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Baccalauréat Professionnel

Session 2023

Épreuve : Français

Durée de l’épreuve : 3 heures

Coefficient : 4

PROPOSITION DE CORRIGÉ

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Texte 1

Question 1 (3 points)
Pourquoi le jeu est-il comparé à une « scène » (ligne 17) ? Justifiez votre réponse en vous
appuyant sur l’ensemble des éléments qui composent ce jeu dans les deux premiers
paragraphes.

C’est une « scène » car il s’agit du lieu principal de l’action puisque ce sont là que se tiennent
les « chevaliers », héros du tournoi, prêts à l’« exploit » d’inscrire leur nom au panthéon des
meilleurs. On assiste d’ailleurs à une forme de mise en scène ritualisée avec la « pluie de pièces
d’or et d’argent », l’organisation de l’espace (« en bon ordre », « extrémités »), et les
« acclamations » sont qualifiées d’« ordinaires », ce qui révèle l’habitude. Il s’agit aussi d’une
scène car ces chevaliers, pressés de mesurer leur bravoure (« brûlaient du désir… »), offrent un
tableau flamboyant et singulier, qui est déjà en soi un spectacle : « une mer aux plumes
ondoyantes », « le fer des casques et des armes », « les banderoles ». Il y a ainsi une
théâtralisation de l’action et de ses principaux « champions ».

Texte 2
Question 2 (2 points)
Quel effet la course de chevaux produit-elle sur le public et sur le narrateur ?
Justifiez votre réponse.

La course de chevaux provoque une « émotion » croissante (« augmentait ») : le public


s’individualise d’abord par des cris isolés dans le « tumulte confus » (« des noms jaillissaient »,
« brusques fusées ») jusqu’à prendre l’aspect d’une seule personne, qualifiée par une gradation
de termes péjoratifs inspirés par sa voix « criarde, déplaisante », dont les exclamations
deviennent des hurlements (« hurlés ») « insupportables ». Cet individu « antipathique »
symbolise l’excès, surtout parce qu’il est « triomphant ». Mais, par révolte puis contamination,
le narrateur se met à lui ressembler : animé d’abord par « la colère », la « fièvre », jusqu’à sentir
une violence inédite monter en lui (« capable de commettre une folie »), il se laisse ensuite aller
malgré lui à la même exagération, à sa grande surprise (« Que se passait-il ? »). La foule des
spectateurs est rassemblée dans la même « passion » et le « seul cri » final auquel participe le
narrateur, dans un mélange d’émotions contradictoires et intenses : « fait d’allégresse, de
désespoir et de colère » ; cet éclat final est en outre mis en valeur, à rebours, par le « calme »
qui le suit.

Texte 3
Question 3 (2 points)
Les candidats du jeu de télé-réalité sont-ils les seuls à jouer ?

Les candidats jouent en effet, violemment : « ils vont s’entretuer pour être le dernier » ; ils
gagnent aussi le prix de la célébrité : « on va fabriquer douze stars ». Cependant, le public joue
également puisque c’est à lui qu’est dévolue la tâche d’« éliminer un candidat » chaque
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semaine. En outre, ce même public va pouvoir assister à toute l’expérience de ce
« documentaire en temps réel » car les caméras seront « partout », plus nombreuses encore que
ce dont les candidats auront connaissance. Mais n’est-ce pas encore davantage la production,
qui joue ? En effet, l’expression « rats de laboratoire » montre que c’est l’équipe de la télévision
qui mène le jeu, en établit les règles, et s’amuse à « les amener exactement où on veut ».
D’autant plus qu’elle a connaissance de « ce que personne ne verra. Ni les candidats ni le
public. », soit des caméras absolument « partout », ce que Van Dor, le producteur, appelle « le
studio absolu » qui sonne comme un idéal du ludisme technologique, sociologique, et
commercial.

Évaluation des compétences d’écriture (10 points)


Peut-on s’amuser en regardant les autres jouer ?
En vous appuyant sur les documents du corpus, vos connaissances et vos lectures de
l’année, en particulier celle de l’œuvre du programme, vous répondrez à cette question
dans un développement argumenté d’une quarantaine de lignes au moins.

Il s’agira de répondre positivement à la question par des exemples littéraires, puis de la nuancer.

I. Un amusement peut naître du fait de regarder les autres jouer. Cette mise à distance permet
en effet de pouvoir s’oublier pour s’absorber dans le spectacle qu’offrent les autres. Ainsi Bruce
Bégout parle-t-il de Zéropolis comme d’une « immense farce ». Dans le grand parc de jeux que
constitue Las Vegas, le premier amusement est d’y observer les autres.

Le comportement des autres peut d’ailleurs être réellement comique : dans Le Joueur de
Dostoïevski par exemple, les comportements des différents protagonistes débordent du cadre
jusqu’à l’étrange, au comique. Dans Le Joueur d’échecs de Zweig, le narrateur se divertit à
observer une caractéristique monomaniaque dans la manière d’être des joueurs d’échecs qu’il
cherche à rencontrer, c’est pour lui une forme d’amusement.

Enfin, on peut aussi participer à l’action, et jouer par procuration, même si à l’amusement se
mêle alors une certaine tension : c’est le cas des spectateurs de Mirko Czentovic lors de sa partie
sur le bateau de croisière dans le roman précité de Zweig, en particulier lorsque l’intervention
de M. B. fait basculer la suprématie du Yougoslave.

II.
Cependant, il est parfois difficile de partager la joie singulière d’un joueur et de « s’amuser »
quand on ne participe pas soi-même au jeu : ainsi, dans La Défense Loujine, Nabokov nous
montre l’organisation du monde qui procure au héros un bonheur de perfection (« Comme cette
vie réelle, celle des échecs, était belle, claire et fertile en aventures ! ») ; mais cette folie
heureuse qui lui fait inverser le rêve et le réel est difficile à ressentir pour le lecteur, sain d’esprit.

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Ensuite, s’intéresser aux joueurs peut aussi ouvrir sur des abîmes de tragédie, comme dans Le
Joueur d’échecs de Zweig où M. B. a révélé une obsession pour le jeu lors de son
emprisonnement par la Gestapo, et dont on nous raconte l’histoire terrible. Difficile ensuite de
pouvoir le regarder jouer avec assez de légèreté pour s’en amuser.

Enfin, se poser en spectateur peut carrément devenir un jeu dangereux : c’est le cas de la
marquise de Merteuil dans Les Liaisons dangereuses de Laclos qui, avec Valmont qu’elle pense
manipuler à sa guise, se retrouve finalement prise à son propre jeu d’orgueil et de cruauté, et
souffre alors qu’elle voulait s’amuser et faire souffrir sans penser à en souffrir, s’étant éduquée
elle-même dès son plus jeune âge à ne rien laisser paraître de ses émotions, et ainsi à les
atténuer.

En conclusion, si regarder les autres jouer peut constituer un divertissement, ce n’est pas
toujours le cas, et le spectateur peut même être entraîné à s’interroger sur sa propre vie, comme
le fait le héros de Balzac qui, dans La Peau de chagrin, amène le lecteur aux limites d’un absolu
qui le questionne sur sa propre existence.

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