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La puissance magique d’un rituel : comment l’expliquer ?

VM et vous tous mes frères en vos grades et qualités, l’activité maçonnique comporte essentiellement
quatre facettes :
- la présence aux tenues où nous pratiquons notre rituel !
- le travail personnel que l’on peut faire chez soi ou en bibliothèque,
- la participation aux travaux de commissions et de comités
- et la présence aux agapes.

Chacune de ces activités est importante ! Chacune a une méthodologie optimum pour produire ses effets !

Ne pourrait-on pas s’accorder pour dire que l’ensemble de ces quatre activités a pour but, de nous
transformer collectivement pour nous projeter dans un univers de Sagesse riche des trois valeurs
platoniciennes que sont le Bon, le Beau et le Juste ?

Pour ce soir je vous propose une réflexion focalisée sur une de ces quatre activités, la pratique du rituel.

Il est banal de constater les difficultés que vivent de nombreuses loges maçonniques ; ces difficultés
entraînent inévitablement une réelle démotivation des sœurs et des frères.

Il me semble que l’une des raisons pour lesquelles ces sœurs et ces frères, quelle que soit l’obédience à
laquelle ils ou elles sont rattachées, sont démotivés réside dans un décrochage par rapport aux rituels
qu’ils ou elles pratiquent ! On entend fréquemment dire en particulier :
- Que le rituel est une messe où l’on énonce des antiennes qui n’ont plus aucune actualité par rapport
au vécu des communautés,
- Que les valeurs mises en avant ne sont pas appliquées par nos dignitaires, et que les batailles d’égo en
loge sont incompréhensibles !

Pour répondre à ces critiques, rien de tel que de veiller à ce que le vécu du rituel soit de qualité !

Il est clair que dans une loge l’animation collective est de la compétence du collège des officiers ; c’est à lui
d’observer, de modifier et d’agir pour que la loge fonctionne bien ! Mais c’est aussi du devoir de chacun
d’entre nous de proposer des réflexions qui peuvent peut-être contribuer à nous améliorer !

J’ai choisi d’intituler cette planche « La puissance magique d’un rituel » ; avant de rentrer dans le vif du
sujet, il me semble important d’expliquer cette référence à la magie !

Pour la plupart d’entre nous, il y a des moments dans la vie où nous vivons une situation qui nous paraît
inextricable ; dans ces moments-là, la recherche d’une protection et aussi d’un certain pouvoir devient
une obsession !

Peut-être est ce du à ce sentiment de fragilité et de vulnérabilité et aussi à cette peur de la mort qui nous
taraude par moments ?

Cette Protection et ce Pouvoir, tant recherchés, on peut les trouver dans l’usage des addictions mais il est
aussi commun de dire que la magie peut être un recours.

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Ce pouvoir magique, magique parce qu’irrationnel, vient d’on ne sait où, peut-être des Mystères !

En Franc-Maçonnerie on en fait aussi allusion mais de façon symbolique ; La licorne est un des symboles
du pouvoir magique ! Certains auteurs en font référence pour parler de l’androgynie de l’initiation
maçonnique.

Une fois précisée cette allusion à la magie, revenons au rituel proprement dit.

Depuis l’antiquité, les êtres humains utilisent des rituels. Toutes les sociétés humaines les utilisent, quel
que soit le pays, la culture, que l’on soit riche ou pauvre, homme ou femme ! Ils peuvent être pratiqué
seul ou en groupe !

Tous les modes de réunion peuvent être concernés ; le prétexte détermine la fonction du rituel : les
moments d’une vie ou ceux d’un groupe sont des prétextes courants.

Le rituel n’est pas réservé aux rencontres ésotériques ; on le retrouve dans toutes les activités humaines ;
par exemple dans le sport, lors des repas, la danse, etc.

Le rituel peut être très simplifié, comme une manière de se dire bonjour, ou très complexe avec différents
temps et des participants plus ou moins nombreux !

Le rituel imprègne de très nombreux espace-temps de la vie à la mort et même pour certains rituels dans
un espace-temps post mortem ! Comme il est connu par le groupe qui le pratique, chacun est familiarisé
avec les codes et accessoires qu’il utilise. La plupart des rituel rassurent celles et ceux qui les utilisent.
Classiquement on lui reconnaît une fonction facilitatrice de la cohésion sociale.

En dehors de la fonction sociale, le rituel a deux autres intérêts :


o Il permet de mettre en œuvre la pensée magique
o Le rite est libératoire, c'est-à-dire qu’il libère des émotions !

On est en droit de se poser la question de savoir si un rituel est indispensable : Claude-Marie Dupin qui est
une psychologue très impliquée dans les problèmes sociaux y répond :

« Il y a plus de 30 ans, j’ai eu la chance de rencontrer Margaret Mead, la psychologue et anthropologue


américaine, qui, dans ses études de diverses civilisations (civilisations d’Océanie dites « traditionnelles »),
s’est particulièrement intéressée à l’importance des rituels dans la construction de l’identité, comme
apportant le contexte culturel indispensable à l’existence signifiante de l’homme. Le rite et les rituels
constituent le ciment des groupes humains ; ils donnent le cadre qui va permettre de marquer d’une façon
stable les passages importants de la vie avec leur entrée et leur sortie. Ils vont manifester les racines du
groupe et l’appartenance de chacun à ses racines. »

Le rituel maçonnique est l’élément structurant du parcours maçonnique.

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C’est l’élément essentiel que l’on partage pendant une tenue ! De la qualité de ce moment de partage
dépendra une part importante de la solidité d’une loge, de sa cohérence et du lien qui nous relie les uns
aux autres !

Avant d’aborder les éléments qui conditionnent la réussite du rituel maçonnique, examinons ses
composantes :
1. Les principaux prétextes des rituels maçonniques sont l’ouverture et la fermeture des travaux pour
chaque degré, l’initiation, les augmentations de salaire, les élévations, le deuil, la célébration des
solstices, l’installation des officiers, la consécration d’un temple ; on rajoute parfois les
reconnaissances conjugales et les baptêmes républicains. D’autres prétextes sont possibles ! Une
spiritualité accompagne souvent ces rituels.
2. L’officiant principal est généralement le ou la VM, et les assistants-officiants sont les membres du
collège
3. Le support écrit correspond au rite pratiqué, à part pour le rite Emulation, il est rarement
mémorisé. La gestuelle ritualisée est fixée par le rite,
4. Il n’y a pas de spectateurs sauf pour les tenues funèbres, les baptêmes et les reconnaissances
conjugales
5. Lorsqu’il y a un officiant-objet, il est généralement seul parfois accompagné de « jumeaux »
6. Les textes, la gestuelle et le déroulement sont inhérents au rite adopté
7. L’accompagnement musical du rituel a toujours existé, mais il est non codifié laissé à l’initiative
des collèges d’officiers. Lorsqu’il y a dans la loge des musiciens la colonne d’harmonie devient
généralement une réalité au lieu que de n’être qu’une vulgaire rediffusion!

Pour que le rituel joue son rôle, plusieurs conditions s’imposent :

- Tout d’abord, il faut rappeler qu’il n’y a pas de rituel sans symbole ! Cela peut paraître évident mais il
n’est peut-être pas inutile de le rappeler car qui dit symbole implique le concept de pensée symbolique !
Rappelons qu’il est classique de décrire l’activité cérébrale comme l’association de plusieurs formes de
pensées : selon les auteurs cela peut aller jusqu’à sept. La pensée symbolique, très bien explicitée par les
travaux de Jean Piaget, associe un objet, le symbole, à un contexte le plus souvent affectif ! Elle apparaît,
chez l’être humain, dès la petite enfance ; on l’associe souvent à la pensée créatrice ! Le rituel donc met en
scène la pensée symbolique. On pourra en trouver un bel exemple dans le rituel de la chaîne d’union qui
est tout entier bâti sur le symbolisme des maillons reliés les uns autres !

- Autre évidence, le rituel maçonnique n’admet aucun spectateur ce qui a contrario veut dire qu’en loge, il
n’y a que des acteurs ! Cette particularité nous distingue des rituels religieux qui eux acceptent un public
d’observateurs ! Pour être acteur, il est indispensable d’être attentif au déroulement du rituel et de jouer
le rôle qui nous est dévolu. Chacun a un rôle, même les frères apprentis qui n’ont pas encore accès à la
demande de prise de parole !

- Une autre condition a trait à la nécessaire appropriation du rituel par les membres de la loge : cette
appropriation est le fruit d’une réflexion collective ; la réflexion collective peut avoir entraîné des
modifications d’un rituel initial. Cette appropriation collective justifierait qu’il y ait de temps en temps des
échanges en commission en particulier pour associer les nouveaux initiés.

- Une autre condition concerne la réalisation de la gestuelle rituelle ; il s’agit de comprendre que la
réalisation des gestes doit être soutenue par une réelle intention contenue dans chaque geste ! Confucius,

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né en 551 avant JC , le créateur du taoïsme, a écrit : « En matière de rituel, il ne suffit pas de dire les
bonnes paroles ni de faire les bons gestes mail il faut encore avoir l’attitude intérieure qui convient. » .
Cette intention est toujours personnelle même si on est parfois tenté d’adopter des lieux communs
trouvés dans des ouvrages de vulgarisation. C’est parce qu’on se réfère aux différentes intentions des
gestes que l’on ne se lasse pas de les suivre et de les pratiquer !

- Enfin, le sens du rituel pratiqué s’intègre dans la globalité du rite et de ses stades intermédiaires ; cette
compréhension intime intériorisée par chacun d’entre nous peut faire écho dans la caisse de résonnance
que constitue une loge pour nous permettre d’élever nos pensées et faciliter notre détachement pour
réaliser une forme de méditation.

N’oublions pas aussi qu’il n’y a pas de rituel sans un grain de magie ! Et ce grain de magie n’est pas du
tout anodin ! Généralement on le retrouve soit à l’évocation de certains mots soit dans certaines
situations où l’irrationnel prime ! Qui dit magie, implique le concept de pensée magique ! Ce qui permet
de dire que le rituel associe deux formes de pensée : la pensée symbolique et la pensée magique !
-
Le contenu du rituel joue-t-il un rôle ?
- On pourrait le croire tant, pour une même fonction, les rituels sont nombreux.
- Mais l’expérience montre qu’en réalité le contenu n’a qu’un rôle accessoire ; pour illustrer ce propos on
peut citer l’exemple de la messe en latin pour les catholiques ; en introduisant la messe dans les langues
nationales, l’église catholique a cru que cela améliorerait la connaissance de la liturgie ; en fait cela a
entraîné une importante déception chez des fidèles qui bien que ne connaissant pas le latin s’étaient
appropriés les différents temps du rituel.
- Sigmund Freud remarque à ce sujet que « L’homme pieux exerce généralement le cérémonial religieux
sans s’interroger sur la signification de celui-ci, même s’il est vrai que le prêtre et le chercheur peuvent être
au fait du sens du rite, la plupart du temps symbolique. »
- C’est en particulier pour cette raison que les anciens rituels perdurent.

Tout çà pourquoi ?

La pratique d’un rituel fait partie de notre ADN de franc-maçon ; nous la découvrons le 1er jour de notre
initiation : le rituel s’impose à nous et il faut faire avec !

Dans la plupart des vécus, nous découvrons le rituel petit à petit avec ses bons côtés, une certaine gravité
dans la réflexion, la joie de former un groupe qui se préoccupe de moralité, et aussi les lourdeurs,
l’impression que rien ne se passe, que les mots perdent leur sens au regard des comportements !

Si le rituel a un sens, c’est avant tout parce qu’il nous incite à nous dépasser pour nous placer dans une
dynamique collective de recherche d’une certaine perfection !

Globalement il me semble que le rituel, pivot de la dynamique maçonnique, complété par les trois autres
activités que sont la participation aux agapes, le travail en commission et le travail personnel, peuvent
nous permettre une certaine élévation collective et une libération !

Elévation collective pour mener une réflexion, une recherche, qui soit inspirée par une exigence
méthodologique ! On pourrait aussi utiliser le concept de « distance » ou de « recul » !

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Libération pour nous débarrasser de toutes les idées préconçues, les automatismes induits par notre
propre milieu social et les addictions qui nous rendent dépendant ! Libération, c’est la condition du statut
de l’être humain libre, capable d’utiliser tout son potentiel créatif !

Conclusion

VM et vous tous mes frères il est toujours difficile pour un orateur de savoir si l’expression de sa réflexion
suscite un intérêt et apporte une pierre à l’édifice que l’on doit créer !

Quoi qu’il en soit, je suis convaincu que la dynamique maçonnique aussi bien sur le plan personnel que
pour le groupe que nous formons ne va pas de soi !

Pour que cette dynamique se fasse sentir et produise ses effets, un certain nombre de conditions me
semble indispensables ! J’ai essayé de présenter celles qui me semblent concerner ce que j’ai nommé la
puissance magique du rituel !

Je termine cette planche avec un poème intitulé

Le rituel, un Mystère !

Emulation, français, écossais,


égyptien Magie du temps passé,
Et j’en passe Par nous ressuscitée,
Les maçonnes et maçons recherchent C’est une métamorphose
l’égrégore Que le rituel propose.
Mais ne savent pas comment !
Le ballet des acteurs
Bienheureux intermède, Nous entraine dans la joie,
Onirique voyage, Oubliant les passions
Le rituel quand il est parfait Que suscitent des peurs !
Nous transporte dans un monde
irréel. Quand nous sortons du temple,
Puisse encore le rituel,
Espace-temps décalé Poursuivre son effet,
Bien loin du quotidien Nous apporter la Paix
Nous serons projetés Au-delà du virtuel !
Dans un rêve hédonien.

J’ai dit

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