Revue de la
Grande Loge de France
Rite et rituels
En
résonance
avec
l’harmonie
de l’univers.
Louis Trébuchet
Harmonia Mundi
« Comme Saint Jean, que les anciens nommaient Janus, semble garder
les portes du ciel et les ouvrir à l’astre radieux du jour, la route céleste que
parcourt le Soleil fut nommée le Temple ou l’empire de Janus. De même
aussi la Loge, où travaillent les Maçons pour parvenir à la connaissance de
la Vérité qui est la vraie Lumière, est nommée Loge de Saint Jean, parce
qu’elle est une image de l’univers ».
Instruction du 1er degré du Rituel selon les Anciens Cahiers
SCDF, 1829.
- Éditorial
Louis Trébuchet 1
THÈMES
Fondements sociologiques et métaphysiques du rite 6
J.J.Gabut
Il faut distinguer Rite et rituels. La portée du rite maçonnique dépasse le
rôle social des rites, objet essentiel des études ethnologiques. Il façonne
l’ouvrier qui le met en œuvre tout en lui donnant des éléments pour bâtir
du sens.
Pourquoi un rituel 31
Luc Stéphane
Quelles sont les raisons qui conduisent les Francs-maçons de la Grande
Loge de France à rester intransigeants sur la pratique du rituel ? À se
garder de l’intégrisme qui absolutise tout comme du relativisme excessif
qui ne s’engage en rien ? Si la vie intérieure a ses codes et ses repères, elle
ne s’y enferme jamais.
HiSToirE
la naissance de nos rituels 117
Louis Trébuchet
ConTE PHiLoSoPHiQUE
la construction du temple 125
Jean Schollaert
SyMboLiSME
Gardien du temple 131
Frank Martin
bibLiograPHiE 135
LiVrES 137
Procession en vue du sacrifice d’un agneau aux Charités, Peintures sur bois, Corinthie,
vers 540-530 av. J.-C., Musée national archéologique d’Athènes.
Rituel Indien.
n’a jamais existé sans rites, un rite sans foi ne saurait subsister… que
comme caricature !
Le Rite agit par une « imprégnation du subconscient » disait de son
côté Jules Boucher. C’est vrai ! Mais pour moi j’ajouterais aussi
du « surconcient » car c’est par la surconscience, convenablement
éveillée, qu’on atteint l’état d’initié grâce à la puissance du Rite,
à sa valeur magique. À l’image des différents degrés de la Franc-
maçonnerie, les rites mis en action sont des supports offerts à
l’humaine faiblesse afin que celle-ci devienne la force forte de toutes
choses, celle dont Jésus disait si bien qu’elle parvenait à déplacer les
montagnes !
Grâce à ces supports actifs, le Rite organise la mise en scène dont les
membres de l’assemblée sont à la fois les témoins, les spectateurs et les
acteurs. Il y a, comme l’a bien perçu Marguerite Guy dans son cours
de « Symbolisme et art roman » (T.1), une sorte de « conversation
constante » qui s’établit ainsi entre l’homme et le modèle divin
qu’il se propose d’imiter, voire d’égaler. « L’appareil liturgique d’une
tradition reste le cadre où doit se couler tout chercheur spirituel dans une
totale abnégation de sa personnalité » notait à ce propos J.P. Bayard,
ajoutant qu’on ne peut y changer un mot ou un geste car l’ensemble
des rites dessinent « comme le portrait secret de l’archétype céleste ». Il
y a bien là un « Ordo » indiscuté qui force l’initié à se soumettre à
l’Ordre cosmique, comme le rappelle la devise du R.E.A.A.
L’initié apprend que le visible n’est que la manifestation de l’invisible
et que la puissance de Dieu est « irrésistible. » « Dieu, disait déjà
Spinoza, n’est pas autre chose que cette puissance qui est la Vie » ce qui
n’est pas sans rappeler la parole de Jésus : « Je suis le chemin, la vérité
et la Vie. »
Dans la même perspective, Maurice Cazeneuve affirmait : « Les Rites
ont pour fonction principale de faire participer la condition humaine dans
son ensemble et dans ses éléments à un Principe qui la dépasse et qui la fonde »
ajoutant que « les rites posent la transcendance du Sacré pour préparer la
sacralisation de la condition humaine. » Faut-il rappeler ici que le Rite,
qui vient du sanscrit rita signifiant la force de l’ordre cosmique et
mental, était désigné chez les Grecs par le mot thesmos qui traduit
tout simplement ce qui pose, ce qui établit. En instaurant l’Ordre
en relation avec le divin, le Rite crée donc la Loge, il la consacre, il
lui donne son existence sur le plan spirituel en en faisant, comme le
souligne Henri Tort-Nouguès – mot combien éloquent et signifiant !
– « un lieu de communion ».
En le faisant passer du
profane au sacré, le Rite
opère la transformation
de l’homme initié, de
l’éveillé. Tout comme les
mantras, les danses sacrées
des derviches, les prières
psalmodiées des moines
et moniales, le Rite opère
par ses rythmes secrets, ses
Mantras gravés sur des pierres. incantations, ses vibrations
magiques et crée l’harmonie
et la sérénité dans l’être profond de chacun d’entre nous.
Le Rite, partant d’analogies, utilisant l’équivalence, ayant
perpétuellement recours aux correspondances, met donc en
harmonie le monde visible et le monde invisible. Il ouvre les portes
de l’invisible. Un auteur du « Jardin des Dragons » a pu dire ainsi
que la vie était « un rituel cosmique » dont la principale fonction
était de maintenir l’ordre divin dans le monde créé. Le mythe sert
d’explication, le symbole d’expression et le rite les met l’un et
l’autre en action. Ce qui veut dire que le rite, par-delà son aspect
extérieur et purement matériel, se vit et vit au cœur de l’initié avec
les dispositions intérieures dont il est implicitement le signe. Il est
très proprement, très réellement, la voie opérative de la spiritualité
maçonnique.
Tout d’abord le Rite ne doit pas être confondu avec le cérémonial qui
l’accompagne, qui en est comme le vêtement. La cérémonie n’est que
l’enveloppe du Rite, elle n’en est pas la substance et si l’on s’en tient
à ce caractère cérémonial – que dénoncent d’ailleurs les adversaires
du Rite, notamment les psychanalystes bornés qui ne considèrent
que cette enveloppe – on n’en voit que le côté conventionnel,
artificiel, ressortant à la condition humaine, trop humaine. Ce côté
cérémonial certes est un adjuvant non négligeable mais il s’agit, là
comme ailleurs, de ne point prendre l’écorce pour le fruit…
Aucune place par ailleurs ne doit être laissée, comme l’a très bien
vu Guénon, à la fantaisie individuelle ou à l’arbitraire collectif. Ce
qui condamne formellement les trafics, les arrangements du Rite. Le
rituel n’est pas un jeu, ce n’est pas quelque chose à quoi l’on joue…
Si l’on respecte cette règle basique, alors le Rite agira sérieusement,
efficacement, même à l’insu de ceux qui y prennent part… sans
toujours y prendre garde !
La référence au sacré est par ailleurs une constante impérieuse. La
perte du sacré dénature le Rite, le vide de son contenu et il ne reste
plus qu’un vague aspect cérémoniel. Tous les auteurs, maçonniques
ou autres, se montrent ici unanimes. C’est pourquoi il est si important
de ne pas réciter, ânonner même parfois hélas, un rituel car celui-
ci doit se vivre dans tous les atomes et toutes les dimensions qui
forment l’être et le mettent en rapport avec ce qui le dépasse.
Quel que soit son scénario, le mythe réactualisé par le Rite doit
comporter toujours trois niveaux : un niveau social, un niveau
cosmique (en rapport avec l’ensemble du monde créé) et un niveau
divin (en rapport avec le Principe).
Le Rite met donc en mouvement la science sacrée. Dans une
eurythmie, une harmonie, un équilibre source de joie et de délivrance.
Semblable à l’eurythmie du temple grec ou de la cathédrale, qui
allient si bien l’art visible de la construction et celui invisible du
rythme où le Logos joue le rôle de ciment divin. Paul Valéry chantait
ainsi les :
« Filles du Nombre d’or
Fortes des lois du ciel »
Alors que :
« Sur nous tombe et s’endort
Un dieu couleur de miel »
Un rituel doit se vivre dans tous les atomes et toutes les dimensions qui forment l’être et le
mettent en rapport avec ce qui le dépasse.
Le Sacrifice
d’Abraham,
Rembrandt,
1635, musée de
l’Ermitage
St Petersbourg.
Les mythes
Lévi-Strauss, étudiant les rites, met en lumière le lien qui relie les
actes de tradition et les récits mythiques. Par rapport à sa petite
histoire, l’homme cherche souvent un sens dans la grande Histoire
– sans l’y trouver, la plupart du temps. Le mythe ritualise l’une et
l’autre en les intégrant dans une continuité de sens où les schèmes
sociaux – les catégories qu’il conçoit pour lui-même et l’humanité
dans laquelle il s’inscrit – expliquent le monde, son évolution et la
raison pour laquelle il s’y trouve.
La Chute d’Icare
Rubens, 1636
C’est donc le mythe qui fonde le rite. Et nombreux sont ceux que
le REAA évoque, puisant abondamment dans la mythologie de la
Bible et dans la mythologie des croisades les supports à la démarche
de sens qu’il poursuit.
Étymologiquement, muthos désigne ce qui est muet ; et, par
dérivation, le mystère. Mais pourquoi le mystère, si le mythe doit
donner du sens ? Plutarque l’explique en soutenant que sous une
apparence obscure la vérité se manifeste par transparence. Il faut
donc en conclure que le mythe relève du langage (qui l’éclaire) –
puisqu’il est fondateur du verbe. Et comme le langage est constitué
de symboles qui l’expriment, c’est en déchiffrant la « symbolique de
la nature » que l’homme parviendra à déchiffrer le sens du monde –
et de sa propre nature.
En effet, il traduit ses pensées par le langage en utilisant des signes, des
mots et des attouchements. Comme l’écrit Changeux, « cette capacité
du cerveau à communiquer des intentions, des contextes, des cadres de pensée
par le langage, mais aussi par des gestes, des symboles et des rituels, me
paraît tout à fait fondamentale ». La « saturation symbolique » caractérise
donc le mythe, c’est pourquoi il est au cœur du rite. La conscience
engage un sens pour la vie : elle tire de ses « traces de mémoire » des
« schémas préexistants ». Et le mythe fournit l’explication dont l’esprit
a besoin pour justifier cette démarche.
pour l’homme qui fait les gestes, qui procèdent aux attouchements et
qui dit les mots qui ont fondé son histoire. Mettre en scène le mythe,
le répéter, c’est le ritualiser, le rendre à nouveau actif dans le temps
où il opère : celui de l’initiation. Un groupe se reconnaît en lui – celui
des Francs-maçons, par exemple. Il devient leur lien social. 1
Par l’apprentissage des enseignements que portent les mythes et
par la transmission des rites qui les établissent, dans ce « rapport
régulier » qui les unit, « leur valeur pédagogique traverse comme une flèche
d’intelligence les siècles qui les suivent ». En suscitant l’adhésion, leur
discours devient un discours de l’engagement.
Les types
Ces histoires sont évidemment animées par des personnages (eux-
mêmes mythiques), qualifiés d’« êtres surnaturels » (Mircéa Éliade),
de « grands initiés » (Édouard Schuré) ou de « conducteurs des
peuples » (Lénine) dans tous les cas, de bien grands titres pour
désigner simplement des « types d’hommes » pris pour modèles !
Ceux qui commémorent ou célèbrent
leurs actes se rendent contemporains
de leurs gestes (les « gesta » des héros et
des dieux dans la mythologie), dans
les temps et les lieux symboliques
où ils se sont produits. Réitérer leurs
exploits par des rites, c’est « revivre
ce temps-là » et « réapprendre leur leçon
créatrice. […] En somme, les mythes
révèlent que le monde, l’homme et la vie ont
une origine et une histoire surnaturelles, et
que cette histoire est significative, précieuse
et exemplaire ».
Cette histoire sacrée, parce qu’elle
sert d’archétype aux comportements
humains, est significative : elle modèle
les conduites sociales. Car il suffit de
les reproduire pour bien se comporter,
à l’instar des « types d’hommes » qui
les ont vécus au commencement des
temps. C’est ainsi que des personnages
testamentaires, Adam, Melchisédech,
La caravane d’Abraham,
Noé et ses enfants, puis d’autres
par James Tissot, vers 1900.
Jewish Museum, New York.
Les rites
Les mythes et les rites, en tant que « modèles divinisés » de la création
humaine, sont donc à l’origine de tout savoir. En renouvelant ces
paradigmes, l’homme devient à son tour créateur et centre de son
monde, à l’image de la création du monde par les dieux et les héros.
« Non seulement les mythes cosmogoniques portent le savoir sacré, mais
ils sont le seul moyen de sa transmission. » Cette sacralité se réfère à
des rituels qui rapprochent les hommes. Comment ? Le rite est un
« langage en acte », signifiant pour tous : le corps est un support de
re-présentation (par le regard, le mouvement, le toucher, la parole). Il
est présentation de soi sur le modèle de « l’homme-type » et du mythe
qu’il féconde. Il sacralise les gestes les plus courants de l’existence,
en leur conférant une valeur symbolique. La circumambulation
dans le temple n’exprime pas qu’une marche ; elle exprime aussi une
dé-marche.
Cassirer définit l’homme comme un « animal symbolique ». Dans
cette perspective, l’initiation est bien une cérémonie performative :
elle incite à l’action, elle induit une façon de vivre. Signifiante par les
symboles qu’elle emploie, elle fait sens. Elle fédère les initiés autour
des mêmes mythes, des mêmes types et des mêmes rites, renvoyant
à des valeurs communes. Elle est la voie d’une tradition qui nous
perpétue tant que nous la perpétuons ; car elle ne se maintient que si
nous la transmettons. n
Yggdrasil, l’arbre
cosmique, assure la
cohérence verticale des
mondes de la mythologie
nordique.
Peinture attribuée
à Oluf Olufsen Bagge.
À tous les solstices d’été et depuis 150 ans, la loge Golden Rule tient sa tenue au sommet
du Mont Owl’s Head. Cette illustration décore le hall d’entrée du temple maçonnique de la
Grande Loge du Québec. Photo prise par Déclic.
Bijou argent sur lequel sont représentés les principaux outils utilisés dans la symbolique
maçonnique. 1763, Musée de la Grande loge de France.
Pourquoi un rituel ?
Parmi les détracteurs de la Franc-maçonnerie, certains, profanes qui
n’en ont eu un aperçu qu’à la télévision ou en assistant à une tenue
« blanche », mais aussi initiés déçus qui quittent leur obédience à
peine devenus compagnon ou maître, dénoncent le caractère désuet
de nos cérémonies, estimant inutile le rituel qui préside à nos travaux.
On connaît au demeurant des obédiences qui ont allégé les pratiques
rituelles en les réduisant à une caricature, tandis que pour d’autres le
rituel se déroule sur une scène, devant des spectateurs. Quelles sont
les raisons qui conduisent les Francs-maçons de la Grande Loge de
France à rester intransigeants sur la pratique du rituel ? À se garder
de l’intégrisme qui absolutise tout comme du relativisme excessif qui
ne s’engage en rien ? Si la vie intérieure a ses codes et ses repères, elle
ne s’y enferme jamais.
Triptyque de la Dormition,
ivoire, vers 1330-1340,
Bibliothèque d’Amiens
Métroplole.
Il représente la légende
de la mort de la Vierge,
selon les textes de
Jacques de Voragine
et Vincent de Beauvais.
« Ainsi dans les rituels de constructeurs ce qui est invariable ce sont les signes,
mots et attouchements, la description des symboles et des rites dont, évidemment
et en premier, celui de l’initiation. Voilà donc l’essentiel du Rite : la transmission
ininterrompue de symboles agis (gestes), sonores (noms et mots sacrés), figurés
(décors, tableaux), autant d’éléments qui ne sont pas le fruit d’une élaboration
ou fabrication individuelle (solitaire ou collective) référée à une date précise
et attribuée à un homme, fût-il génial. En revanche, le commentaire et
les instructions héritées d’une époque, ou d’un groupe de compositeurs de
rituels marqués par l’entendement de leur temps, ne sauraient être considérés
comme représentant la Tradition des Constructeurs ne varietur. L’aspect
fondamental et invariable c’est la chaîne, verticale (origine immémoriale ou
divine) d’inspiration directe et dépourvue d’élaboration humaine (L’aspect
variable et contingent selon l’époque et le déroulement cyclique (mentalités,
concepts religieux, etc.) c’est la trame, horizontale, produit de la réflexion et
du travail intellectuel dans une tranche d’histoire. Ainsi relèvent de la chaîne :
l’architecture d’un ensemble graduel ou sacramentel et, bien entendu, les textes
tirés directement de l’Écriture sainte. Ces éléments n’ont rien d’individuels et
ne sauraient être confondus avec les paraphrases, instructions et commentaires
subjectifs qui transmettent le point de vue contingent d’une époque. »
Parmi ces rituels de constructeurs, les statuts Shaw, qui datent de
l’extrême fin du XVIe siècle, stipulent que les Apprentis entrés et les
Compagnons devaient connaître les réponses aux questions de leur
degré sans se tromper une seule fois, sous peine d’être punis.
On retrouve un catéchisme et une description sommaire des cérémonies
de réception à ces deux degrés dans les manuscrits Edimbourg, Sloane,
Dumfries, Chetwode Crawley, Graham, etc., qui datent de la fin du
XVIIe siècle et du début du XVIIIe siècle.
On a même retrouvé sur le registre des procès-verbaux, lui aussi
manuscrit, des tenues de la Loge spéculative de Haughfoot, au Sud-
Est de l’Écosse, les dernières lignes d’un aide-mémoire du rituel
d’initiation, rédigé au soir de la tenue du 22 décembre 1702.
Les premiers catéchismes imprimés datent de 1723, et sont donc
contemporains des Constitutions d’Anderson. A Mason’s Examination
comporte ainsi la description brève mais détaillée d’une cérémonie de
réception au grade d’Apprenti.
On doit citer ensuite le fameux Masonry dissected de Samuel Prichard,
qui date de 1730. Dans cet ouvrage, un initié raconte sous forme
de réponses à des questions le détail de ce qu’il a vécu lors de son
initiation. Les diverses cérémonies de trois grades y sont décrites pour
la première fois.
nous anime en esprit, le rite est fragile, il doit être protégé ; c’est la
raison pour laquelle il ne peut être exposé au regard des profanes et
doit être conservé dans un lieu sûr et sacré. Il ne peut être vécu que
de l’intérieur.
Le rite s’organise d’une part autour de cérémonies ordinaires et
périodiques, et d’autre part de cérémonies particulières dites de
passage.
Les unes constituent un facteur de continuité alors que les autres
concrétisent un changement d’état. Les premières sont ordonnancées
selon des cycles plus ou moins longs calqués sur le mouvement des
astres ; les secondes jalonnent le parcours initiatique d’un individu
en particulier et, à cette occasion, l’ensemble de la communauté à
laquelle il appartient revit les étapes déjà franchies avec un regard
sans cesse renouvelé.
Il s’agit de pratiques universelles qui répondent à une nécessité
première.
Les cérémonies périodiques (comme les offices religieux
hebdomadaires) ont pour vocation de renforcer le rapport au
Principe. Il s’agit d’entretenir un lien suffisamment étroit pour
maintenir l’adepte (ou le fidèle) dans l’éternel présent du temps sacré.
Immuabilité du rite.
avec le monde intelligible. La raison est mise hors circuit car c’est à
la part intuitive de l’Être que s’adresse le rite.
Pour être transmis dans sa pureté originelle, malgré l’imperfection
des passeurs, il est impératif que le rite conserve son immuabilité.
Chaque génération d’adepte peut ainsi retrouver le message initial,
même si tous, dans la chaîne de transmission, ne l’ont pas forcément
perçu dans toute sa dimension.
Les religions monothéistes ont repris des rites païens, les rites
maçonniques eux-mêmes sont de constitution composite ; les rites
se transmettent selon des courants qui affluent ou divergent mais
irriguent de façon continue l’esprit des hommes et tous proviennent
d’une source unique, considérée comme la Tradition primordiale.
spirituel, qui mérite tous leurs efforts, toute leur vigilance et toute
leur persévérance. Unis dans un même Idéal, quelle que soit leur
langue ou leurs habitudes profanes, ils se retrouvent dans des temples
tous semblables et partagent un rite identique sur toute la surface de
la planète. Ce Rite dans lequel ils se reconnaissent comme frères en
initiation leur permet de communier en esprit et de dépasser leur
condition individuelle. Émane alors de leur assemblée un esprit
commun, pacifié et serein, qui les relie au Principe, dans un temps
hors du temps, que certains nomment Éternité et qu’il convient de
qualifier de Sacré. n
Le Rite au-delà de
la mise en condition
psychologique
C’est aujourd’hui un lieu commun que d’attribuer à la pratique d’un
rituel un objectif de mise en condition psychologique. Sans nier cette
réalité, il faut airmer que la fonction du rituel est plus complexe, plus
profonde et plus ambiguë. Le rituel maçonnique œuvre sur tous les
plans à la fois et celui des afects n’est ni le seul, ni le plus important.
Cette action transversale autorise l’accès à un espace intérieur de
véritable spiritualité où paradoxalement, la contrainte enfante la
liberté et le dépouillement se révèle richesse.
Guide sur la vie après la mort pour le gardien de la propriété de la déesse Mout Sesech
Papyrus Égyptien
La loge et son cérémonial sont là pour mettre en pleine conscience la synthèse des
traditions. Plan de loge (Rituel du Premier Degré du R.E.A.A., G.L.D.F.)
Ce choix fut déjà celui des sociétés antiques et il est celui de toutes les
sociétés initiatiques traditionnelles en général. Le symbole ne relève
pas du discours, de l’analyse ou du concept, il traduit une prise de
conscience globale, une vision synthétique du monde. Cette vision
nécessite d’être vécue et non pas traduite par un discours ; jamais la
Connaissance,
partie d’un
monument au
maharajah de
Mysore (État du
Karnataka, Inde).
L’univers maçonnique est divers dans ses obédiences, dans ses rites
comme dans les motivations initiales des candidats qui sollicitent
leur admission.
Mais au Rite Écossais Ancien et Accepté, tel qu’il est pratiqué à la
GLDF, il n’y a qu’une seule justification à l’entrée en maçonnerie :
le désir du postulant de s’élever spirituellement parce qu’il a pris
conscience d’être dans les ténèbres et de désirer la Lumière.
La Conscience,
Lionel Le Falher.
Temps profane
temps sacré
En ce temps là… Il était une fois… Le temps est la grande afaire des
mythes et des rites qui les réactualisent. S’il est « la patience de Dieu »,
c’est aussi le grand ennemi des hommes qui s’obstinent à tenter de
saisir ce qui est indéinissable. Dans ce domaine la science côtoie
la cosmologie, la métaphysique et la poésie et les réponses qu’elle
apporte ne sont que d’autres questions. Pourtant l’éternel, l’immuable
est là, tout près… Ne serait-ce pas le temps immobile du Rite ?
grande, on doit donc être capable de faire demi-tour. Il n’en est pas
de même pour le temps « réel » : d’où vient cette différence entre le
passé et le futur ? Pourquoi nous souvenons-nous du passé, et non
du futur ? Mais avec Hume et Newton, le rationalisme classique
et l’empirisme factuel, ont progressivement exclu l’imaginaire des
procédures intellectuelles, le reléguant avec le fantasme, le rêve ou
le délire.
Candide : mais enin, peut-on remonter le temps ? Y a-t-il une
réversibilité de la lèche du temps cosmique ?
Le savant physicien : Cela n’est pas possible dans le monde physique,
à cause du Second Principe de la Thermodynamique de Carnot : le
rougeoiement du charbon qui brûle sans retour dans les chaudières
indique bien qu’aucune machine ne restituera au monde le charbon
qu’elle a dévoré ! L’impossibilité d’un recours au passé est en effet une
des marques principales, et sans doute la plus tragique, de la détresse
ordinaire de l’homme confronté à une situation catastrophique.
J’ajouterai simplement que selon certains astrophysiciens il serait
possible de remonter le temps si l’univers se contractait (Big Crunch)
au lieu de se dilater, ou bien était dans un trou noir ou à travers des
« trous de ver » ! Je souhaite bonne chance à ces aventuriers d’un
voyage sans retour !
Candide : Espace-temps physique, thermodynamique
psychologique, puisque nous nous intéressons à l’espace-temps
sacré, ou se situerait le domaine de la pensée ? Y a-t-il un autre
univers qui nous échappe ?
Le savant extraverti : exactement ! Un autre univers que celui que
nous connaissons habituellement ! Et pour cela, il faut faire un peu
de physique. En termes d’espace-temps, et d’après les conceptions
présentées par Régis Dutheil, il y aurait deux univers :
- Notre univers « sous-lumineux », décrit par la théorie de la
relativité et la fameuse équation E = mc², celui des particules sous-
lumineuses, dans lequel nous ne pouvons pas aller plus vite que la
vitesse de la lumière. L’apport essentiel d’Einstein tient en ce qu’il a
balayé le caractère absolu de l’espace et du temps : le véritable cadre
de la relativité, c’est l’espace-temps à quatre dimensions, et qu’on ne
peut pas séparer l’espace et le temps. Sur le plan philosophique, la
relativité a donc une importance énorme : elle détruit les concepts de
temps et d’espace, ébranle les fondements de la réalité de l’univers
classique !
des Dieux… celle par laquelle seuls peuvent passer les hommes qui
ont été capables de dominer leur agitation et leurs passions ! Par cet
intervalle qui contient et annihile en lui-même toute la succession
temporelle, demeure l’instant, seule réalité. Il n’existe pas d’autre
passage, par cette voie étroite, que ce point pour accéder au Royaume
qui est à l’intérieur de nous… L’instant unit le passé au futur, en les
fusionnant dans le présent éternel qui absorbe toute discontinuité,
toute opposition, en vérité tout se résout ici et maintenant…
Candide : alors que conclure ?
Le savant réenchanté : conclure, mais quoi ? Par l’observation de
l’Univers et de l’Homme, le « réenchantement du monde » auquel nous
assistons, selon l’expression de B. d’Espagnat, est fondé à la fois sur
le fait que l’Univers est beaucoup plus subtil et complexe que prévu,
et que l’homme ne se résume pas à un assemblage de molécules !
Nous, Francs -maçons de Rite Écossais Ancien et Accepté, que
faisons-nous dans le Temple ? Lorsqu’il est Midi Plein, le Soleil
est au zénith, le Temps et le Sans Temps perdent leur tension
d’opposés : nous sommes dans le monde sacré… Alors, pourquoi ne
pas imaginer que cet espace-temps sacré serait cet univers quantique
en nous, loin des soucis de la vie matérielle, dans le vaste domaine
de la pensée ? Lorsque le Maître de Loge clôt les travaux, l’adepte est
convié, en retournant dans le monde profane, à achever au dehors
l’œuvre commencée dans le Temple, et donc à réintégrer ce « temps
profane » : un aspect essentiel de cette phrase du rituel serait peut-
être de rappeler que le Temps sacré est le Temps véritable, le seul
réel !
J’aime beaucoup cette image proposée par Michel Meunier : le
maçon travaille de midi à minuit, dans cet espace-temps sacré qu’est
le Temple : si l’on regarde la pendule, témoin du temps physique, les
deux aiguilles se rejoignent et coïncident : la dualité devient unité et,
comme dans l’Apocalypse de Jean : « il n’y a plus de temps ! »
Rien n’est. Tout est passé. Reste le Tout possible. n
« Fault toujours aider aux hommes que l’on cognoist avoie pauvrete... »
Beaulieu, 1599.
de cohérence et de sens. Elle est aussi perte de lien social… » (Mythes, rites,
symboles dans la société contemporaine).
La franc-maçonnerie écossaise est un ordre séculier qui applique
la règle reçue en dépôt aux réalités du présent. En ces temps de
confusion qui génèrent tribalismes et barbaries, elle répète cette
vérité sans âge que la cohérence du monde prend sa source dans
l’homme… L’homme seul, qui dit non aux facilités cyniques de la
disparition du sens… L’homme seul qui a compris que le premier
combat est celui qu’il mène contre lui-même et contre les pesanteurs
qui tentent de le réduire à un objet perdu dans la multitude.
Le Rite, le Maître.
Ma comparaison avec les voies orientales débouche pourtant sur une
différence de taille qui est aussi une difficulté. Les communautés
spirituelles, les ashrams, les fraternités regroupent les adeptes autour
d’un Maître. Si la loge maçonnique est composée de nombreux
maîtres, aucun d’eux n’est le Maître… La Voie du Rite possède cette
particularité de concevoir le Maître, le Guide de façon originale. Aux
multiples questionnements des apprentis, les maîtres expérimentés
apporteront leurs réponses, argumentées, historiquement fondées,
cependant toujours partielles. Leur souci sera surtout de renvoyer
les questions à leurs auteurs, de les inviter à une réflexion sur les
éléments symboliques en puissance de réponse. Le seul Maître est
constitué par l’ensemble qui constitue le Rite. Pas le Rite figé dans
des cahiers mais le Rite en action dans la loge, le Rite opérant en
chaque frère… Le Rite incarné, qui, s’emparant des corps transforme
le cœur. En espérant un perfectionnement sensible tout au long de la
vie de l’initié, la franc-maçonnerie écossaise restaure la dignité qui
se décline en liberté, égalité, fraternité. L’enjeu fondamental réside
dans ce projet qui, déjà, transforme le présent de chacun.
L’ambition de cette espérance ne doit pas devenir une prétention
hypertrophique. La sagesse du Rite en prévient les effets dans
d’autres degrés. Les faits ramènent toujours à une humilité qui reste
la compagne de l’initié. « Celui qui se dresse sur la pointe des pieds ne
peut se tenir debout » constate le Tao Te King. Comme l’inspiration
pour l’artiste, la lumière est une expérience intérieure dont on ne
peut faire partager que les effets. Elle brille comme une signature
sur les visages des frères que le silence réunit, tout comme brûle avec
une humble obstination la bougie, symbole de Lumière Éternelle,
sur le plateau du Vénérable Maître. n
il est bien normal qu’un rituel qui doit rassembler tous les Frères
puisse être modifié par eux tous, non ? Quant aux variations que
peuvent apporter les Loges, elles sont mineures et constituent, disent
leurs membres, le lien de la loge ; uniformiser serait détruire une
identité ; d’ailleurs, les petites différences entre les ateliers font le sel
des visites, n’est-ce pas ?
Voilà quelques-uns des arguments qu’avancent
les uns et les autres ; il y en a davantage et
les discussions sont aussi nombreuses que…
discutables ! Que penser de tout ça ?
Commençons par une évidence : un rituel fait
partie d’un Rite et celui-ci comprend plusieurs
rituels. Ainsi, le Rite Écossais Ancien et
Accepté en comporte trente-trois et tous les
Rites maçonniques en comptent au moins
trois, correspondant aux grades d’Apprenti,
de Compagnon et de Maître. Par conséquent,
modifier un rituel n’est pas forcément altérer
le Rite. De plus, le rituel, quel qu’il soit, sert
à accompagner le cheminement intérieur
qui permet de passer du profane au sacré et
de retrouver en soi les valeurs fondatrices de
l’Homme. Tous les rituels ont cette fonction et
seule ma sensibilité ou mes habitudes me font
L’Arbre de la Cabbale,1985,
Davide Tonato. préférer tel rite à tel autre, car tous utilisent
les mêmes outils – les symboles et les mythes
– et me conduisent pareillement, à condition que j’accepte de m’y
abandonner, à mon ésotérisme intérieur.
Distinguons ici pensée mythique et pensée ésotérique. Alors que dans
les sociétés primitives les mythes servaient à fournir une explication
aux phénomènes naturels, ou à les réduire à des comportements
humains afin de les dominer, dans nos sociétés occidentales la
« pensée mythique » consiste à statufier des personnages ou des
événements, à en faire des modèles ou des images figées, objets de
respect, voire de vénération collective. Il s’agit, ni plus ni moins,
que de création d’idoles. On les voit portées par un unanimisme
momentané qui aurait enchanté Jules Romain : des sondages
désignent « la personnalité préférée des Français », le tsunami
suscite une émotion dont on ne se dédouane que par la générosité,
le « mondial » fédère une nation qui se déchire par ailleurs, etc. Si
la pensée mythique me soumet à l’idéologie commune, la pensée
L’expression du rituel
Il est clair qu’aujourd’hui cette transmission initiatique porte moins
sur le premier aspect, le contenu, que le livre et Internet ont rendu
accessible à tous, initiés ou pas, que sur le second, l’intonation et
la gestuelle qui accompagnent ou, plutôt, qui soutiennent cette
transmission et lui donnent son sens. Ainsi « l’expression », ce que
d’aucuns appellent la mise en scène du rituel, constitue la véritable
dimension de son actualisation. On sait que les rituels sont mortels : il
en a été ainsi de ceux des pythagoriciens, des orphiques ou d’Eleusis,
par exemple. Ce qui les maintient en vie, c’est la pratique vivifiante.
Mais attention : il ne s’agit pas d’une « mise en fonctionnement de la
langue par un acte individuel d’utilisation » selon la définition que le
linguiste Émile Benveniste donnait à l’énonciation ; non, il ne s’agit
en aucune façon de produire des signes personnels ou théâtraux
manifestant, révélant ou trahissant des émotions, des sentiments
et des intentions ; jouer le rituel, faire des effets de manche, le
corromprait inéluctablement. Car l’« expression » du rituel n’est pas
un acte individuel, mais un acte traditionnel dans lequel chacun est
le vecteur d’une approche collective immémoriale. Chacun, et pas
seulement le Vénérable, car tous les initiés présents en Loge « portent »
le rituel avec lui, ils le « créent » par leur attention, en se laissant
habiter par la magie qui s’en dégage et, à ce titre, contribuent à ce
qu’une cérémonie devienne initiatique et non pas touristique. Celui
qui transmet n’est, en effet, qu’un passeur qui permet à la Tradition
d’exister en l’actualisant. Dans cette perspective, l’expression du rituel
consiste à le rendre présent hic et nunc, ici et maintenant, présence
émerveillée qui fait se rejoindre les deux bouts de la chaîne du temps
initiatique, le temps immédiat et le temps infini qui confluent de midi
à minuit, insérant l’initié dans l’humanité tout entière rassemblée
dans l’éternité de son être.
Manuscrit Regius
(ou Halliwell,
du nom de son
découvreur), 1399.
Cet état de fraîcheur est dû au simple fait qu’il n’a quasiment jamais
été feuilleté. Ceux qui s’y référaient le connaissaient par cœur, grâce
aux astuces mnémotechniques de sa versification ; en cas de doute, on
savait qu’il était là. L’art de la mémoire, très en vogue à la fin de la
Renaissance, a joué un grand rôle dans la transmission des traditions
maçonniques. Les Statuts Schaw (1599) estiment que cette science
doit être parfaitement maîtrisée par ceux qui souhaitent devenir
« compagnons du métier ». On retrouve cette tradition orale dans les
maçonneries anglo-saxonnes où les longues exhortations récitées par
cœur ressortissent parfois du domaine de l’exploit mais permettent à
celui qui les prononce d’assimiler le sens du rituel d’une façon profonde
et intime. D’autres influences de cette tradition orale sont nettement
visibles dans la transmission des mots de passe et des mots sacrés des
différents degrés, ainsi que dans la pédagogie des « catéchismes » qui
proposent des questions/réponses à décliner par cœur.
Il est cependant frappant de constater que dès sa fondation, la
Franc-maçonnerie spéculative moderne a accordé une importance
capitale à la conservation de documents écrits : constitutions,
règlements, patentes accordées aux loges, diplômes décernés aux
maîtres… Les rituels n’y ont pas échappé alors que de tout temps il
a été interdit de les tracer, écrire, buriner, graver ou sculpter ou de
les reproduire de quelque façon que ce soit. Ce besoin de support
écrit peut s’expliquer par la volonté de justification, de légitimation,
d’assurance d’inaltérabilité de la tradition, dont la transmission
risquait de souffrir d’ignorance, d’oubli, de négligence, ou de dérives
moins innocentes.
Pour contourner l’interdit de transcription écrite des rituels,
on voit apparaître très tôt des « divulgations », petits livres
imprimés présentés comme
antimaçonniques qui, sous
prétexte de révéler les secrets
des Francs-maçons, diffusent
et « normalisent » les tableaux
de loges, les « catéchismes »
et les descriptions des phases
de la cérémonie d’initiation :
« Réception d’un frey-maçon »
(1737), « L’Ordre des Francs-
maçons trahi et le secret des
Mopses révélé » (1745), « Le
Sceau rompu » (1745).
qu’en celles d’un Frère. En foi de quoi j’ai signé le présent pour ma
justification ou ma confusion. »
Rituel manuscrit aquarellé du Duc de Chartres, 1784. Rituel d’Apprentisse (sic). Au premier
degré du Rite d’Adoption, le tableau de loge représente la tour de Babel, l’échelle de
Jacob et l’arche de Noé.
des hauts grades. Suivent ensuite trois grades d’élus, deux grades
d’architecte puis trois grades, parmi les plus anciens : Chevalier
d’Orient : 11e, Noachite ou Chevalier Prussien, 12e et Rose + Croix
13e, qui s’inspire de textes plus anciens mais qui est en fait, ici, un
grade terminal. C’est ce genre de rituel qui inspirera les rédacteurs
du Régulateur du Maçon le premier rituel imprimé largement diffusé,
qui fixera les trois premiers degrés du rite français. Le Guide de maçon
écossais, lui, sera publié vers 1810.
Rituel manuscrit aquarellé du Duc de Chartres, 1784. Tableau de loge et rituel d’apprenti.
Rituel manuscrit aquarellé d’apprenti du Rite Écossais Ancien et Accepté, circa 1830.
Louis Trébuchet
place Sagesse, Force et Beauté suivant le rite ancien, mais utilise les
mots du rite moderne, le rituel du marquis de Gages, 1763, comme
le rituel de la Loge La Française à Bordeaux en 1767, utilise les mots
et la position des officiers des moderne mais la disposition ancienne
des trois piliers, ainsi qu’une circulation du mot qui rappelle celle du
manuscrit écossais d’Edinburgh de 1686, alors que la Parfaite Union
de Namur travaille au rite ancien.
À compter de 1804, le R.E.A.A. a en Europe un rituel du premier
degré unifié. Quatre documents extrêmement similaires le décrivent.
Le Guide des maçons écossais, qui précise les trois premiers degrés
symboliques, circule sous forme manuscrite à partir des années
1810 et est imprimé aux alentours de 1821. Le manuscrit Kloss
XXVII de la bibliothèque de la Grande Loge des Pays Bas, rédigé
vraisemblablement entre 1805 et 1810, détaille l’ensemble du rite du
premier au trente-troisième degré. Le rituel manuscrit du premier
degré de la loge La Triple Unité Écossaise découvert récemment
par Pierre Noël dans la bibliothèque du Suprême Conseil pour la
Belgique, qui porte le sceau de la Grande Loge Générale Écossaise
et la date de 1804, reçoit le néophyte « sous les auspices de la Grande
Métropole d’Heredom sous le Régime Écossais réuni au G.O. de France »,
ce qui le situe après le 5 décembre 1804. Enfin un rituel du premier
degré appartenant à la collection de Claude Gagne semble le plus
ancien, mais de quelques semaines tout au plus, puisque la mention
manuscrite « au nom et sous les auspices de la très sérénissime Gde Loge Gle
écossaise de France » a été à moitié effacée et surchargée d’une écriture
différente par « au nom du Sérénissime G. Mre., sous les auspices du G.O.
de France ». Il a donc été écrit initialement pendant les quarante-cinq
jours d’existence de la Grande Loge Générale Écossaise, entre le
27 octobre et le 5 décembre 1804.
Initiation et instruction de
l’apprenti
En lisant le rituel détaillé de
l’initiation au premier degré,
on est surpris de constater à
quel point notre rituel actuel
en est resté très proche, dans
la succession des événements
aussi bien que dans la plupart
des formulations importantes.
« Comment a-t-il osé espérer y parvenir ? Il est libre et de bonnes
mœurs ». Certaines différences sont cependant significatives : là où
actuellement nous parlons de « l’outillage rationnel » à cette époque on
demandait au candidat s’il mettait sa confiance en Dieu, s’il croyait
en un Être Suprême, et on l’associait à une prière. L’exposition de
la proclamation du Convent de Lausanne et de sa signification est
venue remplacer un ensemble
de questions et réponses
concernant le vice, la vertu et
les devoirs du maçon, dont
plusieurs expressions nous sont
cependant restées : « c’est pour
jeter un frein salutaire sur l’élan
impétueux de la cupidité : c’est
pour nous élever au-dessus des vils
intérêts qui tourmentent la foule
profane… ». Le versement du
sang, le marquage au fer ont
disparu, les quatre éléments
sont venus agrémenter la
chambre de réflexion et les trois
voyages, mais toute la structure
de l’initiation est restée dans
Jean Schollaert
La construction du temple
Désert jordanien.
Petra, Jordanie.
Franck Martin
Gardien du temple
Gardien du temple,
Statue située à l’entrée d’un temple bouddhiste à Bangkok, Thaïlande.
Le temple est par nature un lieu fermé dont les murs épais repoussent
les courants telluriques qui retiennent dans leurs mailles le monde du
vivant. Il recrée ainsi un univers propice au passage du plan terrestre
aux dimensions verticales qui s’ouvrent vers le ciel. De savantes
ouvertures pratiquées dans son enceinte, rendent vivant l’édifice,
autorisant la respiration de l’ouvrage de pierre que l’on conduit à la
vie, comme on ouvrirait ses chakras.
Car le temple ne peut rester clos comme un tombeau.
Le temple est un hymne à la vie et la vie est circulation, mouvement,
passage, ouverture, transformation, mutation, impermanence de
tout état et de toute chose…
Maquette du temple
d’Hérode,
Musée d’Israel.
Le Cabinet de Réflexion