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Baccalauréat Professionnel

Session 2022

Épreuve : Français

Durée de l’épreuve : 3 heures

Coefficient : 4

PROPOSITION DE CORRIGÉ

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Évaluation des compétences de lecture (10 points)
Texte 1

Question 1 (2 points)

Expliquez ce que veut dire « jouer vraiment » pour Louise.

Louise est « animée de cette toute-puissance que seuls les enfants


possèdent », ce qui signifie qu’elle s’investit complètement dans le jeu :
pour jouer aux Indiens, elle a par exemple « le visage peinturluré », « une
coiffe indienne de papier crépon » et a même arrangé « un tipi tordu »
avec ce qu’elle avait sous la main, et va jusqu’à pousser « des cris
sauvages ». Elle joue comme si c’était la réalité, et ne fait pas semblant.

Question 2 (3 points)

Comment évolue la stratégie de Mila au fur et à mesure du jeu de cache-


cache ?

D’abord, elle est surprise et ne sait pas toujours quand « le jeu a


commencé ». Elle joue alors ce jeu et cherche Louise (« Louise, on va te
trouver »). Au bout d’un moment, elle se met à pleurer, effrayée car
« l’angoisse est insupportable ». Elle « supplie la nounou » et « s’énerve »
car Louise ne répond toujours pas. Au fur et à mesure du jeu, Mila
comprend où sont les cachettes possibles et se met à « tirer les portes,
soulever les rideaux », etc. Mais comme, lorsqu’elle sanglote de ne pas
trouver Louise, celle-ci ne se montre pas pour autant, Mila finit par changer
encore de stratégie : même si elle a trouvé la nounou, par exemple dans
« le panier à linge sale », elle fait semblant de ne pas l’avoir dénichée, et
la laisse souffrir dans cet espace réduit où « Louise se sent étouffer ». Le
jeu s’arrête alors quand le décide Mila, par une simple question
chuchotée : « On fait la paix ? »

Document iconographique

Question 3 (1 point)

Analysez l’attitude des adultes dans le tableau.

Dans ce tableau de Jacques-Laurent Agasse, les adultes sont plutôt


contemplatifs : ils observent les enfants, les surveillent, mais

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n’interviennent pas vraiment, comme la jeune femme de dos qui les
regarde manier un cerf-volant, ou l’homme assis qui se retourne au
second plan sur la gauche. Ils s’avèrent cependant prêts à intervenir en
cas de danger, comme au premier plan où l’on peut voir qu’un enfant, sous
le regard moqueur d’un autre plus âgé assis sur la droite, est prêt à
basculer dans une brouette qu’un deuxième enfant tente de renverser : la
dame avec eux se montre alors prévenante en tâchant de rattraper la
brouette avant que l’enfant ne tombe. Ces jeux animent le tableau, et
semblent raconter une histoire : celle d’une sortie où les enfants se
montrent assez libres de jouer, pour peu qu’ils ne se mettent pas en
danger, auquel cas les adultes interviennent avec bienveillance. Le
tableau date de 1838, et l’on peut penser à une influence de l’Émile, le
livre de préceptes d’éducation de Jean-Jacques Rousseau publié
cinquante ans plus tôt, qui incite à laisser les enfants libres de leurs
découvertes.

Textes 1 et 2

Question 4 (2 points)

a. Expliquez ce que devrait être le rôle de l’adulte selon Winnicott.

Selon Winnicott, « des personnes responsables doivent être disponibles


lorsque les enfants jouent », c’est-à-dire que, même si les adultes ne
doivent pas « entrer dans le jeu des enfants », ils doivent rester vigilants
et pouvoir intervenir si besoin est. Leur rôle est délicat, car s’ils se mettent
à « diriger le jeu », ils ôtent toute capacité aux enfants de jouer « au sens
créatif ». En fait, ils doivent savoir garder un rôle d’adulte de référence, et
rester en dehors du jeu, tout en restant vigilants.

b. Dans le texte 1, la nourrice exerce-t-elle vraiment ce rôle ? Justifiez


votre réponse.

La nourrice n’exerce pas vraiment ce rôle, dans le texte de Leïla Slimani,


car elle joue avec les enfants, et surtout, s’incluant totalement dans le jeu,
elle empiète sur leur créativité, comme lorsque, à force de préparatifs, Mila
s’impatiente (« Allez, on commence ! » supplie-t-elle). En outre, Winnicott
parle de l’éventualité selon laquelle « un jeu est toujours à même de se
muer en quelque chose d’effrayant », et avec les enfants, c’est Louise qui
rend le jeu effrayant, comme lorsqu’elle « pousse des cris sauvages » ou
disparaît sans fin lors des parties de cache-cache, jusqu’à mettre Mila au
« désespoir » et que les enfants « hurlent et pleurent ».
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Corpus (texte 1, image et texte 2)

Question 5 (2 points)

Donnez un titre au corpus. Justifiez-le en identifiant le point commun et en


précisant les différences entre le texte 1, le texte 2 et l’image.

On pourrait intituler ce corpus « Lorsque les enfants jouent », ce qui


permettrait de montrer toute l’imagination qu’implique le jeu, qui apparaît
comme un « pays imaginaire » peuplé d’Indiens, de policiers et de voleurs
comme le développe Slimani. Ce jeu peut être complexe, si l’on choisit de
développer les décors et les contraintes avec « une géographie précise »
à « mémoriser » ou tout un assemblage de « drap, balai et chaise » pour
figurer un « tipi » par exemple. Cependant, le rôle de l’adulte est à
questionner : le tableau d’Agasse nous le montre, entre surveillance,
bienveillance et intervention. Il faut d’ailleurs se garder d’un excès
d’interventionnisme, d’après Winnicott, au risque de brimer l’inventivité
créative des enfants, même si l’adulte doit rester « disponible » face à ce
que le jeu peut avoir « d’effrayant ». Et de fait, la frontière entre réalité et
imaginaire est toujours mince, et c’est à l’adulte qu’il convient de garder
de la vigilance face aux limites pour que le jeu reste ludique.

Évaluation des compétences d’écriture (10 points)


Selon vous, le jeu est-il toujours ludique ?

En vous appuyant sur les documents du corpus, vos connaissances et vos


lectures de l’année, en particulier celle de l’œuvre du programme, vous
répondrez à cette question dans un développement argumenté d’une
quarantaine de lignes au moins.

Pour répondre à cette question, on peut développer trois grandes parties :

I - Le ludisme du jeu

Le jeu est une manière de développer un imaginaire, car il permet de


s’échapper de la réalité, c’est le cas des jeux de rôles par exemple, mais
aussi tout simplement des jeux d’enfants comme les cow-boys et les
indiens, les policiers et les voleurs, ainsi que le raconte Leïla Slimani dans
Chanson douce.
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Le jeu rassemble et détend : il permet de se retrouver entre amis, en
famille, unis autour d’une même source d’amusement comme avec les
jeux de société par exemple, les jeux de piste, etc. On peut citer le « Trivial
Pursuit » qui, parmi d’autres jeux, allie connaissances générales et
ludisme et permet de relier entre elles les générations.

II - Quand le jeu n’est plus si ludique

Le jeu peut devenir un enfermement, comme dans Le Joueur d’échecs de


Stephen Zweig où, après avoir été une libération pour le héros
emprisonné, le jeu d’échecs devient une claustration dans la mémoire, et
donc le passé.

Le jeu, c’est aussi ce qui rend fou le héros de Pouchkine, Hermann,


ensorcelé dans La Dame de Pique par Anna Fedotovna et sa martingale
meurtrière. Et La Défense Loujine raconte, d’après Vladimir Nabokov,
« l’histoire d’un joueur d’échecs écrasé par son propre génie ».

Le jeu doit parfois nécessiter la présence d’un tiers responsable pour ne


pas dégénérer, devenir « effrayant » comme le dénonce Winnicott dans
Jeu et réalité ; il faut aussi éviter qu’il ne devienne une dépendance,
comme les jeux de casino auxquels Fiodor Dostoïevski narre l’addiction
dans Le Joueur, et de manière plus contemporaine, comme dans le cas
des « geeks » ou pire des hikikomori japonais qui abandonnent toute vie
sociale.

III – Mais le jeu permet autre chose au-delà de l’aspect ludique

Le jeu permet de sortir de soi, et parfois même de sa condition, comme


dans la série Le Jeu de la Dame, où Beth Harmon échappe à l’ennui, puis
à l’orphelinat, par le jeu d’échecs, et découvre le monde en y réussissant.
Le jeu peut être source d’épanouissement, et même devenir un mode de
vie et de découverte de soi, comme dans Le Jeu des perles de verre où
Hermann Hesse l’érige en philosophie.

Le jeu est créatif, il peut être la source de créations de mondes, d’univers,


on peut jouer à dessiner et se retrouver à développer un style, s’amuser à
écrire et inventer des histoires, inventer des petites scènes et ainsi s’initier
au théâtre… En littérature, on peut citer les calligrammes d’Apollinaire ou
les lipogrammes oulipiens, qui se basent sur des jeux littéraires et
poétiques avant tout.
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En conclusion, on peut insister sur l’aspect créatif du jeu : il permet d’ouvrir
l’imaginaire, et finalement, est-ce que toute œuvre n’a pas commencé par
être un jeu avec les mots, les couleurs, les sons, avant d’atteindre le chef-
d’œuvre capable de nous émouvoir ?

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