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Pierre Ponant

Les origines de la direction artistique


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ÉDITO
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VÉRONIQUE VIENNE Robert - p. 3 Édito - Yves Robert - p. 3
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ÉTAT DES LIEUX DE LA DIRECTION Robert - p. 3 Édito - Yves Robert - p. 3


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ARTISTIQUE EN FRANCE Édito - Yves Robert - p. 3 Édito - Yves
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Angelo Cirimele - La direction artistique à l'heure du digital


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Francesco Franchi - Être directeur artistique dans un journal
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LES AUTEURS
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OURS
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ÉDITO
Cette nouvelle édition de Graphisme en France aborde la question
de la direction artistique dans la presse et les magazines. Vaste domaine
décrypté et commenté par plusieurs auteurs qui nous éclairent chacun
à sa manière sur son histoire, ses pratiques et ses perspectives.

Véronique Vienne, directrice artistique et auteur, a recueilli un ensemble


de témoignages de directeurs artistiques en France et à l’étranger
et propose un panorama de leurs pratiques, questionnements et
interrogations. Angelo Cirimele, directeur de publication de Magazine,
revient sur les enjeux et le développement du numérique dans ce domaine.
Francesco Franchi, directeur artistique et auteur, présente l’organisation
du travail des directeurs artistiques dans le contexte des rédactions,
au regard des mutations induites notamment par les outils numériques.
Pierre Ponant, auteur et enseignant, revient sur l’histoire de deux
magazines qui ont été fondateurs de la direction artistique d’aujourd’hui.

Le design graphique de ce numéro a été confié à Juliette Goiffon


et à Charles Beauté du studio Ultragramme qu’ils ont cofondé en
septembre 2014. Leur pratique oscille entre les travaux de commandes
et les projets artistiques et installations qui interrogent le statut
de l’image et de ses représentations. S’appuyant sur l’utilisation
de trois caractères typographiques dont les rôles permutent au fil
des articles, ils ont donné à la succession des contributions un rythme
particulier. À travers leurs choix de papiers, de types d’impression
et de mises en pages, ils jouent avec les codes de la direction artistique
et proposent un objet volontairement versatile.

Le calendrier des événements est, cette année encore, très fourni. Il montre
à quel point la diffusion du design graphique en France s’appuie sur
des initiatives remarquables et sur un réseau très dense. La reconnaissance
de ce domaine a cependant besoin d’un élan toujours plus important
afin de consolider les efforts déjà engagés. Le Centre national des arts
plastiques est toujours aux côtés de l’ensemble des protagonistes du
design graphique afin de transmettre à un public toujours plus large des
informations qui permettent de mieux connaître ces pratiques et d’affirmer
sa position auprès des auteurs, des diffuseurs et des lieux de formation.

À cet effet, le site www.cnap.graphismeenfrance.fr constitue


une véritable plateforme d’information dédiée au design graphique
en France, sur laquelle de nombreuses ressources sont disponibles.

Yves Robert,
directeur du Centre national des arts plastiques
Pierre Ponant

les origines
de la direction
artistique
6 Graphisme en France
les origines de la direction artistique 7

Le concept de direction artistique


s’inscrit dès le début du xxe siècle dans
la relation art et industrie.

Le contexte d’une nouvelle économie de – notamment les rotatives effectuant d’im- devenant progressivement la bande des-
marché, conséquente à la révolution indus- portants tirages en peu de temps – qui sinée. Pour la réalisation de leur Comic’s
trielle du siècle précédent, provoque une permettent par ailleurs une meilleure Section hebdomadaire, le San Francisco
forte concurrence entre les entreprises insertion et reproduction de l’image. Examiner, le New York Journal ou le New
émergentes. La recherche d’une identi- À partir de 1900, la naissance des grandes York World, entre autres, s’arrachent les
fication immédiate de ces dernières et agences de presse – qui délivrent une in- dessinateurs les plus inventifs : Richard
la communication sur les objets qu’elles formation textuelle et visuelle de meilleure Felton Outcault, James Swinnerton,
produisent créent les conditions de nou- qualité aux journaux ne disposant pas Frederick Burr Opper ou Winsor McCay.
velles collaborations avec le monde de de réseau national ou international de Ceux-ci créent et élaborent de nouveaux
l’art. Architectes, designers, affichistes, correspondants –, devient un enjeu cru- codes linguistiques et narratifs, livrant au
typographes participent dès lors à la créa- cial pour les groupes de presse en pleine lecteur de véritables scènes audiovisuelles
tion de l’image des marques. Une nouvelle sur le papier, alors même que se développe
fonction d’un artiste en phase avec les le cinéma annonçant les prémices d’une
technologies de son temps et les proces- société du divertissement. En Europe, la
sus d’une certaine « mécanisation » de la presse illustrée trouve aussi son lectorat,
forme apparaît sous le concept de direction de plus en plus assidu à la nouveauté, dans
artistique. Si l’intitulé de directeur artis- tous les domaines, du plus « frivole » au
tique n’est pas encore en usage au sein de plus politique et contestataire. La presse
l’entreprise, certains artistes vont rapide- illustrée permet à une génération d’artistes
ment l’affirmer. C’est notamment le cas de de subvenir à ses besoins : de Van Dongen
l’allemand Peter Berhens, engagé comme à Picasso, de Toulouse-Lautrec à František
architecte et graphiste par la firme AEG Kupka, de Félix Vallotton à Jacques Villon,
en 1907. La première exposition mettant tous ont livré plus ou moins régulièrement
en scène la qualité artistique de certaines des dessins aux journaux. Néanmoins,
publicités, organisée en 1908 à New York cette presse n’offre pas de vision gra-
par le publicitaire Earnest Elmo Calkins, phique globale et laisse le lecteur face à
y contribue aussi. C’est de cette initiative un assemblage éclectique d’images. Seuls
que naît quelques années plus tard, en quelques supports, plus en phase avec les
1920, le fameux Art Directors Club (le Club courants de l’Art nouveau en France, du
des directeurs artistiques) de New York. L’Assiette au beurre, 2 janvier 1904. « Dressage », Jugendstil en Allemagne ou de la Sécession
numéro entièrement illustré par
Gustave Henry Jossot.
à Vienne, comme Cocorico, Jugend ou Ver
1900, une industrie graphique Sacrum, offrent un rapport texte-image
en pleine mutation expansion. La maîtrise de l’information et d’une certaine cohérence graphique. Les
de sa diffusion auprès des médias génère contestataires L’Assiette au beurre ou
Les industries graphiques et de la com- une véritable guerre économique, par- Simplicissimus livrent eux aussi des suites
munication, cumulant les savoir-faire de ticulièrement aux États-Unis où Joseph d’images selon des thématiques d’actualité.
l’imprimerie, du journalisme, du graphisme Pulitzer et William Randolph Hearst La prégnance de la photographie, à partir
et de la photographie, deviennent les fers s’affrontent à travers les inventions de de 1914 et du conflit mondial, bouleverse
de lance de nouveaux positionnements et leur presse quotidienne et périodique. Là, le secteur et provoque la refonte de la
font du directeur artistique un modèle. Au l’image et les artistes illustrateurs jouent presse illustrée. Les journaux de mode, tout
tournant du siècle, le secteur de la presse un rôle prépondérant, et spécialement comme la presse périodique d’actualité,
est en pleine ébullition grâce à l’inven- les auteurs d’une nouvelle forme de récit vont opérer les changements structurels
tion de nouvelles techniques d’impression venue d’Europe, les histoires en images les plus novateurs.
8

Vogue, 29 juillet 1909. Couverture. Une mise en pages influencée par les théories de William Morris,
où l’illustrateur St. John met en scène deux paons, comme un symbole héraldique.

Les années 1920 et l’entrée concept de direction artistique de presse Le directeur artistique ne doit pas suivre
dans la modernité à travers celle des inventions initiées au les goûts du public mais il doit créer et
sein des rédactions de deux magazines impulser la tendance (Mehemed Fehmy
Dans les années d’après guerre, les entre- américains, Vogue et Vanity Fair, et de Agha, directeur artistique des publications
preneurs de presse les plus visionnaires l’hebdomadaire français Vu. Ces supports Condé Nast, vers 1930).
cherchent à élaborer un langage visuel sont à l’origine de la fonction de directeur
moderniste, précurseur d’un modèle de artistique et de nombreuses innovations, Condé Nast Publications,
société en devenir et mettant en pages tant conceptuelles que techniques. La très la naissance d’un empire de presse
l’actualité contemporaine politique, so- forte détermination et l’intérêt pour la
ciale et culturelle. Les avant-gardes – de la création de leurs fondateurs réciproques, « Un périodique est, en quelque sorte, une
peinture, de l’illustration, de la typographie Condé Nast et Lucien Vogel, ont permis le affaire de famille, et quand la famille est
ou de l’architecture – sont convoquées, et développement d’une vision commune de unie, elle est utile et peut aspirer au suc-
l’ont voit leur influence et leur plein épa- la représentation de la mode, d’une part, cès. Nous espérons vous être utile et, mois
nouissement dans la forme et la structure et de la place que devait tenir la photogra- par mois, vous permettre une ouverture
des magazines de la fin des années 1920. phie dans la presse moderne, d’autre part. aux arts, à la culture et à la société en étant
Le directeur artistique a pour fonction Ils ont par ailleurs initié d’autres formes un reflet des progrès et des promesses du
d’orchestrer la maquette, en s’appuyant de travail rédactionnel en s’associant les mode de vie américain ➊. »
sur les techniques d’imprimerie de masse, meilleures expertises techniques et les
les nouveaux réseaux d’information et collaborations les plus inventives, chacune Cette assertion de Frank Crowninshield,
circuits de diffusion. dans leur domaine d’action, le texte et rédacteur en chef de Vanity Fair, dans
l’image. Avec celles-ci, ils ont pensé leurs sa présentation de la nouvelle formule
Loin d’être exhaustif sur le propos – car de magazines en pionniers, face au devenir du magazine en 1914, définit ce qui va
nombreuses revues et aventures éditoriales d’une société des médias. Ce qui vaut à cer- devenir, au-delà de son propre support,
ne sont pas évoquées ici –, le présent texte tains leur pérennité actuelle et à d’autres une aventure éditoriale peu commune.
propose d’aborder l’histoire des origines du la reconnaissance d’un talent précurseur. Aventure d’un groupe de presse, celui de

➊ In Cleveland Amory et Frederic Bradlee, Vanity Fair,


A Cavalcade of the 1920s and 1930s, New York, The Viking
Press, 1960.
les origines de la direction artistique 9

Condé Nast, qui, jusqu’à la mort de son Frank Crowninshield, Edward Steichen politique éditoriale met aussi au premier
fondateur, fonctionne comme une famille et Mehemed Fehmy Agha. plan les arts graphiques, et particulière-
autour de quelques personnalités. À tra- ment l’illustration de mode. Vogue s’ouvre
vers ses magazines – après avoir racheté L’époque est à l’innovation : innovation des aux jeunes talents et offre les moyens d’ex-
une petite gazette « de société », Vogue, en contenus, création d’une nouvelle ergono- périmenter à ces artistes et dessinateurs.
1909, il reprend en 1913 le journal de mode mie de travail pour les mettre en œuvre Ceux qui vont devenir les stars de Vogue
masculine Dress qu’il renomme Vanity mais aussi utilisation de technologies de y acquièrent expérience et liberté de ton
Fair en 1914, puis House & Garden, consti- reproduction plus performantes. Trois dans la manière de traiter la mode. Cet
tuant ainsi un nouvel empire de presse, axes que Condé Nast initie au service de apport du dessin, sophistiqué, ouvertement
la holding Condé Nast Publications –, son groupe. expérimental dans certains cas, classique
Nast développe sa philosophie : concevoir et plus discret dans d’autres, est déci-
une série de revues à destination de ceux Pour convaincre et séduire le lectorat visé, sif dans la présentation du magazine. Le
qui ont de l’argent et du goût dans les à savoir une certaine élite de la société travail des artistes vedettes comme Eric,
domaines de la mode et de l’art, instrui- américaine, il faut disposer d’une ligne Willaumez, Benito ou Mourgue est com-
sant ses lecteurs du développement d’une éditoriale regroupant les meilleurs sa- plété par celui de dessinateurs anonymes
certaine modernité artistique, culturelle voir-faire journalistiques et artistiques. qui traduisent avec acuité, au travers de
et sociétale. vignettes ou de dessins de marge, l’état
Regarder la mode à travers Vogue d’esprit de l’époque. Mais Vogue est aussi
Cette vision entrepreneuriale s’appuie un objet qui doit briller à la devanture
sur une équipe soudée et fidèle (son bras À Vogue, avec Edna Woolman Chase, s’af- des kiosques. Les fantaisies décoratives
droit, Edna Woolman Chase, nommée firme l’intérêt de la rédaction pour la vie de George Wolf Plank et de Helen Dryden
rédactrice en chef de Vogue en 1914, res- artistique et la mode. Critiques et articles y participent en couverture. Condé Nast
tera à sa tête jusqu’en 1952) et la venue de fond paraissent régulièrement, où écri- s’appuie sur une équipe de peintres illus-
de talents en matière de direction édito- vains et artistes de renom apportent, de trateurs européens et français : Georges
riale, photographique et artistique avec temps à autre, leur contribution. Cette Lepape réalise plus d’une centaine de

Vogue, 27 novembre 1909. Illustration de couverture réalisée, dans l’esprit des affiches anglaises des Beggarstaff Brothers, par George Wolf Plank.
Le visuel reprend la thématique du paon.
10 Graphisme en France

couvertures dans un style Art nouveau, par une photographie moderniste et


comme André Marty ou Pierre Brissaud. « accrocheuse ». Le titre est trouvé au
Edouard Benito engage Vogue dans le style cœur d’une nouvelle de John Bunyan, The
Art déco. En 1916, une édition anglaise voit Pilgrim’s Progress. Littérature, peinture,
le jour. Par temps de guerre, Condé Nast illustration et photographie façonnent
craint de ne plus être diffusé en Europe. la personnalité du magazine. Vanity Fair
Au début des années 1920, des éditions accueille les textes de Thomas Wolfe,
française et allemande suivent. Si les rédac- Gertrude Stein, Aldous Huxley, Colette,
tions se décentralisent, la cohérence gra- Ferenc Molnar et d’autres ; les reproduc-
phique se gère depuis New York. Politique tions d’œuvres d’artistes modernes tels
graphique et surtout photographique : Picasso ou Matisse, ainsi que d’artistes
Condé Nast perçoit très rapidement le po- des avant-gardes et d’illustrateurs comme
tentiel nouveau que représente ce médium. Miguel Covarrubias ou Rockwell Kent ; et,
bien évidemment, les photographies de Vogue, 17 août 1929.

L’entrée de la photographie la génération montante – Anton Bruelh, Illustration de couverture réalisée


par Eduardo Benito.
dans Vogue Cecil Beaton et Horst. Vanity Fair devient
le baromètre de son époque. En cela, le
Condé Nast s’intéresse aux expérimenta- magazine remplit la mission que se sont
tions avant-gardistes d’Alfred Stieglitz et assignée les publications de Condé Nast :
de sa revue Camera Work – avec la qualité coller à la tendance de la mode, des arts et
exceptionnelle de ses reproductions –, de l’ensemble de la culture états-unienne
autour de laquelle se regroupent les photo- et internationale, et « couvrir les sujets
graphes Paul Strand, Edward Steichen et dont les gens parlent », selon l’expression
Baron Adolf de Meyer. Il confère à Vogue de son rédacteur en chef. Coller à la ten- Vanity Fair, juillet 1931.
Une double-page de photographies
un style où la représentation photogra- dance, c’est aussi travailler la maquette d'Edward Steichen.
phique ne doit pas uniquement aider la avec des critères modernistes en matière
femme à s’habiller mais plutôt à s’inscrire de typographie et de rapport texte-image.
dans le mouvement de son temps. Nast Le rôle d’un metteur en scène, en page ou,
construit Vogue autour de la vision de plus exactement, d’un directeur artistique
Baron Adolf de Meyer. De Meyer quitte et de la création. Le terme surgit dans le
l’Allemagne lorsqu’il sent venir la fin de monde du design graphique.
la Belle Époque. Mondain, photographe
dilettante au passé mystérieux, il dispose L’invention d’une fonction :
d’un impressionnant réseau de relations. directeur artistique
Conscient de cette opportunité, Condé
Nast l’engage comme directeur photo- Dès 1910, Condé Nast invente ce profil.
graphique de Vogue. De Meyer impose Une fonction nouvelle dans la presse qu’en-
une photographie esthétisante conçue dosse en précurseur Heyworth Campbell
avec des cadrages serrés et une lumière à Vogue et à Vanity Fair. Néanmoins, le
douce dans une gamme de tons limitée. travail d’Heyworth Campbell n’arrive pas
Ses effets présentent toujours le vêtement à se départir d’un processus de concep-
dans son meilleur avantage. tion issu du XIXe siècle où le magazine se
faisait page après page, sans vision globale
Vanity Fair, ou l’alliance d’un esprit ni charte, avec des polices de caractère
« victorien » avec la modernité souvent archaïques et des encadrés sur-
chargés de fioritures sans fonction. Les ma-
Quant à Vanity Fair, c’est une certaine quettes proposées restent trop classiques
élégance policée qui rejaillit sur la ma- et denses et ne laissent transparaître au-
quette et ses différentes formules. Frank cune des idées et concepts développés par
Crowninshield défend l’idée d’une revue les avant-gardes graphiques européennes.
sur la fête, les arts, le sport, le théâtre, Condé Nast réfléchit alors au remplace-
Vanity Fair. Un exemple
l’humour. Prospectif, il mise sur un style ment de Campbell. D’autant que l’arrivée de mise en pages jouant
d’écriture critique, pertinent mais aussi d’Edward Steichen – sollicitée par Frank sur le contraste d’une page sombre
– un portrait de Joan Bennett par
distrayant, mis en pages dans une ma- Crowninshield – à la direction photogra- Edward Steichen – face à une page
quette élégante et moderne et illustré phique des publications du groupe en 1923, « blonde » de texte courant.
11
12

Vanity Fair, septembre 1931. En page de gauche, un reportage sur la dernière création du chorégraphe Serge Lifar avec des
photographies de George Hoyningen-Huene, face à une photographie d’Edward Steichen sur des danseuses de night-club à New York.

Vanity Fair, septembre 1930. Un exemple de double-page jouant sur le déroulement en parallèle du texte courant
sur trois colonnes et des illustrations de l’artiste mexicain Miguel Covarrubias.
13

Vanity Fair, septembre 1930. Illustration de couverture réalisée par l’affichiste français Jean Carlu.
14
les origines de la direction artistique 15

en remplacement de Baron Adolf de Meyer, pas à apparaître. Mais Benito, en acteur de


provoque un premier renouveau pour les ces années folles, graphiques et musicales,
deux magazines. Maître du pictorialisme préfère son indépendance d’artiste à la
au début du siècle, Steichen, qui embrasse tâche que lui offre Condé Nast. La mo-
les thèses modernistes, adopte un style dernité tant attendue à New York viendra
linéaire et dépouillé pour ses travaux de de Berlin.
commande au sein des magazines. Que ce
soit pour Vogue ou Vanity Fair, la collabo- La rencontre avec
ration est étroite avec les rédacteurs, et le Mehemed Fehmy Agha
débat permanent afin que le photographe
mette en valeur la caractéristique essen- À Berlin, Nast découvre un Vogue alle-
tielle d’un vêtement ou les traits d’une mand dans un état financier désastreux,
personnalité artistique ou politique. La résultat de l’inflation galopante mais aussi
découverte de l’éclairage de studio et la du manque d’intérêt du lectorat pour la
virtuosité avec laquelle il utilise cette mode. Le statut de la classe moyenne,
lumière particulière ainsi que son sens en pleine régression, n’incite pas à la
graphique révolutionne la photographie consommation de produits de luxe, et les
de portrait. Vanity Fair profite de ces ex- annonceurs du secteur, confrontés à la
périmentations et propose mensuellement crise, désertent l’ensemble des supports.
des séries d’images mettant en scène ac- Le patron de presse ferme le magazine,
teurs, chanteurs de music-hall, écrivains, non sans avoir rencontré son directeur
peintres et politiques. Avec la lumière artistique Mehemed Fehmy Agha. Entre
pour seul artifice et, occasionnellement, les deux hommes, le courant passe, et
un accessoire mobilier. Steichen traduit Nast écrit à propos de cette entrevue :
le magnétisme d’un regard – comme celui « Après avoir passé quelques jours à Berlin,
de Greta Garbo –, la solennité et la gravité j’en connais de plus en plus sur le travail
d’une fonction – avec Winston Churchill – d’Agha. Il y a tellement d’évidences dans
ou crée des associations comme cette ré- son organisation, dans ses goûts et dans
Vanity Fair, juillet 1930. férence à l’équilibre magique des formes ses inventions que je l’envisage comme
Illustration de couverture commandée au futuriste
italien Fortunato Depero, qui avait momentanément
de Brancusi dans ce portrait de l’actrice possible directeur artistique de nos pério-
établi sa « Casa Futurista » à New York. Anna May Wong. diques américains. Avant de quitter Berlin,
j’ai passé une matinée avec lui où nous
Lorsque Heyworth Campbell démissionne avons discuté de typographie, d’impression,
en 1927 pour se consacrer à l’unique travail d’illustration et de maquette ➋. » Peu de
publicitaire, Condé Nast voyage, accom- choses différencient les deux hommes dans
pagné de Frank Crowninshield et d’Edna leurs objectifs réciproques. Le « self-made
Woolman Chase, à Londres, Paris et Berlin, man » de l’édition, qui s’efface et laisse une
où le groupe dispose d’éditions locales certaine indépendance à ses collaborateurs
de Vogue. À Paris, Condé Nast propose le – une attitude considérée par certains
poste de directeur artistique des publi- comme d’un libéralisme extrême –, sera
cations à l’artiste et illustrateur espagnol contrebalancé par le flamboyant, acerbe
Eduardo Garcia Benito. Celui-ci travaille et cynique directeur artistique.
Fortunato Depero, collage pour la couverture alors à une nouvelle charte graphique pour
de Vanity Fair, 1929 1930. 49 × 36.5 cm. MART,
Museo di arte moderna e contemporanea
le magazine. Reprenant une partie des Issu d’une famille de commerçants
di Trento e Rovereto, Italy principes futuristes et constructivistes, chypriotes turcs, Mehemed Fehmy Agha
Benito s’appuie sur des typographies sans est né en 1896 à Nikolayev, un port ukrai-
sérif et conçoit un projet de maquette nien sur la mer Noire. Après des études
aéré et géométrique, construit comme à l’Académie des beaux-arts de Kiev, il
l’architecture moderne à laquelle il fait intègre le département des sciences poli-
référence dans son argumentaire auprès tiques de l’Institut polytechnique Pierre le
de l’éditeur. Les idées diffusées au sein Grand. Son intérêt pour la politique l’en-
de l’Exposition internationale des arts traîne à servir dans l’équipe du leader du
décoratifs et industriels modernes de 1925 Parti socialiste révolutionnaire, Alexandre
font l’actualité à Paris et les manifestes de Kerenski. En 1917, il émigre à Paris et, en
l’Union des artistes modernes ne tardent 1923, sort diplômé de l’École nationale

➋ In Roger Remington et Barbara J. Hodik, Nine Pioneers


in American Graphic Design, The MIT Press, 1989.
16 Graphisme en France

des langues orientales vivantes. En 1929, il ou William Cotton… Pour les unes, il fait Du rôle de directeur artistique, Mehemed
débarque à New York et, dès son arrivée au appel aux graphismes cubo-futuristes de Fehmy Agha dit : « Son champ d’action
sein du groupe Condé Nast, il définit et met l’artiste italien Paolo Garretto, au futuriste est habituellement limité au commerce,
en place les nouvelles règles et le cahier des Fortunato Depero, qui installe sa « Casa à la publicité, au graphisme et aux arts
charges qui permettront le changement futurista » à New York, à Jean Carlu, l’un appliqués. Dans son domaine il est l’auto-
d’image de Vogue, de Vanity Fair et de des fondateurs de l’Union des artistes crate de la table à dessin, avec une autorité
House and Garden. Il impose sa présence : modernes et maître incontesté de l’affiche seulement restreinte par les demandes de
d’un simple bureau, il va en occuper deux, française des années 1930 qui s’y révèle son équipe, le processus des recherches, la
puis quatre et enfin six. Le département lui-aussi, tout comme le caricaturiste russe ligne éditoriale, les préférences du client,
maquette se développe à une telle vitesse Alajalov. l’âge mental du lecteur et la nièce de l’édi-
qu’il lui faut un étage supplémentaire dans teur… Il est le plus proche cousin du réa-
le Graybar Building, siège social du groupe L’innovation est permanente. Agha orga- lisateur de films et, comme ce dernier, il
à New York. Le « docteur », comme il aime nise le travail du studio de création avec de planifie, coordonne et répète, mais il ne
se faire appeler, diagnostique la publicité nouveaux outils et de nouveaux process, se donne pas en représentation ; ou tout
américaine comme routinière et mondaine, telle l’utilisation par les graphistes de du moins pas en public ➎. »
et mauvaise source de contamination des feuilles préimprimées avec la grille de
supports qui la diffusent. En connaisseur la maquette, servant à la mise en œuvre En 1942, à la mort de Condé Nast, la posi-
des avant-gardes artistiques européennes, du chemin de fer et des doubles-pages. tion de Mehemed Fehmy Agha est fragili-
Agha pense que le constructivisme tel Des feuilles sur lesquelles sont imprimées sée et il quitte son poste en 1943, remplacé
que le pratique le Bauhaus, d’une part, et les fontes de caractères, qui peuvent être par Alexander Liberman, un autre russe
son courant d’Europe orientale et sovié- découpées et collées afin de donner les récemment émigré à New York.
tique, d’autre part, sont le moteur de la indications d’orientation de la maquette,
modernité des années 1930. Il écrit : « Le sont mises à la disposition des designers.
Temple du constructivisme est plein de Un photostat est installé dans le studio,
trésors et ceux-ci devraient être utilisés encourageant ainsi les graphistes à réaliser
par la publicité pour y puiser de nouvelles des maquettes les plus proches possible
inspirations ➌. » du résultat final à des fins de présentation.
Condé Nast étant propriétaire de l’impri-
En « chef d’orchestre » merie éditrice du magazine, le directeur
d’un laboratoire visuel artistique peut aussi travailler au plus
près de techniciens experts. Celui-ci étant
Mehemed Fehmy Agha est partout et in- obsédé par la qualité de reproduction
tervient sur tout. La photographie – il et d’impression, les technologies de la
refond le studio de prise de vues –, les chaîne graphique sont remises à jour en
articles – il en écrit certains –, le design permanence.
des couvertures, la conception de fontes
de caractères, les rubriques, l’habillage, 1932 fait date dans l’histoire du magazine
l’impression, les gammes chromatiques… Vogue : son format change et, en juillet, ap-
Reprenant les préconisations d’Eduardo paraît en couverture une photo pleine page
Benito, Agha les enrichit de ses influences en couleur d’Edward Steichen. La nouvelle
vécues à Berlin. Plus que Vogue, c’est formule est controversée. Et lorsque Edna
Vanity Fair qui devient un véritable la- Woolman Chase fait état à Agha de retours
boratoire visuel. Agha opte définitivement négatifs de lecteurs, il lui répond : « C’est
pour la « nouvelle typographie » promue une bonne chose de démontrer à quelqu’un
par Jan Tschichold et les avant-gardes. que nous sommes toujours vivants et lea-
Des linéales qu’il utilise en bas-de-casse ders dans le champ de l’innovation typo-
pour les titres, faisant abstraction des graphique. Nous sommes les premiers à ➌ In Roger Remington et Barbara J.Hodik,
Nine Pioneers in American Graphic Design,
fameux codes typographiques. Il invente le utiliser cette “nouvelle typographie” venue The MIT Press, 1989.
concept de chemin de fer qui permet une d’Allemagne et à l’adapter à nos machines
➍ Idem
vision d’ensemble du magazine en mettant à composer. Les autres nous suivront ➍. »
en valeur la notion de doubles-pages et ➎ Idem
d’ouvertures. Il introduit la couleur. Pour Cette argumentation sans faille, à l’appui
illustrer les articles, hormis la photogra- d’exemples d’annonceurs ayant opté pour
Vogue, 1er juillet 1932. Photographie d’Edward
phie, Agha commande des dessins à Miguel ce style de caractères, réjouit Condé Nast Steichen, première photographie couleur en
Covarrubias, Ralph Barton, Foujita, Kisling et laisse silencieuse Edna W. Chase. couverture du magazine.
les origines de la direction artistique 17
18 Graphisme en France
les origines de la direction artistique 19

Vu, l’œil de la vie universelle gazine. Avec la Gazette du bon ton, Vogel
réalise la première revue de mode qui
Le milicien armé est arrêté, net, dans son manifeste un véritable souci esthétique,
élan. Mortellement touché. Lâchant son une réelle exigence de beauté et d’unité
fusil, il tombe en arrière les bras en croix. plastique. Chaque fascicule est conçu à
La lumière, le décor, l’intemporalité de la la manière d’un portfolio regroupant des
chute nous renvoient à une scène que le planches, finement imprimées sur du pa-
Greco aurait pu peindre. La mort de Fede- pier vergé et coloriées au pochoir. Pour
rico Borell Garcia, soldat républicain sur le ce faire, Lucien Vogel s’attache la colla-
front d’Andalousie, aux premières heures boration d’illustrateurs comme Georges
de la guerre civile espagnole, devient à cet Lepape, Charles Martin, André Marty,
instant une image allégorique et mythique. Benito et Brunelleschi, entre autres, qui
Allégorique car elle est annonciatrice de imposent une nouvelle image de la femme.
la fin d’une utopie. Mythique par le fait Chaque numéro est mis en pages par un
de sa diffusion comme un symbole d’un unique illustrateur qui réalise les des-
double héroïsme, celui de la cause répu- sins dans le corps du texte courant, ainsi
Vu, 2 mai 1934. Photomontage de couverture blicaine face au fascisme, et celui du point que les planches de mode et de publicité.
par Alexander Liberman.
de vue d’un reporter photographe engagé L’exigence visuelle de la Gazette interpelle
au risque de sa vie. Elle paraît pour la pre- Condé Nast qui va utiliser, lui aussi, les
mière fois le 23 septembre 1936, en double- savoir-faire de ces dessinateurs pour ses
page d’un numéro spécial du magazine Vu propres couvertures. Après une courte col-
consacré à la guerre d’Espagne avec, pour laboration par des échanges rédactionnels,
légende : « Comment ils sont tombés ». Condé Nast rachète, au début des années
Robert Capa en est l’auteur. Le conflit a 1920, la Gazette du bon ton. En éditeur
éclaté le 17 juillet et Capa le couvre, avec prolixe, Lucien Vogel publie d’autres re-
Gerda Taro, à la demande de Lucien Vogel, vues : Le Style parisien, un petit périodique
directeur du magazine. En cet été 1936, de luxe illustré sur la mode, qu’il revend à
Vu prend parti pour la défense de la jeune Hachette deux ans après sa création. En
république espagnole face au putsch des 1919, il fonde la revue Les Feuillets d’art
généraux fascistes emmenés par Franco. et, en 1922, L’Illustration des modes qui
Un engagement qui vaut son poste à Lucien devient Le Jardin des modes un an plus
Vogel et clôt quelques années d’innovation tard (ainsi qu’une nouvelle publication du
photojournalistique. Car Vu reste à ce jour groupe Condé Nast). Cette publication,
une expérience incomparable de la presse emblématique par l’expérimentation de
illustrée française. Une aventure éditoriale nombreuses directions artistiques, paraîtra
qui tient de la personnalité de son fonda- jusqu’en 1997.
teur et d’un parcours où l’esthétique le
dispute à l’éthique. Lucien Vogel, ami de Maiakovski, de Gide,
de Cendrars, de Fernand Léger, ouvert
Itinéraire d’un précuseur, aux idées des avant-gardes des années
Lucien Vogel 1920, veut voir plus loin et du côté de la
photographie et de sa diffusion dans la
Fils d’Hermann Vogel, artiste et caricatu- presse. Le 21 mars 1928, il lance Vu, un
riste à L’Assiette au beurre, le jeune journa- magazine qui se définit autant comme une
liste Lucien Vogel, ancien collaborateur à forme d’expression que comme un moyen
la revue Femina, crée en 1912 la Gazette du d’action. Il énonce : « Conçu dans un esprit
Vogue, 1er juin 1940.
bon ton, avec pour sous-titre : Art, modes nouveau et réalisé par des moyens nou-
Couverture. Photographies et lettrage du titre et frivolités. La Gazette du bon ton est un veaux, Vu apporte en France une formule
réalisés par Horst P. Horst dans l’esprit
de l’abécédaire du typographe constructiviste
événement important dans l’histoire des neuve : le reportage illustré d’informations
tchèque Karel Teige. rapports de la mode à l’illustré et au ma- mondiales ➏. »

➏ In Vu, n° 1, 21 mars 1928, p. 11 et 12.


20 Graphisme en France

Un journal illustré pour traduire comme le Leica ou le Rolleiflex font leur houette en équilibre sur un globe terrestre.
le rythme de la vie actuelle apparition, révolutionnant la pratique pho- Cassandre introduit l’un de ses assis-
tographique. Côté image, c’est l’invention tants, un jeune émigré russe, Alexander
En amateur et praticien de la photogra- du photomontage par les avant-gardes Liberman, auprès de Lucien Vogel.
phie, Lucien Vogel privilégie la jeune futuristes, constructiviste et les artistes du
photographie indépendante emprunte mouvement Dada. Pour Lucien
de modernisme : une nouvelle photogra- Vogel, le signifiant peut se ré-
phie « de terrain », utilisant de nouveaux véler à travers un point de vue
boîtiers et produisant des visuels hors des plastique affirmé. Les photo-
standards de la presse traditionnelle. En graphes disposent d’une liberté
1930, il s’adjoint, au poste de rédacteur en de manœuvre peu commune.
chef, le critique, dessinateur et cinéaste, Vu est un hebdomadaire qui
Carlo Rim. Ce dernier a organisé plusieurs alterne numéros ordinaires et
expositions de jeunes photographes à Paris spéciaux en fonction des évé-
avec les travaux de Berenice Abbott, Eli nements. L’impression de Vu,
Lothar, Kertesz, Germaine Krull, Man Ray, qui propose à chaque numéro
entre autres. Il écrit dans Vu en 1932 : « La de très nombreuses photo-
photographie est notre pain quotidien, graphies, nécessite, pour en
un aliment sans cesse renouvelé offert à garder le meilleur rendu dans Vu, 2 mai 1934. Une maquette d’inspiration
futuriste où la page de gauche prend le parti du
l’insatiable curiosité de nos yeux avides le modelé et les demi-teintes, l’utilisation sensationnel dans le choix photographique.
d’images [...]. Il y a une réalité photogra- d’une technique relativement récente,
phique qui n’est point la “vérité vraie”, mais la rotogravure, ou héliogravure rotative.
qui est plus vraie que la vérité elle-même, L’atout technique de ce procédé est de
et comme l’exagération poétique de la permettre une nouvelle pratique de la ma-
réalité objective. Il semble donc injuste de quette où chacune des pages du magazine
donner au bloc de lentilles d’un appareil est composée à partir d’éléments sur film
photographique le nom d’objectif. Cet œil transparent. Le travail du maquettiste s’ef-
mécanique voit le monde à sa manière qui fectue au-dessus d’une table lumineuse où
n’est pas celle de la rétine humaine ➐. » il assemble, découpe, remonte les épreuves ➐ In Vu, n° 214, 20 avril 1932, p. 587
(selon la numérotation de l’époque).
photographiques, en positif, sur celluloïd,
Des inventions au service avec textes et légendes typographiées sur
du photojournalisme cellotexte, ainsi que les titres typographiés
ou calligraphiés sur transparent. Le report
La période est aux inventions : l’ingé- sur cylindre de cuivre et l’encrage mo-
nieur Belin conçoit son bélinographe, une nochrome sépia donnent un ton qu’enri-
machine portative permettant la trans- chissent les couvertures souvent traitées
mission d’images par câble, tandis que en bichromie.
les appareils photographiques compacts
Cette technique permet sur-
tout des approches graphiques
nouvelles, mises en œuvre par
Irène Lidova qui assume la fonc-
tion de directrice artistique et
dessine la première formule du
magazine. L’affichiste Cassandre
en conçoit le logo et réalise
une composition, reproduite
uniquement sur des bâches
de grand format tendues en
pleine rue pour annoncer son
lancement. On y voit une revue
Vu, 11 novembre 1933, numéro hors-série. ouverte sur une scène symbo-
Double-page avec l’utilisation, en partie de titre,
de la fonte Acier créée par Cassandre pour
lique où un œil investigateur perce le cœur
Deberny & Peignot. de l’humanité représentée par une sil-
21

Vu, 2 mai 1934. Troisième volet d’un reportage dénonçant la militarisation de l’Allemagne par Henry Bidou, renforcé par une maquette
où la typographie gothique interpelle et effraie, en association avec deux photographies, celle d’un jeune nazi en uniforme
et l’entrée imposante d’un salon industriel à Berlin.

Vu, 29 août 1936. Double-page d’un numéro spécial entièrement consacré à la guerre civile espagnole, avec des photographies des reporters
envoyés par Lucien Vogel sur le front (Namuth, Reisner, Capa, Chim, Gerda Taro…).
22

Vu, 9 mai 1934. Photomontage d’Alexander Liberman.


23

Vu, 11 novembre 1933, numéro hors-série. Photomontage d’Alexander Liberman. Vu, 23 mai 1934. Photomontage d’Alexander Liberman.
24 Graphisme en France

Alexander Liberman, du photomon- Universal, Wide World, France Presse, Vu et l’affirmation d’un (photo)
teur au directeur artistique Mondial Photo… sélectionnés pour leur journalisme engagé
qualité plastique, et qui subissent de
Né à Kiev en 1912, Alexander Liberman nombreuses manipulations. Souvent dé- Fort d’une augmentation de son tirage (de
émigre avec sa famille à Paris en 1924. coupées et recadrées, décontextualisées, 50 000 à 100 000 exemplaires au début
Le krach boursier de 1929 ayant ruiné les elles se prêtent à d’autres significations. des années 1930), Lucien Vogel oriente
affaires de son père, il subvient aux besoins Le concept de photomontage, développé progressivement la ligne éditoriale d’une
de sa famille en réalisant divers travaux de par les dadaïstes, guide le travail de approche sociétale et culturelle vers un
typographies, des illustrations médicales Liberman qui affirme son style tout au journalisme d’investigation qu’il définit
et d’architectures paysagères. En 1931, il long du chemin de fer où se juxtaposent comme « de grandes enquêtes sur les pro-
s’inscrit à l’école fondée par le cubiste et des doubles-pages présentant un innovant blèmes posés au monde ». Planification
théoricien André Lhote, considéré comme système de collages photographiques et soviétique, organisation de l’État fasciste
le professeur des avant-gardes à Paris. Mais de compositions typographiques, dont des italien, armement de l’Allemagne, justice
il trouve le « maître » trop dogmatique et créations de Cassandre pour les fonderies française… sont analysés par des envoyés
inflexible dans ses principes et part étudier Deberny et Peignot. En couverture, sous spéciaux choisis pour leur indépendance
à l’École des beaux-arts, dans l’atelier de la signature d’Alexandre, il réalise une et leur qualité d’écriture. Juristes, éco-
l’architecte Defrasse, puis à l’École spéciale trentaine de montages entre 1932 et 1936 : nomistes, critiques et écrivains comme
d’architecture où officie Auguste Perret. des créations qui semblent plus proches Philippe Soupault, Blaise Cendrars, Paul
En 1932, il rencontre Cassandre et, en des théories et du style promu par l’ar- Nizan, Albert Londres, Henry Bidou ou
1933, prend la direction artistique de Vu. tiste letton Gustav Klucis, l’un des maîtres Pierre Mac Orlan forment des comités
Les pages du magazine sont remplies de d’œuvre du photomontage propagandiste de rédaction ambulants. En introduction
clichés issus des agences photographiques soviétique, que des productions de Moholy- d’un numéro spécial d’août 1933 consa-
en pleine expansion comme Keystone, Nagy ou des artistes constructivistes. cré à l’Italie fasciste, Lucien Vogel expose

Regards, 27 avril 1939. 4e de couverture avec


une photographie de l’agence Opera Mundi.

Détective, le grand hebdomadaire


des faits divers, 28 novembre 1929.
Photographie de couverture
non identifiée.
25

Life, 30 novembre 1936. En une,


photographie d’un cadet de West Point
prise par Alfred Eisenstaedt.

Voilà, 1er août 1936. Ouverture en une sur


la guerre civile en Espagne.

la responsabilité d’un média indépendant témoigne, par une série de photographies Alexander Liberman perd toutes ses illu-
face à l’actualité ainsi que sa méthode de prises clandestinement, de l’existence d’un sions sur la réalité de son travail au début
travail : « Les problèmes actuels sont tels, premier camp de concentration à Dachau. des années 1970, période où il écrit dans
si amples, si graves, si lourds de consé- Par ces preuves, il n’était plus possible ses mémoires : « Je réalisais que, basique-
quence, si urgents qu’ils exigent des études de dire : « On ne savait pas ». Recherché ment, tout cela n’était que du business. Je
d’ensemble. Un journal qui a la conscience pour ses prises de position antifasciste et m’évertuais à penser que nous communi-
et la fierté de sa responsabilité ne peut ses publications pacifistes, Lucien Vogel quions sur la société, sur la culture, que
confier une enquête de cet ordre à un seul s’exile pendant les années d’occupation. nous abordions la femme avec sérieux en
homme, quels que soient sa compétence, De retour en France après la Libération, lui offrant un support traité avec intelli-
son talent et son intégrité morale. Il faut il relance la revue Jardin des modes. Il gence. J’ai toujours pensé qu’en publiant
à la fois éliminer les réactions subjectives meurt à son poste de rédacteur en chef tous ces essais et photographies sur l’art
et multiplier les contacts entre les faits en 1954. Alexander Liberman quitte son et les artistes – et non des artistes frivoles
et les esprits qualifiés pour les analyser, poste à Vu quelques mois après Lucien comme Erté ou Vertes, mais les maîtres
les comprendre et en tirer des conclu- Vogel. Face à l’occupation allemande, il les plus importants de l’École de Paris
sions. […] Notre principe a toujours été s’exile lui-aussi à New York où Vogel le ou des créateurs comme Rauschenberg,
d’aller à la source, sur place, observer le présente à Condé Nast. En 1943, il prend Jasper Johns, Richard Serra, ou encore
document directement, dans son cadre, la succession de Mehemed Fehmy Agha de Kooning, Barnett Newman et Rothko
en un mot de faire une enquête de l’inté- au poste de directeur artistique des pu- –, nous développions un vrai service. Car
rieur… » Et de conclure : « L’intelligence blications Condé Nast. Développant par la chose la plus magique lorsque l’on
consiste à tenter de comprendre ce qui ailleurs une intense activité de peintre et expose de l’art au public, c’est que cela
nous est le plus contraire ➑ »… et à y par- de sculpteur, la première des décisions vous permet d’oser. Et peut-être, ce qu’il
venir. Dans un numéro en date du 3 mai qu’il prend à Vogue est de commander en reste, finit de façon subliminale par
1933 intitulé Vu enquête incognito sur des illustrations à Chagall, Salvador Dalí altérer le regard du lecteur ➒. »
le IIIe Reich, l’équipe d’envoyés spéciaux et Marcel Duchamp.

➑ In Vu, n° 282, 9 août 1933, p. 1181 (selon la ➒ In Dodie Kazanjian et Calvin Tomkins, Alex, The Life of
numérotation de l’époque). . Alexander Liberman, New York, Alfred A. Knopf, 1993.
26

Voilà, 2 juin 1934. Photographie de une, Alban.


27

Regards, 23 mars 1939. Double-page conçue selon les principes mis en œuvre par Édouard Pignon, directeur artistique du magazine,
alliant fantaisie du lettrage de titre, rigueur typographique et décalage photographique.

Voilà. Procédé d’assemblage dynamique de photographies pour l’impression en héliogravure. Ici, la double-page intérieure illustre
une enquête d’Ernest Hemingway sur les corridas en Espagne.
28 Graphisme en France

Des années « modernes » Club et différentes instances graphiques transition technologique sans cesse en
aux années « Pop » internationales pour la qualité de sa mise mouvement qui bouleverse nos modes de
en pages et l’inventivité de ses « essais lecture. Il n’existe plus de formules gra-
En dehors de ces supports, les innovations photographiques ». En Allemagne, Twen, phiques « magiques ». Ces interrogations
furent nombreuses au début des années mis en pages par Willy Fleckaus, fait école trouvent peut-être une réponse dans le dé-
1930. Aux États-Unis, William Randolph avec ses partis pris graphiques et de grilles. placement du champ de l’expérimentation
Hearst lance Harper’s Bazaar et nomme En Grande-Bretagne, le conservatisme am- vers la marge. Celle d’une presse où l’on
Alexey Brodovitch, autre propagateur des biant est chahuté sur plusieurs fronts, de fait appel au décloisonnement, au style et à
avant-gardes russes et européennes, au la musique à la presse. Avec des magazines l’industrie créative, et qui vit l’alternative et
poste de directeur artistique. En excellent comme Queen et Town, Tom Wolsey tente l’économie précaire comme une richesse.
pédagogue, Brodovitch forme au sein du d’initier le lectorat, à travers sa direction Paraître et (dis)paraître après coup. Et qui,
Design Lab, qu’il initie à la Pennsylvania artistique, au débat sur la modernité gra- bien souvent, se crée à la sortie des écoles
Museum School of Industrial Art, toute phique en cours en Angleterre. Surtout, d’art et de design.
une génération de photographes et de c’est l’aventure éditoriale de Nova, lancée
directeurs artistiques américains. Henry en 1965 par les graphistes Derek Birdsall Pierre Ponant
Luce, fondateur du groupe Times Inc., et David Hillman et le photographe Harri
développe ses supports selon les mêmes Peccinotti, qui, par ses reportages écrits
codes. Fortune et, à la fin des années et photographiques et ses mises en pages
1930, Life, pour lequel il affirme s’être provocatrices, sert de « tête de pont »
directement inspiré de l’aventure de Vu. entre la culture underground et le grand
En France, Vu fait aussi école et, dans sa public. En France, les Suisses Peter Knapp
foulée, sont créés Voilà et Détective par et Jean Widmer libèrent la représentation
Gaston Gallimard, et Regards, l’hebdoma- de la femme dans les médias : le premier,
daire illustré du Parti communiste français. en 1959, au magazine Elle. Le second, en
1961, au Jardin des modes, où il relance la
Les années 1960 voient l’émergence d’un formule en concevant une maquette dans
âge d’or des magazines. Dans un contexte l’esprit d’esthète de son fondateur Lucien
d’émancipation généralisée, de l’influence Vogel, où s’associent des références aux
de la Pop culture et des périodiques de avant-gardes du moment : Lettrisme, Pop
l’underground, les magazines de cette Art et Nouveau Réalisme.
décennie, eux aussi, font leur propre ré-
volution culturelle. De nouvelles attitudes L’esprit de Vu se poursuit jusqu’aux an-
photographiques apparaissent, à l’instar de nées 1980 où Claude Maggiori, directeur
la déclaration péremptoire du photographe artistique à Libération, souhaite concevoir
britannique Bob Richardson : « […] le jeu un quotidien magazine, ou magazine au
s’intitule : j’emmerde le magazine et au quotidien, tandis que Christian Caujolle,
diable le rédacteur en chef, le sujet de la directeur de la photographie dans le même
photo de mode, c’est les gens ➓. » Libération, initiateur d’une politique
de commande originale à une nouvelle
Une nouvelle génération de directeurs ar- génération de photographes, fonde sa
tistiques prend les commandes ou crée de propre agence, qu’il nomme Vu. Depuis
nouvelles revues pour expérimenter. C’est une vingtaine d’années, après une phase
notamment le cas du binôme journaliste/ de formules graphiques postmodernes
directeur artistique que pratiquent, à New (The Face, I-D, Interview…) et des gestes
York, Ralph Ginsburg et Herb Lubalin radicaux de brouillage des signes (Wired,
avec les revues Eros, interdite « pour obs- Raygun…), le rôle moteur du directeur
cénité » après quatre numéros parus en artistique semble au point mort. On in-
1962, puis Fact en 1964 et Avant-Garde en voque le contexte économique qui rend
1968. Eros fut primée par l’Art Directors aujourd’hui la presse plus vulnérable, la

➓ In Martin Harrison, Apparences. La photographie de


mode depuis 1945, Paris, éditions du Chêne, 1992.
ÉTAT DES
LIEUXVéronique Vienne

DE LA DI-
RECTION
ARTIS-
TIQUE EN
FRANCE
A
30
AU COURS DES
ENTRETIENS QUI
M’ONT PERMIS DE
DRESSER CET ÉTAT
DES LIEUX, J’AI
RENCONTRÉ DES
PROFESSIONNELS
DE LA PRESSE
QUI N’AVAIENT
QU’UNE CHOSE
EN COMMUN :
UNE PRODIGIEUSE
CAPACITÉ À
S’INVESTIR
DANS L'UN DES
MÉTIERS LES PLUS
ÉNIGMATIQUES
QUI SOIENT, CELUI
DE DIRECTEUR
ARTISTIQUE.

31
LES C’est un raccourci, bien sûr. Il n’en reste pas moins qu’il y a en
France deux tendances dans ce que l’on pourrait appeler l’art
de la maquette. Celle qui consiste à favoriser la typographie,

TOPOGRAPHIES et celle qui consiste à favoriser la photographie. D’un côté les


graphistes-maquettistes et, de l’autre, les « faiseurs d’images »,

DE LA PAGE :
comme dit Peter Knapp.

Directeur artistique de Elle de 1959 à 1966, Knapp était au

LA DIRECTION départ un graphiste. « Je suis devenu faiseur d’images dans


l’urgence, raconte-t-il. Je me suis vite rendu compte qu’il fallait
que j’intervienne auprès des photographes de mode pour réa-
liser la vision “prêt-à-porter” de la rédactrice en chef, Hélène
Gordon-Lazareff. Pour nous distancer de la haute couture, trop
glamour, j’ai dû établir une nouvelle lisibilité des images. À
l’époque, les lectrices décryptaient soigneusement les photos
de mode car elles confectionnaient leurs propres vêtements
avec leur machine à coudre. Il ne fallait pas décevoir leurs
attentes. » Laissant aux douze graphistes de son équipe le
soin de gérer les mises en pages hebdomadaires, il imposa,
grâce à la photographie, un look maintenant légendaire : le
fameux « style Elle ».

En 1951 et 1952, pour moderniser le Vogue américain,


Alex Liberman essaye d’imposer le logo en Franklin Gothic.
LES ORIGINES DE
Tentative de courte durée : pour les lectrices, la marque du
magazine doit rester en Firmin Didot. Vogue, mars 1951. LA DIRECTION
ARTISTIQUE ARTISTIQUE
EN CREUX ET
Sciemment ou non, tous les direc-
teurs artistiques de magazines, en
France comme ailleurs, sont héritiers

EN RELIEF de El Lissitzky, auteur du manifeste


La Topographie de la typographie
(Merz, 1923). Comme ce pionnier de
Au cours des entretiens qui m’ont permis de dresser cet état la maquette qu’était Lissitzky, les direc-
des lieux, j’ai rencontré des professionnels de la presse qui Cette couverture de livre teurs artistiques sont en mesure de
de El Lissitzky, Avtomobil
n’avaient qu’une chose en commun : une prodigieuse capacité i drugie raskazy (Car and
créer des espaces de lecture ouverts à
à s’investir dans l’un des métiers les plus énigmatiques qui other Stories), date de 1923 la pluralité des sens. À l’aide de titres,
mais sa typographie inspire
soient, celui de directeur artistique. encore un grand nombre de
de sous-titres, d’accroches, de légendes,
directeurs artistiques. d’encadrés et de citations, ils peuvent
L’imprécision qui caractérise la fonction de directeur artis- provoquer des interprétations simul-
tique est particulière à la France. Sous une même appellation tanées d’informations graphiques hétérogènes. Pour eux,
sont rassemblés des créatifs de formations très différentes. comme pour Lissitzky, la communication passe par le visuel
Certains sont avant tout des graphistes tandis que d’autres ont plus que par le langage.
débuté comme journalistes, comme photographes ou comme
publicitaires. Ils ont tous des tempéraments différents. Des Dans un essai intitulé « La spatio-temporalité de la maquette
valeurs parfois incompatibles. Et des habitudes de travail qui constructiviste ➀ », Michel Porchet, coordinateur pédago-
ne se ressemblent pas. Par exemple, lors de mes rendez-vous, il gique au Fresnoy, explique pourquoi, au jeu typographique,
y avait ceux qui me recevaient dans leur studio, à leur table de Lissitzky préférait le jeu topographique. Pour les cubofuturistes,
travail, et ceux qui m’entraînaient dans une salle de conférence suprématistes et constructivistes qui formaient cette nébu-
et m’offraient un siège autour d’une table ovale. J’identifiais les leuse associée à l’avant-garde russe, « l’espace typographique
premiers comme des graphistes (ces admirables maniaques de moderne [n’était] plus régi par les valeurs classiques d’ordre,
la typographie et de la mise en pages), les seconds comme des de continuité, d’homogénéité et de stabilité mais il [obéissait]
« créas » (ces gestionnaires passionnées de l’image de marque à un type d’organisation réglé par les notions de discontinuité,
dans la presse). de simultanéité, de contraste du mouvement de l’art moderne ».

32
Une préférence pour les diagonales caractérise le travail
de Peter Knapp : en 1980, il réalise des photographies
de mode pour le magazine Stern.

En 1965, Peter Knapp réalise cette célèbre double-page pour


Elle. Il photographie les mannequins en robes Courrèges
— en apesanteur, comme des astronautes.

« JE SUIS
DEVENU FAISEUR
D'IMAGES DANS
L'URGENCE »

En 1967, Peter Knapp demande au jeune photographe


Helmut Newton des images avant-gardistes pour évoquer
l’esprit nouveau de l’Exposition universelle de Montréal.

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Les compositions de Lissitzky, ajoute Michel Porchet, ten- portaient sur la bidimensionnalité des formes géométriques
taient de supprimer la hiérarchie de la figure et du fond, abstraites, assemblées selon des rythmes syncopés. Toutes
du discours et de l’image, de l’entendement et des affects. ses mises en pages ne reflétaient pas cette esthétique supré-
matiste mais elles tendaient vers cette « simultanéité » dont
Curieusement, dans l’Hexagone, l’espace typographique est parle Michel Porchet.
toujours régi par les valeurs classiques d’ordre et de conti-
nuité. La direction artistique en France ne semble pas avoir Jusque-là, j’avais pratiqué mon métier de directrice artistique
fait sa révolution. Elle ne la fera sans doute jamais. Pour nos principalement comme une graphiste-maquettiste, avec un
directeurs artistiques, les notions de rupture et de disjonction cahier des charges, une grille, un vocabulaire typographique
sont suspectes, voir déni- et une stratégie de l’image. Avec Liberman, j’ai appris à féti-
grées. Dans les magazines, chiser les images au service d’une idéologie consumériste
les articles, quelle que soit tout aussi militante que celle des affiches de Gustav Klutsis,
leur longueur, sont rare- de Rodchenko ou de Lissitzky.
ment coupés, créant le
plus souvent des plages Avant moi, aux États-Unis, des dizaines de directeurs artis-
grises sans accroche qui tiques avaient été formés par Liberman. Tous les membres
s’étendent sur des kilo- de cette « confrérie », les anciens de Condé Nast, avaient
mètres de feuilletage. assimilé, à des degrés divers, les préceptes du manifeste
Les textes contournent de Lissitzky : « disloquer la séquence phonétique au profit
les images sans jamais d’une image purement spatiale du mot », et faire en sorte
les toucher. Les encadrés que « la surface imprimée dépasse l’espace et le temps ➁ ».
respectent la grille. Les
superpositions de texte Dans la plupart des cas, Liberman trouvait nos mises en
et d’image sont rares, sauf pages décidément trop « bourgeoises ». Subir ses critiques
sur les couvertures. Les En mai 2010, pour la nouvelle formule de – « Ma chère amie, me disait-il en français, vous n’êtes pas
l’hebdomadaire Les Inrockuptibles, Étienne
photos ne prennent tout Robial adopte la police de caractères DIN. assez vulgaire » – produisait l’effet d’un voyage dans le temps,
leur sens que lorsque l’on d’un retour aux sources intarissables d’une modernité sans
a déchiffré leur légende. Et les publicités ! Elles sont mal cesse contestée.
acceptées, à peine tolérées car considérées comme de vul-
gaires interruptions.

En France, on hésite à bousculer les codes de lisibilité. Au nom


MAIS QU’EST-CE
de la rationalité et dans l’esprit des Lumières, on fragmente
rarement l’espace de la représentation, comme le faisaient QUE LA DIRECTION
ARTISTIQUE ?
les avant-gardistes russes. Paradoxalement, outre-Atlan-
tique, les directeurs artistiques de magazine ont adopté les
enseignements de Lissitzky. On doit la dimension ludique
des maquettes américaines à l’intervention de deux émigrés La direction artistique est un métier difficile à définir. Pour
russes qui, bien qu’opposés au régime bolchevique, n’en Étienne Robial, ce n’est d’ailleurs pas un métier mais une
n’avaient pas moins adopté les idées avant-gardistes. Le plus fonction. Ses vues sur la question sont le résultat d’une
connu est Alexey Brodovitch, qui fut directeur artistique de longue expérience professionnelle. Il a créé la maquette de
Harper’s Bazaar de 1934 à 1958. Moins illustre mais plus plusieurs publications, Les Inrockuptibles en particulier, en
influent, Alexander Liberman, l’éminence grise de Vogue et des 2010. Mais il est surtout connu pour l’identité graphique de
éditions Condé Nast pendant un demi-siècle, de 1941 à 1991. Canal+, la chaîne de télévision où, pendant trente ans, il a été
directeur artistique, responsable non seulement de l’habillage
J’ai été directrice artistique sous le régime autoritaire de des différentes émissions mais aussi de leurs programmes de
Liberman à New York à la fin des années 1980. J’ai accepté communication internes et externes. « J’étais au comité de
d’être sous sa tutelle, dans un mode de transmission du savoir direction, explique-t-il, je n’avais pas besoin de validations.
proche de la relation maître-élève des ateliers de peinture de Je n’avais pas à démontrer que mon travail était tout aussi
la Renaissance. C’est en le regardant manipuler librement les important que celui des autres membres du comité. »
éléments d’une mise en pages que j’ai pu comprendre, plus
de soixante ans après la révolution d’Octobre, ce qu’avait été De toute évidence, son maître à penser n’est pas Lissitzky.
ce jeu topographique cher à Lissitzky. Son modèle de référence, j’imagine que ce serait plutôt l’Al-
lemand Peter Behrens, directeur artistique de l’entreprise
En plus de ses fonctions de directeur artistique, Liberman était d’électricité AEG (Allgemeine Elektricitäts Gesellschaft) et
un peintre et un sculpteur qui, comme Lissitzky, travaillait à cofondateur de la Deutscher Werkbund. Comme Behrens, à
la manière de Kasimir Malevitch. Ses recherches formelles qui l’on attribue l’invention du concept d’identité d’entreprise,

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Robial est avant tout un gestionnaire de projets. Il n’envisage
pas sa fonction créative autrement. « La direction artistique,
c’est aussi savoir argumenter », insiste-t-il.

Quand il applique sa philosophie de gestion à la maquette


d’un magazine, le résultat est fonctionnel, limpide, sans
bavure. Les Inrocks reflètent la sensibilité d’un graphiste
pour qui la typographie est un instrument de contrôle.
La police FF DIN (dessinée par Albert-Jan Pool pour Erik
Spiekermann en 1995) dans un corps gras, en trois tailles
seulement, sert aux surtitrages, titrages et accroches – pas
de lettres capitales, sauf pour les noms propres. Toujours la
DIN, en médium, pour le texte et les sous-titres. Pas de pavés,
que des drapeaux. Beaucoup de blanc, en demi-colonnes
verticales, ici et là, grâce à une grille très souple. Les Inrocks
est un guide de l’actualité culturelle et politique qu’on ne
peut pas comparer à un magazine à proprement parler. Sa
formule ludique mais rassurante n’impose pas aux lecteurs
d’interminables prises de position.

O n p o u r ra i t
imaginer que la
table de travail
d’Étienne Robial
Les Inrockuptibles est aujourd’hui un guide de l’actualité
est aussi ordon- culturelle qui propose des rubriques plus que des articles.
née que ses tra- n° 1001, 4-10 février 2015.

cés régulateurs
et ses déclinai-
sons d’identités
graphiques. Il
La grille du magazine, très rigoureuse, permet pourtant
n’en est rien. une grande souplesse. La simplicité de la maquette de
Robial fait sa force. n° 1000, 28 janvier-3 février 2015.
L’environnement
dans lequel il travaille est peuplé de trésors petits et grands
dont il s’inspire constamment. Des dizaines de boîtes de
crayons de couleur, des casiers contenant des poignées de
porte-mines rétro, des piles de rouleaux de rubans adhésifs
multicolores, des panoplies de stylos Critérium, des taille-
crayons à manivelle alignés en rangs d’oignons, des équerres
de toutes proportions, des compas en acier ou en bois, des
étiquettes et des plumiers. Sans compter une trentaine de
mètres de rayonnages pour sa collection de livres, revues,
magazines, pochettes de disques et catalogues de spécimens
typographiques. Robial remplit aussi des cahiers de notes
avec des graphiques, des chartes et des tableaux qui lui
permettent d’évaluer l’intensité des couleurs, l’opacité des
noirs ou la texture des traits de crayon de ces petits outils
de travail qui nourrissent son imagination.

Être « graphiste gestionnaire », comme dit Robial, n’est qu’une


facette de la pratique d’un directeur artistique. Comme lui,
d’autres graphistes, chargés de la direction artistique de maga-
zines, se retrouvent pris entre deux feux : art et commerce. Ce
n’est pas nouveau. L’idéologie productiviste qui est la leur sur
le plan professionnel est en fait dans la grande tradition de
l’organisation scientifique du travail (OST), une théorie qui
met en avant, depuis la deuxième révolution industrielle, la
figure mythique de l’artiste-ingénieur.

35
« PERSON
LIT TOU
ARTICLE
MAGA
Richard
NNE NE
US LES
ES DE CE
AZINE »
Turley
LA DIRECTION impossible. » À mesure que les magazines non lus s’empilent
dans un coin, un sentiment de culpabilité s’accroît. « On finit
par ne plus acheter de magazines », conclut-il.

ARTISTIQUE DES Rendre la lecture plus agréable est une tâche souvent confiée
à des directeurs artistiques qui, comme Robial, ont un tempé-
rament de graphiste-maquettiste : des hommes qui agissent
avant tout sur le terrain typographique pour faire passer le
message. Parmi eux, Alain Blaise à Libération, Loran Stoss-
kopf à Télérama, Serge Ricco à L’OBS ou Yorgo Tloupas à
Vanity Fair France. Ils ont chacun leur style, mais partagent
une référence commune : la très belle maquette que l’An-
glais Richard Turley avait créée pour le magazine américain

Richard Turley, directeur artistique de Bloomberg


Businessweek, a transformé cet hebdomadaire
américain en un magazine culte. Mai 2013.

GRAPHISTES-
MAQUETTISTES
Un exemple de mise en pages où la grille austère du magazine met
en valeur l’approche déjantée de l’iconographie. Le sujet s’y prête :
l’empire de la pornographie de Stuart Lawley.
The Republic of Porn, juin 2012.

En France, les kiosques de journaux sont des supermarchés Bloomberg Businessweek. Tous la citent comme le comble de
de la convoitise. Des douzaines de directeurs artistiques riva- l’élégance et de la lisibilité. Ah ! la presse britannique... Les
lisent pour offrir aux lecteurs des formules chatoyantes où Anglais ont souvent été mis à contribution pour repenser
images et textes s’efforcent d’informer, d’édifier, de distraire, la maquette de magazines français. CDT (Carroll Dempsey
d’étonner et d’inspirer. & Thirkell) à Télérama en 1992 ou Fernando Gutiérrez
(Pentagram) au Nouvel Observateur en 2006. Rien de plus
sage, pourtant, que le format de Bloomberg Businessweek.
Une grande homogénéité se dégage de la maquette, de ses
titrages en Helvetica et des différents éléments typographiques
minutieusement agencés. Le tout fonctionne grâce à une
grille très rigoureuse marquée par des filets au tracé aigu qui
rehaussent l’aspect structuré des pages tout en accentuant
quelques incursions erratiques sous forme d’illustrations
ou de vignettes photographiques. Mais il n’y a pas là grande
innovation. C’est pratiquement la même maquette que celle
de The Guardian par Mark Porter, ou celle que cet autre
talentueux directeur artistique anglais, Robert Priest, avait
Susanna Shannon collabore avec Alain Blaise, directeur artistique imaginé pour Esquire dans les années 1980.
du quotidien Libération. Sa sensibilité typographique est typiquement
anglo-saxonne : elle respecte avant tout la hiérarchie de l’information.
n° 9601, 24 mars 2012, et n° 9624, 20 avril 2012. Ce qui fait la modernité et l’attrait de Bloomberg Businessweek,
c’est l’importance donnée aux détails les plus infimes. Le
« Il y en a tellement, c’est presque anxiogène », remarque texte sert de toile de fond à quelques touches visuelles
Laurent Abadjian, rédacteur photo à Télérama depuis 2001. Et dont la taille et la position dans l’espace sont finement
dans chaque publication, ajoute-t-il, il y a trop à lire. « Alors calibrées pour créer une notion d’échelle. La relation entre
que les lecteurs anglo-saxons savent faire le tri entre ce qui graphiques, illustrations, photographies, encadrés ou
les intéresse et ce qui ne les intéresse pas, les Français tentent légendes est au service d’un ensemble dont le rythme syn-
de lire tous les articles de bout en bout, ce qui est souvent copé donne à l’œil envie de danser. De danser et de virevolter.

38
Quand l’ouragan Sandy transforme New York en ville sinistrée,
Turley transforme la couverture de Bloomberg en une affiche qui
rappelle aux lecteurs les dangers du réchauffement planétaire.
Novembre 2012.

39
« Personne ne lit tous les articles de ce magazine », affirmait « Blaise était le maître d’œuvre. Mais autour de lui, on avait
Turley dans une interview dans Grids ➂, le blog de la Society une capacité à se mobiliser sur un événement fort, dans un
of Publication Design à New York. « C’est une prose très rapport de confiance. C’était cette alchimie qui faisait que
dense et assez littéraire. Néanmoins, mon but est de stimuler ça fonctionnait. » À l’époque, la grille de Claude Maggiori
l’envie de lire des lecteurs, même s’ils ne font que feuilleter structurait leurs échanges. Blaise proposait à Abadjian des
notre publication. » « volumes » à remplir. C’était au rédacteur photo qu’incom-
bait la tâche de trouver des solutions visuelles pertinentes.
Qu’on les lise ou non, les articles dans Bloomberg attirent
par leur intelligence et leur objectivité. « C’est une maquette À Télérama, Abadjian s’est appliqué à recréer cette même
affolante de crédibilité », dit Susanna Shannon, une graphiste complémentarité avec deux directeurs artistiques succes-
américaine qui vit en France et collabore régulièrement à Libé sifs, d’abord Serge Ricco (2001-2010) puis Loran Stosskopf
(notamment pendant la dernière campagne présidentielle), (depuis 2011). Pour lui, c’est passionnant car « c’est à chaque
au Nouvel Économiste, à L’Express ou à Madame Figaro. individu de dessiner son territoire ». Il explique que cela
« Quand je regarde Bloomberg, j’ai les yeux qui grésillent. » se recalcule tous les jours. L’idée de départ à Télérama est
de proposer aux lecteurs deux
Shannon est avant tout au service regards croisés, celui du texte et
d’une tradition journalistique. Elle celui des images. Moins contrai-
fait partie de ces directeurs artis- gnant que le format d’un quo-
tiques pour qui le sens des mots tidien, l’hebdomadaire permet
compte plus que la « communi- une plus grande souplesse, donc
cation ». « Je ne sais pas si les un espace de négociation plus
publications à base de pulpe de flexible entre ces deux langages.
papier vont survivre, dit-elle. Leur « Toutefois, on privilégie la paix
élimination serait non seulement sociale à l’intérieur des équipes,
une attaque contre la démocra- ajoute-t-il. » À Télérama, plaire
tie, mais aussi un danger pour à tout prix aux lecteurs n’est pas
la cohésion de notre société. De une stratégie qui fait consensus.
la presse papier dépend notre
aptitude à vivre ensemble. » Farouchement fidèle au Franklin Point essentiel dans la presse
La nouvelle maquette de Télérama,
par Loran Stosskopf, met l’accent
Gothic Medium, elle décline l’information sereinement, française : le consommateur n’a
sur les vides pour donner plus
attentive à l’échelle de chaque composante de la page. Pour pas toujours raison. Se deman-
d’impact aux mots et aux images.
Mai 2013.
le Festival de Chaumont les deux dernières années, elle a der ce que les lecteurs voudraient
produit un quotidien, La Life, qu’elle décrit non pas comme lire n’est pas une démarche courante. Le marketing n’a pas
une gazette mais comme un instrument d’agrégation sociale totalement prise sur le rédactionnel – pas autant qu’aux
pour la durée du Festival. États-Unis, où les sujets des articles sont souvent décidés
derrière des portes closes, en accord avec les commerciaux.
La sensibilité graphique de Shannon est proche de celle
d’Alain Blaise, qui assure, depuis 1992, la direction artis- En fait, à Télérama, on cultive une certaine distance par
tique de Libération. Il a survécu aux sagas des différents rapport au pouvoir culturel. Sur ce point, l’ADN du maga-
looks du journal sans pour autant perdre son goût pour zine est contestataire. Quand Loran Stosskopf est arrivé, il
la typographie bien charpentée, les titrages musclés et les a voulu mettre de l’ordre dans une maquette qui, après une
illustrations flamboyantes. La solide maquette de Claude série de ces remises en question qui contribuent au succès
Maggiori, en vigueur de 1981 à 2009, a été remplacée par du magazine, avait perdu de sa rigueur. La transition a été
une nouvelle mouture, plus policée – trop policée d’après plus compliquée que prévue. Avec une circulation de 650 000
certains critiques –, développée par Javier Errea et Antonio exemplaires (égale ou supérieure à celle de Paris Match),
Martin, deux consultants de l’agence de presse Innovation Télérama est un énorme paquebot qu’on ne manœuvre pas
Media Consulting. Qu’à cela ne tienne. Pour Blaise, Libé est un aisément. Stosskopf, avec son approche de graphiste, son
objet malléable, pliable, flexible. Cette maquette qui n’est pas goût de l’exactitude et son désir de cohérence, a dû faire ses
la sienne, il la bouscule et l’aiguillonne, pour la désinhiber et preuves avant de pouvoir changer les choses.
pour ramener un peu de cet engagement et de ce chaos qui
caractérisaient le journal à ses débuts, dans les années 1970. Aujourd’hui, les couvertures de Télérama sont des compo-
sitions graphiques soignées et minimalistes qui privilégient
Laurent Abadjian, qui a travaillé comme directeur photo avec l’asymétrie. Logo et accroches sont en Graphik Regular
Blaise pendant cinq ans avant de rejoindre Télérama en 2001, Condensed (une création de Commercial Type qui ressemble
se souvient de la manière dont ils partageaient la réflexion à l’Univers Light Extra Condensed). Petite coquetterie, le
sur le rapport texte-image en permanence, au fil des heures, code-barres sur la couverture est dans un cartouche rouge
en aval comme en amont du processus de mise en pages. vertical de la même hauteur que le logo. Placé en haut

40
Les couvertures de Télérama sont dépouillées, sans pour
autant être glacées. La fantaisie est dans les couleurs et
la composition. Février 2014.

Une double-page évoque le tapis rouge de l’escalier du Palais des festivals


de Cannes : la typographie suggère combien gravir ces marches peut être
une opération périlleuse pour les actrices en robe de gala. Mai 2013.

Cette couverture montre bien le parti pris asymétrique des Les blocs de texte, d’un gris uni sans irrégularités,
éléments typographiques. Le code-barres, motif identitaire, est contrastent avec le blanc du papier et le noir de l’encre
placé en haut à droite, comme une cocarde. Janvier 2013. d’imprimerie. Mars 2012.

41
Serge Ricco, directeur artistique de L’Obs,
ponctue ses mises en pages d’éléments
typographiques décoratifs : on les
remarque à peine mais ils enrichissent
l’expérience de la lecture. Mars 2015.

L’inventivité est un impératif à L’Obs :


l’actualité est mise en scène pour
interpeler le lecteur et le surprendre.
Janvier 2015.

Sur les doubles-pages, l’interaction entre


photographies et titrage peut donner lieu
à de très beaux morceaux de bravoure
typographiques. Ici, Houellebecq semble
défier les initiales de son nom.
Janvier 2015.

42
cœur dangereux : Lubalin était un formidable dessinateur de
à droite, ce cartouche s’aligne avec les mentions légales, le
logos, mais ses polices, toujours très décoratives, n’étaient
numéro, la date et le prix du magazine. De formation hybride,
pas faites pour décliner manchettes et titrages.
cet algorithme identitaire est un sigle très contemporain.

À l’intérieur, Stoss- Sans se décourager, Ricco choisit une police de caractères


kopf a réussi à don- qui ressemblait au logo de Lubalin, la Domaine (fonderie
ner à ses mises en Klim/Kris Sowersby), dans la version Display Black, et en
pages des espaces fit la signature typographique de la nouvelle maquette de
de respiration, avec l’hebdomadaire. Au lieu de l’utiliser à petite dose et en petite
des aplats blancs qui taille, comme la sagesse l’aurait voulu, il la déploya partout,
fonctionnent comme à toutes les échelles, en bleu, en rouge ou en noir, selon les
des formes architec- besoins de la cause.
turales à part entière
plus que comme de Sur certaines doubles-pages, l’effet
Lorsque le logo d’un magazine
est établi, on le reconnaît
simples vides. Pour est percutant, surtout quand la
au kiosque sans avoir besoin
rendre la lecture taille des lettres reste modeste, ce
de le lire. Ici, la lettre « O » est
remplacée par le visage
encore plus sereine, de l’actrice Léa Seydoux.
qui rend leur noirceur, leur galbe
il retravaille l’espace- Décembre 2014. et leurs sinuosités moins agres-
ment entre les mots et sifs. Tout aussi surprenants sont
la ponctuation, créant les encadrés de L’Obs, des pavés
ainsi des colonnes de texte d’un gris uni qui repose l’œil sans de composition centrée, des morceaux de bravoure qu’il
qu’on s’en rende compte. Le cœur du magazine offre ainsi faut lire en écarquillant les yeux. « Chaque article a son
des zones de calme qui mettent en valeur la fulgurance de univers, explique Serge Ricco. Et puis, le plus souvent, le
certaines photos ou illustrations. Les titrages sont en Publico magazine est plus fort que vous. Il a sa propre logique. Il
(Commercial Type), un caractère gras à empattements, qui garde son mystère. »
n’est utilisé qu’en majuscules. Cette police est réservée au
cahier central et aux critiques de la section télévision.

Le choix du Publico, une référence au journal portugais


Público, est un clin d’œil à Mark Potter, le créateur de cette
« LE PLUS
admirable maquette récompensée en 2014 pour l’excellence
de son design par la prestigieuse institution European News-
paper Award. Néanmoins, l’utilisation en majuscules que
SOUVENT LE
Stosskopf fait de cette police est très différente de l’utilisation
en bas-de-casse qu’en fait Mark Potter dans Público. L’insis-
MAGAZINE EST
PLUS FORT
tance sur les capitales pour les titrages de Télérama donne
l’impression que les rédacteurs s’adressent aux lecteurs sur
le mode impératif.

Les graphistes français veulent toujours « faire autrement ». QUE VOUS »


Ils admirent certaines maquettes, mais refusent de les imiter,
alors que les Anglais n’hésitent pas à copier les formules
heureuses ou à les réinterpréter systématiquement en toute Dans sa nouvelle formule, L’Obs fait preuve d’une vitalité
impunité. L’exemple le plus flagrant est Richard Turley qui, sans égale dans la presse française. On ne peut qu’admirer
pour Bloomberg Businessweek, avait emprunté la grille du ce joyeux débordement d’articles, d’informations, d’images,
Guardian où il avait travaillé avec Mark Potter – tandis que d’idées, de rubriques, d’encadrés, de graphiques, d’accroches,
Mark Potter repiquait cette même grille ici et là, pour Público, de titres, de sous-titres, d’intertitres et de légendes. Ensemble,
mais aussi pour Courrier international ou pour le magazine ils forment un tout dont la cohérence tient au fait que tous
italien Internationale, entre autres. les éléments de la maquette sont délibérément conçus comme
des interruptions.
Récemment, à L’Obs, Serge Ricco a lui aussi voulu faire réfé-
rence à un modèle typographique culte, sans pour autant y être Alex Liberman aurait apprécié le travail de Serge Ricco à
assujetti. Pour la nouvelle maquette, dont il est l’auteur, il s’est sa juste valeur. Ses mises en pages n’incarnent-elles pas les
inspiré du logo du Nouvel Observateur des années 1970, un préceptes du manifeste de Lissitzky : « disloquer la séquence
chef-d’œuvre que l’agence de Robert Delpire avait commandé phonétique au profit d’une image purement spatiale du mot »,
à Herb Lubalin, le célèbre graphic designer américain connu et faire en sorte que « la surface imprimée dépasse l’espace
pour avoir créé la police de caractères AvantGarde. Coup de et le temps » ?

43
UNE EXCEPTION Yorgo Tloupas est un directeur
artistique pour qui la typogra-

FRANÇAISE :
phie fait partie d’un tout. Il
conçoit son métier comme une
pratique à l’intersection de l’art

VANITY FAIR et du commerce, sans état d’âme,


sans faire de distinctions talmu-
diques entre ce qui est culturel
Dans la plupart des cas en France, les budgets que les éditeurs et ce qui ne l’est pas. Par contre,
consacrent au développement de l’identité typographique de il favorise les rapports humains.
leurs publications sont largement insuffisants. Ne cherchons Le magazine Intersection a été créé « J’ai un principe, dit-il. Ce que je
pas plus loin la raison de la banalité d’un grand nombre de en 1999 au Royaume-Uni par Yorgo fais n’est jamais le résultat d’une
Tloupas, Dan Ross et John Rankin.
maquettes de magazines français. Les directeurs artistiques n° 35, printemps 2012. évolution technologique. »
disposent de trop peu d’argent et de trop peu de temps pour
étudier, expérimenter, tester voire redessiner les caractères Son parcours professionnel est l’expression d’une boulimie
typographiques qui vont définir non seulement la lisibilité pour tout ce qui va vite : le skate, la moto, les hors-bords et
mais aussi la personnalité des publications dont ils sont les voitures. Pour lui, les magazines de luxe appartiennent
responsables. à la même catégorie : on les feuillette en vitesse, dans tous
les sens, on les roule et on les plie, on n’a pas le temps de les
Pourquoi les décisionnaires méconnaissent-ils à ce point lire mais on n’hésite pas, dans des moments d’enthousiasme,
l’importance du dessin des lettres ? Sébastien Morlighem à arracher les pages les plus belles pour les garder comme
qui, en tant qu’historien de la typographie, a collaboré au référence.
développement de la police VF Didot pour la fonderie Com-
mercial Type (pour le Vanity Fair américain), avance une Tloupas se définit comme un créatif avec des velléités entre-
explication : traditionnellement, en France, le travail de preneuriales. Il est membre fondateur de deux magazines
l’ouvrier typographe/créateur de caractères est dévalorisé cultes. D’abord Intersection, un luxueux trimestriel publié
comme étant une vulgaire besogne manuelle, tandis que en Angleterre depuis 2001 – une publication qui fonctionne
le travail de l’éditeur est surestimé, son activité considérée comme un magazine de mode mais qui propose des repor-
comme une poursuite intellectuelle. tages insolites sur tout ce qui
touche à l’accélération, surtout
les automobiles. Ensuite Maga-
zine (avec Angelo Cirimele en
2004), une revue qui traite de la
presse « de style » et synthétise
les tendances du moment dans
ce domaine. Son agence, Yor-
go&Co, a deux adresses, l’une à
Londres l’autre à Paris. C’est une
structure hybride, avec une petite
équipe de créatifs multidisci-
plinaires capables de répondre
Est-ce le fait d’un esprit corporatiste qui perdure ? C’est fort Tloupas a été directeur artistique aux demandes de clients haut de
de Magazine, une publication culte
possible. Quelle que soit l’analyse qu’on en fait, la réalité reste gamme, comme Martell, Lacoste
dont le sujet est la fabrication des
la même. Le plaisir de la lecture est entre les mains de ceux images, des concepts et des mots ou Condé Nast.
dans la presse de style. Couverture,
qui savent non seulement reconnaître et hiérarchiser les
n° 3, 2011 et double-page du n° 1,
caractères de lettres, mais qui savent aussi les ajuster, voire automne 2010. En 2010, Tloupas avait travaillé
les redessiner. Tant que les patrons de la presse refuseront pour Condé Nast sur l’édition
de considérer l’excellence typographique de leurs produits française du magazine GQ. Ce qui lui avait donné envie de
comme faisant partie intégrante de leur modèle économique, répéter l’expérience avec Vanity Fair, ce prestigieux maga-
il ne faut pas s’attendre à des miracles. zine « qui traite les acteurs comme des intellos et les intellos
comme des acteurs ». Belle formule pour décrire cette presse
Édifiant sur ce point est le cas du Vanity Fair France, géné- people sur papier glacé. L’ambiguïté de ce positionnement
reusement financé par Condé Nast, et dont la maquette a éditorial plaisait à Tloupas, lui qui est toujours à l’affût
été confiée à Yorgo Tloupas. Les moyens mis à sa disposition de l’insaisissable.
sont extravagants comparés à la norme française. Il faut dire
que l’objectif numéro un de Condé Nast n’était pas de créer Après le succès inespéré de la version française de GQ, Condé
un produit mais de développer une marque. Nast avait décidé d’ajouter Vanity Fair à la liste de ses titres

44
cette ambiance
distribués en France, Vogue, Glamour et AD. Pour cela, il
vieille bourgeoi-
fallait trouver un directeur artistique capable d’interpréter
sie. » Ça tombait
les codes et les tropes anglo-saxons de la maquette originelle
bien. Graydon
et de les adapter pour un lectorat français – quelqu’un pour
Carter, le légen-
qui pasticher une œuvre existante n’était pas un problème
daire rédacteur
insurmontable. Tloupas décrocha le contrat.
en chef du Vanity
Fair américain,
Chris Dixon, directeur artistique du Vanity Fair américain
est un dandy dont
et témoin de ce « French makeover »
l’élégance rappelle
dont la gestation a duré dix-huit mois,
celle de Gatsby le
est admiratif du résultat. « L’inter-
magnifique.
prétation de Yorgo est une des plus
intéressantes de toutes nos éditions
internationales, dit-il. Même si parfois Après tout ce tra-
ses choix typographiques me font vail préparatoire,
penser à la mise en pages de menus la traduction de
quatre étoiles ou à des paquets de la marque Vanity
cigarettes de luxe. » Fair en langue
Grâce à un tour de force Nostalgie, espionnages, scandales, révélations : française est une
Tloupas aime raconter, par le menu, typographique, Tloupas a su Vanity Fair est un magazine people haut de gamme. réussite, et son
transformer une publication C’est une marque de luxe au même titre que Chanel
comment il a systématiquement ana- américaine en un magazine ou Vuitton. Septembre 2014. positionnement
lysé tous les éléments de la maquette français. Mars 2014. est compréhen-
américaine, répertoriant une à une les sible pour qui-
idiosyncrasies de cet étrange assemblage de maniérismes conque feuillette le magazine. La mise en pages minutieuse
et de motifs graphiques qui donnent à Vanity Fair toute sa des articles rend crédible ce mélange de nostalgie, de glamour
personnalité. La liste est longue : ombres portées, carrés et de journalisme d’investigation qui est la signature du maga-
rouges, transparences, parenthèses, rubans, flèches, cha- zine. Si seulement le succès que rencontre Vanity Fair France
peaux, cartouches, illustrations miniatures, effets de papiers en kiosque pouvait convaincre les éditeurs qui contrôlent nos
déchirés, portraits de groupes, et j’en passe. Il a eu le temps publications du bien-fondé d’un tel investissement.
de s’interroger sur l’utilisation du VF Didot, la relation entre
titrages en majuscules et accroches en minuscules et le rôle Cependant, pour apprécier le travail de Tloupas, il faut un œil
des caractères en italiques sur les couvertures. Il a aussi averti. Pour les non initiés, il n’y a presque pas de différence
longuement étudié la place prédominante que tenait dans entre les maquettes française et américaine, sauf peut-être la
le magazine l’infographie dont les tableaux et diagrammes longueur des articles en français. Pourtant, avec seulement
étaient toujours d’une virtuosité étonnante. 20 % du contenu éditorial venant des États-Unis, la version
française est une complète réinvention. « Ce que je fais, ce
« Je me suis rendu compte très vite que tous ces détails minu- n’est pas du graphisme, dit Tloupas. Ou plutôt, oui, c’est du
tieux faisaient partie intégrante du concept éditorial mais graphisme mais on ne le voit pas. »
aussi de l’image de la marque “media” de Vanity Fair et de
ses produits dérivés », explique Tloupas.

Quatre numéros zéro ont jalonné ce processus au cours


duquel Tloupas a travaillé avec le créateur de caractères
Jean-Baptiste Levée pour créer une police, Vanity, une linéale
assez condensée, style Art déco, qui se distingue par la vaste
panoplie de ses caractères alternatifs décoratifs. Cette réfé-
rence aux années folles, qui donne à la maquette française
un air de sophistication, reste néanmoins feutrée : Tloupas
n’utilise Vanité que pour des titrages et sous-titrages de petite
taille, et ses caractères alternatifs décoratifs sont réservés
aux noms propres et aux mots isolés.

« Pour en arriver là, nous avons fait un travail documentaire


sur le vernaculaire des pierres tombales à Milan, Rome et
Florence, dit Levée. Nous avons aussi étudié la typo des vieilles
Pour la version française de Vanity Fair, Jean-Baptiste Levée a dessiné Vanity, une
cartes postales de Deauville. Yorgo pensait que les futurs lec- police qui comporte des caractères alternatifs de style Art déco. Son utilisation suit
teurs et lectrices du Vanity Fair français s’identifieraient avec des règles très strictes.

45
LE TRAVAIL contrepoint à des images photographiques délibérément
stylisées. Pourtant, la manière dont Baron prend possession
de l’espace de représentation est typiquement suprématiste :

DE CEUX QUI comme Malevitch et Lissitzky (et comme Liberman), il uti-


lise des effets de frontalité et de platitudes, des réserves de

FABRIQUENT
blanc qui écrasent la perspective, et des rapports de tension
entre pleins et vides qui accentuent le dynamisme mais aussi
l’instabilité de ses compositions.

DES IMAGES De son père Marc Baron, directeur artistique de L’Équipe,


Fabien avait appris très jeune l’art de la maquette, mais avait
Fabien Baron, qui tient une place prépondérante en France aussi acquis une substantielle culture photographique. À peine
comme à l’étranger dans l’univers de la mode et du luxe, est débarqué à New York au début des années 1980, il alla cher-
probablement le plus connu des « faiseurs d’images ». Direc- cher Bert Stern, alors toxicomane tombé dans l’oubli, pour
teur de la création du magazine américain Interview créé faire une petite série de photos de mode. Le photographe de la
par Andy Warhol, célèbre dernière
il a à son crédit séance avec Mari-
la direction artis- lyn Monroe tenait
tique d’autres à peine debout.
titres tout aussi Mais Fabien, qui
prestigieux tels avait 21 ans à
les Vogue italien l’époque, voyait
et français, Har- en lui un géant.
per’s Bazaar et C’était avant la
Arena Homme +. sortie du livre
La liste de ses The Last Sitting
clients est vertigi- qui devait réta-
neuse. Parmi eux : blir la réputation
Calvin Klein, Dior, de Stern et relan-
Harry Winston et cer sa carrière.
Burberry. Il crée Plus tard, Baron
des logos, des- se lia d’amitié
sine des flacons avec des photo-
de parfum, filme graphes de mode
des campagnes Fabien Baron était directeur artistique du magazine Vingt-quatre ans plus tard, en décembre 2014, Baron, comme Steven
Interview en juin 1990 quand il mit en couverture de nouveau directeur artistique d’Interview, demande
publicitaires et une jolie photographie grivoise de Madonna par Herb aux photographes Piggott & Mert de répéter l’exploit :
Me i s e l , Pe t e r
réalise des prises Ritts – un scandale à l’époque. mais, âgée de 56 ans, Madonna choque-t-elle encore ? Lindberg, Herb
de vues. Pour l’as- Ritts ou Patrick
sister dans tous ces projets, il a engagé une cinquantaine Demarchelier, les stars des années 1990. Leurs multiples
de personnes à Baron & Baron, son agence new-yorkaise. collaborations avec Baron ont produit des images qui ont
marqué leur époque, des portraits de Kate Moss ou des nus
« Je suis super rapide, dit-il. Je fais tout plus vite que tout le de Madonna. Encore aujourd’hui, Baron reste très proche
monde. Ça peut poser des problèmes aux gens qui n’ont pas des jeunes photographes avec lesquels il travaillait régu-
autant d’expérience que moi. » Cette déclaration, qui peut lièrement à Harper’s Bazaar – David Sims, Mario Sorrenti,
sembler arrogante, fait écho à l’une des phrases favorites Steven Klein, Graig McDean et Terry Richardson –, de fortes
d’Alex Liberman, qui aimait à dire, citant Picasso : « Je ne personnalités qui sont devenues des figures incontournables
cherche pas, je trouve. » Baron a rencontré Liberman au dans les magazines de mode comme dans la publicité.
début des années 1980. C’est grâce à cette entrevue que
le jeune Français a décroché le poste de maquettiste à GQ Récemment, dans Interview, Baron a publié un portfolio
(Mary Shanahan en était alors la directrice artistique). Baron de photos de Madonna par Marcus Piggott et Mert Alas.
a très vite adopté la manière de travailler de celui qui fut le La séquence, qui montre la chanteuse de 56 ans les seins
mentor (et le tormentor) de tant de directeurs artistiques nus dans des poses provocantes, a de nouveau effarouché
américains. les critiques. Mais de plus en plus, Fabien Baron se charge
lui-même d’écorcher les sensibilités. Il passe derrière l’ob-
À tort, on cite l’influence d’Alexey Brodovitch sur Baron pour jectif pour prendre les photos de mode, avec chaque fois
expliquer ses mises en pages sur papier glacé où le texte, des résultats dont l’érotisme exacerbé et crépusculaire est
finement monogrammé en caractères Firmin Didot, sert de l’expression d’un désir de faire sauter les codes du bon goût.

46
C’est Steven Klein qui est l’auteur de cette photographie
de couverture d’Interview. Pour ce numéro spécial Hommes,
Baron choisit le chanteur Kanye West – un artiste si « chaud »
qu’il enflamme le logo. Février 2015.

47
UNE SPÉCIALITÉ l’occasion de repousser les limites de ce qu’il est convenable
de montrer – ou, pire encore, de suggérer. Sa collaboration
avec le photographe allemand Juergen Teller pour Paradis

FRANÇAISE : LA frappe les esprits. Il sait choisir avec qui s’associer pour
dépayser au maximum le regard : Sam Taylor-Wood pour
YSL Parfum, Nick Knight pour Alexander McQueen, Marcus
Piggott et Mert Alas
pour Opium, Erwan
Frotin pour Cartier.
Comme Baron, qu’il
admire, Lenthal traite
tous ses commandi-
taires de la même
façon, comme des
émissaires dans le
domaine culturel.

« Une commande
pour moi est l’inter-
prétation d’un texte,
l’exhumation de son
sens, dit-il. Je cherche
toujours quels sont
les ressorts concep-
De nos jours, les magazines proposent souvent de Juergen Teller pour un numéro de System
aux lecteurs des couvertures différentes pour un dédié au parfum. Pudiquement, un bandeau couvre tuels qui font que
même contenu. Ici, le directeur artistique Thomas la partie inférieure des couvertures. les choses sont ce
Lenthal a sélectionné trois photographies Octobre 2014.
qu’elles sont. »

PHOTOGRAPHIE
Le plus récent magazine dont Lenthal assure la direction
artistique est System, une publication biannuelle dont l’ob-
jectif est d’exposer « la logique économique et fonctionnelle

DE MODE des métiers de la mode », explique-t-il. Le titre fait référence


à Roland Barthes, dont le livre, Système de la mode, est une
célèbre analyse sémantique du langage vestimentaire. Les
« La photo de mode est le dernier secteur d’activité où les deux rédactrices en chef, Alexia Niedzielski et Elizabeth
Français ne sont pas des tocards. » C’est le directeur artis- von Guttman, sont des initiées qui ont accès aux dossiers
tique Thomas Lenthal qui l’affirme. Il sait de quoi il parle. les plus « chauds ». Elles savent poser les bonnes questions.
Sa carrière dans la presse, l’édition et la publicité est pres-
tigieuse. En 1999, il fonde le magazine Numéro. En 2006, Lenthal se charge de remettre en cause les pratiques visuelles
il crée Paradis. En 2012, il lance à Londres System, avec du métier. Sur la couverture d’un récent numéro de System,
Jonathan Wingfield, l’ancien rédacteur en chef de Numéro. le top model Stella Tennant, photographiée par Juergen
Teller, est assise nue sur une pelouse dans une pose pudique
Avec chaque nouvelle publication, ses maquettes deviennent quoique peu gracieuse. C’est l’opposé de la couverture
de plus en plus dépouillées. Pour les titrages, il utilise du d’Interview avec Madonna en dominatrice enjôleuse, pho-
Times New Roman, « le standard absolu de lisibilité », dit-il. tographiée par Marcus Piggott et Mert Alas.
Il creuse des vides entre le texte et les images, mais cette
blancheur est un voile qui donne l’impression de cacher À l’intérieur, des séries de reportages photographiques
quelque chose. Lenthal déshabille ses mises en pages comme par Teller dévoilent les corps de jolies femmes prises sur
il déshabille les jeunes femmes qui peuplent son univers le vif, sans apprêt et sans retouche. L’une d’elle s’appelle
graphique. Saskia, le prénom de la femme de Rembrandt. « Smells like
Saskia » (Parfums de Saskia), proclame une accroche sur un
Lenthal est un directeur artistique par excellence : dans la bandeau qui entoure la couverture. Connaissant l’érudition
presse comme dans la publicité, il est un révélateur de la de Lenthal et son goût pour les citations obscures, il est
quiddité du moment. Ses campagnes publicitaires sont toutes fort possible que ce portfolio ait été conçu comme une
aussi avant-gardistes que ses choix éditoriaux. Depuis 2000, méditation sur la nudité sans artifice telle que le maître
pour Dior et Yves Saint Laurent, il défie systématiquement flamand la peignait, en amoureux épris de la beauté char-
les codes du luxe. Fabriquer des images, pour lui, est toujours nelle de sa femme Saskia.

48
« La mode nous émeut parce qu’elle est éphémère, dit Lenthal. imprimés sur des encarts insérés entre les portfolios. Une
Elle est l’expression d’un discours dont nous ne comprenons solution qui rappelle celle des livres anciens illustrés par
pas le sens. » Ce décryptage sans cesse recommencé est le des estampes tirées sur des presses spécialisées, puis collées
fond de commerce de nombreux magazines de mode, de Vogue sur des « planches » qui étaient insérées entre les feuillets
à Elle, en passant par L’Officiel, Marie Claire ou Madame de ces beaux livres.
Figaro, pour ne nommer que les plus connus. Les direc-
teurs artistiques qui « Avant, on changeait tout le temps de directeur artistique,
y travaillent font mais on finissait par faire le même truc en définitive », explique
partie d’une petite Cirimele, dans un aveu qui réaffirme le fameux épigramme
clique de gens très d’Alphonse Karr, « plus ça change, plus c’est la même chose ».
créatifs qui eux aus-
si ont leur magazine Pour les directeurs artistiques, cette formule résume bien
attitré : Magazine, le dilemme qu’ils partagent tous : celui de la réinvention
cette publication permanente, page après page, numéro après numéro, saison
culte créée en 1999 après saison, campagne de pub après campagne de pub,
par Angelo Cirime- révolution technologique après révolution technologique.
le et Yorgo Tloupas Ce qui reste la même chose c’est la physiologie du regard :
qui est distribuée c’est l’écartement des pupilles des yeux des lecteurs, une
dans les librairies et distance moyenne de soixante-trois millimètres – la seule
concept stores les plus certitude mesurable.
branchés de France.
Véronique Vienne
Au départ, Maga-
zine était un gra-
tuit, chaque numéro
étant la responsabilité d’un créatif différent. Parmi eux, des ➀ Michel Porchet, « La spatio-temporalité de la maquette constructiviste :
Pourquoi une si longue cohabitation avec le réalisme stalinien ? », Appareil,
directeurs artistiques de tous genres (Michel Mallard, Chris- articles mis en ligne le 30 juin 2008. www.appareil.revues.org/507.
toph Brunnquell, Sophie Toporkoff, Thomas Lenthal, Peter
Knapp), des studios (H5, Surface to Air), mais aussi de nom- ➁ Cité par C. Leclanche-Boulé dans Le Constructivisme russe, Paris,
Flammarion, 1991.
breux graphistes (Loran Stosskopf, De Valence, Laurent
Fetis, Antoine+Manuel, Sylvia Tournerie, Change is good, ➂ Grids, the official SPD Blog, 11-11-10,
www.spd.org/2010/11/bloomberg-business-week.php.
Étienne Mineur).

« Notre budget était exactement zéro, convient Cirimele.


Pour les créatifs qui faisaient don de leur temps, c’était évi-
demment une vitrine. Mais quoi ? On travaille trois semaines
gratuitement pour faire une chose qu’on ne fera qu’une fois Pour les titrages, Lenthal est fidèle
dans sa vie ? » Magazine, pour Cirimele, est dépositaire d’un au Times Roman, qu’il utilise souvent
en couleur. Ses mises en pages frappent
savoir-faire qui se perd : celui de créer un contenu éditorial par la frugalité de leur approche
qui ne répond pas a priori à une commande. typographique. System, n° 1, avril 2013.

Magazine est maintenant


une publication payante, à
dos carré, un objet de col-
lection. Depuis quatre ans
(dix numéros), le même
directeur artistique, Charlie
Janiaut, en assure la conti-
nuité graphique. Il a pris le
parti d’une couverture avec
le titre sur un sticker que
l’on peut déplacer à volonté.
À l’intérieur, il poursuit la
même stratégie qui consiste
à séparer les combattants :
séparer les mots et les
images ! Les articles sont

49
50
51
Angelo Cirimele

52
LA DIRECTION ARTISTIQUE
À L'HEURE DU DIGITAL
LA
presse écrite traverse une période de grâce, et le besoin de se réinventer était
forte mutation, au point qu’on entend incontournable.
les échos de sa mort annoncée. Mais Le contexte historique, plus précisément
c’est bien peu connaître l’histoire des social et politique, porte alors une presse
médias, au cours de laquelle l’arrivée d’un magazine témoin de mutations sociales.
nouveau médium n’a jamais tué le précé- Regardons un magazine comme Nova, dont la
dent mais l’a simplement reconfiguré, par-
fois en profondeur. Nous allons regarder en
arrière, disons jusqu’à l’immédiat après-
guerre, pour tenter de nous projeter dans
ce que pourrait être un futur des médias.

Directeur artistique : Harry Peccinotti.


Cela nous semble baroque aujourd’hui,

Double-page de Nova, mai 1971 .


mais il y a encore quelques décennies, l’infor-
mation épousait le support papier. La radio
se révélait peu pratique et peu réactive, et
la télévision en était à ses balbutiements. Le
journal, donc, pouvait atteindre un million
d’exemplaires par jour, comme c’était le cas première période s’étale de 1965 à 1975 :
pour France Soir en 1953 et en sept éditions quoti- conçue comme un magazine culturel mais
diennes – un peu au rythme où nos sites inter- également de société, il interroge des sujets
net d’information sont aujourd’hui actua-
lisés. La photographie restait un processus
complexe, et son impression délicate pour la
aussi divers que la libération sexuelle, le rôle
de la reine Elizabeth (en juillet 1968) ou les
conflits internationaux. La photographie est
53
presse quotidienne. Puis le développement alors un véhicule d’information mais aussi un
de la télévision allait mettre à mal ce que outil politique (pensons aux effets produits
la presse d’information, via les magazines par les images de la guerre du Vietnam dans
notamment, avait patiemment construit : Life sur le mouvement antimilitariste), et son
un rapport à l’événement distancié, un récit médium de prédilection reste le magazine.
à travers un cadrage et une image parfois Il faut à présent se pencher sur un aspect
devenue fétiche, dont on pouvait posséder un peu ennuyeux mais central des médias
un exemplaire. Dès lors, la lutte était iné- de cette période : leur modèle économique.
gale entre un média « chaud », c’est-à-dire En 1961, un magazine comme Life peut vendre
capable de rebon- jusqu’à 7 millions d’exemplaires par semaine.
dir sur l’actualité, Autre hebdomadaire, Elle vendait un million
et la presse papier, de copies. Leur « client » final, celui que ces
que sa matériali- magazines doivent satisfaire, est le lecteur.
té pénalisait dans Et la qualité de leur proposition éditoriale
sa course face au devient un enjeu central. Ainsi, à la fin des
temps et au specta- années 1970, le magazine Marie Claire dédaigne tou-
culaire. Bien enten- jours la politique de l’abonnement (pourtant
du, l’arrivée de la très rentable) pour lui préférer le kiosque, où
télévision couleur la lectrice « vote » tous les mois, maintenant
a porté le coup de ainsi une tension créative et éditoriale.
Couverture de Nova, septembre 1968.
Directeur artistique : Harry Peccinotti.
Bien avant le développement du digital,
la donne pour la presse change puisque ses
revenus proviennent majoritairement de
ses rentrées publicitaires et non plus de ses
lecteurs. Le « client » – ou destinataire – a
changé de nature et, par conséquent, le
contenu du journal également. Il faut cepen-
dant reconnaître que le contexte social et
politique n’a rien d’aussi enthousiasmant
que celui des années 1960. Plus beaucoup

Couverture de Pop Magazine, n°28, Printemps-été 2013, Emap.


de changements profonds de société ou de
combats traversant les générations. Les quo-
tidiens ne sont presque plus politiquement
marqués et, pour les magazines, les enjeux
sont cosmétiques – au sens propre comme
au figuré.
Dès lors, disons à la fin des années 1990,
l’offre se multiplie et le mot d’ordre devient
« lifestyle », qu’on pourrait traduire par « moi
dans ma vie ». Le propos n’est plus de chan-

54 ger le monde (projet qui a largement échoué)


mais de jouir sa vie. Mécaniquement, les
magazines de style tendent à se ressembler
son téléphone et que sa pre-
mière réaction est de prendre

ON ÉTAIT SOIT PUNK SOIT NEW WAVE


et à se répéter, reprenant inlassablement une photo ou une vidéo d’un
les collections de prêt-à-porter, les décou- événement dont il est témoin,
vertes design de Milan, les expositions de la le métier de reporter subit une
Biennale de Venise et autres « new faces » concurrence déloyale. Certes,
de la création. Le modèle économique est le temps passé sur le terrain,
toujours identique : la marque davantage la connaissance du sujet ou
que le lecteur, devenu un faire-valoir dans du conflit sont irremplaçables
l’intervalle. mais, dès lors que nous
sommes dans une période de
La direction artistique consommation d’images, ces
paramètres ne sont plus très
Et la direction artistique dans tout ça ? utiles. Car la photographie
Elle suit le projet global du magazine, qui lui- coûte cher à produire. Dans le
même suit sa raison d’être : raconter un style champ de la consommation,
de vie à travers expositions, voyages, livres et les marques l’ont bien com-
bonnes tables. L’information et la critique se pris et proposent des images
sont perdues en cours de route, par manque aux agences de presse et
d’appétence des lecteurs. Mécaniquement, aux magazines, contrôlant
la technologie a aussi joué son rôle : quand par là-même le traitement
chacun a un appareil photographique dans du sujet.
Ce phénomène ne concerne pas seule- soit dans la manière de
ment les images : les États-Unis ne comptent les associer, dans le choix
qu’un journaliste pour quatre attachés de du mannequin, son atti-
presse ; il devient assez aisé de déduire tude, etc. La technologie a
qui fabrique l’information, que ce soit en apporté son écot : X-Press
termes de proposition de sujets, d’angles ou puis Indesign ont permis à

LE SALUT VIENDRA PEUT-ÊTRE PARADOXALEMENT DE LA FORME


de matière brute : dossiers, images… des néophytes de proposer
des formes nouvelles. Et les
premiers à désirer « faire »
un magazine sont devenus
Couverture de Love magazine n°6, 2011 (8 couvertures différentes), Condé Nast, photographe : Mert & Marcus.

les directeurs artistiques, les


photographes ou les stylistes
pour donner vie à un style
(le leur), comme la généra-
tion précédente s’emparait
de la presse pour promou-
voir des idées, souvent cri-
tiques. Résultat : les maga-
zines de style sont devenus
les vitrines des fabricants
d’image, esquissant ainsi un
paysage créatif constitué de
graphistes, d’illustrateurs, de
55
photographes… Au passage,
observons que cette famille
de magazines – je parle des
britanniques Another Magazine (2001),
Pop (2000), Love (2009), etc. –
n’est autre qu’une presse
Je sais, le tableau est sombre, mais il business to business (BtoB)
n’est pas interdit d’espérer ou d’agir, et le accessible à tous et consul-
salut viendra peut-être paradoxalement de tée seulement par certains.
la forme. Cette mutation des magazines des On doit reconnaître une cer-
années 1970 aux années 1990. On passe de taine sophistication dans le
magazines de musique et de cinéma avec mécanisme : l’industrie du
des idéaux et des partis pris – on était soit luxe finance le laboratoire
punk soit new wave, soit Cahiers soit Positif – à des créatif qu’est la presse de
magazines de mode, et l’enjeu a basculé style, avant d’aller y choisir
sur l’apparence vestimentaire. Le conte- les artisans qui collabore-
nu des magazines de style étant identique ront avec elle. Et, de leur
(défilés, people et objets désirables), le jeu côté, photographes comme
s’est déplacé vers la direction artistique : directeurs artistiques en font
comment présenter les vêtements, que ce une vitrine de leur travail,
se rémunérant davantage de
visibilité que de numéraire.

IL EST AUJOURD'HUI POSSIBLE, VOIRE RECOMMANDÉ, DE TOUT FAIRE À LA FOIS La situation est-elle pour
autant désespérée ? Pas for-
cément. Si l’on accepte le
temps dans lequel nous évo-
luons, beaucoup de choses
restent à inventer, notam-
ment en regard du digital.
En voici quelques exemples.

Du papier au digital
S’il fallait hier encore
choisir entre faire un jour-
nal, une radio, une télévision
ou des livres (s’agissant de
métiers très différents), il est
aujourd’hui possible, voire

Directeur de la création : Richard Spencer Powell, photographe : David Sykes.


recommandé, de tout faire à

56 la fois. Ainsi Monocle, label


imaginé par Tyler Brûlé en
2007 – qui avait déjà eu l’in-

Couverture et double-pages de Monocle, n°81, mars 2015.


tuition, en 1996, de lancer
le magazine Wallpaper. Tout com-
mence avec un magazine
mensuel, à l’identité gra-
phique très reconnaissable
et au logo réussi, mais se
poursuit très vite avec un site
internet, une webradio (émis-
sion hebdomadaire), puis
viennent des objets (bou- artistique. Par exemple, le site internet pré-
gies, tables, vêtements), une fère les diaporamas aux films, ce qui permet
boutique, un journal semes- un commentaire, un rythme étudié entre les
triel, un livre… et même une images et, finalement, un récit qui invite à
agence de publicité. Certes le laisser sa souris tranquille un moment, ce
sujet de Monocle est précisément qui est peut-être ce que nous recherchons
circonscrit (politique interna- inconsciemment… Longtemps, le site a donné
tionale, affaires et style) et les la primeur à l’illustration, quand beaucoup
angles soigneusement char- se précipitaient sur la vidéo, véritable valeur
tés, mais son succès repose ajoutée du digital. Ce sont donc des choix
sur des enjeux de direction formels de direction artistique estampillés
Tyler Brulé qui ont participé à la singularité
de Monocle.
Le digital accélère le temps et le prêt-à-
porter en a été le témoin privilégié quand, une
heure après le défilé, toutes les silhouettes
d’un show étaient consultables sur style.com.
Quid des magazines semestriels qui s’étaient
fait une spécialité de ces collections de sil-
houettes ? Certains chiffres d’affaires se sont
effondrés quand d’autres acteurs ont su
rebondir. Elle Collections en fait partie : semestriel
adossé au Elle anglais, la publication a pris le
contrepied de l’hyper réactivité, en se saisis-
sant du papier pour domestiquer la fuite du
temps. Encore une fois, la direction artistique
a été le moteur, sous la houlette de Marissa
Bourke : une image et une idée correspon-
dant à un défilé et à une double-page. On
avait retrouvé l’idée du confort et du luxe
que l’écran d’ordinateur peinerait toujours
à figurer. De la collection de silhouettes,
le magazine a proposé une approche gra-
phique, réunissant les looks par couleur et
57
composant ainsi une vague des teintes et de
nuances de la saison. Section par section,
Elle collections s’est ainsi mué de support d’informa-
tion minimal (les silhouettes) en un cahier
de tendances de la saison, radiographiant

Site internet de Monocle. Directeur de la création : Richard Spencer Powell, www.monocle.com.


les détails comme les tendances profondes.
Plus pragmatiquement, le mensuel
anglais Art Review (dont les rédacteurs sont Mark
Rappolt et David Terrien, la direction artis-
tique étant assurée par John Morgan studio)
a confié à son site internet le soin de traiter
de l’actualité quotidienne (news, prix, agen-
da…) quand l’édition papier se concentre
sur des entretiens nécessitant un temps long,
autant pour les produire que pour les lire. Ce
faisant, le magazine entérine une pratique
que nous avons tous adopté : la consultation
de plusieurs supports pour un même média.
Dès lors, pourquoi ne pas en différentier
l’information ? Aujourd’hui, seuls la météo
58
et les cours de la bourse semblent désuets Prenons l’exemple du site de e-commerce
sur papier (bien qu’ils continuent à y être net-a-porter : après s’être imposé comme
imprimés), mais c’est davantage une ques- l’un des acteurs majeurs du secteur du luxe,
tion de nature d’information (information il a pris le temps d’élaborer une publication,
factuelle ou analytique, du temps présent s’appuyant sur un directeur artistique issu
ou contextualisé) qui devrait décider de sa de Condé Nast et une rédactrice en chef
destination physique ou digitale. familière de Harper’s Bazaar. Là encore, le choix de
D’une certaine manière, ce rapport au
temps est aussi le point de départ de l’heb-

Couvertures de ArtReview, mars 2014. Direction artistique :


domadaire Le 1, lancé en avril 2014 par Éric
Fottorino et dont la direction artistique est

John Morgan studio, photographe : Luke & Nik.


assurée par Natalie Thiriez. L’idée est simple :
ne traiter que d’une question par numéro, à
travers des contributions de journalistes, mais
aussi d’auteurs, de scénaristes… Le pari est
qu’au temps toujours plus effréné de Twitter
corresponde un autre temps, plus distendu,
l’air du temps, qui permette d’embrasser une
question du moment de plusieurs points de
vue. Lancer un magazine en 2014 étant une la direction artistique et des photographes
aventure hasardeuse, l’option retenue a été
celle d’une feuille A1 et 3 plis pour coïnci-
der avec le format A4 en kiosque. Dans ce
sollicités va être centrale dans la réussite du
projet. Le résultat, Porter (lancé début 2014, avec
pour rédactrice en chef Lucy Yeomans et
59
cas, la direction artistique rejoint l’impératif Robin Derrick comme directeur de création)
économique pour donner une forme au est assez conforme à un Vogue, ce qui convient
concept « le 1 » : une feuille pour une idée pour gagner en crédibilité et permet de don-
par numéro. ner chair à des vêtements impersonnels sur
une page de boutique en ligne. Surtout, net-
a-porter doit se démarquer des autres sites
de e-commerce, et le papier, parce qu’il
est synonyme de contenu et d’implication,
permet de passer ce gap. Dernier point : si
l’investissement financier pour lancer un
magazine luxueux peut paraître élevé, il est
bien plus faible que l’établissement d’une
boutique à forte visibilité.
Enfin, pour appréhender la manière dont
le digital nous invite à rejouer une pratique
de direction artistique, je voudrais raconter
Si la presse papier se demande souvent comment Marc Ascoli me parlait de sa direc-
par quel bout se saisir du digital, l’inverse tion du livre consacré à Marianne Faithfull
n’est pas vrai, en ce sens que le digital sait (éditions Rizzoli). En se plongeant dans le
très bien ce que le papier peut lui apporter. sujet, qu’il connaissait pourtant bien, il a
SEULS LA MÉTÉO ET LES COURS DE LA BOURSE SEMBLENT DÉSUETS SUR PAPIER

60

Couverture et pages intérieures du 1, n° 36, décembre 2014. FGH Invest.


Direction artistique : Natalie Thiriez.
été frappé du nombre d’images à
disposition sur Google, convain-
cu qu’un œil fin, connaisseur et
doté de goût pourrait se consti-
tuer une bibliothèque personnelle
tout à fait pertinente sur le sujet
« Marianne Faithfull ». Dès lors, la
seule option qui s’offrait à lui était
d’espérer découvrir des inédits, et
surtout de produire de nouvelles
images. Il aura la bonne idée de
demander à la chanteuse d’en
proposer des légendes manus-
crites, ce qui fabriquera une nou-
velle exclusivité.
La situation de la direction
artistique se trouve donc dans
une position ambivalente, à la
fois remise en cause dans ses pro-
cess classiques et, dans le même
temps, invitée à repenser sa pra-
tique à l’aune du digital. Une pers-
pective intéressante se dessine :
61
pour élaborer des propositions
éditoriales pertinentes, fond et
forme vont devoir fonctionner de
pair – rédacteurs en chef et direc-
teurs artistiques par exemple –,
comme au bon vieux temps des
années 1960…

Angelo Cirimele
ÊTRE DIRECTEUR
ARTISTIQUE DANS
UN JOURNAL
Francesco Franchi
LE
design éditorial
« Le design consiste à allier fond et forme »,
soutenait Paul Rand. Le graphisme doit en
effet être capable de jeter des ponts entre
le fond et la forme, et qui le pratique doit
aller au-delà de la simple connaissance
des langages adaptés : il doit aussi être
capable d’analyser et de contrôler le sens
des messages qu’il souhaite transmettre.

tuelle évolution et changent légèrement


à chaque numéro ➋ ». Dans sa meilleure
acception, le design éditorial est un exal-
tant laboratoire de recherche en constante
évolution, doublé d’une plateforme de lan-
cement d’innovations stylistiques, souvent
reprises par d’autres secteurs de la com-
munication visuelle. Le design éditorial est
donc une réflexion conceptuelle dédiée aux
produits, aux services, aux interactions avec
les objets, à l’organisation de l’actualité, à
la structure de production, à la gestion de
la connaissance, au modèle économique,
de connaissance du public, produit avec
rigueur, d’après des critères de véracité.
Quant à la communication, elle sert à trans-
mettre des messages selon les souhaits de
la personne qui communique. Un journal
ou, plus généralement, un système organisé
de production et de distribution de l’infor-
mation, constitue une sorte d’interface avec
l’environnement. On comprend donc à quel
point son graphisme est capital. C’est de lui
que dépendent le fonctionnement du jour-
nal, son utilisation, sa capacité à alimenter
le débat et à s’adapter aux changements.
L’un des rôles principaux du design éditorial qui permet également d’attirer des talents Le problème de l’objectivité du journalisme
est de présenter l’information de manière et, surtout, de faire s’épanouir leurs com- découle souvent de la confusion entre infor-
structurée par l’utilisation ciblée et combi- pétences rédactionnelles créatives. mation et communication. Les deux âmes
née d’images et de mots afin de la trans- d’un journal (fond et forme, rédacteur en

Objectifs et ingré-
mettre de façon compréhensible. Et c’est chef et directeur artistique, journaliste et
à travers cette structure que l’on lit et que graphiste) doivent trouver leur place sur
l’on interprète un article (a posteriori ou, le spectre allant de l’information brute à
dans le meilleur des cas, en parallèle aux la communication, en plaçant le curseur

dients du design
événements). Le design éditorial reprend à mi-chemin. De fait, le choix délibéré
l’architecture générale de la publication de cette position évite de tomber dans la
(et sa structure logique implicite) ou l’angle simple description d’une pléthore de faits
de l’article (la façon dont il respecte la et de données ou, au contraire, dans une

éditorial
ligne éditoriale, ou s’efforce d’en briser les communication dont l’esthétique serait
codes). Vince Frost, directeur artistique du une fin en soi.
magazine Zembla, définit en ces termes le
design éditorial appliqué aux magazines : ➊ Cité par Cath Caldwell ➀ Voir légende page
et Yolanda Zappaterra, suivante
« Un design récurrent qui garde son allure Editorial Design: Digital and
unique ➊. » Selon Jeremy Leslie, créateur et Tout journal qui se respecte repose sur un Print, Londres, Laurence
King, 2007 (nouvelle édition
directeur de magculture.com (site de réfé- journalisme de qualité. Mais ce dernier 2014).
rence pour les directeurs artistiques de la n’est pas pour autant gage de diffusion.

65
presse magazine), l’un des aspects les plus Rappelons que, dans le contexte éditorial, ➋ Idem.

fascinants des magazines « est leur nature l’information et la communication ne sont


organique ; contrairement aux livres ou aux pas interchangeables. L’information est un
autres médias imprimés, ils sont en perpé- service de base qui répond aux besoins

➀ ➀

« CE QUE JE DÉTESTE, C'EST LE MANQUE DE CONTRÔLE


reportage en lui donnant un contexte, une proposer des contenus. L’un des objectifs
perspective et une interprétation. Plutôt du graphisme est d’être compris du grand
que de donner de simples faits aux lec- public : le message visuel doit être saisi sans
teurs, ils doivent leur donner les clés des malentendu. La science des communica-
événements pour les encourager à réfléchir. tions visuelles aide le designer à choisir des
Le design doit s’adapter à cette situation formes, des mouvements, des couleurs…
de plusieurs façons. Alors que les articles autant de messages objectivement clairs.
gagnent en longueur et en complexité, la « Être compris du grand public ne signi-
mise en pages et la typographie doivent fie pas le conforter dans ses goûts les plus
impérativement être lisibles et rationnelles. classiques. Cela signifie mieux connaître
Le journalisme visuel (l’utilisation intelligente ses possibilités de perception, et partir de
de la photographie, de l’infographie et de ces données pour communiquer quelque
la mise en pages) devient un outil essentiel chose qu’il ne connaît pas. En pratique, on
pour les rédacteurs ➌ ». Il est nécessaire de cherche à utiliser le langage du public pour
redonner au graphisme et à la typographie communiquer un message nouveau. C’est
leurs lettres de noblesse : loin d’être, selon la méthode utilisée par les meilleurs jour-
la vieille structure aristotélicienne opposant nalistes, ceux qui parviennent à expliquer
fond et forme, le décor et l’esthétique de les idées les plus complexes avec les mots
l’expression journalistique, ils véhiculent la les plus simples ➎ », écrivait Bruno Munari
substance de la forme même. en 1971. L’une des meilleures définitions du
langage graphique est celle de la designer

La fonction
➀ et écrivaine américaine Jessica Helfand :
« Le graphisme est un langage visuel qui
Le design éditorial se résume bien souvent à réunit harmonie et équilibre, couleur et
son acception la plus élémentaire : celle de lumière, échelle et tension, fond et forme.

du design éditorial
simple accessoire graphique et esthétique Il s’agit aussi d’un idiome, fait de signes et
au service de valeurs aussi éphémères que de jeux de mots, de symboles et d’allusions,
le style, la mode et les tendances visuelles. de références culturelles et de déductions
Son versant le plus élaboré, qui se traduit perceptuelles qui mettent au défi à la fois
par une mise en pages simple et essentielle l’œil et l’intellect ➏. » Cette définition est
conçue selon une méthode conceptuelle Le design est au service du contenu et du convaincante. La première phrase est une
bien précise et une stratégie unique, ne designer. Il favorise la communication, synthèse conventionnelle du graphisme,
trouve que rarement un écho dans les jour- permet aux rédacteurs de créer un pro- mais la seconde, en faisant référence au
naux. Cette situation est pénalisante. Si duit utilisable dans une société médiatique pouvoir d’expression du designer et à son
un contenu de qualité n’est pas valorisé changeante, où le design devient conception activité au sein de la société, est plus ambi-
par une forme appropriée à même de lui et récit, où les médias favorisent la distri- tieuse. La distinction entre fond et forme est
donner une identité, il risque de devenir bution et la conversation, où les auteurs fictive et ne concerne que la division des
stérile. Le fond (qui s’incarne dans les textes, créent de la valeur et tissent des liens entre devoirs et des compétences.
les titres, les photographies, l’infographie) les individus. « Ce que j’adore dans la presse
est souvent considéré indépendamment quotidienne, c’est qu’elle offre la possibilité ➌ Cité par Cath Caldwell ➀ Le Guardian a opté
et Yolanda Zappaterra, pour une grille modulaire
du design, même si le fond et la forme se de travailler avec un incroyable éventail Editorial Design: Digital and rigoureuse, et un nouveau
composent des mêmes éléments. Et le design de personnes aussi intelligentes qu’aver- Print, op. cit. caractère typographique
a été commandé à Paul
n’aurait pas de raison d’être dans un journal ties », explique Mark Porter. « Ce que je ➍ Idem. Barnes et Christian
dénué de toute matière. « Le design, c’est déteste, c’est le manque de contrôle sur Schwartz. Avec la

le contenu », donc. La stratégie de mise les détails. La plupart des journaux ne sont ➎ Bruno Munari, Artista nouvelle mise en pages,
e designer, Rome et Bari, la double-page centrale
amène à repenser entièrement les textes, pas mis en pages par des designers qua- Laterza, 1971 (nouvelle a été consacrée à des
édition 2003). images d’actualité ou à
les titres, l’utilisation des photographies, lifiés. Cet état de fait demande énormé- de grands schémas, un
de l’infographie et de tous les modules, ment d’efforts d’adaptation aux directeurs ➏ In Virginia Postrel, positionnement fort du
The Substance of Style, journal qui prouve son
jusqu’alors considérés comme du graphisme artistiques transfuges de la presse maga- New York, Harper Collins, engagement à donner
pur, afin de concevoir un journal capable de zine ➍ ! » De fait, les quotidiens ont toujours 2003, p. 94. une large place à l’image.
Directeur de la création :
transmettre son fond par la forme. Comme investi en faveur de processus industriels Mark Porter.
l’expliquait Mark Porter, ancien directeur accélérant la production, ne comprenant
artistique du Guardian, « de nombreux jour- que trop rarement qu’« évoluer » signifie
naux souhaitent désormais transcender le aussi arpenter de nouveaux chemins pour

SUR LES DÉTAILS » 67


Les principaux
graphistes. Chacun propose ses idées, on directeur artistique assume un rôle capital
discute et on décide. Il est important d’im- au sein d’une publication périodique : il
pliquer le service créatif du journal à cette réalise la couverture, essentielle au succès
première phase du processus. Les idées d’un numéro.

acteurs du design
du directeur artistique et des graphistes
peuvent influencer les différents angles d’un Assimiler le directeur artistique à un
article ou d’un reportage, ou être déter- « intervenant doué de sens artistique » est
minantes dans le choix final du thème du sans doute l’une des idées reçues les plus

éditorial
numéro. Au cours des réunions suivantes, répandues au sein de la rédaction d’un
on définit plus en détail les contributions journal ➒. Dans un contexte où tout est
de chacun des journalistes et on formule finalisé rapidement et où le graphisme n’est
des propositions visuelles sur la façon de qu’accessoire, approfondir et revoir les
représenter les articles. Bien souvent, à contenus n’est possible que si les délais de
La clé du succès d’un magazine réside sou- cette étape, les textes définitifs ne sont pas production l’autorisent. Piergiorgio Maoloni
vent dans l’entente professionnelle qui se encore disponibles et on travaille à partir (l’un des pères du graphisme éditorial ita-
tisse entre rédacteur en chef et directeur de résumés ou de simples sommaires qui lien) décrivait ainsi son métier et, indirec-
artistique ➐ et, en parallèle, entre ce dernier définissent schématiquement les conte- tement, lui-même : « Le directeur artistique
et l’ensemble des journalistes, qui peuvent nus du numéro. Pendant la conférence est comparable à un architecte : il dispose
être plus ou moins nombreux, assumer dif- de rédaction, les journalistes sont souvent les choses de telle sorte qu’une réalisation
férents rôles et adopter différentes organi- majoritaires, ce qui conduit les rédacteurs à longue et difficile semble simple, lisse et
sations selon le type de publication et sa faire pression sur le directeur artistique afin ordinaire ➊0. » Maoloni enseignait souvent
fréquence de parution. qu’il ne prenne que quelques minutes pour que les journaux ne se résument pas à une
définir le versant visuel de leurs articles. Il est suite de mots, mais prennent vie grâce à
Dans un entretien pour le magazine Eye, toutefois du devoir du directeur artistique des articles organisés « à la manière d’une
Richard Turley, ancien directeur artistique de modérer les différentes instances sans partition, avec des pleins, des vides, des
du quotidien anglais The Guardian puis de se précipiter vers une conclusion hâtive. La pauses et de rythmes ➊➊ ». Il pressentait
Bloomberg Businessweek, expliquait à Simon créativité a souvent besoin de temps : pour l’importance stratégique du graphisme
Esterson, directeur artistique britannique, représenter un article, on peut avoir recours dans les quotidiens et a créé de nouvelles
la particularité de la rédaction de cet à une iconographie existante mais, si c’est formes de dialogues entre mots, images
hebdomadaire américain qu’il venait de possible, il est plus ambitieux et stimulant
quitter : chez Bloomberg Businessweek, « les de commander de nouvelles photographies
équipes éditoriales et de design travaillent ou de travailler avec des illustrations et des ➐ J’utiliserai à présent ➀ Bloomberg Businessweek,
l’expression « directeur « The Design Issue », 28
de concert. Notre processus se distingue de infographies pour réaliser une idée inédite. artistique » sans ses janvier 2013. Directeur de
celui d’autres magazines américains par la

Le rôle du directeur
aspects purement la création : Richard Turley.
contractuels, assimilant Directeur artistique :
géographie de nos bureaux. Rédacteurs et son rôle à celui d’autres Robert Vargas. Directeur
designers travaillent côte à côte. Nous nous postes créatifs du monde de la photographie : David
éditorial, comme le Carthas.
connaissons mieux, nous nous comprenons « directeur créatif »,
mieux, et nous connaissons notre façon ➁ Bloomberg Businessweek,

artistique
le « directeur du design »
ou le « designer en « Video Games », 2012.
de penser. Cela place le design au centre chef ». Avec l’expression Directeur de la création :
du processus éditorial. Selon moi, cette « directeur artistique », Richard Turley.
je fais donc référence Directrice des infographies :
organisation fonctionnait très bien dans la à la figure clé responsable Jennifer Daniel.
rédaction de The Guardian, qui elle aussi des rôles créatifs et
artistiques ainsi que ➂ Bloomberg Businessweek,
divise les services pour regrouper rédacteurs de la coordination et « Killing Bin Laden », 2012.
et designers. C’est pourquoi, lorsque nous Si le directeur de la publication a la res- de la supervision d’une Directeur de la création :
équipe de designers et Richard Turley. Directrice
avons dessiné les plans de nos nouveaux ponsabilité de commander aux différents de dessinateurs. des infographies : Jennifer
locaux l’an passé, nous avons décidé de journalistes de l’équipe et aux collabora- Daniel. Directeur de
➑ « Taking care of la photographie :
reproduire ce schéma. Je pense aussi que teurs externes le contenu du numéro en pré- business », Eye, The David Carthas.
Josh [Tyrangiel, rédacteur], qui vient du paration, il incombe au directeur artistique International Review of
Graphic Design, 80, vol. 20, ➃ Site internet de
Time, un magazine incroyablement formel de trouver la meilleure solution pour traiter 2011, p. 34. Bloomberg Businessweek,
qui cloisonne énormément les services et les thématiques abordées selon la charte capture faite en mars 2015.
➒ Bruno Munari définit
les personnes, avait envie de découvrir une graphique du magazine. Le directeur artis- le « styliste » comme un ➄ Bloomberg Businessweek,
culture d’entreprise plus horizontale ➑ ». tique est le responsable de l’organisation « concepteur guidé par « The Interview issue »,
son sens artistique », tandis 13 août 2012. Directeur de
du contenu des rubriques, des pages, et de que le « designer » est un la création : Richard Turley.
Le meilleur moment pour réunir toute la « lecture » dans sa globalité. Il est égale- « concepteur doué de sens Directeur artistique :
esthétique » (in Artista e Robert Vargas. Directeur
l’équipe est la conférence de rédaction ment chargé de répartir les rôles au sein de designer, op. cit.) de la photographie :
– premier pas du processus de réalisa- l’équipe graphique et de gérer les illustra- David Carthas.
➊0 Angelo Rinaldi,
tion d’un magazine – lors de laquelle sont teurs, infographistes et photographes (pour

68
« Piergiorgio Maoloni »,
définies les lignes directrices du numéro en les photographies, si l’équipe de rédaction Progetto Grafico, 6, juin
2005, p. 164.
préparation. La conférence réunit surtout compte un retoucheur photo, le directeur
les journalistes et le rédacteur en chef, mais artistique sollicite ses précieux conseils). En ➊➊ Idem
aussi le directeur artistique et, parfois, les plus de ses responsabilités principales, le

➃ ➄
et espaces vides, comme autant de bonnes la production sur le versant pratique ou Son travail n’a rien d’individuel : le directeur
intuitions journalistiques. En restant fidèle le versant esthétique ➊➍. Munari définit artistique gère un groupe de travail selon
à sa tradition culturelle humaniste (il était aussi le designer ainsi : « Aujourd’hui, le les problèmes à résoudre. L’équipe peut
journaliste et architecte), Maoloni a expé- designer (dans ce cas le graphic designer, se composer d’autres designers, avec des
rimenté de nouvelles technologies tout en designer graphique) est appelé par la socié- rôles parfois très variés, ou, selon la teneur
conservant un rapport avec la typographie té à réaliser des communications visuelles du projet, d’une équipe interdisciplinaire
traditionnelle. Il s’y consacra en continu, (que nous appelons aujourd’hui publicités) qui réunit des compétences et s’appuie sur
pour ne rien laisser au hasard ; au contraire, afin d’informer le public d’une nouveauté des responsabilités précises. Le directeur
tout devait répondre à une logique pour dans tel ou tel secteur. Et pourquoi fait-on artistique qui travaille dans la presse doit
être au service du lecteur. aujourd’hui appel au designer et non plus aborder un projet en partant de son carac-
au peintre avec son chevalet pour réaliser tère réaliste, sans négliger les intentions du
Dans un contexte favorable, l’esthétique les publicités ? Parce que le designer connaît rédacteur en chef ni la coordination avec
devrait donc avoir l’ambition de devenir les autres membres de la rédaction, dont il
l’éthique du journal. Dans l’un de ses cours, doit s’efforcer de concilier les points de vue
Le Corbusier exprima avec force son point souvent conflictuels. Le dialogue revêt donc
de vue : « Je voudrais vous apprendre, à vous une fonction essentielle : pédagogique et
comme à tous les étudiants en architecture, démocratique, il permet aussi d’étoffer et
à mépriser le “stylisme à la va-vite”, qui d’étendre la recherche et de donner vie à
consiste à recouvrir une feuille d’images des idées et possibilités jusqu’alors ignorées.
séduisantes, de “styles” ou de “tendances” : Du dialogue peut naître un projet neuf et
ça, c’est de la mode. L’architecture, à l’in- commun, grâce à des compétences et à des
verse, c’est l’espace, la largeur, la profon- expériences diverses. Né de phases concep-
deur, la hauteur, les volumes, la circulation. tuelles successives et d’éventuels retours
L’architecture, c’est une tournure d’esprit. d’information, le résultat final se nourrit
Vous devez la concevoir dans votre tête, les et s’enrichit des confrontations constantes.
yeux fermés. Ce n’est qu’à ce moment-là
que votre projet prendra forme. Le papier Une autre phase importante est celle de la
n’est que l’instrument pour ordonner vos communication du projet, qui doit reposer
idées et les communiquer aux acheteurs, sur des critères et des objets qui la rendent
au constructeur. Quand grâce à la plani- compréhensible par tous les interlocuteurs.
métrie et aux sections, vous aurez obtenu un Le directeur artistique doit parler de son
ensemble qui fonctionne, les perspectives projet au rédacteur en chef et aux rédac-
suivront, et si vous avez des dispositions teurs avec clarté et précision, en s’aidant
pour la conception, vous dessinerez aussi ➀
de belles façades. Répétez-vous que les
➊➋ Le Corbusier, ➊➎ In Design et
maisons sont faites pour être habitées mais les moyens d’impression, les techniques « If I Had to Teach You communication visuelle,
sachez que vous ne serez un bon architecte idéales, utilise la psychologie des formes et Architecture », Focus, 1, Paris, Pyramyd, 2014
1938, p. 3-12 (repris in (traduit par Audrey Favre).
que lorsque vos façades fonctionneront. des couleurs sans réaliser de croquis que Casabella, 766, mai 2008,
Les proportions suffisent, mais il faut aussi l’imprimeur devra ensuite reproduire par p. 6,7 ; Architectural Design, ➊➏ Selon Munari, l’artiste
29, février 1959, p. 86,87. « s’exprime grâce aux
beaucoup d’imagination et plus le pro- ses propres moyens. Il utilise les moyens techniques qu’il connaît
blème est modeste, plus il faut de l’imagina- d’impression et les met à profit pour réaliser ➊➌ In Arte come mestiere, et avec lesquelles, par
Rome et Bari, Laterza, des trucages […], il peut
tion. L’architecture, c’est de l’organisation. ses publicités. Le designer est donc l’artiste 1966 (édition consultée, créer des œuvres riches
VOUS ÊTES DES ORGANISATEURS, PAS DES de notre époque ➊➎. » Selon Munari, ce 2006, p. 30). de concepts personnels.
En revanche, le designer
STYLISTES ➊➋. » n’est pas parce que le designer ou le direc- ➊➍ Selon Bruno Munari, […] doit posséder une
teur artistique est un « génie », mais « parce « l’artiste [...] envisage méthode qui lui permet de

Les qualités d’un


son travail de façon toute réaliser son projet avec le
qu’avec ses méthodes de travail, il renoue personnelle : il cherche matériau, les techniques
le contact entre art et grand public ; parce à exprimer, à l’aide d’un et la forme adaptés à la
langage défini visuellement fonction » (Bruno Munari,
qu’il affronte avec humilité et savoir-faire par son propre style, les Design e comunicazione
toutes les demandes de la société dans sensations provoquées visiva, Rome et Bari,
en lui par les stimuli du Laterza, 1968).

directeur artistique
laquelle il vit, parce qu’il connaît son métier, monde qui l’entoure ;
les techniques et les moyens les plus adaptés il travaille pour lui-même ➀ Il Messaggero, 1969,
et une élite qui peut le Piergiorgio Maoloni.
pour résoudre les problèmes inhérents au comprendre ». À l’inverse,
design ➊➏ », sans style préconçu. Le rôle du « le designer ne travaille
pas pour une élite, même
directeur artistique est de créer des objets si la production industrielle
de communication qui remplissent leur tente aujourd’hui de
réduire son travail à celui
Qui est donc le directeur artistique ? On rôle ; leur esthétique dépourvue de tout d’un simple styliste […],
peut répondre à cette question en citant style personnel est définie par la formulation mais cherche à mieux

70
produire même les objets
Bruno Munari : « C’est un concepteur doué correcte du problème. La responsabilité du de consommation les plus
de sens esthétique ➊➌. » Le directeur artis- directeur artistique consiste donc à analyser courants » (in Artista e
designer, op. cit.).
tique est donc un concepteur aux disposi- les problèmes avec précision et à chercher
tions artistiques qui s’efforce d’améliorer une solution cohérente.
« LE DESIGN NE CONSISTE PAS
À RÉSOUDRE DES PROBLÈMES
EN APPLIQUANT DES OUTILS
PRÉDÉFINIS, MAIS À INVENTER
      SES PROPRES OUTILS » 71
Et demain :
aussi de moyens graphiques pour expli- Les designers Neville Brody et David Carson,
quer les solutions de façon visuelle. Dès incroyablement influents dans le monde du
lors que « le design, c’est 10 % d’inspira- graphisme des années 1990, illustrent par-
tion et 90 % de transpiration ➊➐ », il est faitement le deuxième profil. Leurs maga-

le design d’expé-
nécessaire de bien structurer le concept, zines étaient dominés par un concept au
de toujours disposer d’un brief initial et de style personnel, où le design surclassait le
mettre à profit les ressources disponibles. reste de la publication. Une telle utilisa-
Le directeur artistique doit faire preuve tion expérimentale (parfois à l’extrême) du

rience éditoriale
de compétences logiques (calcul et préci- graphisme éditorial peut être positive en
sion) et d’imagination : ses compétences termes d’originalité et d’inventivité, mais
sont celles d’un explorateur-expérimen- cette approche montre aussi de nombreuses
tateur, comme la sérendipité, c’est-à-dire lacunes, surtout si les pages sont analysées
la capacité à accueillir et à mettre à profit sous un angle journalistique et en termes de
l’inattendu, l’imprévu, le fortuit. Parmi les lisibilité et de compréhension du contenu. Les récentes transformations qu’a subi le
traits de caractère d’un expérimentateur, monde de l’information ont conduit jour-
on trouve aussi l’état d’esprit inventif, qui Au troisième profil, celui de « virtuose », naux et journalistes à réinterpréter et à réin-
refuse l’homogénéité et la copie conforme : appartiennent les professionnels qui venter leur rôle et leur profession, mais aussi
au contraire, il part des questions posées excellent dans leur rôle en maîtrisant à la à développer de nouvelles plateformes, de
par l’environnement naturel et social pour perfection la technique propre à leur art. nouveaux outils et de nouvelles solutions
trouver de nouvelles réponses. Les modes Dans ce cas, le professionnalisme et la technologiques.
et les méthodes de conception varient d’un technique sont sublimés et trouvent leur
designer et d’un projet à l’autre. Le design plus bel accomplissement dans le travail Les changements profonds que vit la presse
ne consiste pas à résoudre des problèmes d’équipe. Le directeur artistique « virtuose » ne se réduisent pas à une minorité d’acteurs
à l’aide d’outils prédéfinis, mais à inventer se métamorphose en chef d’orchestre : son et de professions de la filière : ils impliquent
ses propres outils. Naturellement, le designer ambition est d’atteindre l’harmonie par- le système dans son ensemble. La totalité
peut s’aider de machines dans ses activités faite par l’organisation ordonnée et la suc- du processus de conception d’un journal
de conception et de contrôle ; l’utilisation cession rythmique des éléments des pages, doit donc se transformer pour s’adapter
interactive de l’ordinateur dilate notamment en juxtaposant habilement photographie, à une réalité changée et changeante. Et
le potentiel du processus d’invention. typographie, infographie et illustrations, cette transformation est loin d’être terminée.
en alternant vides et pleins, noir et blanc Dans cette atmosphère d’incertitude et de

Trois profils de
et couleurs. Ce type de directeur artis- changements constants, le renouvellement
tique crée avec le cœur, mais utilise aussi des outils conceptuels mobilisés pour le
sa tête. Dans son travail, logique, vision processus de production d’un objet édito-
journalistique, récit scrupuleux, recherche rial semble inévitable. Changer les outils

directeurs artistiques
des émotions et tentative d’influence du ne suffit pas : c’est toute la méthode de
lecteur sont parfaitement équilibrés. Le conception qui doit évoluer et, avec elle,
directeur artistique « virtuose » connaît la figure même du designer et du directeur
les règles officielles et officieuses et les artistique.

de magazine
applique à la lettre. Quels effets recherche-
t-on ? À quelle cible s’adresse-t-on ? Quel Le rôle du designer éditorial est semblable à
sens donne-t-on à des contenus précis ? celui d’un concepteur capable d’exercer un
Comment surprendre, provoquer, divertir, niveau supérieur de contrôle sur la gestion
informer le lecteur ? Comment être sûr que d’une foule d’éléments et d’informations,
Dans les grandes lignes, on distingue trois le texte sera facile à lire et que son argu- pour donner au grand public une expé-
grands profils de directeurs artistiques : ment général sera compris en un clin d’œil ? rience narrative aussi unique (par rapport
le décisionnaire influencé par le marché, Toutes ces questions, le directeur artistique au marché) qu’uniforme (par rapport à la
l’artiste et le « virtuose ». « virtuose » se les pose et sait comment y cohérence du produit). Le directeur artis-
répondre : il sait où se situer sur le spectre tique est appelé à organiser graphiquement
Le premier profil dispose d’un faible niveau information-communication et comment les contenus et à exprimer une idée journa-
d’autonomie individuelle. Les choix de design jongler avec l’éventail de langages visuels listique précise, à un niveau formel élevé,
sont souvent influencés par les études de mar- à sa disposition afin d’atteindre, avec un par un style graphique cohérent capable
ché et sont considérés comme fructueux s’ils se produit éditorial ou avec un reportage, de traduire les concepts journalistiques en
focalisent uniquement sur les profits générés une cible donnée. modules visuels parfaitement en phase avec
par les ventes et les recettes publicitaires. la ligne éditoriale. Une approche de ce type
considère pourtant un journal comme un
produit fini et circonscrit. Notre ère numé-

« LE DESIGN C'EST 10% D'INSPIRATION


rique impose au contraire au desi-

72
gner d’aller plus loin, en concevant
l’interaction et l’expérience. Si l’on
appliquait la vieille philosophie du
design éditorial au contexte actuel,
on ne créerait que des récits cristallisés, tences permet, d’une part, de respecter les presse écrite possède une plus grande lati-
immuables. Mais ce serait contraire au principes traditionnels du design éditorial et tude et vitesse d’intervention, car il peut se
principe cardinal du design numérique de l’expérience utilisateur et, d’autre part, permettre de modifier les éléments de la
des médias, qui consiste à concevoir uni- de les dépasser en innovant. D’après une page, en décidant d’ajouter ou d’enlever des
quement au regard des comportements et célèbre citation de Francis Scott Fitzgerald : composants sans pour autant bouleverser
des actions des utilisateurs, en évitant de « La marque d’une intelligence de premier l’ensemble de la structure graphique.
leur fournir des expériences préconçues plan est qu’elle est capable de se fixer sur
dans un emballage creux. deux idées contradictoires sans pour autant Pour concevoir des produits éditoriaux
perdre la possibilité de fonctionner ➋➊. » novateurs, accessibles, polyvalents et per-
Dans l’une des chroniques de son blog, Khoi Vinh décrit ainsi cette nouvelle figure pro- sonnalisables, le directeur artistique doit
Vinh (ancien directeur du design numérique fessionnelle, dans laquelle deux concepts intervenir sur le flux de travail conceptuel,
du New York Times) affirme : « Il existe un petit et deux approches conceptuelles jusque- qui ne sera plus l’unique matrice artisa-
nombre d’excellents designers d’expérience là radicalement opposés – de par leurs nale, mais gagnera en flexibilité. La pro-
utilisateur dans le monde entier. Je parle des méthodes, leurs outils, leurs techniques duction d’objets périodiques qui reposent
personnes qui savent créer une architecture et leurs solutions – convergent grâce aux sur la logique « pixel par pixel » dérivant
efficace et immersive autour des interac- demandes du nouveau marché de l’édition : de l’approche conceptuelle des designers
éditoriaux est plus délicate dans le contexte
numérique, dans la mesure où les sup-
ports et appareils auxquels sont destinés

ET 90% DE TRANSPIRATION »
ces produits, comme les tablettes ou les
smartphones, ne sont pas standardisés mais
possèdent des caractéristiques spéciales
avec des dimensions, des proportions et
des résolutions propres.

tions entre utilisateurs et logiciel […]. Ces « Nous avons déjà vu trop d’expérience édi- D’ordinaire, les articles d’un périodique se
professionnels ne courent pas les rues, mais toriale mal conçues, à l’instar de la masse composent d’éléments structurels et visuels
ne sont pas impossibles à trouver non plus. actuelle d’applis pour lire les magazines variés, chacun porteur d’un sens précis :
[…] Il existe également un certain nombre sur iPad, et tant que la pénurie de ce type titres, textes, sommaire, brèves, photogra-
d’excellents designers éditoriaux dans le de talents se poursuit, cette tendance n’est phies, légendes, illustrations, infographie
monde, héritiers de décennies de tradition pas prête de s’arrêter », conclut-il. et contributions multimédia cohabitent

De nouveaux défis
et des meilleures pratiques dans la presse. en harmonie dans le monde graphique et
Je parle des designers qui savent comment donnent vie à un ensemble de relations
sublimer et optimiser la façon dont un public calibrées avec précision par le designer. En
comprend une publication. Ils savent tra- adoptant une approche flexible, le directeur

pour les directeurs


vailler avec des auteurs et des rédacteurs artistique doit rationaliser et codifier les
pour influencer ce que nous lisons, et créent relations entre les éléments de la page, en
une valeur unique en associant écriture proposant un système de lignes directrices
et langage visuel ➊➑. » Vinh poursuit son qui permettent de faire émerger autant son

artistiques
raisonnement en reconnaissant que rares expressivité que le potentiel de la structure
sont les designers capables d’associer ces générale. La création des contenus flexibles
deux ensembles de compétences : « Seules demande de faire migrer les outils de publi-
quelques poignées de personnes au monde cations axés sur la philosophie wysiwyg ➋➋
savent créer de beaux produits logiciels et vers des systèmes plus modulaires.
éditoriaux et allier le raisonnement global
au niveau du système de l’ux [expérience Quel sera le rôle du directeur artistique C’est sur la perspective de convergence
utilisateur] aux solides instincts narratifs du au sein du nouveau contexte numérique ? entre design éditorial et expérience utilisa-
design éditorial ➊➒. » Vinh souligne donc Pour favoriser une meilleure intégration teur que repose le nouveau paradigme qui
l’importance, dans le paysage éditorial (et, ainsi, une approche conceptuelle plus consiste à « repenser », et dont le designer
actuel en pleine mutation, d’un nouveau consciente), il est nécessaire de comprendre
type de concepteur, qu’il définit comme un en quoi ces compétences peuvent interagir ➊➐ Norman Potter,
« designer d’expérience éditoriale »[desi- et déterminer l’évolution des outils utilisés What Is a Designer: Things, Places, Messages,
Studio Vista 1969.
gner ex-ed], c’est-à-dire « qui sait construire dans la procédure conceptuelle.
un beau produit numérique à partir d’un ➊➑ « Où sont les designers d’expérience
éditoriale ? », 27 octobre 2011,
beau contenu éditorial ➋0 ». Faire conver- Il est donc important de préciser que l’ap- www.subtraction.com.
ger deux compétences, complètement indé- proche conceptuelle de la presse écrite se
➊➒ et ➋0 idem.
pendantes il y a encore peu, en une seule distingue du design « algorithmique » du

73
et même profession, demande une vision web, dont la structure plutôt rigide des kits ➋➊ In La Fêlure [1936], Paris, éditions
Gallimard, coll. « Folio », 2011 (traduit par
d’ensemble et une réflexion conceptuelle graphiques limite les variations formelles, Dominique Aury).
ouverte et tournée vers l’avenir. Mobiliser voire altère des contenus. À l’inverse, un
➋➋ Acronyme de « What You See Is
simultanément les deux types de compé- designer éditorial qui intervient dans la What You Get ».

74

➂ ➃ ➄

➀ Il, № 35, novembre ➂ Il, № 51, mai 2013. ➄ Il, № 49, mars 2013.
2011. Supplément Couverture. Directeur Couverture intérieure.
« Rane ». Directeur artistique : Francesco Directeur artistique :
artistique : Francesco Franchi. Photographe : Francesco Franchi.
Franchi. Illustrateur : Alessandro Imbriaco. Illustrations : Giacomo
Francesco Muzzi. Gambineri.

➁ Il, № 44, septembre ➃ Il, № 52, juin 2013.


2012. Numéro spécial. Directeur artistique :
Directeur artistique : Francesco Franchi.

75
Francesco Franchi. Illustrateur :
Photographe : Massimo Francesco Muzzi.
Siragusa.
d’expérience éditoriale se fait l’ambassa- design industriel, le travail se focalisait sur quotidien de l’utilisateur. De l’autre côté, il
deur. Pour que ce processus soit efficace, il les produits physiques. Aujourd’hui, cepen- comprend que le contexte concret des inno-
est nécessaire de comprendre les attentes dant, les designers travaillent aux struc- vations éditoriales n’est pas un phénomène
des auteurs et les exigences de la rédaction tures organisationnelles et aux problèmes simplement technologique, ni seulement un
d’une part, et les attentes des utilisateurs sociaux du design d’interaction, de service réseau de personnes, mais qu’il englobe
d’autre part. Dans ce contexte renouvelé, et d’expérience. Bon nombre de problèmes ces deux éléments ; il se rend compte que
le directeur artistique doit savoir concilier découlent de questions sociales et politiques l’initiative est aux mains de celui qui invente
des points de vue souvent contradictoires complexes. Par conséquent, les designers de nouveaux algorithmes ou perfectionne
et collaborer avec le rédacteur en chef et sont devenus des scientifiques comporte- l’existant, et de celui qui les utilise avec
les autres membres de la rédaction pour mentaux appliqués [...]. Là où autrefois, les créativité et mordant.
organiser le travail et donner vie au projet. designers industriels se concentraient sur
Le rapport entre le directeur artistique et la forme et la fonction, les matériaux et la Dans le développement des nouveaux
les ingénieurs logiciels s’avère essentiel, fabrication, les questions contemporaines produits éditoriaux, il est donc plus que
car les solutions conceptuelles ne sont plus sont bien plus complexes et délicates. De jamais nécessaire d’équilibrer les différentes
uniquement le fruit des outils réservés au nouvelles compétences sont nécessaires, facettes du design, en alternant automati-
designer éditorial : ceux-ci sont désormais notamment dans des domaines comme le sation algorithmique et intervention directe
complétés par les outils du développeur design d’interaction, d’expérience et de du directeur artistique, où le soin « manuel »
logiciel, au rôle toujours plus central dans service ➋➍ ». apporté aux détails peut conférer de la
la structure rédactionnelle. valeur ajoutée au produit.
Les rapports sociaux revêtent une impor-
Organiser les informations qui jouent un tance toute particulière pour des raisons Francesco Franchi
rôle au sein de la conception d’un logiciel qui vont du partage de l’information à sa
est semblable à l’architecture. Ainsi, en sélection commune en passant par la créa-
suivant l’idée de Le Corbusier (« Vous êtes tion de contenus et leur déstructuration et
des organisateurs, pas des stylistes »), le reconstruction successives avec de nou-
directeur artistique doit raisonner comme velles modalités et de nouveaux contextes.
un architecte de l’information. Sans aucun Toutefois, pour que l’aspect social reste
doute, la conception de la forme et de la fondamental, la nouvelle idée d’un journal
structure du nouveau modèle doit être pen- réalisable à court terme sera toujours plus
sée dans l’espace, et sans aucun doute, la configurée comme quelque chose d’émi-
compétence du concepteur s’apparente nemment personnel, grâce aux propriétés
à celle d’un architecte, pour l’objet et son physiques et interactives des tablettes et
rapport avec l’espace et l’environnement. des smartphones. Ces appareils s’orientent
Pour les médias, cette analogie est triple : vers un rapport plus intime entre l’objet
premièrement, car le design des médias (et le contenu qu’il donne à voir) et l’utili- ➋➌ L’art de mémoire, ➋➍ Donald Norman,
inventé par les Grecs, sera « Why Design Education
est la conception spatiale des outils d’or- sateur grâce aux possibilités illimitées de transmis aux Romains Must Change »,
ganisation de l’information (le rôle de cette personnalisation des sources, qui passent avant de passer dans la 26 novembre 2010,
tradition européenne. www.core77.com.
structure architecturale est semblable à par une architecture visuelle des informa- Cet art cherche à fixer
celui utilisé dans l’art de mémoire ➋➌, dès tions capables de s’adapter au contexte et les souvenirs grâce à une
➋➎ Dans un contexte
technique qui consiste à
lors qu’il sert à organiser et à mieux com- aux besoins de chaque lecteur. imprimer dans sa mémoire
postnumérique,
la technologique
prendre le flux de nouvelles en articulant des lieux et des images.
numérique n’est
On l’appelle souvent
l’espace, l’organisation, la hiérarchisation Dans ce nouveau contexte, le directeur « mnémotechnique ».
plus un phénomène
révolutionnaire mais
et la création de connexions entre les élé- artistique se dirige vers l’humanisation des L’art de mémoire évolue
un élément normal
autour d’un concept clé
ments informatifs) ; deuxièmement, car les technologies numériques grâce à l’interac- (la mémoire s’articule
du quotidien.

médias entretiennent un rapport avec un tion entre systèmes numériques, biologiques en termes spatiaux) et
repose sur l’association
« espace » et donc avec leur territoire de et culturels, entre un espace virtuel et réel, des données à mémoriser
référence ; troisièmement, car les médias entre expériences technologiques et phy- à une structure
architecturale connue,
ont le potentiel de contribuer à la réinter- siques. D’un côté, le directeur artistique faite de pièces et d’angles
prétation de l’espace où se déroule la vie comprend l’essence des médias numériques, importants. Chaque
donnée est mémorisée en
quotidienne. et son intervention (dans un contexte qui rapport à une pièce de la
pourrait être qualifié de postnumérique ➋➎) structure architecturale

76
choisie comme aide-
À l’heure actuelle, les médias sont appelés déplace l’attention de l’être numérique à mémoire. Ou à n’importe
à être les interprètes valorisant le design l’être humain, réfléchissant aux possibilités quelle autre structure
qui donne une forme
de l’interface et de l’expérience. Selon numériques seulement pour trouver celles stable à l’espace.
Donald Norman, « aux premiers jours du capables de s’adapter et d’améliorer le
➀ Couverture de Harper’s Bazaar,
février 1952. Directeur artistique :
Alexey Brodovitch, photographe :
Richard Avedon.

➁ Couverture, Harper’s Bazaar,


octobre 1947. Directeur artistique :
Alexey Brodovitch, photographe :
Ernst Beadle.

➂ Double-page, Harper’s Bazaar,


p. 66-67, mars 1936. Directeur artistique :
Alexey Brodovitch, photographe :
Man Ray.

➃ Double-page, Harper’s Bazaar,


p. 60-61, mars 1938. Directeur artistique :
Alexey Brodovitch, photographe :
George Hoyningen-Huene.

➀ ➁

➂ ➃

Regard sur le passé


tion continue, qu’il a développée avec des des prises de vue en studio sous lumière
contrastes dimensionnels, une pagination artificielle, Brodovitch a créé la prise de
dynamique, un sens de la proportion et de vue en extérieur avec l’appareil à la main,
l’équilibre dans la typographie. Brodovitch, condition qui délaissait la technique et la

et sur l'avenir
comme l’a souligné William Owen dans son rigueur au profit de la spontanéité et du
livre Modern Magazine Design, s’est toujours dynamisme. En observant ses réalisations,
servi d’un vaste répertoire de spéculations on remarque qu’il travaillait avec les plus
visuelles : réitération, parité, pagination prestigieux photographes et illustrateurs
en diagonale, contrastes dimensionnels, (dont bon nombre avaient suivi ses cours et
Les fondements du design éditorial contem- grandes respirations, légendes en ban- fréquenté son Design Laboratory lorsqu’ils
porains sont à chercher dans des œuvres deaux. « Comme quelques rares directeurs étaient étudiants) : Richard Avedon, Irving
publiées voilà quatre-vingts ans. artistiques avant lui, écrit Owen, Brodovitch Penn, Lillian Bassman, Diane Arbus, Martin
considérait la page comme un espace en Munkácsi, Henri Cartier-Bresson, Erwin Blu-
L’archétype du directeur artistique moderne trois dimensions, en longueur, en largeur menfeld, Man Ray et Andy Warhol.
est assurément Alexey Brodovitch (1892- mais aussi en profondeur. » Brodovitch est
1971), qui a occupé ce poste pendant aussi à l’origine de nouveaux styles dans Brodovitch fut l’un des pionniers

77
presque vingt-cinq ans à Harper’s Bazaar. la photographie de mode, permettant de de la presse moderne aux États-
Brodovitch (d’origine russe, il a rejoint les distinguer clairement les pages éditoriales Unis, qu’il révolutionna aux côtés de
États-Unis en 1931 après avoir travaillé à des pages publicitaires. Si, jusqu’alors, la Mehemed Fehmy Agha (1898-1978),
Paris) était à la recherche d’une innova- photographie de mode se caractérisait par qui renouvela le magazine Vogue en
➀ Couverture de Twen, 1960.
Directeur artistique : Willy Fleckhaus.

➁ Doubles-pages de Twen, 1960-1962.


Directeur artistique : Willy Fleckhaus.

théorisant le concept du visuel simultané de tique du périodique allemand Twen, et Tom suppléments du Frankfurter Allgemeine Zei-
la double-page pour Condé Nast, et Thomas Wolsey (1924-2013), directeur artistique du tung et, dans ce type de publication conçu
Maitland Cleland (1880-1964), auteur des périodique anglais Town. comme une annexe de grands quotidiens, le
premiers numéros de Fortune, prestigieux directeur artistique allemand a fait école.
périodique d’information économique et Créé en 1959, Twen a été publié pendant
financière. Leur expérience commune a les années 1960 sous la direction artistique Wolsey fut quant à lui directeur artistique
produit des influences réciproques et de de Fleckhaus. En plus de couvrir d’impor- de Town (qui s’appelait auparavant Man
nouvelles tendances. tants événements musicaux et d’affronter About Town puis About Town). C’est à lui que
les thèmes habituels, Twen interprétait les l’on doit l’introduction, dans les modèles
Dans le paysage international des direc- nouvelles tendances des jeunes de l’époque. éditoriaux britanniques des plus classiques,
teurs artistiques les plus influents du pas- La structure des doubles-pages était plutôt des idées du modernisme suisse, rompant
sé, deux autres figures d’envergure sont simple : le schéma prévoyait une grande totalement la rigueur de la grille. Son tra-
incontournables. Dans les années 1960, photo et une plus petite (où on remarquait vail est reconnaissable par son utilisation
elles ont travaillé pour des titres qui sont la légende extérieure), des titres et des sous- savante d’une typographie majo-

78
devenus une véritable arène d’expérimen- titres souvent noirs et une colonne de texte ritairement noire et agressive, où il
tation graphique, en privilégiant tour à tour avec des caractères gras, mais également associe des caractères égyptiens à
typographie, photographie ou illustration : dotée de nombreuses illustrations d’avant- des polices modernes sans empatte-
Willy Fleckhaus (1925-1983), directeur artis- garde. Fleckhaus a aussi travaillé pour les ment (comme l’Haas Grotesk).

CALENDRIER
8 mai 2014 – 1er février 2015 15 novembre 2014 – 30 janvier 2015 3 décembre 2014 – 31 janvier 2015 École supérieure Estienne des arts
▶▶Exposition ▶▶Événement ▶▶Exposition et industries graphiques
18, boulevard Auguste-Blanqui
RECTO VERSO MOIS DU 75013 Paris
T : 01 55 43 47 47
L’exposition invite à s’inter- GRAPHISME www.ecole-estienne.fr
roger sur le statut actuel des D’ÉCHIROLLES
graphistes, leur relation à la 12 décembre 2014 – 21 mars 2015
commande et son articulation Le Centre du graphisme ▶▶Exposition
avec les composantes artis- d’Échirolles met en évidence
tiques. Avec les créations de les interactions entre le
Christophe Jacquet, Fanette graphiste, sa créativité, ses
Mellier, Mathias Schweizer, productions, le contexte de
Jocelyn Cottencin, Pierre diffusion et les enjeux de
Vanni, Akatre, Helmo et Vier 5. société. Cette nouvelle édition
propose plusieurs expositions
Les Arts décoratifs avec, notamment : « Nouvelles 2
107, rue de Rivoli
75001 Paris
vagues, un tour de France des
T : 01 44 55 57 50 jeunes designers graphiques »,
www.lesartsdecoratifs.fr aux Moulins de Villancourt, 116,
cours Jean-Jaurès, Échirolles ; L’ÉVIDENCE DU
« Yann Legendre : un Français
13 novembre 2014 – 1er mars 2015
▶▶Exposition à Chicago », au musée Géo- SIGNE, AFFICHES,
Charles, 1, rue Géo-Charles, LIVRES ET
Échirolles ; « 20 sur 20 :
IDENTITÉS
CALENDRIER ↓ 82

travaux des étudiants d’art et


de communication visuelle », Cette exposition monogra-
La Rampe, avenue du phique du travail de Wladys-
3
8-Mai-1945, Échirolles ; « Lola law Pluta (1949) propose de
Duval & Compagnie… », à la découvrir l’univers singulier
bibliothèque Kateb-Yacine, de ce graphiste polonais qui ŒUVRES UTILES
202, Grand-Place, Grenoble ; conçoit des affiches, des À travers six réalisations des
« Penser un monde nouveau identités visuelles ou encore graphistes Helmo, Marie
l’affiche en regard », au musée des livres. Ses créations, Proyart et Jean-Marie
de la Viscose, 27, rue du essentiellement basées sur Courant, Thibaut Robin, Atelier
Tremblay, Échirolles. Des l’utilisation de la typographie, Baldinger/Vu Huu, Atelier
ateliers, projections et font preuve d’une esthétique Formes vives avec Thibaud
conférences sont éga- rigoureuse, d’un esprit de Meltz, Yorel Cayla (studio
lement organisés. synthèse et d’un style affirmé. WA75) et 5.5 Design studio,
1
Centre du graphisme d’Échirolles Le Bel Ordinaire, espace d’art conçues dans des contextes
très divers (industriel, média-
VOIR ! 50 ANS 27, rue du Tremblay
38432 Échirolles
contemporain de la Communauté
d’agglomération Pau-Pyrénées tique, culturel…), cette exposi-
DE CHANGEMENTS T : 04 76 23 64 65
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Les Abattoirs
Allées Montesquieu
tion propose une présentation
du processus d’élaboration
L’exposition invite à 64140 Billère
et du contexte de réalisation
découvrir, à l’occasion du T : 05 59 72 25 87
c.oyallon@agglo-pau.fr de chacun des projets.
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un nouvel accrochage de Chaumont Design Graphique
Ville de Chaumont
ses collections qui permet 10 décembre 2014 – 23 janvier 2015
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de rendre hommage à ses l’affiche
généreux contributeurs, de
sortir des réserves des trésors CHRISTIAN 7-9, avenue Foch
52000 Chaumont
cachés et de raconter avec BENEYTON – T : 03 25 03 86 97

35 ANS DE CRÉA AU
ces objets et documents 50 www.cig-chaumont.com
ans d’histoire de la com-
munication graphique. CENTRE POMPIDOU
Musée de l’imprimerie et de la commu- Cette exposition rétrospective
nication graphique présente l’ensemble du travail
13, rue de la Poulaillerie de création de l’identité
69002 Lyon
visuelle du Centre Pompidou
T : 04 78 37 65 98
mil@mairie-lyon.fr conçu par Christian Beneyton
www.imprimerie.lyon.fr au sein du studio intégré.
JAN.
16 décembre 2014 – 20 janvier 2015
▶▶Exposition
Ailleurs. Les alliances QUI ? RÉSISTE,
françaises s’affichent
LABORATOIRE
GRAPHISME Une centaine d’affiches prove-
GRAPHIQUE ET
nant des Alliances françaises
EN PAYS DE est présentée sur les grilles de POÉTIQUE DE
CHAUMONT la Cité internationale des arts. PIERRE DI SCIULLO
Cette exposition itinérante en – SUJET VERBE
territoire rural fait halte pour
plusieurs semaines dans un
Utopies & Réalités COMPLIMENT
village du Pays de Chaumont. Cette exposition propose de Cette exposition, conçue à
Il s’agit d’une invitation à découvrir les travaux de deux l’origine par la Haute École
découvrir le design graphique grands créateurs, Kazumasa des arts du Rhin, présente
par le biais d’objets sélection- Nagai qui vit et travaille à les treize numéros de la
nés en qualité d’exemples. Des Tokyo, et Henning Wagenbreth revue imaginée par Pierre di
7 janvier – 4 mars
habitants ont prêté des objets ▶▶Événement qui vit et travaille à Berlin. Sciullo, Qui ? Résiste, issus de la
(cartes, imprimés publicitaires, collection du Centre national
affiches, panneaux routiers, des arts plastiques. Originaux
etc.) qui sont intégrés dans We Love Books. A World Tour
et documents se déploient
in Paris
l’exposition et en font ainsi dans les rayonnages de la
un projet participatif. Présentée en 2008 à Échirolles, bibliothèque en dialoguant
cette exposition augmen- avec le fonds d’ouvrages. Un
Mairie de Bourmont,
tée propose de découvrir guide de visite sur iPad permet
16, rue du Général-Leclerc,
plus de 450 ouvrages qui d’explorer l’intégralité de la
52150 Bourmont
témoignent de la vitalité du publication. Dans l’atrium,
L’exposition est également
livre à travers le monde. une sélection de 80 affiches
présentée du 2 au 21 février
peintes pour le Festival de
à la mairie de Brottes, 17, rue
théâtre de rue d’Aurillac et
de l’Église, 52000 Brottes Le 17 janvier, conférence,
4 pour le festival Entre chien et
Chaumont Design Graphique Undergronde : le film au loup à Louplian est présentée.
Musée des Arts déco-
Ville de Chaumont
Les Silos, Maison du livre LA FÊTE DU ratifs, 75001 Paris. Bibliothèque universitaire centrale
et de l’affiche
7-9, avenue Foch
GRAPHISME 25, rue Philippe-Lebon
76600 Le Havre
52000 Chaumont Pour sa 2e édition, la Fête T : 02 32 74 44 33

CALENDRIER ↓ 83
T : 03 25 03 86 97
Le 18 janvier, conférence, www.univ-lehavre.fr
du graphisme propose de Graphisme et Typogra-
www.cig-chaumont.com
nombreux événements, phie au Musée des Arts
expositions, projections et décoratifs,75001 Paris
22 janvier
19 décembre 2014 – 30 janvier 2015 conférences parmi lesquels : ▶▶Conférence
▶▶Exposition

Le 20 janvier, rencontres
GESTE GRAPHIQUE 7 janvier – 17 février
professionnelles,
– GESTE Célébrer la Terre
Bibliothèque nationale
MARIONNETTIQUE Exposition des affiches de France, 75013 Paris
réalisées dans le cadre
OU LE PASSAGE DU d’une commande publique
DESSIN AU DESSEIN de la Ville de Paris passée Le 22 janvier, La Nuit du 6
générique, MK2
Jean-Marc Bretegnier, passeur
à trente-neuf graphistes
Bibliothèque, 75013 Paris CHEVALVERT,
internationaux. À découvrir
d’images, et l’atelier Fabri-
sur les panneaux d’affichage STUDIO DE DESIGN
cation Maison exposent des
traces, jeux graphiques, signes,
de Paris et du 21 janvier au 4
Le 24 janvier, conférence,
VISUEL
février sur les Champs-Élysées.
dessins, affiches, identités La Fête digitale, La Gaîté Patrick Paleta et Stéphane
visuelles autour de l’esthétique Lyrique, 75003 Paris Buellet présentent le studio
et des références liées à 14 janvier – 8 février Chevalvert qu’ils ont fondé
l’univers de la marionnette. Attention espoir www.fetedugraphisme.org à Paris en 2007. Chevalvert
revendique une approche du
Institut international Carte blanche à Alain
de la marionnette design ouverte, multidiscipli-
Le Quernec affichée 19 janvier – 27 février
7, place Winston-Churchill naire et transversale dont les
sur la façade de la ▶▶Exposition
08000 Charleville-Mézières réalisations se partagent entre
T : 03 24 33 72 50 bibliothèque Forney.
des commandes institution-
institut@marionnette.com
www.marionnette.com
nelles, culturelles, industrielles
16 janvier – 8 février et des projets autoproduits,
Underground. Revues dans les champs de l’iden-
alternatives, une sélection tité visuelle, de l’édition, du
mondiale de 1960 à numérique ou de la signalé-
aujourd’hui tique d’expositions. À 18h.
Cette exposition présente Haute École des arts du Rhin (HEAR)
de nombreuses revues 1, rue de l’Académie
67000 Strasbourg
alternatives des années T : 03 69 06 37 77
1950 à aujourd’hui. strasbourg@hear.fr
www.hear.fr
5
27 janvier – 15 février Kisonen, Hanna Konola et 9 février 25 février
▶▶Exposition Matti Pikkujämsä –, l’expo- ▶▶Conférence Stéphane Trapier
sition révèle les liens parfois
étroits entre art et design, EX-LIBRIS, Dessinateur, illustrateur
pour la presse, l’édition,
savamment exploités dans EX-DONO… : le théâtre du Rond-Point.
l’industrie textile nordique
depuis des décennies et lar-
COLLECTIONS ET
gement utilisés dans la presse, COLLECTIONNEURS 11 mars
le design et le numérique. Cette conférence de Monique Andre Gunthert
Institut finlandais Hulvey présente les processus Chercheur en histoire
60, rue des Écoles qui ont amené les musées et culturelle et études visuelles,
75005 Paris les bibliothèques à intégrer titulaire de la chaire d’ensei-
T : 01 40 51 89 09
progressivement la description gnement d’histoire visuelle

FÉV.
www.institut-finlandais.fr
des provenances de leurs à l’École des hautes études
collections dans leurs cata- en sciences sociales (EHESS).
logues. Les marques diverses
d’appartenance, de dons et
d’échanges documentent 1er avril
l’origine des fonds, l’histoire Mathias Schweizer
de leur assemblage, les motifs Designer graphique
7 de leur transmission, tissant indépendant.
une toile contextuelle qui
éclaire d’un jour différent les
CLAUDE objets eux-mêmes. À 18h15. 29 avril
BAILLARGEON, UN Musée de l’imprimerie et
Anne Mattler
POÈTE GRAPHISTE de la communication graphique
13, rue de la Poulaillerie
Graphiste, journaliste et
ancienne directrice artistique
Cette exposition rétrospective 69002 Lyon
au journal Libération.
T : 04 78 37 65 98
du travail de Claude Baillar-
www.imprimerie.lyon.fr
geon présente des affiches
CALENDRIER ↓ 84

4 février
originales, des carnets À 18h, à l’école.
▶▶Événement
de travail et de recherche, 11 février – 29 avril École supérieure d’arts & médias
▶▶Cycle de conférences (ésam) Caen/Cherbourg
des croquis et photogra-
phies qui témoignent de la
PAROLE AU DESIGN 17, cours Caffarelli

richesse des créations et de – DESIGN AU BANC 14000 Caen


T : 02 14 37 25 00
l’engagement de ce graphiste № 26 info@esam-c2.fr
français. Programme associé http://www.esam-c2.fr
à la Fête du graphisme. Cette tribune passe en revue
les dernières productions
Espace Niemeyer, siège du Parti 12 février – 3 mai
du design contemporain. ▶▶Exposition
communiste français
2, place du Colonel-Fabien
Pour cette 26e édition, le
75019 Paris thème abordé est la Fête du 9
PLUS QUE DE
T : 01 40 40 12 12 graphisme 2015, occasion de CULTURE DE LA PUB !
débattre de la situation du
L’IMAGE OU
www.fetedugraphisme.org
design graphique et, plus lar- L’exposition propose une
29 janvier – 28 mars gement, du design en France. CULTURE DES vision atypique du monde
▶▶Exposition Avec : Maelle Campagnoli, IMAGES ? de la publicité contemporain
journaliste, chef de rubrique suédois. Elle interroge
design Architectures à vivre ; Dans une société obsédée par notamment, avec des films
Yann Siliec, directeur artis- la culture de l’image, en quête et des campagnes
tique, journaliste, et Stéphane permanente d’identité visuelle, d’affichage, les questions
Villard, designer. Modéra- l’image signifiante semble de l’égalité, de la sexualité ou
tion : Michel Bouisson (VIA) avoir paradoxalement déserté encore de la responsabilité
et Romain Lacroix (Centre la commande graphique. sociale. Programme associé
Pompidou). En coproduction À l’intérieur de celle-ci, de la Fête du graphisme.
avec le VIA (Valorisation de la surface plasticienne
et la virtuosité technique Institut suédois
l’innovation dans l’ameuble-
Hôtel de Marle
ment). À 19h, petite salle. semblent prendre le pas sur la 11, rue Payenne
Centre Pompidou construction des images et des 75003 Paris
propos. Plusieurs conférences T : 01 44 78 80 20
Place Georges-Pompidou
8 75004 Paris
abordent ces questions : www.institutsuedois.fr
T : 01 44 79 10 85

IMPRESSIONS
www.centrepompidou.fr
11 février
Jean-Claude Mattrat
D’HELSINKI
Artiste, sérigraphe,
À travers les créations
responsable des éditions
inédites de quatre illustrateurs
Iconomoteur.
finlandais – Antti Kalevi, Leena
17 février – 12 mai design dans la recherche 28 février – 28 mars à des formes interactives,
▶▶Cycle de conférences scientifique actuelle. ▶▶Exposition multimédia originales. Entre
jeu et récit interactif, une
DESIGN grande part de ces éditions
GRAPHIQUE : Mardi 12 mai
Félix Müller
ont disparu de nos écrans
PRATIQUE + actuels. Comment maintenir
un accès à certains de ces
Graphisme d’utilité publique.
CRITIQUE – 2015 À travers l’exposé de divers titres devenus inaccessibles
Ce cycle de conférences projets, construits en réponse pour cause d’obsolescence ?
proposé par Catherine de à des commandes qui éma- Comment décider des prio-
Smet (Paris 8) et Philippe Millot nent principalement d’ins- 10
rités dans la culture visuelle
(Ensad) a pour but d’offrir titutions, Félix Müller revient et numérique ? Préservation,
une vision étendue du design sur son interprétation de la LE LIVRE S’EXPOSE émulation, reprogrammation
notion d’« utilité publique ». documentation font partie des
graphique comme champ de S-Y-N-D-I-C-A-T solutions envisageables dans
connaissance, de réflexion et
de fabrication. Designers et/ Le livre s’expose est un dispo- le cadre d’une archéologie.
ou théoriciens traitent d’un
La Gaîté lyrique
sitif imaginé par le Pavillon Comment les mettre en œuvre
3 bis, rue Papin au plan technique, et dans
sujet sur lequel portent leurs 75003 Paris blanc dans le but de faire
recherches, en montrant com- T : 01 53 01 52 00 découvrir différentes cultures quelle économie ? Acteurs,
ment celles-ci se développent www.gaite-lyrique.net du livre. Sacha Léopold (1986) praticiens et théoriciens, les six
et comment s’articule leur et François Havegeer (1987) intervenants invités répondent
discours. Les conférences ont ont fondé S-y-n-d-i-c-a-t en à ces questions à travers leurs
27 février
lieu à 15h au Plateau media. ▶▶Journée d’étude 2011. L’exposition présente leur analyses et leurs pratiques.
démarche graphique pour
RETOUR VERS l’édition de Rémi Groussin 2 mars
LE FUTUR DU LIVRE
Mardi 17 février publiée en 2014 chez Dilecta.
Gérard Ifert À 16h, Bob Stein, « Avant
Ils investissent des projets Voyager » ; à 17h, Yves
Gérard Ifert, graphiste devenu Journée de travail de l’équipe transversaux de commandes Bernard, « Contenus numé-
entre autres dessinateur de de recherche « Formes du graphiques où la pratique de riques : de la conservation
mobilier et concepteur d’expo- temps » sur le manuscrit des l’image vient se confronter à à la publication en ligne ».
Heures de Pontbriant et ses l’installation et où la réalisa-

CALENDRIER ↓ 85
sitions, revient sur les formes
d’interaction qui ont carac- lectures multiples. Réalisé tion d’objets témoigne d’un
térisé sa pratique du design. à une époque charnière intérêt pour les techniques 3 mars
de l’histoire du livre, où d’impression. Conférence À 16h, Catherine Dixon, « Type-
coexistent manuscrits et avec les graphistes le form dialogues : archéologies
Mardi 10 mars livres imprimés, cet ouvrage samedi 28 février à 11h. de pratiques » ; à 17h, Ryan
Tony Côme fournit l’occasion d’une Nadel, « Création, conserva-
Pavillon blanc – Centre d’art
réflexion sur les mutations tion et exposition du DVD de
L’Institut de l’environnement Place Alex-Raymond
technologiques présentes. 31770 Colomiers Maus : le Mythe de Sisyphe ».
1969-1971 : un Bauhaus à la
T : 05 61 63 50 00
française ? Retour sur cet Invités : Urs Lehni (graphiste, contact@pavillonblanc-colomiers.fr
éphémère incubateur né des professeur à la Staatliche

MARS
www.pavillonblanc-colomiers.fr 4 mars
événements de Mai 68, inspiré Hochschule für Gestaltung À 16h, Jens Barth, « L’ap-
par la pédagogie du Bauhaus. Karlsruhe), Michel Pastou- proche d’un développeur
reau (historien, directeur pour le portage sur iOS de
d’études à l’École pratique “Small Fish” (1999) » ; à 17h,
Mardi 24 mars
des hautes études), Claudia Yves Citton, « Trois siècles de
Alice Savoie
Rabel (historienne de l’art, numérisation globalisée ».
Alice Savoie aborde la ingénieur de recherche à
question de l’influence des l’Institut de recherche et
d’histoire des textes, CNRS) École supérieure d’art et design
évolutions technologiques
Valence Grenoble
sur la création de caractères et Sarah Toulouse (conser- Place des Beaux-Arts
typographiques et présente vateur en chef responsable 26000 Valence
sa recherche doctorale des fonds patrimoniaux à la T : 04 75 79 24 00
entreprise sur ce sujet à bibliothèque des Champs- www.enjeuxdudesigngraphique.fr
l’Université de Reading. Libres, Rennes). De 10h à 18h,
à l’auditorium de l’école.
Mardi 5 mai École européenne supérieure d’art 2 – 4 mars
Anne-Lyse Renon de Bretagne (EESAB) ▶▶Journées d’étude
34, rue Hoche
La diplomatie du design : du 35000 Rennes
T : 02 23 62 22 64
ÉDITIONS
transformateur d’Otto Neurath
à l’acteur-réseau de Bruno
www.eesab.fr NUMÉRIQUES :
Latour. L’importance de la LE TEMPS DE
visualisation et de la mise L’ARCHÉOLOGIE
en forme des données et des
savoirs dans l’histoire de la Dès la fin des années 1980,
science constitue un enjeu les éditions numériques
clé pour penser la place du off-line ont ouvert la voie
Afif et Mathieu Abonnenc. d’affiches françaises est 11 mars
un projet conçu pour pointer ▶▶Conférence
Mercredi 4 mars My Monkey
▶▶Conférence 5, rue du Faubourg-des-Trois-Maisons les lieux de qualité du
54000 Nancy graphisme en France, honorer
PAROLE AU 03 83 37 54 08 les graphistes et
les commanditaires qui
GRAPHISME – FAIRE
www.mymonkey.fr
les font exister. Peu identifié
COLLECTION ! 9 mars du public et des institutions,
ALAIN GESGON ▶▶Conférence le graphisme se dote ainsi
d’un outil de reconnaissance
Avec plus de deux cent mille ORNER LA LETTRE, et de visibilité. Cette sélection 13
affiches d’opinion, Alain
Gesgon conte l’histoire de
EMBELLIR LE française, composée d’une

l’humanité, des « Acta Diurna » DICTIONNAIRE


quinzaine d’affiches, est OPEN SOURCE
adaptée à l’itinérance et à la
aux « Fenêtres Rosta » et des
Pourquoi a-t-on ignoré transmission du graphisme et PUBLISHING (OSP)
placards féodaux à l’Atelier de ses enjeux. ESCAL,
pendant plusieurs siècles les Le collectif OSP, composé de
populaire. Mémoire des 31 boulevard du Chemin-de-
majestueuses lettres ornées huit membres actifs venus de
murs de nos villes à travers Fer, 51420 Witry-les-Reims
des dictionnaires français ? Belgique, de France et des
les guerres et les révolutions,
C’est la question que pose Chaumont Design Graphique Pays-Bas, écrit et dessine
cette imagerie politique est
Thora van Male. Elle donne Ville de Chaumont en utilisant uniquement
rassemblée dans l’attente
à voir de nombreuses lettres Les Silos, Maison du livre des logiciels libres et Open
de la création du Musée et de l’affiche
ornées lexicographiques qui, Source. Cette conférence
international de l’affiche 7-9, avenue Foch
selon le principe de l’abécé- est l’occasion de présenter
politique. Petite salle, à 19h. 52000 Chaumont
daire (A comme, B comme…), T : 03 25 03 86 97 les outils qu’ils développent
Centre Pompidou, agrémentent plusieurs www.cig-chaumont.com pour d’autres, accompagnés
Place Georges-Pompidou dizaines de dictionnaires d’une sélection d’outils
75004 Paris
français : l’Encyclopédie de 10 mars – 23 avril
singuliers développés par
T : 01 44 79 10 85
www.centrepompidou.fr Diderot et d’Alembert, ▶▶Exposition d’autres, utilisés dans leurs
le Grand dictionnaire univer- projets – un écosystème en
6 mars – 17 avril
sel de Pierre Larousse, les LAURÉATS DU sources libres fait de gravure
premiers dictionnaires des digitale, de branchage
CONCOURS
CALENDRIER ↓ 86

▶▶Exposition
frères Bescherelle. À 18h15. html et de pelage less.
Musée de l’imprimerie et
INTERNATIONAL Haute école des arts du Rhin (HEAR)
de la communication graphique D’AFFICHES DE 1, rue de l’Académie
13, rue de la Poulaillerie
69002 Lyon CHAUMONT, 67000 Strasbourg
T : 03 69 06 37 77
T : 04 78 37 65 98 EXPOSITION www.hear.fr

RÉTROSPECTIVE
www.imprimerie.lyon.fr

9 mars – 27 mars (1990-2013) 12 – 13 mars


▶▶Événement
▶▶Exposition
Cette exposition rétrospective
des affiches ayant reçu le
premier prix du concours
d’affiches de Chaumont a été
produite à l’occasion de la 25e
édition du festival en mai 2014.
Elle présente, pour la première
fois, tous les lauréats du
concours international du Fes-
tival international de l’affiche
11
et du graphisme de Chaumont.
ÉDITER = DESIGNER, Théâtre d'Auxerre 14
DEVALENCE, 54, rue Joubert
89000 Auxerre
EXTRAITS 2001-2014 T : 03 86 72 24 24
6e PRINTEMPS DE
www.auxerreletheatre.com
L’exposition présente une LA TYPOGRAPHIE
sélection de projets du studio 12
deValence, créé en 2001, La relation de l’ornement à
tels que la communication la typographie, la lettre prise
graphique pour le théâtre de C’EST AFFICHÉ comme objet visuel de décor
la Commune à Aubervilliers PRÈS DE CHEZ indépendamment de sa signi-
fication première, mais aussi
et l’Institut d’art contem- VOUS, SÉLECTION la place de l’ornement sur
porain de Villeurbanne,
les livres pour le Centre D’AFFICHES les supports attendus (le livre,
Pompidou, les éditions B42 FRANÇAISES l’affiche…) et moins attendus
du graphisme (le corps, l’ar-
et Zones ou encore les objets
produits pour les artistes Au-delà de la dimension chitecture…) sont les thèmes
Raphaël Zarka, Saâdane artistique, la sélection abordés durant cette journée.
Les interventions posent la de Chaumont), Laurent Devèze 14-18 : LA DER 26 mars
▶▶Conférence
question du décor dans des (directeur de l’ISBA Besan-
champs et des temporalités çon), qui présentent leurs DES DERS
très ouvertes (approches travaux et leurs expériences Pendant la Première Guerre
historiques, anthropologiques personnelles sur le sujet. mondiale, la communication
et graphiques). Organisé par de masse, essentiellement par
Institut supérieur des beaux-arts
l’École Estienne et l’INP. de Besançon le biais de l’affiche, participe
Institut national du patrimoine (INP) 12, rue Denis-Papin à la mobilisation des pays
Auditorium Colbert 25000 Besançon belligérants et à la conquête
T : 03 81 87 81 30
2, rue Vivienne
www.isba-besancon.fr
des esprits. Une vingtaine
75002 Paris d’affiches historiques issues
www.ecole-estienne.fr
de la collection de Bernard
20 mars Champelovier, complétées
▶▶Journée d’étude
19 mars par des documents confiés
▶▶Conférence par les habitants de la ville et
PERSPECTIVES ceux conservés aux archives
BONBON CRITIQUES AUTOUR municipales, sont présentés
Le bureau de graphisme DU DICTIONNAIRE dans cette exposition. Musée
17
de la Viscose, 27, rue du
Bonbon a été fondé en HISTORIQUE Tremblay, 38130 Échirolles.
2003 par Valeria Bonin et
Diego Bontognali à Zurich. ET CRITIQUE CRITICAL –
Ils conçoivent des livres, des DE PIERRE BAYLE Centre du graphisme d’Échirolles POLITICAL – HANS-
identités visuelles, des affiches
Cette journée d’étude prend
BP 175
38432 Échirolles cedex
RUDOLF LUTZ
et ils enseignent à l’ECAL de
Lausanne et à la Schule für comme prétexte la réédition T : 04 76 23 64 65 (1939-1998)
de l’ouvrage de Pierre Bayle www.graphisme-echirolles.com
Gestaltung de Saint-Gall. En Swiss Typographer, author,
2014, Bonbon a été récompen- (la première en français
designer, publisher,
sé au concours international depuis 1802) pour aborder 23 mars – 24 avril
collector, visual director,
« Les plus beaux livres du de manière critique les mises ▶▶Exposition
teacher. Par Tania Prill
monde entier » pour l’ouvrage en forme du savoir dont
et Sebastian Cremers.
l’histoire (ici tabulaire) est à

CALENDRIER ↓ 87
Meret Oppenheim – Worte
nicht in giftige Buchstaben la fois ancienne et interroge Hans-Rudolf Lutz a été formé
einwickeln. À 20h. Entrée frontalement les espaces à Bâle par Emil Ruder et
libre, réservation conseillée du savoir contemporains tels Robert Büchler. Il a publié,
(reservation@ccsparis.com). que nous les connaissons avec écrit, illustré et produit des
l’arrivée des écrans. De 10h livres sur l’art et le langage de
Centre culturel suisse à18h. Abbaye de Vaucelles, la communication visuelle. Son
38, rue des Francs-Bourgeois
6, hameau de Vaucelles, travail a influencé la manière
75003 Paris
T : 01 42 71 44 50 59258 Les Rues des Vignes dont le graphisme et la typo-
www.ccsparis.com graphie réagissent en fonction
École supérieure d’art de Cambrai des changements culturels et
19 mars – 16 avril 130, allée Saint-Roch sociaux. Sebastian Cremers
▶▶Exposition / Journée d’étude 59400 Cambrai et Tania Prill du studio Prill
T : 0327878142
Vieceli Cremers présentent
AND NOW, FOR MY www.esac-cambrai.net
une sélection de son travail,
ainsi que leur réédition de la
NEXT NUMBER… 21 mars – 18 décembre 16
publication The Miami Herald
▶▶Exposition et leur dernier livre, 336 pages
L’école poursuit sa recherche
autour des enjeux de l’expo-
PIERRE ET 336 books. Conférence en
sition du graphisme et de sa ASTÉRISQUE anglais, à l’auditorium à 18h.
mise en forme avec cette nou-
C’est à une constellation Haute École des arts du Rhin (HEAR)
velle présentation qui propose
étoilée de couvertures, dont 1, rue de l’Académie
des réflexions autour de la 67000 Strasbourg
certaines dessinées par Pierre
question « Pourquoi et com- T : 03 69 06 37 77
Faucheux (1924-1999), que
ment exposer le graphisme ? ». www.hear.fr
nous invite cette exposition
Elle est réalisée en partenariat
qui fait suite à celle déjà
avec le Centre international
organisée par Catherine
du graphisme de Chaumont
Guiral et Brice Domingues
(CIG) et le sérigraphe Lézard
dans le cadre du programme
Graphique.
OFF de la 26e Biennale
En écho à l’exposition, une
internationale de design
journée d’étude est organisée
graphique de Brno en 2014.
le 19 mars de 10h à 17h. Avec
Éric Aubert (chargé des expo- École supérieure d’art de Cambrai
sitions pour le CIG de Chau- 15
130, allée Saint-Roch
59400 Cambrai
mont), Cox & Grussenmeyer T : 03 27 87 81 42
(graphistes), Étienne Hervy www.esac-cambrai.net
(directeur artistique du CIG
AVR.
LANCEMENT DE LA création publicitaire et auteur tisse des liens entre botanique,
de nombreux ouvrages de imprimerie et roses et invite
REVUE GRAPHISME référence dans ce domaine, à une promenade illustrée.
EN FRANCE 2015 il présente une facette moins Des livres anciens embléma-
connue de son parcours, tiques illustrés de bois gravés
À l’occasion de la biennale celle de collectionneur. (Andrea Matthioli ou Leonard
« Exemplaires. Formes et Fuchs), des cuivres gravés
pratiques de l’édition Centre Pompidou
ou encore des impressions
Place Georges-Pompidou
contemporaine », le Centre naturelles obtenues grâce au
75004 Paris
national des arts plastiques T : 01 44 79 10 85 procédé Auer, ainsi que divers
présente la 21e édition de www.centrepompidou.fr ephemera en chromolithogra-
la revue Graphisme en phie reproduisant des motifs
France qui a pour thème floraux aux couleurs variées
9 avril
la direction artistique de ▶▶Journée d’étude sont notamment présentés.
presse et de magazine.
2 – 17 avril
▶▶Événement biennale Centre national des arts plastiques LE GESTE À LA Musée de l’imprimerie et
de la communication graphique
Tour Atlantique
PAROLE 13, rue de la Poulaillerie
EXEMPLAIRES. 1 place de la Pyramide
92911 Paris-La Défense
69002 Lyon
À chaque époque ses objets,
FORMES ET
T : 04 78 37 65 98
T : 01 46 93 99 50
ses usages, ses gestes et mil@mairie-lyon.fr
PRATIQUES www.cnap.graphismeenfrance.fr
ses postures. Lors de cette www.imprimerie.lyon.fr

DE L’ÉDITION 3 avril – 10 mai


journée, l’évolution des
pratiques d’écriture, de 10 avril
▶▶Exposition ▶▶Événement
Cet événement à visée lecture, de médiation et, plus
exploratoire met en avant largement, de communication
des expériences significatives DES OBJETS, jusqu’à la période la plus
dans le domaine du design DES IMAGES ET récente est étudiée. Différents
éditorial contemporain. DES GESTES intervenants partagent leurs
Il résulte de la collaboration expériences et leurs réflexions
de cinq écoles d’art et de Autour des outils de sur les relations que nous
design et s’appuie sur une médiation tangible entretenons avec les objets
CALENDRIER ↓ 88

sélection d’objets éditoriaux et la gestuelle. Il sera ques-


L’exposition présente
exemplaires issus du domaine tion d’usages et de design
des publications sur
francophone et produits au au quotidien, ainsi que de
tablettes tactiles et table
cours des cinq dernières notre faculté d’adaptation
multitouch réalisées ces trois
années. Durant trois jours, à la mutation formelle et
dernières années par l’ate-
la manifestation propose un fonctionnelle des objets. De
lier de Didactique visuelle,
programme de tables rondes 9h à 17h à l’auditorium. En lien
associées à une dizaine de
et d’interventions (d’éditeurs, avec l’exposition « Des objets,
dispositifs tangibles en volume
de graphistes, d’historiens, des images et des gestes ».
et manipulables afin de mettre
de critiques) destinées à
en valeur des logiques de Haute École des arts du Rhin (HEAR)
éclairer les choix effectués, 20
médiation interactive. Chacun 1, rue de l’Académie
ainsi qu’une exposition des 67000 Strasbourg
des dispositifs est associé à
objets éditoriaux retenus.
une phrase clé, une forme de
T : 03 69 06 37 77 LANCEMENT DE
École nationale supérieure cartel typographié, dessiné
www.didactiquetangible.hear.fr
LA COMMANDE
des beaux-arts de Lyon
8 bis, quai Saint-Vincent
à la main, posant la logique
9 avril – 12 juillet
PUBLIQUE DU
didactique mise en œuvre.
69001 Lyon
T : 04 72 00 11 71
▶▶Exposition CARACTÈRE
www.ensba-lyon.fr
Haute École des arts du Rhin (HEAR)
1, rue de l’Académie TYPOGRAPHIQUE
67000 Strasbourg
T : 03 69 06 37 77
INFINI
2 - 3 avril
▶▶Événement
www.didactiquetangible.hear.fr Le caractère typographique
Infini créé par Sandrine Nugue
3 avril dans le cadre d’une com-
▶▶Conférence mande publique du Centre
national des arts plastiques
PAROLE AU est révélé. Le site internet qui
GRAPHISME. FAIRE présente l’ensemble du projet
et qui le propose en téléchar-
COLLECTION ! gement gratuit est mis en ligne.
ALAIN WEILL Centre national des arts plastiques
19 Tour Atlantique
Alain Weill fut le directeur
1, place de la Pyramide
du Musée de la publicité
(1971-1983) et le premier
LE JARDIN 92911 Paris-La Défense

DES IMPRIMEURS
T : 01 46 93 99 50
directeur artistique du Festival www.cnap.graphismeenfrance.fr
international de l’affiche
Le Musée de l’imprimerie
de Chaumont (1990-2001).
présente une exposition qui
Expert en arts graphiques et
18
10 avril – 6 septembre nourrissent l’un l’autre. Avec 17 avril My Monkey
▶▶Exposition une sélection d’affiches de ▶▶Conférence 5, rue du Faubourg-des-Trois-Maisons
54000 Nancy
Niklaus Troxler pour le festival
de Willisau, des productions BRICE ROY : T : 03 83 37 54 08

MAI
www.mymonkey.fr
« do it yourself » du paysage QU’EST-CE QU’UN
musical contemporain, des
réalisations dans le champ du
DISPOSITIF
motion design et des objets VIDÉO-LUDIQUE
émanant de différents labels EXPÉRIMENTAL ?
internationaux. Conférence de
Niklaus Troxler le 27 juin à 18h. Un jeu vidéo n’est pas
seulement un programme
Le Bel Ordinaire, espace d’art tournant sur une machine
contemporain de la Communauté
d’agglomération Pau-Pyrénées
informatique. Brice Roy,
Les Abattoirs designer de jeux et chercheur
Allées Montesquieu en philosophie, donne ici un
64140 Billère aperçu de la pluralité des
21
T : 05 59 72 25 85 expériences de jeu qu’il est
possible d’imaginer, dès lors
REGARDER, 16 avril que cette question du rapport
UNE COLLECTION ▶▶Conférence à l’espace se trouve prise en 7 mai
compte. À 10h à l’auditorium. ▶▶Journée d'étude
D’ART GRAPHIQUE
CONTEMPORAIN
Haute École des arts du Rhin (HEAR)
1, rue de l’Académie
ENSEIGNER/
L’exposition présente une large
67000 Strasbourg DESIGNER,
L’ENSEIGNEMENT
03 69 06 37 77
sélection d’affiches issues www.hear.fr
de la collection de Vincent DU DESIGN
Perrottet (1958), graphiste qui
conçoit des images et qui les
30 avril – 15 mai GRAPHIQUE AUX
▶▶Exposition
collectionne depuis de nom-
23
FRONTIÈRES DU
NUMÉRIQUE

CALENDRIER ↓ 89
breuses années. L’accrochage
permet des rapprochements
formels ou thématiques d’af- YANNICK MATHEY : Depuis la création du Bauhaus
fiches réalisées par des gra- PROTOTYPO, en 1919 par Walter Gropius,
phistes français et étrangers.
ABOUTISSEMENT l’enseignement du design
soulève des questions qui
Galerie Poirel
3, rue Victor-Poirel
D’UN PROJET lui sont propres, entre art,
54000 Nancy DE DIPLÔME industrie et transmission.
T : 03 83 32 31 25 24
Alors que les écoles d’art et
www.poirel.nancy.fr Prototypo est une « web-app »
de design s’interrogent depuis
qui permet d’accélérer
15 avril – 27 juin la création d’une police LECTURE(S) DE de nombreuses années sur la
place et le rôle du numérique
▶▶Exposition de caractères, d’esquisser FORME, FORME(S) dans l’enseignement, cette
des idées, d’expérimenter
des formes typographiques. DE LECTURE journée est l’occasion
d’échanger sur ces notions.
Ce projet mené par Louis- Cette exposition présente les Amphithéâtre François Furet.
Rémi Babé, développeur, travaux de recherche sur les
et Yannick Mathey, designer, potentiels narratifs des formes École des hautes études en sciences
a débuté en 2009 dans le graphiques des étudiants de
sociales (EHESS)
cadre de leurs études à 105, boulevard Raspail
l’École nationale supérieure 75006 Paris
l’école. À 18h à l’auditorium. d’art de Nancy coordonnés T : 01 49 54 25 25
Haute École des arts du Rhin (HEAR) par Brice Domingues www.ehess.fr
1, rue de l’Académie (officeabc). Le travail réalisé
67000 Strasbourg a pour base documentaire
03 69 06 37 77
la série The Prisoner (1967). 11 mai – 26 juin
www.hear.fr
Afin de révéler des indices ▶▶Exposition
véhiculant un potentiel de
narration, chaque étudiant PETER KNAPP
22
s’est intéressé au rôle du CREATIVE SIXTIES
Lector in Fabula, terme
ÉCOUTEZ VOIR ! emprunté à l’ouvrage Principalement composée à
d’Umberto Eco, Lector in partir des images du journal
L’exposition propose un Elle, l’exposition n’a pas pour
Fabula (Grasset & Fasquelle,
focus sur les relations étroites vocation d’exposer des origi-
1985). Ces indices sont le point
qu’entretiennent la musique naux mais plutôt de donner
de départ de l’élaboration
et le design graphique et à voir le travail de direction
d’une forme, aussi hétérogène
s’attache à montrer combien artistique de Peter Knapp,
soit-elle – musique, photogra-
ces deux champs de la imprimé, reproduit et agrandi
phie, typographie, sculpture.
création contemporaine se sur des supports spécifiques.
École Estienne taire et pose de manière plus 18 mai – 27 juin La Kermesse graphique du col-
18, boulevard Auguste-Blanqui réflexive la question de ▶▶Événement lectif Papier machine au Fort
75013 Paris
T : 01 55 43 47 47
l’exposition du design de Tourneville et des concerts
www.ecole-estienne.fr graphique. C’est sur le travail au Tetris mettant l’accent sur
singulier du studio deValence les cultures électroniques et
que porte cette nouvelle le design graphique. Fort de
11 mai
▶▶Conférence
présentation. Conférence Tourneville et Tétris, rue du
le 12 mai à 17h30, à l’au- 329e-Régiment-d’Infanterie.
LA MAISON MAME À ditorium de l’école, avec
Alexandre Dimos, Ghislain
TOURS (1796-1975) : Triboulet et Raphaël Zarka. Une Saison graphique

ÉDITER, IMPRIMER,
Le Havre
27 www.unesaisongraphique.fr
École européenne supérieure d’art
ÉDIFIER de Bretagne EESAB – Rennes
34, rue Hoche UNE SAISON 23 mai – 29 août
La dynastie d’imprimeurs
GRAPHIQUE 15
35000 Rennes
▶▶Événement
Mame a joué, au XIXe siècle, 02 23 62 22 64
www.eesab.fr
un rôle de pionnier dans
l’industrialisation de l’édition
Pour sa 7e édition, de CHAUMONT
nombreux événements et
française, non seulement Mi-Mai expositions sont organisés DESIGN
par l’ampleur et la modernité ▶▶Événement
dans la ville du Havre : GRAPHIQUE 2015
de l’imprimerie qu’elle
dirige, mais aussi par l’in- Antoine+Manuel, atelier fondé
en 1993, à la Bibliothèque ▶▶Exposition
tuition qu’elle développe,
très tôt, de la manière dont universitaire du Havre, See Red Women’s Workshop.
un éditeur doit structurer 25, rue Philippe-Lebon. Affiches en sérigraphie d’un
son catalogue . C’est à collectif féministe, Londres
l’histoire de cette « maison », Quentin Bodin, jeune gra- 1974 -1990
longue de deux siècles, phiste s’intéressant à la dimen- Le collectif See Red a été
entre Angers, Tours et Paris, sion sociale du graphisme, à fondé en 1973 par trois
qu’invite cette conférence la Maison de l’étudiant, 50, anciennes étudiantes en art.
de François Fièvre. À 18h15. rue Jean-Jacques-Rousseau.
CALENDRIER ↓ 90

Œuvrant pour la libération de


Musée de l’imprimerie et 26
la femme et la défense des
de la communication graphique
L’illustratrice Agathe Demois libertés, l’atelier place le tra-
13, rue de la Poulaillerie vail collectif et la sérigraphie
69002 Lyon LANCEMENT DU présente son travail
au cœur de son action. Les
à la médiathèque Léopold-
T : 04 78 37 65 98
www.imprimerie.lyon.fr KIT PÉDAGOGIQUE Sédar-Senghor, affiches présentées retracent
SÉRIE GRAPHIQUE 67, rue Gustave-Brindeau. l’engagement de ce collectif
jusqu’à sa disparition à la fin
12 mai – 12 juin CONNAITRE des années 1980. Les Silos,
▶▶Exposition / conférence
ET PRATIQUER Frédéric Tacer, graphiste Maison du livre et
attentif aux relations entre
LE DESIGN image et musique, à l’École
de l’affiche, 7 - 9, avenue Foch,
52000 Chaumont
GRAPHIQUE AU supérieure d’art et design
COLLÈGE Havre-Rouen (ESADHaR). 23 mai – 14 juin
Expositions du concours
Le kit pédagogique Série international d’affiches
Gavillet & Rust, studio suisse
Graphique, destiné aux ensei-
fondé en 2001, présente un (Jury : Maureen Mooren, Pays-
gnants de collège est lancé
ensemble de ses réalisa- Bas ; Ludovic Balland, Suisse ;
au Havre en collaboration
tions qui croisent différents Giorgio Camuffo, Italie ;
avec Une Saison graphique.
champs : culturel, commercial, Christophe Gaudard, France ;
Une rencontre est organisée
typographique. Au Portique, Jan en Randoald, Belgique) et
avec des enseignants, des
30, rue Gabriel-Péri. du concours étudiant (prési-
graphistes et des pédagogues
afin de présenter le projet et dente du jury : Annelys de Vet)
ses objectifs. Constitué d’un Sarah Boris, graphiste « Unmapping the World », qui
25 livret pédagogique et de et directrice artistique vise à proposer des projets de
cinq posters (Typographie, française, basée à Londres, cartographie contemporains
DEVALENCE / Couleur, Visualisation de reconstitue son studio et engagés qui feraient face à
ABONNENC, AFIF, données, Image, Mise en au théâtre de l’Hôtel de Ville, la neutralité apparente de la
cartographie professionnelle.
ZARKA : AFFICHES page), le design graphique
de cet outil inédit a été
place de l’Hôtel-de-Ville.
Subsistances, rue du Val-An-
ET AUTRES réalisé par Fanette Mellier. ne-Marie, 52000 Chaumont
Des affiches de l’artiste
DOCUMENTS Centre national des arts plastiques Michaël Riedel, Chaumont Design Graphique
Depuis 2009, le cycle d’expo-
Tour Atlantique récemment acquises par Les Silos, Maison du livre et
1, place de la Pyramide le Frac Haute-Normandie
sitions « Graphisme au long 92911 Paris-La Défense
de l’affiche
court » met en lumière des T : 01 46 93 99 50
sont présentées 7-9, avenue Foch
à La Consigne, gare SNCF. 52000 Chaumont
collaborations durables entre www.cnap.graphismeenfrance.fr
T : 03 25 03 86 97
un graphiste et un commandi- www.cig-chaumont.com
JUIL.
28 mai Au Campus Fonderie de 13 juin – 2 août
▶▶Conférence l’image, 80 rue Jules-Ferry, ▶▶Exposition
93170 Bagnolet. De 10h à 18h.
Les Rencontres internationales de
Lure
La Chancellerie
04700 Lurs

JUIN
www.delure.org

30

PAUL COX
L’exposition propose au
visiteur, telle une aire de 1er juillet 2015 – 3 janvier 2016
jeu, un espace à éprouver ▶▶Exposition
physiquement, une installa-
28 tion in situ accompagnée de
travaux divers. Des ateliers
de création, une journée de
JULIA BORN rencontres et de conférences
Julia Born (1975) est une sur la question des aires de
graphiste suisse qui a étudié jeu, qui ouvre de nombreuses
à la Gerrit Rietveld Academie ; 8 juin pistes de réflexion telles
▶▶Conférence que la place de l’enfant
elle travaille depuis 2012 à
Berlin. Ses projets, réalisés dans la ville ou le rôle de
en collaboration étroite
L’ART EN PRÉTEXTE. l’artiste dans la création de
avec des institutions, des NAISSANCE ces espaces métaphoriques
commissaires et des artistes, DE L’ÉDITION et parfois utopiques, sont
également proposés.
prennent la forme de livres,
MODERNE AU

CALENDRIER ↓ 91
de magazines, de scénogra-
TOURNANT DES
Studio Fotokino
phies d’exposition ou encore 33, allées Gambetta 31
d’identités graphiques. À 20h. XIXe- XXe SIÈCLES 13001 Marseille
T : 09 81 65 26 44
Centre culturel suisse
38, rue des Francs-Bourgeois Lucie Goujard, docteur www.fotokino.org PIERRE PÉRON
75003 Paris en histoire de l’art contem- (1905-1988),
porain et en histoire de la
UN GRAPHISTE
T : 01 42 71 44 50
www.ccsparis.com photographie, présente les
évolutions techniques de la MODERNE
30 mai seconde moitié du XIXe siècle
▶▶Événement qui aboutissent, à la veille Peintre brestois, fervent
de l’Exposition universelle de admirateur de sa ville, Pierre
1889, à la coexistence de deux Péron est moins connu comme
procédés typographiques graphiste. Pourtant, il conçut
(similigravure et photocollo- des dessins, affiches, gravures
graphie). Ils inaugurent et lettres en bois taillé qui
le renouvellement de l’édition. témoignent de sa créativité
D’abord réservé aux éditeurs et de sa singularité. Ses
d’art et bibliophiles, ce type affiches, méconnues, sont
de reproduction a donné imprégnées de l’esprit des
lieu à de nouveaux ouvrages affichistes les plus novateurs
illustrés, à la fois documentés, de l’Entre-deux-guerres et
esthétiques et luxueux. À 18h15. expriment une liberté de ton
et de forme exceptionnelle.
29 Musée de l’imprimerie et
de la communication graphique Musée des beaux-arts de Brest
13, rue de la Poulaillerie 24, rue Traverse
29200 Brest
LES PUCES TYPO
69002 Lyon
T : 04 78 37 65 98 T : 02 98 00 87 96
www.imprimerie.lyon.fr www.musee-brest.fr
C’est la 5e édition des Puces
typo, marché co-organisé par
les Rencontres internationales
de Lure et le Campus Fonderie
de l’image au cours duquel
les professionnels, passionnés
et amateurs exposent des
objets, livres neufs ou d’occa-
sion, affiches et productions
insolites ou micro-éditions.
AOÛT
au monde et aux autres. Loin 15 septembre – 15 octobre graphique coréen. Avec la
d’être une mécanique passive, ▶▶Exposition présentation d’une dizaine
ils sont un principe moteur : ils de designers graphiques,
transforment en même temps c’est l’originalité, l’effer-
qu’ils véhiculent. Choisir un vescence et la grande
langage, une taille de papier, créativité de cette jeune
un logiciel n’est jamais neutre : scène qui est mise en avant.
ces éléments délimitent un
Musée des Arts décoratifs
champ d’action et de pensée, 107, rue de Rivoli
ils structurent un contenu, ils 75001 Paris
en organisent l’échange et la 33 T : 01 44 55 57 50
circulation. Donner forme, www.lesartsdecoratifs.fr
c’est donner sens. De nom- HEINZ EDELMANN –
breux intervenants se suc- NOIRS DESSINS 22 septembre – 22 novembre
23 – 29 août
cèdent au cours de la semaine ▶▶Exposition
▶▶Événement 32 pour aborder les nombreux Artiste allemand d’origine
aspects de la thématique. tchèque, devenu célèbre en
1968 par les dessins réalisés
Les Rencontres internationales de
pour le film Yellow Submarine
Lure
La Chancellerie qui met en scène les Beatles,
04700 Lurs Heinz Edelmann (1934-2009)
www.delure.org a développé par la suite

SEPT.
une œuvre graphique d’une
grande force, souvent âpre.
L’exposition présente pein-
tures, affiches, illustrations
éditoriales, couvertures de
livres et, pour la première fois
en France, des éléments origi-
naux du film Yellow Submarine.
CALENDRIER ↓ 92

École Estienne
18, boulevard Auguste-Blanqui
75013 Paris
T : 01 55 43 47 47 34
www.ecole-estienne.fr
GRAPHISME
18 septembre – 13 décembre CONTEMPORAIN ET
▶▶Exposition
ENGAGEMENT(S)
3 septembre – 17 octobre
▶▶Exposition LES PLUS BEAUX L’exposition témoigne à la fois
LIVRES SUISSES de la persistance et du renou-
FLAG / BASTIEN 2014 vellement d’allers et retours
AUBRY, DIMITRI entre la création graphique
L’office fédéral de la culture et diverses formes d’engage-
BROQUARD organise chaque année ment dans la vie de la cité.
Croisant les champs de le concours « Les Plus Beaux Sont ainsi réunis des travaux
l’artisanat, du design, du gra- Livres suisses ». Il entend relevant de la communication
phisme et des arts plastiques, ainsi distinguer des réali- de collectivités publiques
les œuvres de Bastien Aubry sations particulièrement ou d’associations, de réac-
(1974) et Dimitri Broquard significatives sur le plan du tions à l’actualité politique
(1969) s’inspirent de la culture concept graphique et de intérieure ou internationale,
populaire, de l’art brut, des la réalisation technique. d’expressions militantes de
objets du quotidien et jouent soutien ou de dénonciation,
Centre culturel suisse
de l’interaction des matériaux 38, rue des Francs-Bourgeois de participation active à des
et des formes. Laissant visible 75003 Paris collectifs, d’interventions
le faire, leurs réalisations T : 01 42 71 44 50 pédagogiques et/ou artis-
célèbrent la poésie de l’échec
www.ccsparis.com tiques auprès d’un groupe
social ou dans l’espace public.
RENCONTRES et la beauté du moins-que-
parfait. L’exposition propose 19 septembre 2015 – 7 février 2016
INTERNATIONALES
Bibliothèque nationale de France
un parcours dans un univers ▶▶Exposition Site Tolbiac – Bibliothèque
DE LURE où les équilibres sont instables
REGARD SUR
François-Mitterrand
Allée Julien-Caïn
et où les formes s’épanchent
Cette nouvelle édition a pour et sortent du cadre. LE GRAPHISME 75013 Paris
T : 01 53 79 59 59
thème « Portrait/Paysage, un
monde de formats ». Ouverts, Maison d’art Bernard-Anthonioz CORÉEN www.bnf.fr
16, rue Charles-VII
A4, jésus, oubliés, libres, 94130 Nogent-sur-Marne L’exposition propose de
courts, dynamiques, pdf, pro- T : 01 48 71 90 07 découvrir, pour la première
priétaires, jpg, raisin… les for- http://maba.fnagp.fr fois en France, la scène
mats engagent notre rapport contemporaine du design
OCT.
de fabricant d’images. Mixant 21 – 22 novembre ▶▶légendes des images
▶▶Événement par ordre d'apparition :
les méthodes traditionnelles
et modernes, ses images
PUCES DE
1/ Otto Messmer, revue U&lc (Upper &
inspirées suscitent en même lower case), New York, ITC, 1991
temps émotion et étonnement. L’ILLUSTRATION 2/ Wladyslaw Pluta, affiche de l’expo-
sition « Affiches avec livres, livres avec
Ar[T]senal Une trentaine d’illustrateurs, affiches », 2009
5, place du Marché-Couvert
éditeurs indépendants, 3/ Frédéric Tacer, affiche de l'exposition
28100 Dreux « Oeuvres utiles », Chaumont design
T : 02 37 50 18 61 sérigraphes et libraires
graphique, 2014
viennent exposer et vendre

NOV.
www.dreux.com/lartsenal 4/ Alejandro Magallanes, affiche
leurs créations. Une journée de la fête du graphisme 2015 .
de rencontres pour mettre 5/ Pierre di Sciullo, affiche de l’exposition
en valeur des productions « Qui ? Résiste, laboratoire graphique
graphiques contemporaines et poétique de Pierre di Sciullo – Sujet
et permettre aux visiteurs Verbe Compliment », Bibliothèque univer-
Octobre 2015 – mai 2016 sitaire du Havre, 2015
d’échanger avec les artistes
▶▶Cycle de conférences 6/ Vue de l’Atelier Chevalvert, Paris, 2015
dans une ambiance conviviale 7/ Claude Baillargeon, affiche d’exposi-
et festive. De 10h à 19h.
DESIGN tion, Espace Niemeyer, Paris, 2015

GRAPHIQUE : Campus Fonderie de l’image 8/ Matti Pikkujämsä, Kettu, 2015


80, rue Jules-Ferry 9/ Robin Defilhes, image du cycle de
MÉDIAS, 93170 Bagnolet conférences « Culture de l’image ou
culture des images ? », 2015
TECHNIQUES ET
T : 01 55 82 41 41
pucesillu.campusfonderiedelimage.org 10/ Syndicat, catalogue de l’exposition
PROCESSUS

DÉC.
« Les images vieillissent autrement que
ceux qui les font », 2012
Le design graphique a souvent 11/ deValence, revue Backcover, éditions
B42, 2014
été réduit à ses aspects for- 19 novembre 2015 – 29 janvier 2016 12/ Pascal Béjean et Nicolas Ledoux,
mels et technologiques, entéri- ▶▶Exposition affiche, Calme, théâtre Nanterre-Aman-
nant la réduction bien connue diers, 2012
du faire-savoir au savoir-faire. POUVOIR ET 13/ OSP, extrait du livre, 16 case stories
Il s’agit, à l’occasion de ce PASSIONS re-imagining the practice of lay-out,
cycle de conférences, de Constant Verlag, 2012

CALENDRIER ↓ 93
prendre ces notions à rebours, L’exposition présente une 14/ Sophie Janowitz, affiche, Printemps
de la typographie, 2015
en les mettant en perspec- sélection d’affiches de
15/ Louis Fertey, affiche, Gueules
tive avec les déterminants théâtre réalisées pendant ces cassées, 1933
historiques et culturels qui les cinquantes dernières années. 16/ officeabc (Catherine Guiral, Brice
traversent et en donnant la À travers les aventures et les Domingues), asteriskos, 2015
parole à des graphistes, des représentations de Macbeth, 17/ Hans-Rudolf Lutz, détail du livre, Die
théoriciens ou des historiens. Dom Juan, Père Ubu ou Mère Hieroglyphen von heute,1990
Co-organisé par l’univer- Courage, ces affiches ouvrent 18/ studio Ultragramme, double-page de
1er décembre Graphisme en France 2015
sité de Strasbourg (Master une réflexion sociale et histo-
▶▶Journée d'étude 19/ Anonyme, étiquette, Fleur d’oranger,
Design) et la Haute École rique et sont porteuses d’une
vers 1930
parole publique révélatrice
des arts du Rhin (atelier de
Communication graphique). de l’état d’esprit d’un temps
FONTES ET 20/ Sandrine Nugue, caractère typogra-

CARACTÈRES
phique Infini, CNAP, 2015
et de la société dans laquelle 21/ Florence Inoué, David Poullard, Guil-
Haute École des arts du Rhin (HEAR)
1, rue de l’Académie elles sont réalisées. Moulins DANS TOUS LEURS laume Rannou, affiche, Allons bonTant
de Villancourt, 116, cours qu’on y est, 2005
67000 Strasbourg
T : 03 69 06 37 77 Jean-Jaurès, 38130 Échirolles. ÉTATS. « DU MONDE 22/ Niklaus Troxler, affiche, Festival de
www.designgraphiquedesigncritique.fr
Centre du graphisme d’Échirolles
ENTIER AU CŒUR jazz de Willisau, 2005
23/ Louis-Rémi Babé et Yannick Mathey,
BP 175 DU MONDE » Protypo, 2009
Octobre 2015 – mars 2016 38432 Échirolles cedex 24/ Brice Domingues, montage d’images,
▶▶Exposition T : 04 73 23 64 68 La création typographique The Heart of it All, 2015
www.graphisme-echirolles.com bat plus que jamais au rythme 25/ deValence, affiche, Mathieu K.
RONALD CURCHOD, des langues et des cultures Abonnenc, 2010

AFFICHES, du monde. Experts, profanes


et curieux sont conviés à
26/ Fanette Mellier, kit pédagogique
« Série graphique », CNAP/Canopé, 2015
ILLUSTRATIONS découvrir les nouveaux 27/ Virgile Lagin, affiche, « Une Saison

ET ŒUVRES
Graphique », 2015
enjeux de la mondialisation
28/ Julia Born, couverture de A NOT B,
typographique au cours d’une
PERSONNELLES journée d’étude organisée
Uta Eisenreich, Roma Publications, 2010
29/ Photographie Nicolas Taffin
Cette exposition des travaux par le Campus Fonderie de 30/ Paul Cox, lithographie sur papier,
de Ronald Curchod (1954) l’image, en partenariat avec Carte du tendre perpétuel, 2000
propose une sélection de ses les Rencontres de Lure. 31/ Pierre Péron, blanc, Au Bon Marché,
1932 © Pierre Péron
images, inventées, comman- Campus Fonderie de l’image 32/ Les rencontres internationales de
dées ou désirées, à base 80, rue Jules-Ferry Lure 2013, photographie Michel Balmont
d’huile, de gouache ou de 93170 Bagnolet
33/ Heinz Edelmann, série d’affiches
matière argentique, et ses T : 01 55 82 41 41
pour le théâtre der Welt (le Monde), 1981
collaborations avec les milieux www.campusfonderiedelimage.org
34/ Nous travaillons ensemble,
culturels et institutionnels pour affiche pour le 14-juillet, Ville
lesquels il développe un travail d’Aubervilliers, 2007
PUBLICATIONS

LIVRES Collectif, Les Plus Beaux


Livres suisses 2013, Berne,
Office fédéral de la culture,
2014. Anglais / allemand /
français / italien.

Collectif, Ronald Curchod.


Collectif, Le Club des Affichiste, Paris, éditions
PUBLICATIONS ↓ 94

John Berger, Voir le voir, directeurs artistiques, Michel Lagarde, 2014.


Paris, éditions B42, 2014. Paris, Club des directeurs
artistiques, 2014.
Georges Brévière, Lustucru : Collectif, Magazine 1999-
la preuve par l’œuf, Collectif, Eigengrau, 2013, 15 ans, une brève
Échirolles, Centre Chaumont, Chaumont histoire du magazine de
du graphisme, 2014. design graphique éditions, style, Paris, coédition Acp
2014. Anglais / français. et Funny Bones, 2014.

Collectif sous la direction de


David Rault, Jean François
Porchez, l’excellence Collectif, Yann Legendre.
Collectif, Collections, typographique, Gap, Atelier À corps perdu, Échirolles,
catalogue de la Fête Perrousseaux éditeur, 2014. Paris, coédition Centre
du graphisme, Paris, Anglais / français. du graphisme, éditions
Textuel, 2014. Textuel, 2014.
PUBLICATIONS

Léo Favier, Comment, tu Fred Smeijers,


REVUES
ne connais pas Grapus ?, Les Contrepoinçons, Paris,

PUBLICATIONS ↓ 95
Leipzig, Spector Books, Richard Niessen, Tony éditions B42, 2014.
2014. Anglais / français. Côme, Un compendium
hermétique de maçonnerie
Stéphane Darricau, typographique, Le Havre,
Culture graphique, une Franciscopolis éditions,
perspective de Gutenberg 2014. Anglais / français.
à nos jours, Paris, Pyramyd
éditions, 2014.

Michel Silhol, Diego Collectif, The Shelf # 3,


Zaccaria, Des bas à la une, Paris, The Shelf Company,
Échirolles, Centre 2014.
du graphisme, 2014.

Collectif, Recto verso. Huit


pièces graphiques, Paris,
Les Arts décoratifs, 2014.
Cyrus Highsmith, Espaces
du paragraphe, Paris,
Ypsilon éditeur, 2014. Alexandre Tylski, Cédric
Bruno Munari, Design et Klapisch, Les Plus Beaux
communication visuelle, Génériques de films, Paris,
Jost Hochuli, Hans- Paris, Pyramyd éditions, éditions de la Martinière,
Rudolph Bosshard, 2014. 2014.
Max Bill / Jan Tschichold.
La querelle typographique
des modernes, Paris, Collectif, Après \ Avant
éditions B42, 2014. # 2, Lurs, Rencontres
internationales de Lure,
2014.
LES AUTEURS

ANGELO CIRIMELE PIERRE PONANT

Angelo Cirimele est philosophe de formation et Pierre Ponant est historien et critique de de-
fondateur de Magazine (1999), une publication sign graphique. Comme curateur indépendant, il
consacrée à la presse de style, dont le principe a réalisé plus d’une trentaine d’expositions sur
a été de solliciter un directeur artistique diffé- les arts électroniques et le design graphique au
rent pour chaque numéro. Il a également conçu sein d’institutions muséales en France, en Eu-
des catalogues d’exposition (Printemps de sep- rope centrale et en Amérique latine. Recentrant
tembre à Toulouse, « Warhol TV » à la Maison son propos sur le graphisme, il crée, en 2000 en
rouge) et le guide The Style Press pour Publi- Argentine, le premier Festival international de
cis. Parallèlement, il enseigne la communica- design et de communication de Buenos Aires.
tion visuelle à l’Ecal (École cantonale d'art de Il coproduit, avec les Rencontres du graphisme
Lausanne) et à l’IFM (Paris) et est responsable de Chaumont, les expositions « Approche » et
de la catégorie édition pour le Club des direc- « Vues de presse ». Il enseigne la culture et
teurs artistiques. l’histoire du design graphique à l'École d’ensei-
gnement supérieur d’art de Bordeaux et à l’Ecal
de Lausanne (Suisse). Il collabore aux revues
Étapes et Magazine et contribue à diverses pu-
blications : Ever Living Ornement (2012), Ma-
gazine 1997-2013 (2014), Eigengrau (2014). Il
prépare une histoire de la direction artistique
FRANCESCO FRANCHI au XXe siècle ainsi qu’un ouvrage sur le livre
tchèque et les avant-gardes.
Francesco Franchi est le directeur artistique
d’ IL, le magazine d’ Il Sole 24 Ore. Il a aupa-
ravant travaillé pendant cinq ans en tant que
graphiste pour Leftloft, un studio de design mi-
lanais où il était chargé de la conception de la VÉRONIQUE VIENNE
communication, des projets éditoriaux et de
l’infographie. Journaliste professionnel depuis Véronique Vienne a travaillé pendant 40 ans
2010, il est également professeur contractuel à aux États-Unis comme directeur artistique de
l’université IUAV de Venise et à l’IED de Milan, magazines. Elle est aussi l’auteur de plusieurs
Turin et Barcelone, ainsi que professeur invité ouvrages sur le design, le graphisme, la direc-
à la Domus Academy et à l’université polytech- tion artistique et les pratiques de création. Elle a
nique de Milan. Il est par ailleurs membre de la écrit pour des magazines américains, anglais et
Society of Publication Designer et membre pro- français sur des sujets variés, y compris la pho-
fessionnel de l’AIAP, le Conseil italien de design tographie (Aperture), l’illustration (Print), l’ar-
de communication. En 2013, il a publié Desi- chitecture et le design (Metropolis et House &
gning News, Changing the World of Editorial Garden) et le graphisme (Etapes et Eye). Elle a
Design and Information Graphics. Sa carrière contribué à de nombreux recueils de textes sur
est jalonnée de nombreuses récompenses et son les métiers du design et du graphisme, dont 100
travail a été publié et exposé dans plusieurs Ideas that Changed Graphic Design, traduit en
pays, notamment au V&A Museum de Londres huit langues et publié en français aux éditions
tout récemment. du Seuil.
GRAPHISME EN FRANCE
2015

DIRECTEUR DE LA PUBLICATION :
Yves Robert, directeur du Centre national des arts plastiques

DIRECTION ÉDITORIALE ET COORDINATION :


Véronique Marrier, chargée de mission pour le design graphique

AUTEURS :
Angelo Cirimele, Francesco Franchi, Pierre Ponant, Véronique Vienne

DESIGN GRAPHIQUE :
Ultragramme (Juliette Goiffon & Charles Beauté)

TRADUCTION DU TEXTE DE FRANCESCO FRANCHI :


Audrey Favre

RELECTURE :
Stéphanie Grégoire

TYPOGRAPHIES :
Les graphistes remercient Production Type et Jean-Baptiste Levée pour la mise à disposition
d'une version beta du Trianon (display, text et caption) créé par Loïc Sander. Cette publication utilise
également l'Origin Super Condensed de Production Type et le Wigrum créé par
le studio Feed pour le Bureau des affaires typographiques (BAT).

IMPRESSION ET PAPIERS :
Graphisme en France 2015 est imprimé sur les presses offset de Stipa à Montreuil, sur papiers Fedrigoni
Symbol Freelife Gloss 250g, Symbol Freelife Satin 90g, Arcoprint Milk 100g et Creator Star 100g.

CENTRE NATIONAL DES ARTS PLASTIQUES


Le Centre national des arts plastiques, établissement du ministère de la Culture et de
la Communication, a pour mission de soutenir et de promouvoir la création contemporaine dans tous les
domaines des arts visuels. Acteur culturel et économique, il encourage la scène artistique dans toute sa
diversité et accompagne les artistes ainsi que les professionnels par plusieurs dispositifs
de soutien. Il a en charge une collection publique nationale, le fonds national d’art contemporain, qu’il
enrichit, conserve et fait connaître par des prêts et des dépôts en France comme à l’étranger. Il met en œuvre
la commande publique nationale et favorise l’accès de tous les publics à l’art contemporain. www.cnap.fr

CRÉDITS DES IMAGES


Nous remercions tous les graphistes, éditeurs, institutions et photographes qui ont autorisé la reproduction de leurs créations à titre gracieux. Images des pages
de titres : Ultragramme. © ArtReview : p. 61. © Artists Rights Society (ARS), New York/SIAE, Rome. Photo : © MART, Archivio Fotografico : p. 16. © Bloomberg : pp. 38, 39,
68, 69. © Condé Nast : pp. 8, 9, 10, 11, 12, 13, 15, 16, 17, 32a, 45a, 45b, 55. D.R. : pp. 7, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 32 b, 32c, 33, 45c, 45d, 53. © Emap : p. 54. © FGH
invest : pp. 60, 61. © Guardian : pp. 65, 66, 67. © Harper’s Bazaar : p. 77. © Il Messagero : p. 70. © Il Sole 24 Ore : pp. 74, 75. © Intersection : p. 44a. © Interview : pp. 46, 47.
© Les Inrockuptibles : pp. 34, 35. © Libération : pp. 38c, 38d. © Le Nouvel Observateur : pp. 42, 43. © Magazine : pp. 44b, 44c. © Monocle : pp. 56, 57. © Stern : p. 33a.
© System : pp. 48, 49. © Télérama : pp. 38, 39. © Twen : pp. 76, 77. Tous les efforts ont été faits afin de retrouver et de mentionner les propriétaires des droits des images
reproduites dans cette publication. Si certains crédits avaient été omis, l’éditeur s’engage à les intégrer dans la version numérique.

Dépôt légal mars 2015 - ISSN 1286-2584

CENTRE NATIONAL DES ARTS PLASTIQUES


Graphisme en France
Tour Atlantique
1, place de la Pyramide
92911 Paris-La Défense
graphisme.cnap@culture.gouv.fr
www.cnap.graphismeenfrance.fr

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