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Les commères par David-Olivier Defarges

2 personnages : (2F) Madame Mouchard. Madame Bigotine. Durée 5 minutes.

Mobilier et accessoires : 1 valise, 1 sac à provisions.

Situation : Madame Bigotine une valise à la main croise par hasard Madame Mouchard qui va au
marché avec son sac à provisions.

MOUCHARD : Madame Bigotine, vous ne savez pas la meilleure... Je vous le donne en mille !

BIGOTINE : Ben non... Madame Mouchard !

MOUCHARD : Il est de retour ! Et la queue entre les jambes, ça je peux vous le dire !
Je viens de le croiser à l'instant !

BIGOTINE : Mais qui ?

MOUCHARD : Le père Pointard, pardi ! C'est sa femme qui va être contente !

BIGOTINE : Ah... ! Alors, il n'est plus avec sa...

MOUCHARD : Sa jeunette ! Vous pouvez le dire... N'ayons pas peur des mots !

BIGOTINE : Comme vous dites ! Aller chercher une petite jeune ! Comme si sa femme ne lui
suffisait pas ! Que Dieu m'en préserve ! Il ne l'a pas volé !
C'est comme la fille Pétronille...

MOUCHARD : Ne m'en parlez pas ! Elle sait de qui tenir ! Ne dit-on pas : «Telle mère telle fille !»
Et qu'a-t-elle encore fait cette délurée ?

BIGOTINE : Il paraît qu'elle fréquente... A son âge ! Où allons-nous ?

MOUCHARD : Déjà, à 20 ans ? Mais dans quel monde vivons-nous ?

BIGOTINE : Moi, à son âge j'étais enfant de chœur et membre active du club de tricot !

MOUCHARD : Et moi donc ! Mais de notre temps c'était autre chose Madame Bigotine !

BIGOTINE : A qui le dites-vous Madame Mouchard ? (Elle regarde au loin) Ce n'est pas la mère
Moissac là-bas ? Qui sort de l'épicerie ?

MOUCHARD : (Elle regarde également) Si, si, c'est bien elle qui monte sur son vélo !
Et j'imagine que les sacoches doivent être bien garnies...

BIGOTINE : Ah bon ! Vous croyez...

MOUCHARD : (Plus bas) Oui, à cause de sa maladie !

BIGOTINE : (Compatissante) Je ne savais pas qu'elle était souffrante !


MOUCHARD : (Elle joint le geste à la parole) Pensez-vous ! Elle picole ! Et de la Vodka en plus !
C'est l'amie d'une amie qui me l'a dit !

BIGOTINE : Remarquez, il faut la comprendre la pauvre ! Vu ce qu'elle a à la maison...

MOUCHARD : C'est sûr ! Avec son mari ! Et quel mari !

BIGOTINE : Il la trompe c'est certain !

MOUCHARD : Et s'il n'y avait que ça... Je me suis laissé dire qu'il y avait aussi des choses un peu
louches ! Si vous voyez ce que je veux dire...

BIGOTINE : (Outrée) Que Dieu m'en préserve ! Vous en êtes certaine Madame Mouchard ?

MOUCHARD : Oui, c'est l'amie d'une amie qui me l'a dit !

BIGOTINE : Et tout ça chez nous à nos portes ! A quelle époque vivons-nous ?


Je vous le demande ?

MOUCHARD : Au fait, Madame Jouflu est au régime !

BIGOTINE : Ah bon ? Parce que ça ne se voit pas ! (Rires)

MOUCHARD : Figurez-vous que l'autre jour, j'étais derrière elle à la pharmacie et que bien malgré
moi, je l'ai entendu commander des compléments alimentaires ! Ça reste entre nous !

BIGOTINE : Si elle est vraiment au régime, ça va faire une sacrée perte de chiffre d'affaire pour la
pâtisserie !

MOUCHARD : En parlant de pâtisseries Madame Bigotine, vous n'avez rien remarqué ?

BIGOTINE : Oui, au fait, elle est fermée cette semaine !

MOUCHARD : J'imagine que comme tous les ans, le père Painsec est parti au Maroc avec son
épouse...

BIGOTINE : Eh bien non ! Puisque Madame est toujours là ! Ça reste entre nous !

MOUCHARD : Vous êtes sûre ? Il y aurait de l'eau dans le gaz ?

BIGOTINE : Ils habitent en face de chez ma nièce ! Alors pensez-vous...


Et le pressing est fermé... également... comme par hasard...

MOUCHARD : Vous voulez dire qu'il a filé avec la mère Ferblan ?

BIGOTINE : Oh, ne me faite pas dire ce que je n'ai pas dit ! Mais plus d'une fois on l'a vu ressortir
de chez elle avec de la buée sur les carreaux...

MOUCHARD : Et ce n'est pas une vapoteuse ! Il se la « zlatane », j'en suis sûre !


(Madame Bigotine est interrogative)
MOUCHARD : (Triomphante) Oui, ce sont des nouveaux mots !

BIGOTINE : (Revancharde) Oui mais à sa décharge, il faut dire que la mère Ferblan est plutôt
« bankable » (Madame Mouchard est à son tour interrogative ) Oui, c'est un nouveau mot !

MOUCHARD : Ce n'est pas la mère Troident là-bas ?

BIGOTINE : Si ! Que Dieu m'en préserve ! Je ne peux pas la voir ! Quelle pipelette celle-là !

MOUCHARD : Pour tout vous avouer, moi non plus ! Une vraie langue de vipère !
Je m'en voudrais d'être comme ça !

BIGOTINE : Et moi donc !

MOUCHARD : Elle devrait pourtant faire profil bas...

BIGOTINE : Pourquoi ?

MOUCHARD : Il paraît que son mari tape dans la caisse ! Et pas qu'un peu !

BIGOTINE : Ah bon ? Vous m'étonnez...

MOUCHARD : Je ne peux pas l'affirmer bien sûr ! Mais comment expliquez-vous qu'ils roulent en
voiture neuve ? Surtout avec le salaire d'ouvrier de son mari ...
L'affaire ne s'est pas ébruitée mais c'est l'amie d'une amie qui me l'a dit ! Ça reste entre nous !

BIGOTINE : C'est donc pour ça qu'il y a du rififi à la gendarmerie en ce moment !

MOUCHARD : Vous croyez...

BIGOTINE : Si, puisque je vous le dis ! Mon cousin et l'adjudant chef Colvert sont voisins !
Et ça parle le soir à l'apéro ! Vous vous en doutez bien !
A quelle époque vivons-nous ? Je vous le demande ?

MOUCHARD : A propos, vous avez appris pour la fille Serpento... Elle se lance dans le cinéma !
A ce qu'on dit !

BIGOTINE : Oui, un beau brin de fille... Pas comme son père...

MOUCHARD : Remarquez, on connaît toujours la mère, pour le père... (Rires)

BIGOTINE : Quelle horreur ! Que Dieu m'en préserve !

MOUCHARD : Sans parler de la drogue... Bon c'est pas le tout, mais il va falloir que je vous
laisse ! J'ai les courses à faire !

BIGOTINE : (Gênée) Je comprends ! Madame Mouchard, je peux vous confier un secret ?

MOUCHARD : (Intriguée) Mais bien entendu Madame Bigotine ! Vous savez bien que vous
pouvez compter sur ma discrétion ! Ça reste entre nous !
BIGOTINE : Je me rends à la gare pour un petit voyage forcé dans ma famille.
Je serai absente quelques jours !

MOUCHARD : Je comprends, je resterai muette comme une tombe ! Au revoir Madame Bigotine !

BIGOTINE : Au revoir Madame Mouchard... et merci !

(Madame Bigotine quitte la scène en traînant sa valise)

MOUCHARD : (S'adressant à une personne au loin) Madame Troident, vous ne savez pas la
meilleure... Je vous le donne en mille ! C'est la mère Bigotine, elle quitte son mari..
pour un petit jeune !
J'ai toujours su que c'était une cougar la mère Bigotine, elle cachait bien son jeu !
Et elle a pris soin de vider le compte en banque avant de filer ! Vous pensez bien...
Bien sûr, ça reste entre nous !

LE RIDEAU SE BAISSE

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