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Thierry WENDLING, Associadon ARLES

Rapport final :

"Le jeu d'échecs, un jeu écrit"

Mission du Patrimoine ethnologique

Thème : Ecritures ordinaires. Traces et Façons de faire


2

Introduction ; Le jeu d'échecs, un jeu écrit

Au début du XXème, un célèbre joueur, Richard Réti a proposé une définition du

jeu d'échecs qui insiste sur l'investissement personnel que ce jeu suscite chez ses adeptes

: «What is chess ? A game to which the most serious men have devoted their lives and

about which bulky volumes have been written.» ' (cité in Reinfeld, Treasury of Chess

Lore. p.213). Significativement, cette formule lie passion et écriture. De fait, le jeu

d'échecs (plus précisément, le jeu d'échecs de compétition) est une pratique ludique qui

ne peut se comprendre pleinement sans inclure dans l'analyse son caractère de jeu écrit.

1. Rencontres avec l'écrit

La. Découverte de l'écrit échiquéen par un joueur adulte ordinaire

Pour comprendre l'importance qu'occupe l'écriture dans la pratique échiquéenne de

compétition, considérons tout d'abord comment un nouveau joueur découvre que le jeu

d'échecs est un jeu écrit.

Lorsque, par manque d'adversaire ou par lassitude d'une pratique purement

familiale, un nouveau joueur pousse pourla première fois la porte d'un club d'échecs, il

ne se doute probablement pas qu'il entre dans un univers où règne sans conteste l'écrit.

Pourtant, la présence d'un tableau d'affichage, l'inscription du nom du nouveau joueur

dans le camet d'adresse du secrétaire ou du président du club ne signalent pas, au prime

abord, des pratiques scripturaires exceptionnelles car elles peuvent se manifester aussi

bien dans n'importe quel milieu associatif. Dans la civilisation occidentale urbaine, il

n'est probablement aucune activité qui ne porte ainsi quelques traces écrites. Invité à

disputer une partie, le nouveau joueur n'attache probablement pas d'importance à la

1 Les guillemets («...») indiquent soit des citations extraites d'ouvrages, soit des
paroles de joueurs, soit des expressions typiques du «monde des échecs». Les doubles

apostrophes ("...") servent par contre à marquer l'ambiguïté ou le caractère un peu


déplacé de certains termes.
3
bordure de chiffres et de lettres qui entourent l'échiquier ; s'il ignore évidemment que

l'adversaire qui lui est opposé est rarement le meilleur du club, il sent néanmoins à tout

un ensemble de signes (personne ne s'est spontanément présenté pour l'affronter et le

nouveau venu a même eu l'impression, un peu désagréable, d'être brutalement devenu

-en entrant dans le local du club- transparent, invisible...) qu'il doit faire ses preuves sur

l'échiquier et son manque d'expérience échiquéenne suffit normalement pour qu'il

concentre toute son attention sur les figurines de bois.

Immédiatement, la partie semble mal engagée : «on n'avance pas deux pions d'une

case !» est la première parole de son mentor improvisé qui ajoute peut-être , s'il a quelque

culture historique en matière échiquéenne, que «ça fnel se fait plus depuis un siècle». Si

le joueur débutant n'a pas commis cet anachronisme, il marque, un peu plus tard dans la

partie, sa surprise devant quelque mouvement insolite. Un pion avancé en toute

confiance, car solidement protégé, disparaît comme par magie ; «c'est la prise en

passant». L'étonnement ne suscite que cette réponse dont le ton, sans appel, indique ces

évidences qui n'appellent aucune justification. Pour son malheur (ou son bonheur), le

novice n'a pas. comme premier partenaire, un de ces pédagogues qui peuplent aussi les

clubs d'échecs et profitent de la moindre occasion pour improviser une demonstraron de

leurs connaissances échiquéennes. Si ce n'est pas «la prise en passant», c'est le

mouvement très particulier du «roque» que le nouveau joueur doit accepter. Ces règles ne

se discutent pas, elles sont. Les refuser c'est sortir du «monde des échecs» et reconnaître

au passage son ignorance. Parmi les histoires drôles que les joueurs d'échecs se racontent

ou s'écrivent, la suivante illustre parfaitement ce propos :

Je faisais ma promenade hygiénique et quotidienne dans le parc de Forest

lorsque je vis assis sur un banc, une personne dont le visage ne m'était pas

inconnu. Je m'approchais et lui dis :

-Monsieur, je crois vous avoir entrevu déjà dans notre cercle d'échecs, au
cercle «les Pousseurs de Bois» ?

-J'y suis allé une seule fois, monsieur, et j'ai juré de ne plus y remettre les

pieds.

-Ah ! et pourquoi ?

-Asseyez-vous à côté de moi, je vous expliquerai cela en détail.


4

«Figurez-vous queje suis un très fort joueur d'échecs. Depuis des années, je

jouais régulièrement avec un ami, mais je le battais tout aussi régulièrement, et

quand l'occasion s'en présentait, il m'arrivait parfois de faire une partie avec

l'un ou l'autre camarade mais aucun n'était capable de me résister. Et comme

je connaissais finalement leur manière de pratiquer, les joueurs n'offraient

plus d'imprévu et manquaient de charme, aussi pour retrouver la variété je

décidai de me faire inscrire dans un cercle ; je n'y rencontrerai peut-être pas

d'adversaires à ma taille, mais au moins je serais en face de l'inconnu et

obligé de faire des efforts. Je me rendis dans votre local et entamai une partie

avec un des membres. Quelques coups avaient déjà été échangés, lorsque

mon partenaire déplaça son Roi de 2 cases et simultanément il fit sauter une
des Tours au-dessus du Roi !

«Interioqué je lui dis : - Que faites-vous là ? Il est pourtant interdit, aux

échecs, de jouer plus d'une pièce à la fois. -Ceci est autorisé et s'appelle

roquer, répliqua-t-il. -En êtes-vous bien certain ? Je n'ai jamais joué de cette

façon avec aucun de mes amis. -Absolument. -Et pourquoi fait-on cela ?
-Pour mettre le Roi en sécurité et lier les deux Tours.

«Je n'étais qu'à moitié convaincu, mais je n'insistai pas, et quelques coups

après, voulant expérimenter cette nouveauté, j'exécutai les mêmes

mouvements que mon adversaire. -Halte ! me dit-il, vous ne pouvez roquer


car votre Roi traverse un échec !

«J'avais compris que j'avais affaire à un joueur qui voulait gagnera tout prix,

en ne reculant même pas devant une abominable tricherie. Je ne voulus pas

faire de scandale, je le laissai emporter la partie, puisqu'il y tenait tant, mais

ma décision était prise, je ne reviendrai plus dans ce cercle.»

Je répondis :

-Mon cher monsieur, je ne puis vous donner tort, mais il est dommage que

vous ayez dû en arriver là, car après ce que vous venez de me dire, je voyais

en vous l'étoffe d'un futur champion de Belgique.

Et sur ce, l'entretien prit fin. (in Pat, juillet 1958, p.4-5)

Le récit se gausse ainsi des champions auto-proclamés dont la prétention est à la

mesure de leur méconnaissance des règles. Car celui qui ignore ainsi quand il a le droit on

non de roquer ne peut pas être, et ne peut pas être pensé comme, fort joueur. «Il ne sait

pas jouer» dira et pensera de lui n'importe quel joueur de club qui n'accordera aucune

signification aux exploits remportés dans le petit cercle familial.


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Bien qu'il n'en soit habituellement pas fait mention à un stade aussi élémentaire de

l'apprentissage échiquéen, renonciation des mouvements autorisés ou interdits tire une

partie de sa vigueur de l'appui que lui foumit la Règle du jeu des échecs de la Fédération

intemationale des échecs (F.I.D.E.). un texte évidemment écrit que les joueurs n'ont

généralement pas lu mais dont ils connaissent indirectement le contenu à travers toute une

série de relais. Ainsi l'arbitre d'un toumoi citera comme argument final contre un

mouvement fautif du roque que : «article 6. f...] Le roque est momentanément empêché si

la case initiale du roi ou la case que le roi doit franchir ou celle qu'il doit occuper est

menacée par une pièce adverse f...]» (FIDE. Règles.... p.3). Mais cette référence ultime,

suprême et écrite restera toujours ignorée du fanfaron de l'histoire drôle.

Si l'on suppose que le joueur dont nous suivons fictivement l'entrée dans le

«monde des échecs», accepte, sans répugnance ou amour-propre, la règle de la «prise en

passant» ou du «roque» et la partie se poursuit sans plus de discussion sur les règles. Il

admeL de fait, ce qui n'est encore pour lui que la parole d'un ancien car ce demier ne se

prévaut normalement pas d'une quelconque attestation livresque. Jusqu'à maintenant,

l'affirmation de Réti mise en exergue ne se justifie donc guère.

Naturellement, le nouveau joueur se retrouve «échec et mat». Son vainqueur lui

accorde quelques paroles de réconfort du genre «vous vous êtes pas mal débrouillé», lui

montre quelques grossières erreurs commises au cours de la partie, puis finalement lâche

le morceau :

«vous devriez lire un livre d'échecs».

Désormais, s'il suit le conseil, le joueur entre en contact avec la «littérature

échiquéenne», il dévore un manuel général, en achète aussi un second, emprunte un livre

sur les «ouvertures» à la bibliothèque de son club, s'abonne à une revue d'échecs, se fait

prêter par un ami un ouvrage sur les «finales», ... Quelques années plus tard, ayant

progressé dans la hiérarchie du club, il sera surpris qu'un camarade de club, du même

niveau que lui, ne possède aucun livre d'échecs. Mais ce demier lui-même ne contestera
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pas que sans «travailleD>, c'est-à-dire sans lire de livre d'échecs, il ne peut progresser

davantage.

Tout dorénavant renverra à l'écriture échiquéenne. Il notera chacune de ses parties

«sérieuses» (c'est-à-dire officielles) ; les coups des parties «sérieuses» ou «légères» qu'il

disputera lui rappelleront des coups joués par d'autres joueurs, en d'autres temps, en

d'autres lieux mais qu'il coiuiaîtra pour les avoir lus. Lorsqu'il participera à un toumoi, il

s'arrêtera devant le stand de livres. Il discutera avec ses amis de la valeur de telle analyse

soutenue par tel commentateur dans tel livre. Il fréquentera une librairie spécialisée dans

les livres d'échecs. Sa façon de parler sera même modelée par ses lectures. Il cherchera

son nom dans les revues d'échecs. Il saura qu'il est impossible de lire toute la «littérature

échiquéenne» et qu'aucun autre jeu n'a suscité une telle production d'écrits. 11 ne

s'étonnera pas qu'un Dictionnaire des échecs pam en 1967 affirme que «plus de 20.000

livres ont été consacrés exclusivement aux échecs» (Le Lionnais, p.38) ou qu'un autre

dictionnaire plus récent estime que «Today there is probably an average of one new

chess book daily» (Oxford, p. 189).

l.b. L'apprentissage de l'écrit échiquéen en milieu scolaire

Dans la société française, la transmission de la pratique échiquéenne ne s'exerçait

encore récemment que dans le cadre informel de la famille ou des relations amicales. Mais

depuis quelques années, l'insdtution scolaire permet à un nombre toujours plus croissant

d'enfants de s'initier au jeu d'échecs. Ainsi à Paris, plus de 2.000 petits parisiens

pratiquent chaque année les échecs dans leur école élémentaire et l'on constate que cette

activité est la plus demandée par les directeurs d'école.

Si ce succès est lié à l'image du jeu d'échecs comme jeu de l'intelligence, on

constate de plus que l'enseignement de ce jeu se moule sur les pratiques scolaires pré¬

existantes et utilise l'écrit comme principal outil cognitif.

Les «contrats bleus», renommés depuis -officiellement- «contrats ville», ont été mis

en place à partir de 1987 pour contribuer, selon l'expression autorisée, à «l'aménagement


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des rythmes de vie des enfants» et offrent aux enfants, après la classe proprement dite,

«un moment de détente» ^ qui s'inscrit dans deux créneaux horaires : soit le midi, soit -

le plus souvent - en fin d'après-midi de 17 h à 18 h. Chaque atelier a lieu une fois par

semaine mais la plupart des écoles proposent plusieurs ateliers par semaine, voire

plusieurs ateliers différents par jour (en moyenne, on compte 5 ateliers par école et par

semaine). Ainsi, en 1992-93, plus de 7(X)0 enfants ont ainsi profité des 1800 ateliers

bleus existants répartis en 1250 ateliers sportifs et 550 ateliers culturels.

Les activités proposées sont d'une grande diversité : judo, construction de cerf-

volant, danse, informatique, astronomie, théâtre, badminton, langue étrangère... Ces

ateliers sont répartis en ateliers sportifs dépendant de la Direction de la Jeunesse et des

Sports de la Ville de Paris et en ateliers culturels directement rattachés à la Direction

Scolaire. Les 1292 ateliers sf)ortifs de l'année 1993-4 se répartissent en 41 disciplines

différentes qui sont représentées dans des proportions très variables. Il n'existe par

exemple qu'un seul atelier de tir à la carabine contre 20 de tir à l'arc. Les quatre

animations sportives les plus répandues sont, par ordre croissant, le tennis de table (141

ateliers), le judo ( 156 ateliers), la danse et l'expression corporelle (182 ateliers) et enfin

le jeu d'échecs ( 188 ateliers) ^.

L'importance relative du jeu d'échecs dans le cadre des ateliers bleus s'avère donc

remarquable et ceci d'autant plus qu'il ne s'agit pas d'une pratique ludique excessivement

développée en France. L'analyse de ce succès met en évidence que celui-ci ne résulte pas

d'une cause unique mais est la résultante d'une conjonction de facteurs qui sont d'ordre

matériel, institutionnel, humain et idéologique.

2 Cf le Guide de la rentrée éditée par la Mairie de Paris, 1993, p.65 ; guide


largement diffusé et lu par les parents.

3 La présence du jeu d'échecs parmi les ateliers sportifs est due à la volonté de la
Fédération française des échecs d'être reconnue comme un sport et au fait que la Direction

sportive de la jeunesse et des sports de la Ville de Paris n'a pas rejeté cette proposition.
8
Il faut tout d'abord remarquer que l'image d'un jeu et son adéquation imaginaire

avec l'institution scolaire "* semble déterminer directement le rejet ou l'acceptation de la

pratique ludique en question. La première année des Contrats-bleus, en 1987, la

Confédération des Loisirs de l'Esprit (regroupant les principales fédérations de jeux de

société) avait proposé aux autorités compétentes six jeux de société : le bridge, les dames,

les échecs, le go, le Scrabble et le taroL Significativement les jeux de carte (bridge et

tarot) n'avaient pas été retenu par le ministère et aucun directeur d'école n'avait par

ailleurs choisi l'atelier jeu de dames, jugé sans doute trop simple. Cette année-là, on

comptait 25 ateliers d'échecs, 5 de go, et 3 de Scrabble (33 écoles). D'une certaine

manière, il ressort déjà que le processus de sélection officielle semble donc avoir écarté

les jeux les moins engagés dans le processus d'écriture.

Mais introduire un jeu dans le cadre scolaire n'est pas sans incidence sur les

conditions d'apprentissage. Ainsi il est remarquable de constater que les animateurs

d'échecs, qui dans l'ensemble n'ont guère subi la contrainte d'aucun moule pédagogique

-^, structurent tous leur atelier de la même manière : une demi-heure de cours précède une

demi-heure de jeu. Cette répartition du temps est jugée "naturelle" par les animateurs qui

s'estiment investis d'une mission éducative. Les plus "sérieux" vont même jusqu'à

établir, sur le papier, une pédagogie par objectifs ^.

^ Par "institution scolaire", je n'entends pas uniquement le bâtiment scolaire, le


ministère de l'éducation et le corps professoral de l'école, etc., car il me semble qu'il faut

aussi y inclure les représentations et les attentes des parents, de la municipalité, des

enfants, ...

5 Jusque vers 1994, la seule consigne que les animateurs recevaient de la Ligue Ile-
de-France des échecs était : «vous n'êtes pas là pour faire des champions, mais pour faire

de l'animation». Depuis 1994, des stages de formation d'animateurs sont régulièrement

organisés.

^ Ainsi un animateur avait prévu la séquence d'initiation suivante : «l'échiquier,


approche de la codification des coups, le déplacement du Roi, la prise d'une pièce par le

Roi, le déplacement de la Tour, le déplacement du Fou, le déplacement de la Dame, les

prises, l'attaque, l'échec au Roi, l'échec à la découverte, comment parer l'échec au roi,
l'échec et mat, le mat du couloir».
9
Cet enseignement se présente sous forme de questions mettant en pratique des

principes préalablement expliqués (par exemple : «comment les blancs donnent-ils échec

et mat en 1 coup ?»). Pour ce faire, l'animateur utilise un grand échiquier mural (un carré

de un mètre de côté) équivalent au tableau noir du maître. Les pièces y sont symbolisés

par des jetons magnétiques plats et ronds qui reproduisent la forme des caractères

typographiques des pièces '^. Les enfants sont invités à répondre en utilisant les

coordonnées cartésiennes des cases qui sont inscrites sur le pourtour de l'échiquier mural

; l'apprentissage du quadrillage de l'échiquier, de la nomination de chacune de ces cases

(al, b5, ...), constitue d'ailleurs la première étape de l'apprentissage du jeu.

Ainsi plusieurs médiations s'intercalent entre le jeu "réel" et le jeu enseigné : tout

d'abord, l'échiquier collectif nécessite d'établir une correspondance entre un plan

horizontal et un plan vertical puisque l'opposition proche / lointain (c'est-à-dire le camp

du joueur / le camp de l'adversaire) se trouve ainsi transformée en une opposition bas /

haut. L'échiquier mural collectif est ainsi équivalent au diagramme du livre d'échecs.

Le diagramme d'échecs se retrouve lui-même dans les feuilles d'exercices que

remettent certains animateurs à leurs élèves. Le cours sur l'échiquier mural se double

alors d'un travail individuel de mise en application de l'apprentissage sur un support écrit

dont le schéma paraît a priori banalement scolaire. Or une curieuse mise en abîme

s'observe en fait à ce moment car la feuille d'exercices remplie de diagrammes d'échecs

se trouve de fait superposée sur l'échiquier déjà installé sur la table dans l'attente de la

deuxième partie de l'animation (les parties entre enfants). L'échiquier en vinyle sert de

sous-main et ses dimensions largement supérieures à celle du format A4 de la feuille

d'exercices foumit donc un effet de profondeur entre "l'écrit" et ce que j'appelle, faute

d'un autre terme, le ''réel".

L'énonciation de la réponse, et non pas l'effectuation du coup sur l'échiquier,

participe également de cette mise entre parenthèses du réel qui constitue un des

^ Cf. le chapitre sur les diagrammes échiquéens.


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fondements de l'enseignement ^ ; l'enfant qui avance une réponse purement orale comme

«il faut prendre le fou qui est à côté du pion» se voit systématiquement corrigé par

l'expression formelle tirée de l'écriture : «le pion h4 prend le fou g5». L'enfant apprend

ainsi qu'il ne suffit pas de trouver le coup "juste", il faut aussi l'exprimer dans un

vocabulaire particulier et selon une syntaxe appropriée. L'écrit s'enseigne par l'oral et

bouleverse la forme même de l'oral.

Après cette demi-heure de cours les enfants sont enfin autorisés à jouer. Bien que

tous les animateurs s'accordent à juger essentiel le fait que les enfants jouent, la pratique

ne peut que procéder de la théorie '^ Les enfants, par contre, manifestent à ce moment

une liesse qui indique clairement leur préférence... L'agitation verbale que certains

animateurs ont parfois du mal à contenir témoigne ici d'un certain "retour" à une pure

oralité où la formule contrainte de l'écrit «le pion h4 prend le fou g5» devient un

évocateur «j'te bouffe».

La comparaison du déroulement de l'animation à celui d'une rencontre échiquéenne

met apparemment en évidence une inversion constitutive : alors que lors d'un toumoi. la

partie est d'abord jouée puis ensuite discutée, l'animation échiquéenne place par contre la

discussion collective avant la partie jouée. Mais cette inversion dissimule de manière plus

profonde une symétrie qui est peut-être plus fondamentale. On passe en effet dans les

deux cas d'une pratique tirant vers l'écrit à une pratique tirant vers l'oral. Pendant la par¬

tie de toumoi. le joueur note ses coups et se voit contraint au silence ; pendant le "cours".

^ Comme le veut un exemple classique, un problème de robinets mal résolu n'a


jamais inondé le voisin du dessous.

^ On rapprochera cette division du temps des ateliers d'échecs d'une circulaire un


peu ancienne ( 17/2/1969) du Directeur de la pédagogie des enseignements scolaires qui

écrivait aux recteurs : «la question m'est parfois posée de savoir si l'on peut comprendre

le jeu d'échecs parmi les activités dirigées. Vous voudrez bien faire une disdnction entre,

d'une part, l'enseignement de ce jeu. qui fait appel à la logique et à la réflexion et. d'autre

part, le jeu lui-même pratiqué pendant les loisirs. L'enseignement du jeu peut être autorisé

au titre des activités dirigés, tandis que les échecs pratiqués comme divertissement font

partie des activités socio-éducatives.»


11

l'enfant propose des coups selon une forme qui s'origine dans l'écrit 'O. Après la partie,

le joueur discute (avec véhémence) de la valeur des coups choisis ; pendant la partie de

l'heure d'animation, l'enfant accompagne ses coups d'une sorte de parole "naturelle". De

plus, à l'issue de l'atelier, certains animateurs distribuent des «diagrammes» de positions

à résoudre à la maison. Ainsi cette animation, hors-temps scolaire et hors programme, re¬

prend volontiers sous l'impulsion des animateurs, une apparence très scolaire avec une

alternance d'efforts, de récréations, et de travail à la maison.

2. L'opposition oral / écrit

Selon l'idée «naturelle» que le bmit nuit à la réflexion, le profane en matière échi¬

quéenne suppose généralement que les joueurs engagés dans leurs parties respectent un

silence religieux. Or si cela s'avère relativement exact dans le cas des parties longues, les

blitz' ' sont en revanche des moments où s'observe bien évidemment une certaine

agitation due à la nécessaire célérité des gestes mais où s'entendent aussi des paroles qui

contestent définitivement le stéréotype du mutisme échiquéen.

On pourrait penser tout d'abord que ces paroles lors des blitz constituent dans le feu

de l'action une extériorisation de la voix intérieure du joueur. De fait, si des expressions

quasi instinctives surgissent parfois lorsqu'un joueur, découvrant brutalement l'irrémé¬

diable perte d'une pièce, pousse par exemple un «merde» tonitruant, il n'en reste pas

moins que ces expressions brutes de décoffrage ne représentent qu'une part minime de ce

'^ Dans certains cas, l'enfant peut même être invité à noter sa réponse.
Cette sous-partie consacrée à l'opposition oral / écrit a fait l'objet d'un article

intitulé "Mutisme et joutes oratoires chez les joueurs d'échecs de compétion" à paraître

dans l'ouvrage De la voix au texte. L'ethnologie contemporaine entre l'oral et l'écrit. N.

Belmont (sous la dir.), 1997.

^1 Les joueurs de compétition disputent à l'aide de «pendules d'échecs» des


parties à différentes cadences. Les «parties longues» durent ainsi environ quatre heures

tandis que les «blitz» (de l'allemand "éclair") sonten revanche limités à dix minutes pour

l'ensemble de la partie.
12

qui à I'observadon apparaît bien comme des échanges verbaux, c'est-à-dire comme un

véritable dialogue dans la mesure où l'adversaire s'y trouve tutoyé (ou vouvoyé), alors

que la parole intérieure le pense plutôt à la troisième personne.

A : «là il est cuit là fil est difficile de déterminer le destinataire de ce message :

l'émetteur s'adresse soit à lui-même, soit à un ami spectateur qui, debout, suit

le déroulement de la partie depuis son commencement, soit enfin à l'adver¬

saire avec qui il entretient une attitude relationnelle ambivalente qui, oscillant

entre le tutoiement et le vouvoiement, s'exprime parfois par ce que l'on pour¬

rait appeler 1' "iloiement" : en tout cas, comme ces différentes interprétations

ne sont évidemment pas mutuellement incompatibles, cette phrase indique à

qui veut l'entendre que le joueur considère sa position comme gagnante.

Deux-trois secondes plus tard, alors qu'une série de coups ont été rapidement

joués, le joueur reprend la parole : j ' 2 ha vous m'en faites des misères vous.

I contre toute attente son adversaire continue donc à résister et à opposer à ses

coups des répliques posant problème | qu'est-ce que vous voulez que je fasse

là-dessus ? ça ! |le ça indique le coup joué ; coup catastrophique puisqu'il

s'avère laisser en prise la Dame qui est, aux échecs, la pièce maîtresse] ha
merde ! »

Deux autres exemples permettent de donner un premier aperçu du contenu et du

contexte de ces dialogues. Le premier cas a été filmé dans un club d'échecs parisien qui

organise pour ses membres tous les samedis un tournoi de blitz. Les deux joueurs se

connaissent depuis plusieurs années et ont une trentaine d'années. Après les premiers

coups de l'ouverture '-^ qui ont été effectués silencieusement, le joueur qui mène les

Blancs déplace une pièce puis annonce :

'2 D'une manière encore plus forte que dans les conversations ordinaires, ces
propos tenus sur l'échiquier apparaissent remarquablement opaques dès qu'ils sont sortis

de leur contexte. Les remarques entre crochets servent donc à évoquer certains détails

pertinents qui aident à comprendre le sens et l'intention des propos ainsi tenus.

'^ Le terme d'ouverture désigne les coups qui, répertoriés dans les manuels
d'échecs, permettent aux joueurs de débuter la partie dans les meilleures conditions. Les

joueurs connaissent par c ur certaines ouvertures et les «récitent» très vite.


13

B: «Fou c3» [c3 est prononcé se trois] .'

Énoncé très bref qui établit curieusement une redondance entre le mouvement de la

pièce sur l'échiquier et la parole qui a accompagné ce coup puisqu'il peut légitimement

être glosé par *Comme tu peux le voir, j'ai joué le fou sur la case c3 . Cet énoncé met de

plus en évidence l'importance cmciale de l'écriture dans la pensée échiquéenne puisque le

morphème c3 est directement issu de la "notation algébrique" qui permet aux joueurs

d'inscrire les coups des parties en fonction d'un système de coordonnées imprimé à

même l'échiquier. Plus précisément encore, l'expression Fou c3 est la lecture littérale du

coup noté 'Fc3' et ce fait manifeste d'autant plus l'influence d'un processus scriptural sur

une énonciation orale que le rythme des blitz interdit toute velléité de notation.

Tout en réfléchissant au coup qu'il va jouer, le second joueur réplique, en affectanL

notons-le, l'accent marseillais.

C; «et à quoi il te sert ton Fou là ? »

Accent marseillais que reprend tout d'abord le premier joueur :

B: «a immobilisé un peu le canasson»

L'utilisation du terme "canasson" pour désigner la pièce à tête d'équidé témoigne ici

du fait que cette conversation est placée dans le registre de la badinerie entre personnes

averties. Comme une règle élémentaire inculque en effet au débutant que cette pièce n'est

pas un cheval, mais un «Cavalier», la désigner sous l'appellation de «canasson» (ou de

'^ Les difficultés posées par la transcription du langage parlé sont l'occasion
d'échanges contradictoires entre les linguistes et nous n'entrerons pas dans ce débat.

S'approchant -pour des raisons de lisibilité- d'un texte écrit ordinaire, notre transcription

est volontairement simplifiée et ne retient que les éléments qui, après de multiples

écoutes, nous ont semblé être pertinents pour la présente étude. Chaque locuteur est

désigné par une lettre.


14

«bourrin», autre terme en vogue dans l'argot échiquéen) exploite avec brio la capacité de

renverser un code ' ^.

Mais le joueur perd, ou abandonne, aussitôt cet accent marseillais devant la réponse

que son adversaire effectue sur l'échiquier:

B: «voui. bon, faut bien, holà va du monde, oh c'est pas bien grave, mm. je

suis sûr qu'il va y avoir du monde» fie joueur réalise soudain que l'action de

beaucoup de pièces adverses («ya du monde») convergent soudain

dangereusement vers son Roi ; le «c'est pas bien grave» est une tentative - qui

avorte aussitôt - de nier la gravité des menaces]

Le deuxième cas a été enregistré au Jardin du Luxembourg qui est durant la belle

saison un haut lieu du "monde des échecs". Là se côtoient d'une part des joueurs

professionnels ou amateurs '^ qui fréquentent régulièrement clubs et tournois d'échecs, et

d'autre part des gens que les premiers repèrent au premier coup d'oeil comme n'étant pas

de "vrais" joueurs car ils poussent du bois sans se servir de pendule.

Les joueurs de notre deuxième exemple sont deux vaillants gaillards de 70 et 60 ans

'"''qui écumant les compétitions échiquéennes depuis des dizaines d'années ont déjà, à

ces occasions, disputé entre eux plusieurs «parties longues» Ce jour-là, ils se sont

retrouvés par hasard «au Jardin» attirés par la douceur de l'été, l'ombrage des Catalpas,

^^ Le même jeu sur le langage doit se retrouver dans toutes les langues qui
distinguent ainsi le nom de la pièce du nom de l'animal représenté. Kent Patterson écrit

ainsi que pour les joueurs américains : «to call a knight a horse without a broad grin at the

joke is a linguistic faux pas that marks the novice» ( 1971 : 234). Pour l'anecdote, on peut

rapporter le mauvais sous-titrage d'un film de Woodie Allen où celui-ci apprenant les

échecs à une jeune femme lui expliquait : «it's not a horse, it's a knight». Phrase rendue

par «ce n'est pas un cheval, c'est un chevalieD>. Ce genre d'erreur linguistique irrite et

réjouit tout à la fois le "vrai" joueur.

1^ 11 n'existe pas aux échecs de démarcation tranchée entre professionnels et


amateurs. Ainsi lors des comf)étitions, un système complexe de départage permet même

aux plus faibles joueurs de concourir pour un prix en argent.


1 ' Quoique nos deux exemples opposent des joueurs d'une même classe d'âge, de
telles parties confrontent tout aussi bien des adversaires que séparent plusieurs

générations mais que réunit un même amour du jeu.


15
et la certitude de trouver un adversaire à leur mesure. Nous avons extrait de

l'enregistrement une séquence d'échanges qui n'est qu'une illustration parmi d'autres des

thèmes et des rhétoriques déployées par ces joueurs :

D: «c'est finement joué, très finos fprononcé finosse], finos, haha»

E: «qu'est-ce que c'est fin»

D; «qu'est-ce que c'est fin»

E: «comme une grosse come»

D «qu'est-ce que c'est fin»

E: «c'est trop fin pour moi»

D: «qu'est-ce que c'est fin tout ça. tiens !»

Devant l'absence de réplique verbale de la part de son interlocuteur, le même joueur

D continue ainsi:

D: «ha. c'était pas si fin que ça. ha si quand même il me reste un. . . Même pas

besoin de réfléchir dans cette position, même pas...» fies points de

suspension indiquent que D ne finit pas sa phrase]

D est alors coupé net dans sa parole :

E: «on te demande de réfléchir, dis, est-ce que moi je te demande de réfléchir.


hein ?»

D: «non, c'est vrai ça»

Le joueur D effectue enfin son coup qui a nécessité une dizaine de secondes, c'est-

à-dire une durée de réflexion relativement longue malgré son affirmation qu'il n'y avait

justement pas là besoin de réfléchir.

Pour prendre conscience de l'importance quantitative des paroles ainsi échangées,

nous pouvons indiquer que la transcription d'un blitz représente en général au moins

deux pages dactylographiées sous interligne simple. Il faut cependant remarquer que les

transcriptions ainsi réalisées créent une illusion de continuité car il est rare que de bout en

bout de la partie les joueurs discutent comme dans une conversation ordinaire sans jamais

s'interrompre. En réalité, il s'agit le plus souvent de dialogues disloquées comprenant un


16
certain nombre de séquences d'échanges verbaux séparées par des périodes silencieuses

de quelques dizaines de secondes. La répartition des paroles reste cependant extrêmement

variable car selon le contexte général, le type de partie, l'état de fatigue, la présence de

spectateurs, etc., les mêmes joueurs peuvent dans la même après-midi ou la même soirée,

réaliser des blitz presque complètement silencieux ou à l'opposé entièrement remplis de

paroles.

Les joueurs sont évidemment conscients du fait qu'ils parlent lors de ces blitz et ils

utilisent parfois l'expression un peu péjorative de «jouer à la parlotte» pour désigner cette

forme de jeu. Trois raisons sont fréquemment avancées par les joueurs eux-mêmes pour

expliquer le «jeu à la pariotte».

La première raison trouve un mobile psychologique à ces paroles qui prennent

souvent un tour qui paraît en comparaison des paroles ordinaires quelque peu excessif.

Ainsi on assiste parfois à une enflure de l'arrogance doublée d'une forte dose

d'agressivité. Au Jardin par exemple, une violence certaine animait cet homme d'une

bonne cinquantaine qui, cramponné des deux mains à sa table '^, agonissait son

adversaire sous une pluie d'invectives méprisantes où littéralement les occlusives

explosaient :

E: «trop faaacile, je t'aligne au bout de mon fusil, je t'harponne, tu mérites

même pas un fusil, je t'harponne comme un vieux poisson» [les caractères

gras indiquent les occlusives accentuées; les trois a de faaacile un allongement

particulièrement exagéré de ce son vocallque].

Mais la vingtaine de personnes qui se pressaient alors autour des deux adversaires

témoigne aussi du fait que ces paroles participent d'un spectacle qui bénéficie ainsi d'une

incomparable dimension esthétique. Dans le «je t'harponne, tu mérites même pas un

fusil», il y avait certes une agressivité réelle, mais tout autant un plaisir du verbe auquel

^ ° Cette table pliante est spécialement amenée par ce joueur alors que les autres se
contentent de poser leur échiquier à cheval entre deux chaises.
17
les participants, spectateurs comme acteurs, ne restaient pas insensibles. On ne s'étonnera

pas de ce que la présence d'un public stimule sensiblement l'inventivité verbale des

joueurs qui, volontairement ou involontairement -peu importe-, endossent alors le rôle

d'un quasi acteur devant ceux qui composent ce que le jargon échiquéen appelle, d'un

nom évocateur, la «galerie». '^

La présence d'une «galerie» témoigne aussi de la valeur d'une partie dans la mesure

où un spectateur ne reste jamais longtemps sur une partie qu'il juge échiquéennement

sans valeur ^o. Mais comme toute reconnaissance sociale entretient un phénomène tout

autant qu'elle le révèle, on peut inverser la proposition en disant que la présence d'une

assistance nombreuse contribue aussi à la valeur de la partie. A l'issue d'une partie qu'il

venait de remporter, un président de club s'est ainsi exclamé, malgré la retenue dont il fait

toujours preuve :

F: «c'est une partie qui vaut quatre points, un point parce que j'ai gagné, un

point parce que j'avais les Noirs, un point parce que c'était une belle partie, et

un point parce qu'il y avait des spectateurs» 2'

'"Le "sérieux" dictionnaire des échecs de Le Lionnais et Maget possède même une
entrée à ce mot : «Galerie : ensemble des spectateurs suivant le déroulement d'une partie.

Il est demandé à la galerie de ne pas incommoder les joueurs, de quelque manière que ce

soit, notamment par des commentaires faits à haute voix.» (1974:163). La prescription

indique bien sûr une pratique dont nous verrons qu'elle répond souvent à une stratégie
délibérée.

20 Le jugement d'une position est faite en un temps très bref qui permet néanmoins
de prendre en compte plusieurs éléments : identification éventuelle des joueurs, présence

d'autres spectateurs (avec reconnaissance éventuelle de certains d'entre eux), temps

restant à la pendule, caractère "normal" de l'emplacement des pièces sur l'échiquier,

habileté manuelle des joueurs, recours à la parole. La rapidité de l'estimation (à peine

quelques secondes) permet généralement au spectateur (si c'est un "vrai" joueur d'échecs)

de s'approcher ainsi d'un échiquier avec un certain détachement et de poursuivre son

chemin sans s'arrêter si la partie n'en vaut pas la peine.

2 1 Lors des compétitions, les victoires sont comptabilisées par un point, les parties
nulles par 1/2, et les défaites par zéro. En s'adjugeant un point supplémentaire sur le

motif d'avoir mené les Noirs à la victoire, F exprime ici l'idée partagée par les joueurs, et

confirmée parles statistiques, que le camp des Blancs bénéficie d'un léger avantage dû à
18
Les exemples précédents ont tous été empmntés à des dialogues entretenus par

deux adversaires au cours de la partie mais il ne faudrait pas en déduire que cette parole

échiquéenne se limite aux dimensions d'un échiquier. Si l'adversaire est l'interlocuteur

privilégié, rien n'interdit en effet de s'adresser également aux personnes situées près de

soi. Ceci est en particulier vrai lors des toumois de blitz qui constituent pour quelques

heures une petite communauté aux relations très denses puisque dans l'espace réduit de

quelques échiquiers serrés les uns contre les autres, une dizaine ou une vingtaine de

participants rencontrent tour à tour chacun des autres compétiteurs. Le voisin de droite ou

de gauche est donc toujours l'adversaire d'une partie précédente ou d'une partie

prochaine. Une très jolie illustration des jeux de mots collectifs qui peuvent surgir à

l'occasion de telles compétitions met ainsi en scène les joueurs de trois échiquiers

différents. Un premier joueur, pour laisser croire qu'il estime négligeable les

compensations d'un sacrifice proposé par son adversaire, accompagne la prise d'une

pièce par l'exclamation «je prends»; sur un autre échiquier, un deuxième joueur, engagé

quant à lui, dans une série d'«échanges» -2, s'écrie: «je reprends». Enfin un troisième

joueur, sur un troisième échiquier, achève cette série de répliques d'un «tu me surprends»

qui indique en passant que le demier coup de son adversaire est si mauvais qu'il ne l'avait

même pas envisagé. Ces trois énoncés qui ont été enchaînés très rapidement «-je prends.

la priorité de l'attaque. Vaincre avec les Noirs en est donc d'autant plus méritoire. Par

ailleurs, les joueurs sont sensibles à la «beauté» des parties et de nombreux toumois

attribuent ainsi des «prix de beauté» en nature aux joueurs ayant conçu les plus belles

combinaisons. Les conditions d'attribution d'un «prix de beauté» se trouve ainsi

précisées dans une affichette annonçant un toumoi : «Tout joueur désirant concourir pour

le "Prix de beauté", doit remettre à l'arbitre ou à l'organisateur sa ou ses parties

candidates [c'est-à-dire le texte écrit de ses parties], accompagnées de ses commentaires

et analyses, [...]. Un jury de joueurs confirmés décidera à la majorité des voix de

l'attribution de ce prix. Les autres parties candidates figureront toutefois dans le Livret du

Toumoi avec leurs analyses.» (Open d'échecs d'Herlies, 1996).

22 11 y a «échange» lorsque les deux camps se prennent réciproquement une pièce


de même valeur.
19
-je reprends, -tu me surprends» sont alors suivis d'une plage de silence où tous les

participants de ces blitz apprécient l'à-propos de ces réparties d'un point de vue tant

verbal qu'échiquéen (puisqu'il leur suffit de toumer la tête pour voir la position qui a

suscité une telle parole) et en même temps, les adversaires de ces trois locuteurs se

demandent pourquoi leur vis-à-vis à juger bon à ce moment précis d'énoncer cette phrase-

là.

Car la troisième raison clairement énoncée par les joueurs est que parler ainsi durant

les parties présente le grand intérêt de déstabiliser l'adversaire. Ainsi que l'expliquent

souvent les blitzeurs :

«tous les moyens sont bons!» f sous-entendu pour gagner].

Et puisque les deux adversaires utilisent donc la parole comme une arme, ces

échanges verbaux s'avèrent constituer une joute verbale qui se trouve ainsi doubler

l'affrontement purement échiquéen. Ne pas répliquer à une parole, c'est en effet d'une

certaine façon reconnaître qu'on risque de ne pas savoir non plus répondre aux coups sur

l'échiquier et vice-versa. Certaines joutes oratoires avortent ainsi à cause d'une différence

de force trop notable entre les participants. Un joueur moyen affrontant pour la première

fois un adversaire qu'il savait crédité d'un classement international se trouva ainsi

décontenancé lorsque ce demier lui lança ce qui ne devait normalement être que la

première pique d'une future joute oratoire. C'est au moment précis où le joueur cessait de

répondre «a tempo» 23 et commençait donc à réfléchir réellement sur les différents coups

envisageables que fut prononcé la phrase assassine :

G: «c'est la fin de tes connaissances théoriques ?» ^-^

23 «A tempo» signifie que les coups sont joués selon un rythme très rapide qui ne
laisse à la réflexion (ou à la remémoration) que le temps nécessaire à la main pour saisir la

pièce et la reposer sur une nouvelle case.

24 Les connaissances théoriques en question sont celles des ouvertures qui


permettent justement aux joueurs de «réciter» très vite leur «Théorie», (cf. note 13). C'est

évidemment lesjoueurs les plus forts qui sont sensés posséder le répertoire théorique le
plus étendu.
20
H: «mmh»

Ce «mmh» fut le seul acquiescement du faible joueur à ce constat en forme de

question. La joute oratoire était dès lors terminée et les joueurs ne dirent plus un mot du

reste de la partie, le jugement pour les joueurs comme pour les spectateurs était sans

équivoque et le résultat de la partie elle-même fut à la mesure de ce jugement.

Les connaissances théoriques dont il est question concement les «ouvertures» que

les joueurs apprennent par coeur dans les livres. Ces suites de coups se trouvent

effectuées par lesjoueurs sur l'échiquier si rapidement que l'argot échiquéen parle ici de

«réciter la théorie». C'est évidemment lesjoueurs les plus forts qui sont sensés posséder

le répertoire théorique le plus étendu. L'écrit permet donc d'asseoir le pouvoir de la

parole.

Comme les blitz se déroulent généralement entre joueurs d'une force égale, des cas

aussi tranchés de K.O. verbal, de dépossession de la parole, restent relativement rares et

cela pose le problème général de l'enjeu de telles joutes oratoires. Cet enjeu est, pensons-

nous, d'une nature complexe car au gain immédiat de la partie sur l'échiquier s'ajoute le

contrôle d'une certaine parole sociale. La force aux échecs et l'habileté langagière

concourent ainsi, parmi beaucoup d'autres facteurs, à situer le joueur dans le «monde des

échecs».

Cette pratique des joutes oratoires amène naturellement à penser que la parole

possède dans ces circonstances une force, une efficacité particulière.

L'association des mouvements du corps à l'expression verbale est à cet égard

particulièrement frappante dans ces blitz où la parole se déroule en parallèle des

déplacements de pièces sur l'échiquier. L'analyse fine des enregistrements vidéo met en

effet en évidence que le verbe et le geste convergent régulièrement aux moments forts de

leur énonciation ou réalisation. Ainsi, très souvent, le joueur achève sa phrase au moment

précis où il pose la pièce qu'il déplace. L'effet spectaculaire peut même être doublé quand

un premier terme fort de la phrase est marqué d'une manière sonore par la main frappant
21
l'échiquier avec la pièce qu'elle dépose et que la fin de la phrase est elle-même ponctuée

par le claquement du bouton de la pendule sur lequel la même main s'abat 25. L'insuccès

éventuel de l'action est ici pour l'observateur tout aussi révélateur que le geste

parfaitement coordonné :

A: «Tour prend ici fie joueur exprime ici à haute voix une bribe de son

analyse dans laquelle se pose le problème de comment prendre une pièce

adverse, un Cavalier en l'occurrence] bon, allez, je prends ici fie «ici»

coïncide avec l'instant où le Cavalier eimemi est pincée entre le pouce, l'index

et le majeur; aussitôt après, dans un mouvement de passe-passe, la pièce prise

glisse sous l'annulaire et l'auriculaire tandis que les trois autres doigts libérés

attrapent un Fou; notons que significativement la pièce qui prend n'est pas la

Tour mais un Fou], pourquoi favec le «pourquoi», la main lâche le Fou qui

atterrit bmyamment sur la case qu'occupait l'instant d'avant le Cavalier] ne

prendrai-je pas ça ? fie «ça» est prononcé alors que l'index fait le mouvement

d'interrompre le déroulement du temps à la pendule, action qui échoue tout

d'abord à cause de la gêne occasionnée par la présence du Cavalier dans la

main; aussi un léger décalage s'observe entre le «ça» et le claquement du

bouton de la pendule.]

Ainsi le geste, le coup sur l'échiquier ou sur la pendule dramatise l'expressivité de

la parole ; autrement dit, le corps est ici une technique du langage.

L'efficacité de la parole échiquéenne provient aussi de son recours très direct à des

"actes de langage". Les blitz sont en effet l'occasion pour les joueurs de proférer

extrêmement souvent des performatifs explicites, c'est-à-dire des paroles ayant la faculté

d'agir sur le monde, alors que dans la vie ordinaire il est assez rare d'être confronté à des

performatifs (on ne se marie pas tous les jours). Deux performatifs extrêmement

importants dans la pratique du blitz sont les expressions «mat» et «tombé». «Mat»

25 La règle impose en effet d'utiliser la même main pour déplacer la pièce et


appuyer sur la pendule. Dans ces parties où la moindre seconde compte, la bonne

chronologie des événements est ainsi assurée puisque cette règle empêche un joueur

distrait ou indéliquat d'arrêter son temps de réflexion avant d'avoir effectué son coup.
22

désigne la situation sans issue d'un roi et «tombé» 26 signifie que le temps imparti à la

pendule est dépassé. Ces deux mots fonctionnent comme des performatifs dans le cas

assez fréquent où un joueur dépasse le temps qui lui était alloué en même temps qu'il met

échec et mat son adversaire. Pour résoudre ce paradoxe d'un joueur qui aurait à la fois

gagné sur l'échiquier et perdu à la pendule, lesjoueurs considèrent que la victoire revient

au premier des joueurs qui énonce le performatif pertinent II ne suffit donc pas de gagner

sur l'échiquier ou à la pendule, il faut en plus le dire.

Enfin, la pendule fonctionne aussi comme un distributeur des tours de parole. Le

joueur à qui c'est le tour de jouer, c'est-à-dire celui dont la pendule tourne, est

généralement celui qui parle. Au contraire, parler sur le temps de l'adversaire peut être

considéré comme un coup illégal par ce demier qui pourra éventuellement sortir une

expression du type «parle pas sur mon temps» et rappuyer sur la p)endule alors que c'est

toujours à lui déjouer; (dans ce cas, l'autre joueur se tait et rappuie sur la pendule).

Remarquable s'avère donc être la connaissance mi-intuitive, mi-raisonnée, que les

joueurs possèdent de la puissance de la parole. Cette utilisation de la parole dans ses

pouvoirs psychologiques, expressifs, performatifs, dans la distribution des tours de

parole, convergent en fait vers cette idée fondamentale d'une parole qui vient renforcer,

d'une parole qui vient doubler, l'efficacité des coups joués sur l'échiquier.

En contraste des blitz chargés de paroles, les «parties longues» (appelées également

«parties officielles» ou «parties sérieuses») se caractérisent par leur silence. Ici la

coutume orale, l'agrément interpersonnel sur les règles à appliquer, laisse la place à un

règlement écrit intemational qui stipule qu'il est «interdit de distraire ou de gêner

l'adversaire, de quelque façon que ce soit». Autrement dit. il est strictement interdit de

déstabiliser verbalement son adversaire car toute parole avec autmi se trouve dans les faits

prohibée.

26 L'expression «tombé» provient du fait que le «drapeau» de la pendule s'abaisse


lorsque le temps du joueur est écoulé.
23
Comme l'indique les expressions de «partie officielle», de «partie sérieuse», une

hiérarchie de valeurs est établie entre le «blitz» et la «partie longue» : les rencontres entre

clubs se déroulent au rythme des «parties longues» et c'est aussi en disputant de telles

parties que les plus forts joueurs obtiennent les titres de maîtres intemational ou de

champion du monde. . . Le «blitz» en regard est considéré comme un jeu, une distraction,

et les détracteurs du jeu rapide considèrent que le «blitz» «ne produit que des parties

superficielles, entachées de gaffes, et qu'il est contraire au génie du jeu» 2'7.

Or il y a lieu de s'interroger sur la signification profonde de cette absence de

paroles. De fait même les expressions qui semblent concomitantes au jeu d'échecs

disparaissent puisque d'une part les parties ne se poursuivent jamais jusqu'au mat 28 et

que d'autre part lesjoueurs n'annoncent jamais l'échec au roi. Plus généralement, on

constate la disparition de tous les performatifs à l'exception d'un, qui il faut le préciser

possède la particularité rare d'être un performatif en quelque sorte négatif puisqu'à la

différence des autres performatifs, il n'agit pas mais empêche au contraire d'agir sur le

monde : c'est la formule «j'adoube» qui permet au joueur d'ajuster la position des pièces

sans être obligé de les jouer. Il faut noter en revanche que l'écriture obligatoire des coups

joués par les compétiteurs remplit une certaine fonction performative. Si le mot «échec»

n'esL dans la pratique des «parties longues», pratiquement jamais prononcé, son écriture

s'avère en revanche systématique sur la feuille de partie que tiennent les deux joueurs. Un

signe « -(- », qui se lit «échec» et provient du dessin de la croix (i), est ainsi ajouté à la

suite du coup proprement dit. L'écrit se substitue ainsi d'une certaine manière à l'oral.

L'effet performatif de l'écriture est manifeste dans l'obtention de la «partie nulle»

par l'un des deux joueurs. Le règlement précise en effet :

La partie est nulle sur demande du joueur ayant le trait lorsque la même

position, pour la troisième fois, va apparaître, s'il déclare préalablement à

l'arbitre son intention déjouer un tel coup et écrit ce coup sur sa feuille de

27 Le Lionnais et Maget, 1974: 127.


2° Les joueurs abandonnent en effet toujours dès qu'ils se trouvent dans une
position par trop défavorable.
24

partie. (Fédération internationale des échecs. Règles du jeu d'échecs,

Salonique 1988, art. 10.5).

L'efficience de l'écriture se retrouve également dans le cas où la fin d'une partie

inachevée est remise à une date ultérieure. Avant r«ajouraemenb>, le joueur qui a le

«trait» doit en effet inscrire sur sa feuille de partie, mais non pas jouer sur l'échiquier,

son demier coup. La feuille de partie étant ensuite gardée dans une enveloppe cachetée

par l'arbitre, ce demier coup reste ainsi ignoré de l'adversaire jusqu'au lendemain. Or

cette inscription sur la feuille de partie opère comme un véritable performatif car le coup

est alors considéré comme définitivement joué29. S'il s'avère de plus, à la reprise de la

partie, que le coup noté n'est pas réalisable sur l'échiquier, autrement dit qu'il s'agit d'un

«coup impossible», la partie est alors déclarée perdue pour le joueur ayant commis cet

impair scriptural. La gravité qui accompagne souvent «l'ajoumemenb) suffit d'ailleurs à

souligner l'importance que prend à ce moment-là ce geste d'écriture.

Comme ce sont les mêmes joueurs qui disputent des blitz accompagnés de joutes

oratoires et des longues parties silencieuses mais écrites, il semble pertinent de considérer

ce mutisme des parties sérieuses non pas comme une conséquence naturelle de la

réflexion mais plutôt comme un renoncement volontaire à la parole et une imposition tout

aussi volontaire de l'écriture. De fait on observe que ce renoncement à la parole permet

dans l'esprit des joueurs d'instaurer une sorte de pureté échiquéenne où seule compterait

l'action des pièces sur l'échiquier. Plus d'action psychologique, plus de paroles

déstabilisantes, rien que la lutte abstraite de deux intelligences, voici la réalité, et l'illusion

aussi, qu'instaure ce renoncement. L'écriture imposée offre en revanche la possibilité de

revenir sur les coups effectués en les reconsidérant au vu de l'expérience acquise. En se

privant de la parole, en s'investissant au contraire dans l'écrit (tous les coups sont notés),

la partie d'échecs se proclame science.

29 C'est plus précisément au moment où l'enveloppe est cachetée qu'il n'y a plus
pour le joueur de possibilité de revenir en arrière.
25

Il convient donc dans cette perspective de ne pas penser, comme le font la plupart

des auteurs échiquéens, le blitz comme un dérivé, voire une dégénérescence de la partie

lente car ce sont les mêmes joueurs qui réclament un parfait silence pour les parties

sérieuses et qui "s'abandonnent" au délire verbal lors des blitz. On trouvera une

confirmation de cette idée dans le fait que, plus un joueur s'avère fort d'un point de vue

purement échiquéen, plus il fait preuve d'agilité verbale au cours de ces joutes oratoires et

ludiques. La relation entre le blitz et la partie longue redessine ainsi, dans la sphère même

du jeu d'échecs, l'opposition classique entre jeu et sérieux. Mais on notera que cette

opposition sert à orienter des relations et non pas à définir des catégories a-priori.

Ainsi le silence, la parole ou l'écriture apparaissent dans le contexte échiquéen

comme culturellement construits, et ne dérivent pas de données naturelles comme

voudrait nous le faire croire des raisons comme : le joueur reste silencieux parce qu'il

réfléchit, ou encore le joueur vocifère parce que "le jeu est l'expression des instincts les

plus primitifs" ou encore les coups les plus intéressants sont conservés par le moyen de

l'écriture. Le silence n'est pas donné, il est construit d'une part en fonction de la

connaissance que lesjoueurs ont de la puissance de la parole et d'autre part en fonction de

la représentation que les joueurs souhaitent avoir et donner de leur passion. De la même

façon, il est difficile de considérer la parole échiquéenne des blitz comme naturelle ou

"authentique", car il appert qu'on ne peut véritablement la comprendre, c'est-à-dire

l'entendre, sans écouter aussi ce silence rempli d'écrits des parties longues.

3. Panorama de la littérature échiquéenne

Les vingt ou trente mille ouvrages que compte la littérature échiquéenne

appartiennent à des genres extrêmement variés puisqu'à côté des opuscules de règles, des

biographies de champions, des histoires du noble jeu, des récits anecdotiques, on trouve

aussi des poèmes versifiés, des pièces de théâtre, des romans... Les livres "techniques"
26

constituent néanmoins le fonds le plus important de toute bibliothèque échiquéenne et

c'est naturellement la lecture d'ouvrages de cette nature qui est recommandée aux

débutants.

Les manuels d'initiation constituent évidemment le premier niveau de cette

littérature technique. Ces textes présentent généralement un bref exposé sur l'histoire du

jeu qui, dans sa composition comme dans sa fonction, apparaît comme une sorte de

mythe fondateur. Certaines considérations "philosophiques" sur la nature du jeu, les

qualités requises d'un bon joueur peuvent également être présentes. Le domaine

proprement technique commence naturellement par la description des règles et du

vocabulaire spécifique et se poursuit par l'explication des principes de base à suivre pour

bien mener une partie d'échecs. Comme lesjoueurs d'échecs décomposent une partie en

trois phases successives, r«ouverture», le «milieu de jeu» et la «finale» et qu'à chaque

phase correspond des recommandations spécifiques, les manuels reprennent

systématiquement cette division dans leur composition inteme. Ainsi le chapitre sur les

«ouvertures» précise comment et dans quel ordre, il faut développer les pièces ; «sortez

les Cavaliers avant les Fous» est, par exemple, une recommandation très générale que des

générations de joueurs se sont transmis depuis le Moyen Age. Le stade de la «finale» ^^

commence dans une partie lorsqu'il ne reste plus qu'un «matériel» limité sur l'échiquier ;

l'étude des finales débute ainsi par l'apprentissage du mat d'un Roi seul par une Dame et

un Roi. Le «milieu de jeu» est, quant à lui, située entre r«ouverture» et la «finale» et il

est l'occasion déjouer des coups particuliers comme la «fourchette» ou le « clouage», ou

encore d'appliquer des plans spécifiques comme la «centralisation» des pièces. Le but de

tout manuel d'initiation est de foumir le B.A.-BA de ces trois moments d'une partie

d'échecs.

Des ouvrages spécialisés développent ensuite des connaissances approfondies dans

chacun de ces domaines : la célèbre Batsford chess openings, que certains joueurs

30 Bien entendu, toutes les parties n'atteignent pas ce stade de la «finale» car un
mat peut surgir dès les premiers coups de r«ouverture».
27

appellent «la bible», rassemble ainsi en plusieurs centaines de pages les grandes lignes de

toutes les «ouvertures» coimues. Mais des ouvrages tout aussi volumineux peuvent

développer des «variantes» qui, dans l'ouvrage cité, n'occupent que quelques lignes. Il

existe de même des ouvrages consacrées exclusivement aux «finales de tours», c'est-à-

dire des positions où il ne subsiste plus que les deux rois, des pions et des tours.

A ces livres, s'ajoutent encore des monographies qui rassemblent les parties

disputées par un joueur de renom : par exemple, les 100 meilleures parties de Tahl, ex¬

champion du monde par Bemard Cafferty (1975). Il existe également des recueils centrés

sur un événement échiquéen particulier (une «compétition» entre plusieurs joueurs, un

«match» entre deux forts joueurs) -^'. Fischer-Spassky. Reykjavik 1972 par H.

Alexander et F. Wyndham fut ainsi un des premiers ouvrages pams en français sur le

célèbre championnat du monde qui opposa le champion américain au tenant du titre msse.

Statistiquement, on observe qu'une majorité d'ouvrages porte sur les «ouvertures».

Ceci apparaît clairement dans le contenu de la revue Europe-Echecs qui répertorie, dans

son sommaire annuel paru en février 1996, l'ensemble des ouvrages ayant fait l'objet

d'un compte-rendu en 1995 ; 5 catégories ont été retenues : les «ouvertures» sont

représentées par 23 ouvrages ; «les finales», un seul ; la «composition» ^2^ deux ; «les

toumois et matches», quatre. Enfin l'entrée «divers» rassemble 44 volumes relevant de

l'initiation, du milieu de jeu, de l'histoire et de la psychologie du jeu, des biographies de

champion, etc. Le même numéro de cette revue contient une page de publicité qui propose

exclusivement 45 opuscules présentant, chacun, 100 parties jouées sur une «ouverture»

donnée.

3 1 Comme le remarque The Oxford Companion to Chess, ces ouvrages constituent


véritablement «the prime source of most knowledge» (p. 189).

32 La «composition» représente les «problèmes» d'échecs qui sont des positions


particulières de pièces (inventées par un «compositeur») et pour lesquelles il faut trouver

un mat en un nombre donné de coups. La plupart des joueurs de compétition considèrent

que les «problèmes» ne présentent aucune ressemblance avec les positions des parties

"réelles" et se désintéressent de cette forme d'énigmes intellectuelles qui a connu un

développement indépendant du jeu.


28
Parallèlement à ces différents ouvrages, une part importante de la production

imprimée échiquéenne est constituée par les revues d'échecs. C'est d'ailleurs dans celles-

ci que les livres d'échecs viennent puiser leurs exemples. Matériaux de première main,

fréquemment consultées, les revues d'échecs contribuent à la constitution du «monde des

échecs» en portant à la connaissance des joueurs des faits techniques mais aussi des

informations sur les compétitions en cours ou à venir, les classements des joueurs, des

nouvelles et des faits divers relatifs aux échecs. Une recherche bibliographique a permis

le recensement quasi exhaustif d'environ 80 revues d'échecs pames en français depuis

1836 (cf. bibliographie finale). Les trois principales revues d'échecs contemporaines sont

actuellement:

Auxerre Karpov -
4 GMI :. Komsky
dans Itr
National, M?4 portie»
éu rroTch
mais la
d Eti ï tu
releve
semble Tournois
prête Dor»

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Claire
Gervais
Bogncux
remporte Montpellier
le titre
féminin
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Va! Thcrcns

} «tmk» KAUSKY ^^^ '


t.'lWií.íit^i' '- J-.'-írt" .-Uh:?U^ÍÍ-J.';.' ;

Il n'est évidemment pas du ressort de la réflexion anthropologique de s'intéresser

au contenu tactique ou stratégique de ces différents ouvrages ou revues techniques. C'est

une discussion de joueur, pas d'ethnologue, que de chercher à déterminer si Fischer a eu

raison, ou tort, déjouer tel coup dans telle partie ^^. Mais l'aspect scientifique de ce

33 La manière dont de telles discussions sont menées et les règles, temporaires ou


définitives, qui permettent d'établir la "science échiquéenne" relèvent en revanche bien
29

savoir accumulé depuis des générations 34 ne le rend pas pour autant totalement

imperméable à une approche en termes de compréhension culturelle.

Ainsi un domaine particulièrement expressif est-il représenté par le nom des

«ouvertures» qui constituent un sujet de prédilection de cette littérature échiquéenne. Les

différentes manières de débuter une partie ont en effet été répertoriées sous des

appellations diverses qui s'avèrent néanmoins répondre à certaines logiques. Une bonne

estimation de l'importance numérale de la nomination des ouvertures est donnée dans le

dictionnaire de Hooper et Whyld qui recense 701 appellations différentes. Si ce nombre

inclut des ouvertures rares ou oubliées depuis longtemps, on peut néanmoins estimer que

lesjoueurs connaissent et utilisent généralement de plusieurs dizaines à quelques

centaines de ces appellations. Il s'agit donc d'un savoir partagé qui, par son utilisation

constante, participe de la constmction de la culture échiquéenne.

Ces «ouvertures» se trouvent tout d'abord désignées d'un terme générique qui

apporte des précisions sur le camp qui impose «l'ouverture» en question et sur le type de

partie engagée. Ainsi l'expression «défense», utilisée par exemple dans l'expression

«défense française», annonce une ouverture choisie par les Noirs pour répondre aux

coups des Blancs. Le terme de «gambit» qui provient d'un mot italien signifiant «croc-en-

jambe» s'utilise lorsqu'un des deux joueurs offre, dans les premiers coups de la partie,

un pion ou une pièce à son adversaire (dans l'espoir de tirer ultérieurement avantage de ce

don grec). Il est également fait recours aux termes d'«attaque», de «partie» et de «début».

Une étude des différents noms de ces ouvertures montre que ceux-ci peuvent être

classés dans quatre grandes catégories. Du point de vue de la nomination, un premier

d'une «sociologie des sciences» (on pourrait aussi bien dire, d'une anthropologie des

sciences) tel que la définit par exemple Dominique Vinck (1995).


34 En particulier, depuis les nouvelles règles du jeu à la fin du XV^ siècle qui, en
accroissant la portée du Pion, du Fou et de la Dame, ont incité lesjoueurs occidentaux à

une attention accme pour les premiers coups d'une partie. Avec les nouvelles règles, une

partie pouvait basculer en effet dès les premiers coups et ceci contribua largement (avec

d'autres facteurs comme l'imprimerie) à encourager la publication de livres d'échecs.


30
ensemble réunit des ouvertures qui comportent des expressions faisant directement

référence aux pièces jouées. Ainsi l'expression «partie des quatre Cavaliers» désigne-t-

elle le début d'une partie faisant intervenir dès les premiers coups les pièces en question.

Les célèbres «gambit-roi» et «gambit-dame» nomment de façon descriptive une ouverture

où les Blancs mettent en prise, dès le deuxième coup, non le Roi ou la Dame mais le pion

du Fou du Roi ou le pion du Fou de la Dame.

Une seconde classe de désignation comprend sept ouvertures recourant à des noms

d'animaux (colibri, caméléon, éléphant, orang-outan, lion, hérisson, dragon).

Quoi qu'appartenant à des genres très différents, ceux-ci apparaissent significatifs en eux-

mêmes car ils réfèrent toujours à des animaux pourvus de propriétés bien spécifiques : au

plus petit des oiseaux (le colibri) s'oppose ainsi le plus grand mammifère terrestre

(l'éléphant) ou encore le roi des animaux (le lion). Mis à part le dragon, et peut-être le

hérisson, ces noms désignent des ouvertures qui sont considérées par lesjoueurs comme

se situant à la limite du jouable ; l'ouverture du lion dépasse même cette ligne frontière

puisqu'elle sert à nommer un mat réalisé par les Noirs dès le deuxième coup de la partie ;

il ne se présente autrement dit jamais dans la pratique des joueurs de compétition. Le

hérisson et le dragon échappent quant à eux à cette coloration fortement péjorative. Le

premier correspond à une défense des Noirs et doit son nom au fait que «la disposition

des deux Fous noirs peut faire penser avec une certaine bonne volonté à un

hérisson dont les piquants sont rentrés. » (Le Lyonnais, 1974 : 180). La «défense du

Dragon» constitue, par contre, un début de partie renommé pour les joueurs qui

souhaitent attaquer avec les Noirs ; dans l'esprit des joueurs, le Fou noir en g7, typique

de cette ouverture, rappelle à cause de la puissance qu'il peut déployer, la gueule d'un

dragon prêt à cracher le feu. Pour contrer cette ouverture redoutée la seule à porter le

nom d'un animal imaginaire la théorie échiquéenne a élaboré une riposte qui puise son

nom dans le même registre : l'attaque St-Georges. Ce "bestiaire" échiquéen, relativement

peu développé, s'organise donc, à une exception près, autour d'une pensée dépréciative

de l'animal. Cette observation se trouve corroborée par le fait qu'aucune métaphore

animalesque du genre «c'est un lion» ou «c'est un tigre» n'est habituellement utilisée


31
pour décrire un champion d'échecs, alors qu'il est fréquent d'entendre un joueur se

moquer d'un autre en le traitant d'«animal». Seul un être mythique, comme le dragon,

peut s'inscrire dans le combat épique des échecs.

Un troisième type d'ouvertures fait appel à des notions géographiques. Noms de

pays, de villes, de régions, de fleuves, de lieux de villégiature abondent en effet dans les

manuels d'ouvertures, revues d'échecs et dictionnaires spécialisés. Ces noms sont

réputés avoir été choisis en fonction du lieu où l'ouverture fut utilisée pour la première

fois ; chaque nom véhicule ainsi avec lui la mémoire d'un toumoi d'échecs ou encore

d'un groupe de joueurs originaires d'une région donnée. L'attribution de ces différents

noms est cependant le résultat d'une longue élaboration de la tradition, car il est rare de ne

pas trouver d'antécédents à la première apparition retenue par l'histoire et la plupart des

noms d'ouverture ne se sont finalement imposés qu'après avoir été en concurrence avec

d'autres appellations. Un choix collectif s'est ici exercé, lesjoueurs retenant dans les

publications échiquéennes le terme qui, pour des motifs variables, leur paraissaient le

plus approprié à chaque ouverture, et les textes imprimés se faisant en retour l'écho du

consensus en train de s'établir.

Une première lecture des noms géographiques d'ouvertures (msse, française,

indienne, américaine, argentine, chinoise,...) pourrait laisser croire que les principaux

pays du monde se trouvent équitablement représentés. Or si une distinction est effectuée

entre les ouvertures réellement pratiquées par lesjoueurs et celles qui n'ont qu'une

importance secondaire, on constate que les véritables nations éponymes sont, à

l'exception de l'Inde, toutes concentrées en Europe.


Légende :

Pays éponyme d'une ouverture

importante :
secondaire :

Région éponyme d'une ^ ..


ouverture importante : C ^

Le nom des ouvertures

Une certaine logique spatiale s'est donc exercée dans la constitution de cette

représentation du monde que dessinent les ouvertures échiquéennes. Sur cette carte, seule

l'Inde, berceau des échecs et ancienne colonie anglaise, voisine avec l'Europe qui a, à
33

partir du XVIII^ siècle, normalisé les règles du jeu d'échecs et imposé finalement à

l'ensemble du monde le règlement de la Fédération intemationale des échecs. Cette carte

laisse néanmoins apparaître que l'Allemagne est le seul pays européen à ne pas avoir

donné lieu à l'appellation d'une ouverture. L'existence d'une forte tradition échiquéenne

allemande au cours du XIX^ siècle, époque à laquelle ont commencé à se constituer les

noms des ouverture, est cependant avérée et le simple rappel d'un livre ou d'un joueur

suffit à montrer que les pays germaniques occupaient même une place prépondérante sur

l'échiquier intemational. A partir de 1843, commence ainsi à paraître à Berlin le

Handbuch, véritable travail editorial collectif dont les nombreuses éditions et mises à jour

s'imposèrent rapidement comme le principal ouvrage théorique du siècle. C'est un joueur

de Breslau (aujourd'hui Wroclaw, ville de Pologne en Basse-Silésie), Adolf Anderssen

qui remporte le premier toumoi intemational organisé à Londres en 1851 . Aussi l'absence

d'une ouverture *allemande* provient-elle sans doute de l'histoire même de l'Allemagne

dont l'unification ne se réalisa politiquement qu'en 1871. L'existence d'une ancienne

ouverture «prussienne», au nom tombé depuis longtemps en désuétude, apporte

d'ailleurs une confirmation à ce lien entre histoire nationale et appellation échiquéenne.

Mais les pays de langue allemande ne se trouvent cependant pas absents de la

cartographie imaginaire du monde que composent les ouvertures échiquéennes car si l'on

complète la carte des principales ouvertures portant le nom d'un pays ou d'une région par

celle des villes d'Europe ayant donné leur nom à un début de partie, il ressort que c'est le

territoire de l'actuelle république allemande qui compte le plus d'ouvertures éponymes.

D'une manière plus générale, cette carte souligne une concentration de villes éponymes

orientée selon les axes Londres - Zagreb et Monte-Carlo - Saint-Pétersbourg qui se

croisent justement en Allemagne.


¿ Carte des villes d'Europe
ayant donné leurnom
à une ouverture d'échecs

Le caractère fortement européen de la pratique échiquéenne au XIX^ siècle dont les

noms des ouvertures gardent aujourd'hui la trace trouve une confirmation dans la

participation par équipe nationale aux premières Olympiades d'échecs qui furent

organisées à Londres en 1927 sur le modèle des Jeux Olympiques. L'Argentine était le

seul pays non européen présent. On constate néanmoins l'absence notable de l'URSS qui
35
de la révolution populaire à la seconde guerre mondiale resta à l'écart des compétitions

échiquéennes intemationales. Aussi est-il légitime de comparer la carte suivante aux deux

précédentes :

Pays participants aux


Olympiades d'échecs,
Londres 1927

Parallèlement à cette littérature imprimée, on observe la production par la culture

échiquéenne d'un écrit très abondant. Au premier rang de cette production se trouve un

formulaire d'un genre très spécial que tout joueur d'échecs de compétition est tenu de

remplir lors des parties officielles. La «feuille de partie» se présente comme un document

pré-imprimé sur lequel chaque compétiteur doit noter au moment où ils sont réalisés sur

l'échiquier les différents coups de la partie ; chaque partie donne donc lieu à

l'établissement de deux feuilles de partie. A l'issue de la partie, les double-carbones de


36

ces feuilles sont remis à l'arbitre qui s'en sert pour enregistrer le résultat^^ pius

précisément, le joueur note en haut de la feuille de partie les noms des deux adversaires

qu'il peut compléter par la mention de leur classement respectif et de leur club

d'appartenance. Patronyme, classement Elo et club contribuent ainsi à fixer la carte

d'identité de chaque joueur. L'emplacement également réservé pour indiquer le nom de

r«ouverture», caractéristique de la partie, renvoie de plus directement à la littérature

échiquéenne spécialisée ; lesjoueurs inscrivent rarement cette information mais elle est

toujours présente dans leur esprit et s'il arrive qu'un joueur se trouve confronté à une

ouverture dont il ignore le nom, il ne manque pas, lors de l'analyse qui suit la partie, de

s'en informer auprès de son adversaire. Les coups joués sont inscrits sur la «feuille de

partie» en fonction d'un système de notation qui sera analysé en détail dans le troisième

chapitre. Lorsque la partie est achevée, lesjoueurs marquent le résultat en entourant le

nom du vainqueur, ou le nom des deux joueurs s'il s'agit d'une partie nulle, et en

apposant leur signature en bas des deux feuilles de partie ce qui souligne l'aspect

contractuel de ce texte.

35 II faut noter que lorsque la partie est terminée, l'un des deux joueurs ayant
abandonné ou l'accord s'étant fait surla partie nulle, il n'est plus possible de revenir sur

ce résultat même s'il est constaté au vu de cette feuille de partie que des coups

impossibles l'ont entaché. Ce n'est que durant la partie que cet enregistrement écrit peut
asseoir une contestation.
37

LE DAMDER DE L'OPERA
7, rue Larayvttc - 75009 l'AKIS
Ici. : 'ÍK 7Í 33 ¿Í Fux : 4« 74 24 52

Ddte Zl.0^hyC^Jp
Ronde n" : -^ Tabla n° : !o.

Tournoi : : ^ '

Blares ^ t^Si-:^.injZ- Noirs CVl^ lJ\.^AsSÍ X-


E(o:

Cercle : . .

Ouverlure
38
Un tout autre type de document mais qui reste néanmoins produit par des scripteurs

ordinaires est l'affichette de toumoi qui est distribuée pour engager les joueurs à

participer à des compétitions futures. Ces annonces de toumoi seront étudiées en détail

dans le premier chapitre.

Les stmctures associatives des clubs et organisations échiquéennes impliquent par

ailleurs la production de nombreux textes de nature administrative. On peut ainsi citer le

statut des associations loi de 1901, les compte-rendu des assemblées générales, les

différents courriers adressés aux membres ou aux autres institutions, ... Le monde des

échecs ne se distinguent pas dans cette création des autres milieux associatifs et il ne sera

pas proposé ici d'études particulières de ce genre d'écrits. Il faut néanmoins noter qu'un

continuum s'observe entre l'édition de textes imprimés spécifiquement échiquéens et la

production de petits feuillets par des joueurs ou des cercles d'échecs. Ainsi certains clubs

rédigent-ils à l'intention de leurs membres des documents qui se révêlent être, dans leur

composition, semblables aux revues d'échecs imprimées (reproduction des parties des

membres du club, problèmes d'échecs, conseils pour les ouvertures, ...).

Un demier ensemble de documents est constitué par les différents règlements qui

régissent le bon déroulement des compétitions échiquéennes. Les règles générales sur le

mouvement des pièces se trouvent en effet complétées par des règlements spécifiques

relatifs aux différentes cadences de jeu. L'organisation de chaque compétition individuelle

ou par équipe répond de plus à des modalités précises. Ces règlements émanent de

différentes institutions hiérarchisées les unes par rapport aux autres car il revient à la

Fédération Intemationale des Echecs d'édicter les grandes règles du règlement qui ne

peuvent être enfreintes dans les compétitions qu'elle supervise. La Fédération Française

des Echecs précise quant à elle certains points du règlement et spécifie les conditions de

jeu ou encore les modalités des rencontres par équipe. Chaque club organisateur d'un

toumoi constitue enfin un règlement intérieur du tournoi qui permet par exemple de

déterminer l'ordre du classement final et l'attribution des différents prix aux lauréats.

L'importance quantitative de ces textes réglementaires est particulièrement mise en

évidence parle volumineux classeur dans lequel chaque arbitre rassemble les centaines de
39
pages qui concernent les seules réglementations de la FIDE et de la FFE. Objets de

longues discussions et exégèses parmi les arbitres, ces textes ne provoquent en revanche

guère l'intérêt des joueurs de compétition qui se doivent néanmoins d'en connaître

certains points. Aussi trouvera-t-on logiquement dans les différents chapitres de cette

étude des renvois et des commentaires sur ces règlements.

4. Contenu de Tétude

La présente étude s'organise plus précisément sur l'analyse de quatre types d'écrits

et thèmes liés à la spécificité de l'écriture échiquéenne. Le premier chapitre examinera

ainsi les caractéristiques d'un écrit particulièrement "ordinaire" qui est produit par un petit

groupe de joueurs à destination de l'ensemble du «monde des échecs» : les annonces de

toumoi. Comme une simple analyse de contenu ne présenterait qu'un intérêt limité face à

ces textes qui présentent pour certains d'entre eux une opacité extrême, il a été ici

privilégié une approche qui s'appuie sur la connaissance des attentes et des inferences des

destinataires.

Représentations imprimées de la position des pièces sur l'échiquier, les diagrammes

d'échecs font l'objet de l'analyse du deuxième chapitre. La confrontation de l'origine

historique des figurines utilisées dans ces diagrammes et de l'usage qu'en font lesjoueurs

fait apparaître qu'un système qui paraît relever de l'iconographie appartient en fait

pleinement au monde de l'écriture.

Le troisième chapitre propose une longue étude de la notation des coups aux

échecs, car il était essentiel de porter la plus grande attention à ces systèmes formels de

notation qui constituent le coeur de l'écriture échiquéenne. Ayant pour point de départ une

comparaison de différents systèmes de notation des coups aux échecs, cette étude en

souligne l'aspect culturellement constmit et montre comment la nécessité de l'écriture aux

échecs s'est historiquement constituée.


40
Le quatrième chapitre poursuit cette réflexion sur la notation échiquéenne car il fait

apparaître le rôle prépondérant qu'a joué l'écriture échiquéenne dans la conceptualisation

du temps. Ce chapitre reprend un texte pam dans la revue L'Homme (1996, n°138, pp.

87-109).
41

Chapitre I

Les Annonces de Toumoi d'Echecs.

Parmi les différents types de documents écrits que manipulent lesjoueurs d'échecs, il
s'en trouve un qui, malgré sa forme anodine en apparence, remplit un rôle essentiel
pour la pratique échiquéenne. Simple photocopie en format A4, l'annonce de toumoi
d'échecs est l'exemple typique d'une "écriture ordinaire" qui contribue à la constitution
d'un groupe spécifique. Rédigées par des joueurs à l'intention d'autres joueurs, ces
affichettes sont évidemment révélatrices des éléments jugés utiles à connaître par les
compétiteurs mais elles véhiculent aussi certaines valeurs propres au «monde des
échecs». Informatives, ces affichettes sont enfin conçues pour produire un effet :
provoquer la participation des joueurs.
Aussi est-il intéressant d'étudier ces textes en les considérant tant du point de vue de
leur contenu (texte et image) que de leur production et de leur réception. A cette fin. j'ai
conjugué dans une perspective anthropologique l'analyse d'un corpus constitué
d'environ 300 annonces de toumoi (concemant des compétitions allant de 1990 à 1997)
avec les résultats obtenus lors du travail de terrain réalisé auprès des joueurs d'échecs
de compétition. En même temps que les annonces de toumoi à proprement parler, des
affichettes proposant des stages d'échecs ou faisant la promotion de clubs d'échecs. Ces
autres textes ne dépareillent néanmoins pas le corpus dans la mesure où ils sont réalisés
par les mêmes auteurs que les annonces de toumoi et distribués selon les mêmes canaux
à l'intention d'un même public. On trouve d'ailleurs parfois sur un même document
l'annonce d'un toumoi, la proposition d'un stage et la publicité d'un club.

Un papier ordinaire produit par des


scripteurs ordinaires
ECHlULlh'i< V)rTrANc6>KHÎ.L1£
Le support de ces annonces est très :. ,..?::«; u ; vi-.'.vm-.-

largement constitué par des photocopies 8 èmelDPEN INTERNATIONAL

de format A4 qui se trouvent parfois D' ECHECS


rendues plus visibles et plus attrayantes Tr.~ -ïr».- . .^.y.

grâce à des papiers de couleur. LE J M.ANCHE 22 SEP'EMB^E 96 A 9h00 crècises


ivmi CJLURFl SAIM EXJ^ERY (Fcce 0 10 rrainel
cf. Illustration 1 fx uiAiltoaw. s: «tal -j'i ^^r^^]

Des dimensions plus petites existent V .'.\X KjUC Sf (^^

néanmoins pour certaines affichettes


CL ViSTMENT P.^Jl CATtCl «IE
tandis que d'autres, au contenu plus ÎT ztir. t « *"'"! f ¿a ' - ; "' f

développé, recourrent à une page A3 pliée ;.,-;.


4 Ul

1 m- r
'

rjrr :WTrF 4-1^ co^epnt occr *r<-ii ï-»'^


en deux. Le texte de ces annonces est ;» .,. ici; '

^ '-'Ü1 *.:.^Oauhi tX=-¿Xf ;'(


quasiment toujours réalisé à l'aide d'un ftir.-Kf 5-û- , , ,Mi,c

-T |....lji.-..4-»-'-jn ::»' ' - '-'-^ -^^ "- 'X y'iMf^-r-rrcf!.


traitement de texte informatique car sur
\,Li\Bn 1411 Hik*!,' :niri-Sim- .Ap» t.- D S(n * i a li f
(tir I |5 jouor. Ju u*nv ck*^» 100 F 00 jmoa rncm.- At^i
l'ensemble du corpus considéré, seules
liMioiMUé LAJ.eJ.
cinq affichettes se trouvent être
át.iEINCfCTn:\
manuscrites. <»;>.v. ¡1 u^ -., *,« ..,.>. .*V',-i
F

Trois d'entre elles sont restreintes au


CAJ- J: llAiSiw.CC .1*"* íiat.*^\X>l :

cadre d'un club, d'un toumoi pour enfants R:,^' Tcj* 39 -'2 3^ 6-1 3d' .'56 96 . 7-

et d'un stage et les deux autres se trouvent


co-exister avec une version imprimée du 1 ) exemple d'annonce ordinaire
42

même toumoi. Ces textes manuscrits sont


|g^ TOURrC)!JNTER'\ATONAL
donc marginaux.
cf. Illustration 2
SEMI RAPÍDF DF C^-ONF^g^F
date 28 octobre 1990
Le large usage des moyens lieu SQlle ces fêtes de gone&se .route
a'PCC.en- 35500 Gjonesse
informatiques est bien évidemment
¿ysté 7ronaescu hYh\çroe suisse
révélateur du développement
rcdence 20'pûr louecr
contemporain des ordinateurs personnels. pp-'NcipoKon ce non^br^ux GM I er Iv i
En contraste du monde des échecs, on

constate néanmoins que nombre d^Di rà c 'irisen p'^o-i . oC'jife: ICO F , _ de


Qf 1 /9/QT ""OF ^
d'affichettes provenant d'autres milieux
(circulaires d'écoles élémentaires,

annonces de jeux locaux, ...) restent progrpr ipti'on sur o'ace ie 28

rédigées à la main. En témoigne cet avis ¡jàq-b9'~ . débufce& i-onu°& ,?i-i dj

signalant un concours de jeu de cartes en fc-j.r-<a vei-sü^ ""e^i&e des dhx -. '9
Normandie :

cf. Illustration 3
Aussi faut-il voir dans cette omni¬

présence du texte informatisé des


annonces échiquéennes, le reflet de
' , ».>*".«« v*t f.
»!.. n.di, (M.frtK.)
l'existence des logiciels d'échecs que les
joueurs utilisent pour s'entraîner ou pour 2) Exemple de texte manuscrit
consulter des bases de données. Si tous les

joueurs ne disposent pas d'un équipement


informatique personnel, au moins l'un des
membres du comité d'organisation du
toumoi en possède un et peut donc se
charger de la frappe du texte en question.
LE 20 FEVRIER 1934
Il existe de plus certains textes qui sont A naULIEENWtKsnits
composés par un imprimeur professionnel
A n H
sur la base des indications foumies par les
organisateurs du toumoi. Ces impressions
soignées et plus coûteuses sont çO N COuRç
relativement rares car réservées aux

manifestations attirant un large public


(championnat de France, compétitions
WNS fURTEMMRi

bénéficiant d'un sponsoring important, -.1^06'

participation du champion du monde, ...).


^.NOM&îEuy LOTS.
CRfPfS ET BOISSONS.
La conception de la maquette est
urJE DCGVSTPTiON GRATUITE
opérée collectivement par les principaux K CAFE MAX HAVLLAAR.

membres de l'association organisatrice. El^ÉErlfO'


Chacun donne son avis sur les éléments à

inclure et sur la disposition à respecter


sans suivre un quelconque modèle idéal ij Exemple d'affiche de concours
même si les annonces d'autres toumois de jeu de cartes (Orne, 1994)

concurrents servent de base d'inspiration.


Il n'existe donc pas d '"expert" pour la
43

rédaction de ces affichettes, ni de 2EME OPEN n*TERNATIONAL


DU " CERCLE DU POINT DU JOUR "
modèles, mais des réélaborations
i»XX1 Kl H MAI IWS

permanentes en fonction d'une sorte de .A> coure A>aii.-ulit'Uaa<l %m»hnAa

2! nar Mon] . 7M ¡< Paris (M- Vkw Hii|p)


tradition de l'annonce échiquéenne et des
circonstances spécifiques du tournoi à
ai<aK.<M«M*T rractttaKanrrtaaepoMMa)

annoncer. Aussi ces affichettes gardent- De» Ik lcwi>4 k 271» 1 m»

elles une certaine homogénéité tout en


IteJal IaiL}t<lvl» CaKl.lIti MaliKkM R4> 1 : Ilk

présentant une infinité de variations.


fKLX
Visant avant tout à transmettre une
IcT : MO* r : 2* : MM r ^ Jt : lOM r -
l'riiyu-alétlDrirKlXI
information, cette production collective rrtsFoAfev

PrhJnnn
n'est guère sujette à une évaluation
ivsniiPTiov»
esthétique même si ses scripteurs les Aihk>i2l''i| . Jen»sll:i 1
(A»ift!fc:2»m23l>F«123F>
élaborent généralement avec soin et si les M « OMI piurt

destinataires peuvent être à l'occasion


KDusacsotxsn n inscsittions

sensibles, par exemple, à la qualité de CAM .S D 47.S5-»2-7l (a|«r4i midii

l'illustration. Ces textes sont typiques M U.mN inNSCIUPTIO> A RKN\ OVtR AV'A^T U H MAI A :
CIKTHÏ ITAVl.MA nU.N roUMP UO JOllM .BWE «lOÏVIl, TMIt t^^MS
d'un usage de l'écriture réduit à sa
fonction de communication. Mr)H PRl^m- . . .

n*TrnrN«ssAN(T nam- nni-inr

ciuD V m :
Un texte opaque
Le lecteur "profane" ne peut cependant ÜATLtTSKNAn'iU;

que se trouver désemparé devant nombre 4} Exemple d'annonce opaque


de ces affichettes qui ne laissent
transparaître par aucun signe évident la
nature du jeu (ou du sport) proposé. Dix
pour cent environ de ces annonces ne
mentionnent en effet pas qu'il s'agit d'une
KWUeME OPEN DE PAtOUi
compétition d'échecs. Cette absence se
constate de plus tant dans des
DIMANCHE 7 OCTOBRE 1990
compétitions d'adultes que dans des
PñEMXRE RONDE A 9H00
tournois réservés aux plus jeunes. Une
Saur 'Air 2r

illustration typique de ces affiches qui tZni» SeuuSca à A4/V7W

foumissent nombre d'informations mais

omettent celle que l'on pourrait a priori


7 «o/wofs OC X kuwrts
considérer comme la principale, est ainsi
donnée par cet exemple : 0

cf. Illustration 4 OUVffTTA mus

Les autres affiches ne brillent ffitous toëndoni 120 rmtkiptnul ¿*,-

cependant pas toutes par leur affirmation


PUae atr caf*fnrimf
explicite du caractère échiquéen de la K% dm dnm ^naaspttt*) . COMPM . MMA* ,

compétition car dans environ vingt pour


DHOrrS D'INSCfUPTKJN : .wmimx. ,tm
cent des cas, seule une lecture attentive du m II il tte 'lf «* OraM*

lr laxaN* M CET i /'«n» ér CUM OSOMRS Bi eAHnH


document permet d'en prendre wéauHiA- CXm* tAV . tm* «H AarlMr H»m . MnaAMWrw
ananoaa»» <k >» anfUmiMi « Ok» tttlOlmtmi til>ért .

conscience. Ceci apparaît en particulier %v0k "wnaaa'ai ítl MMAiOb


4HÍ0441

lorsque l'expression «échecs» ou limMft^m ^oaaetar Jtir fiam .- IlOf tt 'W

«échiquier» n'est mentionnée que dans


5) Exemple d'annonce quasi opaque
l'adresse du club organisateur.
cf. Illustration 5
44

De cette omission peuvent se dégager mois, invités par des plus anciens à les
deux remarques : accompagner pour prendre part à leur
(i) ces compétitions ne s'adressent pas première compétition.
à des joueurs qui n'appartiennent pas déjà (ii) des signes, ininterprétables pour un
au «monde des échecs». S'il est certain profane mais significatifs pour le joueur
qu'un joueur débutant éprouve quelques d'échecs, jalonnent le texte et lèvent toute
difficultés à soutenir l'attention nécessaire ambiguïté sur le type d'activité proposée.
à une journée, voire à une semaine de Ces signes sont variés dans la mesure
compétition, il n'en reste pas moins que où il n'y a pas un mot particulier pour
cette opacité donne le sentiment d'une coder le fait qu'il s'agit d'un texte à
relative fermeture du monde des échecs propos du jeu d'échecs. Il s'agit plutôt
sur lui-même. Le déroulement des d'un ensemble de termes dont la réunion

toumois annoncés par ces affichettes (de prouve irréfutablement au destinataire du


la plus opaque à la plus explicite) texte que celui-ci a été rédigé dans le
confirme cette impression dans la mesure "jargon" des joueurs d'échecs. S'il fallait
où ces compétitions (rassemblant néanmoins réduire cet ensemble à deux

plusieurs dizaines ou plusieurs centaines mots-phares, ceux d'«open» et de


de participants) ne proposent dans «rondes» seraient probablement les plus
l'immense majorité des cas aucune activé appropriés. Si l'expression «open» se
à destination des non-initiés. La trouve largement employée pour désigner
participation à un tournoi d'échecs un tournoi d'échecs, elle ne saurait

apparaît ainsi comme un cap à passer car néanmoins suffire en elle-même puisque
s'il faut d'un côté appartenir au monde d'autres sports l'utilisent tout autant.
des échecs pour y participer, on ne devient Aussi est-ce lorsque l'expression «open»
d'un autre côté joueur d'échecs qu'à partir se trouve couplé avec le mot «ronde»,
du moment où l'on prend part à un que le sens en devient évident pour le
toumoi. Face à ce paradoxe qui devrait en joueur d'échecs. Une ronde désigne en
toute logique interdire au monde des effet la «séance d'un toumoi [d'échecs] au
échecs de se renouveler, un rôle cmcial de cours de laquelle tous les participants se
relais est assuré soit par la presse rencontrent deux à deux» (Le Lionnais
spécialisée, soit par les clubs constitués. 1967 : 337). Le nombre de rondes d'un

Les annonces qui paraissent dans la tournoi, autrement dit le nombre de

presse spécialisée disponible en kiosque parties que chaque compétiteur disputera,


peuvent décider de nouveaux joueurs constitue ainsi un élément essentiel que
isolés à participer pour la première fois à toute annonce de tournoi se doit de

un toumoi d'échecs. Ceux-ci apprendront préciser. Cette information doit de plus


au hasard des conversations qu'ils être complétée par une indication sur la
engageront avec leurs différents cadence à respecter lors des parties ; dans
adversaires le sens porté par ronde, les illustrations ci-dessus, on trouve ainsi
système suisse, ..., et les compétiteurs «Open de 7 rondes Ih/K.O.» et «7 rondes
avec lesquels ils sympathiseront vanteront de 30 minutes». Ces précisions permettent
les mérites de leur club pour forcer ces aux joueurs d'estimer la durée du toumoi
nouveaux venus à s'y inscrire. et surtout de déterminer le type de parties
Parallèlement à cette approche directe, à disputer. Or le texte intitulé "jouer avec
d'autres joueurs commenceront par le temps" montre que le joueur d'échecs
fréquenter un club d'échecs proche de leur ne dispute jamais "une partie d'échecs" :
domicile et seront, au bout de quelques il joue soit un «blitz», soit une partie
45

«semi-rapide», soit une partie «officielle» ne mobilise que quelques rares centaines
et porte sur ces trois types de parties des de passionnés. Ce cercle beaucoup plus
jugement appréciatifs très différents qui réduit justifie sans doute l'aspect sans
détermineront ou non sa participation au ambiguïté des affichettes du jeu de Dames
toumoi proposé sur l'affichette. qui précisent systématiquement la nature
L'importance de ces indications de l'activité :

premières (open, nombre de rondes, cf. Illustration 6


cadence) qui marquent le caractère
échiquéen de la compétition se trouve de
plus généralement soulignée par la
PUIS tOICSPUIili CIUB
disposition typographique (lettres
majuscules, graisse du caractère). A ces
termes de base, viennent généralement
s'ajouter un assortiment de noms propres
' A hipn vDiutuir e*rtirlprp *» R*»»- tihimi>t 4" ! h.Z C
et de noms communs qui confirme
;,«>iïrf.ior!

définitivement l'identification. Ce lexique


identitaire est composé de mots comme CinwCHR î W] 19« ;â partir de * b 15i ^__
fespftCE jEniATLS - i\i gua: ramr-fts pmis ij^*
'fWtru U-:<.r.«l '«nD-

«système suisse», «homologué», de sigles . .-^iv-àu-r. éitit 'in<] l'Atfefnri^f: .

comme «FFE» (Fédération Française des


','. lo-i-Jt'l de rWliHjitr q^c 1*« jouiiur^ il''t e«'i
Echecs), «FSGT» (Fédération Sportive et dolvrr.i Ptrf nbliisnir^awit Ur*T.':lt^ k Ui> Mltf.t 6: \»

Gymnique du Travail, organisation -¡nw i"ir.<ifi-fp' .-a, ,.>. Tm'- i. ^' "-r*'.-.» ' iriL-.'j-.- ¡'...r f«-'vi-' a- .
k. ;' ans!. Lm chíijct.. w*rc..i h»l1.« ., -.¡.M.-l J- ' a. CES .JELOÎKMS ifiVICir
Ptfvaiifi Avyn- i£ JS AVBiL IWi lAUCUHE IItS£BI£IUK JC.SEM Ol^SiSUl*^ '-
omnisport comportant une section
-.. f:i-i.- tiA-.r-îf.'j ALMAS?/. %-ni.evr AiH:re «XT'?!:
échecs), «FIDE» (Fédération
T7Wu :HA»*S'<fAll(iF,
T.i 1^. V- OC» Tft. . 61. b3 U Jt
Intemationale Des Echecs ; seul ce terme

de FIDE est prononcé comme un


acronyme), et de noms propres comme VÛCr--Cm*p<? daV-C-i-pf î'j3F'0-u(*

«Elo» ou «Ribous». OtSJflfi-SEXVl filSI&lBXS A HllS Jâ_£Aft71CiUia3

En comparaison de prospectus plus Au-iJtE ¿LtWLilA

explicites émanant d'autres jeux,


6^ yinno/ice c/e tournoi de jeu de Dames
l'absence de transparence de ces
affichettes est sans doute révélatrice de

l'importance et de l'ancienneté du groupe Il existe néanmoins d'autres annonces

social qui les produit et les consulte. Cette qui affichent explicitement leur nature
opacité rappelle en effet que le «monde échiquéenne (environ un tiers des
des échecs» a développé une "tradition" affichettes). Il est intéressant de constater
qui lui est propre et qui se manifeste ici que celles-ci comportent dans la majorité
par l'emploi d'un vocabulaire spécifique. des cas (plus de 70%) la mention explicite
Mais ce fait, en soi peu particularisant car de sponsors soit privés (banques, hôtels,
propre à toute communauté, laisse de plus entreprises nationales ou locales), soit
transparaître que le «monde des échecs» publics (municipalité, conseil général,
dispose d'une assise suffisament large conseil régional). Comme les
pour ne pas avoir besoin, dans ses compétitions totalement *'opaques" ne
activités de propagande, de s'affirmer signalent en revanche que rarement
explicitement. Sur la seule Ile-de-France, (moins de 10%) l'existence d'un
on dénombre en effet près de cinq mille organisme soutenant la manifestation, il
joueurs d'échecs alors que le jeu de dames ressort que l'existence d'une subvention
46

oblige à une plus grande transparence. pROvcfjc'. - Cm . t ic; ;j:; : W; .jti, D'f checs - r.F.E

L'ouverture sur le monde extérieur, non L' Echiquis; 5-*2ííC¿'jí£ organise

échiquéen, qu'implique la présence de


geme QPEN 2 H t STûa íioHal
sponsors se traduit ainsi par une visibilité
de ta yy^e tí 08RNGE
plus grande qui s'explique par le fait que
les dirigeants des sociétés ou les du 16 au i6 juiJStl 1994

responsables des municipalités


subventionnant la compétition sont ,ii''^ -H.'I -; '

d' line Cave ¿ Ch^'. t!:\ r'30t e' iu "^^Aâr^E Antloi-i


rarement des joueurs d'échecs. Aussi les
affichettes sont-elles, dans ce cas,

généralement conçues de manière à


assurer clairement la nature de la

manifestation. Cette "transparence" du PAI AÏS CÍS


«tvSEIGHEMEilTS
S3-"- I f-.. í'-IJ-'/i. '. v.\
signifié échecs marque donc l'existence CLUe
*v. C'i. naidiin 90 3AIJ797
. ?' rif 'e . .- y
d'autres destinataires que les joueurs race
J
lu.
Go^ic
Col'èç*

d'échecs eux-mêmes ! 84' CC Cl««.r,ç tNlRfct ûRATJI't

cf. Illustrations 7, 8 et 9.

PRODFNrt "î; ;'^ '^ - CORSE

7) Annorwe de tournoi sponsorisé

ftM.
Le Cercle d'Echecs P«G.I. 7ème OPEN SEMI-RAPIDE de
\Pft
'Le Grand Roque" DAMMARTIN en Goële

Le Syndicat d'AsgloménrtIon Nouvelle d'Evry


préienlani !

Le Dimanche 8 mars 92
à 9h30 précise^
7' OPEN
UBc des Idtes de l'Eiubonac. A«cniK de St'OoaUbn Dtmmtrtin
INTERN.ATIONAL D'ECHECS

de r/\Ki;lainénitioD Nouvelle d'Evry


Système suisse, 7 rondes BOrnn / joueur
Plui de 40.000 Francs de prix Honuáofue 1.P.R

Ml guiias

1er Prix : 2500 F


2toM prix: 1<00F - 3taM pri« : IIOOF - 4èin«|ihx : K»F
Prix pw caiforic ¿ki (lini Ste>c. NC) - 300 F
Pri» )Bi»e» g v<i¿nm . 300 F

SèiB« pfû OOOF . ttur priL '. SOÛF . Itnw P*U . 400 P

Prii «pplAmenlaîreji ki plii« de % jnneurx

INSCIUPnONS : . yatttm 3 «» n ; IIC i 'xtuUcil - COF l-^lt Kl)


DIMANCHE 7 AVRIL 1991 - t^ïH le J oun m iM'oiMMu dK 10 r.

de 8h30 à 19 beures
Milrl* d'Evry
-nB»<oaOioiiid>rHM<mai«icwvar rmecvnr

société générale

» Conjuguons nos talentS.

8j Annonce de tournoi sponsorisé 9) Exception :


antiorwe de tournoi sponsorisé opaque
47

3. L*ori£Íne de ces affichettes ; lundi de Pâques, des ponts, des congés


Les voies de diffusion de ces scolaires, ... Si la renommée s'avère

affichettes expliquent également comment déterminante dans le choix d'un toumoi

cette opacité relative est possible. Elles ne connu existant depuis plusieurs années, la
sont par exemple jamais distribuées, au décision de participer à une compétition
hasard, aux passants dans la rue. Les plus récente ou moins cotée dépend en
destinataires sont toujours parfaitement revanche largement du contenu de
ciblés dans la mesure où ces affichettes l'affichette.

sont, dans les semaines précédant la


compétition, mises à disposition de if. Le contenu des affichettes
participants à d'autres toumois d'échecs, Si les indications de date et de lieu

envoyées aux joueurs licenciés (pour (complétée souvent d'un plan d'accès )
lesquels la Fédération vend un mailing) figurent comme on peut s'y attendre
ou d'une manière plus limitée aux toujours sur ces feuilles d'annonce de
joueurs ayant précédemment participé à la tournoi, il est en revanche d'autres

compétition dont l'affichette fait la informations qui véhiculent des valeurs


réclame, adressées aux présidents, ou propres au «monde des échecs» et se
correspondants, de clubs qui les affichent trouvent elles aussi systématiquement
sur les panneaux prévus à cet effet, ou présentes.
encore déposées dans les librairies
spécialisées. Autrement dit, ces affichettes Le titre du toumoi

n'atteignent que des lieux où l'on joue La présence de l'expression «open» a


aux échecs ou que des joueurs suffisament déjà été soulignée comme une des
passionnés pour s'être licenciés à une marques significatives d'une compétition
fédération. échiquéenne. La récurrence du terme
C'est par ces différents canaux (lieux «open» apparaît d'ailleurs, en conformité
de toumois, présidents de clubs, courrier avec l'opacité déjà mise en évidence,
personnel, ...) que j'ai ainsi pu constituer porteuse d'un présupposé : la compétition
ce corpus d'affichettes qui comprend est ouverte (open) à tous, mais, dans la
exactement 296 unités couvrant des plupart des tournois, ainsi que le
manifestations s'étant déroulées en France précise le règlement de certaines
de 1990 à 1997 (un seul item conceme affichettes seuls les joueurs licenciés
une compétition antérieure, en sont de droit admis. Dans ce cas, un
l'occurence 1987). joueur non-licencié doit donc en plus des
C'est en fonction de ces affichettes et frais de participation acquitter la
des annonces de toumoi publiées par la cotisation d'une licence qui, en 1997,
presse spécialisée que lesjoueurs décident s'élève pour un adulte à 550 F.
ou non de participer aux compétitions
proposées. La sélection s'effectue soit Moins fréquemment qu'«open» se
individuellement, soit collectivement trouvent également employés les termes
lorsque des joueurs réunis dans un club de «toumoi» ou encore de «festival» sans

conviennent de se rendre en groupe à une que leur emploi marque une quelconque
manifestation échiquéenne . Ce choix est variation de sens. En témoigne le fait
évidemment tributaire de la disponibilité qu'ils se trouvent indifféremment associés
des joueurs : les tournois qui ne durent à l'adjectif «intemadonal» auquel seules
qu'une journée sont pratiquement tous les compétitions locales (ou réservées aux
bloqués sur des dimanches ; ceux qui enfants) ne recourrent pas. Par la mention
s'étendent sur plusieurs jours profitent du d'«Open international» ou de «Toumoi
intemational», l'aspect cosmopolite du jeu
48

d'échecs se trouve ainsi clairement «oiik»»»«iri>M

affiché. L'absence du terme

«international» n'interdit par contre OPm IMTIRNATttiáAL

nullement la participation de joueurs


étrangers et trahit le plus souvent (mais
non systématiquement) que dans l'esprit i'iBHm««ffDW«4
iali.4JC.
des organisateurs, leur compétition est
trop mineure pour attirer des joueurs
étrangers.
cf. Illustrations 10 et 11

Pour preuve de l'aspect non


systématique de ces appellations, il suffit
de mentionner que la plus importante
compétition de parties semi-rapides en
France s'intitulait en 1993 «19ème Grand

Tournoi Open d'Aubervilliers» tandis que 10) Open international d'échecs à Dié
la lettre qui accompagnait cette annonce
précisait en même temps qu'il s'agissait afU RfXUEλ V K«.lEâ

de la «19ème édition de notre Open


International d'Echecs d'Aubervilliers».
'»->»*« **^

La présence de compétiteurs étrangers


(immigrés de plus ou moins longue date,
comme joueurs de passage) contribue à la
f..¿\' Í V1-S,...
physionomie des toumois d'échecs et l'on
peut ici rappeler que la devise gens una
sumus de la Fédération Internationale des

Echecs présente ses membres comme


transcendant les frontières nationales.

Comme il n'existe pas d'*opens


nationaux* (qui seraient, autrement dit.
réservés aux seuls joueurs français ; même
la participation aux championnats de
] 1 } Open d'échecs d'Herlies
France est, dans une certaine limite,

ouverte aux joueurs n'ayant pas la


nationalité française), cette mention
d'échecs aux seuls mâles adultes. Aussi
d'«open international», si fréquemment
trouve-t-on toujours des jeunes enfants,
utilisée, marque par cette sorte de
des femmes et des vieillards dans
redondance non du verbiage mais
l'affirmation réitérée sous deux formes n'importe quelle compétition échiquéenne
ordinaire. Au sommet de la hiérarchie, on
différentes d'un principe fondamental de
peut noter que le championnat de France
libre compétition. S'il existe des
compétitions réservées aux différents âges féminin s'oppose à un championnat de
France appelé «mixte» bien que le niveau
de l'enfance, ainsi qu'aux féminines,
des joueuses françaises actuelles leur en
voire depuis quelques années aux
condamne l'accès et que ce championnat
vétérans, aucun règlement n'a jamais
limité les participants d'un tournoi mixte ne comprend donc que des
hommes.
49

5. Iconographie lor C3I=»EM

En même temps que le titre de la du '.<

manifestation, apparaît pour environ une OrganiEó par c Centre dArnimatiun MJC Poinl au Jour

affichette sur deux une iconographie les 28 et 29 mai 1994

immédiatement perceptible. Répartie aj Ceiiro Ax.oc;atr Mes".' Sai-l-Ciû.er


SSruiMssni! . 75016 Paru
selon un continuum allant de l'absence

complète de toute image à la reproduction Open de 7 rondes 1 h K.O homologué FFE

de tableaux de maître en passant par des


représentations de pièces ou d'échiquier,
cette iconographie contribue pour les
affichettes qui y recourrent à lever
l'opacité relevée ci-dessus.
Ainsi même les affiches les plus
simples qui ne comportent que le dessin
d'une pièce d'échecs deviennent
totalement explicites sur la nature de
l'activité proposée. Les pièces ainsi
PSIX

représentées appartiennent le plus souvent Iff 3 soo F . 2« 2 OOO F J« . 1 000 F


Pni par cafegone ELO
au modèle Staunton qui est celui utilisé Ptii F«fTMnin#
Pris Jaunes

exclusivement lors des compétitions


¡2) Désainbigui.satinn de la nature
d'échecs.
de la compétition par l'iconographie
cf. Illustration 12
BOUETIN
A ce titre, il revient à la Tour et au ==%Î^
Cavalier d'être, en raison de leur forme

particulièrement reconnaissable. les


Championnat de Parií
emblèmes les plus fréquemment utilisés
pour provoquer l'évocation immédiate du
jeu d'échecs. La proportion des
différentes pièces calculée en fonction de
deux cents affichettes permet de constater
les fréquences relatives suivantes : Pion =
25. Tour = 43. Fou = 22, Cavalier = 64.

Roi = 32, Dame = 20. Sur ces affichettes,

36 conjuguent ensemble la Tour et le


Cavalier (et éventuellement d'autres

pièces). Significativement, la Ligue Ile-


de-France des échecs ainsi qu'une des
deux librairies spécialisées dans le jeu
d'échecs à Paris ont également constitué
leur logo à partir de ces deux pièces
du 16 au 24 avril 1994
typiques.
cf. Illustration 13

Tout aussi évocateur. le dessin d'un

échiquier, ou plus vaguement d'une


13) Trois logos avec Tour et Cavalier sur le
surface en damier, se retrouve également
bulletin du Championnat de Paris 1994
50

sur près d'un tiers des affichettes r-u!fl.iy

comportant une illustration. EeipSDElUKaMIIIJ


cf. Illustration 14
4ème OPEN INTERNATIONAL
L'utilisation conjointe des figurines et DE FBANCONVniE 95
7 RONDES / au mo
des diagrammes qui servent à représenter «pparicmema : A. RIBOUS

les positions échiquéennes dans les textes En ntlHon tin réfi^r«pnd 11 m . le tnurnol <L£l>UBfrrB
A O henreo pr^cme^ pour «'mJkCVia- Si 17 hcrurub.
I
imprimés s'avère également relativement
fréquente. Pour les joueurs, ces signes itet h prtaofea tt : GU.l Lev POLOtIGArOTSKY (RUSSIE»
GJ1I.L Kcvii SPRAGGETT (CANADA)
évoquent directement la littérature GAI.I. Igw RAUSIS (lËITONIE)
M.L NicohtGlFFAliD
Ml Jean Uic BERET
spécialisée dont la lecture constitue une de M-L Akin -vnUKEUVE

leurs activités principales. 30 000 F dr |in :


CLASOfCNT COtBtflS. CUSSEMENT PAC UOtOOmt
¡CT SIXIO F Mdku riüñ^ S 000 F
cf. Illustrations 15, 16, 17, 18 tmx 4 om r Píníiiic 1 000 r
Ara» a n» r Jcca* 7CD F
4n. ; dm r ' I«a< n> F
BwHr 1 s T
cm I OOO r i Pnx PWUjuwm* NK> P
'/m MO K Uv tôt Fnaaanifiíú . IDO F . ^ : 300 F

jn ^ipr - I Uïi F (4 WMKimnm} IMclpMo lu*» à iOD iuum


1» F (KiulM) » F W» ms) "Jl »
k 11 Son B2 ; WO F et UO F

it nrm^M CClMir o. ten t


BCUm CTDOTTO í"Sr^5r" .*.cgrFTTC5 nn cncT
r>*r t imgaEi n Rwcnxim
CERtXE :
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FKNOM

ELO :
DHI:
naiIIC)ttES£>'CE: gClUTUlit:

te Ml RWHBiist : 39109;. / 3UCXS8.

74^ Affichette avec échiquiers

^'',2 ,3 NOVEMBRE 1996 Wiry ijl% I. hiir.fiKt r>a-^-(iik' ()u-i>r. ne pitii X'.ii^: -i.l

Gymnaa* Lucien Leroy


S riM PIWT* «I AngM* I* H«n
94450 UMEIL-BREVANNES
«Mil'
QtAM>l<.-^-li.''v>^TC:COMr,.n-.K.i<ui-.i,"unk'ii>.>ri>-
OPEN D'ECHECS r3t>or»'cep»ni«t' ito*JK»ntm->itnvr v.: ir*-vnií *.Tf
OT M»

9 rondes système Suisse


cull TUT Ji.' inoíjfja-ititiifv tJi.- J.'i"- 'if Ji^ * -
1 Heure K. O
HOMOLOGUÉ F.F.E
ft»'M«-^I><i y.li.-l I 1. <ttl>iri'«m-<TII<il l|a- HH*

nscmfnoH-.yooff semoft» soff jeu»c m


C*(ik(UMtUkJ(i :i'tK jfiL-ir>v.n><n>.iivJc:jnt :dinii;i 1
IJmt** rrv )"Frii lOOD h ri»o 2 6IHI f raiu.1 J "' *
t,.r.<f.J-^.'»-.m.-.v:i--.A . \*^<.ikU
lU. jT^.jrH J.ip!U.K.»>. ' ^.r»^.^^,l^...V. .|,,\ ck ' «f'. -.-^ ^T

Jv? r.lo.' ik Mkx-nt iilX ptrfXX'^Jllh- tf.V <\' (.'..«tn. T.. iH «ar

hnr-jn» .i.i rr. i «^ (>iist-sdf fx-sa»» '". i, i,t.u:;.)ii-i'Mt-p


àtr* price tms piae«
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«4410 l.rMF..-aKi.H A-4M-S lor. Kl. ) nu.-rui . ym ¡ v» .-k pi-ii^jt^ îV

iiir-** cl. itT«H, jj.'n tvwaiclÀitvj-ttn. vji^fqi' jnqi-i <t,rt

45 69 69 10 hnndctuuii '«*r
j*i.pn.ic^»i.Tuiik-_i.J*ii..B3«nxiL'»p»;(.ï»ui:«Ix*l»cc_-
45693107 DLMOi.LiNrwç bt' wr Livtvie tar: J'jun.'s iCT-ifb^v* d.'^'ii.T v »» ^ï
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*w »«,
iMwr.fl-yio' wrrrt-

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^^^*wHwn
*MW*--

75J Affichette avec figurines


de diagramme échiquéen 16) Ulilisalion d'un fragment de texte échiquéen.
(situé au-dessus du mot "charade")

Simultanée Kasparov. Télécom Paris 1995


51

I M,ANlFE5TffKís'S : CERCLE DECHBCS


APU»-VR S4»îT-ljOUIS i «VENUE C.U.DÍ WtcLEnU,! TÎJC "CatS
MCT<ir : CO'KOUWT OL COu5*CL FAffEN BUS 4B

T) «U [?r**4*8 155 «f^M-tf PâPW£frfT WRI6 iQ.

IER OPEN FIDE FFE AL' K.O.


LES T KT MU« 7 AOMOU DUNL HLURt «U ILO
iNytHFTü*** ZMF/ITSF APftn Lf «K WJ»C XOTRC »Ot;fl TPJF
Î'ÎA.U»- *ü %M LtU MOriTFU. KT-LOUW

SIMULTANEE RAR LEV KHARITON


0'**AÎ<C»« 2» "AM i 14110 0<^F7T 1 TOUS t45CB(^*CN ZT» ^i

7EME OPEN DES -2000 ELO A R«X1ES

2EME OPEN nOE FFE A NORME


DU 31/9 ÉU ù'û/e:- B RwDs «o c^s ?h kjulhuî ih dû. Jfcu. im

jjL>»*> AU Ita 50oy rwL ra? ar. FWRHETttw

12EME I.P.R. SAMEDI 31 OCTOBRE 92

13EME I.P.R. DIMANCHE I NOV 92


s PCMDES Dt ÎC t*tNU-EB OHnAK M^MCSTCfl

"C'JW ^EE PCL« PU MKMT lC 7S DC~ ?00ms

TELEPHONE 4 6 2 0 13 (4
«w iT./»j7r- .'. IS.? AL wj vruï Fi>*T pr Ei-wiî s?r^ pfx.' -r.^j-

/7j Ajfwhetie arec figurines 18) Affichette avec des échiquiers miniaturisés
de diagramme échiquéen

Utilisables indifféremment quelque soit PROVENCE - COnrTE VAUCLUSIEN OU JEU D'ECHECS - F.F£

le type de toumoi, ces pièces, échiquiers L' Echiqulair Oraeifcols oirfenlee''


et figurines constituent un stock d'images
dans lequel les concepteurs de l'annonce 6*** OPEN International
peuvent puiser librement. Ces illustrations
de la VUle d' ORANGE
échiquéennes relèvent à ce titre d'un
du fi mi 83 JUSHISlt ISSU
système adventice indépendant du texte
Slage de préparaUon. analysa des parties
dans lequel elles s'inscrivent. Délenle, Animation
2 Soirées Blitz. Chorégies
Les affichettes qui développent
Visite de Cave à Ctiileauneuf du Pape ...

d'autres thèmes iconographiques (en les


combinant éventuellement aux

précédents) semblent en revanche obéir à


des contraintes contextuelles plus
REnGErovriFirrs

importantes. L'image devient en effet un SALLE DU TODRHDI

* EtPKI RICCI ~ ccAxni.

élément descriptif relatif à la compétition. Fsfsr nuiifcjpsl


Cours A BrtauJ n.xuk

0« mtAMC 90IAÍ7Í7

Un cas typique est ainsi fourni par les CLUB:

9ft3ABTV7

affiches de tournoi qui situent EnHU «IWTUITI

métaphoriquement un échiquier, ou des


pièces, au milieu du paysage qui sert de
Caisse d'Epargne de la
cadre au toumoi. Vallée du Rhône en Vaucluse

cf Illustrations 19,20,21, 22 et 23
19) Pièces modèle Staumon

devant le théâtre antique d'Orange


52

2*"* OPEN d' ECHECS


llll 24 au .^I

;r! F'. t. f .".-.-.


liiillct l'>«>-4 ST-AFFRIQVE
Opr-!. Jnitî't'.;
d'Echecs

tí ;!-tf: -jr r.rti. .ï^

IO LUCLIO e ACOSTÓ 9S

7 - 14 ACOSTÓ 95

/, 1 '' ^
AVEYRON : JOUEZ en SERENITE
;J È^^
20) Pièces modèle Staumon 2J) Les passants sur le poní de Sainte-Aj]rique
devant des palmiers sonî des pièces d'échecs
pour le tournoi de Cannes J 995

OPEN INTERNATIONAL D'ECHECS 65^*"* championnat de


imiASBOimG France du Jeu d'Echecs
Dl ZT lECIlMWE lOR AO J L\NVTUI mi

41 VK VIKILC

Mlpl ca Zll iMtl 70 couia â rbraia

C.\L£NMUSft:

Uh-XOti praniir* r»fi¿*


2BI>t&ni 9ti-lJb «BinitecM^c

IV INc WI- VU j)aar«f« <tn Hmi prouiéira n^tm

Ï0M..9Z: nafu«ra«»
llb-Ifb dnqHknc rviÉ<
JII>fc.9r «itMniin
l*-ÏLiM(ii.<>Kfwde

iiB. U: 14*.zab Kpdtac raiéc

I* hiitXWM: iwAr M ftfiufe

«J JilSi 9» iSb.^niUl.'Ilitwe KO]Hr fewar,

20 mnm *l.t2.R:»0T

CENTRE DE CONGRÈS "LE VL\.NÈGE'


aB..ii#i<-MM«'[r.r,4 rm KlwUnp>r,
ESPACE NLMRALTi CH.W1BÉRY
11 -27 août 1994

UGl'E:
¿'nh/r 'iir.r
ELOFXDJCt OtCOr
,\I>ltX£SD Cttri par lr Í amiit tfOrganivivijt dr MoBifeaaanti^ licbigufenaes

I'UI,úMr:

D«n 5iptaisr«
-

22.) Z^; cathédrale de Strasbourg 23) Le château de Chambéry et


sans pièces ni échiquier la fontaine des éléphants devenus pièces d'échecs
53

Dans une même perspective, des


3ème TOURNOI OPEN
photographies de joueurs, prises lors de la
DE TREMBLAY-EN-FRANCE
précédente édition du même toumoi, sont
DIMANCHE 27 SEPTEMBRE 1992
parfois utilisées pour suggérer les DE 9H A 18H - HÔTEL DE VILLE
conditions de jeu. Ainsi l'affichette du 3e iOuSiA P>!LbiLl\'CL Dl ¡KA^iÇO'.î AîlNS;
OPPuTF. MAlifF i)r rRFMñtA^.fN.i'RA\C6
tournoi open de Tremblay-en-France
(1992) offre-t-elle avec une série de
photos insérées entre les cases noires d'un
échiquier un panorama de la salle de
jeu et de ses participants ; l'iconographie
é: m
parle d'elle-même et l'absence du mot
«échecs» ne rend pas le message obscur.
cf. Illustration 24
^K ^
a»fi^ «^npawi- 1^

09 ^^jk
D'autres photographies servent parfois
à annoncer aux éventuels concurrents la

participation d'un grand joueur connu


invité spécialement pour l'occasion.
cf. Illustration 25

Rappel de l'histoire du jeu d'échecs, 24) Présentation en abyme :


Philidor. connu pour avoir été le plus des échiquiers dans un échiquier
grand joueur du XVllle siècle, sert
d'effigie à un tournoi organisé dans sa
ville natale, Dreux.

cf. Illustration 26
Le Cefde d'Echecs "Le Grand Roque" "^'-
de la MJ.C. de Courcounmnes '
DREUX - JUILLET 1995

8
«M »JU1 «t « ta DDJS/ll
ÎFESTIVAL DU BICENTENAIRE

TnanDiiiECMiaui ikvitatkm 6' OPEN


mntmu
miLLCT INTERNATIONAL D'ECHECS

de rAgglomératicn Nouvelle d'Evr,


PLUS DE 2S.OO0 F DE PRIX
TOUMOI QnL%

'iWMBAi^HlWJi

^ HEWLETT
DACKAna

I
LA iWTEJf^

D1IV1A.NCHE 8 .WTUL 1990


de 8 h 30 à 19 beures
mi\ AHn» d« l'Atom dtvry

dS i
IKKJ

25) Participation du grand maître


26) Philidor (Dreux 1726 - Londres 1795) anglais Speelman
54

Le choix de recourir à un extrait de

bandes dessinées pour illustrer un toumoi


apparaît être également déterminé car les Jb; D'ECHECS
affichettes qui en comportent concement .>.«.. ^..M. n»ï .

un public d'enfants ou d'adolescents. Une


POUR JOUCI^
même structure se retrouve dans les deux
POUR PROSRESSER

dessins ici représentés : un joueur humain, 0

adulte, se trouve vaincu par un animal.


\-
J.E.E.N.
Faut-il reconnaître l'enfant dans cette

figure ?
cf. Illustrations 27 et 28 f-fc. Lr .-.et M .-«p..-.

-,. . :......>,..
bjb I'M*.
.», :_*,.-u.; .J
Le dessin du championnat de France ::r.-; ri 1 1 T'f tV. :, iV-j * .,

féminin (1992) place au premier plan un «^.. .... _^ . wl. ^.;.j Dt-i
»«

Î3ÏÏ ' W- k .j
corps de femme qui rappelle les
^- d .1,4 . '. ~ ^-H-VJ. «.VI *-t Ϋ* "I

représentations médiévales de la Mort et


porte à la place de la tête le sommet d'une
Dame du jeu d'échecs. En comportant de
plus à l'arrière-plan, un monument du
Havre, l'affichette synthétise donc tant le «"Wl-T**

lieu que la particularité de ce toumoi. 27j Kador eî Bidochon

cf. Illustration 29 de Christian Binet

LYON OYONNAX
ECHECS

Cbampmat de Fraoce fêiÉ


3 Grands Toumois au Havre
Q TROPHEE JEUNES
: «.>;« '«i*-ti.N;' e,7,8 MARS 198e
du mardi 4 au samedi 15 Août 1992

dans les Salons de l'Hôtel de Ville du Havre


\ t7i.ac:.k.;

organisés par l'Échiquier Havrais


:ii.Hl« <»C09 ¡.K-a
avec le concocm de : ;« !

la Municipalité du Havre
I ..Xf .ua rMr «t: j&oor J. «CMIS.I ^U l.C .1.

!e ConseU Régional de Haute Nonnandie


le Conseil Général de Seine-Maritiine
28) Lucky Luke
29) Dame mortelle devant la cathédrale du Havre de Morris
55

Ces derniers exemples soulignent


qu'un des aspects présents
l'utilisation de l'image est la dimension
dans ^'.O^si^ 1
humoristique que celle-ci peut apporter.
En contraste du "sérieux" véhiculé par le FOURMIES
IA ^v mm:

texte de l'annonce, l'illustration rappelle


l'aspect ludique du jeu d'échecs.
cf. Illustrations 30,31 et 32 -¡ ccitrRf -SOCIO <~
culjÚhh ^rfontuà

>
\ / \ !

3 4 JUIN 1990
^^ 1

OPEN INTERNATIONAL de / \ \

FOURMIES 30) Humanisation des pièces d'échecs

I.r SAMEDI 13 MAI 1W5


(FEWTECOTE) F f e.
i pvnr dr OVtUU
ai. Sqaarc Edmoad PcpiD
icmrt lâ Mii«;i n tí Mcrcac

31) Humanisation des pièces d'échecs

RI ( OMh'l NSI.S ¿ B.AR-BIJFFET sur piaci^


Ttt 4S V i:

Ki'.U ...

MMH-.'SI- .

Dair linttr d'lD«criptk»n : le 10 nui 1^5

32} Humanisation des pièces d'échecs


56

Pour l'observateur extérieur, un des

faits les plus marquants de l'iconographie 14*ni« OPEN


de ces affichettes est le peu d'intérêt
qu'elles présentes pour la connaissance ROSNY-SO(IS«OIS
des pratiques échiquéennes. A la
1990
différence du contenu du texte qui fait
l'objet de l'analyse ci-dessous et à
l'exception des pièces d'échecs, les Pimanchv 10 |aln 1990

images ne laissent guère entrevoir les


éléments constitutifs de la culture
7 ao fvt
échiquéenne. Le dessin de la pendule MOOO DE P1UX

d'échecs n'apparaît que dans une seule


affichette et sous une forme peu
reconnaissable pour un non-joueur.
cf. Illustration 33

La coutume de renverser le Roi pour


signifier la défaite ne se retrouve
également que dans un seul exemplaire.
cf. Illustration 34
33} Représentation réaliste

L'usage de la «feuille de partie», d'une partie d'échec à la pendule

l'écriture manuscrite des coups, la


consultation des livres d'échecs, le simple
vis-à-vis de deux adversaires, autant Le cercle d'échecs

d'objets ou de gestes curieusement "La tour blanc-mcsniloise"

absents de cette iconographie.


cf. Illustration 35

2* TOURNOI

OPEN

DE BLANC-MESNIL

(93)

Dimanche 29 Mars 1992

9 heures précises

Gymnase Paul Langevin


Í Avïaïuc dc la Dim-moti Lei-kriJ

34) Roi renversé sur l'échiquier


(signifiant l'abandon)
35) Deux éléments jamais repris dans les
affichettes d'échecs : la pendule, la feuille de partie
photographie de Norman Snyder in Saidy 1975: 214
57

Inversement, il serait même hasardeux

pour quelqu'un ignorant le «monde des 9e. e OPEN


échecs» de conjecturer sur la base de ces
DE VAUCRESSON
images la réalité d'un usage échiquéen.
.- - ' '',1'^^ ^
Ainsi, pour n'en donner qu'un exemple,
les lauréats d'un tournoi d'échecs ne
}d^-^.
montent-ils pas sur un podium au moment
de la proclamation des résultats.
cf. Illustration 36
£_ Inferences
Compétition formelle, tout tournoi
d'échecs obéit à un règlement écrit. Aussi
pourrait-on s'attendre à trouver sur
l'annonce du tournoi un rappel des règles
auxquelles tant les joueurs que les
organisateurs sont soumis. Participant de
l'opacité du texte, le règlement appliqué
n'est jamais précisé. La lecture de ( 1,1, H |- I I III.: s in, tVl 11-. IMUJI', M' I AUIUKL" '.Ü.S.II M

l'affichette s'effectue une fois encore sur

l'implicite de quelques sigles et sur les


36) Pièces d'échecs .sur un podium
inferences que ceux-ci peuvent déclencher
chez les joueurs. Ainsi, la seule mention
les affichettes. (Le règlement de la
d'un tournoi semi-rapide «homologué
compétition se trouve en revanche
FSGT» est interprétée par les joueurs
généralement affiché dans son ensemble
comme signifiant, à un premier niveau de
dans le local où se déroule le toumoi).
lecture, que les résultats qu'ils obtiendront
Implicitement présent, le règlement est
à l'occasion de cette compétition seront
de la même manière considéré par les
pris en compte lors du calcul de leur
arbitres comme étant de fait accepté par
classement IPR (indice de parties rapides)
tous ceux qui s'inscrivent à la
établi par la FSGT. A un second niveau de
compétition. On trouve cependant, dans
lecture, les joueurs suffisamment avertis
quelques très rares affichettes, un rappel
en déduisent que le règlement appliqué est
de cet engagement dans le «bulletin
celui édicté pour ce type de parties par la
d'inscription» (appelé aussi plus rarement
FSGT lequel se distingue radicalement de
«bulletin d'engagement») habituellement
celui de la FFE par le fait que la victoire
joint à l'annonce. Laconique, il revêt, par
peut être obtenue par la prise du Roi
exemple, les formulations suivantes :
adverse. Autrement dit, si l'adversaire
«je m'engage à respecter les règles du
oublie de protéger son Roi en échec ou
tournoi et celles de la FIDE et FFE»
met involontairement celui-ci en prise, il
(extrait du bulletin d'inscription du 2e
est possible de le prendre comme un
open intemational de l'Apsap, 1993).
vulgaire Pion, alors que les autres
«je déclare m 'inscrire au 14e Open de
règlements, prohibant catégoriquement la
Fourmies [...J et m'engage à en respecter
prise du Roi, autorisent (et même
le règlement» (extrait du bulletin
obligent) à rejouer le coup laissant le Roi
d'engagement du tournoi de Fourmies,
en échec. Pour les joueurs, une différence
1990).
majeure oppose ces deux règlements. On
L'envoi de ce bulletin est plus qu'une
n'en trouve cependant aucune trace dans
simple inscription, car il correspond à un
58

réel engagement de la part du joueur, ce mis en parallèle comme en témoignent les


qui n'est pas sans contredire les deux exemples suivants :
considérations trop générales que certains «Je m'engage à participer aux 7 rondes
philosophes ont posées sur le Jeu en le et à respecter le règlement du toumoi. les
définissant, entre autres, comme une décisions de l'arbitre et du comité

activité pouvant être librement d'organisation» (extrait du bulletin


abandonnée. Roger Caillois, reprenant les d'inscription du 12e Open du Perreux sur
idées de Huizinga, considère ainsi sans Mame, 1996).

nuance qu'«un jeu auquel on se trouverait «Les forfaits feront l'objet d'une
forcé de participer cesserait aussitôt d'être demande de sanction à la FFE» (extrait

un jeu : il deviendrait une contrainte, une de l'affichette du 2e open international de


corvée dont on aurait hâte d'être délivré.» l'Apsap, 1993).
(1967 : 36). Evidente a priori, cette
proposition soulève en fait d'un point de Si ces mentions du respect nécessaire
vue théorique une grave difficulté dans du règlement échiquéen n'apparaissent
son utilisation car faire passer la définidon qu'exceptionnellement mais
du jeu par le sentiment que la personne correspondent néanmoins à une pratique
éprouve dans l'action pose un toujours en vigueur, il est d'autres
insurmontable problème d'observation : précisions, elles aussi exceptionnelles, qui
les sentiments restent par définition ne connaissent pourtant aucune généralité
inacessibles. car elles entrent en discordance d'avec les

Le joueur en s'inscrivant à un toumoi valeurs reconnues par lesjoueurs. Dans le


s'acquitte non seulement des frais de corpus considéré, certains items spécifient
participation mais s'engage aussi à ainsi l'aspect vestimentaire des
concourir l'ensemble des rondes du participants :
tournoi. Autrement dit, un joueur ne peut, «Tenue correcte exigée» (extrait du 6e
sans raison extérieure valable, abandonner Open Intemational de la Ville de Cannes.
un tournoi tant qu'il n'en a pas disputé Trophée Hôtel Martinez, 1994).
toutes les parties. C'est généralement à la «Attention : la direction de l'hôtel

suite d'une série de défaites que des Campanile nous fait savoir qu'une "tenue
maladies diplomatiques sont évoquées correcte" est exigée dans l'enceinte de
pour justifier l'interruption de la l'établissement, il est donc vivement

compétition par un joueur. Il faut à ce recommandé de montrer aux non-initiés

propos noter que les joueurs d'échecs que les joueurs d'échecs sont aussi des
distinguent radicalement le «forfait» (non- "Gentlemen"...» (extrait du 2e Grand
présentation du joueur devant l'échiquier) Toumoi du CEE, 1994).

de r«abandon» qui termine la majorité «Une tenue vestimentaire correcte sera

des parties et signifie que le joueur exigée. Les qualifiés pour le "Grand Prix
reconnaît qu'il ne peut éviter que son Intel de Paris" devront obligatoirement
adversaire le mette «mat». (C'est respecter le règlement et porter chemise,
officiellement des raisons liées au veste et cravate ; les chaussures de sport et
départage des joueurs pour le classement les jeans sont interdits.» (extrait du
final qui sont à l'origine de cette volonté Trophée Fnac 95. Toumoi qualificatif du
d'éviter tout forfait). "Grand Prix Intel" de Paris, 1995).
L'énonciation de cet engagement sur le Or de telles exigences ne se trouvent en
bulletin ou la menace de sanction sur revanche jamais imposées dans les
l'affichette elle-même peuvent ainsi être compétitions qui ne précisent pas
59

d'avance l'aspect vestimentaire des qu'un nombre extrêmement limité de


joueurs. De fait, on observe pendant les joueurs. La participation à ce genre de
tournois d'échecs une vaste palette de compétition se fait sur invitation.
comportements vestimentaires qui fait Appliqué pour la première fois à
qu'un joueur en complet-veston peut Zurich en 1895, le «système suisse»
affronter un adversaire dont les vêtements présente l'intérêt d'offrir à un très grand
évoquent un état de clochardisation. Or ce nombre de joueurs la possibilité de
mélange des genres ne paraît pas aux disputer ensemble un toumoi au nombre
joueurs incongru, car ils se trouvent moins de rondes limité. Mathématiquement le
préoccupés par l'apparence que par la nombre maximum de joueurs doit être
force échiquéenne de leur partenaire. Ce égale à 2r, r désignant le nombre de
fait n'empêche pas les joueurs d'être rondes. Ainsi un toumoi de 7 rondes peut-
sensibles au dénuement matériel qui il accepter 128 joueurs, un de 9 rondes
frappe certains membres talentueux du 512. Le principe de base du système
monde des échecs mais suisse est de faire rencontrer ensemble des

fondamentalement, ce n'est ni l'allure ni joueurs ayant obtenu un même nombre de


l'appartenance sociale qui définissent le victoires. Plus précisément une victoire
joueur mais son classement Elo connu de est comptée pour un point, une partie
tous ses adversaires dès avant la partie. nulle pour un demi-point, et une défaite
Aussi l'expression des contraintes pour zéro point. Un joueur qui a remporté
vestimentaires signalées plus haut deux victoires et subit deux «pertes»
n'émane pas du monde des échecs à totalise ainsi deux points et peut, à la
proprement parler, mais du cadre (hôtel de cinquième ronde, affronter un adversaire
luxe, théâtre. ...) dans lequel se déroule la qui n'a de son côté enregistré que des
compétition et d'une volonté de parties nulles. A l'issue du toumoi, c'est
médiatisation (retransmission télévisée et le joueur qui a engrangé le plus grand
parrainage d'une manifestation nombre de points qui obtient la première
exceptionnelle). place. Le système suisse établit ainsi,
A ces éléments apparaissant après les premières rondes forcément
accidentellement dans les affichettes aléatoires (en fait, selon la variante du

échiquéennes s'oppose la présence système actuellement utilisée, lors des


constante d'autres "informations". La premières rondes, les joueurs pourvus des
mention de «système suisse» est ainsi plus forts classements se trouvent opposés
précisée dans quasiment toutes les à ceux moins bien classés), des
annonces de tournoi. Son absence n'est appariements entre joueurs ayant un
nullement significative : tous les toumois niveau approchant.
contemporains accessibles aux joueurs 11 est déjà apparu que l'expression
ordinaires sont régis par le système suisse. «système suisse» n'apporte a priori
Seuls les forts joueurs internationaux qu'une information identitaire, ou
peuvent en revanche participer à certaines identificatrice, dans la mesure où c'est un

rares compétitions organisées selon un des éléments permettant aux joueurs de


système «fermé» où ils rencontrent tous reconnaître sans ambiguïté la nature
les participants de la compétition échiquéenne d'un prospectus mais que cet
(mathématiquement, le nombre des parties élément n'apporte en revanche qu'une
du tournoi est égale au nombre de joueurs information redondante sur l'organisation
moins 1). Les toumois organisés selon un de la compétition car celle-ci s'effectue
système «fermé» ne réunissent donc nécessairement selon les principes du
60

système suisse. Aussi faut-il comprendre La lecture de cette demière annonce de

cette insistance comme renvoyant ici tournoi fournit, en sus de l'indication

encore aux valeurs échiquéennes : se «système suisse», une précision


trouvent en effet ainsi accentuées deux «Appariements : Alain Ribous» qui
idées qui viennent compléter les notions semble donner le nom de la personne qui
véhiculées par les termes d'«open» et réalise les appariements. La fréquence
d'«intemational». d'apparition du nom de Ribous laisserait à
Présentant tout d'abord la particularité penser que ce demier dispose d'un don
de n'éliminer aucun joueur, le «système d'ubiquité si d'autres prospectus ne
suisse» vise à l'égalité ludique puisqu'il précisaient que les appariements sont en
offre à chacun la sadsfacdon de disputer fait réalisés à l'aide du «programme
le même nombre de parties. Par rapport à Ribous». Il s'agit en effet d'un logiciel
un système éliminant à chaque tour les utilisé par les arbitres pour gérer
vaincus, le système suisse prend en informatiquement les appariements selon
compte d'une part la possibilité qu'une les normes du système suisse. Cette
partie se termine sans vainqueur ni omniprésence "virtuelle" de Ribous a
perdant («partie nulle») et reconnaît pour conséquence que son nom est mieux
d'autre part qu'une défaite ne constitue connu des joueurs ordinaires que celui du
pas une preuve en soi de l'infériorité du président de la Fédération française des
perdant. 11 arrive ainsi qu'un joueur perde échecs élu pourtant depuis huit ans.
la première ronde mais obtienne
néanmoins la première place à l'issue du
toumoi.

De nos jours, l'expression «système


suisse» est de plus porteuse de l'idée que
la détermination des adversaires à chaque t'on\ IVl I

DK.MASSY
ronde (appelée «appariement») s'effectue
(1 14 kiiKaurfixlitr Puin)

selon une procédure strictement codifiée du K uti 14jiiill<'l IV<;2

qui ne laisse aucune place à un hasard que 9 ï'jndcj. fyit^mf nâ.w


Wl nnj;K, 1 liexvRS ici>nlinïi -i'T ctjiipl
la subjectivité des arbitres pourrait Apr»i«r,tnu ; Alain RlBOl'S
l"roT>.iclfK» nii.tH
insidieusement détoumer. Des règles très
strictes déterminent en effet une manière I iril : COS IVCTHK Nn)PI \Mlr:'K\\
Ti«n»;nn , RM Iï ',\jt\ niconivl»!
et une seule d'apparier un groupe de A'>i"Lj^rynr*^iiMKiy*".rmli(l V-nwmMe)
nil N 7<l(l'BkingaMul¿)
joueurs donnés en fonction de leur
Prit; 1": 11900 Fui 'Mjfjrr.i
classement initial et de leurs résultats lors

du toumoi. Calculé mathématiquement, le lii>rriplii<ii : ;Hn I- ,' - IK au . )W F


A \m\ii .kl??* VI F lit |M»
«système suisse» préserve donc l'esprit ( irr Ull C ¡MI, MlrtFánúunes i<ceziL-i^

d'équité nécessaire au bon déroulement


riiN^uc I ' lïiillf du
d'un toumoi. CtRCLK FHILIUim M.VSSV .

cf. Illustration 37 PiK't.'tr irarujir pmrjini \r unvivn

Ri-nvi|^rniml.i(c<intr((ii>tl<ippr
Uinl)r^)rl inM.riplHici :

Mr IXINKOV

10. rur J. KinUnd - «13(10 Micwr


1*1. : tt. »n. U.07

37} Un tournoi organisé selon le syslème Suisse


61

Le dépouillement du corpus conduit à qui adjoint à l'expression «système


constater qu'une annonce concernant les suisse» le sigle cabalistique de «C04».
«Championnats Poussins mixtes et Petits- cf. Illustration 39
poussins mixtes Parisiens» (1996) est la
seule à fournir cette précision
supplémentaire : VTNCEMVES 1994

"Appariements par le programme du 12 (.ascension) an 15 mai

"Merlin" d'Alain Ribous".


,. Open inlcmciioiui 7 nMidn hmnolnxu^ FTF. - FIDE
cf Illustration 38 ^ l«ll¿Hiaj1MlC0S .^^icr.9.u».«|«. ...1...... l|V*.J * iT.,^

(.«HVλ' 4..Í ,t .KS, III -fi tin l/£ih^)i ir\<i.'.A.'s

CHPISIXJ
.Ifam^t

FINA^ LiaUE CHPTSDÉ


FRANCE
POUSSINfEIS
CHAMPIONNATS ET PETITlBIS *K*I )««m*K

OECARTEMCNTAUX routsmtft
«. h,ii j; p. [«..>,., ,-j«.j .ir. .
POUSSIN<E)S ET
CHPTS C
PET'TIEl!
EUtOfE
COUSÏINIS «» ..u.. -mn .itfK-Bl JaiwK.:c;ür-x

CMl M MI VMM

; p voi- - Orpolpr e-1'íi Pwi »t du ¡cj a CcKKl ..L ,'f

MÁw.^HnM. ne: ml' utffi^tf

CHAMPIOIVNATS

lOt.lS.SÎNSMlVn-.S Bn LrnpjasjiJttllUi.
^.'«',T.,TM,f:l

LTlf.TlIM'asaNf, MIXTES

PAKISIENS
üLUtlirK.wl<fit puur (rs rnampicmnan M UBU* Ht* Munm 199T

Oiniarvivj 15 décembre V^ i9j La fièche (rajoulée par moi) signale

MfOflTifWffft
rinformation inédite de «système sui.sse C04»

Expression peu connue des joueurs,


Cc";,ctrtions l^thnljyf^: «C04» (prononcée «ce zéro quatre»)
n Jt r rvn«l M tt «i- w /Ow*i«
>' -- c * J V ; » tnfir < «c

appartient au jargon des arbitres et sert à


désigner les «règles des tournois au

38) la dernière ligne de l 'annonce système suisse», document d'une


précise le nom du logiciel. douzaine de pages qui rassemble les
instructions que la FIDE a édictées pour
l'organisation de ce type de compétition.
Du point de vue de l'historien qui Bien que cette formule ne soit présente
aurait à étudier ce même corpus et ne que dans 0,3% des cas étudiés, il se trouve
disposerait pas d'autres sources donc que l'ensemble du corpus est soumis
d'informations, l'apparition singulière du à ce «C04». La faible présence statisdque
nom Merlin dans une annonce par d'un élément particulier dans un corpus
ailleurs marginale car ne concernant écrit ne peut donc servir d'argument pour
qu'une compétition enfantine ne serait récuser l'importance de l'élément en
probablement reprise comme un élément question dans la pratique dont les
pertinent. Or la connaissance documents se font l'écho.

ethnographique du terrain enseigne que


tous les logiciels d'appariement loués par A ces éléments non récurrents s'oppose
Ribous portent le nom de Merlin. la mendon quasi-systématique du montant
11 existe de même une affichette unique des prix distribués à l'issue du tournoi.
62

Les forts joueurs sont évidemment 45 000 FRA.NCS DE PRIX

attentifs au nombre de prix conséquents


55 prix non cumulables
mais même pour le joueur ordinaire, ce
renseignement s'avère souvent 6000 F. 1500 F.

5000 F. 1200 F.
déterminant dans sa décision de 4000 F. 900 F.

3000 F. MO F.
participation car le montant total des 700 F
2000 F.

différents prix et surtout le détail des


Prix par catégories et prix jpiciaux (femmes.
premiers prix lui assure s'ils sont vétérans, locaux, handicapés, trois caiégones dc
jeuim : muuu. de >ft an^ moins (k 14 aok. moios
suffisamment élevés qu'il aura de 10 ans)

l'opportunité de rencontrer, ou tout au 14 oaupcs dont la coupr Femand Galal


14 médailles 350 cadgcb
moins d'observer, certains grands maîtres
Un bciu pilnurts :
de renom. Aussi est-ce un véritable 1988 : 218 engigzü : Lamoureux - Abrav^ncl -
Grunbert Luce Gilles Moufgues Vammbicr
argument publicitaire que de donner la Oczin - Podzieiny - Bclkhodja

liste des maîtres ayant participé aux 1989 : 241 engagés : Abravanel - Taimanov -
BelVbodja Murrry Yedlinf Hiuchard Scholz
précédentes éditions du tournoi ou Giacommazzi - Lccuyc: - Beatriz Mansilia

d'indiquer plus sommairement le nombre 1990 : 272 engagés : Kovacevic - Komlienovic -


Lilic - Schneider - Vaisa - Bnniner - Benrard - Prie
de grands maîtres intemationaux (GMI)
- Galiagncr - Ksnei
invités.
1991 : 316 cn¡t«gá5 : Vaiser - Sloiacv - Lalic -

cf Illustrations 40 et 41 Hiuchard Belo% BelLhod'a Kholjcr.ovic


Byudrc Giffard KavaJcJansitas

Compétition de masse rassemblant


40} ^<un beau palmarès»
souvent plusieurs centaines de joueurs de
(verso du 5e Grand Tournoi Open
tous niveaux, les tournois d'échecs ne
de St -Ouen, 1992}
réservent pas la totalité des prix aux
premiers du classement. Ceci apparaît
dans les affichettes par la mention de
«prix par catégories» qui assure à chaque \m\\i\\m^m\Kimms ^Á-mWtCS
MONTPELLIER 16 au Z3 JuilM U
joueur qu'il pourra être lui-aussi
récompensé s'il réussit à dépasser le
! ,
*'i .
résultat des joueurs de son niveau. (Les
joueurs sont répartis en «catégories» par ii.Mfc?;«iii^i

tranche de 200 points Elo. Ainsi la


' i .1
«première catégorie» rassemble-t-elle de
^1 ^=^
forts joueurs classés de 2200 à 2000 _i.. )
''-í/~íl Air-'.' --M Ml'»»*»

points Elo ; la «seconde catégorie»


conceme ceux entre 1800 et 2000 tandis

que les joueurs les moins bien classés


appartiennent à la 6ème catégorie).Avec
cette répartition des prix par catégorie, ],
tout toumoi au système suisse peut ainsi
être perçu comme un assemblage de
tournois parallèles où chaque compétiteur
riiriff4««ir^ ««tn*«t rrMirt

a une chance d'être primé. L'indication de


'>>4iur. m\% mn^n^M

«prix par catégories» est donc un


important facteur de mobilisation.
Nombre d'affichettes précisent avec la
41 ) des Grands maîtres «invités»
liste des prix prévus la manière dont ceux-
(en haut à droite de l'affichette)
63

ci seront distribués. L'arrivée en fin de 25 000 FRANCS OE PRIX REGLEMENT

tournoi de joueurs ex-aequo aux PRIX PARTAGES APRES 3S0 PLACES OiSPONIBuS
DEPARTAGE BRESILIEN
premières places du classement qui
S-orCMceZ3T.n«:ww|Cjeui irpiuiJe
découle du principe même du système ¡XtOUMJI

suisse (le plus souvent, seul le vainqueur BFteci^wn-wrtgÉnitiil


le' 63ÍWF 6em( e03P
i rctH U 30 - i*m« Pi' .autui. 1

ÚI 700 tou«.Tt.
ZènM AOOOF 7ÍKX «Uf
du toumoi se dégage en effet nettement Itne 3 00DÍ «"'^ BOO F
* Niniy '

des autres concurrents), pose en effet le bém 1C»F

problème du montant exact à attribuer à Mt!d -«TWion

*rtfrlet3oc!Xx* t30h»r:î

chacun. Plusieurs systèmes de départage Prà Pir cnéforiM « prñ isíwm fi -f 'C Mc-icMCa'* 8Cli*nu

Jthwnt. . 93k. : iMc enbttorwn accès

coexistent et. dans le souci d'éviter les ^jun»-. oélirj-ii: 1


WC- Zt#>« 2ii(.'r 3«r* :50f

controverses qui ne manquent pas sinon ^p(«]ta'3(Mrc:)ic.5j[puce3iCi'uljiirr wdes


DlKK JtssoiMbtes 1 5C 'ina toc f-»rc5

d'éclater au moment de la distribution des mneziaàt gramn


Prn^orunuMHH

prix, les organisateurs et arbitres ont pris T'clMMW-MUill'B.AF'U taaviof» Mji p'Kc de 8 f- 3C * 9 fl

l'habitude de fixer dès l'annonce du


fc nomt * 2f0 ;«»Mre iH «m «TM «Mortf. AucjntinKTViio- MrlMcihone

toumoi les règles finales de départage.


cf. Illustrations 42 et 43 42) Précisions sur le systèttie de départage
(verso du 2e Grand Tournoi International Open
d'Echecs de l'AFM, 1991)
Comme ces deux exemples le
montrent, les noms des systèmes de
départage (Solkoff, performance,
brésilien, ...) sont généralement donnés
sans aucune explication et rares sont les
affichettes à faire preuve d'un souci
pédagogique pour des termes dont les
joueurs connaissent mal la définition. L£ PREMIER OPEN INTERNATIONAL DE VITRY SUR SEINE

Parmi les plus explicites, on trouve :


«Départage : solkoff médian (addition lei 18 19 , 23 . 25 . 26 et 27 &eptemDr< 1992

des points des 7 adversaires rencontrés -tOJCLOSOÍ > 3E FPE ' ".-.j,* SfUe--* S-i»-i

sans tenir compte du plus fort et du plus nil 4. ^3_m)3r pr anti oirr*(eot¿
PMM10 roeo" oojKitve ^ Jtwr etc

faible)» (3e tournoi open de Tremblay-en- I 1 6,-

France. 1992)

«Classement : En cas d'égalité de / , -w^ 't 3» pc vr fl* cjf* #

points entre 2 ou plusieurs joueurs, le


départage se fera selon la technique du
"total cumulé", le total le plus élevé H *;/ ij*.- i. '^jur"*!-»-: lats » H i: .eu

71 1 3C r»rvit# Í1M ari-r-»*!- a - R: «i B""

l'emporte. En cas de nouvelle parité, le v ç- 'iJ P3-j»i t,VLjti.*f)i- *3<»ni ê H (J«,»u

départage se fera en fonction de la < "i Pi-3t M;jrn»Pi,i : 4.1»» t h 0# »j

: ?C - Bi>J» " 9v«jiv« da ,«t/ 3c 6^ aj fmnf


performance.» (1er Open d'échecs de St
Germain. 1992)

ft«^5f'r.^.cuF^.^" yic v«^ p-unc v a^.b: 3:m at i> 3 r,-»M;


M er TAI r»i -«. *'j'ao.'93'*i .a* iie * tïm)

^5) Précisions sur le système de départage


(Open de Vitry- sur-Seine, 1992)
64

9^. Conclusion te Dimanche 11 Février 1996


PC»-»* 1
2ème Open National 1
Au-delà de l'évitement des
d- ECHECS
controverses lors de l'attribution des prix,
Espace GAÏTE
cette insistance sur les systèmes de 63 A*(. L. oijMa»>f 7C DV PAKtifc' ÜAIIL 1

départage est enfin à mettre en rapport 1


avec le pourcentage, également souvent « . . r-. m. vrtf -KB e?r *
DoUtÉcn 1
mentionné, «des droits d'inscriptions > ^ ^ MO-* tu : -.a 1 ut-r'r*-'- J^j-

redistribués». 1*' 2 500 f :


a*n. 2DCDF
> tSOCF
cf. Illustrations 44 et 45 H *.. «B 1»^. I«

mTM-^m IftOOr 1

'.-t^: ««l.-M.-fc- I

n ^ : *.if*î* .

Avec cette dernière précision du «-i-*jr a-BE

pourcentage reversé s'établit un lien avec 1


le montant de la participation que règle Bulletin CTlIVNCnpIlOr. -..T- *» /TT-T» "C«''Wr .<: * i^t*i.-,»« ÍÍ^.X' '"
> -. ..ir -.-ic 5 «cntor». \yi¥
j
il
ja.mm SOT 11
chacun des compétiteurs. Sous ce taux !. . r * 1

,1- -iT,.-n r.,=,.. .-»»«.- 1 1


mathématique et abstrait, s'exprime un jtUr- i .: '(- -f -
\ \
principe fondateur de ces compétitions _ __ J 1

*** 1 1
collectives. Le pourcentage des droits u«« rMiMt-mn
*.^ a. w«..v.«

reversés participe en effet d'une idéologie Ma.avHU.v.-'

de la redistribution selon laquelle l'argent


avancé par l'ensemble des joueurs doit 44) «Dotmion : plus de 100 ^c des droils
d'inscrip¡ion serom redis¡ribués !»
être réparti aux plus méritants d'entre eux.
Idéalement, le montant de la redistribution

devrait égaler (si ce n'est même dépasser,


mais cela nécessite alors des sponsors
Forum des Halles
particulièrement généreux) la somme
TOURNOI dTcHECS
globale versée par les compétiteurs. Le
Samedi 25 novembre 1 995
point d'exclamation de l'affichette ci-
dessus qui mentionne que «plus de 1(X)% 7 parties de 30 mn - 1 ère ronde à 9 h
des droits d'inscriptions seront
redistribués!» doit ainsi être compris dans
1 -. V
le sens habituel de ce signe de ponctuation
qui marque la surprise et la joie, mais peut
0".
aussi être interprété comme le signe
typographique utilisé dans le langage ^
échiquéen pour signifier un «bon coup».
^1^
Ce principe de redistribution ici Maison des Associations de Paris (N- 3)
'.y.to iet HaMem. lortie Place Oirree U. arar^tSt Galerie '5001 P^^^
sommairement décrit s'avère en fait plus Inscnphont ,2C ^^ iji jtwj 6? ^^) 3 lons-c cj Cavalipr MoIr dp
Ueu4jOn . i. ^ n*b-ifT30-H:.TfctTr': ^c /HFS- lr^.r,-i.-',r. f.ir .il.i-j i Sf "5 ¡F
complexe si l'on observe que, dans la Renseignements; {1 ) 45 07 29 02
plupart des toumois, lesjoueurs les mieux
classés et les plus titrés (maîtres, grand-
maîtres internationaux) se voient imposés
une contribution moindre voire nulle. La

redistribution opère en fait à deux niveaux


: celui de la monnaie et celui du
45) «70 '7c des droi¡s d'inscription reversés»
classement Elo. Schématiquement. le
65

faible joueur n'apporte que de l'argent, le arbitres «indemnisés», l'organisateur ne


fort joueur met en jeu et son argent et son peut être en revanche qu'un bénévole.
classement, le maître n'engage que son Mais comme ce bénévolat s'avère

classement. A l'issue de la compétition, relativement lourd pour ceux qui


argent et classement se trouvent l'accomplissent volontairement et qu'il se
redistribués en fonction des résultats de trouve être indispensable à la vie
chacun. C'est parce qu'ils ne considèrent échiquéenne, il est tacitement admis, mais
que l'aspect financier que certains joueurs jamais écrit ou dit en public, que si un
trouvent néanmoins injuste que les grand- bénéfice est dégagé, ou plus
maîtres soient d'un côté exempts de frais fréquemment un pourcentage
d'inscripdon et encaissent d'un autre côté raisonnable des frais d'inscription
les prix. défalqué, celui-ci revient au club qui
Les joueurs sont cependant conscients organise la manifestation. Autrement dit,
que cet idéal peut rarement être atteint car seule une entité collective du monde des

la préparation d'un toumoi entraîne une échecs et non pas un individu peut
série de frais (réservation de la salle, tirer un relatif profit de ce grand échange
location des jeux et des pendules, envois redistributif qu'est le tournoi d'échecs.
postaux, rémunération des arbitres, frais Les annonces qui ne déterminent pas le
informatique, achat des coupes, etc.) qui pourcentage reversé aux joueurs n'entrent
grèvent plus ou moins lourdement le cependant pas en conflit avec ce principe
budget des organisateurs. Aussi la de redistribution car dans ce demier cas,

mention du pourcentage reversé des le compétiteur potentiel se livre


inscriptions souligne-t-elle cette idéologie ordinairement à une rapide estimation du
de la redistribution tout en la tempérant caractère "honnête" du tournoi en

par la prise en compte d'une certaine comparant le montant global des prix avec
réalité financière. La présentation sous le nombre de joueurs attendus multiplié
forme de pourcentage de cette réalité par le prix d'inscription.
financière accentue d'ailleurs l'idée d'une Si l'inscription à un tournoi d'échecs
redistribution car il est significatif de est une action individuelle effectuée soit à

constater qu'il n'est jamais fait état du l'avance par l'envoi du bulletin
montant des frais déboursés par d'engagement, soit sur place dans les
l'organisateur alors que ceux-ci instants qui précèdent la première ronde,
constituent en fonction des la distribution finale des prix est en
caractéristiques données d'un tournoi une revanche un moment collectif et

somme relativement fixe. cérémoniel. Tout tournoi d'échecs

Au premier plan de cette prise en s'achève en effet par la remise publique et


compte de la réalité économique devrait ostentatoire d'enveloppes et de coupes.
également figurer le fait que Les résultats échiquéens obtenus tout au
l'organisation d'une compétition long de la compétition se trouvent ainsi
échiquéenne représente pour ceux qui en validés par l'ensemble des participants qui
prennent la charge un véritable travail. Or marquent, par leurs applaudissements,
curieusement, l'idéologie échiquéenne l'approbation de cette redistribution
considère comme immoral que le cérémonielle. Certains joueurs préfèrent
promoteur d'un tournoi d'échecs tire un néanmoins dès la demière partie achevée
profit personnel de cette occupation. S'il s'en retoumer immédiatement chez eux.

existe des joueurs «professionnels» ou se rendre aussitôt sur le lieu du tournoi

(récoltant les prix des tournois) ou des suivant ; ils manquent donc à cette
66

cérémonie. Aussi trouve-t-on dans

certaines annonces de tournoi une

prescription qui souligne l'importance de


cette reconnaissance collective.

cf. Illustrations 46 et 47 ArWirc : Mw^ew POVD R

' 3*»7 Í4.t7 JW7 Trm 2M' WOI JM7 J1«T 1

láilt'k
~ -

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45 000 F de prix cu^u»'»


?«*«« üiuoc At n w 1 «I u :

TOIJRAOI au profit Ut
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Par OtAMfIr («->) pTtiKiiMntn

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DE LA FONDATION ~ >m>i:4mf IM lOar- J03F JOSÍ

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des HOPI IAI X de FR.\\CE 1 *ao KI. >'

IV. r
l«ft»^. .:»tvl l««i.. W-.r-r.tJéi-
rrtt »w«**fc^irpirt»«.»T« I

.\%cc kip«Ttu-ip«li<>n Ur :
ííhlílíhSílíklS :
1 * ii.i>tR\TiON fTiA\( \\s\ l>^stt
Si»49J7J«|HJL]
^ IAI «.I F II FM yUWi r nLSL(IIU>
IHfCtt-^IDHS . i(ri..ti.. : »U<. X. fi««i-i» (
S..M Mil ;.» tu» Cl^p.iWV»ri»*rAf n^E.I>BSjUKTJirf1IICAIN

AL NOVOTEL DE BAGNOLET
un (irc , 1 wi vi r a.», im-»iK>i.t *ín mr.vju î \r rr^ 4fh^tt>*r^

SAMEDI 19 NOVEMBRE 1994 A l.^h .^0


-p'I^Dfitfr Mn^l llSf.« JliLLlH

^(lM khtirílpuií « :*«


Ol itJtJ roLSJ<M.kt iLti.n t\(it*iin ^on UCF*<CI['>
' ^K' I «M* ?1 I- fl M*l ri

2000 fau 1er


>*f ..1 I« ÍT ih»i,w n.r|fwr - >ria«« (»«H' ! n->»

I» 'h»'>W»-» in rtr-' "fi-Tli-afa- ini k^Miii^ dr T<»


46^ «Présence oblisaioire pour recevoir un prix»
Inscriptions "0 f. -20 un» : 40 f

rxc. \<.I.MIMS : nircN i^-*i>\f-\r


' 1 1 u t.n H : A I rf ni \n: I m., r>i .i.ki

T¿(épbofie7 46.20.13.14

B«lkt)Od'lnK'npiHii] au hiiir dn Hi'ppiUui df Trnnrr 19-1 t-Vi


*»'0^i pursnv

M>|i'"l

l»MI Ut

47) «les prix ne seront remis qu'aux vainqueurs


présents, le "bénéfice " sera remis iinégralemem
aux hopi¡aux de France»
67

Chapitre II

Les diagrammes échiquéens

S'intéresser à la spécificité des écrits échiquéens amène à prendre également en

considération les symboles typographiques qui servent à figurer sur le papier les pièces

d'échecs. La culture échiquéenne a, en effet, développé un système de signes

conventionnels' auquel il est abondamment recouru. Ces signes typographiques

composés sur un «diagramme» foumissent l'image de l'échiquier et des pièces à un

moment donné de la partie.

Fif^. J un diagramme échiquéen

Quasiment toutes les publications échiquéennes incluent des diagrammes. Les

chroniques des quotidiens ou des hebdomadaires de la grande presse contiennent

également de tels diagrammes. Avec un à deux diagrammes par page en moyenne, les

revues spécialisées en font aussi largement usage.

' La civilisation occidentale contemporaine connaît d'autres systèmes de signes

graphiques conventionnels. Le code de la route est certainement le plus connu et le plus

visible dans l'univers urbain. D'autres expressions de graphismes figés s'observent dans

les logos des marques, les emblèmes des villes, ou pour le domaine ludique les

couleurs des cartes à jouer.


68

1. L'usage des «diagrammes»

Le diagramme est habituellement inséré dans la liste des coups d'une partie. Il

foumit une "photographie" d'un «moment critique» de la partie qui, en l'invitant à

retrouver le coup décisif, place d'une certaine manière le lecteur en position de joueur. Le

diagramme n'apparaît en effet que pour des coups à quelque égard exceptionnels

(sacrifice d'une pièce, mouvement a priori aberrant mais a posteriori prometteur, plan

particulièrement original ou subtil, ...) qu'il faut savoir saisir sur l'instant car réalisée

plus tard dans la partie, la solution se révélera sans effet. Ainsi un article sur le 46e

championnat d'URSS (une des plus fortes si ce n'est la plus forte compétition de

l'époque) relate la partie qu'un «grand maître» L Dorfman disputa contre un nouveau

venu dans la compétidon mondiale, G. Kasparov, qui était à l'époque âgé seulement de

15 ans. La liste des coups de la partie se trouve interrompue par un diagramme

accompagné de ce commentaire :

«Dans cette position Dorfman joua : 18. ... C x c6. 2. Après quoi, s'étant

retiré dans les coulisses, il confia : "je viens de refuser la nullité proposée par

Kasparov. Tant pis si la décision se fait dans un sens ou dans l'autre."».

(Europe-Echecs, février 1979 : 49).

2 Le signe «x» dans «18. ... C x c6» indique que le 18^"!^ coup de Dorfman qui
joue avec les Noirs consiste en une prise du Cavalier sur la case c6.
69

6460 TBILISSI 1978

G. KASPAROV I. DORFMAN

Partie Espagnole
1. e4 e5 2. Cf3 Cc6 3. Fb5 j6 4.
Fa4 Cf6 5. 0 0 Fe7 6. Tel b5 7.
Fb3 d6 8. c3 0 0 9. h3 Fb7 tO. d4
Te8 11. Cb<l2 Ff8 12. a4 h6 13. dS
Cb8 14. e4 c6 15. a Xb5 aXbS 16.
T X a8 F X a8 1 7. d X e6 b4 1 8. Fa4.

m m. iii.i'
^ mt m. m m

Dans cette position Dorfman |Oua ;


18. ... Cxc6.

Après quoi, s'étant retiré dans les


coulisses, il confia : « Je viens de re¬
fuser la nullité proposée par Kasparov.
Tant pis SI la décision se fait dans un
sen', ou dans l'autre. » La suite fut :

19. Cfl DbS 20. g4 Tc8 21. Cg3


Cd8 22. 95 Iixg5 23. C x gS TXc4
24. Fb3 Td4 25. 0*2 Cd7 26. Fe3 Cc5
27. FXd4 eXd4 28. Fd5 Fe7 29. h4
Cde6 30. FXe6 f x e6 31. Dc4 d3 32.
Cxe6 d2 33. Tdl d5 34. exdS Cx
35. De4 Fe5 36. D X c6 + R»»8 37.
Rg2 Df4 38. Dc8 -t- Rh7 39. D x c5
abandonne.

F'ig. 2 Utilisation d'un diagramme échiquéen


dans une partie d'échecs imprimée

L'usage du diagramme a pour effet d'impliquer directement et immédiatement le

lecteur qui n'a besoin ni de recourir à son jeu pour reconstituer la position, ni de faire

l'effort, s'il en a la capacité, de se la représenter mentalement (à «l'aveugle»). Le

diagramme place le joueur-lecteur face à un dilemme : opposé, dans cette position, à ce

petit génie en qui beaucoup voyait un futur champion du monde, aurait-il ou non accepté

la partie nulle ? La suite de la partie indique qu'au 39^"^^ coup, Dorfman s'est vu

contraint d'abandonner. En guise d'épilogue, une autre observation tirée du déroulement

de la partie est proposée à la réfiexion du lecteur : «Peu après le 18^ coup, Dorfman, à

son tour, proposa la nullité et se heurta à un refus». En impliquant le lecteur, le

diagramme décontextualise la partie des joueurs.

A cet emploi "livresque", c'est-à-dire ici collectif, de ces symboles échiquéens

s'ajoute de plus le fait que chaque joueur peut aussi employer des tampons encreurs qui
70

lui permettent de rendre ces diagrammes personnels plus lisibles^ et plus expressif qu'un

quadrillage rempli d'initiales T, P, R, F, C, D.

Conçus initialement pour représenter les pièces d'échecs sur les «diagrammes», les

signes typographiques remplacent même maintenant l'initiale des lettres dans les parties

imprimées avec la notation algébrique.

- VERSAILLES 1995 -

Y. MUREY I. RAUSIS
Partie Anglaise

1. ç4 ç6 2. ^t3 d5 3. e3 Ç^f6 4. i^ a6
5. d4 b5 6. çxd5 çxd5 7. Çie5 e6 8. JLd3
ÎJxJ? 9. f4 JLb? 10. (K) Ae? 1 1. Jt.d2 0-0
12. «f3 b4 13. ibe2 i»4 14. Vh3 f5 15.
Efdl aç8 1 6. JLel «JceS 1 7. fxeS iig5 1 8.
«g3 *b6 19. Çif4 a5 20. h4 Çje4 21 . JLxe4
dxe4 22. Sd2 idS 23. Wh3 Wb5 24. g4
ájca2 25. gxfS 2x15 26. dS A.Ç4 27. ixe6
2fU 28. *h2 JLxd5 29. -î^ Wç4 30. b3
Wa631.tird7ll3732.Wxb71j(b733. *g2
Sçf8 34. 4:166 a8r735.Bç1 h636.Bd7 jLa6
37.i:if4JLxh438.Exf7*xf739.Bç7+JLe7
40. Ag3 Ed1 41 . e6+ *f6 42. «i\5+ *xe6
43. aç6+ *d7 44. Exa6 Jtç5 45. Sxa5 *ç6
46. 2a8 ad3 47. 2ç8+ ét)5 48. Sb8+ *ç6
49. ^g7 2xb3 50. i:f5 SdS 51 . Jte5 *d5
52. JLg7 h5 53. *f2 b3 54. *e2 h4 55. ae8
h3 56. Se5+ 'i/çB 57. Sxe4 2d5 58. Sh4
Exf5 59. Sxh3 Sg5 60. JLç3 ¿t5 61 . *d3
Sd&»- 62. ^2 lb4 63. JLd4 Sg5 64. ^3
Sg265.Sh1 Sd2-i-66.ée4^ç467.£h8b2
68. 2ç8+ ¿t)3 69. .âj(b2 Sxb2

Fig, 3 Partie d'échecs imprimée avec utilisaiion defigurines

Ces signes typographiques constituent enfin un des éléments de reconnaissance et

de marquage d'identité du «monde des échecs» : on les retrouve dans les placards

d'annonces de toumoi. les publicités de société en rapport avec les échecs, les fiéchages

des lieux de réunion...

-^ La diffusion de l'informatique a bien sûr permis d'améliorer la qualité de cette

"impression" domestique.
71

ÉCHECS
L'A.C.L.G. ORGANISE LE
1er TOURNOI DE GISORS
HOMOLOGUÉ I.N.J ES.

DIMANCHE 28 AVRIL 1996


1ère ronde à 9h30
LIEU; SALLE DES FÊTES {près de la Mainei

' rondes de ?C miiutes par joueur.


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4CC0F de pr,x au *.otsl (p-ix par catégories orix jeunes, etc )
Tou-r.ci cOT.plant peur le Grand Prix de l'Eure
S.-iiid'/.'ic-ies & boissons su' place

Rensuignemerr.s Sylvam Renara - Téi: 32 27 23 44

Fig. 4 annonce de tournoi d'échecs

L'usage de ces symboles ne pose actuellement aucun problème aux joueurs.

L'apprentissage technique échiquéen basé en grande partie sur la lecture fait que

n'importe quel joueur d'un certain niveau est capable de "comprendre" un «diagramme»

aussi aisément qu'une position sur l'échiquier^. Ces symboles étant utilisés comme un

outil de communication, il est cohérent que leurs formes subissent peu de variations d'un

éditeur à un autre, comme d'un pays à un autre. A partir de ce constat, on pourrait ne voir

dans ces symboles que des formes conventionnelles ne véhiculant pas d'autre

signification que celles qu'elles dénotent directement. Pour lesjoueurs eux-mêmes, la

De fait, seules les dimensions parfois très réduites du diagramme peuvent limiter
sa compréhension.
72

forme de ces symboles typographiques ne soulève d'ailleurs pas plus d'interrogation que

pour un francophone la correspondance en français de la lettre A et du son [aj. Le cas en

apparence le plus curieux sera simplement explicité par n'importe quel joueur comme un

emprunt au monde anglo-saxon :

«le Fou^ est représenté par la mitre d'un évèque car cette pièce s'appelle en
anglais Bishop»^.

La littérature "indigène" foumit d'ailleurs une confirmation du caractère non

problémadque pour lesjoueurs de ces symboles typographiques car si l'histoire

des figurines échiquéennes (en bois, ivoire, ...) est assez bien documentée, il n'existe en

revanche, à ma connaissance, aucune recherche sur la forme des représentations.

2. L'origine des diagrammes : une hypothèse

Or ces symboles typographiques sont constitués de formes qui, à la différence de

l'alphabet ordinaire, ne sont pas purement abstraites car elles représentent quelque chose

et représentent cette chose d'une certaine manière. Ainsi la pièce du Roi n'est pas

indiquée par l'effigie d'un roi comme cela existe dans certains jeux d'échecs aux pièces

figuratives qui voient s'affronter Louis XIII et Charles I^*" d'Angleterre, ou plus

fréquemment Napoléon et un de ses célèbres adversaires (le Tsar Alexandre I^'', le roi

Ferdinand VIII d'Espagne, le duc de Wellington) '. Ces représentations que l'on retrouve

^ Le nom des pièces d'échecs (Fou, Cavalier, Tour, etc.) se trouve, dans le présent
texte, écrit avec une majuscule de manière à les différencier des termes non échiquéens.

On distinguera ainsi la «Toup> de l'échiquier de la «toup> d'un château.

6 Le caractère conventionnel de ces symboles est implicitement affirmé dans la défl¬

nition suivante donnée par le Dictionnaire des échecs puisque son auteur ne ressent même

pas la nécessité d'expliquer la présence d'une symbolique ecclésiastique pour une pièce

nommée en français «Fou» : «Son symbole typographique est une mitre ou une tête de

bouffon avec bonnet à clochettes et, en notation écrite, il est désigné par la majuscule F»

(Le Lionnais, 1993 : 155). L'usage d'un bouffon pour représenter le Fou a été

définitivement abandonné en France depuis quelques décennies.

^ Sans parler de rencontres an-historiques mettant face à face Napoléon et Henri IV.

(Pour l'histoire des pièces d'échecs, cf. Keats, chessmen for collectors).
73

avec les honneurs des cartes à jouer imprimées" n'ont évidemment pu être retenues pour

les diagrammes échiquéens à cause des dimensions limitées des cases imprimées, des

carrés de quelques millimètres de côté, qui rendraient quasiment irréalisable cette

solution. Une représentation réaliste irait de plus à I'encontre de la pratique des joueurs

qui ont rejeté l'usage des pièces dites «figuradves» au profit des modèles conventionnels

du type Régence, Saint-George ou Staunton^ qui affectent des formes plus abstraites.

Aussi le livre italien intitulé II Dilettevole Giudizioso Giuoco de Scacchi (le jeu d'échecs

charmant et sage) (vers 1730) qui donne à chaque pièce la figuration d'un visage apparaît

à cet égard un exemple unique ; les pièces n'y sont d'ailleurs pas imprimées mais peintes.

Fig. 5 extrait de II Dilettevole Giudizioso Giuoco de Scacchi


(lejeu d'échecs charmant et sage) (vers 1 730)

'^ Dans les jeux de cartes classiques, la distinction visuelle entre Roi, Dame, Valet

repose essentiellement sur un système d'oppositions de quelques attributs du visage


(cheveux, barbe, et accessoirement moustache).

^ Actuellement, seules les pièces Staunton (du nom d'un champion anglais du
milieu du XIX^ siècle) sont utilisées et autorisés en compétition (selon le règlement de la

Fédération Intemationale des Echecs qui s'accorde pleinement aux goûts des joueurs de

compétition).
74

Plus abstraites, les formes typographiques contemporaines n'en restent pas moins

à la différence des systèmes alphabétiques représentatives d'une référence à

laquelle chaque joueur est capable de renvoyer : une couronne sert ainsi à représenter le

Roi. Ces signes s'apparentent donc à des sortes d'idéogrammes figurés.

Or d'autres symboliques auraient tout aussi bien pu être mises en application : le

sceptre royal, la crosse ou la marotte (pour le bishop-fou). le fer à cheval, ... : ou encore,

un signe évoquant le mode de déplacement de la pièce : une étoile à 8 branches pourrait

servir à signifier les 8 directions accessibles à la Dame, une croix de saint-André le

mouvement en diagonale du Fou, une croix grecque le déplacement horizontal ou vertical

de la Tour. ... 11 était également envisageable de recourir à une représentation simplifiée

des pièces utilisées sur l'échiquier :

r, -^

I i > I
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1
K,
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.\j ! A \ I m

- indique une configuration sut laquelle les yeux


du ¡oueuf se sont fixés plusieurs fois

- intJique des configurations s ji 'esquelles les yeux


dJ loueur ne se sort jamais lines

fïg. 6 diagramme extrait de Geetz


75

Bien que l'apparence de la figure 6 puisse sembler "échiquéenne" au profane, ce

diagramme s'avère en fait radicalement étranger au «monde des échecs» '^ : il provient de

fait non pas d'une publication "indigène" mais d'une étude de psychologie cognitive' ' .

Le diagramme suivant, emprunté à un ouvrage de mathématique pour enfants'^,

propose quant à lui des signes qui, par rapport aux symboles échiquéens, inversent

curieusement les attributs du Roi et de la Dame. La tête du Roi se trouve en effet ceinte

d'une couronne qui s'apparente à celle qui symbolise habituellement la Dame, tandis que

la "Reine" porte une croix qui rappelle le symbole de souveraineté christique

caractéristique du Roi échiquéen^^.

Observe m complète.
ABCDE l=GM
es: sur a cast- C,3
^1 ^ B

7 ^m ^M ^m ^ 7

5 _JB__JH__HLJi G

<% ^QjjH JH__HL__I


3

^
i ^m MM ^B ^1 1

A B C D E F G
1

Fig. 7 autre exemple de diagramme d'échecs "hétérodoxe"

'^'11 faut néanmoins mentionner que la revue British Chess Magazine tenta dans les

années 1920 d'imposer une forme typographique imitant la forme des pièces modèle
Staunton. La tentative fut sans lendemain.

' ' Geetz. L'expertise cognitive aux échecs ( 1 996 : 35).


' 2 Remi Brissiaud, Pierre Clerc, André Ouzoulias. J'apprends les maths CP. Retz.
1991.

1 ^ Tout joueur d'échecs "lisant" ce diagramme remarque de plus qu'il représente


une «position impossible» car contraire aux règles du jeu.
76

11 y a donc lieu de chercher à comprendre pourquoi ce sont les symboles

typographiques que nous connaissons qui ont été préférés. Comme l'association du

symbole typographique au nom de la pièce est immédiate pour le joueur (et également

pour le non-joueur dans les cas de la Tour et du Cavalier'"^), l'analyse ne saurait s'arrêter

à cette significadon première et doit donc se reporter sur l'explicitation des significations

véhiculées par la forme iconographique elle-même. Autrement diL l'ensemble images (par

exemple la couronne royale) - significations (le Roi du jeu d'échecs) peut lui-même être

perçu comme le signifié d'une autre signification qu'il s'agit de mettre en lumière. A cette

fin, la recherche de l'origine des symboles typographiques échiquéens apparaît tout à fait

instructive car elle fait ressortir que ces petites images échiquéennes n'ont pas été conçues

ex nihilo ; elles reprennent en particulier des formes issues de l'art héraldique. L'on peut

dès lors se demander si cet emprunt iconographique ne s'est pas effectué sur la base

d'une certaine conformité de pensée entre le blason et la culture échiquéenne. La mise à

jour de cette dimension non consciente du système de symboles échiquéens confirme

alors certains aspects de la pensée échiquéenne. Il apparaîtra que cette analyse au départ

essentiellement iconographique (même si ces images constituent évidemment une sorte

d'alphabet ou plutôt de système idéographique) débouche en définitive sur l'écriture.

La typographie échiquéenne semble en effet, au moins en partie, s'être directement

inspirée de l'héraldique. On sait que cette science des armoiries s'est constituée à partir du

Xll-XllF siècle pour foumir en emblème les familles nobles et bourgeoises. L'écu

constituait ainsi avec son contenu et ses couleurs une sorte de carte d'identité familiale qui

se trouvait largement reprise sur toutes sortes de support. Il n'est pas sans importance

'-^ Rappelons que lesjoueurs d'échecs appellent «Cavalier» une pièce figurée

dans le jeu "réel" comme dans la représentation imprimée par une tête de cheval. Le

fait d'appeler cette pièce «cheval» est considéré comme une faute de vocabulaire dénotant

le non-joueur, c'est-à-dire quelqu'un n'appartenant pas au «monde des échecs». Cette

faute de vocabulaire est d'une certaine manière équivalente (dans son processus cognitif

comme dans sa portée identitaire) à la faute de lecture qui fait prononcer Broglie comme

ce nom s'écrit [brogli] ; le signe (tête-de-cheval) doit se lire, doit se dire «Cavalier».
77

pour notre propos que la présence de couleurs (appelées en blason, les «émaux» et les

«métaux») n'ait en aucune façon limité les madères et les techniques servant à représenter

les armoiries car un système de correspondances entre les huit couleurs reconnues et des

hachures conventionnelles permettait par exemple de représenter l'émail «azur» (la

couleur bleu) sur une pierre taillée ou une plaque gravée par des traits horizontaux. Ceci

facilitait en effet le passage d'une forme peinte (le blason) à une forme imprimée (le signe

échiquéen) par l'intermédiaire des armoiries gravées.

L'idée de blason étant par définition liée à celle de famille (à chaque famille, un écu

spécifique), on pourrait s'étonner de retrouver dans la typographie échiquéenne (de

nature universalisante) des éléments particularisants dérivés de la science héraldique des

blasons'^. De plus, malgré l'importance du jeu d'échecs dans le monde médiéval, ce jeu

n'a, à l'exception près de la Tour'^. pas inspiré la création de «meubles» (c'est-à-dire

d'objets figurés sur l'écu)' '. Aussi n'est-ce pas à proprement parler l'écu ou les meubles

qui ont nourri la symbolique échiquéenne. L'origine de cette symbolique se trouve en fait

dans un des éléments périphériques'^ de l'écu, plus précisément dans le «timbre» qui.

'-'' Ces blasons servaient néanmoins aussi à marquer les liens de dépendance et

d'appartenance.

"^' Le «roc d'échiquier» (équivalent à la Tour modeme) est le seul «meuble» inspiré

du jeu d'échecs. Ce cas sera traité au moment de considérer la représentation de la Tour.

Le fait qu'un élément culturel important ne soit pas ou peu utilisé en héraldique est

relativement fréquent. Michel Pastoureau écrit ainsi : «Le contraste entre l'immense vogue

de la légende de la licome à la fin du Moyen Age et sa rareté dans les ecus souligne, une

fois encore, les faibles infiuences que les traditions religieuses, symboliques et

folkloriques ont exercé sur les armoiries, ou tout du moins sur les armoiries véritablement

portées» (Traité d'héraldique. 1993 : 156).

' "^ Ces meubles, extrêmement divers, appartiennent aux registres animal (du lion au

brochet en passant par les animaux mythologiques), végétal (feuilles, fleurs, fruits),

objectai (épée. cruche, ...). etc.

'^ Comme le précise Michel Pastoureau, ces éléments extérieurs à l'écu sont

longtemps restés «d'un emploi très libre et tout à fait facultatif» (1993 : 205) puisque

seule la composition des couleurs et des meubles déterminent la famille. Variables, ces

éléments extérieurs n'en étaient pas moins très fréquents et il faut remarquer qu'ils furent

un objet privilégié de spéculation.


78

surmontant l'écu, est selon les cas un casque avec son cimier, un heaume, une

couronne, une mitre ou un chapeau. En accord avec la hiérarchie des pièces du jeu

d'échecs, les différents timbres offrent le principe d'une classification aristocratique ainsi

que l'indique la remarque de M. Pastoureau à propos des couronnes :

«Les couronnes dont les artistes ont, dès la fin du XIII^ siècle, parfois

surmonté les ecus constituent on ne sait trop pourquoi un des sujets

préférés de la plupart des manuels de blason. Les auteurs s'attardent à décrire

en long et en large toute une hiérarchie de couronnes correspondant à des

titres ou des fonctions précis, alors que dans la pratique chacun semble avoir

toujours timbré son écu de la couronne de son choix (à l'exclusion, peut-être,

des couronnes royales)." (M. Pastoureau Traité d'héraldique. 1993 : 210).

En comparant systématiquement la typographie échiquéenne à ces dmbres

héraldiques, il apparaît que :

Le Roi est représenté par une couronne royale semblable à celles représentées par

les héraldistes du XVIII^ siècle. On y reconnaît, en général, trois arcs visibles surmontés

d'un monde (un globe'" portant une croix). Bien que l'art héraldique ait, en France,

fortement souffert de la répression qui le frappa en 1790, il faut noter que cette couronne

royale continue néanmoins une carrière en quelque sorte souterraine à travers certaines

images publicitaires de marques souvent étrangères (par exemple Philipp Morris, Tuborg

beer). Perçues sans être véritablement vues, ces images héraldiques utilisent et ravivent

en même temps la signification royale prêtée à cette forme.

L'image publicitaire de la marque Tuborg présente ainsi en gros plan un verre de

bière incliné car en train d'être rempli (mais on peut facilement s'imaginer, à tort, que le

verre est en train d'être bu). La paroi du verre laisse nettement se détacher, sur un fond de

fines bulles blanches, la couronne royale dorée. Située dans le prolongement du verre,

sous la couronne qui occupe pratiquement le centre de la composition photographique,

sont inscrits en majuscules : «foumisseur à la cour royale du Danemark» puis, en

caractères plus grands et plus larges, le nom du brasseur «Tuborg Beer». Deux légendes

' ^ Le globe qui servait aux empereurs romains à symboliser leur souveraineté sur le

monde fut ultérieurement surmonté d'une croix par les princes chrétiens.
79

encadrent la photographie. En haut : «Pour un service royal, l'usage veut que l'on

s'incline» ; en bas, d'une part le logos (la couronne et le nom) et d'autre part, en

caractères peu épais, la prescription légale sur le danger présenté par l'abus d'alcool. La

nature de la boisson qui fait ainsi l'objet de cette réclame n'apparaît textuellement qu'à

travers le mot étranger de "beer" (apparent sur le verre et dans la légende du bas) ; l'image

joue donc essentiellement sur une connaissance du monde qui doit permettre d'identifier

un liquide doré à l'écume blanche. Toute cette composition publicitaire, paru dans Je

Point le 19 Août 1995. est ainsi basée sur l'association d'une forme graphique et de l'idée

de royauté.

Plnur mi; <;i-rvi(i' roy.'i! I'lisaijc \tiiI (juc l'on s'incliTiH

TUBORG
BEER

! '. ' I.' M ; I i' ; , t

Flg. 8 usage d'une couronne royale dans une publicité


80

La figure du Fou, appelé en anglais Bishop^O (c'est-à-dire évèque), constitue une

confirmation éclatante de l'empmnt graphique au système héraldique. Si l'association

dans les pays anglo-saxons du Bishop et de la mitre d'évêque était en effet relativement

"naturelle" vue le nom de la pièce et l'origine même de ce nom^', il reste que la

représentation graphique d'une mitre d'évêque pouvait affecter différentes formes. Or le

symbole typographique échiquéen présente en particulier une paire de «fanons»22 qui

"planent" sous la mitre proprement dite et ce fait apporte un témoignage très direct de

l'influence héraldique ; (dans les représentations "réalistes" d'évêque portant la mitre, les

fanons qui pendent le long du cou sont à peine discemables).

-' Le nom de cette pièce varie de manière significative d'une langue à une autre et

on peut ainsi signaler que l'allemand la dénomme Laiifer (Coureur). Ces divergences de

termes sont au départ dues à des interprétations différentes de la forme de la pièce lors de

l'emprunt du jeu au monde musulman vers le XI^ siècle. Les deux pointes qui servaient

dans les jeux musulmans (non figuratifs) à indiquer les défenses de la pièce appelée

«éléphant» (al fil) furent en effet interprêtées de différentes manières, et en particulier en

France comme un bonnet de fou et en Angleterre comme une mitre à deux pointes

(devenus obligatoire pour les évêques à partir du XI^ siècle). La langue russe conserve

d'ailleurs le nom d'éléphant (sion) pour désigner cette pièce. Par ailleurs, au XV^ siècle,

le Fou vit la portée de ses mouvements considérablement augmentée et la langue

allemande a donc enregistré cette modification avec l'expression «coureup>.

2' Cf. la note précédente pour l'origine du nom Bishop. Il faut cependant

remarquer que. cette interprétation de la pièce musulmane datant du Moyen Age, une

modification de la symbolique du Bishop avait eu jusqu'au XIX^ siècle tout le temps de


s'installer.

L'histoire de la diffusion du modèle typographique anglo-saxon reste à écrire.

Notons simplement ici l'importance pour l'histoire des échecs du champion anglais

Howard Staunton (1810-1874) qui fut en 1851 le premier organisateur d'une compédtion

échiquéenne "modeme" et dont le nom servit à nommer le modèle de pièces aujourd'hui

universellement adopté.

-- Ces fanons servaient autrefois à fixer la mitre sur la tête de l'évêque.


81

Umm : 1. PtorilmiK: '. Ttm: 1 Dt ttmmc irttxiiK. t. En i»!»-!!-


i'ériQut (IT« 1.) ; 5. D érigiM (TII» «.I ; J. D Wgue tl' ) ; " D
du IV» nicle M di noi joutl; 8. De purlurhe (Edile orlbodoiel.
í

Fig. 9 représentation de la mitre épiscopale à travers les âge.s^^

Coiuinif d'éïÔMue : 1. au iu* ilèrip -


2 Au IX» llèrif

Fig. 10 représentation d'évêque.s^'^

Jw^gTraq,
^m^^

'\

Evêque Abbé mit,ré

Fig. 1 1 présence des fanons dans l'héraldique^^

Le cas de la Tour, représentée de manière évidente comme une tour, n'appelle pas a

priori de commentaire sur son éventuelle origine héraldique. On notera cependant que

^^ Extrait de P. Auge, Larousse du XXe siècle. 1928.


24 Extrait de P. Auge. Larousse du XXe siècle. 1928.

2^ Extrait de P. Auge. Larousse du XXe siècle. 1928.


82

quelques ecus médiévaux utilisaient comme meuble une figure appelée «roc d'échiquier»

qui se trouve être l'ancêtre de la Tour ; cette pièce qui apparaît figurée dans les miniatures

des anciens recueils de textes échiquéens comme sur les ecus n'a absolument pas été

reprise dans les notations modemes ; elle n'évoque, il faut le préciser, en rien une Tour

(ni une tour) pour lesjoueurs contemporains.

^ii9l*f /*"* ^f^"""

if" '1.

Fig. 12 «de sable à trois rocs d'échiquier d'argent »^^

Par ailleurs, des constructions défensives constituaient un thème de meuble

fréquent mais leur représentation affectait des formes très diverses. Il existait en revanche

un timbre qui s'appliquait non pas à des personnes mais à des villes et qui était constitué

d'une couronne ornée de tours aux formes similaires à celles de la Tour ; il serait

cependant abusif de chercher absolument à rattacher le symbole typographique de la Tour

avec cette «couronne murale».

26 Extrait de Pastoureau 1996 : 130.


83

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n\ iWitnm- Í tfir Snic» (niunt- l;<f«1i>tir nttr -UTiff
ti jHOtíiuttdlíHrúunftTjim'.lf ^imin ru hriinnir
Dit Vu fttiii; \^V 1 tir jiinritr4ind?i- fois í^f' i (umr jj?
bHiieUiotu *jui«r pjiff iT MWMiiiT. Ct frtur It ruP

J
>

F/g. y.? ¿é- Gieu des eskies, début du XIV^ siècle^'^

Cour. Murale

F/î;. 14 Couronne murale^^

^^ Extrait de Bibliothèque nationale, 1990 : 42.


28 Extrait de P. Auge, Larousse du XXe siècle. 1928.
84

Curieusement, le Cavalier, représenté par une tête de cheval, apparaît à première

vue comme étranger à l'univers héraldique. Il n'existe tout d'abord pas de timbre

reprenant un thème chevalin mais l'art héraldique présente de plus la caractéristique

étonnante, pour l'art d'une époque de chevalerie, d'avoir très peu recouru aux

représentations de chevaux^". Pourtant, deux éléments intrigants viennent néanmoins

renforcer l'hypothèse générale d'une influence de l'héraldique sur la détermination des

formes typographiques.

Un jeu de voyage en ivoire (fabriqué en Chine pour l'exportation au XIX^ siècle)

apporte à cet égard un éclairage nouveau.

Pion Cavalier Fou (bishop) Roi Dame Tour

Fig. J5 Jeu d'échecs de voyage^^

Comte Baron CHevíüer Nouvel anobli


Gentilhomme

Flg, ¡6 heaumes du blason^^

29 Les historiens restent dubitatifs devant la quasi-absence de représentations

chevalines : «On notera également la rareté du cheval tant dans les armoiries médiévales

que dans les armoiries modemes. Il y a là un phénomène inexpliqué qui demanderait à

être étudié. Peut-être le cheval a-t-il été desservi par son faible contenu symbolique et par

la difficulté à l'utilisercomme figure parlante ? A moins que sa présence dans les sceaux

équestres ait freiné son emploi dans les ecus ? " (Pastoureau, 1993 : 147-8). Dans les

rares fois où un cheval apparaît en meuble, celui-ci est généralement représenté entier

(alors qu'aux échecs, seule la tête est figurée).

^0 Extrait de Jeux d'échecs, objets d'art, 1 989 : 47.


^ ' Extrait de P. Auge, Larousse du XXe siècle. 1 928.
85

Les jeux de voyage anciens étaient généralement constitués de jetons plats et ronds

sur lesquels était figuré le symbole de la pièce. Or le jeu en question propose trois

variations extrêmement intéressantes : un globe cerclé surmonté d'une croix maltaise

désigne la Dame, un plan de fortification à la Vauban la Tour, et un heaume de chevalier

le Cavalier. Les symboles de la Tour et de la Dame confirment tout d'abord le fait que

l'héraldique traditionnelle ne proposait pas de concordance parfaite pour ces deux pièces

mais il faut noter que si la Tour est symbolisée par la forme modeme d'un fortin, la Dame

reprend quant à elle le signe traditionnel du «monde» qui symbolise la souveraineté.

Enfin c'est à nouveau à un timbre qu'il est recouru pour représenter le Cavalier !

Cette prégnance du modèle héraldique incite à reconsidérer avec plus d'attention la

figure plus classique du Cavalier sous forme d'une tête de cheval dans les diagrammes

échiquéens. Or il apparaît à l'examen qu'une curieuse convention typographique oriente

systématiquement la tête du cheval vers le côté gauche du diagramme. Cette orientation

n'est peut-être pas étrangère au blason car elle correspond à la disposition normale des

figures dans les armoiries pour lesquelles «Le côté dextre correspond à la gauche du

spectateur, le côté senestre à son côté droit. Dextre et chef sont places d'honneur»

(Meurgey de Tupigny). Aussi les animaux des armoiries se trouvent-ils, dans un but

mélioratif. tournés «à dextre» ce qui est justement et systématiquement le cas du

Cavalier-^2 aux échecs.

^- On remarquera qu'en revanche dans le diagramme de Geetz (cf. figure 6), donné

plus haut, les deux Cavaliers blanc et noir se regardent mutuellement. Dans les parties

"réelles" sur l'échiquier, il est d'ailleurs fréquent que lesjoueurs toument leurs Cavaliers

ainsi, de manière à menacer "symboliquement" les pièces adverses.


86

Licorne

Fig. 1 7 licorne en meuble ^^

Fig. 1 8 armoiries animalières ^'^

En conclusion, l'héraldique semble donc avoir constitué un réservoir graphique où

il était loisible de puiser soit des images (la couronne royale, la mitre d'évêque, le heaume

de chevalier, éventuellement la tour), soit des principes (l'orientation à dextre du

Cavalier). Comme d'autres symboliques graphiques auraient pu être empruntées, ou

inventées, il n'est pas sans intérêt de constater que l'art du blason présentait, de fait, trois

caractéristiques qui entrent en congruence étroite avec le jeu d'échecs.

^^ Extrait de P. Auge. Larousse du XXe siècle. 1928.


^4 Extrait de Pastoureau 1996 : 63.
87

L'héraldique est tout d'abord considéré comme une marque aristocratique et

correspond en cela à l'image du jeu d'échecs comme jeu noble (cf. la formule «jeu des

rois, roi des jeux»). Les échecs comme le blason parlent de rangs, de titres et sont

considérés comme une marque de ceux qui portent un rang, un titre. Que la réalité sociale

soit, pour la possession d'armoiries comme pour la pratique du jeu d'échecs, fort

éloignée de cette représentation-^^ importe ici peu.

Les symboles que l'héraldique proposait ensuite pour ces titres ont la particularité

d'être des couvre-chefs (les couronnes du Roi et de la Dame, la mitre). Dans cet esprit, il

faut de plus remarquer que les créneaux de la Tour dessinent eux-mêmes une forme de

couronne. Le Cavalier est quant à lui représenté par la partie supérieure d'un cheval (sa

tête et son cou)^^. Tous ces graphismes concourent donc à illustrer l'idée (largement

développée par ailleurs) selon laquelle le jeu d'échecs appartient à la sphère intellectuelle.

Il faut noter, enfin, une conformité fondamentale de nature entre l'image héraldique

et l'image échiquéenne. Les remarques que Pastoureau formule sur le blason sont ainsi

directement transférables aux représentations échiquéennes :

"Enfin et surtout, l'armoirie est une image fortement conceptuelle. Hle

fonctionne sur tout support et hors de tout support. [...J l'armoirie peut

exister sans avoir besoin d'être représentée. C'est même là sa plus grande

originalité. A la limite, on peut dire que l'armoirie est une image matérielle.

Au reste, plusieurs milliers d'armoiries médiévales ne nous sont pas connues

par des représentations «en images», mais simplement par la description

^^ On sait ainsi que «le célèbre armoriai de Charles d'Hozier [qui date de 1696|

offre une réunion de 100.000 blasons familiaux, dans la proportion de 30% pour la

noblesse et 70 pour la bourgeoisie». (Meurgey de Tupigny). Mais il n'en est pas moins

certain qu'au niveau des représentations les blasons ont toujours été rapportés à la

noblesse. C'est ainsi que la Révolution française voyant «dans les armoiries des

"marques de noblesse" et des "signes de féodalité" (...] en décréta l'abolition le 19 juin

1790» (Pastoureau. 1993 : 1 1 ).

De manière peut-être plus forte encore, le jeu d'échecs s'est, depuis longtemps,

diffusé en dehors de l'aristocratie qui avait dans les romans médiévaux le

monopole de ce jeu.

-^'^ Des représentations médiévales schématisent en revanche le Cavalier avec le

dessin simplifié d'un cheval sans pattes (autrement dit une tête et un corps).
88

blasonnée qu'en donnent des armoriaux ou des textes littéraires et narratifs.

Cette description est l'armoirie. Elle est à la fois l'énoncé de la structure et de

la composition de l'image, et l'image elle-même. Ainsi la suite de mots d'or

au lion de sable, qui constitue l'armoirie du comte de Flandre, est-elle déjà

une image à part entière : un champ jaune sur lequel est posé un lion noir. Elle

n'a aucunement besoin d'être peinte, dessinée ou gravée pour devenir une

image véritable. Elle l'est déjà conceptuellement et structuralement."

(Pastoureau, 1993 : 3 15 et 318).

Le diagramme échiquéen fonctionne de ce point de vue exactement comme une

armoirie puisque la description, verbale ou écrite, de la position des pièces (selon une

formalisation tout aussi stricte que celle donnée lorsqu'on blasonne un écu) est par nature

équivalente à la représentadon imprimée du diagramme. Celui-ci n'est en rien nécessaire.

De même que les armoiries du Normand d'Etiolés se disent, indépendamment de toute

réalisation graphique : «écartelé de gueules et d'or à quatre rocs d'échiquier de l'un en

l'autre, et sur le tout d'azur à une fleur de lis d'or» ^7 [g description d'une position

«Blancs : Rhl, Ta8 : Noirs : Rd4» (qui se prononce «Roi blanc en hl , Tour blanche en

a8. Roi noir en d4») n'est en rien moins complète, moins significative que le dessin du

diagramme correspondant.

Fig. 19 «écartelé de gueules et d'or à quaîre rocs d'échiquier de l'un en l'autre,

et sur le tout d'azur à une fleur de lis d'or»

-^^ cf Mai gne. Abrégé méthodique de la science des armoiries. 1885, réédition 1991
151.
89

w w w F"

'^ tí

t * q I*

Fig. 20 «Blancs : Rhl, Ta8 : Noirs : Rd4»

Il n'est pas plus pertinent dans la lecture d'un diagramme de considérer que la

couronne est surmontée d'une croix latine ou maltaise, que le cheval porte ou non

crinière, etc., que de s'attacher aux petites variations de formes que l'artiste héraldiste

impose aux meubles. Seul compte le fait de pouvoir identifier une idée abstraite et

précise. Pourtant, les signes typographiques échiquéens n'en restent pas moins contraints

autour de formes basiques issues principalement de l'héraldique et ce n'est pas le moindre

des paradoxes qu'un système qui n'avait pas un besoin absolu de signes graphiques ait

emprunté certaines de ses formes graphiques à un système qui n'en avait pas non plus

besoin...
90

Chapitre III

L'écriture des coups*

1. Comment louer aux échecs avec un mort ?

Parmi les histoires ou anecdotes que lesjoueurs d'échecs connaissent par lecture ou

par ouï-dire, il en est certaines qui semblent, à proprement parler, extraordinaires.

L'auteur de l'une d'entre elles, pâme dans le célèbre British Chess Magazine^ en 1925,

raconte ainsi comment il a éprouvé, à l'aide du jeu d'échecs, les capacités de clairvoyance

d'un médium:

Je lui demandai d'essayer déjouer une partie sans voir l'échiquier ; mais à la

différence du jeu dit «à l'aveugle» je ne devais pas lui dire les coups que je
faisais. Il s'assit à l'écart derrière un rideau l...] (tpm, British... 1986 : 23) 2.

Une partie de ce chapitre a donné lieu à la rédaction d'un article intitulé "L'espace écrit
des joueurs d'échecs" (pam in D. Fabre (sous la dir. de) 1997 : 219-239).

' Parmi les différentes revues échiquéennes, le British Chess Magazine fait preuve d'une
longévité exceptionnelle puisque cette revue, fondée en 1881, existe toujours. Le
récit qui va suivre témoigne par son histoire éditoriale de l'intérêt qu'il suscite pour
la culture échiquéenne. Cet article signé par le Major C. C. Colley est pam dans le

numéro d'octobre 1925 avec une introduction qui précise qu'il a été repris du vol.

IV, n°l, April 1925 du Quaterly Transactions of the British Collège of Psychic
Science (je n 'ai pas pu vérifier l 'existence de cet article initial). Mais cet article attire

toujours l'attention des joueurs contemporains car il a été reproduit dans une petite

anthologie de textes du British Chess Magazine qui a été imprimée en 1986. (C'est
ce demier locus que j'utilise comme référence).

2 Comme ce chapitre conceme des notions peu évidentes et met perpétuellement enjeu
des abréviations, un certain nombre de citations dont le texte original est en anglais
ou en allemand se trouvent traduites en français. Le sigle "tpm" (c'est-à-dire, traduit
par moi) signale ces traductions.
91

Dans ces conditions extrêmes qu'aucun joueur ordinaire, fût-il champion du

monde, ne pourrait assumer, le médium foumit une brillante démonstration de ses

facultés en poursuivant pendant plus de 50 coups cette partie qui pour une raison

extérieure se trouva suspendue. Comme le médium vint à mourir peu de temps après,

la partie resta donc inachevée. L'histoire, déjà fort surprenante, se poursuit en relatant

qu'en 1913 (la partie n'est elle-même l'objet d'aucune datation) parvint une lettre qui

transmet à l'auteur un message reçu à son intention lors d'une réunion de spiritisme. Le

texte en est énigmatique puisqu'il ne comprend que ces 4 signes : «TR x C».

Sibyllin, ce message n'en est pas moins porteur d'un sens que l'auteur, en tant que

joueur d'échecs, décrypte aussitôt comme «la Tour du Roi prend le Cavalier» et ce coup

s'avère être, en référence aux notes conservées sur la partie inachevée, une nouvelle

réplique du médium. 11 s'agit même d'un «bon coup» ^. Restant dans l'espoir de pouvoir

poursuivre cette partie si singulière, le narrateur conclut en remarquant :

«Je n'ai pas besoin de dire que le message était dépourvu de signification

pour quiconque excepté pour moi.» (tpm, British... 1986 : 23).

Réel ou inventé, ce récit est porteur de deux enseignements essentiels pour la

culture échiquéenne. 11 montre, en premier lieu, que l'écriture préserve de l'oubli les

^ Bien que l'histoire ne donne ni la partie, ni la position atteinte à l'arrêt du jeu, on peut

remarquer néanmoins que ce coup «TR x C» évoque dans sa formulation un

«sacrifice de qualité» car la Tour qui possède ordinairement une valeur

supérieure à celle du Cavalier doit très probablement être reprise. Ce coup

suggère donc que le médium perd du «matériel» ce qui est normalement

défavorable. Mais dans certaines positions, un tel «sacrifice de qualité» pour

surprenant qu'il puisse paraître peut, à l'analyse, se révéler prometteur et c'est ce

que semble suggérer la remarque de l'auteur sur la valeur de ce coup.

Le coup indiqué par l'auteur de l'article ou, si l'on préfère, le coup transmis par le

médium décédé possède donc une puissance évocatrice qui concourt au succès de

cette histoire auprès d'un public averti qui non seulement y reconnaît une forme

échiquéenne mais s'imagine en plus le type de mannuvre auquel ce coup peut

correspondre. En bref, le lecteur, s'il est bon joueur d'échecs, est invité à prendre

la place du médium dans cette reconstitution à l'aveugle d'une position inconnue.


92

parties du passé car le joueur conserve une trace écrite des parties qu'il a disputées.

L'intérêt d'une telle démarche pour le développement d'une science échiquéenne est

évident. A l'enregistrement des parties se marie, en second lieu, l'idée que la notation des

coups est un moyen de communication universel dans la mesure où elle ouvre la

possibilité déjouer ou de commenter une partie sans la présence simultanée des deux

adversaires. Les parties «par correspondance» opposent ainsi des personnes éloignées

qui ne se connaissent souvent pas de vue. Sans aller enfin jusqu'à considérer que ce

moyen de communication dépasse les limites humaines de la vie sur Terre en permettant

de poursuivre des parties avec l'au-delà '*, il est certain que les notations échiquéennes

transcendent les frontières linguistiques puisque les joueurs achètent et utilisent

fréquemment des ouvrages publiés dans des pays dont ils ignorent la langue.

2. Pour une étude des systèmes de notation échiquéens

Système de communication universel, outil de connaissance scientifique, la notation

des coups aux échecs ne répond donc pas aux caractéristiques classiques d'un objet

anthropologique. L'extrême simplicité de l'espace échiquéen, un carré de 8 x 8 cases.

Il existe aussi d'autres histoires, du même genre mais inversées, où une série de
questions posées à un grand joueur défunt par l'intermédiaire d'un soi-disant

voyant permet d'établir le charlatanisme de ce demier. Si le spirite est en effet

capable de foumir une réponse aux questions anodines tout d'abord posées («By

the way, Mr. Hammond, do you play chess up there?» «Frequentiy, Mr. Stone»

(...] «Now that you know all about chess, may I ask you kindly to relieve my mind

of a harassing uncertainty?» «Certainly, Mr. Stone, I will answer you with the

greatest pleasure, sir.»), il se trouve par contre bmtalement démasqué lorsqu'on

pose à l'esprit dont il se fait l'interprète une question précise («Well, George, old

boy! Who was right you or me? What IS [sic] White's best ninth move in the

Evans Gambit?»). II faut en effet être particulièrement ignorant des ouvertures

échiquéennes pour ignorer «the famous New Englander's well-known dictum :

White 9 N-B3». (Attribué ultérieurement au grand-maître Reuben Fine, cet

apologue fut écrit par Franklin K. Young ; il est reproduit dans Reinfeld 1951 : 30-
33).
93

semble de plus confirmer l'absence de toute problématique possible sur ce sujet. La

notation des coups, autrement dit la description du mouvement des pièces sur l'échiquier,

n'offrirait a/7nV>n que l'illustration du principe d'économie qui réduit le mot "Cavalier" à

son initiale.

Les faits ne s'accordent cependant pas avec ces hypothèses car le jeu d'échecs

déploie sur le sujet de la notation des coups une diversité qui induit à en vérifier les

possibles déterminants culturels. La «notation algébrique», devenue aujourd'hui

universelle, a en effet longtemps coexisté avec d'autres systèmes dont les plus notoires

sont la «descriptive» et r«italienne» -''. Le point capital est donc ici de déterminer si ces

divers systèmes sont constmits selon une même stmcture (comme dans le cas irréaliste de

deux langues qui partageraient une même grammaire et ne se distingueraient que par les

éléments de leur lexique dont chacun trouverait cependant un répondant sémantiquement

identique dans l'autre langue) ou s'ils mettent en jeu des principes radicalement

divergents.

Sans s'attacher déjà aux détails des différents systèmes, un argument de poids en

faveur d'une réelle hétérogénéité est foumi par les commentaires en forme de rejet que les

partisans de ces systèmes ont posés sur les notations concurrentes. Si au XIX^ siècle tel

amateur de la «descriptive» considère r«italienne» ^ comme une «notation intolérable»

(Hooper 1988 : 227), tel autre joueur du XX^ siècle, adepte de r«algébrique», verra

quant à lui dans la «descriptive» la «notation contre nature de l'ancien temps» {British...

1986 : 85). L'algébrique elle-même ne s'imposera pas sans mal vers 1930 en France

On trouvera dans les différents dictionnaires d'échecs une entrée "notation" qui enumere
les principaux systèmes. L'excellent Oxford Companion to Chess de Hooper et

Whyld précise de plus les composantes essentielles de tout système de notation.

^ La notation italienne a comme particularité essentielle de numéroter les cases de 1 à 64.

Son nom vient de ce qu'elle fut utilisée (mais pas exclusivement) par des auteurs
italiens.
94

et vers 1980 en Angleterre car certains la jugeaient trop «formelle» et pas assez

«intelligible» au joueur ordinaire (finr/.v/z... 1986: 101)^.

Italienne, descriptive ou algébrique, une notation échiquéenne doit être capable de

représenter par des signes l'espace de l'échiquier. Des psychologues de l'enfance, des

historiens de l'art ou des historiens de l'Antiquité (Piaget, Francastel, Vemant, ...) nous

ayant convaincus pour leur domaine d'étude que l'espace ne peut être réduit à une

expérience des sens car il résulte avant tout d'une constmction de la pensée, il semble

intéressant de vérifier l'application de cette conclusion aux conceptions spatiales de la

science échiquéenne. Bien que n'appartenant pas au champ scientifique officiel, le jeu

d'échecs possède en effet un corps de connaissance rationnellement organisé dans des

sommes livresques, mis à jour dans les revues spécialisées, systématiquement éprouvé

lors de ces expériences de laboratoire que sont les matches et les toumois. Aussi peut-on

partager l'opinion des joueurs de compétition qui estiment que leur jeu possède non

seulement les caractéristiques d'un «combat» mais aussi les traits distinctifs d'une

«science» ^.

^ On remarquera que ces deux demières citations sont extraites d'une anthologie pâme en
1986 alors que les joueurs anglais venaient tout juste d'adopter la notation

algébrique. Le choix de reproduire cette discussion ancienne n'était peut-être donc

pas démunie de toute considération presentiste.

^ L'idée du jeu d'échecs comme science absolument, il faudrait mieux dire "comme

objet de science" ne peut être formulée sans mentionner Philidor (1726-1795)

dont la stature échiquéenne domine de très loin celles de ses contemporains du

XVIIIe siècle et qui fut l'auteur d'une Analyze des échecs (1749), véritable succès

d'édition échiquéenne. Comme le remarque Jean Biou dans son article sur "la

révolution philidorienne", par le terme d'«analyze», «Philidor désire marquer ainsi

d'entrée que ce qui était considéré jusqu'alors comme jeu. noble certes, voire royal,

relevant essentiellement de l'intuition ou de l'imagination méritait le statut de

science et constituait un système rationnel dont il foumit le premier les lois

essentielles.» (Biou 1976 : 64). Philidor termine d'ailleurs sa préface de l'édition de

1777 parces mots : «je crois avoir perfectionné la théorie d'un jeu que beaucoup

d'auteurs célèbres, tels que Leibniz, etc., traitent de science.» (cité par Biou 1976 :

66). Coïncidence de date et de vocabulaire (notée par Biou), V Introduction ù

l'analyse mathématique d'Euler était parue en 1748.


95

L'étude des modalités d'inscription des coups d'échecs présente au titre d'une

épistémologie des sciences une valeur exemplaire dans la mesure où elle conceme un

espace élémentaire dont la perception n'est médiatisée par aucun instrument

d'observation. S'il ressort de cette analyse que noter un coup nécessite en fait de penser

l'espace, qu'il n'existe pas une manière naturelle de conceptualiser scientifiquement la

spatialité et qu'on ne peut donc pas parler d'une simple transcription du réel sur le papier,

le cas échiquéen apparaîtra comme un jalon dans le projet de «sociologie des sciences»

que Dominique Vinck a formulé de la manière suivante :

«La pensée scientifique doit être étudiée également à partir des langages, des

symbolismes. des alphabets de signes, des systèmes de notation et des

modèles de perception créés et utilisés dans les sciences, les mathématiques et

les techniques.» ( 1995 : 190).

A cette fin, la première partie de ce chapitre présentera l'abondante littérature

échiquéenne en la mettant en rapport avec son histoire et proposera une analyse détaillée

de l'obligation d'écriture qui caractérise le jeu de compétition.


%

Des règles du ieu à la «littérature échiquéenne»

Un bref rappel des règles du jeu d'échecs permettra de comprendre concrètement

que le problème que doit résoudre la notation des coups n'est pas excessivement

complexe. Dans ce jeu, deux joueurs font évoluer leurs pièces sur un échiquier de 64

cases dont chacune contient au plus une seule pièce. Les deux camps (nommément les

Blancs et les Noirs) disposent de 6 types de pièces (le Roi. la Dame, la Tour, le Fou. le

Cavalier et le Pion) qui se distinguent par leur mode spécifique de déplacement (le long

des colonnes, des diagonales, etc.). A l'expérience, il apparaît qu'une légère difficulté

réside cependant dans le fait qu'il existe plusieurs pièces de même nature et en particulier

8 pions dans chaque camp : tout système de notation des coups est donc confronté au

problème de ne pas créer d'incertitude quant à la figure se déplaçant. Les joueurs

effectuent, l'un après l'autre, leurs coups en ne déplaçant à chaque fois qu'une seule

pièce '^. Lors de la capture d'une pièce adverse, la pièce qui prend occupe la case de la

pièce prise ' ". Enfin, le but du jeu est de prendre ou plus exactement de mettre «échec et

mat» le Roi adverse.

Cette rapide évocation des règles du jeu d'échecs resterait pour notre sujet

incomplète s'il n'était fait mention de la révolution que celles-ci connurent en Europe à la

fin du XV^ siècle. Le Fou et surtout la Dame bénéficièrent en effet à cette époque d'un

accroissement considérable de leur capacité de déplacement ' '. Or cette transformation

'^ La seule exception conceme, dans le jeu actuel, le mouvement du «roque» qui consiste
en un déplacement simultané de la Tour et du Roi. Chaque camp ne peut roquer

qu'une seule fois dans la partie.

'" Excepté dans la «prise en passant», mouvement relativement rare où le pion prend un
pion adverse (qui vient de se porter en avant de deux cases) comme si ce demier

n'avaitavancé que d'une case.

' ' Certains auteurs ont avancé d'hypothétiques raisons à ces modifications : le rôle de

certaines femmes célèbres de l'époque (Caterina Sforza...) a ainsi été mis en avant
97

modifia profondément l'équilibre du jeu car si l'ancienne manière connaissait, de par la

lenteur de ses pièces, un long préambule avant que les camps entrent en contact, le

nouveau jeu, appelé à son origine du nom évocateur d'«échec de la reine enragée», plaçait

lesjoueurs en face de problèmes tactiques immédiats. Des menaces de mat pouvaient

même être échafaudées dès les tout premiers coups ainsi que le réalisa l'auteur du Jeu des

Esches de la Dame, moralisé, un des premiers manuscrits à attester de la forme modeme

du jeu d'échecs :

«après la descouerte du pyon, la dame par la garde du fol au quatriesme cop

matte le roy usques en son siège.» (cité in Murray 1913 : 780).

Si cette manruvre appelée de nos jours «coup du berger» ' ~ fait, de par son aspect

primesautier, sourire tout joueur de compétition, il n'en reste pas moins que cet

pour expliquer l'accroissement de puissance de la Dame (Colby 1953),

l'importance militaire de l'artillerie (Keene 1990 : 24-33) ou encore les Grandes

Découvertes, la Renaissance et sa représentation des lignes droites..., pour rendre

compte de l'action à longue portée du Fou et de la Dame (cf. Murray 1913 : 778-9)

L'historien Richard Eales ( 1985) a fait justice de ces hypothèses qui ne reposent sur

aucun commencement de preuves car les premiers documents à attester l'existence

du nouveau jeu ne foumissent aucun élément sur son origine tant géographique

qu'historique.

Aussi me permettrai-je juste de faire remarquer que les nouvelles règles de déplacement

du Fou et de la Dame (qui, comme le remarque Eales, semblent avoir été

concomitantes) ne faisaient, d'un point de vue interne au jeu, qu'exploiter les

diagonales que matérialisaient les échiquiers européens depuis qu'ils étaient


devenus, au Xl^ siècle, bicolores.

'2 En notation algébrique, la manvuvre consiste en ces coups : 1. e4, ... 2. Fc4, ... 3.

Df3, ... 4. Dxf7 mat. Bien que le fondement de cette appellation de «mat du

berger» suscite la curiosité de tout nouveau joueur, il reste, à ma connaissance,

ignoré de tous. Dans son essai autobiographique sur les échecs, Francis Szpiner se

fait l'écho de cette lacune étymologique en l'agrémentant au passage d'un

commentaire saignant : «Je n'ai jamais pu connaître l'origine de ce nom et

comprendre pourquoi on dénonçait le malheureux berger, si ce n'est que

l'adversaire se fait égorger comme un agneau.» (Szpiner 1990 : 24-25). Une

justification curieuse se trouve dans le médiocre manuel de Gaston Beudin (1974 :

203) qui utilise l'expression «échec au berger» queje n'ai jamais entendue ni lue
98

affrontement sur-le-champ des deux camps inaugura la problématique de r«ouverture»

que tout débutant redécouvre lorsqu'il s'inquiète de savoir quel est le meilleur coup pour

débuter la partie. Faute de pouvoir dégager le meilleur coup (qui aurait d'ailleurs signifié

à terme la fin du jeu d'échecs), les joueurs commencèrent à répertorier ceux que

l'expérience ne mettait pas en défaut. Cette problématique des «ouvertures» se déployant

dans le cadre d'une civilisation connaissant l'écriture et l'imprimerie, celles-ci furent

graduellement mises à contribution '-^. En se constituant en champ autonome '"*, la

science échiquéenne accmt sa connaissance de manière prodigieuse ' -"'.

ailleurs : le «berger» serait le pion (f2 ou f7) qui protège son roi et l'expression

«mat du bergep> pourrait donc être glosée par 'le mat subi par la prise du pion qui

veille à la sécurité du Roi' ; il semble difficile d'adhérer à cette interprétation qui

s'avère en particulier inapplicable à l'expression tout aussi usitée de «coup du

berger» qui place nécessairement le berger dans une position active.

Aussi, pour comprendre cette expression, faut-il peut-être orienter l'analyse vers la

signification culturelle qui est portée par l'éponyme de ce coup célèbre. La phrase

synthétique par laquelle Daniel Fabre a résumé ses travaux sur le rapport (réel et

imaginaire) des bergers à l'écriture est pour notre sujet particulièrement évocatrice

car elle met en évidence une ambivalence qui est peut-être constitutive dans

l'appellation de ce mat. La «figure [du berger|, écrit-il, est faite de cette dualité :

entre oral et écrit, entre idéogramme et alphabet, entre populaire et savant» (1993 :

264). Or le «coup du berger» occupe justement cette position intermédiaire dans la

technique échiquéenne : d'un côté, c'est la man la plus élaborée, la plus

"savante", qu'un joueur puisse inventer de lui-même ; d'un autre côté, le procédé

est si naïf que les manuels d'ouvertures ne le mentionnent même pas. La traduction

anglaise de «coup du berger» conforte d'ailleurs cette hypothèse car il faut entendre

dans «scholar's mate» (l'expression date au moins de 1640. cf. Murray 1913 : 832)

non pas le mat de l'émdit, mais le mat de l'écolier (scholar provient de l'ancien

français escoler), autre figure évoluant entre savoir et non-savoir. (Avec «das

Schafermatt», la langue allemande dispose d'une locution identique au français).

' ^ De fait, l'écriture servait déjà dans la civilisation musulmane à transcrire certaines

positions du jeu d'échecs au IX^ siècle. Il faut néanmoins voir dans la

transformation de la règle au XV^ siècle, l'origine d'une véritable révolution dans

l'usage échiquéen de l'écriture.

Cette diffusion du savoir livresque répondait, dans la société échiquéenne. à deux intérêts

complémentaires : les faibles joueurs y trouvaient des conseils ; les forts joueurs
99

Pour prendre la mesure de cette «littérature échiquéenne», il faut entrouvrir un de ces

livres «théoriques» qui constituent la base de toute bibliothèque de joueur. Une bible de

référence comme le Batsford Chess Openings présente ainsi (dans la deuxième édition qui

date de 1989), en 4(X3 pages d'une typographie fine et serrée, les principales lignes

d'ouvertures exemplifiées par les premiers coups de plus de 10 (XX) parties. La mise en

page de ces coups qui imbrique les parties les unes dans les autres fait clairement ressortir

le caractère d'intertextualité de cette «littérature».

gagnaient de l'argent (ou de l'honneur) contre la divulgation de certaines

connaissances. La diffusion de la littérature échiquéenne n'est donc pas

indépendante d'une technologie de large diffusion. Aussi les premiers livres

d'échecs furent-ils manuscrits et donc réservés à l'usage exclusif des patrons pour

qui ils furent rédigés.

Le point important est que le jeu commença à changer de nature à partir du moment où il

devint objet d'écriture : un savoir cumulatif s'est graduellement mis en place qui

permit finalement l'émergence de joueurs dominant ce savoir (et aussi le

produisant). Ceux-ci ont dès lors constitué une sorte de groupe social qui sert de

référence à ceux qui sont au contact de cette littérature mais la maîtrisent moins
bien.

'"^ Dans son étude sur Isaac Newton, Verlet note que l'autonomie des divers champs du

savoir au XVIIF siècle a permis leur développement. Il faut remarquer qu'aux

échecs, l'autonomie est d'une certaine manière totale, absolue, puisque les

connaissances échiquéennes s'accroissent en totale indépendance des autres

disciplines scientifiques. Ce n'est que depuis quelques années que l'informatique

apporte une contribution notable au savoir échiquéen. en particulier dans le domaine

des finales : inversement, il ne semble guère possible de réinvestir par ailleurs les

acquis échiquéens. En comparaison, l'autonomie des sciences "officielles" s'avère

plus relative puisque l'anthropologie par exemple s'arc-boute en partie sur

l'histoire, la sociologie, la linguistique, la psychologie...

'-^ Les succès qu'enregistrent encore en 1996 les meilleurs joueurs mondiaux en face de

machines qui en quelques secondes "calculent" plus de coups qu'un champion

professionnel en une vie entière, constituent une preuve incontestable de la qualité


du savoir ainsi accumulé.
100

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124

extrait d'un ouvrage théorique

(Batsford Chess Openings, 1989 : 124)


101

Dans les livres mais aussi dans l'esprit des joueurs en train déjouer, toute partie

renvoie à d'autres parties qui ont débuté de la même façon, qui ont connu telle manbuvre

similaire, qui se sont achevées d'une manière équivalente...

L'étude que chaque joueur fait de ce genre d'ouvrages ne s'effectue pas

nécessairement à l'aide d'un échiquier. Il arrive ainsi qu'un joueur découvre à l'occasion

d'une partie «officielle» la "réalité" des coups dont il avait appris précédemment la liste

'^ C'est le texte écrit qui nourrit cette mémoire de joueur d'échecs que le profane tient

généralement pour prodigieuse '"'. La nécessité d'une bonne mémorisation se trouve de

' ^' On remarquera que l 'apprentissage des ouvertures s'appuie davantage sur la "liste" des

coups (autrement dit. sur une suite dynamique) que sur les "tableaux" de l'échiquier

à différents moments, ce qui, du point de la charge mémorielle, s'avère évidemment

beaucoup plus économique. Mais l'activation de cette mémoire s'accompagne

néanmoins d'une certaine reconstitution mentale de l'échiquier (comme lors d'une

partie à l'aveugle).

'^ L'importance de la mémorisation subit des variations très importantes d'un joueur de

compétition à l'autre. Mais même relativement "peu" développée, cette faculté est

toujours présente et tire sa force de l'écriture.

Les deux chapitres consacrés à la mémoire de «l'expert en échecs» dans l'expertise

cognitive aux échecs d'Isaac Getz (1996) n'apportent que peu d'éléments à la

perspective ici développée car ils reposent sur des expériences décontextualisées qui

laissent à peine soupçonner l 'existence de la littérature échiquéenne.

Résumant les travaux du psychanalyste et grand maître d'échecs Reuben Fine. Dextreit et

Engel reconnaissent en revanche le rôle prééminent de l'écriture dans la pratique du

jeu d'échecs à l'aveugle qui nécessite une amplification des processus mémoriels à

l' dans toute partie ordinaire. Ils écrivent que pour Fine «le phénomène

essentiel est la visualisation, c'est-à-dire la capacité de se rappeler et

d'individualiser rapidement les positions. Plusieurs facteurs y contribuent. Tout

d'abord il faut une excellente connaissance de l'échiquier et des pièces, [...]; cette

connaissance [...] est indissociable d'une intégration linguistique bien particulière :

la notation spéciale du jeu est le langage du joueur d'échecs, écrit Fine, et on

l'apprend comme un langage ordinaire. Il existe différents niveaux dans ce langage

: des symboles linguistiques correspondant à des cases et à des pièces (c'est-à-dire

la notation descriptive ou algébrique), une intégration de ces symboles aux

processus associatifs, ce qui autorise le joueur à résumer les positions à l'aide de

phrases clés ; celles-ci sont à la fois la description de la position, le résumé des


102

plus renforcée par la réglementation officielle qui proscrit l'usage de tout livre ou de tout

document pendant la partie. Les «règles du jeu de la FIDE» [Fédération Internationale

Des Echecs] qui, dans la version du Congrès de Salonique (1988), décrivent en 19

articles les règles fondamentales du jeu d'échecs comme le déplacement des pièces ou

l'utilisation de la pendule, contiennent ainsi un article consacré à «la conduite des

joueurs». A l 'article 1 5. composé de quatre interdictions dont deux ' ^ directement liées à

l'usage de l'écriture, on opposera un dessin qui exprime sur un ton humoristique le même

interdit :

idées positionnelles et stratégiques qu'elle contient et l'équivalent linguistique des

suites de coups, en notation spéciale, qui traduisent des idées dans la pratique

échiquéenne. Un joueur de quelque expérience saura la somme complexe d'idées et

de coups que représente une phrase clé du type «un gambit Dame refusé où les

Blancs développent une attaque de minori té à l'aile Dame». "(Dextreit et Engel : 91-

92).

Le diagramme placé ci-dessous (tiré de la partie Flohr-Euwe, Am.sterdam 1932, d'après

Euwe 1973 : 240) permet de saisir le type de partie qu'un joueur d'échecs imagine à

l'écoute de la phrase mentionnée par Dextreit et Engel.

'^ Le troisièriie interdit condamne les «analyses» à l'intérieur de la «salle de jeu» et le

quatrième précise qu'«il est interdit de distraire ou de déranger l'adversaire de

quelque manière que ce soit».


103

(a) Pendant le jeu, il est interdit

aux joueurs de faire usage de

notes manuscrites ou imprimées,

ou de tout autre moyen

d'information, ainsi que

d'analyser la partie sur un autre

échiquier. Il est également interdit


de recourir aux conseils ou à

l'opinion de tiers, qu'ils soient ou


non sollicités.

(b) La prise de notes, pouvant

servir d'aide-mémoire pour la

suite de la partie, est également

interdite, mise à part l'inscription

des coups joués et des temps

utilisés. (FIDE, "Règles du jeu

d'échecs", 1988 : 15).

Cet article 15 a fait l'objet d'une sorte

d'exégèse par le «président de la direction

nationale de l'arbitrage» en France, Christian


extrait de Hartston,

Bemard, qui a, pour l'édification des joueurs


How to cheat at chess

d'échecs, établit dans la revue fédérale une


(1976 : 45)

liste des "règles contraires à l'éthique du

jeu". Parmi ces «règles» (sic), ou mieux ces

pratiques dont la dénonciation n'est pas théorique mais correspond à des faits

d'observation, on trouve «noter un coup sur sa feuille et en jouer un autre puis répéter la

mannuvre», «ajouter des coups sur sa feuille pour tromper son adversaire», «demander

des avis, ou consulter des notes ou des livres dans les points de vente» (Échec et Mat,

mai-juin 1996 : 38). Pour comprendre ce demier interdit, il faut savoir que toutes les

grandes compétitions échiquéennes accueillent dans leurs murs les stands des libraires

spécialisés ; souvent aussi des joueurs venus de l'Est emmènent dans leur bagage

quelques livres qu'ils cherchent à revendre et qu'ils étalent sur le coin d'une table. Dans
104

le mouvement de dépit qui suit une défaite rapide due à la méconnaissance d'une

ouverture particulière, le joueur est souvent prêt à investir une centaine de francs pour

pallier à cette insuffisance qui s'est brutalement révélée à lui ; dans les dizaines de livres

ou d'opuscules sur les différentes ouvertures qui s'offrent à lui, il trouvera sans doute la

solution qui lui a si cmellement manquee. Cette sorte de "grand-messe" échiquéenne

qu'est le toumoi d'échecs attire donc aussi les "marchands du temple". Comme ces

derniers exposent habituellement leurs livres à l'intérieur même de la salle de toumoi et

que lesjoueurs se déplacent durant la partie librement, la tentation se trouve donc à portée

de main. Puisque je suis en train d'admirer la qualité typographique de ce manuel

d'ouverture, pourquoi ne pas en profiter pour vérifier si les coups déjà joués dans ma

partie sont bien ceux qu'un Kasparov recommande ? Est-ce ma faute si l'uil suit la ligne

des coups au-delà du stade atteint par la partie ? Moins casuistes, d'autres joueurs se

livrent franchement à une véritable recherche bibliographique sur la ligne de jeu adéquate

à leur position. La morale échiquéenne réprouve évidemment ce genre de pratiques ; on

notera qu'un spécialiste de la tricherie, l'auteur de How to cheat at Chess, la déconseille

car «trop dangereuse» (Hartston 1976 : 95). C'est sans doute la leçon qu'a tirée de sa

mésaventure le joueur "B" de cette histoire vécue :

Un cas amusant se produisit au championnat de France 1980 à Puteaux''^ : le

joueur A, alors qu'il réfléchissait, remarqua, de loin, que son adversaire, le

joueur B. se trouvait au stand de livres, en train de consulter la célèbre

encyclopédie yougoslave sur la théorie des ouvertures. Il se rendit au stand et

se plaça derrière son adversaire. Par-dessus son épaule, il s'aperçut que le

livre était exactement ouvert à la page de l'ouverture qu'ils étaient en train de

jouer ! Que faire ? Le temps d'appeler l'arbitre, le flagrant délit ne pourrait

plus être constaté et son adversaire n'aurait qu'à nier. Heureusement, le

joueur A était très musclé. Il s'empara de l'ensemble joueur B -i- livre

ouvert traversa l'immense salle et déposa le tout dans un grand fracas sur

le bureau de l'arbitre ! Celui-ci n'eut plus alors qu'à infliger une défaite

méritée au joueur B. (Haïk 1982 : 219).

''^Tousles ans, le championnat de France accueille plusieurs centaines de joueurs de tous

niveaux. Il se déroule chaque année dans une ville différente.


105

Afin de prévenir ces agissements, liés essentiellement à la théorie des ouvertures 2^',

les arbitres ont imposé, à la suite d'événements comme celui de Puteaux, que les libraires

n'ouvrent leur stand qu'après la première heure de jeu^'. L'application de l'article 15

n'en reste pas moins délicate dans la mesure où l'accès aux rayons des livres n'est pas

formellement interdit aux joueurs. Une telle interdiction serait d'ailleurs difficile à mettre

en uuvre pour plusieurs raisons. Les marchands de livres font tout d'abord partie, à

l'heure actuelle, des rares sponsors de ces compétitions ; les organisateurs ne peuvent

donc les écarter. 11 est de plus impossible de distinguer de visu un visiteur d'un

compétiteur, ou encore un joueur qui a déjà achevé sa partie d'un joueur qui l'a à peine

commencée--. L'interdit ne s'applique donc officiellement qu'à la consultation d'un texte

pouvant apporter une aide au joueur et ceci place l'arbitrage dans la difficile situation de

devoir estimer s'il existe un rapport possible entre le texte parcouru et la position du

joueur sur l'échiquier. Certains compétiteurs estiment avoir ainsi fait injustement l'objet

de sanctions infligées par des arbitres qui dévoilèrent, selon eux, à cette occasion leur

incompétence en matière de technique échiquéenne^^, car les ouvrages examinés ne

pouvaient manifestement apporter aucun secours aux joueurs sanctionnés.

2" A l'issue de l'ouverture, les positions sont trop variées et trop complexes pour qu'un

joueur puisse trouver la solution à ses problèmes en feuilletant 30 secondes un

livre. En fin de partie, quand il ne reste presque plus de pièces sur l'échiquier, le

problème peut en revanche resurgir.

2' Comme le corps arbitral est essentiellement composé d'enseignants, on peut

rapprocher cet interdit de la première heure des règles similaires qui ont cours pour
les examens.

22 Lors d'un tournoi, toutes les parties débutent simultanément mais certaines peuvent

être terminées quasi immédiatement si les deux adversaires s'accordent par exemple

sur la partie nulle, ou si une «gaffe» compromet définitivement la situation d'un des

deux camps.

-^ Ces discussions quant à l'application de la règle manifestent aussi une certaine tension

entre d'un côté lesjoueurs et de l'autre côté les arbitres. La critique que certains

joueurs émettent à l'endroit des arbitres se focalise sur le fait que ceux-ci ne

sauraient pas jouer et se vengeraient des joueurs par une application aveugle du
106

Il faut bien remarquer l'aspect absolu de cet interdit à I'encontre de l'écriture comme

outil de mémoire durant la partie. Contrairement à ce qu'affirment lesjoueurs et les

arbitres, ceci traduit davantage qu'un esprit d'équité entre les compétiteurs. Cette règle de

proscription s'applique en effet à toute «partie officielle» sans souffrir aucune exception.

Il n'y a pas, à la différence des examens scolaires et universitaires qui sont animés d'un

même principe de justice entre les candidats, possibilité de disputer des parties où

«l'usage de documents est autorisé».

L'interdit s'avère même être particulièrement rigoureux puisque la culture

échiquéenne va jusqu'à condamner l'idée que la pensée puisse être soutenue par du

papier. L'article 15. déjà cité, précise en effet que «La prise de notes, pouvant servir

d'aide-mémoire pour la suite de la partie, est également interdite» (spm). Cela signifie

concrètement que le joueur ne peut pas conserver trace des cogitations auxquelles il se

livre et, plus précisément, des suites de coups qu'il calcule. Cette impossibilité de

consigner la réflexion n'est pas un aspect négligeable cardans r«analyse post-mortem»

qui suit la fin de la partie, il n'est pas exceptionnel qu'un des deux adversaires confesse

avoir prévu une réplique particulièrement forte mais l'avoir ensuite oubliée. Ni plan, ni

brouillon, le texte écrit se trouve donc réduit pendant la partie au rôle de témoignage. Par

son apparence plus subtile, cette seconde forme d'interdit confirme donc bien que le texte

écrit n'est pas simplement prohibé par souci de conserver pour tous les compétiteurs des

chances égales. A travers ces différentes expressions d'interdits se joue en fait un conflit

entre mémoire humaine et mémoire écrite d'où il ressort que le jeu d'échecs doit, en tant

que jeu de réflexion par excellence, manifester l'exercice d'une pensée à l'état pur,

autrement dit d'une pensée indemne de toute contamination par l'écriture. Le temps de la

partie, la pensée échiquéenne veut se croire affranchie de ce qui lui donne sa substance.

règlement. Les arbitres répliquent de leur côté en affirmant que lesjoueurs sont

essentiellement de «grands enfants» et qu'il faut pour leur bien les éduquer.

L'anecdote de tel «grand maître» s'inquiétant au cours d'une partie de la manière

d'effectuer le «grand roque» est classique en ce qu'elle est porteuse d'une morale

qui justifie la nécessité de l'arbitrage : même les «grands maîtres» ignorent certaines

règles pourtant élémentaires.


107

Sous leur aspect à première vue "rationnel", les interdits du jeu d 'échecs expriment donc

des catégories fondamentales de la culture échiquéenne.

Toute règle laisse généralement une marge de manmuvre. Pour le cas qui nous

intéresse ici, cette latitude permet à certains de suivre une recommandation bien connue.

En inscrivant sur sa feuille de partie le coup qu'il va jouer avant de le réaliser sur

l'échiquier 2-^. le joueur bénéficie de l'effet de distanciation que fournit classiquement

l'écriture. Le coup écrit se dégage de la pensée, s'objective, sans attentera la règle «pièce

touchée, pièce jouée». Le manque de justesse d'un coup programmé peut ainsi sauter aux

yeux du joueur qui dispose ensuite toujours du loisir d'effectuer un autre coup. Mais en

procédant ainsi, le joueur atteint les limites de ce qui lui est autorisé et nous avons déjà

cité cet arbitre qui mentionne parmi les pratiques condamnables celle qui consiste à «noter

un coup sur sa feuille et en jouer un autre puis répéter la man

Formulés de manière positive, ces interdits marquent l'obligation de création, ou

tout au moins de re-création, dans laquelle se trouve tout joueur. Aussi, en même temps

qu'elle prononce cet interdit, la culture échiquéenne retrouve-t-elle la vieille critique

platonicienne à l'égard de l'écrit en jugeant sévèrement lesjoueurs dits «théoriques» qui

ne savent que «réciter» des ouvertures étudiées et se trouvent désemparés dès lors que

l'adversaire «quitte la théorie». L'illustre Philidor écrivait déjà en 1749:

«J'ai connu des Joueurs d'Échecs qui savoient tout le Calabrois "^^ & d'autres
Autheurs par cpur. & qui, après avoir joué les 4 ou 5 premiers coups, ne

savoient plus où donner de la tete» (Philidor 1749 : xii).

--^ Cette pratique d'inscription s'accompagne assez souvent d'une petite cachotterie : afin

que l'adversaire ne puisse pas commencer à réfléchir sur le coup déjà noté mais pas

encore joué, le stylo du scripteur est posé sur la feuille de partie afin de recouvrir le

mouvement en cours d'analyse. Dans le cas d'un coup extraordinaire (un sacrifice

par exemple), l'effet de surprise est ainsi garanti. (Ce procédé est évidemment lié au

jeu en temps mesuré, cf. le chapitre sur le temps).

-^ Le Calabrois est le sumom de Gioacchino Greco (1600-cal634), un joueur originaire

de Calabre. Le manuel de Greco fut, en son temps, si célèbre que le terme de

«Calabrais» passa dans le vocabulaire commun pour désigner tout livre d'échecs.

On trouve comme un écho de l'observation de Philidor dans le cinquième livre des


108

Il faut bien sûr comprendre que ce ne sont pas les coups appris qui sont critiqués

mais l'incapacité du joueur à les faire vivre en inventant une suite adéquate. L'originalité

et la valeur de l'Analyze des échecs de Philidor (qui connut plus de 100 rééditions)

viennent d'ailleurs de ce que son auteur n'y a pas enseigné des coups à répéter mais des

principes à appliquer. Aussi, à la condition d'éviter de figer la théorie échiquéenne, d'en

faire un texte "mort", les manuels d'échecs offrent néanmoins à ceux qui les «travaillent»

la voie royale pour progresser dans la maîtrise du jeu. Composante rituelle d'une

conversation entre joueurs (qui vise à déterminer le degré d'implication de

l'interlocuteur), la question «tu travailles les échecs ?» renvoie exclusivement à une

pratique en rapport au texte écrit. Lire un livre (ou un magazine) d'échecs, regarder sur

l'échiquier des coups qui ne sont pas mentionnés dans le livre et chercher à comprendre

pourquoi ils ne sont pas signalés, résoudre des diagrammes de position, se constituer un

«répertoire d'ouvertures» personnelles sur la base de parties imprimées, reprendre ses

Confessions où Rousseau décrit comment sa victoire (obtenue dès la première

séance de jeu) sur son initiateur, un certain Bagueret, l'a rendu (dans les années

1732-1739) «forcené des échecs». A la suite de ce premier succès, Rousseau

s'engage alors dans une sorte d'activité compulsive : «j'achète un échiquier ;

j'achète le calabrais ; je m'enferme dans ma chambre ; j'y passe les jours et les nuits

à vouloir apprendre par ciur toutes les parties, à les fourrer dans ma tête bon gré

mal gré. à jouer seul sans relâche et sans fin. Après deux ou trois mois de ce beau

travail et d'efforts inimaginables, je vais au café, maigre, jaune et presque hébété.

Je m'essaie, je rejoue avec M. Bagueret : il me bat une fois, deux fois, vingt fois ;

tant de combinaisons s'étaient brouillées dans ma tête et mon imagination s'était si

bien amortie, queje ne voyais plus qu'un nuage devant moi.»

Mais la méthode proposée par Philidor ne semble pas avoir convenu davantage à

Rousseau qui poursuit en effet : «Toutes les fois qu'avec le livre de Philidor ou

celui de Stamma j'ai voulu m'exercera étudier des parties, la même chose m'est

arrivée, et, après m'être épuisé de fatigue, je me suis trouvé plus faible

qu'auparavant. [...). Voilà du temps bien employé! direz-vous. Et je n'y en ai pas

employé peu.» (Rousseau 1973a : 282-283).

Les libres propos de ce grand écrivain doivent consoler tous ceux qui, de nos jours,

possèdent une connaissance approfondie des ouvertures, ont mémorisé une quantité

de parties (éventuellement plusieurs milliers), ..., mais ont néanmoins compris

qu'ils ne seront jamais reconnus comme des maîtres.


109

anciennes «feuilles de partie» pour analyser l'origine de ses défaites : c'est cela

«travailler». Ce n'est pas travailler en revanche que de passer une après-midi à disputer

des parties contre un adversaire chevronné ou même que de participer à une longue

compétition qui dure une semaine et qui peut rapporter des monnaies sonnantes et

trébuchantes.

Cette place prééminente du livre dans l'acquisition de la technique échiquéenne

associée à la quasi-absence d'enseignement échiquéen 26 fait de la majorité des joueurs

occidentaux des autodidactes 27 et pose, par conséquent, le problème des limites de la

"culture" échiquéenne. La connaissance technique du jeu d'échecs (mais aussi une grande

part de son folklore, de ses histoires drôles...) étant à la portée de chacun dans les livres

et les revues, il est légitime de se demander si le «monde des échecs» ne constitue pas,

malgré cette appellation antonyme, un ensemble aux contours flous dont les membres se

répartiraient le long d'un continuum allant du champion professionnel (auteur et grand

liseur de livres d'échecs) au lecteur occasionnel de la rubrique échecs d'un quotidien.

Une ligne de partage reposant sur l'usage de l'écriture se fait pourtant sentir car le joueur

n'est reconnu appartenir à ce «monde des échecs» qu'à partir du moment où il devient lui-

même ce que l'on peut appeler, à la suite de Latour (1988 : 42), un «inscripteur». Tout

compétiteur d'un tournoi se trouve en effet dans l'obligation d'inscrire les coups de

chacune de ses parties : «Durant la partie, chaque joueur doit noter les coups (les siens et

ceux de son adversaire) en notation algébrique au fur et à mesure de leur exécution, sur la

26 Le développement actuel de cours d'échecs s'adressant à des joueurs tant novices que

confirmés est en train de modifier ce que d'aucuns ramenaient à l'individualisme

forcené du joueur d'échecs. L'enseignement des échecs était en revanche

institutionnalisé depuis longtemps dans l'ex-Union soviétique (Palais des

Pionniers, Ecole de Botvinnik, etc.).

2"^ On sait que Dumazedier a souligné l'importance de l'autodidaxie dans le loisir de


masse. Les échecs foumissent une illustration de cette tendance forte de la société

occidentale contemporaine mais apportent aussi une certaine nuance par rapport à

l'idée d'individualisme dans la mesure où cet apprentissage individualisé est

inséparable des rapports sociaux des joueurs entre eux.


lio

feuille de partie prévue pour la compétition, d'une manière aussi lisible que possible

[...]» (RDE, "Règles du jeu d'échecs", 1988, article 11.1).

Dans le cadre des parties officielles, cette règle ne subit, pour ainsi dire, pas

d'exception. La seule véritable dérogation est à rapporter à cette autre grande composante

de la culture échiquéenne qu'est le temps. Nous verrons ainsi, dans le chapitre relatif à ce

sujet, que lorsque le joueur ne dispose plus que d'une quantité réduite de temps, il est

autorisé par le règlement à suspendre temporairement la notation des coups de manière à

ce que ce ne soit pas celle-ci qui provoque la défaite du joueur par dépassement du temps

imparti. De fait, le joueur en «zeitnot» se trouve confronté à un double manque : manque

de temps bien sûr (c'est le «zeitnot»), mais aussi manque d'écriture et de lecture puisque,

à ce moment, son adversaire dispose alors du droit tacite de lui refuser l'accès à sa propre

feuille de partie en la masquant. Or comme la feuille de partie est un instrument de

comptage des coups, et que le joueur est en «manque de temps» jusqu'à ce qu'il ait

réalisé le 40^ coup 2^, il est intéressant de remarquer que le joueur qui a cessé de noter

revient souvent à des méthodes de comptage d'apparence plus "primitive" : à la place des

coups, il tire simplement des traits sur la feuille de partie, ou encore il utilise les pions

pris à l'adversaire (ou ses propres doigts) pour chiffrer le nombre de coups qu'il reste à

effectuer avant la limite salvatrice. On ne peut cependant reconnaître dans cette fruste

manière de compter les coups le prototype archaïque de la notation car de telles recettes

pour temps d'urgence présupposent la notation et ne peuvent l'induire. La chronologie

historique apporte une confirmation à ce raisonnement stmctural car la notation des coups

2^ A ce moment, l'adversaire qui continue à noter les coups n'est pas tenu de lui montrer

sa feuille, il peut même la dissimuler... Comme ni l'arbitre ni a fortiori aucun

spectateur n'a le droit d'apporter une aide au joueur, ce demier se retrouve donc

seul pour estimer s'il a ou non atteint le 40^ coup. La question est évidemment

cmciale car si la quantité de temps alloué est épuisée avant que ce 40^ coup n'ait été

effectué, la partie est alors perdue. Aussi l'affolement du «zeitnot» (i.e. du manque

de temps) associé à cette ignorance du nombre exact de coups joués peut-il amener

certains à dépasser allègrement la barre requise et à effectuer ainsi en quelques

secondes 5, 10 voire 15 coups supplémentaires.


Ill

a précédé l'invention de la pendule dont seul l'usage a entraîné l'élaboration de cette règle

du 40^ coup2'A

Le cas des tout jeunes enfants constitue un autre type d'exceptions d'une

importance vraiment secondaire mais significative quant aux limites qu'il pose. Dans sa

description anecdotique de l'arbitrage, l'arbitre intemational Francis Delboë raconte qu'il

a ainsi accepté qu'un participant du championnat Jeunes du département du Nord ne

prenne pas note des coups joués ^". Il faut dire que le joueur en question n'avait pas vu

plus de six printemps... J'ai personnellement assisté à une partie du championnat de Paris

(toutes catégories) où un adulte s'estimait hautement désavantagé d'affronter un bambin

qui bénéficiait du même "privilège"... Accidentelles dans les compétitions qui ne sont pas

réservées aux plus jeunes, de telles occurrences permettent de bien réaliser le caractère

absolument obligatoire de la notation des coups. Seuls les cas relevant quasiment de la

puériculture ^ ' permettent de lever l'inaltérable commandement "tes coups et ceux de ton

2'^ Il serait en revanche possible de voir dans la règle des «50 coups» une des sources
possibles de la notation échiquéenne. Cette règle (qui n'a aucun rapport avec celle

du 40^ coup) sert à poser un terme aux man'uvres infmctueuses d'un joueur qui

s'obstine à chercher un gain qu'il ne sait ou qu'il ne peut réaliser. Selon cette règle,

quand 50 coups ont été effectués de part et d'autre sans qu'un pion n'ait bougé ni

qu'une prise n'ait eu lieu, la partie peut en effet être déclarée nulle. Cette règle est

ancienne et existe dans certaines formes orientales du jeu d'échecs. Bien que

j'aurais tendance à y voir un dérivé de l'écriture, il est néanmoins possible qu'elle

ait surgie avant la scripturisation du jeu d'échecs.

autorisation exceptionnelle allant à rencontre de la règle qui veut que «pendant la

partie, chaque joueur doit noter les coups en notation algébrique au fur et à mesure

de leur exécution sur la feuille de partie prévue pour la compétition» (ElOl/l 1.1 )

n'est, selon Delboë, possible que grâce au «préambule» de ce règlement où l'on

trouve cette importante précision : «Un règlement trop détaillé priverait l'arbitre de

sa liberté de jugement et l'empêcherait ainsi de résoudre un problème par une

solution juste, équitable et dictée par des facteurs particuliers.» (cité par Delboë
1996 : 8-9).

De plus, l'organisation d'une compétition est telle (en particulier avec le «système

suisse») que jamais un très fort joueur n'aura à jouer contre un enfant aussi jeune ;

(cette situation ne poserait évidemment aucun problème "technique" au joueur

expérimenté pour gagner quasi immédiatement la partie). Le gamin ou la fillette ne


112

adversaire, tu écriras". Il n'y a pas, aux échecs, d'analphabètes -^2 ; l'éventualité d'un

joueur adulte ne sachant pas écrire n'est pas prévue par le règlement et j'avoue ne pas

savoir quelle serait aujourd'hui le comportement d'un arbitre qui se trouverait réellement

confronté à une telle situation. Il est probable que son sens éducatif (on trouve parmi les

arbitres une majorité d'enseignants) le pousserait à transmettre aussitôt au joueur ainsi

démuni les rudiments de l'écriture ^-^. Interrogé sur un tel cas de figure, un arbitre a, par

exemple, répondu aussitôt : «j'organise des leçons d'écriture» puis, dans l'instant qui

suivait, contesté la possibilité même d'une telle éventualité : «quand tu t'inscris, tu

envoies une feuille d'inscription». Mais forcé de reconnaître que les compétiteurs

s'inscrivent souvent à la demière minute en communiquant oralement leur nom à la table

d'arbitrage (et en réglant les frais en espèces), il conclut que si jamais il découvrait au

sera en effet «apparié» au mieux qu'à un adversaire situé au milieu du tableau des

classements ; à l'issue de deux ou trois parties, il n'affrontera plus que les joueurs

les plus faibles du tournoi. En pratique, l'exception ne s'applique donc qu'aux

marges du tournoi.

^2 Les feuilles de parties peuvent par contre être entachées de nombreuses erreurs

d'écriture. Ainsi les nouveaux joueurs qui débutent la compétition commettent

souvent des fautes d'inscription (une case pour une autre, l'oubli du signe de la

prise, l'écriture des lettres des colonnes de l'échiquier en majuscule nous

verrons plus loin l'origine de cette demière impropriété ...) qui sont dues à leur

absence de maîtrise à la fois du mouvement des pièces et du système de notation.

Mais même un fort joueur peut oublier la marque d'un mouvement : les coups des

Blancs et des Noirs se trouvent alors inversés par rapport à leur colonne respective.

L'anomalie, normalement rapidement décelée, sera amendée à l'aide de flèches

rétablissant la bonne «couleur» (et le bon numéro d'ordre) des coups ainsi "fautifs"

(le coup oublié sera bien évidemment aussi rétabli).

-^-'' Les compétences en matière d'écriture réclamées par la pratique du jeu de compétition

sont évidemment réduites, et il est possible que certains joueurs que les normes de

l'Unesco considéreraient par ailleurs comme "illettrés" s'en acquittent fort bien. (Je

n'en connais personnellement pas).

On raconte que la pratique des échecs fut encouragée en Union Soviétique après la

Révolution pour deux raisons : c'était d'une part un moyen d'écarter l'énergie

polémique de certains en dehors du champ politique, c'était d'autre part un levier

pour 1 utter contre l 'analphabétisme des masses.


113

cours de la première ronde qu'un joueur est incapable de prendre note des coups joués, il

lui «rembourse les sous [et l'exclut donc du toumoi] ; y a pas d'autres solutions ; [sinon]

ça peut déboucher sur un litige terrible».

Il n'y a pas, aux échecs, d'analphabètes, ou plutôt il n'y en a eu, au XX^ siècle,

qu'un seul. Dans le panthéon des champions d'échecs de l'époque modeme se trouve en

effet une figure solitaire connue pour être «the greatest natural player of modem times»

(spm, Hooper 1988 : 336). Natif du Punjab, Mir Sultan Khan (1905-1966) devint vers

1930 un des meilleurs joueurs mondiaux bien qu'il soit connu pour n'avoir jamais su lire

ni écrire 3'*. Ce cas singulier constitue évidemment en lui-même l'exception qui confirme

la règle : de nos jours, on ne peut être devenu fort joueur d'échecs, et afortiori «grand

maître» comme le fut Sultan Khan, sans avoir «travaillé» les échecs-^-'*. En comparaison

du schéma classique des jeunes calculateurs prodiges dont Dominique Blanc a montré que

l'émergence est historiquement liée à l'accès de tous à l'école. Sultan Khan ne peut

évidemment être considéré comme un pur et irréaliste génie naturel dans la mesure où sa

force échiquéenne s'est manifestée au contact des joueurs indiens, anglais et occidentaux ;

aussi, est-ce cette absence de rapport à l'écriture qui justifie le qualificatif «natural

-^ Dans les brèves notices biographiques consacrées à Sultan Khan que j'ai pu consulter,
cette même antienne revient sans qu'il soit jamais précisé s'il s'agit de l'écriture

latine en particulier ou de n'importe quelle écriture en général. D'un point de vue

historique, il faudrait évidemment pouvoir vérifier si Sultan Khan ignorait

également les caractères nagari ou arabes. Mais dans la perspective d'analyse ici

développée, le fait important est que Sultan Khan fonctionne comme une figure de

l'illettrisme et il n'est sans doute pas indifférent à cet égard que cette figure

s'incame dans un joueur originaire de la région du monde où naquit le jeu d'échecs.

^^ Aussi lorsque le film d'Yves Hanchar, La partie d'échecs, met en scène le personnage
d'un enfant surdoué capable, dès sa première partie, de recréer sur l'échiquier ce

que tout joueur de compétition sait reconnaître comme étant le mat de Legal, le

spectateur averti est-il en droit de partager l'étonnement qu'exprime, discrètement,

Pierre Mercier, chroniqueur d'échecs à Libération, en traitant le jeune Max de

«génie spontané» {Libération 8-9/10/1994). Il y a de l'ironie dans la formule car

«spontané» ne peut renvoyer à l'idée d'instinctif (le mat nécessite un calcul précis

de coups) et place donc une telle réalisation au même rang de réalité que la

génération spontanée.
114

playeD>. Des anecdotes liées à la vie de Sultan Khan, il ressort même que cette figure de

l'analphabétisme est porteuse d'un enseignement moral. On en trouve tout d'abord une

variante faible dans la notice biographique de Hooper et Whyld qui mentionne à côté de

ses différents exploits échiquéens :

Unable to read or write, he never studied any books on the game, and he was

mistakenly put in the hands of trainers who were also his rivals in play, (spm.

Hooper & Whyld 1988 : 336).

Une variante forte est développée dans "l'histoire des champions d'échecs" de

Giffard :

Ce mystérieux hindou |...| constitue un cas bien étrange dans l'histoire des

échecs. Quand, dans l'année 1929, sir Nawab Malik Mohammed Umar

Hoyat Khan poussa la porte d'un club d'échecs londonien, il n'était pas seul.

Son serf (on pourrait dire son esclave) Sultan Khan, suivait derrière. Sir

Hoyat Khan [...] défia quiconque dans le club de battre son employé. La

même année. Sultan Khan [...] était champion d'Angleterre. Génial illettré,

les prix qu'il remporta dans les toumois intemationaux allèrent directement

dans la poche de son patron. Si celui-ci avait besoin de ses services le jour

d'une partie, il lui ordonnait alors de faire rapidement match nul, ou même

d'abandonner si l'adversaire faisait durer la partie trop longtemps. [...]

Après le championnat du monde par équipes de Folkestone en 1933, sir

Hoyat Khan invita l'équipe américaine à dîner dans sa somptueuse résidence

londonienne. Reuben Fine fit remarquer après-coup «l'impression étrange

qu'il ressentit à être servi à table par un grand maître d'échecs» ! Quand sir

Hoyat repartit pour les Indes, il emmena avec lui son valet, duquel on

n'entendit plus jamais reparler ! (Giffard et Biénabe 1993 : 446).

II ressort de ces récits biographiques qu'un joueur illettré est tributaire des autres

joueurs ou esclave d'un maître. La figure de l'illettrisme se marie donc à celle de la

dépendance.

Un demier cas d'absence de notation, ou plutôt de refus de notation, résulte de la

position de certains joueurs juifs qui tiennent à respecter l'interdit mosaïque du travail le
115

jour du shabbat -^6 Cette attitude pose évidemment problème lorsque, à l'occasion d'un

toumoi étalé sur plusieurs jours, un joueur jusque-là non problématique vient annoncera

la table d'arbitrage que le lendemain, un samedi, il sera présent pour jouer mais que, de

par ses croyances religieuses ou de par son respect des prescriptions rituelles, il ne pourra

s'engager dans ce travail, minime mais néanmoins présent, que représente, selon la

tradition juive, l'écriture.

Écrire comme cuisiner ou entreprendre un long déplacement relevant de ces actes

classiquement prohibés lors du shabbat, l'argumentation de ceux qui défendent cette

position (et dont l'habillement ne peut les faire qualifier de "fondamentalistes") reste

réduit à la seule mention d'une impossibilité d'origine religieuse ; le cadre est. rappelons-

le, celui d'une salle de toumoi et non pas celui d'une maison d'étude talmudique.

Certains arbitres, vu le nombre très réduit de ces cas (moins de un pour cent), cherchent à

trouver un arrangement à l'amiable en proposant au futur adversaire de déplacer l'horaire

de la rencontre ou en s'assurant qu'il acceptera de bon gré d'être le seul à noter les coups

de la partie ; mieux vaut cependant que la partie en question ne se dispute pas aux

«premiers échiquiers» du tournoi, autrement dit que son résultat ne puisse pas être

déterminant dans les premières places du classement final car sinon le règlement de gré à

gré risque d'être contesté par les autres participants du tournoi. Aussi le corps arbitral

dans sa majorité refuse de considérer que la loi religieuse puisse supplanter, ou même

seulement détoumer. la loi ludique. En s'inscrivant au tournoi, lesjoueurs quelque

soit leur religion ou leur opinion philosophique sont censés accepter les règles qui le

régissent. Quelques arbitres ajoutent en coulisse que si le joueur refuse d'écrire à ce

moment, il accepte en revanche volontiers d'empocher le prix qu'une victoire obtenue ce

jour-là lui a permis d'obtenir ce trait sarcastique est, sauf exception, douteux mais il

marque bien que le règlement échiquéen constitue un système. Si des dérogations peuvent

Cf. par exemple E.Kode 20, 8- 1 2.


-^"^ Rappelons que le classement d'un toumoi d'échecs est calculé en fonction du nombre

de victoires acquises par chaque joueur.


116

toujours survenir dans l'application concrète des principes, aucun de ceux-ci ne peut faire

l'objet d'un débat sans remettre aussi en question les autres.

Le lecteur aura deviné de lui-même que lesjoueurs aveugles ^^ sont tenus de noter

en braille leurs parties.

De cette obligation absolue de la notation découlent deux aspects fondamentaux de

la culture échiquéenne '''^. C'est tout d'abord sur la base de ces parties notées, ou plus

précisément de leur résultat, qu'est calculé le classement (Elo) des joueurs dont la liste,

objet de lecture et de comparaison, matérialise ainsi un ensemble strictement délimité "*

Il y a quelques années encore la prise de connaissance du «Elo» était, au début de la

saison sportive (fin septembre - début octobre), l'occasion d'un moment d'effervescence

collective dans les clubs car sa diffusion n'était assurée que par un canal unique : la

Fédération calculait le Elo puis l'envoyait aux Ligues qui, à leur tour, le transmettaient

aux cercles. Lesjoueurs avaient beau téléphoner au secrétariat de la Ligue, ils devaient

attendre que le classement parvienne dans leur cercle pour savoir quelle était leur nouvelle

place dans la hiérarchie des joueurs. Aussi quand le président arrivait dans le local avec la

liste fraîchement parue, tous les membres venus expressément voulaient chacun connaître

leur nouveau classement, celui des autres membres du club, celui d'amis jouant ailleurs,

celui des grands joueurs connus. . . Aujourd'hui, cette occasion d'intérêt collectif a, si elle

existe encore, perdu de sa chaleur car le classement se trouve maintenant accessible sur de

nombreux supports (minitel, revue fédérale, autre magazine spécialisé) auquel les plus

enthousiastes peuvent accéder avant même que le président n'ait reçu la liste officielle.

-^^ Lesjoueurs aveugles ne disputent pas leurs parties «à l'aveugle» mais utilisent des

échiquiers spécialement destinés à leur usage. Les cases de ceux-ci comportent ainsi

des trous dans lesquels viennent se fixer les chevilles situées sous les pièces. Une

petite marque métallique permet par ailleurs de distinguer au toucher la couleur

(noire ou blanche) des pièces.

-^'^ La feuille de partie sert aussi de preuve des coups joués et de contrat entre les deux
joueurs.

La première question posée à un inconnu vise à établir s'il entre dans la hiérarchie du
classement.
117

Mais cette évolution récente qui escamote un beau moment d'observation ethnographique

ne retire rien à l'importance qu'occupe la liste du Elo dans l'esprit du joueur. C'est même

cette importance qui a provoqué cette transformation.

Les parties notées fournissent ensuite la matière première de la littérature

échiquéenne. Quoique les manuels d'échecs reproduisent principalement les coups des

maîtres, toute partie jouée et notée peut servir, et sert souvent, de prétexte à publication.

Pour peu que son secrétaire soit zélé, le club de Tart-en-Pion aura sa brochure reprenant

toutes les parties du tournoi intérieur des jeunes espoirs de moins de 10 ans. Un

processus de sélection informel fait ensuite "remonter" les parties les plus intéressantes

des publications mineures jusqu'aux collections les plus prestigieuses. Il fut un temps où

même certains joueurs de club (je ne parle pas des «maîtres» pour qui c'est pratique

courante) épluchaient les parties disputées dans le petit toumoi local d'une lointaine ville

soviétique pour y dénicher quelques «nouveautés théoriques» (en matière

d'«ouvertures») -^^ Si l'amélioration est reconnue de qualité, elle finira dans les grandes

encyclopédies d'ouvertures et si la partie toute entière mérite l'attention, elle fera l'objet

de commentaires dans les revues spécialisées -^-.

-" Il faut mentionner qu'un aspect indépendant de la pure qualité échiquéenne entre

cependant en ligne de compte dans le choix des parties publiées. Pour des raisons

liées d'une part à une économie de temps dans la saisie du texte et d'autre part à une

option pour les parties spectaculaires, une préférence marquée s'observe pour les

parties qui voient l'un des deux camps triompher en quelques coups. Mais de l'avis

des joueurs eux-mêmes, ce ne sont pas nécessairement les parties les plus
intéressantes.

"^2 Ce processus de sélection est bien évidemment relatif à la force reconnue des joueurs.
Quand un grand maître quitte une ligne connue pour un coup inédit, ce demier

apparaît généralement comme une «innovation théorique». Venant d'un joueur

anonyme, le même coup serait plutôt attribué à un manque de connaissance.

Certains exemples viennent cependant tempérer cette dichotomie : «plusieurs

découvertes théoriques, écrit le célèbre grand maître Tartacover, avec le Gambit

du capitaine Evans en tête ! ont pris souche non pas dans le cerveau privilégié

des maîtres, mais dans la pratique quotidienne des amateurs. Minerve sortant non

pas de la tête de Jupiter, mais de la réflexion de simples mortels.» (Tartacover 1992

: 27). Mais en affirmant ainsi, dans son style inimitable, que toute la théorie n'est
118

Composante indissociable de la pratique contemporaine, ce dispositif d'inscription

littéraire ne s'est constitué que relativement tardivement dans l'histoire des échecs puisque

ce n'est qu'au milieu du XIX^ siècle que les parties ont commencé à faire l'objet d'une

notation systématique. Si de nos jours, toute partie «sérieuse» est soumise à notation, il

n'en a pas toujours été ainsi ; les parties conservées antérieures au XIX^ siècle s'avèrent

même particulièrement rares. Bien qu'il existait alors un certain nombre de livres

d'échecs, ceux-ci ne commentaient pas des parties, mais se contentaient de donner soit

des lignes d'ouverture typiques, soit des positions de fins de parties où quelque mat

extraordinaire pouvait être découvert. Aussi est-il intéressant de rechercher la ou les

causes qui sont à l 'origine de ce nouveau rapport de la culture échiquéenne à l 'écriture.

Bien qu'il serait illusoire de cherchera établir précisément la date à partir de laquelle

lesjoueurs ont jugé utile, puis nécessaire ou indispensable, de conserver trace de leurs

parties, il est néanmoins possible de situer au toumant du XVIIF et du XIX^ siècle ce

moment capital de l'histoire des échecs. 11 n'y eut auparavant que de frêles anticipations.

Du shatranj de l'Islam médiéval (ou encore de l'Europe moyenâgeuse) subsistent peut-

être quelques parties Plus proche de l'histoire contemporaine. Caze réunit une

collection de deux cents parties disputées, aux alentours de 1680, par des joueurs

parisiens mais le recueil de ces parties resta sous forme manuscrite et se trouve

aujourd'hui en majeure partie perdu (cf. Murray 1913 : 843). Avant le XVIIF siècle, les

tentatives de notation des parties restèrent isolées et sans lendemain. En contraste de ce

manque stérile, paraît en 1844 sous la signature du joueur anglais George Walker une

compilation de 1020 parties jouées entre 1780 et 1844. Une rupture décisive s'est donc

produite à la fin du XVIIF siècle et au début du XIX^. Plusieurs facteurs se sont sans

doute conjugués pour amener à la généralisation de cette pratique scripturaire.

pas issue de la seule pratique des champions, Tartacover atteste cependant que

l'invention de la majeure partie de «la Théorie» revient à ses collègues grands-


maîtres.

-^^ On trouvera ainsi «a reconstructed 10th-century game» dans (Hooper 1988 : 307).
119

La prise en notes des parties et leur publication sont tout d'abord indissociables de

l'histoire du livre et de l'imprimé et il faut évidemment mettre en rapport ce

développement de la littérature échiquéenne au début du XIX^ siècle avec les progrès que

l'imprimerie enregistre à cette époque"^"*. Ce fait d'évidence doit cependant être tempéré

par deux remarques. D'un côté, rien n'interdisait, techniquement, aux livres d'échecs

imprimés avant cette époque de comporter de réelles parties ; on sait qu'ils se contentaient

de conseiller les premiers coups des débuts de partie. De l'autre côté, l'apparition des

revues d'échecs créa sans aucun doute une demande en parties notées puisqu'il fallait

alimenter sans cesse le contenu de ces périodiques ; à la différence du livre toujours

rééditable en l'état, les revues sont grandes consommatrices de parties (pour donner un

exemple, de nos jours, la revue française Europe-Echecs publie ainsi plus de 70 parties

par mois). Mais si cette perpétuelle sollicitation renforça significativement la tendance à

noter les parties, la date de parution des premières revues prouve que ce n'est pas celles-

ci qui fournirent l'impulsion initiale. En apparaissant en 1836 pour le Palamède (Paris),

en 1837 pour The Philidorian (Londres), en 1841 pour 77?^ Chess Player's Chronicle

(Londres), les premières revues d'échecs ne font en effet que confirmer un mouvement

qui avait débuté sans elles.

La parution de livres et de revues constitue aussi une entreprise commerciale et il

faut voir dans le développement de la littérature échiquéenne du début du XIX^ siècle une

source de revenus pour ceux qui la propagèrent. On notera ainsi qu'un des tout premiers

ouvrages à foumir des exemples de jeu réel réunissait 50 parties jouées à Londres en

1820 par le Turc, un automate dans lequel se cachait un fort joueur mais que la majorité

des contemporains considérait comme une véritable machine. La pamtion de ces parties

où l'Automate, en vérité le joueur français Jacques-François Mouret, donnait

systématiquement à ses adversaires l'avantage du pion et du trait constitua ainsi une belle

campagne publicitaire pour ces spectacles payants.

L'essor des pratiques épistolaires a, à partir du moment où l'idée de jouer par

correspondance fut adoptée, très directement contribué à la notation des coups. L'histoire

-^-^ Cf. Henri-Jean Martin 1996, chap. IX.


120

du jeu d'échecs conserve à cet égard deux dates fondatrices dans le jeu d'échecs «par

correspondance» : 1804 et 1824. La seconde est la plus notoire car, opposant des

groupes de joueurs de Londres et d'Edimbourgh, un des débuts utilisés par les

adversaires des Anglais est devenu célèbre sous le nom d'«ouverture écossaise» "^-^

Moins connue, mais première répertoriée par les archives échiquéennes, est la partie que

disputèrent des joueurs de Breda et de La Haye en 1804-^6 La diffusion du timbre-poste,

inventé en Angleterre en 1840, généralisera ces parties par correspondance ; l'ouvrage de

Walker, déjà cité, donne ainsi 57 parties disputées par correspondance entre 1824 et

1844. Quelques parties durent, antérieurement à 1804, être jouées entre adversaires

éloignés par le tmchement du courrier. Si l'histoire des échecs n'en garde qu'une trace

symbolique il en existe au moins un témoignage certain dans la correspondance

qu'entretint une certaine Constance de Theis avec un prétendant dans les années 1786-

1789 -^^ ; cette partie, soutenue par la volonté d'entretenir une liaison épistolaire si ce

n'est amoureuse, resta ignorée des autres joueurs. Plus généralement, la durée et le coût

de tels échanges durent longtemps desservir les velléités de partie par correspondance ;

aussi est-il significatif de noter que les premières parties retenues par l'histoire (1804,

1824) sont le fait non pas d'individus mais de groupes de joueurs qui s'assemblèrent

pour supporter les frais et durent ainsi entretenir ensemble l'enthousiasme nécessaire à

une longue lutte. L'existence de groupes de joueurs constitués semble ainsi avoir été un

des préalables aux parties d'échecs par correspondance "^'^ et cet aspect renvoie donc à

-^-"* L'ouverture écossaise est constituée par les coups : 1. e4, e52. Cf3, Cc6 3. d4. C'est

une des premières ouvertures qui reçut un nom autre que purement descriptif.

"^'^ Cf. le chapitre "History of correspondance chess" in Dunne 1991.

"*^ Dunne cite ainsi l'historien Thomas Hyde qui parlait en 1694 de marchands croates et
vénitiens qui «played chess by correspondance although living in distant countries :

so that for each move a letter must be written and each party be at considerable

expense before the game is finished». (1991 : 51).


-^« Cf. Bied et Coulet 1976 : 141-156.

Les premiers toumois (et non pas matches) individuels par correspondance datent des
années 1880.
121

l'histoire des cercles et des clubs qui devinrent en Europe des institutions sociales

majeures aux XVIIF et XIX^ siècles.

Si l'on se réfère enfin aux commentaires que lesjoueurs de l'époque exprimèrent

devant ce nouveau rapport à l'écriture, il apparaît que c'est un sentiment nouveau et

profond qui anima cette volonté de garder trace des parties. Les remarques les plus

développées se trouvent sous la plume de George Walker qui fut, rappelons-le, le premier

grand compilateur de parties :

«lt must be ever be considered as matter of regret that the practice of noting

down Chess games actually played is a habit only of modem growth ; and

was not adopted in the early and middle ages. Where are the parties played

between Leonardo. Paolo Boi, Salvio, Greco, Carrera, Rui Lopez, Gianutio,

and the rest of that illustrious fratemity ? Where may we look for existing

specimens of the undoubted skill of their immediate successors, as Scipione


del Grotto. II Casertano, and other Chess worthies whose names are recorded

by Rocco. And from them advancing to the times of our own grandsires,

where are the battles fought by the Modonese. Ercole del Rio, with Taruffi.

Lolli, and Ponziani ? Alas ! All traces of these names have perished as to

specimens of their actual play, except the names themselves and those may

never die while one spark of the living fire lingers in the breast of the

enthusiast ; but our loss is not the less to be deplored. True, in Salvio we

read, in very general terms, that such and such a game happened to arise

between such and such two celebrated players ; but upon closer examination

we discover that this could only relate to particular "coups," or stratagems ;

the whole of the moves played not being forthcoming.» (Walker 1844 : iv).

Cette expression d'un manque dans la connaissance du passé échiquéen se retrouve

chez de nombreux contemporains de Walker. Mais ce constat appelle une nouvelle

question. Qu'est-ce ce qui a rendu ce sentiment de perte si vif à cette époque ? Le tableau

suivant donne quelques éléments quantitatifs de réflexion. Établi sur la base des parties

répertoriées par Walker ^^, ce diagramme indique clairement que les années 1780-1795

- Ce tableau présente une forme lissée car Walker n'indique généralement pas la date
précise des parties mais les situe de manière globale dans une période. Ainsi sait-on

simplement que les parties de Philidor ont été jouées de 1780 à 1795.
122

marquent une première période de notation. Après une interruption d'une vingtaine

d'années qui correspond à la tourmente de la Révolution française et de l'Empire,

commence une seconde période de notation qui, peut-on ajouter, s'est poursuivie sans

interruption jusqu'à nos jours -"' ' .

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tableau établi à partir de Walker (1844)

La première période ( 1780-1795) apparaît décisive car primordiale. Elle conceme,

d'une part, 62 parties jouées par Philidor et, d'autres part, 31 parties réalisées par des

joueurs que Walker définit comme des «contemporains de Philidor». Dans ce processus

de notation, un élément essentiel, cmcial, est assurément constitué par la principale figure

de l'époque : François-André Danican. dit Philidor. Né en 1726 dans une famille de

musiciens attachés à la Cour de France, Philidor est connu pour avoir été à la fois

musicien (il composa de nombreux opéras-comiques) et joueur d'échecs. J'ai déjà eu

l'occasion d'évoquer son Analyze des échecs qui parut à Londres en 1749. Dès cette

-^' La relative diminution du nombre de parties relevées par Walker après les années 1835
ne correspond nullement à une désaffection du jeu (ou de la notation) dans les

années 1840. Devant le nombre croissant de parties écrites. Walker s'est au

contraire livré à une sélectivité accrue pour ces parties qui étaient quasiment

contemporaines. Aussi faut-il considérer ce tableau comme relativement exhaustif

jusqu'au match de La Bourdonnais contre Me Donnell et simplement indicatif d'une


pratique de notation entrée dans les m au-delà.
123

époque, Philidor est reconnu comme le meilleur joueur d'Europe et àpartir de 1771, il se

rend chaque année quelques mois à Londres pour s'assurer des revenus réguliers qu'il

tire de sa supériorité échiquéenne. Invité en particulier par le Parloe's Chess Club (fondé

en 1774), il y réalise à plusieurs reprises des séances de parties d'échecs à l'aveugle qui

stupéfient le public. Considéré comme un «émigré» par la Révolution française, il ne peut

retoumer en France en 1 792 et meurt à Londres en 1795

DREUX - JUILLET 1995


FESTIVAL DU BICENTENAIRE Or dans l'esprit des joueurs de

l'époque, Philidor occupe un rang tout à fait

particulier. Considérant que dans les années

1840 «we can boast of no one phenomenon

like Philidor» ( 1844 : iii). Walker le nomme

«the father and founder of modem Chess» et

poursuit en écrivant «thanks to Philidor

himself, for the brilliant example he set the

world in every way, as a Chess-master and

Chess-scribe.» (spm. 1844 : viii). Le

biographe de Philidor, George Allen, écrivait


PÊKPOe
dans une même veine en 1858 :

Affíche d'un tournoi d'échecs

organisé dans la ville natale de «Philidor ranks among the


Philidor en 1995
privileged few, whose claims to

be FIRST [sic], in their

respective spheres of intellectual activity, have been decided upon by an

action, on the part of their fellowmen, as authoritative as it is undefinable

by a tacit admission of supremacy, a general and spontaneous act of homage.

Such names become, in a manner, sacred. A Newton is never exposed to be

bandied about in comparisons (...[. The same instinct of reverential good

-^2 On trouvera un résumé de la biographie de Philidor dans Hooper & Whyld (1988 :
250-252) et Giffard & Biénabe (1993 : 343-349).
124

taste discourages all attempts at plucking the laurel from the brow of

Philidor» (spm, cité par Fiske 1912 : 362-3).

Philidor est véritablement perçu comme le premier champion des échecs. Il y eut

assurément avant lui de forts joueurs, mais aucun ne reçut une consécration comparable.

C'est certes à ses qualités échiquéennes que Philidor doit son apothéose, mais celle-ci ne

pouvait survenir sans l'existence d'un groupe social appelant de son désir un tel

champion. Une preuve en est que la majorité des parties que nous lui connaissons n'ont

pas été enregistrées par Philidor lui-même mais ont été sauvegardées par des joueurs

anglais (en particulier par le mathématicien et physicien George Atwood et par

l 'ecclésiastique Wilson ) qui gravissaient autour de Philidor et cherchèrent par l 'écriture à

fixer pour l'étemité les exploits que réalisait encore un Philidor vieillissant. La plupart des

parties ont ainsi été recueillies"'-^ à partir de 1793 alors que Philidor déprimé ne pouvait

rejoindre sa tendre épouse à Paris. Agé, malade, il reste néanmoins le plus fort joueur de

son temps et n'affronte ses adversaires qu'en leur accordant des «avantages»"'-^. Un génie

des échecs va mourir, irremplacé.

Aussi le monde des échecs doit-il témoigner sa gratitude envers ceux qui ont assuré

l'immortalité du champion et, pourrait-on ajouter, posé ainsi les fondements historiques

du groupe qui reconnaît le champion en question :

«the services of Atwood, which will meet with the heartiest recognition from

chess lovers of the present time, were the pains he took to rescue from

oblivion the combats of Philidor and his school. At a day when such a thing

as the recording of games was hardly known, when even Philidor himself

cared to preserve less than a dozen of his contests, Atwood determined that a

portion at least of the famous chess battles of the latter years of the eighteenth

century should not be lost to posterity.» (spm, Fiske 1912 : 238-9)

Entraîné par le mouvement de notation. Atwood copia également plusieurs parties

de ses contemporains. Le mécanisme était dès lors lancé et après la tourmente

Fiske 1912: 237.

^-^ Lors d'une partie à «avantage», le joueur le plus fort retire une pièce ou un pion de son

jeu.
125

révolutionnaire ne devait plus connaître d'interruption. La longue série de matches (en

tout environ 85 parties!) que le français Louis Charles de la Bourdonnais disputa avec

l'irlandais Me Donnell en 1824 constitue ainsi le premier grand affrontement de l'histoire

des échecs à être entièrement noté (non par les protagonistes eux-mêmes mais par William

Greenwood Walker).

En résumé, l'apparition de la notation des parties d'échecs est à mettre en rapport

avec le sentiment de perte qui anima le groupe social des joueurs d'échecs au moment où

il se constituait et voyait disparaître le champion dont il était la condition. Par sa

nouveauté, cette pratique de notation ne s'imposa cependant pas immédiatement à tous et

il fallut en fait environ un siècle pour ménager la transition entre un écrit absent et un écrit

omniprésent. Tout au long du XIX^ siècle, se trouvèrent en effet des joueurs, et des

meilleurs, qui proclamaient que leur talent ne devait rien aux livres d'échecs. «The child

has never opened a work on chess» (cité par Rather in Reinfeld 1951 : 99) proclamait

ainsi, vers 1850, l'oncle de Paul Morphy alors que celui-ci, âgé d'une douzaine

d'années, promettait déjà de devenir le plus prodigieux joueur du XIX^ siècle.

Deux figures du temps où lesjoueurs n'étaient pas encore tous devenus des

scripteurs nous sont fournies par l'écrivain anglais Charles Tomlinson dont la vie

parcourut le siècle (1808-1897). La première description conceme le vainqueur des

matches de 1824 auquel Tomlinson n'accorde cependant pas les palmes académiques :

«When Labourdonnais was requested by a French publisher to prepare an

elementary work on chess, the author wrote with a shovel instead of a pen

[...] I cannot imagine Labourdonnais as a teacher. [...] His place was at the

chessboard, playing games at various odds by the score, and marking the

number by pegging the holes which he had ordered to be made in the frame of

the board.» (Tomlinson in Reinfeld 1951 : 297-298)

-''-'' 11 faut entendre «odds» au sens d'«avantage» ou de handicap (cf. note précédente) ;

cette phrase signifie que La Bourdonnais jouait des parties où il donnait des

avantages variés en fonction des résultats qu'enregistraient ses adversaires contre


lui.
126

Même si le nouveau traité du jeu des échecs (1833) ne connut pas un succès

faramineux (il ne fut traduit qu'en espagnol et en russe), le dénigrement des qualités

d'auteur de La Bourdonnais (1795-1840) semble néanmoins bien injuste quand on sait

qu'il fut le rédacteur en chef de la première revue d'échecs à paraître (le Palamède en

1836). Le point important ici n'est cependant pas de rétablir une quelconque vérité

littéraire mais de sentir qu'en tant que joueur de la première moitié du siècle La

Bourdonnais peut être présenté comme totalement détaché de l'écrit. Il est à ce titre

intéressant de constater que l'anecdote rapportée marque une éclipse de l'écrit au profit

d'une pratique de comptage assez mdimentaire. Lesjoueurs contemporains qui disputent,

comme le faisait La Bourdonnais, des parties intéressées dans les cafés utilisent plutôt un

petit bout de papier à moitié glissé sous l'échiquier et sur lequel se trouve marqué le

nombre de victoires remportées ; l'intérêt de ces marques, ou des chevilles dont usait La

Bourdonnais, est de limiter les contestations au moment du paiement. On trouve donc

dans cette observation du comportement de La Bourdonnais l'expression d'une sorte de

"pré-histoire" de l'écriture.

En lui-même le comptage du score apparaît être comme un premier objet d'écriture.

Une scène souvent entendue dans les clubs d'échecs met ainsi en lumière le lien qui existe

entre écriture et score. Une telle scène se déroule lorsqu'un joueur a remporté une partie

de blitz, ou un match de blitz (autrement dit des parties par définition non notées), contre

un adversaire renommé : le vainqueur menace alors d'en rendre le résultat à la fois public

et écrit : «je vais afficher que tu as perdu contre moi», «je vais inscrire le résultat sur le

tableau». La menace n'est jamais mise à exécution. Elle a en fait comme fonction

d'informer oralement tous les membres présents du club de la victoire du "faible"

joueur : elle pourra d'ailleurs être répétée à l'occasion d'une autre session du club («j'ai

oublié d'afficher que...»). De plus, si l'expression sert à glorifier l'exploit individuel, elle

véhicule également une morale générale : les meilleurs sont parfois à la portée des

joueurs ordinaires. La menace reste néanmoins en l'air car son exécution (écrite) serait

-" pratique des joueurs contemporains montre qu'en fait différents niveaux d'écriture

(et de non-écriture) peuvent coexister.


127

perçue comme attentatoire à une bonne sociabilité. En plaisantant oralement sur l'écriture,

on en souligne le pouvoir sans en abuser^^.

La seconde figure de joueur non scripteur que j'emprunte à Tomlinson est celle de

Henry Thomas Buckle (1821-1862). Aujourd'hui largement tombé dans l'oubli. Buckle

connut cependant son heure de gloire au milieu du XIX^ siècle puisqu'il était alors

considéré comme le deuxième joueur anglais (après Howard Staunton qui était lui-même

«the world's leading player»). Voici ce qu'en dit Tomlinson :

«He seems to have grasped the principle of the game much in the same way

as it is said Deschapelles acquired draughts and chess ; that is, by merely

watching the players at the café. It does not appear that Buckle, any more than

Deschapelles, Labourdonnais, Boncourt, McDonnell, and other great players,

ever opened a book on chess, or even cared to record games that they played.

[...] Buckle shared in the carelessness of the olden time. Many of his best

games are lost, and the large number that are preserved fail, I think, for the

most part, adequatly to represent his skill. He seems to have known little or

nothing of the book openings. He generally adopted the safe Giuco Piano,

and when second player he usually preferred an irregular defense, (spm,

Tomlinson in Reinfeld 1951 : 282).

Or le cas de Buckle s'avère extrêmement intéressant car il porte en lui une

contradiction. 11 est d'un côté représentatif de cette demière génération de joueurs de la

- Historiquement, on connaît le score de matches réalisés avant que la notation des

parties s'impose. Philidor s'imposa ainsi contre Stamma en 1747 par huit victoires
à deux défaites.

On notera par ailleurs que lesjoueurs anglais utilisent le mot «score» pour désigner

l'enregistrement des coups d'une partie ; Hooper & Whyld définissent par exemple

«score of game» par «a record of the moves of a game» (1988 : 301) ; l'anglais

«score sheet» correspond ainsi à la «feuille de partie» sur laquelle sont inscrits les

coups. C'est probablement par son sens initial d'«entaille». de «marque», que le

mot «score» a pris en anglais cette acception échiquéenne, mais les remarques

précédentes laissent ouverte la possibilité d'une influence d'un des autres sens de

«score» (le seul à être passé en français) : «the total or record of points made in a

game» (Wordsworth).
128

tradition orale (ou plutôt "visuelle"). A la fin du XIX^ siècle, l'existence de tels joueurs

deviendra quasiment impensable, et sera au XX^ frappée d'une singularité exceptionnelle

(cf. Sultan Khan). Or Buckle se trouve être d'un autre côté un historien reconnu, l'auteur

en particulier d'une History of Civilization in England (1857) et ses biographes se

plaisent à reconnaître en lui un homme d'une grande culture et d'une grande mémoire. Sa

bibliothèque d'historien fut même réputée pour avoir contenu jusqu'à 20.000 ouvrages

^. 11 s'agit donc d'un historien, d'un homme engagé dans la recherche bibliographique

qui, curieusement, dans le domaine du jeu d'échecs (où il fut pourtant loin d'être le

demier) ignore le livre, ignore la notation des coups ^^. Les récits portant sur les demiers

instants de Buckle mérite d'être ici analysés car ils signalent la manière dont la "culture

échiquéenne" a pu résoudre, ou du moins intégrer, cette contradiction.

Il est mort, dit-on, à Damas d'une fièvre typhoïde en criant «My book, my book ! I

shall never finish my book.» (Coles in Reinfeld : 281 ). Un autre témoignage rapporte :

«At Damascus, [...j, he contracted a fatal illness, allegedly crying as he died 'My book !

I haven't finished my book.'» (Hooper & Whyld 1988 : 52). Curieusement, l'auteur de

l'abondante biographie de Buckle dans le (non-échiquéen) Dictionary of National

Biography (1886) semble ignorer cette phrase si marquante ; ce n'est pourtant faute de

sens du détail puisqu'il apporte, sur les demiers moments de l'historien, ces précisions

"essentielles" : «Dr. Barclay arrived after some delay on the 28th, and found the case

almost hopeless. Buckle died the next moming, 29 May 1862, and was buried the same

day in the protestant cemetery».

Bien que le corpus se réduise à trois textes, le lecteur ne peut qu'être marqué par la

présence de la phrase énigmatique du «my book...» dans les deux seuls textes^ relevant

-^'^ Cf. \e Dictionary ofNational Biography 1886, vol. VII.


^'^ Nous avons vu qu'inversement, au siècle précédent, un joueur comme Rousseau,

pourtant peu talentueux, est déjà profondément livresque.

6fUe considère comme ne formant qu'un seul texte la présentation de Reinfeld, la citation

de R. N. Coles (tiré de British Chess Magazine 1948) et l'extrait du texte de

Tomlinson (tiré de British Chess Magazine 1891) dans le chapitre "Buckle as a

Chessplayer" de the Treasury of Chess Lore (Reinfeld 1951 ).


129

de la "culture échiquéenne". Il faut ajouter à cette remarque que la formulation de cette

demière parole de Buckle ne précise pas le thème de l'ouvrage inachevé. Il pourrait donc

s'agir d'un livre sur les échecs même si, à la réflexion, on se convainc de la nature

nécessairement historiographique du livre en question. Les biographies de Buckle

répondent ainsi à deux stmctures opposées qui peuvent être schématisées ainsi :

versions échiquéennes :

Buckle est un joueur d'échecs "illettré"

mais un historien reconnu.

Ses demières paroles concement un livre inachevé.

version "historique" :

Buckle est un historien reconnu

et un joueur d'échecs de valeur (sans mention de son aspect illettré).

Il ne prononce aucune phrase mémorable à la fin de sa vie.

En choisissant de clore la biographie de Buckle sur la phrase «my book ! my

book...», la culture échiquéenne surmonte donc la contradiction en la dissolvant dans le

rire du tragique.

A l'orée du XX^ siècle, le développement de la littérature échiquéenne, l'habitude

de noter pour publication les parties disputées à l'occasion des grands tournois

intemationaux. feront que tous lesjoueurs de haut niveau se trouveront nécessairement

engagés dans l'écriture. Mais ce phénomène ne conceme pas que les maîtres car, dès cette

époque, la diffusion du fait écrit atteint également, à un degré plus ou moins fort,

l'ensemble des joueurs de club. Il devient impossible pour ceux-ci d'ignorer que le jeu

d'échecs s'écrit. En dehors de ce «monde des échecs» proprement dit, chacun peut même

à l'occasion découvrir cette spécificité scripturaire du jeu d'échecs. Un riche témoignage

nous est ainsi foumi par l'écrivain Julien Gracq (né en 1910) qui narre dans les lettrines

2 la naissance de sa passion pour les échecs. C'est à un camarade qu'il dut la


130

connaissance, acquise vers l'âge de 13 ans, des rudiments du jeu. Or quelque temps

après, il fut frappé d'une véritable révélation :

«Un jour à Champtocé, dans la vieille maison de famille je découvris

dans un numéro de joumal, qui avait dû servir à envelopper un paquet, toute

une partie reproduite et annotée. De voir consacré par l'imprimé ma lubie à

demi clandestine me laissa comme étourdi de surprise, de respect et de

mystère ; je ne connaissais rien de la notation : j'étais devant ces signes

incompréhensibles comme Champollion devant la pierre de Rosette. Quand

une brochure de dix sous, un peu plus tard, m'en livra le secret je me mis

aussitôt à noter toutes mes parties. J'en possède encore deux ou trois camets

remplis : l'incohérence, le décousu, la stupidité du jeu des Crusoe de

l'échiquier que nous étions tous (j'avais formé cinq ou six adeptes) y sont de

bout en bout si remarquablement constants queje m'étonne moins des siècles

écoulés et des millions de parties jouées, jusqu'à Philidor, sans que le sens du

jeu ait fait le moindre progrès. Enfin je découvris Philidor, dans une arrière-

boutique de libraire puis en 1929, le livre de Réti : Modem Ideas in Chess,

qui est un peu le Manifeste du Surréalisme échiquéen, me donna à Londres


tout un été de découverte et de bonheur. En 193 1 . ce fut Niemzovitch et Mein

System. J'ai dû tout aux livres, et presque rien à la pratique du jeu, restée

chez moi très intermittente [...[» (spm. Gracq 1974 : 176).

Le cas de Gracq est, dans son acquisition de l'écriture échiquéenne, typique car

nombreux sont lesjoueurs pour lesquels l'écrit s'est imposé avec une force comparable

alors que son existence restait jusqu'alors insoupçonnée ou du moins méconnue. D'une

certaine manière, le principal moyen de diffusion de l'écriture, c'est l'écriture elle-même.

Par ailleurs, la manière dont Gracq présente sa carrière échiquéenne illustre bien, même si

lui-même s'en écarte, une sorte de schéma idéal que suivent nombre de joueurs pour

s'intégrer au «monde des échecs» : à l'apprentissage des premières règles dans un cadre

familial ou amical, suit l'achat d'un livre d'échecs qui. apportant une connaissance

technique élémentaire mais suffisante pour assurer des victoires hélas rapidement sans

intérêt sur les adversaires habituels, entraîne à s'inscrire dans un club d'échecs. Là. le

nouveau venu côtoie tel ou tel joueur qui a lui-même connu un de ces maîtres dont les

livres et les revues vantent les prouesses.


131

Mais cet étalement réciproque de l'écrit et de la sociabilité se trouve lui-même

historiquement datable. Le droit de la personne et le sens de l'étiquette se sont en effet

très directement exercés sur les publications échiquéennes car lesjoueurs ont longtemps

refusé de voir d'une part leurs parties publiées (soit parce qu'ils les avaient perdues, soit

parce que de futurs adversaires pouvaient avantageusement s'en inspirer) et d'autre part

leur nom mentionné ; l'anonymat qui confortait la deuxième réticence permettait

évidemment de toumer la première. Ainsi, l'ouvrage que William Lewis publia à Londres

en 1832 sous le titre évocateur de Fifty Games as Specimens of modem Play restait muet

sur le nom des adversaires. Dans les ouvrages et les périodiques de la première moitié du

XIX^ siècle, les initiales accompagnées d'étoiles et éventuellement de la ville de résidence

(ce qui donne par exemple «w******* de Paris» pour mon propre nom) sont d'un usage

courant. Une telle présentation des noms n'occultait donc pas totalement la sociabilité

maisellela limitait à la reconnaissance des joueurs déjà bien connus. En contraste, il se

trouve que l'interconnaissance des joueurs contemporains se construit en grande partie

sur la lecture. La transition entre le nom caché et le nom exhibé semble encore une fois

avoir été concomitante avec l'apparition de la figure du champion. Les noms des forts

joueurs sont les premiers à apparaître et on verra une confirmation significative de cette

hypothèse dans ces parties imprimées qui relataient comment un amateur anonyme l 'avait

emporté sur un maître connu. Chacun rêvant de devenir maître, l'idéal de discrétion

bourgeois s'est effacé devant la nécessaire ostentation du champion.

La notation des parties procède ainsi d'une sorte de "progrès" épistémologique. Les

premiers traités d'échecs ne donnaient en modèle que des parties didactiques qui n'étaient

pas censées avoir été jouées sur l'échiquier et ils contrastent en cela des publications du

XIX^ siècle qui foumissaient aux lecteurs des exemplaires attestés de jeux réels. Dans les

Chess Studies de 1844 qui symbolisent ainsi que nous l'avons vu une rupture décisive.

Walker attribue l'originalité de son travail au fait qu'il a décrit «Chess as it is, and as it

has been» alors que les autres manuels se contentaient d'un «Chess as it should be». Le

développement de la littérature échiquéenne est donc dépendant, en plus des autres

facteurs déjà notés, d'une transformation de la définition de la Science. A partir de cette


132

époque, la Science échiquéenne n'est plus pensée comme créatrice de norme mais comme

observation du réel.
133

II

Or cette observation du réel s'est appuyée sur des systèmes de notation qui, nous

l'avons vu en introduction de ce chapitre, sont ressentis par lesjoueurs eux-mêmes

comme profondément différents. Une étude des deux principaux systèmes de notation

des coups, à savoir r«algébrique» et la «descriptive», permettra de mettre en évidence

l'aspect culturellement construit de ces deux systèmes qui envisagent de manière parfois

radicalement opposée les concepts d'espace, de temps et de matière'. L'analyse

linguistique de ces deux systèmes de notation conduira ensuite à faire ressortir que l'écrit

ne peut être considéré, aux Échecs, comme une simple transcription de la parole et qu'il

faut plutôt entendre cette demière comme une verbalisation de l'écrit. Ce chapitre se

terminera enfin sur les modifications du raisonnement liées à la pratique de l'écriture.

Comparaison des notations algébrique et descriptive

Dans la «notation al gébrique»2. à chaque colonne (verticale) correspond une des 8

premières lettres de l'alphabet : à chaque rangée (horizontale) est affecté un chiffre de 1 à

8. Les cases ont donc pour nom un couple formé d'une lettre et d'un chiffre : «hl»

désigne ainsi la case située en bas à droite de l'échiquier. Tous lesjoueurs contemporains

regardent cette «notation algébrique» comme à la fois évidente et naturelle ; elle repose

d'ailleurs sur le principe des coordonnées cartésiennes que l'école enseigne dès le plus

^ L'analyse se focalise sur ces deux systèmes car ils présentent l'avantage de se
différencier clairement et d'offrir les sources les plus riches. Mais il ne faudrait pas

pour autant déduire de cette étude qu'ils constituent deux modèles opposés,

représentatifs de l'opposition pensée traditionnelle / pensée modeme. car une telle

lecture de cette comparaison gauchirait en fait l 'esprit dans lequel elle fut menée.

2 En visant à mettre à jour les principes directeurs de ces systèmes, cette analyse
comparative ne se substitue pas à la présentation qu'en donnent d'un point de vue
pragmatique les manuels élémentaires. Aussi le lecteur trouvera-t-il à la fin de ce

chapitre deux extraits d'ouvrages connus exposant ces systèmes.


134

jeune âge et qui sont de plus d'un usage courant pour la lecture des plans de ville 3. Il

faut pourtant rappeler que si son principe est connu depuis les manuscrits arabes du

Moyen Age, elle ne s'est imposée qu'à partir des années 30 en France, et seulement

cinquante ans plus tard en Angleterre. Cette notation est aujourd'hui universelle.

abç déigh

b d h

tableau : la notation algébrique

En s'imposant ainsi, le «système algébrique» semble avoir définitivement supplanté

la «notation descriptive» qui possède comme particularité première de nommer les

' Tous les guides, tous les panneaux d'affichage des grandes villes, permettent

aujourd'hui de retrouver les monuments, les bâtiments publics ou les rues qu'ils

mentionnent à l'aide de repères en abscisse et ordonnée renvoyant au carroyage

d'un plan, d'une carte. L'analogie entre cet espace cartographie de l'univers urbain

et le quadrillage de l'échiquier a nourri l'intrigue de certains romans ou

cinématographiques (par exemple le film de R. Dembo, La diagonale du fou,

France 1983 ou le livre de Brunner, la v'ille est un éch'iquier, 1965).


135

verticales par le nom de la pièce qui s'y trouve au début de la partie (en distinguant les

pièces côté Dame, de celles côté Roi). Ainsi la colonne h (en «notation algébrique») est

appelée colonne de la Tour du Roi (expression abrégée en «TR»). Pour simplifier, on

peut temporairement considérer que les rangées sont numérotées de 1 à 8 comme dans la

«notation algébrique». La case «a5» en «notation algébrique» se trouve ainsi dénommée

«5TD» (prononcé cinq Tour de la Dame) en «notation descriptive».

Ainsi sommairement décrits, les deux systèmes semblent apparemment équivalents

: ils dénotent en fait des conceptions de l'espace et du monde très éloignées. Je n'en

étudierai ici que l'aspect échiquéen car je ne saurais affirmer que la préférence pour l'une

ou l'autre de ces conceptions dépendait de schémas culturels, voire de structures

linguistiques. II y eut en tout cas des préférences nationales marquées : au monde anglo-

saxon (Angleterre, USA) la «notation descriptive», aux mondes germanique et slave

(Pays-Bas. Allemagne, Russie, ...) la «notation algébrique». Ces différences

n'empêchèrent jamais lesjoueurs de se rencontrer et l'histoire suivante, datée de 1936,

foumit un vivant témoignage de la manière dont des joueurs de traditions différentes

expérimentaient la coexistence de leurs deux systèmes.

Lors d'un voyage, le narrateur, un Américain, rencontre un joueur hollandais et lui

propose d'engager une partie. Ne disposant pas d'échiquier, ils jouent entre eux «à

l'aveugle». C'est le Néerlandais qui débute :

«D'accord. Je commence. e2-e4.» («notation algébrique»]

Wow ! J'avais une connaissance suffisante du nom des pièces en hollandais

et de leur système de notation pour suivre une partie imprimée. Mais de là à

soutenir de tête une partie avec cette notation, c'était trop pour moi. Je fis de

mon mieux, mais après 15 coups j'étais tout embrouillé avec mes «d» et mes

«e» et j'abandonnai. C'était alors mon tour de mener les Blancs. Je décidai

que ma seule chance était de jouer quelque chose qui gagnerait ou perdrait

rapidement, aussi ai-je choisi la Muzio. L'ouverture sembla l'inquiéter et

j'espérai bien avoir trouvé quelque chose qu'il ne connaissait pas. Quand il

poussa le pion en 5CR («notation descriptive» qui se lit 5 Cavalier du Roi], je

répliquai C-3F [Cavalier en 3 Fou| au lieu de roquer.


136

«Tient donc, dit-il, la variante McDonnell de la Muzio ! Ça se joue toujours en

Amérique ?» (tpm. Wren in Reinfeld 1951 : 29).

11.1. Penser l'espace

En présentant au début de ce chapitre l'échiquier comme un carré de 8x8 cases, je

n'ai fait que reprendre la vision qu'en ont les joueurs contemporains. Mais ce n'est là

qu'une certaine manière de penser cet espace. Une tout autre conception se manifeste

ainsi sous la plume d'un auteur qui, en accord avec les idées de son époque, écrivait en

1836:

«On sait que l'échiquier est un champ de bataille partagé en deux camps, les
blancs et les noirs ; que chacun de ces camps se compose de quatre rangs ou

lignes de huit cases ; que des deux côtés la première ligne est occupée par huit
pièces et la seconde par autant de pions, et que la troisième et la quatrième

sont libres au commencement du jeu» (Poirson 1836 : 3).

L'échiquier n'est plus carré. Il est composé de deux rectangles qui expriment l'idée

d'un parfait rapport spatial entre les deux camps : à chacun la moitié de l'espace total

Or cette idée de symétrie se révèle être fondamentale pour la pensée échiquéenne.

Présente au début de la partie dans l'égalité matérielle des deux camps, la symétrie est

encore renforcée par l'arrangement initial des pièces où chaque figure trouve son pendant

Une démarcation bien visible a pu contribuer à cette représentation ou à sa réinvention


par plusieurs générations de joueurs. Dans sa biographie échiquéenne, Szpiner

décrit le jeu qu'il reçut enfant ainsi : «Il y avait une boîte en bois, séparée en deux

par une planchette, et le plateau aux soixante-quatre cases, en carton dur, pliable en
deux, dont la reliure symbolisait le territoire de chacun» (Szpiner 1990 : 1 1). Mais

on peut inversement considérer que la réinvention de ce partage spatial est fortement

contraint par une représentation préexistante. Pourquoi fabriquer une boîte à deux

casiers ? Pourquoi établir la jonction entre les deux parties de l'échiquier


horizontalement et non pas verticalement ? Notons que si cette séparation existe
toujours dans certains jeux de voyage, elle est par contre, de nos jours, totalement

absente des échiquiers de compétition faits soit d'une feuille de vinyle souple, soit
d'une planche de bois en marqueterie d'un seul tenant.
137

sur la même colonne. Cette correspondance produit un effet de miroir réfléchissant entre

la 4e et la 5e ligne car chaque joueur peut voir le camp adverse comme le reflet quasi-

identique de son propre camp. De même que l'image dans un miroir n'est modifiée que

par un seul aspect (gauche et droite s'échangent), la deuxième partie de l'échiquier est une

copie conforme à la couleur près : le blanc, case ou pièce, devient noir, le noir vire au

blanc.

Or cette symétrie s'avérait au début du XIX^ siècle encore plus évidente

qu'aujourd'hui car aucune règle n'édictait alors quel camp, des Blancs ou des Noirs,

devait effectuer le premier coup. La formulation de la question qu'un lecteur posa à une

des premières revues anglaises illustre à cet égard l'importance d'un modèle dans

l'adoption d'une règle :

Is it usual among the higher class of players, to play alternately with the

White and Black pieces ?

No : the player commencing with either coloured men, rarely changes them

during the sitting, (spm, Chess players' chronicle 1841 : 268)

A la différence d'aujourd'hui, le camp des Blancs ne disposait donc pas

automatiquement de l'avantage du premier coup, et donc de l'attaque. Avant de débuter la

première partie, les deux adversaires devaient donc préalablement définir la couleur de

On remarquera combien cette ancienne pratique va à l 'encontre de celle que réalisent

sans y réfléchir lesjoueurs contemporains. De nos jours, à l'issue d'une partie

amicale, chaque joueur dispose près de lui des pièces qu'il a prises à son adversaire

et il se sert donc "naturellement" de celles-ci pour reconstituer la nouvelle position

de départ.

A cette règle de non-altemance de la «couleur», s'ajoutait de plus le fait qu'à l'issue d'une

partie «nulle» le joueur qui avait eu le «trait» conservait le privilège de débuter la

partie suivante. «Remis». l'expression allemande d'origine française qui

signifie «nulle», garde d'ailleurs une trace de cette idée de refaire à nouveau la

partie qui était à l 'suvre dans cette convention. Notons d'ailleurs qu'en appartenant

au bagage nécessaire de tout joueur de compétition (qui doit être en mesure de

«proposer la partie nulle» à un adversaire germanophone). «Remis», poursuit ainsi

une carrière souterraine dans le vocabulaire français des échecs.


138

chaque joueur et attribuer à l'un d'entre eux le «trait», autrement dit l'avantage d'effectuer

le premier coup de la partie. Ceci constituait un processus assez complexe en

comparaison de la pratique actuelle qui repose, dans le cas de parties amicales, sur le

simple choix d'une des deux mains de l'adversaire où se trouve dissimulé un pion soit

blanc, soit noir. En effet, l'ancienne procédure mettait en tuvre quatre niveaux

d'intervention du hasard : l'âge relatif des joueurs, le choix d'une main, l'expression

verbale de la couleur préférée, et à nouveau le choix d'une main. Plus précisément,

l'obtention de la couleur et du trait obéissait à un principe de concordance puisqu'il fallait,

dans un premier temps, que la couleur annoncée corresponde à la couleur de la pièce

enfermée dans la main touchée (distribution des couleurs) et, dans un deuxième temps,

que la couleur obtenue pour son camp soit équivalente à celle de la pièce désignée

(détermination du trait) :

«Tirons au sort à qui aura le jeu blanc. Et d'abord, quel avantage y a-t-il à

posséder ce jeu ? Aucun sans doute ; mais il est à remarquer que beaucoup

de commençants préfèrent le blanc, les méthodes qu'ils ont étudiées leur ayant

donné la plus fausse idée du jeu, par la coutume absurde et défectueuse où

elles sont de foumir des exemples où le blanc jouit presque exclusivement du

privilège de faire échec et mat. Le meilleur moyen, pour un débutant, de

vaincre le préjugé que le blanc vaut mieux que le noir, est de jouer les parties
suivantes avec une couleur d'abord et deles recommencer ensuite avec l'autre

couleur : [...].

Quand on tire au sort, le plus jeune des champions prend dans chaque main

un pion de couleur différente et présente les deux mains fermées à son

adversaire, qui touche d'une des mains en nommant la couleur de son choix.

Si cette couleur sort de la main indiquée, elle appartient à l'adversaire ; sinon

le plus jeune a le choix.

Tirons ensuite à qui aura le trait, le droit de jouer le premier donnant un

avantage réel, puisque le premier joueur est l'assaillant, tandis que le second

se trouve en état de défense et y reste tant que le premier ne s'attarde pas à une

fausse manuuvre. Pour tirer le trait au sort, le plus jeune des champions

présente à son adversaire les mains fermées dans chacune desquelles se

trouve un pion de couleur différente. L'adversaire touche une main sans mot
139

dire. Si la couleur du jeu de l'adversaire sort de la main, il a le trait.»


(Moulidars( 18881: 26).

Par la critique qu'elle formule à I'encontre de la "superstition" des débutants, cette

citation laisse de plus entrevoir une évolution en cours donnant l'exclusivité du trait aux

Blancs. De fait, l'adoption d'une couleur "prioritaire" 6 se mit en place dans les années

1860 et il faut voir dans cette modification de la pratique échiquéenne un effet direct de

l'écriture. Un témoignage nous en est foumi par le poème "Chess player's alphabet"

(pam initialement dans le Chess Monthly, november 1860) de l'Américain Daniel Willard

Fiske (1831-1904). un important polygraphe en matière échiquéenne. Organisé sous la

forme d'une liste où chaque lettre de l'alphabet est mise en relation avec un fait

échiquéen, ce poème rappelle en effet la convention qui fut largement suivie dans les

livres d'échecs au milieu du XIX^ siècle :

«W is White, who moves first in the books» (Fiske 1912 : 201).

Mais la seule mention de cette convention souligne qu'elle ne concordait pas encore

avec celle qu'appliquaient lesjoueurs lors des parties.

Penser la symétrie initiale des positions blanche et noire est l'une des grandes

préoccupations de la culture échiquéenne ainsi qu'en témoigne un grand nombre

d'anecdotes. Une historiette ^ rapporte le cas d'un jeune joueur ayant perdu un pari parce

6 Le Petit Robert illustre l'article "priorité" (dans son sens de primauté) par cette citation

de Sartre : «Cent habitudes de langage qui consacrent la priorité du blanc sur le

noir». Une raison pour laquelle le choix s'est fixé sur Blanc est donnée dans le

chapitre sur le temps.

^ Si elle se trouve, par exemple, dans le Bulletin de la Fédérationfrançaise des échecs,

(janvier-mars 1922 : 14), cette histoire ou tout au moins l'énoncé et la partie qui lui

sont liés appartiennent à ce genre particulier de problèmes-attrapes que lesjoueurs

aiment à se poser en particulier à l'issue des toumois. La contrainte très forte qui

s'exerce lors d'un toumoi implique le respect absolu des règles officielles et la

bonne application des principes tactiques et stratégiques, aussi l'achèvement de la


140

qu'il était à tort persuadé de l'impossibilité de perdre avec les Noirs dès lors que

ceux-ci imitaient tous les coups des Blancs. La partie, jointe à l'histoire, montre comment

quatre coups suffisent aux Blancs pour mettre «échec et mat» cette stratégie simpliste ^.

La même idée se trouve exprimée, sous une forme paradoxale, dans un épisode

prêté au légendaire Baror de Miinchhausen ^. Se flattant d'être redoutable aux échecs, le

Baron dispute un jour trois parties avec les Blancs (et le trait) contre un adversaire

inconnu. Les deux premières parties se terminent curieusement d'une manière

équivalente : au moment où Miinchhausen voit sa stratégie d'enfermement de la Dame

adverse couronnée de succès '^, il subit lui-même un échec et mat fatal. Il faut attendre la

troisième partie pour que Miinchhausen réalise que son adversaire ne fait qu'imiter ses

coups (selon une symétrie centrale). Le double vainqueur du grandissime champion

ignorait en fait jusqu'aux règles mêmes du jeu î

Le thème d'une stratégie mimétique évoque irrésistiblement la naïveté et ces

anecdotes démontrent que le jeu-miroir (faire la même chose que l'adversaire) n'aboutit

en fait qu'à une catastrophe pour celui qui s'y risque. D'une position égale que rien

n'exprime mieux que la symétrie des pièces en position initiale, la partie d'échecs cherche

à faire surgir la différence de la victoire et de la défaite, différence qui est asymétrie totale.

compétition offre-t-il en revanche une possibilité de liberté à l'égard de ces règles

ou principes qui donne lieu à une expérimentation de nouvelles potentialités

ludiques.

^ Bien qu'il suffise déjouer en notation algébrique 1. d4, d5 2. Dd3, Dd6 3. Dh3,

Dh6 4. D X c8 mat, le problème n'est pas totalement évident à résoudre pour un

joueur de club à cause, en particulier, du 3^ coup qui est totalement incongru du

point de vue d'un jeu normal puisqu'il place la Dame en prise sans aucune

compensation. Autrement dit, si les Noirs cessaient au 3^ coup d'imiter les coups

blancs et se mettaient à jouer logiquement, ce seraient eux qui pourraient aisément

s'assurer une victoire certaine en commençant par «ramasser» cette Dame en l'air.

Seule la crédulité des Noirs assure le succès de cette stratégie.


'-^ On en trouve une version dans Arrabal ( 1984 : 83-85).

'"Rappelons que la Dame est la pièce la plus puissante sur l'échiquier et que gagner celle
de l'adversaire présage donc une victoire aisée.
141

Or ce qu'enseignent ces histoires, mais aussi une connaissance concrète, théorique, des

ouvertures ' ', c'est que rien ne conduit plus rapidement à cette asymétrie radicale que de

chercher à conserver parfaitement la symétrie de départ ' 2.

' ' Cf. par exemple, la variante connue de la «défense Russe» : (en notation algébrique)

l.e4, e5 2.CO, Cf6 3. Cxe5, Cxe4 qui fait immédiatement perdre du matériel aux

Noirs après 4.De2. (Si le Ce4 recule par exemple en f6, 5. Cc6-i- gagne la Dame

adverse).

'2 Pour être plus précis, ce n'est pas exactement la symétrie en elle-même qui est
condamnée, mais le fait de subordonner toute la tactique à ce désir de symétrie. Il

existe bien sûr des positions, en particulier en finale, où la symétrie signifie pour

les deux camps l'impossibilité de s'assurer la victoire ; la position Roi contre Roi

(toutes les autres pièces ayant été prises) en est l'exemple le plus trivial. Mais même

des positions symétriques d'apparence très élémentaires, peuvent se révéler

gagnante pour I ' un des deux camps :

abcd efg h

Exemple de finale élémentaire où «celui qui joue gagne»


142

Poursuivant d'une certaine manière un même but '-'', l'histoire drôle, forme

particulière de récit mythique, se distingue ici de la technique par son traitement

hyperbolique ; alors que la théorie se contente en effet d'étudier certains coups

symétriques et d'en donner si elle existe la réfutation, l'histoire de son côté affirme

la naïveté d'une telle stratégie imitative en recourant elle-même à des arguments naïfs.

C'est cette naïveté "au carré" qui rend l'histoire à la fois drôle et édifiante.

La notation descriptive intègre de manière très intéressante cette symétrie (et ne

désavantage donc pas un des deux camps). Chaque case se trouve en effet considérée soit

du côté des Blancs, soit du côté des Noirs. La case en bas à droite de l'échiquier du côté

des Blancs (hl en notation algébrique) se trouve ainsi appelée parles Blancs la «première

case de la colonne de la Tour du Roi» (abrégé en «ITR»), tandis que les Noirs la

dénomment «huitième case de la Tour du Roi» («8TR») car c'est leurs propres pièces qui

servent de point de référence. Les coups sont ainsi notés en fonction du point de vue

référentiel de celui qui les joue. La notation d'un coup étant donc dépendante du camp qui

l'effectue, il en découle deux conséquences étonnantes : les points de vue Blancs et Noirs

font nommer de la même manière des cases différentes (3CR se traduit en notation

algébrique soit par g3, soit par g6) ; l'appellation d'une case varie selon que la pièce qui

s'y rend est blanche ou noire (cf. supra ITR et 8TR).

*-^ Qu'une stratégie lourdement imitative soit praticable limite bien évidemment les

possibilités ludiques d'un jeu et condamne d'une manière ou d'une autre son avenir

(disparition radicale du jeu, ou bien pratique épisodique, pratique uniquement

enfantine, ...).
143

ai QD aá a ^d ^D >I1

TD CD FD D R FR CR TR

Tableau : la notation descriptive ' -*

Quoique ce système de notation puisse paraître aujourd'hui (aux joueurs comme

aux non-joueurs) d'un usage difficile, il ne soulevait pas de problèmes excessifs dans la

pratique. Concrètement, une des principales difficultés résultait de la notation d'une prise

car le nom de la case sur laquelle une pièce se posait différait du nom de la même case où

elle se trouvait prise ' -^.

'"^11 est important de signaler que ce tableau n'a été conçu que dans une vue "didactique"

car les échiquiers utilisés dans le contexte d'une notation descriptive ne comportent

aucune inscription sur le côté.

'- Cf. par exemple, la réponse aux questions des lecteurs dans une revue du début du

XX^ siècle : «Correct Notation of a move with Capture. If it is necessary to name

the square on which the captured man stood this must be the PLAYER'S name of

the square. This was referred to in our June Correspondance [...]. We now

mention this as several readers have claimed as a misprint move 14 in game


144

Cette notation présente par ailleurs l'intérêt de décrire, d'une même manière

conventionnelle, une partie quel que soit le camp qui débute, ce qui est impossible avec la

notation algébrique. Une théorie générale des ouvertures pouvait ainsi se constituer sans

être desservie par la question de la couleur débutant la partie '6. Sous un angle

psychologique, la notation descriptive offre de plus l'avantage d'obliger le joueur à

penser avec son propre système de référence et avec celui de son adversaire ; la

multiplicité ou du moins la dualité des points de vue se trouve ainsi affirmée dans cette

notation. Cette notation s'accorde ainsi, d'un point de vue formel, à la recommandation

évidente de prendre en considération les menaces adverses. Elle correspond même à une

conduite spatiale à laquelle lesjoueurs recourent assez fréquemment Iors des parties de

compétition et qui consiste à faire le tour de l'échiquier pour pouvoir considérer ainsi la

position du point de vue de l'adversaire ' '^.

Marshall v. Bum, Brilliants, July, stating that B x Kt (Kt6) [en français, F x C

(6C)| should be B x Kt (Kt3) [en français, F x C (3C)]. The text is correct since

White is the player and Kt6 is the player's name of the square on which the

captured man stood.» (The Chess Amateur. 1906-07 : 327).

'6 D'un point de vue logique et technique, il est évidemment équivalent que ce soient les

Blancs ou les Noirs qui commencent. Le jeu garde une même structure. La notation

algébrique nuit cependant à la comparaison de parties similaires débutant par des

couleurs différentes ainsi que le montre l'exemple suivant de la «défense des deux

cavaliers de l'ouverture italienne» qui s'écrit :


soit 1 . e4. e5 ; 2. CO, Cc6 : 3. Fc4, Cf6 (les Blancs débutant),

soit 1 . d4, d5 ; 2. Cc3, Cf6 ; 3. Ff4, Cc6 (les Noirs débutant).

Le système descriptif donne en revanche, quelle que soit la couleur favorisée par le

«trait», une notation unique : 1. P 4R, P 4R ; 2. C 3FR, C 3FD ; 3. F 4FD, C

3FR. II n'est pas nécessaire d'être joueur pour réaliser simplement de visu que

l'altemance des couleurs nuisait à l'adoption de la notation algébrique. Ce point

rappelle évidemment que l'écriture est, entre autres, un outil de comparaison.

'^ Cette conduite spatiale se déroule normalement à des moments où la situation sur

l'échiquier est tendue. Le joueur attend généralement que l'adversaire se soit

absenté, ou du moins levé, (de manière à ne pas provoquer son irritation par le

sentiment désagréable d'avoir l'adversaire dans le dos) et examine d'un neuf la


145

Cette pensée de la symétrie ne s'arrête pas à la confrontation Noirs-Blancs car elle

rencontre un écho dans la constitution de chaque camp. Une symétrie inteme s'observe

en effet dans l'opposition aile-dame, aile-roi et se manifeste directement dans la notation

descriptive par des expressions comme «Tour de la Dame» vs «Tour du Roi». La Dame

est la contrepartie féminine du Roi '**. Ici encore, ce fait de l'échiquier entre en affinité

avec certains récits et en particulier avec ceux relatifs à l'origine "officielle" du jeu

d'échecs :

«les échecs firent leur première apparition au V^ siècle de notre ère au nord de

l'Inde. Le jeu de cette époque s'appelait Chaturanga, ce qui signifie «(Quatre

Rois». Il se disputait également sur 64 cases, mais se jouait à 4 partenaires.

Chacun jouait pour soi-même et devait lancer un dé qui désignait

impérativement la pièce à bouger. [...]. De bons joueurs voyaient leur belle

position s'écrouler sur un coup de dé malheureux. Inversement, des

«toquards» gagnaient partie et argent avec le coup de pouce du hasard

favorable. L'idée révolutionnaire de supprimer les dés se répandit petit à petit

et la réflexion remplaça le hasard. [...]. Le deuxième progrès fut accompli

plus tard quand on associa lesjoueurs par 2 et réduisit la lutte à un duel.

Amélioré par ces deux réformes, le Chaturanga commençait à ressembler aux

échecs modemes.» (Giffard 1993 : 333-334).

11 y a parfois dans l'histoire du passé ''^ comme un goût de mythe... A cette

situation de désordre initial dû au hasard, aux alliances et aux trahisons toujours possibles

position ; il reste debout, ne s'asseyant jamais sur le siège adverse dont il peut
néanmoins utiliser le dossier comme appui.

' ^ On pourrait (comme entre les deux camps) placer un miroir entre Roi et Dame.

'^ Pour une opinion plus nuancée sur l'origine du jeu par un grand historien des échecs,

voir Murray (1913 : 46).

Il faut remarquer au passage la traduction approximative du sanskrit «chaturanga». Le

Sanskrit-English Dictionary de Monier-Williams rappelle que «caturanga» signifie

étymologiquement «qui possède quatre membres» et a servi à nommer l'armée

indienne classique qui comprenait quatre corps (les éléphants, les chariots, la
146

entre plus de deux joueurs, aurait donc succédé la fusion des camps deux à deux20

permettant seule un véritable duel de l'intelligence pure. Chaque camp vit ainsi le nombre

de ses pièces multiplié par deux, l'un des deux Rois alliés devint la Dame et l'opposition

entre pièces «de la Dame» et pièces «du Roi» dans la notation descriptive marque donc

comme une visible "survivance" de cette antique mais si fmctueuse union 2 '.

Ce souci de la symétrie que manifeste la notation descriptive dans sa formalisation,

s'avère en revanche absent de la notation algébrique puisque celle-ci décrit un espace

abstrait, pensé indépendamment des pièces qui y figurent, et privilégie un point de vue

unique. Les joueurs qui, anciens adeptes de la notation descriptive, adoptèrent

l'algébrique éprouvaient d'ailleurs au départ (lorsqu'ils menaient les Noirs) quelques

cavalerie et l'infanterie). Par extension, le terme désigna le jeu d'échecs indien qui

mobilisait des pièces de même nom.

2^^ On peut rapprocher ce double système d'opposition symétrique (blanc/noir et aile-

roi/aile-dame) de l'organisation des systèmes polythéistes à propos desquels Jean-

Louis Durand écrit : «Le panthéon revêt l'aspect d'une formation en cristal à

l'intérieur de laquelle chaque puissance se donne comme l'ensemble des rapports

qu'elle entretient avec les autres», (in Izard et Bonté 1991 : 588).

2' On notera qu'il n'est jamais fait usage de l'opposition gauche / droite dans les échecs

modemes alors que cette opposition existait, semble-t-il, dans la notation arabe (cf.

Murray 1913 : 229). La seule exception conceme la «case blanche à droite» dont il

sera question plus loin.

Le texte de Guyot qui explique le mouvement du roque en écrivant que «quand [le Roi]

roque à droite, il se met à la case de son fou [...] et quand il roque à gauche, il se
met à la case du fou de sa dame» ( 1823 : xiii) manifeste ainsi la faiblesse de sa

pratique échiquéenne car cette présentation du roque n'est valable que dans la

perspective des Blancs. C'est parce que l'opposition gauche/droite est relative à un

point de vue unique qu'elle n'a pas été retenue par la pensée échiquéenne de

l 'espace qui se doit de prendre en compte la situation de vis-à-vis des deux joueurs.

Cette opposition resurgit néanmoins dans la pensée du temps puisque les Noirs

disposent du privilège de placer la pendule du côté de leur choix, et en particulier

(pour le cas le plus fréquent de joueurs droitiers) «à leur droite», (cf. le chapitre

temps).
147

difficultés à compter les rangées en fonction du seul camp des Blancs. La notation

algébrique donne une orientation définitive à l'échiquier et elle coïncide en cela avec les

«diagrammes» de positions ou de «problèmes» qui placent systématiquement les Blancs

en bas de l'échiquier.

M. Niemeijer et J. Hsutong
2e Prix, ¿Tomf c7¿-wij\vuLVi, 1922
7+4 2*

Tableau : exemple de problème de mat en 2 coups^^

22 Un «problème» d'échecs est une position inventée par un «compositeur» de manière à


ce qu'une solution et une seule puisse répondre à la consigne (ici, «mat en deux

coups», symbolisé par «2^»). Ce «problème» est donné tel qu'il est présenté dans

l'ouvrage de Jean-Pierre Boyer. Problèmes d'échecs en deux coups (1983 : 30).

Malgré l'absence des lettres et des chiffres sur le pourtour du diagramme, la

convention d'orientation permet de savoir les mouvements réalisables par les Pions

(étant donné que ce sont les seuls figures du jeu d'échecs à ne pouvoir aller en

arrière). (Niemeijer et Hartong sont les co-auteurs de ce problème qui reçut le

deuxième prix d'un concours de composition de problèmes paru en 1922 dans la

revue Good Companion ; «7-(-4» indique le nombre de pièces blanches et noires).

La majorité des joueurs contemporains reprochent aux «problèmes» modemes d'être très

éloignés des positions pouvant survenir au cours d'une partie et, de ce fait, d'être à

la fois incompréhensibles et saugrenus. Mais c'est que les problémistes portent.


148

Cette orientation générale de ces petits tableaux de l'échiquier que sont les

«diagrammes» n'a évidemment pas, à la différence d'autres procédures scripturaires,

modifié la façon déjouer. Aussi faut-il considérer la nouvelle suivante comme une

délicieuse exploration humoristique des conséquences extrêmes que poserait une trop

grande subordination à la forme écrite 2-^.

[ . . . [ My opponent sat down and with an amiable nod he beckoned me to take

my seat opposite him. At that moment 1 took a heroic decision and

challenging all accepted custom, I sat down quietly on his left.

«But, sir,» said my rival to the coveted titie, «you are Black.»

«I know, sir, but I don't believe that there is any law which compels both

players to sit opposite one another. What is not forbidden is permissible.

With your permission 1 shall play the Black pieces while sitting on the White
side.»

«You will admit that this is contrary to common usage and nothing can justify

a decision so extraordinary, so uncalled for to say the least.»

[..., Le joueur explique alors qu'il est probIémiste| «Therefore. I always have

the White in front of me. In this position there are four pieces to the left of the

Black king. If I sit down opposite you as usual, there would be only three

ainsi que l'explique l'un d'entre eux, un tout autre regard sur l'échiquier : «Les

problèmes d'échecs présentent des positions invraisemblables pour les joueurs.

Ceux-ci, même s'ils sont des Maîtres ou des Grands-Maîtres, ne peuvent rien

comprendre s'ils n'ont pas un minimum de culture. C'est que le but est différent.

Dans une partie, il s'agit d'une lutte entre deux joueurs. L'aspect sportif

prédomine. La beauté, si elle existe, ne vient qu'après, elle n'est que la

conséquence de la bagarre. Dans le problème, au contraire, le compositeur a réalisé

une idée en respectant des règles artistiques. II marie les effets des pièces se
déplaçant sur l 'échiquier comme un peintre les couleurs, ou comme un musicien les

notes. La beauté est le véritable et le seul but.» (Boyer 1983 : 8).

Aussi le monde des joueurs de compétition et celui des «problémistes» constituent-ils

deux univers séparés même si certains individus participent des deux.

2-^ De longs extraits sont donnés de ce texte car il présente l'intérêt d'une description
réaliste du comportement des joueurs (gestes d'invite), des spectateurs (la «galerie»
qui se constitue rapidement autour de toute situation problématique), et des

procédures de résolution des conflits d'arbitrage (recours à la Fédération


Intemationale des Échecs).
149

Black pieces to the left of my king, everything would be inverted, out of line.

I have in the course of the years, made such a habit of playing in this manner

that I feel certain that I should lose with the Black pieces next to me. I might

castle with my queen and give unexpected checks with my own king. 1 am

sure you would not like to win under such conditions. Ah! if we were both

blindfold players the problem would be solved....»

«That's all very well, my dear sir, but we should both be perfectly ridiculous

and I am not anxious to become the butt of the gallery. We would look as if

we were playing piano duet !»

Some guffaws a little too pointed for my taste followed this repartee.

The gallery were enjoying themselves.... Already two camps were being

formed. The problemists and the solvers were on my side. 1 must admit that

the majority were loud in support of my opponent. [..., la partie n'est pas

jouée] 1 appeal to all chessplayers : on what authority can a player be

compelled to sit opposite his opponent ? And I maintain, if necessary against

the whole world, that as long as F.l.D.E. has not given a definite mling in

this controversy, freedom and self-determination must prevail." (Legentil in

Reinfeld 1951 : 38-9).

L'idée que cette nouvelle met en avant d'une façon outrancière n'est cependant pas

totalement étrangère au monde des échecs car on peut en voir une expression atténuée

dans l'orientation de l'échiquier qui semble obligatoire aux joueurs encore peu "lettrés"

(i.e. aux joueurs qui entrant dans le «monde des échecs» tel qu'il a été défini plus haut

commencent à prendre contact avec le fait écrit échiquéen). Conséquence de la notation

algébrique, l'échiquier se trouve bordé d'une série de lettres et de chiffres qui assignent à

chaque camp un côté particulier ; ainsi tandis que les Blancs sont situés du côté des

rangées 1 et 2. les Noirs occupent quant à eux les rangées 7 et 8. Mais ce positionnement

initial des pièces ne conceme évidemment, en toute logique, que des parties destinées à

être notées. Or on constate souvent que lesjoueurs "peu lettrés" qui disputent des parties

non notées, spécialement des «blitzs», éprouvent un certain trouble s'ils constatent une

inversion dans le placement des pièces et préfèrent généralement rectifier ce qui leur paraît

être une incorrection. En revanche, lesjoueurs confirmés négligent apparemment le

problème posé par l'orientation de l'échiquiercar ils engagent leurs blitzs sans se soucier
150

nullement du sens 2-t. Faut-il dès lors considérer qu'ils se détachent, le temps de ces

parties rapides, du caractère scripturaire de leur jeu ? Ou encore qu'ils oublient que

l'échiquier se trouve avec la notation algébrique orienté du côté blanc ? Une telle

observation pécherait pourtant lourdement parson interprétation superficielle des faits. Si

lesjoueurs n'accordent aucune importance à l'apparence de leur échiquier, c'est qu'ils en

ont en fait intégré intérieurement la composition. Qu'un joueur "non lettré" inconnu

vienne par exemple commenter la partie dans l 'espoir de pxjuvoir ainsi s'agréger au jeu en

foumit une éclatante illustration :

«Pourquoi vous ne jouez pas le Cavalier en c3 ?» demande le joueur fier

d'avoir vu une de ces redoutables «fourchettes» de Cavalier qui attaquent

deux pièces à la fois et d'avoir su traduire ce coup en fonction des

coordonnées indiquées sur l'échiquier.

«tu veux dire en f6 !» réplique aussitôt l'un des deux joueurs confirmés qui

corrige l'énonciation de la case en fonction cette fois d'une disposition

"normale" de l'échiquier.

Sibylline, la repartie du joueur confirmé ne cherche pas à s'engager dans une

quelconque justification de la stratégie menée ; le coup de Cavalier proposé était peut-être

une faute grossière, ou au contraire une mannuvre excellente négligée par mégarde, peu

importe. Par sa proposition de «Cavalier en c3», le joueur a trahi sa faible connaissance

du jeu et il ne saurait être question de se laisser distraire par un tel importun. Aussi lui

fait-on comprendre, sans ménagement, qu'il n'est même pas capable de distinguer

l'apparence (c3) de la réalité (f6).

Avant cette orientation due à la notation algébrique, pas nécessairement visible mais

toujours présente dans l'esprit des joueurs, une autre orientation symétrique celle-ci

s'était déjà exercée sur l'échiquier.

2-^ Ce point ne conceme que les parties non notées et spécialement les blitzs où
l'alternance rapide des camps ne s'accompagne pas d'une rotation de l'échiquier.

Dans les parties «officielles», et donc notées, une parfaite adéquation entre la forme

et l'idée est en revanche requise et les échiquiers se trouvent donc toujours "bien"
orientés.
151

Une des premières règles, si ce n'est la toute première, apprise par un débutant

conceme en effet la manière de disposer l'échiquier. Étant composé de cases bicolores et

d'un nombre pair de rangées et de colonnes, l'échiquier peut être toumé de deux façons

différentes ; aussi cette règle stipule la seule manière "correcte" en énonçant que chaque

joueur doit avoir «une case blanche à droite» 2>, autrement dit que les cases h 1 et a8 sont

blanches par définition. Cette règle n'aurait en soi guère de signification sans la règle

complémentaire qui détermine comment placer les Dames dans la position de départ. En

plaçant de manière symétrique les Tours, Cavaliers et Fous, il subsiste en effet deux

cases pour le Roi et la Dame et cela détermine donc une altemative dans le placement de

ces deux principales figures. Celle-ci se trouve réduite par la règle qui impose de placer

«la Dame sur sa couleur». Autrement dit à la Dame blanche revient la case blanche d 1 , à

la Dame noire la case noire d8. Les Rois sont enfin installés sur la seule case vacante de

leur camp (c'est-à-dire en el et e8). Philidor, en un siècle mal informé de l'histoire du

jeu, croyait en l'antiquité de cette règle et il lui prêtait une intention propitiatoire :

Cependant comme toute chose est sujette au changement, je vois avec regret,

que ce noble jeu n'a pas conservé par-tout sa pureté selon les Régies

attribuées à Palamède ; il est dit que les Grecs les observoient si exactement

qu'ils n'auroient pû souffrir un Echiquier mal tourné. Ils vouloient

absolument (comparant toujours ce jeu à une Bataille) que la Tour de la droite

fût placée sur une case blanche, parce que cette couleur étant de bonne augure

parmi eux, chacun des deux Combattans se promettoit la Victoire par le

moyen de cette case blanche à leur droite. (Philidor 1749 : viii-ix).

Le jeu d'échecs n'ayant pas encore été inventé du temps de la Grèce classique et

ayant, ensuite, été longtemps joué sur des échiquiers monocoiores, il n'est pas nécessaire

d'épiloguer sur le réalisme historique de ce mythe. De fait, on peut dater du début du

- Témoignage de la prééminence de la droite sur la gauche (ou du blanc sur le noir), la

proposition logiquement équivalente, *une case noire à gauche*, n'est jamais


utilisée.
152

XVF siècle l'établissement définitif de cette règle26. Ce point n'est peut-être pas

indépendant des nouvelles règles du jeu qui sont apparues, comme nous l'avons vu, à la

fin du XV^ siècle et qui concement principalement le mouvement de la Dame. Fait

fréquemment ignoré des joueurs peu confirmés, les deux règles complémentaires de la

case blanche à droite et de la Dame sur sa couleur impliquent en effet une prééminence

des Blancs sur les cases claires et des Noirs sur les cases sombres.

L'idée de symétrie n'a pas pour autant disparu des préoccupations des joueurs. En

dehors de considérations techniques 27 j| faut ainsi remarquer que l'alternance des

«couleurs» (et donc de l'avantage du «trait», ou premier coup de la partie) constitue un

principe dominant dans l'organisation des tournois modernes car, lors de ces

compétitions sans éliminatoire, les joueurs rencontrent à chaque partie un nouvel

adversaire choisi (parfois avec très grande difficulté) de manière à ce que chaque

compétiteur dispute autant de parties avec les Blancs qu'avec les Noirs. La symétrie

s'exprime donc là diachroniquement.

La forme de la «pendule» qui sert à mesurer le temps des deux joueurs reproduit

par ailleurs cette symétrie puisqu'elle est composée non d'un cadran unique mais de deux

cadrans clairement distincts. La solution adoptée établit ainsi une analogie spatiale entre

les deux couples contraires : camp des Blancs / camp des Noirs et cadran des Blancs /

cadran des Noirs.

26 Murray remarque que c'est dans l'ouvrage du portugais Damiano ( 1512) que «the rule

that the board is to be placed so that the square hi is white is definitely stated for

the first time» (1913 : 788). On constate néanmoins que les diagrammes des

manuscrits médiévaux antérieurs à cette date présentent le plus souvent cette

orientation de l'échiquier.

2"^ Cf. la note supra sur la défense msse.


153

Estimation par le joueur


du temps restant sur les deux cadrans

_^î^^ -t- ~-J 1.;^\ Seule la position relative des deux joueurs

permet d'ailleurs de déterminer quel est leur

cadran respectif puisque les cadrans qui ne sont


.J

dotés d'aucun signe distinctif peuvent compter

indifféremment le temps de n'importe quel camp :

en cela, les différents modèles courants se


a^

démarquent de la première pendule d'échecs qui

fit l'objet d'un brevet en Angleterre.

Si de nos jours, la règle coutumière accordant au

joueur conduisant les Noirs le choix de l'emplacement

de la pendule (à sa droite ou à sa gauche de l'échiquier)

Dessin du brevet de la '^ ^""^"^^ "^^ P'"^ ^" P'"^ restreinte dans les
première pendule d'échecs ,^. . r-r- ,, , ,
(HooDcr 1988 240) competitions officielles par la consigne de placer «la

pendule à la droite des Noirs», elle reste généralement


154

de mise lors des blitzs (ce qui permet à un gaucher jouant «en second» de ne pas être en

plus défavorisé par l'emplacement de la pendule). L'aspect symétrique des deux cadrans

ouvre d'ailleurs la possibilité d'une tricherie assez "classique" lors des parties de blitz : le

fraudeur qui vient de dépasser le temps qui lui a été alloué (et qui devrait donc être déclaré

«perdu») peut avant que son adversaire ne réalise qu'il a gagné au temps saisir la

pendule de la main gauche (si elle se trouvait à sa droite), la retoumer d'un mouvement de

poignet et faire constater au joueur ainsi dupé que c'est lui qui a perdu. Conseil

d'«arnaqueur» : cette «magouille» a d'autant plus de chance de réussir que le joueur

trompé subit l'ascendance du trompeur (cas d'un joueur affrontant un adversaire mieux

classé) et qu'il se sait lui-même très à court de temps.

Une autre tromperie, très classique en blitz, consiste à poser la pièce sur le bord de

la case ; cette man permet éventuellement, quelques coups plus tard, de faire partir

la pièce de la case adjacente. La notation des coups empêche naturellement ce genre de

tricherie (quoiqu'il serait possible et cela a dû être fait déjouer la pièce sur une case

tout en inscrivant surla feuille de partie un autre mouvement). On trouve cependant dans

l'ouvrage de référence en matière de filouterie, how to cheat at chess, une partie notée
3
comportant un tel coup. Ecrit sous la forme 7. P.KR3 ., ce coup signifie qu'au 7ème

coup (7.), les Blancs avancent leur pion (P.) sur la colonne de la Tour du Roi (KR, i.e.

King's Rook) : mais, contrairement aux règles habituelles, l'espace de la colonne n'est

plus pensée sous la forme de 8 points discrets mais comme un segment de droite

composé d'une infinité de points dont celui sur lequel se pose le Pion, en l'occurrence le

point 3,75. Autrement dit, le Pion n'est pas placé au centre de la quatrième case (en

notation algébrique, h4) mais à sa base :

3
7. P-KR3 . ! [le point d'exclamation signifie «bon coup»]

It is. admittedly, wholly consistent with our strategy to play 7. P-KR4, but it

is more flexible to retain the option of a defensive P-KR3 should we change

our mind next move. Thus we keep the chance of adjusting our pawn

backwards to KR3 if desired. Less accurate is 7. P-KR3.^ [c'est-à-dire à


155

l'intersection des troisième et quatrième cases] when the opponent would


certainly demand immediate clarification of its position. Such a move may,

however, frequentiy be justified in an endgame where, in a race between


passed pawns, it is often possible to save valuable time by playing P-R4,

followed by P-RSw and P-R7 on the next two moves, thereby obtaining a

queen a move before your opponent. (Hartston 1976 : 88).

Parodique, l'explication de ce coup est typique des «commentaires» sérieux qui

accompagnent l'exposition des parties dans les livres et revues d'échecs. En tant que

«maître intemational», Hartston était rompu à cette forme d'expression échiquéenne.

11.2. Penser le tenfips

Parallèlement à la problématique de l'espace, un système de notation permet aussi

de penser le temps. Cette idée, qui sera développée dans le chapitre sur le temps, se

manifeste en particulier par le fait que, pour le joueur d'échecs modeme, la succession

des coups constitue une stmcture temporelle. Ainsi le joueur exprime la «durée» d'une

partie en nombre de coups plutôt qu'en heures ou en minutes. Bien que l'on pourrait

penser que cette stmcture temporelle découle des fondements du jeu d'échecs, son

"évidence" ne s'est révélée aux joueurs qu'à partir du XVIIF siècle. Or l'apparition de ce

phénomène culturel se rattache très directement à l'écriture car la prise de conscience de

cette stmcture temporelle, ou plutôt l'invention de cette nouvelle catégorie de pensée,

n'existe que grâce à la «feuille de partie» sur laquelle chaque coup joué est inscrit en

regard de son numéro d'ordre. En notation algébrique, le premier coup d'une partie est

noté par exemple «1. CO» (qui se lit «un. Cavalier B»), le huitième «8. Fg5» («huit.

Fou g5»).

Une expression comme «8. Fg5» permet de constater que la notation algébrique

recouvre les trois dimensions fondamentales que la pensée modeme occidentale projette

sur le monde : le temps, la matière et l'espace. Chaque mouvement précise l'élément

matériel concerné (ici le Fou), le moment de l'action dans la chronologie des coups (8.)
156

ainsi que la case nouvellement occupée par la pièce (g5) 28. Au-delà de la notation des

coups, la mention codifiée d'une partie, par exemple «Spassky-Tahl, Tallin 1973, 0-1»,

reprend elle-même ces catégories de l'espace, de la matière et du temps puisqu'elle

indique le nom des deux protagonistes (Spassky et Tahl) suivi du lieu de la rencontre

(Tallin), de la date (1973) et du résultat (0- 1 signifie que le point, c'est-à-dire la victoire,

a été remporté par le joueur en second, dans l 'exemple Tahl).

En opposition à la coupure du contexte que provoque l'écriture, la culture

échiquéenne semble donc réagir en cherchant à resituer précisément ce fait échiquéen

qu'est la partie dans les circonstances qui ont permis son surglssement. Si comme

dans le livret d'une pièce de théâtre classique les acteurs, la scène et l'époque de

l'intrigue sont portés à la connaissance du lecteur, cet effort de recontextualisation ne

dépasse pourtant jamais ces indications sommaires. Dans la partie imprimée et ses

commentaires, il ne transparaîtra rien d'autre du cadre géographique où s'est déroulé le

toumoi : il faut croire que l'ambiance calfeutrée des salles de toumoi reste la même que ce

soit à Baden-Baden en Allemagne, à Scheveningen en Hollande-méridionale, à Paris ou à

New-York. Les commentaires de partie tendent de plus à abstraire les coups joués des

joueurs eux-mêmes : on écrit moins «Dupont voulait jouer tel coup» que «les Blancs

tentent telle man Le commentaire pam dans le bulletin d'un club parisien qui

relate les parties de ses seuls membres contraste en cela de ceux publiés dans une revue à

diffusion intemationale :

2*^ 11 faut remarquer qu'une notation purement spatiale n'indiquant que les cases de départ

et d'arrivée aurait été suffisante d'un point de vue purement méthodique.


157

Stoyanov - Coucoureux R. Vera - M. Apicella

[...1 [...]

12. ... c X d5. A vue de nez, il 31. f5 ? Les Noirs devaient

semble préférable de reprendre du cavalier également gagner après 3 1 . Rh3 exf4 (3 1 .

pour préserver la structure des pions, mais ... Td8 I...I permettait aux Blancs une

le Coucoureux ne mange pas de ce pain là : meilleure défense)

trop simple ! (spm, Europe-Echecs, septembre 1996 :

(spm. Le courrier de la Tour Blanche. 51)

Feuillet de bon goût à l'intention des

échéphiles avertis, 1996, n°2)

11 n'est pas inutile de préciser que le commentaire extrait de la revue Europe-Echecs

a été rédigé par le joueur (Apicella) qui remporta la partie en question. Mais ce style

impersonnel n'est pas lié à la qualité du commentateur car il est caractéristique des

retranscriptions de parties. Les mouvements des pièces sur l'échiquier se détachent ainsi

de ceux qui les ont effectués. Psychologiquement, cela permet de poser un jugement

défavorable sur un coup sans en critiquer directement l'auteur. Mais le plus important est

sans doute que la partie d'échecs que relate le texte échiquéen répond ainsi aux normes

basiques de la démarche scientifique qui veut que toute expérience soit reproductible

indépendamment du lieu, de l 'époque et de l 'expérimentateur. En mentionnant le nom des

joueurs, le lieu et la date de la partie (ainsi que son résultat) la culture échiquéenne atteste

ainsi de l'historicité des événements qui l'intéressent. En ne mentionnant rien de plus, elle

se donne comme une science.

Selon cette conception du monde qui n'est pas propre aux joueurs d'échecs

puisqu'elle est globalement la nôtre, l'espace et le temps sont séparés par une distinction
158

de nature. Le temps appartient au domaine de l'irréversible alors que, par définition, on

peut aller et venir dans l'espace. Il est à ce propos intéressant de remarquer que la

notation descriptive qui, dans ces plus anciens textes 29, ne numérotait pas les coups, a

longtemps soumis le mouvement du Pion à un traitement particulier. Alors que le

mouvement d'une pièce est indiqué par la case d'arrivée de la pièce en question (par

exemple «CR 5TD» signifiant «le Cavalier du Roi va sur la cinquième case de la Tour de

la Dame»), la notation d'un déplacement de Pion mentionnait simplement le mouvement

effectué («PRI» qui se lit «Pion du Roi un» et indique simplement que le Pion a avancé

d'une case) ^^. Or le Pion se trouve être la seule pièce du jeu d'échecs à ignorer le recul

en arrière ; la notation «PRI» manifeste donc cette propriété d'irréversibilité en signifiant

autant un déplacement dans l'espace qu'une action dans le temps. Ce rapport privilégié du

Pion au temps ne se retrouve pas dans la notation algébrique qui dissocie sans ambiguïté

le temps de l'espace en mentionnant pour le Pion comme pour toute autre figure la case

d'arrivée de la pièce en mouvement. L'idée n'en est pas pour autant devenue étrangère à

la pensée échiquéenne et chaque joueur connaît la fameuse phrase du maître hongrois

Gyula Breyer qui affirme que l'avancée par les Blancs du Pion du Roi au premier coup,

l'ouverture pourtant la plus fréquente, marque le «commencement de la désagrégation du

camp blanc» (cf. Le Lionnais 1974 : 49).

11.3. Penser la matière

Nous avons déjà remarqué que la notation des coups met aussi en une

certaine pensée pour utiliser un vocabulaire modeme de la matière. La notation

algébrique considère ainsi chaque pièce en fonction de sa seule nature (caractérisée par

son type de mouvement). Une Tour est une figure qui se déplace verticalement ou

25* Cf. par exemple Greco 1689.

30 Le mouvement de deux cases du pion, réalisable quand celui-ci se trouve sur sa case
de départ, est noté «PR2».
159

horizontalement ; aucune distinction n'est donc faite entre les deux Tours de chaque

camp.

La notation descriptive insiste au contraire sur les relations qui existent entre les

pièces et crée ainsi un effet de hiérarchisation. On parle de "la Tour ¿/m Roi", du "Cavalier

de la Dame". Cet effet hiérarchique est accentué pour les Pions qui sont nommés en

fonction de la pièce située sur leur colonne : «Pion de la Tour du Roi», «Pion du Cavalier

de la Dame». Ces emboîtements successifs et hiérarchisés ne sont pas sans évoquer des

liens de dépendance, de patronage, de féodalité ^ '. La formulation du nom des cases les

assimile de la même manière à des territoires : «la deuxième case du Roi», «la cinquième

case du Cavalier Je' la Dame».

De plus, la désignation d'une case n'est pas exactement, contrairement à ce que

j'avais initialement présenté par souci de simplification, le résultat du croisement d'une

colonne et d'une rangée. Il est en effet plus précis de considérer qu'une expression

comme «5CR» (5 Cavalier du Roi) marque en fait l'éloignement par rapport à la case de

référence. D'où le fait que le mouvement d'une pièce revenant sur sa case d'origine se

soit, par exemple, trouvé noté selon l'usage du XIX^ siècle : «CR à sa case» ^2 Cette

idée d'origine est fondamentale car durant toute la partie, les pièces vont être nommées en

fonction de leur case de départ. Ainsi même si les hasards de l'évolution d'une partie

amènent une position où les deux Tours ont mutuellement échangé leur situation initiale,

la notation descriptive continuera à considérer qu'il faut désigner par Tour de la Dame

celle située sur la première case de la Tour du Roi. Chaque pièce porte ainsi, tout au long

de la partie, la marque de son origine

-'" Il serait évidemment absurde de considérer que l'arrangement des pièces sur

l'échiquier, ou encore le système de notation afférent, "refiète" l'organisation de la

société où se pratique le jeu. On peut tout au plus observer ici une certaine

adéquation entre des idées politiques et des systèmes de notation.

Et non pas CR 1 CR comme ce coup fut noté ultérieurement.

Cette idée d'origine peut, par souci d'abréviation, restée masquée tant qu'il n'y a pas

d'ambiguïté sur la pièce en mouvement. Ainsi le premier coup du Cavalier-Roi

(CR) sera simplement noté l.C3fT?^.


160

Si la notation algébrique ignore évidemment toute idée relative à l'origine des

pièces, elle comporte cependant à propos de la symbolisation de la matière une exception

notable qu'il faut mentionner et chercher à expliquer. Ce cas particulier conceme le Pion

qui, à la différence des autres pièces, n'est pas désigné par une initiale. Son mouvement

est donc simplement représenté par la case à laquelle il accède. Le premier coup

d'ouverture le plus fréquent est ainsi «1. e4» (prononcé «un, e quatre»). Cette disparition

du "P" correspond assurément au principe d'économie qui caractérise cette notation car

on peut estimer que chaque partie compte en moyenne légèrement plus de mouvements de

Pions que de coups de n'importe quel autre type de pièce ''"*. Mais il est remarquable que

cette raison d'économie se conjugue à un fait théorique qui constitue un des

apprentissages fondamentaux de tous les débutants. La tradition technique échiquéenne

enseigne en effet que la «valeur matérielle» des pièces est de 1 0 pour la Dame, 5 pour la

Tour, 3 pour le Fou ou le Cavalier et 1 pour le Pion ^^. Dans ce parfait rapport

mathématique entre les pièces, le Pion joue donc le rôle de l'unité et c'est probablement à

ce titre que son initiale a pu aussi facilement disparaître.

Les coups de Pions représentent cependant bien moins que la moitié de l 'ensemble des
coups. Un sondage réalisé sur la base d'un échantillon de 10 parties de grands

maîtres et de 10 parties officielles de joueurs de club donne des résultats

étonnamment semblables entre ces deux catégories : les grands maîtres utilisent

leurs Pions dans 28.3% de leurs coups et les "amateurs" dans 29,6%. L'unanimité

est même absolue en ce qui conceme le pourcentage de mouvements de Cavalier, de

Dame et de Roi (respectivement 19, 10 et 9%). Un écart significatif s'observe en

revanche sur la proportion relative de mouvements de Fou et de Tour (18 et 15%

pour les grands-maîtres contre 10 et 21% pour lesjoueurs de club) et ceci traduit

peut-être ce qu'écrit l'auteur d'un manuel à propos des «finales de Tours» : «aucun

grand-maître d'Echecs n'a jamais osé faire r«impasse» sur ce domaine»

(Villeneuve 1982: 153).

^-'' Le Roi, parce qu'il ne peut être pris, n'a aucune valeur ou, ce qui revient au même,
une valeur extrême.
161

Plus qu'une logique spatiale, la notation descriptive livre donc une logique sociale,

une logique de l'origine et s'oppose en cela à la notation algébrique qui implique

l'atomisation de chaque pièce. Dans le premier cas, ce sont les objets que contient

l'espace qui servent à le penser ; dans le second cas, l'espace est véritablement premier et

peut même désigner l'unité matérielle élémentaire.

11.4. De la nécessité d'écriture

Cette comparaison entre les notations algébrique et descriptive a donc mis en

évidence que leur conception de l'espace et de la matière repose sur des présupposés

radicalement différents. Une demière distinction mérite maintenant d'être traitée car elle

semble s'établir sur la base de la trop classique antinomie entre écrit et oral.

La notation algébrique se situe assurément du côté de l'écrit puisque renonciation

d'un coup, tel «Fg5» (Fou g5) appelle une dénomination des cases qui ne peut pas

prendre naissance dans l'oral. Penser «g5» requiert en effet la présence d'un tableau à

double entrée qui relève par définition de l'écrit. Les échiquiers qu'utilisent actuellement

lesjoueurs de compétition se distinguent ainsi des échiquiers des joueurs "ordinaires" par

la rangée de chiffres et de lettres qui les encadrent36. La présence de ces signes imprimés

à même l'échiquier conduit d'ailleurs à considérer celui-ci comme le premier des textes

36 L'échiquier-texte représente ainsi un des éléments purement formels (avec la pendule)


dont l'usage permet de distinguer a priori un joueur de compétition d'un joueur de

famille. Mais comme chacun sait, la manipulation sociale des signes distinctifs
entraîne parfois une complète inversion du signifié. Certains forts joueurs

apprécient ainsi les échiquiers de bois précieux, vierges de toute inscription ; le

champion du monde, G. Kasparov a ainsi demandé au fabricant Guigou que la

nouvelle forme de pièces qui porte son nom (le modèle Kasparov n'est en fait

qu'une variation du modèle Staunton) soit livrée avec de tels échiquiers. Mais dans

l'esprit d'un Kasparov, comme d'un joueur de club, le nom attaché à chaque case

donne à ces échiquiers une toute autre signification ; on comprend que leurs

utilisateurs ont parfaitement maîtrisé la notation algébrique.


162

échiquéens : c'est à l'aide de ce texte-échiquier que les compétiteurs inscrivent leurs

coups sur la feuille de partie ; c'est sur lui qu'ils concrétisent leurs lectures échiquéennes.

La nature originellement écrite de formules comme «g5» n'empêche cependant pas ces

formules d'investir totalement l'univers de la communication orale. L'auditeur profane

doit ainsi être quelque peu surpris d'entendre sans la présence d'un quelconque

échiquier une conversation argumentant sur la façon de «soutenir d5 sans affaiblir

h7». Ces manières de parler trahissent un écrit verbalisé.

Le texte ainsi pré-imprimé sur l'échiquier se détache de celui des «diagrammes» ou

des parties notées par un fait en apparence anodin : les lettres qui servent à désigner les

colonnes sont majuscules sur l'échiquier, minuscules partout ailleurs. Mais ce maigre

détail mérite néanmoins l'attention car sa raison d'être n'est pas "logiquement" évidente

^^. En fait, cet usage de lettres capitales correspond sans doute à la même fonction à

l'auvre sur les frontons des édifices publics (MAIRIE, etc.) : la grande et antique capitale

romaine marque et consacre un "monument".

La sacralisation de l'échiquier opère ainsi à plusieurs niveaux et il est intéressant de

contraster à ce propos la pratique contemporaine des joueurs de compétition et celle des

débutants, ainsi que certaines représentations anciennes. Les diagrammes des manuscrits

médiévaux présentent en effet la particularité de comporter sur certaines de leurs cases, en

sus des symboles des pièces, des signes (croix, lettres, flèches ...) dont les

Une raison de lisibilité typographique suffit à expliquer l'usage des minuscules pour
les cases dans la notation des coups car l'opposition distinctive entre l'initiale de la

pièce en majuscule et la lettre de la colonne en minuscule est plus "pertinente".

«Ta4» est plus lisible que *TA4*, «f4» se distingue plus facilement de «Ff4» que

*F4* de *FF4*. C'est d'ailleurs pour une raison du même genre que la notation

algébrique française utilise fréquemment les diacritiques de la cédille et de l'accent

aigu pour ne pas confondre (particulièrement en script) les colonnes «ç» et «é». Les

premiers coups de l'ouverture «sicilienne» sont ainsi : 1. é4, ç5 2. CO, Cç6. (Pour

ne pas alourdir l'exposé, je n'ai pas repris ces signes diacritiques dans ce chapitre).

Mais cette raison typographique n'éclaire évidemment en rien pourquoi ce sont des lettres
majuscules qui sont figurées sur l'échiquier.
163

commentaires^^ se servaient pour indiquer des coups à jouer-^^. Les joueurs débutants

contemporains recourent volontiers à une technique de réflexion qui s'apparente à ces

diagrammes médiévaux lorsqu'ils posent le doigt sur la case qu'ils envisagent d'occuper.

Cette pratique est évidemment condamnée par lesjoueurs de compétition. Dans le cadre

des parties sérieuses, l'échiquier se révèle être un espace pur qui ne doit pas être touché"*"

(hormis par les pièces déplacées) et qui ne doit pas être perturbé par la parole.

A la différence de la notation algébrique, la notation descriptive ne promeut pas au

rang de texte l'échiquier. La connaissance de la position de départ des pièces suffit en

effet aux joueurs pour déterminer le nom des colonnes. Comme en revanche le nom

attribué aux pièces sur l'échiquier (par exemple Tour de la Dame vs Tour du Roi), évident

au début du jeu, peut par la suite poser problème, la solution de distinguer à l'aide d'une

couronne la Tour du Roi et le Cavalier -^ ' du Roi fut tentée au XIX^ siècle. Ce marquage

38Cf. Mun-ay(1913:469).

-^'^ Cette technique d'inscription à même l'échiquier n'est pas sans rappeler les dessins de

doigt que les copistes ajoutaient pour signaler un passage manquant et renvoyer le

lecteur à l'emplacement réparant cet oubli.

Dans les "règles contraires à l'éthique du jeu" dont j'ai déjà cité certains passages, se

trouve encore l'interdiction de «salir l'échiquier en se restaurant à la table du jeu»

{Echec et mat, mai-juin 1996 : 38). L'inscription de cet interdit est en soi révélateur.

-*' L'extrait suivant argumente de l'intérêt d'adopter une telle convention :

«No care is spared to prevent typographical errors in the games of "THE CHESS

PLAYER'S CHRONICLE" and our Correspondant is mistaken in believing he has

detected an inaccuracy in the game cited. We have before had occasion to remark,

and cannot too forcibly impress it upon young players, that the greatest caution and

precision are necessary in playing games over "from book." The advantages arising

from the practice are, however, more than commensurate with its difficulties, and a

little perseverance soon renders the labour one of love. It has occured to us, that

much of the irksomeness which leames complain of in this task, would be

lessened, if some symbol, such as a crown, a diadem, or fillet, surmounted the

King's Rook and Knight, to distinguish them from the same pieces on the Queen's

side. While examining a printed game, the Bishops, moving on squares of an

opposite colour, are easily recongnizable to the end, but the repetitio of "King's
164

"corporel" de l'origine de la pièce constitue ainsi une décision inverse à l'invention de

l'échiquier-texte de la notation algébrique.

A cette absence de texte sur l'échiquier correspond un rapport privilégié entre la

notation descriptive et l'oral. La notation descriptive présentée ici sous forme

d'expressions comme «FR 3 CD» est en effet issue de textes échiquéens qui, décrivant

les coups des parties en toutes lettres, conservaient apparemment pour ces inscriptions la

structure de phrases orales. Le célèbre ouvrage de Philidor (1749) par ailleurs

révolutionnaire pourle développement de la technique du jeu s'encombre ainsi d'un

texte qui ignore quasiment tout abrègement puisqu'il est entièrement composé d'énoncés

comme : «Le Fou du Roi à la 3"^^ Case du Chevalier de sa Dame». L'idée d'abréviation

n'était pourtant pas absente dans les manuels des XVIF et XVIIF siècles. Si on trouve

chez Greco (1689) de longues phrases qui ne se contentent pas d'indiquer le mouvement

des pièces mais précisent aussi leurs effets directs du coup («le chevalier de la dame

couvre l'échec à la troisième case de son fou» ; «le pion de la Dame 2. cases pour

empescherl'E&Mat»). il y a également certains énoncés qui conjuguent l'ellipse (absence

du verbe) et l'anaphore («de mesme») : «Blanc, le Pion du Roy 2. cases. Noir, de

mesme» .

Comme l'utilisation ultérieure d'abréviations a conservé une stmcture de phrase

du type «le Cavalier-Roi à la troisième case du Cavalier-Dame», les partisans de la

notation descriptive ont avancé qu'elle était plus naturelle et moins artificielle que la

Rook takes Queen's Knight," "Queen's Knight checks," and the like" occasions

incalculable trouble to the inexperienced Chess Player. We throw out this

suggestion at random, but have very little doubt that the makers of Chess-men

would find it to their account to manufacture some pieces after the fashion here

Ttcommended». (Chess player's chronicle, 1841 : 139).

Cette suggestion fut. de fait, retenue par Nathaniel Cooke dans ses premiers jeux modèle

Staunton (vers 1849) où «the king's side knight and the rook had a crown

embossed on top of the pieces». (Keats 1985 : 124).

Les abréviations PTR, CD, etc., n'ont jamais été prononcées comme des acronymes.
165

notation algébrique-*-^. La notation descriptive apparaît donc, à l'inverse de la notation

algébrique, comme un oral transcrit.

Cette opposition oral transcrit / écrit verbalisé doit cependant être considérée avec

beaucoup de précautions car on peut douter qu'une expression comme «Le Fou du Roi à

la 3*"^ Case du Chevalier de sa Dame» surgisse "spontanément" au cours d'un échange

verbaH"*. Le caractère hautement formel d'une telle expression est le résultat d'une

"domestication" de la parole car, pour évoquer les cases ou les pièces, un oral resté

"vierge" de toute infiuence écrite utilise en priorité des déictiques spatiaux tels que «jouer

id» ou «aller là»-*-\ De ce point de vue, les manuscrits médiévaux déjà évoqués

s'avèrent, par les signes qu'ils comportent sur les diagrammes, structurés d'une manière

comparable à celle observable lors d'une énonciation "naturelle" ; preuve que l'opposition

entre écrit et oral n'est pas aussi tranchée qu'on l'a souvent soutenue. Aussi la

formulation en langue dite naturelle des coups échiquéens ne doit pas dissimuler que de

11 est tentant d'opérer un parallèle entre la formulation des lois physiques et les
notations échiquéennes. La considération de la loi d'Archimède et de la relation

d'Einstein fait ainsi ressortir deux formes d'énonciation typiques, l'une littérale qui

rappelle la «notation descriptive» («un corps plongé dans un fluide éprouve une

poussée verticale de bas en haut égale au poids du fluide qu'il déplace») et l'autre

"algébrique" (E=mc2).
Une hypothèse similaire est soutenue, dans un autre domaine (l'étude de lettres

d'émigrés béamais en Amérique), par A. Bruneton et B. Moreux qui soulignent

que ces écrits, paraissant à première vue ne relever que de l'oral, en diffèrent en fait

radicalement car ils sont porteurs de «marques d'allégeance à l'écrit dont la

solennité est recherchée et qui trahissent le souci du scripteur de se hausser au

niveau de l'écrit». (Étude réalisée pour la Mission du Patrimoine ethnologique, à


paraître).

L'enseignement du jeu ne réclame, dans l'absolu, que l'utilisation de trois expressions

signifiant "oui", "non", "très bien" pour faire réaliser les mouvements possibles et

impossibles ainsi que le but à atteindre. Cet aspect linguistique permet de mieux

comprendre la facilité avec laquelle certains jeux, comme les échecs, ont pu se

transmettre de civilisation en civilisation.Thomas Crump souligne également que

«les exigences linguistiques de presque n'importe quel jeu sont limitées et peu

contraignantes» (1995 : 222).


166

telles expressions n'existent en fait que pour être écrites. De même que la parole qui dicte

modifie son rythme, sa stmcture, sa syntaxe, ou que le modèle photographié «prend la

pose», le coup d'échecs affecte dès son énonciation orale une forme typiquement écrite.

D'un point de vue syntaxique, ces écrits échiquéens se révèlent d'une grande

simplicité car ils ne sont constitués que d'indépendantes et ne mettent en iuvre qu'un

vocabulaire très réduit. La majorité des phrases se trouvent même dépourvues de verbe

puisqu'elles ne mentionnent que le nom de la pièce qui se déplace et sa case d'arrivée (par

exemple «CO» qui se lit et se dit «Cavalier O»). Les phrases comportant un verbe

explicite n'apparaissent que dans les seuls cas de la prise et de la promotion. Le lexique

échiquéen ne comprend donc que deux verbes : «prend» (qui se note par x) et «égale» (=)

qui signifie la transformation d'un Pion en pièce (i.e. en une Dame, une Tour, un Fou ou

un Cavalier). Intervient également à la suite de la description du coup, le signe «-t-» qui

fait remarquer que le coup en question met en «échec» le Roi adverse (ce signe se lit

«échec») : «-i-» relève donc davantage du domaine adjectival que verbal, puisqu'il qualifie

l'effet du coup. Le «mat» n'apparaissant quasiment jamais lors des parties sérieuses, il

n'y a pas eu véritablement d'accord sur la manière de le symboliser, et il se trouve

généralement marqué sur la feuille de partie par l 'indication en toutes lettres : «mat»'^^.

Dans les commentaires, la valeur de certains coups se trouve également indiquée à

l'aide de deux signes : le point d'exclamation (!) qui marque que le coup est jugé «bon» et

le point d'interrogation (?) qui véhicule la signification inverse («mauvais coup»). Ces

deux signes typographiques servent donc à qualifier le coup d'une manière analogue à un

adjectif-*^. A ces estimations sur la valeur du coup, s'ajoutent des évaluations de la

'*6 Les «problémistes» utilisent par contre, pour symboliser le mat, le signe «^» qui peut
aussi à l'occasion se retrouver sous la plume d'un joueur.

"*^ Ces deux signes peuvent se trouver répétés afin de marquer soit l'excellence d'un coup
(«!!»), soit sa médiocrité extrême («??»). Ils se trouvent également combinés : «!?»

sert à coder un coup «intéressant» (L. Pachman le traduit par «un coup à double

tranchant aux conséquences obscures», 1976 : 10) ; «?!» indique un coup


«douteux» mais non «réfuté».
167

position qui combinent de différentes façons les signes «-(-», «-» et «=»^^. Ainsi «-i--»

(«plus moins») sert à indiquer que l'avantage revient au joueur en premier (les Blancs) et

«=+» («égale plus») que les Noirs bénéficient d'un léger avantage"*^.

La structure des phrases les plus complexes est du type «b7xc8=C-t-! -i--»,

expression qui se lit «b7 prend c8, égale Cavalier, échec, plus moins».

Dans ces formules qui indiquent des déplacements, il est remarquable de noter que

le nom des pièces n'est jamais précédé de l'article. On dit «Cavalier O» (noté CO) pour

signifier le mouvement du Cavalier vers la case O. Le recours à un déterminant intervient

par contre pour désigner la pièce elle-même (sans évoquer un quelconque déplacement).

A «Cavalier O est fort» s'oppose ainsi «¡e Cavalier O est fort» qui marque, contrairement

à la première expression, non un mouvement prometteur, mais une action efficace

qu'exerce sur l'échiquier le Cavalier situé en f3. Le système linguistique utilisé aux

échecs s'avère donc pauvre mais particulièrement économique puisque l'absence ou la

présence d'un seul élément suffit à transformer radicalement la signification globale de

l'énoncé.

-"^ Employé seul, «=» signifie que la position est «égale». La constmction syntaxique

dans laquelle se trouve employé le signe «=» lève toute ambiguïté par rapport à ses

deux significations (promotion d'un pion ou évaluation de la position). «b5 =»

indique qu'après le coup b5 la position est équilibrée alors que «g8=D» signifie que

le pion avance en g8 et se transforme en Dame. Les deux acceptions de ce signe

typographique peuvent ainsi se trouver utilisées dans une même expression :

«g8=D =» (le pion avance en g8, se transforme en Dame, et aucun des deux

joueurs n'a l'avantage).

Dans l'évaluation d'une position, le signe «-(-» est toujours utilisé avec un autre signe (-

ou =) et ne p>eut donc être confondu avec son homographe signifiant «échec».

Les faibles ressources typographiques des anciennes machines à écrire et des fontes

classiques d'imprimerie sont à l'origine des emplois doubles de «-(-» et «=».

-''^ A la différence des signes précédemment présentés, il n'existe pas de consensus sur la

manière de marquer les différentes sortes d'avantage. (Les signes de base utilisés

restent cependant -i- et -).


168

La simplicité du lexique échiquéen permet de comprendre pourquoi les joueurs

lisent sans problème des livres rédigés dans des langues aussi diverses que le russe,

l'anglais, l'allemand ou l'espagnol alors qu'ils seraient parfois incapables de comprendre,

dans ces mêmes langues, des formules aussi simples que «bonjour» ou «merci». Au

milieu du XIX^ siècle, l'attitude des joueurs à l'égard de cette littérature étrangère était

comparable à ceci près que de nombreux systèmes de notation étaient alors en

concurrence :

Tout le monde sait enfin que la langue échiquéenne n'est point uniforme, et

que cette langue, ainsi que l'écriture qui lui correspond, a varié de siècle en

siècle. Cette diversité de notation, qui n'arrête point les hommes spéciaux, est

une barrière insurmontable pour la masse des amateurs ; elle inspire une

aversion naturelle pour les livres et les joumaux écrits dans des systèmes de

notation différents, et s'oppose à la formation de petites bibliothèques ; car,

qu'on ne s'y trompe point, c'est beaucoup moins l'idiome étranger qui arrête

ou rebute le lecteur, que la langue échiquéenne elle-même. Nous avons connu

des amateurs français qui, sans savoir un mot d'allemand, avaient étudié les

théories des Echecs dans Bilguer-'^" et les avaient bien comprises. (Ln. Régence
1850:356).

De nos jours où se fait sentir une certaine domination de l'anglo-américain sur les

publications échiquéennes, les revues françaises abondent ainsi en publicité pour des

livres comprenant des mots évocateurs pour les joueurs : «opening», «tournament»,

«endgame» (en français «ouverture», «toumoi», «finale»). Il y a quelques années,

l'allemand et les langues de l'Europe de l'Est occupaient comparativement une place plus

importante. Ainsi dans les années 1960, la revue Europe-Echecs proposait de prendre des

-^" Depuis sa première pamtion en 1843 et tout au long du XIX^ siècle, le Handbuch du

berlinois Paul Rudolf von Bilguer constitua la plus importante et la plus

volumineuse encyclopédie technique du jeu d'échecs. Elle représente, dans le

domaine du jeu, une illustration des sommes que produisit la science allemande au

XIX^ siècle. Tout joueur sérieux se devait de posséder cet ouvrage qui donnait,

afin d'être consultable par un non germanophone, la traduction du nom allemand

des pièces en treize langues.


169

abonnements par son intermédiaire à une vingtaine de "revues étrangères" -'''' ; voici la

liste des pays classés par nombre de revues proposées : Allemagne (4), Angleterre (3),

Pays-Bas (3), Espagne (2), Argentine (1), Australie (1), Autriche (1), Bulgarie (1),

Danemark (1), Grèce (1), Hongrie (1), Italie (1), Pologne (1), Suisse (1),

Tchécoslovaquie (1 ), USA ( 1 ). Cette fréquentation des revues étrangères fut de mise dès

les premières parutions de la presse spécialisée au XIX^ siècle et on en trouve une lecture

ironique reposant sur des stéréotypes nationaux dans une revue d'échecs marseillaise :

Le Pion a reçu les joumaux d'Echecs de toutes les parties du monde et

remercie ses collègues de ce gracieux échange. [Après leur lecture, l'auteur

écrit: maintenant, ] je distingue la nationalité du joueur d'Echecs au premier


mat:

jugez plutôt:

L'ALLEMAND [...]. Schach mat ! Il avale sa langue, jette un regard teme sur

la galerie, à droite et à gauche, et vous anéantirait, en grimaçant un sourire

jaune, s'il le pouvait.


L'AUTRICHIEN : Schach mat ! Est-ce consubstantiellement ou

transubstantiellement que le pion me donne ce mat. Oh ! rigueur d'une

conséquence métaphysique dont les actes sont physiques ( . . . ]

L'ANGLAIS : Chec mate ! Regard long et profond, ah ho ! very well !

Enchanté, monsieur, de votre ingénieuse combinaison. Ma revanche, if you

please.

LE FRANÇAIS : Echec et mat ! Tonnerre de Brest ! je ne l'ai pas vu ! Ah !

pour sûr, vous ne m'y prendrez plus. Vite ma revanche.

L'ESPAGNOL : Jache y mate ! Bien, caballero ! je n'attendais pas le coup,

mais il est bien ; c'est un coup royal ; on reconnaît la valeur de votre sang.

!...!

L'ITALIEN : Scacco matto ! Per Dio ! Sangue de la M... Attendez ! oui, c'est

vrai, mais ce n'est pas vous qui avez gagné, c'est moi qui ai perdu ; si j'avais

joué au 4me coup questo piccolo pedone !... Les récriminations durent une

heure avec volubilité ; puis, changement de tableau : Si vous aviez la

gracieuseté de me faire l'honneur d'accepter une nouvelle partie, j'éprouverai

- Dans le même ordre d'idées, le grand libraire d'échecs de cette époque, Julien Guisle,

avait fait imprimer sur sa carte de visite : «Achat et Vente de Livres en toutes

langues sur le Jeu des Échecs».


170

un plaisir infini à essayer mes faibles forces contre votre incomparable génie,

monsieur, croyez bien queje suis enchanté de pouvoir me mesurer avec votre
Excellence!...

Eh bien ! Vous croyez peut-être ces types curieux ? Point du tout, le mieux

réussi de tous, c'est le MARSEILLAIS ; lui seul sait jouer. La partie n'est

qu'une succession de gasconnades, de chansons, de grands airs d'opéras, de

proverbes, de gestes accompagnés parfois d'atroces calembours par lesquels

il assassine lesjoueurs qui osent le mater. (Le Pion , 1873 : 43-44)

Aujourd'hui, cette importance de la littérature internationale est directement

perceptible dans une des deux librairies spécialisées en matière échiquéenne à Paris. Le

magasin du "Damier de l'Opéra" présente en effet tous les livres en français au rez-de-

chaussée ; le sous-sol étant consacré aux livres et revues écrits en langues étrangères-^2

Cette organisation spatiale sépare ainsi nettement le tout-venant des "initiés".

Pour faciliter la consultation de tels ouvrages, les manuels rappellent fréquemment

les appellations du nom des pièces dans les langues où paraissent les principales

publications échiquéennes. Ainsi Tartakover, dans son célèbre hréx'iaire, introduit une

tablede correspondance entre le français, l'allemand, l'espagnol, l'italien, l'anglais et le

msse, par ces mots :

Voici les initiales dont se servent les principales nations, permettant de suivre

une partie écrite dans leur langue. (1982 : 17).

Cette formulation n'est pas sans rappeler «la vieille correspondance une langue, une

nailon» (Auroux 1994 : 93). Or l'idée que lesjoueurs d'échecs constituent eux-mêmes

une nation est un leitmotive bien antérieur à la constitution, en 1924, de la FIDE qui

choisit significativement comme devise «gens una sumus». Ce rapport entre langue et

nation échiquéennes trouve ainsi une expression forte dans le passage suivant :

Le plus frappant est sans doute de remplacer une langue particulière par une

langue universelle, de s'adresser non plus à ses compatriotes seulement, mais

La librairie "Variantes", organisée sur un seul niveau, mélange quant à elle les livres de
langue française et étrangère.
171

à tous les peuples ; ce qui est d'autant plus convenable que les joueurs

d'échecs forment un peuple à part au milieu de tous les autres. Rien de mieux

donc qu'ils aient une langue à eux ; langage sacré, compris avec la même

facilité par nos frères d'Alep ou de Philadelphie, par ceux de Moscou, de

Naples ou d'Alger. Mais pour cela, il faut que ce langage soit universellement

adopté, qu'il soit le même partout et pour tous. S'il n'en est pas ainsi, si

chaque auteur adopte un système particulier, si l'on complique au lieu de

simplifier ; mieux vaudrait alors que chacun se servît tout naïvement de sa

langue vulgaire et matemelle. (spm, La Régence 1852 : 226).

Aussi, la normalisation introduite par la FIDE en 1977 ^^ pour l'utilisation

exclusive de la notation algébrique est-elle cohérente avec sa devise et ses objectifs de

fédération internationale-"'"*. En recommandant, de plus, l'usage de «figurines» pour les

parties imprimées, la FIDE participa-^-'^ à la constitution d'une langue échiquéenne

universelle et réalisa, par le biais de ces dessins proches des idéogrammes chinois, le rêve

de Leibniz.

Tableau des figurines utilisées dans les publications échiquéennes

L'existence de cet écrit universel ne doit cependant pas faire oublier qu'il n'y a au

départ ni notation, ni parole, mais mouvement. Seule la nécessité de garder en mémoire,

ou de communiquer le geste qui déplace la pièce sur l'échiquier, implique ce recours à la

parole ou à la notation. Or cette traduction du geste en parole s'avère absolument

-""-^ Ces décisions furent approuvées par le Comité Central de la FIDE de manière à

prendre effet le premier Janvier 1981 .


-''-^Cf. Leroux 1986.

-''-'' En fait, la FIDE contribua à fixer un usage qui avait commencé à se répandre grâce à la

parution régulière de 77?^ Chess Player qui publiait tous les six mois les parties des

meilleurs joueurs mondiaux.


172

indispensable lors des parties «sans voir» où le joueur «à l'aveugle» reçoit

communication des coups de son adversaire et annonce lui-même les siens.

Sans aller jusqu'à établir un lien de filiation entre jeu à l'aveugle et notation des

parties, il faut reconnaître qu'une même contrainte gouveme ces deux pratiques. On

comprend dès lorsque le lecteur d'un article sur l'histoire orientale du jeu «sans voir» se

soit étonné de n'y relever aucune allusion à la manière dont les coups étaient transmis au

joueur «à l'aveugle» :

«Ce qui est curieux à propos de tous ces récits, c'est l'absence de référence à

une notation échiquéenne sans laquelle le jeu sans voir est presque
inconcevable.» (Reinfeld 1951 : 229).

Cette idée est reprise par le psychologue et grand maître Fine qui y voit la preuve

que les échecs sont véritablement une langue quand il écrit que la capacité déjouer à

l 'aveugle est dépendante d'une excellente connaissance du jeu :

Cette connaissance, fmit d'une longue pratique du jeu, est indissociable d'une

intégration linguistique bien particulière : la notation spéciale du jeu est le

langage du joueur d'échecs et on l'apprend comme un langage ordinaire.

(Fine 1965 cité par Dextreit & Engel 1981 : 92)

Interviewé à l'issue d'une «simultanée à l'aveugle» qu'il avait menée sur 28

échiquiers, le futur champion du monde. Alekhine. foumit une description précise du

schéma mental qui sous-tend une partie à l'aveugle-'^'^. 11 en ressort que le système

constitué par la notation est le seul support auquel il recourt car les noms des cases

suffisent à penser l 'échiquier et les mouvements qui le traversent :

-''6 Rappelons que le jeu à l'aveugle est une pratique que tout bon joueur de club est

capable de mener. D'une certaine manière, toute partie ordinaire comporte d'ailleurs

une part de jeu à l'aveugle lorsque le joueur calcule plusieurs coups à l'avance. La

description d'Alekhine est à ce titre représentative du fonctionnement mental des

joueurs d'échecs (même si le fait de mener de front plusieurs parties à l'aveugle

relèvent par contre bien de l'exploit).


173

On m'a souvent demandé si je voyais mentalement la suite des échiquiers avec

leurs cases et leurs pièces, et si ces tableaux se succédaient devant ma vue

mentale, comme un cinéma. Ce n'est pas le cas. Au contraire, j'élimine de

mes yeux les éléments de couleur, de forme et de dimension. Mentalement je

ne vois pas les cases ni les pièces. Mais, sur un champ déterminé, les valeurs

intrinsèques des différents points de ce champ d'action, et ces points ont pour

moi un nom : tel que a4, b6, h3, etc. [...] Quand on me dit un coup, par

exemple Cavalier b8-c6, je retiens dans ma mémoire l'idée du mouvement qui

m'indique la force mise en action, à laquelle j'oppose l'action de celle de mes

forces que je juge en ce moment la plus utile pour contrecarrer l'idée de

l'adversaire ou bien faire valoir la mienne. (Fédératicm française des échecs.


Bulletin, n°\4, 1925 : 5)-^7

Cette citation invite à poursuivre l'analyse des modifications cognitives

consécutives à l'omniprésence de l'écrit dans la pratique échiquéenne. II convient en effet

de vérifier si à l'amplification de la mémoire ne correspond pas, au niveau du

raisonnement, des changements de conceptualisation. 11 n'est pas nécessaire d'insister sur

le fait que la nature combinatoire des Échecs prédispose au calcul syllogistique (même si

les analyses écrites sous-entendent, parce qu'elle va de soi, la forme «si... alors ...»)-''*^.

Durant les parties sérieuses, l'interdiction de noter les produits de sa réflexion contraint le

joueur à conserver en mémoire les différentes variantes qu'il a pu calculer. Cet exercice

périlleux a été décrit avec réalisme par le grand-maître et pédagogue Alexandre Kotov

-" Réalisé alors qu'Alekhine venait de s'installer en France, cet entretien se démarque
des parties en notation descriptive jusqu'alors publiées dans ce Bulletin en donnant

comme système de référence la notation algébrique. L'influence d'Alekhine

(naturalisé français en 1927 et champion du monde la même année) pesa peut-être

dans l 'adoption de l 'algébrique qui se réalisa en France à partir des années 30.

^^ La présentation du texte échiquéen joue le plus souvent sur la typographie pour


distinguer les coups joués (en caractères gras) de l'analyse (en caractères maigres).

Par exemple: «15. ... Cf6 15. ... c5 16. Fxb7 Dxb7 17. dxc5 Fxc5 18. Tbl et

les Blancs sont mieux. 16. Fd3» qu'il faut comprendre comme : Les Noirs ont

joué Cf6 mais si, au 15e coup, les Noirs avaient joué c5, les Blancs auraient alors

pu prendre avec le Fou en b7. A la suite de quoi, si les Noirs avaient repris de la

Dame en b7, alors ... (16. Fd3 indique la suite de la partie).


174

devant une assemblée de forts joueurs et rapporté par lui dans un livre au titre alléchant.

Confidences sur l 'échiquier. Les secrets d 'un grand maître soviétique :

Je tiens aujourd'hui à vous montrer comment doit s'effectuer l'analyse des

variantes [...]. Supposons qu'à un certain moment de la partie vous ayez le

choix entre deux coups, Tdl ou Cg5. Lequel de ces deux coups devez-vous

jouer ? Confortablement installé devant l 'échiquier vous entamez mentalement

l'analyse des coups éventuels. "Bien, si je joue Tdl il répondra probablement

Fb7, ou même il pourra prendre sura2 le Pion qui se trouvera alors en prise.

Apartir de là, comment continuer ?" Vous prolongez d'un coup votre analyse

et vous faites la grimace : le coup de Tour ne vous enchante plus guère. Vous

considérez ensuite le coup de Cavalier. «Que se passe-t-il après Cg5 ? Il peut

me chasser par h6, je recule en é4 et il me prend avec son Fou. Je reprends, il

menace ma Dame avec sa Tour. Tout cela n 'est pas satisfaisant. . . le coup de

Cavalier est donc mauvais ! Revoyons le coup de Tour. S'il joue Fh7 je peux

répondre p, mais qu'arrive-t-il s 'il prend maintenant sur a2 ? Que faire dans

ce cas '! Non. décidément il ne faut pas jouer Tdl ;je vais étudier à nouveau le

coup de Cavalier. Donc : Cg5, hô, Cé4, Fxé4, Dxé4, Td4. Non ça ne vaut

rien .'Revenons au coup de Tour : Tdl, Dxa2.y> Incidemment vousjettez un

coup d' sur la pendule. «Oh ¡Alors que j'hésitais entre jouer le Cavalier eî

jouer la Tour, trente inmutes se sont déjà écoulées. Si je ne me décide pas

rapidement, je vais tomber en zeitrwt^^^ !» Vous vient alors une merveilleuse

idée pourquoi vouloir à tout prix jouer Tdl ou Cg5 !? «Le Fou sur bl,

voilà ce qu'il faut jouer dans cette position.» Et sans plus de réflexion, sans

contrôler la moindre variante, vous jouez le Fou. C'est ainsi le coup dont les

conséquences ont été les moins examinées qui aura été effectué. Mon discours

fut interrompu par une salve d'applaudissements. Mes auditeurs riaient,

appréciant visiblement la description que j'avais faite des méandres et de la

divagation de leur mode de raisonnement. ( 1977 : 1 1-12).

Soucieux d'éviter aux joueurs qu'il entraîne un tel comportement erratique de la

pensée, Kotov leur recommande de s'entraîner à analyser des positions compliquées en

notant toutes les variantes qu'ils calculent. La clarification du raisonnement peut alors être

obtenue en recourant «à une technique simple, acquise dès l'école secondaire : le graphe»

^^ L'expression «tomber en zeitnot» doit ici être comprise comme «je vais être en zeitnot,
autrement dit en manque de temps».
175

(1977 : 27). Un graphe est un «arbre d'analyse» (1977 : 23) dont les branches sont

utilisées pour inscrire les différentes variantes analysées. (Chaque embranchement

correspond donc à un début de syllogisme).

L'intérêt d'un tel arbre réside pour

Kotov dans l'économie de pensée qu'il est

censé permettre, dès lors qu'on l'utilise


rr irir'f]&Dhi+

mentalement en respectant cette consigne

imperative:

Lorsque des variantes

compliquées sont analysées,

chaque branche de l'arbre doit

être examinées une fois, et une

fois seulement. (1977 : 28).

L'exhortation de Kotov revient en fait

à demander aux joueurs de construire leur

réflexion sur le modèle des commentaires

des parties imprimées. La pensée ne peut

l'arbre de réflexion de Kotov même pas marquer de ces hésitations ou de


(1977 : 27)
ces repentirs qui emplissent habituellement

les brouillons. Il y a sans doute de

l'excessif dans cette méthode d'analyse car on peut aussi considérer que les va-et-vient

de la pensée que dénonce Kotov contribuent à la compréhension globale de la position.

Mais on constate néanmoins que les joueurs, habitués à annoter leurs coups et à exercer

leur acuité sur des parties commentées, tendent néanmoins à organiser leur réflexion de

manière à s'approcher de cet idéal, calqué sur l'écrit, que préconise Kotov. Aussi les

joueurs parlent-ils comme ils écrivent, mémorisent parce qu'il existe des textes écrits et

prennent enfin l'écrit comme réfèrent cognitif.


176

Faute de système de notation, une partie d'échecs ne laisserait aucune trace. Aussi

est-ce grâce à l'écriture que lesjoueurs peuvent considérer que les échecs sont non

seulement un jeu mais aussi une science et un art. En affirmant que leur jeu connaît une

accumulation de savoir et ouvre au plaisir esthétique de répéter des parties brillantes, les

joueurs prennent le contre-pied des philosophes qui limitent singulièrement la portée du

Jeu lorsqu'ils le qualifient abusivement d"«improductif».

Comme l'écriture se révèle être au ceur de ce dispositif productif 60, on

considérera avec attention une demière historiette car elle met ironiquement en scène une

astucieuse solution de remplacement pour palliera l'absence de notation :

Au cours de l'été demier, le hasard d'une panne d'automobile me fit pénétrer

dans une humble auberge de campagne. Jugez de mon étonnement en

apercevant, sur une étagère... un échiquier dont les pièces, rangées en

bataille, semblaient attendre les joueurs qui, sans doute, les avaient

momentanément abandonnées. Je m'inquiétais de ces indifférents auprès de

l'aubergiste.

«Hélas, me répondit celui-ci. cette partie ne sera jamais terminée ! Ils étaient

deux partenaires inséparables, amis de toujours. Fréquemment, ils se

retrouvaient à cette petite table et consacraient des heures entières à leur jeu

favori. Un soir qu'ils disputaient, le plus cordialement du monde, la partie

que vous voyez inachevée, l'un deux, qui avait les blancs annonça mat en 2

coups ; il allait jouer lorsqu'il tomba, frappé d'une embolie au c sous les

yeux épouvantés de son vieux camarade, impuissant à lui porter secours.

C'est alors qu'en rangeant l'échiquier, j'eus l'idée d'y coller les diverses

pièces afin de leur conserver la place qui leur avait été donnée par mon

malheureux client.» (A. Marceil in Federationfrancai.se des échecs, 15 janvier


1929 : 25-26).

Ne disposant ni des mots (il ne sait probablement même pas jouer), ni des signes

graphiques (c'est un campagnard, autant dire un paysan illettré), l'aubergiste invente la

forme la plus primitive d'écriture qui soit pensable : celle où l'objet se représente lui-

60 On voudra bien comprendre que cette formule ne conceme que le jeu d'échecs et qu'il

n'est en aucun cas question de créer une dichotomie entre jeux oraux improductifs

et jeux écrits productifs.


177

même. Aussi inversée que soit cette image de l'anti-joueur, elle ne fait donc que

confirmer qu'au jeu d'échecs est littéralement collée la nécessité d'écriture6'.

6' La maturation de ce chapitre doit beaucoup à l'approche anthropologique de l'écriture

qu'a développée Jack Goody dans la Raison graphique. Lm domestication de la

pensée sauvage (1979).


178

chapitre IV

.louer avec le temps ;

la feuiUe de partie et la pendule des joueurs d'échecs^

Le jeu d'échecs, ou plus précisément la pratique contemporaine des joueurs

occidentaux de compétition2, présente un terrain privilégié d'observation et de réflexion

sur la temporalité, car le temps constitue, pour ces passionnés, un enjeu majeur et une

préoccupation constante. De plus, l'intérêt anthropologique pour cette activité ludique

devrait être d'autant plus vif que chaque compétiteur se trouve engagé - durant les parties

- non pas dans un temps unique, mais dans deux stmctures temporelles radicalement

différentes. Aussi le but de ce chapitre est de fournir une description détaillée des

pratiques et discours liés aux temps échiquéens et de proposer une analyse mettant en

avant certains des processus sociaux, culturels et cognitifs qui contribuent d'une part à la

fabrication de ces deux constructions temporelles et autorisent d'autre part leur

coexistence.

1. le temps des coups joués.

«Le temps prouva que Blanc ne s'était pas surestimé et le temps,

comme le comprit George était quelque chose de beaucoup mieux mesuré

par chaque coup joué à l'intérieur de chaque partie que par des moyens

classiques tels que le calendrier ou une pendule. La découverte fut


délicieuse.» S. Ellin, "le compagnon du fou".

^ Ce chapitre reprend l'intégralité d'un article pam dans L'Homme, 138, avril-juin 1996,
pp. 87-109 dans lequel il était précisé que ce travail avait bénéficié d'une subvention de

recherche attribuée par la Mission du Patrimoine ethnologique.

2 L'investigation se déroule essentiellement dans la région parisienne qui compte une


centaine de clubs d'échecs et quelques milliers de joueurs mais on pourra, sous bénéfice

d'inventaire et avec quelques corrections de détail, rapporter les faits relatés ainsi que les
hypothèses avancées au caractère intemational et cosmopolite du jeu d'échecs.
179

Le fait qu'une partie d'échecs participe de la durée est une évidence que tous,

joueurs comme non-joueurs, partagent. Même le spectateur qui ignore les règles du jeu

sait que la partie s'est achevée en quelques minutes ou qu'elle s'est étendue sur de

longues heures. Mais le joueur de compétition utilise aussi une toute autre mesure de la

durée échiquéenne : il dit et considère qu'«une partie dure un certain nombre de coups».

Or ce comptage en coups diffère radicalement des techniques classiques de mesure du

temps à l'aide d'un phénomène périodique car il est impossible d'attribuer une durée

moyenne au coup : d'un coup à un autre le temps de réflexion peut varier d'une seconde à

une heure. Aussi comme le nombre de coups n'apporte en aucune manière une indication

sur le temps qui s'est écoulé pendant le jeu, l'usage de compter la durée en coups relève

soit d'une tournure idiomatique isolée et sans valeur soit d'une conception temporelle

originale qui apparaîtra sous de multiples expressions dans la culture échiquéenne.

De fait, la numérotation des coups repose sur un aspect essentiel de cette culture

ludique : l'usage de l'écriture. Le jeu d'échecs de compétition se distingue en effet de la

plupart des autres jeux (et du jeu d'échecs en famille) par le fait que lesjoueurs recourrent

sans cesse à une multitude d'écrits qui diffusent les parties des maîtres à travers les livres

et les revues spécialisés. Mais plus fondamentalement encore, tout participant d'un

tournoi (quelque soit son niveau) est tenu d'inscrire - pendant le déroulement de la

rencontre - les coups joués sur une «feuille de partie». Comme la notation du mouvement

des pièces, sur laquelle nous reviendrons ultérieurement, se trouve précédée du numéro

du coup, on comprend dès lors que le joueur de compétition connaisse toujours avec

précision la «durée en coups» de sa partie.

Ce nombre apporte plus qu'une simple information car il constitue aussi un critère

de jugement surla valeur relative d'une partie : plus grande est la victoire acquise en un

petit nombre de coups . . . plus méritante la défaite concédée - contre un adversaire réputé -

après une lutte longue en coups. Le temps utilisé pour disputer la partie n'entre pas ici en

compte pour juger de sa valeur. Ainsi, il n'existe pas de terme pour une rencontre gagnée

en quelques minutes alors que le mot «miniature» désigne une partie remportée en moins

de vingt coups. La précision du jeu, calculée en nombre de coups, prime sur la rapidité de
180

l'obtention en minutes car la miniature est pour les joueurs une sorte de chef-d'oeuvre,

une suite de coups qui, par leur audace et leur élégance, provoquent un dénouement

accéléré. La rapidité de cette fin procure souvent aux joueurs un sentiment esthétique très

vif, mais cette élégance cache aussi un revers redoutable car la miniature n'est pas qu'une

oeuvre d'art, elle est aussi une réduction de tête. Certains joueurs utilisent ainsi

l'expression «miniaturiser quelqu'un» ; expression qui doit évidemment dans ce contexte

être interprétée par "réaliser une miniature contre quelqu'un" mais qui exprime aussi un

désir d'annihilation de l'adversaire.

Un autre moyen de marquer sa supériorité consiste à annoncer à haute voix une

victoire inéluctable. Le joueur qui distingue clairement un mat prochain effectue son coup

en proclamant : «mat en n coups». Par le «mat annoncé» le fort joueur apparaît dès lors

comme un personnage hors du commun ayant la capacité de lire l'Avenir. Il détermine

précisément l'heure de la mort de son adversaire, mais cette heure-là, à la différence de

l'autre - la Vraie -, se compte en coups.

La fin d'une partie d'échecs relève en effet d'une sorte de mise à mort ainsi que le

manifeste très directement l'expression «échec et mat» dans laquelle tout joueur se plaît à

retrouver la vieille expression persane pour «le roi (shah) est mort»-^. D'autres tournures

de langage contribuent aussi à cette assimilation du mat et de la mort ainsi que le prouvent

par exemple les termes d'«analyse post-mortem» ou d'«autopsie» qui servent, avec

humour, à nommer la discussion technique que les adversaires engagent fréquemment à

l'issue d'une partie. Au-delà du vocabulaire, nombres de récits constmits (mythes

d'origine du jeu, histoires drôles, anecdotes) illustrent et enrichissent ce thème funèbre;

un exemple empreint d'humour suffira à montrer comment le rire libérateur dédramatise

cette angoisse profonde, existentielle, qui peut saisir le joueur dans la défaite :

3 Ici, comme souvent, l'étymologie «populaire» semble s'autoriser quelques libertés en


face des sources historiques selon lesquelles il appert que mât en persan médiéval portait

plus précisément le sens de "vaincu", de "sans issue", (cf Murray p. 159, ou encore

l'article "mat" in REY Alain (éd.). Dictionnaire historique de la langue française. Le

Robert, 1992).
181

Durant une partie disputée dans un club d'échecs, un joueur est pris d'une crise

cardiaque. Présents parmi les autres joueurs, un médecin accourt aussitôt pour porter les

premiers soins, mais il ne peut que constater le décès. Jetant alors un regard sur

l'échiquier, il conclut à l'adresse des autres joueurs : «de toute façon, il était foutu»^.

Ainsi, face au regard social, même la mort ne constitue pas une échappatoire au

mat.

L'interprétation du mat comme meurtre symbolique du père, avancée par certains

psychanalystes (E. Jones, N. Reider, ...), est par ailleurs connue. Sans entrer plus avant

dans cette perspective, il est certain que le mat est un coup porté au Roi, et l'on sait que le

régicide et le parricide ont joué l'un pour l'autre, dans l'Occident médiéval, le rôle de

métaphore réciproque. A propos de régicide, il est bon de préciser ici, bien que cela aille

de soi, que jamais joueur d'échecs ne fut écartelé en Place de Grève pour crime de lèse

majesté. Autrement dit, le mat est une mise à mort que nous hésiterions à qualifier de

"symbolique" puisqu'elle n'attente en aucune manière à la personne du roi ou de

l'adversaire; elle se joue plutôt, pour reprendre 1' expression d'O. Mannoni, dans

«l'Autre Scène», celle de l'imaginaire.

Mais le mat est aussi, en même temps, un drôle de crime puisque ce qui devrait

apparaître sur l'échiquier comme l'acte même du régicide, la prise du Roi, n'est jamais

réalisé. L'observation de l'apprentissage du jeu d'échecs montre ainsi que le mat illustre

davantage encore que l'idée de mort, celle de fatalité. Le but du jeu est en effet non pas en

soi de prendre le roi, mais de le mettre dans une position où il ne dispose plus d'aucune

issue. Cette notion de fatalité se trouve même renforcée par l'absence de prise du Roi qui

provient de ce que l'adversaire est toujours forcé de reconnaître sa défaite verbalement.

4 On trouvera une version écrite de cette histoire connue dans Hartston, W.R., 1976,
How to cheat at chess, Hutchinson & Co, London, p.40.
182

ou au moins en ne répliquant pas à l'annonce de mat par un coup sur l'échiquier^. Ainsi

le mat apparaît surtout comme une image de la fatalité et c'est en tant que tel qu'il se

trouve assimilé à la mort.

A cette idée de la mort, qu'il faut donc aux Echecs conserver tout en nuançant, est

enchaînée l'une des deux expériences fondamentales (Leach) du temps qu'est

l'irréversibilité. Or l'irréversible se manifeste très directement dans le jeu d'échecs par

l'interdiction de reprendre ses coups ainsi que l'énonce le dicton «pièce touchée, pièce

jouée». Un coup joué est un coup achevé qu'engloutit le passé. L'application de cette

règle peut certes varier car si elle est toujours stricte dans les parties officielles, elle se

révèle parfois plus laxiste à d'autres moments. Après tout le joueur est humain, et le

propre du jeu est justement de rendre possible cette réversibilité temporelle puisqu'aucune

loi "naturelle" n'empêche la pièce perdue de ressusciter sur l'échiquier. Mais ces

manquements à l'irréversible ne peuvent qu'être exceptionnels car sinon ils confineraient

le jeu lui-même à l'absurde. Lesjoueurs associent parfois un contenu moral à la règle

«pièce touchée, pièce jouée» : ne pas amender sans cesse ses décisions, c'est apprendre

non seulement la fermeté de la pensée mais aussi la nécessité d'une réflexion entière.

Mais cette éthique ne fonde pas l'idée de l'irréversible dans le jeu, elle l'illustre juste à la

manière d'une glose.

Avec la durée et l'irréversible (ou, autrement dit, la succession), les coups semblent

ainsi porter deux des trois concepts fondamentaux que les philosophes occidentaux

considèrent comme englobés par la notion de temps. La troisième notion, la simultanéité,

semble en revanche absente de la pratique échiquéenne puisqu'il n'y a jamais qu'une

seule pièce en mouvement à chaque coup. Le succès des jeux récents appelés wargames

reposent d'ailleurs en partie sur l'idée qu'ils simulent mieux la réalité des guerres en

autorisant le mouvement simultané de toutes les unités.

^ Si l'adversaire effectue malgré tout un coup laissant son Roi en échec, son concurrent
lui indique qu'il se trouve alors dans la situation de pouvoir prendre le Roi et l'encourage

à trouver une autre réplique, et ainsi de suite jusqu'à ce qu'il y ait reconnaissance de la
défaite.
183

On pourrait certes ergoter à partir de la règle échiquéenne pour y trouver quelques

exemples de simultanéité puisque les mouvements du «roque» ou de «la prise en passant»

concernent plusieurs pièces en même temps. Beaucoup plus pertinente est cependant

l'existence d'une représentation de la simultanéité par les pratiquants du jeu. Je pense que

ce serait une erreur de croire que la stmcture logico-mathématique d'un jeu détermine

strictement les représentations de ceux qui s'y adonnent et l'on sait par ailleurs que les

joueurs de go qui posent sur leur tablier de jeu des pierres à tout jamais immobiles,

considèrent paradoxalement leur jeu comme un jeu de mouvement. Pour un joueur

d'échecs, tout coup est porteur d'une multitude de menaces dans lesquelles il peut voir

une expression de la simultanéité. Les termes techniques de «fourchette», d'«échec à la

découverte», d'«échec double», ..., expriment d'ailleurs très directement cette idée.

La simultanéité se trouve enfin directement mise en scène dans une forme de jeu qui

porte le nom éloquent de «simultanée». Une simultanée est constituée par les différentes

parties qu'un maître ou un fort joueur mène contre plusieurs amateurs jouant de conserve.

Chaque amateur dispose donc d'un temps de réflexion nettement supérieur à celui du

maître qui, en sus de sa force, ne jouit que du seul avantage de conduire les blancs sur

tous les échiquiers. Par ailleurs, lesjoueurs sont tenus de jouer à chaque passage du

maître. L'ensemble des parties se déroule ainsi dans une quasi simultanéité des

mouvements puisque chaque joueur peut voir, sur l'échiquier de son voisin de gauche ou

de droite, l'état d'une partie aussi avancée que la sienne. La simultanéité ne concerne

donc pas ici le cours d'une seule partie mais plutôt l'ensemble des parties de la

simultanée.

La fréquentation des ouvrages de technique échiquéenne induit même à considérer

que toutes les parties jouées présentent dans leur suite de coups une parfaite simultanéité.

Ainsi on trouve à longueur de pages des exemples juxtaposant des coups qui réfèrent à

des années différentes^ :

" Cet exemple a été inventé pour les besoins du chapitre afin d'en simplifier la lecture car

la plupart des lignes théoriques s'étendent sur 15 à 25 coups. Notre exemple indique trois

variantes possibles au deuxième coup d'une «ouverture» doimée et mentionne, selon le


184

2. h3 Poireau-Kaprasov 1993 -+
1. f4^ é6 '^ 2. é4 Champion-Dupont 1901 =
2. g4 Lagaffe-Gnildnew^ 1959 --i-

fig. 1 . échantillon de théorie échiquéenne

Les différentes variantes d'une «ouverture» sont donc pensées en fonction de la

chronologie des coups qui est indépendante de l'époque à laquelle les parties ont été

initialement produites. Ce fait est évidemment lié à la possibilité de "rejouer" d'anciennes

parties ou de répéter - dans ses propres parties - des ouvertures qui bénéficient de

l'autorité des maîtres qui les ont inventées"^.

Simultanéité, succession et durée trouvent donc avec les coups une expression qui

ne relève pas du "temps ordinaire"^ car celui-ci ne permet pas de comprendre les logiques

temporelles en jeu lors d'une partie d'échecs. Aussi le joueur pense-t-il plutôt le

mouvement des pièces sur l'échiquier en fonction d'une sorte de "temps des coups"^ dont

il nous reste à déterminer les principales caractéristiques.

modèle standard, les noms des joueurs qui ont disputé une partie débutant ainsi (le

premier nom cité conduisait les blancs). Enfin, une appréciation de la position est donnée

(le signe = précise que la situation est jugée égale, -+ qu'elle est largement en faveur des

noirs; la ligne 2. é4 est donc, ici, la seule recommandée par la Théorie échiquéenne).

' Mathématiquement, chaque partie représente moins une "invention" qu'une réalisation

d'une branche particulière de l'arbre des variantes induit, depuis l'origine, par les règles

du jeu. L'histoire des progrès techniques aux échecs se dissout donc, d'un point de vue

purement combinatoire, dans l'anhistorique. ..


S Par "temps ordinaire" nous entendrons, en toute approximation, le temps de nos
montres, de nos rythmes biologiques, de nos mémoires... Quelle que soit la réalité ou la

diversité de ce temps ordinaire, il suffira pour notre propos de reconnaître que le temps

des coups en diffère radicalement.

" Le présent usage des concepts de simultanéité, succession et durée ne doit pas laisser
accroire que nous les considérons d'un point de vue anthropologique comme des outils
185

On conviendra d'emblée de sa linéarité.

Le temps des jeux en général possède par ailleurs la propriété étonnante de pouvoir

être interrompu sans que cela nuise en soi à l'action ludique. Ceci s'applique aussi aux

Echecs. Que la reprise du jeu ait lieu cinq minutes après l'intermption, ou un mois après,

la position des pièces sur l'échiquier, - ou, ce qui revient au même, l'écriture des coups

sur la feuille de partie (qui permet de reconstituer la position) - reste identique. Le

vocabulaire sportif utilise fort à propKJs l'expression temps mort qui indique que pour la

partie ou le match, ce temps en dehors du jeu n'existe pas.

Mais cette idée se trouve encore renforcée aux échecs, comme dans la plupart des

autres jeux sur tabliers, par le fait que les différents moments entre deux coups n'accèdent

jamais à l'identité. Le coup est un atome indivisible. Une devinette échiquéenne illustre ce

principe ainsi :

universels pour reconnaître la présence d'un système de représentation du temps. Ils

poseraient en particulier le problème de leur adéquation aux notions de temps cyclique et


rituel.
186

fig. 2. «mat en un demi-coup»^

L'incongmité de cet énoncé «mat en un demi-coup» n'apparaît généralement pas au

nouveau venu dans un club à qui est posée cette devinette et qui cherche sans succès une

solution impossible. Pourtant celle-ci lui est finalement révélée de la manière suivante : le

Cavalier est légèrement soulevé pour dévoiler le Fou qui donne alors «échec», mais

comme le Cavalier reste maintenu au-dessus de sa case de départ il est censé contrôler

toujours les mêmes cases ce qui implique le mat du roi noir. Comme le novice, toujours

candide, conteste évidemment la validité de cette solution, le poseur d'énigmes lui

rappelle l'énoncé initial : «mat en un demi-coup». A énoncé paradoxal, réponse

paradoxale. L'impossibilité de couper un coup en deux enseigne le caractère

nécessairement discret du temps échiquéen.

1 ® Ce dessin a été réalisé à l'aide du logiciel Sargon.


187

Le temps des coups est un temps linéaire discret. Il diffère en cela

fondamentalement du temps ordinaire qui conçoit la linéarité de son déroulement dans la

continuité' '.

Les caractéristiques générales de ce temps des coups ne semblent cependant pas

propres au jeu d'échecs car on pourrait avancer de semblables considérations sur le jeu

des petits chevaux. Mais l'analyse anthropologique d'une activité ludique se doit de ne

pas séparer indûment le jeu du joueur. Or un des aspects marquants de la culture

échiquéenne est justement le développement d'une riche réflexion indigène sur la question

du temps. Cette pensée conceme certains aspects techniques de la conduite d'une partie

d'échecs mais il est possible d'en tirer certains enseignements sans rentrer dans des

considérations trop ésotériques pour le non-joueur.

Ainsi l'axiome de base de la théorie échiquéenne énonce que :

«La partie d'échecs dépend de trois facteurs : la matière (représentée par les

32 pièces), l'espace (représenté par les 64 cases de l'échiquier) et le temps

(représenté par les coups).» ' 2

Cette idée partagée actuellement par tous les joueurs d'échecs de compétition

correspond évidemment au fait d'inscrire, plus généralement, l'expérience humaine dans

ces trois catégories de l'espace, du temps et de la matière. La notation échiquéenne

modeme y recourt d'ailleurs directement puisque le coup noté par exemple 40. Tal-a8

reprend la catégorie du temps (le 40ème coup), de la matière (T = la tour) et de l'espace

(les cases al et a8). Mais il ne faut pas oublier le caractère historique et culturel de cette

représentation du monde qui peut paraître aujourd'hui éminemment naturelle. On peut

ainsi noterque lesjoueurs d'échecs semblent avoir ignoré jusqu'au XVIIIe siècle ce qui

allait devenir leur bien rare par excellence, autrement dit le temps. Un modeme théoricien

* ^ Au delà des différences évidentes et immédiates qui séparent ce temps ludique du


temps rituel, il y a lieu de s'interroger sur certaines analogies formelles qui existent

malgré tout entre eux.

12 TARTAKOVER Xavier. Bréviaire des échecs. Garnier, 1982. p. 160.


188

du jeu a en effet traduit dans un langage d'économiste une notion que tous les joueurs^ ^

s'efforcent d'appliquer dans leurs parties :

«Ce qui compte particulièrement au jeu d'échecs, c'est le temps. Dans le

combat du milieu de partie, basé sur la position du roi, la bonne stratégie

consiste à économiser le temps, à l'utiliser avec parcimonie, à l'employer


utilement.»''*

11 n'est pas un livre de théorie échiquéenne qui ne traite d'une façon ou d'une autre

du temps aux échecs.

Le mot temps était utilisé sous sa forme générique ("le" temps) dans les deux

citations ci-dessus mais en vérité lesjoueurs l'emploient plutôt avec un adjectif numéral

(«un», «deux» temps). A entendre les commentaires des joueurs, gagner ou perdre un

temps, voire deux ou trois temps, constitue en effet une de leurs principales

préoccupations tactiques. Mais curieusement, quand on les interroge sur le sens qu'ils

prêtent à cette acception du mot, lesjoueurs se contentent d'une définition par équivalence

: «un temps, c'est un coup».

Le plus simple exemple de perte d'un temps est le déplacement d'une case à une

autre effectué en deux coups alors qu'un seul eût suffit. Perdre un temps, c'est aussi en

faire gagner un à l'adversaire puisqu'il peut, entre-temps, jouer un coup de plus. 11 n'est

pas besoin de savoir jouer aux échecs pour comprendre que la perte d'un temps doit

généralement désavantager le joueur prodigue. Sans entrer plus avant dans ces

considérations techniques, il est particulièrement intéressant pour nous de constater que

cette notion de temps, ou de «tempo» comme l'appellent également lesjoueurs, permet en

fait de dissocier le mouvement dans l'espace du mouvement dans le temps. L'intérêt du

13 Cet accord unanime sur l'importance du facteur temporel n'empêche pas les joueurs
d'user très différemment de ce temps dans leurs parties. Ceci se remarque autant chez les

petits joueurs que chez les champions du monde ; ainsi, la soudaineté légendaire des

attaques de Tal contrastait avec les manoeuvres lentes et louvoyantes d'un Botvinnik.

''^ FLESCH Janos, Echecs : le milieu de partie. Marabout, 1983. p.67.


189

tempo est en effet de compter l'effet réel des mouvements dans le temps indépendamment

du nombre de mouvements dans l'espace.

Ainsi pensé, ainsi construit, le coup cumule le spatial et le temporel. Si, pour le

profane, le coup n'est que le mouvement d'une pièce dans l'espace, le joueur de

compétition considère par contre que le coup provoque également un mouvement dans le

temps.

Le coup (ou, ce qui revient au même, le tempo) mesure donc le temps de la partie

mais en soi il ne le mesure qu'à la manière d'une chronique sur laquelle chaque nouvel

événement viendrait gommer le précédent car la position des pièces sur l'échiquier

ressemble rapidement à un immense et compliqué palimpseste de la mémoire où l'on ne

peut que ressentir l'indistinct passage du temps. Aussi si ce temps discret des coups se

manifeste avec autant de netteté, c'est parce qu'un instmment de mesure nous le révèle' 5.

Cet instrument est mstique, il s'agit de la «feuille de partie», mais il est fiable :

systématiquement, coup après coup, le joueur fait correspondre un mouvement de pièce à

un numéro.

Le fait que ce temps discret nous soit appam dans la pratique échiquéenne avec une

particulière netteté ne doit donc pas surprendre. Cela tient moins à la "nature" du jeu

d'échecs, somme toute peu différente de celle des petits chevaux, qu'à son

développement historique qui combine une technique de mesure (la feuille de partie) à une

tradition conceptuelle soulignant l'importance de ce temps.

Le temps des coups a encore comme caractéristique d'être fini'^ puisque toute

partie a un début et une fin. Le mat (ou, ce qui revient au même, l'abandon) en marque le

15 Je me demande même si, d'un point de vue anthropologique, le temps peut exister
indépendamment de ses instmments de mesure. Autrement dit, c'est la technique de

mesure (qui peut être biologique, mathématique -cf la semaine, le calendrier maya-, ou

céleste, etc.) qui crée le temps et non l'inverse,

1" A contrario, le temps ordinaire est dans notre société globalement pensé comme infini
car chacun reconnaît que le monde existait avant sa naissance et continuera après sa mort.
190

terme définitif à moins que les deux joueurs ne conviennent entre eux d'arrêter la partie

sur un résultat «nul», c'est-à-dire sans vainqueur ni perdant. Cette demière fin s'avère

tout aussi définitive que le mat car une fois la «nullité» conclue, le règlement officiel

interdit strictement aux joueurs de reprendre la partie.

Mais il arrive parfois qu'un joueur refuse les propositions de partie nulle de son

adversaire et veuille poursuivre un combat qui ne présente pourtant plus aucune chance de

gain. Une telle partie pourrait dès lors se poursuivre dans une suite de coups infinie et

tomberait dans la catégorie des jeux de pure patience. Le cas s'est révélé suffisamment

fréquent pour avoir été prévu par la Règlement qui déclare nulle toute partie où 50 coups

se sont écoulés sans qu'un pion n'ait été avancé ou qu'une prise n'ait été effectuée.

L'intérêt et la nécessité de la notation des coups apparaît ici encore évident : la feuille de

partie fait preuve pour ce décompte des 50 coups. Sans trace écrite, il serait en effet

impossible de garder en mémoire un nombre de coups aussi grand.

Ainsi, aux échecs, le Règlement impose ses limites au temps des coups' ^ et évite de

ce fait que, d'un temps indéfini, surgisse l'ennui.

Depuis al-Mas'ûdî, les mythes d'origine du jeu d'échecs semblent fascinés par les

grands nombres. Les versions les plus connues s'attardent ainsi sur la récompense que

l'inventeur du jeu (généralement un brahmane) réclama à un râja indien :

«Fais mettre un grain de blé sur la première case d'un échiquier - lui demanda

Sissa -, deux sur la seconde, quatre sur la troisième, huit sur la quatrième et

Ce n'est que dans un très lointain passé (Big bang) ou futur (cataclysme solaire...) que
l'infinité du temps pose un problème philosophique aux contemporains.
1 ' Inversement, le Règlement interdisait jusqu'en 1963 de conclure une partie nulle avant
que 30 coups n'aient été joués (mais rien n'empêchait lesjoueurs assez rapides pour jouer
un coup à la seconde, de faire nulle en moins d'une minute de jeu).
191

ainsi de suite en doublant toujours le nombre de grains de blé jusqu'à la


soixante-quatrième et demière case.» (Le Lionnais, p.l81)'^.

Dans ces histoires, le souverain découvrira finalement que la demande, modeste en

apparence, cache en fait une monstmeuse progression géométrique qui atteint le chiffre

astronomique de 18.446.744.073.709.551.615 grains. Les récoltes de la planète Terre

tout entière emblavée ne sauraient répondre au désir du brahmane. Combien plus grand

encore aurait été le nombre ainsi généré par le carrelage d'une

cuisine ! Mais il ne revenait qu'au seul jeu d'échecs la noblesse d'approcher ainsi de

l'infini... (Dr l'histoire nous apprend que le brahmane avait enseigné les échecs au râja

pour le guérir de sa «neurasthénie».

L'essence infinie du jeu d'échecs doit donc se concrétiser dans la finitude de la

partie pour piper le mortel ennui.

1° Pour des références historiques plus précises, cf. Murray, pp.209-218 et p.755.
192

2. ie temps de la pendule

«Jusque-là, il était resté maître de lui, mais au quatrième coup, Czentovic

s'étant replongé dans des méditations interminables, il éclata :

-Jouez donc, voyons !


Czentovic leva son oeil froid.

-Nous avons, si je ne me trompe, fixé à dix minutes le temps d'intervalle

entre les coups. Par principe, je ne joue pas plus rapidement.» S.Zweig, Le

joueur d'échecs.

Mais l'ennui peut aussi ressurgir quand le temps discret se dilue par manque de

coup. Si le joueur à la réflexion trop lente ou trop profonde exaspère déjà son adversaire,

que faut-il penser de celui qui - se sachant irrémédiablement perdu - poursuit la partie à un

train de sénateur ? La courtoisie échiquéenne fait d'ailleurs que les parties ne s'achèvent

jamais par le mat car le joueur qui se retrouve dans une position désespérée se doit

d'abandonner par respect pour son adversaire. Le refus d'abandonner une partie perdue

contredit en effet l'esprit même du jeu qui réclame toujours une certaine dose

d'incertitude.

Il semble que jusqu'au XIXe siècle, la durée du temps de réflexion n'ait pas posé

de problèmes excessifs aux joueurs. Une sorte de contrôle social informel limitait la

réflexion de chacun car tout joueur trop lent se voyait rappeler à l'ordre par son adversaire

ou parles spectateurs'^. L'avertissement léger (raclement de gorge) ou la question polie

«c'est à qui déjouer ?» pouvait précéder l'injonction «mais jouez donc !». Enfin l'ultime

sanction était le refus d'affronter un adversaire trop ennuyeux.

Or à partir des années 1830, les rencontres intemationales se multi-plièrent sous la

forme de défi entre les maîtres msses, allemands, français et anglais. L'augmentation de

1^ C'est du moins une extrapolation à partir de l'observation de certains joueurs de club


encore réfractaires à l'usage de la pendule. La pratique de ces joueurs, généralement des

retraités venus aux échecs tardivement, apparait d'ailleurs un peu anachronique aux yeux

des autres joueurs.


193

l'enjeu lié à la victoire, enjeu tant matériel (l'argent misé) que symbolique (la

reconnaissance sociale comme maître et l'affirmation de la prépondérance nationale)

entraîna certains joueurs à user d'un temps de réflexion de plus en plus important et

l'ancien contrôle social s'avéra incapable d'enrayer cette dérive car contrairement aux

parties à enjeu minimal où les adversaires disent ne jouer «que pour rhonneuD>, le joueur

le plus rapide ne pouvait quitter le jeu sans abandonner du même coup ses ressources

matérielles et ses prétentions à la maîtrise^o.

Ce problème du temps de réflexion préoccupa les joueurs d'échecs tout au long du

XIXème siècle. Le premier périodique échiquéen. Le Palamède. proposa ainsi dès ses

premiers numéros en 1836 de limiter le temps de réflexion des compétiteurs (en

l'occurrence des champions français et anglais) à l'aide d'une «inflexible clepsydre»

(p.189).

Les premières solutions adoptées qui consistèrent à limiter le temps de réflexion

maximum par coup souffraient de deux handicaps majeurs. D'une part, selon la

complexité de la position un joueur peut sentir le besoin de réfléchir des laps de temps

très variables et d'autre part, rien n'empêchait un joueur d'utiliser, f)Our chaque coup, la

totalité du temps dont il disposait ; à raison de dix minutes maximum par coup, une telle

partie pouvait durer plus de douze heures.

Aussi le principe qui fut finalement retenu consiste à allouer, soit pour toute la

partie, soit pour un certain nombre de coups, une certaine quantité de temps à chaque

20 Mais c'est aussi l'attitude générale à l'égard du temps qui se transformait alors
profondément. Cause et conséquence, la pendule comme la montre devenaient des objets

de plus en plus courants. Par ailleurs, lesjoueurs d'échecs soucieux de limiter le temps

de réflexion répétaient que l'époque était entrée dans l'ère des chemins de fer. Dès 1836,

cette idée se trouve exprimée pour inciter à l'emploi de «l'inflexible clepsydre» (cf note

suivante). Les anglais partagaient les mêmes raisonnements puisque The Oxford

Companion to chess cite ainsi un joueur qui écrivait en 1852 : «Juries, ere now, have

convicted men and judges have hanged them, to save time. Railway companies at the

present day break our legs, and sometimes our necks, to save time. Our chessplayers are

the only men in this country who disregard it.» (Hooper, p.3 55).
194

joueur. Un joueur peut ainsi ne pas s'attarder sur certains coups faciles et, en

compensation, réfléchir davantage sur d'autres plus complexes. 11 se trouve néanmoins

toujours dans l'obligation de jouer car si jamais il dépasse le temps total imparti, il est

aussitôt considéré comme ayant perdu la partie.

Permettant mieux que le sablier, la clepsydre ou le chronomètre d'appliquer ce

principe, la «pendule» d'échecs fut inventée à la fin du XIXème siècle et se présente

actuellement sous cette forme :

fig. 3. La peruiule d'échecs

Cette «pendule» diffère par trois points d'un mécanisme horloger ordinaire. Elle

compte deux cadrans, deux petits boutons et, enfin, deux curieux dispositifs situés près

du chiffre 12 et appelé par lesjoueurs «drapeau».

Malgré leur forme classique (division en douze heures, petite aiguille des heures et

grande aiguille des minutes), les cadrans ne se lisent pas comme sur une horloge

ordinaire. Car si l'horioge compte le temps écoulé depuis ce point zéro qu'est minuit, la

pendule d'échecs décompte, quant à elle, le temps restant. Chaque cadran indique à cet

effet le nombre de minutes dont dispose le joueur situé de son côté. Aussi, pour une
195

partie où on attribue, par exemple, vingt minutes de réflexion, les grandes aiguilles2 ' sont

placées initialement à «moins vingt». Ce temps disponible s'achève pour un joueur

lorsque son aiguille des minutes marque zéro ou, autrement dit, arrive à la verticale. Dans

l'exemple de la figure ci-dessus, le joueur de droite doit donc achever sa partie en moins

de deux minutes.

Les boutons situés sur le dessus de la pendule permettent d'interrompre

l'écoulement du temps sur un cadran et de déclencher simultanément la mise en marche

du second cadran22. On comprend qu'un joueur n'a le droit d'appuyer sur son bouton,

c'est-à-dire d'arrêter «sa» pendule, que lorsqu'il a effectué son coup sur l'échiquier, mais

le règlement précise encore que le bouton de la pendule doit être actionné par la même

main qui a manipulé la pièce. Sur notre figure, le bouton levé indique que le trait revient

au joueur de droite.

Le drapeau est enfin un mécanisme visuel qui matérialise l'instant précis où le

temps est dépassé. Petite pièce mobile autour d'un axe, le dra-peau est entraîné au

passage de la grande aiguille. Quand celle-ci atteint la verticale elle ne soutient plus le

drapeau qui, par l'effet de la gravité, reprend aussitôt sa position initiale. On dit alors que

le drapeau est «tombé».

Cette pendule s'avère être un objet indispensable dans le jeu d'échecs modeme.

Ainsi deux joueurs qui se rencontrent sur une plage ou au domicile de l'un d'entre eux ne

21 Aucune attention n'est donc portée, dans ce cas précis, à l'aiguille des heures et il peut
donc se trouver que, sur une pendule d'échecs, les "heures" indiquées sur chaque cadran

diffèrent mais c'est sans aucune importance car seules comptent alors les aiguilles des

minutes. Par contre, quand le temps de réflexion est supérieur à une heure, il est bien
évidemment nécessaire d'harmoniser les "heures" des deux cadrans. Ainsi, dans une

partie «40 coups/2 heures» (cf plus loin), les cadrans sont généralement réglés sur

«quatre heures» de manière à ce que le premier contrôle du temps soit réalisé lorsque les

aiguilles des minutes et des heures passent à la verticale (c'est-à-dire à six heures).

22 Ces pendules d'échecs ne sont pas, techniquement, des "pendules" (ou horloges à
pendule) mais cette appellation évoque, me semble-t-il, particulièrement bien ce

mouvement oscillant du temps d'un cadran à l'autre.


1%

disputeront probablement aucune «partie amicale» si, en plus du jeu, ils ne disposent pas

aussi d'une pendule. Aussi est-il essentiel de mesurer attentivement la portée historique

de cette introduction.

Depuis sa création, le jeu d'échecs, ou plus précisément ses différentes variantes,

présente la spécificité d'être un jeu où des pièces aux mouvements divers cherchent à

attraper une pièce particulière du camp adverse (le roi). L'histoire du jeu nous apprend

que si le nombre ou le mouvement des pièces a pu varier sensiblement au cours des

siècles, son principe général est en revanche resté remarquablement stable. Si l'on

excepte en effet la "préhistoire" du jeu qui vit le passage de quatre à deux joueurs et

surtout l'abandon du dé, la seule différence marquante est en effet représentée par

l'augmentation de l'action de certaines pièces. On sait ainsi que la pièce appelée

«ministre» (firzân, mantri) qui avait dans le jeu oriental une capacité très réduite a, sous le

nom de «dame», vu en Europe son efficacité accrue au XVème siècle. Cette pièce

attaquait si vigoureusement le roi adverse que la forme nouvelle du jeu qui allait devenir

les échecs occidentaux modemes prit même un temps le nom d'esches de la dame

enragée. Mais cette Jeanne d'Arc de bois ou d'ivoire ne contredisait pas le principe

fondamental du jeu : mater le roi.

Aussi, l'introduction de la pendule dans le jeu d'échecs a-t-elle occasionné, à mon

sens, la principale révolution de la règle échiquéenne depuis son origine, car le mat (ou

son anticipation qu'est l'abandon) n'est plus l'unique but. Dorénavant, le joueur peut

aussi gagner (ou perdre) à la pendule et il importe de noter toutes les différentes

modifications qu'a entraînées cette adoption du temps-mesure. La première

transformation consiste dans la diversification de la partie puisque l'allocation de temps

peut être distribuée de plusieurs façons. 11 existe en effet différentes manières de jouer

avec celle que lesjoueurs appellent parfois la «trente-troisième pièce».

La «cadence» de jeu représente la quantité de temps allouée par partie.

Curieusement, les joueurs n'ont retenu principalement que trois cadences assez

strictement définies : la «partie longue», la «semi-rapide», le «blitz».


197

Dans la partie longue, chaque joueur dispose de deux heures pour effectuer les 40

premiers coups puis d'une heure par série de 20 coups. Cela représente en moyenne trois

minutes par coup mais un joueur n'étant jamais un métronome, les temps de réflexion

présentent une grande diversité. Comme les joueurs possèdent une expérience très

étendue des ouvertures, ils peuvent parfois «réciter» les 15 ou les 20 premiers coups

d'une partie en moins d'une minute ; mais ils peuvent tout aussi bien passer une demi-

heure à méditer leur premier coup. Enfin, il n'est pas rare que, dans une position

complexe, un joueur dépense une heure entière de réflexion sur un coup.

Lors d'une partie semi-rapide, la cadence est de vingt à trente minutes pour tous les

coups de la partie.

Enfin le blitz représente la forme de jeu la plus rapide puisque chaque joueur ne

dispose que de cinq minutes pour toute la partie. Comme une partie dépasse souvent

soixante coups, le joueur qui ne veut pas perdre au temps doit, en moyenne, réfléchir à

son coup, déplacer sa pièce et appuyer sur sa pendule en moins de cinq secondes. La

rapidité d'une telle cadence peut paraître hallucinante au joueur occasionnel mais il faut

savoir qu'elle est tout à fait ordinaire au joueur de club2^. Disputer un blitz ne constitue

pas un exploit. Cependant, les coups en blitz ne sont pas choisis au hasard car un bon

joueur de club ne laisse généralement guère de pièces ou de pions en prise lors d'un blitz;

pour exprimer autrement la même idée, on peut affirmer qu'avec seulement cinq minutes

un «blitzeur» gagnerait aisément contre un joueur occasionnel disposant de son côté

d'une joumée entière de réflexion.

23 Les plus rapides disputent même des blitz où ils ne disposent que d'une seule minute!
Une certaine prestesse manuelle est alors recommandée en sus de la vivacité intellectuelle.
198

fig 4. figuration humoristique d'un blitz par Herman Nauta

(parue dans LSG Niews, 1974)

Pourtant, lesjoueurs de compétition considèrent très différemment la valeur des

parties disputées selon ces différentes cadences. Ainsi, si le blitz n'est qu'un amusement,

une récréation, il revient par contre à la partie longue les apf)ellations de partie «sérieuse»

ou encore de partie «officielle». Le rythme de 40 coups en deux heures constitue en effet

la principale cadence des rencontres homologuées par les fédérations nationale ou

intemationale, et le résultat de toutes les parties ainsi disputées permet de calculer le

«classement elo» des joueurs. C'est selon cette cadence que se disputent non seulement le

championnat de France ou le championnat du Monde mais encore les rencontres

interclub.

A l'opposé de la partie longue, le blitz suscite la critique de certains joueurs qui

estiment que sa superficialité nuit au développement des qualités échiquéennes. Pourtant,

malgré ce procès, le blitz constitue, pour la plupart des joueurs, leur activité "naturelle"

dans le sens que c'est celle qu'ils pratiquent prioritairement entre eux quand ils ne se

trouvent pas engagés dans une compétition organisée.


199

fig. 5. dessin humoristique d'un joueur d'échecs.

(noter la présence d'une peruiule d'échecs sur la table de nuit).

dessin de Herman Nauta, paru dans LSG Niews, 1974.

La quantité de temps de réflexion ne suffit pas à expliquer cette hiértirchisation entre

les différents types de partie. D'une manière générale, les joueurs de compétition

considèrent qu'une partie amicale, c'est-à-dire sans pendule, «n'est pas une partie

d'échecs» aussi, même si une telle partie dure plus d'une heure, elle se trouve en soi

discréditée par rapport à un simple blitz de dix minutes (qui, en comparaison, est bien

reconnu comme une vraie partie d'échecs). Par ailleurs, les parties par correspondance où

lesjoueurs réfléchissent plusieurs jours sur chaque coup ne constituent pas la référence

ultime puisque le champion du monde par excellence acquiert son titre en ne disputant que

des parties longues. Enfin, il faut noter que la cadence des parties longues tend

historiquement à s'accélérer : 35 coups en 2 h30 vers 1930, 40 coups en 2 h 30 jusque

dans les années 1980, 40 coups en 2 h actuellement. Pourtant cet abrègement du temps de

réflexion ne s'accompagne pas, dans l'esprit des joueurs, d'une baisse du niveau de jeu.
200

La partie longue connaît même depuis quelques années un nouvel avatar sous la

forme du «une heure K.O.» qui est une cadence de jeu ana-logue aux semi-rapides

puisque le joueur dispose d'un temps fini (soixante minutes) pour jouer toute sa partie.

Mais c'est aussi une forme de «partie officielle» puisque le résultat des une heure K.O.

servent à la détermination du classement elo des joueurs au même titre que les autres

parties longues. Or, malgré les avantages qu'apporte le une heure K.O. dans

l'organisation des toumois, cette cadence de jeu est actuellement fortement contestée.

Aussi pour comprendre cette hiérarchie entre les différents types de partie, il me

semble nécessaire de dépasser le seul critère de la quantité de temps de réflexion et de

prendre en compte trois critères qui peuvent être établis à partir des trois questions

suivantes : La partie est-elle disputée à l'aide d'une pendule ? Est-elle écrite ? Est-elle

prise en compte pour le calcul du classement des joueurs ? La figure 4 synthétise ces

données et démontre le caractère discriminant de ces trois critères :

pendule écriture classement

partie amicale - - -

blitz + - -

semi-rapide + -
+

1 heure K.O. + -)-=>- +

partie longue + -t- +

1 correspondance -
-1- + 1

fig. 6. les différentes cadences

Ce tableau appelle plusieurs commentaires. La demière colonne indique l'existence

d'un classement officiel correspondant aux différents types de partie. Ainsi le elo,

prononcé [élo], qui est le classement par excellence est attribué au vu des résultats

obtenus en disputant des parties longues. La colonne "écriture" laisse apparaître une

anomalie à propos du une heure K.O. Selon le règlement de ces parties, lesjoueurs sont
201

en effet tenus de noter leurs coups jusqu'à ce qu'il ne reste plus que cinq minutes à l'un

des deux joueurs. Dès ce moment, l'écriture disparaît. Aussi connaissant le rôle essentiel

de l'écriture dans la culture échiquéenne, il me semble que c'est justement cette

disparition (combinée aussi, bien sûr, au manque de temps) qui incite certains joueurs à

juger que le une heure K.O. c'est «n'importe quoi». Enfin l'absence de la pendule dans la

partie par correspondance signifie, ainsi que nous le verrons plus loin, l'absence d'un

combat psychologique et d'un spectacle potentiel.

Ces trois critères de la pendule, de l'écriture et du classement per-mettent donc de

distinguer avec f>ertinence les différentes parties. Inverse-ment, ce tableau confirme le

rôle essentiel de ces trois facteurs dans la culture échiquéenne. On peut aussi sur le

principe de ce tableau reconstituer l'importance relative de certaines formes de jeu. Ainsi,

les parties d'un toumoi de blitz servant à établir un classement entre les joueurs d'un club

possèdent une valeur intrinsèque supérieure aux blitz ordinaires.

Ainsi que nous venons de le constater, l'usage du temps mesuré a ouvert le jeu à

une diversité de cadences, mais cet usage a aussi eu des répercussions très importantes

pour le développement de la pratique des échecs. Dans les toumois actuels, chaque joueur

dispute de 7 à 11 parties contre des adversaires qui, à chaque tour, comptent, grosso

modo, le même nombre de victoires et de défaites. Ainsi aucun joueur n'est éliminé et

tous disputent le même nombre de parties. Le point important est ici, que sans pendule,

l'organisation de telles compétitions s'avérerait impossible car chaque partie serait

potentiellement interminable. En limitant la longueur d'une semi-rapide à une heure, la

pendule donne, par exemple, la faculté d'organiser un «toumoi semi-rapide» sur une

joumée.

L'usage de la pendule a aussi modifié profondément le comportement ludique dans

le sens qu'il a autorisé une nouvelle sociabilité échiquéenne. Dans les parties amicales,

une règle informelle veut que les deux adversaires restent assis devant l'échiquier tout au

long de la partie de manière à éviter tout temps mort. Dans les parties longues au

contraire, si un joueur est absent lorsque son adversaire joue, il «perd» dès lors du temps
202

à la pendule mais ne commet en cela aucune impolitesse. Un joueur «gère», en effet,

«son temps» comme il l'entend. Le joueur peut ainsi dégourdir ses jambes mais aussi

regarder les parties des autres joueurs, voire discuter en aparté avec ceux-ci. Preuve

d'une socialisation supérieure, ce sont généralement les meilleurs compétiteurs d'un

toumoi qui se déplacent ainsi le plus. . .

Mais la pendule n'est pas qu'un simple instmment de jeu. Elle accentue en effet le

caractère dramatique, et donc spectaculaire d'une partie d'échecs.

fig. 7. Partie du tournoi de Moscou, 1967.

Remarquer l 'aspect monumental de la pendule, lafeuille de partie et le stylo au premier

plan de la table (la présence d'un large public et de nombreia arbitres ne dégage en

aucune façon lesjoueurs de l'obligation de noter les coups).

photo parue dans Wilson 1981 : 139.

Les modemes promoteurs du jeu ont ainsi compris l'intérêt qu'il y avait à

commenter le temps avec une insistance d'autant plus grande que le public ignore les

principes les plus élémentaires du jeu. Mais le "vrai" joueur n'est pas sans apprécier

également le spectacle de la pendule. Lors des toumois de parties longues, la fin de la

quatrième heure de jeu est généralement parcoume par une sorte d'agitation collective
203

causée par le fait que nombre de joueurs ne disposent plus alors que de quel-ques minutes

pour atteindre le fatidique 40ème coup. Le terme de «zeitnot» désigne même les cinq

demières minutes lors desquelles le joueur qui se trouve donc en manque de temps n'est

plus tenu, selon le règlement, de marquer ses coups2-*. Ce moment, ou plus précisément

les demiers instants du zeitnot, fascine littéralement les autres compétiteurs. Ceux-ci,

abandonnant en effet pour quelques minutes leur propre partie, s'agglu-tinent alors pour

assister au dénouement de la partie en question. Dès que ce zeitnot est achevé (drapeau

tombé ou 40ème coup dépassé), les «requins» (ainsi nommés parce qu'attirés par l'odeur

du sang) se précipitent aussitôt vers un autre joueur en manque de temps. En quelques

minutes, une mul-titude d'amas de spectateurs se composent et se décomposent ainsi

autour des parties qui menacent d'être gagnées ou perdues sur le verdict du temps.

La pendule constitue en effet un règlement matérialisé. Drapeau tombé, partie

perdue. La simplicité de l'énoncé ne doit cependant pas masquer la difficulté que revêt

parfois son application. Un arbitre influent, formateur d'arbitres de surcroît, m'a ainsi

déclaré que les arbitres existent depuis l'invention de la pendule. Si le fait est

historiquement contestable, il n'en reste pas moins qu'à l'heure actuelle, 90% des

problèmes d'arbitrage sont liés à l'emploi de la pendule. Quelle décision prendre quand

on constate, un peu tardivement, que les deux drapeaux sont tombés ? Comment savoir si

le40ème coup a été atteint lorsque les deux joueurs en zeitnot mutuel ont joué un grand

nombre de coups sans les noter ? Un joueur qui fait échec et mat en même temps que son

drapeau tombe a-t-il gagné ou perdu ?

Contraint de porter un jugement sur tous ces cas ambigus, l'arbitre s'est réservé le

monopole du contrôle du temps. Lui seul peut manipuler la pendule pour rajouter

quelques minutes à un joueur handicapé par une raison ou une autre, lui seul peut décider

24 A la différence du «une heure K.O.», son adversaire doit continuer à inscrire les

coups. La notation ne s'interrompt que si le zeitnot frappe les deux joueurs, mais comme

ceux-ci devront, à l'issue du zeitnot, reconstituer sur leur feuille de partie la totalité des

mouvements effectués, il ne s'agit donc que d'une intermption momentanée et récessive


de l'écriture.
204

d'arrêter le fonctionnement des pendules, lui seul peut - en dehors évidemment des deux

antagonistes - constater verbalement qu'un drapeau est tombé.

Ainsi que nous avions analysé le temps des coups, il convient de spécifier

maintenant ce temps de la pendule. Pour faire bref, disons que la pendule mesure un

temps qui est à la fois continu et intermittent. La continuité est évidemment de même

nature que celle de la montre. L'intermittence provient, quant à elle, du fait que la (demi-

)pendule de chaque joueur s'arrête, dès qu'il a joué son coup.

En plus de cette alternance d'attention et de relâchement, la pendule provoque aussi

des modifications psychologiques intenses que l'anthropo-logue se doit de prendre en

considération puisqu'elles sont à la fois récur-rentes et reconnues par la culture en

question. Ces crises s'observent lorsque le joueur se trouve à court de temps, en

particulier lors des zeitnot qu'il convient à cet effet de bien distinguer des blitz. Le

caractère particulièrement «éprouvant» du zeitnot provient du fait que le joueur est

conscient de pouvoir gâcher sur un mouvement trop impulsif quatre heures d'investis¬

sement intellectuel et psychologique intense. Ceci explique d'ailleurs pourquoi un

excellent blitzeur peut «gaffeD> en zeitnot. La «pression du temps» entraîne aussi parfois

une altération du comportement des joueurs qui, dans l'accélération du rythme du jeu, se

mettent soudain à «frapper sauvagement la pendule», à lancer les pièces sur l'échiquier, à

invectiver leur adversaire (ou l'arbitre, ou eux-même). ..

Cette exacerbation due au zeitnot est reconnue, si ce n'est partagée, par tous les

joueurs et on peut ainsi noter que les arbitres qui se trouvent, parfois, violemment pris à

partie lors des zeitnot, préfèrent généralement oublier l'incident pour la raison qu'un

joueur en zeitnot n'est «plus dans son état normal».

Le psychisme du joueur passe donc d'un état de nonchalance initiale (rappelons

qu'il médite parfois une demi-heure sur le premier coup) à une situation de surexcitation
205

lorsque le drapeau est levé. Aussi peut-on finir de particulariser le temps de la pendule en

le qualifiant de paroxystique25.

25 Le temps ordinaire ne manque pas de situations paroxystiques (voyageur attrapant son


train en marche, architecte ayant une charrette, chercheur achevant in extremis la rédaction

d'un article...) mais le propre du temps de la pendule est de donner, avec le «zeitnot»,

une forme institutionalisée au paroxysme.


206

3. Le passe-temps de l'ethnologue

«L'esprit travaille constamment à associer dans une même tension

certains éléments de ces deux séries.» H.Hubert, La représentation du temps,

p.23.

Ainsi les joueurs d'échecs se trouvent-ils, durant leurs parties, confrontés à ces

deux temps radicalement distincts que sont le temps des coups et le temps de la pendule.

Ce dualisme temporel ne suscite cependant aucune inquiétude d'ordre métaphysique chez

les compétiteurs qui n'envisagent jamais explicitement les coups ou la pendule comme

constitutif d'une "stmcture temporelle". En revanche, d'un point de vue anthropologique,

la reconnaissance de l'existence de ces deux temps pose, au delà du simple constat, un

problème fondamental. Comment peut-on concilier dans un même processus de pensée

deux conceptions radicalement différentes de la temporalité ? Pour le cas du jeu d'échecs,

la réponse à cette question nécessite la mise en parallèle de différents usages. Les parties à

la pendule constituent en effet, à travers leurs différentes cadences, réglementations et

pratiques, un système de transformations qui façonne simultanément le temps discret et le

temps paroxystique.

La réglementation officielle nous foumit ainsi un premier point de rencontre entre le

temps discret des coups et le temps paroxystique de la pendule. Nous savons en effet que

lors des parties longues, les compétiteurs sont tenus de noter leurs coups mais il faut

maintenant ajouter que, parallèlement à cette obligation, le code échiquéen leur interdit

strictement toute autre inscription. Or cette interdiction souffre d'une exception qui établit

déjà un parallèle graphique entre les deux temps : il est en effet permis d'inscrire, à côté

du coup proprement dit, le temps dépensé. Aussi la notation complète et autorisée d'un

coup sur la feuille de partie est par exemple : «40. Tal-a8, 1 h 59».

Plus significativement encore, le temps minuté pénètre la définition du coup telle

qu'elle est donnée par les arbitres car ceux-ci considèrent qu'un coup n'est «achevé»

qu'au moment où le joueur a arrêté le fonctionnement de sa pendule. Un exemple


207

dramatique d'application de ce principe d'achèvement est donné par le cas d'un joueur qui

perd au temps une partie longue parce qu'il a simplement négligé d'appuyer sur sa

pendule après avoir effectué son 40ème coup sur l'échiquier ; la défaite est en effet

adjugée si le drapeau tombe avant que le joueur n'ait le trait pour son 41 ème coup. A cette

idée s'ajoute l'interdiction de signaler à un joueur qu'il a omis d'interrompre l'écoulement

de son temps. Comme une aide morale ou un encouragement psychologique sont en

revanche tolérés, on voit que cette prohibition du conseil ne s'applique ainsi qu'au coup

pensé dans sa totalité, c'est-à-dire à la fois comme mouvement sur l'échiquier et comme

action sur la pendule.

Le terme, arbitral et un peu savant, d'«achevé» n'est pas nécessairement utilisé par

tous, mais l'idée qui lui correspond est par contre unanimement partagée. En témoigne

une version non officielle (mais très fréquente) du coup achevé qui s'observe lors de

certains blitz où lesjoueurs s'entendent pour ne pas appliquer la règle «pièce touchée,

pièce jouée» et s'autorisent mutuellement à reprendre leurs coups tant qu'ils n'ont pas

appuyé sur leur pendule. Lors de ces blitz, la barrière de l'irréversible se déplace ainsi du

temps des coups au temps de la pendule mais, d'une manière plus générale aux échecs,

l'irréversible se répartit de fait entre les deux temps. Ainsi lors des semi-rapides où

s'applique la règle «pièce touchée, pièce jouée», il est permis de rectifier un coup

«impossible» (lequel impliquerait sinon, de par le règlement, la perte de la partie) tant que

la pendule n'a pas été actionnée. On voit, par ces exemples, que le temps de la pendule ne

se surajoute pas "mécaniquement" au temps des coups car son application dépasse, en le

complexifiant, le principe initial de mesurer, et de limiter, la durée de la réflexion.

Il existe même un cas où l'action sur la pendule précède le temps des coups. Les

parties d'un tournoi débutent en effet simultanément lorsque l'arbitre annonce

solennellement : «les Noirs appuient sur la pendule». Le temps du jeu étant alors

officiellement ouvert, les deux adversaires se serrent la main et l'écoulement du temps

blanc est enclenché quand le joueur qui conduit les Noirs actionne le bouton de la pendule

situé de son côté. Les Blancs peuvent alors effectuer le premier coup. Ce n'est que depuis

la seconde moitié du 19ème siècle qu'une convention a ainsi établi à quelle couleur
208

revenait le «trait» initial. Jusqu'alors, on attribuait une couleur à chaque joueur puis on

tirait au sort pour déterminer celui qui engagerait le jeu. Comme le noir était à l'époque

supposé être, aux échecs, une couleur porte-bonheur, on fixa, dans les années 1830-

1860, le premier coup aux Blancs. L'avantage technique d'attaquer en premier

compensait ainsi l'atout symbolique de la couleur. De nos jours et sauf attirance

personnelle, les joueurs ne sont plus sensibles à un quelconque symbolisme des

couleurs, aussi ne reconnaissent-ils plus que l'avantage théorique que donne aux Blancs

le trait. Cependant, l'expression figée «les Noirs appuient sur la pendule» rétablit, me

semble-t-il, une compensation, là-encore symbolique, en faveur du «camp en second»

puisque celui-ci bénéficie dès lors du privilège de faire débuter la partie. La même

procédure est suivie lors des blitz informels : le joueur blanc fait un geste d'invite ou dit

«quand vous voulez» et le joueur noir appuie sur la pendule. D'un point de vue

anthropologique, il ressort donc que, contrairement à ce que disent lesjoueurs mais en

accord avec ce qu'ils font, le premier coup d'une partie à la pendule revient aux Noirs.

Une autre compensation, bien matérielle celle-ci, est apportée par le placement de la

pendule du côté choisi par les Noirs ce qui les avantage, particulièrement en blitz, car un

droitier perd toujours quelques instants à atteindre une pendule située à la gauche de

l'échiquier. En recourant ainsi au temps de la pendule pour effectuer ces ajustements, la

pensée échiquéenne cultive deux qualités déterminantes d'un "bon" jeu. D'un point de

vue purement ludique, un jeu agonistique se doit en effet d'assurer non seulement

l'équilibre des forces entre les camps mais de préserver également le plus grand

dynamisme possible. Autrement dit, aucun camp ne doit être avantagé, et chaque camp

doit bénéficier de réelles chances de victoire. Mais dans tout jeu où le hasard n'est pas le

principal moteur du résultat, les différences d'aptitude entre les concurrents constituent

une cause première de déséquilibres qu'un système d'handicaps cherche généralement à

contenir. Aux échecs, les «parties à avantage» ont pris deux formes stmcturellement et

historiquement distinctes. Autrefois, le joueur le plus fort retirait une pièce de son camp
209

(de la dame au pion)26 ou accordait un certain nombre de coups d'avance à son

adversaire. Aujourd'hui, la différence de force se marque dans certains blitz ou semi-

rapides par des temps de réflexion inégaux. Il existe ainsi à Paris des cafés où l'on appâte

le «client» grâce à des blitz «en cinq une» (c'est-à-dire en cinq minutes contre une) au

cours desquels lesjoueurs misent une vingtaine de francs.

Les parties longues actuelles ignorent, quant à elles, tout système compensatoire

mais elles sont parfois l'occasion d'exercer une technique psychologique apparentée.

Pour déstabiliser leur adversaire, certains joueurs arrivent en effet intentionnellement en

retard au début d'une ronde et sacrifient ainsi, à leur pendule, plusieurs dizaines de

minutes.

Une seconde technique psychologique, plus fréquente, présente sous un jour

flagrant les problèmes que pose la dualité temporelle du jeu d'échecs moderne. Le

procédé s'applique dans des positions qui sont, de toute évidence, catastrophiques mais

où il subsiste néanmoins un certain degré de complexité. Le joueur en mauvaise posture

dépense alors la quasi-totalité du temps qui lui reste |X)ur «se mettre en grand zeitnot».

Objectivement, cela signifie que sa situation s'empire puisqu'elle devient doublement

désastreuse. Or curieusement à partir de ce moment, le joueur ainsi avantagé commet

fréquemment des coups tellement fautifs qu'il ne les aurait même pas envisagés dans des

circonstances "normales". Les quelques secondes restant au joueur en zeitnot suffisent

dès lors pour exploiter les erreurs et atteindre le 40ème coup dans une position qui lui est

maintenant favorable. L'éclaircissement de ce phénomène, connu de tous lesjoueurs de

compétition, montre la nécessité cognitive de concilier ensemble les deux temps

échiquéens car il serait par trop insuffisant de n'expliquer cette faillite que par l'angoisse

que suscite chez certains la proximité de la réussite. Ce revirement paradoxal trouve en

réalité son origine dans le fait que le joueur initialement avantagé dissocie les deux temps

échiquéens et obnubile sa pensée sur la seule idée d'acquérir en quelques secondes une

26 Cet avantage matériel correspond d'une certaine manière aux temps qui auraient été
nécessaires pour gagner la pièce en question. Donner du matériel équivaut donc à laisser

des «tempi» d'avance.


210

victoire au temps alors que le mat est, quant à lui, encore lointain. Le tour de passe-passe

consiste donc à déplacer apparemment le problème, du temps des coups au temps de la

pendule. De plus, ces retournements quasi-miraculeux accentuent le côté spectaculaire du

zeitnot qui met donc en scène non seulement la vie et la mort mais aussi la bonne et la

mauvaise Fortune.

Enfin, le symbolisme mis en oeuvre pour marquer l'achèvement d'une partie

illustre particulièrement bien les réseaux de correspondance qui ont été tissés entre le

temps des coups et le temps de la pendule. Une demi-douzaine de façons différentes

peuvent en effet clore la discussion échiquéenne et il est captivant de constater que chaque

action finale sur le temps des coups trouve exactement son équivalent dans le temps de la

pendule.

Idéalement et dans la plupart des blitz, une partie d'échecs s'achève sur un mat qui,

par définition, marque la limite absolue du temps des coups. Or cet aboutissement se

trouve, dans les parties longues, systématiquement anticipé par l'abandon. Celui-ci peut

être signifié de différentes façons mais la plus fréquente consiste tout simplement à

«arrêter la pendule». Bien queje n'ai jamais entendu un commentaire allant dans ce sens,

on peut néanmoins remarquer que les joueurs d'échecs ont ainsi réinventé un geste

fréquemment effectué sur l'horloge familiale au passage de la camarde dans les

campagnes.

Une seconde façon d'abandonner est réalisée en couchant le Roi ; il s'agit donc

d'une manoeuvre qui s'inscrit dans le temps des coups. A la vérité, cette pratique est

plutôt exceptionnelle lors des toumois et s'observe davantage dans certaines oeuvres

cinématographiques pleines d'insinua-tion symbolique. Tous les joueurs connaissent

cependant la signification d'un tel geste et on peut ainsi noter que le renversement

accidentel d'un roi au cours de la partie s'accompagne volontiers d'une dénégation de

toute superstition. Or cette image de la chute royale renvoie directement aux expressions

verbales qui figurent l'achèvement du temps minuté puisqu'on dit alors qu'un joueur est

«tombé» en précisant parfois, d'une manière qui n'est donc pas tout à fait superfétatoire,

«au temps» ou «à la pendule».


211

Il arrive enfin que l'ultime terme des deux temps coïncide : dans un même

mouvement, le joueur mate et tombe. En cette circonstance, la stricte prise en compte des

deux temps soulèverait évidemment un paradoxe inacceptable. Or la fréquence de ce cas,

lors des blitz, nécessite un accord sur une règle coutumière de départage.

Significativement, la pensée échiquéenne a résolu le problème avec une solution qui ne

préjudicie aucun des deux temps et qui confirme par ailleurs l'efficacité de la joute

oratoire pendant le blitz. Est en effet considéré gagnant celui qui constate, le premier et à

haute voix, que son adversaire est maté ou qu'il a dépassé son temps de réflexion. «Mat»

et «tombé», les mots prononcés en cette occasion, agissent alors comme des performatifs

car leur énonciation décide du sort de la partie. C'est à la parole que revient ainsi le

privilège de surachever le coup sur l'échiquier ou sur la pendule.

Ce réseau de correspondances qui relie ainsi les deux temps échiquéens assure leur

compatibilité d'un point de vue tant logique que symbolique ou cognitif. Mais la

cohérence qui se dégage de ce système de pensée ne laisse pas de provenir d'un

processus que seuls les historiens du futur pourront juger achevé.

C'est en effet par tâtonnements successifs que la pendule et le règlement qui lui est

associé ont trouvé la forme qui est leur aujourd'hui. Avant l'invention du drapeau (vers

1900), les arbitres devaient juger ¿/g visu à la "seconde" (unité de temps et unité d'angle)

près le moment fatidique27 gt po^ imagine facilement les contestations que l'estimation

humaine de la verticale pouvait susciter. Mais au-delà des aspects proprement techniques,

nous avons vu les développements que la j>ensée échiquéenne a su tirer de cette petite

machine qu'est le drapeau.

27 L'usage d'un dispositif sonore (comme celui des réveille-matin) fut, après quelques
expériences, rejeté car le timbre de ces pendules troublait la concentration des autres

joueurs.
212

fig. 8. Pendule de T.B. Wilson utilisée pour la première fois

lors du tournoi international de Londres en 1883.

Le principe même de la défaite au temps provoqua tout au long du XIX^ siècle une

vive controverse28 et il y eut, jusqu'à la première guerre mondiale, des compétitions où le

dépassement du temps imparti n'impliquait qu'une amende financière. Certes l'époque

était différente puisque lejeune homme riche pouvait échapper, grâce à sa fortune, au

temps militaire de la conscription. Plus généralement, la leçon de Benjamin Franklin, le

temps, c'est de l'argent, était inculquée depuis longtemps dans les mentalités et ce

principe d'une amende pour infraction à la règle ne transgressait pas, par ailleurs,

"l'esprit des jeux"29. Aussi ce ne sont ni des raisons culturelles, ni des raisons ludiques

qui ont imposé, dès cette époque, la possibilité de gagner ou de perdre une partie

d'échecs sur le seul verdict de la pendule. Peut-être que le fondement de cette loi

échiquéenne réside, paradoxalement, dans le fait que les architectures temporelles

poursuivent, dans leurs discussions ou dans leurs jeux, une logique qui ignore le

temps...

2° On lit encore dans la revue la Stratégie, en 1908, que «la pénalité de la perte de la
partie (au temps] est trop sévère, alors que l'on peut avoir celle-ci gagnée» (p.85).

29 Cf. le système des gages et pénitences qui constitue un équivalent dans les jeux de
salon aux contreparties financières des jeux à enjeux matériels.
213

Conclusion

Il ressort, j'espère, de cette étude qu'une ethnographie du «monde des échecs» ne

pouvait être réalisée sans mettre au premier plan de l'analyse les phénomènes scripturaires

qui le traversent, ou plutôt qui le façonnent. Dans la pratique des joueurs d'échecs de

compétition, le texte comme l'acte d'écrire ne relèvent en effet pas de ces aspects

secondaires d'une culture pour la description desquels un ethnologue est libre en

fonction de son humeur ou de son souci d'exhaustivité de développer ou non. Ainsi

que le résume l'obligation de noter les coups qui s'applique à chaque compétiteur de

toumoi, l'écrit s'avère en effet consubstantiel à la pratique échiquéenne. La dichotomie

entre les notions d'auteur et de lecteur se trouve ainsi aux échecs amoindrie, si ce n'est

abolie, car tout joueur en tant qu'inscripteur obligé des parties qu'il dispute participe de ce

processus de production littéraire qui, partant des notes manuscrites sur la feuille de

partie, aboutit aux «parties commentées» des livres et revues spécialisés. Une intense

intertextualité caractérise de plus ces textes dans la mesure où même le joueur le plus

ordinaire d'un toumoi effectue ses coups en les rapportant à ceux d'autres parties qu'il

connaît pour les avoir lues. "Ordinaire", l'écriture échiquéenne apparaît ainsi comme le

marqueur d'identité par excellence de ceux qui appartiennent au «monde des échecs».

Dans ce contexte, j'ai privilégié l'étude des "textes" spécifiquement échiquéens et

n'ai donc pas approfondi certaines productions textuelles qui, non négligeables d'un

point de vue quantitatif, relèvent par contre de logiques qui peuvent être observées dans

d'autres cadres (administratifs ou associatifs avec les comptes rendus de réunions, le

courrier fédéral, etc.). L'opportunité de travailler sur un univers ayant développé sa

propre "rhétorique" écrite, ou autrement dit ses propres moyens d'expression

scripturaires. incitait d'ailleurs à ne pas disperser l'analyse même si celle-ci devait dès

lors aborder des sujets pouvant sembler a priori particulièrement techniques ou

éminemment infimes.
214

II y a dans cette attention portée parfois à des détails presque imperceptibles,

pensons par exemple à l'absence d'initiale du Pion dans la notation algébrique, la

manifestation d'une prise de position théorique qui f>ostule que les systèmes de pensée

s'appuient et s'élaborent en grande partie aux franges du sensible. De multiples terrains

de l'anthropologie contemporaine témoignent chacun à leur façon de l'intérêt que présente

une telle approche microscopique pour la compréhension des phénomènes sociaux et

culturels. Mais dans le cas du jeu d'échecs, il n'est pas inutile de préciser que cette

problématique entrait en congruence étroite avec la pensée indigène car accepter de se

concentrer ainsi sur ces "petits détails" revient en fait à accepter ce changement d'échelle,

ou ce changement de dimension spatio-temporelle, qui a été poétiquement résumé dans

une de ces petites citations fétiches que lesjoueurs d'échecs aiment à retrouver de livre en

livre :

«il y a plus d'aventures sur un échiquier que sur toutes les mers du monde»

(Mac Olan).

Aucune impasse ne fut par ailleurs faite sur la technique ou encore sur la

réglementation échiquéenne car êtrejoueur d'échecs c'est connaître les premiers coups de

l'Espagnole, c'est être capable de lire un diagramme, c'est savoir que dans une

compétition F.S.G.T. le Roi peut être pris... Mais ces connaissances et savoir-faire

empreints de positivisme n'oublions jamais que la victoire découle d'une manière ou

d'une autre de la connaissance des faits furent soumis au crible du regard

anthropologique qui vérifie toujours s'il n'existe pas quelques liens cachés entre des

réalités qui s'affirment pourtant entre elles indépendantes. La confrontation de l'anecdote

ou du récit mythique avec la «Théorie», la réglementation échiquéenne ou encore le

système de notation des coups a ainsi permis de dégager d'intéressantes

correspondances. Il en résulte que le «monde des échecs» a élaboré, en grande partie

grâce à l'usage qu'il a fait de l'écriture, une véritable culture, ou si l'on préfère une

certaine manière cohérente de penser le monde, d'agir dans le monde qui est le sien. Le
215

cas particulier des écrits échiquéens aide ainsi à comprendre pourquoi l'écriture du réel est

en même temps une constmction du réel.


216

Bibliographie

I. anthropologie, sociologie, linguistique, philosophie, 218

LA. réflexion générale 218

I. B. écriture 222

I. C. temps 223

I.D. oral 224

I. E. héraldique 225

II. jeux, sports, loisirs 226

ILA. Dictionnaires, encyclopédies 226

II. B.jeux 226

II. C. sports 233

II. D. loisirs, culture 234

m. jeu d'échecs 234

III. A. généralités, encyclopédies, bibliographies 234

III. B. textes "sur" le «monde des échecs» (et parfois aussi "du" monde

des échecs) 236

III. B. 1 . essais, divers 236

III. B. 2. histoire du jeu d'échecs 237

III. B. 3. psychologie, études cognitives 239

III. B. 4. Collections, jeux d'échecs et arts 240

III. B. 5. romans, littérature à thème échiquéen 241

III. C. textes "du" «monde des échecs» 243

III. C. 1. «caissana», anecdotes, vie des clubs 243

III. C. 2. biographies 244

III. C. 3. technique de jeu 245


217

III. C. 4. notations échiquéennes 248

III. C. 5. littérature grise échiquéenne 249

III. C. 6. revues d'échecs 249

III. C. 6. a) liste la plus exhaustive des revues échiquéennes

de langue française (par ordre chronologique) 250

III. C. 6. b) quelques revues étrangères anciennes 253


218

I. anthropologic, sociologie, linguistique, philosophic. ...

L A. réflexion générale

ABELES Marc, "anthropologie politique de la modemité" dans le n° spécial de L'homme,

"anthropologie du proche", 121, janv-mars 1992, 32(1), pp. 15-30.

ABELES Marc, ROGERS Susan Carol, "Introduction" au n° spécial de L'homme,

"anthropologie du proche", 121, janv-mars 1992, 32(1), pp.7-13.

AGULHON Maurice, Le cercle dans la France bourgeoise 1810-1848. Etude d'une

mutation de sociabilité, Armand Colin (cahiers des annales), 1977, 107 p.

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ordre chronologique)

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série I-IV). 1841-7 (2® série I-VIII) Paris.

La Régence. Journal des échecs (puis Revue des échecs; Revue spéciale des échecs),

1849-1851 (I-IIl). 1856-1857(1-11). 1860(1) Paris.

La nouvelle régence. Revue spéciale des échecs, 1861 -avril 1864 (ll-V, n''4).

Le Palamède français. Revue des échecs eî des autres jeux de combinaison, sept 1864 n° 1

->nov 1865 n° 15.

Le sphinx. Journal des échecs. Au café de la Régence, Paris, avr.l865-mai 1866 (I-II,

n°l).

La Sîratégie. Joumal (puis Revue mensuelle) d'échecs, 1867 (I) -1940. Paris.

Le philidorien, 1868.

Revue d'échiquier 1869.

L'échiquier. Journal des échecs, publié par C.Sanson août 1869 (n°l).

Le Pion, revue mensuelle des échecs, publié par les amateurs du cercle artistique de

Marseille, réd. en chef M.A.L. Macznoki, Marseille, fév-mai 1873 (n°l-4).

L'échiquier d'Aix. Joumal d'échecs, 1878-1888 (l-Xl), Aix-en-Provence.

Les jeux d'esprit. Crypîographie, maîhémaîiques, échecs, dames, eîc. juin 1899- (n°l)-

oct 1899 (n°9), Nancy.

Revue d'échecs, 1901.

La revue mensuelle du Cercle Philidor, 1 905.

L'Echiquier français. Journal publié par l'Union amicale des amaieurs d'échecs de la

Régence, 1906-1909 (I-IV), Paris.

Bulleîin de l'échiquier d'Aquiîaine, Bordeaux, 1915.

Fédéraîionfrançaise des échecs. Bulleîin 1921 (mai/dec) (n°l)-1944 ; devenu Bulleîin de

laFFE, nov 1944-30 sept 1955, puis Revue trimestrielle nov 1944- sept 1955 (nouvelle
251

série n°l-43) devenu Revue de la fédération française des échecs 31 mars 1956 (n°43/46

(sic)- 1 959 (n° 1-2).

Cinéma du jeu des échecs, 1922.

Les cahiers de l'échiquierfrançais, 1 925- 1 937.

L'échiquier, 1929.

Bout de bois. Périodique de propagande échiquienne. Organe officiel de l'Echiquier

dionysien affilié à la FFE, déc 193 1

Bulleîin ouvrier des échecs, 1935.

Pat, 1935-1939. organe mensuel du cercle d'échecs de St-Ouen.

Le problème, 1937-1939.

L'échiquier de Paris, n° 1 , 10 nov. 1938

Caïssa. Communications , n°l déc. 1943.

La revue des jeux de bridge, échecs, dames, beloîe, Paris, 1944.

Bulletin du Cercle d'échecs du cavalier de l'espérance, n° 1 janvier-février 1946.

L'échiquier de Paris, bull, mens des cercles de l'IdF, 1946. Paris.

Le monde des échecs. Revue mensuelle inîernaîionale , mars-déc 1946. Paris 1955.

La tour prend garde, 1946.

Le courrier des échecs. Bulleîin îrimesîriel de l'associaîion française des joueurs d 'échecs

par correspondance, 1947 (n°l).

Echec eî mat, 1948.

Echec eî maî. Bulleîin mensuel édiîépar le cercle Philidor de Villemomble. Rédaction Jean

Brunet, 140 rue de Neuilly, Villemomble. 2® année n°15, mars 1949

(dactylographié, non paginé)

Echecs (les), hebdomadaire d'information échiquéenne, n.s., Paris, 1948.

L'échiquier limousin, Echieuir (V) momousin bulletin technique et d'information de la

ligue échiquéenne du Limousin (Hte Vienne, Creuse, Corrèze, Dordogne), n.s. Limoges,

1950.

Echec eî maî rémois, bimestriel, 1950.

Le Colle. Echecs. Jeux. Bibliophilie. Beaux-arts. Revue mensuelle, Bmxelles, 1950.


252

Bulleîin intemational des informations échiquéennes, 1 95 1 .

Thèmes 64, 1956.

Pa, bulletin mensuel de la lise (Ligue inter sanas des échecs), 1950.

Echiquier de Turenne, 1956.

L'échiquier de France, revue mensuelle d'échecs. Melle, 1956-58.

Europe-échecs, 1959.

Science eî Jeu Nice, 1960.

Traiî d'union, 1965.

Echec eî mat, bulletin liaison mensuel, Lyon, 1973.

Diagramme, 1973.

Bihlioîhèque échiquéenne, éd. du pion passé depuis 1973.

Info-Echecs , (Montpellier FFE), 1973-1974.

Gambiî , 1974-1981, Lyon.

Jeunes Joueurs d'échecs , Hatier, 1 974- 1 98 1 .

Joueurs d'échecs confirmés , FFE Hatier, 1974- 1 984.

Mat , 1975.

Informations générale FFE , Paris, 1976-1977.

Bulletin mensuel d'informaîion, Bretagne, 1977-1978.

Echecsfrançais, bulletin d'informations fédérales FFE, 1978.

Echecs-Hebdo, hebdomadaire drançais d'échecs, Paris, 1978.

Maî 85, 1978.

Le Fou du Roi, cercle d'échecs de Strasbourg, 1978-1980.

Bulleîin mensuel d'informaîion de la ligue de Bretagne, 1978-1983.

Echecs-Hebdo-Magazine, éd. mensuelle, 1979.

Spécial échecs (Q.I. Spécial échecs ), mensuel, 1980.

Mazeîte, bimensuel, 1982.

La revue des échecs, 1982.

Bulleîin mensuel ligue de Breîagne, 1 983 .

Zwangzug, 1983.
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Echecs.Techniqueet Analyse, 1985.

Bulletin d'information du comiîé départemental de Loire atlantique, 1 986- 1 987.

Echecs 44, FFE Comité départemental (Loire Atlantique), 1988.

Top-Echecs , (Elancourt) bimestriel, 1988.

Info-échecs, (Bordeaux) hebdomadaire, 1989.

Diagrammes. Spécial, Les Ulis, Essonne, 1989, supplément de Diagrammes (Pavillons-

sous-Bois).

La lettre des échecs, 1989.

Le magazine des échecs , Nice mensuel, 1990.

La letîre de l'échiquier niçois Cacel ,1991.

Gambisco, Lestrem, 1988.

Jouer. Echecs , bimestriel, 1991.

La Puce échiquéenne, 1 992.

Echecs-Payoî, 1993.

Magazine des échecs (le) , Trimestriel de l'actualité des échecs Nice, 1994.

Echeceîmal., éditeur FFE, 1994.

III. C. 6. b) quelques revues étrangères anciennes

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juil.1862 (3® serie. I-IV), London.

Wiener Schachzeiîung, 1 855.

Deuîsche Schachzeiîung, 1 872.

The British Chess Magazine, 1881 .

Itcdia Scacchisîica, 1911.

L'échiquier, (Belgique), 1925-39.

Chess, (GB), 1935.

Sahovski informaîor, Informaîeur d'échecs, Yougoslavie, 1966.


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Schach-Journal. Wissenschaftliche & literarische Beitrâge zu Schachtraining,

Schachpsychologie & Schachgeschichîe, Edition Marco, Veriag Amo Nickel,

Berlin, 1994.
255

Table des matières

Introduction : Le jeu d'échecs, un jeu écrit 2

1 . Rencontres avec l'écrit 2

1 .a. La découverte de l 'écrit échiquéen par un joueur adulte ordinaire 2

l.b. L'apprentissage de l'écrit échiquéen en milieu scolaire 6

2. L'opposition oral / écrit 11

3 . Panorama de la littérature échiquéenne 25

4. Contenu de l 'étude 39

Chapitre I : Les Annonces de toumoi d'échecs 41

1 . Un papier ordinaire produit par des scripteurs ordinaires 41

2. Un texte opaque 43

3. L'origine de ces affichettes 47

4. Le contenu des affichettes 47

5. Iconographie 49

6. Inferences 57

7. Conclusion 64

Chapitre II : Les diagrammes échiquéens 67

1 . L'usage des «diagrammes» 68

2. L'origine des diagrammes : une hypothèse 72

Chapitre III : L'écriture des coups 90

1 . Comment jouer aux échecs avec un mort ? 90

2. Pour une étude des systèmes de notation échiquéens 92

I. Des règles du jeu à la «littérature échiquéenne» 96

II. Comparaison des notations algébriques et descriptives 133

II.l. Penser l'espace 136


256

11. 2. Penser le temps 155

11.3. Penser la matière 158

11.4. De la nécessité d'écriture 161

Chapitre IV : Jouer avec le temps. La feuille de partie et la pendule des

joueurs d'échecs 178

1. Le temps des coups joués 178

2. Le temps de la pendule 192

3. Le passe-temps de l'ethnologue 206

Conclusion 213

Bibliographie 216

Table des matières 255

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