble
science échiquéenne. Bien que n'appartenant pas au champ scientifique officiel, le jeu
sommes livresques, mis à jour dans les revues spécialisées, systématiquement éprouvé
lors de ces expériences de laboratoire que sont les matches et les toumois. Aussi peut-on
partager l'opinion des joueurs de compétition qui estiment que leur jeu possède non
seulement les caractéristiques d'un «combat» mais aussi les traits distinctifs d'une
«science» ^.
^ On remarquera que ces deux demières citations sont extraites d'une anthologie pâme en
1986 alors que les joueurs anglais venaient tout juste d'adopter la notation
^ L'idée du jeu d'échecs comme science absolument, il faudrait mieux dire "comme
XVIIIe siècle et qui fut l'auteur d'une Analyze des échecs (1749), véritable succès
d'édition échiquéenne. Comme le remarque Jean Biou dans son article sur "la
d'entrée que ce qui était considéré jusqu'alors comme jeu. noble certes, voire royal,
1777 parces mots : «je crois avoir perfectionné la théorie d'un jeu que beaucoup
d'auteurs célèbres, tels que Leibniz, etc., traitent de science.» (cité par Biou 1976 :
L'étude des modalités d'inscription des coups d'échecs présente au titre d'une
épistémologie des sciences une valeur exemplaire dans la mesure où elle conceme un
d'observation. S'il ressort de cette analyse que noter un coup nécessite en fait de penser
spatialité et qu'on ne peut donc pas parler d'une simple transcription du réel sur le papier,
le cas échiquéen apparaîtra comme un jalon dans le projet de «sociologie des sciences»
«La pensée scientifique doit être étudiée également à partir des langages, des
échiquéenne en la mettant en rapport avec son histoire et proposera une analyse détaillée
que le problème que doit résoudre la notation des coups n'est pas excessivement
complexe. Dans ce jeu, deux joueurs font évoluer leurs pièces sur un échiquier de 64
cases dont chacune contient au plus une seule pièce. Les deux camps (nommément les
Blancs et les Noirs) disposent de 6 types de pièces (le Roi. la Dame, la Tour, le Fou. le
Cavalier et le Pion) qui se distinguent par leur mode spécifique de déplacement (le long
des colonnes, des diagonales, etc.). A l'expérience, il apparaît qu'une légère difficulté
réside cependant dans le fait qu'il existe plusieurs pièces de même nature et en particulier
8 pions dans chaque camp : tout système de notation des coups est donc confronté au
effectuent, l'un après l'autre, leurs coups en ne déplaçant à chaque fois qu'une seule
pièce '^. Lors de la capture d'une pièce adverse, la pièce qui prend occupe la case de la
pièce prise ' ". Enfin, le but du jeu est de prendre ou plus exactement de mettre «échec et
Cette rapide évocation des règles du jeu d'échecs resterait pour notre sujet
incomplète s'il n'était fait mention de la révolution que celles-ci connurent en Europe à la
fin du XV^ siècle. Le Fou et surtout la Dame bénéficièrent en effet à cette époque d'un
'^ La seule exception conceme, dans le jeu actuel, le mouvement du «roque» qui consiste
en un déplacement simultané de la Tour et du Roi. Chaque camp ne peut roquer
'" Excepté dans la «prise en passant», mouvement relativement rare où le pion prend un
pion adverse (qui vient de se porter en avant de deux cases) comme si ce demier
' ' Certains auteurs ont avancé d'hypothétiques raisons à ces modifications : le rôle de
certaines femmes célèbres de l'époque (Caterina Sforza...) a ainsi été mis en avant
97
lenteur de ses pièces, un long préambule avant que les camps entrent en contact, le
nouveau jeu, appelé à son origine du nom évocateur d'«échec de la reine enragée», plaçait
même être échafaudées dès les tout premiers coups ainsi que le réalisa l'auteur du Jeu des
du jeu d'échecs :
Si cette manruvre appelée de nos jours «coup du berger» ' ~ fait, de par son aspect
primesautier, sourire tout joueur de compétition, il n'en reste pas moins que cet
compte de l'action à longue portée du Fou et de la Dame (cf. Murray 1913 : 778-9)
L'historien Richard Eales ( 1985) a fait justice de ces hypothèses qui ne reposent sur
du nouveau jeu ne foumissent aucun élément sur son origine tant géographique
qu'historique.
Aussi me permettrai-je juste de faire remarquer que les nouvelles règles de déplacement
'2 En notation algébrique, la manvuvre consiste en ces coups : 1. e4, ... 2. Fc4, ... 3.
Df3, ... 4. Dxf7 mat. Bien que le fondement de cette appellation de «mat du
ignoré de tous. Dans son essai autobiographique sur les échecs, Francis Szpiner se
203) qui utilise l'expression «échec au berger» queje n'ai jamais entendue ni lue
98
que tout débutant redécouvre lorsqu'il s'inquiète de savoir quel est le meilleur coup pour
débuter la partie. Faute de pouvoir dégager le meilleur coup (qui aurait d'ailleurs signifié
à terme la fin du jeu d'échecs), les joueurs commencèrent à répertorier ceux que
ailleurs : le «berger» serait le pion (f2 ou f7) qui protège son roi et l'expression
«mat du bergep> pourrait donc être glosée par 'le mat subi par la prise du pion qui
Aussi, pour comprendre cette expression, faut-il peut-être orienter l'analyse vers la
signification culturelle qui est portée par l'éponyme de ce coup célèbre. La phrase
synthétique par laquelle Daniel Fabre a résumé ses travaux sur le rapport (réel et
imaginaire) des bergers à l'écriture est pour notre sujet particulièrement évocatrice
car elle met en évidence une ambivalence qui est peut-être constitutive dans
l'appellation de ce mat. La «figure [du berger|, écrit-il, est faite de cette dualité :
entre oral et écrit, entre idéogramme et alphabet, entre populaire et savant» (1993 :
"savante", qu'un joueur puisse inventer de lui-même ; d'un autre côté, le procédé
est si naïf que les manuels d'ouvertures ne le mentionnent même pas. La traduction
anglaise de «coup du berger» conforte d'ailleurs cette hypothèse car il faut entendre
dans «scholar's mate» (l'expression date au moins de 1640. cf. Murray 1913 : 832)
non pas le mat de l'émdit, mais le mat de l'écolier (scholar provient de l'ancien
français escoler), autre figure évoluant entre savoir et non-savoir. (Avec «das
' ^ De fait, l'écriture servait déjà dans la civilisation musulmane à transcrire certaines
Cette diffusion du savoir livresque répondait, dans la société échiquéenne. à deux intérêts
complémentaires : les faibles joueurs y trouvaient des conseils ; les forts joueurs
99
livres «théoriques» qui constituent la base de toute bibliothèque de joueur. Une bible de
référence comme le Batsford Chess Openings présente ainsi (dans la deuxième édition qui
date de 1989), en 4(X3 pages d'une typographie fine et serrée, les principales lignes
d'ouvertures exemplifiées par les premiers coups de plus de 10 (XX) parties. La mise en
page de ces coups qui imbrique les parties les unes dans les autres fait clairement ressortir
d'échecs furent-ils manuscrits et donc réservés à l'usage exclusif des patrons pour
Le point important est que le jeu commença à changer de nature à partir du moment où il
devint objet d'écriture : un savoir cumulatif s'est graduellement mis en place qui
produisant). Ceux-ci ont dès lors constitué une sorte de groupe social qui sert de
référence à ceux qui sont au contact de cette littérature mais la maîtrisent moins
bien.
'"^ Dans son étude sur Isaac Newton, Verlet note que l'autonomie des divers champs du
échecs, l'autonomie est d'une certaine manière totale, absolue, puisque les
des finales : inversement, il ne semble guère possible de réinvestir par ailleurs les
'-^ Les succès qu'enregistrent encore en 1996 les meilleurs joueurs mondiaux en face de
6 7 8 9 10 II 12 13 14
: ,^
10 Jtd2 .^xd2+ 11 eixd2 ± Danner-Velikov, 9 ... i.b4+ 10 áLd2 Axd2+ 11 «5xd2 0-0
Albena 1983 12 0-0-0 i Chandlcr-Torre, Hastings 1980-81
' 7 j¡í.d2 0-0 8 h3(8 0-O-0c5 9cdcd 10 Ael " 10 ... »e7 U l.f4 i.b4+ 12 Ad2 Axd2+
c4 1 1 g4 Íib6 1 2 h3 Be8 1 3 l.g2 l.d7 + Bischoff- 13 «)xd2 t M.Gurevich-Novikov, USSR 1982
Pimer. Plovdiv 19831 8 ... ab 9 0-0-0 b5 10 c5 " 15 Ad3 A.xd3 16 SxdS ««6 17 b3 a5
Ac7 11 g4 b4 00 Djuric-Petursson. Ljubljana 18 Bhdl a4! 19 d7 BdS 20 Ag5 oo Schneider-
1981 Chekhov. USSR 1982
8 ... a6 9 0-0 e5 10 cd cd 1 1 de Çixc5 1 2 .ib2 '- 7 Ad2 We7 8 0-0 dc 9 Axc4 0-0 10 Ç5e2
£.eb (12 ... jLg4!'') 13 Sacl ac8 14 Wbl î Axd2 1 1 'B'xd2 b6 12 Sfdi Ab7 13 Çic3 c5 =
Porti&ch-Kasparov. Dubai Ol 1986 Sahovic-Tal, Lvov 1984
8 ... e5 9 cd Cxd5 10 tixdS cd 1 1 de «íxe5 7 0-0 0-0 8 Ad2 «07 (8 ... Ad6 9 *c2 dc
12 Ab2 .fi.b4+ 13 *ri Íixf3 14 AxfS Ae6 10 Axc4 e5 11 Sael »e7 12 h6 13 ©ge4
15 Í|rd3 i.c7 16 *c2 llCaS 17 Shcl â Portisch- Ac7 14 d5 i/i Larscn-Flear. London 1985)
Húbner. Brussels 1986 9 a3 Ad6 10 c5 Ac7 11 e4 de 12 Axe4 eixe4
" U ... ed 12 cd «.fR 13 á.d3 Ü.g4 14 «1=5 13 Çixe4 Bd8 14 ÜCcl ± Portisch-Hübncr,
Ü.xe5 15 dc ft6d7 oo DraJko-Svcshnikov, Tilburg 1986
Sarajevo 1983 " 7 ... I.d6 8e4dc9 Çjxe4 10 á.xe4e5
13 Sadl íire 14 c5 á.c7 15 ílc4 íig6 oo 11 0-0 0-0 12 Ac2 Se» 13 Sel ± Kasparov-
Kurmin-Taiai. Dortmund 1981 Hubner. Brussels 1986
" 15 iLxf3 Çig4 16«)fl »h4(16.. «g5 17 c5 " 9 ... met 10 cd cd 1 1 Ad2 Axc3 (11... «dS
124
Dans les livres mais aussi dans l'esprit des joueurs en train déjouer, toute partie
renvoie à d'autres parties qui ont débuté de la même façon, qui ont connu telle manbuvre
nécessairement à l'aide d'un échiquier. Il arrive ainsi qu'un joueur découvre à l'occasion
d'une partie «officielle» la "réalité" des coups dont il avait appris précédemment la liste
'^ C'est le texte écrit qui nourrit cette mémoire de joueur d'échecs que le profane tient
' ^' On remarquera que l 'apprentissage des ouvertures s'appuie davantage sur la "liste" des
coups (autrement dit. sur une suite dynamique) que sur les "tableaux" de l'échiquier
partie à l'aveugle).
'^ L'importance de la mémorisation subit des variations très importantes d'un joueur de
compétition à l'autre. Mais même relativement "peu" développée, cette faculté est
cognitive aux échecs d'Isaac Getz (1996) n'apportent que peu d'éléments à la
perspective ici développée car ils reposent sur des expériences décontextualisées qui
Résumant les travaux du psychanalyste et grand maître d'échecs Reuben Fine. Dextreit et
jeu d'échecs à l'aveugle qui nécessite une amplification des processus mémoriels à
l' dans toute partie ordinaire. Ils écrivent que pour Fine «le phénomène
d'abord il faut une excellente connaissance de l'échiquier et des pièces, [...]; cette
plus renforcée par la réglementation officielle qui proscrit l'usage de tout livre ou de tout
articles les règles fondamentales du jeu d'échecs comme le déplacement des pièces ou
joueurs». A l 'article 1 5. composé de quatre interdictions dont deux ' ^ directement liées à
l'usage de l'écriture, on opposera un dessin qui exprime sur un ton humoristique le même
interdit :
suites de coups, en notation spéciale, qui traduisent des idées dans la pratique
de coups que représente une phrase clé du type «un gambit Dame refusé où les
Blancs développent une attaque de minori té à l'aile Dame». "(Dextreit et Engel : 91-
92).
Euwe 1973 : 240) permet de saisir le type de partie qu'un joueur d'échecs imagine à
pratiques dont la dénonciation n'est pas théorique mais correspond à des faits
d'observation, on trouve «noter un coup sur sa feuille et en jouer un autre puis répéter la
mannuvre», «ajouter des coups sur sa feuille pour tromper son adversaire», «demander
des avis, ou consulter des notes ou des livres dans les points de vente» (Échec et Mat,
mai-juin 1996 : 38). Pour comprendre ce demier interdit, il faut savoir que toutes les
grandes compétitions échiquéennes accueillent dans leurs murs les stands des libraires
spécialisés ; souvent aussi des joueurs venus de l'Est emmènent dans leur bagage
quelques livres qu'ils cherchent à revendre et qu'ils étalent sur le coin d'une table. Dans
104
le mouvement de dépit qui suit une défaite rapide due à la méconnaissance d'une
ouverture particulière, le joueur est souvent prêt à investir une centaine de francs pour
pallier à cette insuffisance qui s'est brutalement révélée à lui ; dans les dizaines de livres
ou d'opuscules sur les différentes ouvertures qui s'offrent à lui, il trouvera sans doute la
qu'est le toumoi d'échecs attire donc aussi les "marchands du temple". Comme ces
que lesjoueurs se déplacent durant la partie librement, la tentation se trouve donc à portée
d'ouverture, pourquoi ne pas en profiter pour vérifier si les coups déjà joués dans ma
partie sont bien ceux qu'un Kasparov recommande ? Est-ce ma faute si l'uil suit la ligne
des coups au-delà du stade atteint par la partie ? Moins casuistes, d'autres joueurs se
livrent franchement à une véritable recherche bibliographique sur la ligne de jeu adéquate
car «trop dangereuse» (Hartston 1976 : 95). C'est sans doute la leçon qu'a tirée de sa
ouvert traversa l'immense salle et déposa le tout dans un grand fracas sur
le bureau de l'arbitre ! Celui-ci n'eut plus alors qu'à infliger une défaite
Afin de prévenir ces agissements, liés essentiellement à la théorie des ouvertures 2^',
les arbitres ont imposé, à la suite d'événements comme celui de Puteaux, que les libraires
n'en reste pas moins délicate dans la mesure où l'accès aux rayons des livres n'est pas
formellement interdit aux joueurs. Une telle interdiction serait d'ailleurs difficile à mettre
en uuvre pour plusieurs raisons. Les marchands de livres font tout d'abord partie, à
l'heure actuelle, des rares sponsors de ces compétitions ; les organisateurs ne peuvent
donc les écarter. 11 est de plus impossible de distinguer de visu un visiteur d'un
compétiteur, ou encore un joueur qui a déjà achevé sa partie d'un joueur qui l'a à peine
pouvant apporter une aide au joueur et ceci place l'arbitrage dans la difficile situation de
devoir estimer s'il existe un rapport possible entre le texte parcouru et la position du
joueur sur l'échiquier. Certains compétiteurs estiment avoir ainsi fait injustement l'objet
de sanctions infligées par des arbitres qui dévoilèrent, selon eux, à cette occasion leur
2" A l'issue de l'ouverture, les positions sont trop variées et trop complexes pour qu'un
livre. En fin de partie, quand il ne reste presque plus de pièces sur l'échiquier, le
rapprocher cet interdit de la première heure des règles similaires qui ont cours pour
les examens.
22 Lors d'un tournoi, toutes les parties débutent simultanément mais certaines peuvent
être terminées quasi immédiatement si les deux adversaires s'accordent par exemple
sur la partie nulle, ou si une «gaffe» compromet définitivement la situation d'un des
deux camps.
-^ Ces discussions quant à l'application de la règle manifestent aussi une certaine tension
entre d'un côté lesjoueurs et de l'autre côté les arbitres. La critique que certains
joueurs émettent à l'endroit des arbitres se focalise sur le fait que ceux-ci ne
sauraient pas jouer et se vengeraient des joueurs par une application aveugle du
106
Il faut bien remarquer l'aspect absolu de cet interdit à I'encontre de l'écriture comme
arbitres, ceci traduit davantage qu'un esprit d'équité entre les compétiteurs. Cette règle de
proscription s'applique en effet à toute «partie officielle» sans souffrir aucune exception.
Il n'y a pas, à la différence des examens scolaires et universitaires qui sont animés d'un
même principe de justice entre les candidats, possibilité de disputer des parties où
échiquéenne va jusqu'à condamner l'idée que la pensée puisse être soutenue par du
papier. L'article 15. déjà cité, précise en effet que «La prise de notes, pouvant servir
d'aide-mémoire pour la suite de la partie, est également interdite» (spm). Cela signifie
concrètement que le joueur ne peut pas conserver trace des cogitations auxquelles il se
livre et, plus précisément, des suites de coups qu'il calcule. Cette impossibilité de
qui suit la fin de la partie, il n'est pas exceptionnel qu'un des deux adversaires confesse
avoir prévu une réplique particulièrement forte mais l'avoir ensuite oubliée. Ni plan, ni
brouillon, le texte écrit se trouve donc réduit pendant la partie au rôle de témoignage. Par
son apparence plus subtile, cette seconde forme d'interdit confirme donc bien que le texte
écrit n'est pas simplement prohibé par souci de conserver pour tous les compétiteurs des
chances égales. A travers ces différentes expressions d'interdits se joue en fait un conflit
entre mémoire humaine et mémoire écrite d'où il ressort que le jeu d'échecs doit, en tant
que jeu de réflexion par excellence, manifester l'exercice d'une pensée à l'état pur,
autrement dit d'une pensée indemne de toute contamination par l'écriture. Le temps de la
partie, la pensée échiquéenne veut se croire affranchie de ce qui lui donne sa substance.
règlement. Les arbitres répliquent de leur côté en affirmant que lesjoueurs sont
essentiellement de «grands enfants» et qu'il faut pour leur bien les éduquer.
d'effectuer le «grand roque» est classique en ce qu'elle est porteuse d'une morale
qui justifie la nécessité de l'arbitrage : même les «grands maîtres» ignorent certaines
Sous leur aspect à première vue "rationnel", les interdits du jeu d 'échecs expriment donc
Toute règle laisse généralement une marge de manmuvre. Pour le cas qui nous
intéresse ici, cette latitude permet à certains de suivre une recommandation bien connue.
En inscrivant sur sa feuille de partie le coup qu'il va jouer avant de le réaliser sur
l'écriture. Le coup écrit se dégage de la pensée, s'objective, sans attentera la règle «pièce
touchée, pièce jouée». Le manque de justesse d'un coup programmé peut ainsi sauter aux
yeux du joueur qui dispose ensuite toujours du loisir d'effectuer un autre coup. Mais en
procédant ainsi, le joueur atteint les limites de ce qui lui est autorisé et nous avons déjà
cité cet arbitre qui mentionne parmi les pratiques condamnables celle qui consiste à «noter
tout au moins de re-création, dans laquelle se trouve tout joueur. Aussi, en même temps
ne savent que «réciter» des ouvertures étudiées et se trouvent désemparés dès lors que
«J'ai connu des Joueurs d'Échecs qui savoient tout le Calabrois "^^ & d'autres
Autheurs par cpur. & qui, après avoir joué les 4 ou 5 premiers coups, ne
--^ Cette pratique d'inscription s'accompagne assez souvent d'une petite cachotterie : afin
que l'adversaire ne puisse pas commencer à réfléchir sur le coup déjà noté mais pas
encore joué, le stylo du scripteur est posé sur la feuille de partie afin de recouvrir le
mouvement en cours d'analyse. Dans le cas d'un coup extraordinaire (un sacrifice
par exemple), l'effet de surprise est ainsi garanti. (Ce procédé est évidemment lié au
«Calabrais» passa dans le vocabulaire commun pour désigner tout livre d'échecs.
Il faut bien sûr comprendre que ce ne sont pas les coups appris qui sont critiqués
mais l'incapacité du joueur à les faire vivre en inventant une suite adéquate. L'originalité
et la valeur de l'Analyze des échecs de Philidor (qui connut plus de 100 rééditions)
viennent d'ailleurs de ce que son auteur n'y a pas enseigné des coups à répéter mais des
faire un texte "mort", les manuels d'échecs offrent néanmoins à ceux qui les «travaillent»
la voie royale pour progresser dans la maîtrise du jeu. Composante rituelle d'une
pratique en rapport au texte écrit. Lire un livre (ou un magazine) d'échecs, regarder sur
l'échiquier des coups qui ne sont pas mentionnés dans le livre et chercher à comprendre
pourquoi ils ne sont pas signalés, résoudre des diagrammes de position, se constituer un
séance de jeu) sur son initiateur, un certain Bagueret, l'a rendu (dans les années
j'achète le calabrais ; je m'enferme dans ma chambre ; j'y passe les jours et les nuits
à vouloir apprendre par ciur toutes les parties, à les fourrer dans ma tête bon gré
mal gré. à jouer seul sans relâche et sans fin. Après deux ou trois mois de ce beau
Je m'essaie, je rejoue avec M. Bagueret : il me bat une fois, deux fois, vingt fois ;
Mais la méthode proposée par Philidor ne semble pas avoir convenu davantage à
Rousseau qui poursuit en effet : «Toutes les fois qu'avec le livre de Philidor ou
celui de Stamma j'ai voulu m'exercera étudier des parties, la même chose m'est
arrivée, et, après m'être épuisé de fatigue, je me suis trouvé plus faible
Les libres propos de ce grand écrivain doivent consoler tous ceux qui, de nos jours,
possèdent une connaissance approfondie des ouvertures, ont mémorisé une quantité
anciennes «feuilles de partie» pour analyser l'origine de ses défaites : c'est cela
«travailler». Ce n'est pas travailler en revanche que de passer une après-midi à disputer
des parties contre un adversaire chevronné ou même que de participer à une longue
compétition qui dure une semaine et qui peut rapporter des monnaies sonnantes et
trébuchantes.
"culture" échiquéenne. La connaissance technique du jeu d'échecs (mais aussi une grande
part de son folklore, de ses histoires drôles...) étant à la portée de chacun dans les livres
et les revues, il est légitime de se demander si le «monde des échecs» ne constitue pas,
malgré cette appellation antonyme, un ensemble aux contours flous dont les membres se
Une ligne de partage reposant sur l'usage de l'écriture se fait pourtant sentir car le joueur
n'est reconnu appartenir à ce «monde des échecs» qu'à partir du moment où il devient lui-
même ce que l'on peut appeler, à la suite de Latour (1988 : 42), un «inscripteur». Tout
compétiteur d'un tournoi se trouve en effet dans l'obligation d'inscrire les coups de
chacune de ses parties : «Durant la partie, chaque joueur doit noter les coups (les siens et
ceux de son adversaire) en notation algébrique au fur et à mesure de leur exécution, sur la
26 Le développement actuel de cours d'échecs s'adressant à des joueurs tant novices que
occidentale contemporaine mais apportent aussi une certaine nuance par rapport à
feuille de partie prévue pour la compétition, d'une manière aussi lisible que possible
Dans le cadre des parties officielles, cette règle ne subit, pour ainsi dire, pas
d'exception. La seule véritable dérogation est à rapporter à cette autre grande composante
de la culture échiquéenne qu'est le temps. Nous verrons ainsi, dans le chapitre relatif à ce
sujet, que lorsque le joueur ne dispose plus que d'une quantité réduite de temps, il est
ce que ce ne soit pas celle-ci qui provoque la défaite du joueur par dépassement du temps
de temps bien sûr (c'est le «zeitnot»), mais aussi manque d'écriture et de lecture puisque,
à ce moment, son adversaire dispose alors du droit tacite de lui refuser l'accès à sa propre
comptage des coups, et que le joueur est en «manque de temps» jusqu'à ce qu'il ait
réalisé le 40^ coup 2^, il est intéressant de remarquer que le joueur qui a cessé de noter
revient souvent à des méthodes de comptage d'apparence plus "primitive" : à la place des
coups, il tire simplement des traits sur la feuille de partie, ou encore il utilise les pions
pris à l'adversaire (ou ses propres doigts) pour chiffrer le nombre de coups qu'il reste à
effectuer avant la limite salvatrice. On ne peut cependant reconnaître dans cette fruste
manière de compter les coups le prototype archaïque de la notation car de telles recettes
historique apporte une confirmation à ce raisonnement stmctural car la notation des coups
2^ A ce moment, l'adversaire qui continue à noter les coups n'est pas tenu de lui montrer
spectateur n'a le droit d'apporter une aide au joueur, ce demier se retrouve donc
seul pour estimer s'il a ou non atteint le 40^ coup. La question est évidemment
cmciale car si la quantité de temps alloué est épuisée avant que ce 40^ coup n'ait été
effectué, la partie est alors perdue. Aussi l'affolement du «zeitnot» (i.e. du manque
de temps) associé à cette ignorance du nombre exact de coups joués peut-il amener
a précédé l'invention de la pendule dont seul l'usage a entraîné l'élaboration de cette règle
du 40^ coup2'A
Le cas des tout jeunes enfants constitue un autre type d'exceptions d'une
importance vraiment secondaire mais significative quant aux limites qu'il pose. Dans sa
prenne pas note des coups joués ^". Il faut dire que le joueur en question n'avait pas vu
plus de six printemps... J'ai personnellement assisté à une partie du championnat de Paris
qui bénéficiait du même "privilège"... Accidentelles dans les compétitions qui ne sont pas
réservées aux plus jeunes, de telles occurrences permettent de bien réaliser le caractère
absolument obligatoire de la notation des coups. Seuls les cas relevant quasiment de la
puériculture ^ ' permettent de lever l'inaltérable commandement "tes coups et ceux de ton
2'^ Il serait en revanche possible de voir dans la règle des «50 coups» une des sources
possibles de la notation échiquéenne. Cette règle (qui n'a aucun rapport avec celle
du 40^ coup) sert à poser un terme aux man'uvres infmctueuses d'un joueur qui
s'obstine à chercher un gain qu'il ne sait ou qu'il ne peut réaliser. Selon cette règle,
quand 50 coups ont été effectués de part et d'autre sans qu'un pion n'ait bougé ni
qu'une prise n'ait eu lieu, la partie peut en effet être déclarée nulle. Cette règle est
ancienne et existe dans certaines formes orientales du jeu d'échecs. Bien que
partie, chaque joueur doit noter les coups en notation algébrique au fur et à mesure
de leur exécution sur la feuille de partie prévue pour la compétition» (ElOl/l 1.1 )
trouve cette importante précision : «Un règlement trop détaillé priverait l'arbitre de
solution juste, équitable et dictée par des facteurs particuliers.» (cité par Delboë
1996 : 8-9).
De plus, l'organisation d'une compétition est telle (en particulier avec le «système
suisse») que jamais un très fort joueur n'aura à jouer contre un enfant aussi jeune ;
adversaire, tu écriras". Il n'y a pas, aux échecs, d'analphabètes -^2 ; l'éventualité d'un
joueur adulte ne sachant pas écrire n'est pas prévue par le règlement et j'avoue ne pas
savoir quelle serait aujourd'hui le comportement d'un arbitre qui se trouverait réellement
confronté à une telle situation. Il est probable que son sens éducatif (on trouve parmi les
démuni les rudiments de l'écriture ^-^. Interrogé sur un tel cas de figure, un arbitre a, par
exemple, répondu aussitôt : «j'organise des leçons d'écriture» puis, dans l'instant qui
envoies une feuille d'inscription». Mais forcé de reconnaître que les compétiteurs
d'arbitrage (et en réglant les frais en espèces), il conclut que si jamais il découvrait au
sera en effet «apparié» au mieux qu'à un adversaire situé au milieu du tableau des
classements ; à l'issue de deux ou trois parties, il n'affrontera plus que les joueurs
marges du tournoi.
^2 Les feuilles de parties peuvent par contre être entachées de nombreuses erreurs
souvent des fautes d'inscription (une case pour une autre, l'oubli du signe de la
verrons plus loin l'origine de cette demière impropriété ...) qui sont dues à leur
Mais même un fort joueur peut oublier la marque d'un mouvement : les coups des
Blancs et des Noirs se trouvent alors inversés par rapport à leur colonne respective.
rétablissant la bonne «couleur» (et le bon numéro d'ordre) des coups ainsi "fautifs"
-^-'' Les compétences en matière d'écriture réclamées par la pratique du jeu de compétition
sont évidemment réduites, et il est possible que certains joueurs que les normes de
l'Unesco considéreraient par ailleurs comme "illettrés" s'en acquittent fort bien. (Je
On raconte que la pratique des échecs fut encouragée en Union Soviétique après la
Révolution pour deux raisons : c'était d'une part un moyen d'écarter l'énergie
cours de la première ronde qu'un joueur est incapable de prendre note des coups joués, il
lui «rembourse les sous [et l'exclut donc du toumoi] ; y a pas d'autres solutions ; [sinon]
Il n'y a pas, aux échecs, d'analphabètes, ou plutôt il n'y en a eu, au XX^ siècle,
qu'un seul. Dans le panthéon des champions d'échecs de l'époque modeme se trouve en
effet une figure solitaire connue pour être «the greatest natural player of modem times»
(spm, Hooper 1988 : 336). Natif du Punjab, Mir Sultan Khan (1905-1966) devint vers
1930 un des meilleurs joueurs mondiaux bien qu'il soit connu pour n'avoir jamais su lire
ni écrire 3'*. Ce cas singulier constitue évidemment en lui-même l'exception qui confirme
la règle : de nos jours, on ne peut être devenu fort joueur d'échecs, et afortiori «grand
maître» comme le fut Sultan Khan, sans avoir «travaillé» les échecs-^-'*. En comparaison
du schéma classique des jeunes calculateurs prodiges dont Dominique Blanc a montré que
l'émergence est historiquement liée à l'accès de tous à l'école. Sultan Khan ne peut
évidemment être considéré comme un pur et irréaliste génie naturel dans la mesure où sa
force échiquéenne s'est manifestée au contact des joueurs indiens, anglais et occidentaux ;
aussi, est-ce cette absence de rapport à l'écriture qui justifie le qualificatif «natural
-^ Dans les brèves notices biographiques consacrées à Sultan Khan que j'ai pu consulter,
cette même antienne revient sans qu'il soit jamais précisé s'il s'agit de l'écriture
également les caractères nagari ou arabes. Mais dans la perspective d'analyse ici
développée, le fait important est que Sultan Khan fonctionne comme une figure de
l'illettrisme et il n'est sans doute pas indifférent à cet égard que cette figure
^^ Aussi lorsque le film d'Yves Hanchar, La partie d'échecs, met en scène le personnage
d'un enfant surdoué capable, dès sa première partie, de recréer sur l'échiquier ce
que tout joueur de compétition sait reconnaître comme étant le mat de Legal, le
«spontané» ne peut renvoyer à l'idée d'instinctif (le mat nécessite un calcul précis
de coups) et place donc une telle réalisation au même rang de réalité que la
génération spontanée.
114
playeD>. Des anecdotes liées à la vie de Sultan Khan, il ressort même que cette figure de
l'analphabétisme est porteuse d'un enseignement moral. On en trouve tout d'abord une
variante faible dans la notice biographique de Hooper et Whyld qui mentionne à côté de
Unable to read or write, he never studied any books on the game, and he was
mistakenly put in the hands of trainers who were also his rivals in play, (spm.
Une variante forte est développée dans "l'histoire des champions d'échecs" de
Giffard :
Ce mystérieux hindou |...| constitue un cas bien étrange dans l'histoire des
échecs. Quand, dans l'année 1929, sir Nawab Malik Mohammed Umar
Hoyat Khan poussa la porte d'un club d'échecs londonien, il n'était pas seul.
Son serf (on pourrait dire son esclave) Sultan Khan, suivait derrière. Sir
Hoyat Khan [...] défia quiconque dans le club de battre son employé. La
même année. Sultan Khan [...] était champion d'Angleterre. Génial illettré,
les prix qu'il remporta dans les toumois intemationaux allèrent directement
dans la poche de son patron. Si celui-ci avait besoin de ses services le jour
d'une partie, il lui ordonnait alors de faire rapidement match nul, ou même
qu'il ressentit à être servi à table par un grand maître d'échecs» ! Quand sir
Hoyat repartit pour les Indes, il emmena avec lui son valet, duquel on
II ressort de ces récits biographiques qu'un joueur illettré est tributaire des autres
dépendance.
position de certains joueurs juifs qui tiennent à respecter l'interdit mosaïque du travail le
115
jour du shabbat -^6 Cette attitude pose évidemment problème lorsque, à l'occasion d'un
toumoi étalé sur plusieurs jours, un joueur jusque-là non problématique vient annoncera
la table d'arbitrage que le lendemain, un samedi, il sera présent pour jouer mais que, de
par ses croyances religieuses ou de par son respect des prescriptions rituelles, il ne pourra
s'engager dans ce travail, minime mais néanmoins présent, que représente, selon la
position (et dont l'habillement ne peut les faire qualifier de "fondamentalistes") reste
réduit à la seule mention d'une impossibilité d'origine religieuse ; le cadre est. rappelons-
le, celui d'une salle de toumoi et non pas celui d'une maison d'étude talmudique.
Certains arbitres, vu le nombre très réduit de ces cas (moins de un pour cent), cherchent à
de la rencontre ou en s'assurant qu'il acceptera de bon gré d'être le seul à noter les coups
de la partie ; mieux vaut cependant que la partie en question ne se dispute pas aux
«premiers échiquiers» du tournoi, autrement dit que son résultat ne puisse pas être
déterminant dans les premières places du classement final car sinon le règlement de gré à
gré risque d'être contesté par les autres participants du tournoi. Aussi le corps arbitral
dans sa majorité refuse de considérer que la loi religieuse puisse supplanter, ou même
soit leur religion ou leur opinion philosophique sont censés accepter les règles qui le
jour-là lui a permis d'obtenir ce trait sarcastique est, sauf exception, douteux mais il
marque bien que le règlement échiquéen constitue un système. Si des dérogations peuvent
toujours survenir dans l'application concrète des principes, aucun de ceux-ci ne peut faire
Le lecteur aura deviné de lui-même que lesjoueurs aveugles ^^ sont tenus de noter
la culture échiquéenne '''^. C'est tout d'abord sur la base de ces parties notées, ou plus
précisément de leur résultat, qu'est calculé le classement (Elo) des joueurs dont la liste,
saison sportive (fin septembre - début octobre), l'occasion d'un moment d'effervescence
collective dans les clubs car sa diffusion n'était assurée que par un canal unique : la
Fédération calculait le Elo puis l'envoyait aux Ligues qui, à leur tour, le transmettaient
aux cercles. Lesjoueurs avaient beau téléphoner au secrétariat de la Ligue, ils devaient
attendre que le classement parvienne dans leur cercle pour savoir quelle était leur nouvelle
place dans la hiérarchie des joueurs. Aussi quand le président arrivait dans le local avec la
liste fraîchement parue, tous les membres venus expressément voulaient chacun connaître
leur nouveau classement, celui des autres membres du club, celui d'amis jouant ailleurs,
celui des grands joueurs connus. . . Aujourd'hui, cette occasion d'intérêt collectif a, si elle
existe encore, perdu de sa chaleur car le classement se trouve maintenant accessible sur de
nombreux supports (minitel, revue fédérale, autre magazine spécialisé) auquel les plus
enthousiastes peuvent accéder avant même que le président n'ait reçu la liste officielle.
-^^ Lesjoueurs aveugles ne disputent pas leurs parties «à l'aveugle» mais utilisent des
échiquiers spécialement destinés à leur usage. Les cases de ceux-ci comportent ainsi
des trous dans lesquels viennent se fixer les chevilles situées sous les pièces. Une
-^'^ La feuille de partie sert aussi de preuve des coups joués et de contrat entre les deux
joueurs.
La première question posée à un inconnu vise à établir s'il entre dans la hiérarchie du
classement.
117
Mais cette évolution récente qui escamote un beau moment d'observation ethnographique
ne retire rien à l'importance qu'occupe la liste du Elo dans l'esprit du joueur. C'est même
échiquéenne. Quoique les manuels d'échecs reproduisent principalement les coups des
maîtres, toute partie jouée et notée peut servir, et sert souvent, de prétexte à publication.
Pour peu que son secrétaire soit zélé, le club de Tart-en-Pion aura sa brochure reprenant
toutes les parties du tournoi intérieur des jeunes espoirs de moins de 10 ans. Un
processus de sélection informel fait ensuite "remonter" les parties les plus intéressantes
des publications mineures jusqu'aux collections les plus prestigieuses. Il fut un temps où
même certains joueurs de club (je ne parle pas des «maîtres» pour qui c'est pratique
courante) épluchaient les parties disputées dans le petit toumoi local d'une lointaine ville
d'«ouvertures») -^^ Si l'amélioration est reconnue de qualité, elle finira dans les grandes
encyclopédies d'ouvertures et si la partie toute entière mérite l'attention, elle fera l'objet
-" Il faut mentionner qu'un aspect indépendant de la pure qualité échiquéenne entre
cependant en ligne de compte dans le choix des parties publiées. Pour des raisons
liées d'une part à une économie de temps dans la saisie du texte et d'autre part à une
option pour les parties spectaculaires, une préférence marquée s'observe pour les
parties qui voient l'un des deux camps triompher en quelques coups. Mais de l'avis
des joueurs eux-mêmes, ce ne sont pas nécessairement les parties les plus
intéressantes.
"^2 Ce processus de sélection est bien évidemment relatif à la force reconnue des joueurs.
Quand un grand maître quitte une ligne connue pour un coup inédit, ce demier
du capitaine Evans en tête ! ont pris souche non pas dans le cerveau privilégié
des maîtres, mais dans la pratique quotidienne des amateurs. Minerve sortant non
: 27). Mais en affirmant ainsi, dans son style inimitable, que toute la théorie n'est
118
littéraire ne s'est constitué que relativement tardivement dans l'histoire des échecs puisque
ce n'est qu'au milieu du XIX^ siècle que les parties ont commencé à faire l'objet d'une
notation systématique. Si de nos jours, toute partie «sérieuse» est soumise à notation, il
n'en a pas toujours été ainsi ; les parties conservées antérieures au XIX^ siècle s'avèrent
même particulièrement rares. Bien qu'il existait alors un certain nombre de livres
d'échecs, ceux-ci ne commentaient pas des parties, mais se contentaient de donner soit
des lignes d'ouverture typiques, soit des positions de fins de parties où quelque mat
Bien qu'il serait illusoire de cherchera établir précisément la date à partir de laquelle
lesjoueurs ont jugé utile, puis nécessaire ou indispensable, de conserver trace de leurs
moment capital de l'histoire des échecs. 11 n'y eut auparavant que de frêles anticipations.
être quelques parties Plus proche de l'histoire contemporaine. Caze réunit une
collection de deux cents parties disputées, aux alentours de 1680, par des joueurs
parisiens mais le recueil de ces parties resta sous forme manuscrite et se trouve
aujourd'hui en majeure partie perdu (cf. Murray 1913 : 843). Avant le XVIIF siècle, les
manque stérile, paraît en 1844 sous la signature du joueur anglais George Walker une
compilation de 1020 parties jouées entre 1780 et 1844. Une rupture décisive s'est donc
produite à la fin du XVIIF siècle et au début du XIX^. Plusieurs facteurs se sont sans
pas issue de la seule pratique des champions, Tartacover atteste cependant que
-^^ On trouvera ainsi «a reconstructed 10th-century game» dans (Hooper 1988 : 307).
119
La prise en notes des parties et leur publication sont tout d'abord indissociables de
développement de la littérature échiquéenne au début du XIX^ siècle avec les progrès que
l'imprimerie enregistre à cette époque"^"*. Ce fait d'évidence doit cependant être tempéré
par deux remarques. D'un côté, rien n'interdisait, techniquement, aux livres d'échecs
imprimés avant cette époque de comporter de réelles parties ; on sait qu'ils se contentaient
de conseiller les premiers coups des débuts de partie. De l'autre côté, l'apparition des
revues d'échecs créa sans aucun doute une demande en parties notées puisqu'il fallait
rééditable en l'état, les revues sont grandes consommatrices de parties (pour donner un
exemple, de nos jours, la revue française Europe-Echecs publie ainsi plus de 70 parties
noter les parties, la date de parution des premières revues prouve que ce n'est pas celles-
en 1837 pour The Philidorian (Londres), en 1841 pour 77?^ Chess Player's Chronicle
(Londres), les premières revues d'échecs ne font en effet que confirmer un mouvement
faut voir dans le développement de la littérature échiquéenne du début du XIX^ siècle une
source de revenus pour ceux qui la propagèrent. On notera ainsi qu'un des tout premiers
ouvrages à foumir des exemples de jeu réel réunissait 50 parties jouées à Londres en
1820 par le Turc, un automate dans lequel se cachait un fort joueur mais que la majorité
des contemporains considérait comme une véritable machine. La pamtion de ces parties
systématiquement à ses adversaires l'avantage du pion et du trait constitua ainsi une belle
correspondance fut adoptée, très directement contribué à la notation des coups. L'histoire
du jeu d'échecs conserve à cet égard deux dates fondatrices dans le jeu d'échecs «par
correspondance» : 1804 et 1824. La seconde est la plus notoire car, opposant des
adversaires des Anglais est devenu célèbre sous le nom d'«ouverture écossaise» "^-^
Moins connue, mais première répertoriée par les archives échiquéennes, est la partie que
Walker, déjà cité, donne ainsi 57 parties disputées par correspondance entre 1824 et
1844. Quelques parties durent, antérieurement à 1804, être jouées entre adversaires
éloignés par le tmchement du courrier. Si l'histoire des échecs n'en garde qu'une trace
qu'entretint une certaine Constance de Theis avec un prétendant dans les années 1786-
1789 -^^ ; cette partie, soutenue par la volonté d'entretenir une liaison épistolaire si ce
n'est amoureuse, resta ignorée des autres joueurs. Plus généralement, la durée et le coût
de tels échanges durent longtemps desservir les velléités de partie par correspondance ;
aussi est-il significatif de noter que les premières parties retenues par l'histoire (1804,
1824) sont le fait non pas d'individus mais de groupes de joueurs qui s'assemblèrent
pour supporter les frais et durent ainsi entretenir ensemble l'enthousiasme nécessaire à
une longue lutte. L'existence de groupes de joueurs constitués semble ainsi avoir été un
des préalables aux parties d'échecs par correspondance "^'^ et cet aspect renvoie donc à
-^-"* L'ouverture écossaise est constituée par les coups : 1. e4, e52. Cf3, Cc6 3. d4. C'est
une des premières ouvertures qui reçut un nom autre que purement descriptif.
"*^ Dunne cite ainsi l'historien Thomas Hyde qui parlait en 1694 de marchands croates et
vénitiens qui «played chess by correspondance although living in distant countries :
so that for each move a letter must be written and each party be at considerable
Les premiers toumois (et non pas matches) individuels par correspondance datent des
années 1880.
121
l'histoire des cercles et des clubs qui devinrent en Europe des institutions sociales
profond qui anima cette volonté de garder trace des parties. Les remarques les plus
développées se trouvent sous la plume de George Walker qui fut, rappelons-le, le premier
«lt must be ever be considered as matter of regret that the practice of noting
down Chess games actually played is a habit only of modem growth ; and
was not adopted in the early and middle ages. Where are the parties played
between Leonardo. Paolo Boi, Salvio, Greco, Carrera, Rui Lopez, Gianutio,
and the rest of that illustrious fratemity ? Where may we look for existing
by Rocco. And from them advancing to the times of our own grandsires,
where are the battles fought by the Modonese. Ercole del Rio, with Taruffi.
Lolli, and Ponziani ? Alas ! All traces of these names have perished as to
specimens of their actual play, except the names themselves and those may
never die while one spark of the living fire lingers in the breast of the
enthusiast ; but our loss is not the less to be deplored. True, in Salvio we
read, in very general terms, that such and such a game happened to arise
between such and such two celebrated players ; but upon closer examination
the whole of the moves played not being forthcoming.» (Walker 1844 : iv).
question. Qu'est-ce ce qui a rendu ce sentiment de perte si vif à cette époque ? Le tableau
suivant donne quelques éléments quantitatifs de réflexion. Établi sur la base des parties
répertoriées par Walker ^^, ce diagramme indique clairement que les années 1780-1795
- Ce tableau présente une forme lissée car Walker n'indique généralement pas la date
précise des parties mais les situe de manière globale dans une période. Ainsi sait-on
simplement que les parties de Philidor ont été jouées de 1780 à 1795.
122
marquent une première période de notation. Après une interruption d'une vingtaine
commence une seconde période de notation qui, peut-on ajouter, s'est poursuivie sans
" it>0
£ i4Ct -
l>e«UC^ <i^ Vci.voTiitc à Londrc;
Z IDO
ë DO r\0'\ ce FMhaiX
l
60
E -,
O ! 1 '" C7' cv lf' ûi ' "^ r->. CT '-i KC J" t"-J Ll) ÇO T f"- .w» f:
ïî. rr> r^ er. ÍT- n-. r> O O O c-.j r-t in i-i t-^ h^ tt
-s. 1-^ 1-^ |-^ 1^ i-% I-. UJ uî JJ (.^ Xl KC _ W- v 'jo r..' a". Cî =J r
d'une part, 62 parties jouées par Philidor et, d'autres part, 31 parties réalisées par des
joueurs que Walker définit comme des «contemporains de Philidor». Dans ce processus
de notation, un élément essentiel, cmcial, est assurément constitué par la principale figure
musiciens attachés à la Cour de France, Philidor est connu pour avoir été à la fois
l'occasion d'évoquer son Analyze des échecs qui parut à Londres en 1749. Dès cette
-^' La relative diminution du nombre de parties relevées par Walker après les années 1835
ne correspond nullement à une désaffection du jeu (ou de la notation) dans les
contraire livré à une sélectivité accrue pour ces parties qui étaient quasiment
époque, Philidor est reconnu comme le meilleur joueur d'Europe et àpartir de 1771, il se
rend chaque année quelques mois à Londres pour s'assurer des revenus réguliers qu'il
tire de sa supériorité échiquéenne. Invité en particulier par le Parloe's Chess Club (fondé
en 1774), il y réalise à plusieurs reprises des séances de parties d'échecs à l'aveugle qui
-^2 On trouvera un résumé de la biographie de Philidor dans Hooper & Whyld (1988 :
250-252) et Giffard & Biénabe (1993 : 343-349).
124
taste discourages all attempts at plucking the laurel from the brow of
Philidor est véritablement perçu comme le premier champion des échecs. Il y eut
assurément avant lui de forts joueurs, mais aucun ne reçut une consécration comparable.
C'est certes à ses qualités échiquéennes que Philidor doit son apothéose, mais celle-ci ne
pouvait survenir sans l'existence d'un groupe social appelant de son désir un tel
champion. Une preuve en est que la majorité des parties que nous lui connaissons n'ont
pas été enregistrées par Philidor lui-même mais ont été sauvegardées par des joueurs
fixer pour l'étemité les exploits que réalisait encore un Philidor vieillissant. La plupart des
parties ont ainsi été recueillies"'-^ à partir de 1793 alors que Philidor déprimé ne pouvait
rejoindre sa tendre épouse à Paris. Agé, malade, il reste néanmoins le plus fort joueur de
son temps et n'affronte ses adversaires qu'en leur accordant des «avantages»"'-^. Un génie
Aussi le monde des échecs doit-il témoigner sa gratitude envers ceux qui ont assuré
l'immortalité du champion et, pourrait-on ajouter, posé ainsi les fondements historiques
«the services of Atwood, which will meet with the heartiest recognition from
chess lovers of the present time, were the pains he took to rescue from
oblivion the combats of Philidor and his school. At a day when such a thing
as the recording of games was hardly known, when even Philidor himself
cared to preserve less than a dozen of his contests, Atwood determined that a
portion at least of the famous chess battles of the latter years of the eighteenth
^-^ Lors d'une partie à «avantage», le joueur le plus fort retire une pièce ou un pion de son
jeu.
125
tout environ 85 parties!) que le français Louis Charles de la Bourdonnais disputa avec
des échecs à être entièrement noté (non par les protagonistes eux-mêmes mais par William
Greenwood Walker).
avec le sentiment de perte qui anima le groupe social des joueurs d'échecs au moment où
il fallut en fait environ un siècle pour ménager la transition entre un écrit absent et un écrit
omniprésent. Tout au long du XIX^ siècle, se trouvèrent en effet des joueurs, et des
meilleurs, qui proclamaient que leur talent ne devait rien aux livres d'échecs. «The child
has never opened a work on chess» (cité par Rather in Reinfeld 1951 : 99) proclamait
ainsi, vers 1850, l'oncle de Paul Morphy alors que celui-ci, âgé d'une douzaine
Deux figures du temps où lesjoueurs n'étaient pas encore tous devenus des
scripteurs nous sont fournies par l'écrivain anglais Charles Tomlinson dont la vie
matches de 1824 auquel Tomlinson n'accorde cependant pas les palmes académiques :
elementary work on chess, the author wrote with a shovel instead of a pen
[...] I cannot imagine Labourdonnais as a teacher. [...] His place was at the
chessboard, playing games at various odds by the score, and marking the
number by pegging the holes which he had ordered to be made in the frame of
-''-'' 11 faut entendre «odds» au sens d'«avantage» ou de handicap (cf. note précédente) ;
cette phrase signifie que La Bourdonnais jouait des parties où il donnait des
Même si le nouveau traité du jeu des échecs (1833) ne connut pas un succès
faramineux (il ne fut traduit qu'en espagnol et en russe), le dénigrement des qualités
qu'il fut le rédacteur en chef de la première revue d'échecs à paraître (le Palamède en
1836). Le point important ici n'est cependant pas de rétablir une quelconque vérité
littéraire mais de sentir qu'en tant que joueur de la première moitié du siècle La
Bourdonnais peut être présenté comme totalement détaché de l'écrit. Il est à ce titre
intéressant de constater que l'anecdote rapportée marque une éclipse de l'écrit au profit
comme le faisait La Bourdonnais, des parties intéressées dans les cafés utilisent plutôt un
petit bout de papier à moitié glissé sous l'échiquier et sur lequel se trouve marqué le
nombre de victoires remportées ; l'intérêt de ces marques, ou des chevilles dont usait La
"pré-histoire" de l'écriture.
Une scène souvent entendue dans les clubs d'échecs met ainsi en lumière le lien qui existe
entre écriture et score. Une telle scène se déroule lorsqu'un joueur a remporté une partie
de blitz, ou un match de blitz (autrement dit des parties par définition non notées), contre
un adversaire renommé : le vainqueur menace alors d'en rendre le résultat à la fois public
et écrit : «je vais afficher que tu as perdu contre moi», «je vais inscrire le résultat sur le
tableau». La menace n'est jamais mise à exécution. Elle a en fait comme fonction
joueur : elle pourra d'ailleurs être répétée à l'occasion d'une autre session du club («j'ai
oublié d'afficher que...»). De plus, si l'expression sert à glorifier l'exploit individuel, elle
véhicule également une morale générale : les meilleurs sont parfois à la portée des
joueurs ordinaires. La menace reste néanmoins en l'air car son exécution (écrite) serait
-" pratique des joueurs contemporains montre qu'en fait différents niveaux d'écriture
perçue comme attentatoire à une bonne sociabilité. En plaisantant oralement sur l'écriture,
La seconde figure de joueur non scripteur que j'emprunte à Tomlinson est celle de
Henry Thomas Buckle (1821-1862). Aujourd'hui largement tombé dans l'oubli. Buckle
connut cependant son heure de gloire au milieu du XIX^ siècle puisqu'il était alors
considéré comme le deuxième joueur anglais (après Howard Staunton qui était lui-même
«He seems to have grasped the principle of the game much in the same way
watching the players at the café. It does not appear that Buckle, any more than
ever opened a book on chess, or even cared to record games that they played.
[...] Buckle shared in the carelessness of the olden time. Many of his best
games are lost, and the large number that are preserved fail, I think, for the
most part, adequatly to represent his skill. He seems to have known little or
nothing of the book openings. He generally adopted the safe Giuco Piano,
parties s'impose. Philidor s'imposa ainsi contre Stamma en 1747 par huit victoires
à deux défaites.
On notera par ailleurs que lesjoueurs anglais utilisent le mot «score» pour désigner
l'enregistrement des coups d'une partie ; Hooper & Whyld définissent par exemple
«score of game» par «a record of the moves of a game» (1988 : 301) ; l'anglais
«score sheet» correspond ainsi à la «feuille de partie» sur laquelle sont inscrits les
coups. C'est probablement par son sens initial d'«entaille». de «marque», que le
mot «score» a pris en anglais cette acception échiquéenne, mais les remarques
précédentes laissent ouverte la possibilité d'une influence d'un des autres sens de
«score» (le seul à être passé en français) : «the total or record of points made in a
game» (Wordsworth).
128
tradition orale (ou plutôt "visuelle"). A la fin du XIX^ siècle, l'existence de tels joueurs
(cf. Sultan Khan). Or Buckle se trouve être d'un autre côté un historien reconnu, l'auteur
plaisent à reconnaître en lui un homme d'une grande culture et d'une grande mémoire. Sa
bibliothèque d'historien fut même réputée pour avoir contenu jusqu'à 20.000 ouvrages
^. 11 s'agit donc d'un historien, d'un homme engagé dans la recherche bibliographique
qui, curieusement, dans le domaine du jeu d'échecs (où il fut pourtant loin d'être le
demier) ignore le livre, ignore la notation des coups ^^. Les récits portant sur les demiers
instants de Buckle mérite d'être ici analysés car ils signalent la manière dont la "culture
Il est mort, dit-on, à Damas d'une fièvre typhoïde en criant «My book, my book ! I
shall never finish my book.» (Coles in Reinfeld : 281 ). Un autre témoignage rapporte :
«At Damascus, [...j, he contracted a fatal illness, allegedly crying as he died 'My book !
I haven't finished my book.'» (Hooper & Whyld 1988 : 52). Curieusement, l'auteur de
Biography (1886) semble ignorer cette phrase si marquante ; ce n'est pourtant faute de
sens du détail puisqu'il apporte, sur les demiers moments de l'historien, ces précisions
"essentielles" : «Dr. Barclay arrived after some delay on the 28th, and found the case
almost hopeless. Buckle died the next moming, 29 May 1862, and was buried the same
Bien que le corpus se réduise à trois textes, le lecteur ne peut qu'être marqué par la
présence de la phrase énigmatique du «my book...» dans les deux seuls textes^ relevant
6fUe considère comme ne formant qu'un seul texte la présentation de Reinfeld, la citation
demière parole de Buckle ne précise pas le thème de l'ouvrage inachevé. Il pourrait donc
s'agir d'un livre sur les échecs même si, à la réflexion, on se convainc de la nature
répondent ainsi à deux stmctures opposées qui peuvent être schématisées ainsi :
versions échiquéennes :
version "historique" :
rire du tragique.
de noter pour publication les parties disputées à l'occasion des grands tournois
engagés dans l'écriture. Mais ce phénomène ne conceme pas que les maîtres car, dès cette
époque, la diffusion du fait écrit atteint également, à un degré plus ou moins fort,
l'ensemble des joueurs de club. Il devient impossible pour ceux-ci d'ignorer que le jeu
d'échecs s'écrit. En dehors de ce «monde des échecs» proprement dit, chacun peut même
nous est ainsi foumi par l'écrivain Julien Gracq (né en 1910) qui narre dans les lettrines
connaissance, acquise vers l'âge de 13 ans, des rudiments du jeu. Or quelque temps
une brochure de dix sous, un peu plus tard, m'en livra le secret je me mis
aussitôt à noter toutes mes parties. J'en possède encore deux ou trois camets
l'échiquier que nous étions tous (j'avais formé cinq ou six adeptes) y sont de
écoulés et des millions de parties jouées, jusqu'à Philidor, sans que le sens du
jeu ait fait le moindre progrès. Enfin je découvris Philidor, dans une arrière-
System. J'ai dû tout aux livres, et presque rien à la pratique du jeu, restée
Le cas de Gracq est, dans son acquisition de l'écriture échiquéenne, typique car
nombreux sont lesjoueurs pour lesquels l'écrit s'est imposé avec une force comparable
alors que son existence restait jusqu'alors insoupçonnée ou du moins méconnue. D'une
Par ailleurs, la manière dont Gracq présente sa carrière échiquéenne illustre bien, même si
lui-même s'en écarte, une sorte de schéma idéal que suivent nombre de joueurs pour
s'intégrer au «monde des échecs» : à l'apprentissage des premières règles dans un cadre
familial ou amical, suit l'achat d'un livre d'échecs qui. apportant une connaissance
technique élémentaire mais suffisante pour assurer des victoires hélas rapidement sans
intérêt sur les adversaires habituels, entraîne à s'inscrire dans un club d'échecs. Là. le
nouveau venu côtoie tel ou tel joueur qui a lui-même connu un de ces maîtres dont les
très directement exercés sur les publications échiquéennes car lesjoueurs ont longtemps
refusé de voir d'une part leurs parties publiées (soit parce qu'ils les avaient perdues, soit
parce que de futurs adversaires pouvaient avantageusement s'en inspirer) et d'autre part
évidemment de toumer la première. Ainsi, l'ouvrage que William Lewis publia à Londres
en 1832 sous le titre évocateur de Fifty Games as Specimens of modem Play restait muet
sur le nom des adversaires. Dans les ouvrages et les périodiques de la première moitié du
(ce qui donne par exemple «w******* de Paris» pour mon propre nom) sont d'un usage
courant. Une telle présentation des noms n'occultait donc pas totalement la sociabilité
sur la lecture. La transition entre le nom caché et le nom exhibé semble encore une fois
avoir été concomitante avec l'apparition de la figure du champion. Les noms des forts
joueurs sont les premiers à apparaître et on verra une confirmation significative de cette
hypothèse dans ces parties imprimées qui relataient comment un amateur anonyme l 'avait
emporté sur un maître connu. Chacun rêvant de devenir maître, l'idéal de discrétion
La notation des parties procède ainsi d'une sorte de "progrès" épistémologique. Les
premiers traités d'échecs ne donnaient en modèle que des parties didactiques qui n'étaient
pas censées avoir été jouées sur l'échiquier et ils contrastent en cela des publications du
XIX^ siècle qui foumissaient aux lecteurs des exemplaires attestés de jeux réels. Dans les
Chess Studies de 1844 qui symbolisent ainsi que nous l'avons vu une rupture décisive.
Walker attribue l'originalité de son travail au fait qu'il a décrit «Chess as it is, and as it
has been» alors que les autres manuels se contentaient d'un «Chess as it should be». Le
époque, la Science échiquéenne n'est plus pensée comme créatrice de norme mais comme
observation du réel.
133
II
Or cette observation du réel s'est appuyée sur des systèmes de notation qui, nous
comme profondément différents. Une étude des deux principaux systèmes de notation
l'aspect culturellement construit de ces deux systèmes qui envisagent de manière parfois
linguistique de ces deux systèmes de notation conduira ensuite à faire ressortir que l'écrit
ne peut être considéré, aux Échecs, comme une simple transcription de la parole et qu'il
faut plutôt entendre cette demière comme une verbalisation de l'écrit. Ce chapitre se
8. Les cases ont donc pour nom un couple formé d'une lettre et d'un chiffre : «hl»
désigne ainsi la case située en bas à droite de l'échiquier. Tous lesjoueurs contemporains
regardent cette «notation algébrique» comme à la fois évidente et naturelle ; elle repose
d'ailleurs sur le principe des coordonnées cartésiennes que l'école enseigne dès le plus
^ L'analyse se focalise sur ces deux systèmes car ils présentent l'avantage de se
différencier clairement et d'offrir les sources les plus riches. Mais il ne faudrait pas
pour autant déduire de cette étude qu'ils constituent deux modèles opposés,
lecture de cette comparaison gauchirait en fait l 'esprit dans lequel elle fut menée.
2 En visant à mettre à jour les principes directeurs de ces systèmes, cette analyse
comparative ne se substitue pas à la présentation qu'en donnent d'un point de vue
pragmatique les manuels élémentaires. Aussi le lecteur trouvera-t-il à la fin de ce
jeune âge et qui sont de plus d'un usage courant pour la lecture des plans de ville 3. Il
faut pourtant rappeler que si son principe est connu depuis les manuscrits arabes du
Moyen Age, elle ne s'est imposée qu'à partir des années 30 en France, et seulement
cinquante ans plus tard en Angleterre. Cette notation est aujourd'hui universelle.
abç déigh
b d h
' Tous les guides, tous les panneaux d'affichage des grandes villes, permettent
aujourd'hui de retrouver les monuments, les bâtiments publics ou les rues qu'ils
d'un plan, d'une carte. L'analogie entre cet espace cartographie de l'univers urbain
verticales par le nom de la pièce qui s'y trouve au début de la partie (en distinguant les
pièces côté Dame, de celles côté Roi). Ainsi la colonne h (en «notation algébrique») est
peut temporairement considérer que les rangées sont numérotées de 1 à 8 comme dans la
: ils dénotent en fait des conceptions de l'espace et du monde très éloignées. Je n'en
étudierai ici que l'aspect échiquéen car je ne saurais affirmer que la préférence pour l'une
linguistiques. II y eut en tout cas des préférences nationales marquées : au monde anglo-
propose d'engager une partie. Ne disposant pas d'échiquier, ils jouent entre eux «à
soutenir de tête une partie avec cette notation, c'était trop pour moi. Je fis de
mon mieux, mais après 15 coups j'étais tout embrouillé avec mes «d» et mes
«e» et j'abandonnai. C'était alors mon tour de mener les Blancs. Je décidai
que ma seule chance était de jouer quelque chose qui gagnerait ou perdrait
j'espérai bien avoir trouvé quelque chose qu'il ne connaissait pas. Quand il
n'ai fait que reprendre la vision qu'en ont les joueurs contemporains. Mais ce n'est là
qu'une certaine manière de penser cet espace. Une tout autre conception se manifeste
ainsi sous la plume d'un auteur qui, en accord avec les idées de son époque, écrivait en
1836:
«On sait que l'échiquier est un champ de bataille partagé en deux camps, les
blancs et les noirs ; que chacun de ces camps se compose de quatre rangs ou
lignes de huit cases ; que des deux côtés la première ligne est occupée par huit
pièces et la seconde par autant de pions, et que la troisième et la quatrième
L'échiquier n'est plus carré. Il est composé de deux rectangles qui expriment l'idée
d'un parfait rapport spatial entre les deux camps : à chacun la moitié de l'espace total
Présente au début de la partie dans l'égalité matérielle des deux camps, la symétrie est
encore renforcée par l'arrangement initial des pièces où chaque figure trouve son pendant
décrit le jeu qu'il reçut enfant ainsi : «Il y avait une boîte en bois, séparée en deux
par une planchette, et le plateau aux soixante-quatre cases, en carton dur, pliable en
deux, dont la reliure symbolisait le territoire de chacun» (Szpiner 1990 : 1 1). Mais
contraint par une représentation préexistante. Pourquoi fabriquer une boîte à deux
absente des échiquiers de compétition faits soit d'une feuille de vinyle souple, soit
d'une planche de bois en marqueterie d'un seul tenant.
137
sur la même colonne. Cette correspondance produit un effet de miroir réfléchissant entre
la 4e et la 5e ligne car chaque joueur peut voir le camp adverse comme le reflet quasi-
identique de son propre camp. De même que l'image dans un miroir n'est modifiée que
par un seul aspect (gauche et droite s'échangent), la deuxième partie de l'échiquier est une
copie conforme à la couleur près : le blanc, case ou pièce, devient noir, le noir vire au
blanc.
qu'aujourd'hui car aucune règle n'édictait alors quel camp, des Blancs ou des Noirs,
devait effectuer le premier coup. La formulation de la question qu'un lecteur posa à une
des premières revues anglaises illustre à cet égard l'importance d'un modèle dans
Is it usual among the higher class of players, to play alternately with the
No : the player commencing with either coloured men, rarely changes them
première partie, les deux adversaires devaient donc préalablement définir la couleur de
amicale, chaque joueur dispose près de lui des pièces qu'il a prises à son adversaire
de départ.
A cette règle de non-altemance de la «couleur», s'ajoutait de plus le fait qu'à l'issue d'une
signifie «nulle», garde d'ailleurs une trace de cette idée de refaire à nouveau la
partie qui était à l 'suvre dans cette convention. Notons d'ailleurs qu'en appartenant
chaque joueur et attribuer à l'un d'entre eux le «trait», autrement dit l'avantage d'effectuer
comparaison de la pratique actuelle qui repose, dans le cas de parties amicales, sur le
simple choix d'une des deux mains de l'adversaire où se trouve dissimulé un pion soit
blanc, soit noir. En effet, l'ancienne procédure mettait en tuvre quatre niveaux
d'intervention du hasard : l'âge relatif des joueurs, le choix d'une main, l'expression
enfermée dans la main touchée (distribution des couleurs) et, dans un deuxième temps,
que la couleur obtenue pour son camp soit équivalente à celle de la pièce désignée
(détermination du trait) :
«Tirons au sort à qui aura le jeu blanc. Et d'abord, quel avantage y a-t-il à
posséder ce jeu ? Aucun sans doute ; mais il est à remarquer que beaucoup
de commençants préfèrent le blanc, les méthodes qu'ils ont étudiées leur ayant
vaincre le préjugé que le blanc vaut mieux que le noir, est de jouer les parties
suivantes avec une couleur d'abord et deles recommencer ensuite avec l'autre
couleur : [...].
Quand on tire au sort, le plus jeune des champions prend dans chaque main
adversaire, qui touche d'une des mains en nommant la couleur de son choix.
avantage réel, puisque le premier joueur est l'assaillant, tandis que le second
se trouve en état de défense et y reste tant que le premier ne s'attarde pas à une
fausse manuuvre. Pour tirer le trait au sort, le plus jeune des champions
trouve un pion de couleur différente. L'adversaire touche une main sans mot
139
citation laisse de plus entrevoir une évolution en cours donnant l'exclusivité du trait aux
Blancs. De fait, l'adoption d'une couleur "prioritaire" 6 se mit en place dans les années
1860 et il faut voir dans cette modification de la pratique échiquéenne un effet direct de
l'écriture. Un témoignage nous en est foumi par le poème "Chess player's alphabet"
(pam initialement dans le Chess Monthly, november 1860) de l'Américain Daniel Willard
forme d'une liste où chaque lettre de l'alphabet est mise en relation avec un fait
échiquéen, ce poème rappelle en effet la convention qui fut largement suivie dans les
Mais la seule mention de cette convention souligne qu'elle ne concordait pas encore
Penser la symétrie initiale des positions blanche et noire est l'une des grandes
d'anecdotes. Une historiette ^ rapporte le cas d'un jeune joueur ayant perdu un pari parce
6 Le Petit Robert illustre l'article "priorité" (dans son sens de primauté) par cette citation
noir». Une raison pour laquelle le choix s'est fixé sur Blanc est donnée dans le
(janvier-mars 1922 : 14), cette histoire ou tout au moins l'énoncé et la partie qui lui
aiment à se poser en particulier à l'issue des toumois. La contrainte très forte qui
s'exerce lors d'un toumoi implique le respect absolu des règles officielles et la
qu'il était à tort persuadé de l'impossibilité de perdre avec les Noirs dès lors que
ceux-ci imitaient tous les coups des Blancs. La partie, jointe à l'histoire, montre comment
quatre coups suffisent aux Blancs pour mettre «échec et mat» cette stratégie simpliste ^.
La même idée se trouve exprimée, sous une forme paradoxale, dans un épisode
Baron dispute un jour trois parties avec les Blancs (et le trait) contre un adversaire
adverse couronnée de succès '^, il subit lui-même un échec et mat fatal. Il faut attendre la
troisième partie pour que Miinchhausen réalise que son adversaire ne fait qu'imiter ses
anecdotes démontrent que le jeu-miroir (faire la même chose que l'adversaire) n'aboutit
en fait qu'à une catastrophe pour celui qui s'y risque. D'une position égale que rien
n'exprime mieux que la symétrie des pièces en position initiale, la partie d'échecs cherche
à faire surgir la différence de la victoire et de la défaite, différence qui est asymétrie totale.
ludiques.
^ Bien qu'il suffise déjouer en notation algébrique 1. d4, d5 2. Dd3, Dd6 3. Dh3,
point de vue d'un jeu normal puisqu'il place la Dame en prise sans aucune
compensation. Autrement dit, si les Noirs cessaient au 3^ coup d'imiter les coups
s'assurer une victoire certaine en commençant par «ramasser» cette Dame en l'air.
'"Rappelons que la Dame est la pièce la plus puissante sur l'échiquier et que gagner celle
de l'adversaire présage donc une victoire aisée.
141
Or ce qu'enseignent ces histoires, mais aussi une connaissance concrète, théorique, des
ouvertures ' ', c'est que rien ne conduit plus rapidement à cette asymétrie radicale que de
' ' Cf. par exemple, la variante connue de la «défense Russe» : (en notation algébrique)
l.e4, e5 2.CO, Cf6 3. Cxe5, Cxe4 qui fait immédiatement perdre du matériel aux
Noirs après 4.De2. (Si le Ce4 recule par exemple en f6, 5. Cc6-i- gagne la Dame
adverse).
'2 Pour être plus précis, ce n'est pas exactement la symétrie en elle-même qui est
condamnée, mais le fait de subordonner toute la tactique à ce désir de symétrie. Il
existe bien sûr des positions, en particulier en finale, où la symétrie signifie pour
les deux camps l'impossibilité de s'assurer la victoire ; la position Roi contre Roi
(toutes les autres pièces ayant été prises) en est l'exemple le plus trivial. Mais même
abcd efg h
Poursuivant d'une certaine manière un même but '-'', l'histoire drôle, forme
symétriques et d'en donner si elle existe la réfutation, l'histoire de son côté affirme
la naïveté d'une telle stratégie imitative en recourant elle-même à des arguments naïfs.
C'est cette naïveté "au carré" qui rend l'histoire à la fois drôle et édifiante.
désavantage donc pas un des deux camps). Chaque case se trouve en effet considérée soit
du côté des Blancs, soit du côté des Noirs. La case en bas à droite de l'échiquier du côté
des Blancs (hl en notation algébrique) se trouve ainsi appelée parles Blancs la «première
case de la colonne de la Tour du Roi» (abrégé en «ITR»), tandis que les Noirs la
dénomment «huitième case de la Tour du Roi» («8TR») car c'est leurs propres pièces qui
servent de point de référence. Les coups sont ainsi notés en fonction du point de vue
référentiel de celui qui les joue. La notation d'un coup étant donc dépendante du camp qui
l'effectue, il en découle deux conséquences étonnantes : les points de vue Blancs et Noirs
font nommer de la même manière des cases différentes (3CR se traduit en notation
algébrique soit par g3, soit par g6) ; l'appellation d'une case varie selon que la pièce qui
*-^ Qu'une stratégie lourdement imitative soit praticable limite bien évidemment les
possibilités ludiques d'un jeu et condamne d'une manière ou d'une autre son avenir
enfantine, ...).
143
ai QD aá a ^d ^D >I1
TD CD FD D R FR CR TR
aux non-joueurs) d'un usage difficile, il ne soulevait pas de problèmes excessifs dans la
pratique. Concrètement, une des principales difficultés résultait de la notation d'une prise
car le nom de la case sur laquelle une pièce se posait différait du nom de la même case où
'"^11 est important de signaler que ce tableau n'a été conçu que dans une vue "didactique"
car les échiquiers utilisés dans le contexte d'une notation descriptive ne comportent
'- Cf. par exemple, la réponse aux questions des lecteurs dans une revue du début du
the square on which the captured man stood this must be the PLAYER'S name of
the square. This was referred to in our June Correspondance [...]. We now
Cette notation présente par ailleurs l'intérêt de décrire, d'une même manière
conventionnelle, une partie quel que soit le camp qui débute, ce qui est impossible avec la
notation algébrique. Une théorie générale des ouvertures pouvait ainsi se constituer sans
être desservie par la question de la couleur débutant la partie '6. Sous un angle
penser avec son propre système de référence et avec celui de son adversaire ; la
multiplicité ou du moins la dualité des points de vue se trouve ainsi affirmée dans cette
notation. Cette notation s'accorde ainsi, d'un point de vue formel, à la recommandation
évidente de prendre en considération les menaces adverses. Elle correspond même à une
conduite spatiale à laquelle lesjoueurs recourent assez fréquemment Iors des parties de
compétition et qui consiste à faire le tour de l'échiquier pour pouvoir considérer ainsi la
(6C)| should be B x Kt (Kt3) [en français, F x C (3C)]. The text is correct since
White is the player and Kt6 is the player's name of the square on which the
'6 D'un point de vue logique et technique, il est évidemment équivalent que ce soient les
Blancs ou les Noirs qui commencent. Le jeu garde une même structure. La notation
couleurs différentes ainsi que le montre l'exemple suivant de la «défense des deux
Le système descriptif donne en revanche, quelle que soit la couleur favorisée par le
3FR. II n'est pas nécessaire d'être joueur pour réaliser simplement de visu que
'^ Cette conduite spatiale se déroule normalement à des moments où la situation sur
absenté, ou du moins levé, (de manière à ne pas provoquer son irritation par le
rencontre un écho dans la constitution de chaque camp. Une symétrie inteme s'observe
descriptive par des expressions comme «Tour de la Dame» vs «Tour du Roi». La Dame
est la contrepartie féminine du Roi '**. Ici encore, ce fait de l'échiquier entre en affinité
avec certains récits et en particulier avec ceux relatifs à l'origine "officielle" du jeu
d'échecs :
«les échecs firent leur première apparition au V^ siècle de notre ère au nord de
situation de désordre initial dû au hasard, aux alliances et aux trahisons toujours possibles
position ; il reste debout, ne s'asseyant jamais sur le siège adverse dont il peut
néanmoins utiliser le dossier comme appui.
' ^ On pourrait (comme entre les deux camps) placer un miroir entre Roi et Dame.
'^ Pour une opinion plus nuancée sur l'origine du jeu par un grand historien des échecs,
indienne classique qui comprenait quatre corps (les éléphants, les chariots, la
146
entre plus de deux joueurs, aurait donc succédé la fusion des camps deux à deux20
permettant seule un véritable duel de l'intelligence pure. Chaque camp vit ainsi le nombre
de ses pièces multiplié par deux, l'un des deux Rois alliés devint la Dame et l'opposition
entre pièces «de la Dame» et pièces «du Roi» dans la notation descriptive marque donc
comme une visible "survivance" de cette antique mais si fmctueuse union 2 '.
abstrait, pensé indépendamment des pièces qui y figurent, et privilégie un point de vue
cavalerie et l'infanterie). Par extension, le terme désigna le jeu d'échecs indien qui
Louis Durand écrit : «Le panthéon revêt l'aspect d'une formation en cristal à
qu'elle entretient avec les autres», (in Izard et Bonté 1991 : 588).
2' On notera qu'il n'est jamais fait usage de l'opposition gauche / droite dans les échecs
modemes alors que cette opposition existait, semble-t-il, dans la notation arabe (cf.
Murray 1913 : 229). La seule exception conceme la «case blanche à droite» dont il
Le texte de Guyot qui explique le mouvement du roque en écrivant que «quand [le Roi]
roque à droite, il se met à la case de son fou [...] et quand il roque à gauche, il se
met à la case du fou de sa dame» ( 1823 : xiii) manifeste ainsi la faiblesse de sa
pratique échiquéenne car cette présentation du roque n'est valable que dans la
perspective des Blancs. C'est parce que l'opposition gauche/droite est relative à un
point de vue unique qu'elle n'a pas été retenue par la pensée échiquéenne de
l 'espace qui se doit de prendre en compte la situation de vis-à-vis des deux joueurs.
Cette opposition resurgit néanmoins dans la pensée du temps puisque les Noirs
(pour le cas le plus fréquent de joueurs droitiers) «à leur droite», (cf. le chapitre
temps).
147
difficultés à compter les rangées en fonction du seul camp des Blancs. La notation
algébrique donne une orientation définitive à l'échiquier et elle coïncide en cela avec les
en bas de l'échiquier.
M. Niemeijer et J. Hsutong
2e Prix, ¿Tomf c7¿-wij\vuLVi, 1922
7+4 2*
coups», symbolisé par «2^»). Ce «problème» est donné tel qu'il est présenté dans
convention d'orientation permet de savoir les mouvements réalisables par les Pions
(étant donné que ce sont les seuls figures du jeu d'échecs à ne pouvoir aller en
La majorité des joueurs contemporains reprochent aux «problèmes» modemes d'être très
éloignés des positions pouvant survenir au cours d'une partie et, de ce fait, d'être à
Cette orientation générale de ces petits tableaux de l'échiquier que sont les
modifié la façon déjouer. Aussi faut-il considérer la nouvelle suivante comme une
délicieuse exploration humoristique des conséquences extrêmes que poserait une trop
«But, sir,» said my rival to the coveted titie, «you are Black.»
«I know, sir, but I don't believe that there is any law which compels both
With your permission 1 shall play the Black pieces while sitting on the White
side.»
«You will admit that this is contrary to common usage and nothing can justify
[..., Le joueur explique alors qu'il est probIémiste| «Therefore. I always have
the White in front of me. In this position there are four pieces to the left of the
Black king. If I sit down opposite you as usual, there would be only three
ainsi que l'explique l'un d'entre eux, un tout autre regard sur l'échiquier : «Les
Ceux-ci, même s'ils sont des Maîtres ou des Grands-Maîtres, ne peuvent rien
comprendre s'ils n'ont pas un minimum de culture. C'est que le but est différent.
Dans une partie, il s'agit d'une lutte entre deux joueurs. L'aspect sportif
une idée en respectant des règles artistiques. II marie les effets des pièces se
déplaçant sur l 'échiquier comme un peintre les couleurs, ou comme un musicien les
2-^ De longs extraits sont donnés de ce texte car il présente l'intérêt d'une description
réaliste du comportement des joueurs (gestes d'invite), des spectateurs (la «galerie»
qui se constitue rapidement autour de toute situation problématique), et des
Black pieces to the left of my king, everything would be inverted, out of line.
I have in the course of the years, made such a habit of playing in this manner
that I feel certain that I should lose with the Black pieces next to me. I might
castle with my queen and give unexpected checks with my own king. 1 am
sure you would not like to win under such conditions. Ah! if we were both
«That's all very well, my dear sir, but we should both be perfectly ridiculous
and I am not anxious to become the butt of the gallery. We would look as if
Some guffaws a little too pointed for my taste followed this repartee.
The gallery were enjoying themselves.... Already two camps were being
formed. The problemists and the solvers were on my side. 1 must admit that
the majority were loud in support of my opponent. [..., la partie n'est pas
the whole world, that as long as F.l.D.E. has not given a definite mling in
L'idée que cette nouvelle met en avant d'une façon outrancière n'est cependant pas
totalement étrangère au monde des échecs car on peut en voir une expression atténuée
dans l'orientation de l'échiquier qui semble obligatoire aux joueurs encore peu "lettrés"
(i.e. aux joueurs qui entrant dans le «monde des échecs» tel qu'il a été défini plus haut
algébrique, l'échiquier se trouve bordé d'une série de lettres et de chiffres qui assignent à
chaque camp un côté particulier ; ainsi tandis que les Blancs sont situés du côté des
rangées 1 et 2. les Noirs occupent quant à eux les rangées 7 et 8. Mais ce positionnement
initial des pièces ne conceme évidemment, en toute logique, que des parties destinées à
être notées. Or on constate souvent que lesjoueurs "peu lettrés" qui disputent des parties
non notées, spécialement des «blitzs», éprouvent un certain trouble s'ils constatent une
inversion dans le placement des pièces et préfèrent généralement rectifier ce qui leur paraît
problème posé par l'orientation de l'échiquiercar ils engagent leurs blitzs sans se soucier
150
nullement du sens 2-t. Faut-il dès lors considérer qu'ils se détachent, le temps de ces
parties rapides, du caractère scripturaire de leur jeu ? Ou encore qu'ils oublient que
l'échiquier se trouve avec la notation algébrique orienté du côté blanc ? Une telle
ont en fait intégré intérieurement la composition. Qu'un joueur "non lettré" inconnu
vienne par exemple commenter la partie dans l 'espoir de pxjuvoir ainsi s'agréger au jeu en
«tu veux dire en f6 !» réplique aussitôt l'un des deux joueurs confirmés qui
"normale" de l'échiquier.
une faute grossière, ou au contraire une mannuvre excellente négligée par mégarde, peu
du jeu et il ne saurait être question de se laisser distraire par un tel importun. Aussi lui
fait-on comprendre, sans ménagement, qu'il n'est même pas capable de distinguer
Avant cette orientation due à la notation algébrique, pas nécessairement visible mais
toujours présente dans l'esprit des joueurs, une autre orientation symétrique celle-ci
2-^ Ce point ne conceme que les parties non notées et spécialement les blitzs où
l'alternance rapide des camps ne s'accompagne pas d'une rotation de l'échiquier.
Dans les parties «officielles», et donc notées, une parfaite adéquation entre la forme
et l'idée est en revanche requise et les échiquiers se trouvent donc toujours "bien"
orientés.
151
Une des premières règles, si ce n'est la toute première, apprise par un débutant
d'un nombre pair de rangées et de colonnes, l'échiquier peut être toumé de deux façons
différentes ; aussi cette règle stipule la seule manière "correcte" en énonçant que chaque
joueur doit avoir «une case blanche à droite» 2>, autrement dit que les cases h 1 et a8 sont
blanches par définition. Cette règle n'aurait en soi guère de signification sans la règle
complémentaire qui détermine comment placer les Dames dans la position de départ. En
plaçant de manière symétrique les Tours, Cavaliers et Fous, il subsiste en effet deux
cases pour le Roi et la Dame et cela détermine donc une altemative dans le placement de
ces deux principales figures. Celle-ci se trouve réduite par la règle qui impose de placer
«la Dame sur sa couleur». Autrement dit à la Dame blanche revient la case blanche d 1 , à
la Dame noire la case noire d8. Les Rois sont enfin installés sur la seule case vacante de
jeu, croyait en l'antiquité de cette règle et il lui prêtait une intention propitiatoire :
Cependant comme toute chose est sujette au changement, je vois avec regret,
que ce noble jeu n'a pas conservé par-tout sa pureté selon les Régies
attribuées à Palamède ; il est dit que les Grecs les observoient si exactement
fût placée sur une case blanche, parce que cette couleur étant de bonne augure
Le jeu d'échecs n'ayant pas encore été inventé du temps de la Grèce classique et
ayant, ensuite, été longtemps joué sur des échiquiers monocoiores, il n'est pas nécessaire
XVF siècle l'établissement définitif de cette règle26. Ce point n'est peut-être pas
indépendant des nouvelles règles du jeu qui sont apparues, comme nous l'avons vu, à la
fréquemment ignoré des joueurs peu confirmés, les deux règles complémentaires de la
case blanche à droite et de la Dame sur sa couleur impliquent en effet une prééminence
des Blancs sur les cases claires et des Noirs sur les cases sombres.
L'idée de symétrie n'a pas pour autant disparu des préoccupations des joueurs. En
principe dominant dans l'organisation des tournois modernes car, lors de ces
adversaire choisi (parfois avec très grande difficulté) de manière à ce que chaque
compétiteur dispute autant de parties avec les Blancs qu'avec les Noirs. La symétrie
La forme de la «pendule» qui sert à mesurer le temps des deux joueurs reproduit
par ailleurs cette symétrie puisqu'elle est composée non d'un cadran unique mais de deux
cadrans clairement distincts. La solution adoptée établit ainsi une analogie spatiale entre
les deux couples contraires : camp des Blancs / camp des Noirs et cadran des Blancs /
26 Murray remarque que c'est dans l'ouvrage du portugais Damiano ( 1512) que «the rule
that the board is to be placed so that the square hi is white is definitely stated for
the first time» (1913 : 788). On constate néanmoins que les diagrammes des
orientation de l'échiquier.
_^î^^ -t- ~-J 1.;^\ Seule la position relative des deux joueurs
Dessin du brevet de la '^ ^""^"^^ "^^ P'"^ ^" P'"^ restreinte dans les
première pendule d'échecs ,^. . r-r- ,, , ,
(HooDcr 1988 240) competitions officielles par la consigne de placer «la
de mise lors des blitzs (ce qui permet à un gaucher jouant «en second» de ne pas être en
plus défavorisé par l'emplacement de la pendule). L'aspect symétrique des deux cadrans
ouvre d'ailleurs la possibilité d'une tricherie assez "classique" lors des parties de blitz : le
fraudeur qui vient de dépasser le temps qui lui a été alloué (et qui devrait donc être déclaré
«perdu») peut avant que son adversaire ne réalise qu'il a gagné au temps saisir la
pendule de la main gauche (si elle se trouvait à sa droite), la retoumer d'un mouvement de
poignet et faire constater au joueur ainsi dupé que c'est lui qui a perdu. Conseil
trompé subit l'ascendance du trompeur (cas d'un joueur affrontant un adversaire mieux
Une autre tromperie, très classique en blitz, consiste à poser la pièce sur le bord de
la case ; cette man permet éventuellement, quelques coups plus tard, de faire partir
tricherie (quoiqu'il serait possible et cela a dû être fait déjouer la pièce sur une case
tout en inscrivant surla feuille de partie un autre mouvement). On trouve cependant dans
l'ouvrage de référence en matière de filouterie, how to cheat at chess, une partie notée
3
comportant un tel coup. Ecrit sous la forme 7. P.KR3 ., ce coup signifie qu'au 7ème
coup (7.), les Blancs avancent leur pion (P.) sur la colonne de la Tour du Roi (KR, i.e.
King's Rook) : mais, contrairement aux règles habituelles, l'espace de la colonne n'est
plus pensée sous la forme de 8 points discrets mais comme un segment de droite
composé d'une infinité de points dont celui sur lequel se pose le Pion, en l'occurrence le
point 3,75. Autrement dit, le Pion n'est pas placé au centre de la quatrième case (en
3
7. P-KR3 . ! [le point d'exclamation signifie «bon coup»]
It is. admittedly, wholly consistent with our strategy to play 7. P-KR4, but it
our mind next move. Thus we keep the chance of adjusting our pawn
followed by P-RSw and P-R7 on the next two moves, thereby obtaining a
accompagnent l'exposition des parties dans les livres et revues d'échecs. En tant que
de penser le temps. Cette idée, qui sera développée dans le chapitre sur le temps, se
manifeste en particulier par le fait que, pour le joueur d'échecs modeme, la succession
des coups constitue une stmcture temporelle. Ainsi le joueur exprime la «durée» d'une
partie en nombre de coups plutôt qu'en heures ou en minutes. Bien que l'on pourrait
penser que cette stmcture temporelle découle des fondements du jeu d'échecs, son
"évidence" ne s'est révélée aux joueurs qu'à partir du XVIIF siècle. Or l'apparition de ce
n'existe que grâce à la «feuille de partie» sur laquelle chaque coup joué est inscrit en
regard de son numéro d'ordre. En notation algébrique, le premier coup d'une partie est
noté par exemple «1. CO» (qui se lit «un. Cavalier B»), le huitième «8. Fg5» («huit.
Fou g5»).
Une expression comme «8. Fg5» permet de constater que la notation algébrique
recouvre les trois dimensions fondamentales que la pensée modeme occidentale projette
matériel concerné (ici le Fou), le moment de l'action dans la chronologie des coups (8.)
156
ainsi que la case nouvellement occupée par la pièce (g5) 28. Au-delà de la notation des
coups, la mention codifiée d'une partie, par exemple «Spassky-Tahl, Tallin 1973, 0-1»,
indique le nom des deux protagonistes (Spassky et Tahl) suivi du lieu de la rencontre
(Tallin), de la date (1973) et du résultat (0- 1 signifie que le point, c'est-à-dire la victoire,
qu'est la partie dans les circonstances qui ont permis son surglssement. Si comme
dans le livret d'une pièce de théâtre classique les acteurs, la scène et l'époque de
dépasse pourtant jamais ces indications sommaires. Dans la partie imprimée et ses
toumoi : il faut croire que l'ambiance calfeutrée des salles de toumoi reste la même que ce
New-York. Les commentaires de partie tendent de plus à abstraire les coups joués des
joueurs eux-mêmes : on écrit moins «Dupont voulait jouer tel coup» que «les Blancs
tentent telle man Le commentaire pam dans le bulletin d'un club parisien qui
relate les parties de ses seuls membres contraste en cela de ceux publiés dans une revue à
diffusion intemationale :
2*^ 11 faut remarquer qu'une notation purement spatiale n'indiquant que les cases de départ
[...1 [...]
pour préserver la structure des pions, mais ... Td8 I...I permettait aux Blancs une
a été rédigé par le joueur (Apicella) qui remporta la partie en question. Mais ce style
impersonnel n'est pas lié à la qualité du commentateur car il est caractéristique des
retranscriptions de parties. Les mouvements des pièces sur l'échiquier se détachent ainsi
de ceux qui les ont effectués. Psychologiquement, cela permet de poser un jugement
défavorable sur un coup sans en critiquer directement l'auteur. Mais le plus important est
sans doute que la partie d'échecs que relate le texte échiquéen répond ainsi aux normes
basiques de la démarche scientifique qui veut que toute expérience soit reproductible
joueurs, le lieu et la date de la partie (ainsi que son résultat) la culture échiquéenne atteste
ainsi de l'historicité des événements qui l'intéressent. En ne mentionnant rien de plus, elle
Selon cette conception du monde qui n'est pas propre aux joueurs d'échecs
puisqu'elle est globalement la nôtre, l'espace et le temps sont séparés par une distinction
158
peut aller et venir dans l'espace. Il est à ce propos intéressant de remarquer que la
notation descriptive qui, dans ces plus anciens textes 29, ne numérotait pas les coups, a
mouvement d'une pièce est indiqué par la case d'arrivée de la pièce en question (par
exemple «CR 5TD» signifiant «le Cavalier du Roi va sur la cinquième case de la Tour de
effectué («PRI» qui se lit «Pion du Roi un» et indique simplement que le Pion a avancé
d'une case) ^^. Or le Pion se trouve être la seule pièce du jeu d'échecs à ignorer le recul
autant un déplacement dans l'espace qu'une action dans le temps. Ce rapport privilégié du
Pion au temps ne se retrouve pas dans la notation algébrique qui dissocie sans ambiguïté
le temps de l'espace en mentionnant pour le Pion comme pour toute autre figure la case
d'arrivée de la pièce en mouvement. L'idée n'en est pas pour autant devenue étrangère à
Gyula Breyer qui affirme que l'avancée par les Blancs du Pion du Roi au premier coup,
Nous avons déjà remarqué que la notation des coups met aussi en une
algébrique considère ainsi chaque pièce en fonction de sa seule nature (caractérisée par
son type de mouvement). Une Tour est une figure qui se déplace verticalement ou
30 Le mouvement de deux cases du pion, réalisable quand celui-ci se trouve sur sa case
de départ, est noté «PR2».
159
horizontalement ; aucune distinction n'est donc faite entre les deux Tours de chaque
camp.
La notation descriptive insiste au contraire sur les relations qui existent entre les
pièces et crée ainsi un effet de hiérarchisation. On parle de "la Tour ¿/m Roi", du "Cavalier
de la Dame". Cet effet hiérarchique est accentué pour les Pions qui sont nommés en
fonction de la pièce située sur leur colonne : «Pion de la Tour du Roi», «Pion du Cavalier
de la Dame». Ces emboîtements successifs et hiérarchisés ne sont pas sans évoquer des
liens de dépendance, de patronage, de féodalité ^ '. La formulation du nom des cases les
assimile de la même manière à des territoires : «la deuxième case du Roi», «la cinquième
colonne et d'une rangée. Il est en effet plus précis de considérer qu'une expression
comme «5CR» (5 Cavalier du Roi) marque en fait l'éloignement par rapport à la case de
référence. D'où le fait que le mouvement d'une pièce revenant sur sa case d'origine se
soit, par exemple, trouvé noté selon l'usage du XIX^ siècle : «CR à sa case» ^2 Cette
idée d'origine est fondamentale car durant toute la partie, les pièces vont être nommées en
fonction de leur case de départ. Ainsi même si les hasards de l'évolution d'une partie
amènent une position où les deux Tours ont mutuellement échangé leur situation initiale,
la notation descriptive continuera à considérer qu'il faut désigner par Tour de la Dame
celle située sur la première case de la Tour du Roi. Chaque pièce porte ainsi, tout au long
-'" Il serait évidemment absurde de considérer que l'arrangement des pièces sur
société où se pratique le jeu. On peut tout au plus observer ici une certaine
Cette idée d'origine peut, par souci d'abréviation, restée masquée tant qu'il n'y a pas
notable qu'il faut mentionner et chercher à expliquer. Ce cas particulier conceme le Pion
qui, à la différence des autres pièces, n'est pas désigné par une initiale. Son mouvement
est donc simplement représenté par la case à laquelle il accède. Le premier coup
d'ouverture le plus fréquent est ainsi «1. e4» (prononcé «un, e quatre»). Cette disparition
du "P" correspond assurément au principe d'économie qui caractérise cette notation car
on peut estimer que chaque partie compte en moyenne légèrement plus de mouvements de
Pions que de coups de n'importe quel autre type de pièce ''"*. Mais il est remarquable que
enseigne en effet que la «valeur matérielle» des pièces est de 1 0 pour la Dame, 5 pour la
Tour, 3 pour le Fou ou le Cavalier et 1 pour le Pion ^^. Dans ce parfait rapport
mathématique entre les pièces, le Pion joue donc le rôle de l'unité et c'est probablement à
Les coups de Pions représentent cependant bien moins que la moitié de l 'ensemble des
coups. Un sondage réalisé sur la base d'un échantillon de 10 parties de grands
étonnamment semblables entre ces deux catégories : les grands maîtres utilisent
leurs Pions dans 28.3% de leurs coups et les "amateurs" dans 29,6%. L'unanimité
pour les grands-maîtres contre 10 et 21% pour lesjoueurs de club) et ceci traduit
peut-être ce qu'écrit l'auteur d'un manuel à propos des «finales de Tours» : «aucun
^-'' Le Roi, parce qu'il ne peut être pris, n'a aucune valeur ou, ce qui revient au même,
une valeur extrême.
161
Plus qu'une logique spatiale, la notation descriptive livre donc une logique sociale,
l'atomisation de chaque pièce. Dans le premier cas, ce sont les objets que contient
l'espace qui servent à le penser ; dans le second cas, l'espace est véritablement premier et
évidence que leur conception de l'espace et de la matière repose sur des présupposés
radicalement différents. Une demière distinction mérite maintenant d'être traitée car elle
semble s'établir sur la base de la trop classique antinomie entre écrit et oral.
d'un coup, tel «Fg5» (Fou g5) appelle une dénomination des cases qui ne peut pas
prendre naissance dans l'oral. Penser «g5» requiert en effet la présence d'un tableau à
double entrée qui relève par définition de l'écrit. Les échiquiers qu'utilisent actuellement
lesjoueurs de compétition se distinguent ainsi des échiquiers des joueurs "ordinaires" par
la rangée de chiffres et de lettres qui les encadrent36. La présence de ces signes imprimés
à même l'échiquier conduit d'ailleurs à considérer celui-ci comme le premier des textes
famille. Mais comme chacun sait, la manipulation sociale des signes distinctifs
entraîne parfois une complète inversion du signifié. Certains forts joueurs
nouvelle forme de pièces qui porte son nom (le modèle Kasparov n'est en fait
qu'une variation du modèle Staunton) soit livrée avec de tels échiquiers. Mais dans
l'esprit d'un Kasparov, comme d'un joueur de club, le nom attaché à chaque case
donne à ces échiquiers une toute autre signification ; on comprend que leurs
coups sur la feuille de partie ; c'est sur lui qu'ils concrétisent leurs lectures échiquéennes.
La nature originellement écrite de formules comme «g5» n'empêche cependant pas ces
doit ainsi être quelque peu surpris d'entendre sans la présence d'un quelconque
des parties notées par un fait en apparence anodin : les lettres qui servent à désigner les
colonnes sont majuscules sur l'échiquier, minuscules partout ailleurs. Mais ce maigre
détail mérite néanmoins l'attention car sa raison d'être n'est pas "logiquement" évidente
^^. En fait, cet usage de lettres capitales correspond sans doute à la même fonction à
l'auvre sur les frontons des édifices publics (MAIRIE, etc.) : la grande et antique capitale
débutants, ainsi que certaines représentations anciennes. Les diagrammes des manuscrits
sus des symboles des pièces, des signes (croix, lettres, flèches ...) dont les
Une raison de lisibilité typographique suffit à expliquer l'usage des minuscules pour
les cases dans la notation des coups car l'opposition distinctive entre l'initiale de la
«Ta4» est plus lisible que *TA4*, «f4» se distingue plus facilement de «Ff4» que
*F4* de *FF4*. C'est d'ailleurs pour une raison du même genre que la notation
aigu pour ne pas confondre (particulièrement en script) les colonnes «ç» et «é». Les
premiers coups de l'ouverture «sicilienne» sont ainsi : 1. é4, ç5 2. CO, Cç6. (Pour
ne pas alourdir l'exposé, je n'ai pas repris ces signes diacritiques dans ce chapitre).
Mais cette raison typographique n'éclaire évidemment en rien pourquoi ce sont des lettres
majuscules qui sont figurées sur l'échiquier.
163
commentaires^^ se servaient pour indiquer des coups à jouer-^^. Les joueurs débutants
diagrammes médiévaux lorsqu'ils posent le doigt sur la case qu'ils envisagent d'occuper.
Cette pratique est évidemment condamnée par lesjoueurs de compétition. Dans le cadre
des parties sérieuses, l'échiquier se révèle être un espace pur qui ne doit pas être touché"*"
(hormis par les pièces déplacées) et qui ne doit pas être perturbé par la parole.
effet aux joueurs pour déterminer le nom des colonnes. Comme en revanche le nom
attribué aux pièces sur l'échiquier (par exemple Tour de la Dame vs Tour du Roi), évident
au début du jeu, peut par la suite poser problème, la solution de distinguer à l'aide d'une
couronne la Tour du Roi et le Cavalier -^ ' du Roi fut tentée au XIX^ siècle. Ce marquage
38Cf. Mun-ay(1913:469).
-^'^ Cette technique d'inscription à même l'échiquier n'est pas sans rappeler les dessins de
doigt que les copistes ajoutaient pour signaler un passage manquant et renvoyer le
Dans les "règles contraires à l'éthique du jeu" dont j'ai déjà cité certains passages, se
{Echec et mat, mai-juin 1996 : 38). L'inscription de cet interdit est en soi révélateur.
«No care is spared to prevent typographical errors in the games of "THE CHESS
detected an inaccuracy in the game cited. We have before had occasion to remark,
and cannot too forcibly impress it upon young players, that the greatest caution and
precision are necessary in playing games over "from book." The advantages arising
from the practice are, however, more than commensurate with its difficulties, and a
little perseverance soon renders the labour one of love. It has occured to us, that
King's Rook and Knight, to distinguish them from the same pieces on the Queen's
opposite colour, are easily recongnizable to the end, but the repetitio of "King's
164
d'expressions comme «FR 3 CD» est en effet issue de textes échiquéens qui, décrivant
les coups des parties en toutes lettres, conservaient apparemment pour ces inscriptions la
texte qui ignore quasiment tout abrègement puisqu'il est entièrement composé d'énoncés
comme : «Le Fou du Roi à la 3"^^ Case du Chevalier de sa Dame». L'idée d'abréviation
n'était pourtant pas absente dans les manuels des XVIF et XVIIF siècles. Si on trouve
chez Greco (1689) de longues phrases qui ne se contentent pas d'indiquer le mouvement
des pièces mais précisent aussi leurs effets directs du coup («le chevalier de la dame
couvre l'échec à la troisième case de son fou» ; «le pion de la Dame 2. cases pour
mesme» .
notation descriptive ont avancé qu'elle était plus naturelle et moins artificielle que la
Rook takes Queen's Knight," "Queen's Knight checks," and the like" occasions
suggestion at random, but have very little doubt that the makers of Chess-men
would find it to their account to manufacture some pieces after the fashion here
Cette suggestion fut. de fait, retenue par Nathaniel Cooke dans ses premiers jeux modèle
Staunton (vers 1849) où «the king's side knight and the rook had a crown
Les abréviations PTR, CD, etc., n'ont jamais été prononcées comme des acronymes.
165
Cette opposition oral transcrit / écrit verbalisé doit cependant être considérée avec
beaucoup de précautions car on peut douter qu'une expression comme «Le Fou du Roi à
verbaH"*. Le caractère hautement formel d'une telle expression est le résultat d'une
"domestication" de la parole car, pour évoquer les cases ou les pièces, un oral resté
"vierge" de toute infiuence écrite utilise en priorité des déictiques spatiaux tels que «jouer
id» ou «aller là»-*-\ De ce point de vue, les manuscrits médiévaux déjà évoqués
s'avèrent, par les signes qu'ils comportent sur les diagrammes, structurés d'une manière
comparable à celle observable lors d'une énonciation "naturelle" ; preuve que l'opposition
entre écrit et oral n'est pas aussi tranchée qu'on l'a souvent soutenue. Aussi la
formulation en langue dite naturelle des coups échiquéens ne doit pas dissimuler que de
11 est tentant d'opérer un parallèle entre la formulation des lois physiques et les
notations échiquéennes. La considération de la loi d'Archimède et de la relation
d'Einstein fait ainsi ressortir deux formes d'énonciation typiques, l'une littérale qui
rappelle la «notation descriptive» («un corps plongé dans un fluide éprouve une
poussée verticale de bas en haut égale au poids du fluide qu'il déplace») et l'autre
"algébrique" (E=mc2).
Une hypothèse similaire est soutenue, dans un autre domaine (l'étude de lettres
que ces écrits, paraissant à première vue ne relever que de l'oral, en diffèrent en fait
signifiant "oui", "non", "très bien" pour faire réaliser les mouvements possibles et
impossibles ainsi que le but à atteindre. Cet aspect linguistique permet de mieux
comprendre la facilité avec laquelle certains jeux, comme les échecs, ont pu se
«les exigences linguistiques de presque n'importe quel jeu sont limitées et peu
telles expressions n'existent en fait que pour être écrites. De même que la parole qui dicte
pose», le coup d'échecs affecte dès son énonciation orale une forme typiquement écrite.
D'un point de vue syntaxique, ces écrits échiquéens se révèlent d'une grande
simplicité car ils ne sont constitués que d'indépendantes et ne mettent en iuvre qu'un
vocabulaire très réduit. La majorité des phrases se trouvent même dépourvues de verbe
puisqu'elles ne mentionnent que le nom de la pièce qui se déplace et sa case d'arrivée (par
exemple «CO» qui se lit et se dit «Cavalier O»). Les phrases comportant un verbe
explicite n'apparaissent que dans les seuls cas de la prise et de la promotion. Le lexique
échiquéen ne comprend donc que deux verbes : «prend» (qui se note par x) et «égale» (=)
qui signifie la transformation d'un Pion en pièce (i.e. en une Dame, une Tour, un Fou ou
fait remarquer que le coup en question met en «échec» le Roi adverse (ce signe se lit
«échec») : «-i-» relève donc davantage du domaine adjectival que verbal, puisqu'il qualifie
l'effet du coup. Le «mat» n'apparaissant quasiment jamais lors des parties sérieuses, il
généralement marqué sur la feuille de partie par l 'indication en toutes lettres : «mat»'^^.
l'aide de deux signes : le point d'exclamation (!) qui marque que le coup est jugé «bon» et
le point d'interrogation (?) qui véhicule la signification inverse («mauvais coup»). Ces
deux signes typographiques servent donc à qualifier le coup d'une manière analogue à un
'*6 Les «problémistes» utilisent par contre, pour symboliser le mat, le signe «^» qui peut
aussi à l'occasion se retrouver sous la plume d'un joueur.
"*^ Ces deux signes peuvent se trouver répétés afin de marquer soit l'excellence d'un coup
(«!!»), soit sa médiocrité extrême («??»). Ils se trouvent également combinés : «!?»
sert à coder un coup «intéressant» (L. Pachman le traduit par «un coup à double
position qui combinent de différentes façons les signes «-(-», «-» et «=»^^. Ainsi «-i--»
(«plus moins») sert à indiquer que l'avantage revient au joueur en premier (les Blancs) et
«=+» («égale plus») que les Noirs bénéficient d'un léger avantage"*^.
La structure des phrases les plus complexes est du type «b7xc8=C-t-! -i--»,
expression qui se lit «b7 prend c8, égale Cavalier, échec, plus moins».
Dans ces formules qui indiquent des déplacements, il est remarquable de noter que
le nom des pièces n'est jamais précédé de l'article. On dit «Cavalier O» (noté CO) pour
par contre pour désigner la pièce elle-même (sans évoquer un quelconque déplacement).
A «Cavalier O est fort» s'oppose ainsi «¡e Cavalier O est fort» qui marque, contrairement
qu'exerce sur l'échiquier le Cavalier situé en f3. Le système linguistique utilisé aux
l'énoncé.
-"^ Employé seul, «=» signifie que la position est «égale». La constmction syntaxique
dans laquelle se trouve employé le signe «=» lève toute ambiguïté par rapport à ses
indique qu'après le coup b5 la position est équilibrée alors que «g8=D» signifie que
«g8=D =» (le pion avance en g8, se transforme en Dame, et aucun des deux
Dans l'évaluation d'une position, le signe «-(-» est toujours utilisé avec un autre signe (-
Les faibles ressources typographiques des anciennes machines à écrire et des fontes
-''^ A la différence des signes précédemment présentés, il n'existe pas de consensus sur la
manière de marquer les différentes sortes d'avantage. (Les signes de base utilisés
lisent sans problème des livres rédigés dans des langues aussi diverses que le russe,
dans ces mêmes langues, des formules aussi simples que «bonjour» ou «merci». Au
milieu du XIX^ siècle, l'attitude des joueurs à l'égard de cette littérature étrangère était
concurrence :
Tout le monde sait enfin que la langue échiquéenne n'est point uniforme, et
que cette langue, ainsi que l'écriture qui lui correspond, a varié de siècle en
siècle. Cette diversité de notation, qui n'arrête point les hommes spéciaux, est
une barrière insurmontable pour la masse des amateurs ; elle inspire une
aversion naturelle pour les livres et les joumaux écrits dans des systèmes de
qu'on ne s'y trompe point, c'est beaucoup moins l'idiome étranger qui arrête
des amateurs français qui, sans savoir un mot d'allemand, avaient étudié les
théories des Echecs dans Bilguer-'^" et les avaient bien comprises. (Ln. Régence
1850:356).
De nos jours où se fait sentir une certaine domination de l'anglo-américain sur les
publications échiquéennes, les revues françaises abondent ainsi en publicité pour des
livres comprenant des mots évocateurs pour les joueurs : «opening», «tournament»,
l'allemand et les langues de l'Europe de l'Est occupaient comparativement une place plus
importante. Ainsi dans les années 1960, la revue Europe-Echecs proposait de prendre des
-^" Depuis sa première pamtion en 1843 et tout au long du XIX^ siècle, le Handbuch du
domaine du jeu, une illustration des sommes que produisit la science allemande au
XIX^ siècle. Tout joueur sérieux se devait de posséder cet ouvrage qui donnait,
abonnements par son intermédiaire à une vingtaine de "revues étrangères" -'''' ; voici la
liste des pays classés par nombre de revues proposées : Allemagne (4), Angleterre (3),
Pays-Bas (3), Espagne (2), Argentine (1), Australie (1), Autriche (1), Bulgarie (1),
Danemark (1), Grèce (1), Hongrie (1), Italie (1), Pologne (1), Suisse (1),
Tchécoslovaquie (1 ), USA ( 1 ). Cette fréquentation des revues étrangères fut de mise dès
les premières parutions de la presse spécialisée au XIX^ siècle et on en trouve une lecture
ironique reposant sur des stéréotypes nationaux dans une revue d'échecs marseillaise :
jugez plutôt:
L'ALLEMAND [...]. Schach mat ! Il avale sa langue, jette un regard teme sur
please.
mais il est bien ; c'est un coup royal ; on reconnaît la valeur de votre sang.
!...!
L'ITALIEN : Scacco matto ! Per Dio ! Sangue de la M... Attendez ! oui, c'est
vrai, mais ce n'est pas vous qui avez gagné, c'est moi qui ai perdu ; si j'avais
joué au 4me coup questo piccolo pedone !... Les récriminations durent une
- Dans le même ordre d'idées, le grand libraire d'échecs de cette époque, Julien Guisle,
avait fait imprimer sur sa carte de visite : «Achat et Vente de Livres en toutes
un plaisir infini à essayer mes faibles forces contre votre incomparable génie,
monsieur, croyez bien queje suis enchanté de pouvoir me mesurer avec votre
Excellence!...
Eh bien ! Vous croyez peut-être ces types curieux ? Point du tout, le mieux
réussi de tous, c'est le MARSEILLAIS ; lui seul sait jouer. La partie n'est
perceptible dans une des deux librairies spécialisées en matière échiquéenne à Paris. Le
magasin du "Damier de l'Opéra" présente en effet tous les livres en français au rez-de-
chaussée ; le sous-sol étant consacré aux livres et revues écrits en langues étrangères-^2
les appellations du nom des pièces dans les langues où paraissent les principales
publications échiquéennes. Ainsi Tartakover, dans son célèbre hréx'iaire, introduit une
Voici les initiales dont se servent les principales nations, permettant de suivre
Cette formulation n'est pas sans rappeler «la vieille correspondance une langue, une
nailon» (Auroux 1994 : 93). Or l'idée que lesjoueurs d'échecs constituent eux-mêmes
une nation est un leitmotive bien antérieur à la constitution, en 1924, de la FIDE qui
choisit significativement comme devise «gens una sumus». Ce rapport entre langue et
nation échiquéennes trouve ainsi une expression forte dans le passage suivant :
Le plus frappant est sans doute de remplacer une langue particulière par une
La librairie "Variantes", organisée sur un seul niveau, mélange quant à elle les livres de
langue française et étrangère.
171
à tous les peuples ; ce qui est d'autant plus convenable que les joueurs
d'échecs forment un peuple à part au milieu de tous les autres. Rien de mieux
donc qu'ils aient une langue à eux ; langage sacré, compris avec la même
Naples ou d'Alger. Mais pour cela, il faut que ce langage soit universellement
adopté, qu'il soit le même partout et pour tous. S'il n'en est pas ainsi, si
universelle et réalisa, par le biais de ces dessins proches des idéogrammes chinois, le rêve
de Leibniz.
L'existence de cet écrit universel ne doit cependant pas faire oublier qu'il n'y a au
-""-^ Ces décisions furent approuvées par le Comité Central de la FIDE de manière à
-''-'' En fait, la FIDE contribua à fixer un usage qui avait commencé à se répandre grâce à la
parution régulière de 77?^ Chess Player qui publiait tous les six mois les parties des
Sans aller jusqu'à établir un lien de filiation entre jeu à l'aveugle et notation des
parties, il faut reconnaître qu'une même contrainte gouveme ces deux pratiques. On
comprend dès lorsque le lecteur d'un article sur l'histoire orientale du jeu «sans voir» se
soit étonné de n'y relever aucune allusion à la manière dont les coups étaient transmis au
joueur «à l'aveugle» :
«Ce qui est curieux à propos de tous ces récits, c'est l'absence de référence à
une notation échiquéenne sans laquelle le jeu sans voir est presque
inconcevable.» (Reinfeld 1951 : 229).
Cette idée est reprise par le psychologue et grand maître Fine qui y voit la preuve
que les échecs sont véritablement une langue quand il écrit que la capacité déjouer à
Cette connaissance, fmit d'une longue pratique du jeu, est indissociable d'une
schéma mental qui sous-tend une partie à l'aveugle-'^'^. 11 en ressort que le système
constitué par la notation est le seul support auquel il recourt car les noms des cases
-''6 Rappelons que le jeu à l'aveugle est une pratique que tout bon joueur de club est
capable de mener. D'une certaine manière, toute partie ordinaire comporte d'ailleurs
une part de jeu à l'aveugle lorsque le joueur calcule plusieurs coups à l'avance. La
ne vois pas les cases ni les pièces. Mais, sur un champ déterminé, les valeurs
intrinsèques des différents points de ce champ d'action, et ces points ont pour
moi un nom : tel que a4, b6, h3, etc. [...] Quand on me dit un coup, par
le fait que la nature combinatoire des Échecs prédispose au calcul syllogistique (même si
les analyses écrites sous-entendent, parce qu'elle va de soi, la forme «si... alors ...»)-''*^.
Durant les parties sérieuses, l'interdiction de noter les produits de sa réflexion contraint le
joueur à conserver en mémoire les différentes variantes qu'il a pu calculer. Cet exercice
périlleux a été décrit avec réalisme par le grand-maître et pédagogue Alexandre Kotov
-" Réalisé alors qu'Alekhine venait de s'installer en France, cet entretien se démarque
des parties en notation descriptive jusqu'alors publiées dans ce Bulletin en donnant
dans l 'adoption de l 'algébrique qui se réalisa en France à partir des années 30.
Par exemple: «15. ... Cf6 15. ... c5 16. Fxb7 Dxb7 17. dxc5 Fxc5 18. Tbl et
les Blancs sont mieux. 16. Fd3» qu'il faut comprendre comme : Les Noirs ont
joué Cf6 mais si, au 15e coup, les Noirs avaient joué c5, les Blancs auraient alors
pu prendre avec le Fou en b7. A la suite de quoi, si les Noirs avaient repris de la
devant une assemblée de forts joueurs et rapporté par lui dans un livre au titre alléchant.
choix entre deux coups, Tdl ou Cg5. Lequel de ces deux coups devez-vous
Fb7, ou même il pourra prendre sura2 le Pion qui se trouvera alors en prise.
Apartir de là, comment continuer ?" Vous prolongez d'un coup votre analyse
et vous faites la grimace : le coup de Tour ne vous enchante plus guère. Vous
menace ma Dame avec sa Tour. Tout cela n 'est pas satisfaisant. . . le coup de
Cavalier est donc mauvais ! Revoyons le coup de Tour. S'il joue Fh7 je peux
répondre p, mais qu'arrive-t-il s 'il prend maintenant sur a2 ? Que faire dans
ce cas '! Non. décidément il ne faut pas jouer Tdl ;je vais étudier à nouveau le
coup de Cavalier. Donc : Cg5, hô, Cé4, Fxé4, Dxé4, Td4. Non ça ne vaut
coup d' sur la pendule. «Oh ¡Alors que j'hésitais entre jouer le Cavalier eî
idée pourquoi vouloir à tout prix jouer Tdl ou Cg5 !? «Le Fou sur bl,
voilà ce qu'il faut jouer dans cette position.» Et sans plus de réflexion, sans
contrôler la moindre variante, vous jouez le Fou. C'est ainsi le coup dont les
conséquences ont été les moins examinées qui aura été effectué. Mon discours
notant toutes les variantes qu'ils calculent. La clarification du raisonnement peut alors être
obtenue en recourant «à une technique simple, acquise dès l'école secondaire : le graphe»
^^ L'expression «tomber en zeitnot» doit ici être comprise comme «je vais être en zeitnot,
autrement dit en manque de temps».
175
(1977 : 27). Un graphe est un «arbre d'analyse» (1977 : 23) dont les branches sont
imperative:
l'excessif dans cette méthode d'analyse car on peut aussi considérer que les va-et-vient
Mais on constate néanmoins que les joueurs, habitués à annoter leurs coups et à exercer
leur acuité sur des parties commentées, tendent néanmoins à organiser leur réflexion de
manière à s'approcher de cet idéal, calqué sur l'écrit, que préconise Kotov. Aussi les
joueurs parlent-ils comme ils écrivent, mémorisent parce qu'il existe des textes écrits et
Faute de système de notation, une partie d'échecs ne laisserait aucune trace. Aussi
est-ce grâce à l'écriture que lesjoueurs peuvent considérer que les échecs sont non
seulement un jeu mais aussi une science et un art. En affirmant que leur jeu connaît une
accumulation de savoir et ouvre au plaisir esthétique de répéter des parties brillantes, les
considérera avec attention une demière historiette car elle met ironiquement en scène une
bataille, semblaient attendre les joueurs qui, sans doute, les avaient
l'aubergiste.
«Hélas, me répondit celui-ci. cette partie ne sera jamais terminée ! Ils étaient
retrouvaient à cette petite table et consacraient des heures entières à leur jeu
que vous voyez inachevée, l'un deux, qui avait les blancs annonça mat en 2
coups ; il allait jouer lorsqu'il tomba, frappé d'une embolie au c sous les
C'est alors qu'en rangeant l'échiquier, j'eus l'idée d'y coller les diverses
pièces afin de leur conserver la place qui leur avait été donnée par mon
Ne disposant ni des mots (il ne sait probablement même pas jouer), ni des signes
forme la plus primitive d'écriture qui soit pensable : celle où l'objet se représente lui-
60 On voudra bien comprendre que cette formule ne conceme que le jeu d'échecs et qu'il
n'est en aucun cas question de créer une dichotomie entre jeux oraux improductifs
même. Aussi inversée que soit cette image de l'anti-joueur, elle ne fait donc que
chapitre IV
sur la temporalité, car le temps constitue, pour ces passionnés, un enjeu majeur et une
devrait être d'autant plus vif que chaque compétiteur se trouve engagé - durant les parties
- non pas dans un temps unique, mais dans deux stmctures temporelles radicalement
différentes. Aussi le but de ce chapitre est de fournir une description détaillée des
pratiques et discours liés aux temps échiquéens et de proposer une analyse mettant en
avant certains des processus sociaux, culturels et cognitifs qui contribuent d'une part à la
coexistence.
par chaque coup joué à l'intérieur de chaque partie que par des moyens
^ Ce chapitre reprend l'intégralité d'un article pam dans L'Homme, 138, avril-juin 1996,
pp. 87-109 dans lequel il était précisé que ce travail avait bénéficié d'une subvention de
d'inventaire et avec quelques corrections de détail, rapporter les faits relatés ainsi que les
hypothèses avancées au caractère intemational et cosmopolite du jeu d'échecs.
179
Le fait qu'une partie d'échecs participe de la durée est une évidence que tous,
joueurs comme non-joueurs, partagent. Même le spectateur qui ignore les règles du jeu
sait que la partie s'est achevée en quelques minutes ou qu'elle s'est étendue sur de
longues heures. Mais le joueur de compétition utilise aussi une toute autre mesure de la
durée échiquéenne : il dit et considère qu'«une partie dure un certain nombre de coups».
temps à l'aide d'un phénomène périodique car il est impossible d'attribuer une durée
moyenne au coup : d'un coup à un autre le temps de réflexion peut varier d'une seconde à
une heure. Aussi comme le nombre de coups n'apporte en aucune manière une indication
sur le temps qui s'est écoulé pendant le jeu, l'usage de compter la durée en coups relève
soit d'une tournure idiomatique isolée et sans valeur soit d'une conception temporelle
De fait, la numérotation des coups repose sur un aspect essentiel de cette culture
plupart des autres jeux (et du jeu d'échecs en famille) par le fait que lesjoueurs recourrent
sans cesse à une multitude d'écrits qui diffusent les parties des maîtres à travers les livres
et les revues spécialisés. Mais plus fondamentalement encore, tout participant d'un
tournoi (quelque soit son niveau) est tenu d'inscrire - pendant le déroulement de la
rencontre - les coups joués sur une «feuille de partie». Comme la notation du mouvement
des pièces, sur laquelle nous reviendrons ultérieurement, se trouve précédée du numéro
du coup, on comprend dès lors que le joueur de compétition connaisse toujours avec
Ce nombre apporte plus qu'une simple information car il constitue aussi un critère
de jugement surla valeur relative d'une partie : plus grande est la victoire acquise en un
petit nombre de coups . . . plus méritante la défaite concédée - contre un adversaire réputé -
après une lutte longue en coups. Le temps utilisé pour disputer la partie n'entre pas ici en
compte pour juger de sa valeur. Ainsi, il n'existe pas de terme pour une rencontre gagnée
en quelques minutes alors que le mot «miniature» désigne une partie remportée en moins
de vingt coups. La précision du jeu, calculée en nombre de coups, prime sur la rapidité de
180
l'obtention en minutes car la miniature est pour les joueurs une sorte de chef-d'oeuvre,
une suite de coups qui, par leur audace et leur élégance, provoquent un dénouement
accéléré. La rapidité de cette fin procure souvent aux joueurs un sentiment esthétique très
vif, mais cette élégance cache aussi un revers redoutable car la miniature n'est pas qu'une
oeuvre d'art, elle est aussi une réduction de tête. Certains joueurs utilisent ainsi
être interprétée par "réaliser une miniature contre quelqu'un" mais qui exprime aussi un
victoire inéluctable. Le joueur qui distingue clairement un mat prochain effectue son coup
en proclamant : «mat en n coups». Par le «mat annoncé» le fort joueur apparaît dès lors
La fin d'une partie d'échecs relève en effet d'une sorte de mise à mort ainsi que le
manifeste très directement l'expression «échec et mat» dans laquelle tout joueur se plaît à
retrouver la vieille expression persane pour «le roi (shah) est mort»-^. D'autres tournures
de langage contribuent aussi à cette assimilation du mat et de la mort ainsi que le prouvent
par exemple les termes d'«analyse post-mortem» ou d'«autopsie» qui servent, avec
cette angoisse profonde, existentielle, qui peut saisir le joueur dans la défaite :
plus précisément le sens de "vaincu", de "sans issue", (cf Murray p. 159, ou encore
Robert, 1992).
181
Durant une partie disputée dans un club d'échecs, un joueur est pris d'une crise
cardiaque. Présents parmi les autres joueurs, un médecin accourt aussitôt pour porter les
premiers soins, mais il ne peut que constater le décès. Jetant alors un regard sur
l'échiquier, il conclut à l'adresse des autres joueurs : «de toute façon, il était foutu»^.
Ainsi, face au regard social, même la mort ne constitue pas une échappatoire au
mat.
psychanalystes (E. Jones, N. Reider, ...), est par ailleurs connue. Sans entrer plus avant
dans cette perspective, il est certain que le mat est un coup porté au Roi, et l'on sait que le
régicide et le parricide ont joué l'un pour l'autre, dans l'Occident médiéval, le rôle de
métaphore réciproque. A propos de régicide, il est bon de préciser ici, bien que cela aille
de soi, que jamais joueur d'échecs ne fut écartelé en Place de Grève pour crime de lèse
majesté. Autrement dit, le mat est une mise à mort que nous hésiterions à qualifier de
l'adversaire; elle se joue plutôt, pour reprendre 1' expression d'O. Mannoni, dans
Mais le mat est aussi, en même temps, un drôle de crime puisque ce qui devrait
apparaître sur l'échiquier comme l'acte même du régicide, la prise du Roi, n'est jamais
réalisé. L'observation de l'apprentissage du jeu d'échecs montre ainsi que le mat illustre
davantage encore que l'idée de mort, celle de fatalité. Le but du jeu est en effet non pas en
soi de prendre le roi, mais de le mettre dans une position où il ne dispose plus d'aucune
issue. Cette notion de fatalité se trouve même renforcée par l'absence de prise du Roi qui
4 On trouvera une version écrite de cette histoire connue dans Hartston, W.R., 1976,
How to cheat at chess, Hutchinson & Co, London, p.40.
182
ou au moins en ne répliquant pas à l'annonce de mat par un coup sur l'échiquier^. Ainsi
le mat apparaît surtout comme une image de la fatalité et c'est en tant que tel qu'il se
A cette idée de la mort, qu'il faut donc aux Echecs conserver tout en nuançant, est
l'interdiction de reprendre ses coups ainsi que l'énonce le dicton «pièce touchée, pièce
jouée». Un coup joué est un coup achevé qu'engloutit le passé. L'application de cette
règle peut certes varier car si elle est toujours stricte dans les parties officielles, elle se
révèle parfois plus laxiste à d'autres moments. Après tout le joueur est humain, et le
propre du jeu est justement de rendre possible cette réversibilité temporelle puisqu'aucune
loi "naturelle" n'empêche la pièce perdue de ressusciter sur l'échiquier. Mais ces
«pièce touchée, pièce jouée» : ne pas amender sans cesse ses décisions, c'est apprendre
non seulement la fermeté de la pensée mais aussi la nécessité d'une réflexion entière.
Mais cette éthique ne fonde pas l'idée de l'irréversible dans le jeu, elle l'illustre juste à la
Avec la durée et l'irréversible (ou, autrement dit, la succession), les coups semblent
ainsi porter deux des trois concepts fondamentaux que les philosophes occidentaux
seule pièce en mouvement à chaque coup. Le succès des jeux récents appelés wargames
reposent d'ailleurs en partie sur l'idée qu'ils simulent mieux la réalité des guerres en
^ Si l'adversaire effectue malgré tout un coup laissant son Roi en échec, son concurrent
lui indique qu'il se trouve alors dans la situation de pouvoir prendre le Roi et l'encourage
à trouver une autre réplique, et ainsi de suite jusqu'à ce qu'il y ait reconnaissance de la
défaite.
183
concernent plusieurs pièces en même temps. Beaucoup plus pertinente est cependant
l'existence d'une représentation de la simultanéité par les pratiquants du jeu. Je pense que
ce serait une erreur de croire que la stmcture logico-mathématique d'un jeu détermine
strictement les représentations de ceux qui s'y adonnent et l'on sait par ailleurs que les
joueurs de go qui posent sur leur tablier de jeu des pierres à tout jamais immobiles,
d'échecs, tout coup est porteur d'une multitude de menaces dans lesquelles il peut voir
découverte», d'«échec double», ..., expriment d'ailleurs très directement cette idée.
La simultanéité se trouve enfin directement mise en scène dans une forme de jeu qui
porte le nom éloquent de «simultanée». Une simultanée est constituée par les différentes
parties qu'un maître ou un fort joueur mène contre plusieurs amateurs jouant de conserve.
Chaque amateur dispose donc d'un temps de réflexion nettement supérieur à celui du
maître qui, en sus de sa force, ne jouit que du seul avantage de conduire les blancs sur
tous les échiquiers. Par ailleurs, lesjoueurs sont tenus de jouer à chaque passage du
maître. L'ensemble des parties se déroule ainsi dans une quasi simultanéité des
mouvements puisque chaque joueur peut voir, sur l'échiquier de son voisin de gauche ou
de droite, l'état d'une partie aussi avancée que la sienne. La simultanéité ne concerne
donc pas ici le cours d'une seule partie mais plutôt l'ensemble des parties de la
simultanée.
que toutes les parties jouées présentent dans leur suite de coups une parfaite simultanéité.
Ainsi on trouve à longueur de pages des exemples juxtaposant des coups qui réfèrent à
" Cet exemple a été inventé pour les besoins du chapitre afin d'en simplifier la lecture car
la plupart des lignes théoriques s'étendent sur 15 à 25 coups. Notre exemple indique trois
2. h3 Poireau-Kaprasov 1993 -+
1. f4^ é6 '^ 2. é4 Champion-Dupont 1901 =
2. g4 Lagaffe-Gnildnew^ 1959 --i-
chronologie des coups qui est indépendante de l'époque à laquelle les parties ont été
parties ou de répéter - dans ses propres parties - des ouvertures qui bénéficient de
Simultanéité, succession et durée trouvent donc avec les coups une expression qui
ne relève pas du "temps ordinaire"^ car celui-ci ne permet pas de comprendre les logiques
temporelles en jeu lors d'une partie d'échecs. Aussi le joueur pense-t-il plutôt le
mouvement des pièces sur l'échiquier en fonction d'une sorte de "temps des coups"^ dont
modèle standard, les noms des joueurs qui ont disputé une partie débutant ainsi (le
premier nom cité conduisait les blancs). Enfin, une appréciation de la position est donnée
(le signe = précise que la situation est jugée égale, -+ qu'elle est largement en faveur des
noirs; la ligne 2. é4 est donc, ici, la seule recommandée par la Théorie échiquéenne).
' Mathématiquement, chaque partie représente moins une "invention" qu'une réalisation
d'une branche particulière de l'arbre des variantes induit, depuis l'origine, par les règles
du jeu. L'histoire des progrès techniques aux échecs se dissout donc, d'un point de vue
diversité de ce temps ordinaire, il suffira pour notre propos de reconnaître que le temps
" Le présent usage des concepts de simultanéité, succession et durée ne doit pas laisser
accroire que nous les considérons d'un point de vue anthropologique comme des outils
185
Le temps des jeux en général possède par ailleurs la propriété étonnante de pouvoir
être interrompu sans que cela nuise en soi à l'action ludique. Ceci s'applique aussi aux
Echecs. Que la reprise du jeu ait lieu cinq minutes après l'intermption, ou un mois après,
la position des pièces sur l'échiquier, - ou, ce qui revient au même, l'écriture des coups
vocabulaire sportif utilise fort à propKJs l'expression temps mort qui indique que pour la
Mais cette idée se trouve encore renforcée aux échecs, comme dans la plupart des
autres jeux sur tabliers, par le fait que les différents moments entre deux coups n'accèdent
jamais à l'identité. Le coup est un atome indivisible. Une devinette échiquéenne illustre ce
principe ainsi :
nouveau venu dans un club à qui est posée cette devinette et qui cherche sans succès une
solution impossible. Pourtant celle-ci lui est finalement révélée de la manière suivante : le
Cavalier est légèrement soulevé pour dévoiler le Fou qui donne alors «échec», mais
comme le Cavalier reste maintenu au-dessus de sa case de départ il est censé contrôler
toujours les mêmes cases ce qui implique le mat du roi noir. Comme le novice, toujours
continuité' '.
propres au jeu d'échecs car on pourrait avancer de semblables considérations sur le jeu
des petits chevaux. Mais l'analyse anthropologique d'une activité ludique se doit de ne
échiquéenne est justement le développement d'une riche réflexion indigène sur la question
du temps. Cette pensée conceme certains aspects techniques de la conduite d'une partie
d'échecs mais il est possible d'en tirer certains enseignements sans rentrer dans des
«La partie d'échecs dépend de trois facteurs : la matière (représentée par les
Cette idée partagée actuellement par tous les joueurs d'échecs de compétition
modeme y recourt d'ailleurs directement puisque le coup noté par exemple 40. Tal-a8
(les cases al et a8). Mais il ne faut pas oublier le caractère historique et culturel de cette
ainsi noterque lesjoueurs d'échecs semblent avoir ignoré jusqu'au XVIIIe siècle ce qui
allait devenir leur bien rare par excellence, autrement dit le temps. Un modeme théoricien
du jeu a en effet traduit dans un langage d'économiste une notion que tous les joueurs^ ^
11 n'est pas un livre de théorie échiquéenne qui ne traite d'une façon ou d'une autre
Le mot temps était utilisé sous sa forme générique ("le" temps) dans les deux
citations ci-dessus mais en vérité lesjoueurs l'emploient plutôt avec un adjectif numéral
(«un», «deux» temps). A entendre les commentaires des joueurs, gagner ou perdre un
temps, voire deux ou trois temps, constitue en effet une de leurs principales
préoccupations tactiques. Mais curieusement, quand on les interroge sur le sens qu'ils
prêtent à cette acception du mot, lesjoueurs se contentent d'une définition par équivalence
Le plus simple exemple de perte d'un temps est le déplacement d'une case à une
autre effectué en deux coups alors qu'un seul eût suffit. Perdre un temps, c'est aussi en
faire gagner un à l'adversaire puisqu'il peut, entre-temps, jouer un coup de plus. 11 n'est
pas besoin de savoir jouer aux échecs pour comprendre que la perte d'un temps doit
généralement désavantager le joueur prodigue. Sans entrer plus avant dans ces
13 Cet accord unanime sur l'importance du facteur temporel n'empêche pas les joueurs
d'user très différemment de ce temps dans leurs parties. Ceci se remarque autant chez les
petits joueurs que chez les champions du monde ; ainsi, la soudaineté légendaire des
attaques de Tal contrastait avec les manoeuvres lentes et louvoyantes d'un Botvinnik.
tempo est en effet de compter l'effet réel des mouvements dans le temps indépendamment
Ainsi pensé, ainsi construit, le coup cumule le spatial et le temporel. Si, pour le
profane, le coup n'est que le mouvement d'une pièce dans l'espace, le joueur de
compétition considère par contre que le coup provoque également un mouvement dans le
temps.
Le coup (ou, ce qui revient au même, le tempo) mesure donc le temps de la partie
mais en soi il ne le mesure qu'à la manière d'une chronique sur laquelle chaque nouvel
événement viendrait gommer le précédent car la position des pièces sur l'échiquier
peut que ressentir l'indistinct passage du temps. Aussi si ce temps discret des coups se
manifeste avec autant de netteté, c'est parce qu'un instmment de mesure nous le révèle' 5.
Cet instrument est mstique, il s'agit de la «feuille de partie», mais il est fiable :
un numéro.
Le fait que ce temps discret nous soit appam dans la pratique échiquéenne avec une
particulière netteté ne doit donc pas surprendre. Cela tient moins à la "nature" du jeu
d'échecs, somme toute peu différente de celle des petits chevaux, qu'à son
développement historique qui combine une technique de mesure (la feuille de partie) à une
Le temps des coups a encore comme caractéristique d'être fini'^ puisque toute
partie a un début et une fin. Le mat (ou, ce qui revient au même, l'abandon) en marque le
15 Je me demande même si, d'un point de vue anthropologique, le temps peut exister
indépendamment de ses instmments de mesure. Autrement dit, c'est la technique de
mesure (qui peut être biologique, mathématique -cf la semaine, le calendrier maya-, ou
1" A contrario, le temps ordinaire est dans notre société globalement pensé comme infini
car chacun reconnaît que le monde existait avant sa naissance et continuera après sa mort.
190
terme définitif à moins que les deux joueurs ne conviennent entre eux d'arrêter la partie
sur un résultat «nul», c'est-à-dire sans vainqueur ni perdant. Cette demière fin s'avère
tout aussi définitive que le mat car une fois la «nullité» conclue, le règlement officiel
Mais il arrive parfois qu'un joueur refuse les propositions de partie nulle de son
adversaire et veuille poursuivre un combat qui ne présente pourtant plus aucune chance de
gain. Une telle partie pourrait dès lors se poursuivre dans une suite de coups infinie et
tomberait dans la catégorie des jeux de pure patience. Le cas s'est révélé suffisamment
fréquent pour avoir été prévu par la Règlement qui déclare nulle toute partie où 50 coups
se sont écoulés sans qu'un pion n'ait été avancé ou qu'une prise n'ait été effectuée.
L'intérêt et la nécessité de la notation des coups apparaît ici encore évident : la feuille de
partie fait preuve pour ce décompte des 50 coups. Sans trace écrite, il serait en effet
Ainsi, aux échecs, le Règlement impose ses limites au temps des coups' ^ et évite de
Depuis al-Mas'ûdî, les mythes d'origine du jeu d'échecs semblent fascinés par les
grands nombres. Les versions les plus connues s'attardent ainsi sur la récompense que
«Fais mettre un grain de blé sur la première case d'un échiquier - lui demanda
Sissa -, deux sur la seconde, quatre sur la troisième, huit sur la quatrième et
Ce n'est que dans un très lointain passé (Big bang) ou futur (cataclysme solaire...) que
l'infinité du temps pose un problème philosophique aux contemporains.
1 ' Inversement, le Règlement interdisait jusqu'en 1963 de conclure une partie nulle avant
que 30 coups n'aient été joués (mais rien n'empêchait lesjoueurs assez rapides pour jouer
un coup à la seconde, de faire nulle en moins d'une minute de jeu).
191
apparence, cache en fait une monstmeuse progression géométrique qui atteint le chiffre
tout entière emblavée ne sauraient répondre au désir du brahmane. Combien plus grand
cuisine ! Mais il ne revenait qu'au seul jeu d'échecs la noblesse d'approcher ainsi de
l'infini... (Dr l'histoire nous apprend que le brahmane avait enseigné les échecs au râja
1° Pour des références historiques plus précises, cf. Murray, pp.209-218 et p.755.
192
2. ie temps de la pendule
entre les coups. Par principe, je ne joue pas plus rapidement.» S.Zweig, Le
joueur d'échecs.
Mais l'ennui peut aussi ressurgir quand le temps discret se dilue par manque de
coup. Si le joueur à la réflexion trop lente ou trop profonde exaspère déjà son adversaire,
que faut-il penser de celui qui - se sachant irrémédiablement perdu - poursuit la partie à un
train de sénateur ? La courtoisie échiquéenne fait d'ailleurs que les parties ne s'achèvent
jamais par le mat car le joueur qui se retrouve dans une position désespérée se doit
d'abandonner par respect pour son adversaire. Le refus d'abandonner une partie perdue
contredit en effet l'esprit même du jeu qui réclame toujours une certaine dose
d'incertitude.
Il semble que jusqu'au XIXe siècle, la durée du temps de réflexion n'ait pas posé
de problèmes excessifs aux joueurs. Une sorte de contrôle social informel limitait la
réflexion de chacun car tout joueur trop lent se voyait rappeler à l'ordre par son adversaire
«c'est à qui déjouer ?» pouvait précéder l'injonction «mais jouez donc !». Enfin l'ultime
forme de défi entre les maîtres msses, allemands, français et anglais. L'augmentation de
retraités venus aux échecs tardivement, apparait d'ailleurs un peu anachronique aux yeux
l'enjeu lié à la victoire, enjeu tant matériel (l'argent misé) que symbolique (la
entraîna certains joueurs à user d'un temps de réflexion de plus en plus important et
l'ancien contrôle social s'avéra incapable d'enrayer cette dérive car contrairement aux
parties à enjeu minimal où les adversaires disent ne jouer «que pour rhonneuD>, le joueur
le plus rapide ne pouvait quitter le jeu sans abandonner du même coup ses ressources
XIXème siècle. Le premier périodique échiquéen. Le Palamède. proposa ainsi dès ses
(p.189).
maximum par coup souffraient de deux handicaps majeurs. D'une part, selon la
complexité de la position un joueur peut sentir le besoin de réfléchir des laps de temps
très variables et d'autre part, rien n'empêchait un joueur d'utiliser, f)Our chaque coup, la
totalité du temps dont il disposait ; à raison de dix minutes maximum par coup, une telle
Aussi le principe qui fut finalement retenu consiste à allouer, soit pour toute la
partie, soit pour un certain nombre de coups, une certaine quantité de temps à chaque
20 Mais c'est aussi l'attitude générale à l'égard du temps qui se transformait alors
profondément. Cause et conséquence, la pendule comme la montre devenaient des objets
de plus en plus courants. Par ailleurs, lesjoueurs d'échecs soucieux de limiter le temps
de réflexion répétaient que l'époque était entrée dans l'ère des chemins de fer. Dès 1836,
cette idée se trouve exprimée pour inciter à l'emploi de «l'inflexible clepsydre» (cf note
suivante). Les anglais partagaient les mêmes raisonnements puisque The Oxford
Companion to chess cite ainsi un joueur qui écrivait en 1852 : «Juries, ere now, have
convicted men and judges have hanged them, to save time. Railway companies at the
present day break our legs, and sometimes our necks, to save time. Our chessplayers are
the only men in this country who disregard it.» (Hooper, p.3 55).
194
joueur. Un joueur peut ainsi ne pas s'attarder sur certains coups faciles et, en
toujours dans l'obligation de jouer car si jamais il dépasse le temps total imparti, il est
Cette «pendule» diffère par trois points d'un mécanisme horloger ordinaire. Elle
compte deux cadrans, deux petits boutons et, enfin, deux curieux dispositifs situés près
Malgré leur forme classique (division en douze heures, petite aiguille des heures et
grande aiguille des minutes), les cadrans ne se lisent pas comme sur une horloge
ordinaire. Car si l'horioge compte le temps écoulé depuis ce point zéro qu'est minuit, la
pendule d'échecs décompte, quant à elle, le temps restant. Chaque cadran indique à cet
effet le nombre de minutes dont dispose le joueur situé de son côté. Aussi, pour une
195
partie où on attribue, par exemple, vingt minutes de réflexion, les grandes aiguilles2 ' sont
lorsque son aiguille des minutes marque zéro ou, autrement dit, arrive à la verticale. Dans
l'exemple de la figure ci-dessus, le joueur de droite doit donc achever sa partie en moins
de deux minutes.
du second cadran22. On comprend qu'un joueur n'a le droit d'appuyer sur son bouton,
c'est-à-dire d'arrêter «sa» pendule, que lorsqu'il a effectué son coup sur l'échiquier, mais
le règlement précise encore que le bouton de la pendule doit être actionné par la même
main qui a manipulé la pièce. Sur notre figure, le bouton levé indique que le trait revient
au joueur de droite.
temps est dépassé. Petite pièce mobile autour d'un axe, le dra-peau est entraîné au
passage de la grande aiguille. Quand celle-ci atteint la verticale elle ne soutient plus le
drapeau qui, par l'effet de la gravité, reprend aussitôt sa position initiale. On dit alors que
Cette pendule s'avère être un objet indispensable dans le jeu d'échecs modeme.
Ainsi deux joueurs qui se rencontrent sur une plage ou au domicile de l'un d'entre eux ne
21 Aucune attention n'est donc portée, dans ce cas précis, à l'aiguille des heures et il peut
donc se trouver que, sur une pendule d'échecs, les "heures" indiquées sur chaque cadran
diffèrent mais c'est sans aucune importance car seules comptent alors les aiguilles des
minutes. Par contre, quand le temps de réflexion est supérieur à une heure, il est bien
évidemment nécessaire d'harmoniser les "heures" des deux cadrans. Ainsi, dans une
partie «40 coups/2 heures» (cf plus loin), les cadrans sont généralement réglés sur
«quatre heures» de manière à ce que le premier contrôle du temps soit réalisé lorsque les
aiguilles des minutes et des heures passent à la verticale (c'est-à-dire à six heures).
22 Ces pendules d'échecs ne sont pas, techniquement, des "pendules" (ou horloges à
pendule) mais cette appellation évoque, me semble-t-il, particulièrement bien ce
disputeront probablement aucune «partie amicale» si, en plus du jeu, ils ne disposent pas
aussi d'une pendule. Aussi est-il essentiel de mesurer attentivement la portée historique
de cette introduction.
présente la spécificité d'être un jeu où des pièces aux mouvements divers cherchent à
attraper une pièce particulière du camp adverse (le roi). L'histoire du jeu nous apprend
siècles, son principe général est en revanche resté remarquablement stable. Si l'on
excepte en effet la "préhistoire" du jeu qui vit le passage de quatre à deux joueurs et
surtout l'abandon du dé, la seule différence marquante est en effet représentée par
«ministre» (firzân, mantri) qui avait dans le jeu oriental une capacité très réduite a, sous le
nom de «dame», vu en Europe son efficacité accrue au XVème siècle. Cette pièce
attaquait si vigoureusement le roi adverse que la forme nouvelle du jeu qui allait devenir
les échecs occidentaux modemes prit même un temps le nom d'esches de la dame
enragée. Mais cette Jeanne d'Arc de bois ou d'ivoire ne contredisait pas le principe
sens, la principale révolution de la règle échiquéenne depuis son origine, car le mat (ou
son anticipation qu'est l'abandon) n'est plus l'unique but. Dorénavant, le joueur peut
aussi gagner (ou perdre) à la pendule et il importe de noter toutes les différentes
peut être distribuée de plusieurs façons. 11 existe en effet différentes manières de jouer
Curieusement, les joueurs n'ont retenu principalement que trois cadences assez
Dans la partie longue, chaque joueur dispose de deux heures pour effectuer les 40
premiers coups puis d'une heure par série de 20 coups. Cela représente en moyenne trois
minutes par coup mais un joueur n'étant jamais un métronome, les temps de réflexion
présentent une grande diversité. Comme les joueurs possèdent une expérience très
étendue des ouvertures, ils peuvent parfois «réciter» les 15 ou les 20 premiers coups
d'une partie en moins d'une minute ; mais ils peuvent tout aussi bien passer une demi-
heure à méditer leur premier coup. Enfin, il n'est pas rare que, dans une position
Lors d'une partie semi-rapide, la cadence est de vingt à trente minutes pour tous les
coups de la partie.
Enfin le blitz représente la forme de jeu la plus rapide puisque chaque joueur ne
dispose que de cinq minutes pour toute la partie. Comme une partie dépasse souvent
soixante coups, le joueur qui ne veut pas perdre au temps doit, en moyenne, réfléchir à
son coup, déplacer sa pièce et appuyer sur sa pendule en moins de cinq secondes. La
rapidité d'une telle cadence peut paraître hallucinante au joueur occasionnel mais il faut
savoir qu'elle est tout à fait ordinaire au joueur de club2^. Disputer un blitz ne constitue
pas un exploit. Cependant, les coups en blitz ne sont pas choisis au hasard car un bon
joueur de club ne laisse généralement guère de pièces ou de pions en prise lors d'un blitz;
pour exprimer autrement la même idée, on peut affirmer qu'avec seulement cinq minutes
23 Les plus rapides disputent même des blitz où ils ne disposent que d'une seule minute!
Une certaine prestesse manuelle est alors recommandée en sus de la vivacité intellectuelle.
198
parties disputées selon ces différentes cadences. Ainsi, si le blitz n'est qu'un amusement,
une récréation, il revient par contre à la partie longue les apf)ellations de partie «sérieuse»
«classement elo» des joueurs. C'est selon cette cadence que se disputent non seulement le
interclub.
malgré ce procès, le blitz constitue, pour la plupart des joueurs, leur activité "naturelle"
dans le sens que c'est celle qu'ils pratiquent prioritairement entre eux quand ils ne se
les différents types de partie. D'une manière générale, les joueurs de compétition
considèrent qu'une partie amicale, c'est-à-dire sans pendule, «n'est pas une partie
d'échecs» aussi, même si une telle partie dure plus d'une heure, elle se trouve en soi
discréditée par rapport à un simple blitz de dix minutes (qui, en comparaison, est bien
reconnu comme une vraie partie d'échecs). Par ailleurs, les parties par correspondance où
lesjoueurs réfléchissent plusieurs jours sur chaque coup ne constituent pas la référence
ultime puisque le champion du monde par excellence acquiert son titre en ne disputant que
des parties longues. Enfin, il faut noter que la cadence des parties longues tend
dans les années 1980, 40 coups en 2 h actuellement. Pourtant cet abrègement du temps de
réflexion ne s'accompagne pas, dans l'esprit des joueurs, d'une baisse du niveau de jeu.
200
La partie longue connaît même depuis quelques années un nouvel avatar sous la
forme du «une heure K.O.» qui est une cadence de jeu ana-logue aux semi-rapides
puisque le joueur dispose d'un temps fini (soixante minutes) pour jouer toute sa partie.
Mais c'est aussi une forme de «partie officielle» puisque le résultat des une heure K.O.
servent à la détermination du classement elo des joueurs au même titre que les autres
parties longues. Or, malgré les avantages qu'apporte le une heure K.O. dans
l'organisation des toumois, cette cadence de jeu est actuellement fortement contestée.
Aussi pour comprendre cette hiérarchie entre les différents types de partie, il me
prendre en compte trois critères qui peuvent être établis à partir des trois questions
suivantes : La partie est-elle disputée à l'aide d'une pendule ? Est-elle écrite ? Est-elle
prise en compte pour le calcul du classement des joueurs ? La figure 4 synthétise ces
partie amicale - - -
blitz + - -
semi-rapide + -
+
1 correspondance -
-1- + 1
d'un classement officiel correspondant aux différents types de partie. Ainsi le elo,
prononcé [élo], qui est le classement par excellence est attribué au vu des résultats
obtenus en disputant des parties longues. La colonne "écriture" laisse apparaître une
anomalie à propos du une heure K.O. Selon le règlement de ces parties, lesjoueurs sont
201
en effet tenus de noter leurs coups jusqu'à ce qu'il ne reste plus que cinq minutes à l'un
des deux joueurs. Dès ce moment, l'écriture disparaît. Aussi connaissant le rôle essentiel
disparition (combinée aussi, bien sûr, au manque de temps) qui incite certains joueurs à
juger que le une heure K.O. c'est «n'importe quoi». Enfin l'absence de la pendule dans la
partie par correspondance signifie, ainsi que nous le verrons plus loin, l'absence d'un
rôle essentiel de ces trois facteurs dans la culture échiquéenne. On peut aussi sur le
les parties d'un toumoi de blitz servant à établir un classement entre les joueurs d'un club
Ainsi que nous venons de le constater, l'usage du temps mesuré a ouvert le jeu à
une diversité de cadences, mais cet usage a aussi eu des répercussions très importantes
pour le développement de la pratique des échecs. Dans les toumois actuels, chaque joueur
dispute de 7 à 11 parties contre des adversaires qui, à chaque tour, comptent, grosso
modo, le même nombre de victoires et de défaites. Ainsi aucun joueur n'est éliminé et
tous disputent le même nombre de parties. Le point important est ici, que sans pendule,
pendule donne, par exemple, la faculté d'organiser un «toumoi semi-rapide» sur une
joumée.
le sens qu'il a autorisé une nouvelle sociabilité échiquéenne. Dans les parties amicales,
une règle informelle veut que les deux adversaires restent assis devant l'échiquier tout au
long de la partie de manière à éviter tout temps mort. Dans les parties longues au
contraire, si un joueur est absent lorsque son adversaire joue, il «perd» dès lors du temps
202
«son temps» comme il l'entend. Le joueur peut ainsi dégourdir ses jambes mais aussi
regarder les parties des autres joueurs, voire discuter en aparté avec ceux-ci. Preuve
Mais la pendule n'est pas qu'un simple instmment de jeu. Elle accentue en effet le
plan de la table (la présence d'un large public et de nombreia arbitres ne dégage en
Les modemes promoteurs du jeu ont ainsi compris l'intérêt qu'il y avait à
commenter le temps avec une insistance d'autant plus grande que le public ignore les
principes les plus élémentaires du jeu. Mais le "vrai" joueur n'est pas sans apprécier
quatrième heure de jeu est généralement parcoume par une sorte d'agitation collective
203
causée par le fait que nombre de joueurs ne disposent plus alors que de quel-ques minutes
pour atteindre le fatidique 40ème coup. Le terme de «zeitnot» désigne même les cinq
demières minutes lors desquelles le joueur qui se trouve donc en manque de temps n'est
plus tenu, selon le règlement, de marquer ses coups2-*. Ce moment, ou plus précisément
les demiers instants du zeitnot, fascine littéralement les autres compétiteurs. Ceux-ci,
abandonnant en effet pour quelques minutes leur propre partie, s'agglu-tinent alors pour
assister au dénouement de la partie en question. Dès que ce zeitnot est achevé (drapeau
tombé ou 40ème coup dépassé), les «requins» (ainsi nommés parce qu'attirés par l'odeur
autour des parties qui menacent d'être gagnées ou perdues sur le verdict du temps.
perdue. La simplicité de l'énoncé ne doit cependant pas masquer la difficulté que revêt
parfois son application. Un arbitre influent, formateur d'arbitres de surcroît, m'a ainsi
déclaré que les arbitres existent depuis l'invention de la pendule. Si le fait est
historiquement contestable, il n'en reste pas moins qu'à l'heure actuelle, 90% des
problèmes d'arbitrage sont liés à l'emploi de la pendule. Quelle décision prendre quand
on constate, un peu tardivement, que les deux drapeaux sont tombés ? Comment savoir si
le40ème coup a été atteint lorsque les deux joueurs en zeitnot mutuel ont joué un grand
nombre de coups sans les noter ? Un joueur qui fait échec et mat en même temps que son
Contraint de porter un jugement sur tous ces cas ambigus, l'arbitre s'est réservé le
monopole du contrôle du temps. Lui seul peut manipuler la pendule pour rajouter
quelques minutes à un joueur handicapé par une raison ou une autre, lui seul peut décider
24 A la différence du «une heure K.O.», son adversaire doit continuer à inscrire les
coups. La notation ne s'interrompt que si le zeitnot frappe les deux joueurs, mais comme
ceux-ci devront, à l'issue du zeitnot, reconstituer sur leur feuille de partie la totalité des
d'arrêter le fonctionnement des pendules, lui seul peut - en dehors évidemment des deux
Ainsi que nous avions analysé le temps des coups, il convient de spécifier
maintenant ce temps de la pendule. Pour faire bref, disons que la pendule mesure un
temps qui est à la fois continu et intermittent. La continuité est évidemment de même
nature que celle de la montre. L'intermittence provient, quant à elle, du fait que la (demi-
particulier lors des zeitnot qu'il convient à cet effet de bien distinguer des blitz. Le
conscient de pouvoir gâcher sur un mouvement trop impulsif quatre heures d'investis¬
excellent blitzeur peut «gaffeD> en zeitnot. La «pression du temps» entraîne aussi parfois
une altération du comportement des joueurs qui, dans l'accélération du rythme du jeu, se
mettent soudain à «frapper sauvagement la pendule», à lancer les pièces sur l'échiquier, à
Cette exacerbation due au zeitnot est reconnue, si ce n'est partagée, par tous les
joueurs et on peut ainsi noter que les arbitres qui se trouvent, parfois, violemment pris à
partie lors des zeitnot, préfèrent généralement oublier l'incident pour la raison qu'un
qu'il médite parfois une demi-heure sur le premier coup) à une situation de surexcitation
205
lorsque le drapeau est levé. Aussi peut-on finir de particulariser le temps de la pendule en
le qualifiant de paroxystique25.
d'un article...) mais le propre du temps de la pendule est de donner, avec le «zeitnot»,
3. Le passe-temps de l'ethnologue
p.23.
Ainsi les joueurs d'échecs se trouvent-ils, durant leurs parties, confrontés à ces
deux temps radicalement distincts que sont le temps des coups et le temps de la pendule.
les compétiteurs qui n'envisagent jamais explicitement les coups ou la pendule comme
la réponse à cette question nécessite la mise en parallèle de différents usages. Les parties à
temps paroxystique.
temps discret des coups et le temps paroxystique de la pendule. Nous savons en effet que
lors des parties longues, les compétiteurs sont tenus de noter leurs coups mais il faut
maintenant ajouter que, parallèlement à cette obligation, le code échiquéen leur interdit
strictement toute autre inscription. Or cette interdiction souffre d'une exception qui établit
déjà un parallèle graphique entre les deux temps : il est en effet permis d'inscrire, à côté
du coup proprement dit, le temps dépensé. Aussi la notation complète et autorisée d'un
coup sur la feuille de partie est par exemple : «40. Tal-a8, 1 h 59».
qu'elle est donnée par les arbitres car ceux-ci considèrent qu'un coup n'est «achevé»
dramatique d'application de ce principe d'achèvement est donné par le cas d'un joueur qui
perd au temps une partie longue parce qu'il a simplement négligé d'appuyer sur sa
pendule après avoir effectué son 40ème coup sur l'échiquier ; la défaite est en effet
adjugée si le drapeau tombe avant que le joueur n'ait le trait pour son 41 ème coup. A cette
revanche tolérés, on voit que cette prohibition du conseil ne s'applique ainsi qu'au coup
pensé dans sa totalité, c'est-à-dire à la fois comme mouvement sur l'échiquier et comme
Le terme, arbitral et un peu savant, d'«achevé» n'est pas nécessairement utilisé par
tous, mais l'idée qui lui correspond est par contre unanimement partagée. En témoigne
une version non officielle (mais très fréquente) du coup achevé qui s'observe lors de
certains blitz où lesjoueurs s'entendent pour ne pas appliquer la règle «pièce touchée,
pièce jouée» et s'autorisent mutuellement à reprendre leurs coups tant qu'ils n'ont pas
appuyé sur leur pendule. Lors de ces blitz, la barrière de l'irréversible se déplace ainsi du
temps des coups au temps de la pendule mais, d'une manière plus générale aux échecs,
l'irréversible se répartit de fait entre les deux temps. Ainsi lors des semi-rapides où
s'applique la règle «pièce touchée, pièce jouée», il est permis de rectifier un coup
«impossible» (lequel impliquerait sinon, de par le règlement, la perte de la partie) tant que
la pendule n'a pas été actionnée. On voit, par ces exemples, que le temps de la pendule ne
se surajoute pas "mécaniquement" au temps des coups car son application dépasse, en le
Il existe même un cas où l'action sur la pendule précède le temps des coups. Les
solennellement : «les Noirs appuient sur la pendule». Le temps du jeu étant alors
blanc est enclenché quand le joueur qui conduit les Noirs actionne le bouton de la pendule
situé de son côté. Les Blancs peuvent alors effectuer le premier coup. Ce n'est que depuis
la seconde moitié du 19ème siècle qu'une convention a ainsi établi à quelle couleur
208
revenait le «trait» initial. Jusqu'alors, on attribuait une couleur à chaque joueur puis on
tirait au sort pour déterminer celui qui engagerait le jeu. Comme le noir était à l'époque
supposé être, aux échecs, une couleur porte-bonheur, on fixa, dans les années 1830-
couleurs, aussi ne reconnaissent-ils plus que l'avantage théorique que donne aux Blancs
le trait. Cependant, l'expression figée «les Noirs appuient sur la pendule» rétablit, me
puisque celui-ci bénéficie dès lors du privilège de faire débuter la partie. La même
procédure est suivie lors des blitz informels : le joueur blanc fait un geste d'invite ou dit
«quand vous voulez» et le joueur noir appuie sur la pendule. D'un point de vue
accord avec ce qu'ils font, le premier coup d'une partie à la pendule revient aux Noirs.
Une autre compensation, bien matérielle celle-ci, est apportée par le placement de la
pendule du côté choisi par les Noirs ce qui les avantage, particulièrement en blitz, car un
droitier perd toujours quelques instants à atteindre une pendule située à la gauche de
pensée échiquéenne cultive deux qualités déterminantes d'un "bon" jeu. D'un point de
vue purement ludique, un jeu agonistique se doit en effet d'assurer non seulement
l'équilibre des forces entre les camps mais de préserver également le plus grand
dynamisme possible. Autrement dit, aucun camp ne doit être avantagé, et chaque camp
doit bénéficier de réelles chances de victoire. Mais dans tout jeu où le hasard n'est pas le
principal moteur du résultat, les différences d'aptitude entre les concurrents constituent
contenir. Aux échecs, les «parties à avantage» ont pris deux formes stmcturellement et
historiquement distinctes. Autrefois, le joueur le plus fort retirait une pièce de son camp
209
rapides par des temps de réflexion inégaux. Il existe ainsi à Paris des cafés où l'on appâte
le «client» grâce à des blitz «en cinq une» (c'est-à-dire en cinq minutes contre une) au
Les parties longues actuelles ignorent, quant à elles, tout système compensatoire
mais elles sont parfois l'occasion d'exercer une technique psychologique apparentée.
retard au début d'une ronde et sacrifient ainsi, à leur pendule, plusieurs dizaines de
minutes.
flagrant les problèmes que pose la dualité temporelle du jeu d'échecs moderne. Le
procédé s'applique dans des positions qui sont, de toute évidence, catastrophiques mais
dépense alors la quasi-totalité du temps qui lui reste |X)ur «se mettre en grand zeitnot».
fréquemment des coups tellement fautifs qu'il ne les aurait même pas envisagés dans des
dès lors pour exploiter les erreurs et atteindre le 40ème coup dans une position qui lui est
échiquéens car il serait par trop insuffisant de n'expliquer cette faillite que par l'angoisse
réalité son origine dans le fait que le joueur initialement avantagé dissocie les deux temps
échiquéens et obnubile sa pensée sur la seule idée d'acquérir en quelques secondes une
26 Cet avantage matériel correspond d'une certaine manière aux temps qui auraient été
nécessaires pour gagner la pièce en question. Donner du matériel équivaut donc à laisser
victoire au temps alors que le mat est, quant à lui, encore lointain. Le tour de passe-passe
zeitnot qui met donc en scène non seulement la vie et la mort mais aussi la bonne et la
mauvaise Fortune.
illustre particulièrement bien les réseaux de correspondance qui ont été tissés entre le
peuvent en effet clore la discussion échiquéenne et il est captivant de constater que chaque
action finale sur le temps des coups trouve exactement son équivalent dans le temps de la
pendule.
Idéalement et dans la plupart des blitz, une partie d'échecs s'achève sur un mat qui,
par définition, marque la limite absolue du temps des coups. Or cet aboutissement se
trouve, dans les parties longues, systématiquement anticipé par l'abandon. Celui-ci peut
être signifié de différentes façons mais la plus fréquente consiste tout simplement à
«arrêter la pendule». Bien queje n'ai jamais entendu un commentaire allant dans ce sens,
on peut néanmoins remarquer que les joueurs d'échecs ont ainsi réinventé un geste
campagnes.
Une seconde façon d'abandonner est réalisée en couchant le Roi ; il s'agit donc
d'une manoeuvre qui s'inscrit dans le temps des coups. A la vérité, cette pratique est
plutôt exceptionnelle lors des toumois et s'observe davantage dans certaines oeuvres
cependant la signification d'un tel geste et on peut ainsi noter que le renversement
toute superstition. Or cette image de la chute royale renvoie directement aux expressions
verbales qui figurent l'achèvement du temps minuté puisqu'on dit alors qu'un joueur est
«tombé» en précisant parfois, d'une manière qui n'est donc pas tout à fait superfétatoire,
Il arrive enfin que l'ultime terme des deux temps coïncide : dans un même
mouvement, le joueur mate et tombe. En cette circonstance, la stricte prise en compte des
lors des blitz, nécessite un accord sur une règle coutumière de départage.
préjudicie aucun des deux temps et qui confirme par ailleurs l'efficacité de la joute
oratoire pendant le blitz. Est en effet considéré gagnant celui qui constate, le premier et à
haute voix, que son adversaire est maté ou qu'il a dépassé son temps de réflexion. «Mat»
et «tombé», les mots prononcés en cette occasion, agissent alors comme des performatifs
car leur énonciation décide du sort de la partie. C'est à la parole que revient ainsi le
Ce réseau de correspondances qui relie ainsi les deux temps échiquéens assure leur
compatibilité d'un point de vue tant logique que symbolique ou cognitif. Mais la
C'est en effet par tâtonnements successifs que la pendule et le règlement qui lui est
associé ont trouvé la forme qui est leur aujourd'hui. Avant l'invention du drapeau (vers
1900), les arbitres devaient juger ¿/g visu à la "seconde" (unité de temps et unité d'angle)
près le moment fatidique27 gt po^ imagine facilement les contestations que l'estimation
humaine de la verticale pouvait susciter. Mais au-delà des aspects proprement techniques,
nous avons vu les développements que la j>ensée échiquéenne a su tirer de cette petite
27 L'usage d'un dispositif sonore (comme celui des réveille-matin) fut, après quelques
expériences, rejeté car le timbre de ces pendules troublait la concentration des autres
joueurs.
212
Le principe même de la défaite au temps provoqua tout au long du XIX^ siècle une
était différente puisque lejeune homme riche pouvait échapper, grâce à sa fortune, au
temps, c'est de l'argent, était inculquée depuis longtemps dans les mentalités et ce
principe d'une amende pour infraction à la règle ne transgressait pas, par ailleurs,
"l'esprit des jeux"29. Aussi ce ne sont ni des raisons culturelles, ni des raisons ludiques
qui ont imposé, dès cette époque, la possibilité de gagner ou de perdre une partie
d'échecs sur le seul verdict de la pendule. Peut-être que le fondement de cette loi
poursuivent, dans leurs discussions ou dans leurs jeux, une logique qui ignore le
temps...
2° On lit encore dans la revue la Stratégie, en 1908, que «la pénalité de la perte de la
partie (au temps] est trop sévère, alors que l'on peut avoir celle-ci gagnée» (p.85).
29 Cf. le système des gages et pénitences qui constitue un équivalent dans les jeux de
salon aux contreparties financières des jeux à enjeux matériels.
213
Conclusion
pouvait être réalisée sans mettre au premier plan de l'analyse les phénomènes scripturaires
qui le traversent, ou plutôt qui le façonnent. Dans la pratique des joueurs d'échecs de
compétition, le texte comme l'acte d'écrire ne relèvent en effet pas de ces aspects
que le résume l'obligation de noter les coups qui s'applique à chaque compétiteur de
entre les notions d'auteur et de lecteur se trouve ainsi aux échecs amoindrie, si ce n'est
abolie, car tout joueur en tant qu'inscripteur obligé des parties qu'il dispute participe de ce
processus de production littéraire qui, partant des notes manuscrites sur la feuille de
partie, aboutit aux «parties commentées» des livres et revues spécialisés. Une intense
intertextualité caractérise de plus ces textes dans la mesure où même le joueur le plus
ordinaire d'un toumoi effectue ses coups en les rapportant à ceux d'autres parties qu'il
connaît pour les avoir lues. "Ordinaire", l'écriture échiquéenne apparaît ainsi comme le
marqueur d'identité par excellence de ceux qui appartiennent au «monde des échecs».
n'ai donc pas approfondi certaines productions textuelles qui, non négligeables d'un
point de vue quantitatif, relèvent par contre de logiques qui peuvent être observées dans
scripturaires. incitait d'ailleurs à ne pas disperser l'analyse même si celle-ci devait dès
éminemment infimes.
214
manifestation d'une prise de position théorique qui f>ostule que les systèmes de pensée
culturels. Mais dans le cas du jeu d'échecs, il n'est pas inutile de préciser que cette
concentrer ainsi sur ces "petits détails" revient en fait à accepter ce changement d'échelle,
une de ces petites citations fétiches que lesjoueurs d'échecs aiment à retrouver de livre en
livre :
«il y a plus d'aventures sur un échiquier que sur toutes les mers du monde»
(Mac Olan).
Aucune impasse ne fut par ailleurs faite sur la technique ou encore sur la
réglementation échiquéenne car êtrejoueur d'échecs c'est connaître les premiers coups de
l'Espagnole, c'est être capable de lire un diagramme, c'est savoir que dans une
compétition F.S.G.T. le Roi peut être pris... Mais ces connaissances et savoir-faire
anthropologique qui vérifie toujours s'il n'existe pas quelques liens cachés entre des
grâce à l'usage qu'il a fait de l'écriture, une véritable culture, ou si l'on préfère une
certaine manière cohérente de penser le monde, d'agir dans le monde qui est le sien. Le
215
cas particulier des écrits échiquéens aide ainsi à comprendre pourquoi l'écriture du réel est
Bibliographie
I. B. écriture 222
I. C. temps 223
I. E. héraldique 225
III. B. textes "sur" le «monde des échecs» (et parfois aussi "du" monde
L A. réflexion générale
ALTHABE Gérard, FABRE Daniel, LENCLUD Gérard, Vers une ethnologie du présent.
AUGE Marc, Pour une Anîhropologie des mondes conîemporains. Aubier, 1994, 197 p.
AUGUSTINS Georges, "Des affaires d'hommes. Quelques observations sur les formes
Paris, 1993,343 p.
670 p.
Naples et Turin, éd. de la Maison des sciences de l'homme, Paris, 1995, 406 p.
BROMBERGER Christian, "Du grand au petit. Variations des échelles et des objets
LENCLUD Gérard, Vers une ethnologie du présenî, éd. de la maison des sciences
CHIVA Isac et JEGGLE Utz (sous la dir. de). Ethnologies en miroir. La France et les
DUVIGNAUD Jean, La genèse des passions dans la vie sociale. Puf, 1990, 211p.
pp.2-19.
220
propos de Roger Chartier, trad, de l'anglais (Quest for Excitement, Sport and
Ethnologues dans la ville (Actes du 1 1 2e Congrès National des Sociétés Savantes, Lyon,
133 p.
FRANCASTEL Pien-e, Études de sociologie de l'art, Paris, Denoël (Tel), 1970, 255 p.
GEERTZ Clifford C, "Jeu d'enfer. Notes sur le combat de coqs balinais" (1972) in Bali.
par Isaac Joseph, éd. orig. 1980), Seuil, coll. Le sens commun, 1983, 419 p.
LOWIE Robert H., Traiîé de sociologie primitive, trad, de l'américain (Primitive Society,
MAUSS Marcel. "Essai sur le don. Forme et raison de l'échange dans les sociétés
279.
221
(1947)
SEGALEN Martine (sous la dir. de). L'autre eî le semblable. Regards sur l'ethnologie
VINCK Domiimqut, Sociologie des sciences, Armand Colin, Paris, 1995, 292 p.
WATZLAWICK Paul, HEALMICK Janet Helmick, JACKSON Don D., Une logique de
Seuil, 1981,218 p.
222
I. B. écriture
ABD EL-KADER, "du mérite de l'écriture", in l^îîre aux Français. Noîes brèves
desîinées à ceux qui comprennent, pour aîlirer l'attention sur des problèmes
essentiels, (trad, de l'arabe 1855 par René R. Khawam), Phébus, 1977, pp. 173-
205.
pp. 37-94.
216 p.
BOYER Henri, "Pratique, pouvoir, culture", in LAFFONT Robert (sous la dir. de),
FABRE Daniel (sous la dir. de), Ecriîures ordinaires, Centre Georges Pompidou/POL,
1993, 380 p.
FABRE Daniel (sous la dir. de). Par écriî. Eîhnologie des ecriîures quoîidiennes, Paris,
FABRE Daniel, "Le berger des signes" in Fabre, Ecriîures ordinaires, 1993, pp. 269-
313.
GOODY Jack, La logique de l'écriture. Aux origines des sociétés humaines, Armand
l'anglais par Jean Bazin et Alban Bensa, éd. orig. 1977), Minuit, 1979, 275 p.
LAFFONT Robert (sous la dir. de). Anthropologie de l'écriîure, CCI Beaubourg, 1984.
MARTIN Henri-Jean, Hisîoire eî pouvoirs de l'écriî, Albin Michel, (1988) 1996, 536 p.
1990, 3, pp.256-261.
VUILLEUMIER Viviane (synthèse réalisée par -), Signes eî discours dans l'éducation et
103 p.
1993,317 p.
I. C. temps
224
HALL Edward T., La danse de la vie. Temps culiurel, îemps vécu. (trad, de l'amér. par
Ecole pratique des hautes études, section des sciences religieuses, Paris 1905, 39
P-
1959, 112 p.
LE PAPE Marc, "En guise de conclusion, analyse de quelques études sur le temps".
MATRICON Jean, ROUMETTE Julien, L'invenîion du îemps. Explora, cité des sciences
et de l'industrie, 1991.
REINFELD, Fred, "The Time Machine", Chess Review, December, 1946. p.27.
I. D. oral
AUSTIN John Langshaw, Quand dire c'esî faire. How lo do îhings with words,
DUNDES Alan, LEACH Jeny W., ÔZKÔK Bora, "The strategy of Turkish boy's verbal
taxèmes qu'est-ce que c'est que ça?" in Echanges .sur la conversation, pp. 185- 198
LABOV William, Le parler ordinaire. La langue dans les gheîîos noirs des Eîaîs-Unis,
trad, de l'américain (Language in the inner city, 1972) par A. Kihm, éd. de Minuit, 1978,
353 p.
LINDSTROM "Speech and Kava on Tanna" in Allen (ed.) Vanuatu : politics, economics
n°2,april 1949.
dans la .sociéîéprimiîive, trad, par Françoise et Louis Marin, Minuit, 1968, pp. 169-185.
I. E. héraldique
ALLEAU René, Dictionnaire des jeux, Paris, Henri Veyrier / Claude Tchou, (coll.
BAUDIN Guy. Les jeux. Analyses des comités de lecture (livres parus enîre 1986 eî
1991), 42 p. dact.
MURRAY Harold J.R., A Hisîory of Board-Games oîher îhan Chess, 1952, 267 p.
IL B. jeux
ARIÈS Philippe, "Du sérieux au frivole" in Lesjeux à la Reruiissance, 1982, pp.7- 15.
ARIÈS Philippe, L'enfanî eî la vie familiale sous l'ancien régime. Pion, Civilisations
d'hier et d'aujourd'hui, Paris, 1960, 3 + 503 p. (en particulier 1ère partie, ch.4
ARNAUD Pierre, GARRIER Gilbert, "Histoire des jeux et des sports". Jeux eî sporîs
dans l'hisîoire. Actes du 1 16® congrès national des sociétés savantes (Chambéry 1991),
AUGUSTINS Georges, "Le jeu de billes. Lieu de raison, lieu de passion" in Eîhnologie
BARBUT Marc, "Jeux et mathématiques. Jeux qui ne sont pas de pur hasard" in
BATESON Gregory, Vers une écologie de Vespriî l. Seuil, 1977, 284 p. (en particulier
"une théorie du jeu et du fantasme" pp.209-224, "la cybemétique de soi : une théorie de
l'alcoolisme", pp.225-252)
BÉART C. Recherche des elémenîs d'une sociologie des peuples africains à parîir de
BÉART C, Recherches des éléments d'une socio des peuples africains à partir de leurs
BIANU Zeno, SMEDT Marc de, VARENNE Jean-Michel, L'esprit des jeux, Albin
1989, pp.91-105.
BLANC Dominique, "Le chiffre du destin. Le sort des vivants et le sort des morts dans
les loteries de l'Europe du Sud" dans Etudes rurales, janv -^uin 1987, 105-106,
BLANCHARD Kendall (éd.). The many faces of play Proceedings of the 9th...,
BOYD Susan H., "Anal linguists. Cry your "I's" out: constmctíng a metaphor of poker"
BOYD Susan H., "Poker playing as a dramaturgical event : Bull power, the meaning and
play..., 1977.
BOZON Michel, "Appñvoiserle hasard", Eîhnologie Française, 1988, 2/3, pp. 129- 136.
BUTOR Michel, (propos de -, recueillis par Christopher Lucken) "La littérature et le jeu"
CAILLAT Michel, "Y a-t-il une morale de la compétition ?" in Le courrier de l'Unesco,
CAILLOIS R., Les jeux el les hommes. Le masque eî le vertige, éd. revue et augmentée,
CAPRON Jean, PAIRAULT Claude, YÉ Vinou, "Des graines en repos. Notes sur le jeu
pp. 19-47.
pp.405-420
CHATEAU Jean, "Jeux de l'er\iani". Jeux eî sporîs Caillois (éd.), 1967, pp.49-149.
Comité des Travaux historiques et scientifiques, JetAx eî sporîs dans l'hisîoire, 1 16®
COTTA Alain, La sociéîé du jeu, Arthème Fayard, 1993 (pam en 1980 sous le titre la
CULIN Stewart, Games of îhe Norîh American Indians, 24th Annual report of the
bureauof american ethnology. Government Printing Office 1907, New edition, Toronto,
P-
DELEDICQA., POPOVA A., Wari et solo. Le jeu de calculs africain, Cedic (ministère
Des jeux et des sporîs, actes hist et civilisa" de l'université Metz 1986, présentés par
A.WAHL.
DUMEZIL Georges, "Ludus scientae", Myîhes eî dieux des indo-européens, pp. 310-
Encyclopédie de l'Islam, nouvelle édition, articles : kahwa (par C. van Arendok), kharbga
ETIENVRE Jean-Pierre, "Symbolisme de la carte à jouer dans l'Espagne des 16® et 17®
HARRIS Janet C, PARK Roberta J. (eds.). Play, games and sports in cultural contexts.
HUIZINGA Johan, Homo ludens. Essai sur la fonction sociale du jeu. trad, du
néerlandais (1938) par Cécile Seresia, Paris, Gallimard Tel, 1951 , 341 p.
KONOPNICKI Guy, Loîo-saîisfacîion. Eloge du jeu dans une sociéîé qui triche, coll.
LANCY David F., TINDALL B. Allan (eds.), The sîudy of play : Problems and
prospecîs. Proceedings of the First Annual Meeting of the Association for the
1984, pp.356-364.
LECOMTE Jacques, "Jeux des animaux". Jeux et sporîs, Caillois (ed), 1967, pp. 19-48.
LUSSON Pierre, PEREC Georges, ROUBAUD Jacques, Petit traité invitant à l'art subtil
MACHEREL "Les triomphes sportifs et la gloire des cités" in Joumée d'étude de la SEF,
MANNING Frank E. (ed). The world ofplay. Proceedings of the 7th annual meeting of
the associaîion ofîhe anîhropological sîudy ofplay, Westpoint NY, 1983, 229 p.
MAYER Jean, "La philosophie de Diderot, une philosophie de joueur" in Le jeu au 18^
siècle, 1971
MECHLING Jay, "Male border wars as metaphor in capture the flag" in Blanchard (éd.),
1986.
MEHL Jean-Michel, Les jeux au royaume de France du 13^ au début du 16^ siècle,
Fayard, 1990,636 p.
POPOVA A., "Analyse formelle et classification des jeux de calculs mongols". Etudes
mongoles, 1974, 5.
PORRET Michel, "Lejeu et ses passions chez quelques moralistes du siècle de Voltaire"
Nathan, 1969.
ROBERTS John M.. ARTH Malcolm J., BUSH Robert R., "Games in culture". Am.
ROBERTS John M., CHICK Garry E., "Quitting the game : covert disengagement from
butler county eight ball" in American Anîhropologisî 86, 1984, pp.549- 567.
232
SCHWARTZMAN Helen, Play and Culiure : 1 978 proceedings ofîhe association for the
STEVENS Philipps J. (ed), Sîudies in îhe anthropology ofplay : papers in îhe memory
ofB.Allan Tirulall, 2"" annual meeting of the association of the anthropological study of
play, 1977.
pp.222-231
TYLOR E.B., "On American lot-games, as evidence of Asiatic intercourse before the
TYLOR E.B., "On the game of Patolli in ancient Mexico and its probably asiatic origin",
TYLOR E.B., "Remarks on the geographical distribution of games", journal ofihe royal
TYLOR Edward Burnett, La civilisation primitive, Paris, tome I. (traduit de l'anglais sur
la 2nde éd. par Mme Pauline Bmnet), 1876, 584 p. ; tome 2. (trad, par M. Ed. Barbier),
1878, 597 p.
VERNES Jean-René, Esquisse d'une logique des jeux de compéîiîion, thèse 1967,
Sorbonne.
233
VERNES Jean-René, "Le temps dans les jeux de compétition", Diogène, n°50, 1965,
pp.30-48.
éd., 1989,312 p.
II. C. sports
ARNAUD Pierre, "La sociabilité sportive. Jalons pour une histoire du mouvement sportif
359-384.
Massachusetts, 1985,306 p.
BURGENER Louis W., "Les jeux et exercices physiques en Suisse aux 15® et 16® s." in
DARBON Sébastien, "Quand les «boeufs» jouent avec les «gazelles». A propos de
quelques stéréotypes dans les discours sur le mgby". Ethnologie Française, XXV,
HEIMERMANN Benoît, I^s gladiateurs du nouveau monde. Hisîoire des sporîs aux
THOMAS Raymond, Histoire du sport. Que sais-je ?, n" 337, 1991, 128 p.
IL D. loisirs, culture
CORBIN Alain et al.. L'avènement des loisirs 1850-1960, Aubier, 1995, 471 p.
DONNAT Olivier, COGNEAU Denis, Les pratiques culturelles des français, 1973-1989,
DUMAZEDIER Joffre, Vers une civilisation du loisir ?, Seuil , 1972 (1ère édition 1962),
314 p.
SUE Roger, Le loisir, Paris PUF, Que sais-je ?, n°I871, 1980, 126 p.
sociales, 1989,212 p.
BAUDIN Guy, Les échecs, petite bibliographie sélective à l'intention des bibliothèques
BETTS Douglas A., Chess. An annoted bibliography of works published in the English
Language 1850-1968, Boston, G.K.Hall & co., 1974, xix -i- 659 p.
d'un amateur. Beaux livres anciens eî modemes sur les échecs, 1 991 .
GAY Jean, Bibliographie anecdotique du jeu d'échecs, Paris, Jules Gay, 1864.
GIFFARD Nicolas, BIENABE Alain, ¿e guide des échecs, R. Laffont, bouquins, 1993,
1600 p.
HOOPER David, WHYLD Kenneth, The Oxford companion to chess, Oxford University
Press 1984. Oxford University Press paperback 1988 (with corrections), 407 p.
LE LIONNAIS François, l^e jeu d'échecs, Paris PUF (Que sais-je ?), 2® éd. 1981 (1®
1974), 128 p.
LE LIONNAIS François, "Les échecs", in Caillois (éd.), Jetdx et sports, 1967, pp.886-
950.
éd.l974(ieédl967),429p.
Publishing, XV + 320 p.
236
ROOS Michel, Hisîoire des échecs, PUF, Que sais-je ?, n° 2520, 125 p.
SAIDY Anthony, LESSING Norman, Le monde des échecs, trad, de l'anglais (1974)
252 p.
SUNNUCKS Anne (compiled by -), The encyclopedia of chess, Robert Hall, London,
III. B. textes "sur" ie «monde des échecs» (et parfois aussi ''du" monde
des échecs)
ABRAHAMS Gerald, The chess mind, London, English universities press ltd., 1951,
292 p.
ABRAHAMS Gerald, /Vor only Chess, A Seleclion of Chessays (sic), London, George
Rocher, 1979.
DEXTREFT Jacques, ENGEL Norbert, Jeu d'échecs et sciences humaines, Paris, Payot,
1981,296 p.
HARWCX)D Graeme (selected & introduced by), Caissa's web : the chess bedside book,
SAT BRIL Larissa, "pièces du jeu d'échecs tuva", in Eludes mongoles eî sibériennes,
1987-8, 18.
BARCZA Gedeon, ALFÔLDY Làszlo, KAPU Jeno, L^s champions du monde du jeu
BARCZA Gedeon, ALFÔLDY Làszlo, KAPU Jeno, Les champions du monde du jeu
BIED Robert, COULET Henri, "Une partie d'échecs de Constance de Theis (1786-
Briîish Chess Magazine 1923-1932 An Anîhology, Classic reprint n°22, Britsh Chess
CESSOLES Jacques de. Le livre du jeu d'échecs ou la sociéîé idéale au Moyen Age,
XIH^ siècle, traduit et présenté par J. -M. Mehl, Stock (Moyen Age), 1995, 219 p.
CHOMARAT Jacques, "Les échecs d'après Vida" in Les jeux à la Reruiissance, 1982,
pp.367-381.
EALES Richard, Chess, the Hisîory of a Game, Batsford, London, 1985, 240 p.
Elémens îhéoriques eîpraîiques du jeu des écheîs avec des réflexions morales, poliîiques,
hisîoriques eî miliîaires, relatives à ce jeu, Paris, Veuve Hocquart, 1810, xxvi -i- 267 p.
HNKENZELLER Roswin, ZIEHR Wilhem, BÜHRER Emil M., Echecs. 2000 ans
d'hisîoire. Bibliothèque des Arts, Paris-Lausanne, 1989, 208 p. (traduit par Henri
FISKE Daniel Willard, Chess tales and chess miscellanies, compiled by Horatio
papier, 1973.
history, 1990) par Damiri Renard, Phaidon (Flammarion), Turin, 1990, 128 p.
239
KOTOV Alexandre, YUDOVICH Mikhail, The soviet chess school, (trad, du russe par
(trad, du msse par Michelle Paeschen et Anatole Kristalovski), éd. du Progrès, Moscou,
1979, 200 p.
Bohemian Caesar, (games selected and annoted by gm Andy Soltis ; chess consultant
Ken Whyld), Mc Fariand & Cy, Jefferson (North Carolina), 1993, 17-H487 p.
MURR Sylvia, "Les conditions d'émergence du discours sur l'Inde au Siècle des
MURRAY H.J.R., A History of Chess, Oxford, 1913, reprint Benjamin Press s.d., 900
P-
PETZOLD Joachim, Das kdnigliche Spiel. Die Kulîurgeschichîe des Schach, Stuttgart,
SAIDY Anthony, La lutte des idées aia échecs, trad, de l'anglais (1972-74) par Sylvain
VAN SETERS Frits, l^s Olympiades des Echecs 1927-1974, 100 grandes parties
WILSON Ered, A Picture Hisîory of Chess, Dover publications, New York, 1981, 182
P-
Paris 7, 1974.
BINET Alfred, Psychologie des grands calculateurs et joueurs d'échecs, Paris, 1894,
BINET "La mémoire des joueurs d'échecs qui jouent sans voir". Revue Philosophique,
BINET, "Les grandes mémoires. Résumé d'une enquête sur les joueurs d'échecs" in
Marseille 2, 1985, 86 p.
COCKBURN Alexander, Idle Passion. Chess and îhe Dance of Death, New York,
LEVY (D.) REUBEN( S), The chess' scene, London, Faber and Faber, 1974, 276 p.
Jeux d'échecs, objeîs d'an.. Exposition au musée suisse du jeu, château de la Tour de
ALLEN Woody, "Pour en finir avec le jeu d'échecs" et "La correspondance Gossage-
Vardebedian", in Pour en finir une bonne fois pour toutes avec la culture. Opus 2, trad.
BOITO Arrigo, Le fou noir suivi de Le poing fermé nouvelles, trad, de l'italien (L'Alfier
CARROLL Lewis, Touî Alice, trad, de l'anglais par Henri Parisot, Garaier-Flammarion,
1979, 443 p.
FÉRON ROMANO José, Echec au gouverneur. Hachette, Poche jeunesse, 1990, 158 p.
LAURIS Guillaume de, MEUN Jean de, Le roman de la rose, (v. 1230- 1285), Gamier-
MERAS Icchokas, La parîie n'esî jamais nulle, trad, du russe (1978) par Dimitri
NABOKOV, La défense Loujine, trad, du rasse (1964) par Genia et René Cannac,
POE Edgar, "Le joueur d'échecs de Maelzel" in Histoires grotesques eî sérieuses, trad,
TEVIS Walter, lejeu de ladame, trad, de l'anglais (The Queen's Gambit 1983) par Pierre
VAN DINE S.S. (pseud. de Wright), Le fou des échecs. Mémoires de Philo Vance, trad.
de l'anglais (The Bishop Murder Case, 1929) par A.-H. Ponte, Paris, Gallimard,
Biîîe, ble iben sie serios, 1 00 Schachanekdoîen, C.Schulz, Bad Nauheim 1979 (1958),
71p.
DELBOË Francis, L'arhiîre a-î-il îoujours raison ?, coll. de l'Amateur, Imp. Print
EDWARDS (R.), KEENE (R.), The chessplayer's bedside book, Batsford, 160 p.
FOX Mike, JAMES Richard, The complete chess addict, Faber & Faber, 264 p.
HARTSTON William R., How to cheat at chess. Everything you always wanted to know
about chess, but were afraid to ask, Hutchinson of London, 1976 (2ed. 1977), ill. by
Bill Tidy, 96 p.
HARTSTON William Roland, Soft pawn, London, Hutchinson, 1980, éd. 1995, 94 p.
Luxembourg, 1993, 1 18 p.
PATTERSON (K.) "Checkschmuck ! The slang of the chess player" American speech,
REINFELD F., The human side of chess, Pellegrini and Cudahy, New York, 1952.
REINreLD Fred (ed), The îreasury ofchess lore, London, 1951, 306 p.
SALVAT Robert, Le roi de l'océan Indien. Hisîoire d'un cercle d'échecs à l'île de la
SPANIER David, Toîal chess, London Seeker & Warburg, 1984, 233 p.
III. C. 2. biographies
KASPAROV Gany, Et le Fou devienî Roi, (trad, de l'anglais Child of change, 1987, par
TARTACOVER Xavier, Tartacover vous parle. Choix de ses meilleures parties d'échecs
armotées par lui-même (1905-1930), Payot, 1992 (librairie Stock 1953), collection
WASNAIR Michel, JADOUL Michel, Histoires des maîtres belges, Rossel, 1988, 310
P-
AVERBACH Youri, Théorie des finales de parîie, version française par Guy Monniez,
192 p.
BEUDIN Gaston, Traiîé du jeu d'échecs, Alhin Michel, Paris, 1972 (éd. originale s.d.),
121 p.
1991,64 p.
BOYER J.P., Problèmes d'échecs en deux coups, Hatier, collection "joueurs d'échecs
BRONSTEIN David, Zurich inîernaîioruil chess îournament, 1953, translated from the
second mssian edition (1960) by JM Marfia, Dover Publications, New York, 1979, 349
P-
CAFFERTY Bernard, BENOIT Michel, I^s 100 meilleures parîies de Tahl, trad, de
CHÉRON André, Nouveau manuel d'échecs du débutant, Payot, Paris, 1973, 200 p.
FINE Reuben, Les idées cachées dans les ouverîures d'échecs, trad, de l'anglais par
FLESCH Janos, Echecs : le milieu de parîie, trad, de l'allemand (1979), Marabout 1983,
151 p.
HAÏK Aldo, Lejeu d'échecs c'esî facile, Paris, Albin Michel, 1982, 249 p.
246
HARDING Tim, BARDEN Leonard, Openings for the club player, (1976), new
Monaco, 1952
KAN L, Ladéfense dans la partie d'échecs, Payot, Paris, (1972) 1974, 155 p.
1989.
KMOCH Hans, L'art de jouer les pions. Une contribution à la stratégie échiquéenne,
KOTOV Alexandre, Confidences sur l'échiquier. Les secrets d'un grand maîîre
soviétique, trad, du msse (1977) par Michel Benoît et Philippe Kellerson, Solar, Paris,
1979, 245 p.
LA BOURDONNAIS L.C. de. Nouveau traité du jeu des échecs, Paris, au Café de la
Régence, 1833.
LEWIS William, Elements of the game of chess, or a new method of instmction in that
remarks and examples, by means of which considerable skill in the game may be
manuscrite : 1888), 7% p.
NIMZOWITSCH A., Mein Sysîem. Ein Lehrbuch des Schachspiels aufganz neuarîiger
Madrid, 1973.
PHILIDOR A.D., (et MONTIGNY), L'analyse du Jeu des échecs avec une nouvelle
renvois et les fins de parties par l'auteur des Stratagèmes des échecs, Paris, 1830,
xviii + 235 p.
PHILIDOR A.D., L'analyze des échecs : contenant une nouvelle méthode pour apprendre
PHILIDOR, Analyse du jeu d'échecs, avec une nouvelle notation abrégée et des planches
oía se îrouvefigurée la siîuaîion du jeu pour les renvois eî les fins de parîies par l'auîeur
des sîraîagèmes des échecs. S.- J. Pauvert et N.Neumann, 1988, fac-similé éd. Paris,
Strasbourg, an XI (1803).
RATNER Jacques, Erreurs à ne pas commettre aux échecs. De Vecchi, Paris, 1976, 198
P-
RATNER Jacques, Les secrets de la vicîoire aux échecs, éd. de Vecchi, 1977, 268 p.
REINFELD Fred, La perfection aux échecs. Commenî devenir un champion, trad, par
SENECA Camil, Les échecs. Librairie Générale Française, Le livre de poche, 1974.
STAUNTON Howard, The Chess Tournamenî, A collection of the games played at this
TARTAKOVERXavier, Bréviaire des échecs. Gamier, Paris, 1982, (1®^ édition 1936),
419 p.
VAN SETERS Frits, Le guide marabout des échecs, (1972), Marabout, 1987, 319 p.
1982, 432 p.
248
WALKER George, A new treatise on chess : containing the mdiments of the science with
an analysis of the best methods of playing the different openings and ends of game;
including many original positions, and a selection of fifty chess problems never before
printed in this country, London, published by Messrs. Walker and son, 17 Soho square,
1832, 80 p.
WALKER George, Chess Studies comprising one îhousand games, actually played
during the last half century ; presenting a unique collection of classical and brilliant
specimens of chess skill, in every stage of the game : and thus forming a complete
(GUYOT), NouveUe notation des parties et coups d'échecs, compris dans les traités faits
sur ce jeu; par une sociéîé d'amaîeurs eî par Philidor, à l'aide de laquelle les personnes
qui voudront se livrer à l'éîude de ce jeu, le pourronî faire avec la plus grande faciliîé, eî
(PEARSON Ch.), Chess exemplified in a concise and easy notation, greatly faciliting
examples by the late presidenî ofa select chess club, London, 1 842.
(POIRSON), NouveUe notation pour les parties ou les coups d'échecs quelle que soit la
Chess Short -hand being a new but perfectly easy method of notaîion for îhe descripîion
STARTIN PILLEAU F., The Dynamic Chess Notation whereby any possible move in a
game of chess can be accurately described by the use oftwo leîîers only. Illusîraîed
1896.
249
Championnat de France d'échecs "Jeune", Pau - Parc des expositions, 18-25 avril 1993,
FFE, Fédération française des échecs. Le livre de la Fédération, Montpellier, 1 . 10. 1990.
FRFTZ, User's Manual Version 1.0 and 2.0, Chess base Hamburg, Germany.
Ligue de l'Ile de France des échecs. Rapport technique, Saison 1992-1993, (A4 broché).
Ligue de l'Ile de France des échecs. Saison 1992-1993. Circulaire de rentrée, (A4
broché).
Règles du jeu des échecs de la FIDE (1952, 1953-77) Interprétations, Diffec, Besançon,
56 p.
ZINSER S., Règles élémenîaires du jeu d'échecs, (brochure accompagnant une boîte de
III. C. 6. a) liste la plus exhaustive des revues échiquéennes de langue française (par
ordre chronologique)
¡je Palamède, revue mensuelle des échecs par de La Bourdonnais et Méry 1836-9 (1®
La Régence. Journal des échecs (puis Revue des échecs; Revue spéciale des échecs),
La nouvelle régence. Revue spéciale des échecs, 1861 -avril 1864 (ll-V, n''4).
Le Palamède français. Revue des échecs eî des autres jeux de combinaison, sept 1864 n° 1
Le sphinx. Journal des échecs. Au café de la Régence, Paris, avr.l865-mai 1866 (I-II,
n°l).
La Sîratégie. Joumal (puis Revue mensuelle) d'échecs, 1867 (I) -1940. Paris.
Le philidorien, 1868.
L'échiquier. Journal des échecs, publié par C.Sanson août 1869 (n°l).
Le Pion, revue mensuelle des échecs, publié par les amateurs du cercle artistique de
Les jeux d'esprit. Crypîographie, maîhémaîiques, échecs, dames, eîc. juin 1899- (n°l)-
L'Echiquier français. Journal publié par l'Union amicale des amaieurs d'échecs de la
laFFE, nov 1944-30 sept 1955, puis Revue trimestrielle nov 1944- sept 1955 (nouvelle
251
série n°l-43) devenu Revue de la fédération française des échecs 31 mars 1956 (n°43/46
L'échiquier, 1929.
Le problème, 1937-1939.
Le monde des échecs. Revue mensuelle inîernaîionale , mars-déc 1946. Paris 1955.
Le courrier des échecs. Bulleîin îrimesîriel de l'associaîion française des joueurs d 'échecs
Echec eî maî. Bulleîin mensuel édiîépar le cercle Philidor de Villemomble. Rédaction Jean
ligue échiquéenne du Limousin (Hte Vienne, Creuse, Corrèze, Dordogne), n.s. Limoges,
1950.
Pa, bulletin mensuel de la lise (Ligue inter sanas des échecs), 1950.
Europe-échecs, 1959.
Diagramme, 1973.
Mat , 1975.
Zwangzug, 1983.
253
sous-Bois).
Echecs-Payoî, 1993.
Magazine des échecs (le) , Trimestriel de l'actualité des échecs Nice, 1994.
Chess (The) player's chronicle, 1841-1852 (I-XIII). 1853-1856 (new serie I-IV) 1859-
Berlin, 1994.
255
4. Contenu de l 'étude 39
2. Un texte opaque 43
5. Iconographie 49
6. Inferences 57
7. Conclusion 64
Conclusion 213
Bibliographie 216