Vous êtes sur la page 1sur 19

BOB FLANAGAN, SUPER-HÉROS (1)

1 © Sheree Rose

« Combattre la maladie
Avec la maladie »
(Bob Flanagan’s Visiting Hours, 1992)

« You and me are burning in the summertime »


(Sonic Youth, Creme Brulee, 1991)

À Sheree Rose – toute ma reconnaissance

Si vous vivez en Europe et que vous n’écumez pas les sites underground
d’Internet, vous avez peu de chance d’avoir croisé la figure tragique (néanmoins facétieuse),
de feu Bob Flanagan, supermasochiste. Peut-être au cinéma, lors de la sortie française assez
confidentielle de Sick (10 juin 1998 – distribué en salles par Haut et Court puis en VHS par
Film Office (2)), le documentaire intime de Kirby Dick (3), ou à la faveur du clip gore de
Nine Inch Nails, Happiness in slavery (4), dans lequel Bob, au paroxysme de son glamour
gothique, offrait, telle une eucharistie, sa chair martyrisée, subissant avec délectation la
torture létale d’une machine à éviscérer, dans une ambiance parodique de snuff movie
cyberpunk. Il existe bien un numéro spécial de la revue new-yorkaise RE/Search (5), très
complet pour l’époque (introduction documentée, six interviews de Bob, une de Sheree Rose,
reproduction intégrale du Bob Flanagan’s Manifesto WHY – voir ci-après –, éléments
biographiques et bibliographiques), mais les douanes, de façon à fois illégale et incongrue (car
rarissime), en interdirent longtemps l’importation dans notre pays, même pour certaines

1
librairies parisiennes très spécialisées (6). Quant aux œuvres (poésie et prose) publiées de son
vivant ou après sa mort à l’hôpital le 4 janvier 1996 (notamment l’extraordinaire diptyque
Fuck Journal / Pain Journal (7)), elles n’ont trouvé à ce jour aucun éditeur tenté par leur
traduction… C’est dire si celui que quelques happy few (dont nous sommes) considèrent
comme le performer le plus intrinsèquement bouleversant de la fin du XX ème siècle se trouve
floué de la postérité qu’il mérite – nous comptons bien ici (et sans doute ailleurs) apporter
notre vibrante contribution à cette reconnaissance nécessaire, en tentant d’analyser pourquoi,
depuis bientôt trente ans (son premier recueil au titre emblématique, The Kid is the Man (8),
date de 1978) une chape de béton ensevelit les restes pourtant flamboyants d’une existence
vouée corps et âme à la préservation ontologique.

C.F. / S.M.

2 © Sheree Rose

Mais reprenons les choses dans l’ordre : Robert “Bob” Flanagan naît le
26 décembre 1952 à New York, atteint de la mucoviscidose (en anglais « Cystic Fibrosis »,
d’où les initiales « C.F. » utilisés pour construire le « Mur-Alphabet » photographié ci-dessus)
et avec une espérance de vie quasi nulle. Dès ses premières semaines, il subit des soins
extrêmement douloureux (les atroces ponctions thoraciques décrites par ses parents dans Sick)
auxquels il survit miraculeusement au fil d’une enfance ponctuée par de violentes fièvres, des
convulsions, des crises d’étouffement, et surtout d’interminables séjours en hôpital prétextes à
toutes sortes d’examens traumatisants et humiliants. Très vite, la masturbation et
l’« expérimentation sexuelle » sur son propre corps (incluant certaines pratiques sado-
masochistes assez violentes, vu son jeune âge) constituent l’unique échappatoire à la

2
souffrance, lui procurant une impression à la fois d’apaisement, de jouissance et de maîtrise.
Dès lors, la conjugaison de ces trois sentiments l’oriente de manière quotidienne et
irréversible vers une sexualité extrême incluant piercing, branding, urologie, scatologie,
bondage, enfermement, étranglement, scarification, auto-mutilation et torture, tandis
qu’imperceptiblement un besoin de plus en plus impérieux de rendre compte d’un tel parcours
se fait sentir. Les textes de The Kid is the Man, aussitôt révélés en lectures « à la Bukowski »
(« C’était une démarche “bukowski-esque” : se saouler et raconter des blagues tout en
lisant » – RE/Search, Interview 2, p. 60), sont les premiers jalons d’une pratique poétique
régulière que Flanagan, malgré la diversification spectaculaire de ses supports d’expression à
partir du début des années 80, ne cessera d’alimenter jusqu’au terme, en une veine lyrique
résolument déchirante.
« Une vie est couchée sur le papier
et le papier commence à respirer.
De nouveau, la respiration devient un poème
qui n’est pas une vie. Il est
écrit sur les emballages de lait,
écrit sur les boîtes de soupe, oui,
et la nourriture même que vous mangez,
la nourriture, la substance
de votre corps, n’est que mots,
même des vilains mots et des mots
que vous ne comprenez pas » (9)

3 © D.R. (archives personnelles)

En 1980, sa rencontre fulgurante et romantique avec la photographe Sheree


Rose lors d’une party organisée par la librairie alternative Beyond Baroque (« J’y étais venu
déguisé en personnage du film Zombie (10) : je portais une chemise maculée de sang, j’avais

3
un couteau planté dans le dos et une main coupée dans la bouche, le visage peint en blanc et
souligné de maquillage noir – ça a toujours été facile pour moi d’avoir l’air mort (…) Et
soudain cette femme habillée comme Jayne Mansfield sonne à la porte, une blonde bien en
chair avec un chemisier brillant » – RE/Search, Interview 2, p. 30) lui fournit d’un coup une
épouse, une mère, une infirmière, une « dominatrix », une muse, une partenaire de création ;
durant quinze ans, Bob et Sheree vont littéralement faire corps et développer tous azimuts une
des œuvres les plus singulières et radicales de la scène artistique mondiale, investissant de
front la littérature, la vidéo expérimentale, le cinéma, la photographie, les arts plastiques, les
installations conceptuelles, les performances, jusqu’aux synthèses méticuleusement
orchestrées que représentent les Visiting Hours de 1992 puis le film avec Kirby Dick.

Why

4 © Sheree Rose

La période 1980-1992 voit donc Flanagan éditer de nouveaux recueils de


poésie hantés par la mort et le masochisme (The Wedding of everything, 1983 ; The Slave
sonnets, 1986) et collaborer, au sein du groupe fréquentant Beyond Baroque, avec l’écrivain
californien David Trinidad. Ses textes adoptent un ton ironique et très noir dont il ne se
départira plus.
« Si vous avez un doute concernant la réalité des anges,
prouvez le : marchez jusqu’à la falaise la plus proche et
sautez.
Peut-être volerez-vous, peut-être pas. Plus probablement,
vous toucherez le sol avant d’avoir obtenu vos ailes » (11)

Son style devient acéré, tranchant jusqu’au grotesque, poésie et prose se


répondent, le Fuck Journal (publié en 1987 par Hanuman Books puis pilonné par l’éditeur)

4
s’élabore jour après jour, d’une joviale obscénité, tandis qu’il multiplie les lectures-
happenings, glissant vers la performance tragi-comique par l’intromission de chansons
exécutées à la guitare (référence à son engagement d’animateur pour jeunes malades au
« Cystic Fibrosis Summer Camp » de San Juan Capistrano dans la région d’Orange County
(12)) où il s’amuse, entre autres, à parodier Joan Baez et Bob Dylan (I’ll do it just for you, à la
Society of Janus en 1989 durant une FUCK Session très folklorique), tandis que se dessine
peu à peu le personnage volontairement cartoonesque de « SupermasochisticBob », cape à la
Superman, cathéters et attirail SM, déclamant son hymne (« SupermasochisticBob has Cystic
Fi-ii-brosis ») sur l’air connu (et assez ridicule) du Supercalifragilisticexpialidocious de Mary
Poppins (13). Flanagan a trouvé son style inimitable, mélange savant (et humainement très
subversif) de désespérance intériorisée et de clownerie fier-à-bras – nous sommes déjà loin de
l’esprit Téléthon.

5 © D.R. (archives personnelles)

Une même volonté agitatrice préside à la conception des premiers « films


domestiques » (14) du couple déviant : Bob & Sheree contract (1982) et surtout Leather from
home (1983) dans lequel Bob écrit en voix off une lettre à sa mère, lui relatant, comme tout
bon fils dévoué, une pseudo vie conjugale idyllique et traditionnelle, sur des saynètes vidéo
très explicites de dispositifs SM. Il devient évident que le but visé est de faire s’achopper,
selon une dialectique que la morale réprouve, des univers a priori incompatibles, afin de
provoquer chez le spectateur bousculé dans ses tabous une réaction sensitive épidermique et
malaisante, ainsi qu’un questionnement inquiet. Le Wall of Pain (fabriqué courant 1982 lors
des multiples Overnight Bondage Sessions par l’objectif scrutateur de Sheree) entretient ce
trouble captieux suscitant le vertige émotionnel : souffrance ? jouissance ? moquerie ?
bravade ? Sans doute un peu des quatre…

5
6 © Sheree Rose

Mais c’est encore un texte, particulièrement poignant, qui témoigne au mieux


de la rhétorique ainsi mobilisée, révélant de manière brutale (et pseudo naïve) la nature des
différents enjeux éthiques et esthétiques dont l’artiste nourrit son inspiration : le Bob
Flanagan’s Manifesto WHY, rédigé en 1985, que nous proposons ici dans sa première
traduction française intégrale :

« POURQUOI
Parce que c’est bon ; parce que ça me donne une
érection ; parce que ça me fait jouir ; parce que je suis
malade ; parce qu’il y avait tellement de maladie ;
parce que je dis BAISONS LA MALADIE ; parce que
j’aime qu’on s’occupe de moi ; parce que j’étais très
seul ; parce que j’étais différent ; parce que les gosses
me battaient sur le chemin de l’école ; parce que j’ai
été humilié par les bonnes sœurs ; à cause du Christ et
de la crucifixion ; à cause de Porky Pig ligoté et
engraissé par un sinistre salaud en cape noire ; à cause
de ces histoires avec des enfants attachés par les
poignets, brûlés dans la cuisinière, ébouillantés dans
des baquets ; à cause des Révoltés du Bounty ; à cause
des cow-boys et des indiens ; à cause de Houdini ; à
cause de mon cousin Cliff ; à cause des forts qu’on
construisait et de toutes ces choses qu’on faisait

6
dedans ; à cause de mes gênes ; à cause de mes
parents ; à cause des docteurs et des infirmières ;
parce qu’ils m’attachaient au lit pour que je ne me
fasse pas mal ; parce que j’avais le temps de penser ;
parce que j’avais le temps de tenir mon pénis ; parce
que j’avais d’affreux maux d’estomac et tenir mon
pénis me faisait sentir mieux ; parce que j’avais
l’impression que j’allais mourir ; parce que ça me
faisait sentir invincible ; parce que ça me faisait sentir
triomphant ; parce que je suis catholique ; parce que
j’aime toujours Carême et j’aime toujours mon pénis,
et malgré tout je n’éprouve aucune culpabilité ; parce
que mes parents disaient SOIS CE QUE TU VEUX
ÊTRE, et c’est comme ça que je veux être ; parce que je
ne suis rien d’autre qu’un gros bébé et je veux rester
comme ça, et je veux une maman pour toujours, même
une méchante, spécialement une méchante ; à cause de
toutes les sorcières des contes de fées, de la méchante
belle-mère, et des méchantes belles-sœurs, et aussi
parce que Cendrillon était tellement sexy, souillée par
la suie, condamnée à une vie de servitude ; à cause de
Hansel, enfermé dans la cage de la sorcière jusqu’à ce
qu’il soit suffisamment gros pour être mangé ; à cause
de “O” et combien je voulais désespérément être à sa
place ; à cause de mes rêves ; à cause de nos jeux ;
parce que j’ai toujours eu une grande imagination ;
parce que ma mère m’achetait des jouets pour
bricoler ; parce que les quincailleries me faisaient
bander ; à cause des marteaux, des clous, des épingles,
du bois, des cadenas, des poulies, des vis, des punaises
[thumbtacks], des agrafeuses, des aiguilles à tricoter,
des cuillères en bois, des articles de pêche, des chaînes,
des règles en métal, des tuyaux en caoutchouc, des
spatules, de la corde, de la ficelle, des serre-joints, des
crochets de boucher, des lames de rasoir, des ciseaux,
des pinces à épiler, des couteaux, des punaises
[pushpins], des chevrons, des raquettes de ping-pong,
des pinces crocodiles, du chatterton, des manches à
balai, des brochettes de barbecue, des tendeurs
élastiques, des tréteaux, des fers à souder ; à cause des
remises à outils ; à cause des garages ; à cause des
sous-sols ; à cause des donjons ; à cause de Le Puits et
le pendule ; à cause de la Tour de Londres ; à cause de
l’Inquisition ; à cause de la torture ; à cause de la
croix ; à cause de la salle de jeux de la Famille
Addams ; à cause de Morticia Addams, de sa robe
noire avec ses jambes de pieuvre ; à cause de la
maternité ; à cause des Amazones ; à cause de la
Déesse ; à cause de la lune ; parce que c’est dans ma
nature ; parce que c’est contre-nature ; parce que c’est

7
sale ; parce que c’est amusant ; parce que ça saute à la
figure de tout ce qui est normal (quoi que ce soit) ;
parce que je ne suis pas normal ; parce que je me
plaisais à penser que j’étais un élément d’une grande
expérimentation et qu’il y avait cet implant dans mon
pénis qui me faisait faire ces choses et LES autorisait
(quelles qu’ELLES soient) pour contrôler mes
activités ; parce que je devais me déshabiller et
m’allonger dans ce sac en plastique géant pour que les
docteurs puissent recueillir ma sueur ; parce qu’une
fois j’ai eu une telle fièvre que mes parents ont dû me
déshabiller et m’envelopper dans des draps mouillés
pour arrêter les convulsions ; parce que mes parents
m’aimaient beaucoup plus quand je souffrais ; parce
que je suis né dans un monde de souffrance ; parce que
la reddition est douce ; parce que je suis attiré par ça ;
parce que j’en suis accro ; parce que l’endorphine
dans le cerveau c’est comme une sorte d’héroïne
naturelle ; parce que j’ai appris à prendre mes
médicaments ; parce que j’étais un grand garçon
quand je les prenais ; parce que je peux les prendre
comme un homme ; parce que, comme quelqu’un l’a
dit, IL A PLUS DE COUILLES QUE MOI ; parce que
c’est un acte de courage ; parce que ça demande des
tripes ; parce que je suis fier de ça ; parce que je ne
peux pas escalader les montagnes ; parce que je suis
nul en sports ; parce qu’ON N’A RIEN SANS RIEN ;
parce que QUI AIME BIEN CHÂTIE BIEN » (15)

Ce véhément morceau de bravoure digne du meilleur flow d’un rappeur


enragé ou de la dub poetry tendance LKJ (16) revêt bien l’apparence d’un manifeste en ce
qu’il positionne avec une grande rigueur les relations profondes entre trois pôles signifiants
entremêlés, l’enfance, la maladie, le sexe SM, chacun décliné selon un axe énumératif très
explicite (l’art de Flanagan se veut concret, percutant – c’est ce qui fait sa force
métaphorique) et selon un point de vue délibérément sincère jusqu’à l’hyperbole (l’artiste ne
cache rien pour mieux interpeller). De cette confrontation triangulaire émergent des sous-
catégories illustrées elles aussi sans détours, l’amour familial, la religion, le pouvoir
évocateur de la culture enfantine, l’ensemble de ces thèmes obsessionnels amenant à
s’interroger sur la problématique plus large de la survie considérée comme un combat
quotidien dont les armes sont à confectionner et entretenir ad vitam æternam, ou plutôt
jusqu’à ce qu’ON (mais qui ?) nous prête (mauvaise) vie. Flanagan adopte une énonciation
faussement ingénue – The Man IS the Kid ! – aux effets expressifs dévastateurs : dans le
regard invalide du « gros bébé (…) que [ses] parents aimaient beaucoup plus quand [il]

8
souffrai[t] » se reflète l’obscénité absurde d’un destin martyr où l’évidence de l’outrage et du
blasphème, le besoin de souiller, d’avilir, contiennent in utero (infection magnifique) la
souveraineté de leur absolution. C’est évidemment dans cette aporie insoutenable (l’interdit
soudain sanctifié) dont l’artiste a mesuré très tôt le caractère insoluble qu’il faut chercher les
véritables raisons du rejet répulsif : « Nous brûlerons ensemble dans la chaleur de l’été ».

Visiting Hours

7 et 8 © Sheree Rose

En 1992, le Musée d’Art Moderne de Santa Monica qui avait développé


depuis peu un programme innovant intitulé « The Emerging Artist Series » pour lequel des
plasticiens « peu connus » [« not so well known »] pouvaient proposer un projet d’exposition,
incite Bob et Sheree à concourir. Il résulte de cette opportunité une installation ultra
sophistiquée permettant enfin au citoyen Flanagan d’apostropher la société contrite et
miséricordieuse les yeux dans les yeux, s’inscrivant en personne et en maladie au sein du
dispositif. Durant 45 jours, cloué sur un lit d’hôpital plus vrai que nature, sous le regard
compatissant de Jésus-Christ (un connaisseur), il reçoit le quidam aux « heures de visite »
réglementaires, dialogue avec lui, enregistre sa commisération, ses doléances, voire ses
injures (17), tandis que des espaces jouxtant la chambre reconstituée sont aménagés en salle
d’attente pédiatrique, aire de jeux et donjon des tortures, ou accueillent, selon une
scénographie propice à l’entrechoquement des souvenirs et de leurs reconstitutions plastiques,
un bric-à-brac symbolique assez impressionnant : une déambulation attentive permet de

9
découvrir le « Mur-Alphabet » constitué de 1 400 cubes alternant les lettres « C.F. » et
« S.M. » (voir illustration 2), un « chariot chirurgical à clous » (illustration 9), burlesque
accouplement de deux microcosmes familiers, le « Mur de la Douleur » (voir illustration 6)
dans sa version définitive des 500 portraits de Bob en état aigu de soumission, un
« Échafaudage Vidéo » (illustration 10) composant une créature improbable à tête de Spencer
Tracy, poitrine et sexe aux rayons X, comme si le docteur Frankenstein avait croisé Nam June
Paik ou Wim Delvoye (18), un panneau d’affichage avec des centaines d’images et documents
hétéroclites, une crèche en forme de cage (« The Crib Cage »), un « Cercueil Vidéo »
(illustration 11) avec le visage de Bob animé sur moniteur, des tirages photographiques géants
(SupermasochisticBob, « Sick Superman »), un coffre à jouets décoré où se côtoient en vrac
Jésus sur la croix, Superman, des peluches, des accessoires SM (illustration 12), et enfin, tel
un indécent climax, le glaireux « Visible Man » (illustration 13), marionnette translucide
évacuant, grâce à un système de pompes, « sperme, pus et merde » en suaves écoulements
tricolores (19) ; la longue confession de Why traverse le site de part en part, courant
élégamment sur l’ensemble des murs et obligeant le spectateur soucieux d’exhaustivité
narrative à une promenade complète au sein du musée.

9 © Sheree Rose 10 © Sheree Rose

10
11 © Sheree Rose

12 © Sheree Rose 13 © Sheree Rose

Cette présentation mortifère, fermement kamikaze, permet à Flanagan de


réaliser un rêve quasi testamentaire. « En tant que rétrospective, le show de Santa Monica
était si complet que peu m’importe ce qui arrivera désormais, c’est bon ! J’ai réalisé la chose
essentielle que je voulais faire, je l’ai faite, je vais la renouveler bientôt à New York (20).
Maintenant, je suis en sursis » (RE/Search, Interview 6, p. 111). Et il faut bien reconnaître que
chaque entité offerte à l’appréciation du public ébahi a été peaufinée dans les moindres détails
afin de matérialiser le plus crûment possible les connexions terribles dévoilées par Why et
l’angoisse métaphysique qui en résulte : le fatras du coffre à jouets où cohabitent sex toys,
reliques pieuses et doudous rassurants, le Mur-Alphabet mêlant aux lettres « C.F. » et
« S.M. » des dessins naïfs de pénis, intestins, docteurs, infirmières, bouteilles d’oxygène,
poires à lavement, au lieu des traditionnels chiens, chats et poulets qui agrémentent les cubes
des enfants, la salle d’attente du pédiatre, son cactus phallique et ses revues sado-masochistes

11
dissimulées sous des couvertures de magazines pour la jeunesse, le panneau d’affichage
patchwork sur lequel sont punaisées les « collections » de documents amassés par Flanagan
(articles de journaux dont le fameux « Cystic Fibrosis Poster Boy » de juillet 1967 (21),
photos personnelles tendance « humanitaire » (le camp d’Orange County) ou « activiste »
(une party avec Annie Sprinkle où la « Déesse du Plaisir » mort ostensiblement les piercings
aux mamelons de SupermasochisticBob), galerie des personnalités électives (Houdini ligoté,
Porky Pig), information médicale sur la mucoviscidose, les transplantations de poumons, etc.)
– aucun répit autorisé par une cacophonie visuelle dont le vacarme hiératique glace et emballe
sang et cœur confondus. Mais au delà, l’insoutenable demeure la présence même de Flanagan,
abandonnée, patiente et attentive, preuve physique décrépite du calvaire enduré, de sa véracité
inacceptable. Et si la plupart des visiteurs contournent cette petite chambre où il gît, toujours
vivant, au centre de son Enfer, si d’autres le stigmatisent, parfois la puissance évidente de son
humanité incite une âme en peine à venir s’épancher, à tenter de comprendre la noirceur du
décor : « Une femme avait emmené son enfant de 10 ans qui avait été hospitalisé pour un
cancer (elle avait obtenu une autorisation spéciale). Elle m’a demandé : “Est-ce qu’il peut
entrer et vous parler ? Parce qu’il possède tellement de souvenirs liés aux hôpitaux”. Il m’a
montré les cicatrices de ses opérations et je lui ai montré mes perfusions d’antibiotiques »
(RE/Search, Interview 5, p. 99). Alors, l’espace d’un échange éphémère advenu grâce à
l’autorité indomptable de l’Art Vivant, « le Monde devient meilleur – où disons différent »
(« The World [is] a better place – let’s say a different place » (RE/Search, Interview de
Sheree Rose, p. 109))… « The personal is political ».

Sick
La dynamique du film, sa redoutable efficacité expressive, résultent d’un
mouvement de balancier entre deux pôles fonctionnels antithétiques, d’une part Bob et Sheree
pour lesquels Sick représente à la fois un baroud d’honneur et l’aboutissement exemplaire,
sans concessions, de leur démarche volontariste dont le background résonne des multiples
expériences passées, de l’autre Kirby Dick qui adopte, sans négliger ce pondéreux historique,
la position documentaire traditionnelle, extérieure au sujet, favorisant ainsi le caractère
didactique que nécessite un thème aussi délicat. Par un montage sensible connectant avec
dérision les éléments hétéroclites du passé (témoignages, archives familiales ou publiques,
vidéos, performances, expositions, etc.) et la dramatique contingence du présent (Flanagan
agonisant en direct au terme d’abominables souffrances qui entament peu à peu sa
détermination rebelle, témoin le terrible « I don’t understand it » murmuré sur son lit de mort,

12
devant la caméra), le réalisateur réussit la prouesse de la consubstantialité, produire une œuvre
intrinsèquement flanaganienne (jusqu’au-boutiste, donquichottesque) en même temps qu’un
formidable objet d’analyse (Flanagan le traite narquoisement de « vautour »). Mieux encore,
certains aspects demeurés en filigrane dans les présentations antérieures acquièrent ici leur
véritable poids, par exemple le rôle prépondérant de Sheree Rose dans la cimentation du
couple et du projet qui le fonde et l’irradie, ressenti au quotidien (surtout lorsque Flanagan,
épuisé, semble baisser les bras) et à travers quelques vidéos rarement montrées comme
Autopsy (1994) où les gestes et paroles de Sheree durant une longue séance de torture
traduisent admirablement l’intensité de ses émotions, la rigueur sentimentale des choix
exigeants qu’elle assume.

14 © D.R. (archives personnelles)

Sans ostentation ni pathos, Kirby Dick offre au parcours parfois austère de


Bob et Sheree un supplément de tendresse qui culmine dans la succession de séquences
relatant les deux visites à Los Angeles de Sarah Doucette, adolescente canadienne luttant
contre la mucoviscidose dont la « Make-A-Wish Foundation » (22) a permis d’exaucer le vœu
le plus cher : rencontrer Bob Flanagan. Accompagnée par sa mère, elle vient affronter le
super-héros sarcastique et, qui pouvait en douter, sa malignité naturelle fond comme neige au
soleil face à la fraîcheur éprouvée : quand Sarah se fera implanter son premier piercing
mammaire, c’est bien Bob qui lui tiendra la main. Transfert des énergies, espoir dans la
révolte – un bonus bouleversant de l’édition DVD, Sarah’s sick too, filmé en 2003, nous
permet de retrouver la jeune fille huit ans plus tard, toujours là mais très amaigrie ; devant les
images de la mort de Bob, elle pleure et confie : « C’est une maladie humiliante et
embarrassante. Il est très difficile de se sentir attirante avec ça (…). Je voudrais être la plus
vieille survivante. J’en ai souvent parlé avec Bob et je me souviens qu’un jour, il m’a dit : “Si
quelqu’un peut le faire, ce sera forcément toi” » (23).

13
15 © D.R. (archives personnelles)

1995, millésime fatal (à quatre jours près), est donc l’année de la Vérité Nue,
autrement dit des sentiments qui vous prennent à la gorge. En parallèle du tournage de Sick,
Flanagan attaque avec rage, le 27 décembre 1994, la rédaction du Pain Journal (Journal de la
Douleur – voir note 7), dont le style haché, télégraphique, traduit l’urgence d’en finir avec les
belles phrases, de dépecer le style avant son propre équarrissage.

« 27.12.94. Sommes à N.Y. Gramercy Park Hotel. Au


lit. Oublié l’heure – de toute façon, on s’en fout. Sheree
dort. Scott dort. Noël dégueulasse, anniversaire encore
pire. Mes parents à l’étroit, appartement déprimant.
Sans John. Sans enfants. Seulement moi ; je geins,
j’étouffe, je grogne, j’effraie tout le monde, j’agis
comme si je devais mourir à la seconde. Encore,
toujours déprimé. Je veux juste mourir – j’ai envie
d’écrire crier et j’écris mourir. Demain soirée
anniversaire au Musée. Anxieux. Voudrais juste qu’on
me laisse tranquille. Pas envie d’être gentil.
Insupportable. Me déteste. Veux juste être à la maison.
28.12.94. Fini l’anniversaire – Dieu merci.
Apparemment, succès. Du monde. Gens sympas. Et
moi ? J’étais où ? » (24)

C’est pourquoi Sick contient certaines des réalisations les plus désespérément
sombres de l’artiste, à l’image du prototype pour The Viewing, tentative de vidéo post mortem
(non réalisée) où une caméra installée dans sa tombe aurait dû retransmettre, en continu sur
plusieurs mois, la décomposition progressive de son cadavre, ou de la chanson Fun to be
dead, enregistrée en deux versions, une a cappella, la seconde avec un son et une rythmique
néo-punk (25). Cependant, nous garderons en mémoire de manière indélébile cette

14
visualisation saisissante de Why par l’assemblage audacieux d’archives familiales (voir note
16) : les couleurs indestructibles du super-8, conjuguées à la voix off cassante de l’auteur,
confèrent au court métrage une puissance archaïque immédiate ; retrouver (découvrir) Bob
enfant filmé par ses parents en regard du texte radical que nous connaissons procure une
sensation de malaise inoubliable – plus que jamais, Flanagan explore ces zones inavouables
où gisent nos turpitudes, plus que jamais il dérange, quintessence absolue de l’activisme
vengeur.

16 © D.R. (archives personnelles)

« Hug me, I’m DIRTY » (26)

17 © Sonic Youth

Une ultime anecdote comme épilogue : en 1992, le groupe de rock Sonic


Youth demande au plasticien californien Mike Kelley (27) d’assurer le packaging de son
nouvel album, Dirty. Il en résulte un visuel typique de cet artiste iconoclaste, à base de
« peluches salies et/ou estropiées » dont les « portraits » sont reproduits en regard de ceux des

15
membres du groupe. Cerise sur le gâteau, une séance photo est organisée durant laquelle Bob
et Sheree font subir les derniers outrages à ces pauvres représentants de l’enfance bafouée.
Les réactions de Geffen Records ne surprendront personne : « Mike voulait également livrer
une photo de Bob Flanagan et de son amie en flagrant délit de “réminiscence adulte” [“adult
memory sensation”]. Ce cliché s’avéra si bizarre et indécent aux yeux de la maison de
disques qu’ils décidèrent de le reléguer sous le CD en l’obscurcissant à l’aide d’une pellicule
opaque jaune orangé. Après le premier pressage du disque, il le firent définitivement
disparaître ». Terminons donc en laideur avec cet authentique « piece of shit », belle image
interdite à jamais estompée (28) :

18 © Sonic Youth

Marc Bruimaud

16
ILLUSTRATIONS*

1. « Bob en Superman » lors d’une SICK Performance à « Art in the Anchorage » sous le Pont
de Brooklyn à New York (août 1991).
2. « Mur-Alphabet » (CF / SM), installation pour Bob Flanagan’s Visiting Hours, Musée d’Art
Moderne de Santa Monica (4 décembre 1992-17 janvier 1993).
3. Sheree Rose devant le Wall of Pain, installation pour Visiting Hours (vidéogramme Sick,
1997).
4. Mise en espace du poème Why, installation pour Visiting Hours.
5. FUCK Performance à la Society of Janus, Los Angeles, 1989 (vidéogramme Sick).
6. Wall of Pain (Mur de la Douleur), installation pour Visiting Hours.
7. « Bob ressemblant à un ange dans son lit d’hôpital », installation pour Visiting Hours.
8. Waiting Room (Salle d’attente), installation pour Visiting Hours.
9. Gurney of Nails (Chariot chirurgical à clous), installation pour Visiting Hours.
10. Video Scaffold showing head, chest and genitals (Échafaudage Vidéo montrant la tête, les
poumons et les parties génitales), installation pour Visiting Hours.
11. Video Coffin (Cercueil Vidéo), installation pour Visiting Hours.
12. Toy Box with Superman (Coffre à jouets avec Superman), installation pour Visiting Hours.
13. Visible Man, sculpture mécanique pour Visiting Hours.
14. Vidéogramme d’Autopsy (in Sick).
15. Vidéogramme de Sarah’s sick too (bonus DVD Sick).
16. Six vidéogrammes de la version super-8 de Why (in Sick).
17. Vue partielle du panneau de couverture du CD Dirty, premier pressage
(www.sonicyouth.com).
18. On www.sonicyouth.com.

* Archives personnelles de Sheree Rose (avec son aimable autorisation), sauf indication contraire

NOTES

(1) Cet article fait suite à « J’ai surfé sur Annie, j’ai vu son utérus », in La Voix du regard n° 15,
septembre 2002, pp. 91 à 95, dans le cadre d’une série consacrée aux performers sexuels.
(2) Sick : The Life and death of Bob Flanagan, supermasochist (Sick, 1997) est le résultat d’une
symbiose entre Kirby Dick (voir note 3), Bob Flanagan et Sheree Rose. Jonathan Dayton (futur co-
réalisateur, avec sa femme Valerie Faris, de Little Miss Sunshine (2006)) a également participé au
filmage. Ce documentaire a reçu le Prix Spécial du Jury au Festival de Sundance 1997 et été élu
Meilleur Film au Festival Indépendant de Los Angeles la même année. En France, hormis sa sortie en
salles à Paris, il a fait l’objet de quelques séances spéciales (Palais de Tokyo, Cinémathèque de
Toulouse, etc.) et d’une édition VHS au sein du coffret Inédits d’Amérique – volume 2 (2 décembre
1998). Il est disponible en DVD zone 1 (sans sous-titres français) chez Lion’s Gate Home
Entertainment.
(3) Kirby Dick, né en 1952 et fondateur de la maison de production Chain Camera Pictures, est une
des grandes figures modernes du cinéma indépendant américain, versant documentaire. Outre Sick, il
possède à son actif une dizaine de titres aventureux, presque tous inédits en France et dont les sujets
sont rarement anodins : les handicaps physiques (I am not a freak, 1987), la philosophie
contemporaine (Derrida, 2002), la pédophilie (Twist of faith, 2004), les mécanismes de la censure
(This film is not yet rated, 2006), etc.
(4) Happiness in slavery est un segment de l’album Broken (Nine Inch Nails, 1992) co-réalisé par
Peter Christopherson et le chef opérateur Jonathan Reiss. Il est reproduit sur le DVD Rated “R”
(1989-1998) – A Retrospective (Nothing Records, 2004). MTV a toujours refusé de le diffuser.

17
(5) RE/Search People Series Vol.#1, 1993 (réédition : 2000), Juno Books, New York (publié et
coordonné par Andrea Juno et Vicky Vale). Désormais disponible sur les grands sites de vente en
ligne, type www.amazon.com.
(6) Cf. l’article « L’œil du douanier » de Philippe Liotard, in L’œil électrique n° 13 : « Le numéro de
la revue américaine RE/Search consacré à Bob Flanagan n'est plus disponible en France. Censure
officielle ? Non. Aucune parution au J.O. n'indique interdiction d'importation, de diffusion ou de vente
de ce numéro. Une telle décision aurait suscité un débat public et supposé une argumentation serrée.
L'ouvrage a simplement fait l'objet d'une confiscation par la Police de l'Air et des Frontières qui a saisi
plusieurs cartons en provenance des maisons d'édition d'Outre-Atlantique. En toute illégalité, les
fonctionnaires de la douane ont saisi les documents incriminés au prétexte de protéger les personnes
faibles d'une éventuelle lecture. Le Ministère de l'Intérieur (qui organise la censure) est ainsi court-
circuité par la police rattachée aux services de l'immigration. Au délit de faciès, les douaniers ajoutent
celui de dangerosité culturelle virtuelle ».
(7) Fuck Journal, Hanuman Books, Madras & New York, 1987 (réédition : février 1991), épuisé.
Achetable d’occasion sur www.amazon.com aux alentours de 250 $ / Pain Journal, Semiotext(e)
Editions, Cambridge, novembre 2000, disponible.
(8) The Kid is the Man, Bombshelter Press, Los Angeles, 1978, quasi introuvable sauf sur des sites de
collectionneurs.
(9) A life is written. Tous les textes inédits de Bob Flanagan proposés dans cet article sont reproduits
avec l’aimable autorisation de Sheree Rose et traduits par nos soins.
(10) Dawn of the dead (Zombie, 1979), deuxième volet de la célèbre « tétralogie des morts-vivants »
de George A. Romero.
(11) The Spirit of Saint-Louis, in A taste of honey (Bob Flanagan/David Trinidad, 1990).
(12) Bob y a travaillé plus ou moins périodiquement à partir de 1973 et jusqu’à sa mort. Plusieurs
séquences de chant avec les enfants sont montrées dans Sick (Ivy, le détournement de Forever young
de Dylan, etc.).
(13) Dans le film Disney de Robert Stevenson, cette chanson des frères Sherman est interprétée en duo
par Julie Andrews et Dick van Dyke.
(14) Toutes les vidéos citées sont insérées intégralement dans la continuité du film de Kirby Dick.
(15) Le texte original en langue anglaise se trouve aux pages 64-65 de la revue RE/Search ou sur
Internet (www.findarticles.com). On peut également le lire dans le livret de la B.O. de Sick (Razor &
Tie Entertainment n° RT 2833-2, 1997).
(16) Nous renvoyons à la vidéo Why qui conclut Sick, dans laquelle Flanagan interprète son texte
avec lyrisme sur une succession d’images super-8 de son enfance… Le jamaïquain Linton Kwesi
Johnson (dit « LKJ ») est célèbre pour ses longs monologues poétiques scandés sur des dubs reggae
(voir son album fondateur Bass Culture, Island Records, 1980).
(17) Voir dans Sick ce moment où, le doigt en avant, une femme outragée (et agressive) éructe : « Je
n’aime pas ça ! ». Il faut ajouter que de telles réactions négatives étaient favorisées par les
performances périodiques intitulées The Elevation (en référence à l’Ascension christique) durant
lesquelles Sheree, à l’aide d’un treuil, hissait Bob entièrement nu et pendu par les chevilles au
sommet de la salle d’exposition (ils reproduiront d’ailleurs ce happening blasphématoire dans une
église pour le clip Crush my soul (1994) du groupe de heavy metal Godflesh, réalisé par Andres
Serrano – disponible sur l’anthologie DVD In all languages, 2001).
(18) Nam June Paik (1932-2006) est considéré comme le père de l’Art Vidéo ; ses premières
présentations avec moniteurs télé datent de 1963. Wim Delvoye (né en 1965) est un artiste belge très
subversif mondialement connu pour l’installation Cloaca (2000), dite « machine à caca » ; il a
également tatoué des cochons vivants façon hell’s angels (Eddy et Christophe, 1995), taxidermisé des
animaux en position de rut (Trophy, 1999), conçu des vitraux aux rayons X montrant des scènes de
coïts ou de fellations (9 muses, 2001). On connaît aussi ses pseudo dessins d’enfants dévoilant le
squelette des looney tunes (Bugs Bunny, Titi, etc.). Les relations profondes entre l’œuvre de Delvoye
et celle de Flanagan mériteraient un article spécifique.
(19) Au début de Sick, Flanagan fait une démonstration humoristique du fonctionnement de la
machinerie, avec des révélations sur les produits utilisés pour obtenir des fluides corporels crédibles.
(20) Après Santa Monica, Visiting Hours sera successivement montré à New York (New Museum of
Contemporary Art, 1994) et Boston (Museum of the School of Fine Arts, 1995).

18
(21) Il s’agit d’un reportage de Joan Geyer paru dans la presse locale d’Orange County le 23 juillet
1967, relatant, sous le titre de « Mesa Teenager Poster Boy for Cystic Fibrosis », l’enfance de Bob
(alors âgé de 14 ans) qui venait d’être choisi pour figurer sur une affiche de la « National Cystic
Fibrosis Research Foundation ». Sous une photographie le représentant en train de jouer de la
batterie avec énergie, on pouvait lire des considérations enthousiastes comme : « La force de Robert
lui permet de dessiner, de peindre des portraits, de pratiquer la batterie (il espère fonder son propre
groupe), de bricoler dans son atelier où il a déjà construit un robot à quatre pieds avec les yeux qui
s’allument quand il avance » (voir reproduction dans RE/Search, p. 29).
(22) La « Make-A-Wish Foundation » est une organisation caritative mondiale qui réalise les voeux
d'enfants atteints de maladies graves. Depuis sa création en 1980, elle a enrichi la vie de plus de
150 000 d’entre eux à travers le monde. Elle compte actuellement 71 sections régionales aux Etats-
Unis, 28 filiales internationales réparties sur les cinq continents, et repose sur le concours de plus de
25 000 bénévoles.
(23) Sur le forum Sick de www.imdb.com, on peut lire des contributions équivalentes d’internautes,
notamment celle-ci : « Je suis une jeune fille de 16 ans, je vis en Australie et suis atteinte de la
mucoviscidose. J’ai vu le film à l’âge de 13 ans, je l’ai aimé, il m’a touchée et beaucoup remuée car
Bob est une personne exceptionnelle. Tous les garçons malades que je connais sont vraiment normaux,
tandis que Bob est un héros, je me sens en connexion intime avec lui parce qu’il s’en fiche
complètement de ce qu’on peut penser de lui. J’ai trouvé la fin très émouvante parce que la plupart des
gens qui ont la mucoviscidose meurent jeunes, et le voir mourir aussi vieux, avec le mode de vie qu’il
a eu, est totalement incroyable ».
(24) The Pain Journal, op. cit. note 7, p. 11. A propos de ce livre, la critique littéraire Deborah Drier
écrira : « Il est totalement transparent, l’essence même de ce que [Bob] endurait ».
(25) Sarah’s sick too se termine sur l’image de Sarah Doucette au bord des larmes entonnant avec
fierté cette réjouissante composition.
(26) « Prends-moi dans tes bras, je suis dégoûtant », slogan promotionnel du disque de Sonic Youth.
(27) L'ensemble de l’œuvre de Mike Kelley, constitué de vidéos, livres, peintures, maquettes, cassettes
audio, CD, peluches, performances, installations, aborde, de manière souvent trash et politique, les
multiples thèmes en lien avec la culture de masse : scatologie, sexe, religion, lutte des classes, etc. Né
en 1954 à Detroit, c’est un vieil ami de Bob Flanagan avec lequel il avait fondé dans les années 80
l’éphémère « noise band » Idiot Bliss.
(28) Cette fameuse « dirty picture » censurée par Geffen Records est également reproduite p.39 du
numéro spécial de la revue RE/Search. On remarquera au passage qu’elle est absente de l’édition
« De Luxe » (en 2 CD + livret) de 2003, censée offrir à l’amateur l’ensemble du matériel d’origine.

REMERCIEMENTS
Sébastien Langlois pour sa grande maîtrise du vocabulaire quincaillier
Béatrice Lagrange pour ses allers-retours Limoges-Los Angeles riches en marchandises importées
Yann Fastier pour m’avoir fait connaître bien des merveilles souterraines
Claire Belin pour les captures d’images
Nelly Defaye (ma femme) pour partager l’essentiel de ce qui me taraude

19

Vous aimerez peut-être aussi