ETUDES TRADITIONNELLES
48° Année Octobre-Novembre 1947 Ne 263,
ASCBSE ET ASCETISMB
INGE avons constaté en diverses occasions que certains
faisaient entre les termes d’e ascétique » ot de ¢ mys-
tique » un rapprochement assez pen justifié; pour dissiper
toute confusion & cet égard, il suffit de se rendre compte que
Je mot « ascése » désigne proprement un effort méthodique
pour atteindre un certain but, et plus particulidrement un
but d’ordre spirituel (2), tandis que le mysticisme, on raison
de son caractére passif, implique plutdt, comme nous I'avons
déja dit souvent, absence de toute méthode définie (2).
D’autre part, le mot ¢ascétiques a pris un sens plus restreint
‘que celui d’« ascése », car il est appliqué @ peu prés exch
vement dans le domaine religieux, et c'est peut-ttre ld ce qui
explique jusqa’A un certain point la confusion dont nous
parlons, car il va de soi que tout ce qui est «mystique »,
dans Yacception actuelle de ce mot, appartiont aussi & ce
méme domaine ; mais il faut bien se garder de croire que,
inversement, tout ce qui est d’ordre religieux est par 1A
méme plus ou moins étroitement apparenté au mysticisme,
ce quiest une étrange erreur commise par certains modernes,
fen ost i
phonétiqae et tout ascidentelle entre oF
Pasette vise & obtenir une * ascension
fokne blavés, il est éyident que le moyen ne doit en au
fonda aveo Jo eésultat,
"2. Cf. aperpus aur Tlnitlation, pp. 12-13.
19970 ETUDES TRADITIONNELLES
et surtout, il est bon de le noter, par ceux qui sont le phis
ouvertoment hostiles & toutereligion. =
Ty aun aucte mot dérivé d’e ascise », celui d’s ascétisme »,
qni se préte pout-8tre davantage encore anx confusions,
parce qu’il a été nettement ‘détourné de son sens primitif,
& tel point que, dans le langage courant, il en ost arrivé &
n'ttre plus guére qu'un synonyme d’s austérité », Or, il est
évident que la plapart des mystiques se livrent A des aus-
térités, parfois méme excéssives, bien qu’ils ne soient d’ail-
Jeurs pas les seuls, car c'est 1 un caractére assez général de
Ja t vie religieuse » telle qu’on la congoit en Occident, en
vvertn de Vidée trés répandue qui attribue & la souffrance, et
surtout fa sonffrance volontaire, une valeur propre en elle-
miéme ; il est certain anssi que, dune fagon générale, cette
idée, qui n’a rien de commun avec Ie sens originel de Vascése
et n’en est nullement sotidaire, est encore plus particulire-
ment accentuée chez les mystiques, mais, redisons-e, elle est
Join de leur appartenir exclusivement (x). D’un autre c6té,
et c'est sans doute JA ce quti permet de comprendre que l’as-
cétisme ait pris communément une telle signification, il est
naturel que tovte ascése, ou toute régle de vie visant 4 un
bat spirituel, revéte aux yeux des « mondains » une appa
rence d’austérité, méme si elle n‘implique aucunement Tidée
de soufirance, et tout simplement: parce qu'elle écarte ou
nbglige forcément les choses qu’eax-mémes regardent comme
Jes plus importantes, sinon méme comme tout & fait esson-
tielles & Ja vie humaine, et dont Ja rechorche remplit toute
leur existence,
Quand on parle d'ascétisme comme na le fait habituelle-
ment, cela parait impliquer encore auitre chose : c'est que'ce
qui ne devrait étre normalement qu'un simple moyen ayant
‘un caractére préparatoire est trop souvent pris pour ume véri-
table fin ; nous ne croyons rion exagérer en disant que, pour
beancoup d'esprits religioux, Vascltisme ne tend point A la
41, Of. perpus sar Bfnidiation, pp. 177-178,
ASCRSE ET ASCETISNE ag
réalisation effective @états spirituels, mais a pour unique
mobile Iespoir d’un « salut » qui ne sera atteint que dans
Ye antro vie ». Nous ne voulons pas’y insister outre mesure,
mais il semble bien que, en pareil cas, 1a déviation ne soit
plus seulement dans le sens du mot, mais dans la chose méme
qu'il désigne ; déviation, disons-nous, non pas certes, parce
quill y qurait dans Ie désir du ¢ selut » quelque chose de plus
‘ou moins illégitime, mais parce qu'une véritable ascése doit
se proposer des résultats plus directs et plus précis. De tels
résultats, quel que soit d/ailleurs le degré jusqu’oi ils peu-
vent aller, sont, dans l'ordre exotérique. et religieux Ini-
meme, le vrai but de I'« ascétique » ; mais combien sont, de
nos jours tout au moins, ceux qui se doutent qu'ils peuvent
ainsi ¢tre atteints par une voie active, donc tout autre que la
voie passive des mystiques ?
Quoi qu’ilen soit, le sens du mot ¢ ascése » lui-méme, sinon
celui de ses dérivés, est suffisemment ¢tendti pour s'appli-
quer dans tous les ordres et A tous les niveaux : puisgu’il
s'agit essenticllement d’un ensemble méthodique defforts
tendant & un développement spirituel, on peut fort bien
parler, non pas setllement d’une ascése religiouse, mais aussi
d'une ascése initiatique, Il faut seulement avoir soin de re-
marquer que le but de cette demiére n’est soumis & aucune
es restrictions qui limitent nécessairement, et en quelque
sorte par définition méme, celui de Pasctse religieuse, puis-
que le point de vuc exotérique auquel celle-ci est lige se rap-
porte exclusivenient & Vétat individuel Jbumain (x), tandis
que le point de vue initiatique comprend la xéalisation des
états supra-individuels, jusqu’a I'état supréme et ‘imcon-
ditionné inclusivement (2). De plus, il va de soi que les er~
4 a ie nen ula ld nia niggas sn
Aatigrattes eo toutes ies extenatons dont ello ent susceptible, ene gue
Video teligicuse da" salstyelledabme ne pourralt avoir veitablement aa-2972 ‘ETUDES TRADITIONNELLES
rears ow les déviations concernant I'asctse qui peuvent se
produire dans le domaine religieux ne sauraient se retrouver
‘dans le domaine initiatique, car elles ne tiennent en défini-
tive qu’aitx limitations mémes qui sont inhérentes au point
de vue exotérique comme tel; ce que nous disions tout &
Vheure de ascétisme, notamment, n'est évidemment expli-
cable que du fait de horizon spirituel plus ou moins étroite-
ment borné qui est celui de la généralité des exotéristes ox-
clusifs, et par conséquent des hommes ¢ religienx » au sens
Je plus ordinaire de ce mot.
Le terme d’e ascése 2, tel que nous Ventendons ici, ost
celui qui, dans les langues occidentales, correspond Ie plus
‘exactement au sanscrit éapas il est vrai que celui-ci contient
‘une idée qui n’est pas directement exprimée par autre, mais
cette idée n’en rentre pas moins strictement dans la notion
qu’on peut se faire de l'asctse, Le sens premier de tapes est
en effot celui de «chaleur ¥; dans le cas dont il s‘agit, cette
chaleur est évidemment celle d’un feu intérieur (x) qui doit
Driller ce que les Kabbbalistes appelleraient les « écorces »,
C'est-a-dire en somme détruire tout ce qui, dans Petre, fait
obstacle 2 une réalisation spirituelle ; c'est donc bien 1a
quelque chose qui caraetérise, de la fagon la plus générale
toute méthode préparatoire a cetle réalisation, méthode qui,
Ace point de vue, peitt étre considérée comme constituant
une ¢ purification » préelable & Yobtention de tout état spit
rituel effectif (2). Si tapas prend souvent le sens d’etiort
pénible ou douloureux, ce n’est pas qu’il soit attribué une va-
leur ou une importance 54
ni que colle-ci soit regardés ici comme quelque chose de plus
qu'un ¢ accident »; mais c'est que, par la nature méme des
palegu’ll ne eanralt y avolr acute commune mesure
tlonaé queloongue ef ('éiat incondleon:
éealement conga comme un prineipe de nature
‘pour quil soit néooasaire de faire plus que de Vind
Ea Grande Triads, oh. XU
trop éyige
passant (Vole
8 nous avons dit au culet do It vé~
ritable natura des épreuvas initiatiques (4perpus ue TTailation ch. XX).
Ascise er ascknisim 273
choses, le détachement des contingences est forcément tou
jours pénible pour Pindividu, dont existence méme appar-
tient aussi A Yordre contingent, I n'y a la rien qui soit assi-
milable une ¢ expiation » ou A une « pénitence », idées qui
jouent au contraire'um. grand réle dans I'ascétisme entendu
au sens vulgaire, et qui ont sans doute leur raison d’étre
dans un certain aspect du point de vue religieux, mais qui ne
squraient manifestement trouver place dans le domaine
initiatique, ni d’ailleurs Gans les traditions qui ne sont pas
sevétues d’ane forme religicuse (1).
Au fond, on pourrait dire que toute ascése véritable est
essentiellement un 4 sacrifice », et notis avons cu occasion
de voir ailleurs que, dans toutes les traditions, le sacrifice,
sous quelque forme qu'il se présente, constitue proprement
Vacte rituel par excellence, celui dans lequel se résument en
quelque sorte tous les autres. Ce qui est ainsi sacrifié gra
duellement dans I'ascése (a), ce sont toutes les contingences
dont V’étre doit parvenir & se dégager comme d'autant de
liens ou d’obstacles qui V'empéchent de s'élever & un état
supérieur (3) ; mais, s'il peut et doit sacrifier ces conting ences,
C'est en tant qu’elles dépendent de tui et qu’elles font d’une
certaine facon partie de lui-méme A un titre quelconque (4).
Comme daillours, Mindividualité elle-méme n'est aussi
traducllone des otfentalistes, on rescontro feéquemment Ios
Jee, et * pénitent , qul ne sappliguent ancunement a ce dost
AT vagit en réalité, tondis que eoux a * ascdse , ct d'“asctte , convien-
contrnire purfaitement dans la plupart des ons,
irons gradvellement par i méme quil s'ngit dum prooessus mé-
‘Tailleure i} ect facile de comprendre que, anu! peut-étre dans
mois * pe
oneal oon
rot ite, on peut dice que ces contingences sont alore déirutes
hte sie cho unifestées, car elles nexistent
a perd , paroe
‘priacipe ‘perma.274 ETUDES TRADITIONNELLES
qu'une contingence, Vascdse, dans sa signification la phis
complite et la plus profonde, n’est en définitive pas autre
chose que Ie sacrifice du « moi » accompli pour réaliser 1a
‘conscience du ¢ Soi ».
René Gusyon.ENCADREMENTS
ET LABYRINTHES
M. A. K. Coomaraswamy a étudié (2) ta signification.sym-
dolique de certains « neeuds » qui se trouvent parmi les gra-
vures d’Albert Ditrer : ces encends » sont des enchevétre-
ments tits compliqués formés par Je tracé d’une ligne conti-
nue, ensemble étant disposé en une figure circulaire ; dans
plusieurs cas, le nom de Dilrer est inscrit dans la partie cen-
trale. Ces ¢noeuds » ont été rapprochés d'une figure simi-
laire attribuée généralement a Léonard de Vinci, et au
centre de laquelle’se lisent Jes mots Academia Leonardi
Vinci ; certains ont voulu voir dans cette dernidre la « signa
tore collective » d’une « Académie » ésotérique comme il en
exista un certain nombre en Italie & cote époque, et ce
n’est sans doute pas sans raison. En effet, cos dessins ont &té
quelqucfois appelés « dédales » ou « labyrinthes », ct, ainsi
que le fait remarquer M, Coomaraswamy, malgré la diffé-
tence des formes qui peut tre due en partie & des raisons
ordre technique, ils ont effectivement un rapport étroit
avec les labyrinthes, et plus particuliérement avec ceux qui
étaient tracés sur Je dallage de certainos églises du moyen
ge; or, ceux-ci sont également regardés comme constituant
tune «signature collective » des corporations de construc-
teurs, En tant qu’ils symbolisont le lien unissant entre eux
Jes membres d'une organisation initiatique on tout au moins
4sotérique, ces tracés ofirent évidemment une similitude
frappante avec Ja « chatne d’union » magonnique ; et, si 'on
The Ieonopraphy’ of Darer's * Knots » and Leonardo's * Concatena
+ dane The Art Quarterly, no de printemps 1044,306 ETUDES TRADITIONNELLES
se souvient des noeuds de celfe-ci, te nom de «nosuds »
(Knoten) donné a ces dessins, apparemment pat Der It
meme, est aussi trds significatif. Pour cette raison aussi bien
que pour me autre sur laquelle nous reviendrons par la
suite, il est encore important de noter qu'il s'agit de lignes
ne présentant aucune solution de continuité (2) ; les laby-
rinthes dos églises pouvaient également étre parcours d’un
bout a autre sans qu'on y rencontre nulle part aucun point
‘interruption obligeant & sarréter ou & revenir sur ses pas,
de telle sorte qu’ils constituaient simplement en réalité un
chemin trés ong qu’il fallait accomplir entiérement avant de
parvenir ou centre (2). Dans certains cas, comme & Amiens,
Je « maitre d'ceuvre » s'était fait représenter Ini-méme dans
Ja partie centrale, de méme que Vinci et Diirer y ont inscrit
ears noms ; par 1a, ils se situaient symboliquement dans une
«Terre Sainte » (3), cesti-dire dans un liew réservé aux
« élus 0, ainsi que nous I'avons expliqué ailleurs (4), ou dans
‘un centre spirituel qui était, dans tous les cas, une ithage
ow uti reflet du véritable « Centre du Monde », comme, dans
la tradition ‘oxtréme-orientale, I'Emipereur se situait tou-
jours au lieu central (5).
Ceci nous améne directement & des considérations d'un
autre ordre, qui se rapportent 2 un sens plus « intérieur »
et plus profond de ce symbolisme : puisque ’étre qui par-
court Je labyzinthe ou tout autre figuration équivalente
arrive finalement par 1A & trouver le ¢ liou central 9, c'est-a-
dire, au point de vue de Ja réalisation initiatique, son propre
pourra se souvenir tol da pentalpha qui, comme signe de recon
aalssanoe des Pytnagoriotens, devalt étre traoé fous facon eontinxe,
‘Of. W. R.Lethaby, Architecture, Vil. ~ Cat
i Gtalt Lulsméine an arobite tyre un grand
fhorabre informations inééressantee concernant Le symboliame arshitecti
Meu da pilerlaage en Ferre Sainte A Salat-Ome
représentation du Temple de Jérveatom
4: La caverne et (e labyrinths, dans lee n+ diostobre et norembre 1991.
&. Volr La Grande Triade, oh. XVI, —~ Oa pourrait rappelen, & Faces!
‘ce rapprochement, le titre d’imperafor donné au chet de cettaines orga
lsatlons rosiorucleanes.
EBNCADREMENTS ET LABYRINTHES 307
centre (x), le parcours lui-méme, avec toutes ses complica~
tions, est évidemment une représentation de la multiplicité
des états ou des modalités de l'existence manifestée (2), &
travers la série indéfinie desquels I’étre a. df « errer » tout
@’abord avant de pouvoir s’établir dans ce centre, La ligne
continue est alors Yimage du s@ivtimd qui relie entre eux
tous les états, et @ailleurs, dans le cas du « fil d’Ariane » en
connexion avec le parcours du labyrinthe, cette image se
présente avec une telle netteté gu’on s'étonne qu'il soit
possible de ne pas s'en apercevoir (3) ; ainsi se trouve justi-
fige la remarque par laquelle vous avons terminé notre pré=
cédente étude sur le symbolisme de la achaine d’union ».
D’autre part, nons avons insisté plus particuliérement sur le
caracttre d's encadrement » que présente celle-ci; or il
sufiit de regarder les figures de Direr et de Vinci pour se
rendre compte qu’elles forment aussi de véritables + enica-
drements + autour de la partie centrale, ce qui constitue
encore une similitude de plus entre ces symboles ; et il est
autres cas ob nous allons retrouver également co méme
caractére, d'une fagon qui fait ressortir une fois de plus Ta
parfaite concordance des difiérentes traditions.
‘Dans un livre dont nous avons déji parlé ailleurs (4),
M. Jackson Knight a signalé qu'on avait trouvé en Gréce,
prés de Corinthe, deux modéles réduits en argile de maisons
remontant &I'époque archaique dite o age géométrique » (5) ;
4,11 post natorsllement agts,salvent Tee eas aolt du ceutre d'un état
Frese rerscata mptir. etl vecondh cou den "grands nye
oon aenvisage que Fensembio
ea dosolns ae
arabeeques «308 ETUDES TRADITIONNELLES
sur Ies murs oxtéricurs se voient des méandres qui entourent
Ja maison, ot dont Je tract paratt avoir constitué en quelque
sorte un substitut » du labyrinthe. Dans la mesure ol celui~
cireprécentait une défense, soit contre Jes ennemis humains,
soit surtout contre les influences psychiques hostiles, on
peut aussi regarder ces snéandres comme ayant une valeur
de protection, et méme doublement, en.empéchant non set:
ement les influences matéfiques de pénétrer dans fa demeure,
mais aussi les influences bénéfiques d’en sortir et de se dis-
perserau dehors, I! se peat dailleurs que, &’certaines époques,
on ny ait rion va de plus ; mais il ne faut pas oublier que ta
rédiiction des symboles & un usage plus ou moins « magique »
correspond déja a un état de dégénéresvence au poirit de vue
traditionnel, Gat dans Jequel leur sens profond a été ou-
blié (1). Ta donc dt y avoir antre chose l'origine, et il est
facile de comprentire de quoi il s'agit en réalité si l'on se sou-
vient que, traditionnellement, tout édifice est construit
suivagit un modéle cosmigne ; tant qu'il n'y eut aucune dis-
tinction de «saeré + et de « profane », c’est-a-dire tant que
le point de vue profane n’eut pas pris naissance par Veffet
d'un amoindrissemont de Ja tradition, il en fut partout et
toujours ainsi pour les maisons particulitres elles-mémes.
La maison était alors une image du Cosmos, c’est-i-dire
comme un ¢ petit monde » fermé et complet en Iui-méme ;
et, si on remarque qu'elle est ¢ oncadrée » par le méandre
exactement de ta méme fayon que la Loge, dont la signifi-
cation cosmique n’a pas été perdue, est ¢ encadrée » par la
tchaine d'union », Videntité des demx symboles appatait
“comme tout a fait évidente : dans I'un et I’autre cas, ce dont
il slagit en définitive n'est pas autre chose qu’une représen-
tation du ¢ cadre » méme du Cosmos.
‘Un autre exemple remarquable, au point de vue du sym-
bolisme des encadrements », nous’est fourni par certains
‘von aenvisage plas
plication lolée ot ordre iniérleur
ENCADREMENTS ET LABYRINTHES 309
caractéres chinois, se rapportant primitivement A des rites
de fixation ou de stabilisation (1) qui + consistaient & tracer
des cercles concentriques ou une spirale autour des objets;
Je caractére Aéng,-désignant un tel rite, était, dans l'ancienne
ériture, formé d’une spirale ou de deux cercles concentriques
entre deux lignes droites. Dans tout l'ancien monde, les
nouvelles fondations, qu'il s’agit de camps, de cités ou de
villages, étaient « stabilisées » en tragant des spirales ott des
cercles autour d’elles » (2), et nous ajouterons qu'on peut
encore voir 1d Videntité réelle des « encadrements » avec les
labyrinthes, Au sujet du caractére chick, que les commenta-
teurs récents rendont simplement par x grands, Yauteur
que nous venons de citor dit qu'il « dénote la magie qui as-
sure l'intégrité des espaces en lés ¢ encadrant » de signes pro-
tecteurs ; tel est fe but des dessins de bordures dans les an-
iennes ceuvres d'art. Un chick fu est une bénédiction qui a
&€té directement ‘ou symboliquement « encadrée » de cette
fagon; un fléaupeut aussi étre encadré » pour Fempécher de.
se répandre +. Ici encore, il n'est explicitoment question que
de « magic », ou de ce qu'on suppose étre tol ; mais V'idée de
4 fixation » ou de «stabilisation « montre assez clalrement
ce qu'il on est au fond : il s‘agit dea fonction qu’a esseatiel-
lement le « cadre 0, ainsi que nous avons dit précédemment,
de rassembler et de, maintenir & lear place les divers éléments
qu'il entoure. Il y a dailleurs chea Lao-tseu dos passages ot
figurent les caractéres en question et qui sont “trés signifi-
catifs a cet égard : « Lorsqu’on fait en sorte d'encadrer (ow
circonserire, ying, caractére évoquant une idée similaire &
celle de héng) les sept osprits animaux et d’embrasser
YUnité, on peut étre clos, étanche et incorruptible » (3) +
et ailleurs ; ¢Grflco & une connaissance convenablement
encadrée (chick), nous marchons de® plain-pied dans la
Gee sites corresponicat Svidemment 2 un ces yartieuliey do 08 aul est
déetgné dann le langage hermétiqne comme [a * coagulation , (vor La
fs riade, oh
wands acy, The Book of Chanpen, Bose Bellen of the Museum of Par
air uieilan 206, Sealy 164
ST te Hing. ch Xs trtdatin ind de M, Jacgees Lonaet310 ETUDES TRADITIONNELLES
grande Voie » (z). Dans le premier de ces deux passages, il
s‘agit évidemment 4’établir ou de maintenir Vordre normal
des différents éléments constitutifs de I'étre afin d'unifer,
celui-ci ; dans le second, une « connaissance bien encadrée »
est proprement une connaissance od chaque chose est mise
exactement & la place qui Ini convient. Du reste, Ia signifi
cation cosmique da «cadre » n'a elle-méme nullement dis
aru en pareil cas; en effet, l'étre humain, suivant toutes
Jes conceptions traditionnelles, n'est-il pas le ¢ microcosme 4,
4 Ia connaissance ne doit-lle pas, elle aussi, comprendre’
d'une certaine fagon la totalité du Cosmes ?
René Gugnon,
1. Loi. cb, LIK, mbm traduet'on.