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UT L ' AKI TOUT L'ART

L'avant-garde L'avant-garde
russe russe

Prix France : 3S € TTC

Flammarion ISBN : 978-2-0812-0786-8 Flammarion


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L'AVANT-GARDE
..-1 RUSSE 1907-1927
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1- JEAN-CLAUDE MARCADÉ

Suivi éditorial: Élisabeth Boyer-Peigné


Mise en pages: Frédéric Vignals
Correction : Béatrice Peyret-Vignals
Iconographie : Frédéric Mazuy
Photogravure : Eurésys

Achevé d'imprimer en octobre 2007


sur les presses de l'imprimerie G. Canale & C. S.p.A., Turin
Imprimé en Italie

©Flammarion,Paris, 1995,2007

ISBN : 2-08-120786-9
Dépôt légal: septembre 1995
Flammarion
Introduction

À Lialia, mon âmei Les arts plastiques russes sont longtemps restés de Pontus Hulten, l'organisateur de la célèbre
les parents pauvres de l'histoire de l'art, si manifestation Paris-Moscou - plusieurs salles
tenace était l'idée que la Russie avait sans doute du Musée national d'Art moderne à l'avant-
une littérature immense, une musique riche et garde russe, y présentant même des artistes qui,
un ballet original mais qu'elle n'était pas un pour avoir principalement travaillé à Paris, n'en
pays de peintres. Malgré l'organisation, en 1906, ont pas moins eu des affinités électives avec les
d'une vaste exposition d'art russe par Diaghilev arts novateurs russes ou soviétiques : Sonia
au Salon d'automne de Paris, et la contribution Delaunay, Kandinsky, Chagall, Pevsner, Archi-
slave aux Ballets russes qui ont marqué le style penko, Survage ...
de toute une époque, cette opinion était soute- Le terme d' « avant-garde russe » est conven-
nue par beaucoup qui considéraient que seuls tionnel, comme le sont d'ailleurs ceux de « futu-
les ateliers européens pouvaient faire naître de risme russe», de« formalisme», ou - en Occi-
grands artistes et prétendaient que pour devenir dent - de « cubisme » et de « fauvisme »... Ce
peintre il fallait passer par l'Occident, occultant que nous avons pris l'habitude d'appeler « avant-
ainsi le passé russe. Puis, dans les années garde russe» s'est en réalité nommé, en Russie,
soixante, des historiens de l'art ont révélé « art de gauche», sans doute sous l'influence du
l'ampleur du mouvement pictural russe dans le sens politique que le mot « gauche » avait pris
premier quart du xxc siècle, ampleur qui faisait après la Révolution française de 1789, à savoir
de la Russie un lieu de l'art aussi original et « progressiste », « ayant des idées avancées »;
aussi universel que celui qui avait vu fleurir la cette dénomination, fréquente, ne comportait
peinture d'icônes du xvc au xv1ue siècle. Dès pas de connotation politique directe, du moins
lors, de nombreuses expositions : en Italie, en avant 1917.
France, en Allemagne, aux États-Unis, au La première avant-garde russe, celle qu'on
Japon, en Espagne, sont venues sanctionner appellera par la suite « futuriste », se dresse à
cette découverte. L'accent a été mis sur ce partir de 1907 contre le naturalisme et les rêve-
qu'on a appelé I'« avant-garde russe » ou ries symbolistes et, dès le début, ce sont les
I'« École russe du xxc: siècle », et il est devenu œuvres qui expriment cette opposition : les
évident que les expérimentations de cette manifestes et les déclarations tonitruantes ne
avant-garde allaient de pair avec ce qui s'était viendront qu'après, lorsque les manifestes du
fait d'audacieux en Occident. Dès lors, de futurisme italien auront mis à la mode ce genre
grands musées ou collections d'Europe ou d'explication ou d'autodéfense. Il serait erroné
d'Amérique ont composé des « salles d'art de méconnaître l'importance de la révolution de
d'avant-garde russe » qui ont permis de faire 1905 dans la naissance, en Russie, d'un esprit de
Abréviations employées dans les légende : connaître l'incomparable force des arts de révolte contre l'héritage du passé, qu'il soit poli-
MNR : Musée national russe, l'Empire russe dans les années dix et vingt et tique ou esthétique. Mais - et c'est ce qui les
M NAM: Musée national d'Art moderne. leur caractère fondateur pour l'art du xxc: siècle. distingue - les futuristes russes se placeront dès
En 1979, la France a consacré - sous l'influence le départ en dehors de toute idéologie. La révo-

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L'AVANT-GARDE RUSSE INTRODUCTION

lution futuriste russe est, avant 1917, apolitique. leurs voies sont différentes : « Les artistes de vie. L'art est, au cœur de la vie et du monde, gigue qui, au xxe siècle, a avancé à pas de
L'identification objective entre cette révolution l'Akhrr décrivent les modes de vie et représen- une mise en œuvre de cette vie et de ce monde. géants, il n'y a pas de progrès en art. N'est-il pas
artistique et la révolution politique a été mise en tent l'événementiel, alors que les artistes de Et s'il « imite » la nature ce n'est pas en la vrai qu'une kamiennaya baba ( « bonne femme
avant ultérieurement, à partir d'Octobre 1917 et gauche sont eux-mêmes les créateurs de ces reproduisant, comme sur un miroir, mais en de pierre » des steppes asiatiques au xr siècle)
« canoni ée » par la naissance du Front de modes de vie et les acteurs des événements étant créateur comme elle, en retrouvant ses est aussi belle que le Moïse de Michel Ange? Et
Gauche (Lie!), en 1922. Mais, en 1914, la Pre- révolutionnaires. Créer et décrire soi-même ce rythme essentiels et ses systèmes d'organisa- que Platon est un type d'homme aussi achevé
mière Revue des Futuristes russes pouvait décla- qui est créé - sont des choses incompatibles. » tion. L'avant-garde plastique se veut promé- que Kant ? La civilisation ne fait que changer
rer : « Parler du caractère démocratique en art En 1914, Filonov cosigne un tract-manifeste théenne, elle ne se contente pas d'être un appen- les modes de la culture mais ne réussit pas à
n'est guère plus intelligent que de demander des sous le titre Les Tableaux œuvrés jusqu'au bout. dice agréable à la vie, une sorte d'appoint pour faire progre ser les instincts essentiels (les
déductions démocratiques à un rectangle et il C'est, à ma connaissance, la première et une des embellir le quotidien. Elle est moteur de vie. « volontés ») qui poussent au Beau, au Bien, au
est aussi impensable pour l'art d'exposer sur son rares fois où l'on voit figurer la notion d'avant- Elle change le monde, elle crée un nouvel Bon.
drapeau les idéaux des masses ouvrières que garde dans les écrits des artistes de cette tendan- espace. Elle bouleverse de fond en comble les Il n'y a donc pas une modernité mais des
pour le triangle de concevoir une forme car- ce : « Nous ne divisons pas le monde en deux : données séculaires de la vision spatiale et tem- modernités, dont l'avant-garde artistique du
rée.» l'Orient et l' Occident, mais nous nous tenons au porelle. début du xxc siècle est une expre sion particu-
La poésie, le théâtre, la musique, la peinture centre de la vie artistique mondiale, au centre lièrement radicale, sinon l'expression la plus
russe ont revendiqué la liberté totale, se sont d'un petit groupe progres iste d'artistes achar- radicale. Il faut se méfier par exemple des
déclarés poésie, théâtre, musique, peinture « en nés - les conquérants de la peinture et du des- Modernité et avant-garde réductions idéologique dans le quelles on a pu
tant que tels », n'obéissant qu'aux seules lois, sin. » enfermer cette notion de modernité. Ainsi,
internes, intrin èques, autonomes, du mot, de La notion d'avant-garde est aussi ancienne On associe trop facilement au terme d'« avant- Octavio Paz la définit comme « la de truction de
l'espace, du son, de la couleur et des lignes. Tel que l'histoire des sociétés, mais le mot n'a pris la garde » celui de « modernité » ( encore une de l'éternité chrétienne»; comme s'il dépendait de
fut le critère objectif des novateurs futuristes résonance que nous lui connai ons dans l'évo- ces notions aux contours flous dont on a usé et la modernité de détruire ce sur quoi elle n'a
russes, et l'œuvre ainsi créée n'était liée lution des arts qu'au xxc siècle, sans doute sous abusé). Oubliant que l'inventeur de ce mot, aucune prise. Paz est obsédé par un temps qui
d'aucune façon avec des courants e thétiques ou l'influence du vocabulaire politique marxiste, Baudelaire, est un poète hanté par le péché ori- «s'arrête» et pense que l'homme est la mesure
stylistiques précis. Ainsi, en 1913, Livchits écrit, qui l'a emprunté lui-même au vocabulaire mili- ginel ayant horreur du « progrès », on n'a vu de des choses et le créateur du monde tel qu'il est.
dans son article « La libération du mot » : taire. En fait, le mot est nouveau mais la réalité la modernité que là où les religion révélées ont Ce très bon poète n'a réussi dans ses essais qu'à
« Pour la première fois il nous est indifférent de qu'il désigne a toujours existé. L'avant-garde perdu du terrain. On assiste, certes, à une sécu- embrouiller encore le problème de la modernité
savoir si notre poésie est réaliste ou naturali te artistique est un moment crucial dans l'évolu- larisation de plus en plus forte de la société et de l'avant-garde en tentant de ramener toute
ou fantastique : à l'exception de son point de tion des arts, quand les formes figées éclatent depuis la Renai ance. À la prétendue obscurité l'histoire de la poésie « moderne » à sa propre
départ elle ne se met dans absolument aucun rap- sous les coups de butoir des formes nouvelles. du Moyen Âge sont ainsi oppo és les Temps obsession antichrétienne, n'ayant qu'une vue
port avec le monde, elle ne se coordonne pas à L'avant-garde est le combat du dynamisme modernes. Mais a-t-on observé que l'avant- uperficielle de l'avant-garde à l'intérieur de la
lui et tous les autres points de son inter ection contre la résistance des données tatiques, un garde arti tique du premier quart du xxc siècle, modernité. Selon lui, l'avant-garde en Russie
possible avec lui doivent être par avance recon- combat inauguré au début du xxe siècle par qui est l'acmé de la modernité, naît préci ément n'aurait commencé qu'avec la Révolution.
nus comme illégitimes. » Mais après 1917, le Marinetti et les futuristes italiens. Le rejet de la sur le refus de la civilisation renaissante ? Qui Certes, Paz écrit : « Mon point de vue est
débat - marxien par excellence - sur le rapport tradition, du passé, n'est pas le rejet de ce qui a plus est, cette avant-garde a fait son miel de ce orienté - c'est celui d'un poète hi pana-améri-
entre être social et conscience domine la vie été, à un moment donné, orienté vers l'avenir, il qui a été inventé comme formes et principes cain », mais tout son projet a l'ambition de don-
artistique russe. Après les révolutions de 1917, est le rejet de la répétition de la tradition qui plastiques dans cette « obscurité » médiévale. ner une vue globale de la modernité euro-
la gauche politique ne cesse de soutenir de plus sclérose l'énergie humaine dans son élan vers ce Certes, le recours au Moyen Âge n'a pas, chez péenne. Et cette vue pèche principalement par
en plus manifestement les figuratifs tradition- qui sera. Le leitmotiv de l'avant-garde russe sera les artistes russes, la même signification que sa constante de cription de la modernité et de
nels contre les artistes avant-gardi te , jusqu'à le mot « créer », qui s'oppose au mot « répé- chez les romantiques ou les symbolistes catho- l'avant-garde comme des Weltanschauungen,
ce qu'elle finisse par les proclamer en 1934 ter». Est d'avant-garde toute œuvre qui« libère liques qui, comme le note Berdiaev, « fuyaient des conception du monde. Cette vue idéolo-
comme ayant seuls droit à l'existence. la peinture de la servitude devant les formes vers le Moyen Âge, vers leur lointaine patrie gique ne rend pas compte de la réalité des arts
Lorsque, en 1924, Malévitch parle du conflit toutes prêtes de la réalité» et qui fait de la pein- spirituelle pour se sauver du mortel ennui où les innovations dans la modernité et, pour
entre les abstraits et les parti an de l'Akhrr ture un « art créateur et non un art de reproduc- (toska) de la civilisation triomphante ». Para- l'avant-garde, les ruptures, se sont faites avant
( ssociation des artistes de la Russie révolu- tion » ( Olga Rozanova, 1913). doxalement, les avant-gardi tes allaient puiser tout dans les œuvres.
tionnaire) - c'est-à-dire les continuateurs L'être de l'art n'est donc pas d'imiter la dans l'arsenal des formes anciennes - médié- Les limites d'une approche idéologique de la
«rouges» des« Ambulants» (les réalistes enga- nature (la fameuse mimèsis aristotélicienne) au vales entre autres - de nouvelles sources d'inspi- modernité et de l'avant-garde sont évidentes
gés du x1xc siècle) - il affirme qu'il n'y a pas sens de la refléter, encore moins d'illustrer des ration. Car pour ces créateurs tournés vers puisqu'elles favorisent des prises de position
entre eux d'antagonisme possible tellement idées, quelles qu'elles soient, ou des modes de l'avenir, à l'unisson avec la civilisation technolo- parti ane et antagoni te . La réflexion d'Octa-

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L'AVANT-GARDE RUSSE INTRODUCTION

vio Paz, si contestable par ailleurs, est juste rai. C'est pourquoi, en parlant des arts en Rus- modernités dans les Temps modernes mais il y a rempart. Un vent de liberté sans précédent souf-
quand il insiste - à la suite de Baudelaire (Le sie, il faut se méfier d'appliquer des schémas ou une seule avant-garde qui est limitée dans le fla en Russie après la révolution de 1905. Certes
Peintre de la vie moderne, 1863) - sur le carac- des notions valables ailleurs en Europe. temps - les années dix et vingt. Cette avant- des gestes provocateurs ont été faits avant cette
tère hétérogène et pluriel de la modernité. Il est ici nécessaire de faire un peu de lexico- garde s'est elle-même isolée dans le flux de la date : ainsi, l'esquisse Noir et femme de Lario-
Il y a modernité chaque fois qu'il y a rupture logie, ce qui peut-être permettra de sortir de la modernité en raison du caractère totalement nov fut, en 1899, jugée pornographique et reti-
et négation d'une tradition et la création d'une confusion où le terme de« modernité >, employé nouveau de sa rupture. Bien entendu, les forces rée des murs de l'École de Peinture, culpture
tradition nouvelle : « Le moderne est autosuffi- comme une catégorie universelle, quasi-onto- de résistance, de réaction au maximalisme de et Architecture de Moscou. De même, en 1901,
sant : chaque fois qu'il apparaît, il fonde sa logiq ue, entraîne un discours pseudo-philo- l'avant-garde ont toujours été là et n'ont pas l'artiste put couvrir les cimaises de cette même
propre tradition. » sophique trop fréquent. Pour désigner les manqué de se manifester quand son rôle histo- École de cent cinquante œuvres (sic!) mais son
De même, Paz constate avec raison que« l'art « Temps modernes», l'« histoire moderne», le rique - en tant que concentration d'énergies tableau Monsieur et ballerine, considéré comme
moderne est moderne parce qu'il est critique». russe dit les « Temps nouveaux », l'« histoire créatrices - s'est achevé. obscène. fut décroché et le peintre exclu de
La négation est, en effet, un moment fort de la nouvelle». De la même façon, la querelle des l'École pendant un an. En 1910 encore, à l'expo-
modernité, surtout dans son expression avant- Anciens et des Modernes est traduite en russe sition de la Société de libre esthétique, trois
gardiste. Et cette négation est créatrice, c'est-a- par querelle des Anciens et des Nouveaux. Pour Liberté œuvres de Natalia Gontcharova furent enlevées
dire qu'elle est dans le même temps fondation. désigner ce que le français appelle, de Baude- par la police : deux Nus féminins et un tableau
L'esprit critique moderne s'est constitué dès le laire à Apollinaire, « modernité », le russe dit La « liberté » a été un mot d'ordre de l'avant- intitulé Dieu. On s'indigna que des femmes nues
moment qu'il y a eu désaccord entre le monde « contemporanéité/monde contemporain/esprit garde russe et des courants novateurs du début aient pu servir de modèles à Natalia Gontcha-
et l'homme, quand l'homme s'est pensé comme contemporain » (sovrémiennost'). Mais, pour du xxc siècle. À partir du moment où les règles rova, Larionov ou Machkov, tellement la société
le centre du monde et de l'Univers. C'est alors désigner les artistes novateurs, il emploie sou- académiques ont été rejetées, le « tout est per- russe étaient officiellement puritaine. De plus il
que sont nées les utopies ou les eschatologies vent le terme « moderniste » et ses dérivés. mis » a dominé la pratique artistique. Les adver- paraissait indécent de traiter un sujet comme
annonciatrices d'un « âge d'or » qui serait la Ainsi Archipenko, rendant compte du Salon des saires de toute avant-garde verront dans ce Dieu au milieu de tableaux très profanes.
réconciliation de l'homme et du monde. Ainsi, Indépendants au printemps 1911, écrit-il:« Tra- « tout est permis » l'abîme du cynisme d'un La thématique des sujets bénéficia donc de la
au plus fort de l'avant-garde russe, Natalia versant des dizaines de salles avec des tableaux Smerdiakov. Benois ne va-t-il pas jusqu'à com- libération générale des arts. Le nu féminin, qui
Gontcharova a pu affirmer comme une proposi- insipides, on tombe sur le centre de l'exposition parer les peintres de l'exposition 0,10 à Pétro- n'avait pas une très forte tradition en Russie
tion moderne que « l'art religieux et l'art qui où sont concentrées les œuvres les plus récentes grad à la fin de 1915 aux démons de l'Évangile (des peintres romantiques, comme Brioullov, le
glorifie l'État ont toujours été l'art le plus gran- des modernistes [il s'agit des cubistes], et c'est la selon saint Matthieu qui vont se jeter dans un pratiquèrent quitte à se faire taxer de frivo-
diose et le plus parfait ». Et que dire, entre seule chose qui est intéressante dans ce salon. » troupeau de porcs (ce texte a servi d'ailleurs lité ... ), se manifeste chez Larionov, Malévitch,
autres exemples, de la recherche de la« Sublime L'avant-garde russe s'est voulue pleinement d'épigraphe au roman de Dostoïevski Les Filonov ou Tatline, prenant d'ailleurs chez
Utopie » (Vélikaya Outopiya) de Kandinsky ? moderne, c'est-à-dire pleinement contempo- Démons) ? Si dans l'atmosphère très nietz- Larionov - dans sa série des « Vénus » - ou chez
Ou de l'appel de Malévitch à réorienter toute la raine. Car la modernité n'est pas un simple schéenne du début du siècle l'acte créateur se David Bourliouk - dans plusieurs dessins - un
culture humaine pour la conduire au « monde changement de style, elle est une prise en situait au-delà du bien et du mal, c'est-à-dire au- caractère agressivement érotique, à la limite de
en tant que sans objet ou repos éternel » ? Tout compte de l'ensemble d'un temps dans ses phé- delà de la morale codifiée par la société bour- la pornographie des graffiti. Le recueil futuriste
cela explique que les avant-gardes aient cru nomènes les plus marquants (technique, pensée geoise du x1xe siècle, il ne fut cependant jamais Le Parnasse rugissant sera même confisqué par
trouver des alliés dans les systèmes socio-poli- philosophique) et la mise en accord de l'art avec considéré par les grands créateurs de l'avant- la police pour la pornographie de ses illustra-
tiques qui voulaient changer le monde et réali- ce qu'une époque a de plus essentiel. Ainsi garde russe en dehors de la sphère éthique, com- tions (Filonov, David Bourliouk, Pougny).
ser précisément cette réconciliation entre le l'impressionnisme, le pointillisme, le post- prise dans sa dimension ontologique, et non Mais, à l'exception de quelques cas, il est dif-
monde et l'homme. Cette illusion tournera vite impressionnisme sont-ils au XIX siècle des sociologique. ficile de parler pour l'art russe d'avant-garde
court. réponses « modernes » aux données de ce Cela est évident chez Kandinsky, pour qui la d'érotisme au sens occidental. Ce qui fait la dif-
En Russie du xxe siècle, on dénonce (surtout temps. liberté créatrice est, paradoxalement, le fruit de férence entre le peintre occidental des Temps
Berdiaev) l'hybridité christo-païenne de la cul- Le « moderne » est aussi ce qui dépasse son la nécessité intérieure qui pousse impérieusement modernes et le peintre cubo-futuriste russe,
ture issue de la Renai ance, la perte du « noyau temps, pour accéder à une zone d' « éternité » à l'expres ion plastique et travaille à l'évolution c'est qu'il n'y a, chez ce dernier, aucun sous-
ontologique de la vie ». Dans les arts plastiques, bien que, paradoxalement, cette notion soit sou- spirituelle de l'humanité. Ou encore chez Malé- entendu. L'érotisme y est sans malice, primiti-
le terme « moderne » (le style moderne) est vent relative à une culture précise. C'est dans le vitch, préoccupé par la réorientation de la cul- viste pourrait-on dire, plutôt dans la ligne d'une
réservé en Russie à la fin du x1xe et au début du prolongement de cette modernité que se situe ture vers le « repos éternel ». œuvre médiévale comme l' Ève du sculpteur
xxe siècle à ce qu'ailleurs on appelle« Art nou- l'avant-garde artistique qui tirera les consé- Toutes les joyeuses, extravagantes et provoca- d'Autun, Gilbert. Ainsi, dans le grand Nu de
veau », « Jugendstil » ou « Secession-Stil ». quences les plus radicales des acquis formels et trices manifestations des artistes novateurs Tatline (1913), l'érotisme est totalement absent.
L'avant-garde naît précisément contre ce conceptuels de la modernité du x1xe siècle. Dans visaient d'abord à mettre à mal les valeurs aca- La nudité se fait iconique, c'est-à-dire exem-
« moderne »-là, contre le Modern Style en géné- cette optique, on peut dire qu'il y a plusieurs démiques dont la société bourgeoise était le plaire. intemporelle, paradigmatique. Larionov,

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L'AVANT-GARDE RUSSE INTRODUCTION

lui, fait alterner des peintures de nus de type chose des aspirations symbolistes et de l'art tural depuis les origines, perd son statut de véhi- nouveaux continents à découvrir. Dès que les
primitiviste, c'est-à-dire sans expression spécia- nouveau mais les novateurs ne fuient pas la réa- cule, de média privilégié de la représentation. artistes se sont résignés à n'être plus que d'ingé-
lement érotique, et des représentations où est lité pour aller rejoindre d'autres mondes ; ils De 1910 à 1915, on assiste à un foisonnement nieux producteurs d'œuvres d'art pour leur
soulignée la trivialité des scènes de la vie du veulent débarrasser cette réalité-ci de toute son d'expériences : collage, reliefs, contre-reliefs, propre délectation ou celle d'un public raffiné
peuple, du monde des prostituée , du cirque ou enveloppe socio-culturelle pour y retrouver les assemblages de matériaux et d'objets, montages ou initié, sans le souci de faire naître de nou-
celui des soldats. forces et les énergies venues des temps les plus muraux éphémères. On mêle à l'huile tradition- veaux mondes, ce fut la fin de l'avant-garde.
Dans les nus tracés comme des graffitis il y a reculés, livrer à travers le plus archaïque ce qui nelle le sable, le plâtre, la poussière, la colle à la L'art est devenu un appendice de l'idéologie
plus d'humour, de bonne humeur que d'éro- est le plus permanent et le plus contemporain. craie (le lev kas de la peinture d'icône), etc. politique, des « visions du monde » (Weltan-
tisme, lequel implique un jeu civilisé, raffiné, Olga Rozanova, dans un aphorisme de 1913, Toile, papier de tapisseries, coupures de jour- schauung), voire de la littérature. Il a cessé
gourmand. On trouve en revanche cette gour- montre cette différence entre la libération telle naux, cuir sont employés au même titre que d'être le moteur de la vie.
mandise du regard chez un peintre passéiste qu'elle est conçue par le symbolisme et celle des toutes les variétés de bois, de métal, de verre ou En 1927, Malévitch laisse en Allemagne ses
comme Koustodiev, qui peint la générosité des artistes de l'avant-garde : « Le caractère impor- de coquilles. Une « esthétique du déchet » se tableaux et ses écrits théoriques et philoso-
formes féminines en mettant en valeur par la tun de la réalité a entravé la création de l'artiste fait jour. Le pictural revient à n'être plus que phiques et rédige son « testament » où il
couleur des carnations crémeuses et lactées, ce et il en a résulté que le bon sens a triomphé du l'organisation d'un espace autonome dont le exprime très clairement qu'il ne sera plus en
qui depuis Cranach et l'École de Fontainebleau rêve libre, tandis que le rêve chétif créait des tableau n'est qu'une expre sion parmi d'autres, état désormais de défendre l'art d'avant-garde :
jusqu'à Renoir a marqué la peinture euro- œuvres d'art sans scrupules - avortons de où interviennent aussi bien l'acte de penser, « Dans le cas de ma mort ou d'un emprisonne-
péenne. conceptions du monde contradictoires.» l'impulsion conceptuelle, que le geste, l'acte ment définitif, et dans le cas où le propriétaire
Mais la liberté créatrice absolue revendiquée Le 23 mars 1913, un tract distribué lors d'un existentiel. Il ne s'agit plus de reproduire la de ces manuscrits désirerait les publier, il faudra
par l'artiste d'avant-garde ne se limite pas au débat de l'Union de la Jeunesse met au pilori nature (le monde sensible), il s'agit de créer le les étudier à fond et, après cela, les éditer en
sujet. Il s'agit de la mise en question, de façon « tous les geôliers de l'Art Libre de la peinture lieu « se suffisant à lui-même », ayant ses une autre langue, car, m'étant trouvé en son
générale, des règles qui régissent les arts plas- qui l'ont rivé dans les chaînes de la quotidien- propres lois, où se déroule l'événement pictural. temps sous des influences révolutionnaires, on
tiques : l'obligation de reproduire le plus fidè- neté (politique, littérature et le cauchemar des L'art comme techné retrouve, grâce à l'avant- pourrait y trouver de fortes contradictions avec
lement possible un modèle, les techniques et effets psychologiques) » ; il jette un défi à tous garde plastique, son caractère d'expérimen- la manière que j'ai de défendre l' Art
les moyens obligatoires, la hiérarchie des les passéistes : « Nous déclarons que toute limi- tation empirique, scientifique, cognitive, que la aujourd'hui, c'est-à-dire en 1927. Ces disposi-
valeurs (le tableau de chevalet et la sculpture tation de la création est le poison de l'art, que la routine séculaire avait contribué à occulter, en tions doivent être considérées comme les seules
en ronde bosse étant les expression des arts liberté de création est la première condition de la limitant au cadre d'un seul mode d'appréhen- valables. K. Malévitch, 30 mai 1927, Berlin. »
plastiques considérées comme majeures). La l'Originalité. » Et le tract se termine sur la pro- sion de la réalité. Cette même année 1927 verra en effet le pou-
mimèsis aristotélicienne n'est plus envisagée clamation de la devise des novateurs:« l'Avenir Cette quête effrénée du nouveau ne s'est pas voir soviétique dénoncer le cubisme et le supré-
comme imitation, reproduction de la nature, de l'art est le renouvellement ininterrompu». pour autant accompagnée d'une croyance au matisme comme étant des expre ions « typiques
mais comme conformité à la seule réalité des Dans leur traité Du cubisme, qui fut au centre progrè , à ce progrès dans lequel depuis le de l'art à l'époque de l'impérialisme », du « for-
couleurs, des lignes, des sons, de la composi- des débats de l'avant-garde en Russie à partir de x1xc siècle beaucoup d'esprits ont cru religieu e- malisme », « portant en eux les traits de la déca-
tion, de la construction et de tous les éléments 1912-1913, Gleizes et Metzinger n'ont-ils pas ment. C'est sans doute là un des malentendus dence de l'industrialisme bourgeois».
qui constituent les arts plastique , chacun dans affirmé, d'ailleurs, qu'aux bribes de liberté obte- essentiels des avant-gardi tes dans leurs rap-
sa spécificité. nues par Courbet, Manet, Cézanne et les ports au pouvoir marxiste-léniniste après la
En outre, les artistes de l'avant-garde explo- impre ionnistes succéda dans le cubisme une révolution de 1917. Pour le marxisme, le progrès Rupture
rent tous les moyens que les traditions oubliées liberté illimitée ? est le moteur même de l'histoire. Les hommes
et la technique peuvent leur offrir. La peinture à qui favorisent la marche de l'histoire vers son L'avant-garde est résolument une rupture avec
l'huile n'est plus qu'un support parmi les âge d'or - le communisme - sont des progres- le passé. On a, certes, pu dire que, dans les arts
autres; c'est de là que va naître, sur le sol russe, Une mythologie du nouveau sistes, ils sont l'avant-garde de la société. En novateurs du premier quart du XXC siècle, cette
la notion de facture ( au sens de « texture »). changeant les conditions économico- ocio-poli- rupture n'était qu'apparente, que l'avant-garde
L' Art nouveau et le symbolisme, contre les- Le futurisme a donné à l'avant-garde arti tique tiques, on change l'homme, sa conscience. Une ne représentait qu'un épisode dans le flux impé-
quels s'est dressée l'avant-garde, avaient aussi les formules d'une mythologie du nouveau qui telle pensée est totalement étrangère à l'avant- rieux des arts, qu'elle comportait autant d'élé-
comme mot d'ordre celui de la liberté, mais se traduira par la recherche de formes totale- garde artistique même si cette dernière a cher- ments de coupure que d'éléments de continuité.
cette liberté était conçue par rapport à la réalité ment inédites et l'incorporation systématique ché, elle aussi, à créer un homme nouveau et Ce schéma, toutefoi , ne résiste pas à l'analyse,
quotidienne qui entravait le rêve, qui engluait d'autres matériaux à ceux traditionnellement une société nouvelle. C'est d'ailleurs un trait à moins de jouer sur les mots. Car si l'avant-
l'homme dans un monde de contingence et de employés dans les arts plastiques. La peinture distinctif de l'avant-garde russe et soviétique garde a pu intégrer les acquis des arts extra-
pesanteur. Le rejet de la réalité quotidienne par de chevalet, dont on avait oublié qu'elle n'était que d'avoir eu un projet d'appréhension du européens (Afrique, Asie, Océanie, Pacifique),
les artistes d'avant-garde conserve quelque qu'une étape historique dans la marche du pic- monde dans sa totalité, d'avoir été en quête de elle l'a fait au nom du bouleversement des don-

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L'AVANT-GARDE RUSSE
INTRODUCTION

nées séculaires de l'art européen. Dans le cadre rien ne naît ex nihilo. Mais« L'avant-garde est
européen, l'avant-garde rompt radicalement la grande rupture, par quoi se ferme la tradition
non pas avec le passé dans son ensemble mais de la rupture» (Octavio Paz).
avec un certain passé, avec tout ce qui dans le Car une révolution totale (« copernicienne »)
passé est académisme ou dans la mouvance de s'est opérée dans le premier quart du xxe siècle.
l'académisme. Elle ne rompt pas, par exemple, L'espace euclidien à trois dimensions est rem-
avec l'art populaire qui l'aide, au contraire, à placé par un espace multidimensionnel. Le
renverser les codes renaissants. Elle ne rompt tableau à deux dimensions n'est plus le lieu où,
pas non plus, en Russie, avec la peinture par la magie de l'illusionnisme artistique, se
d'icônes mais trouve dans la perspective inversée reflète, se re-présente, se re-produit la création
de l'icône une alliée dans son rejet de la pers- divine (le monde extérieur). L'espace du monde,
pective albertienne. De la même façon, Archi- l'espace intérieur, l'espace de la fantaisie relè-
penko a pu rechercher les origines du cubisme guent désormais au second plan le souci de se
dans la « tradition » classique ou égyptienne. Il conformer plastiquement au seul modèle que
est possible aussi de déceler les germes de la nous offre la nature dans l'apparence de ses
révolution plastique opérée en Russie même contours.
dans l'œuvre visionnaire du peintre Mikhaïl Avec les toiles cubistes de Picasso et de
Vroubel : le cubo-futurisme est préfiguré dans Braque, les tableaux futuristes de Boccioni et de
des œuvres comme Cavalier galopant (1890- Balla, les compositions de Kandinsky, le rayon-
1891) ou Le Vol de Faust et de Méphistophélès nisme de Larionov et de Gontcharova, le supré-
(1896) mais aussi la non-figuration lyrique matisme de Malévitch, les contre-reliefs de Tat-
(esquisse pour Lilas, 1900), ou la non-figuration line, le néo-plasticisme de Mondrian, les
géométrisante (esquisse de vitrail Lys, 1895- constructions de Rodtchenko, qui pourrait pré-
1896). La facture mosaïste de Vroubel a donné, tendre qu'il ne s'agit pas d'une vision totalement
de toute évidence, des leçons à Filonov dans sa nouvelle de l'espace du monde, une vision d'où la
minutie analytique. Toutes ces remarques ten- tradition est absente ? Malévitch avait raison de
dent à démontrer qu'en art - plus qu'ailleurs - dire que la révolution dans les arts plastiques
avait précédé la révolution dans le domaine socio-
M. Vroube), Lys (esquisse pour un vitrai)), 1895-1896.
AquareJJe sur papier, 43,8 x 45.2 cm. Saint-Pétersbourg, politico-économique. L'art n'est pas révolution-
MNR. naire parce qu'il représente des travailleurs ou des
scènes dénonçant les vices de la société. Il l'est, en M. Vroubel, Lilas. 1900. Huile sur bois. 18,7 x 23 cm. Saint-Pétersbourg, MNR.
'\
revanche, quand il offre une nouvelle vision du
. ' . ~- monde, de l'espace ou de l'environnement. sante de la Renaissance. Quand Pierre Jer, au Byzance : « Tout l'élan (pathos) de l'homme du
- l!, ,--, - ~~ début du xvmc siècle, a accéléré le processus Moyen Âge est l'affirmation de la réalité in sese
d'européani ation de la Russie, la peinture aca- et ex sese, et donc est objectif. L'illusionnisme
Ex Oriente lux démique s'est installée comme un corps étran- est propre au subjectivisme de l'homme
ger, parallèlement au développement immuable moderne: au contraire, rien n'est aussi loin des
Dans la conscience artistique russe du début du de la création populaire. intentions et de la pensée de l'homme du
1/,:
siècle, le problème Orient-Occident est un axe Le philosophe religieux Nikolaï Berdiaev Moyen Âge (et celui-ci plonge ses racines dans
intellectuel et esthétique, voire politique, montre avec éclat la « perte du noyau ontolo- l' Antiquité) que créer des simulacres et vivre au
autour duquel se fonde l'opposition bien gique » médiéval à partir de la Renai ance. Il milieu d'eux. »
connue depuis le x1xc siècle entre slavophiles et dénonce le caractère hybride de l'art qui naît L'« orientophilie » de tous les artistes russes
occidentalistes. Selon cette optique, l'art slave alors et les perversion qui marqueront cet art d'avant-garde est un fait remarquable. Tous
en général et l'art russe en particulier, avec ses jusqu'au début du xxc siècle. Dans un article de défendent que la lumière ne peut venir que de
icônes et son art populaire multiforme, est 1919, le théologien et théoricien de l'art Paviel l'Orient, que la Russie est une partie de l'Asie;
depuis ses origines totalement imprégné de la Florenski expose ce que l'art a perdu en se le manifeste Nous et l'Occident (1914) inspiré
culture orientale byzantine. Il n'a pas connu la détournant à partir de Giotto des principe du par Yakoulov affirme le caractère cosmique de
tradition christo-païenne, humaniste, séculari- Moyen Âge et, pour la Russie, de ceux de l'art russe opposé au « territorialisme » euro-

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L'AVANT-GARDE RUSSE INTRODUCTION

péen. L'Orient russe comprend non seulement risme humoristique de Khlebnikov en 1913 : milliers d'échos et d'incitations, il posera la base tirées de toutes les données théoriques en pein-
l'Empire russe, avec ses nombreuses cultures, « Kant, en voulant déterminer les limites de la d'un nouveau courant ». Avant 1914, de nom- ture et en sculpture. » Un « comité formé des
mais aussi l'Asie, le Japon, l'Inde. raison humaine, a déterminé les limites de la breux artistes qui font partie de l'avant-garde meilleurs repré entants de la peinture et de la
Et pourtant s'il n'y avait pas eu l'Europe, les raison allemande » ! russe étudient à Paris chez les maîtres du sculpture françaises » doit faire des e posés,
Russes n'auraient pas pu réaliser leur œuvre avec cubisme : Alexandra Exter chez Léger, Lioubov organiser des débats autour des questions
la même ampleur. De l'Europe sont venues les Popova chez Metzinger, Nadiejda Oudaltsova importantes pour le peintre contemporain : la
premières secousses portées à l'académisme A vant-garde russe et avant-garde occidentale également chez Metzinger, Le Fauconnier et question de l'école et des moyens de la transfor-
séculaire, l'Europe a fait prendre conscience aux Dunoyer de Segonzac. Yakoulov passe l'été de mer, le caractère individuel de la création, etc.
artistes russes de façon aiguë des valeurs et des Paris-Munich-Moscou-Saint-Pétersbourg-Kiev 1913 chez les Delaunay, confronte ses théories C'est dans le cadre de ce programme que Fer-
richesses contenues dans l'art de l'Orient, sur« les soleils multicolores» avec l'orphisme et nand Léger fait sa célèbre conférence sur « les
richesses dans lesquelles auparavant ils n'avaient Entre 1907 et 1917, toute une pléiade d'artistes fait, avec Smirnov, la propagande du simulta- origines de la peinture et sa valeur repré enta-
pas eu l'idée de puiser. C'est en comparant les et d'organisateurs font le trait d'union entre la néisme au café des artistes de Saint-Pétersbourg, tive » le 5 mai 1914.
réalisations européennes avec les trésors artis- Russie et l'Europe. Grâce au génie de Diaghi- Le Chien errant. Enfin, le couple Pougny vit La tournée du fondateur du futurisme, Mari-
tiques de l'Orient que s'est forgée l'idée que lev, l'Europe découvre la danse, la musique, pratiquement à Paris et constitue un trait netti, en Russie en février-mars 1914, les scan-
l'Europe avait « volé » à l'Orient ses principes mais aussi les audaces picturales russes. La d'union particulièrement important entre Paris dales et les débats d'idées qu'elle provoque, ne
formels et qu'il n'était pas besoin pour les Russes rétrospective du Salon d'Automne de 1906 et Saint-Pétersbourg. font que clore moins d'une décennie d'échanges
de copier Cézanne ou Picasso pour faire du neuf. (sept cents cinquante œuvres représentaient À Munich, au début du siècle, le salon de féconds entre la Russie et l'Europe. La guerre
Si l'Europe a donné l'impulsion qui a permis l'art russe du xv= au xxe siècle) ne fait, certes, Marianne Werefkin, peintre d'origine aristocra- de 1914 en interrompit le cours. Puis la révolu-
à l'art russe d'apprécier ses valeurs « natio- qu'une timide percée dans le concert artistique tique qui vivait avec Jawlensky, est un des lieux tion d'Octobre 1917 fit prendre à ces échanges
nales », celui-ci n'en a pas moins assimilé avec européen. où sont débattus les problèmes liés à la nais- une tonalité idéologique et unilatérale.
une vitesse prodigieuse la leçon et a cherché sur Cependant, des artistes de premier plan venus sance de la non-figuration du monde sensible,
son propre sol les formes et les thèmes de ses de l'Empire russe s'installer ou étudier à Paris dont le livre de Worringer Abstraction et
œuvres, porté par une conception du monde ou à Munich enrichissent le patrimoine univer- Einfühlung (1907) expose l'aspect philoso- Les collections Chtchoukine et Morozov
orientée vers la ynthèse, la gnoséologie, le cos- sel de l'art (à Paris: Chagall, Archipenko, Zad- phique. Kandinsky participe à l'atmosphère
mique. Malévitch aussi bien que Larionov et kine, Survage, Baranov-Rossiné ; à Munich : hautement intellectuelle et artistique de cette Dans la seconde moitié du x1xe siècle, la vie
Natalia Gontcharova ont puisé dans le loubok, Kandinsky, Marianne Werefkin, Jawlensky, maison, qui influence aussi Franz Marc et sociale russe est marquée par la montée fulgu-
les enseignes des boutiques ou l'art scythe, tan- Bekhteïev), font la liaison entre Paris et Saint- accueille, outre les peintre russes, allemand , rante d'une classe bourgeoise qui a peu compté
dis que Yakoulov s'est tourné vers le « soleil Pétersbourg, Moscou ou Kiev (Marie Vassilieff, autrichien ou suisses, presque toutes les célé- jusqu'alors. Le koupiétche tvo, ou classe des
bleu » de la Chine. En poésie, Khlebnikov a res- la baronne d'Œttingen [alias François Angi- brités de passage à Paris, comme Anna Pavlova, marchand -industriels, concentrée surtout à
suscité la préhistoire du monde. N'est-ce pas bout], Yastrebtsov [alias Serge Férat], Sara Nijinsky, Diaghilev, Eleonora Duse ... Moscou, l'antique capitale de l' mpire, devient
pour ces raisons que Marinetti, revenu mécon- Stem [alias Sonia Delaunay], Jean Lébédev), ou À Paris, le centre russe le plus marquant en trois générations économiquement domi-
tent de l'accueil qui lui fut réservé en Russie au encore rapportent de leur séjour les nouveautés jusqu'à la révolution de 1917 est l'« Académie nante et se substitue peu à peu à la noblesse
début de 1914, a déclaré que le futurisme russe pari iennes (cubistes et futuristes) en Russie russe » fondée par Marie Vassilieff en 1910, au séculaire qui vit à Saint-Pétersbourg. Tchékhov
avait plus de traits communs avec le « plus- (Alexandra Exter, Yakoulov, Natan Altman, 54 de l'avenue du Maine. Le but de cette acadé- retrace de façon emblématique ce phénomène
quamperfectum » qu'avec le« perfectum »? Lioubov Popova, Nadiejda Oudaltsova, Véra mie était de « donner la po ibilité aux artistes dans La Cerisaie.
Toute la pensée et la pratique créatrice des Pestel. .. ). de toutes les nationalités de travailler d'après La pléiade de marchands-mécène qui appa-
novateurs russes visent l'« au-delà de la raison». Les artistes russes à l'étranger transmettent nature pour des prix modérés ou tout à fait gra- raît alors constitue des collections qui enri-
L'Orient leur est proche, qui embrasse d'une les innovations européenne auprès de leurs tuitement [ ... ), d'organiser les artistes en un chissent con idérablement les fonds existants et
seule vision le Tout, au-delà de ce qui est acces- confrères restés en Russie. On en veut pour groupe solidaire afin de résoudre les tâches formeront la base de grands musées actuels, tels
sible à la raison. On a pu voir, à juste titre, dans preuve ce passage des mémoires de Bénédikt d'auto-développement et de tran former radica- la Galerie nationale Trétiakov et le Musée
l'ascèse uprématiste du sans-objet, une conver- Livchits qui décrit David et Vladimir Bourliouk lement le caractère de l'académie contemporaine national théâtral Bakhrouchine à Moscou. Pour
gence avec le taoïsme ou le bouddhisme zen. De en 1911 examinant attentivement « une photo- qui dans la majorité des cas tue l'individualité.» la peinture française, les deux collections
même, dans les années vingt, les connivences du graphie de la dernière œuvre de Picasso. On reconnaît ici la tradition russe phalan té- d'ampleur internationale furent celle d'lvan
centre Zorved (Voir-Savoir) de l'École de Alexandra Exter l'a rapportée de Paris tout rienne de l'artel' à la mode en 1860. L'Académie Abramovitch Morozov ( commencée par son
Matiouchine avec les technique p ycho-physio- récemment. Le dernier mot de la peinture fran- n'a pas de profe eurs : « L'élève est guidé lors frère Mikhaïl, mort en 1904) et celle de Cht-
logiques orientales sont évidentes. On paurrait çaise. Prononcé là-bas dans l'avant-garde, il sera de ses travaux d'après nature uniquement par choukine. Les deux indu triels russes étaient liés
résumer cette opposition fondamentale des transmis comme mot d'ordre - on le transmet les meilleurs modèles de la création antique et à des collectionneur et marchands de tableaux
Russes au rationalisme européen par l'apho- déjà - sur tout le front de gauche, il éveillera des contemporaine et par les déductions générales comme Vollard, Durand-Rue}, Bemheim Jeune,

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L'AVANT-GARDE RUSSE INTRODUCTION

Kahnweiler, usant de leurs conseils ainsi que de sèdent [... ]. Les peintres français doivent venir de Natalia Gontcharova, Larionov ou Sariane. L'exposition berlinoise fut organisée par Ste-
ceux de critiques d'art russes, d'écrivains, de apprendre en Russie: l'Italie, dans ce domaine, Le Premier Salon d'Izdebski, inauguré à Odessa renberg, Altman et Gabo sous l'égide du Nar-
poètes, et visitant systématiquement les ateliers donne moins. » De telles affirmations corres- en 1909 et qui voyagera à travers l'Empire kompros, le Commissariat du peuple à l'ins-
des peintres lors de leurs voyages à Paris. pondaient à l'état d'esprit et à la volonté des russe, ajoutait à cette liste des artistes comme truction, qui avait à sa tête Lounatcharski. La
Ivan Morozov connaissait personnellement peintres russes novateurs, qui avaient alors à Bonnard, Balla, Vuillard, Gleizes, Denis, présence importante de l'art de gauche provo-
Maurice Denis, à qui il commanda les panneaux leur tête Larionov, soucieux de revenir aux Metzinger, Henri Rousseau, Signac et, pour les qua des désaccords et des contestations. Ivan
muraux de l' Histoire de Psyché que le peintre sources archaïques et populaires de l'art russe. Russes, Altman, Lentoulov, Machkov, Pougny, qui avait organisé en 1915 à Pétrograd
français vint installer à Moscou en 1909. Le 27 octobre 1911, Matisse fut fêté à la société Matiouchine, Alexandra Exter ainsi que les les manifestations décisives Première exposi-
Chtchoukine lui avait aussi fait rencontrer La Libre Esthétique, en particulier par les « Russes de Munich » (Marianne Werefkin, tion futuriste de tableaux Tramway V et Der-
Matisse en 1908, dans l'atelier du peintre au 35, poètes symbolistes Valéri Brioussov et Andreï Kandinsky ou Jawlensky). nière exposition futuriste de tableaux 0,10, s'en
boulevard des Invalides à Paris et Morozov lui a Biély, et il fit un exposé sur le rôle du dessin en Les artistes russes étaient aussi présents aux prend au radicalisme anti-esthétique du supré-
acheté des œuvres importantes, moins toutefois peinture. Trente-six ans plus tard, Matisse se Salons des Indépendants ou au Salon matisme, du constructivisme et de l'art sans-
que son compatriote. souviendra : « La révélation m'est donc venue d'Automne avant la guerre de 1914, même si la objet; à droite (artistiquement parlant), Gorki
La collection de Morozov était surtout axée de l'Orient. C'est plus tard que cet art m'a tou- présence de l'avant-garde russe au Salon des déclare, en septembre 1922, qu'« il est d'accord
sur l'impressionnisme et le post-impression- ché et que j'ai compris la peinture byzantine, Indépendants de 1914 fut à peine remarquée. pour devenir membre d'une exposition
nisme et comportait dix-sept Cézanne. devant les icônes à Moscou. » Des œuvres magistrales, comme le Portrait de d'assiettes cassées et de vieux clous, à la condi-
Chtchoukine, lui, avait eu le génie de s'intéres- Si Morozov répugnait à montrer ses collec- Kliounkov, le Samovar ou le Matin au village tion que l'on ne m'expose moi-même nulle part
ser à ce qui comptait dans l'art français du début tions, la maison-musée de Chtchoukine pouvait après la tempête de neige de Malévitch ne font et que, de façon générale, on n'effectue à
du xxc siècle. Outre seize Derain et cinquante être visitée tous les dimanches et fut une véri- l'objet d'aucune mention notable. Le critique du l'égard de ma personne aucun déplacement
Picasso, il avait acquis trente-huit Matisse. Ter- table académie pour les grands protagonistes de Messager de Paris fait un sort à Altman, Chagall, dans l'espace ... »
noviets, premier directeur des collections natio- l'avant-garde russe qui la fréquentèrent sans Zadkine, Archipenko (ses œuvres sont déclarées En revanche, le grand poète Vladimir Maïa-
nalisées de Morozov et de Chtchoukine après la exception. Chez des artistes comme Kandinsky, « informes de manière irréfutable ») ; des frères kovski, qui s'était mis sans réserve au service de
révolution de 1917, écrivait en 1923: « La Wel- Larionov, Malévitch, Tatline ou Filonov, la libé- Vladimir et David Bourliouk, il se contente la révolution bolchevique d'Octobre, déclare à
tanschauung de Morozov s'est formée sur ration de la ligne et de la couleur de toute fonc- d'affirmer: « Je n'ai vraiment pas envie de par- son retour de Berlin que désormais Moscou
l'acceptation et l'assimilation du programme tion mimétique provient pour une grande part ler d'eux.» Si les échanges franco-russes étaient devient la plaque tournante de l'avant-garde
impressionniste; d'où la constitution, faite avec de Matisse. La collection Chtchoukine a pu être vifs et variés sur le sol parisien, l'avant-garde artistique. Car, dès ce moment, les yeux du
tant d'amour, de sa collection de paysages appelée à juste titre un « musée de Matisse et russe en tant que telle, ce fer de lance de monde entier se sont tournés vers ce qui se
impressionnistes, d'où son attirance pour les de Picasso ». Les collections de Chtchoukine et « l'École russe du xxc siècle », reste encore confi- créait dans un pays où s'édifiait une nouvelle
épigones et les élèves - Bonnard, Valtat... de Morozov furent nationalisées après la Révo- dentielle pour l'Occident, à l'état latent. Il fau- société. De là est né le mythe, encore tenace,
Chtchoukine a l'âme d'un navigateur audacieux lution, en 1918, et réunies administrativement dra attendre 1917 pour que cet art, à la faveur de des « années vingt » où, sous l'influence de la
qui serait entraîné vers des rives inconnues. Il en 1923 sous l'appellation de la Nouvelle Pein- la révolution politique, soit non seulement plei- révolution politique, aurait pu s'épanouir un art
n'est pas tant séduit par le résultat que par la ture occidentale. Fermées en 1948, les collec- nement connu et reconnu, mais exerce une d'une audace inégalée. En fait, l'avant-garde
navigation, la lutte, les dangers et les aven- tions furent réparties entre le musée Pouchkine influence durable sur l'évolution artistique de existait depuis au moins dix ans avant la révolu-
tures ». Morozov et Chtchoukine ne se livraient à Moscou et l'Ermitage à Léningrad. Ainsi en notre siècle. tion de 1917 et avait atteint son point culminant
à aucune concurrence. Leurs go0ts étaient tout est-il encore aujourd'hui. L'événement qui sanctionne l'entrée triom- en 1915 avec les deux expositions pétrogra-
simplement différents. Sur l'invitation de phale de l'avant-garde russe, désormais sovié- doises Tramway V et 0,10 où l'art de gauche,
Chtchoukine, Matisse était venu en octobre tique dans le concert européen, est, à Berlin, après avoir beaucoup reçu de l'Europe, créait
1911 à Moscou pour voir les panneaux de La Échange d'expositions l'exposition Erste russische Kunstausstel- de nouvelles voies (celles de l'« abstraction
Danse et de La Musique que l'industriel mosco- lung(Première exposition d'art russe) qui concrète » de Tatline et du sans-objet supréma-
vite lui avait commandés. Les courants européens les plus « modernes » s'ouvre le 15 octobre 1922 à la Galerie Van Die- tis te) qui étaient appelées à marquer toute
Durant son séjour, Matisse se montra impres- ont pénétré les capitales de l'Empire russe par men (dirigée par Benedict et Plietzsch); l'Occi- l'évolution des arts.
sionné par la peinture d'icônes : « C'est un art les expositions. Les peintres russes se sont trou- dent y découvre le suprématisme (le « carré L'exposition de la galerie Van Diemen fut
totalement populaire. Ici se trouve la source vés confrontés à plusieurs reprises à leurs blanc» est là) et le constructivisme, qui venait de présentée en 1923 au Stedelijk Museum
première des recherches artistiques. L'artiste contemporains européens. Ainsi, le deuxième naître à Moscou. Berlin connaissait, grâce aux d'Amsterdam. Entre temps, Katherine Dreier
contemporain doit puiser ses inspirations dans Salon de la revue La Toison d'Or au début 1909 expositions de Herwarth Walden, des novateurs avait acquis des œuvres aussi importantes que le
ces primitifs.» Et Matisse de déclarer à un autre présentait des œuvres de Braque (dont le Rémouleur de Malévitch, Au piano de Nadiejda
comme Archipenko, Chagall, Kandinsky et Pou-
journaliste moscovite : « Les Russes ne soup- fameux Nu debout), Derain, Van Dongen, Le gny mais ignorait encore tout de ce qui se faisait Oudaltsova, Suprématisme de Drévine ou la
çonnent pas quelles richesses artistiques ils pos- Fauconnier, Matisse, Rouault, Vlaminck à côté en Russie soviétique. Construction spatiale de Médounetski ( un des

16 17
L'AVANT-GARDE RUSSE INTRODUCTION

rares exemples du constructivisme qui ait sur- Le couple art et vie a été une question particu- pas un reflet de la réalité, il a une fonction auto- et l'art a comme tâche de le révéler, de favoriser
vécu). Elles se trouvent aujourd'hui à la Yale lièrement débattue en Russie dès le xixc siècle. Il nome, des lois qui lui sont propres, qui sont en son épiphanie. Il le fait tout d'abord par la néga-
University Art Gallery. faut voir dans la prise de conscience de cette dehors de toute idéologie. C'est en tant que tion du monde des objets qui est un premier pas
L'avant-garde se fit connaître encore à Venise bipolarité un trait pécifique de la pensée russe force se suffisant à elle-même que l'art modèle, vers « la libération du Rien », vers le « monde
en 1924, mais elle n'y était pas mise en valeur en général, trait qui di tingue cette dernière de module, transforme la réalité dans laquelle il sans-objet», seule réalité vivante. Jusqu'ici, l'art
comme à Berlin. C'est là pourtant que l'École la pensée occidentale dominante ou, pour faire puise ce qui lui est nécessaire, ce qui est avait été soit un moyen d'embellir la vie, soit
de Matiouchine a été présentée pour la pre- court, de la tradition philosophique qui remonte conforme à son fonctionnement. « un manuel de vie » {Tchernychevski), soit un
mière fois en Europe. aux Grecs. Il y a, en effet, dans la pensée russe Selon Boris Arvatov, un des théoriciens instrument qui tire son pouvoir de la transfor-
La dernière manifestation de l'art de gauche une invariante existentielle qui la porte toujours importants du constructivisme russe dans sa ver- mation de la vie socio-économique {le construc-
russe et soviétique, avant la rétrospective Paris- à ne pas séparer le questionnement philoso- sion productiviste, le constructivi me est défini tivisme), soit encore une révélation imparfaite
Moscou en 1979 au MNAM, est l'Exposition phique de l'expérience vécue. Le lexique philo- comme un« art de la maîtrise technologique des d'une autre vie {le symbolisme). Pour Malé-
internationale des Arts décoratifs qui se tient à sophique traduit bien cette dualité conciliée. matériaux réels, art qui prend son point de vitch, l'art consiste à s'insérer dans le mouve-
Paris en 1925. Le constructivisme y triomphe : Ainsi, le mot russe bytié qui désigne l'être départ chez Cézanne». Il oppose au constructi- ment universel menant au sans-objet absolu. Il y
Rodtchenko, qui a « construit » la couverture désigne aussi l'existence. visme l'expressionnisme, c'est-à-dire « l'art des a donc une identification de l'acte pictural et du
du catalogue, présente, entre autres, son Dans sa thèse de doctorat Les Rapports esthé- formes subjectives et émotionnellement mouvement du monde.
fameux Club ouvrier ; le pavillon de Melnikov tiques de l'art à la réalité {1855), le « démocrate archaïque , art qui prend son point de départ Dans l'âpre lutte qui a opposé le supréma-
devient l'emblème de l'architecture constructi- révolutionnaire » Tchernychevski fonde son chez Van Gogh». Pour Arvatov, le constructi- tisme et le constructivisme dans les années
viste, l'Arménien Yakoulov et l'Ukrainien Mel- esthétique sur l'idée que l'art, et partant le visme « place la vie plus haut que l'art », il vingt, ce dernier a paru devoir triompher par
Ier sont primés pour leur contribution au Beau, c'est la vie; le Beau est soumis à la vie, en « veut rendre l'art vivant », tandis que l'expres- son rationalisme, son fonctionnalisme, son pro-
constructivisme théâtral. .. En 1925, Rod- est le reflet. L'art doit consister à voir dans la sionnisme « place l'art plus haut que la vie et ductivisme pénétré de l'enthousiasme révolu-
tchenko écrit que le Paris des révolutions artis- réalité ce qui est utile à la société. L'e thétique veut rendre la vie sous forme de l'art » ; d'autre tionnaire à fonder une société idéale à partir de
tiques « de Picasso, Braque et Léger » n'offre réaliste matérialiste doit cristalliser le meilleur part, le constructivisme donne la première place la transformation des rapports matériels. Or, le
plus que des œuvres « insignifiante » et « pro- de la réalité. Le réel, c'est donc « l'idéal » au « but de la forme », tandis que l'expression- constructivisme, dans sa croyance optimiste
vinciales » et que « les Français sont vraiment à social ; tout art est engagé, « tendancieux ». nisme la donne à la forme elle-même. dans la toute-pui ance de la technique et de la
bout de souffle ». Malheureusement, l'enthou- Avec les symboliste , la vie, en tant que réa- Dans cette perspective, Arvatov est gêné technologie, a cru que l'on pouvait apprivoi er
siasme créateur des avant-gardiste soviétiques lité sociale (le gesellschaftliches Sein de Marx), pour a signer une place au uprématisme de la nature et la conquérir indéfiniment. Pour le
sera très vite étouffé par le stalinisme naissant ; est rejetée de l'art au profit d'une réalité supé- Malévitch qui a été au xxe siècle la révolution la suprématisrne, « c'est dé la recherche des com-
les menaces avaient d'ailleurs commencé à rieure. Reprenant la distinction kantienne entre plus radicale dans les arts plastiques, ayant modités que vient la rupture avec la nature»; et
peser dès 1922, sous Lénine. le monde phénoménal et le monde nouménal, réduit la représentation picturale à la minimalité Malévitch ajoute : « Nous aspirons aussi à
ayant l'ambition de transfigurer le monde phé- la plus extrême. Car le suprémati me a comme l'unité avec les éléments naturels, nous voulons
noménal à la lumière du monde nouménal, donc point de départ Cézanne, et la « maîtrise tech- non pas vaincre, anéantir, mais les fondre dans
Ounovis, lnkhouk/Ghinkhouk ( uprémati me de recréer ontologiquement la vie par la créa- nologique des matériaux réels » ne lui est pas notre seul organi me. »
contre constructivi me) et Bauhaus tion « théurgique » (et l'on voit l'identification étrangère; mais, à la différence du constructi- Ces diverses orientations se reflétèrent dans
de l'artiste créateur avec le dieu créateur), visme - et cette différence est essentielle - l'histoire des différents organismes qui ont
Le travail réalisé à l'Ounovis (Affirmation et l'esthétique symboliste n'a pu faire qu'un Malévitch a inscrit l'acte pictural dans une phi- repensé l'art après 1917 en Russie : l'appel à la
fondation du Nouveau en Art) de Vitebsk, à constat d'impui ance devant l'impo ible fusion losophie du monde tout à fait pécifique, philo- négation de l'objet, au nom de la sensation du
l'lnkhouk {Institut de la Culture arti tique) de de l'art et de l'être. Berdiaev écrit:« Le symbo- sophie qui n'a rien à voir avec l'idéologie socio- monde, sera contesté violemment dès 1919 par
Moscou et au Ghinkhouk {Institut national de lisme est un chemin, et non le but final - un politique con tructiviste. Ainsi, le uprémati me les parti an du concret anti-conceptuali te et
la Culture arti tique) de Pétrograd-Léningrad pont vers la création de l'être nouveau, non cet pose de façon totalement nouvelle l'antinomie « objétiste » ; le rôle premier de l'intuition,
est un des grands moments de l'avant-garde être.» vie/art car il met en question préci ément ces prôné par Kandinsky dans son établi sement du
russe soviétique. L'art, son enseignement, sa Avec le futurisme, l'antinomie de la vie et de deux termes et leur donne une signification qui programme de l'Institut de la Culture arti tique
place dans la société nouvelle ont été l'objet de l'art, de l'être et de l'art tend à être annihilée. ne prend toute sa valeur que dans la construc- à Moscou en 1920, est violemment attaqué par
débats et de réalisations qui, aujourd'hui Pour le constructivisme, il n'y a qu'une seule tion d'un système, le « système suprématiste », les partisans de l'« analyse objective » et du
encore, ne sont connus que partiellement mais vie, avec ses problème économiques, sociaux, qui s'étend à toutes les branches de l'activité constructivisme.
dont on devine sans difficulté l'immense contri- idéologique et éthiques; c'est cette vie que l'art humaine ( économique, politique, culturelle, L'histoire des rapports entre les différents
bution à une réflexion sur les arts plastique et à doit contribuer à transformer. Comme dans religieuse). centres de Vitebsk, de Moscou, de Pétrograd-
un renouvellement des rapports art et vie, art et l'esthétique de Tchernychevski, l'art est un Toute la pensée malévitchienne est stricte- Léningrad et du Bauhaus de Weimar-Dessau-
société. moyen, mais pour les constructivi tes l'art n'est ment moniste. Il n'y a qu'un seul monde vivant Berlin reste entièrement à faire. Il n'est pas

18 19
L'AVANT-GARDE RUSSE INTRODUCTION

exclu que la création officielle du Bauhaus à École de aint-Pétersbourg, École de Moscou, artiste travaillant à l'âge adulte dans un autre l'oiseau. Pensons à Malévitch qui appelle à
Weimar, dont le Manifeste de Walter Gropius École ukrainienne pays que son pays natal se distingue totalement voguer dans« l'abîme libre blanc», dans l'infini,
fut publié en avril 1919, ait donné une impul- des créateurs du pays d'adoption. Il suffit de et a eu, dès 1919, la vision prémonitoire des
sion décisive à la fondation de l'Ounovis de On verra dans ce livre que des distinctions prendre, entre mille exemples, le Greco ou satellites autour de la Terre (des spoutniks!).
Malévitch à Vitebsk fin 1919, puis à l'lnkhouk « géographiques » sont, à plusieurs reprises, Picasso. On comprendra mieux encore la spécificité
de Kandinsky en mai 1920. L'architecture, qui mises en avant concernant les artistes issus de Certes, il y a des périodes où un« style inter- ukrainienne dans la création de nouveaux
est, pour le Bauhaus, l'objectif suprême de l'Empire russe. Entre Moscou, la vieille capi- national» a tendance à effacer ces distinctions. espaces picturaux si on la compare, de ce point
toute activité créatrice, est une visée aussi bien tale, et Saint-Pétersbourg, sa cadette créée par Ainsi, le Picasso du cubisme analytique (1910- de vue, avec l'organisation spatiale des œuvres
explicite que métaphorique de la« culture artis- Pierre Jer, exista toujours une rivalité qui se tra- 1912) a tendance à se faire « français » autant d'artistes cent pour cent russes. Le plus russe
tique » en Russie soviétique. duira aussi par des attitudes esthétiques et des que Braque. Mais si les distinctions s'amenui- des peintres de l'avant-garde est sans doute
De même que le Bauhaus, le nouvel ensei- styles artistiques différents. Ainsi, dans sa pré- sent, elles ne disparaissent pas. Qui penserait Pavel Filonov. On a fait remarquer à propos de
gnement soviétique d'avant-garde efface la dif- face au catalogue de l'Exposition de l'art russe faire de Picasso un peintre français, bien qu'il la spiritualité orthodoxe russe qu'elle tire son
férence entre artiste et artisan, entre art et tech- organisée par Diaghilev à Paris en 1906, Benois ait passé la majorité de sa vie de créateur en originalité de la géographie grand-russe, et tout
nique ( d'où le nom d' Ateliers supérieurs d'Art jugeait le « Monde de l'art » de Saint-Péters- France? Tout juste appartient-il à l'histoire de particulièrement dans son développement dans
et de Technique pour remplacer l'ancienne bourg comme « parfois un peu littéraire », la peinture française. Et Kandinsky, n'est-il pas le cadre de ses immenses forêts. Chez Filonov,
école académique). recherchant « des sensations chères aux époques un peintre russe en Allemagne et en France ? on note l'enchevêtrement, l'inextricabilité des
L'avant-garde de la République de Weimar de grand raffinement», se plaisant« à la douce Est-il indifférent de le savoir et de le dire (non unités colorées, leur impénétrabilité, la diffusion
présente également, comme celle de l'URSS, flânerie dans le passé » et se vouant « au culte pas pour des raisons étroitement nationalistes, disséminée, oblique, tamisée, nocturne de la
une tendance à s'allier de plus en plus étroite- de l'intime, du précieux et du rare». À cet« art mais pour mieux comprendre leur œuvre) ? À lumière. L'espace ici est tout sauf ouvert sur
ment avec l'industrie du pays. Ce qui relie les de Pétersbourg », Benois oppose« l'art de Mos- moins de se contenter d'une lecture horizontale l'illimité. Il est plutôt au cœur même de l'illimité
expériences allemandes et soviétiques, sans cou qui découle principalement du grand déco- des productions artistiques. Archipenko, David avec l'ambition de l'enserrer dans les mailles du
qu'on puisse déterminer les mécanismes rateur Vroubel [ ... ] et a des tendances plus et Vladimir Bourliouk, Sonia Delaunay et beau- pictural.
d'osmose entre les deux, c'est la suppression de décoratives, plus franchement peintre ». coup d'autres, en exil à l'étranger, n'ont cessé de Quant au suprématisme de la Russe Lioubov
l' « école » traditionnelle, remplacée par des ate- Il convient cependant de nuancer, dans revendiquer leurs racines ukrainiennes. Il s'agit Popova, si on le compare à celui de Malévitch,
liers où l'art s'apprenait dans les processus de chaque cas, de telles oppositions trop générales là, à n'en pas douter, d'une composante essen- nourri par la terre d'Ukraine, n'offre-t-il pas un
fabrication créatrice. et réductrices. La part de 1'École ukrainienne à tielle de leur art, tellement les artistes origi- espace qui retient fermement les formes, les
Les similitudes sont aussi frappante entre le l'intérieur de l'avant-garde dite « russe » est naires d'Ukraine sont marqués par l'espace, la accroche au support du tableau, alors que les
« cours préliminaire» (Vorkurs) du Bauhaus et considérable. Le futurisme « russe » est né en lumière, la gamme des couleurs et les formes de quadrilatères ou les cercles de Malévitch sont
les « cours propédeutiques » soviétiques : dans Ukraine chez les Bourliouk. De nombreux pro- l'art populaire, un des plus riches au monde. autant de planètes en état de suspension, prêtes
les deux cas, il s'agissait d'une période proba- tagonistes de l'art de gauche manifestent dans Dans l'importance accordée à I'« environne- à tout moment à l'envol?
toire pour tous les élèves, qui servait à « tester leur création des pulsions venues du territoire ment» originel d'un artiste, il s'agit, en premier Larionov, lui, est originaire des bords de la
leurs aptitudes » et à « libérer leur potentiel qui s'appelait sous le tsarisme la « Petite- lieu, d'espace et de lumière, c'est-à-dire des mer Noire et a apporté à Moscou toute la jubi-
créatif », avant toute spécialisation. Des ten- Russie » : Malévitch, Tatline, Larionov, Alexan- composantes majeures de la création picturale. lation d'une gamme solaire avec le jaune-or
sions analogue , des luttes entre tendances du dra Exter, Sonia Delaunay, etc. Nous ne parle- L ' espace ukrainien, c'est la vastitude de la revenant sur ses tableaux comme un leitmotiv
même type se firent jour au Bauhaus et dans les rons pas dans ce livre d'un grand artiste steppe, la totale liberté du mouvement et de coloriste. Si l'on compare cette gamme avec
centres d'art soviétiques. Le Bauhaus eut aussi cubo-futuriste ukrainien, Alexandre Bogoma- l'esprit (n'oublions pas l'origine étymologique celle des œuvres de la compagne de sa vie, la
ses« mystiques» (Johannes ltten, Adolf Meyer, zov, car son activité s'est surtout déroulée à turco-tatare du mot « cosaque » qui désigne Grande-Russe Natalia Gontcharova, on en dis-
Lothar chreyer) ou ses « spiritualistes » (Kan- Kiev et n'a pas été mêlée de près à la vie artis- l' homme libre, indépendant, l'aventurier, le cernera aussitôt la spécificité. CelJe-ci utilise
dinsky, arrivé de Russie soviétique en 1922, ou tique de Moscou ou de Saint-Pétersbourg. nomade). Ici, pas de joug tatare, pas d'impré- également, par exemple dans ses séries de
Klee), auxquels s'oppo èrent des marxistes purs Chaque pays fait naitre des artistes qui sont gnation du despotisme asiatique. « Moissons », une gamme solaire (jaune-or et
et durs comme Hannes Meyer. Le Bauhaus marqués à jamais par la lumière du soleil propre Tous les artistes enracinés à un moment ou à rouge), mais le soleil gontcharovien fait appa-
cessa avec la République de Weimar en 1933, il à ce pays, par les contours de ses paysages, par un autre dans la terre ukrainienne, abreuvés à raitre la quintessence colorée des champs de blé
fut fermé sur ordre du nouveau gouvernement les formes et les couleurs de l'environnement ces valeurs éternelles ont senti ce besoin d'aller grands-russiens et du « soleillon rouge » (krasno
nazi. En URSS, l'arrivée du stalinisme et sa ( architecture, tissus, objets quotidiens, rituels au-delà des limites. Pensons à Tatline projetant so/nychko) de la poésie populaire russe. Alors
main-mise sur toutes les activités du pays vers folkloriques ou religieux, etc.), par la tissure une nouvelle tour de Babel qui suivra les que chez Larionov, le prisme solaire« débridé»,
1930, marque la fin de toutes les recherches et religieuse et culturelle qui imprègne sa pensée rythmes solaires et lunaires, Tatline qui, nouvel primesautier, ludique, ne provient pas d'un
surtout leur occultation jusqu'à une époque depuis l'enfance. Un tel complexe détermine la Icare, voudra que le corps de l'homme vainque éclairage extérieur mais fuse de la texture de la
récente. spécificité d'un art « national » et fait qu'un la pesanteur du monde et épouse le vol de toile, chez Natalia Gontcharova, il est concen-

20 21
L'AVANT-GARDE RUSSE

puisque j'ai essayé de cerner le phénomène CHAPITRE 1


avant-gardiste, et de m'y tenir. Rien n'est plus
étranger à cette étude que l'éclectisme, lequel
est malheureusement la marque des expositions LE NÉO-PRIMITIVISME
proposées depuis quelque temps sous le label
« avant-garde » et qui, au nom d'une conception
erronée de la « vérité historique », mélangent
l'avant-garde et les courants contemporains
auxquels elle s'est opposée. De la sorte est per-
due la charge révolutionnaire de l'art d'avant-
garde russe.
La première exposition de ce que l'on a pris sa manière d'être. Le critique Iakov Tugend-
Ce qui a été créé en Russie entre 1907, année
l'habitude d'appeler l'« avant-garde russe » ou hold résume l'importance des gestes existentiels
de l'apparition de la première avant-garde à
l'« École russe du xxe siècle » et qui se dénom- de Gauguin, en précisant que« le culte contem-
l'exposition moscovite Stephanos, et 1927,
mait en Russie même « l'art de gauche » fut porain pour le primitif diffère de celui de
année de la fermeture du Ghinkhouk de Lénin-
organisée en 1907 à Moscou par David Bour- l'époque du romantisme et de l'orientalisme 1 »
grad, représente un immense réservoir d'idées et
liouk, sous le nom de La Guirlande (le titre qui est marqué par un individualisme blasé, tan-
de formes qui sont loin d'avoir été assimilées à
d'origine était, sur le catalogue de la première dis que « pour une société arrivée, semble-t-il, à
la fin du xxe siècle. En Russie même, les artistes
exposition, le mot Stephanos écrit en lettres la limite extrême du raffinement, pour des
et le public sont confrontés à de nouvelles
M. Vroubel, Démon assis (détail), 1890. Aquarelle, blanc grecques) ; cette exposition fut le point de peintres perdus dans le cul-de-sac de l'indivi-
formes d'art sans avoir pu intégrer autrement
et mine de plomb sur papier, 17 x 27 cm. Moscou, Galerie départ d'un bouillonnement inouï des arts en dualisme, cet art archaïque, fort, expressif, éter-
nationale Trétiakov. que partiellement l'héritage de l'avant-garde
Russie, qui durera pendant deux décennies. nellement jeune, signifie un espoir de renouvel-
historique.
Malgré la connotation encore symboliste de ce lement, de "rajeunissement" pour employer le
tré, grave comme sur les icônes, il sacralise « les En Occident, les résistances viennent de la
nom (Stephanos est le titre d'un recueil poé- mot de Paul Gauguin 2 ».
travaux et les jours ». spécificité même de l'art russe de gauche : la
tique - une « guirlande » de sonnets à la Infatigable, David Bourliouk, qui di putera à
Les variations liées au territoire d'origine de complexité des systèmes iconologiques et pictu-
manière de la Renaissance - de V. Brioussov, Larionov le rôle de meneur de jeu dans les arts
ces artistes imprègnent donc leurs œuvres et ro logiques qui se tressent sur beaucoup de
paru en 1906 et dédié à Viatcheslav Ivanov), russes jusqu'en 1914, organisa sur sa lancée, en
l'avant-garde russe rayonne aussi de toutes ces grandes œuvres incitent plus à la perplexité qu'à
cette exposition rompait avec les raffinements
différences. la compréhension. D'autre part, le go6t des
stylistiques qui dominaient alors. Y exposaient P. Kousnetsov, Naissance, 1906. H/t, 73 x 66 cm. Moscou,
Ce livre a pour projet d'examiner les Russes pour les textures rugueuses, le refus du Galerie nationale Trétiakov.
des peintres qui seront parmi les plus impor-
moments forts de l'avant-garde russe, ceux qui joli heurtent souvent une époque où les musées
tants représentants de l'avant-garde : Mikhaïl
dénotent la nouveauté et la radicalité de ce recherchent l'~thétisme et l'élégance.
Larionov, Natalia Gontcharova, David et Vladi-
mouvement dans le concert universel des arts. Il J'espère avoir montré que l'ensemble créa-
mir Bourliouk, türzwage [Survage ], Georges
y a, certes, d'autres œuvres russes que celles de teur représenté par l'avant-garde russe a sa
Yakoulov, Léonide Baranov [Vladimir Bara-
l'avant-garde qui sont intéressantes et belles, place dans ce que l'aventure humaine a produit
nov-Rossiné), Aristarkh Lentoulov.
mais elles n'entrent pas dans mon propos de plus grand.
Tous ces artistes rejetaient aussi bien le réa-
lisme engagé des Ambulants, voire leur nouvel
académisme, que le symbolisme modern style,
et prenaient comme source de leur art la créa-
tion populaire sous toutes ses formes, amorçant
ainsi un courant qui s'appellera « néo-primiti-
visme » et se caractérisera par des formes libé-
rées de tout souci d'imitation de la nature (en
particulier dans la perspective renaissante) au
profit de l'expressivité. Dans cette première
phase, qui se situe entre 1907 et 1910, Gauguin
donne les impulsions décisives à l'art russe,
autant par sa démarche artistique que par toute

23
'AVANT-GARDE RUSSE LE NÉO-PRIMITIVISME

V. Bourliouk, Paysage. 1909. Huile sur carton, 59,8 x 94,8 cm. Cologne, musée Ludwig.

Kiev, ce qui était une pratique peu fréquente à insupportable aux habitués pétersbourgeois des
l'époque ' . Dans ce tract intitulé La Voix de élégances frivoles de l'art et des sublimités sym-
D. Bourliouk, La Moisson, c. 1910. H/t et collage, 37 x 49 cm. Kiev, coll. G. lvakine.
l'impressionnisme pour la défense de l'art, il est bolistes. Igor Grabar, peintre médiocre qui avait
dit - sans doute pour la première fois dans la cri- été à la fin du siècle dernier le compagnon
1908, une autre exposition, cette fois-ci à Kiev et d' Alexandra Exter. Éléna Pribylskaïa, qui tique russe - que les espoirs du renouveau de la d'études de Kandinsky, de Jawlensky, de
où habitait son amie Alexandra Exter. C'est Le sera en 1916-1917 une des introductrices du peinture russe résidaient dans son imprégnation Marianne Werefkin et de Bekhtéïev à Munich,
Maillon (Zviéno ), dont le caractère provoquant design suprématiste en Ukraine dans les villages de l'héritage de Gauguin, de Van Gogh et de se moque de ces artistes qui peignent« l'un avec
ne provenait pas tant des hardiesses formelles de Verbivka et de Skoptsy, y présente une bro- Cézanne, « synthèse des mouvements français ». des carrés, l'autre avec des virgules et le troi-
que des thèmes, insolites et inhabituels dans le derie et un coussin. Entre Saint-Pétersbourg et Moscou, entre la sième avec un balai ». De façon générale, on
« grand art ». À l'exposition symboliste La Rose Ce qui choquait dans la première exposition jeune capitale européanisée, aristocratique et
bleue (qui se tenait au même moment à Mos- du Maillon, c'était la thématique triviale et la raffinée et la vieille capitale provinciale, plus V. Bourliouk, illustration pour la Première revue des
futuristes russes, n 1-2 (couverture), 1914. Lithographie.
cou) on trouvait les titres suivants : Pressenti- facture des œuvres qui ignorait superbement asiate, plus roturière et mal léchée, il y eut tou-
ment de la vierge1 Hermaphrodite, Contempla- l'enseignement académique. La plupart des jours concurrence et émulation. La contestation
tion (P. Bromirski); Flétrissure, Illuminée, La peintres de cette première avant-garde étaient de David Bourliouk allait être portée à Saint-
Naissance de Satan (P. Kouznetsov); Ange de des provinciaux. Mais le provincialisme qu'ils Péters bourg, au sein même du berceau du
tristesse (N. Milioti); C'est ici qu'il vit, aime et traînaient après eux n'était pas celui, médiocre, Monde de I' Art et de la peinture esthétisante.
meurt (P. Outkine) . replié sur lui-même, des Ambulants ; c'était un En mars-avril 1909, il organisa une troisième
Dans l'exposition du Maillon, on rencontre à provincialisme vigoureux, qui puisait aux exposition qui porte, cette fois, le nom de Vié-
côté d'appellations de ce type, des titres sources vives de l'art populaire, y découvrait nok-S tepha nos (Viénok est la traduction en
comme : Chèvre, Chameau, Bœuf dans la steppe, « de la beauté vivante ». Un manifeste qui russe du mot grec Stephanos 7). Cette exposition
Cochon, Écuries. 4 La plupart des artistes de Ste- vouait aux gémonies les autorités réalistes (sur- ne présente que les œuvres non symbolistes
phanos sont présents à l'exposition de la capitale tout Riépine) et post-réalistes (Lévitan, Sérov, exposées à Kiev au Maillon ; leur grossièreté
ukrainienne aux côtés d'Alexandre Bogomazov et même Vroubel) fut distribué au public de thématique et stylistique ne pouvait qu'être

24 25
L'AVANT-GARDE RUSSE LE NÉO-PRIMITIVISME

trouve que ces expo ition sous le sigle de La Maillon à Kiev en 1908. Ce tract s'intitulait« À
Guirlande sont encombrées des œuvres des propos des Lettres sur l'art de Monsieur A.
Bourliouk (ils étaient au moins trois : David, Benois 11 ».
Vladimir et Lioudmila). Dans les années dix se David Bourliouk accuse le critique A. Benois
créera, dans la presse hostile aux novateurs, le de faire partie du camp de ceux qui « crient à la
néologisme « bourliouker », tellement les Bour- destruction de l'ancien, de la moralité, de la dis-
liouk, surtout David (Vladimir se contentait cipline, du respect à l'égard des autorités fami-
d'être un des meilleurs peintres de son époque), liales ». Benois n'avait-il pas parlé en 1910 du
faisaient du bruit autour d'eux et de leur œuvre. « chaos dans lequel se seraient enfoncés Lario-
Le célèbre historien de l'art Paviel Mouratov nov, Yakoulov et les autres 13 »? Il représentait
s'en prend au« procédé, laid par excellence, de bien l'éclectisme raffiné qu'avait imposé le
Vladimir Bourliouk, ses fameux petits carrés Monde de /'Art, à propos duquel Dmitri Filosso-
avec un point au milieu 9 ». fov pouvait écrire avec une fine ironie : « Pour
David Bourliouk trouva à Saint-Pétersbourg comprendre, ne serait-ce qu'un tout petit peu,
un allié inespéré en la personne de Nikolaï Somov, Doboujinski, Benois, Bakst, Lanceray, il
Koulbine. Celui qu'on appellera par la suite« le faut connaître non seulement le xv1uc siècle, M. Larionov, Soldat au repos, c. 1910-1911. H/t, M. Larionov, Soldat dans les bois, c. 1911. H/t, 86 x 93 cm.
grand-père du futurisme russe » (le « père » mais aussi les années trente [1830], il faut 119 x 122 cm. Moscou, Galerie nationale Trétiakov. Edimbourg, Scottish National Gallery.
étant David Bourliouk) était un per onnage offi- consciemment piler dans un mortier Gainsbo-
ciel, conseiller d'État (grade civil correspondant rough avec Beardsley, Lévitski avec Brioullov, L'écriture à la main un tableau à partir des mots vit une irnpre ion
au grade de contre-amiral), médecin-général, Vélasquez avec Manet, les xylographies alle- semblable à celle vécue par le peintre. Il reflète
professeur à l'Académie militaire de médecine, mandes du xvr= siècle avec les eaux-fortes de L'exposition Le Triangle-Viénok-Stephanos seulement son vécu par les mots et non par les
auteur de travaux médicaux originaux sur la Goya, les gravures du xvir siècle avec les litho- propo ait une innovation qui était appelée à être couleurs 16• » Ce n'était pas un hasard.
sensibilité (psychométrie) 10• IJ fut le premier graphie 1830, les dessins d'Orlowski avec ceux développée de façon sy tématique : à côté des L'exemple de Mallarmé, photographiant ses
théoricien de l'avant-garde russe naissante et un de Daumier. Ce n'est qu'après avoir avalé et toiles, des gravures, des sculpture , des meubles manuscrits pour composer ses Poésies complètes
peintre non dépourvu de talent. La peinture digéré tout ce mélange que l'on saisit enfin et de style, d'œuvres de l'art populaire, de dessins en 1887, avait déjà attiré l'attention sur l'aspect
« de gauche» pénétra grâce à lui à Saint-Péters- que l'on apprécie toutes les subtilités de nos japonai contemporains et d'affiches françai e visuel du vers. L'écriture - le « manuscrit » -
bourg. Certes les exposition qu'il organi a (Les artistes 14• » et hollandaises, on avait exposé des dessins et commençait à être pris en con idération comme
Tendances contemporaines en art - avec la col- Le 3 mars 1910, dans une lettre restée inédite, des autographes d'écrivains et de metteurs en élément pictural. Chez Larionov, son introduc-
laboration de David Bourliouk et de Lentoulov - David Bourliouk répond à Benois : « Quel tort scène russes. Koulbine écrivait dans le cata- tion sur la surface du tableau, à partir de 1908, a
en 1908 ; Les Impressionni tes en 1909 ; Le Tri- colossal et difficilement rattrapable vous faites à logue de cette expo ition: « L'écrivain qui crée une tout autre ignification que l'emploi des
angle en 1910) semblent aujourd'hui peu auda- l'art russe en di créditant aux yeux d'un public chiffres, des caractères d'imprimerie, du
cieu~es sur le plan formel. Elles n'en provoquè- crédule et confiant le jeune art russe, en appe- trompe-l'œil ou du collage chez Braque et
M. Larionov, Soldat à cheval, c. 1911. H/t, 97 x 99 cm.
rent pas moins les railleries de la presse. A lant "malades mentaux" Yakoulov, Larionov, Londres, Tate Gallery.
Picasso autour de 1910 et 1912. En effet, dans le
propos des Bourliouk, un critique rappelle que Kouznet ov, etc., et en louant Pétrov-Vodkine, cubisme analytique, il s'agit de l'insertion d'élé-
« ce sont eux qui ont proclamé par écrit Riépine érébriakova et Youone, alors que ceux-ci n'ont ments réalistes, montrant une des faces mul-
et les Makovski des "voyous de la palette". Ce aucun rapport avec le "nouvel art" et ne propo- tiples du réel, soulignant l'ambivalence de
sont eux qui, il y a deux ou trois ans, ont exposé sent aucune forme nouvelle. Larionov a du prix l'objet dans son apparence et son inapparence.
au coin de la Fontanka et de la perspective précisément parce qu'il va inlassablement, Cet élément sera aussi présent dans l'avant-
Nevski [il s'agit de l'expo ition Le Triangle-Vié- d'année en année, à gauche, vers des formes garde russe, où les principe cubistes s'impo e-
nok- tephano ] leur délire sauvage sous forme toujours moins petite -bourgeoi e . [... ] Tout le ront à partir de 1913 17• Avec le triomphe, en
de portraits de "Mères de Dieu peintes avec des monde est contre nous ; moi, par exemple, aussi 1913, du cubo-futurisme et du rayonnisme se
quadrillages 11 " ». bien que Vladimir Bourliouk, G. Yakoulov et répandra l'usage des caractères d'imprimerie,
A la veille de la clôture de cette exposition, d'autres, nous ne pouvons exposer nulle part et du collage ou de la peinture de textes impri-
qui vit l'association de David Bourliouk et de ce n'est pas la peine que nous nous consolion més ; entre de multiple exemple : Le Portrait
son groupe Viénok-Stephanos avec celui de en pensant à l'année prochaine, car rien ne de Tatline de Larionov (1913), le Cycliste de
Koulbine (Le Triangle) et qui s'était ouverte le changera, les vulgarité de Vodkine et de Ciur- Natalia ontcharova (1913), Femme devant une
19 mars 1910, un pamphlet de David Bourliouk Ii onis seront toujours plus attirantes et plus colonne d'affiches de Malévitch (1914), Géogra-
fut di tribué, répétant le geste de l'exposition Le accessibles 15• » phie d'Olga Rozanova (1914), Nature morte ita-

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l.'AVANT-GARDE RUSSE LE NÉO-PRIMITIVISME

lienne de Lioubov Popova (1914), Au piano de Ainsi, chez les Russes, la lettre « primiti-
Nadiejda Oudaltsova (1914), Coiffeur de Ivan viste », utilisée sur la surface peinte, a une fonc-
Pouni [Jean Pougny] (1915) ... C'est là un tion plus organiquement picturale que les carac-
emprunt à la pratique cubiste et futuriste. Mais, tères d'imprimerie ou les chiffres, dessinés ou
chez les Russes, cette insertion de lettres impri- appliqués sur les tableaux cubistes et futuristes.
mées et de chiffres allait de pair avec une inté- En quoi Larionov se rapproche de Matisse et
gration de l'écriture à la main dans la constitu- subit peut-être en partie son influence 20 , mais
tion de la surface picturale. À Larionov revient s'oppose radicalement aux cubistes et aux futu-
le mérite d'avoir utilisé le premier, dans sa série ristes dans leur construction de l'espace réel,
des« Soldats», des inscriptions cursives dans la pratique, où le caractère imprimé, entrant dans
peinture moderne. L'interprétation qui consiste la composition de la surface, fait apparaître
à ne voir dans ces graffiti, rappelant ceux l'ambiguïté du réel. Ce n'est pas un hasard si,
qu'inscrivent des anonymes sur les murs pour précisément, Larionov et sa compagne Natalia
matérialiser brutalement leurs sentiments, Gontcharova se sont joints en 1912 à Kroutcho-
qu'une provocation contre l'alexandrinisme et nykh pour créer le livre-objet. Car la « peinture
l'esthétisme raffiné du symbolisme et de l'Art des écrivains » a abouti à la création par ce der-
nouveau 18, n'est vraie que secondairement. nier d'éditions lithographiées où le texte et le
On ne saurait méconnaître la tradition russe dessin ne sont qu'un tout, le texte étant écrit à la
dans laquelle s'inscrit le néo-primitivisme de main par l'auteur ou le peintre afin qu'il se
Larionov. Le texte écrit à la main, souvent calli- fonde avec les formes du dessin. Le livre-objet
graphié, est présent sur l'icône aussi bien que était né, rejetant toute illustration au profit
sur l'image populaire xylographiée (loubok), d'une composition picturale d'ensemble où les
sur les enseignes des boutiques, sur les carreaux lettres du texte jouent un rôle structurant.
de faïence, sur les broderies ou les rouets À Moscou, les deux Salons organi és, en 1908
(œuvres auxquelles se réfèrent constamment les et 1909, par la revue La Toison d'Or (Zolotoié
néo-primitivistes russes ~), et il a une fonction Rouno), qui confrontaient Larionov, Natalia
autant ornementale et compositionnelle Gontcharova, Kouznetsov et Sariane à Cézanne,
qu'explicative. L'usage des phylactères, des Van Gogh, Signac, Renoir, Matisse, Braque, etc. 21
légende , des textes scripturaires, peints sur le avaient vu le triomphe d'un impressionnisme
quadrilatère du Livre (la Bible, l'Évangile), russe vraiment original, celui de Natalia Gontcha-
coexiste avec la peinture-écriture cursive, libre, rova et surtout de Larionov, dont Nikolaï Khar-
calligraphique, qui entre dans la composition djiev, après Pounine ', a écrit qu'il était le repré-
d'ensemble de la surface picturale. (Faut-il rap- sentant le plus important de l'impressionnisme en
peler que ces œuvres, regardées par le peuple Russie. Dans sa série des « Baigneuses », des
ou destinées à son environnement, ne pouvaient «Jardins», des« Fleurs», Larionov n'imite pas
être déchiffrées sous leur forme écrite que par tel ou tel impressionniste français, mais il tire
une infime partie des utilisateurs et restaient d'œuvres comme celles de Turner, de Monet,
encore, pour la plupart, « privées de sens » ?) voire de Signac l'idée de la dilution de l'objet
En réalité, Larionov, avant les recherches déli- dans de la peinture pulvéri ée et l'adapte à son
bérées du cubisme analytique, avait trouvé dans go0t primitiviste qui perce déjà .
M. Larionov, « Les Saisons ». la tradition de l'art populaire l'utilisation de la C'est au troisième Salon de La Toison d'Or
En haut, de gauche à droite :
peinture-écriture comme geste de tracement. (27 décembre 1910-31 janvier 1911) que le néo-
Le Printemps, 1912. H/t, 142 x 118 cm.
Moscou, Galerie nationale Trétiakov. C'était affirmer que l'écriture peinte (gestuali- primitivisme s'affirme, dans des œuvres qui met-
L'Eté, 1912. H/t, 138 x 117 cm. coll. part. sation d'une nécessité mentale) a une valeur tent l'anti-perspectivisme, le laconisme et les
En bas de gauche à droite : picturale égale à l'objet peint désigné par l'écri- contrastes colorés au service d'une thématique
L'Hiver, 1912.
ture. Il y a autant d'énergie picturale dans le populaire. Voici quelques titres témoignant des
H/t, 100 x 122,3. Moscou, Galerie nationale Trétiakov.
L'Automne, 1912. tracé du nom de l'objet que dans le tracé de cet nouveaux thèmes : Plantation de pommes de
H/t, 136 x 115 cm, Paris, MNAM. objet lui-même. terre, Fenaison, Cueillette de pommes de Natalia

28 29
L'AVANT-GARDE RUSSE LE NÉO-PRIMITIVISME

Gontcharova; Le Matin d'un ouvrier, Portrait Le peintre Liev Bakst écrivait en 1909 : « Ce « canon du dessin libre, en opposition au canon prendre que dans le contexte géographique,
d'une élégante de proliince, Promenade dans une sont précisément les esthètes qui ont préparé le académique qui comprend le dessin comme une économique, historique, idéologique et philoso-
ville de province, Pétrisseurs, Ivrognes, Danseurs terrain au goftt nouveau, lequel, sans rien mesure définie », donne pour exemple les des- phique de l'Empire russe. Nous avons beau
de Larionov. Certes les nouvelles formes pictu- demander à personne, sans savoir manier l'his- sins d'enfants (il cite, entre autres, la série des déclarer que l'opposition de l'Orient et de
rales étaient encore noyées dans un ensemble où toire de l'art, marche impérieusement dans une « Soldats » de Larionov, dont la poétique dérive l'Occident est arbitraire et factice, qu'un terri-
se côtoyaient le réalisme post-ambulant, un direction opposée à l'esthétisme délicat et raf- de ce dessin libre 32). Dans un texte admirable de toire est toujours l'orient d'un occident et vice-
médiocre impressionnisme ou l'alexandrinisme finé. Ce goftt nouveau, par contraste, selon la loi 1919, La Perspective inversée, le père Pavie) Flo- versa, et cela à quelque point du globe que l'on
symboliste et modern-style 24 • Lors de cette expo- de la mode, recherche la simplicité et le sérieux. renski résumera toutes les observations faites sur soit, nous ne pouvons faire fi des mythes latents
sition, on montra aussi des œuvres populaires Ce goftt recherche une forme inusitée, primitive les dessins d'enfants, qu'il prend comme qui tissent le conscient et le subconscient collec-
(dentelles, loubok, icônes, gâteaux ornés d'ara- (la voie par laquelle commencent toujours les exemple probant de non-perspective en opposi- tif des nations. La Russie est, par excellence,
besques 2~ • grandes écoles), le style grossier, lapidaire, la tion à la perspective linéaire renaissante. une terre eurasienne et il est normal qu'au cours
Chez Larionov, l'intégration sur la surface du table campagnarde [... ] le gros quignon de pain « Puisque la pensée enfantine n'est pas une pen- de son histoire, elle ait oscillé entre ces deux
tableau de l'écriture à la main sous la forme de assaisonné de sel [... ]. La peinture de l'avenir sée déficiente, mais un type particulier de pen- pôles d'attraction, tendant quelquefois davan-
graffiti est, nous l'avons vu, l'affirmation de la commencera par la haine de la peinture sée, qui peut en outre avoir tous les degrés de tage vers l'Occident (Pierre 1er, les civilisateur
liberté vivante du trait, du geste de tracement en ancienne ; de la sorte, elle fera naître une autre perfection, jusques et y compris le génie, et qui du xvmc siècle) tandis que, à d'autres moments,
tant que geste pictural fondamental 26 • La génération de peintres, dans son amour pour la est même le plus souvent apparenté au génie, il elle rechercha plutôt les sources spécifiquement
luxueuse revue d'art La Toison d'Or (1906- voie nouvelle qui s'ouvre à elle et qui ne nous faut admettre que la perspective inversée dans la orientales de sa culture (la Moscovie d'avant
1909) - qui fut l'organisatrice de ces trois Salons est connue qu'à moitié, nous effraie et nous est repré entation du monde n'est pas simplement Pierre 1er, les lavophiles du XIXC siècle, une par-
et qui, de façon dominante, était l'organe du organiquement hostile 30• » une perspective linéaire non réalisée, qui n'est ni tie de l'avant-garde artistique des années dix du
symbolisme russe - ouvrit ses pages non seule- Dans ce même article, celui qui fut un des comprise ni étudiée à fond, mais précisément xxc siècle).
ment aux reproductions des peintres contempo- maîtres de Chagall à Saint-Pétersbourg attirait une approche originale du monde, dont il faut Khlebnikov sera au xxc siècle le porte-parole
rains russes (Vroubel, Bakst, Yakoulov, Sariane, l'attention sur les dessins d'enfants. Venant d'un tenir compte comme d'un procédé de représen- le plus éclatant de cette orientophilie qui n'est
etc.) et français (Gauguin, Matisse, Cézanne, peintre dont l'art était un des fleurons du « style tation indépendant et mftr. On peut le haïr, en pas le nationalisme d'une seule nation, mais
etc.) mais encore à des textes, important sur le moderne» (nom donné en Russie à l'Art nou- tant que procédé hostile, mais il ne faut en aucun celui de tout un continent psycho-géographique.
plan du concept, comme ceux de Maurice Denis veau), cette constatation prend tout son poids, cas en parler avec pitié ou condescendance".» C'est là que réside la différence fondamentale
ou de Matisse 27. Valentine Marcadé écrit à juste d'autant plus qu'elle est confirmée par la place avec le national-chauvinisme italien de Mari-
titre que « le public russe et surtout les jeunes que prend, en face du réalisme, du style moderne netti. La guerre de 1914 affermira la prise de
peintres étaient au fait de ce qui se passait et du ymbolisme, l'art inspiré par la création Orient-Occident conscience russe d'appartenir au bloc« scythe»
d'important en France dans le domaine esthé- populaire sous toutes ses formes. La passion opposé à l'envahi seur occidental 36.
tique et pictural. En cela, La Toison d'Or joua pour le dessin d'enfant est générale. Il y en avait De façon générale, les néo-primitivi te russes En collaboration avec le poète Bénédikt Liv-
un rôle comparable à celui des collections- au premier Salon de Vladimir lzdebski à Odessa, confrontent la tradition picturale académique chits et le compositeur Arthur Lourié, le peintre
musées de Chtchoukine et de Morozov 28• » en 1909-1910. Dans son almanach Le Studio des européenne à toutes les autres traditions, celles Yakoulov fait paraître, en 1914, un manifeste
impressionnistes (1910), Koulbine comparait la de l'Orient asiatique comme celles de tous les traduit en italien et en français : L'Occident et
beauté de l'art des enfants ou des hommes pré- arts populaire (de même qu'ils la confrontent nous. Apollinaire le publia dans le Mercure de
Primitivisme et dessins d'enfants hi toriques à celle des productions de la nature aussi, nous l'avons vu, à une autre expre ion, France du 16 avril 1914, avec pour tout commen-
(fleurs ou cristaux). Dans un article de 1910, à considérée jusqu'alors comme une curiosité taire une seule phrase ironique qui oulignait le
Il est évident que les jeunes forces qui vont se l'occasion de l'exposition L'Union de la Jeunesse amusante, celle des enfants ou des peintres caractère macaronique de la traduction fran-
grouper, à partir de 1910, autour du Valet de qu'il avait organi ée à Riga, Vladimir Markov, le naïfs). Un des premiers, Kandinsky mettra çaise. Les propositions de ce manifeste ont été
Carreau (Boubnovy Valiet) à Moscou (voir grand théoricien de l'art d'avant-garde russe, l'accent sur l'Orient comme ayant une « note inspirées par le peintre, selon le témoignage
p. 56) et de L'Union de la Jeunesse (Soyouz écrit qu'« on trouve la beauté là où on l'attend le intérieure », un son qui les unit, à l'occasion qu'en donne Livchits dans ses mémoires
Molodioji) à Saint-Péter bourg (voir p. 77) ne moins. Elle se manifeste dans la caricature, le d'une exposition d'art bouddhiste à Saint- L 'Archer à un œil et demi. On a affaire ici à une
pouvaient accepter ce qui apparaissait désor- dessin d'enfant, le folklore et même dans les Pétersbourg au printemp 1910:14• Markov, par- attaque en règle contre l'Occident, qui est attiré
mais comme « pas éiste » ( ce néologisme fut enseignes de rue, où sont inconsciemment réso- lant de la même expo ition, y voit la manifesta- par l'Orient mais est incapable organiquement
introduit par les futuristes italiens, et plus parti- lus les problèmes de la couleur - et il est difficile tion de la sensibilité mystique, de cet Orient de le comprendre. D'après ce texte,« tout l'art
culièrement par Marinetti dont le « manifeste de trouver quelque chose de plus raffiné 31 ». (Assyrie, Égypte, Inde, pays arabes, Japon)« où de l'Europe est territorial », c'est-à-dire limité
futuriste » avait paru dans Le Figaro le Dans sa conférence du 12 février 1912 intitu- sont nées tant de religions"». dans l'espace géographique, alors que l'art doit
20 février 1909 et qui donna les impulsions déci- lée « Le cubisme » et donnée dans le cadre du Le problème Orient-Occident est typique- être fondé sur des éléments comiques. « L'art
sives à l'art russe 3 ). Valet de Carreau, David Bourlieuk, parlant du ment un problème russe que l'on ne peut corn- de l'Occident est l'incarnation de la conception

30 31
L'AVANT-GARDE RUSSE

du monde géométrique, conception se dirigeant 1913 à Moscou, Natalia Gontcharova reprend et


de l'objet au sujet; l'art de l'Orient est l'incarna- développe les mêmes idées sur la supériorité et
tion de la conception du monde algébrique, la prééminence de l'Orient 39• On trouve, dans
conception se dirigeant du sujet à l'objet.» Pour les exposés d'Ilia Zdanévitch de cette époque, le
Yakoulov, l'art de l'Occident fait le chemin même refrain sur« l'engouement des impres-
inverse de l'art oriental véritable, puisqu'il part sionnistes pour les Japonais, des cubistes pour
du particulier pour arriver au général, alors que les Nègres et les Aztèques, les orphistes pour les
l'Orient part du général pour atteindre le parti- Chinois, etc. 40 ».
culier. Nous pouvons confirmer cette interpréta-
tion par un autre texte du peintre:« Je suis allé
de l'Orient à l'Occident, alors que les Européens Le primitif populaire
sont allés de l'Occident vers l'Orient. Je suis
parti du tapis-ornement pour arriver à l'expres- La Russie a un des arts populaires les plus riches
sion figurative d'un thème, alors que les Euro- du monde. Les coloris fastueux, les motifs géo-
péens sont partis d'une forme illustrative pour métriques, schématiques ou naïfs, la stylisation
arriver à une ornementation non-figurative. » Il s'étalent sur les broderies, les tapisseries, les
est significatif pour Yakoulov qu'il ait signé ce sculptures, sur les objets en bois, les jouets,
manifeste avec un compositeur et un poète et l'imagerie profane et religieuse, les moulages de
non pas avec des peintres comme Larionov et pain d'épice, divers ustensiles de la vie quoti-
Natalia Gontcharova, dont les positions anti- dienne ... L'emprunt fait à l'Orient n'est pas une
occidentalistes sont bien connues. Il faut repla- imitation servile mais, comme l'a écrit finement
cer L'Occident et nous dans le contexte histo- Tugendhold, « une consonance de l'âme orien-
rique de l'année 1914, quand la visite de tale et slave 41 ».
Marinetti en Russie mit sens dessus dessous la Le retour à la « tradition collective », au
vie artistique des deux capitales. C'est l'époque « mythe national » réside aussi dans le renouvel-
des« réponse à Marinetti», des proclamations lement des formes et de la picturalité : le laco-
provocantes et des manifestations où la majorité nisme dynamise l'expression, l'apparente gau-
des artistes russes rejetaient tout lien de parenté cherie traduit la liberté créatrice originelle,
avec le futurisme italien. l'esprit de synthèse force à aller au-delà des
La Russie, entre 1907 et 1917, est ressentie apparences pour saisir le tout. Tugendhold rap-
par tous les artistes de gauche comme « une par- pelle qu'en Russie, c'est « à la fin du XIXC siècle,
M. Larionov. le Cochon bleu. c. 1909. H/t. 65 x 75 cm. Paris. MNAM.
tie organique de l'Orient 37 ». En mars 1913, avec l'éclosion de la conscience nationale, qu'on
Larionov écrivait à un membre éminent de son a commencé à étudier les trésors de la création
groupe, le peintre Le Dentu, à propos du débat populaire semés dans les profondeurs de la Rus-
« L'Orient, le caractère national et l'Occident, sie paysanne 42 ».
Musique, Théâtre, Peinture » qui devait avoir L'art paysan a, effectivement, attiré plusieurs
lieu le 23 mars à Moscou dans le cadre de La artistes de la fin du x1xc siècle et du début du
Cible : « Notre thème est le suivant : pour xxc dans les centres d' Abramtsévo près de Mos-
l'Orient et l'esprit national (natsionalnost) cou et de Talachkino près de Smolensk 43 • L'un
contre l'esprit d'épigones de l'Occident, et dans d'entre eux, Maria Yakountchikova, organisa la
des paragraphes séparés : les traditions en art, la section de l'art appliqué koustari (artisans) de
russification des formes occidentales. L'Orient l'Empire russe lors de l'Exposition universelle
inspire l'Occident (le Japon et l'impression- de 1900 à Paris. Cette exposition marqua le
nisme, la Chine et la Mongolie, les Nègres et le triomphe du « style russe ». Les objets étaient
cubisme), nous pouvons entretenir des rapports présentés dans un ensemble architectural conçu
avec l'Orient directement et non par l'intermé- par K.A. Korovine et A. Golovine. Une église,
diaire de l'Occident . » Dans la préface au cata- un térème (maison de boyard), une galerie et
logue de sa rétrospective qui se déroula en ao0t une izba avaient été construits dans le style du

32
M. Larionov. Vénus Katsape, 1912. H/t, 99,5 x 129,5 cm. Nijni-Novgorod, musée national d'Art.
N. Gontcharova, Femmes lavant, c. 1910. H/t .. 73 x 103 cm. Saint-Pétersbourg, MNR.
N. Gontcharova, Moisson, 1911. H/t, 100 x 93 cm. Omsk, musée des Beaux-Arts.

M. Larionov. Pastorale, 1911. Gouache et huile sur papier, 67,5 98,5 cm. Paris, MNAM.

Il Ill
M. Larionov. Le Boulanger, 1909. H/t, 107 x 102 cm. Madrid, fondation Thyssen-Bornemisza.

M. Larionov, Élégante de province, 1907. H/t, 94 x 67 cm. Kazan, musée des Beaux-Arts de la République du Tatarstan.

IV V
M. Chagall, Les Soldats, 1912. Gouache sur bois. 38 x 32,5 cm. Coll. part.

N. Gontcharova, Les Porteuses de raisin. 1911. H/t, 130,5 x 101 cm. Paris, MNAM.

VII
VI
LE NÉO-PRIMITIVISME

xv1r siècle russe, avec sa profusion d'ornemen- prosphores (pains servant à l'Eucharistie ], les
tations sculptées. Dans l'église étaient montrés croix et (les] vieilles enseignes » : « Ici il y a tant
des objets du culte, des vêtements liturgiques de nouveau, un nouveau qui n'a été touché par
(travail des paysans et des moniales), des personne. » Bobrov rejette la stylisation - le
icônes, des croix ; dans le térème, on exposait style « à la russe » - et dit que les artistes nova-
les somptueux costumes des boyards ; dans la teurs russes (il les appelle « les puristes ») ont
ga le rie , il y avait une collection de tissus intériorisé les valeurs plastiques et spirituelles
anciens, de vêtements et de coiffures ; enfin, que ces objets populaires contiennent, « sont
l'izba était meublée par les objets usuels et par entrés dans leur âme 48 ».
la production artisanale des paysans qui, pen- Dans une lettre du 13 février 1912 adressée au
dant l'hiver, fabriquaient des jouets, des usten- journal Le Mot russe (Rousskoié slovo) (qui ne
siles de toute sorte, des dentelles, des fichus la publia pas), Natalia Gontcharova, se faisant
d'Orenburg (en laine de duvet de cygne), etc. 44 l'interprète du groupe de La Queue d'Âne, écri-
Dans un des pavillons, K.A. Korovine avait vait:« Le cubisme n'est pas une mauvaise chose
suspendu ses propres œuvres qui, en ce tournant en soi, bien qu'il ne soit pas un phénomène tout
de siècle, témoignaient de l'influence encore à fait nouveau, surtout en Russie. C'est dans ce
timide de l'impressionni me sur le sol russe. Un style que les Scythes de bienheureuse mémoire
critique notait que cette peinture « donne, sans exécutaient leurs kamiennye baby, que sont ven-
doute à cause de la nouvelle tendance de son dues dans nos marchés des poupées de bois
style, matière à de nombreuse controverses 45 ». d'une étonnante beauté"9• » L'année 1912 voit
M. Siniakova. Éve. 1916. Aquarelle sur papier. 30 x 21 cm. Il y eut, à propos des artistes russes expo és, des aussi la parution de l'article de Vladimir Mar-
Coll. part.
critiques visant surtout les sculptures d' Anto- kov, « Principes du nouvel art », qui est un jalon
kolski et l'architecture russe,« absente à l'Expo- important dans la formation de l'art de gauche S(I.
sition universelle : sauf une mauvaise copie du « Si la forme, la ligne, la couleur, le relief, l'éclai-
Kremlin moscovite, les architectes russes n'ont rage se libèrent de la science, de l'anatomie, de
rien créé pour l'Expo ition universelle 46 ». la perspective et de la nature, s'ouvre alors tout
D è s la fin 1911, dans leur volonté de se un univers infini de nouvelles lignes, de nou-
démarquer des tendances picturales nettement velles couleurs, de nouvelles formes, en un mot,
occidentalistes de tout le groupe cézanniste un univers de nouvelles belles po ibilités [... ].
fauve du Valet de Carreau et de créer un art Les peuples anciens et l'Orient ne connais-
russe uniquement fondé sur ses sources orien- saient pas notre réflexion cientifique. Ils étaient
tales, Larionov et Natalia Gontcharova en comme des enfants chez qui la sensation et
appellent, dans la presse, au rassemblement de l'imagination dominaient sur la logique.
« l'art byzantin dont est plein la Russie » et C'étaient des enfants inintelligents, innocents,
demandent de préserver le patrimoine national qui de façon intuitive pénétraient l'univers de la
(icônes, loubki et autres témoignages de la créa- beauté, et que l'on ne pouvait acheter, ni par le
tion russe), car« l'importance de ces œuvres est réalisme, ni par les expériences scientifiques de
infiniment grande pour le futur de l'art russe» et la nature 51 • »
« en se privant des réalisations du passé, l'art
russe coupe ses propres racines"' ».
Lors du Congrès des artistes de toute la Rus- Le primitivi me russe à Munich et à Paris
sie à Saint-Pétersbourg en décembre 1911 (jan-
vier 1912, selon notre calendrier), là où fut lu Du À Munich, Kandinsky organise la première
Spirituel dans l'art (peinture) de Kandinsky, le expo ition de loubki russes à la galerie Golz, et
poète Sergueï Bobrov s'est extasié sur les« mer- l'almanach Der Blaue Reiter fait une large place
veilleuses icônes » russes, « les vieux loubki, les aux images populaires 52 • Il est en général peu
brode ries du Nord, les kammiennyié baby souligné combien le groupe Der Blaue Reiter
M. Siniakova Motifs ukrainien, c. 191" 1916. [bonnes femmes de pierre], les bas-reliefs sur les doit à l'expérience et à la pratique russes .
Aq uarelle sur papier, 35 22 cm. Coll. part.

VIII 33
L'AVANT-GARDE RUSSE
LE NÉO-PRIMITIVISME

émotions de nature « picturale » : « Dans ces


izbas extraordinaires j'ai été confronté pour la
première fois au miracle qui, par la suite, est
devenu un des éléments de mes travaux. Là, j'ai
appris non pas à regarder le tableau de
l'extérieur mais à moi-même évoluer dans le
tableau, à vivre en lui. Je me souviens avec
netteté de la façon dont je me suis arrêté, sur le
seuil, devant ce spectacle inattendu. La table, les
bancs, le poêle si important et énorme -. les
armoires, les buffets, tout cela était peint avec
des ornementations amples et bariolées. Sur les
murs - des loubki : un preux représenté
symboliquement, une bataille, une chanson
traduite en couleurs. Le coin rouge [ le "beau
coin"] était couvert d'icônes peintes ou
imprimées, et devant elles, une veilleuse brillait
dans des rougeoiements, telle une étoile discrète
et fière, pleine de chuchotements mystérieux,
V. Kandinsky, Saint Vladimir, 1911. Peinture sur verre, semblant avoir quelque connaissance à part soi,
29 x 25,6 cm. Munich, Lenbachhaus. semblant vivre à part soi. Quand je pénétrai
V. Kandinsky, Saint finalement dans la chambre, la peinture
Georges. 1911. Peinture
sur verre, 19 x 19,7 cm.
L'almanach lui-même est une variante plus m'encercla, et je pénétrai en elle. Depuis, ce
Munich, Lenbachhaus. fournie du catalogue du second Salon d'Izdebski sentiment vécu en moi inconsciemment, même
(Odessa, 1910). Non seulement Franz Marc si j'en ai eu l'expérience dans les églises de
considère Kandinsky et Jawlensky comme étant Moscou, particulièrement à la cathédrale de la
« les deux Russes » qui furent à Munich « les Dormition et à Saint-Basile-le-Bienheureux55. »
premiers et seuls représentants sérieux des En 1913, en pleine avant-garde, le Salon
nouvelles idées » mais, en outre, l'iconographie d'Automne accueille à Paris L'Art populaire
de l'almanach accorde une place importante à russe dans l'image, le jouet, le pain d'épice,
l'art populaire russe, aux côtés de l'art populaire exposition organisée par Nathalie Ehrenburg.
bavarois, allemand, chinois, africain, japonais, Les objets provenaient en partie des collections
brésilien, pascuan, précolombien, égyptien, de membres du Monde de l'Art (Bilibine,
polynésien, et des dessins d'enfants. Kandinsky Soudeïkine, Roerich, Tchékhonine ), mais aussi
avait été lui aussi marqué à jamais par sa des représentants de l'avant-garde (Koulbine,
découverte en 1888-1889 de la beauté artistique Alexandra Exter et surtout Larionov). Ce
de la tradition paysanne du nord de la Russie, dernier organisa, cette même année 1913, une
dans la région de Vologda. « La création importante exposition d'icônes et d'images
populaire le frappa par la richesse, l'originalité, populaires à Moscou. I. Ehrenburg, dans un
la diversité et le charme naïf des tissus bariolés, article publié à Paris sur cette exposition, cite la
des vêtements brodés, des coiffes, des objets en Lettre sur l'art de Benois sur « l'icône et l'art
bois, des ustensiles, de la vaisselle, des contemporain » en 1913, où le critique affirme
encadrements sculptés à l'extérieur des que, pour comprendre les cubistes, il faut passer
fenêtres ... Le moindre petit objet était travaillé par l'icône et que, pour comprendre l'icône, il
avec une telle invention que tout le cadre de la faut passer par le cubisme. Benois prévoit la
V. Kandinsky, Tous les
saints, I .1911. Peinture vie se trouvait transfiguré par l'arc-en-ciel irisé venue d'une nouvelle Renaissance dans la
sur verre, 34,5 x 40,5 cm. du génie populaire ·. » Kandinsky a dit avoir fusion du byzantinisme et des recherches
Munich, Lenbachhaus. éprouvé, dans ce milieu paysan, les premières modernes .

34
35
L'AVANT-GARDE RUSSE
LE NÉO-PRIMITIVISME

Gauguin : la recherche de la simplification


et de la synthèse

La préface de Tugendhold au catalogue du


Salon d' Automne de 1913 est tout d'abord un
hommage à Gauguin. Pour le critique russe,
« l'amour du folklore est devenu un facteur de
progrès artistique ». Chez Gauguin, le retour
aux sources populaires artistiques bretonnes ou
maories, aux jouets enfantins, aux images d'Épi-
nal sont le renouvellement de l'art par la joie, le
jeu, la mise en scène de la vie (Gauguin mar-
chant à Paris en sabots sculptés par lui-même et
en jersey bleu marine décoré et brodé de dessins
bretons annonce le dandysme à l'envers des
futuristes russes à la recherche d'une interpréta-
tion de l'art et de la vie entre 1910 et 1914).
Tugendhold note le caractère anti-individualiste
du retour de l'avant-garde à l'art primitiviste
sous toutes ses formes. Selon lui, Gauguin
« cherchait, à travers leur pauvre apparence
enfantine, dans le plus petit bibelot primitif,
dans l'art le plus anonyme, les racines du grand
art, du style. Les calvaires bretons, les ara- P. Gauguin, Te avae no Maria, 1899. H/t, 94 x 72 cm.
besques maories et l'imagerie d'Épinal lui ont Saint-Pétersbourg, musée de l'Ermitage.
enseigné la simplification et la synthèse, au
même titre que les dadas puérils - car l'art de kunstwerk (œuvre d'art totale). Évidemment, les
l'enfant et l'art du peuple se ressemblent non acceptions de la synthè e sont aussi diverses que
seulement par leur gaucherie, mais aussi par le sont les courants qui s'en réclament. Leur
leur langue laconique et leur esprit de syn- dénominateur commun est la visée de la totalité,
thèse ». De son côté, Malévitch affirmera en de l'intégrité.
1916: « Gauguin, qui a fui la culture pour aller Il suffit de comparer Te avae no Maria de
chez les sauvages et qui a trouvé chez les primi- Gauguin, qui se trouvait dans la collection Cht-
tifs plus de liberté que dans l'académisme, se choukine (aujourd'hui à l'Ermitage) avec, par
trouvait soumis à la raison intuitive. Il cherchait exemple, les quatre panneaux de la Récolte des
quelque chose de simple, de courbe, de grossier. fruits (1908) de Natalia Gontcharova pour com-
C'était la recherche de la volonté créative. Ne prendre ce que l'artiste russe doit à Gauguin,
pas peindre à aucun prix comme voit l'œil du non seulement au niveau des coloris (la gamme
bon sens 57 • ~ jaune-verte-bleue en particulier) mais surtout au
Parmi les descendants de Gauguin, la pre- niveau de la composition, avec sa acralisation
mière « gauguinide » (c'est l'expression du toute nabie du travail paysan, la repré entation
temps) est Natalia Gontcharova. Gauguin attire « égyptienne » de profil, le grossissement des
les primitivi tes russes non seulement parce qu'il pieds et des mains (qui se retrouvera constam-
a fui l'Europe bourgeoise pour des continents à ment par la suite dans l'art russe, surtout chez
la civilisation archaïque, mais aussi à cause de sa Malévitch). Si la tonalité de ces quatre compo i-
recherche d'un art synthétique. Ce terme « syn- lions est à dominante gauguinienne, les élé-
thèse » est le maître-mot des arts européens ments « russes » y sont cependant très nets.
depuis que Wagner a lancé l'idée du Gesamt- D'abord, l'héritage de Borissov-Moussatov, N. Gontcharova, La Récolte des fruits, 1907-1909. H/t., Saint-Pétersbourg, MNR.

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L'AVANT-GARDE RUSSE LE NÉO-PRIMITIVISME

dont Diaghilev avait fait une célèbre rétrospec- quelque niveau que ce soit, qui n'ont pas utilisé faire pousser les cheveux. Ils peignent les soldats
tive posthume en 1906 à Saint-Pétersbourg . Le la perspective linéaire, considérée comme plus avec du goudron, de la crasse, du pétrole, etc.
format allongé, le style des fresques, un certain « vraie » à partir des théoriciens de la Renais- C'est ainsi qu'ils parviennent à rendre l'arôme
côté« gobelin», l'encadrement très amplement sance, n'étaient pas pour autant malhabiles et des objets représentés 63 • »
décoratif des frondaisons, se ressentent encore frustres.
de la poétique de Borissov-Moussatov. Mais Comme l'écrit le père Paviel Florenski :
tout est transformé ici par la note typiquement « Dans l'histoire, aux périodes de création artis- La structure primitiviste et l'art de gauche
gontcharovienne : ce qui pourrait passer pour du tique où on n'observe pas d'utilisation de la
fauvisme est, en fait, l'apport de l'art populaire perspective, les créateurs des arts figuratifs L'influence des arts primitivistes (du « primitif»,
russe et se caractérise par la vivacité des coloris, « savaient » mais ne voulaient pas l'utiliser, ou comme l'appelle la terminologie russe) - dont
inédits dans la peinture occidentale (associations plus exactement, ils voulaient utiliser un prin- l'art populaire russe est la partie la plus impor-
de mauves et de bleus, de roses vifs et de mar- cipe de représentation autre que la perspective, tante - sur l'art russe du premier quart du
rons). Ajoutons le goOt pour le décorativisme et cela parce que le génie de l'époque compre- xxc siècle a été générale. Il n'y a pas une œuvre,
des robes et des blouses. nait et ressentait le monde d'une manière qui à partir de 1909-1910, qui n'en soit peu ou prou
intégrait ce procédé de représentation de façon marquée.
immanente 60• » Cependant, cette influence ne va pas dans un
Le loubok et le rejet de la perspective C'est aussi à l'exposition de La Cible de 1913 seul sens. Il est évident que les traces éclatantes
« scientifique » que fut révélé le peintre naïf géorgien Pirosma- de l'art populaire chez des peintres-chroni-
nachvili, découvert par les frères Kirill et Ilia queurs comme Maliavine, Youone, Koustodiev,
Larionov montra, en 1913, dans le cadre de La Zdanévitch et le peintre Le Den tu 61 • voire Boris Grigoriev, ou bien encore chez les
M. Chagall, Le Soldat boit, 1912. H/t, 109,lx 94,5 cm.
Cible, les dessins d'enfants de la collection I.D. Alexandre Chevtchenko formula les thèses du New York, musée Solomon R. Guggenheim. peintres cézannistes du Valet de Carreau
Vinogradov à côté des enseignes de la Deuxième groupe dans sa brochure Le éoprimitivisme, sa comme Kontchalovski, Machkov, Kouprine ... ,
Corporation des peintres d'enseignes, et il orga- théorie, ses possibilité , ses réalisations 62 : rejet de du quotidien le plus banal, le plus « vulgaire » : ont une autre signification que chez Larionov,
nisa sa célèbre exposition Icônes anciennes et l'imitation mimétique de la nature, de la pers- « Je considère d'un intérêt profond ce qu'à pré- Natalia Gontcharova, Malévitch, hagall, Tat-
loubok 59• Dans la préface au catalogue de cette pective renaissante, du raffinement et du lyrisme sent on appelle la trivialité (pochlo t) petite- line, voire Filonov. Chez les premiers, il s'agit
exposition, il écrivit entre autres : « Les subjectifs ; autonomie des éléments représentés bourgeoi e, parce qu'elle n'a pas été entamée de rendre de façon pittoresque et narrative la
contours du loubok sont très variés ; dans la sur la surface du tableau, objet vu de plusieurs par l'art des grosses têtes [on dirait aujourd'hui bigarrure des fêtes, des foires, des châles multi-
majorité des cas, l'objet parfaitement libre que côtés à la fois, schématisme. des « beaufs »], dont les pensées sont exclusive- colores aux couleurs vives et criardes, la cha-
l'on examine est tout entier dans divers plans, ment dirigées vers les hauteurs pour la seule rai- marrure des coupoles aux bulbes colorés, le
vus de divers points de vue portés sur un seul son qu'ils ne peuvent les atteindre et aussi parce débridement de la liesse populaire ou, au
tableau. C'est pour ainsi dire l'analyse primitive La trivialité des thèmes et des moyens que la trivialité petite-bourgeoise domine contraire - chez Boris Grigoriev par exemple -,
de l'objet de plu ieurs points de vue, car par lui- aujourd'hui et caractérise l'époque contempo- toute la sauvagerie profonde du mode de vie de
même l'objet est inde tructible, mais c'est seule- Nous avons déjà noté que, iconographiquement raine - il n'y a pas à la craindre - elle peut tout à
ment sur une surface plane qu'il est disposé
V. Tatline, Le Marchand de poissons, 1911. H/t, n x 99 cm.
- en oppo ition avec les thèmes évanescents des fait être l'objet de soins arti tiques. » La bruta- Moscou, Galerie nationale Trétiakov.
dans des positions diverses. » peintres symbolistes de La Rose Bleue ou des lité de la texture, l'hyperboli me des formes (le
Ce qui fait la différence des peintres russes de préciosités raffinées du Monde de l' Art -, les mimétisme est remplacé par l'expre ivité), les
l'avant-garde avec les peintres occidentaux, expositions de La Guirlande (Viénok-Stepha- graffitis parfois scatologiques dans le néo-primi-
même quand ils ont pu leur emprunter plusieur nos ), du Maillon ou des deux Salons de La Toi- tivisme de Larionov provoqueront en 1912 ces
principes plastiques, ce qui rend totalement son d'Or (Moscou, 1908 et 1909) présentaient remarques du poète Maximiliane Volochine,
insolite leur art dans le concert de la peinture toute une thématique provinciale, tout un proche du symboli me :
européenne, c'est précisément que la structure monde de paysans, de petits artisans, de « On observe chez tous les participants de La
de base de leur tableau a été l'image populaire « petites gens ». La trivialité des sujets tirés de la Queue d 'Âne une passion particulière pour la
(le loubok) qui ignore la tradition « cultivée » vie quotidienne la plus humble avait choqué, repré entation de la vie des soldats, pour les
des ateliers professionnel et trouve, en dehors mais, plus encore, la liberté du trait qui ne cher- camps militaires, les coiffeurs, les prostituée et
des règles, à travers son apparente malhabileté, chait pas à imiter le réel mais visait l'e pres ivité les pédicures. Ils s'efforcent d'emprunter leurs
un rythme expressif intense, parce que plus maximale. couleurs aux objets qu'ils représentent : ils pei-
immédiat (plus près du geste ou de l'intonation En 1913, Natalia Gontcharova revendique, gnent les coiffeurs avec du rouge à lèvre, des
orale). Il est clair que tous les créateurs, à contre l'Occident « nivellateur », une esthétique fixateurs de la brillantine et des lotions pour

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L'AVANT-GARDE RUSSE LE NÉO-PRIMITIVISME

la Rasséïa, la « Russie des instincts ». Chez les Les peintres russes de l'avant-garde - et c'est
peintres du Valet de Carreau, l'élément décora- là ce qui donne un caractère totalement inédit à
tif des plateaux fleuris, des nappes, des motifs leur création dans le concert de l'art européen -
ornementaux permet de donner l'originalité partent des dissonances, des« grimaces» de l'art
russe à une structure de base cézanniste et à primitif, lesquelles « forcent » les contours ou les
une couleur fauve-expressionniste. Dans ces couleurs de la peinture d'école à se transformer.
deux cas - narratifs et décoratifs - l'élément pri- Alors que toute la civilisation européenne
mitiviste est une composante extérieure, insérée voyait le triomphe du capitalisme se concrétiser
dans la composition du tableau qui conserve le dans une culture urbaine (la culture ne serait le
statut de la peinture de chevalet telle qu'elle est fait que de la ville, selon Henri Lefebvre) - ce
transmise par l'académie européenne dans son qui fut saisi comme réalité par le futurisme,
ensemble. mouvement qui domine ce siècle et se projette
De la même façon, à la même époque en sur le :xx1e sans perdre de sa véhémence , l'art
France, on a intégré - à un niveau d'incandes- russe se place, dès le début, avec le néo-primiti-
cence que n'ont pas atteint, malgré leurs visme, dans la modernité la plus radicale en met-
mérites, les cézannistes fauves du Valet de Car- tant au premier plan une culture de la province
reau - les données de l'art africain, ibérique ou et de la campagne. L'exemple de l'avant-garde
polynésien à une structure cézannienne. Picasso russe dément les paradoxes de Jean Clair affir-
et Braque ont fait servir les principes plastiques mant à propos de son exposition Civilisation
iconographiques des arts primitifs à la mise à urbaine et époques en équilibres instables
mal du système de représentation, sans changer (Montréal, 1991) : « La culture naît, se déve-
V. Tatline, Le Marchand de poissons, c. 1911. fondamentalement la tradition civilisée du loppe dans les métropoles, pas dans les déserts
Aquarelle. Localisation inconnue. Enseigne pour un magasin de pain et légumes, 1910.
tableau de chevalet. Le choc vient des « gri- Huile sur fer, 124 x 98 em. Saint-Pétersbourg, MNR. ni les monastères 64 • » Le futurisme vient en Rus-
maces» d'un art sauvage qui« déparent» l'har- sie se heurter au substrat dominant de la culture
monie des structures traditionnelles. des campagnes, véhiculée à travers les foires et
sur les routes de l'Empire où cheminent (wan-
K. Malévitch, L'Homme au sac, 1911. Gouache, K. Malévitch, Le Jardinier, 1911. Gouache, 91 x 70 cm. dem, dirait-on en allemand) les korobeïniki (les
88 x 71 cm. Amsterdam, Stedelijk Museum. Amsterdam, Stedelijk Museum. N. Gontcharova, La Marchande de pain, 1912. H/t, colporteurs) et toutes sortes d'errants allant de
99 x 85,5 cm. Paris, MNAM.
monastère en monastère, porteurs de toute une
culture orale de légendes et d'histoires saintes
dans les izbas grand-russiennes, les khatas ukrai-
niennes et au-delà des régions slaves.

I. Machkov, Nature morte au pain, 1912. H/t,


105 x 133 cm. Saint-Pétersbourg, MNR.

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LE NÉO-PRIMITIVISME
L'AVANT-GARDE RUSSE

Malévitch démontre magistralement par son mitiviste de Larionov n'est-elle pas fondamenta-
œuvre entre 1911 et 1914 cette collision entre lement, elle aussi, une poétique du loubok (ses
culture paysanne et culture urbaine. La Récolte cycles de scènes provinciales ou campagnardes),
de seigle ou Le Bacheron sont la mise en géo- des arts populaires bessarabiens-ukrainiens (les
métrie de la nature selon Cézanne, mais pous- carreaux de faïence et les kilims) et de l'ensei-
sée à son maximum, avec une couleur métal- gne (sa série des « Coiffeurs », des « Vénus »,
lique : le résultat est un loubok cubo-futuriste. des « Saisons » ).
Là gît la différence capitale avec Léger, dont la
poétique semble pourtant si proche. Les œuvres
de Malévitch font encore partie de la culture L'en eigne de boutique
paysanne sur laquelle sont venus se greffer les
éléments de la culture futuriste industrielle. L'attention portée à l'enseigne par les peintres,
Prenons encore le Portrait perfectionné d'lvan en particulier les peintres novateurs, pendant les
Vassiliévitch Kliounkov, où tout est construit vingt première années du XX" siècle tient à des
comme une architecture (ici est en germe le raisons thématiques évidentes pour l'esthétique
futur constructivisme des années vingt), où sont néo-primitiviste. Elle tient aussi à des raisons
confrontées les civilisations du bois, de la pierre technique et formelles : « Maîtrisant parfaite-
et du métal: ce qui domine, c'est le rondin des ment le côté artisanal du travail, les fabricateurs
izbas que la scie du constructeur découpe pictu- d'enseignes (vyviésotchniki) comprenaient
ralemen t et sur lequel s'articulent, ou plutôt mieux que les peintres profe sionnels les pro-
auxquelles s'adaptent les formes cylindriques priétés des couleurs, le degré de poli (gladkost)
métalliques. L'œil traité selon le principe plas- et de tran parence des pigment , des laques, des
tique du sdvig (décalage, déplacement) vient combinaisons, des mélanges et aussi leur résis-
tout droit de la peinture d'icônes (née dans le tance à la lumière et à l'humidité 65 • » Il faut pen-
milieu monastique). Et les tableaux les plus ser également à l'état pitoyable de l'en eigne-
futuristes de Natalia Gontcharova (Le Vélocipé- ment académique de la peinture à la fin du XIX"
diste ou la monumentale Nature morte au jam- et au début du XX" siècle 66•
I. Pougny, Le Coiffeur, c. 1912. H/t,
bon) ne sont-ils pas des enseignes, des panneaux Mais il y avait encore une raison d'ordre sen- 83 x 65 cm. Paris, MNAM.
où l'élément décoratif-expre sif est au premier sible, voir sensualiste, qui explique l'attirance
plan ? Cela au même titre que des œuvres issues E. T. Filippov, enseigne de fourreur, 1910.
des jeunes peintres novateurs pour les enseigne
Huile sur fer, 220 x 71 cm.
directement des enseignes de maga ins, comme après 1907. Voici le récit d'un voyageur français aint-Pétersbourg, MNR.
La Marchande de pains. Toute l'œuvre néo-pri- arrivant à Saint-Pétersbourg en 1892. Il note que

M. Larionov, Vénus, 1912. H/t, 68 x 85,5 cm. M. Larionov, Vénus, 1912. Tempera sur toile,
Saint-Pétersbourg, MNR. 56 x 73,5 cm. Cologne, musée Ludwig.

E. T. Ivanov, enseigne de boucher, 1910.


Huile sur fer, 249 x 97 cm.
aint-Pétersbourg, MNR.

K. Malévitch, La Vache et le Violon, 1913.


H/t, 48 x 25 cm. aint-Pétersbourg, MNR.

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L'AVANT-GARDE RUSSE LE NÉO-PRIMITIVISME

« l'impre ion de solitude que l'on ressent tou- Cet insipide début du xxc siècle a perdu le l'unique issue. Avec l'alphabétisation, nous ne
jours aussi loin de la patrie[ ... ] s'accroît, en Rus- goOt des objets et a créé un réalisme photogra- sommes pas loin de la disparition de l'enseigne.
sie, [... ] par l'usage d'une langue écrite dont les phique et stéréoscopique. De l'œil humain Il est temps de la collectionner ! L'enseigne
caractères sont de véritables hiéroglyphes pour vivant il fit un verre d'objectif. (quelle richesse de sujets!) est un document his-
nous. Ces caractères, bien qu'empruntés pour la La substance émotionnelle de Pirosmanach- torique! »
plupart à l'alphabet latin et à l'alphabet grec, vili est faite de diverses sensations qu'il transmet Et Ilia Zdanévitch, dans sa monographie de
donnent néanmoins une allure singulièrement par le truchement de l'art pictural. Il sent le goOt 1913 sur Mikhaïl Larionov et Natalia Gontcha-
exotique et mystérieuse à tout ce qu'ils revêtent. du radis et le rend de telle sorte qu'on le savoure rova, renchérissait : « Après une longue somno-
Les Russes comprennent bien eux-mêmes en le voyant. Il voit un âne avec sa charge de lence et la longue suprématie d'un éclectisme à
combien ces lettres nouvelles doivent troubler bois et ressent manifestement la joie à l'idée bon marché à la fin du x1xc siècle dans les villes
les Européens des autres races qui viennent leur qu'il aura du bois de la chaleur et du plaisir et il russes, les peintres russ~s ayant perdu toute
rendre visite. Aussi les boutiques qu'elles sur- représente ce bois à l'aide du pinceau avec science, tout métier, l'apparition de Larionov,
montent sont-elles revêtues d'emblèmes qui ne lequel les Parisiens savent imiter la fourrure ; le disciple admirable des Français, peintre infati-
permettent pas au consommateur d'en ignorer la spectateur ressent la nature, la qualité, le poids gable, audacieux et fort, sembla à la fois inatten-
destination. Sur les murs des boucheries, c'est de ce bois".» due et opportune (... ]. Il serait faux d'affirmer
un panorama de gras pâturages où folâtrent des Notons ce que disait au même moment Pou- qu'il ne se forma qu'à l'école des maîtres fran-
bœufs peu prévoyants et d'inconscients gny : « La majorité des enseignes sont peintes çais et italiens et n'eut d'affinités qu'avec eux.
agneaux; sur ceux des charcuteries, ce sont des sur bois ou sur fer, l'une et l'autre chose, étant Une autre source de son œuvre fut l'art des
chapelets de cervelas, des pyramide de saucis- comme un fond couvert de couleurs, donne une enseignes et des peintures murales folkloriques
sons, des hures transformées en mosaïques, des sensation très spécifique et extrêmement pondé- exécutées par divers génies ignorés, art d'une
jambons semblant d'énormes virgules, des pâtés rale, la sensation de je ne sais quelle palpabilité grande valeur que nous serions tentés d'appeler
qui s'éventrent sur des tranches blanches et (nous sentons très bien la couleur collante qui provincial, car cet art est caractéristique des pro-
M. Larionov, Le Printemps, 1912. H/t, 86,5 x 68,2 cm. vinces russes et constitue une ynthè e des goOts
roses, tout un chapelet de mets pantagruéliques Paris, MNAM. s'est posée lourdement sur le fer), et cette sensa-
s'égrenant sur les cloisons et débordant jusque tion nous offre l'œuvre comme, avant tout, une populaires typiquement russes, auxquel s'ajou-
sur les larges volets des devantures. Ces fresques les frères Ilia et Kirill Zdanévitch grâce à surface plane, et ensuite comme une nature- tent quelque réminiscences citadines 75• »
d'une exécution naïve et qui rappellent mal les l'enseigne d'une taverne caucasienne de Tiflis 69• morte et un fond 72 • »
merveilles amoureuses de Pompéi étalent leur Les néo-primitivistes russes s'empre sèrent de La critique pa éiste, dont Benais fut le chef M. Larionov, L 'Automne plein de bonheur, c. 1910.
polychromie braillarde des deux côtés des rues. montrer les œuvres du peintre géorgien à l'expo- dans les années dix, s'in urgea contre cette pas- H/t, 136 x 115 cm. aint-Pétersbourg, MNR.
Les objets à vendre y sont quelquefois figurés sition moscovite de Larionov, La Cible, en 1913. sion des novateurs pour un art aussi peu noble.
d'un dessin insuffisamment clair, et, quand la Yakoulov rappelle que cette découverte de Rapportant la conférence que David Bourliouk
couleur ne les précise pas, peuvent donner lieu à Rousseau par Picasso ou de Pirosmani par consacra en novembre 1912 en grande partie à
des erreurs ingulières. Ainsi un de nos compa- Larionov et les frères Zdanévitch était une l'enseigne de boutique, Benais écrit:« D. Bour-
gnons, désirant acquérir une des pièces les plus recherche de « source d'air frais », et il conti- liouk a foudroyé avec une grande intrépidité les
intimes de la vie familière et les plus indi pen- nue : « La peinture russe, pendant la longue autorités et a avancé des propositions les unes
sables de la faïence domestique, entra droit dans période allant du Monde de l' Art à nos jours, plus "étrange " que les autres, s'efforçant de
une chapellerie 67 ». connaissait elle aussi les recherches intenses de toutes ses forces d'être audacieux, original, de
En 1909, la poéte e Éléna Gouro vante les ses modèles d'art naïf, primitif. Ces recherches ne pas compter avec les préjugés. Il a chanté
petits pains ronds sur les enseignes pains qui trouvèrent leur e pre ion dans toute une série l'enseigne russe, la comparant à la poésie popu-
ont« un goOt extraordinaire», sont« gros, ver- de dessins d'enfants, d'œuvres produites par des laire et s'est mis à défendre chaudement l'idée
meils : on peut faire un déjeuner avec chacun artisans de divers peuples, dans la transpo ition d'un musée national des enseignes 73 • » Dans un
d'eux. On a envie de les trancher, de les couper sur la scène du culte du jouet russe {par petit article, « L'art des koustari », Bourliouk
en tranches succulentes' . » exemple, Pétrouchka de Stravinsky). Ces déclare : « L'enseigne - l'enseigne russe - n'a
George Yakoulov, dans son beau texte sur recherches du primitif furent des recherches de pas d'analogie dans les cultures occidentales.
Niko Pirosmanachvili, l'« Henri Rousseau de cette "habileté des malhabiles" qui constitue le Notre analphabétisme populaire crasse (littéra-
Tiflis », raconte que le peintre naïf géorgien fut germe de tout art authentique ' 0 • » Mais, surtout, lement) l'a faite l'accessoire le plus indispen-
découvert - de la même manière que Picasso Yakoulov insiste sur le caractère sensualiste de sable des rapports entre le vendeur et l'acheteur.
découvrit le Douanier chez un brocanteur de la l'art de Pirosmani : « Lorsque Pirosmani dresse L'enseigne russe contient toutes les capacité du
rue des Martyrs - par les peintres Le Dentu et la table, il connaît le goOt des plats qu'il sert. génie populaire pour la peinture, elle a trouvé

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L'AVANT-GARDE RUSSE LE NÉO-PRIMITIVISME

tous les novateurs russes. On se souvient de ce


passage d'une des autobiographies de Malévitch
où il rapporte une des impr ion fortes de sa
jeunesse : « Je prêtai attention à un peintre en
bâtiment qui, peignant un toit, établissait le vert
comme les arbres, comme le ciel . »
D'ailleurs, l'échelle énigmatique que l'on
trouve parmi les objets hétéroclites du tableau
alogiste de Malévitch Un Anglais à Moscou
n'est-elle pas celle du peintre en bâtiment? Vic-
tor Chklovski, dans un texte sur Pougny, n'écrit-
il pas : « Sa longue échelle sur l'épaule, un Ci-dessus:
peintre en bâtiments déambule innocemment, V. Tatline. Fin de la navigation, 1912. Carte postale
mais l'échelle accroche les chapeaux des pas- lithographiée, 14 x 9 cm. Paris, documentation Leclanche-
Boulé.
sants, brise les vitres, arrête les tramways,
écorche les mains . » Et comment ne pas voir, Ci- contre:
V. Tatline, Marchand de poissons, 1912. Carte postale
dans la puissante lithographie de Tatline pour la lithographiée, 14 x 9 cm. Paris, documentation Leclanche-
poésie de David Bourliouk Coucher de soleil. Le Boulé.
peintre en bâtiment de son large pinceau ... , sous
Ci-dessous à gauche :
M. Larionov. Éllgant de province. 1907. H/t, 100 x 89 cm. la figuration du peintre en bâtiment, le portrait M. Larionov, Tête de soldat, 1912. Carte postale
Moscou, Galerie nationale Trétiakov. synthétique du peintre tout court ? lithographiée. 14 x 9 cm. Paris, documentation Leclanche-
L'Éiégant et )'Élégante de Larionov ont été Boulé.
Dans leur brillante étude sur les rapports de intégrés par le peintre comme des citations dans Ci-dessous:
l'enseigne et de l'art d'avant-garde, les historiens A. Chevtchenko, Le Repos. 1912.
Carte JX>Stale lithographiée, 14 x 9 cm.
de l'art Alla Poviélikhina et Evguéni Kovtoune V. Tatline. Le Peintre en bdtiment, 1912. Paris, documentation Leclanche-Boulé.
ont, de façon convaincante, confronté les séries Lithographie, 20 x 16.5 cm.
des « légants » et « Élégant » de province et
de « Coiffeurs » réalisées par Larionov entre
1908 et 1911 avec l'esthétique de l'en eigne.
À propos de )'Élégant de province (1907-
1908), ils font remarquer que sur le tableau, en
haut à droite, une enseigne est peinte sur un mur
de maison devant lequel déambule le jeune gan-
din: << Ici, l'enseigne n'est pas seulement signa-
lée, sa plastique primitiviste se reflète sur le

(
caractère de la représentation de "l'élégant" : il
est peint selon la même stylistique que la
"dame" de l'enseigne . »
Nous ajouterons que, dans la structure du
tableau, l'enseigne pour chapeaux de dames a
une place identique que celle d'une icône au
beau coin dans une izba.
Dans cette œuvre, comme dans I'Élégante de
province (1907-1908), le fond du tableau est
peint avec une grande brutalité, à grands coups
de pinceaux, comme sorti des brosses de
quelque peintre en bâtiment. Et, en effet, la
peinture en bâtiment est une référence pour

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L'AVANT-GARDE RUSSE
LE NÉO-PRIMITIVISME

La campagne et la ville « Nous avons lié l'art à la vie. Après un long nouveaux « tableaux » (la face humaine) pour
isolement des artistes, nous avons appelé la vie à se manifester. À peu près au même moment, à
Le fait que la pensée de Nikolaï Fiodorov nour- voix haute et la vie a envahi l'art; il est temps Paris, Baranov-Rossiné faisait un geste
rit les courants les plus divers de l'avant-garde que l'art envahisse la vie. Le peinturlurage du futuriste : au cours d'une « cérémonie » à
russe, Maïakovski aussi bien que Malévitch, visage, voilà le commencement de cet envahisse- laquelle participaient d'autres artistes, dont
Filonov aussi bien que Tchékryguine, ne doit ment [... ). Le peinturlurage, voilà les nouveaux Sonia Delaunay, il jeta dans la Seine sa fameuse
pas être négligé. La critique du capitalisme faite trésors populaires, comme tout ce qui existe de « sculpture rotative métallique et polychrome »,
par Fiodorov va de pair avec la critique du mer- nos jours [... ). Le tatouage ne nous intéresse pas. la Symphonie N° 2, exposée au Salon des Indé-
cantilisme et de la civilisation urbaine. Fiodorov On se tatoue pour toujours. Nous nous peintur- pendants de 1914 84 • De la même façon les
réclame que le mouvement désastreux de l'urba- lurons pour un instant et le changement de la poètes Khlebnikov et Kroutchonykh pouvaient-
nisation des campagnes s'inverse pour que la sensation appelle le changement du peinturlu- ils écrire dans un manifeste de 1913 : « À
campagne envahisse la ville et la transforme rage, comme un tableau dévore un autre détruire après lecture » !
dans sa polychromie. tableau, comme par la vitre d'une automobile on Le néo-primitivi me a introduit dans le futu-
Le folklore urbain dans l'Empire russe de la voit scintiller les vitrines qui s'emboîtent les unes risme russe un élément important, à savoir le
fin du XIXe et du début du xxe siècle est une dans les autres : voilà notre visage. Le tatouage geste à la fois conceptuel et matérialisé dans la
variante du folklore paysan, dont elle n'est est joli mais parle de peu (seulement de sa tribu pratique.
séparée, comme l'a remarquablement montré et de ses exploits). Notre peinturlurage à nous, La transformation de la vie par l'art existe
Gleb Pospiélov, que par la fête et la liesse de la c'est un journali te (... ]. Nous nous peinturlu- certes dans les civilisations archaïques. Les néo-
rue. L'architecture d'une ville comme Moscou rons car un visage glabre est répugnant, car nous primitivistes russes n'ont eu qu'à développer et
est imprégnée de ce style volubile, multicolore, voulons nous faire les hérauts de l'inconnu, nous à adapter au cadre urbain les vieilles traditions
festif, que ce soit le baroque de Saint-Basile-le- reconstruisons la vie et portons vers les amonts slaves de la campagne. L'Ukraine en particulier,
Bienheureux ou le baroque ukrainien qui de l'existence l'âme multipliée de l'homme 83 • » d'où venaient un Larionov, un Malévitch ou une
M. Larionov, Le Coiffeur, 1909-1910. H/t, n ,5 x 59,5 cm. marque l'architecture« Narychkine». Pospiélov Ilia Zdanévitch, Larionov et Le Dentu créent, Sonia Delaunay, embellissait depuis des temps
aint-Pétersbourg, MNR. note que « le complexe artistique de la foire cette année 1913, leur mouvement du immémoriaux tous les objets de la vie quoti-
populaire a vu son importance grandie de façon « toutisme » (vsiotchestvo), qui reconnaissait dienne : vêtements, vaisselle, ustensiles de cui-
sa Promenade dans une ville de province ( 1908) extraordinaire à partir du xvuc siècle. Et c'est n'importe quelle œuvre, du passé et du présent, sine, outils de travail, attelage de chevaux,
où apparaît l'association incongrue, dans la par- préci ément la foire, où l'on faisait commerce à comme digne d'être analysée par le peintre ameublement, instruments de musique, livres,
tie gauche, d'un autre élégant à la canne et partir de charrettes des objets fabriqué par les contemporain, l'expérience et le savoir-faire murs extérieurs. Malévitch, se souvenant de son
d'une autre élégante à l'éventail entre lesquels industries artistiques de la campagne, qui à présidant - selon Le Dentu - au choix des enfance en Ukraine, écrit : « C'est avec un grand
se trouve une terrasse de café avec un garçon ... cette époque a élevé extraordinairement le œuvres du point de vue de leur construction émoi que je regardais les paysans faire des
et un cochon. Si le cochon bleu est presque niveau professionnel de la production artisa- intérieure. Ce n'est pas un hasard si les toutistes fresques murales et que je les aidais à enduire
naturel dans le tableau du Musée national d'Art nale, en libérant les koustari du travail agricole de La Queue d' Âne avaient comme devise de d'argile les planches de leurs chaumières et à
moderne de Paris qui porte son nom, ici, dans et en les transformant en maîtres-virtuoses qui revenir aux traditions d'avant l'académisme, décorer leurs poêles. J'essayai de tran porter
une rue peuplée d'élégants de province, il pro- maniaient magistralement et irréprochablement c' est-à-dire, pour la Russie, aux traditions cette activité culturelle sur le poêle chez moi. On
voque un effet de surprise et donne une note le ciseau ou le pinceau 82 • » À l'intérieur de cette d'avant Pierre le'. dit que je salissais celui-ci. Sur la lancée, je déco-
humori tique. carnavali ation du folklore urbain et paysan, le On connaît la blouse jaune de Maïakovski, le rai les pali sades, les murs des granges, etc. as »
Dans le Coiffeur d'officier (1910-1911) et le théâtre de foire (balagan) a joué un rôle pri- jabot noir de Livchits ou la chemise rouge du
Coiffeur (1908), il y a autant de l'e thétique du mordial pour créer des images colorées, simpli- poète, peintre et aviateur Vassili Kamienski qui,
loubok 80 que de l'enseigne. Confronté (théma- ficatrices et parfaitement expressives. de plus, se promenait avec un aéroplane peint Natalia Gontcharova
tiquement et structurellement aussi) à l'enseige, Il y avait donc tout un arrière-fond culturel sur son front. Le visage peinturluré de Natalia
Larionov ne stylise jamai ses travaux "à la spécifique de la civilisation slave dans le cadre Gontcharova à la manière de celui d'un Voici comment Ilia Zdanévitch présente les
manière de l'enseigne", et ce phénomène est de l'Empire russe qui permet de comprendre membre d'une tribu primitive, la cuillère pay- sources biographique de Natalia Gontcharova:
surtout sensible dans l'attitude différente l'inflexion donnée par les artistes russes à l'occu- sanne en bois à la boutonnière de Malévitch ou « L'enfance de Gontcharova se déroula à la
qu'ont, à l'égard de la chose représentée, le pation de la vie par l'art, telle que le futurisme de Morgounov, tout cela annonce les happe- campagne chez sa grand-mère. Sa niania Maria,
maître ès en eignes ou Larionov : le premier s'y l'avait inaugurée. Le point culminant fut le colo- nings, actions ou performance futurs, tout cela personne très religieuse, eut une grande
adonne furieusement et érieusement ; le riage du visage, que Larionov lança en 1913, affirme que la peinture de chevalet n'est qu'un influence sur elle, ainsi que le garde Dimitri,
second, comme s'il jouait, admirant et ironisant publiant même un manifeste : Pourquoi nous stade parmi d'autres de l'histoire du pictural, ancien soldat, qui chantait magnifiquement et
tout à la fois 81 • » nous peinturlurons, cosigné par Ilia Zdanévitch : lequel trouve ainsi de nouvelles surfaces, de récitait des contes. La petite fille manifestait une

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49
LE NÉO-PRIMITIVISME
L'AVANT-GARDE RUSSE

le principe de l'hyperbole grâce auquel l'élé-


ment le plus important reçoit son expressivité
maximale. L'hyperboli me des ailes du phénix
qui occupe tout l'espace, celui des anges par
rapport à la ville, brise la perspective tradition-
nelle, créent des proportions qui dynamisent la
vision. La concentration sur d'énormes pieds et
la coupure de l'anatomie de l'homme qui foule
le raisin, au-dessus des mollets, la décentration
de ce sujet central, la di proportion entre la
cuve et l'énorme grappe de raisin, toutes ces dis-
sonances renforcent la puissance irrésistible de
l'œuvre. Ajoutons que les contours sont totale-
ment libérés du mimétisme, ils forment les per-
sonnages et les objets en grandes balafres qui
créent un rythme intérieur. Enfin, les couleurs
or et rouge font triompher la lumière du soleil
(ce« soleil or et rouge» [krasno solnychko] de
N. Gontcharova, La Récolte de pommes, 1911.
la poésie populaire). H/t, 104 x '1'7,5 cm. Moscou, Galerie nationale Trétiakov.
De tous les néo-primitivistes russes, Natalia
Gontcharova aura été la plus solaire, la plus
naturellement mystique, la plus accordée avec la
civilisation et la culture grand-russienne. Paviel Filonov
Portrait de Natalia Gontcharova. Portrait de Mikhai1 Larionov.

N. Gontcharova, Les Vendangeurs, 1911. Rares sont les tableaux des peintres russes,
grande curiosité d'esprit et un penchant pour la sin) ou bien Les Porteurs de pain qui serviront à H/t, 131 x 100 cm. Saint-Pétersbourg, MNR. ukrainiens, biéloru se , arméniens ou géorgien
nature; elle s'intére ait à la botanique et à la vie Bronislawa Nijinska pour créer un dessin choré-
de l'art d'avant-garde dans le cadre de l'Empire
des bêtes [... ]. La vie campagnarde l'attirait, les graphique qui porte le néo-primitivisme gont-
russe, puis de l'Union soviétique qui soient
travaux des champ , les coutumes des paysans, charovien à son expre sion la plus subtile et la
exempts de la note néo-primitiviste. Le néo-pri-
leurs habits sombres et sévères l'intéressaient. plus universelle. Et cela viendra après les profu-
mitivisme est ce qui fait qu'une œuvre cubo-futu-
Elle fait connaissance avec eux ; de ces conversa- sions coloristes par lesquelle Natalia Gontcha-
riste, rayonniste, suprématiste, précon tructi-
tions naîtra le cycle des peintures paysannes [... ]. rova avait marqué le nouveau style des Ballets
viste, constructiviste ou autre a un « cachet » à
Dans les toiles de paysans, Gontcharova évoque russes de Diaghilev en 1914 (Le Coq d'or de
part dans le concert de l'art universel. Je vois la
des babas, des moujik , occupés aux travaux des Rimski-Korsakov).
résistance de l'Occident à l'œuvre de Filonov
champs, moissonnant, labourant, fauchant ou Bien entendu, chez Natalia Gontcharova,
dans l'évidence qu'il s'agit du peintre le plus
ramassant des fruits . » comme chez tous les autres peintres qui ont
intrin èquement russe dont toute la poétique ne
Natalia Gontcharova ne se départira jamais de reconnu le loubok, l'enseigne, le jouet en bois,
fait aucune conce ion aux poétique venues de
cette poétique atavique, qu'elle ressent comme l'art des steppes et de l'Asie comme l'élément
Paris, de Milan, de Munich ou de Berlin. En
orientale. En 1923, pour le mimodrame avec naturel de leur création (Larionov, Malévitch,
cela, l'œuvre de Filonov est identique à celle du
chœur de travinsky Noces, aux Ballets russes de Filonov, Le Dentu, Maria Siniakova ... ), il y a
poète Vélimir Khlebnikov. Prenons, entr~
Diaghilev, elle inventera une nouvelle version une interprétation et non une imitation, une
autres, La Fuite en Égypte (1915-1918). Ce qm
primitivi te avec des costumes et des décors à la recréation nouvelle et non une répétition des
frappe dans ce loubok, c'est la bigarrure de l'ico-
limite de l'abstraction, où ne joue que l'harmo- formes primitivistes. Prenons, entre autres
nographie ; le sujet évangélique de Joseph et de
nique dominante blanc-marron, tandis que Bro- exemples, des œuvres comme Le Lion,
Marie fuyant en Égypte avec Jésus est renouvelé
nislawa Nijinska s'inspirera des fresques pay- ( « Récolte du raisin »), L 'Oiseau Phénix, Pieds
par une vision primitiviste, une vision naïve :
sannes de 1911-1912 du peintre pour créer une foulant le raisin, Anges jetant des pie"es sur la
pré ence d'un E quimau qui est aussi un Indien
extraordinaire chorégraphie. C'est la série des ville, ( « La moisson »),toutes de l'époque de La
à la manière des bandes dessinées ; paysage tota-
fresques sous le titre « Récolte du raisin » ( Pay- Queue d'Âne - ce sont de véritables loubki, des
lement imaginaire qui peut être aussi bien un
sans dansant ; Paysans festoyant, Porteurs de rai- loubki du xxe siècle. Natalia Gontcharova utilise

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50
L'AVANT-GARDE RUSSE LE NÉO-PRIMITIVISME

glacier qu'un désert avec des lions; l'âne ne sert Kroutchonykh Vanka-Caïn et Sonka la Manu-
pas de monture mais est un compagnon de route cure (1926).
vers lequel Joseph se penche avec affection. Sa palette est un véritable arc-en-ciel, un feu
Il y a dans ces incongruités, ce mélange de d'artifice de couleurs. Son œuvre est plus celle
solennité et de familiarité, de civilisé et de bar- d'un miniaturiste et d'un enlumineur que d'un
bare, de raffiné et de naïf une affinité élective peintre de chevalet. Son aquarelle Ève (1916) a
avec la poésie et la prose de Khlebnikov. Les comme structure de base celle de l'icône: notre
données de la peinture européenne classique première mère est la figure centrale, telle celle
sont totalement transmuées par la structure des saints dans les icônes, et elle est entourée de
rugueuse qui vient des objets de l'art populaire. petits compartiments (kleïma) qui déroulent les
Que ce soit dans l'aquarelle Le Repas des pay- épisodes de sa vie. À part cette construction
sans (1912) ou dans l'huile Mardi gras, la fac- générale, il n'y a rien d'« orthodoxe» dans cette
ture est celle des jouets de bois, des statuettes ou œuvre totalement païenne, à l'instar des
des carrou els. « Orantes » primitivistes de Larionov dans le
Dans Le Repas des paysans, les personnages polyptique des Saisons. Ève n'est pas ici la
P. Filonov, Le Sanglier, 1912-1913. Huile sur papier, pécheres e biblique que le Christ vient ressusci-
sont faits du même matériau picturologique que
37,5 x 42,5 cm. Moscou, Galerie nationale Trétiakov.
P. Filonov, Trois à table, 1914-1915. H/t, 100 x 102 cm. la table, l'encadrement de la fenêtre, les izbas que ter dans le sujet iconographique de la descente
Saint-Pétersbourg, MNR. l'on voit à travers l'ouverture, le pain sur la table, aux Enfers. Elles est le modèle de la femme et
les cuillères de bois, l'écuelle, voire l'icône qui se
trouve au « beau coin » (le « coin rouge ») de la M. Siniakova, La Guerre, 1916. Aquarelle sur papier,
pièce. Ce qui domine, c'est une facture et une tex- 34 x 20,5 cm. Kiev, coll. G. lvakine.
P. Filonov, La Table de P4ques, 1912-1913. H/t, 37 x 47 cm. Moscou, coll. Tchoudnovski. ture ligneuse. La couleur est un camaïeu marron.
Seules de très grandes roses sur les amples che-
mises russes, aux couleurs délicates, à peine tra-
cées, viennent jeter de discrètes tonalités carmin,
jaune, bleutées, faisant apparaître, déjà ici, l'éclo-
sion du monde. Ainsi, l'ornement n'est plus ici du
simple esthétisme décoratif. Il est la présence de
ce monde de l'efflorescence univer elle, qui est
celui de la pensée picturale filonovienne.

Maria Siniakova

À côté de Natalia Gontcharova et de Filonov


- qui montrent deux faces presque opposées de
la géologie culturelle, spirituelle, picturale,
mentale de la Grande Russie, une face solaire
et une face souterraine -, l'œuvre de Maria
Siniakova respire toute la gaîté, l'insouciance et
le multicolori me de l'Ukraine. Si Malévitch,
dans son important cycle paysan, nous donne
une image de gravité hiératique, une sensation
des liens métaphysiques de l'homme et du
monde, chez Maria Siniakova règne tout sim-
plement le bonheur de vivre, la saveur des
choses, parfois la truculence, qu'elle mettra au
service du roman en vers de son compatriote

52 53
L'AVANT-GARDE RUSSE

de l'amour physique terrestre. D'où les scènes CHAPITRE2


érotiques distribuées tout autour du personnage.
On sait que Maria Siniakova était une fervente
du naturisme qu'elle pratiquait couramment et
sans la moindre gêne ... C'est un univers d'avant
LE C / ZANNISME
le péché, un âge d'or, que présente ici l'artiste FAUVE RUSSE
ukrainienne. Les influences de la miniature per-
sane, de la gamme colorée de l'art populaire
ukrainien, du néo-primitivisme de Larionov sont
ici rassemblées dans une image picturale totale-
ment originale. L'historien de l'art Dmytro Hor-
batchov écrit à propos de Maria Siniakova: Au début de ce siècle, la peinture française aura dation, mais avec un enthousiasme fanatique,
« Tout [ ... ] est dessiné d'un trait, avec cet joué un rôle de premier plan dans l'évolution de commentait les tableaux de sa collection.
abandon qui est propre aux enfants ou aux la peinture russe. Les collections-musées des Jusqu'en 1914, lors de chacun de ses séjours
adultes à l'âme enfantine. Le comique et le quo- grands marchands moscovites Sergueï annuels à Paris, il achetait tout ce qui, à cette
tidien, l'historique et le trivial y coexistent. Des Chtchoukine et Ivan Morozov furent une véri- époque, constituait "le dernier mot" de l'art
têtes slaves sortent des tentes orientales, et Ève table école d'art car elles permirent aux moderne. Il réunit ainsi pendant dix ans, dans
rappelle les enseignes des salons de coiffure et peintres russes d'assimiler en un temps record sa propriété de Moscou, la plus belle collection
des boutiques de la province russe. les leçons de l'impres ionnisme, du division- d'Europe de tableaux de Matisse, de Picasso et
La couleur bleue donne une transparence nisme, du post-impressionni me, de l'esthétique des "fauves". Pour les peintres qui voulaient
poétique au Printemps, le vert émeraude trans- nabi, du fauvisme et du cubisme. La collection go0ter aux fruits de l'Occident, la collection de
met l'épanouissement de l'Été, le rouge - la Chtchoukine contenait à elle seule dix-neuf Chtchoukine devint une nouvelle école d'art. 3 »
chaleur et la presse de la Fête orientale. C'est le œuvres de Monet, vingt-neuf de Gauguin, vingt- Les deux Salons de la Toison d'Or en 1908 et
monde avant le péché originel, un monde six de Cézanne, treize de Renoir, trente-sept de 1909 confrontèrent, nous l'avons vu, la nouvelle
patriarcal, simple, immaculé - comme dans les Matisse, sept du Douanier Rousseau, cin- peinture russe (Larionov, Natalia Gontcharova,
vers de Khlebnikov dédiés à Maria Siniakova : quante-quatre de Picasso, des Sisley, Signac, P. Kouznetsov, M. Sariane ... ) aux courants
M. Siniakova, Le Carrousel, 1916. Aquarelle et crayon "Ici la Sainte Vierge lavait sa toile d'étoupe/ Et la Pissarro, Van Gogh, Braque, Degas, Derain, français ( Cézanne, Degas, Pissarro, Renoir, Sis-
sur papier, 32 cm x 25 cm. Kiev, coll. D. Horbatchov. colombe s'asseyait sur sa tête à l'heure du thé "». Van Dongen, Redon, Rouault 1••• La collection ley, Braque, Derain, Van Dongen, Le Faucon-
Morozov comprenait en 1912 dix-sept Cézanne, nier, Matisse, Rouault, Vlaminck, Redon ... ~).
onze Gauguin, cinq Van Gogh, cinq Monet, On pouvait lire, dans la préface de la
cinq Sisley, quatre Matisse, six Bonnard et des deuxième exposition de 1909 : « En invitant les
œuvres de Vuillard, Vlaminck, Denis, Derain, peintres français à participer à l'expo ition, le
Maillol, Pissarro, Picasso, Renoir, Rouault, groupe de La Toison d'Or a poursuivi un
Signac, Friesz . double but : d'une part, éclairer plus vivement,
En 1909, Maurice Denis vint à Moscou instal- au moyen de la confrontation des recherche
ler ses panneaux décoratifs L'Histoire de Psyché russes et occidentales, les particularités propres
chez le collectionneur Ivan Morozov. Matisse au développement de la jeune peinture russe et
sera lui, en 1911, l'invité de Chtchoukine dont ses nouvelles tâches; de l'autre, souligner les
l'hôtel particulier moscovite pouvait s'enor- traits d'évolution communs à l'art russe et à
gueillir de La Danse et de La Musique. N. Tara- l'art occidental, puisque, malgré toutes les diffé-
boukine rapporte les conditions de visite de la rences dues aux psychologies nationales (les
maison-musée de Chtchoukine, fréquentée par Français étant plus sen uali te , les Russes plus
tous les artistes de l'avant-garde russe : « Tous spiritualistes), les recherches nouvelles ont des
les dimanches, S.I. Chtchoukine permettait à fondement p ychologiques communs.
tous ceux qui le désiraient de regarder sa collec- Ici l'on a éliminé l'esthétisme et l'hi torisme,
tion. Vers midi, il se réunissait de vingt-cinq à là on est en réaction contre le néo-académisme
trente personnes, et le propriétaire lui-même, dans lequel a dégénéré l'impre ionni me. Si les
en bégayant, car il avait un défaut de pronon- fondateurs de ce mouvement ont été en France

55
LE CÉZANNISME FAUVE RUSSE
L'AVANT-GARDE RUSSE

vaux forcés). Cela était bien dans l'esthétique phlets du poète, romancier et théoricien atrabi-
Cézanne, Gauguin et Van Gogh, la première autres peintres français, ils rendaient à l'objet laire Dimitri Mérejkovski, pamphlets dirigés
néo-primitiviste de Larionov que de revendi-
impulsion a été donnée en Russie par Vroubel toute sa masse, son volume, sa couleur, sa contre toute la modernité et mettant globale-
quer, pour la jeune peinture, une marginalité de
et Borissov-Moussatov . » forme tridimensionnelle, visaient à une synthèse ment toute l'avant-garde sous le signe du
mauvaise compagnie, mais vigoureuse et
En 1909-1910, le sculpteur V. lzdebski orga- de la couleur et de la forme. De là leur intérêt « Mufle-Roi», du« Mufle qui s'avance», Lario-
conquérante. Un défi de plus était lancé au sym-
nisa une énorme exposition de sept cent pour la nature morte qui a trouvé dans leur nov se présente, au nom de tout son groupe
bolisme évanescent et à l'académisme caco-
soixante-seize œuvres, qui voyagea à Odessa, création un rôle d'une importance inconnue néo-primitiviste puis avenirien rayonniste,
chyme. Larionov, en quittant le Valet de Car-
Kiev, Saint-Pétersbourg et Riga ; c'était la auparavant dans la peinture russe 7• » comme « le Mufle qui est arrivé ». Il faut donc
reau, ne créera-t-il pas en 1912 La Queue
confrontation des peintres russes (apparaissent L'instigateur de cette première exposition du voir dans ces provocations langagières de Lario-
d' Âne, un titre du même acabit qui reprenait à
les noms d'Altman, Lentoulov, Machkov, Valet de Carreau avait été Lentoulov, mais, dès nov, comme dans les graffiti sur ses tableaux
son compte une invective du pape de l'acadé-
Matiouchine) avec les Français mais aussi avec le début, s'immiscèrent dans l'organisation néo-primitivistes, une influence non seulement
misme réaliste, Ilia Riépine, contre les nova-
les« Russes de Munich» (Bekhteïev, Marianne l 'infatiguable David Bourliouk, animateur du loubok mais aussi de l'esthétique des tré-
teurs ? Riépine, visitant le premier Salon de
Werefkin, Kandinsky, Moïse Kogan, incomparable, maître en toutes sortes de mises teaux de foire et des bonimenteurs de rues.
Vladimir Izdebski en 1910, avait éructé : « Ici
Jawlensky 6). De janvier à mars 1912 eut lieu la en scène, et Larionov, l'autre grand meneur de Ainsi, c'est sous le signe de la gouaille, de la
nous attendait tout l'enfer du cynisme des nulli-
Centennale de la peinture française (1812-1912) jeu des arts russes avant 1914 . Des raisons de jeunesse tonitruante et robuste que naît le Valet
tés de l'Occident, de ses hooligans, de ses
à Saint-Pétersbourg et, au début de 1913, ce fut prérogative firent que Larionov et David Bour- de Carreau 1 • On ne saurait mieux symboliser
onagres débridés qui font des courbettes en
Moscou qui présenta l'exposition française liouk se brouillèrent 9• tout ce que ce mouvement voulait apporter de
pleine liberté avec leurs couleurs sur les toiles. »
L' Art contemporain. Ainsi, l'impressionnisme, La première exposition du Valet de Carreau, nouveau à l'art russe qu'en regardant le tableau
Et de déclarer sans sourciller que c'est« de des-
le post-impre ionnisme, les nabis, le fauvisme, qui dura de la fin décembre 1910 jusqu'au mois d'un de ses meilleurs représentants, Machkov,
sous la queue d'un âne que sont nés les tableaux
le cubisme (La Femme en bleu de Fernand Léger de janvier 1911, déchaîna les sarcasmes, les indi- Autoportrait et portrait de Piotr Kontchalovski,
de Cézanne 12 ». De même, reprenant les pam-
fut montrée en 1913) purent continuer à inspirer gnations de la presse et eut donc un succès de
l'élan créateur russe, lui permettant de confirmer scandale 10• Un journaliste du Matin de la Russie
sa propre autonomie et son éclatante originalité. (Outro Rossii) écrivit que l'on se croyait plutôt 1. Machkov, Autoportrait et portrait de Piotr Kontchalovski, 1910. H/t, 208 x 270 cm. Saint-Pétersbourg, MNR.
dans« un hôpital d'aliénés que dans une exposi-
tion d'œuvres d'art 11 ». D'autres parlaient de ce
LE VALET DE CARREAU nouveau groupe d'artistes comme de nouveaux
barbares, d'un ramassis de filous dignes du
Les artistes russes n'avaient donc pas besoin bagne. Le nom même, inventé par Larionov,
d'aller en Occident pour étudier les nouveaux prêtait à cette association d'idées, comme l'a
courants venus des bords de la Seine. Les bien fait ressortir l'historien insurpas é du mou-
jeunes novateurs, qui étaient appelés à mettre vement, Gleb Po piélov, qui note que l'expres-
l'art russe au niveau de l'art européen, se mani- sion « valet de carreau » avait en français le sens
festèrent dans une exposition, Le Valet de Car- « d'un homme de néant, d'un misérable »
reau (Boubnovy valiet), à Moscou fin décembre (Furetière, 1727, puis Littré).
1910. Ici étaient confrontés le cézannisme russe G.G. Pospiélov retrouve ces appellations de
- Robert Falk, Piotr Kontchalovski, Alexandre valet de carreau, ou de valet du jeu de cartes en
Kouprine, Ilia Machkov, Lentoulov , le primi- général, dans les traductions des romans de
tivisme de David et de Vladimir Bourliouk, de Ponson du Terrail, très lus en Russie au début
Larionov, de Natalia Gontcharova et de Malé- du xxc siècle, chez Dostoïevski et Tchékhov.
vitch, et l'expressionnisme symboliste des Valets de carreau et valets de cœur étaient donc
« Russes de Munich » (Marianne Werefkin, des sortes de picaros, de chevaliers d'industrie.
Kandin ky, Jawlensky) avec le« pré-cubisme » Le magnifique Tricheur à l'as de carreau de
de Gleizes et de Le Fauconnier. Après les éva- Georges de La Tour est, comme par hasard, en
nescences du symbolisme et la dissolution des train d'opérer sa manœuvre avec des carreaux ...
couleurs de l'impressionnisme et de l'expres- La racine du mot « carreau » en russe (boubny)
sionni me, les cézannistes du Valet de Carreau a un sens archaïque qui tourne autour de la jeu-
construisaient leur sujet sur la toile comme des nesse intrépide, tête br0lée, voire bagnarde (l'as
architectes : « Utilisant les conquêtes de de carreau désignait au x1xc siècle le carré rouge
Cézanne, parfois de Matisse et de quelques de tissu cousu sur le dos des condamnés aux tra-

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56
L'AVANT-GARDE RUSSE LE CÉZANNISME FAUVE RUSSE

Arts, Égypte. Grèce. Italie, Bible. Au-dessus des année 1910. Ils annoncent, ces athlètes du nou- Dongen, Kirchner, August Macke, Heckel, etc.) ;
deux sportifs, deux tableaux représentant des \ el art, les hercules « futuraslaves » de l'opéra les quatrièmes visent sans doute le seul Kan-
natures mortes dans le vigoureux style popu- La Victoire sur le Soleil de Matiouchine-Khleb- dinsky dont de nombreuses Improvisations
laire. À leurs pieds, des poids et des haltères. nikov-Kroutchonykh-Malévitch en 1913, ou avaient été montrées aux deux premières expo-
À l'autre bout de la toile, une table est dres. l!ncore le tableau post- uprématiste de Malé- sitions du Valet de Carreau ; les cinquièmes, ce
sée avec une nappe à fleurs, des tasses et une vitch, Les Sportifs, et proclament silencieuse- sont des peintres du type de David Bourliouk
bouteille, de vodka selon toute vraisemblance ment un avenir énigmatique. Le fait de considé- qui intitule certains tableaux présentés au Valet
(la lettre« V» en cyrillique s'y lit dessus). Peut- rer l'art comme un exercice physique, comme la de Carreau de 1912 de la manière suivante :
on imaginer tableau plus programmatique de la manifestation de toutes les potentialités du Principe de la propagation du coloriage dans la
nouvelle esthétique? Tout y est: l'art populair corps, comme une lutte, une bagarre, se retrou- présentation sous trois angles, ou bien : Paysage
avec sa beauté décorative et la puissance de sa vait à l'exposition avec le Portrait d'un athlète synthétique. Éléments du ciel et stades de décom-
couleur ; Cézanne - comme maître ; l'art égYP, de Larionov, qui représentait en réalité Vladi- position introduits dans la présentation sous trois
tien, grec et italien - comme référence; la Bible mir Bourliouk, ou encore avec Les Lutteurs de angles ; enfin les sixièmes semblent désigner
- comme revendication de spiritualité. Natalia Gontcharova, aux teintes agres ive vert encore ceux qui profes ent les idées dont Kan-
Nous sommes loin, avec ces deux gaillards11 et rouge. La bagarre n'était pas cantonnée au dinsky ou Marianne Werefkin se faisaient les
des demi-teintes alexandrinistes et anémiées de traitement des couleurs et des formes, elle était porte-parole.
l' Art nouveau et du symbolisme, ou bien des aussi le lot régulier des réunions, des confé- Une caricature de la revue satirique Le
fades et médiocre imitations de l'impre sio rences, des discussions de tous ces jeunes Réveille-Matin (Boudilnik) montre la popularité
nisme françai , sans parler de l'arrière-garde rebelles que le public appellera très vite « futu- candaleuse de l'art « futuriste » comme on corn-
réali te-naturaliste des Ambulant , les trois ten- ristes ,., englobant dans ce terme tous ceux qui
dances dominantes de l'art en Russie en cette dérangeaient, bouleversaient, perturbaient les
Page critique à propos de l'exposition du Valet
habitudes 14. Ce n'est pas un hasard si la recen- de Carreau parue dans le journal Boudilnik (Le Réveille-
M. Larionov, Portrait de Vladimir Bourliouk, 1910.
H/t, 133 x 104 cm. Lyon, musée des Beaux-Arts. sion de la deuxième exposition du Valet de Car- Matin ), 1912. Coll. part.
M. Larionov, Portrait de Nikolaï Bourliouk, 1910.
H/t, 110 x 80 cm. Cologne, musée Ludwig. reau en 1912, établie par Benois, eut pour titre
que tout d'abord Larionov voulait refuser à « Le Bazar de l'agitation artistique».
cause de son gigantisme, puis qu'il accepta Le critique du Monde de l' Art, adversaire juré
quand il vit le sujet, sans doute parce qu'il allait de l'art de gauche, y décrit bien la situation des
dans le sens du défi que le Valet de Carreau arts russes : « Les uns recommandent de tout
lançait au public. Machkov s'est repré enté avec ramener à des figures géométriques, les autres
Piotr Kontchalovski sous l'aspect de deux gym- en appellent à une simplification extraordinaire,
nastes uperbement musclés (les biceps, les pec- propo ent comme modèles dignes d'imitation les
toraux, les mollets sont magnifiquement gal- dessins d'enfants, les en eigne , les images popu-
bés). Un slip et des chaus ettes montantes sont laires (loubok), les troisièmes tentent de toutes
leur seul vêtement. Ils sont assis de face, l'un à leurs forces d'être seulement criards, les qua-
côté de l'autre. Nous avons affaire ici à une trièmes ne font que des pâtés en barbouillant
véritable en eigne qui nous invite à entrer dans fébrilement leur toile et croient eux-mêmes

~E~
la boutique Art du Valet de Carreau. Comme qu'ils improvisent de façon géniale, les cin-
sur une enseigne, les objets sont présentés fron- quièmes peignent un seul objet de trois côtés à la
talement et se lisent horizontalement. Sur le fois, les sixièmes font des efforts pour ne repré-
piano une partition est peinte avec minutie ; on senter que la seule "essence" des objets ou bien
y lit : « Marcha del Paseo. À Ricardo Torres. les rapports secrets qui existent entre eux 15• »
Bombita II y Fuentes». Le thème de l'Espagne 7 i
On ne saurait mieux résumer les divers cou-
se retrouve dans une page de fandango que rants nés entre 1907 et 1912: les premiers sont, ,_, ...
...........
nous pré ente Kontchalovski, tandis que Mach- évidemment, les cézanni te géométri ants du
kov tient un violon, prêt à nous jouer la danse Valet de Carreau ; les deuxièmes, les néo-primi-
andalouse. Au-dessus du piano, une étagère tivistes ; les troisièmes, les fauves, alias expres- V ', f})o
avec des livres volumineux dont la tranche sionni te (la deuxième expo ition du Valet de ,, ~ 'I A
.,.; '-:-
porte, en gros caractères, les titres : Cézanne, Carreau, en 1912, montrait des œuvres de Van ' !.. -. .- -

58 59
L'AVANT-GARDE RUSSE LE CÉZANNISME FAUVE RUSSE

mence à l'appeler de façon courante. Sont repro- Eh bien. j'éclaterai de rire et cracherai avec allé- de terre, sont la marque du peintre moscovite. l'interprète en accentuant la violence des
duits de façon satirique les tableaux (on souligne gresse / Je cracherai sur votre visage, moi / Gas- Si Kontchalovski est plus proche des courants contrastes colorés et le laconisme expressif de
leur abstraction : plusieurs caricatures n'ont que pilleur et dépensier de mots inestimables » • post-cézanniens français pour les thèmes type néo-primitiviste (Autoportrait; Canicule,
des lignes entrecroisées sans aucun sujet). Cette force de la nature revendiquée, cette (natures mortes, portraits, recherches de sujets 1909 ; Palmier, 1911 et Tête de jeune fille, 1912).
Devant ces œuvres, le public se tord littérale- brutalité vitale est également évidente avec la hauts en couleurs ou pittoresques), la facture de Yakoulov qui, par individualisme et esprit
ment de rire, un spectateur est même couché par référence, dans le tableau de Machkov, à la ses toiles a des accents qui présentent quelque d'indépendance, a participé à peu d'expositions
terre pour faire passer sa crise de fou rire ... course de taureaux et à l'Espagne, thème privi- affinité avec l'expres ionnisme allemand, tout et n'a jamais voulu, en tout cas, faire partie
D'après Lentoulov, Vladimir Bourliouk s'est légié de Piotr Kontchalovski dans ces années. en gardant la spécificité de la gamme slave. d'aucune association, était une figure très
battu, la veille de l'ouverture du Valet de Car- Au Valet de Carreau, il montra toute une série De l'art populaire vient également la volonté importante de la vie artistique russe, en parti-
reau, en décembre 1910, avec Machkov qu'il d'œuvres sur le sujet 19• Il y a, dans des tableaux ornementale, qui est le propre de tous les culier de sa bohème. Dans sa vie et dans son
faillit assommer d'un coup de tempe 16• La scène comme Le Matador Manuel Garta (1910) ou artistes du Valet de Carreau. Nous avons vu le œuvre, il y avait une synthèse entre l'Extrême-
artistique entre 1910 et 1914 est pleine d'inci- Course de taureaux (1910), à la fois une schéma- clin d'œil de Machkov vers cet ornementalisme Orient (la Chine, l'Inde, la Mandchourie),
dents, d'invective , de prises à partie du public, tisation, une« hiératisation » des poses, une fer- dans !'Autoportrait et portrait de Piotr Kontcha- l'Orient (l'Arménie, le Caucase en général) et
d'interventions de la police, etc. 1 La poésie de meté des contours, une pose « non léchée » de lovski (les natures mortes aux fleurs du mur, et l'Europe ' 1• Cela se manifeste tout particulière-
Maïakovski« Attrapez! » (Natié), lue publique- la couleur, qui trahissent l'influence de la créa- surtout la nappe). Ce go0t pour un certain style ment dans son aquarelle Les Courses (1905)
ment en 1913, caractérise bien ce climat. Elle se tion populaire. Une certaine brutalité dans la décoratif se nourrit tout naturellement de qui est une des plus belles productions du sym-
termine ainsi:« Et si moi aujourd'hui, Hun gros- pose de la couleur, un manque de retenue dans l'orientalisme, qui est sans cesse présent dans la bolisme. Bien que son œuvre, avant 1913, ait
sier, je n'ai pas envie de grimacer devant vous/ les contrastes, la prédilection pour des couleurs culture de Moscou, la vieille capitale de l'Empire oscillé entre le raffinement des miniatures
russe ayant toujours aimé voir confluer chez elle orientales et de grandes compositions inspirées
P. Kontchalovski, Course de taureaux, 1910. H/t. Moscou, Galerie nationale Trétiakov. les multiples inspirations venues d'un continent de la Renaissance, il paiera son tribut aux nou-
eurasien par excellence. velles données plastiques. Son Café chantant
Il est évident que l'orientalisme du Valet de (1911) est une œuvre monumentale que David
Carreau n'a rien à voir avec celui des premiers Bourliouk distingue tout spécialement dans
symbolistes de La Rose Bleue, mais un artiste l'article cité plus haut, y décelant « l'utilisation
comme Paviel Kouznetsov sut très vite sortir des de plusieurs points de vue (ce qui, en architec-
évane cences et des anémies picturales du sym- ture, est connu depuis longtemps comme une
bolisme. Ce n'est pas un hasard si David Bour- loi mécanique), la réunion de la repré entation
liouk, dans son article « Les "fauves" de Rus- per pectiviste avec la surface du fond, c'est-à-
sie», paru dans l'almanach munichois Der Blaue dire l'utilisation de plusieurs surfaces , ».
Reiter en 1912, mentionne parmi les repré en- Le Café chantant de Yakoulov annonce
tants du nouvel art russe Kouznetsov, Sariane et toutes les données du cubo-futurisme simulta-
Yakoulov2(). Kouznetsov donna une version très néiste, bien que l'auteur se soit toujours dérobé
matissienne de l'Extrême-Orient « russe ». Des aux classifications d'école. L'influence d'une
œuvres comme Dans le kochar (1910), Femme telle œuvre sur David Bourliouk ou sur Alexan-
dormant dans le kochar (1911), Marché aux dra Exter me semble s'imposer par un certain
oiseaux (1909) ou Nature morte à la gravure baroquisme de la construction, à laquelle les
japonaise (1912) sont délibérément cézannistes éléments spiraliques donnent un frémissement
fauves ; elles dénotent un sens de la construction dynamique. Enfin, le Café chantant annonce le
qui provient autant du post-impressionnisme travail précon tructivi te de Yakoulov en 1917,
français que de l'icône orthodoxe. Quant à pour le Café Pittoresque à Moscou.
Sariane et à Yakoulov, en tant qu'Arméniens, ils Une des œuvres les plus significatives de la
étaient à la confluence de l'Europe et de l'Asie. nouvelle esthétique du Valet de Carreau sera le
Sariane est un des repré entants les plus ori- Portrait de G.B. Yakoulov (1910) de Piotr
ginaux de ce que l'on pourrait appeler le « fau- Kontchalovski. Gleb Pospiélov note que ce
visme russe » ; il se distinguait, par ses accents tableau utilise les « procédé du grotesque pri-
vigoureux, du symbolisme fluet et quelque peu miti vis te » : « Le personnage est assis "à la
exangue qui dominait La Rose Bleue. Ayant turque", exactement comme les "lutteurs" de
assimilé la science décorative de Matisse, il Machkov ou les soldats de Larionov, "fixé" sur

61
60
L'AVANT-GARDE RUSSE LE CÉZANNISME FAUVE RUSSE

I. Machkov, Baies sur fond de plateau rouge, 1910-1911.


H/t, 132 x 140 cm. aint-Pétersbourg, MNR.

le spectateur, et exactement de la même façon,


il est entouré en abondance de poignard et de
sabres - comme eux le sont de poids, de bou-
teilles, de partition de chansons, etc. » Mais
ce qui frappe dans le Portrait de G.B. Yakoulov,
I. Machkov, Portrait d'un garçon à la chemise ornée, 1909.
c'est l'exotisme orientaliste qui émane du per- H/t, 119,5 x 80 cm. Saint-Pétersbourg, MNR.
sonnage (dont les spécificités anthropologiques
sont pou ée à l'extrême, à la limite de la cari- P. Kontchalovski, Portrait de G. B. Yakou/ov, 1910.
cature amicale) et de son environnement. H/t, 176 x 143 cm. Moscou, Galerie nationale Trétiakov.
R. Falk, Soleil à Kosyen en Crimée, 1916. H/t, 83 x 105 cm. Moscou, Galerie nationale Trétiakov.
Toute l'œuvre d'Ilia Machkov montre un
grand sens décoratif, avec des unités colorées
mises en valeur par des contrastes francs. Son de Sonia Delaunay, avec un jeu subtil des Si l'on compare l'orientalisme dans les
Portrait d'un garçon à la chemise ornée (1909) et courbes et des droites, des zones colorées tableaux des cézanniste du Valet de Carreau
le Portrait d'une dame avec des faisans claires et des unités ombrées (Nijni- ovgorod, avec celui des néo-primitivistes de La Queue
(F. Ya. Hesse) (1911), utilisent l'ornement 1915 ; Ivan Véliki. Carillon, 1915). L'image se d'Âne, on constate que chez ces derniers, ce
comme élément constructeur principal du fait symphonique. Le jeu des arcades, des n'est pas le décorativisme brillant et exotique
tableau. Il y a ici une grande généra ité du pin- motifs en coquille de l'architecture russe, des qui est au premier plan, mais la transmutation
ceau dont témoignent l'ampleur des formes, bâtiments modernes et anciens, donnent une des données orientales-décoratives en une nou-
l'accentuation des plages colorées sur les impression de profusion ornementale typique de velle structure. Chez Larionov et Natalia Gont-
visages, la bigarrure de l'ensemble rappelant la l'Orient. La gamme colorée est slave (associa- charova, le tableau se fait carrément loubok,
rutilance des châles ou des plateaux dans l'art tions de mauve-rose, vert-jaune, vert-rose ... ), enseigne, le tableau de chevalet traditionnel
populaire. Un plateau est d'ailleurs présent musicaliste. e plo e. Ainsi, la série des amples œuvres de
dans le tableau de Machkov, Baies sur fond de Falk, quant à lui, pousse à ses dernières 1911 sur le thème de la moisson chez Natalia
plateau rouge (1910-1911). limites la construction des couleurs telle que Gontcharova (Oiseau-phénix, Anges lançant des
Chez Lentoulov, ce sera l'esthétique multico- Cézanne l'avait manifestée (en particulier dans pierres sur la ville, Pieds foulant le raisin) sont la
lore scintillante et volubile de Saint-Basile-le- son cycle de tableaux consacrés à la montagne démonstration éclatante que l'ornementation
Bienheureux (xvne siècle), sur la Place rouge à Sainte-Victoire), en intégrant quelques procé- n'est plus un motif parmi d'autres sur une sur-
Moscou, qui pénétrera son art avant 1917. Len- dés géométri ants du cubisme parisien ( Crimée, face picturale. Elle devient le principe construc-
toulov déforme ses sujets en un mouvement Peuplier pyramidal, 1915; Portrait de Midhat teur du tableau dont les éléments figuratifs sont
musical, très proche de l'orphisme de Robert et Réfatov, 1915). di po é dans des séquences totalement irréa-

62 63
L'AVANT-GARDE RUSSE

listes, en vastes tranches colorées au découpage fit plus sage très vite, ils devinrent des « peintres
à la fois appuyé et syncopé. Aucun souci, ici, de de salon » ne faisant que répéter, selon des
respecter quelque convention que ce soit de la recettes bien assimilées, les mêmes refrains.
peinture de chevalet. On pourrait dire que le groupe du Valet de
Bien que Larionov ait été un des organisa- Carreau, dans son esthétique cézanniste fauve
teurs du Valet de Carreau et que la première primitiviste, fait partie de l'avant-garde entre
exposition révélât une communauté esthétique 1910 et 1913, le temps de quatre expositions
apparente de pratiquement tous ses membres : (1910-1911, 1912 et deux en 1913, à Moscou et à
combinaison de cézannisme, de décorativisme Saint-Pétersbourg).
et de néo-primitivisme, il y eut dès le début une Après, d'autres forces novatrices prennent la
lutte pour le pouvoir entre lui et les maîtres du relève. Les deux dernières exposition , celle de
« cézannisme russe » Kontchalovski, Machkov 1914 et celle de 1916, qui se font encore sous
et Lentoulov. Le prétexte en fut la création l'égide du Valet de Carreau, voient le triomphe
d'une association avec des statuts et des assem- des cubo-futuristes (Malévitch, Morgounov.
blées générales, ce qui mit hors de lui Larionov Lioubov Popova, Nadiejda Oudaltsova,
qui y vit un embourgeoisement évident. En réa- Alexandra Exter), puis des suprématistes
lité, les raisons étaient plus profondément (Malévitch, Klioune, Véra Pestel, Lioubov
d'ordre artistique. S'il est évident que Kontcha- Popova, Pougny, Olga Rozanova, Nadiejda
lovski ou Machkov ont étés marqués de façon Oudaltsova). C'est au Valet de Carreau de 1916
originale et profonde par le loubok et l'en eigne que Malévitch montre cinquante-neuf toiles
de boutique, ce qui leur permit de« traduire la uprématistes, plus qu'il n'en avait montré au
chair des choses », selon l'expression de début de l'année à Pétrograd à la fameuse Der-
Tugendhold 24, ils se sont très vite laissé domi- nière exposition futuriste 0,10.
ner, dans leur œuvre, par la peinture « civili- Le 21 février 1914, Malévitch écrivait à Olga
sée », celle des ateliers et des académies qui se Rozanova : « Nous avons anéanti Le Valet de
sont mis à propager de par le monde des nou- Carreau. Il ne reste rien de Tugenhold, sinon
veautés plastiques pendant toutes les années les gants rr. » Et, la même année, dans une lettre
dix, donnant ainsi la possibilité à un « acadé- adressée à Iossif Chkolnik, le secrétaire de
misme d'avant-garde » de se déployer. l'association concurrente pétersbourgeoise
Valentine Marcadé, qui a rencontré Larionov L'Union de la Jeunesse, Malévitch se montre
I. Machkov, Nature morte au bégonia, 1909. H/t. 89 x 105 cm. Saint-Pétersbourg, MNR.
et Natalia Gontcharova à la fin de leur vie, écrit encore plus clair sur ses objectifs de conquête et
que « selon Larionov, son refus de collaborer d'annexion du Valet de Carreau en 1914 :
plus longtemps au Valet de Carreau avait un « L'exposition du Valet, si on la prend relative-
fondement idéologique précis et son désaccord ment, ce n'est pas mal, mais, en l'occurrence,
avec le groupe de Bourliouk avait des racines elle approche la limite dernière après laquelle
profonde . Il estimait que le temps était venu commence la palissade du cimetière Vagankovo
pour l'art russe de trouver ses propres formes, (je vois comme issue unique la voie cubo-
un style et une facture originale alors que les futuriste) et je déclare que celui qui ne passera
peintres du Valet de Carreau piétinaient sur pas à cette voie apparaîtra comme candidat à ce
place et ne faisaient que répéter l'acquis, conti- cimetière. Kontchalovski, Machkov et Kouprine
nuant à imiter aveuglément Cézanne sans sont aux pieds de son enceinte et demandent les
apporter aucune nouvelle idée dans l'art 25 • » Ce clefs des portes 28 • »
qui confirme les dires de Bénédikt Livchits dans Avec l'humour ukrainien (gogolien) qui lui
L'Arche, à un œil et demi, quoi qu'en pense était propre, le futur fondateur du supréma-
Nikolaï Khardjiev 26 • Et en effet, l'œuvre des tisme décrit le travail pictural d'un des membres
principaux acteurs cézanni tes du Valet de Car- importants du Valet de Carreau, Kouprine :
reau, Kontchalovski, Lentoulov, Machkov, « Pour lui, peindre un tableau ne co0te rien ;
Falk, Kouprine (les Bourliouk restent à part) se quand sa femme part au marché, il rassemble

64 IX
V. Rojdestvienski. Nature morte, 1909. H/t, 97,8 x 85 cm. Kazan, musée des Beaux-Arts de la République du Tartastan.

R. Falk, Le Peuplier pyramidal, 1917. H/t, 108 x 88 cm. aint-Pétersbourg, MNR.

X XI
V. Baranov-Rossiné, Maisons sur le Don, c. 1908. Gouache sur carton, 34 x 51 cm. Paris, coll. Tatiana Baranov-Rossiné.

M. Larionov, Portrait de David Bour/iouk, c. 1910. H/t. 88 x 102 cm. Coll. part.

XIII
XII
K. Malévitch. Paysannes à l'église. 1911. H/t. 75 x 79,9 cm. Amsterdam. Stedelijk Museum.

N. Gontcharova. Les Lutteurs. 1909. H/t, 118 x 103 cm. Paris. MNAM.

XV
XIV
LE CÉZANNISME FAUVE RUSSE

chez Barthe, la technique (la coloration des


plans) chez nous et le sujet chez Gontcharova et
s'en est servi pour goupiller [zakatil] des toiles.»
La critique à l'égard des cézannistes du Valet de
Carreau venait aussi de ses membres. Le peintre
et critique russo-ukrainien Grichtchenko, qui a
lui-même exposé au Valet de Carreau, se fait le
détracteur de ce groupe d'artistes dans un article
de 1913 publié dans la revue symboliste Apollon,
revue qui défendait de préférence l'« art de
droite ». Il n'y a finalement, dit-il, aucune diffé-
rence entre eux et le réaliste Riépine qu'ils vitu-
A. Kouprine, Nature morte avec fleurs, c. 1912. pèrent tant. Lors de la dernière exposition du
H/t, Moscou, Galerie nationale Trétiakov.
Valet de Carreau à Saint-Pétersbourg, les
peintres se sont efforcés de pré enter le plus de
sur-le-champ tout ce qui peut se trouver dans la tableaux possible au détriment de la qualité
maison : tableaux, photographies, bouteilles, (quatre-vingt-trois toiles de Kontchalovski, qua-
boîtes, chaises et tout ce qui n'a pas de forme rante-cinq de Lentoulov, cinquante-neuf de
cubique : "crétines, dit-il, elles n'en ont pas Machkov, contre une de Picasso, deux de
donc marre d'être assises sur de tels bâtons, et Braque, une de Derain, deux de Vlaminck)!
de les peindre - vas-y donc, essaie d'en faire un Grichtchenko est choqué par la versalité des
cube, et ces bâtons de mes deux qui restent peintres contemporains. Lentoulov, en 1912,
plantés là". Sur ce sujet, c'est un de pote, même expo ait des tableaux cubistes, en 1913 il expose
si ce n'est qu'indirectement, et j'ai pitié de sa des tableaux futuristes. En trois mois, il a saisi le
pauvre moitié qui doit ramasser tout ce tas et fin du fin du futurisme ! De même, Alexandra
remettre tout en place 29 • » Exter change sa manière picturale chaque année,
Après 1913, le Valet de Carreau ne reflète
M. Werefkin. Le Séchage du linge, c. 1909. H/t, 50.5 x 64 cm. Munich. Lenbachhaus. M. Le Dentu, Portrait du peintre Fabbri. c. 1912.
plus de façon dominante le courant cézanni te
H/t, 75,5 x 65 cm. Samara, Musée régional d'Art.
fauve primitiviste de 1910-1912, car à cette
époque l'art de gauche avait pris le dessus et
envahi la scène artistique. Même l'a ociation,
passéiste par excellence, du Monde de l' Art
renouvelée par Benois en 1910 voit les nou-
veaux courants se manifester dans leurs exposi-
tions à partir de 1913. Ainsi, Tatline, Yakoulov
et autres novateurs y montrent leurs œuvres 30•
Peut-être la participation de Tatline au Monde
de l' Art de 1913 à Moscou et à Saint-Péters-
bourg peut-elle s'expliquer par ce passage de la
lettre de Fabbri, peintre de l'entourage de
Lariono , à Le Dentu, le 18 eptembre 1912 :
« Tatline se sent très mal, il a enfin compris le
comportement de Larionov à son égard. Hier
Lariono l'a vilipendé parce que l'année der-
nière il avait exposé de très piètres dessins. "Un
vrai Alexandre Benois !" a-t-il dit. Il n'a pas
ménagé non plus Malévitch parce que cette
année celui-ci a pris la couleur rouge et noire

XVI
65
L'AVANT-GARDE RUSSE LE CÉZANNISME FAUVE RUSSE

K. Malévitch, Tête de paysan . c. 1911. Gouache


DANS LE SILLAGE sur carton, 46 x 46 cm. Coll. Roald Dahl.
DU VALET DE CARREAU
K. Malévitch, Tête de paysan . 1912. Gouache sur papier,
26,7 x 32 cm. MNAM.
Malévitch
K. Malévitch, Tête de paysan . 1912. Gouache sur papier,
46 x 46 cm. Cologne, galerie Gmurzynska.
Le style cézanniste fauve primitiviste prévalut
largement dans l'avant-garde russe chez des
artistes qui ne sont pas rattachés directement au qui sourdent des visages. On note aussi une
Valet de Carreau. Malévitch, qui montra à la étonnante affinité avec la manière dont Jaw-
première exposition de 1910 trois œuvres dont lensky, à partir de 1905, traite les visages de ses
deux nous sont connues : Fruits et Servantes modèles (par exemple Der Bucklige, 1905; Vio-
avec des fleurs (seul est attesté jusqu'ici un des- lette, Turban, 1911).
sin préparatoire), est en train, à la fin de 1910, L'Autoportrait de Spilliaert (1907) ou celui de
de sortir de sa période symboliste, qu'il reniera Robert Delaunay (1909), présentent également
totalement par la suite. Les œuvres du Valet de un visage couvert de plages multicolores.
Carreau doivent autant au cézannisme qu'à L'Autoportrait de Malévitch à la galerie Trétia-
Matisse, auquel Malévitch emprunte la netteté kov est tout plein du monde nabi qui hantait il y
souple des contours. C'est dans ses deux Auto- a encore peu le peintre. Toute sa sensualité (élé-
portraits que se manifeste le plus nettement la ment plutôt rare chez le futur auteur du Qua-
K. Malévitch, Autoportrait, 1910. Gouache sur papier, convergence avec le Valet de Carreau. drangle noir) est exprimée par un essaim de
46,2 x 41,3 cm. Saint-Pétersbourg, MNR. femmes nues rouges, aux postures diverses, qui
Les violents contrastes de couleur, avec cette
prédilection pour l'opposition rouge et vert que entourent la tête de l'artiste. Le regard, comme
guidée non pas par des impératifs intérieurs, par nous retrouvons dans toute l'œuvre de Malé- cela sera le cas dans pratiquement tous les
une voix intérieure, mais par la mode, la nou- vitch, font sortir le portrait de sa problématique visages de Malévitch, ne porte sur aucun lieu
veauté à tout prix. Quant à Falk, il ne fait que photographique. Certes Van Gogh, et avant lui précis. Dans l'Autoportrait du Musée national
paraphraser Cézanne. « Comme Cézanne se Cézanne, avait habitué l'œil de la fin du russe, le regard est comme tourné vers l'inté-
serait indigné s'il avait vu toutes ces bouteilles, xrxc siècle à supporter ces agressions colorées rieur, donnant à cette œµvre peinte dans une
ces poires, ces pêches, ces nappes et serviettes riche technique mixte (gouache aquarellée, encre
frois ées, tous ces accessoires sans âme dont de Chine et laque) une dimension iconique.
A. Jawlensky, Der Bucklige, 1905. H/t, 52,5 x 49,5 cm.
aucune toile cézanniste ne peut se passer 31 • » Munich, Lenbachhaus. Les touches colorées qui, comme des flaques
En résumé, on peut donc dire que les cézan- irrégulière , couvrent cet autoportrait, en font
nistes du Valet de Carreau n'appartiennent à autant la repré entation de l'artiste lui-même
l'avant-garde que pendant trois ou quatre ans. que celle du peintre en soi, porteur de toutes les
Même si, par la suite, on trouve encore de belles couleurs de la palette. Souvenons-nous de ce
œuvres çà et là, l'ensemble donne une impres- beau passage de l'article de Malévitch « De la
sion de déjà vu, les couleurs et les formes per- Poésie », paru en 1919 : « Dans l'artiste
dent de cette vigueur que leur avait apportée s'embrasent les couleurs de toutes les teintes,
l'art populaire au début des années dix. Et si son cerveau brQle, en lui se sont enflammés les
l'on forçait un peu les choses, on pourrait affir- rayons des couleurs qui s'avancent revêtues des
mer que le vrai apport du Valet de Carreau à teintes de la nature, elles se sont embrasées au
l'art novateur russe et universel, c'est le choc contact de l'appareil intérieur. Et ce qui en lui
provoqué par l'exposition moscovite de 1910- est créateur s'est levé de toute sa stature avec
1911 dont un des participants, A. Morgounov, a toute une avalanche de teintes, afin de sortir à
bien décrit l'impact : « C'était une victoire sur nouveau dans le monde réel et de créer une
les expositions pâles, grises, monotones qui forme nouvelle . »
avaient lieu jusqu'à présent, une victoire sur les Dans son opuscule paru à Moscou en 1920,
poncifs esthétiques, une victoire sur le gotlt De Cézanne au Suprématisme, Malévitch
petit-bourgeois. » déclare que « Cézanne a donné l'impulsion

66 67
L'AVANT-GARDE RUSSE LE CÉZANNISME FAUVE RUSSE

sation plane sur la surface plane de laquelle Baigneur, elle montre une filiation directe avec
tous les objets po èdent une réalisation pictu- le Nu debout de Braque, qui fut présenté à Mos-
rale identique, laquelle, à cause de sa propre cou à l'exposition de la Toison d'Or en 1909
force, n'est pas recouverte spatialement avec sous le titre de Baigneuse, avec La Danse de
des gradations de lumière, comme nous le Matisse, mais également avec le Nu à la drape-
voyons chez les impre ionni tes . » rie de Picasso.
Dans le tableau de Malévitch, il n'y a que On note la même dislocation de toute l'ana-
trois personnages. On peut sans doute y trouver tomie au profit d'un assemblage de volumes et
une influence de la structure iconographique de plans mis en contraste. Le galbe des jambes
orthodo e de la Trinité de l'Ancien Testament est cézanniste géométrique. Depuis Les Demoi-
qui connaissait toutes sortes de traitements, des selles d'Avignon, la nudité n'est plus l'expres-
plus théologiques aux plus naïvement popu- sion de la belle harmonie corporelle comme
laires (cet archétype iconique, c'est la Trinité dans l'académisme, de la vérité humaine
d'Andreï Roublev, qui est devenue universelle- comme dans le réalisme, mais elle permet de
ment célèbre). Ce qui frappe dans le Pédicure faire ressortir ses vertus plastiques dans une
aux bains, c'est la gamme colorée à dominante synthèse de ses éléments, ce que ne peut donner
grise avec çà et là des stries jaunes, ocres, bleu- la reproduction fidèle du modèle. C'est donc en
tées. On sent dans cette retenue un écho du toute logique que la Salomé ou la fille de
I. Machkov, Portrait d'un homme inconnu. cubisme analytique qui triomphe à Paris préci- quelque petite maison qu'est le per onnage du
H/t, 72,5 x 66 cm. Yaroslavl, Musée régional. sément en 1910-1912. Quant à la gouache du Nu à la draperie de Picasso est mise par Malé-
V. Baranov-Rossiné, Autoportrait, c. 1910.
H/t, 72 x 48 cm. Paris, coll. Tatiana Baranov-Ro iné. K. Malévitch, PUicure au bain, 1910. Gouache sur carton, n,7 x 103 cm. Amsterdam, Stedelijk Museum.
I. Pougny. Autoportrait, 1912.
H/t, 84 x 67,5 cm. Paris, MNAM.

d'une nouvelle facture [i.e. texture] de la sur-


face picturale, en tant que telle, déduisant la
facture picturale de l'état impre ionni te; par
la forme, il a donné la sensation du mouvement
des formes vers le contraste 34 ». On a d'ailleurs
comparé la con truction du Pédicure aux bains
avec celle des fameux Joueurs de carte de
Cézanne, dont Malévitch a pu voir une repro-
duction dans la revue Apollon en 1910. Nous
comprendron mieux le rapport de Malévitch à
son sujet si nous lisons les commentaire qu'il
faisait, dans les années vingt, devant ses étu-
diants du tableau de Cézanne : « Ce tableau
reproduit quatre figures qui nous donnent la
sensation de géants vêtus d'étoffes très lourdes.
La table à laquelle sont assis trois de ces géants
ne repré ente qu'une toute petite chose dont le
dessus aurait pu tenir trois fois plus de place, si
l'homme en manteau ou en blouse se levait[ ... ).
Ainsi, les éléments spatiaux font défaut dans
cette œuvre à cause du tressage des différences
spatiales colorées de la per pective aérienne. Il
résulte de là que cette œuvre possède une sen-

68 69
L'AVANT-GARDE RUSSE LE CÉZANNISME FAUVE RUSSE

vitch dans la catégorie de la « mystique » sur le aux Archives nationales de Russie ( Fleurs de boulever e l'ordonnance des éléments figura- Van Gogh, Picasso, Derain, Le Fauconnier et,
« tableau graphique de distribution des irrita- tanaisies, La Rue méridionale, Feuilles de tifs, ne cherche pas une représentation frontale pour une part, Matisse et Rousseau 39 •
tions colorées se produisant dans le processus muguets dans un vase, Portrait présumé du et bien délimitée des objets, fait des coupes Outre les membres de l'ancienne Rose Bleue
créateur d'un artiste» (1924-1926) . peintre Fabbri) ainsi que les Œillets, sont peintes dans le réel selon des nécessités purement artis- symboliste (Kouznetsov, Sariane ou Yakoulov),
Le mouvement de danse (une danse pictu- dans des tonalités « fauves » de bleus-noirs, de tiques. En cela, Tatline est proche de la création dont la création autour de 1910-1912 peut être
rale) est encore figé dans le Nu debout de jaunes-marrons, de verts-blancs et d'ocres-ver- de Larionov en 1906-1907, en particulier dans sa inscrite, nous l'avons noté plus haut, dans le
Braque, il se fait zigzagant dans le Nu à la dra- millons. Les unités colorées n'épousent pas les série des« Poissons», où l'on trouve le même courant fauve cézanniste, c'est surtout les
perie de Picasso, pour se dérouler dans des contours fixes, elles débordent, se perdent dans rapport au réel. Comme l'écrit D. Sarabianov à membres du Valet de Carreau de 1910 que
rythmes harmonieux d'arabesques dans La des dégradés, se chevauchent. Des « mor- propos de ces œuvres tatliniennes, « Tatline Bourliouk met en avant. Plusieurs des artistes
Danse de Matisse. Et chez le néo-primitiviste ceaux » de réalité sont saisis, « cadrés ». Mais détruit la conception contemplative de l'impres- cités nous restent méconnus faute d'avoir vu
Malévitch, il y a oscillation entre le hiératisme l'extérieur et l'intérieur s'interpénètrent. Dans sionni me. Son héros plastique principal ne fait leurs œuvres. C'est le cas de Dénissov, que
et la mise en mouvement. les Œillets, la fenêtre ne ferme pas un espace encore qu'éprouver, dans ces premiers travaux Bourliouk met aux côtés de Kandinsky et de
Alors que, autour de 1911, les gouaches se clos, le vert de la végétation se répand sur que l'action des forces extérieures 37 ». Larionov (les « Soldats ») pour avoir appliqué
partagent entre des paysages, des portraits, des l'espace se trouvant derrière le bouquet. « la loi du dessin libre 40 ». C'est le cas aussi de
scènes tirées de la vie de tous les jours, du L'irréalisme de la nappe rouge des Feuilles de Knabe, dont nous ne savons rien, ou de Fonvi-
monde du travail, dans Pédicure au bain, le muguet dans un pot est si grand que cette nappe LES « RUSSES DE MUNICH » zine, qui mérite d'être remis en valeur. Quant à
peintre s'est débarrassé définitivement de perd totalement son statut figuratif et se trans- ET LES« FAUVES DE RUSSIE» Jérebtsova, qui a vécu à Paris, qu'un chroni-
toutes ses hésitations antérieure : « Le sujet n'y forme en une sorte de parterre parcouru de queur de 1911 qualifiait de « mystique, reli-
est déjà plus qu'un prétexte, un point de départ, sillons irrégulier : le fond de la toile est pure C'est sous ce titre de « Fauves de Russie » gieuse»,« toute en mosaïque»"' et qu' Apolli-
le support d'une composition avant tout plas- picturalité, sans souci de représentation mimé- (« Die "Wilden" Russlands ») que David Bour- naire a distinguée dans ses chroniques d'art, elle
tique. La couleur y est utilisée de manière pure- tique de la réalité sensible. Les tons du Tatline liouk fait le bilan de l'art russe dans l'almanach a pratiquement disparu de la mémoire.
ment instinctive avec une force brutale et par- cézanniste fauve sont chauds, denses et, si l'on Der Blaue Reiter, paru à Munich en mai 1912. Ce qu'il faut relever dans l'article de David
fois presque agressive. Les dominantes sont prenait une comparaison musicale, comme com- L'article de David Bourliouk date au moins de Bourliouk, c'est qu'il ne sépare pas les Russes
chaudes, avec, semble-t-il, une prédilection posés en mode mineur. l' automne 1911 puisqu'il y annonce « pour de l'Empire et ceux qui sont à Paris ou à Munich.
pour le rouge, les tons vifs et saturés. Le dessin, Par rapport aux peintres du Valet de Car- décembre >> le fameux Congrès des Artistes de Et une histoire de l'art russe serait lacunaire si
volontairement schématisé et très appuyé, reste reau, la peinture de Tatline entre 1908 et 1911 toute la Russie qui eut lieu, comme on sait, fin elle n'intégrait pas les « Russes de Munich »
réaliste, mais son rôle devient essentiellement décembre 1911 selon l'ancien calendrier, c'est-à- (Valentine Marcadé a été la première à le
V. Tatline, Feuilles de muguet dans un vase, c. 1911. H/t,
rythmique. Aucune droite, en effet, mais de dire dans la première semaine de janvier 1912 faire). Aussi incluons-nous dans les cézannistes
68 x 58 cm. Moscou, Archives nationales de Russie.
grandes courbes très souples s'opposant asymé- selon notre calendrier grégorien. fauves les quatre grands artistes russes de
triquement et parcourant le tableau dans toute Lors de ce congrès fut lue, en l'absence de Munich: Kandinsky, Jawlensky et sa compagne
son étendue. » Kandin ky, la première version de Du Spirituel de l'époque Marianne Werefkin ainsi que Bekh-
Chez Malévitch, toutes les influences - cézan- dans /'Art (Peinture) dans son original russe. téïev. L'histoire de la venue à Munich de tout
niennes, fauves, précubistes - sont synthéti ée La situation moscovite à l'automne 1911 est un groupe d'artistes russes à la fin du xixc siècle
dans un premier temps sous l'influence domi- dominée par les débats autour du Valet de est maintenant bien connue "2•
nante de l'art populaire slave. Carreau, du cézannisme et du primitivisme En général, on a pris l'habitude de ranger
populaire. leurs protagonistes dans l'expres ionni me alle-
David Bourliouk, après avoir mentionné que mand, ce qui se justifie par leur participation à
Tatline Cézanne et Van Gogh avaient déjà indiqué la la vie artistique allemande, mais on ne saurait
nécessité de se délivrer de l'esclavage des oublier le lien permanent qu'entretiennent
Jusqu'en 1912, date approximative où une géo- canons académiques, énumère les repré entants Kandinsky, Jawlensky, Marianne Werefkin ou
métrisation plus forte se manifeste sur ses du nouvel art, des nouveaux principes du Beau : Bekhtéïev avec la vie artistique russe" 3• D'autre
tableaux, Tatline produit une série d'œuvres qui Larionov, Paviel Kouznetsov, Sariane, Dénissov, part, si l'on compare l'expressionnisme de Die
sont tout à fait dans la ligne du cézannisme Kontchalov ki, Machkov, Natalia ontcharova, Brücke (Schmidt-Rottluff, Nolde, Kirchner,
fauve, d'un post-impressionnisme qui garde Fonvizine, Vladimir et David Bourliouk, Knabe, Pechstein, Heckel ou Müller) autour de 1910
toute la saveur de l'objet représenté et où la Yakoulov et, à l'étranger, Jérebtsova (Paris), avec celui de la Neue Künstlervereinigung ou
couleur est construite à l'instar des éléments qui Kandinsky, Marianne Werefkin, Jawlensky de Der Blaue Reiter, on est frappé de voir com-
structurent la surface picturale. La série des (Munich)3 8• Les artistes occidentaux dont ces ment, en face de l'agressivité coloriste et
toiles, datées entre 1908 et 1910. qui se trouvent peintres se sentent proches en 1911 sont Cézanne, linéaire, de la violence des pulsions archaïques

70 71
L'AVANT-GARDE RUSSE LE CÉZANNISME FAUVE RUSSE

et telluriques qui se manifestent chez les pre- était un « sommet » ( « La sobriété est celle des
miers, Jawlensky, Kandinsky et Franz Marc chefs-d' œuvre de l'Asie orientale - pas un trait.
manifestent, eux, une non moins grande véhé- pas un ton de trop 41» ), est qualifiée par Archi-
mence de la couleur mais il s'agit cette fois penko d' « ultra-impre ionni te ».
d'une couleur révélant un monde d'harmonie et Le mot « expre ionni te » ne fait pas encore
de spiritualité, un monde symphonique. Com- partie du vocabulaire courant de la critique
ment ne pas voir là l'apport des Russes qui d'art. Archipenko parle d'ultra-impressionnis
« étaient unis par la pensée que l'art doit jaillir pour ouligner que la couleur est portée à son
des profondeurs de l'âme pour aller vers la vie extrême intensité contrastée. Il taxe égaleme t
réelle - de l'âme, source des émotions et des de primitivisme ce qui dans Lyrique est schéma1
impul ion humaines 44 », pensée qui coïncidait tisme et laconi me du trait 49 • Dans ce débat
avec toute une tradition allemande, de Novalis entre couleur et dessin, la réflexion de Marianne
et Schelling à Rudolf Steiner 45 • Kandin ky, on le Werefkin nous permet de comprendre le climat
sait, n'était pas d'accord avec F. Marc au sujet esthétique des deux premières décennies de ce
de Die Brücke. Il reprochait aux peintres berli- siècle. Dans son journal intime de 1905, tenu en
nois de ne pas avoir besoin du dessin ni de la français, l'artiste russe écrit:« En couleur, pour
compo ition 46 • Le sculpteur ukrainien Archi- ne pas dévier dans le domaine de l'impossible il
penko, dans une recension du Salon des Indé- faut s'en tenir à la forme organique, c'est-à-dirCI
pendant de 1911, porte une attention particu- à la limite de l'objet et encore il y a tant de cas
lière à Kandin ky et à son tableau Lyrique 41 • où cette limite doit être oubliée pour que
Cette œuvre, dont Will Grohmann disait qu'elle l'impre ion coloriste agisse dans toute sa force

V. Kandinsky, Lyrique, 1911. H/t, 94 x 130 cm. Rotterdam, musée Boymans-van Beuningen.

V. Kandinsky, Improvisation Ill, 1909. H/t, 94 x 130 cm. Paris, MNAM.

[ ... ]. La couleur dissout la forme existante, il déborder ces contour -limites comme dans La
faut lui trouver une forme à elle. Puisque la Lampe de Jawlensky. Une accentuation de la
couleur est hors de la logique, la forme colorée géométri ation cézannienne, une ligne libre à la
n'y est pas non plus soumise. La forme colorée Matisse, un coloris en flaques et en dégradés,
est dominée par les lois de la couleur. Un ton telles sont les caractéri tique d'œuvres comme
vif mange les autres, la forme qui le porte Improvisation Ill (1909), Improvisation IV
domine les autres [... ]. La couleur décide de la (1909), ou Nature morte au pot jaune et au pot
forme et se la soumet 50• » On constate chez les blanc (1908), Nature morte à la couverture
Russes de Munich une gamme colorée très par- bariolée ( 1910). Les Laveuses de linge de
ticulière, que l'on pourrait qualifier de« slave» Marianne Werefkin (vers 1909) ont une struc-
chez Jawlensky et Kandinsky (leur colori me ture géométrique très stricte, avec un contraste
est très apparenté dans leurs œuvres d'avant de couleurs très vives (rouge, carmin, bleu nuit,
1910), de nordique chez Marianne Werefkin dégradés de vert) et des gris presque en
(«lituano- lave», si l'on songe à la lumière qu'a camaïeu. Il faut mettre côte à côte ce tableau de
absorbée la conscience picturale de l'artiste Marianne Werefkin et les célèbres tableaux de
dans son enfance en Lituanie). Natalia Gontcharova sur ce thème, par exemple
Autour de 1908 et 1909, les toiles de Jaw- Le Blanchiement du linge (1910) ou Les Lavan-
lensky, de Marianne Werefkin et de Kandin ky dières (1911-1912). On voit combien la Russe
sont nettement cézannistes fauves. Les objets munichoise reste totalement dans la tradition
ont des contours appuyés qui créent des zones du tableau « civilisé » occidental, alors que la
Précises de couleur qui cependant peuvent Russe moscovite fait éclater cette structure en

72 73
L'AVANT-GARDE RUSSE LE CÉZANNISME FAUVE RUSSE

traitant la surface comme une enseigne de bou- moins abondante mais reste significative de Maison au bord de la rivière (1910), Nature
tique dans la première œuvre et en conjuguant cette ligne marquée par le fauvisme et le cézan- morte à la chaise ( 1911 ), La Cousine aux fleurs
des éléments venus de l'icône et de la sculpture nisme. Le Dompteur de chevaux (vers 1912), ( 1911) 54 développent une iconographie cézan-
païenne archaïque (les kamiennyié baby) dans comme la série des scènes cavalières ( Comba• niste en éventail où les mouvements spiraliques
la seconde. Ce qui relie le tableau de Marianne des amazones, 1909; Diane à la chasse, 1912: créent un dynamisme interne. Les couleurs
Werefkin et ceux de Natalia Gontcharova, La chasse. Esquisse de tableau, vers 1912) sont sont franchement cézanniennes dans les pay-
outre le thème, c'est le hiératisme des poses, la traversés par « un mouvement tendu, une pous.., sages, tandis que le prisme « ukraino-slave »
sacralité des gestes les plus quotidiens, héritage, sée volontariste, un élan dynamique », ce qui des bleus-rouges-mauves profonds striés de
bien entendu, de l'iconographie nabie. engendre leurs « propriétés plastiques caracté-i vert prennent le dessus dans les natures mortes.
Le coloris des Russes de Munich est encore ristiques, leur structure compositionnelle, c'est- Cette même gamme se retrouve chez Sonia
plus vif que celui des artistes du Valet de Car- à-dire un contour appuyé, des solutions col01 Delaunay 55 (qui fut une amie de Baranov-Ros-
reau, plus raffiné aussi. L'Autoportrait de rées construites sur la sonorité intense des siné), peintre qui se revendiquait de façon expli-
Marianne Werefkin (1910) est saisissant, taches de couleur que complète la constructio cite de son Ukraine natale. Ne déclare-t-elle
presque effrayant, à cause de l'incandescence du dynamique de la composition 52 ». H.K. Rothel a pas : « Je suis attirée par la couleur pure. Cou-
rouge des yeux et des lèvres qui se répand en pu écrire du Dompteur de chevaux:« C'est une leurs de mon enfance, de l'Ukraine. Souvenir
stries irrégulières un peu partout sur la surface. œuvre de grande tension dramatique. Tous les des noces paysannes de mon pays où les robes
Une prêtresse du feu, c'est ainsi que Marianne éléments picturaux sont subordonnés à la rouges et vertes, ornées de nombreux rubans,
Werefkin s'est représentée sans aucune complai- recréation d'une tempête. Le ciel est noir, bleu.. volaient en dansant 56• » Et aussi : « Les souve-
sance à la joliesse, avec une sorte de dureté vert, un nuage blanc déchire la surface sombre. nirs d'une petite fille qui vit dans les plaines
inflexible, d'inexorabilité dans toute la com- Les nuées d'orage s'accordent à la crinière d'Ukraine restent des souvenirs de couleurs
plexion physique et morale. Le poète expres- noire du cheval. Les cimes des arbres se cour- gaies [... ). Poussent les pastèques et les melons.
sionniste allemand Else Lasker-Schüler lui bent. Le dompteur de cheval lui-même commu- Les tomates ceinturent de rouge les fermes, et
consacrera un poème où est il dit : « Marianne nique au tableau un mouvement en diagonal , V. Baranov-Rossiné, Nature morte à la chaise, 1911. de grandes fleurs de soleil jaunes aux cœurs
H/t, 89 x 70 cm. Coll. Baranov-Rossiné.
joue avec les couleurs du peintre russe / Vert, dominant et expressif. Cette vague puissante de noirs éclatent dans le ciel bleu, léger, haut [... ).
vert clair, rose, blanc / Et nommément le bleu de mouvement s'harmonise avec les formes parai, lèles du paysage 53 • » Le cézannisme fauve est Tout est immense, infini, mais un infini amical,
cobalt / Sont ses fidèles compagnons de jeu. » donc bien un phénomène européen qui a tou- plein d'une gaîté à la Gogol, un autre enfant du
La puissante originalité coloriste de J aw- V. Bekhtéïev, Le Dompteur de chevaux, c. 1912. ché tout particulièrement les artistes russes Pays 57 • » Si les toiles de 1906-1907 comme le
lensky éclate si on la compare aux couleurs de H/t, 110 x 94 cm. Munich, Lenbachhaus. après 1908, parallèlement aux conquêtes du Portrait de Tchouïko, l'Étude pour « Philo-
Van Dongen ou de Matisse dont il découle, ou à « cézannisme géométrique » , ou premier mène » et Jeune Finlandaise associent l'héritage
celle des Hollandais contemporain comme Jan cubisme, parallèlement aussi au néo-primiti- fauviste à l'agressivité de l'expressionnisme
Sluijters ou Leo GesteP'. Jamais des rouges visme, au cubisme analytique puis synthétique, allemand, Sonia Delaunay adoptera à partir de
d'icône n'ont chanté avec autant de bonheur au au cubo-futurisme, voire à l'abstraction, qui a 1910 une gamme « ukrainienne » somptueuse :
contact des mauves, des jaunes ou des bleus de pu quelquefois coexister avec un ou plusieurs bleus-rouges-jaunes-verts-noirs se juxtaposent
toutes nuances, le tout relevé par des notations de ces styles. avec franchise, jubilation, dans une esthétique
de vert. Il y a là comme la quintessence de la Il faudrait inclure dans ce chapitre d'autres solaire où se lit en filigrane l'iconographie des
mosaïque byzantine, de l'icône russe et du goQt noms encore, en particulier ceux des « Russes champs de tournesols ou des melonnières de
pour les contrastes violents sur les tissus de l'art de Paris » avant 1914. Les toiles de Baranov- l'Ukraine (Le Bal Bullier, 1913 ; Autoportrait,
populaire russe. Rossiné comme Paysage au grand arbre (1910), 1916; Le Marché au Minho, 1916).
Chez Kandinsky également se déroule, dans
S. Delaunay, Le Bal Bullier, 1913. H/t, 97 x 390 cm. Paris, MNAM.
ces années, toute la gamme issue du tréfonds
coloriste de la campagne russe, avec un goQt plus
prononcé pour les « improvisations », pour la
ligne musicale, libre, ondulée, qui finit, à partir de
1910, par se noyer dans les masses picturales en
mouvement pour ne plus devenir que des traits,
des signes, des calligraphie non figuratives.
Très proche de ce milieu, il y avait aussi Vla-
dimir Bekhtéïev [Bechtejeff] dont l'œuvre est

74
CHAPITRE3

LE CUBO-FUTURISME

L'UNION DE LA JEUNESSE 1910 par N. Koulbine, qui contenait en outre


des articles de ce dernier sur la création libre et
'avant-garde russe la plus radicale participa à sur la musique libre 7, un monodrame de Nikolaï
1exposition organisée à Saint-Péter bourg en Evreïnov et des vers de David Bourliouk.
I 910 par la société d'artistes L'Union de la Jeu- Quant à l'almanach du Vivier des juges (Sadok
1esse. Cette société fut fondée dans la jeune soudeiJ, paru la même année 1910, il adoptait
capitale septentrionale de l'Empire russe en une présentation provocatrice : du papier de
nove mbre 1909 à l' instigation du musicien, tapi erie bon marché servait d'illustration et,
,eintre et théoricien Mikhaïl Matiouchine et de surtout, on avait supprimé un certain nombre
sa femme, le poète Éléna Gouro. L'Union de la de lettres de l'alphabet qui ne disparaîtront offi-
Jeunesse organi a jusqu'en 1914 sept exposi- ciellement qu'après la réforme orthographique
ions, publia en 1912-1913 trois almanachs avec de 1918. Ces expériences aboutirent à la créa-
des textes théoriques de Vladimir Markov (Val- tion par Kroutchonykh en 1912 d'éditions litho-
demars Matvejs], de Matiouchine (qui pré ente graphiées où le texte et le dessin ne font qu'un,
e livre de Gleizes et de Metzinger Du cubisme, le texte étant écrit à la main par l'auteur ou le
traduit deux fois en russe en 1913 1), d'Olga peintre afin qu'il se fonde avec les formes du
Rozanova ; elle organisa aussi de nombreux dessin 8• Le livre-objet était né, qui rejetait toute
débats publics 2 et monta les deux pectacle illu tration traditionnelle au profit d'une com-
futuristes de 1913, Vladimir Maïakovski. Tragé- position picturale d'ensemble où les lettres du
die de Maïakovski, et La Victoire sur le Soleil, texte jouent un rôle structurant 9• Le manifeste
)péra de Matiouchine sur un prologue de du recueil Le Vivier des juges n° 2 (1913) procla-
Khlebnikov et un livret de Kroutchonykh 3• mait : « Nous nous sommes mis à donner un
On peut dire que tout ce qui a compté dans la contenu aux mots d'après leur caractéri tique
peinture russe de l'avant-garde fut montré aux graphique et phonétique [...)? Dans l'écriture à
expositions de L' Union de la Jeunesse. Là la main (potcherk), nous voyons la con tituante
étaient concentrées les forces arti tique de ce de l'impulsion poétique 10• » Ou bien encore :
que Khlebnikov avait baptisé la« futura lavie » « L'écriture à la main, transformée à sa manière
(boudietlianstvo) et qui s'est appelé aussi le par l'état d'esprit, transmet cet état d'esprit au
cubo-futurisme " ». Là se trouvaient étroite- lecteur, indépendamment des mots 11 • » Plus
ment unis pour le même combat, celui du Nou- d'une trentaine de livre -objet furent ainsi réa-
veau en Art, poètes et peintre , qui le plus sou- lisés ; ils constituent une des réussites les plus
ve nt étaient poètes et peintres (Maïakovski, originale du futurisme russe, sans équivalent
David Bourliouk, Éléna Gouro, Kroutchonykh, ailleurs.
Vassili Kamienski , Olga Rozanova, Filonov, En face de la Moscou primitiviste, cézanni te
etc. s). Les fameuses variations radicales de fauve, bariolée, braillarde, le Saint-Pétersbourg
Khlebnikov, Incantation par le rire 6, parurent de L'Union de la Jeunesse organi a en 1910 sa
dans Le Studio des impre ionniste , publié en première exposition, dans une atmo phère de

77
L'AVANT-GARDE RUSSE LE CUBO-FUTURISME

sagesse esthétique et artistique qui contraste de nom, comme c'est le cas pour Larionov et Nata- Cézanne [... ). On sent également dans les tra- dans l'architecture. Il est dommage que la pyra-
façon saisissante avec les nouveautés fracas- lia Gontcharova. Ils forment un groupe à part vaux des jeunes Russes l'influence précise des mide avec ses côtés en pente et sa large base ne
santes moscovites. Valentine Marcadé résume qui est, à ne pas s' tromper, un groupe ukrai- français contemporains Matisse, Braque, Van se voit plus nulle part en architecture. Oui, la
bien la situation : « Les Mo covites étaient les nien, chose qu'il était impossible de formuler Dongen, Picasso, avec leurs problèmes de la Grèce a rejeté cette forme, cette forme monu-
bienvenus (à L'Union de la Jeunesse) ; ils aussi explicitement dans le cadre de l'Empire couleur. L'étude de ces maîtres, et celle des pré- mentale, my tique, maje tueu e. 23 »
apportèrent l'éclat des couleurs propres à leurs russe, russificateur en diable 15, mais qui était raphaélite et de l'art populaire russe, est deve- La troisième exposition de L'Union de la
œuvres et l'enthousiasme puisé dans l'efferves- tout simplement la réalité des choses de cette nue le facteur qui a changé leurs gofits, leur sen- Jeunesse eut lieu à Saint-Pétersbourg en 1911.
cence artistique qui régnait à Moscou. Certes, le époque. Bourliouk, qui avait rompu avec Lario- sation de la couleur et leurs conceptions. » Y participèrent les cézannistes du Valet de Car-
caractère provocant de Larionov, le tempéra- nov en 1912, apporta du sang neuf et tout le Markov se fait ici le porte-parole de toute la reau, Kontchalovski, Machkov, Kouprine, mais
ment impétueux de David Bourliouk, le dyna- panache des steppes ukrainiennes dans l'avant- peintur russe« de gauche ». Voici, résumée , sans aucune mention de groupe ; ceux des Mos-
misme braillard de Maïakovski ont un peu garde péter bourgeoi e, tout comme il le fit à ses propositions: covites qui avaient suivi cette année-là Larionov
effacé, à cause du vacarme produit, l'activité Moscou, à Kiev ou à Kherson jusqu'à la der- « Nous peignons non pas la nature mais seu- et Natalia Gontcharova dans leur dissidence
particulièrement féconde et plus circonspecte nière expo ition de 1913-1914. lement notre rapport à la peinture. » forment un groupe à part (Malévitch, Morgou-
des artistes d'avant-garde de Saint-Pétersbourg Ici, nous devons nous arrêter quelques ins- « Nous étudions l'énorme univers de la cou- nov, Rogovine, Tatline ... ). Cette manifestation
qui, par leur style de vie, leur tenue et leur tants sur la personnalité de premier plan qu'est leur.» provoqua des réactions très vives dans la
aspect extérieur, se distinguaient de manière Vladimir Markov. On peut dire qu'il a été non « Nous détestons le copiage de la nature.» presse : « Dans aucune autre exposition on n'a
tranchée des Mo covites déchaînés 12• » seulement l'âme avant-gardi te de L'Union de « Nous recherchons l'univers des lignes.» vu tant de corps féminins. Des bleus, des verts,
La premi re exposition qui ouvre le ter mars la Jeunesse mais aussi le meilleur interprète cri- « Nous cherchon seulement la beauté. » des tordus, avec des seins et un ventre pendants,
1910 aurait été placée de façon dominante sous tique de l'art novateur en Russie. Et pourtant « Nous nions les acrobaties en peinture.» rappelant de la pâte à crêpes, ils sont affreux,
le signe du style moderne, mâtiné d'impre ion- quelle brève carrière ! Son premier article, à L'élément ymboliste est encore présent dans ces êtres calomniés. Est-ce que ce n'est pas une
nisme et de symbolisme, si le peintre et théori- l'occasion de l'expo ition de L'Union de la Jeu- l'article qui offre une vision religieuse du perle, le Masseur aux bains [il s'agit de la
cien letton Vladimir Markov n'avait fait appel nesse à Riga, est publié en 1910 et il meurt danSI monde, laquelle est d'ailleurs loin d'être étran- gouache de Malévitch, plus connue sous le nom
aux Moscovites Larionov et Natalia Gontcha- la nuit du 2 au 3 mai 1914 16. Dans ce court gère à l' « art de gauche ». L'idée que la réalité de Pédicure au bain] ? Représentez-vous le
rova, créant ainsi un petit événement qui pré- espace de temps, il organise des expositions. visible est« ennuyeu e », soumise à des lois, à la mannequin le plus horrible, mal rembourré de
cède de quelques mois le premier Valet de Car- participe à la formation du premier périodiq nécessité, au matérialisme, aux instincts bas, sciure, d'une poupée archi-analphabète, manne-
reau. Dans une lettre où il remercie Larionov au monde sur l'art d'avant-garde (trois numérot llors que l'art serait la pleine liberté qui nous quin colorié de façon épaisse d'une couleur
de sa participation, Markov avoue : « Grâce à de L'Union de la Jeunesse, 1912-1913), voyagt fait entrer dans le monde de la couleur, de la dont on ne sait si elle est bleue ou verte. Et ce
vous, nous nous sommes engagé avec assu- en Allemagne et en France, où il rassemble del lumière, de l'immatérialité divines, est proche mannequin n'a pas de dos, ni de mains, ni de
rance, en quelque sorte, sur la voie que les Mos- documents pour ses recherche et aussi pour la de la pensée de Marianne Werefkin telle qu'elle pieds, on devinera qu'il masse une chose
covites nous ont montrée[ ... ). Nous ne sommes création d'une bibliothèque et d'un musée d'art s•exprime dans ses Lettres à un inconnu ou dans informe comme lui qui gît sur un banc[ ... ). Le
pas des fanatiques, nous ne sommes pas des moderne à Saint-Péter bourg 1', écrit des articlea son Entretien 19• « L'art commence là où la vie clou de la démence, c'est un tableautin de Filo-
"maestros", nous tirons profit des beautés des et finit cinq livres : L 'Art de l'île de Pdque (pa~ init », écrit Marianne Werefkin 20 • Cette pensée nov2~. Ce n'est pas un tableau, c'est je ne sais
autres 13. » La rivalité permanente entre Saint- en 1914), L'Art des Nègres (parution posthum est proche aussi de celle de Kandinsky qui écrit, quelle morgue. Une morgue engendrée par une
Péter bourg et Moscou se manifesta pourtant en 1919), L'Art de l'Asie eptentrionale (dont le exactement à la même époque, que « nous nous imagination en délire [... ]. Des morceaux de
ici aussi. Les Moscovites ne reprochèrent-ils sort ne nous est pas connu), sa traduction du ,ommes éloignés de l'intérieur vers l'exté- peinture où se promènent des mains parmi des
pas, en 1911-1912, aux Péter bourgeoi d'être recueil de poésies chinoises Le Chalumeau de la rieur», et demande à l'Occident de trouver« ce têtes 25 • »
« des épigone du modernisme munichois 14 ». Chine (paru en 1914), et surtout son livre. son intérieur si étrangement tu»,« l'unique son
La deuxième exposition de L'Union de la appelé à une grande fortune, Principes de la :ommun, le son de l'âme humaine 21 ».
Jeunesse eut lieu la même année, en juin-aofit création dans les arts plastiques. La Facture C'est à partir de telles conception que naîtra Surface et facture
1910 à Riga, d'où Markov était originaire. Cette (paru en 1914). I' Abstracti n. Pour le moment, nous en sommes
exposition permit, grâce à Markov, la pénétra- Le premier article de Markov, « La sécessio• ncore au stade conceptuel. Notons que Mar- L'année 1912 est une année cruciale pour les
tion de l'art d'avant-garde dans la capitale de la russe», fut publié en 1910 à Riga 18, en allemancl kov est un des premiers, dans cet article de arts russes. Le cubisme et le futurisme, tout
Lettonie. Le catalogue fut édité en russe, en et en letton. L'auteur y explique que le berceau Riga, à se référer dans son argumentation à la juste nés en Occident, font l'objet à Moscou et
allemand et en letton. Vladimir et David Bour- des nouveaux principe en art, c'est Moscou et musique et à l'architecture:« Si la musique doit à Saint-Pétersbourg de débats publics. Le 12
liouk, Dydychko, lexandra Exter, qui ne parti- les galeries privées de htchoukine et de Morot etre musicale, pourquoi la peinture ne serait- février 1912, David Bourliouk fait une confé-
cipaient pas à l'exposition de Saint-Pétersbourg, zov où « la jeunesse russe a étudié Puvis de elle pas picturale? 22 » Et : « La ligne qui est sans rence sur « le cubisme et les autres tendances de
sont présents à l'e po ition de Riga. On note Chavannes, Claude Monet, Pissarro et aussi les ~ntraves et libre est riche en urprises. Le carré, la peinture» au Valet de Carreau à Moscou, qui
que la mention « Moscou » ne suit pas leur post-impressionnistes Van Gogh, Gauguin. le cône, le cylindre, le cercle varient sans fin paraîtra à la fin de l'année dans l'almanach

78 79
L'AVANT-GARDE RUSSE

futuriste Gifle au goat public, à côté d'un article sentatrice, mimétique, de l'acte créateur, et la
sur « la facture ». Cet article sera d'ailleurs le reconnaissance de l'œuvre à faire comme un
point de départ d'un travail important sur la organisme vivant dont les éléments sont la
facture du tableau dans la pratique et la théorie ligne, la surface, la couleur et la facture. À la
des arts russes 26• suite de Kandinsky, David Bourliouk répète
En exergue de l'article sur le cubisme, David que ce qui est important en art, ce n'est pas ce
Bourliouk résume en huit propositions les nou- qui est peint mais comment cela est peint.
velles données de la peinture qui apparaissent L'exemple cité est celui de Cézanne dans tel
avec le cubisme : « 1. La peinture est un espace paysage avec maison : « Pour le peintre, il y
coloré ; 2. Le point, la ligne et la surface sont les avait les lignes connues allant vers le haut, ven1
éléments des formes de l'espace; 3. C'est de le bas, vers la droite, vers la gauche; il n'y a pas
leur lien génétique que découle l'ordre dans de maison, d'arbres ... mais des taches d'une
lequel ils sont inclus ; 4. L'élément le plus force colorée connue. Et c'est tout 30• » Il n'y a
simple de l'espace est le point; 5. Sa trace est la pas jusqu'à l'idée de « sensation visuelle » qui
ligne ; 6. La trace de la ligne est la surface ; pénètre dans la nature qui connaîtra une grandt
7. Toutes les formes de l'espace sont puisées fortune chez Malévitch.
dans ces trois éléments; 8. La trace de la ligne Dans le texte sont ébauchées encore deux
droite est le plan r1. » notions qui connaîtront des développements
Si l'on cherche dans cet exposé quelque chose très importants. Tout d'abord la notion de
de spécifique au cubisme, même dans sa phase sdvig, déplacement, décalage des lignes, de,i
initiale - celle du cézannisme géométrique - , on plans, des couleurs, qui crée la disharmonie, la
sera déçu. En réalité, le mot cubisme semble disproportion, la dissonance colorée, la déconll
être un prétexte pour parler du nouvel art, de la truction. Ensuite l'essai d'une nouvelle
nouvelle peinture, de cette révolution qui s'est approche du fait pictural, d'une nouvelle classil
opérée depuis l'impressionnisme et qui, en fication des œuvres picturales non selon les
1912, est pensée, théorisée, intégrée à une nou- thèmes, selon les anecdotes, mais selon les élé•
velle sensibilité du monde:« Aujourd'hui nous ments propres qui sont à la base de la créatiol
avons de l'art. Hier, il s'agissait d'un moyen, picturale. C'est ici qu'apparais ent les notiontl
aujourd'hui il est devenu le but. La peinture de surface et de facture comme deux donnéel
s'est prise à ne poursuivre que des objectif Pic- capitales pour comprendre les développeme
turaux. Elle s'est mise à ne vivre que pour elle- originaux que fera le cubo-futurisme russe et.
même 28. » Ce qui est dit là, de façon à la fois plus généralement, l'avant-garde jusqu'à ses
rudimentaire et étonnamment féconde, c'est ce derniers feux à la fin des années vingt. À pa~r
qui se dit depuis Maurice Denis, ce que déjà ont de ces deux données, deux tendances antagQJ
écrit, en 1911, Kandinsky et Bobrov, ce que nistes vont très vite se dessiner, celle qui met
diront David Bourliouk, Larionov, puis Malé- l'accent sur la surface plane (le suprémati
vitch pour se terminer au Bauhaus par le petit de Malévitch et de son école, l'analytisme de
livre de Kandinsky, Le Rapport du point et de la Filonov, l'organicisme de Matiouchine et de son
ligne à la surface. Très nette aussi est la réfé- école) et celle qui s'appuiera sur des factures de
rence à Wôlflin, que David Bourliouk ne plus en plus diversifiées (Tatline et ses suive
nomme pas, et à sa distinction entre les artistes les artistes du constructivisme).
de la ligne (les dessinateurs, comme Holbein) et Une fois que l'on a dit que « la peinture c. t i\. Jawlensky. Portrait de Schokko. 1910. H/t 72 x 63,5 cm. New York. coll. Ingrid Hutton.
les artistes du clair-obscur (les peintre , comme un espace coloré », on s'attache à voir commedt
Rembrandt) dans ses Principes d'histoire de fonctionne cet espace coloré. Et l'on s'aperçoit
l'art 29 • Il s'agit d'un retour aux données mini- qu'il forme une sorte de tissu, de trame, de tex-
males des arts plastiques qui sont désormais le ture sur laquelle s'organisent des géographies
fait de l'œuvre créatrice. La rupture totale est qui, tout en ne répétant pas les formes de la
donc dans la suppression de la fonction repré- nature, retrouvent des rythmes identiques. La

80 XVII
M. Sariane. Le Palmier-dattier. l ~yprc. 1911. Tempera sur carton. 106 x 71 cm. Moscou,
Galerie nationale Trétiakov. M. Werefkin. Autoponrait, c. I 910. Tempera sur papier porté sur toile, 51 x 34 cm. Munich, Lenbachhaus.

XV III X IX
S. Delaunay, Le Marché au Minho, 1915. Peinture à la cire sur toile, 197 x 216 cm. Paris, MNAM.

J. Pougny, Promenade au soleil, 1912. H/t, 79 x 62 cm. Coll. part.

XX XXI
M. Vassilief, Paysage d'Espagne. c. 1914. H/t, 61 x 88 cm. Ancienne coll. Brasseur et Gregor.

V. Bourliouk, Portrait du pire de l'artiste, c. 1910. Huile sur toile de jute, 100 x 70 cm. Coll. part.

XX III
XXII
LE CUBO-FUTURISME

surface plane fonctionne donc de manière iden- écrit David Bourliouk, qui cite plus loin Rem-
tique, sinon semblable, à la nature. S'il y a imi- brandt disant à ceux qui regardaient un tableau
tation de la nature, ce n'est pas en faisant de la de près : « Ne sens pas, ne sens pas - il pue. »
surface artistique - quelle qu'elle soit - un reflet Markov a écrit d'ailleurs sur ce sujet en 1914
de la nature visible, mais un lieu qui la recrée tout un traité, sur lequel nous reviendrons
selon ses mouvements les plus secrets, les plus quand nous parlerons de la naissance des reliefs
essentiels. La facture, selon les Russes, c'est tout tatliniens. Il ne fait pas de doute que, en
cela. C'est un sol, un creuset, un combustible, matières d'idées nouvelles, David Bourliouk fut
un matériau, ou - répétons-le : un tissu, une un pionnier.
trame, une texture. La facture, c'est « le carac-
tère de la surface ». David Bourliouk parle
d'une « pétrographie de la peinture » - « ces Débats, polémique
petites contrées merveilleuses et secrètes où se et expérimentation à aint-Pétersbourg
mêlent monts, vallées, gouffre , matité, éclats
métalliques ». La facture, qui deviendra un mot L'Union de la Jeunesse organise trois exposi-
d'ordre majeur de l'art des années vingt en Rus- tions en 1912, qui consacrent sa vocation d'être
sie, met l'accent sur le matériau en tant que tel, un lieu d'épanoui ement des novations en art.
sur sa mise en œuvre par le travail des artistes. La première de ces trois expo ition - à cheval
Il faut ici citer en entier le travail picturologique sur 1911 et 1912 - a lieu à Saint-Pétersbourg et
de David Bourliouk, car il permet de mieux expose tout le groupe moscovite sous la déno-
comprendre l'art futuriste russe autour de 1913: mination de La Queue d'Âne (Natalia Gont-
« Étude du tableau (de la surface, de son charova, Sergueï Bobrov, Fonvizine, Larionov,
caractère) et de la structure de la surface. Malévitch, Tatline, Alexandre Chevtchenko).
La urface-plan du tableau peut être : A) Larionov avait réussi, momentanément, à
plate; B) accidentée. s'implanter dans la capitale du Nord et à écarter
A) La urface-plan plate peut être : 1. forte- David Bourliouk avec lequel il s'était brouillé
ment brillante, brillante, peu brillante, scin- lors de l'affaire du Valet de Carreau. Non seule-
tillante; 2. la urface-plan peut être mate. Selon ment il se fait inviter avec tout le groupe de La
le caractère de son éclat, le premier groupe peut Queue d' Âne à l'exposition de Saint-Péters-
être divisé en : éclat métallique ; éclat vitreux ; bourg, mais il organise, à Moscou, une exposi-
éclat gras; éclat nacré; éclat soyeux. tion de L'Union de la Jeunesse (la cinquième
B) La surface-plan accidentée : 1. surface du groupe) dans le cadre de sa propre exposi-
échardeuse; 2. surface crochue; 3. surface ter- tion La Queue d'Âne (ouverte le te, mars 1912),
reuse (mate et poussiéreuse) ; 4. surface en avec un catalogue séparé. Si l'on excepte les
forme de coquille (plane, profonde), en forme esquisses de Filonov, ce qui domine aux qua-
de grosses coquilles ou de petites coquilles, par- trième et cinquième expo itions de L'Union de
fa item en t ou imparfaitement en forme de la Jeunesse - comme d'ailleurs à La Queue
coquille. d' Âne - c'est encore le cézannisme fauve com-
Structure de la surface du tableau (nous par- biné au néo-primitivisme général et, pour Nata-
lons ici de la couche colorée du tableau): 1. gra- lia Gontcharova, au gauguinisme aussi.
nuleuse ; 2. fibreuse ; 3. feuilletée. La sixième exposition de L'Union de la Jeu-
Voilà le squelette aride de la seule classifica- nesse, apparaît comme un événement de pre-
tion possible des œuvres picturale selon la fac- mier plan dans l'avant-garde russe. Elle se
ture.» déroule du 5 décembre 1912 au 10 janvier
La facture, c'est aussi la sensorialité de 1913 31 • Les Moscovites y sont repré enté mas-
A. Exter, La Ville de Kiev, 1911. Huile et gouache sur toile, 123 x 73 cm. Coll. part.
l'œuvre - et cela vient de l'art populaire, de sivement, à l'e ception des cézannistes du Valet
l'en eign en particulier.« Auparavant, le pein- de Carreau. David et Vladimir Bourliouk coha-
ture ne faisait Que voir, à présent elle Touche», bitent avec Natalia Gontcharova et Larionov,

XXIV 81
sourliouk,
,ment de
·omposition
surfaces et éléments
venJ et du soir
·oduits dans un
sage de bord de mer
jdessa) reprbenté de
uatre poinls de vue,
12. H/t, 97 x 131 cm.
int-Pétersbourg,
1 R.

82 83
L'AVANT-GARDE RUSSE LE CUBO-FUTURISME

Matiouchine et Olga Rozanova avec Tatline et de lignes. Certes, la disparition progressive d t: quelque roman picare que. L'hyperbolisme ture, couleur, dessin) fonctionnant de manière
Malévitch. On note l'apparition de Pougny. l'objet avait fait son chemin depuis Turnei, krainien , le go0t des mystifications et de analogique à la nature physique. À cette
L'année 1912 est vraiment fiévreuse. David dans l'art russe récent, il y avait l'exemple d énorme se font sentir dans le titre du tableau époque, il écrivait : « N'importe quel signe, un
Bourliouk et Larionov se disputent la vedette. Kandinsky et de ses« Improvisations». t: David Bourliouk Moment de décomposition bout de bois, de fer, peut exprimer plus fort
On édite (Koulbine, Matiouchine, Kroutcho- Mais, chez Larionov, il ne s'agit pas d'impf \ surfaces et éléments du vent et du soir intro- l'idée de divinité, affirmée avec toute la force
nykh), on débat avec passion, on organise, on visation, de geste instinctif pour traduire la flu 1 duits dans un paysage du bord de mer (Odessa), de la foi , qu'un portrait ordinaire de la divi-
écrit des pamphlets. dité, la musicalité, l'émotion venues du senti ·eprésenté de quatre points de vue 40. On pourrait nité 43. »
« On demande des matériaux polémiques ment (le mot Gefühl [sentiment] revient souven oter ici une influence de Yakoulov, si l'on se La septième et dernière exposition de
durs, tranchants ; en novembre, Le Valet de dans les variantes allemandes des textes d souvient comment David Bourliouk présentait L'Union de la Jeunesse 44 (10 novembre 1913 -
Carreau publiera un livre avec mon étroite par- Kandinsky). Chez l'enfant terrible qui a fo nd Jans Der Blaue Reiter le Café chantant de ce 10 janvier 1914) est une exposition historique
ticipation », écrit David Bourliouk à Koulbine le Valet de Carreau, puis La Queue d' Âne11 1 crnier : « L'utilisation de plusieurs points de de l'avant-garde russe. Parmi les grands nova-
le 10 avril 1912 32 • Et le 9 juin : « La saison qui tableau est compo é avec beaucoup de rigue1'r ue (ce qui était connu depuis longtemps en teurs, seuls Larionov et Natalia Gontcharova
commence sera quelque chose qui sortira de selon une nouvelle perception de l'objet dan rchitecture comme en loi mécanique), la mise sont absents, car la brouille avec David Bour-
l'ordinaire par son bouillonnement et son l'espace. On ne peut s'empêcher de penser n accord de la repré entation perspective avec liouk est consommée. Voici ce que le fondateur
importance [... ). Préparez-vous pour cet hiver comme l'a suggéré Valentine Marcadé , qu le fond, c'est-à-dire l' utilisation de différents du rayonnisme écrivait au secrétaire de
[ ... ]. Écrivez des articles polémiques cinglants l'exemple de la création de F. Marc à la mêmt olans"1• » L'Union de la Jeunesse, I. Chkolnik : « Chez
pour le recueil du Valet de Carreau [... ]. Des époque a été une des chiquenaudes qui ont De plus, on trouve ici une interprétation, plus nous, on houspille (tioukayout) des types
pamphlets ! Ils sont nécessaires . » Le 27 lancé Larionov dans sa nouvelle appréhens· décorative que réellement picturale, du comme Bourliouk: il s'incruste partout (prichi-
octobre 1912, Chkolnik, le secrétaire de de la réalité. Kandinsky, on le sait, était en cor- cubisme parisien et également du futurisme , vaïetsa) dans les seconds rôles, tantôt dans un
L'Union de la Jeunesse, annonce au président respondance avec Larionov et Der Blaue Reiter ompris comme une vue de la réalité, « vue de groupe, tantôt dans un autre dans le rôle de
Jeverjéïev : « J'ai reçu hier une lettre de a invité le groupe moscovite à exposer en Alle- plusieurs points de vue », ces divers points de Pourichkiévitch (ministre de droite] 45 . » Au
D.D. Bourliouk dans laquelle il propose à notre magne, précisément en cette année 1912 . ue étant présentés simultanément et frontale- peintre Le Dentu, artiste important de La
association d'organiser à Pétersbourg une cette même exposition était montré le Portr, nent sur la surface du tableau. Les éléments Queue d' Âne, il annonce que « la guerre est
conférence ou un débat pour lesquels il propose d'un imbécile de Larionov qui suscita la desc · figuratifs sont ainsi distribués de façon insolite déclarée» avec L'Union de la Jeunesse 46 • Lario-
de quarante à cinquante photos déjà prêtes tion suivante d'un « provincial naïf » dans un par rapport à la vision ordinaire, ce qui crée nov ne participe donc pas aux débats impor-
pour la lanterne magique ; il a l'intention de quotidien de la capitale: « Un icosaèdre multi- ,me atmo ph re d'étrangeté. La silhouette d'un tants organisé par L' Union de la Jeunesse à
parler des futuristes; des Françai , des Russes - colore, joint à un tétraèdre et soutenu par un homme en haut de forme qui semble se courber Saint-Pétersbourg les 23 et 24 mars 1913, lais-
des anciens et des nouveaux. Il propose de faire octoèdre ' . » Quant à Malévitch, qui présentait sous l'effet du vent est accrochée horizontale- sant la place à David et Nikolaï Bourliouk,
tout cela absolument gratuitement 34• » ses œuvres primitivistes au cézannisme géoDJt- me nt et semble comme en suspension. Des Malévitch , Olga Rozanova , Maïakovski et
Les œuvres exposées à L'Union de la Jeu- trique très appuyé ( Moisson, Enterrement formes suggérant des vagues, des blocs de mai- Kroutchonykh 47.
nesse fin 1912 montrent le pas extraordinaire paysan, Faucheur, Dans le champ, Portrait son, jou tent ce qui pourrait être un voilier, vu Au premier débat du 23 mars fut lu le mani-
qui a été opéré en quelques mois dans l'expéri- d'lvan Vassiliévitch Kliounkov, Charpentier) 1 l'envers , simplifié en une sorte d'énorme feste de L'Union de la Jeunesse élaboré par
mentation hardie de nouveaux espaces et formes (ces œuvres ont, pour beaucoup, dispa ru flèche. Nous avons ici l'embryon de ce qui sera, Olga Rozanova, où il était dit : « Nous décla-
en art. C'est à Saint-Pétersbourg qu'apparaît la aujourd'hui), voici comment une certa in 1 l'intérieur du cubo-futuri me, l'alogisme ou le rons la guerre à tous ceux qui s'appuient sur le
premi re œuvre portant le mot rayonniste dans Mme O. Bézankour les voyait pour les lecteur réalisme transmental de Malévitch et de tous mot "attends", car ce mot honorable ne sonne
son titre. d'un autre quotidien : « Est-ce que c'est la faim ses suiveurs. bien que dans la bouche de gens condamné à
Dans une lettre du 20 septembre 1912 adres- est-ce que c'est le combat dése péré pour l' .·i Quant à Matiouchine, il présente à cette ne pas courir derrière la fuite impétueuse du
sée au pré ident de L'Union de la Jeunesse, le tence - mais la volonté impérieuse de mettr "'xposition une sculpture faite à partir de temps[ ... ]. Nous mépri on le mot "gloire" qui
peintre et mécène L.I. Jéverjeïev, Larionov son nom en avant, de forcer de parler de soi par nœuds d'arbre ». L'artiste a été un des pre- transforme le peintre en animal stupide qui
annonçait: « Je prépare pour vous un article sur quelques moyens et procédé que ce soit, se fa it miers à utiliser des rameaux ou des racines refuse obstinément d'aller de l'avant, même si
le rayonni me - nouveau courant que j'ai lancé jour à travers ces magots carrés appelés, dans le d 'arbres comme œuvres d'art se suffisant à on le pousse avec un fouet 48 • » Comment ne pas
en peinture . » Et sa première œuvre sera le catalogue, on ne sait pourquoi, tantôt fa u- clles-mêm . Certaines furent e J>O$ée à Paris penser que dans ces dernières paroles, il n'y ait
Saucisson et maquereau rayonnistes. Il s'agit cheurs, tantôt charpentiers, voire portraits d au Salon des Indépendant en 1914 "2• Matiou- pas une allusion à La Queue d' Âne et à son
encore, certes, de « rayonnisme réaliste » personnes précises . » chine et sa femme Éléna Gouro sont à l'origine chef qui faisait tout pour être le premier sur la
comme dira Larionov lorsqu'il théorisera sa C'est aussi à cette exposition de 1912-191 du courant « organiciste » dans la peinture scène artistique russe. Olga Rozanova , la
découverte, mais pour la première fois dans que les frères Bourliouk s'en donnèrent à cœur russe, c'est-à-dire d'une conception de l'art où Pétersbourgeoise, oppose ainsi au Moscovite
l'art russe, l'objet est à la limite du lisible, sur joie pour provoquer le public par des dénon1i- toute surface est considérée comme un frag- une attitude non moins audacieu e mais moins
une surface construite dans un réseau complexe nations de tableaux dignes de têtes de chapitre ment de la nature, ses éléments internes (tex- gratuitement voyante.

84 85
L'AVANT-GARDE RUSSE LE CUBO-FUTURISME

Création contre imitation l'art de gauche russe, il y avait en lui cett principes hétérogène , surtout dans l'art russe proclame « son mépris total pour ceux qu'on
même passion pour bousculer les règles d des années dix, mais que l'on pourrait déceler appelle ego-futuristes et néo-futuristes, médio-
Olga Rozanova publie dans le troisième et der- passé, pour aller de l'avant . Bien qu'O l aussi dans l'art européen de la même époque cres nullités comme les "valets", les "gifleurs"
nier numéro de la revue L'Union de la Jeunesse, Rozanova n'emploie pas encore le terme euh (Delaunay, Duchamp, Carrà, par exemple) : et L'Union de la Jeunesse:« Assez de valets de
en cette même année 1913, un article sur « les futurisme, ce que fera Malévitch dans le cat Seul l'art contemporain a dégagé dans toute carreau qui cachent sous cette appellation la
fondements de la création nouvelle et les causes logue de la dernière exposition de L'Union d sa substance le sérieux de tels principes, comme pauvreté de l'art, assez de "gifles de papier"
de son incompréhension 49 » qui résume fort bien la Jeunesse, fin décembre 1913, elle en décti ceux du dynamisme, du volume et de l'équilibre données par la main d'un enfant qui souffre de
les position de ce qui va s'appeler, par le fait de bien l'enjeu. À la suite de Markov dans o dans le tableau, les principe de la pe anteur et la vieillesse des chiens, assez d'union des vieux
Malévitch, le cubo-futurisme. Elle poursuit, en article « La sécession russe » et avant Malévi de la non-pesanteur, du déplacement linéaire, et des jeunes ! Nous n'avons pas besoin des
l'approfondis ant, ce que David Bourliouk avait qui en fera un développement pédagogiq u du rythme, en tant que répartition normée de comptes vulgaires avec le gotlt public, que
commencé avec ses exposés sur le cubisme et magistral, elle fait débuter tout l'art novateu r espace, de la planification, de la dimension du s'occupent de cela ceux qui donnent des "gifles"
sur la facture, publiés dans l'almanach Gifle au du xxe siècle à partir de 1'impressionnisme plan et de la surface, de la facture, de la mise en sur le papier, mais qui, en fait, tendent la main
gotlt public à Moscou à la fin 1912. du post-impressionnisme : « Ce n'est qu' au re lation chromatique, ainsi que beaucoup pour la charité. Assez de ce fumier. Maintenant,
Pour Olga Rozanova, le monde est « une xxe siècle, avec l'École impressionniste, q u d'autres principes. » il faut semer ! »
masse sans vie » qui doit être pénétrée par le sont avancées pour la première fois des posi Au moment où se déroulait le débat de
« principe intuitif », favorisant ainsi « l'entrée tions inconnues jusqu'alors : qualité aériennd et L'Union de la Jeunesse à Saint-Pétersbourg,
du monde en nous ». La « servile répétition des lumineuse de l'atmosphère dans le tableau, ana- Larionov avait organisé à Moscou le 23 mars, Triomphe du cubo-futurisme
formes de la nature » ne permet jamais d'avoir lyse chromatique. un autre débat portant sur « l'Orient, le Natio-
cette communication réciproque, cette interac- Puis vient Van Gogh, celui qui a indiqué 1 nalisme et l'Occident », la veille de la nouvelle Quoique privée de Larionov, de Natalia Gont-
tion de la nature et de l'art. Ce n'est qu'« à par- principe du dynamisme, et Cézanne, qui aura exposition du groupe La Cible qui vit le charova et de leur groupe néo-primitiviste et
tir des propriété du monde découvertes par dégagé le problème de la construction, de 1 triomphe du néo-primitivi me et du rayonnisme rayonni te La Cible (Barthe, Kirill Zdanévitch,
l'artiste » que celui-ci va présenter « un monde dimen ion plane et superficielle. (24 mars-7 avril 1913). C'est là qu'Ilia Zdané- Le Dentu, Levkievski, Rogovine, Romanovitch,
nouveau, le monde du tableau » : « Et se Mais Van Gogh et Cézanne ne sont que les vitch brandit un soulier d'homme en disant qu'il Skouïé, Chevtchenko), la dernière exposition
détournant de la répétition du visible, il créera embouchures de ces courants larges et impé- était plus beau que la Vénus de Milo (pâle de L'Union de la Jeunesse réunit tout ce qu'il y
inévitablement d'autres formes avec lesquelles tueux qui de nos jours se pré entent de manièdl réplique du célèbre aphorisme de Marinetti a de plus brillant dans l'art de gauche russe. En
il va être obligé de compter lors du passage à plus distincte : le Futurisme et le Cubisme. dans son manifeste fondateur de 1909, selon suivant l'ordre alphabétique (cyrillique) du
leur réalisation pratique sur la toile [... ]. C'est manant d'eux et sur la base des possibilitc lequel une voiture de course automobile était catalogue, on trouve les noms de Natan Alt-
seulement de nos jours que le peintre arrive à ouvertes par eux (dynami me, dimen ion de la plus belle que la Victoire de Samothrace), le man, Vladimir et David Bourliouk, Ivan
créer son Tableau d'une manière tout à fait surface plane), chacun de ces courants a enriclli tout se terminant par un scandale et l'interven- Kliounkov [Klioune], Malévitch, orgounov,
consciente, non seulement en ne copiant pas la l'art d'une série de po ition indépendante . tion de la police 52 • Matiouchine, Pougny, Olga Rozanova, Maria
nature, mais encore, en subordonnant sa repré- De plus, si l'on ne tient pas compte de leur En juillet 1913, parut à Moscou le recueil de Siniakova, Tatline, Filonov, Alexandra Exter,
sentation première à des représentations ren- opposition diamétrale du Début (DynamismtA. Larionov intitulé La Queue d'Âne et La Cible Éléna Gouro 54 • Il n'y a pas encore toute
dues complexes par l'ensemble du psychi me de Statisme), ils se sont ensuite enrichis mutuelle t qui commençait par le « Manifeste des rayon- l'impressionnante série des abstraits qui se
la pensée artistique contemporaine : ce que le d'une série de positions. Ce sont ces position: nistes et des aveniriens fboudouchtchniki} ». manifestera après 1915, ni - bien entendu -
peintre voit + ce qu'il sait + ce dont il se sou- communes qui ont donné cette unité de ton à told Ainsi, en face du groupe des « futuraslaves » celle des constructiviste des années vingt, mais
vient, etc. Mais le résultat de cette conscience les courants artistique contemporains. » C' · ·t (boudietlianié), Larionov (et Ilia Zdanévitch la première avant-garde cubo-futuriste y est
est encore soumis par lui, lors du report sur la moi qui souligne les dernières phrases. En effet qui, selon Khardjiev, était un bon orateur et un repré entée presque au complet (à l'e ception
toile, à un réexamen con tructif : ce qui à pro- le cubo-futurisme russe ne tire-t-il pas son origÏI bon propagateur d'idées) invente un néolo- de Lioubov Popova, de Nadiejda Oudaltsova ou
prement parler constitue l'essentiel de la Créa- nalité du fait que la combinaison des princip gisme nouveau composé également sur le sub- de Véra Pestel qui n'apparaîtront qu'au début
tion. Car c'est seulement à cette condition que plastiques et iconographiques du cubisme stantif boudouchtchéïé (futur), lequel perd sa de 1915, riches de leurs expériences dans le
se dégage l'intelligence du Tableau et sa valeur (reconstruction de l'espace pictural à partir de la désinence au contact du suffixe courant -nik qui milieu cubiste parisien).
intrinsèque. » décon truction de l'objet, géométri ation des él~ sert à nominaliser. Le boudouchtchnik, c'est On peut dire, pour faire court. que cette
L'opposition entre imitation et création n'est, ments figuratif) et du futurisme (repré entati donc l'homme du futur, ou l'avenirien. Désor- manifestation voit le triomphe du cubo-futu-
certes, pas nouvelle. Selon Émile Zola, ce sont du mouvement, thématique urbaine et indus- mais, les ponts sont définitivement coupés avec risme pictural, le mot « cubo-futurisme » appa-
les « sots » et les « impui ants », les « aveugles », trielle) est venue se greffer sur une pratique for• Saint-Pétersbourg et L'Union de la Jeunesse à raissant, semble-t-il, pour la première fois dans
les « cuistres » qui crient : « Ne créez pas, melle et thématique néo-primitivi te ? laquelle sont ralliés d'anciens larionoviens de la une publication, et ce, dans le catalogue où
imitez so ». Si, à l'évidence, les objectifs esthé- Écouton comment Olga Rozanova formule qualité de Malévitch et de Tatline. Dans le Malévitch donne à toute une série de ses
tiques de Zola étaient à l'opposé de ceux de avec une grande acuité cette combinaison de manifeste des rayonni tes et des aveniriens, on œuvres l'appellation suivante : « 1913. Réalisme

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L'AVANT-GARDE RUSSE LE CUBO-FUTURISME

cubo-futuriste. [numéro] 67. Moissonneuse 55 • toiles de adiejda Oudaltsova sont l'œuvre d' rticle par cette formule qui ne manque pas de démique 68 • Dans Femme sur le boulevard de
68. Réchaud à pétrole [disparu]. 69. Pendule élève fidèle du cubisme parisien, en particuli rapper les esprits de l'époque : « Picasso n'est Larionov ou le Vélocipédiste de Natalia Gont-
[disparu]. 70. Lampe [disparu]. 71. Samovar. 12. celles de l'ancienne collection Kurt Benedict ,as la nouvelle création. Il est la fin de la créa- charova, il y a une application directe du prin-
Portrait d'une propriétaire terrienne [premier que l'actuelle propriétaire de la collection a ion ancienne 64 • » cipe plastique des futuristes italiens avec la jux-
titre du tableau connu aujourd'hui sous celui de longtemps considérées « comme des Braque » ... Cett formule sera reprise en d'autres termes ta position répétitive des divers stades qui
Chambre et pupitre de comptabilité) 56• » On Mais ce sont là des exceptions. C'est donc un t!O 1921 par Pounine dans son petit livre Tatline composent le mouvement d'une forme (corps,
retrouve cette dénomination ( « réalisme cubo- fait spécifique de l'art russe d'avant-garde qu~ Contre le Cubisme~) : « Picasso ne saurait être roue ou jambe). Ces œuvres restent isolées dans
futuristique » !) au Salon des Indépendants de l'influence directe du cubisme parisien analy- ompris comme le jour d'une nouvelle ère 66 ». l'œuvre de Larionov et de Natalia Gontcharova,
1914 à Paris, là où l'inénarrable Arthur Cravan tique ou synthétique a eu lieu entre 1913 et 1915. Bien entendu, quand le texte de Pounine paraît, comme dans l'ensemble du futurisme russe. On
avait traité les trois œuvres malévitchiennes Non que le premier cubisme n'ait eu aucunt nous sommes en pleine révolution, et la Russie peut dire la même chose du Rémouleur de
présentes du laconique:« du chiqué 57 ». influence avant cette période. Au contraire >Viétique croit à sa mission de créer une nou- Malévitch qui pousse le procédé de démultipli-
Le nom de cubo-futurisme désigne, en fait, entre 1910 et 1913, il s'est conjugué sous sa , elle société sur de nouvelles bases. Cela passe cation du mouvement à un tel degré de tension
l'originalité de l'interprétation, entre 1911 et forme cézanniste géométrique - avec le futu- oar un rejet de 1'Europe capitaliste et de ses qu'il en perd son caractère de représentation
1915, par les artistes russes, du cézannisme géo- risme comme pulsion picturologique concep- aleurs. Mais, ne nous y méprenons pas, ce rejet figurative, mimétique, on pourrait dire natura-
métrique, des cubismes analytique et synthé- tuelle - à la pratique néo-primitivi te plus spéci- 'inscrit dans une ligne, en partie slavophile, en liste, du mouvement d'une forme dans l'espace.
tique, du futurisme. Malévitch avait bien vu fiquement russe. Il s'agissait là principalem t tout cas anti-occidentaliste, qui traverse alors la En ce sens, ce tableau est une étape vers le
que le principe dynamique était déjà présent d'une déduction totalement originale, inédite ulture russe. Que l'on songe aux diatribes de dynami me total où les éléments figuratifs dis-
chez Cézanne et, à sa suite, dans les toiles dans l'art européen, des principe cézannie Khomiakov, de Dostoïevski, de Tolstoï, de parais ent pour ne former que des masses pictu-
cézannistes géométriques de Braque, voire de Curieusement, la pratique cubiste de type pari, Natalia Gontcharova ou de Vélimir Khlebni- rales en mouvement, comme c'est d'ailleurs le
Picasso (par exemple, Famille d'arlequins, sien, celle qui devint la règle à partir de 1911, ne ov. L'Europe, reconnue pourtant « pays de cas chez le Balla des toiles sur le thème de la
1908). Mais il ajoutait : « l'idéal du futurisme vient qu'après en Russie. Et presque en mêm1 miracles saints » (Khomiakov, repris par le Dos- « Velocità », ou le Boccioni de Forme uniche di
repose dans Van Gogh qui a fait passer l'idée temps que les cubismes analytique et synthé.. oïevski de L 'Adolescent 61 ), est déclarée maté- continuità nelle spazio ou de Dinamismo di un
de Mouvement Universel du Monde 58 ». tique apparai aient comme élément princip aliste, étriquée, petite-bourgeoi e, frivole, etc. ciclista (1913). Mais les Russes feront évoluer la
Il n'est donc pas étonnant que le « statisme » du cubo-futurisme, le cubisme et celui qui, en Tatline est un bon disciple de Natalia Gontcha- figuration futuriste du mouvement dans une
prêté au cubisme soit très souvent ébranlé par Russie, en était le ymbole - Picasso - étaient rova dans son rejet du cubisme théorisé, qui ab traction totale qui sera comme la négation
cet héritage picturologique post-impre ion- soumis à la critique. 'est pas néce aire à l'art russe. On reproche même du mouvement, ou plutôt sa relégation
niste. C'est cette potentialité dynamique, ce fré- Le philo ophe religieux Nikolaï Berdiaev. aux impre ionnistes et aux cubistes français, dans un équilibre de tension, dans une potentia-
missement prêt à se manife ter, cette énergie en dans le premier article de réflexion sur le futu-, leur e théti me, leur recherche de la beauté (la lité d'énergie, que ce soit dans le pneumo-
su pension, dans une structure architectonique risme et le cubisme en 1914 60, oppose la Iign-. noins solide des compo antes possibles de la rayonnisme de Larionov, le uprématisme de
post-cézannienne, que l'on peut dé igner sous le impre ionni te d'« amolli ement, de perte des création), leur perte de profe ionnali me, de Malévitch ou le pré-con tructivi me de Tatline
nom de cubo-futuri me. « Un cubisme empreint formes fermes » à la recherche cubiste de géo1 l'œil et du vrai réalisme de la vie. (surtout ses contre-reliefs).
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d'une certaine inquiétude», précise Malévitch • métri ation du monde des objets. « Picasso est le Quelque tableaux de Larionov, de Natalia Pour résumer, si l'on prend la clas ification
Le cubo-futurisme a pu se déployer en porte-parole génial de la décompo ition, de la Gontcharova, de Koulbine, de Baranov-Ros- de Malévitch, selon laquelle on peut distinguer
Russie dans un certain nombre d'expo ition : mise en tranches, de la pulvéri ation du mond1 iné, de Malévitch dénotent également une trois stades du futurisme (cinétique, cubo-futu-
la eptième et dernière expo ition de L'Union incarné, corporel, physique ( ... ]. Picasso nfluence directe du principe de démultiplica- riste, dynamique), on s'aperçoit que la plupart
de la Jeunesse à Saint-Pétersbourg, qui dura du déma que sans merci les illusions de la beaut• tion du mouvement, tel que le repré ente, dans des artistes russes ont peu développé le stade
10 novembre 1913 au 10 janvier 1914; les deux incarnée, matériellement synthétisée [... ]. Tel la peinture européenne, quasi mythologique- cinétique, ont peu développé le stade dyna-
expo ition de la société Le Valet de Carreau à un clairvoyant, il regarde à travers tous les nent, à partir de 1912, le fameux tableau du mique total (Malévitch, lexandra Exter) mais
Moscou, en 1914 et 1916; les deux e po ition voiles, les vêtements, les couches et là, au fond peintre futuriste italien Balla Dinamismo di un ont, en revanche, déployé généreusement le
organi ées par Pougny en 1915 à Pétrograd : du monde matériel, il voit ses monstres pliant94 ·ane al guinzaglio. Lorsque dans les années cubo-futuri me.
Première Exposition futuriste de tableaux Ce sont les grimaces démoniques des esprits ingt Malévitch analysait un tableau semblable Une première phase, allant en gros de la pre-
Tramway V et Dernière Expo ition futuriste de enchaînés de la nature 61 • » Berdiaev note que de Balla, La raggaza che corre sui balcone, mière exposition du Valet de Carreau à Moscou
tableaux 0,10 ; L' Année 1915 à Moscou ; dé onnai , la vision des choses est autre, « le devant ses élèves, il disait que ce type de« futu- en 1910 à la publication de deux traduction du
l'expo ition Magasin organi ée par Tatline en soleil ne brille plus comme avant 62 ». Il s'effraie isme cinétique » (qu'il opposait au « futurisme traité Du cubisme de Gleizes et de Metzinger en
1916 à Moscou. de l'absence de l'homme dans cet art et voit un dynamiqu » du Balla des séries étonnantes de 1913, est surtout dominée par le cézannisme
Le cubisme parisien ou le futurisme italien à processus maladif dans la perte « de l'image et 1913-1914 ou du Boccioni de la même époque) confronté au primitivi me, au cézannisme géo-
l'état pur n'existent qu'épi odiquement dans la de la ressemblance 63 ». C'est un art de la pesan~ 1Vait une « structure ennuyeuse et monotone », métrique (le « cubisme » de Braque et de
peinture russe autour de 1913. Ainsi, plusieurs teur plus que de la grâce. Et de terminer son sans grande tension », et une e pre ion aca- Picasso entre 1907 et 1910 - avant le cubisme

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L'AVANT-GARDE RUSSE LE CUBO-FUTURISME

analytique - et celui d'un Gleizes ou d'un Le accentuation de la géométri ation de la natu avec des personnages (1911) de Gleizes consti-
Fauconnier autour de 1911) ou à l'expression- et des objets, telle qu'elle s'est opérée da tue aussi une référence de structure certaine.
nisme symboliste des Russes de Munich l'œuvre de Picasso et de Braque entre 1907' En tout cas, si le Matin au village après la tem-
(Marianne Werefkin, Bekhtéïev, Jawlensky, 1910. L'influence des cubismes analytique pite de neige contient des éléments iconogra-
Kandinsky). ynthétique ne se manifeste qu'à partir de 191 phiques qui convergent avec des œuvres de Pis-
Il serait également possible de parler d'un dans des œuvres précisément comme celles q sarro, de Léger et de Gleizes, la trame
« cubo-futurisme européen », au-delà des Malévitch expose à L'Union de la Jeunesse. picturologique en est totalement différente. Ico-
limites de la Russie. Le Nu descendant un esca- décembre, telles que Samovar ou Chamb~ nographiquement, on note le « cabossage » de
lier de Marcel Duchamp ( dont, curieusement, pupitre de comptabilité. la surface plane, la mise en volume et en
l'œuvre est pratiquement inconnue dans Malévitch donne des exemples étincelan contrastes dynamiques (en particulier, au
l'avant-garde russe) est un exemple par excel- cézannisme géométrique, sur une structure n moyen des dégradés) d'un paysage sous la
lence de cubo-futurisme ( une structure cubiste primitiviste de loubok ou d'enseigne de bo neige. Picturologiquement, comme dans
traversée par le frémissement d'un mouvement tique, le tout baignant dans une tonalité fut l'impre ionnisme, « la lumière est l'état des
prêt à s'animer). Quant aux différents gestes de riste. En 1912, le thème paysan s'incarne ch mouvements colorés, rien d'autre qu'un aspect
Picasso et de Braque, entre 1912 et 1913, que lui dans un nouveau style. Au schématis particulier de la matière picturale [... ]. Tout est
représente l'intégration de matériaux divers à la au laconisme naïf du néo-primitivisme, Mal introduit dans une gamme déterminée aéro-
surface du tableau, ils n'auraient pas été pos- vitch combine les principes du pré-cubis lumineuse 71. » L'image n'est pas« pulvérisée»,
sibles sans l'esprit futuriste qui, depuis 1909, ne cézanniste (traitement stéréométrique d « vue de plusieurs côtés », détruite dans son
cessait de vouloir lier l'art et la vie moderne, de formes, construction non illusionniste d apparence, pour être reconstruite dans l'ordre
les faire sortir de l'intimité des natures mortes. l'espace). Moisson de seigle, Bacheron, Tête pictural. Elle reste dans sa phénoménalité. La
jeune paysanne, Matin au village après la te métamorphose vient de la mise en œuvre du
pite de neige répondent à une mise en prati4 précepte cézannien et d'une gamme colorée
LE CÉZA ISME GÉOMÉTRIQUE du fameux précepte de Cézanne dans sa lettrt totalement inédite : « La lumière métallique de
. Malévitch, Bacheron, 1912. H/t, 94 x 71,5 cm.
Émile Bernard, du 15 avril 1904 : « Traitez <\msterdam, Stedelijk Museum. la modernité ne corre pond pas à la lumière de
Ce que l'on désigne souvent sous le nom de nature par le cylindre, la sphère, le cône, le to la chandelle en suif du temps de Rubens ou de
cubisme dans l'art russe entre 1911 et 1912 mis en perspective ... La nature, pour no u riques assemblés comme les rouages méca- Rembrandt 72 )) a pu écrire Malévitch. Il est
( chez Tatline, Malévitch, Natalia Gontcharova, hommes, est plus en profondeur qu'en su niques d'une machine. Il y a là une première curieux qu'on ait pu voir dans cet Ukrainien
Alexandra Exter, Vladimir Bourliouk) est en face. » Les contours des personnages, des moti ynthèse du cubisme et du futurisme. d'origine polonaise un nationaliste russe ! En
fait du cézannisme géom~trique, c'est-à-dire une paysagistes restent entièrement lisibles. La pc Il est remarquable que la méthode de Malé- 1913, le critique Iakov Tugendhold juge son
pective n'est pas encore totalement abando vitch consiste à prendre une œuvre d'une autre œuvre comme un mélange de nationalisme et
K. Malévitch, Moisson de seigle, 1912. H/t, 72 x 74,5 cm. mais elle perd son statut illusionniste. culture picturale et à lui faire subir un traitement de futurisme : « Comme patriote il embellit le
Amsterdam, Stedelijk Museum.
La gamme des couleurs utilisées par Mal ubo-futuriste. Ainsi, pour Matin au village monde avec les couleurs du drapeau national,
vitch le distingue totalement des artistes fran après la tempête de neige, Malévitch est sans mais comme futuriste il le représente sous
çais d'avant-garde. Braque et Picasso avaic doute parti d'un tableau impressionniste l'aspect d'un chaos de chaudières à vapeur et de
réduit autour de 1910 leur palette à des ocr comme celui de la série de Camille Pissarro cylindres et il enferme même les pauvres pay-
des bruns, des gris et des noirs. Le peintre rus consacrée entre 1890 et 1895 à la prairie d'Era- sans et paysannes russes dans la cuirasse magni-
héritier d'une tradition slave d'art populair gny, vue à différents moments de la journée, fique de l'industrie 73 • » Pour comprendre cette
multicolore (en particulier dans son Ukrai n avec un aperçu sur le village de Bazincourt, phrase, il faut se souvenir que le drapeau russe
d'origine), couvre en revanche les élément dont un exemplaire (Eragny, matin d'automne) d'avant la Révolution était tricolore (blanc-
géométrique de ses tableaux de toutes sore se trouvait dans la collection d'lvan Morozov 69 • bleu-rouge ). Mais ce pourrait être autant une
de nuances de rouge, rose, orange, vermilloll En février 1912, Malévitch avait pu voir au influence de Léger chez qui on trouve aussi
bleu de Prusse, vert, indigo, mauve, blanc Valet de Carreau l'Essai pour trois portraits que cette gamme colorée.
noir. C'est un véritable scintillement de tout Léger avait présenté au Salon d' Automne pari- Tatline, quant à lui, ne connaîtra que le cézan-
les teintes du prisme. ien de 1911 70 • Peut-être Léger a-t-il donné nisme géométrique et sera totalement allergique
Un contraste vigoureux est aussi créé entre 1 l'impulsion qui a poussé Malévitch à faire, à sa à la version picturale des cubismes parisiens
rigidité hiératique et statique des gestes, figé9! manière, une déduction picturale du fameux (analytique et synthétique). Il en est de même de
un instant du mouvement, et les glissements, l Précepte cézannien sur la mise en cylindre, Filonov, mais ce peintre est à part en tout.
déplacements dynamiques des volumes géo sphère et cône de la nature. Enfin, le Paysage Toutes les œuvres de Tatline de 1910-1913, toiles

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et dessins, sont marquées par le cézannisme géo- fait transparaître l'essence métaphysique de ce tent dans la réalité. La couleur rouge est rouge faces arrondies. C'est un trait que l'on trouve,
métrique et aucunement par le cubisme analy- qu'elle représente 76 • » quelle que soit la quantité de lumière qui se entre autres, chez Léger, voire chez Malévitch
tique. Le Bouquet est « une œuvre de toute évi- De son côté, Nikolaï Pounine, évidemment trouve entre elle et l'œil; l'ocre sur la planche en 1911-1912. Mais chez Tatline il est dominant
dence cézannienne, impre ionniste d'un côté et, dans une autre perspective, notait que la peiq- d'une pali ade et l'ocre au bout du pinceau ne et conditionne toute la création de l'artiste
d'un autre, pressentant le cubisme,. ». Dans la ture d'icônes« élaborait la couleur comme un diffèrent pas qualitativement, ils peuvent être jusques et y compris dans sa Tour à la Ill~ Inter-
superbe série des Nus, les contours, en particu- matériau pictural, comme le résultat de pig- différents seulement lorsque sera différente leur nationale de 1920 ou dans son Létatline du
lier les galbes, sont traités dans la droite ligne du ments colorants [... ). Jamais chez les peintre1 composition chimique et le moyen de les début des années trente.
premier« cubisme » de Picasso et de Braque d'icônes la couleur n'était comprise comme d~ poser. 81 » De même, il n'y a aucun visage dans L'œuvre d'Alexandra Exter, qui est liée étroi-
avec le même souci de construire le tableau rapports de la gamme chromatique, comme d~ ces deux Nus de Tatline. Il n'y a, par consé- tement au cubisme parisien, au futurisme italien
comme une architecture. S'y ajoute chez Tatline, valeurs. D'où les magnifiques traditions d'un art quent, aucune personnalisation, aucune réfé- et au futurisme ukrainien et russe, est une des
en particulier dans le monumental Nu de la puissant et sain, traditions qui se sont conserv rence à un vivant éphémère. Si la référence qui premières qui a reçu la qualification de « cubo-
Galerie nationale Trétiakov où passe le souffle jusqu'à ces derniers temps dans les écoles d vient à l'esprit est celle des nus « désérotisés » futuriste ».
des repré entations imposantes des sybilles de peinture d'icônes et les ateliers de peintre en de Picasso et de Braque à partir des Demoiselles Dans la série des tableaux que ce peintre -
Michel-Ange à la chapelle Sixtine, et dans le Nu bâtiments 77 • » d'Avignon (1907-1910), on ne peut s'empêcher issu du milieu ukrainien qui a évolué dans les
du Musée national russe, une tendance au sculp- Le fond des deux Nus de Tatline dont il est d'y voir également une influence conceptuelle années dix entre Kiev, Moscou, Paris et Flo-
tural. On pourrait dire que, dans ces toiles, Tat- question ici est tout à fait« iconique». Le fon• du néo-primitivisme où les nus, même s'ils sont rence - a consacré à des paysages urbains syn-
line prépare déjà cette synthèse entre peinture, chromatique sur lequel s'inscrit le tracé du ujct sexués, ont une autre fonction qu'érotique, et thétiques, on trouve au départ un cubisme pari-
culpture, architecture, synthè e qu'il réalisera s'appelle, dans le langage technique de l'icondll sont, en tout cas, au-delà de l'érotisme. sien très sage, encore cézannien, qui reste fidèle
l'année suivante en créant le genre des reliefs graphie russe, le sankir 18• Sa composition variait Le trait distinctif du système iconographique à l'intégrité de l'image isolée des objets, faisant
picturaux (contre-reliefs et reliefs angulaires). selon les époque , selon les écoles. « Le san/dr tatlinien à travers toute son œuvre, c'est sans seulement subir des déplacement rythmique à
On ne doit jamais perdre de vue que Tatline a moderne - écrit le père Paviel Florenski - doute ce que David Bourliouk dans son texte de leurs couleurs, mais mettant côte à côte ces
commencé comme peintre d'icône . Certes, le s'obtient à partir de la terre de Sienne br0lét, 1912 sur le « Cubisme » appelle le « rondisme », images isolées selon le principe de la simulta-
sujet du nu féminin n'est guère le fait de l'icône d'une ocre claire, d'une petite quantité de suia terme assez my térieux qu'on ne trouve, jusqu'à néité qu'avaient proclamé les futuristes italiens:
ecclésiale, dont un des principes conceptuels hollandai e, etc. 79 • » Cette couche, qui vient plus informé, que là 82. Le rondisme oppose aux « Nous placerons désormais le spectateur au
essentiels est l'élimination de tout ensualisme, après la préparation du bois à la colle et à la unités formées par des lignes droites des sur- centre du tableau » disent Boccioni, Carrà, Rus-
pour ne pas dire sensualité. Les nus des icônes craie (levkas), est celle qui fait ressortir toute la
représentant sainte Marie l' gyptienne ou les A. Exter, Les Ponts de Paris, c. 1912. H/t, 95 x 153,5 cm. Coll. part.
beauté du modèle grâce à la « ligne de
fols en Christ (comme saint Basile le Bienheu- contour » (opis) qui est colorée de façon à éli-
reux) sont totalement asexués (cela se retrouve, miner tout graphisme. Ainsi est obtenue la
dans la peinture d'avant-garde, dan les nus de fusion sans division du modèle et du « fond
Filonov). Chez Tatline, le sexe du u du Musée ontologique ». Cela a permis à Pounine d'affir-
national russe est indiqué de la façon la plus réa- mer, en forçant quelque peu les choses, que
liste qui soit. (Plus tard, la sculpture Le Torse de « l'influence de l'icône russe sur Tatline est
Gabo emploiera le même procédé.) Et pourtant, indubitablement plus grande que l'influence de
on ne saurait dire que ces œuvres ont érotique , Cézanne ou de Picassolll. »
comme le sont, en Europe, les nus féminins de Dans les Nus de Tatline, la chair est traduiNI
Cranach l'Ancien, de Goya ou de Manet où la dans une autre dimension que celle des sensa
chair est toute frémi ante du pinceau amoureux une dimension purement picturale. La domi-
des peintre . nante ocre-rougeâtre est une quintessence de
Peut-être le père Paviel Florenski a-t-il raison toute carnation, pas une carnation précise.
en disant que la peinture à l'huile, par sa consis- Citons ici encore Pounine, le meilleur exégè
tance, sa solidité, son caractère charnel, se·s de l'œuvre tatlinienne : « Pour Tatline, colorai
touches grasses et sa chatoyance, est liée à la voulait dire avant tout étudier le pigment colOII
culture catholique issue de la Renaissance, rant; colorer de manière spécifique, cela veut
toute tournée vers « la sensibilité phénoménolo- dire travailler picturalement la surface. La cou-.
gique 75 ».«Si la peinture à l'huile est plus apte à leur est donnée objectivement, c'est une réalitd
reproduire les données ensorielles du monde et c'est un élément ; les rapports de couleurs ne
et la gravure son schéma rationnel, l'icône, elle, dépendent pas des rapports spatiaux qui exi91

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L'AVANT-GARDE RUSSE LE CUBO-FUTURISME

solo, Balla et Severini dans le Manifeste des une virtuosité froide mais une sorte de poè 1
nfluence des premier cubistes français, les
peintres futuristes en 1910 83 • (Cette proposition architectonique peint avec un fort élan pictura ~rnents figuratifs de la surface du tableau. La
rappelle d'ailleurs l'expérience racontée par et une fine maîtrise. Alexandra Exter peignit le (.
·1zaise (vers 1911) est un des plus beaux exemples .
Kandinsky qui nous dit qu'il avait eu l'impres- boulevards pari iens le soir, les rues de Kiet t; cézanni me géométrique, dénotant son on-

sion d'être à l'intérieur d'un tableau dans les Gênes, Florence, Venise. La ville est pour ell ne russo-ukrainienne. Alors que Forge reste
maisons paysannes du Nord de la Russie). Ou quelque chose en fête. Quand on compare c Jans les tonalités grises, anthracite, marron du
encore : « Pour faire vivre le spectateur au remarquables paysages urbains, on voit co111 ;ubisme parisien, La Chaise fait chatoyer toute
centre du tableau [... ], il faut que le tableau soit ment d'année en année sa langue artistique assi joie des couleurs slaves. Baranov-Rossiné est
la synthèse de ce dont on se souvient et de ce mile des choses nouvelles 86 • » Dans Gênes, c' · t lors l'ami de Sonia Delaunay, originaire
que l'on voit» disent les mêmes en février 1912 encore la subtilité colorée qui noie les plan ·Ukraine comme lui et développant une
dans le catalogue de leur expo ition à Paris 84 • « montés » comme une architecture synthé 1rnme colorée analogue. On note le caractère
Dans Les Ponts de Paris (1912), tableau qui tique, les soumet à des déplacements ryth- insolite d'une chaise érigée en sujet principal et
peut être apparenté à celui intitulé Bord de miques qui donnent une impression de frémis- .;entrai de la compo ition, autour duquel tout
Seine dans le catalogue des expositions du Le sement dynamique ; dans Ville, le mouvemedt ordonne.
Valet de Carreau en 1913 à Moscou et à Saint- se fait plus insistant, tout l'édifice est comma Quant à Vladimir Bourliouk, il reste fidèle à
Pétersbourg 85 , la gamme colorée reste encore m0 par un souffle interne qui le fait se courbtr l'iconographie cellulaire polygonale de ses pre-
très retenue, tout en faisant apparaître des tein- telle une vague déferlante. On trouve de 1ières œuvres, construisant ses tableaux par la
tes étrangères aux cubistes parisien de cette accents identiques dans la toile La Ville de Kiev JUXtapo ition d'unités géométriques di po ée
époque : « Ce peintre construit une compo ition qui repré ente, selon Dmytro Horbatchov, la dans un puzzle capricieux. Ainsi dans le Portrait
colorée très complexe, faisant jouer chaque rue Foundoukléïevskaïa à Kiev, où Alexan u père de l'artiste le géométri me est mis en
nuance de couleur. Dans un grand panneau, Exter a habité. mouvement par des zigzags yncopé , par cette
elle obtient la douceur de l'aquarelle sans Baranov-Rossiné, qui vit dans le milieu pari- brisure de la ligne droite que les Russes appel-
détruire l'integrité et la force de l'ensemble. Ce sien entre 1910 et 1914, abandonne très vite le ent le sdvig (le déplacement, le décalage). Le
n'est pas eulement une composition formelle, pointilli me pour se mettre à géométriser, sous célèbre Portrait de Bénédikt Livchits est un pas
de plus dans le cubisme, tel que le comprennent
A. Exter, Ville, c. 1912. H/t, 81 x 65 cm. aint-Étienne, V. Bourliouk, Ponrait de Bénédikt Livchits, 1911.
es Russes et les Ukrainiens autour de 1911-
Musée d'Art moderne. H/t, 45,7 x 3S,S cm. New York, coll. part. 1912. Le modèle du portrait, le poète, théori-
cien et essayiste Bénédikt Livchits nous a V. Bourliouk, La Dansewe, 1912. H/t, 100 x 61 cm.
aconté dans ses mémoires étincelants la nais- Munich, Lenbachhaus.
sance de ce tableau. La scène se passe à la Noël
1911, dans la propriété ukrainienne des Bour- D 'énormes chevalets avec des toiles empâ-
iouk, Tchernianka en Tauride, où est né le tées, tendues sur des châssis, urgirent comme
futurisme « russe » : par enchantement en une nuit dans les divers
« Le matin du lendemain de l'arrivée à Tcher- coins de l'atelier. Devant eux, comme des tré-
nianka, le travail battit son plein. [... ] Les toiles, pieds de pythies se dressaient des tabourets,
qui étaient restées des expo itions précédente dans le genre de ceux avec lesquels Pronine par
et qui sommeillaient paisiblement face contre la suite aménagea Le Chien errant. Sur le sol,
mur, furent emmenées au débarras. Elles au milieu de tubes brillants de peinture de la
avaient joué leur rôle et les Bourliouk qui marque Do iékine, ressemblant à des projec-
n'étaient pas enclins à jouer de leur propre tiles de gros calibre, étaient di posé comme
passé pour faire du sentiment, précipitaient sans dans la cuisine de Bosch des petits seaux avec
pitié du rocher du Taygète leur progéniture de la couleur à la colle délayée, des bocaux de
vieillie prématurément. À leur place, après les céruse, d'ocre et de noir de fumée, des boîtes de
deux semaines de vacances de Noël, devait fer-blanc de vernis et de teinture, des cruches
naître une nouvelle tribu à partir des dents de scythes hérissées de pinceaux, de grattoirs, de
dragon de la Parisienne de Picasso, qui avait spatules, des vases de cuivre du Turkestan dont
pénétré profondément dans le tchernoziom du la raison d'être échappait. Tout ce campement
domaine Tchemopodolinski. de sauvages n'attendait qu'un signe pour s'élan-

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94
L'AVANT-GARDE RUSSE

cer avec des hululements et des mugissements LE CUBISME ANALYTIQUE


comme une horde de brigands, sur les toiles
blanches qui blanchoyaient sereinement. Jusqu'en 1913, Malévitch reste fidèle à la fi
Mais les frères délibèrent encore, ils exami- (en tant que forme extérieure d'un corps), d
nent les ultimes détails de l'attaque. Une photo- il garde le contour néo-primitiviste de base qu
graphie dont les marges sont pleines de traces n'a cessé d'interpréter dans des styles différea
de doigts passe de main en main. On peut com- On comprend l'évolution rapide du peintre d
mencer ... « réalisme transmental » de 1912 à ce qu'il
- Vas-y, empicasse-le comme il faut ! dit appelé le « réalisme cubo-futuriste » de 1913, e
David à son frère en lui donnant les derniers comparant deux portraits, le Portrait perfe
conseils. tionné d'lvan Vassiliévitch Kliounkov et le Por
Vladimir peint mon portrait en buste. C'est ce trait du compositeur Matiouchine, peints à moi
que nous avons décidé la veille. Maintenant il d'une année d'intervalle.
me répartit sur des surfaces planes, il me déchi- Dans le Portrait perfectionné d'/van Vassi/il-
quette en petites parcelles et, ayant ainsi écarté vitch Kliounkov, rangé par le peintre lui-mê
le danger mortel de la ressemblance physique, il dans la catégorie du « réalisme transmental », le
met à nu, à fond, le "caractère" de mon visage. contour du visage est encore lisible, mais l
Mais je n'ai pas peur. J'ai subi la même vivisec- références au motif de la tête sont réduites au
tion, il y a un mois, lorsque Exter m'a peint [... ].
K. Malévitch, Portrait perfectionné d'Jvan Vassiliévitch
Vladimir pendant ce temps m'a déjà crevé l'œil Kliounkov, 1912. Crayon sur papier, 49,6 x 33,4 cm.
gauche et pour être plus expressif l'a posé sur Moscou, Galerie nationale Trétiakov.
mon oreille. J'attends impassiblement le déroule-
ment ultérieur des événements : augurer du sort
qui m'est réservé serait un pas e-temp inutile.
- Le canon de la construction déplacée !
profère joyeusement David. Cela est dit pour le
pur plaisir d'articuler à haute voix une formule G. Yakoulov. Cllfé chantant. 1911-1912. Huile sur contre-plaqué, 101 x 132.5 cm. Érévan, Galerie nationale.
nouvelle : pour tous les trois, le but dans lequel
un paysage est peint sous plusieurs points de
vue est parfaitement clair, comme aussi la rai-
son pour laquelle sur le portrait mon œil s'est
déplacé de côté de tout un pouce. Ce qui chez
le Greco et Cézanne était la conséquence d'un
défaut organique devient maintenant une
méthode. Il est indispensable de rendre la per-
ception moins facile, de la dissocier des réflexes
habituels, de renoncer à la perspective tradi-
tionnelle imposée par la Renaissance, aux rac-
courcis conventionnels qui obscurcissent notre
vue comme une taie 87• »
Laissons à Bénédikt Livchits son opinion sur
les déformation chez le Greco ou chez Cézanne
dues à des défauts physiologiques de ces peintres
(certainement tous les « primitifs » ou les
peintres d'icônes avaient de tels défauts!), pour
ne retenir que la place de la dynami ation des
surfaces cézanniste géométriques dans toute la
création de Vladimir Bourliouk.

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L. Popova, Nu assis, c. 1913-1914. H/t, 106 x 87 cm. Cologne, musée Ludwig.

V. Tatline, Nu, 1913. H/t, 143 x 108 cm. Galerie nationale Trétiakov, Moscou.

XXVII
XXVI
LE CUBO-FUTURISME

K. Malévitcb, Garde, 1913. H/t, 57 x 66,5 cm. Amsterdam, Stedelijt Museum.

mi nimum. Dans le Portrait du compositeur Russolo, Balla et Severini dès 1910: « Nos corps
Matiouchine, la lisibilité du tableau est obscurcie entrent dans les canapés sur lesquels nous nous
au maximum. Certes, des éléments figuratifs asseyons, et les canapés entrent en nous. L'auto-
ipparai ent çà et là (une portion du crâne, un bus s'élance dans les maisons qu'il dépasse, et à
clavier, les parties d'un piano), mais la distribu- leur tour les maisons se précipitent sur l'autobus
tio n de ces éléments ne correspond plus à et se fondent en lui . »
rncune figuration, même réduite à ses contours. Nous retrouvons cela chez Olga Rozanova
Nous sommes devant un équivalent émiotique, qui a œuvré uniquement en Russie, recevant les
un système de signes ordonnés selon les lois impulsions cubistes des peintres français à tra-
inte rnes du matériau. Samovar, Instrument vers leurs tableaux montrés dans des exposi-
musical et lampe, Garde, Dame à un arrêt de tions ou dans la fameuse collection moscovite
tramway sont les premiers tableaux qui témoi- de Chtchoukine. Elle interprète le cubisme dans
gnent en Russie de l'influence du cubisme analy- le sillage de Malévitch qui avait inauguré en
1. Klioune, Nature morte. c. 1914. H/t, 79 x 45.5 cm. Cologne, musée Ludwig. tique français. Mais l'élément futuriste se mani- 1913. dans l'art de gauche russe, la ligue cubiste
1este ici dans l'interpénétration du monde analytique de type pari ien. Malévitch avait mis
humain et du monde des objets. Souvenons- sur un même plan tous les objets, mais en rédui-
nous de ce que proclamaient Boccioni, Carrà, sant leurs contours sémantiques à la logique

XXVIII
97
L'AVANT-GA RDE RUSSE LE CUBO-FUTUR ISME

O. Rozanova, Paysage urbain, c. 1913. H/t. 71 x 71 cm. Samara, Musée régional.


intrinsèque de la surface du tableau. Une série ment picturaux. L'Homme dans la rue. Analy4
de tableaux de 1913-1914 d'Olga Rozanova ont de volumes reste dans les tons ocres et gris du
un coloris relativement restreint et des teintes cubisme parisien. S'y ajoute la multiplication
sourdes. Le sujet n'est suggéré que par quelques futuriste des mêmes séquences linéaires ou
contours se référant au monde visible. Les planes qui créent la dynamique d'une ville
quelques éléments reconnaissables sont disper- urbaine. Comme dans le Portrait d'une propri4
sés sur la toile et sont conçus non plus comme taire terrienne ou le Portrait du compositeur
des repré entation de l'objet mais comme des Matiouchine de Malévitch, les objets rentrent O. Rozanova, L'Homme dans la rue, analyse de volume, 1913. H/t. 93 x 61,5 cm.
rapports, des contrastes purement et autonome- dans le personnage et le font éclater, en uni.! Madrid, fondation-collection Thyssen-Bomemisza.

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LE CUBO-FUTURISME
L'AVANT-GARDE RUSSE

Si l'on compare avec d'autres œuvres issues Dans l'œuvre de Klioune, dans le sillage de
de la même exigence cézannienne hyperbolisée, Malévitch, le cubo-futurisme est considéré du
on verra que dans les Nus dans la forêt de Léger point de vue d'une reconstruction d'un espace
(appelés aussi Bûcherons), il reste encore qui est scié comme l'on scie des rondins pour
quelque chose, dans l'éboulis des cylindres, de faire des izbas. Ainsi, les Portraits (peut-être
la civilisation du bois ; de même, chez le Malé- des autoportraits ?) des musées des Beaux-Arts
vitch de Récolte du seigle ou du Bûcheron, nous de Krasnodar et d' Astrakhan font écho - en
avons affaire à un loubok, futuriste certes par sa moins complexe - au Portrait perfectionné
couleur, mais conservant toute la saveur du d'lvan Vassiliévitch Kliounkov de Malévitch. Le
monde paysan et la sacralité des gestes personnage - le peintre - tient en bas du
archaïques. tableau les manches d'une scie dont la lame se
Chez Lioubov Popova, nous sommes dans un retrouve en haut du tableau en train de fendre
nouvel ordre pictural issu des novations pari- le visage en gros morceaux. Si l'on compare
N. Oudaltsova. Nature morte N. OudaJtsova,Journal-Paris, c. 1914. L Popova, Nature morte au violon, siennes. Il y a peu d'éléments« russes» dans ces avec le Portrait d'Ambroise Vollard de Picasso,
avec le chiffre 12. c. 1914. H/t, Huile et collage sur carton. 1915. H/t, 88 x 70 cm. Moscou. qui a donné certainement l'impulsion initiale
69 x 56 cm. Coll. part. 77 x 64 cm. Coll. part. Galerie nationale Trétiakov. œuvres, à l'exception peut-être d'une gamme de
couleurs où percent des bleus, des roses, des pour la création de tous ces portraits cubo-futu-
myriades d'unités : roues du véhicule et maisons Beaucoup d'œuvres de Nadiejda Oudaltsova verts que ne connaît guère le cubisme analy- ristes russes (il se trouvait dans la collection
ne font qu'un avec le corps de l'homme en semblent avoir poussé sur le sol parisien tique à Paris entre 1910 et 1912. Cela n'enlève Morozov en 1913), on voit que les Russes don-
marche. (Nature morte 12, Vie parisienne ou Guitare- rien à l'originalité de l'artiste moscovite. Elle nent à leur cubisme analytique une robustes e,
Les autres peintres cubo-futuristes russes, Fugue, la Cuisine). Le go0t ocre de la gamme est particulièrement nette dans la série des voire une rudesse, qui vient de la culture pay-
comme Nadiejda Oudaltsova, Lioubov Popova noir-ocre-rougeâtre-blanc est très proche de superbe dessins au crayon qui sont parmi ce sanne de l'icône, du loubok, de l'en eigne ou de
ou Véra Pestel (qui n'apparaissent sur la scène Braque. Dans la Couturière, cependant, une qu'a créé de plus abouti le cubisme européen 89 • l'art des steppes.
note« russe» (slave) apparaît, typique du cubo- L'œuvre de Lioubov Popova illustre combien ce À la différence de Malévitch, Klioune reste
artistique russe qu'à partir de 1914) sont passées
futurisme · le personnage, la machine à coudre mouvement, qui rompait avec des siècles de dans les tons de terre du cubisme parisien,
par les ateliers pari iens cubistes de La Palette
(Le Fauconnier, Metzinger, Dunoyer de Segon- sont désarticulés selon les principes dynami eurs repré entation mimétique, était « classique » comme dans l'Autoportrait à la scie. Dans cette
zac). Leurs œuvres restent tout à fait dans la tra- du sdvig ; on note le contraste entre une géomé- dans sa création d'un espace harmonieux, équi- dernière œuvre, le cubo-futurisme analytique
dition du cubisme parisien, tel qu'il fut popula- trie raide et une géométrie ondulée dans le libré, tendant à l'intégrité et à l'intégralité. On
I. Klioune, Autoportrait à la scie, 1914. H/t, 71 x 62 cm.
risé au Salon des Indépendants de 1911, puis par tissu; l'élément décoratif est introduit avec le se souviendra ici que Malévitch considérait Astrakhan. galerie B. M. Koustodiev.
le livre Du cubisme de Gleizes et de Metzinger. morceau purement ornemental en haut à gauche ; l'élément falciforme comme étant le trait dis-
L'accent était mis sur la décompo ition des élé- enfin, des taches plus vives de couleurs vertes tinctif du cubisme 90• Chez Lioubov Popova, ce
ments figuratifs en volumes géométriques, et rouges viennent briser les ocres, les marrons, trait en forme de faucille a une nervosité toute
créant une nouvelle image picturale non pas les gris et les noirs traditionnels. On remarque futuriste. C'est que l'artiste russe a vu à Paris la
telle qu'elle est vue mais telle qu'elle est connue, aussi dans le cubo-futurisme de Nadiejda grande manifestation des Italiens à la galerie La
faite de rapports et de contrastes, de syncopes, Oudalt ova un souci de planéité. Le volume est Boétie et lu leurs proclamations. Le titre d'un
sans éliminer totalement la lisibilité du sujet. à peine suggéré. des nus féminins assis est Personnage +
Ainsi, le Pianiste de Nadiejda Oudaltsova met Au contraire, chez Lioubov Popova, la volonté Maison + Espace, rappelant la manière dont
sur le même plan le corps du personnage assis et de créer le volume sur la surface est constam- Boccioni, lors de son expo ition de culptures à
tous les objets de l'environnement, pour ne faire ment présente, par exemple, dans la série des la même galerie La Boétie du 20 juin au 16
vivre sur la surface picturale que des mouve- « Nus féminins assis » ou dans la Compo ition juillet 1913, avait intitulée une de ses œuvres :
ments d'angles, de quadrilatères et de courbes. avec deux personnages, où l'influence du Metzin- Tête+ Maison + Lumière 91 • C'est dans les des-
La référence à l'Homme assis ou au Poète de ger de la Femme à cheval (1911) est perceptible. sins que l'on voit plus nettement l'originalité de
Picasso (1911) est évidente. Nous avons chez Lioubov Popova une nou- l'œuvre de Lioubov Popova en 1913-1914, sa
Mais Nadiejda Oudaltsova crée une image velle interprétation de la géométri ation cézan- tonalité franchement cubo-futuriste. La statique
particulièrement dépouillée par rapport à son nienne avec la réduction complète de la surface de l'architectonique des cônes, des cylindre et
« modèle », une image qui se ressent de en cylindres, cônes, sphères, le jeu des arcs et des sphères est partout mise en branle par la
l'influence de Malévitch et permet de com- des angles aigus. Le personnage devient un rythmisation des plans que viennent constam-
prendre l'adhé ion, après 1915, de l'artiste au robot, une mécanique picturale avec ses ment cerner des demi-cercles ou des bouts de
uprématisme. rouages, ses éléments de transmi sion . spirales.

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LE CUBO-FUTURISME
L'AVANT-GARDE RUSSE

Tout le reste du tableau, c'est-à-dire en fait


toute la surface, est un amas d'éléments dislCJI
qués où l'on reconnaît à peine ici un sein, là un
fragment de bras, ailleurs une surface ressem-
blant à une cuisse, des notes de musique, peut-
être le coude d'un sofa, voire une demi-bala-
laïka et des feuilles (de musique ?). Nous
sommes frappés ici aussi par une certaine
robustesse qui fait penser à J:art paysan russe
plus qu'aux robots urbains du cubisme parisien.

LE CUBISME SYNTHÉTIQUE

M. Va§ilieff, Femme à l'éventail, 1910. H/t, 60 x 72j cm. Le cubisme synthétique français trouva un écho
Lugano, coll-fondation Tbyssen-Bomemisza.
particulièrement favorable en Russie où s'était
est à son comble. Il y a un éclatement de la exacerbé, depuis 1910, l'esprit de liberté créa~
figure, comme dans le Portrait du compositeur trice totale, de libération de l'acte créateur de
Matiouchine de Malévitch: le monde des objets toutes les contraintes académiques, en particu,
et le monde des humains sont confondus dans lier dans le choix des moyens matériels de fabri-
un pêle-mêle où l'on reconnaît ici un nez, là des cation du pictural. Le problème de ce que les
dents, ailleurs une scie, voire une oreille ou un Russes appellent la facture (i.e. la texture) est
œil... Et pourtant notre œil saisit l'intégrité de capital pour comprendre l'art d'avant-garde en
l'image, il s'y retrouve dans ce chaos apparent Russie. Dans les textes de Malévitch, le verbe
et même il y trouve un surcroît d'expressivité. « tisser » et ses dérivés sont employés à plu-
Dans le tableau de Krasnodar, c'est le bois qui sieurs reprises pour parler du travail sur la
est l'élément iconographique dominant : les trame que repré ente toute surface plastique.
mains, le crâne, le nez, tous les éléments sont On ne trouve pas de trace de cubisme synthé-
des bouts de bois raides. Même la scie paraît tique en Russie avant 1914. En juin 1915, Malé-
être en bois. Alors que chez Malévitch, il y avait vitch écrivait de façon polémique : « Les
une futurisation de la construction par la cou- tableaux cubo-futuristes se créaient selon plu-
leur métallique, chez Klioune, il y a une fidélité sieurs principes : 1. le principe de la sculpture
aux canons colorés cubistes. Le dynamisme est picturale artificielle (modelage des formes) ;
créé par des sortes de vagues formées par un 2. celui de la culpture réelle (collage), du relief
parterre de petits triangles en diverses posi- et du contre-relief; 3. celui du mot [ ... ]. Chaque
tions, d'où semble émerger la figure centrale. surface plane picturale, transformée en relief
Si l'on compare le Paysage d'Espagne de pictural saillant est une culpture artificielle, et
Marie Vassilieff et sa Femme à l'éventail, on tout relief saillie, tran formé en surface plane,
voit la distance qui sépare le cézannisme géo- voilà la peinture . » Il semblerait que Malévitch
métrique et le cubisme analytique. Dans le pre- veuille ici identifier le relief et le contre-relief K. Malévitch, Femme à la colonne d'affiches, c. 1913. Huile et collage sur toile, 71 x 64 cm. Amsterdam, Stedelijk Museum.
mier tableau, tous les contours sont bien tracés ; avec le seul collage, ce qu'il déclare la sculpture
simplement, par leur géométrisme, ils forment réelle. Nous verrons dans le chapitre sur les Mondàrebour. , paru à Moscou début décembre
ont tendance de plus en plus à s'avancer dans
un puzzle reconstitué mais prêt à se défaire Reliefs que ce que Tatline appelle contre-relief 1912. Ce premier collage russe est aussi le pre-
l'espace, à faire saillie dans l'espace.
pour une nouvelle construction. C'est cette est quelque chose de totalement différent du mier papier découpé non-figuratif du xxc siècle.
Le premier collage que nous trouvons dans
décomposition qui s'opère dans la Femme à collage cubo-futuriste, même si ce dernier a Natalia Gontcharova a fait, pour chacun des
l'art russe, c'est celui de Natalia Gontcharova
l'éventail. Le coin gauche supérieur nous joué un rôle d'impulsion évident. Mais les e emplaire connus (il en était prévu deux cent
pour la couverture du livre entièrement litho-
montre dans un style cézanniste géométrique reliefs tatliniens, à l'inverse du collage qui vingt), une forme qui n'est jamais totalement la
graphié de Kroutchonykh et de Khlebnikov
une tête de femme, une main tenant l'éventail. s'applique, se fond, s'intègre à la surface plane,
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L'AVANT-GARDE RUSSE LE CUBO-FUTUR ISME

même, comme il se doit pour un découpage qui peint lui-même, qui génère le nouveau réel, guerre de 1914, qui fut particulièrement atroce.
n'est pas une reproduction ou un calque. qui va devenir immédiateme nt le sans-obje Placé où il est, le thermomètre est le signe de
En 1914, Malévitch fait une utilisation magis- Emmanuel Martineau a observé que dans dct cette incongruité ...
trale de collages de coupures de journaux et de œuvres comme Femme à la colonne d'affic On pourrait trouver encore beaucoup
papiers de tapi erie, en particulier dans l'extra- « tandis que les résidus objectifs [i.e. d'objets] d'autres exemple de cubisme synthétique dans
ordinaire Femme à la colonne d'affiches où les compliquent jusqu'à une confusion "a-logique l'art russe, à la suite de Malévitch. Je mention-
quadrilatères abstraits envahissent et tendent à totale, des plans colorés déjà authentiquem en nerai ici Véra Pestel, artiste moins connue que
effacer tout ce qui est sujet. Il y a ici un aplatisse- suprématistes sortent, pour ainsi dire, extatique ses amies Lioubov Popova et Nadiejda Oudalt-
ment de la surface picturale au maximum (seules ment de la surface, sans pour autant en comp sova. Dans un tableau à l'huile représentant une
quelques allusions à du volume ou de la profon- mettre la platitude 94• » décompositio n cubo-futuriste d'instruments à
deur existent çà et là). Un jeu s'instaure entre Un Anglais à Moscou comportait à l'origi cordes (coll. Teucquam), elle construit la sur-
les deux grands quadrilatères jaune et rose et le une cuillère en bois collée ; Guerrier de Jn ran face picturale à l'aide de papiers cartonnés
monde des objets disparates mais on voit et on a conservé son thermomètre ; la Compositi assemblés. Dans ce travail de 1916-1917 on sent
sent la pénétration de toutes parts des surfaces avec Mona Lisa, comporte - comme Femme à la que le suprématisme est venu apporter l'énergie
abstraites qui ne laissent que peu de place au colonne d'affiches - des papiers de tapisserie et du san -objet à la structure architectonique.
réel : des lettres cyrilliques et latines, des frag- des fragments de journaux.
ments d'annonces, un pan de tête avec cheveux, L'année 1914 consacre le triomphe de ce que
un pan de robe, etc. Malévitch a appelé« alogisme », variante pict~- SYNTHÈSE CUBISME-FUTURISME
Malévitch a mis en pratique de façon originale rale de la zaoum (la langue au-delà de la raison)
le cubisme synthétique : « Le cubisme, en dehors des poètes cubo-futurist es, les futuraslaves. Toute une série de toiles de l'avant-garde russe
de ses contenus con truits, architectoniques et Dans Guerrier de Je, rang les quadrilatères se entre 1913 et 1920 combinent de façon
philosophiques, possède une facture picturale font phagocytes des fragments disparates du consciente et évidente cubisme et futurisme.
variée. On ne considère pas seulement la facture réel. Le militaire ici « représenté » ne no us Dans le cézanni me géométrique, le dynami me
picturale à l'huile, mais aussi au plâtre, au stuc donne que de faibles indices pour le situer daoj se marquait surtout par les jeux rythmiques des
(comme rapports picturaux et colorés) ; dans un contexte historique ou sociologique. Il a couleurs, parfois par leur métallisation ou par
l'édification de la construction, on introduit perdu les contours de sa figure. Il a droit cepe~- les ruptures, les ellipses, les syncopes. Une
V. Pestel, Nature morte, 191S-1916. Huile et collage
aussi le matériau, non pas en tant que tel mais sur toile, 66,8 x 45,6 cm. Coll. Costakis, inv. 718. étape nouvelle s'établit quand l'iconographie
K. Malévitch, Gue"ier de J• rang, 1914. Huile et collage
comme un assemblage pictural de caractère sur toile, 53,6 x 44,8 cm. New York, MoMA. futuriste vient s'insinuer dans des structures
varié, individuel, de la couleur picturale. Nous dant à un fragment de tête avec une oreille et à géométri ée .
trouvons ou bien une planche peinte jusqu'à la moitié d'une opulente mou tache, dessinés de Chez Natalia Gontcharova, dans Avion au-
l'illusion avec des particularité stratifiées expri- façon réaliste. La croix montre qu'il a une haute dessus du train (1913) ou Gare (1913), il y a un
mées, ou encore des insertions naturelles qui distinction, une telle croix étant donnée pour entrecroiseme nt de lignes tracées vigoureuse-
sont considérées comme quelque chose de actes de bravoure et d'héroïsme ; elle est placée, ment et laconiquement qui montre la simulta-
feuilleté, de pictural, de facturai, et le dessin gra- comme l'étaient les galons du soldat de la néité de mouvements divers, le chaos apparent
phique, le fer-blanc, le cuivre et les autres maté- garde, là où se trouve habituellemen t la tête d'image qui défilent. C'est l'époque, dans l'art
riaux sont introduits également non pas en tant dans un portrait. Celle-ci est figurée par un européen sous influence futuriste, des
que tels mais pour leur contenu pictural ( ... ]. carré bleuté, ce qui indique bien que l'efface- « fenêtres » et des « vitres » qui permettent de
Les variations se combinent de façon à ne pas ment des apparences est définitiveme nt donner toute la bigarrure de ce que l'on voit à
s'affaiblir l'une l'autre mais à exprimer au con ommé. Le titre que Malévitch a donné à ce travers cet écran translucide et de ce qui s'y
contraire plus clairement chaque forme, chaque tableau est très pompeux en russe. II y a reflète du mouvement et des objets de la rue
facture, et pour cela on recherche non pas quelque chose de gogolien dans cet hyperbo- (Robert Delaunay, Yakoulov ). Dans la Gare de
l'identité mais les contrastes 93 • » lisme à la fois satirique et humoristique . Natalia Gontcharova, comme dans son célèbre
Toute la « cuisine » des factures-textu res Comme chez Gogol, on ne sait jamais où com- Vélocipédiste, ce sont des éléments d'en eigne
s'évanouit dans ce contraste, donc dans ce qui mence la féroce ironie à l'égard de la réalité qui rythment la surface du tableau et se surim-
donne au pictural son caractère, son rythme, ce banale-vulgaire (la fameuse pochlo t) et le plai- pressionnent sur les autres éléments figuratif .
qui accélère le retrait de tout sens discursif, pré- sir éprouvé pour la truculence, le comique, la On voit ainsi une tête de fumeur avec une
cipite son abstraction. Ce ne sont plus les objets bigarrure. Cette ambiguïté est d'autant plus énorme cigarette à la bouche, que l'on peut sai-
qui organisent l'espace, c'est l'espace qui se forte que cette œuvre est peinte en pleine sir à la fois comme de face ou de profil. De

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LE CUBO-FUTURISME
L'AVANT-GARDE RUSSE

Marina Tsvétaïeva, Natalia Gontcharova voi


dans l'horloge« un cheval qui court à la Iisiè
de la terre 97 • » Et de citer l'artiste:« Le princi
du mouvement est le même dans la machine et
dans l'être vivant. Quant à moi, toute la joie d
mon travail, c'est de révéler l'équilibre du mou
vement . »
Dans la Paysanne aux seaux (1912) et 1
Rémouleur (1913), Malévitch utilise le princi
iconographique de la démultiplication du mou-
vement, introduit par les futuristes italiens, d
façon épisodique mais emblématique. La Pay-
sanne aux seaux est la transformation cuba-
N. Gontcharova, Le Vélocipédiste, 1913. 1-1/t, 78 x 105 cm. futuriste par Malévitch d'un de ses propr'I
aint-Pétersbourg. MNR.
tableaux à dominante primitiviste qui porte le
même titre. Le peintre a procédé à ce qu' il
même, les grosses lettres qui parcourent la com- appelle « une décomposition dynamique ». L
position sont des fragments arrachés à des Rémouleur, lui, obéit au « principe de scintillisa-
réclames et intégrés par l'artiste à l'ensemble. tion ». Ici se conjuguent les leçons du poi n-
On note aussi la légère application de la démul- tillisme et de l'art de la mosaïque (dans le
tiplication du mouvement, qui est suggéré aussi
bien au niveau des roues que dans les person- Ci-contre:
N. Gontcharova, Le Métier à tisser, c. 1913.
nages dont les silhouettes à peine ébauchées 1-1/t, 153,5 x 96 cm. Cardiff, Musée national de Galles.
scintillent çà et là. Tout cela se retrouve dans
O. Rozanova, Le Métronome, 1913-1914.
beaucoup d'autres tableaux de Natalia Gont- 1-1/t, 46 x 33 cm. Moscou, Galerie nationale Trétiakov.
charova qui sont de véritables chefs-d'œuvres
du cubo-futurisme russe (par exemple, La
Laverie ou Le Métier à tisser). Le critique
Tugendhold ne s'est pas trompé sur la structure
de base des tableaux cubo-futuri tes de Natalia
Gontcharova : « Il est vrai que même dans ce
chaos de roues, d'axes, d'arbres, de tiges et
d'entonnoirs, il y a des taches artistiques, mais
qui a besoin de cette enseigne pour usine [c'est
moi qui ouligne] 9S ? »
Le poète Marina T vétaïeva, qui nous dit des
choses essentielles (souvent ignorées des histo-
riens de l'art) dans son essai sur Natalia Gont-
charova (1929), consacre un chapitre à« Natalia
Gontcharova et la machine » où elle affirme
que l'auteur de Machine électrique, de Dynamo
machine, de l'Électricité ou des Lampes élec-
triques, « la première, a introduit la machine
dans la peinture 96 ». Marina T vétaïéva oppose
chez le peintre Natalia Gontcharova « la nature,
le peuple, les peuples [ ... ], la campagne [... ],
l'ancestral[ ... ], l'arbre» et la machine moderne
menaçante, mortifère, assassine. Mais, selon

107
106
L'AVANT-GARDE RUSSE
LE CUBO-FUTURISME

monde russien, les plus célèbres mosaïques so peintre et poète italien Ardengo Soffici, les
celles de Kiev au xw siècle), Ja mosaïque q principes futuristes sont intégrés de façon
selon Bénédikt Livchits, « contient en e)l franche sur ses toiles ; celles-ci se couvrent
toutes les propriétés du pointiHé jusque, et d'une profusion d'éléments figuratifs, de frag-
compris, la vibration de Ja lumière que r ments d'objets, créant une harmonie des
obtient au moyen de plaques d'or 99• » Le eu courbes, des spirales, des lignes droites et des
futurisme est bien, ici, ce qui met en mouv plans tendant à la géométrie. C'est le cas de
ment les plans de l'architectonique cubist Firenze, de Ville la nuit.
Malévitch expliquera à ses élèves dans J Le déploiement généreux des formes, la joie
années vingt : « Le dynamisme sera pour J de la couleur avec ses harmonies de jaune-
œuvres futuristes Ja formule formante qu rouge•noir-bleu ciel-vert, mauve-noir-blanc, se
constituera toute œuvre futuriste, c'est-à-dirt 1 manifeste dans un de ses chefs-d'œuvres abso-
dynamisme sera l'élément additif qui reforml lus, Firenze (1914), où Alexandra Exter dis-
la perception artistique d'un état des phén loque le mouvement architectural des arcs, des
mènes en un autre, par exemple, d'une per rues, des édifices en des rythmes tantôt droits
tion statique en une perception dynamique ii,. » (bandes noires et blanches horizontales) tantôt
K. Malévitch. Paysanne allant chercher de l'eau 1912
Lithographie, 97 x 105 cm. Coll. part. ' · Certaines œuvres de Baranov-Rossiné entr en zigzags ou en éventail. Le tableau est tout en
1913 et 1915 sont à mettre sous cette rubriqu frémissements colorés d'eau et de lumières. On
bien qu'elles soient totalement dépourvue d remarque, comme élément figuratif, le drapeau
structure de base primitiviste. C'est le cas d italien dont le rectangle tricolore se fond en bas
Maternité. La sœur de l'artiste, qui fut signal à droite dans la compo ition générale. Alexan-
par André Salmon dans sa recension du Salo A. Exter, Ville la nuit, c. 1913. H/t, 88 x 71 cm, musée de dra Exter utilisera avec prédilection les rythmes
d 'Automne de 1913. Le volume cubiste se voit Valogda.
colorés des drapeaux nationaux, qui devien-
V. Baranov-Rossiné, Maternité. La sœur de l'artiste, 1912.
H/t, 100 x 75 cm. Paris, coll. Eugène Baranoff-Rossiné.
dynamisé par les procédé futuristes et simultt- époque. Cela donne un mouvement de danse. dront même un élément constitutif de sa
néistes tandis que l'orphisme des Delaunay Un trait dominant de tout l'œuvre pictural de gamme colorée ou de l'espace (par exemple,
(avec l'accent slave que lui a imprimé Sonia) Rossiné après 1910 est sa potentialité sculptu- dans son tableau abstrait Blanc-bleu-rouge).
vient lui donner un mouvement coloré de tona. rale. Cette tendance au volume, qui vient tout Guéorgui Kovalenko, l'auteur de la première
lité « orientale ». Le déploiement en éventail c ·t droit du cubisme, se conjugue à une façon toute monographie sur Ale andra Exter, écrit à pro-
spécifique de la picturologie de Rossiné à cettt particulière de faire saillir sur la surface plane pos de Ville la nuit : « On peut regarder ce pay-
picturale le sujet de la représentation, mettant sage non pas comme un paysage mais comme
K. Malévitch, Le Rémouleur, 1912. H/t, 79,5 x 79,5 cm. ainsi en contraste le fond du tableau et l'objet une composition conventionnellement dyna-
New Haven, Yale University Art Gallery. qui s'en détache. L'influence ukrainienne chez mique. L'artiste poursuit des objectifs purement
Baranov-Rossiné se trahit, comme chez Alexan- expérimentaux, s'efforce de créer une certaine
dra Exter, par une propen ion au « baroque » A. Exter, Firenze, 1914-1915. H/t, 109 x 145 cm.
(torsions, spirales, occupation maximale de Moscou, Galerie nationale Trétiakov.
l'espace, ampleur du mouvement). Son utilisa-
tion du « ruban de Môbius » lui permet de créer
un espace totalement inédit, qui donne une nou-
velle dimension au cubisme « cylindrique ». On
a l'impression que les éléments du tableau
volent, sont pris dans un tourbillon multicolore,
comme dans la rutilante Rhapsodie norvégienne.
Motif d'hiver à Trondheim.
Alexandra Exter a tout naturellement com-
biné, dans ses œuvres de 1913-1915, le cubisme
parisien et le futurisme italien, leur donnant une
tonalité ukrainienne unique. En 1914-1915, au
moment où elle partage l'atelier parisien du

108
109
LE CUBO-FUTURISME
L'AVANT-GARDE RUSSE
L'influence de Balla est encore sensible dans
structure colorée, toute chargée de l'énergie du aussi dans le Paysage cubiste de Lioub o la toile de Klioune Paysage qui passe en courant ;
mouvement, dotée de la capacité de se transfor- Popova le début d'un mot en lettres cyrilliqu nous sommes dans la non-figuration mais pas
mer ou, en tout cas, d'imposer au spectateur peintes dont la racine pourrait désigner 1 tout à fait encore dans l'abstraction totale, dans
l'idée de l'inéluctabilité de son mouvement et lumière (svié [t} ou svié [tcha}) et le mond le sans-objet, ne serait-ce qu'à cause du titre
de ses changements 101 • » Cela pourrait être dit (svié [t}). Et, en effet, la dominante jaune c figuratif et peut-être aussi par la représentation
pour toutes les œuvres d'Alexandra Exter sur le distribuée par plans syncopés à travers toute 1 des isolateurs en porcelaine pour les lignes élec-
thème urbain entre 1912 et 1915, qui sont peut- toile, se heurtant aux bleus, aux rouges, a u triques dans les campagnes (que Kli~une ~ inté-
être les plus significatives du cuba-futurisme roses-mauves, aux verts. Il y a en outre cht grés comme objet réel dans son rehef pictural
russe dans la mesure où les structures cubistes Lioubov Popova - et c'est sans doute 1 portant aussi le nom de Paysa~e qui passe _en
et les structures futuristes y sont combinées de l'influence et de Malévitch et de Tatline - un courant). Ces isolateurs apparaissent en séries
façon parfaitement organique. N'eüt été la forte tendance à ouligner des volumes arrondis, le dans des intersections formées par les rayons
gamme russo-ukrainienne qui vient perturber quels sont prêts à« cabosser» la surface planct. triangulaires et les larges mouvements circu-
les données du cubisme français et du futurisme Lioubov Popova donne en 1914-1915 u laires.
italien, ces œuvres sont, à l'intérieur de l'art ensemble impressionnant d'œuvres cubo-futu L'œuvre de Yakoulov est très marquée par le
russe, les plus « occidentales », dans la mesure ristes qui porte sa griffe inimitable. Ce son futurisme, un futurisme auquel les Italiens ont
où s· sent moins la composante « barbare » toutes des natures mortes qui varient à l'infin sans aucun doute donné l'impulsion concep-
néo-primitiviste, qui est la marque, en général, les formes ondulées et multilinéaires des vi tuelle mais que cet Arménien de génie a trans-
du cuba-futurisme en Russie. Ions, des guitares ou des violoncelles et où 1 formé au prisme de sa pensée picturale des
À partir de 1916, A lexandra Exter travaille à cubisme est emporté par des mouvements si lumières solaires. L'appartenance à deux cul-
Moscou pour le Théâtre de hambre, dirigé par miques qui montrent l'introduction franche del tures ( arménienne et russe) marquera la pensée
le metteur en scène et théoricien du théâtre du peintre qui durant toute sa vie sera en quêt~
Alexandre Taïrov. Sa couleur est saturée de L. Popova, Portrait d'un phUosophe, 1915. Huile
sur carton, 58,5 x 42,5 cm. Toula, Musée régional.
d'un art où la vision orientale du monde s'umt
lumière, son cuba-futurisme plein d'une fougue L. Popova, Femme voyageant, 1915. ~t, 142 x 105 cm. aux réalisations techniques de l'Occident. Il
et d'une ampleur baroque dont la source est son Pasadena, Norton Simon Art Foundat1on.
L. Popova, Homme voyageant, 1915. H/t, 158,7 x 123 cm.
Ukraine natale - un des sommets artistiques de
principe plastiques des futuristes italie~s dans Coll. George Costakis (Art Co. Ltd.).
ce pays est d'ailleurs, au xvne siècle, l'architec-
ture baroque. Trente-deux esquisses des cos- le système de décomposition des obJets du
tumes pour la pièce symboliste d' Innokenti cubisme. Des lettres latines de grand format
Annienski Thamira le Citharède sont montrées sont des éléments à part entière des composi-
à la dernière exposition du Valet de Carreau à tions. Dans le chef-d'œuvre qu'est le Portrait
Moscou en 1916 102 • d 'un philosophe, le cubisme et le futur_isme
L'œuvre de Lioubov Popova et celle s'équilibrent, sont pré ent , si l'on peut dire, à
d'Alexandra Exter semblent dialoguer, telle- part égale. En revanche, dans la série des « per-
ment elles passent par les mêmes étapes et trou- sonnages voyageant » de 1915 (Femme voya-
vent des solutions spécifiques qui font qu'il est geant et Homme voyageant) c'est l'influence du
impossible de les confondre. Ainsi, le Paysage Balla des variations sur le thème de Mercure
cubiste de Lioubov Popova est à mettre en passant devant le soleil (1914) que l'on retr?uve,
parallèle avec les vues urbaines d 'Alexandra avec son système de mouvements concentnques
Exter à cette époque : dans les deux cas, il y a horizontaux traversés par des rayons triangu-
une futurisation du cubisme et un goüt pour une laires verticaux, créant des zones quadrilatères,
polychromie éclatante ; il y a le même jeu des coniques, trapézoïdes aux intersections des
arcs de ponts ou d'édifices avec les triangles et cercles et des droites. Dans Femme voyageant et
les quadrilatères. Mais Lioubov Popova a ten- Homme voyageant, un sujet de la vie quoti-
dance à construire ses toiles dans la verticalité, dienne est l'objet d'un traitement de décompo-
alors que chez Alexandra Exter la surface tend sition et de simultanéisation dynamique, alors
à déborder, à s'étaler, à exploser à partir d'un que dans les construction picturales de 1~O, ce
centre. Alexandra Exter est plus simultanéiste, sera l'iconographie cosmique de Balla qm sera
Lioubov Popova plus architecturale. On note dépouillée jusqu'à des rythmes abstraits.

110
L'AVANT-GARDE RUSSE

parle lui-même de son « atavisme asiatique », vision, le soleil tient la première place. C'est d
« auquel était étranger le réalisme européen, l'action réciproque du Soleil, de la Lune et d
mais duquel était proche le symbolisme qui a l'air que se forme le prisme lumineux. Le
ouvert [ ... ] un large horizon au fantastique rayons du soleil, l'air, le ciel, l'eau, la nature
décoratif 103 ». l'homme, les animaux et les plantes, tous soq
Il étudie l'art graphique chinois et les particu- unis par un seul mouvement, par le prisme de la
larités des paysages de la Chine et aboutit à la lumière. « L'essence est dans le rythme de ce
conclusion que la couleur de la lumière solaire prisme, dans les oscillations entre la saturati
détermine dans chaque pays la spécificité de sa et la transparence, sans le passage dans l
civilisation et de sa culture. C'est à son retour prisme d'une autre couleur 105 • » Le soleil gou-
d'Extrême-Orient, en 1905, que Yakoulov crée verne la nature tout entière.
sa théorie de l'origine des styles dont il fit un La nature donne donc au peintre ses couleurs
exposé en 1906-1907 à la Société de Libre (la gamme du spectre solaire, la coloration dell
Esthétique de Moscou; il lut cet exposé en 1913 plantes et des animaux), à l'architecte et a u
à Robert Delaunay lors de son séjour à Louve- sculpteur ses formes (le contour des montagn
ciennes, puis en 1914 au caveau artistique Le les animaux et les plantes), mais Yakoulov ne
Chien errant à Saint-Péter bourg. Son article considère pas cela à la manière des réalistes q ui
« Le soleil bleu », paru en 1914, est un fragment cherchent à copier la nature. Pour lui c'est la
de cette « théorie des soleils ». Yakoulov y éta- nature elle-même, dirigée par le soleil, qui à
blit « l'interdépendance de la couleur, de la l'intérieur de l'homme le détermine, le pousse à
forme, de la matière, de la ligne, de la pensée, créer telles formes plutôt que telles autres. Powa
du son, de la structure de la nature et de l'art, faire comprendre sa pensée, le peintre a recounl
du goût, de la capacité de voir 104. » Dans sa à des aphori me pleins d'humour:« Est-ce que

G. Yakoulov, Le Sulky, 1918-1919. Huile sur contre-plaqué, 125 x 150 cm. Paris, MNAM.

L. Popova, Paysage urbain cubiste, 1914. H/t, 104 x 86,5 cm. Coll. part.

XXIX
112
N. Gontcharova, Aéroplane au-dessus d'un train. 1913. H/t, 55,7 x 83,8 cm. Kazan, musée des Beaux-Arts
de la République du Tatarstan.

A. Lentoulov, Saint Basile le Bienheureux, 1913. H/t, 170,5 x 163.5 cm. Moscou. Galerie nationale Trétiakov.

XXX XXXI
K. Malévitch, Portrait de Matiouchine, 191 1914. H/t, 106,5 x 106,7 cm. Moscou, Galerie nationale Trétiakov.

K. Malévitch, Dame au I"""" c. 191 H/t 66,8 x 44 cm. Krasnoyarsk musée national des Beaux-Arts.

XXXII
XXX III
V. Pestel. Nature morte, c. 1916. H/t, 70 x 78.5 cm. Nijni-Taghil, musée national des Beaux-Arts.

M. Mienkov, Tramway nu 6.1914. H/t. 82 x 51 cm. Samara. musée national des Beaux-Arts.

XXXV
XXXIV
LE CUBO-FUTURISME

1
·s pyramides égyptiennes ne seraient pas Au moment où il entreprend la mise en forme
bsurdes en Chine et les pagodes chinoises « pré-constructiviste » du Café Pittoresque, en
, uraient-elles un sens à Florence 106 ? » ou bien: 1917, il est arrivé au terme de ses recherches
Le Chinois par la construction rythmique de dont lui-même donnait cette définition : « Dans
JO corps est proche de son cheval, comme l'ensemble mes travaux se sont édifiés sur les
Assyrien du sien et l'homme-arabe du cheval- analyses des méthodes d'art chinois et des
rabe 107. » C'est dire que la lumière du soleil a méthodes des maîtres du Moyen Âge italien,
réé des types de formes variables selon la pour aboutir à une nouvelle méthode asio-euro-
açon dont elle éclaire telle ou telle partie de la péenne et pour exprimer le monde contempo-
ferre : « Si le soleil de Moscou est blanc, le rain avec sa nouvelle culture urbaine 111 • »
lleil de la Géorgie rose, le soleil de l'Extrême- On trouve une très belle synthèse du cubisme
)rient bleu et celui de l'Inde jaune, c'est que de et du futurisme dans ses deux chefs-d'œuvre de
oute évidence le Soleil est cette force qui meut 1918-1919 sur contreplaqué, Le Sulky et le
~s planèt autour de lui, communiquant à cha- Combat du lion et du cheval. Ces panneaux
une d'elles son propre rythme (le caractère du ornaient l'Étable de Pégase, un café littéraire
mouvement), sa propre cadence (la vitesse du qui était en 1919 le rendez-vous des poètes ima-
nouvement) et une voie commune sur son ginistes, Essénine en tête (on sait que Yakoulov
orbite ( celle d'un seul thème fondamental dans a signé en 1918 le manifeste des imaginistes).
la multiplicité des formes matérielles et spiri- Ici, à la spirale élément iconographique privilé-
uelles1œ. » gié par l'artiste, se joint le cône.
On comprend que la pensée cosmogonique Le Sulky est une démonstration picturale de
vakoulovienne ne pouvait plus polémiquer avec ce que Yakoulov voulait opposer aux futuristes
e futurisme italien qui, d'après lui, ne rend le italiens et à leurs émules russes auxquels il
V._Baranov-Rossiné. Rhapsodie norvégienne. Motif hivernal de Trondheim c. 1915-1916 H 1 48 5 x 72
Samt-Pétersbourg, MNR. · · • • cm. mouvement que superficiellement 109. Un autre reprochait une représentation naturaliste du
problème se pose alors à lui, celui de la lumière mouvement dans leur volonté de rendre celui-ci
1rtificielle des villes, ce soleil nocturne des cités quasiment tangible par la juxtaposition figura-
modernes qui impose au peintre des voies nou- tive des divers moments qui le composent. Pen-
velles. Il constate que l'œil de l'homme contem- sant de toute évidence au fameux Chien en laisse
porain a perdu le sentiment de la nature et se de Balla (1912), Yakoulov écrit : « La tentative
trouve « sous une cloche à glaces vers laquelle des futuristes de doter un chien qui court de
sont dirigés les rayons des réverbères élec- quarante pattes est naïve et ne fait pas pour
triques multicolore . Et les parois du verre avec autant avancer le chien 112 • » Ce n'est donc pas
ses reflets, ainsi que la lumière trompeu e qui par une démultiplication des formes en mouve-
vibre, déforment la forme qu'a donnée à ce qui ment, par leur figuration successive, que l'on
vit le Soleil et la seule chose dans l'époque peut rendre dans toute sa tension le mouvement,
contemporaine qui la relie au passé, c'est le mais en le faisant jaillir de l'intérieur des lignes
rythme (c'est-à-dire la substance du mouve- et des plans, de la texture même du tableau. Le
ment), mais sa cadence est tout autre 110• » (Voir rythme est rendu par la déformation antiréaliste
Monte-Carlo et Bal Olympia) de chaque élément dont est composé l'objet
L'aquarelle Paysage urbain nous permet de représenté, par des syncopes (on ne voit qu'une
juger de la maîtrise de l'artiste qui allie la calli- partie du visage du jockey, les deux roues sont
graphie chinoise aux variations colorées de figurées par deux cônes inversés, etc.), par des
l'orphisme. Au dos de cette œuvre, Yakoulov a distorsion (le corps du cheval et ses jambes),
écrit : « Principe du mouvement dans une com- des haplologies ou surdéterminations (la tête du
position, translucidation des objets », montrant cheval synthétise en une seule masse ses diffé-
son souci constant de capter le rythme d'une rentes parties ou bien la jambe gauche arrière
scène et de faire apparaître la luminosité spéci- qui dans sa tension est en même temps un équi-
fique de ses éléments. valent de la jambe droite avant ... ).

XXXVI
113
L'AVANT-GARDE RUSSE
LE CUBO-FUTURISME

à l'austérité de l'œuvre pevsnérienne en géndr « transmentalité » ou « transrationalité »


c'est-à-dire à son refus de la moindre conce (z aoum) dont Malévitch avait qualifié ses
à la joliesse. Cependant, le cubisme de Carnav œuvres de 1913. Dans une lettre de juin 1913 à
est mis en mouvement par la démultiplicatio M. Matiouchine, il écrit:« Nous avons rejeté la
du visage. Dans le décalage des seins, il y a tra raison en nous appuyant sur le fait qu'une autre
du sdvig de la peinture russe d'alors qui rechtr raison a grandi en nous, que, par comparaison
chait le dynamisme par ces déplacements d avec celle que nous avons rejetée, nous pouvons
lignes.
appeler l'au-delà de la raison, mais qui, elle
aussi, est régie par une loi, une construction, un
sens, et c'est seulement en le comprenant que
SYNTHÈSE CUBISME- nous atteindrons à une œuvre fondée sur la loi
FUTURISME-ALOG ISME de cet au-delà de la raison véritablement nou-
veau 11. »
L'alogisme est une étape picturale inventée par
Malévitch en 1913-1914. L'alogisme met en K. Malévitch, Coffret de toilette, 1913. H/t, 48,7 x 25,7 cm.
Moscou, Galerie nationale Trétiakov.
question toutes les cultures picturales anté-
rieures qui sont fondées sur l'objet, sur la figura-
tion de l'objet. Après avoir été « pulvéri » et
reconstruits en un ordre purement pictural, le
objets sont, dans l'alogi me, figurés de façon
lisible mais représentés simultanément pêle-
mêle, sans lien logique; la« mise sur le même
plan » ne détruit pas les contours sémantiques
mais apporte une perturbation dans leur pré-
sentation. L'alogi me est un autre nom de la

K. Malévitcb, Composition avec Mona Lisa, c. 1915.


H/t, 62 x 49,5 cm. Saint-Pétersbourg, MNR.

K. Malévitch, Station sans arrêt. Kountsévo, 1913.


A. Pevsner, Carnaval /Femme à l'éventail), 1916. H/t, 48,7 x 25,7 cm. Galerie nationale Trétiakov.
H/t. Moscou, Galerie nationale Trétiakov.
Le triomphe de l'alogisme dans la peinture de
Arrêton -nou pour finir sur une œuvre cubo-
futuriste du peintre et sculpteur Pevsner, Carna- Malévitch au cours des années 1913-1914 s'affir-
mera dans une suite de tableaux que l'on pour-
val [Femme à l'éventail] (1916). On ne sait pour-
rait dire « programmatiques ». La peinture y
quoi cette œuvre fut ainsi bapti ée. Son sujet est
typiquement cubiste, à savoir « une femme à perd définitivement son statut de repré entation
l'éventail », dont le thème fut sans doute lancé du monde sensible grâce à un « geste » qui intro-
dans les arts novateurs du xx siècle par la duit l'absurde: ainsi, dans La Vache et le Violon,
une vache vient détruire l'image du violon, objet
Femme dans un fauteuil tenant un éventail, suivi
de la Dame à l'éventail, ces deux œuvres de figuratif par excellence du cubisme ; une cuillère
Picasso se trouvant à l'époque dans la collection en bois paysanne est peinte sur le chapeau de
Chtchoukine. La gamme presque monochromée l'Anglais à Moscou; une reproduction collée de
la Joconde est biffée par deux traits dans la
- des dégradé de gris - est également dans la
mouvance du cubisme parisien mais corre pond Compo ition avec Mona Lisa, et sous le collage
d'une photo de la Joconde, une coupure de jour-

114
115
LE CUBO-FUTURISME
L'AVANT-GARDE RUSSE
compte de toute une tradition d'art populaire
analysé précédemment les nouveaux princi~
ornementale et ludique avec un go0t pour la
de rapport dans le tableau : dynamisme
profusion et la bigarrure. .. .
volume, équilibre, rythme, pesanteur, impon -
La Boutique du coiffeur offre le meme bnc-à-
rabilité, déplacement de dimensions linéaires et
brac apparemment désordonné mais où tout est
planes, texture, rapports de couleurs, etc. ; elle
commandé par un souci de faire apparaître une
proclame« l'ère des réalisations purement artis-
autre logique que la logique de la vision des
tiques » et l'affranchissement de tout côté nar-
apparences des choses. .
ratif, littéraire ou social.
Nous sommes en pleine transmentahté, dans
La toile Pièce (1916) est construite comme un
une autre dimension où règne la joie primiti-
montage totalement insolite de quelques élé-
viste de la déconstruction du monde en frag-
ments composant habituellement une pièce :
ments à la fois très concrets et très expre ifs.
fenêtre, rideaux, table, nappe, bouteille, papie~
L'ovale est sans doute ici comme un miroir dans
de tapi serie, bouton de porte ... On voit ici que
un salon de coiffure, miroir qui ne reflète pas
le suprématisme, qui naît en 1915, n'est pas
mais contient tous les objets disparates ; selon le
loin : tous les éléments figuratifs sont mis à plat
principe de la perspective inversée, le demi-
et les surfaces se combinent sans recherche
visage de femme exagérément fardée et apprê-
d'une profondeur illusionniste. Chaque partie
tée ne se reflète pas dans le miroir, mais nous
géométrique, en s'intégrant au jeu des lignes
regarde de l'intérieur. Nous avons affaire ici à
droites, des quadrilatères et des quelques
une véritable enseigne cubo-futuriste de bou-
courbes, participe à une sorte de puzzle pictural
tique. Alla Poviélikhina et Kovtoune écrivent
où l'harmonie et l'équilibre sont le principe
qu'« Olga Rozanova peignait des natures
constitutif. Le grand bouton de bois en haut à
O. Rozanova, La Taverne, c. 1914. H/t, 84 x 66 cm. gauche semble être celui d'une poignée de
o. Rozanova, Boutique de coiffeur, 1915. H/t, 71 x 53 cm. mortes - "enseignes" dans lesquelles le monde
Moscou, Galerie nationale Trétiakov. des objets était fendu en deux et rassemblé
Kostroma, Musée régional. porte, comme si la surface du fond était une
A. Exter, Nature morte avec bouteille et co~pe. 1912.. selon les principe du contraste cubiste. Dans la
nal porte la légende « Appartement à louer à partie de la porte de cette chambre ouvrant sur Collage et H/t, 68 x 53 cm. Madrid, collect10n-fondat1on composition de ces toiles sont toujours intro-
Moscou». À propos de L'Aviateur, Alla Povéli- le « décor » de la chambre. La tapisserie est Thyssen-Bomemisza.
duits des mots et des lettres qui gardent la
khina et Kovtoune écrivent : « Dans l"'alo- « repré entée » par deux quadrilatères en déca-
mémoire de l'en eigne. Le cubisme de Roza-
gisme" Malévitch fait l'essai de sortir des limites lage (sdvig); de même que la table est montrée
nova a un caractère quelque peu allégé, "fait à
du bon sens qui fixe les liens des phénomène se en deux fragments circulaires. Le contraste est
la maison", en comparaison avec la logique
trouvant sur la surface. La peinture russe s'effor- net entre le primitivisme naturaliste des rideaux
inébranlable des structures cubistes de
çait dans les expériences de Malévitch d'utiliser bleu clair et le déploiement cubiste-supréma-
Malévitch 115 • »
l'intuition pour une connaissance plus profonde tiste de la nappe blanche sur laquelle s'inscrit
Le « 0 » en haut du tableau rappelle l'exposi-
de la réalité. Absurde du point de vue du bon un quadrilatère vert, aussi mystérieux que les
tion 0 10 il est repris dans l'inscription de
sens, l'union du poisson, de l'as de trèfle, de la trois objets bruns en forme de fusée sur une sur-
réclam~ e~ rouge vif « o-DEK-OLON » (cyrillique
scie et du mot "pharmacie" proclamait le lien face jaunâtre, dirigés vers la bouteille (des
pour « eau de Cologne » ). C_e p~le-m~le
universel des phénomène du monde. Prendre fusains?).
annonce l'hétéroclité d'une certame f1gurat1on
conscience que n'importe quel événement parti- Si l'on compare cette œuvre - comme bien
des années quatre-vingt (pare emple, celle de
culier est inclu dans le système universel, voir et d'autres de l'artiste russe - avec un exemple
Basquiat, voire de Combas). .
incarner l'invisible qui s'ouvre à la "vision spiri- parisien contemporain, par exemple la Bouteille
Les tableaux cubo-futuristes alog1stes
tuelle", - voilà l'être des recherches "transmen- d'anis del Mono de Picasso, on voit ce qui
d' Alexandra Exter sont de la même veine. Ses
tales" de Malévitch 114• » sépare l'artiste russe et l'artiste franco-espa-
natures mortes autour de 1914 se partagent en
Olga Rozanova, quant à elle, mêle dans un gnol: ici c'est la rigueur de la peinture classique
deux types : un cézannisme géométrique. tra-
joyeux désordre apparent des éléments frag- des natures mortes - de Zurbaran à Chardin
versé par un léger frémissement dynamique
mentés et des lettres peintes de l'alphabet, tout dans une structure qui met à plat les objets (et
obtenu par des dégradé nerveux (Nat~re morte
un bric-à-brac qui annonce le urréalisme sans l'on voit ce que le suprématisme doit à ce stade [Vase avec cerises]), et un cubo-futunsme alo-
en impliquer aucunement le caractère littéraire du cubisme) et les distribue en plans respectant
giste où les éléments figuratifs, !es !ettres et les
ou psychanalytique. Au contraire, elle proclame les lois de l'harmonie classique malgré la éléments non-figuratifs sont d1stnbués sur la
dans l'article théorique de 1913 que nous avons volonté de non-mimétisme ; là, la prise en

117
116
LE CUBO-FUTURISME
L'AVANT-GARDE RUSSE

surface picturale selon les seules lois de suprématisme. On remarque ce travail fait sur
construction de celle-ci (Nature morte aux œufs, le tissu de la toile pour lui donner des« grains ►►
1914). Dans la première catégorie, on sent les différents. Comme dans la Boutique de coiffef4r
affinités de l'artiste russo-ukrainienne avec d'Olga Rozanova, il y a un personnage (peut-
Ardengo Soffici avec qui elle partage un atelier être même un autoportrait de l'auteur) qui
parisien à la même époque. Mais le tempéra- regarde la scène de l'intérieur de la surface pic-
ment coloriste d'Alexandra Exter (le rouge vif turale. L'élément néo-primitiviste que repré-
des cerises et de la pastèque) transforme une sente l'insertion de toute une calligraphie
tranquille structure cubisante en fête. Il suffit peinte, vient, de toute évidence, de Larionov et
pour cela de comparer la nature morte d' Ardengo de ses célèbres panneaux des« Saisons» (1913).
Soffici Frutta e liquori sur le même thème figu- Le caractère très concret de l'insolite vient de
ratif que Nature morte [Vase avec cerises} l'enseigne : habituellement, les enseignes de
d'Exter : chez Soffici, le cubo-futurisme ne se prêt-à-porter en Russie montraient les vête-
permet que quelques écarts coloristes, la tex- ments debouts et privés d'« occupant», comme
ture d'ensemble étant grumeleuse-terreu e. on peut le voir, par exemple, sur une photogra
Dans la deuxième catégorie, il n'y a plus de phie de la cour Apraksine à Saint-Pétersbour
sujet central. Les « œufs » qui donnent le titre à des années dix 116•
la nature morte sont les fameuses pyssanki Des esquisses au crayon montrent d'ailleurs
ukrainiennes. La lettre « IA » ( un « R » ren- qu'à l'origine le projet de Pougny était de réali-
versé) qui domine en haut à droite est la der- ser une telle enseigne. L'iconographie du Coif-
nière lettre de l'alphabet cyrillique qui, à elle feur échappe donc à toute inve tigation qui vou-
seule, veut dire« Moi». Cette toile rappelle par drait y chercher un « salon de coiffure ». C'est
son système sémantique - non par sa pictogra- une joyeuse collision d'éléments figuratifs hété-
phie ni par sa picturologie - l'Anglais à Moscou sogènes, sans volonté de « pulvériser » un objet
de Malévitch : les éléments concernant la vie pour le reconstruire, mais en échafaudant le
d'un personnage sont présenté dans un ordre tableau à partir de fragments abstraits et
apparemment capricieux et illogique. Ici, ce concrets, selon la volonté créatrice du peintre.
sont des crayons, des boîtes, une grappe de rai- Le texte est en style macaronique (mélange de
sin, un soleil... Tout un univers de fantaisie et langue zaoum [transmentale] et de bribes litté-
de joie de vivre. raires : « À travers la vitre un bouton point et
Le tableau cubo-futuriste de Pougny Le Coif- l'on ne voit que les mouillées chai. Deux per-
feur est une véritable enseigne alogiste pour un sonnes rapidement avec leur sœur : les fenêtres
salon de coiffure. Ce chef-d'œuvre est d'une de façon sonore av-v-v-ec un parapluie mais le
grande complexité. Plusieurs cultures picturales rhume passera. C'était un midi sombre de
s conjuguent: le cubo-futurisme de type russe l'année 18 ... et sur l'une des 44. » La fonction
devient ici une architectonique de plans venant de ce texte est d'être une composante constitu-
certes du cubisme parisien mais qui sent son tive de la surface du tableau 11 • I. Klioune, Ventilateur, 1914. H/t, 75,5 x 66,5 cm. aint-Pétersbourg, MNR.
suprématisme. Les deux lettres O en bas à L'emblématique Ventilateur (ou Ozonator)
gauche et V cyrillique [B] en haut à droite - de Klioune est typique également du cubo-futu-
rotation de l'instrument. L'ensemble du L'œuvre est la reconstruction d'une image, à
dé ignent de toute évidence les deux expo itions risme alogiste. Toute la con truction en plans
tableau, avec l'opposition des deux éléments partir de quelques éléments - planche ou lattes
historiques, organi ée par Pougny à Pétrograd dissymétriques, la couleur réduite à une domi-
circulaires sur fond de quadrilatères, dégage de fer avec vis apparentes, lettres et chiffres,
en pleine guerre, en 1915, la Première exposi- nante ocre-jaune-marron avec quelques taches
une atmosphère d'insolite et d'incongru. La fumée, fils - dont seul le titre nous dit qu'il
tion futuriste de tableaux Tramway V et la Der- vertes et grisâtres, la reproduction de textures
même poétique se retrouve chez un autre dis- s'agit d'un objet précis. Ce travail de Mienkov
nière exposition futuriste de tableaux 0,10. de bois et d'un grillage à petites mailles, est
ciple, à cette époque, de Malévitch, le peu traite de façon originale un sujet que l'on trouve
L'espace du tableau se situe donc entre ces deux directement issu du cubisme. Du futurisme
connu Mikhaïl Mienkov. Son Tramway N' 6 est aussi chez Malévitch (Dame à un arrêt de tram-
pôles, dont on pourrait dire que le premier est vient tout d'abord le choix du sujet - une méca-
un bel hymne à la civilisation industrielle, tel way). Nous sommes ici en pleine non-figuration
celui qui voit le triomphe de la facture [i.e. tex- nique fonctionnant à l'électricité, la légère
que l'avait souhaité Marinetti dès 1909. avec l'élément alogiste, formé par l'in cription
ture] et le second celui du sans-objet absolu, le démultiplication qui rend le mouvement de

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118
L'AVANT-GARDE RUSSE
LE CUBO-FUTURISME

en haut à gauche de la position insolite, comme la présence discrète et, paradoxalement, par là
une réclame destinée au spectateur : « Ne pas se même, appuyée, d'un objet : Composition à la
pencher. » Malgré la rigidité des plans verti- lampe ou Portrait, Nature morte au peigne. Mor-
caux, l'ensemble bouge, est en tout cas traversé gounov utilise une palette très fine, ses huiles
par le mouvement. ont la légèreté d'aquarelles; il y a dans cette
élégance quelque chose d'un Dufy russe. Une
SYNTHÈSE CUBISME- toile comme le Portrait offre même des conver-
FUTURISME-SUPRÉMATISME gences avec l'orphisme parisien et Jacques Vil-
lon (l'émergence d'une figure dans un chatoie-
Nous avons vu comment en quelques années, ment d'arc-en-ciel).
quelquefois en quelques mois, les différentes Véra Pestel - qui s'initia au cubisme à Paris à
formes du cubisme se sont uccédées sur le ter- La Palette autour de 1912-1913 - poussa, sans
rain à dominance néo-primitivi te de la peinture doute sous l'influence du suprématisme malé-
russe. Après la rupture radicale du supréma- vitchien, la planéité des plans cubistes aux
tisme - qui bouleversera, à partir de 1915, limites de l'abstraction. Mais, comme chez Mor-
toutes les données existantes de la peinture gounov, Véra Pestel introduit quelque élément
novatrice en créant un nouvel espace arraché à tiré du concret de la vie. La Nature morte du
la Terre, planant dans les régions aériennes et musée de Nijni-Taguil est un éventail de quadri-
abys al du san -objet absolu - , beaucoup de latères aux harmoniques marrons, noirs, gris,
disciple de Malévitch ne peuvent plus ignorer totalement non-figuratifs, sauf - tel un collage -
la révélation du « mouvement pur de la les lettres cyrilliques en maju cule d'imprime-
couleur » et, tout en gardant encore les prin- rie dans lesquelles on reconnaît, bien que des
cipes du cubo-futurisme et ses fragments disper- parties des mots aient disparu, le titre du quoti-
sés du monde sensible, les soumettent désor- dien ROUSSK [ IE VIE] DOMOSTI ( Les Nouvelles
mais à la suprématie de la surface plane russes).
colorée. C'est sans doute Alexeï Morgounov Une des plus belles réussites de cette syn-
qui repré ente le mieux cette branche nouvelle thèse cubo-futuriste et uprématiste est sans
du cubo-futurisme russe. Morgounov n'a jamais aucun doute le Musicien ynthétique de Pougny,
fait le pas dans le an -objet absolu. Il a surtout créé à Berlin en 1921 118• L'œuvre est fondée sur
utilisé le uprématisme comme vocabulaire. La le contraste entre le volume cubo-futuriste (le
belle toile Compo ition I est comme une affiche haut du corps du musicien, le mouvement
à la gloire du carré, carré coloré en rouge qui ondulé-rubané de la queue de pie du vêtement,
est le « per onnage », le « visage » central de la le mouvement cylindrique séparant l'amas des
composition. Nous sommes ici dans la non-figu- instruments - des jambes), la mise à plat des
ration absolue avec uniquement un jeu de plans instruments de musique (piano, violon-violon-
colorés qui ont la transparence de vitres et aux- celle, guitare).
quels le biseautage donne un effet miroitant. Nous avons vu que chez Malévitch, dans des
Mais Morgounov, si nous allions l'oublier, nous œuvres synthétisant l'homme et les objets en
ramène sur terre. Le pichet en haut du carré une seule image, c'étaient les objets qui fai-
rouge, dès que nous le reconnai sons comme tel saient éclater la figure humaine en un nouvel
malgré son traitement cubiste, transforme le ordre où ne se reconnaissaient plus que des
carré en une table suprématisée ! Et si nous fragments de la réalité. Pougny, ancien ami et
allions nous perdre dans les méandres des rec- disciple (pour très peu de temps, il est vrai) de
tangles ou des cercles, les lettres et les chiffres Malévitch, conserve l'intégrité des deux mondes
nous ramènent au réel ( «KNO » = peut-être qui s'imbriquent sur son tableau. L'interpéné-
,.., 1 Pur,, - •' « KINO », le cinéma). À aucun moment, Mor- tration ne crée pas un nouveau monde, un nou-
gounov ne se sépare de l'objet. Dans ses œuvres vel espace. Ici nous avons plutôt une leçon -
1. Pougny, Musicien synthétique, 1921. H/t, 140 x 98 cm. Berlin, Berlinische Galerie.
à l'apparence les plus abstraites, il y a toujours superbe - de peinture. On ne peut s'empêcher

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121
L'AVANT-GARDE RUSSE

de penser à une enseigne raffinée. La tête médi- des éléments figuratifs fréquents chez Picasat> CHAPITRE4
tative, avec l'expression bouddhique de ses Braque ou Malévitch. Entre mille, le joker ù
yeux fermés, a une irréalité et une exemplarité l'as de trèfle se trouve dans la Bouteille d'ani
(on dirait presque qu'elle est en cire) qui del Mono de Picasso aussi bien que dans l'A,·ia- NON-FIGURATION
contraste avec l'habillement très soigné et très teur de Malévitch. Mais ici, cette carte est une
« coloré » du musicien. carte travestie. Le carreau pourrait bien être un ET ABSTRACTION
La synthèse voulue par Pougny réside aussi clin d'œil au Valet de Carreau, où Pougny avait
dans le fait que ce musicien est à la fois un exposé plus de trente œuvres en 1916, lors de 1
musicien d'orchestre et un musicien d'estrade dernière exposition organisée par cette associa-
ou de rue. Eberhard Roters a justement mis en tion, ce Valet de Carreau qui avait lancé 1
rapport cette représentation avec la vision du cézannisme en Russie.
violoneux de Charlie Chaplin dans son film Le Mais peut-être aussi est-ce une allusion au L'abstraction, qui est sans aucun doute la ligne d'appréhension de la réalité, ces derniers étant
Vagabond (1916) 119• On peut y voir également Tricheur de Georges de La Tour qui est en train dominante de l'art du xxc siècle, apparaît sujets, eux, à des variations stylistiques et à des
un dialogue avec Fernand Léger, son Charlot d'échanger derrière son dos un as de carreau et comme la révolution la plus forte de la pensée apparences de « progrès » ! Le pictural en tant
cubiste et les illustrations pour la Chaplinade un as de pique. Serait-ce alors là l'équivalent de notre siècle I et a trouvé un terrain privilégié que tel, qui est un à travers les différences stylis-
d'Yvan Goll, parue à Berlin en 1920. Les d'une parabole sur l'art comme tricherie? Ceci en Russie. Des pratiques diverses ont convergé tiques ou de métier, n'est soumis qu'indirecte-
jambes du pantalon en accordéon avec un pied irait bien dans le sens de la pensée picturale de de façon concomitante vers la réduction de la ment aux caprices de la marche socio-historique
jeté en avant de façon burlesque et aussi le cha- Pougny qui n'a jamais accepté l'idée (promdl- figuration du monde sensible. On citera ici Jean de l'humanité ou aux découvertes technolo-
peau melon tronqué avec ses bords rabattus théenne) de l'art de gauche russe selon laquelle Cassou qui, parlant des différents artistes à giques, même si celles-ci sont une résistance à
comme les oreillettes d'une chapka sont autant on pouvait et devait se débarrasser de l'illusion- l'origine de l'art abstrait, déclare : « Il est vain surmonter et à dépa ser car elles obligent le
un souvenir chaplinesque qu'une note primiti- nisme, on devait ne pas représenter les objet de disputer à ce propos comme on fait pour créateur à s'installer dans la dynamique de
viste. Peut-on rêver alogisme plus évident? On concrets, mais leur essence rythmique ; ou, pour attribuer la paternité d'une invention indus- l'économie « nutritive » (selon l'expression de
voit, à côté de cette effigie à la fois mystique, reprendre la terminologie kantienne, l'art pour- trielle [... ]. Chacun [de ces artistes de génie] a Malévitch 3). L'abstraction a fait apparaître que
très élaborée et primitiviste, combien Chagall rait cesser de représenter les phénomènes, pour inventé l'art abstrait en inventant son art abs- si la « cuisine picturale » est chose indispen-
dans ses violoneux hassidiques, dont il y a ici un ne faire apparaître que les noumènes. Pour trait et cette invention de chacun est incommen- sable, elle n'est pas suffisante, elle n'est qu'un
écho, est proche, lui, de la violence expression- Pougny, en revanche, l'art serait alors comme surable et incomparable à l'invention de chacun appui dont l'artiste ne saurait se passer mais qui
niste. Chez Pougny, il y a un figement du mou- cet as de pique camouflé en carreau 120• des autres. Il s'agit [... ] d'autant d'expériences, est là pour manifester autre chose.
vement, même si le cubo-futurisme se fait sentir Certes, l'auteur du Musicien synthétiqu au sens spirituel du mot, et toute expérience de C'est dans l'optique du pictural en tant que tel
à un frémissement des formes géométrisées, accepte que, depuis le cubisme, « la peinture ne cette sorte constitue un tout en soi2. » que Matisse a pu déclarer que « tout art est abs-
comme si celles-ci, momentanément recueillies, représente pas la forme mais donne la sensatiOIII Avec le recul, il est possible de distinguer trait'' ». Il voulait signifier par là que l'abstrac-
pouvaient à tout moment s'ébranler. de la forme 121 » mais cela se fait au nom de la diverses abstractions du point de vue des styles : tion est l'être même de la peinture et que son
Mais l'élément qui donne son caractère alo- convention (ouslovnost), et l'illusion, loin d'être abstractions lyriques, géométriques, natura- apparition comme nouvelle forme au début de
gique à l'œuvre, c'est la carte à jouer qui repré- niée, « est prise en compte - étudiée, et trans- listes, informelles, gestuelles, conceptuelles, etc. ce siècle doit être considérée comme un
sente une forme d'as de pique avec la couleur formée non en "ressemblance" mais en réalit On a tôt fait de baptiser abstraction toute œuvre moment, une étape maximale, on pourrait dire
du carreau. Certes, les as des jeux de cartes sont parallèle 122 • » où les objets n'apparaissent pas dans la configu- l'akmè de la marche de l'abstraction dans toute
ration à laquelle est habituée la vision oculaire l'histoire, quand l'abstraction se peint elle-
normale de l'homme. Il y a ce que j'appellerais même, fait apparaître sur la toile ce qui n'appa-
une« abstraction naturaliste», celle qui dépeint raît pas dans la représentation figurative mais
non des figures nettement isolées, des contours qui transperce apophatiquement les objets. À
bien séparés les uns des autres, mais des mor- partir de 1910, l'artiste du xxe siècle, qui avait
ceaux de la nature environnante hors de tout rejeté quatre siècles d'académisme renaissant et
contexte, tels les jeux du ciel ou de l'eau, des avait fait table rase des codes conventionnels de
ombres sur le sol, un pan de mur, un bout de la représentation, se trouve confronté non plus
tissu ... Tout cela relève du domaine de l'icono- avec la réalité sensible, que la « perspective
graphie ou de l'iconologie, et il ne faut pas le scientifique » avait cru cerner de façon victo-
confondre avec le pictural en tant que tel, qui rieuse, mais avec le Réel, la vérité de l'être qui a
traverse toute représentation et se manifeste surgi dans sa nudité, dans son exigence essen-
depuis que l'art existe, au-delà des modes tielle, sans la médiation objectiviste. La repré-

123
L'AVANT-GARDE RUSSE
NON-FIGURATION ET ABSTRACTION

sentation mimétique de la nature est dès lors


0 arente des astres 9 », ne pouvait pas ne pas La ligne organiciste s'appuie sur une base
mise en question, au fur et à mesure que les ;xprimer de manière de plus en plus immaté- impressionniste. Monet a joué, dans la prise de
peintres prennent conscience que la réalité sen- rielle des paysages au-delà du monde sensible. conscience par les artistes russes de l'autonomie
sible n'est qu'une manifestation parmi beau- Jconographiquement, il est sans aucun doute de fonctionnement de la surface picturale, un
coup d'autres de l'essence de l'objet. Le pictural
1 Ilé, sinon jusqu'à l' Abstraction, du moins rôle de premier plan. Ainsi, Kandinsky a senti
devient avant tout l'organisation d'un espace la perte de l'objet à partir d'un tableau de la
1usqu'à une certaine non-figuration. Monet,
autonome, dont le tableau de chevalet n'est quant à lui, dans ses paysages londoniens par série des « Meules » (1891) 12• Dans son article
qu'une expre sion, historiquement datée, parmi :xemple, a mené plus loin l'envahissement de la (déjà cité) sur la facture, David Bourliouk a fait
d'autres, où interviennent aussi bien l'acte de une description particulièrement « organiciste »
1oile par de seules unités colorées. Dans le
penser, l'impulsion conceptuelle, que le geste, ~mage de Ciurlionis, entre symbolisme et non- d'une Cathédrale de Rouen qui se trouvait dans
l'acte existentiel. Il ne s'agit plus de reproduire iguration, nous citerons aussi Nikolaï Koul- la collection Chtchoukine: « Là, tout près, sous
le monde sensible, selon la lecture théorique bine. Par exemple, une de ses œuvres illustrant la vitre, poussaient des mousses délicatement
qui avait été faite de la mimèsis aristotélicienne un monodrame d'Evreïnov dans l'almanach peintes des tons orangés, lilas, jaunâtres de
mais plutôt de créer le lieu où se déroule l'évé~ Çtudio des impressionnistes qu'il avait édité à leurs fibrilles ( on aurait dit - et il en était en
nement pictural. Dans Des nouveaux systèmes Saint-Pétersbourg en 1910 '0 , montre que le réalité ainsi - que la couleur avait des racines)
dans l'art (1919), Malévitch écrit : « Seuls ~ujet est totalement noyé dans un système de et ces fibrilles se dressaient de la toile, délicate-
quelques artistes ont considéré la peinture aches rondes bleutées et roses et de spirales. ment aromatiques. "Structure fibreuse (vertica-
comme une action qui a son propre but. De tels De façon très nette, la réalité sensible tend à se lement)" ai-je pensé : fils délicats de plantes
artistes ne voient ni les maisons, ni les mon- diluer dans des rythmes colorés purement for- admirables et étranges''. » Cette métaphore de
tagnes, ni le ciel, ni les rivières comme tels, pour mels. On voit, par ces exemple , que la combi- « la peinture qui pousse sur la toile » sera
eux ils sont des surfaces picturales et c'est pour- M.K. Ciurlionis, La Sonate de la mer, Allegro, 1908. naison de l'impres ionnisme et du symbolisme reprise par Malévitch dans un texte célèbre 14 •
quoi il leur importe peu de savoir s'ils seront Tempera sur papier, 73,4 x 63 cm.
jouera un rôle déterminant dans la libération Dès 1905, dans une toile comme Martychkino,
ressemblants, si l'eau sera bien exprimée ou finale de toute référence à l'objet sensible. Éléna Gouro affirme l'originalité de son œuvre
lisibilité de l'objet, certains peintres en sont
bien le stuc d'une maison ou bien si la surface Dans les multiple approches qui ont mené à dans la façon dont elle cadre son paysage: il n'y
arrivés inconsciemment à faire sortir de leurs
picturale du ciel sera peinte au-dessus du toit l'abstraction totale, il faut souligner l'impor- a ici aucune volonté de photographier un
pinceaux des œuvres apparemment sans sujet
d'une maison ou bien de côté. Ils voient que sur tance qu'a eue la ligne qu'on pourrait appeler
lisible. C'est le cas de certaines aquarelles de
les surfaces croit seulement la peinture et ils la « organiciste » de la peinture russe. Les initia-
Gustave ~oreau et, en Russie, d'œuvres du
rendent, la tran plantent sur la toile en un sys- teurs de ce courant ont été le poète et peintre M.K. Ciurlionis, La Montagne, 1901.
Lituanien Ciurlionis, peintre symboliste d'une Tempera sur toile, 73,8 x 62,8 cm.
tème harmonieux nouveau 5• »
très grande intensité, dans lequel on a voulu Éléna Gouro et son mari le musicien et peintre
voir le premier abstrait russe 6• Le fait que Ciur- Mikhai1 Matiouchine. Pour eux, la surface pic-
lionis soit aussi compositeur (il est le premier turale est un fragment de la nature, ses élé-
LE SYMBOLISME
grand compositeur classique de la Litua nie) ments internes (texture, couleur, dessin) fonc-
ET LE MODÈLE MUSICAL tionnent de manière analogique à la nature
n'est pas sans importance. C'est en effet le
modèle musical qui sera la référence de la pre.. physique. Matiouchine a été un des premiers à
En Russie, comme en Europe, il y eut une mise utiliser des rameaux ou des racines d'arbres
mière abstraction russe (particulièrement chez
en que tion de l'objet à repré enter sur la sur- Kandinsky et Larionov) 7• comme sculptures (expo ition de L'Union de la
face du tableau : Turner, et après lui l'impre - Jeunesse à Saint-Pétersbourg en 1912-1913 et
En 1899, Gauguin parlait, depuis Tahiti, du
sionnisme, noient l'objet dans la lumière- Salon des Indépendants à Paris en 1914). Dans
rôle musical que la couleur devait jouer dans
couleur ; vient ensuite le cézannisme qui son Journal, encore inédit, il écrit : « Pourquoi
l'art moderne, cette couleur qui vibre pareille-
déconstruit l'objet pour le reconstruire selon les n'ai-je pas envie de peindre les objets, des por-
ment à la musique . Et Matisse, dans ses
lois du pictural, puis le pointillisme et son entre- traits? Ils ne sont qu'une partie du tout. Com-
« Notes d'un peintre » parues en 1908 dans La
prise de division de la couleur, auquel succède ment repré enter par un seul visage tout ce qui
Toison d'Or, ne déclarait-il pas que les harm~
la violente mise en mouvement des lignes et des est humain? Cela n'est pas du tout intéressant,
nies colorées étaient semblables à celles d'une
couleurs chez Van Gogh, pour aboutir au fau- composition musicale ? - comme pour moi le portrait de mon orteil. Ce
visme-expressionnisme, au cubisme, au futu- n'est que mon cas particulier [ ... ]. J'absorbe
Ciurlionis, dans la mesure où « il rendit sen-
risme. Dans tous ces mouvements, l'objet réel Dieu pulvérisé mais ne peux retenir tout cela
sible la musique des sphères, les formes des
se réduit progres ivement, sans pour autant dis- [.. . ]. Toute l'humanité s'est emplie d'objets et
cieux infinis et du lointain illimité de la mer, le
paraître totalement. Mais à force de réduire la est fatiguée, elle est sursaturée 11 • »
magma du globe baigné dans la lumière trans-

124
125
L'AVANT-GARDE RUSSE
NON-FIGURATION ET ABSTRACTION

peintres américains d'après la seconde guerre nov) sont fervents des arts primitifs et liés d'une
mondiale, surtout Bamett Newman. façon ou d,une autre à la musique, alors que les
Cela suffirait à faire d'Éléna Gouro la pre- autres abstraits comme Natalia Gontcharova,
mière abstraite de l'histoire de l'art, si nous ne Malévitch, Lioubov Popova, Olga Rozanova,
prenio garde qu'il s'agit encore de pas tâton- Nadiejda Oudaltsova et Véra Pestel sont certes
nants, sans une conscience systématique de liés au primitivisme, mais ont pratiqué la disci-
rompre totalement avec le monde des objets. Il pline cubiste.
y a, certes, rupture avec la figuration, et l'on La « première aquarelle abstraite » de Kan-
franchit là un pas radical après l'impression- dinsky est de la même époque que les ara-
nisme, le néo-impressionnisme et le post- besques musicales d'Éléna Gouro (1910-1911).
impressionnisme. Cette poétique picturale au Elle est un hapax dans toute la production de
se uil de l'abstraction est concomitante du Kandinsky de cette période. Elle est abstraite
cubisme analytique parisien, qui restera lui par hasard, comme les arabesques d'Éléna
aussi au seuil de l'abstraction et n'y pénétrera Gouro. Le hasard est une catégorie qui n'a
jamais. La voie russe vers l'abstraction, étran- jamais été ignorée dans l'acte créateur, de Léo-
gère au cubisme, est marquée tout d'abord par nard de Vinci au tachisme en passant par Nova-
le primitivisme le plus brut (rupture avec la lis, Hokusai ou Strindberg, ce dernier étant
peinture civilisée) et la volonté musicale. Ce l'auteur de l'article « Des arts nouveaux ou le
n'est pas un hasard si les abstraits russes qui ont hasard dans la production artistique » (1894)
ignoré le cubisme et sont passés par cette voie qui lance cette catégorie dans la pensée et la
(Éléna Gouro, Matiouchine, Kandin ky, Lario- pratique e thétiques du xxe siècle 15 • En 1912,
Vladimir Markov, dans ses « Principes du nou-
É. Gouro, Sans titre, 1908-1910. Encre sur papier, vel art », oppose même à l'académisme euro-
Portrait d'É. Gouro et de M. Matiouchine. 23,9 x 16,5 cm. Coll. Costakis, inv. 533. péen « qui, organiquement, ne supporte aucun
hasard en quoi que ce soit », l'Orient qui « aime
les hasards, les recherche, les saisit et les
ensemble avec des contours précis, c,est un dans cette poétique. Poétique qui est un déve- exploite de toutes les façons 16 » : « Le Chinois,
fragment de la réalité qui sert à faire de la pein- loppement y tématique des facture -marquete• par exemple, chante que les sourcils de la
ture. Tout est construit sur un rythme d,hori- ries de la peinture de Vroubel. femme sont noirs et longs comme les ailes des
zon tales géométriques (le bout de banc, la Dans une descendance lointaine, Nicolas de hirondelles noires en vol. Dans un arbre
table) et en larges traits sans bords définis, et la Staël, passé par la di cipline françai e, finira par dépouillé de ses feuilles, il voit une harpe sur les
moitié du tronc d,un arbre borde verticalement s'assagir dans des œuvres sur le même thème ce cordes de laquelle sanglote le vent. La neige qui
la « prise de vue ». La couleur a une tonalité tumulte russe, encore que dans ses premi tombe est pour lui un nuage de papillons blancs,
expressionniste scandinave dans la ligne de abstractions, on retrouve - comme chez son se posant sur la terre. Le hasard découvre des
Munch. Nous sommes ici à la limite de la figura- aîné et ami Lanskoy - la même violence sans univers entiers et fait naître des prodige . De
tion. Sous Pinfluence du néo-primitivisme, la frein. Mais Nicolas de Staël aura suffisamme t nombreuses harmonies et gammes incompa-
manière d,Éléna Gouro se fera, autour de 1910, vécu en France pour ne pas ne pas se plier au rables et merveilleuses, les tons ensorcelants
lapidaire, presque brutale dans la touche (Matin r
très braquien « Que la règle corrige émotion ». des tableaux japonais et chinois, doivent leur
du géant ou Princesse scandinave). Un des plus D'Éléna Gouro, on connaît également une existence uniquement au fait que, apparus par
beaux exemple de la peinture organique est la suite de petits formats, souvent des envelop hasard, leur valeur a été reconnue par un œil
toile Pierre où le sujet - une énorme pierre - sur lesquelles elle a tracé dans des encres de dif- sensible qui les a fixés [... ]. C'est vers ce prin-
devient tout un monde symphonique de cou- férentes couleurs des motifs totalement libres- cipe que penchent surtout les artistes qui tra-
leurs aux nuances multiples (roses-vertes, quelquefois à la manière des enfants, quelque- vaillent en profondeur des gammes, des harmo-
bleues-noires, ocres-azurées). Les contours de fois totalement non-figuratif , comme dans cer- nies et des motifs décoratifs [... ]. Pour l' urope,
la pierre sont syncopés, le pictural la déborde taine œuvre de l'ancienne collection Khardjiev le hasard n'est qu'un moyen d'excitation, le
de toutes parts, elle fusionne dans un chaos de qui n'est qu'un entrelacs très dépouillé de lignes point de départ d ' un processus de pensée
larges et franches touches. Il y a quelque chose ondulantes. Cette façon de faire vivre la surface logique ; pour l'Asie, il est le premier degré de
de sauvage - comme la nature septentrionale - du papier par de simples traits annonce les toute une série de beautés ultérieures . »

126
127
L'AVANT-GARDE RUSSE

pléiade de peintres russes, peintres qui avaient


subi l'évolution des formes et des styles :
impressionnisme, Jugendstil, expressionnisme.
L'atelier-salon munichois de Marianne Weref-
kin devient le pôle d'attraction, à partir de 1896,.
d'un cercle russe où l'on trouve entre autres
Jawlensky, Kandinsky, V. Bekhteïev 19• On peut
y rencontrer tous les protagonistes de la révolu-
tion artistique qui éclatera en 1912 avec l'expo,
sition Der Blaue Reiter et le traité de Kan-
dinsky Du spirituel dans l'art 20 ; outre les
Russes, le cercle de cette avant-garde muni-
choise comportait des artistes du monde germa-
nique comme Franz Marc, Gabriele Münter,
Arnold chônberg (dont Kandinsky traduit en
russe en 1909 un extrait du Traité d'harmonie) 21 ,
V. Kandinsky, Avecl'arc noir, 1912. H/t, 189 x 198 cm. Paul Klee, etc.
Paris, MNAM. Des célébrités de passage à Munich fréquen-
taient la maison de Marianne Werefkin (Anna
Pour revenir à la « première aquarelle a bs- Pavlova, Nijinsky, Diaghilev, Eleonora Duse,
traite » de Kandinsky, il faut signaler qu'elle est etc.). C'est là qu'en 1909 fut fondé le premier
totalement isolée dans l'œuvre de l'artiste. On groupe de l'avant-garde munichoise, Die neue
serait en peine de trouver dans cette aquarelle Künstlervereinigung. Femme d'une grande cul-
la moindre référence à quelque réalité sensible ture, Marianne Werefkin a su créer le terrain
que ce soit (comme, d'ailleurs, dans les traits esthétique, théorique, philosophique qui a per-
libres sinueux d'Éléna Gouro), alors que dans mis à Kandinsky de lancer l'art sur une des
les autres travaux de Kandinsky à cette époque, voies royales de la culture du xxc siècle, l'abs- v. Kandinsky. Première aquarelle abstraite, c. 1911-1912. Pinceau, aquarelle et encre de Chine sur papier collé,
le réel est toujours là, quelque part, transformé traction. Ses journaux intimes 21 indiquent 49 x 64 cm. Paris, MNAM.
certes en signe pictural mais voulant repré en- qu'elle a exploré le champ problématique de
ter, d'une manière ou d'une autre, un objet l'abstraction qui domine le débat esthétique
déterminé 18 • Dans les toiles les plus « abs- munichois et aboutira aux textes théoriques de
traites » de Kandinsky après 1911, on trouve Wilhelm Worringer en 1907 '' et de Kandinsky
quelques lignes uggérant les Alpes bavaroises, en 1912. Voici quelques-unes de ses formules :
des édifices, des fragments de barque et de « Tout m'ennuie dans le monde des objets 24 »;
rames, des lacs, des silhouettes, des atmo- « L'art commence là où la vie finit 25 »;«J'aime
sphères, des arcs de traîneaux, des traces cur- les choses qui ne sont pas 26 » ; « Je crois
sives évoquant le passage d'une troïka, des flots. qu'outre la vanité du monde et les formes chan-
Kandin ky, inventeur de paysages inédits dans geantes, il y a le monde du repos immuable, de
l'histoire de l'art, déroule un type d'abstraction la Vérité, le monde des conciliations où je me
qui transforme le réel en symphonie picturale sens entraînée de toute mon âme r1 ».
mais qui reste fidèle au symbolisme des deux Elle-même n'a jamais fait le saut dans l'abs-
mondes, le monde intérieur et le monde exté.: traction comme Kandinsky ou Schônberg, dont
rieur. C'est un art dialectique de transfiguration elle écrit qu'« ils parlent directement le langage
qu'il met en œuvre. des symboles premiers 28 » tandis qu'elle ne
Kandinsky évolue entre Munich, Odessa et refuse pas de transfigurer en symboles figuratifs
Moscou pendant toutes ces années cruciales qui l'immense potentiel de la vie intérieure.
précèdent la première guerre mondiale. Depuis Bien qu'une grande partie de la vie artistiqu
la fin du x1xc siècle, Munich accueillait une de Kandinsky se soit déployée en Allemagne,

XXXVII
128
É. Gouro, Pierre. H/t, 69.5 x 69 cm. Coll. part.

N. Gontcharova, Forêt. Construction rayonniste, 1913. H/t, 102,5 x 85.5 cm. Stuttgart, Staatsgalerie.

XXXVIII
XXX IX
M. Larionov, RayoMisme rouge et bleu, 1913. H/t, 52,5 X 78,5 cm. Oufa. musée des Beaux-Arts.

M. Larionov, RayoMisme rouge, 1913. Gouache sur papier, 26,7 X 33 cm. Coll. Merzbaéher.

M. Larionov. Le Coq ra_vonniste, 1912. H/t, 68.8 x 66 cm. Moscou, Galerie nationale Trétiakov.

XLI
XL
G. Yakoulov, Bar Olympia, 1913. H/t, 66 X 101 cm. Moscou, Galerie nationale Trétiakov.

G. Yakoulov, Composition abstraite, 1913. Huile sur carton


contre-collé sur contre-plaqué parqueté, 64,5 x 53,5 cm MNAM, Paris.

L Survage, Quatre rythmes colorés 191 Lavis d'encre noire et de couleurs et mine de plomb sur papier, 50 x 45 cm.
Paris. MNAM.

XLIII
XLII
NON-FIGURATION ET ABSTRACTION

puis dans les années trente en France, ses liens Revenu en Russie au moment de la guerre de
avec la Russie sont si forts qu'il est impossible 1914, il participera activement à la vie artistique
de détacher son œuvre d'une histoire de l'art des premières années de la Révolution 36 •
russe. Il est une des personnalités les plus émi- Certes, Kandinsky n'a guère eu d'influence sty-
nentes qui seront le trait d'union entre la Russie listique sur l'évolution de la peinture russe; il
et l'Occident . En 1902 paraît une « Lettre de est ressenti comme issu de l'expressionnisme
Munich » dans Le Monde de l'art, tandis qu'en allemand, mais il écrit un beau russe qui
1903 l'École Stroganov de Moscou publie un contraste avec les violences verbales et les
album de douze bois et deux vignettes sous le déformations syntaxiques et lexicales d'un
titre Vers sans paroles. Il sera le correspondant Malévitch, par exemple 37 , et sa pensée théo-
de la revue symboliste Apollon à laquelle il rique aura une profonde résonance dans la prise
enverra en 1910 ses « Lettres de Munich 30 », il de con cience par les artistes russes de l'autono-
participera aux deux salons organisés par le mie de la création artistique.
sculpteur Vladimir lzdebski à Odessa en 1909- Mais, dans le même temps, Kandinsky
1910 et en 1910-1911 31 ; l'almanach publié à affirme que l'art « sert le spirituel 38 », c'est-à-
cette occasion et qui a pu servir de modèle à dire « sert le divin 39 », et que l'acte créateur est
celui de Der Blaue Reiter, à Munich en 1912, un « total mystère 40 ». Dans le contexte révolu-
K. Malévitch, Blanc sur blanc, 1918. Wt, 79,4 x 79,4 cm. K. Malévitch, Réalisme pictural d'une paysanne
New York, MoMA. comporte le premier texte théorique de Kan- tionnaire de 1918, il réitère, dans la version
en deux dimensions, 1915. Wt, 53 x 53 cm.
Saint-Pétersbourg, MNR. dinsky, « Le contenu et la forme », où il pro- russe de son autobiographie Étapes : « Il ne sau-
clame pour la première fois « le principe de la rait y avoir de forme parfaite sans contenu par-
nécessité intérieure 32 ». Du spirituel dans l'.tlrt fait : l'esprit détermine la matière, et non le
K. Malévitch, Quadrangle, 1915. Wt, 79,5 x 79,5 cm.
Moscou, Galerie nationale Trétiakov. sera d'ailleurs connu de façon presque concomi- contraire [... ]. Le grand Balai de !'Histoire qui
tante en Russie et en Allemagne, au début nettoiera des ordures de l'extériorité l'esprit
1912 : il sera lu par Nikolaï Koulbine lors des intérieur apparaîtra ici aussi comme le dernier
sessions des 11 et 13 janvier au « Congrè des juge impartial 41 • »
artistes de toute la Russie» à Saint-Pétersbourg La réflexion sur l'art chinois permettra égale-
et publié dans sa version allemande à Munich. 33 ment à l'art de gauche russe de prendre
Kandinsky expose au Valet de Carreau à conscience d'une e thétique tendant à l'abstrac-
Moscou en 1910, et quatre poèmes en prose tion. Avec Markov, c'est Georges Yakoulov qui,
extraits du cycle Kliinge parai ent à son insu, de façon la plus constante dans l'avant-garde
en russe, dans l'almanach des « futuraslaves », russe, a revendiqué et pratiqué l'art d'Extrême-
Gifle au goat public; cette publication provo- Orient. Son article « Le soleil bleu » (1914), est
qua une protestation de Kandinsky qui fut sans un hymne à la Chine dans son art et sa nature :
doute choqué par l'iconoclasme de ce manifeste « L'éternel mouvement du spectre bleu a tracé
envers les classiques ( « Il faut jeter Pouchkine, les formes de la nature chinoise, par l'ondulation
Do toïevski, Tolstoï et Cie, par-des u le bord de la houle et par le mouvement des oscillations,
du Navire de la Modernité ») . par le prisme du sourire [... ).
En 1912, Kandinsky invite les Russes à expo- L'ornementation chinoise est faite de lignes
ser (Moïsseï Kogan, David et Vladimir Bour- ondulantes et glissantes que recouvrent des
liouk, Natalia Gontcharova, Larionov, Malé- taches de couleurs : la broderie en vagues sur les
vitch) à Der Blaue Reiter et publie, dans robes repré ente le mouvement de l'eau, les gris
l'almanach du même nom, sa traduction en alle- et les escaliers donnent un rythme brisé [... ). Les
mand d'un texte de David Bourliouk sur la images se con truisent en général selon la ligne
peinture russe contemporaine et des extraits des de chute des vagues, ou encore d'après le mou-
Impressions italiennes de V. Rozanov; il fait vement rapide des surfaces glissant et se brisant :
aussi connaître par de nombreuses reproduc- tels sur l'eau les rayons de lumière dont une par-
tions les gravures sur bois de l'art populaire tie se brise en passant d'une vague à l'autre 42 • »
russe (Ioubok) . Certes, eorge Yakoulov, malgré quelques

XLIV
129
NON-FIGURATION ET ABSTRACTION
L'AVANT-GARDE RUSSE

scythe, venue des fins fonds de l'Asie dans cette réduction de la représentation à des surfaces
province ukrainienne de Tauride, cette Hylée planes construites selon le principe du sdvig
d'Hérodote dont les cubo-futuristes avaient fait (déplacement).
leur patrie spirituelle. Certes, « reconnaître »
une tête dans cette juxtaposition de plans géo-
métriques colorés n'est pas immédiatement réa- LARIONOV ET LE RA YONNISME
lisable, mais cette difficulté même est un des
traits distinctifs de l'art de gauche à ses débuts, Dans une courte période de temps, entre 1912
sinon de l'art en général. À la suite de Viktor et 1915, un nouveau courant se fit jour à Mos-
Chklovski, le peintre Pougny écrira : « Une cou, le rayonnisme de Larionov, jalon essentiel
œuvre artistique, pour être perçue, doit fouetter dans la naissance de l'abstraction. Son principe
les nerfs ; et d'ailleurs le processus consistant à plastique était le rayonnement de lignes sur la
··reconnaître" un tableau comporte un certain surface du tableau.
stade d'"étonnement", de surprise. Il est égale- Le rayonnisme fit une brillante apparition à
ment juste que le tableau ne se livre pas au spec- Paris en 1914 lors de l'exposition chez Paul
tateur avec la facilité d'une pleine clarté, il ne Guillaume, qui bénéficia à cette occasion de
doit pas être "évident", mais doit être perçu avec l'appui enthousiaste de Guillaume Apollinaire
de la "ré istance", avec difficulté. Le charme du (ce dernier considérait que le rayonnisme
46

cubisme, il y a quelques années, s'expliquait pré- « apportait un nouveau raffinement à l'art » ).

cisément par cette résistance qu'offrait le Le rayonnisme, dont les principales thèses théo-
tableau, qui ne permettait de se faire "recon- riques seront même traduites en français en
V. Bourliouk, ttudes de tltes, 1913. Gravures sur papier bleu, publiées dans l'almanach Le Vivier aux juges, n 2, 1913. 45 1914 dans la revue Montjoie!, ne connut pas de
naître" que petit à petit, difficilement • »
Face aux cheminements vers l'~bstraction, lendemains : la guerre, le départ - qui s'avéra
œuvres non figuratives, répugnera à l'abstrac- siècles. Dans Tête (1912), le peintre parvient définitif - de Larionov pour l'Occident en 1915,
que l'on pourrait déjà définir comme« lyrique»
tion radicale, et restera fidèle à un art, sinon aux limites de la figuration. Certes, plus que la révolution de 1917, le travail de Larionov
avant la lettre ( èiurlionis, Élena Gouro, Kan-
ymboliste (comme à ses débuts), du moins réso- d'abstraction, il s'agit ici d'un degré suppléme pour les Ballets russes au détriment de la pein-
dinsky, Yakoulov, Sonia Delaunay, Survage), le
lument symbolique. taire dans la déconstruction de l'objet et sa ture, tout cela explique que le rayonni me n'ait
cubo-futurisme trouve des solutions inédites
Dans la marche vers l'ab traction, c'est-à-dire reconstruction selon un système de plans ayant pas été justement apprécié par la critique d'art.
dans le cubisme parisien en proposant une
vers un nouvel art révélant un nouvel espace de sa logique propre. Car Vladimir Bourliouk veut
couleurs et de lignes « se suffisant à eux- représenter une tête, même si le pectateur doit
mêmes », on trouve Vladimir Bourliouk, un très faire un effort de construction pour la « recon- D. et V. Bourliouk, couverture du livre-tapisserie Tango avec les vaches, texte de Kamienski, 1914. Coll. part.
grand peintre, mort prématurément pendant la naître». En effet, la toile se pré ente comme un
guerre de 1914. assemblage de trapèze , de rectangle et de tri-
Aujourd'hui. ses tableaux sont dispersés, angles. Ce puzzle géométrique, dont les unités
relativement peu importants en nombre, mais colorées sont juxtaposée , est très proche iconos
ce que nous en connai son nous laisse voir en graphiquement du futur suprématisme, il
Vladimir Bourliouk un des artistes qui ont mar- annonce en particulier les « architectoniques
qué le plus l'art de gauche. Autant son frère picturales» que Lioubov Popova montrera au
David s'est signalé surtout comme meneur de Valet de Carreau en 1916. Le système de
jeu dans le combat des avant-gardes russes au construction des plans dans les toiles de Vladi-
début de ce siècle, autant Vladimir ne s'est livré mir Bourliouk sera repris de façon étonnante
à aucune tonitruance verbale mais a créé une par le poète, peintre et aviateur Vassili
œuvre forte, ponctuée de travaux où l'on sent la· Kamienski dans ses « Poèmes en béton armé »
griffe d'un maître. Toutes les toiles de l'artiste pour son recueil Tango avec les vaches 4· (1914)
ukrainien, qu'elles soient néo-primitivistes ou qui comportait aussi des lithographies de David
cubo-futuri tes, présentent une réduction de la et Vladimir Bourliouk 44 •
représentation à un système de cellules tantôt Malgré tout, chez Vladimir Bourliouk, la
géométri antes, tantôt ondulées, rappelant les structure primitiviste l'emporte sur l'abstrac-
structures des vitraux européens des xne et x11r tion : cette tête a toutes les allures d'une idole

131
130
L'AVANT-GARDE RUSSE NON-FIGURATION ET ABSTRACTION

Plusieurs pulsions convergentes ont condui A moins d'avoir une vue mystique apodictique
Larionov, à formuler, le premier - tout en l sur le langage dont la structure (laquelle ?) se
mettant en pratique -, l'abstraction qui sera J retrouverait dans toutes les manifestations de la
courant pictural le plus radical du xxe siècle t vie humaine, il faut reconnaître qu'historique-
de l'art depuis ses origines. Tout d'abord, 1 ment c'est de la peinture que sont venues les
réflexions théoriques de Kandinsky sur l'auto- impulsions qui ont changé de fond en comble
nomie de l'espace du tableau par rapport à la )es relations entre l'art et la réalité. Cela dit,
nature, sur « la nécessité intérieure » et « le spi- éta nt donné les rapports particulièrement
rituel dans l'art » ont certainement influencé 1 étroits de l'acte poétique et de l'acte pictural
démarche de Larionov ; en second lieu, on dans les années dix, nous pouvons constater que
signalera celles, concomitantes, du peintre t c'est avec les illustrations de Larionov pour le
poète Sergueï Bobrov, proche ami de Larionœ texte de Khlebnikov Mondàrebours publié par
qui parla au Deuxième Congrès des Artistes de Kroutchonykh en novembre 1912, que sont M. Larionov, Paysage rayonniste, 1912. H/t, 71 x 94,5 cm.
toute la Russie à Saint-Pétersbourg à la fin de Saint-Pétersbourg, MNR.
expérimentées les premières représentations
1911 (début 1912 de notre calendrier) d rayonnistes. Non seulement la langue transmen-
l'essence des choses atteintes par l'artiste au tale (zaoum) des deux poètes russes était un appartiennent à ce que l'artiste lui-même appe-
moyen de l'économie des moyens picturaux exemple d'arrachement du sens à la logique lait le« rayonnisme réaliste»:« Généralement,
(Malévitch n'oubliera pas cette leçon quand il figurative (le monde à l'envers, « à rebours ») un rayon est représenté sur la surface par un
proclamera l'économie comme cinquième mais la zaoum allait de pair avec la revendica- trait de couleur. Un tableau rayonniste rend
dimension); Bobrov eut cette formule qui tion khlebnikovienne du « mot auto-déve- clairement sensibles les valeurs appréciée par
fécondera toute une lignée de « peinture loppé », du mot qui se suffit à lui-même dans sa tout amateur de peinture. Les objets que nous
pure»:« Nous posons que le procédé consistant propre organisation graphique, phonique, poly- voyons dans la vie ne jouent ici aucun rôle, sauf
N. Gontcharova, Paysage rayonniste, le bois, 1913. H/t, à couvrir la toile de couleurs est en soi et pour sémique. En somme, la poésie comme une ins- dans le rayonnisme réaliste où l'objet sert de
130 x 97 cm. Madrid, fondation Thyssen-Bomemisza. soi un acte de création 47• » Les principes concePI point de départ» (1913)so.
trumentation musicale - elle aussi! . une com-
tuels et la pratique du futurisme italien en 1911- binaison de rythmes. La toile Verre est réputée la première œuvre
N. Gontcharova, La Lampe (illustration pour Le Printemps
après la mon, texte de Tchouriline) 1915. Lithographie, 1912 ayant pour base les lignes-forces ont joué rayonniste. Elle partage cet honneur avec Sau-
15,5 x 19,3 cm. Paris, documentation Leclanche-Boulé. aussi leur rôle dans la démarche de Larionov. cisson et maquereau rayonnistes. L'impression
De même, la poétique iconographique de Franz Le rayonni me réaliste première est celle d'une iconographie de type
Marc, avec ses rais obliques qui strient l'espa<:41 futuriste avec ses lignes-forces qui sillonnent
du tableau pour rendre la lumière des sous-bol Les premières œuvres rayonnistes de Larionov toute la surface, la transformant en une sorte de
s'intriquant dans le monde végétal et animal, n'a comme Verre (1912), Saucisson et maquereau forêt impénétrable. La Forêt verte et jaune de
sftrement pas été oubliée par l'inconscient du rayonnistes (1912) ou Bœuf rayonniste (1912) Natalia Gontcharova (1912) et d'autres œuvres
peintre russe·. On rappellera aussi que la pein- (par exemple, le Paysage rayonniste de Larionov
ture d'icônes, que Larionov a lui-même expq- (1912) confirment l'hypothèse que les sous-bois
M. Larionov, Saucisson et maquereau rayonnistes, 1912.
sée, utilise un procédé très proche du rayoa- H/t, 46 x 61 cm. Cologne, musée Ludwig. striés de rayons chez F. Marc ont été une des
nisme, celui de I'« assiste », « ce fin réseau de premières impulsions pour le rayonnisme. En
rayons d'or qui indiquent l'irradiation de tout cas, dans ces travaux du rayonnisme réaliste,
force -énergie divines 49 », appelé aussi chr '·o- les objets sont reconnaissables dans le réseau
graphie. des calligraphies colorées : saucissons, un pois-
Enfin, le « modèle linguistique » a sans dout~ son, table, verres, fûts d'arbres, etc.
joué un rôle dans la prise de conscience d'un Dans Verre (le mot russe stéklo [verre-vitre]
rythme qui n'est pas lié à un sens figuratif. Mai · désigne la matière et non l'objet où l'on boit),
il est difficile de dire que c'est là un élément on reconnaît bien deux types de verres à boire -
décisif qui aurait permis le passage à l'abstrac- un seul à pied ovale et un groupe de verres plats
tion picturale. Comme l'écrit Bénédikt Livchits, et ronds-, une bouteille, et l'on devine les
la révolution poétique au début du xxe siècle a contours d'une fenêtre. Les énergies rayon-
autant pris des leçons à la révolution plastique nantes fusent de partout et Larionov a voulu
depuis l'impressionnisme qu'elle en a données. rendre le chatoiement que provoque toute sur-

132 133
L'AVANT -GARDE RUSSE NON-FIGU RATION ET ABSTRACTION

giée du néo-primi tivisme de Natalia Gontcha-


rova. L'influenc e de la picturolog ie de l'icône
est ici particulièr ement évidente ; les traits cur-
sifs blancs, en faisceaux , sont typiques des
rehauts de « raviveme nt » (ojivki) ou des
« petits mouveme nts» (dvijki), traits délicats et
fines lignes utilisés par les peintres d'icône et
exécutés au blanc de céruse pour animer de
l'intérieu r les surfaces peintes, souligner le
mouvemen t .
Les Moteurs en course de Mikhaïl Le Dentu
(vers 1913) sont une autre réussite du rayon-
nisme réaliste. C'est un pas upplément aire vers
l'abstractio n totale. On distingue des édifices qui
vont dans tous les sens (comme dans certains
paysages urbains cubo-futu ristes d'Alexand ra
Exter ou d'Olga Rozanova) , une sorte d'énorme
A. Chevtchenko , Bonheur et ombre, 1914. H/t, 67 x 71 cm.
Moscou, coll. I G. Sanovitch.
roue en mouveme nt sur la gauche, des lettres
( « TE » est peut-être le début de « TEATR » et

nouvelle réalité qui est encore en prise avec le dans l'angle droit supérieur on peut lire, en cyril-
monde des objets. Larionov ne cherche pas à lique, « BAR »). L'iconogra phie est résolumen t
décon truire le réel comme dans le cubo-futu- futuriste (la voiture automobil e, la vitesse, la
risme, il fait apparaître à travers, entre et par les démultipli cation du mouvemen t, la ville). Mais
objets des rythmes qui sont invisibles à l'œil le futurisme de Le Dentu intègre le principe ico-
figuratif. nographiq ue du rayonnism e. Tout le tableau
Un des chefs-d'œu vre du rayonnism e réaliste n'est que rythme de bandes et de traits colorés.
est sans aucun doute la toile de Natalia Gont- L'automob ile, les édifices et la rue se fondent en
charova qui a tout d'abord porté le titre de Chat
M. Le Dentu, Moteurs en course, c. 1913. H/t,
(rayonniste), noir avec jaune, et rose (1912). 64 x 57 J, cm. Orel, Musée régional.
Cette œuvre a été présentée à La Cible en 1913
sous ce titre. Par la suite, elle fut baptisée tout
simplemen t Chats. Ce tableau est une décompo-
sition cubo-futur iste en plusieurs éléments d'un
chat ·couché, avec plusieurs états des mouve-
. ments des différente s parties de son corps
N. Gontcharova , Les Chats, 1913. H/t, 84,5 x 83,8 cm. New York, musée Solomon R. Guggenheim
(queue, tête, pattes), selon les principes typi-
face vitrée. Le verre - la vitre - est un sujet futurisme parisien», au seuil de l'abstractio n. Et quement russes du sdvig et de la « vision de plu-
qu'ont aimé les peintres novateurs. Il est comme George Yakoulov , un des propagand i te du sieurs points de vue ». L'aspect admirable de
une parabole réelle de la simultané ité, de simultanéi sme orphiste en Russie, présente au cette toile vient de ce que la dispersion des
l' « unanimism e » des différents moments de la Monde de l'art en 1913 une toile sous le titre : lignes-ray ons à travers la surface ne crée pas
réalité. Il réunit plusieurs mondes en lui : ce Construction sur les vitesses des vitres 51 • On ne une impressio n de désarticu lation mais, au
qu'on voit à travers, ce qui s'y reflète. C'est un saurait non plus omettre l'utilisatio n en 1914- contraire, un effet de concentrat ion synthétiqu e
motif privilégié pour le cubo-futu risme. II est 1915 d'un morceau de vitre dans un des en une image globale, renforcée par la gamme
présent dans Gare et dans Vé/ocipéd iste de « Assembla ges de matériaux (contre-re liefs) » réduite au noir, au jaune, au rose, ce dernier se
Natalia Gontcharo va, dans Chambre et pupitre de Tatline dont nous n'avons plus qu'une photo- limitant à deux touches discrètes qui offrent une
de comptabilité de Malévitch. graphie. Dans le tableau de Larionov, la profu- note de délicatess e contrastan t avec la force
La magnifiqu e série des « Fenêtres » de sion des lignes-rayons domine et crée un nouvel compacte du noir, lui-même jouant avec toutes
Robert Delaunay sont le summum du « cubo- espace. La réalité sensible bascule ici dans une les nuances d'un jaune solaire - couleur privilé-

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L'AVANT-GARDE RUSSE
NON-FIGURATION ET ABSTRACTION

(1913) montrent l'apport unique - et le premier se manifester que sur le terrain que Larionov
conséquent - à l'abstraction qui, précisément, avait préparé, aussi bien par ses articles et bro-
naît dans ces années cruciales entre 1910 et chures que par l'acuité même de sa peinture.
1913. Le stade ultime du rayonnisme sera ce que Certes, le principe de l'économie totale (ou
Larionov appelle un peu mystérieusement le principe de réduction à l'essentiel) du fonction-
pneumo-rayonnisme (ou rayonnisme spirituel), nement des formes et des couleurs sur la sur-
montré à l'exposition N° 4 à Moscou en 1914. Le face picturale avait été mis en pratique, nous
fondateur du rayonnisme est allé là jusqu'aux l'avons vu, par le néo-primitivisme, le cubisme,
limites de la pensée picturale abstraite avec le futurisme ou chez Kandinsky, et Larionov
détermination, constance et conséquence. n'a fait que formuler de façon percutante des
Larionov est bien à l'origine - non seulement idées éparses depuis 1910 sur « la libération de
dans ses théories publiées en 1913, mais aussi la peinture quand celle-ci commence à vivre
avec des œuvres de la plus grande radicalité - selon ses propres lois 54 ». Ces formulations, les
de l'abstraction totale. L'avant-garde russe la premières publiées en langue russe (la première
~..,.,_.•• .._.. "1~
plus maximaliste, celle qui s'est développée en version de Du spirituel dans l'art de Kandinsky
,4..,,,.-:
..,.,;.. .,;, Russie même (le cas de Kandinsky est à part ne paraîtra en Russie qu'en 1914), sont conco-
r.~..u car son activité s'est toujours partagée égale- mitantes avec les déclarations des poètes
ment entre Munich et la Russie), celle qui a Khlebnikov et Kroutchonykh sur l'autonomie
abouti aux reliefs abstraits de Tatline en 1914 et du mot, libéré de sa fonction sémantique habi-
au suprématisme de Malévitch en 1915, n'a pu tuelle (dans le manifeste de l'almanach Gifle au
M. Larionov, Portrait de Natalia Gontcharova, 1913. ~- Lariono~, Portrait de l'artiste japonaise Hanako, 1913.
Lithographie, 106 x 119 cm. Coll. part. L1thograph1e, 106 x 119 cm. Coll. part.
M. Larionov, Plage et femme, 1913. H/t, 52 x 68 cm. Localisation inconnue.
une seule image, celle du dynamisme urbain. monde concret. Quant aux sensations que sus-
Dans Homme dans la rue. Analyse de volumes cite le tableau, elles sont d'un ordre différent.
d'Olga Rozanova, l'homme et le monde envi- Dans cette perspective, la peinture devie nt
ronnant étaient certes imbriqués mais encore l'égale de la musique, tout en gardant ses carac-
distincts. Dans l'œuvre de Le Dentu, on sent que tères spécifiques 53 » (1913). Tout rapport repré-i
des toiles comme le Portrait du compositeur sen ta tif, figuratif est éliminé au profit du seul
Matiouchine ou le Portrait d'une propriétaire ter- jeu de la couleur et des lignes. Des toiles comme
rienne de Malévitch sont passées par là, œuvres Rayonnisme rouge et bleu, Domination du rouge
où s'est accomplie l'interpénétration de
l'homme et du monde des objets. M. Larionov, Construction rayonniste d'une rue, 1913.
Lithographie.

Le rayonnisme abstrait

L'étape suivante sera celle du rayonnisme abs-


trait, sans référent à l'objet : « Ce qui est
l'essence même de la peinture peut être mani-
festé sur la surface plane mieux qu'ailleurs :
combinaisons de couleurs, densité, rapport des
masses de couleur, mise en profondeur, facture.
Le tableau semble glisser; il donne l'impression
d'être hors du temps et de l'espace; il évoque la
sensation d'une quatrième dimension (si l'on
peut dire) par sa longueur, sa largeur, et l'épais-
seur de sa pâte de couleur, seuls indices du

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L'AVANT-GARDE RUSSE NON-FIGURATION ET ABSTRACTION

goat public) ; elles influenceront de façon capi- les cubistes, les futuristes, voire chez Kandinsk contraire essentiellement plastique. Le peintre
tale Tatline et surtout Malévitch, qui en tirera (lequel restera toujours, même à l'époque du voit les formes nouvelles créées entre les formes
la conséquence suprême du sans-objet absolu. Bauhaus, un symboliste non-figuratif). tangibles, par leur propre rayonnement, et ce
Cela n'aurait pas été possible sans l'apport de Prenons, par exemple, la Composition rayo1'- sont elles seules qu'il arrête sur sa toile. Il
Larionov qui, avec son pneumo-rayonnisme, niste. Domination du rouge. La gamme colortll atteint ainsi les sommets de la peinture, inspire
« tente de réunir en masses d'ensemble, les et la picturologie sont totalement nouvelle des choses dites réelles mais qui ne saurait ni ne
formes inter patiales disposée sur un foyer de dans l'art de son temps. N'y a-t-il pas ici le voudrait les représenter ni même les évoquer
rayons disséminés ». germes de l'abstraction lyrique qui se dévelopJ>I dans leur existence réelle 57 • » Ce texte a paru à
Les qualités essentielles des travaux rayon- deux décennies pl us tard ? La façon de poser la Paris dans la revue Montjoie/, qui publie aussi
nistes sont la fraîcheur des solutions colorées, peinture est gestuelle, véhémente, souveraine. la fameuse conférence que Léger avait pronon-
une structure résolument non académique (qui C'est le geste du peintre en bâtiment q ui cée à l'académie Marie Vassilief en 1913 («Les
se perpétuait dans l'art de la rue, de l'image triomphe ; déjà utilisé dans les œuvres néo-i,4- origines de la peinture et sa valeur représenta-
populaire), enfin des rythmes d'une puissante mitivistes, il est porté ici à son expre ion maxi- tive » ). En 1914, à part une ou deux œuvres de
énergie. La gamme larionovienne rompt nette- male. « Nous marchons la main dans la main Kupka totalement abstraites, l'art européen
ment avec les conceptions qui s'étaient établies avec les peintres en bâtiment. Salut à toi notre n'était jamais allé aussi loin dans le rejet du
autour de 1912 concernant la « beauté » du style rayonniste, indépendant des for mes monde des objets, aussi bien en théorie que
prisme coloré d'un tableau, tant dans la pein- réelles, existant et se développant selon les lois dans la pratique. La polémique de Larionov à
ture traditionnelle que dans la nouvelle pein- de la peinture », est-il dit dans le Manifeste des l'égard de l'œuvre et de la pensée de Kandinsky
ture post-cézanniste. Braque et Picasso, c'est rayonnistes et des boudouchtchniki ( aveniriens) se fait connaître ici: le rayonnisme est essentiel-
connu, avaient réduit leur palette à des ocres, en 1913 56 • Dans la toile Rayonnisme (1913) du lement pla tique et - accessoirement - spiritua-
des bruns, des gris et des noirs. Les expre ion- musée Bachkire à Oufa, on retrouve le même liste, même si, de façon contradictoire, Larionov
nistes allemands avaient surtout privilégié le entrelacs d'éclairs colorés sillonnant la surface appelle sa dernière manière pneumo-rayon-
chaos des couleurs, d'où devaient se dégager la plane que dans Domination du rouge. La nisme (et le pneuma grec, c'est bien l'esprit).
brutalité originelle de l'instinct, une violence gamme aussi est réduite ; aucun folklorisme ou La même nouveauté radicale apparaît aussi
« phy iologique », chez les artistes de la Brücke, exotisme oriental, mais les tonalités sont très dans la composition du tableau rayonni te. Ni N. Gontcharova, Construction rayonniste, c. 1913.
ou le flou et l'indistinction des états d'âme inté- éloignée de la palette réduite des cubistes de les cubistes, ni les futuristes italiens, ni d'autant Gouache sur papier. Paris, MNAM.
rieurs chez Kandinsky. Chez Matisse, les har- Paris, par exemple. Chez Larionov, ce sont des plus les expressionnistes ou Matisse, n'ont tou-
monies des unités colorées n'existaient que fulgurance de bruns, de rouges, de vermillons ché érieusement au saint des saints de la pein- Le problème n'est pas que le langage plas-
parce qu'elles servaient de soutien à la totale de noirs et de bleus, le tout laissant percer de ture de chevalet, - à savoir la structure composi- tique de Larionov soit purement abstrait, que
liberté du trait. Quant aux cézannistes fauves partout la lumière; comme dans l'icône, elle ne tionnelle du tableau, une certaine « prégnance » n'y soient pas données les clefs permettant de
russes du Valet de Carreau, ils avaient, certes, vient pas d'une source extérieure mais de l'inté- pla tique (repré entatrice) du signe à l'intérieur reconnaître ou de deviner ce qui est repré enté
utilisé une gamme inédite et avaient pratiqué la rieur. Tout l'art de gauche russe est sous le d'un format donné. Leurs tableaux sont restés (comme dans les toiles cubistes de Braque et de
touche brutale mais leur orientalisme n'était, à signe de cette lumière qui fuse du sein même des tableaux et la structure de leur compo ition, Picasso, ou dans celles, futuri tes, de Balla et de
tout prendre et malgré des réussites éclatantes, des éléments colorés. quels que soient les éléments individualisé de Boccioni). Le problème essentiel est que les
qu'une variante - exotique - de la province Larionov a insisté dans ses écrits, et cela se la représentation qui la constitue, reste dans la principes selon lesquels est compo ée la repré-
européenne. Seul Larionov - et en partie Nata- confirme par sa production abstraite de 1913- tradition remontant au quattrocento. Le signe sentation sont repensés. Dans la superbe
lia Gontcharova - a tiré les conséquences de 1915, sur le fait qu'il révèle un nouvel espace, du représenté change, le langage de la repré en- gouache Rayonnisme rouge de la collection
l'écriture néo-primitiviste. celui qui est entre les objets: « Le rayonni m tation change aussi, mais le moyen de réparti- Merzbacher (1913), le flot impétueux des cou-
Chez Larionov, la libération de la couleur se est la peinture des chocs et des accouplements tion, de distribution des éléments picturaux sur leurs s'engouffre en diagonale de part en part du
fait autonome dans la construction des réseaux des rayons entre les objets et la représentation la surface plane rend son d0, comme par le rectangle de la feuille. Pareillement aux feux
linéaires de la surface picturale. Il s'agit d'un dramatique de la lutte des émanations plas- passé, à la tradition, même si celle-ci est com- d'un projecteur, le faisceau des raies colorées
flot coloré d'accords spectraux. Les couleurs· tiques rayonnantes de toutes les choses : la promise de façon très large et, dans une certaine rouge vif, jaune, carmin, dont l'intersection se
jaillissent avec une énergie pleine de véhé- peinture de l'espace révélé, non point par le mesure, malmenée. La tâche de repenser les fait quelque part au-delà des limites de la surface
mence, ignorent les notions de « beau coloris » contour des objets, ni même par leur couleur limitations et les conventions du format du plane, va se perdre dans le haut pour sortir des
ou de « coloris artistique » et font éclater tous formelle, mais par le drame toujours intense des tableau, de sortir des frontières convenues et de limites de la repré entation. Les structures colo-
les cadres. Elles se libèrent de toute sémantique rayons qui composent leur unité. détruire finalement les frontières elle -mêmes, rées, croisées, s'élargi ent aux limites de l'infini,
figurative émotionnelle, ce qui n'avait jamais Le rayonnisme, qui peut apparaître comme cette tâche fut entreprise pour la première fois nous donnant, non pas un tableau-microcosme,
été le cas chez les expre ionnistes, les fauvistes, une peinture spiritualiste, voire mystique, est au par les peintres russes. mais un fragment du macrocosme. Toutes ces

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L'AVANT-GARDE RUSSE NON-FIGURATION ET ABSTRACTION

nouveautés radicales de la composition fraient la qu'il a l'ambition de faire apparaître non l' hjc t en direction de l'être par la mise entre paren- repaît plus facilement d'imagerie et d'hédo-
route aux trouvailles « cosmiques » ultérieures matériel apparent mais son essence spirituelle. thèses de l'étant, selon la formulation posté- nisme (ce que Malévitch appelait la « pornogra-
de Malévitch, ou aux recherches suprémo- Sur ses tableaux il y a toujours trace d'objets et. rieure de Heidegger : c'est par « la mise entre phie picturale » 61 ). Il est certain qu'aujourd'hui
constructivistes de Lioubov Popova. On observe en cela, Kandinsky est le précurseur de to ute parenthèses de l'étant» que le regard est rendu l'abstraction connaît à nouveau une ère de
un mouvement analogue dans Rayonnisme bleu une ligne non-figurative (non-figuratif s'oppoa « libre pour l'être ». Là est la révolution coper- semi-clandestinité. Mais cette Verheimlichung
(1913). Ici, la couleur réduite à des bleus, des sant ici au sans-objet). De plus, dans ses écrit. . nicienne absolue de Malévitch, une révolution n'est-elle pas un trait précisément de l'être pic-
bruns et des noirs crée une surface miroitante où la symbolique des couleurs est grevée de psy- qui précède la phénoménologie heidegge- tural en retrait, en énigme, en abstrait ? Il n · a
toute orientation vers le bas ou le haut, vers la chologisme subjectif et culturel. Dans le rienne : ce n'est pas l'homme qui dispose de la donc aucun pessimisme dans le constat
gauche ou la droite est bannie. On peut dire pneumo-rayonnisme de Larionov, il n'y a certe liberté de faire de « petits mondes autonomes », qu'aujourd'hui, plus que jamais, l'abstraction
qu'est posée, là aussi, la base conceptuelle pour plus peinture de l'objet mais le point de dépan c'est la liberté qui dispose de l'homme. C'est du est en butte à une nouvelle accusation.
la naissance du suprématisme, où il n'y a ni haut reste tout de même les « choses réelles ». sein du Rien, du sans-objet, de la vie vivante du L'apparition du Quadrangle noir entouré de
ni bas, ni droite ni gauche. Quant à Tatline, c'est du sein du matériau en monde que part « l'excitation », c'est-à-dire le blanc (lors de l'exposition 0,10 à Pétrograd, à la
On assiste à la même implosion des limites du tant que tel que viennent les énerJies formell rythme de cette liberté. Quand Malévitch écrit toute fin de 1915) marque l'éclipse totale des
tableau dans le rayonnisme abstrait de Natalia Certes, dans l'abstraction tatlinienne, l'objet ne qu'il a« libéré le Rien», cette « libération de la objets. Pour Malévitch, qui développera sa phi-
Gontcharova. Les rayons opèrent une traversée réfère à aucun sens figuratif mais la matérialité. liberté » n'est-elle pas la vraie abstraction? On losophie dans de nombreux écrits, le seul monde
de la surface plane et s'entrecroisent dans un le concret du matériau sont magnifiés. voit par là qu'il ne s'agit pas d'une recette pictu- vivant est le monde sans-objet. Affirmant le pri-
espace à la fois indéfini et infini. On note, dans Si l'on considère maintenant la démarche rale de plus mais, comme l'écrit Emmanuel mat de la cinquième dimension (l'économie), il
le rayonnisme de ce peintre, une propension à abstraite de Mondrian, on constate que son Martineau à propos de Malévitch, d' « une nou- définira le suprématisme dans ses différents
un coloris plus voyant, plus rutilant, plus esthé- abandon progressif de l'objet le conduit à créeJ velle spiritualité où l'homme à l'imitation du stades, statique et dynamique, comme une
tique - qui portait la marque de son ample un code pictural d'équivalents sémiologiques de Rien et du Dieu « non-objectif » apprendrait à manifestation purement (économiquement) pic-
décorativisme néo-primitiviste. cet objet, équivalents qui ont un fonctionne- devenir lui aussi liberté pure ». Ainsi, en para- turale de la nature en tant que site de l'être, de
Il existe relativement peu d'œuvres pneumo- ment autonome mais dont le référent reste phrasant Heidegger, on pourrait dire que l'abs- la vie, de ce « Rien » que le peintre libère sur la
rayonnistes. Il reste certainement d'autres l'objet concret. traction« rend le regard libre pour le Rien 60 ». toile. Car l'acte créateur n'est pas mimétique, il
œuvres à découvrir. En tout cas, Larionov appa- Malévitch, lui, a fait le saut radical dans L'abstraction, à partir de Malévitch, met en est un« acte pur», qui saisit l'excitation univer-
raît bien comme un des pères fondateurs de l'inconnu, dans le Rien, dans le sans-objet total, question la « préséance du voir », en faisant selle du monde, le rythme, là où disparaissent
l'abstraction et il est un maillon capital entre dans le rythme essentiel du monde, dans le pic- apparaître que la vision empirique aussi bien « toutes les représentations figuratives de
Kandinsky et Malévitch, qu'on ne saurait igno- tural en tant que tel où la lumière n'est plus que la vision noétique ne sont en réalité que des temps, d'espace » et où ne subsistent que
rer sans fausser les perspectives. celle, illusoire, du soleil mais celle du noir et d u cécités. L'homme ne voit rien, ne se représente « l'excitation et l'action qu'elle conditionne »,
blanc dont émanent et où reviennent toutes les rien: seuls des étants lui apparaissent. Or, c'est excitation sans but. Du Quadrangle ( ou Carré
autres couleurs. « L'intuition est le grain de précisément ce qui n'apparaît pas, la manifesta- noir sur fond blanc) de 1915 au Blanc sur blanc
LE SUPRÉMATISME l'infini; en elle s'éparpillent toutes les formes tio sans forme, sans couleur. la manifestatio infi- (ou Carré blanc sur fond blanc) de 1918, c'est
ET LE GROUPE SUPREMUS visibles sur notre globe terrestre. Les formes nie que révèle l'abstraction sur la surface plane l'espace du monde qui émerge à travers « le
provenaient de l'énergie intuitive qui vainc de la toile ou dans toute organisation picturale sémaphore de la couleur dans son abîme
Malévitch l'infini, c'est de cela que proviennent les varié- de l'espace. L'opposition donc entre Erschei- infini». Ayant atteint le zéro avec le Carré noir,
tés de formes comme instruments de déplac nung et manifestatio est un des points cruciaux c'est-à-dire le Rien comme « essence des diver-
Parmi les grands fondateurs de l'abstraction au ment. Le globe terrestre n'est rien d'autre posés par l'abstraction picturale; elle donne un sités », « le monde sans-objet », Malévitch
xxe siècle (Kandinsky, Larionov, Kupka, Malé- qu'une pelote de sagesse intuitive qui doit nouveau statut au peintre qui n'est plus seule- explore au-delà du zéro les espaces du Rien.
vitch, Tatline, Mondrian), Malévitch est celui s'élancer sur les routes de l'infini . » ment un professionnel au savoir-faire habile et La non-figuration suprématiste ne reconnaît
qui aura été le plus loin pour franchir les limites Chez Malévitch, pour la première fois dans ingénieux mais un être spirituel à travers qui donc qu'un seul monde, celui de l'abîme de
du sans-objet absolu. l'histoire de l'art, il ne s'agit plus, entre le Qua- passent les énergies du monde, le Rythme sans- l'être. La non-figuration malévitchienne sup-
Kandinsky, s'il est le premier à avoir mis en drangle noir de 1915 et le Blanc sur Blanc de objet qui est le seul monde vivant. pose la destruction radicale du pont que jettent
avant le caractère autonome de l'espace pictu- 1918, de la seule élimination de l'objet dans l'art Liberté essentielle de l'abstraction, là où il la métaphysique et l'art traditionnels par-dessus
ral, sa fonction de créer un monde qui se suffise pictural pour créer un nouvel objet ; ni du seul n · a ni « drames littéraires », ni idéologie, ni le « grand abîme » séparant le monde accessible
à lui-même, en est resté philosophiquement à un subjectivisme de la description du« monde inté- surtout Weltanschauung, ni même d'états à la raison d'un monde qui ne le serait pas.
dualisme symboliste, celui qui divise le monde rieur »; ni du seul purisme de l'établissement d'âmes, mais l'enjeu du pictural en tant que tel. C'est la sensation du seul monde réel, le monde
entre intérieur et extérieur. Kandinsky visualise d'un code de pures relations plastiques; ni du Certes, cette démarche de l'inapparent qui se sans-objet, qui br0le tous les vestiges de formes
les« sons intérieurs». Ses toiles sont toujours la seul formalisme d'éléments se combinant autar- manifeste dans le rythme pictural va à dans les deux pôles du suprématisme, le Carré
représentation d'une vision « abstraite » parce ciquement; il s'agit d'une libération du regard l'encontre de toute la vie dominante qui se noir et le Carré blanc. Ces deux pôles sont la

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L'AVANT-GARDE RUSSE NON-FIGURATION ET ABSTRACTIO

déduction maximale du rayonnisme de Lario- kir que nous trouvons aussi dans les deux
nov. Entre ces deux pôles se situe un ensemble monumentaux Nus de Tatline. La gamme a éga-
de tableaux suprématistes aux couleurs vives et lement la couleur chaude et grave propre aux
contra tées. Mais les couleurs ne sont pas ici des écoles de Moscou ou de Rostov-Souzdal. Et,
équivalents psychologiques artificiellement éta- étonnement supplémentaire, cette toile contient
blis ; Malévitch est opposé à toute symbolique en germe tout ce qui fera la spécificité de la
des couleurs ( celle de Kandinsky ou celle de création de Mark Rothko ...
Marianne Werefkin). Les signes minimaux aux- Cette même réduction de la surface à
quels il recourt, et qui ne sont jamais exacte- quelques plans se retrouve dans la Composition
ment géométriques, doivent se fondre dans le du musée de Nijni-Taghil. Cette fois-ci, ce n'est
mouvement coloré, s' dissoudre. La surface pas Rothko qui est annoncé mais Poliakoff. Le
colorée est, en effet, la seule « forme vivante tableau est partagé en deux grandes zones aux
réelle » ; mais comme la couleur « tue le sujet », Dernière exposition futuriste de tableaux 0, l 0, 191 S, couleurs franches rouge et bleu-indigo, sur les-
ce qui compte finalement dans le tableau, c'est Pétrograd. Accrochage des œuvres suprématistes de quelles viennent « se coller un appareil volant »,
le mouvement des masses colorées. Kazimir Malévitch. un vaisseau suprématiste fait d'un grand rec-
La série des tableaux du suprématisme sta- tangle jaune et de deux petits rectangles. Là
tique part de la forme du carré (Carré noir et « Blancs sur blanc », les contours paraissent et aussi, la planité absolue du suprématisme malé-
rouge, 1915) désintégré en différentes formes disparaissent dans l'énergie du blanc pour ne vi tchien est respectée. Nous ne sommes pas
rectangulaires qui se tiennent en état de suspen- laisser vivre que « le mouvement purement dans un espace euclidien : la profondeur
sion, planent dans l'espace de la surface (Huit coloré » ( Carré blanc sur fond blanc ou les deux affleure à la surface. Nous disions tout à l'heure
rectangles rouges, 1915; Vol d'aéroplane, 1915) Peintures suprématistes blanches (97 x 70 cm) que les éléments quadrilatères se collaient : en
K. Malévitch, uprématisme, 1915. H/t, 44,5 x 34,5 cm.
ou s'agglomèrent, comme mus par une force Amsterdam, Stedelijk Museum. du Stedelijk Museum à Amsterdam). effet, nous avons ici la variante purement pictu-
magnétique (Suprématisme, JBe Construction, rale d'un collage, dans l'art duquel Olga Roza-
1915). De petites sphères viennent parfois se heurter à une surface rectangulaire (Rec- nova était passée maître. Comme le quadrila-
rompre les plans rectiligne (Match de football, tangle noir et Triangle bleu, 1915). Un autre Olga Rozanova tère blanc du Carré blanc sur fond blanc de
Peinture suprématiste (80 x 62 cm), 1915; Étude stade présente les diverses formes quadrilaté- Malévitch, les formes suprématistes semblent
suprématiste, 1915) ou encore un triangle vient rales (grands rectangles ou bandes rectangu- Après Malévitch, c'est Olga Rozanova, son venir de l'extérieur de la toile et être en train de
laires de différentes largeurs) ou triangulair élève préférée, qui a créé l'ensemble d'œuvres traverser l'espace, en état de suspension, mais
K. Malévitch, Suprématisme, 1917. H/t, 80 x 80 cm. qui se combinent, se chevauchent, créant des suprémati tes le plus original et le plus puissant porteu e du mouvement précédent et du mou-
Krasnodar, Musée régional. espaces intermédiaires (Peinture suprématiste - ensemble unique dans tout l'art universel. Ses vement à venir.
jaune, orange, vert; Supremus n°50; Peinture travaux peuvent être divisés, comme chez Malé- À la différence du suprématisme de Malé-
suprématiste, 1915). Dans le suprématisme vitch, en suprématisme statique et supréma- vitch, où la surface est l'espace infini dans
dynamique de 1916, il y a déjà tout un grouill tisme dynamique. Il n'est pas question ici de lequel se meut tout un système planétaire, Olga
ment, un éparpillement de formes qui occupent chronologie car toutes les toiles abstraites Rozanova aime la saturation de la couleur.
l'espace de la toile, comme des planète l'espace d'Olga Rozanova ont été peintes en moins de Ainsi, Vol dans un aéroplane offre une organi-
cosmique. Aux formes quadrilatérales et trian- deux ans entre 1916 et 1918, année de sa mort. sation très complexe de plans quadrilatères, tri-
gulaires viennent s'ajouter des courbes, des On citera, entre autres, l'étonnante Composi- angulaires et semi-circulaires où, plus que l'ins-
fragments d'ellipse, des phère , des éléments tion sans-objet du Musée national russe où sur piration cosmique, on sent passer tout
oblongs (Composition de couleurs dynamique, un fond jaune se scandent horizontalement des l'extraordinaire et ample ornementalisme de
Composition dynamique, jaune et blanc, Musée quadrilatères à diverses nuances rouges, tandis l'art populaire. À l'exposition du Valet de Car-
russe, Saint-Péter bourg; Suprématisme dyna- qu'une barre noire au deuxième tiers inférieur reau de 1916, deux de ses tableaux s'appelaient
mique, galerie Trétiakov, Moscou; Peinture de la surface part de la gauche et sort du d'ailleurs Composition sans-objet-primitivisme.
suprématisme, MoMA, New York ; Supréma- tableau. Il n' a ici aucun illusionnisme volu- Bien entendu, ces rythmes colorés rendent
tisme, musée de Krasnodar). La « sensation de mique et l'espace reste plan. C'est vraiment une compte des rythmes universels mais Olga
la di solution, du non-être » fait apparaître, en « icône abstraite » ; ce terme qui serait inadmis- Rozanova fait passer ce dynami me du monde
1917-1918, des plans colorés qui se perdent dans sible pour une icône liturgique me paraît au travers d'une polychromie ornementale qui
une nébuleuse blanche (Parallélogramme jaune valable ici du point de vue pictural. Ce qui, dans fait apparaître dans toute leur splendeur abs-
sur fond blanc) ou bien, dans la série des ce tableau, vient de l'icône, c'est le fond, ce san- traite les motifs du monde paysan de la Grande-

142 143
L'AVANT-GARDE RUSSE

Proounes (Projets d'affirmation du Nouveau)


que Lissitzsky exécutera à partir de 1920? Le
Prooune 333, par exemple, pourrait être
regardé comme une prolongation volumique de
la Composition sans-objet de la Trétiakov.
Enfin, dans la Composition à la bande verte de
la collection Costakis, la surface est coupée en
deux par une raie verticale aux bords non tracés
géométriquement. Cet espace vertical médian
est comme une ouverture sur l'infini ou comme
la percée du monde sans-objet se manifestant et
débordant de cette béance. Après Rothko.
Poliakoff, Lissitzky, c'est maintenant Barnett
Newmann qui est là en puissance. Un autre
tableau, construit exactement de la même faço111
se trouve au musée de Rostov-Yaroslav. C'est
avec cet ultime trait de génie que s'achève
l'œuvre prophétique d'Olga Rozanova qui doit
être située au niveau des plus grands de ce siècle.

Ivan Klioune

Dans cette première école suprématiste qui se


range dès 1915 autour de Malévitch pour
O. Rozanova. Composition sans-objet. 1916. réduire la peinture au zéro de la représentation
H/t, 86 x 55 cm. Alma Ata, musée national d'Art.
figurative, nous trouvons l'œuvre prolifique
d'Ivan Klioune, ami de Malévitch, Ukrainien
Russie. La terre brOlée de soleil, les robes bro- comme lui, mais ayant suivi des études de pein-
dées, les rondes villageoises, les chants polypho- ture et d'art graphique dans les milieux profes-
niques - tout cela est transmué en espace saturé sionnels de Kiev et de Varsovie, ce qui lui a per-
de séries rythmiques sans autre visée que ce mis d'assimiler toutes les cultures picturales
déroulement harmonieux de formes. Ainsi, dominantes à l'exception du néo-primitivisme.
dans la Composition sans-objet (90 x 74 cm) du Cela explique pourquoi les toiles de Klioune ont
musée d'Ekatérinenbourg on sent la joie d'une l'air plus « léchées », plus « civilisées » et n'ont
sorte de « conquête des étoiles ». L'art d'Olga pas la rudesse des autres travaux cubo-futuri t
Rozanova n'a pas la gravité insondable de celui russes. Chez Klioune, on sent toujours l'excel-
du Malévitch suprématiste. Il exulte de la lent artisan, l'admirable fabricateur d'œuvres de
beauté incarnée du monde. la plus grande ingénio ité. De tous les suiveurs
L'artiste provoquera encore l'étonnement, si de Malévitch, il est le seul à avoir fait des varia-
l'on considère ses deux Compositions sans-objet tions sur des formes géométriques nues (si l'on
de la Galerie nationale Trétiakov et du musée excepte quelques vignette à l'encre de Chine de A. Rodtchenko, Noir sur noir, 1918. H/t. 84,5 x 67 cm. Saint-Pétersbourg, MNR.
d'Ekatérinenbourg (102 x 94 cm). Là, c'est une Lioubov Popova pour la revue upremus) : tri-
fois de plus le précur eur de génie qui apparaît. angles, cercles, ellipses, chevrons, trapèzes plats
L'exploration d'un espace non-euclidien, le et trapèzes bombés. Klioune fait jouer sur des
tableau conçu comme une édification architec- fonds grisâtres et dans des tonalités sourdes les
turale en dehors des lois de la pesanteur ter- différentes couleurs du prisme. Dans ses œuvres
restre, ne sont-ce pas là des modèles pour les de 1915-1921, il utilise le vocabulaire iconogra-

144 XLV
K. Malévitch. Supremus n' 56, 1915. H./t .• 80,5 X 71 cm. Saint-Pétersbourg, MNR.

Olga Rozanova, Suprématisme, 1916. H/t, 86 x 55 cm. Alma-Ata. musée national d'Art.

XLVI XLVII
I. Klioune. Composition suprématiste, 1920. Gouache et aquarelle sur papier. 30 · 36 cm. New York. The Mac mry O. Rozanova. Figure suprématiste, c. 1917. H/t, 44 x 31.5 cm. Coll. part.
Collection Corporation.

XLV III X lIX


A. Morgounov, Composition n 1. c. 1915-1916. H/t, 71 x 62 cm. Krasnodar, musée national d'Art.

A. Morgounov, Composition. Débit de thé n 5, c. 1915. Tempera sur toile, 75 x 47 cm.


Kalouga, musée national d'Art.

LI
L
NON-FIGURATIO N ET ABSTRACTION

phique du uprémati me malévitchien (quadrila-


tères et barres rectangulaires, quelquefois de
petits cercles) et y apporte ses propres « gra-
phèmes » : triangles et surtout formes ovoïdes,
ellipsoïdales. Ses compositions sont fondées sur
un déséquilibre entre des formes amples et com-
pactes, et des formes plus ténues. Klioune aime
la peinture qui joue avec le graphisme.

Mikhail Mienkov

Parmi les signataires d'un des manifestes


publiés lors de l'exposition 0,10, il y eut Mikhaïl
Mienkov dont, jusqu'à ces derniers temps, nous
ne connaissions rien honnis les quelques lignes
du tract suprématiste : « Tout art vaut par sa
propre création, répéter l'apparence visible est
un défaut de l'art. La couleur doit vivre et par-
ler pour soi. Jusqu'ici, il n'y a pas eu de peinture
pure, il y a eu le copiage de la nature et de la
pensée 62 • »
Les trois œuvres marquées par le supréma-
tisme qui nous ont été révélées récemment 63 lais-
I. Klioune. Composition sphérique sans-objet, 1922-1925. sent deviner un excellent peintre qui ne s'est tenu
H/t, 101,8 x 70,7 cm. Coll. Costakis, inv. 196. cependant que peu de temps dans l'ab traction.
En effet, si son tableau Sans-objet (1917-1918,
musée de Kra nodar) est une pure exploration
de l'espace absolu, les deux autres œuvres, Jour-
nal (1918, musée d'Oulianov k) et Symphonie
I. Klioune, Lumière rouge, Composition sphérique,
c. 1923. H/t, 69,1 x 68,9 cm. Coll. Costakis, inv. 162. (1918, musée de Samara) réintrodui ent le réel le
plus immédiat à l'aide de bouts de mots, de
lettres, de notes de musique. Dans ce type de tra-
vaux, Mienkov paraît plus proche du cubo-futu-
risme de Morgounov, autre ami de Malévitch. La
toile Sans-objet est un petit chef-d'œuvre de
minimali me, de sensibilité colorée et de force de
concentration. Alors que dans les compo itions
des autres uprématistes, toujours se manifeste
un élément ornemental, dans cette œuvre de
Mienkov cet élément est totalement absent.
Nous sommes, comme chez Malévitch, dans le
pur mouvement de la couleur, dans la pure mani-
festation du monde ans-objet. À l'économie for-
melle correspond l'économie colorée du noir-
marron-gri âtre-jaune clair. Des rythmes colorés
émergent à l'état de traces, prêts à s'engloutir
V. Baranov-Rossiné. Composition abstraite, c. 1920. H/t, 149 x 101 cm. Paris, MNAM. dans l'inapparence d'où ils viennent 64 •

LII 145
L'AVANT-GARDE RUSSE
NON-FIGURATION ET ABSTRACTION

Ivan Pougny
des manifestes de l'expo ition 0,10- Olga Roza-
nova, Klioune, Mienkov - on trouve de nou-
De Pougny, lui aussi signataire d'une déclara- veaux noms rattachés au uprémati me : Liou-
tion à l'occasion de 0,10 dont il était l'organisa- bov Popova, Nadiejda Oudalt ova, Véra Pestel,
teur, nous ne connaissons que deux Composi- Natalia Davydova et même Archipenko qui
tions suprématistes (coll. Beminger et Stedelijk vivait à Paris. La liaison avec Archipenko s'est
Museum, Amsterdam). En revanche, le grand sans doute faite par les Pougny qui l'avaient fré-
nombre de dessins à l'encre de Chine nous quenté dans la capitale françai e avant la pre-
montrent que l'artiste a exploré, pendant deux mière guerre mondiale 65 • Trois numéros étaient
années au moins, les régions de l'abstraction programmés sur le cubisme, le futurisme et le
pure, même si plus tard, dès 1922, il reniera suprématisme. Ce dernier mouvement devait
cette période, ne lui concédant que son carac- être présenté dans ses manifestation non seule-

_J tère expérimental mais lui refusant tout apport


nouveau dans l'histoire des arts.
Et pourtant, malgré lui, Pougny nous a laissé
ment en peinture mais aussi en culpture, archi-
tecture, musique, théâtre, art appliqué ... La
revue était prête à la publication quand les révo-
dans le style suprématiste ou inspiré directe- lutions de février et d'octobre 1917 éclatèrent,
ment par lui un ensemble qui nous étonne l'empêchant de jamais voir le jour.
encore aujourd'hui par son audace. Nous ne On connaît les nombreuse vignettes à l'encre
parlerons ici que de la peinture et des dessins de Chine que fit Lioubov Popova pour Supre-
totalement abstraits, laissant pour d'autres cha- mus. C'est à l'expo ition du Valet de Carreau de
pitres 1'analyse des reliefs, des objets et des 1916 qui vit, après Pétrograd, le uprématisme
I. Pougny, Composition suprématiste, 1916. œuvres suprémati tes-alogiste . Dans ses deux
Mine de plomb et encre de Chine sur papier, triompher à Moscou, que Lioubov Popova pré- L. Popova, Architectonique picturale : noir, rouge, gris,
28,5 x 25 cm. Paris, MNAM. Compositions suprématistes, nous sommes frap- senta quelques toiles sous le titre Architecto- 1916. H/t, 88, 7 x 71 cm. Moscou, Galerie nationale
I. Pougny, Composition suprématiste, 1916. pés par le fond bleu inhabituel, issu vraisembla- nique picturale. Pendant trois ans, jusqu'en 1919, Trétiakov.
Mine de plomb et encre de Chine sur papier beige blement de la poétique picturale primitiviste Lioubov Popova peindra des tableaux sous ce
collé sur papier, 48 x 34,5 cm. Paris, MNAM. (icône, enseigne, loubok). Pougny exploite tout titre. C'est un ensemble impre ionnant dans comme l'Architectonique picturale avec trois
le vocabulaire malévitchien : les plans cubistes l'art abstrait du xx:e siècle. L'artiste y déploie traits (stripes) ou l'Architectonique picturale
se sont détachés de toute fonction figurative. Ils tout son génie de l'invention formelle et de la (51 x 33 cm) du Musée national russe sont, pour-
ne sont plus liés en un seul bloc, ils se sont mis à couleur. rait-on dire, du « cubisme suprématisé », en
flotter librement sur un nouvel espace. Les Cubo-futuriste influencée par les cubismes somme une étape que n'a pas connue Malévitch,
beaux rapports noir-blanc, rouge vif-ocre mor- parisiens et les futuristes italiens, elle s'était par- lequel est passé sans transition du cubo-futu-
doré, ont l'intensité de ceux que l'on trouve tagée en 1915 entre des toiles de la plus grande risme le plus prolixe (alogiste) à la nudité mini-
dans la peinture d'icônes (écoles de Pskov et de complexité (où se mêlaient à peu près toutes les male de son uprémati me. La forme du violon
Carélie). La peinture est ici mise à nu dans son cultures picturales de l'art de gauche russe) et (ou de l'alto ou du violoncelle) est le point de
mode de fonctionnement essentiel, avec comme ses peintures et dessins « pla tique » qui sem- départ qui offre des éléments iconographiques
seule « histoire » celle des mouvements contras- blaient se ressentir de sa fréquentation des que l'on retrouve de façon récurrente dans l'art
tés et des rythmes.
reliefs de Tatline par l'épuration des plans. Ce de cette époque : double arrondi du corps de
processus de implification des unités colorées se l'instrument, rythme des parallèle de ses cordes,
poursuit en 1916 où l'on voit apparaître des sur- renflements. S'y ajoutent l'ovale ou l'arrondi
Le groupe upremu
faces suprématistes dans des compositions à d'une table avec une bouteille (Architectonique
facettes encore cubo-futuri te (Épicerie, Birsk). picturale du Musée national russe). L'organisa-
Après l'expo ition 0,10, Malévitch envi agea de Et puis, ce sont cette même année les première tion de l'espace est très proche de celle de Tat-
créer une revue sous le titre Zéro. C'est finale- Architectoniques picturales. Quelques-unes line dans ses contre-reliefs. Les éléments sont
ment le mot latin Supremus qui fut retenu, ce d'entre elles, peu nombreuses, comportent présentés verticalement comme une succession
qui donnait à ce titre et à ceux qui se groupèrent encore des éléments figuratif . Il faut supposer d'éléments posés les uns sur les autres, prêts à la
sous son enseigne une tonalité très futuriste, que ce sont les premiers essais de réduction de la projection dans l'espace. Il y a un sens, une
étrange (parce qu'étrangère au lexique slave), réalité à sa plus simple expre ion. L'Architecto- orientation claire alors qu'avec le uprémati me
voire my térieuse. Outre quelques signataires nique picturale (Nature Morte: Instruments) toute orientation précise est bannie.

146
147
L'AVANT-GARDE RUSSE
NON-FIGURATION ET ABSTRACTION

La dernière étape vers le sans-objet absolu Dynamique des formes) mais la comparaison
peut être représentée par l'Architectonique pic- s'arrête là. La structure baroque ukrainienne
turale à la planche jaune. Les éléments icono- des œuvres d' Alexandra Exter appartient à une
graphiques, comme le double arrondi qui figu- autre culture picturale que la structure rigou-
rait avant le violon, sont devenus de purs reuse, classique, plus dépouillée de la Russe
éléments plastiques, sans référence précise à un Lioubov Popova.
objet spécifique. Et c'est le triomphe de l'abs- Nadiejda Oudaltsova fera partie, elle aussi, du
traction totale dans des toiles comme Architec- groupe Supremus et pendant une courte période
tonique picturale Noir Rouge Gris (1916), dans - à peine deux ans. de 1916 à 1918 - elle créera
l'Architectonique picturale du MoMA (1917), une série d'œuvres (surtout des gouaches) sans-
dans les magnifiques séries des huiles de 1918. Il objet. Son cubo-futurisme est sans doute celui
y a là une ampleur, une monumentalité, une qui a été, dans l'art russe, le plus proche du
franchise qui emportent l'adhésion. Lioubov cubisme parisien. Aussi le suprématisme ne sera
Popova s'est lancée dans l'aventure du sans- qu'une courte étape dans sa création, un peu
objet, de la perte du sens figuratif, de l'explora- comme pour Pougny. Le monde des objets était
tion des multiples possibilités spatiales avec un trop plein d'attraits pour cette Grand-Russe
esprit de décision, une fougue et une énergie venue de la province d'Orel, pépinière de talents
inouïs. Elle n'emploie jamais les formes nues, d'où sont issus parmi les plus grands écrivains de
isolées du suprématisme. Il semble même que la terre russe (Tourguéniev, Tolstoï, Leskov). Il
dans toutes ces œuvres de 1916-1919, et jusque y a un côté paysan, terrien, dans toute l'œuvre, si
dans les variations de ses plus simples collage , raffinée par ailleurs, de Nadiejda Oudaltsova.
il n'y ait jamais moins de trois plans superposés. Une toile comme Construction picturale (1916)
Car Lioubov Popova, dès le début, uperpose, de la Galerie nationale Trétiakov est certes non-
met les unes au-dessus des autres des surfaces figurative mais pas encore totalement abstraite:
planes colorées. Le trait distinctif de la picturo- il s'agit d'un pas de plus, par rapport au
logie de Lioubov Popova réside dans la concen- cubisme, dans la décomposition de l'objet en
tration de toutes les surfaces planes, dans leur plans mais l'objet est là encore, sans doute un
fort ancrage au centre du tableau. Ce ne sont violon ou une guitare dont l'artiste a tracé la
pas des planète dans un espace infini. comme
chez Malévitch, ce sont des appareils upréma-
N. Oudaltsova, Composition suprématiste,
tistes compacts. La lumière y est même, au 1916. Gouache sur papier, 18,5 x 19,5 cm.
début (en 1916-1917), pratiquement bannie au Moscou, coll. Drévine.
profit d'une couleur dense, « énergétique »,
éclatante, qui reprend les deux couleurs ico-
niques emblématiques de Malévitch, le noir et
le rouge, y ajoutant des teintes typiquement
«russes» (mauve-violet, bleu azuré-bleu foncé,
rose-rouge, vert foncé-vert tendre ... ). Comme
chez Malévitch, la couleur ne fait référence à
En haut, de gauch; à droite : aucune symbolique culturelle. Si elle vient des
N. Oudaltsova, Structure picturale, 1916. tons de l'icône, c'est sous forme quintessenciée.
H/t, 106 x 79 cm. Moscou, galerie nationale Trétiakov. La lumière fait son apparition en 1918-1919. De
L. Popova. Architectonique picturale, c. 1918-1920.
Gouache sur papier. Coll. part. même que dans l'œuvre cubo-futuriste, la
source lumineuse n'est pas dans un lieu précis,
En bas, de gauche à droite :
A. Exter. Composition. Mouvement des plans, 1917-1918.
elle est diffuse, elle jaillit de partout, de l'inté-
H/t, 92,5 x 76 cm. Nijni Taghil, musée des Beaux-Arts. rieur des formes elles-même . Il y a une parenté
N. Oudaltsova. Composition suprématiste, c. 1916-1917. avec l'utilisation de la lumière à cette époque
Gouache sur papier, 24 x 30,5 cm. Coll. part. chez Alexandra Exter (par exemple. dans la

148
149
L'AVANT-GARDE RUSSE NON-FIGURATION ET ABSTRACTION

est plus grave, plus retenu, moins débridé et l'immobilité, pour devenir un moyen, aussi
franc (Composition, 31,5 x 24,1 cm, Galerie souple et riche pour exprimer nos émotions,
nationale Trétiakov). comme il est avec la musique [... ]. J'anime ma
L'œuvre de Véra Pestel est encore mal peinture, je lui donne le mouvement, j'introduis
connue. D'après les travaux qui ont commencé le rythme dans l'action réelle de ma peinture
à faire leur apparition dans les expositions, il abstraite, éclose de ma vie intérieure, mon ins-
apparaît clairement que le suprématisme de trument sera le film cinématographique, ce vrai
Malévitch l'a marquée autour de 1915-1918. symbole de mouvement amassé . » Ce ne sera
Une toile comme la Nature morte (1915) du cependant qu'une parenthèse dans la création
musée de Nijni-Novgorod montre que - comme de Survage, qui développera par la suite un
ses amies Nadiejda Oudaltsova et Lioubov cubo- urréalisme plein de poésie et de mystère.
Popova, en compagnie desquelles elle a fré- Dans le milieu parisien où les Russes ont une
quenté en 1912-1913 les ateliers de Le Faucon- place éminente, beaucoup ont fait quelques ten-
nier et de Metzinger - son cubo-futuri me s'est tatives d'abstraction. Nous citerons ici
totalement uprématisé, et même si l'on peut l'exemple de François Angiboult, [baronne
encore dans cette toile déceler des fragments Hélène d'Œtingen], égérie de urvage, de Char-
d'un instrument à cordes (courbes, cordes), tout choune et surtout de Férat [Yastrebtsov] avec
y est devenu absolument plan. La stéréométrie qui elle édite en 1913 Les Soirées de Paris
est bannie de ce tableau, même s'il y a une d'Apollinaire. Dans sa Composition, une tona-
recherche au niveau de la texture (l'huile est lité vive et gaie, de consonance slave, justifie les
travaillée à l'intérieur de la toile de telle sorte propos de Pierre Albert-Birot qualifiant les
que la texture présente des ré onnance diffé- œuvres picturales de la baronne « de vastes fan-
rente - de bois, de sable, granuleuse, lisse). On taisies de toutes couleurs qui sortiront l'auteur
V. Pestel, Nature morte, 1917-1918. H/t, 67 x 50 cm. voit que la facture n'a pas été un vain mot d'un minimum de mesure entravant ses
ijni- ovgorod, Musée régional.
d'ordre et que le livre de Markov a marqué pro- caprices 67 ».
fondément l'art russe, et ce jusqu'à la fin des Quant à Sonia Delaunay, si elle est allée
courbe aux deux arrondis dans une unité colorée années vingt. comme Robert Delaunay aux limites extrêmes
verte. Cependant le quadrangle noir, cité au Dans le fusain de la collection Costakis de la non-figuration, ses œuvres de 1912-1914
cœur même de la toile, fait apparaître le nouvel (20,5 x 16,6 cm), il ne reste plus trace de gardent toujours un rapport à l'objet ou aux
espace uprémati te totalement an -objet. Dans quelque objet que ce soit. La géométrie abs- lettres. Elle ne fera le saut dans le an -objet
la Compo ition suprématiste (48,5 x 40 cm) de la traite se fait trace, apparition de rythmes prêts à absolu que beaucoup plus tard, même si elle exé-
collection Strepp, la technique du collage supré- di paraître. Ainsi s'instaure un jeu - très supré- cute des formes abstraites pour une couverture
matiste, tran po ée dans la peinture pure, a per- matiste - entre l'apparent et l'inapparent. du berceau de son fils ou pour certaines reliures
mis de créer une facture feuilletée très com- de livres autour de 1913. Dans la magnifique
pacte, qui porte à ses limites abstraites le toile pour La Prose du trans ibérien et de la petite
cubisme analytique sur la surface plane. La QUELQUES TENTATIVES ISOLÉES Jéhanne de France de Cendrars (1913), on trouve
gouache de la collection Drévine (18,5 x 19,5 cm) à plusieurs niveaux la représentation, réduite
est un découpage capricieux, zigzagant, qui Les quelque cent encres colorées que urvage certes à des traits de couleurs, de la tour Eiffel,
couvre toute la surface d'une polychromie de [Stürzwage] a exécutées en 1913 pour un film celle même qui se profile dans les Fenêtres de
rouges, verts, noirs et jaunes. Le uprémati me a abstrait constituent un jalon capital dans la nais- Robert Delaunay à la même époque. On sait
forcé, dirait-on, la palette de Nadiejda Oudalt- sance de l'abstraction. Cet ensemble impres- que les Delaunay ont lu les textes du ph icien
S. Delaunay, illustration
sova, qui, avant et après l'épisode abstrait, sera sionnant annonce les films abstraits de Viking pour La Prose du Eugène Chevreul et en ont tiré une science et,
faite plutôt de tons retenus, sourds, de terre, à Eggeling et de Hans Richter (1920) et l'art ciné- transsibérien et de la petite plus encore, une valori ation des couleurs : « Les
déployer toute la panoplie vive, fraîche, chan- Jehanne de France, texte couleurs pures devenant plans et s'opposant par
tique. L'artiste écrivait en 1914 : « La peinture, de Blaise Cendrars, 1913.
tante de la gamme russe. Mais, même là, si l'on s'étant libérée du langage conventionnel des Texte sur papier simili contrastes simultanés créent pour la première
compare le suprématisme de Nadiejda Oudalt- objets du monde extérieur, a conquis le terrain japon avec reliure fois la forme nouvelle construite non par le clair
sova avec celui de ses amies Lioubov Popova ou en parchemin peint, mais par la profondeur de couleur même »,
des formes abstraites. Elle doit se débarrasser 199x36cm.
Olga Rozanova, on s'aperçoit que son colorisme de sa dernière et principale entrave - de Paris, MNAM. écrira Sonia Delaunay en 1926 . Dans ses

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L'AVANT-GARDE RUSSE

mémoires, elle avouera : « Je suis attirée par la comprendra mieux cela en se souvenant que CHAPITRES
couleur pure. Couleur de mon enfance, de Yakoulov a écrit : « Je suis allé de l'Orient à
l'Ukraine. Souvenir des noces paysannes de mon l'Occident, alors que les Européens sont allés
pays où les robes rouges et vertes ornées de de l'Occident vers l'Orient. Je suis parti du LES RELIEFS
nombreux rubans, volaient en dansant 69• » tapis-ornement pour arriver à l'expression figu-
C'est comme peintre affirmé que Yakoulov rative d'un thème, alors que les Européens sont
se rend à Paris en 1913. Ce n'est pas un hasard partis d'une forme illustrative pour arriver à
si parmi les nombreux peintres de la capitale une ornementation non-figurative. » 73
française il se lie d'amitié précisément avec Vladimir Baranov-Rossiné, autre peintre
Sonia et Robert Delaunay qui « cherchait à important qui a vécu dans le milieu parisien au
résoudre les problèmes du mouvement, de la contact des Delaunay, s'est adonné à l'abstrac-
TABLEAUX-BAS-RELIEFS chez les peuples sauvages, et sans doute chez
lumière, de la couleur, de la rythmique et de la tion totale épisodiquement entre 1913 et 1925.
cadence [... ], héritier direct de la tendance colo- La marque originale de son abstraction autour tous les peuples . »
Au moment même où Picasso et Braque font, à Le relief sur la peinture existe aussi, épisodi-
riste française qui, à commencer par Delacroix, de 1914 réside dans l'exploitation qu'il fait du
Paris, leurs premières constructions d'objets en quement, en Occident (parmi beaucoup
à travers les premiers impressionnistes jusqu'à ruban de Môbius avec ses possibilités d'enroule-
papier, tôle, fil de fer, bois, carton sur la surface d'exemples, dans la Crucifixion du Wallraf-
Signac, avait son origine dans l'école vénitienne ments et de déroulements à l'infini ( « Les
plane du tableau (1912-1913), on assiste chez les Richartz Museum de Cologne [vers 1430] où les
de peinture 70 ». Ces conversations et ces travaux Copeaux» du MNAM [vers 1920] et les gou-
artistes issus de l'Empire russe à la naissance têtes du Christ, de la Vierge et de saint Jean sont
de l'été 1913 ont porté leurs fruits. La Composi- aches de la collection Eugène Baranov-Rossiné).
d'un nouveau type d'art qui mêle peinture, des sculptures appliquées sur la planche de
tion abstraite du MNAM est une illustration des Dans Sans-objet (1917, Galerie Nationale
sculpture et relief et qui porte des noms divers : chêne). L'art de l'icône, outre son ancrage dans
préoccupations communes à cette époque. « La Trétiakov) et Composition (1917-1918, musée
« sculpto-peintures » (Archipenko), « sculp- l'invisible, avait élaboré au cours des siècles une
couleur a ici une sorte d'éclat visionnaire d'un de Saratov), nous assistons à une véritable sym-
tures peintes » (Baranov-Rossiné), « sculptures technique picturale très riche et complexe; les
dynamisme et d'une intensité jaillissante 71 • » phonie de morceaux de rubans de toutes les
picturales» (Pougny),« reliefs picturaux» (que anciens moines iconographes maniaient avec vir-
Mais Yakoulov revendiquera dans toute son couleurs. Le cadre du tableau est présent frag-
Tatline bapti era après 1915 « contre-reliefs 1 » ). tuosité et subtilité les matières picturales qu'ils
œuvre l'incarnation picturale dans des images mentaire, comme si la toile s'était ouverte, telle
Les frontières entre peinture, culpture et archi- savaient obtenir à partir de différentes pierres
figuratives des rythmes géométriques abstraits. une boîte de Pandore, et laissait s'échapper les
tecture s'effacent et rappellent alors que les dif- réduites en poudre. D'autre part, lorsque l'on
En collaboration avec le poète Bénédikt Liv- multiples possibilités de la palette dans des
férents arts plastiques ont en commun d'être ce regarde les objets qui nous ont été transmis par
chits et le compositeur Arthur Lourié, Yakou- espaces aux rythmes totalement inédits. La
que Panofsky nomme « des arts qui dessinent » l'art ecclésial du xvc au xv1r siècle dans le monde
lov fait paraître un manifeste traduit en italien gamme de Baranov-Rossiné est franchement
russien, nous sommes étonnés par la variété des
et en français : L'Occident et nous. Apollinaire ukrainienne avec des échos de l'orphisme de (zeichnende Künste 2).
Markov a donné de nombreux exemples de matériaux qui les constituent. Telle croix de
le publia dans le Mercure de France du 16 avril Sonia Delaunay (Sans-Objet) et même du Malé-
reliefs sur des surfaces planes dans l'histoire de l'école de Novgorod à la fin du xvc: siècle est
1914. On y lit des formulations comme : « L'art vitch de 1912-1913 (Composition). Il faut admi-
l'art:« [Dans les icônes] nous voyons un grand composée d'argent, de dorure, de cristal de
de l'Occident est l'incarnation de la conception rer dans ces œuvres, outre ce brillant colori me,
assortiment de matériaux. Nous y voyons une roche, d'almandrins, de perles ; sur telle autre
du monde géométrique, conception se dirigeant la richesse de l'architecture baroque (encore un
peinture entourée d'une bande de métal, que s'ajoutent tourmaline, turquoise, hyacinthe,
de l'objet au sujet ; l'art de l'Orient est l'incar- héritage de l'Ukraine natale !) et surtout la
la peinture enlace à son tour, nous y voyons malachite. Telle icône de l'école de Moscou du
nation de la conception du monde algébrique, diversité des factures suggérées par le pinceau
des icônes décorées de fleurs en papier, de col- xvnc: siècle comporte du bois, de la tempera, du
conception se dirigeant du sujet à l'objet 72 • » On ( ondulante, quadrillée, ligneu e, grillagée).
liers, de serviettes, des icônes avec des mica, de l'or, de l'argent, des émeraudes, des dia-
veilleuses pendant devant avec leur lumière mants, des rubis, du cuivre, du verre, de l'émail.
oscillante et leur fumée. Ce n'est pas tout : on On pourrait citer d'autres exemples de reliefs
incruste dans la peinture de l'icône un maté- sur une surface plane tout au long de l'histoire
riau étranger, pierres, motifs en relief en or ou de la peinture européenne. Mais, surtout, les
en argent, on la recouvre partiellement ou arts traditionnels russiens offraient l'exemple
entièrement d'une chappe de métal [ ... ]. Dans fameux des sculptures méplates sur les façades
les temps anciens on décorait les sculptures des églises de l'ancienne principauté de Vladi-
d'incrustations (yeux, cheveux, bouches, orne- mir-Souzdal (xuc: siècle), à environ 250 kilo-
ments colorés); nous en trouvons de nombreux mètres à l'est de Moscou. Dans l'art russien
exemples en Égypte, chez les Hittites, chez les ancien, dominé par l'esprit de l'orthodoxie, la
Phéniciens, en Assyrie, en Chine, en Grèce, sculpture en ronde-bosse était rejetée parce que

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L'AVANT-GARDE RUSSE

mémoires, elle avouera : « Je suis attirée par la comprendra mieux cela en se souvenant que CHAPITRES
couleur pure. Couleur de mon enfance, de Yakoulov a écrit : « Je suis allé de l'Orient à
l'Ukraine. Souvenir des noces paysannes de mon l'Occident, alors que les Européens sont allés
pays où les robes rouges et vertes ornées de de l'Occident vers l'Orient. Je suis parti du LES RELIEFS
nombreux rubans, volaient en dansant 69• » tapis-ornement pour arriver à l'expression figu-
C'est comme peintre affirmé que Yakoulov rative d'un thème, alors que les Européens sont
se rend à Paris en 1913. Ce n'est pas un hasard partis d'une forme illustrative pour arriver à
si parmi les nombreux peintres de la capitale une ornementation non-figurative. » 73
française il se lie d'amitié précisément avec Vladimir Baranov-Rossiné, autre peintre
Sonia et Robert Delaunay qui « cherchait à important qui a vécu dans le milieu parisien au
résoudre les problèmes du mouvement, de la contact des Delaunay, s'est adonné à l'abstrac-
TABLEAUX-BAS-RELIEFS chez les peuples sauvages, et sans doute chez
lumière, de la couleur, de la rythmique et de la tion totale épisodiquement entre 1913 et 1925.
cadence [... ], héritier direct de la tendance colo- La marque originale de son abstraction autour tous les peuples . »
Au moment même où Picasso et Braque font, à Le relief sur la peinture existe aussi, épisodi-
riste française qui, à commencer par Delacroix, de 1914 réside dans l'exploitation qu'il fait du
Paris, leurs premières constructions d'objets en quement, en Occident (parmi beaucoup
à travers les premiers impressionnistes jusqu'à ruban de Môbius avec ses possibilités d'enroule-
papier, tôle, fil de fer, bois, carton sur la surface d'exemples, dans la Crucifixion du Wallraf-
Signac, avait son origine dans l'école vénitienne ments et de déroulements à l'infini ( « Les
plane du tableau (1912-1913), on assiste chez les Richartz Museum de Cologne [vers 1430] où les
de peinture 70 ». Ces conversations et ces travaux Copeaux» du MNAM [vers 1920] et les gou-
artistes issus de l'Empire russe à la naissance têtes du Christ, de la Vierge et de saint Jean sont
de l'été 1913 ont porté leurs fruits. La Composi- aches de la collection Eugène Baranov-Rossiné).
d'un nouveau type d'art qui mêle peinture, des sculptures appliquées sur la planche de
tion abstraite du MNAM est une illustration des Dans Sans-objet (1917, Galerie Nationale
sculpture et relief et qui porte des noms divers : chêne). L'art de l'icône, outre son ancrage dans
préoccupations communes à cette époque. « La Trétiakov) et Composition (1917-1918, musée
« sculpto-peintures » (Archipenko), « sculp- l'invisible, avait élaboré au cours des siècles une
couleur a ici une sorte d'éclat visionnaire d'un de Saratov), nous assistons à une véritable sym-
tures peintes » (Baranov-Rossiné), « sculptures technique picturale très riche et complexe; les
dynamisme et d'une intensité jaillissante 71 • » phonie de morceaux de rubans de toutes les
picturales» (Pougny),« reliefs picturaux» (que anciens moines iconographes maniaient avec vir-
Mais Yakoulov revendiquera dans toute son couleurs. Le cadre du tableau est présent frag-
Tatline bapti era après 1915 « contre-reliefs 1 » ). tuosité et subtilité les matières picturales qu'ils
œuvre l'incarnation picturale dans des images mentaire, comme si la toile s'était ouverte, telle
Les frontières entre peinture, culpture et archi- savaient obtenir à partir de différentes pierres
figuratives des rythmes géométriques abstraits. une boîte de Pandore, et laissait s'échapper les
tecture s'effacent et rappellent alors que les dif- réduites en poudre. D'autre part, lorsque l'on
En collaboration avec le poète Bénédikt Liv- multiples possibilités de la palette dans des
férents arts plastiques ont en commun d'être ce regarde les objets qui nous ont été transmis par
chits et le compositeur Arthur Lourié, Yakou- espaces aux rythmes totalement inédits. La
que Panofsky nomme « des arts qui dessinent » l'art ecclésial du xvc au xv1r siècle dans le monde
lov fait paraître un manifeste traduit en italien gamme de Baranov-Rossiné est franchement
russien, nous sommes étonnés par la variété des
et en français : L'Occident et nous. Apollinaire ukrainienne avec des échos de l'orphisme de (zeichnende Künste 2).
Markov a donné de nombreux exemples de matériaux qui les constituent. Telle croix de
le publia dans le Mercure de France du 16 avril Sonia Delaunay (Sans-Objet) et même du Malé-
reliefs sur des surfaces planes dans l'histoire de l'école de Novgorod à la fin du xvc: siècle est
1914. On y lit des formulations comme : « L'art vitch de 1912-1913 (Composition). Il faut admi-
l'art:« [Dans les icônes] nous voyons un grand composée d'argent, de dorure, de cristal de
de l'Occident est l'incarnation de la conception rer dans ces œuvres, outre ce brillant colori me,
assortiment de matériaux. Nous y voyons une roche, d'almandrins, de perles ; sur telle autre
du monde géométrique, conception se dirigeant la richesse de l'architecture baroque (encore un
peinture entourée d'une bande de métal, que s'ajoutent tourmaline, turquoise, hyacinthe,
de l'objet au sujet ; l'art de l'Orient est l'incar- héritage de l'Ukraine natale !) et surtout la
la peinture enlace à son tour, nous y voyons malachite. Telle icône de l'école de Moscou du
nation de la conception du monde algébrique, diversité des factures suggérées par le pinceau
des icônes décorées de fleurs en papier, de col- xvnc: siècle comporte du bois, de la tempera, du
conception se dirigeant du sujet à l'objet 72 • » On ( ondulante, quadrillée, ligneu e, grillagée).
liers, de serviettes, des icônes avec des mica, de l'or, de l'argent, des émeraudes, des dia-
veilleuses pendant devant avec leur lumière mants, des rubis, du cuivre, du verre, de l'émail.
oscillante et leur fumée. Ce n'est pas tout : on On pourrait citer d'autres exemples de reliefs
incruste dans la peinture de l'icône un maté- sur une surface plane tout au long de l'histoire
riau étranger, pierres, motifs en relief en or ou de la peinture européenne. Mais, surtout, les
en argent, on la recouvre partiellement ou arts traditionnels russiens offraient l'exemple
entièrement d'une chappe de métal [ ... ]. Dans fameux des sculptures méplates sur les façades
les temps anciens on décorait les sculptures des églises de l'ancienne principauté de Vladi-
d'incrustations (yeux, cheveux, bouches, orne- mir-Souzdal (xuc: siècle), à environ 250 kilo-
ments colorés); nous en trouvons de nombreux mètres à l'est de Moscou. Dans l'art russien
exemples en Égypte, chez les Hittites, chez les ancien, dominé par l'esprit de l'orthodoxie, la
Phéniciens, en Assyrie, en Chine, en Grèce, sculpture en ronde-bosse était rejetée parce que

153
L'AVANT-GARDE RUSSE LES RELIEFS

considérée comme trop proche du fétichisme


païen. La tradition orthodoxe dans les arts plas-
tiques avait, de façon générale, comme perspec-
tive la dématérialisation des sujets et des formes.
Les reliefs méplats ornementaux des églises
orthodoxe ( on en trouve aussi dans les édifices
religieux byzantins de 1'Italie, par exemple à
Venise ou à Spolète et également dans l'art
roman où domine le bas-relief') s'intègrent dans
le tissu de la pierre comme une dentelle.
Les premiers reliefs véritables sont sans doute
les sculpto-peintures que l'Ukrainien Archi-
penko réalise en 1912 à Paris. De façon conco-
mitante, Braque et Picasso, après leur été passé
I. Pougny, Relief, 1915. Éléments en bois fixés sur toile et
peints à l'huile, 64,5 x 81 cm. Paris, MNAM. ensemble « à Sorgues en 1912, créent des
constructions en matériaux humbles et insolites
[ ... ], traitées en manière de bas-relief et de
façon à être le centre d'une vision multiple et
simultanée 5 ». Braque introduit du sable dans le
Compotier et bouteille, de la sciure de bois ou de
la limaille de fer, utilise les papiers collés (dès
V. Baranov-Ros iné, Symphonie n° 1, 1913. Bois et carton,
161 x 72 x 63,4 cm. New York, MoMA. l'Homme et pipe) ; Picasso se sert de divers
papiers dans Guitare de 1912, de tôle dans la
Guitare du MoMA (1912), de papiers collés et
fusain dans de nombreux travaux de 1912-1913,
A. Archipenko, Médrano /, 1912. Bois, verre et métal d'huile, de sable et de fusain sur la toile Guitare
peint. sur une table (1912-1913). L'ensemble de ces
techniques mixtes de Braque et Picasso en 1912-
1913 montre que l'art novateur s'est désormais
A. Archipenko, Carrousel Pierrot, 1913. Plâtre. approprié tous les matériaux possibles pour
créer une «peinture». On reste encore dans le
domaine de I'« œuvre peint» avec l'introduction
de nouveaux moyens, jusqu'ici ignorés par les
ateliers et les académie .
Archipenko, de son côté, n'est pas seulement A. Archipenko, Médrano Il, 1913. Bois et verre,
126,6 x 561,5 x 31,7 cm. New York, Solomon
l'inventeur, dans la sculpture du xxe siècle, du R. Guggenheim.
vide comme élément plastique, en particulier
dans son bronze polychromé de 1912 Femme appelle dès 1912 des« sculpta-peinture ». Alors
marchant6, mais il est également le premier à que Medrano I reste une culpture (autour de
avoir créé un nouveau genre d'art qui ne soit ni laquelle on peut circuler), avec Medrano Il
peinture, ni sculpture. Déjà, en 1912, dans son (1913-1914), nous avons affaire à un nouvel
Médrano I (aujourd'hui disparu), il annonce une objet, qui tient de la peinture puisque le point de
nouvelle ère dans la sculpture, en utilisant un départ est un support de bois sur lequel s'inscri-
assortiment de plusieurs matériaux hétérogène , vent des éléments en relief. le tout étant peint,
en l'occurrence du bois, du verre, du fer-blanc, mais qui tient également de la sculpture puisque
du fer, des objets trouvés, le tout polychromé. une figure est construite en relief à l'aide de
Archipenko poursuit cette abolition des fron- formes travaillées dans le métal, le bois, le verre
tières entre peinture et sculpture dans ce qu'il et la toile cirée. La construction est bâtie à partir

154 155
L'AVANT-GARDE RUSSE LES RELIEFS

1924 d'un autre grand artiste ukrainien, Vassy] est imprégnée de l'art égyptien. La vision de
Ermilov, qui reprendra en particulier l'iconogra- profil, les pieds qui évoquent ceux d'une énorme
phie du masque à la place de la tête. statue de pierre, donnent une note inédite dans
Le génie d' Archipenko dans l'art d'avant- l'ensemble du cubisme. Au Salon des Indépen-
garde européen ne réside pas seulement dans le dants de 1914, Médrano Il était accroché à côté
seul fait qu'il a transformé, comme tant d'autres du Portrait perfectionné d' Ivan Vassiliévitch
artistes de Paris originaires d'Ukraine (Sonia Kliounkov et du Samovar de Malévitch et avec
Delaunay, Alexandra Exter, Baranov-Rossiné), des œuvres de Pougny, des Bourliouk et de
les influences parisiennes en les marquant du Matiouchine. À cela, on voit les liens étroits
sceau de la culture colorée du monde« petit-rus- qu'Archipenko, résidant à Paris, continuait à
sien », mais aussi que toute sa pensée plastique entretenir avec les artistes de l'Empire russe.
Son nom figurait d'ailleurs parmi les membres
du groupe Supremus. Il est intéressant de
A. Archipenko, Baigneuse, 1915. Métal, bois et peinture. constater que le sculpteur ukrainien se soit senti
14 x 22 cm. Philadelphia Museum.
proche du groupe malévitchien ou ait été reven-
diqué par lui. On perçoit en effet une certaine
connivence entre la création d' Archipenko et le
suprématisme. Dans les bas-reliefs Femme à
l'éventail (1914) et Femme à genoux (1916-1917),
la construction, qui est inscrite dans un cadre et
évite de saillir de façon évidente en dehors de
celui-ci, est montée de façon dominante à partir
de plans géométriques présentés frontalement.
V. Tatline dans le costume ukrainien d'un bandouriste
La Femme à l'éventail est toute illuminée par la aveugle, 1914, Berlin.
couleur jaune mordorée, couleur des blés et des
tournesols d'Ukraine. Ces œuvres exerceront contemporaine (1923) . Aujourd'hui, tout le
une influence déterminante sur Ermilov (par monde s'accorde à dire que les premiers reliefs
exemple, dans sa Guitare de la coll. Ivakine ). tatliniens ont été exécutés en mars-avril 1914,
Dans Femme à genoux, les formes sortent du après le voyage de Tatline à Berlin, puis à Paris
cadre du tableau, en s'arrondissant comme une où il a pu voir l'atelier de Picasso, lors de la
A. Archipenko, Femme à l'évantail, 1914. Tel-Aviv,
niche, suggérant une visée architecturale. La seule visite qu'il y fit 9 • Ses premiers reliefs ont
musée d'Art moderne. voie ouverte par Archipenko mènera à une syn- été montrés dans son atelier moscovite en mai
thèse encore plus radicale où peinture et sculp- 1914. À cette occasion, l'artiste avait envoyé
d'une barre cubique verticale, légèrement ture vont emprunter à l'architecture les prin- l'invitation suivante : « Mesdames et Mes-
oblique, qui est l'axe sur lequel viennent s'arti- cipes de base de la construction, du bâti, de sieurs! Les 10, 11, 12, 13 et 14 mai de cette
culer les cônes, les circonférences, les sphères du l'édification d'une nouvelle espèce artistique. année, de 6 à 7 heures, sera ouvert le studio de
premier cubisme - le cézannisme géométrique. En Russie même, Tatline crée les premiers Vladimir Tatline (Ostojenka 37, appart. 3) : on
Les contours, même s'ils ne sont pas mimé- reliefs. L'influence conceptuelle et formelle du pourra voir gratuitement ses compositions syn-
tiques, tracent de façon totalement lisible le milieu parisien a sans aucun doute permis à thético-statiq ues ; à cette occasion, pendant
corps d'une femme de cirque transformée en l'artiste de faire évoluer la peinture plane de tous ces jours-là, à 7 heures, le futuriste Sergueï
magnifique marionnette picturale. Le caractère chevalet vers un nouvel objet. S'il n'a jamais Podgaïevski 10 dynamo-déclamera ses derniers
ukrainien de l'art d'Archipenko se manifeste ici fait un seul tableau dans le style du cubisme records poéto-transmentaux. »
dans une tendance au baroque, un goüt des analytique ou synthétique , ses premiers reliefs Pougny, en publiant Bouteille. Relief pictural.
gammes colorées spécifiques (le bleu azuré rap- indiquent qu'il en a reçu le premier choc et ne se prive pas de souligner l'antériorité de
pelle les couleurs de la cathédrale Saint-André, emprunté l'iconographie. C'est le cas du bas- Picasso et de sa Bouteille de 1913 1 • Le peintre
œuvre de Rastrelli, à Kiev) et de l'ornementa- relief Bouteille. Relief pictural, reproduit pour insiste sur le caractère figuratif, concret et
tion (la bordure de la robe). On retrouve la première fois par Ivan Pougny, à qui il appar- conventionnel de la représentation de l'objet
l'influence d'une telle œuvre dans les reliefs de tenait, dans son petit livre berlinois La Peinture chez Picasso et chez Tatline. La bouteille est

156 157
L'AVANT-GARDE RUSSE LES RELIEFS

représentée chez Picasso par une planchette de


bois tandis que Tatline rend le verre « en décou-
pant une surface plan dans du fer blanc et en les
recouvrant d'un grillage », grâce à quoi « il
montre la transparence » 12• Si le point de départ
de l'œuvre de Tatline est bien la Bouteille de
Picasso, le résultat est totalement différent.
Tout d'abord, l'abstraction est plus forte chez
Tatline. Le contour est certes là pour nous rap-
peler un objet déterminé, mais cette bouteille
est présentée comme un personnage d'icône
avec son nimbe sur le goulot, et la surface plane
de cette « image » s'imbrique dans un demi-
cylindre en saillie : comme si l'icône (l'image),
réduite à son contour, laissait la place au seul
matériau, chargé désormais de toutes les éner-
gies. Peut-être est-ce pour cette raison que Tat-
line a présenté ce relief à l'envers sur une pho-
tographie légendée par lui, afin que la bouteille
ressemblât le moins possible à une bouteille 13•
C'est à notre connaissance l'unique relief de
Tatline qui ait des vestiges de figuration. Le
seul relief pictural qui nous soit parvenu (à part L. Popova, Portrait d'une dame (dessin plastique), 1915. L. Popova, Pichet sur une table
V. Tatline, Relief pictural[« Bouteille»], c. 1914. Huile, papier, carton et bois, 63,3 x 48,5 cm. (peinture plastique), 1915.
le Contre-relief bleu) est celui de l'ancienne col- Cologne, musée Ludwig. Moscou, Galerie nationale Trétiakov.
lection Costakis (Galerie nationale Trétiakov).
V. Tatline, Reliefpictural, 1914. Bois, métal et cuir. La photographie de l'état original du relief l'exposition Magasin réunie par Tatline à Mos- est à peine lisible, même si on discerne la sil-
Photographie de l'état originel de l'œuvre se trouvant montre qu'il s'agit d'une « application » totale- cou en 1916. La Première exposition futuriste de houette du personnage et celle de l'objet.
à la Galerie nationale Trétiakov à Moscou (Archives
Herman Beminger).
ment abstraite : sur une planche de bois brute, tableaux Tramway V voit le triomphe de ce Curieusement, il y a une parenté iconogra-
non polie, sont cloués des morceaux plats de nouveau genre artistique que sont les tableaux- phique, dans l'utilisation du ruban de Môbius,
bois, de métal et de cuir. Seul un fil de métal reliefs 14 • Toutes les variétés de reliefs sont avec certaines œuvres de Baranov-Rossiné.
tordu détruit légèrement l'effet plan dominant. représentées : bas-relief, applications, figuratifs, D'autre part, le Portrait d'une dame (dessin
Il n'y a pas de peinture. Les matériaux sont non figuratifs et « objets trouvés ». À la Der- plastique) est comme la tran formation en un
cloués tels quels avec leurs nuances de cuivre, nière exposition futuriste de tableaux 0,10, Tat- relief cuba-futuriste du grand Nu tatlinien de la
de fer-blanc ou de cuir brunâtre. Par rapport à line expose à l'écart des suprématistes et de Galerie nationale Trétiakov. Mais Boccioni est
tout ce qui a été fait à Paris par Picasso, Braque leurs reliefs et contre-reliefs et Lioubov Popova passé par là, le Boccioni du plâtre Tête+ Mai-
ou Archipenko, c'est une véritable révolution pré ente, entre autres, ses« dessins ou peintures son + Lumière montré à son exposition de
qu'opère Tatline avec ses reliefs picturaux sans plastiques » qui sont une interprétation dans le sculpture à la galerie La Boétie en juin-juillet
objet: celle de l'ab traction absolue. volume du cubisme ynthétique et se ressentent 1913 quand Lioubov Popova était à Paris. Le
Quatre expositions con acrèrent cette nou- de la fréquentation de l'atelier de Tatline. clin d'œil à l'Italie se retrouve, comme dans de
velle forme d'art qui n'avait rien à voir avec les Le Portrait d'une dame (dessin plastique), le nombreux tableaux de cette époque, dans les
séculaires peinture de chevalet et sculpture en Pichet sur une table (peinture plastique) et Thé inscriptions en italien du Pichet sur la table
ronde-bosse : la Première exposition futuriste de Lioubov Popova appartiennent de toute évi- (peinture plastique) où l'on distingue le début
de tableaux Tramway V, organi ée à Pétrograd dence à la culture picturale cuba-futuriste avec du mot LIR[E] (2 LIR [E]). Ces œuvres seront
au début de 1915 par Pougny, L'Année 1915 le jeu instauré entre la monumentalité architec- montrées à l'exposition 0,10 car elles consti-
organisée par le peintre K.V. Kandaourov à tonique du sujet et la mise en mouvement des tuent, chez Lioubov Popova, le dernier pas dans
Moscou au printemps, la Dernière exposition plans grâce à des spirales amples et vigoureu e . la décompo ition de l'objet avant la disparition
futuriste de tableaux 0,10 organisée également Nous sommes, sinon dans l'abstraction, du totale de celui-ci (les « rchitectoniques pictu-
par Pougny et qui se tint à Pétrograd fin 1915 et moins en plein dans la non-figuration : le sujet rales » de 1916). Quand on compare Portrait

158 159
I. Klioune, Paysage qui passe en courant, 1914-1915. I. Klioune, Le Flutiste, 1917.
Bois, métal, porcelaine, 74 x 58 cm. Moscou, Galerie Moscou, Galerie nationale Trétiakov.
nationale Trétiakov.

O. Rozanova, Cycliste, 1915. Crayon sur papier, O. Rozanova, Automobile, 1915. Crayon sur papier,
13,5 x 10,1 cm. Coll. Costakis, inv. 1038. 13,5 x 10,1 cm. Coll. Costakis, inv. 1036.

L Popova, Le Thé, 1915. Relief collage, plâtre. couleur encollée, sable, carton, bois, 39 x 33,5 x 10,5 cm. Coll. part.

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. Y),1--i,,,
.....

160 LI
V. Baranov-Rossiné, Relie/toréador, c. Jl11s. Assemblage de
V. Tatline, Contre-relie/bleu. c. 1914. Assemblage de bois, cuir l.!t métal. 79.5 44 cm. bois collés et vissés sur bois, 131.5 x 46 en . Coll. part.
Coll. part.

LIV LV
d'une dame et Pichet sur une table, voire Thé,
on s'aperçoit combien l'art de gauche russe a
créé des chefs-d'œuvre tout en se livrant à des
expérimentations: dans le premier cas - c'est la
vivacité orientale des couleurs fauves, dans les
deux autres œuvres - l'ascétisme presque mono-
chrome du cubisme analytique français.
Le bas-relief de Klioune Paysage qui passe
en courant (1914-1915) est un assemblage, à
l'intérieur du tableau, de morceaux de bois, de
i porcelaine, de métal sur le thème futuriste de la
vitesse. C'est une variante de nombreuses
œuvres à l'encre, au crayon ou à l'huile que
Klioune a exécutées, comme nous l'avons vu,
dans la foulée de Balla. La manière dont cette
œuvre est montée, la présence de vrais isola-
teurs d'électricité en porcelaine, la volonté de
laisser tous les éléments à 1'intérieur du cadre
en évitant de les faire saillir en dehors, tout
cela est inédit pour l'époque et annonce le
dadaïsme et le travail de Kurt Schwitters.
Les Joueurs de cartes de Pougny (aujourd'hui
Ci dessus: I. Pougny. La Boule blanche, 1915.
Boule en métal sur tiroir en bois peint, disparu), assemblage hétéroclite de bouts de
34 x 51 · 12 cm. Paris, MNAM. bois, de papier peint et de plu ieurs matériau ,
participe de ce même esprit que l'on pourrait
Ci-contre: 1. Pougny, La Tenaille, 1915. Planche, tenaille
appeler « pré-dadaï te », esprit qui a été lancé
S. Dymschitz-Tolstaïa, Relief de verre, 1925. Métal et verre,
de fer et boule rouge, 55 x 32 x 9 cm. Coll. part. par la transmentalité (zaoum) de Khlebnikov et 39 x 44, 2 cm. aint-Pétersbourg, MNR.
de Kroutchonykh et l'alogisme de Malévitch.
Ci-dessous: I. Pougny, Le Marteau, c. 1920-1921. Marteau
monté sur cartons peints à la gouache, 80 x 65 x 9 cm. Nous sommes dans la non-figuration totale
Coll. part. (mais pas dans l'abstraction), dans une joyeuse
S. Dymschitz-Tolstaïa, Relief de verre, 1915. Métal et verre,
instrumentation de matériaux hétéroclites. Les 24,1 x 17,5 x 5,1 cm. New York, Rosa Esman Galerie.
personnages sont tran formés en robots totale-
ment dé articulés, totalement méconnais able .
À ce type de bas-reliefs doivent être rattachés
les « Reliefs de verre » dont Sofia Dym chitz-
Tolstaïa a présenté six œuvres à l'exposition
Magasin. Ceux des reliefs que nous connaissons
(ancienne coll. Khardjiev, Musée national russe,
Rosa Esman Galerie) montrent un travail très
original sur la texture, qui apparente Sofia Dym-
schitz-Tolstaïa à son maître Tatline. Cette artiste
fera d'ailleurs partie de l'équipe qui mettra sur
pied la Tour à la Ille Internationale de Tatline en
1919-1920. L'originalité des reliefs de Sofia Dym-
schitz-Tolstaïa vient de ce qu'elle remplace la
toile ou le bois traditionnels par le verre. Cette
pratique existait, certes, dans l'art populaire, sur-
tout religieux, qui a fait un usage très large de la

161
VI
LES RELIEFS
L'AVANT-GARDE RUSSE

«sculpture» qu'Olga Rozanova montre à cette plus dépouillé : les plans présentés frontalement
exposition (Cycliste) est affublée d'un anneau dominent la construction. Par rapport à Archi-
qui franchit à son tour les limites du cadre. Les pe nko, l'utilisation de la moitié d'une vraie
« sculptures » d'Olga Rozanova, autant que l'on chaise apposée à la paroi verticale qui sert de
puisse en juger par leur reproduction dans un support, dénote une véritable originalité. On
journal de l'époque, sont totalement non figura- voit que le principe des ready -mades de
tives et, comme beaucoup d'œuvres de l'avant- Duchamp - « objets usuels promus à la dignité
garde russe en 1914-1915, absolument alo- d'objets d'art par le simple choix de l'artiste » -
giques, transmentales et, si l'on veut , a eu un écho direct chez les Russes mais l'« iro-
pré-dadaïstes. nisme d'affirmation » de ces œuvres n'a pas le
C'est sans doute sous l' influence d'Archi- caractère gratuit des ready-mades, car il intègre
penko que son compatriote Baranov-Rossiné a la forme de ces objets utilitaires, considérés par
fait, lui aussi, des reliefs selon un principe iden- l'art comme dérisoires, à une nouvelle construc-
tique : la figure se tient à l'intérieur du cadre tion de l'espace pictural.
(Le Toréador et Artiste invalide, vers 1915). Chez les artistes russes, l'ironie est un geste
Archipenko a été, autant qu'Alexandra Exter, préalable, conceptuel et négateur (le fameux
un trait d'union entre Paris et Saint-Péters- nihilisme russe !), permettant ensuite d'inventer
bourg-Moscou-Kiev. La circulation des idées à nouveau. '
picturales a pu se réaliser grâce à la présence à Dans Femme cubiste à la toilette de Klioune,
Paris d'artistes russes qui se firent les relais de les éléments tirés d'objets usuels font partie
toutes les nouveautés de la capitale française d'une composition complexe et seul ce com-
auprès de leurs confrères restés en Russie 15 • plexe formel leur donne toute leur valeur.
Bénédikt Livchits, ami d' Alexandra Exter, rap-
porte dans ses mémoires la façon dont les der-
I. Klioune, Femme devant un miroir, 1915. Disparu.
nières nouveautés parisiennes étaient aussitôt
connues en Russie et assimilée : il décrit David
et Vladimir Bourliouk en 1911 examinant atten-
tivement « une photographie de la dernière
œuvre de Picasso. Exter l'a rapportée de Paris
V. Baranov-Rossiné, Contre-relief, Artiste invalide, tout récemment. Le dernier mot de la peinture
c. 1915. Duisburg, Wilhelm Lehmbruck Museum. françai e. Prononcé là-bas dans l'avant-garde, il
sera transmis comme un mot d'ordre - on le A. Archipenko, Femme cubiste à sa toilette, 1914. Verre,
peinture sur/sous verre (Hinterglasmalerei), de la transmet déjà - sur tout le front de gauche, il bois, métal et miroir. Disparu.
Bavière à la Roumanie (Kandinsky a créé éveillera des milliers d'échos et d'incitation , il
quelques œuvres de Hinterglasmalerei). Sofia posera la base d'un nouveau courant 16 ».
ASSEMBLAGES DE MATÉRIAUX
Dym chitz-Tolstaïa met cette technique au ser- La justesse de l'observation de Livchits se
vice d'un art non figuratif (le Relief sur verre du vérifie en comparant le relief d' Archipenko Les reliefs picturaux crées par Tatline en 1914,
Musée national russe de 1925 a des lettres Femme devant un miroir exécutée en 1914, dont comme ses contre-reliefs et ses reliefs angulaires
peintes sur la surface) ou ans-objet {les reliefs il nous reste une photographie, et l'œuvre de qu'il élabore à partir de 1915, ont presque tous
de 1916 jouent sur le contraste transparence/opa- Klioune Femme cubiste à sa toilette montrée à di paru . Il ne nous reste pour la plupart que des
cité en laissant nues des plages de verre). l'exposition Tramway V, aussi disparue mais photographies, voire des descriptions incom-
Une reproduction de la pièce Automobile dont un cliché s'est conservé 17 • Le relief de plètes dans les comptes rendus d'expo ition de
d'Olga Rozanova présenté à l'exposition 0,10 Klioune répète le même motif d'une marion- l'époque ou dans les mémoires de contempo-
nous montre une scuplture-relief constituée nette assise avec un montage de bois et de rains. C'est à ce moment-là pourtant que Tatline
d'un cadre sur lequel, à l'angle upérieur droit, matériaux hétéroclites. Mais, alors que le relief a été un créateur révolutionnaire, le fondateur
vient s'appliquer obliquement un autre quadri- d'Archipenko est surchargé d'éléments figura- non seulement d'un type d'abstraction radicale
latère, tandis que dans l'angle inférieur gauche tifs de toutes sortes, plus nettement baroque mais aussi de toute une ligne d'art où l'esprit
un poids est suspendu par un fil. L'autre que Médrano , celui de Klioune est beaucoup

163
162
L'AVANT-GARDE RUSSE LES RELIEFS

En fait, ce que Tatline appelle « relief » ou technicité froide des dénominations tatliniennes. plastique. Le mot facture deviendra un mot
« contre-relief » est quelque chose de tout à fait Rien d'autre n'intervient que le travail profes- d'ordre majeur de l'art des années vingt en Rus-
différent du collage. Certes, le collage a joué un sionnel de l'artiste sur le matériau, sur la facture sie; il met l'accent sur le matériau en tant que
rôle d'impulsion évident, mais si dans les reliefs (i.e. texture), les problèmes posés par chaque tel, sur ses particularités, sur sa mise en œuvre
et les contre-reliefs le « tableau » (planche ou matériau dans son aspect brut. Cette culture du par le travail de l'artiste. La facture désigne
mur) reste un support (comme le socle dans la matériau sera à la base du constructivisme à par- bien chez les cubo-futuristes la texture même
sculpture traditionnelle), le rapport entre le du matériau utilisé. Voici comment le thurifé-
tir de 1920.
« tableau » et le « relief » réside avant tout dans raire de Tatline, Nikolaï Pounine, analysait la
La réflexion menée en Russie, à partir de
« l'accrochage ». Cela est particulièrement évi- place de la facture dans la fabrication de
1912, sur la facture permet de comprendre com-
dent dans le relief de 1914, communément ment Tatline a pu créer son nouveau système l'œuvre : « Le travail de la surface à l'aide des
appelé Contre-relief bleu, dont A. trigaliov a
fait une analyse détaillée. V. Tatline, Assemblage de matériaux, c. 1915. V. Tatline, Assemblage de matériaux. c. 1915.
Diverses espèces de bois (sapin, pin, chêne,
poirier, aubépine, hêtre), du cuir, du métal
entrent dans la composition de ce travail. Deux
planches de bois usagées, qui pourraient être les
éléments d'une porte, d'un volet ou d'une palis-
sade, constituent le support. Ces planche sont
badigeonnée avec une peinture à l'eau bleue
sur laquelle a été pulvéri ée une couche épaisse
de craie. L'historien d'art Dmytro Horbatchov
voit dans ce relief un équivalent abstrait de l'ins-
V. Tatline. Assemblage de matériaux, c. 1915. trument de musique ukrainien, la kobza, motif
que Tatline avait traité dans une œuvre de 1913,
d'invention, de découverte de nouveaux conti- aujourd'hui perdue. On peut y voir aussi un
nents de beauté, s'allie à l'amour du matériau. équivalent abstrait d'un bateau-voilier.
Anatoli Strigaliov, le grand spéciali te de Tat- Mais ces a sociations ne rendent qu'approxi-
line, fait remarquer que les « assemblages de mativement compte d'une œuvre qui, en réalité,
matériaux », ou « a semblages matériels » consti- ne figure rien d'autre que des matériaux en un
tuent une « hypertrophie du procédé du collage, certain ordre assemblés. Le Contre-relief bleu,
tel qu'il avait été introduit par les cubistes 18 ». même s'il appartient encore, comme le constate
Il faut faire ici une distinction entre « relief » A. Strigaliov, à la série des« compositions syn-
et « collage ». Le collage est avant tout un thético- tatiques » de 1914, annonce la nouvelle
moyen de contraste dans le tissage pictural qui étape que sont les « contre-reliefs » de 1915-
ne détruit pas le caractère plan de la surface, 1916, par le fait même que la saillie des éléments
mais lui donne seulement une « sonorité » nou- appliqués marque une avancée dans l'espace qui
velle, selon l'expression de Markov. Le relief, leur fait quitter déjà le statut du « collage-bas-
lui, est une extension dans l'espace, une saillie, relief ». L'appellation de « contre-relief »,
une excroissance, qui crée un autre genre plas- d'esprit très futuriste, prend alors tout son sens:
tique, comme c'est le cas dans les« reliefs pictu- ces pièces, en effet, ne sont pas des culptures
raux», les« contre-relief » et les« reliefs angu- mais des reliefs mis contre la surface du tableau,
laires » de Tatline. Cette hybridité fut ressentie celui-ci restant le lieu d'où les formes se projet-
comme radicalement antagoniste par Malévitch. tent dans l'espace; les« contre-reliefs » de Tat-
En juin 1915, ce dernier écrivait de façon polé- line sont toujours accrochés à une surface,
mique:« Chaque surface plane picturale, trans- qu'elle soit plane ou en angle (suspendue à
formée en relief pictural saillant est une sculp- l'intersection de deux murs dans les « reliefs
ture artificielle, et tout relief-saillie, tran formé angulaires» de 1915). Ces œuvres ont encore le
en surface plane, voilà la peinture 19• » statut du tableau accroché. On note la volontaire

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L'AVANT-GARDE RUSSE
LES RELIEFS
couleurs, voilà la tâche réelle du peintre. Mais
« la facture du marbre, d'une écorce, etc. ,._ nègres pour ce qui est de l'emploi des l'actualisation d'une forme apparaît la distinc-
la surface - comme les couleurs -, c'est du
Dans Les Âmes mortes, Gogol écrit à la fin du matériaux : les créateurs primitifs utilisaient tion entre la forme substantielle et la forme
matériau, coloré, étendu, pouvant beaucoup
chapitre 11 de la première partie : « (Tchitchi- plusieurs matériaux à la fois (bois, paille, accidentelle. La forme substantielle est l'acte
contenir, texturel, liquide ou solide, cassant ou
kov] avait une connaissance décisive de tout : il coquillages, ambre, verre, mica, anneaux, boîtes grâce auquel la matière indéterminée, n'étant
extensible, souple, compact et pondéreux, et
n'avait pas besoin de peser, de mesurer, mais il de conserve, ficelles, etc.) ; tout matériau est bon que simple potentialité, devient un objet déter-
comme tout matériel, il cherche sa propre
reconnaissait à la facture combien d'archines de pour créer un objet d'art; il n'y a pas de maté- miné. À la différence de Platon où la forme
forme. Le matériau sans forme est un élément,
toile ou d'un autre tissu il y avait dans telle ou riaux nobles et de matériaux vils:« Le vrai cise- comme eïdos est transcendante, accessible à la
on peut le penser (Picasso), mais il est impos- telle pièce. » leur ou artiste est celui qui comprend aussi les raison et séparée des choses isolées, il n'y a chez
sible de l'étudier et encore moins de le tra-
David Bourliouk fut l'initiateur théorique matériaux bon marché et peut créer avec eux 23 »; Aristote aucune séparation entre la forme et
vailler. La forme est l'épure du monde, la ligne
d'une réflexion sur la pratique de la facture chez la différence avec les préciosités baroques euro- son substrat matériel. La forme est immanente
de sa mise à nu, les signes des lois de la matière
tous les artistes de l'avant-garde. Sur le sol péennes où existent aussi des assemblages de au matériau 29•
établis par l'art 20• »
russe, on le sait, les expérimentations des matériaux disparates, réside dans le fait que II ne fait pas de doute que la conception tatli-
Tatline n'est ni un théoricien, ni un penseur-
cubistes et des futuristes furent aussitôt assimi- « chez les primitifs nous voyons des combinai- nienne du matériau s'inscrit dans cette tendance
philosophe, comme ont pu l'être Kandinsky,
lées et, plus important, conceptualisées, déve- sons plus pures, éloignées des associations de la philosophique, même si l'auteur des contre-
Malévitch et dans une certaine mesure Lario-
loppées et transformées en un système spécifi- vie de tous les jours, plus créatrices, fondées sur reliefs n'a probablement jamais lu Aristote. Il
nov ou Filonov. On trouvera peu d'indications quement russe. la joie innocente, immédiate, donnée par les s'agit d'une convergence historiale. Jusqu'ici,
sur son travail dans ses écrits, qui ne sont jamais
Ainsi parut, en 1914, le célèbre livre du matériaux 2". » dit Tatline, on n'a pas re pecté le matériau, on a
des traités ou des essais. Ses œuvres parlent par
peintre et théoricien letton Markov, Principes La pratique tatlinienne dénote une évolution détourné son attention de « la matière même,
elles-mêmes. Tatline n'a voulu appartenir à
de la création dans les arts plastiques. La facture. de l'œil vers le toucher. En 1918, l'artiste pou- des objets, des énergies enfouies dans leur pro-
aucun des mouvements qui J'ont revendiqué.
La facture existe, pour Markov, dans toutes les vait écrire : « Depuis 1912 j'attire l'attention de fondeur 30 ». Sergueï Issakov, le futur contemp-
Dans le dépliant qu'il fit paraître lors de la Der-
branches des arts plastiques, aussi bien en pein- mes collègues sur le perfectionnement de teur de Malévitch et de Filonov, souligne cet
nière exposition futuriste de tableaux 0,10, il
ture qu'en sculpture et en architecture. C'est l'œil25. » Deux ans plus tard, au cours de sa col- aspect, en ajoutant:« [Tatline] fait face à l'idole
exprime son attitude négative à l'égard de tous
une loi de la nature, laquelle « élabore tous les laboration à la Tour de la Troisième Internatio- de notre époque. Il dégage la nature cachée de
les « - ismes » et de toutes les associations artis-
matériaux, créant des factures 21 » : « La vie nale, il ajoutera : « Nous ne croyons plus à l'œil, la matière qui détermine notre industrie entière
tiques: « Je n'ai pas appartenu et n'appartiens
organique sur la terre, c'est le chaos des fac- et nous voulons le contrôler par le toucher 26• » et provoque la lutte aiguë entre l'idéologie et la
ni au tatlinisme, ni au rayonnisme, ni au futu-
tures qui changent constamment 22 • » Markov En 1920, Tatline formule son rapport au réalité; il découvre les lois des énergie assou-
risme, ni au mouvement ambulant, ni aux au-
trouve partout dans les cultures archaïques matériau: « La peinture a perdu toute relation pies au fond de la matière, les transcende
tres groupements. » Pourtant, Tatline est le
cette propension au traitement des surfaces, avec la sculpture et l'architecture ; quant aux jusqu'à la sphère de la beauté - et par cela il
contraire d'un artiste individualiste. Paradoxa-
que ce soit celles des objets ou celles du corps. artistes, ils ont rabaissé la matière en ne l'utili- l'emporte aussitôt sur le monde matériel, il nous
lement, il incarne dans l'avant-garde russe le
Si l'on veut comprendre les impulsions concep- sant pas conformément à sa nature 21 • » Les donne l'espérance qu'un jour, peut-être,
modèle d'un maître, au sens médiéval du terme
tuelles qui ont marqué Tatline, il faut lire, dans expre ions « rabaisser » et « non conforme à sa l'humanité entière sera capable de secouer le
c'est-à-dire celui qui anime une communauté e;
le livre de Markov, le chapitre qui s'intitule nature », s'appliquant à la matière, désignent joug humiliant de la machine 31 • » Dans l'objet
lui transmet son savoir-faire dans la pratique.
« Nabor matérialov » (Combinaison de maté- celle-ci comme un être vivant, en tout cas d'art, les éléments constituants sont donc le
N'oublions pas qu'il a été peintre d'icônes aussi
riaux), proche Iexicalement du nom podbor comme un organisme vivant à l'égard duquel matériau et l'espace dans leur état brut, non tra-
bien que mousse sur des navires, métiers où le
matérialov (assemblage de matériaux) donné l'artiste a une sorte un devoir moral. Ici, il fau- vaillé. « Les matériaux ont chacun leurs formes
besoin de totale liberté personnelle s'allie à un
par Tatline à ses contre-reliefs ou reliefs angu- drait rappeler la ligne « organici te » dans l'art caractéri tiques » - écrit le grand exégète de
sens communautaire aigu.
laires. Markov énumère les différentes situa- d'avant-garde russe dont Koulbine, Matiou- Tatline, N. Pounine 32 • C'est dire que la forme
Nous devons garder ces éléments en mémoire
tions où l'homme, dans toutes les parties du chine, Eléna Gouro, Filonov sont les repré en- est dictée par le matériau. L'artiste n'est plus un
en abordant la question du matériau et de son
monde, crée de la beauté grâce à des arrange- tants les plus typiques (mais un Larionov ou un «démiurge», il est co-agi ant.
traitement sur une surface, la facture, chez Tat-
ments hétéroclites. Cela est vrai aussi bien de Malévitch participent aussi de ce mouvement . Dans ses « tableaux-reliefs » et ses « contre-
line. Entre 1912 et 1914, la facture est devenue
l'ensemble que représentent l'icône et son ins- Le rapport de Tatline au matériau pourrait reliefs » angulaire , Tatline recherche la tension
un des points centraux de la réflexion et de la
tallation dans les lieux de culte ou les maisons être considéré comme une ré urgence, dans le interne, la rythmique intrin èque des éléments
pratique de l'art de gauche russe. La faktoura
( « le beau coin ») que de l'art nègre, auquel contexte de l'avant-garde russe, de l'aristoté- matériels réuni . eouton encore S. lssakov à
désignait la texture, la structure du matériau lui-
l'artiste letton a consacré un petit livre avant sa lisme. Pour Aristote, en simplifiant, le couple leur sujet : « ombiner les diverses sortes de
~ême, formant avec le support une trame, une
mort en mai 1914, livre qui devance donc - eïdos/hylé (forme/matière) constitue un des matériaux de telle façon que leur relation
tissure. Dans le vocabulaire russe, faktoura
même s'il ne paraît qu'en 1919-le célèbre quatre principes de l'être. La matière est la exprime une sensibilité artistique intérieure;
dé~igne « le caractère du traitement, de l'édifi-
Negerplastik de Carl Einstein (1915). Markov potentialité de la forme. Forme et matière sont trouver la seule solution de surface possible ;
cation d'un matériau quelconque ». On parle de
met en avant les particularités des masques in éparable , tout en étant différentes : lors de travailler les surfaces avec des matériaux de
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167
L'AVAN T-GARD E RUSSE
LES RELIEFS

V . Tatline, Contre-relief angulaire. Photographie d'une


exposition en 1927 au Musée russe de Léningrad.

V. Tatline, Relief angulaire, 1915. Fer-blanc, cuivre, bois,


cordages et éléments de fixation. Photograph ie de
l'exposition 0,10 à Pétrograd.

comme un synthétisme extrême, comme un sys-


tème de signes, comme des formules plastiques :
de« l'arithmé tique» de la représent ation de la
réalité, il passa à « l'algèbre » des formes abs-
traites, ce qui, en soi, transférait l'art de sa fonc-
tion de représen ter la « vie à la fonction poten-
tielle de la construir e . »

LES RELIEF S D'OBJET S

Pougny fit un pas totaleme nt nouveau lorsqu'en


1915, à la Premièr e expositi on futuriste de
tableaux Tramway V, il réalisa ce qui est sans
doute le premier montage mural au monde: un
marteau u pendu à un clou sur une feuille de
papier, qu'il baptisa« nature morte ». Le jour-
naliste John Brownin g, rapporta nt sur un ton
ironique le succès de scandale de l'exposit ion
V. Tatline, Contre-relief angulaire, 1914-1915. V. Tatline, Assemblage: zinc, palissandre et sapin, c. 1916. Tramway V, cite comme exemple de charlata-
Métal, bois et corde, 71 x 118 x cm. Zinc, palissandre et sapin, 100 x 64 x 27 cm.
aint-Pétersbourg, MNR. nisme une œuvre qu'il décrit ainsi : « Sur un
Photograph ie montrant un état de ce travail vers 1916.
Moscou, Galerie nationale Trétiakov. morceau de papier ordinaire est suspendu un
couvertu re pour que cela produise l'effet visuel marteau très ordinaire , on ne sait s'il s'agit d'un
fer. La plus grande partie des éléments étaient marteau de tapissier ou de sabotier, et ce mar-
souhaité et l'équilibr e de chaque partie, c'est recouverts de levkas sur lequel avaient été por-
ainsi que l'on pourrait résumer l'essentie l du teau n'est pas peint. » Cette œuvre constitue
tés au pinceau des touches à l'huile. De même sans doute le premier état du Relief au marteau
travail de la matière. Cela conduit aussi à la que le Contre-r elief angulaire - le seul de ce
solution du problème de la tension: une grande dont la forme définitive sera « fixée » en 1921
type qui se soit conservé et qui fut refait en 1925 lors de la rétrospec tive Pougny au Sturm. Le
tension, une grande énergie potentiel le s'accu- par l'artiste lui-même d'après l'original présenté
mulent dans l'angle de courbure de la plaque de geste inaugural de 1915 ( celui dont parle Brow-
en 1915 à l'exposit ion 0,10 -, le contre-re lief ning), éphémèr e par définition , était déjà une
fer et dans la manière dont la lame d'alumi- dont parle S. Issakov était fixé à un angle de
nium, placée à angle droit, pèse sur la plaque de révolution du statut séculaire de l'œuvre d'art,
mur à quatre endroits ; le problème de l'équi- en particuli er du tableau de chevalet. Il avait
fer et dont l'autre plaque de métal la coupe. libre s'est posé pendant toute la durée de
L'effet de la tension est encore accru par les valeur de démon tration picturale sans recourir
l'exposition, des redre ements devant être faits aux moyens habituels de la peinture, ce que le
plaques métalliques perçant le relief comme des à l'aide de fils. Comme dans l'autre seul contre-
flèches . » peintre résumera dans son tract de 0,10 : « La
relief conservé, Assemblage : zinc, palissandre, substanc e d'un objet (sa réalité) et l'existenc e
S. Issakov parle sans doute ici du Contre- sapin (1916), l'unique réalité qui apparaît est
relief angulaire de type élevé, assembla ge de de l'objet en tant que chaise, samovar, maison,
celle d'une certaine organisation spatiale où ne etc., ne sont pas une seule et même chose.» Et
matériaux, qui a disparu mais dont nous restent jouent que des énergies d'équilib re, de tension,
des photogra phies . Ce contre-re lief compor- ce mot d'ordre : « L'objet libéré du sens - des-
de lumière, - la matière telle quelle qui s'offre
tait du fer-blanc, de l'aluminium, de la couleur truction de l'utilitarisme » .
dans sa nudité rythmique. A. Strigaliov note à Cette pensée picturale qui annonce , en ce
blanche à la colle et à la craie (levkas), du fil de juste titre que « Tatline abordait l'art abstrait début du xxc siècle, toute la démarch e de type

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169
LES RELIEFS
L'AVANT-GARDE RUSSE

magrittien (entre autres), ne cessera de hanter « La démonstration spectaculaire de Maïa- tenaille et deux grosses vis qui accrochent un vulgaire tiroir coupé en deux zones, une
Pougny. En 1921, celui-ci écrit dans L'Art de la kovski à l'exposition L'Année 1915 eut un aussi vigoureusement les bras de la tenaille à la sombre (noire) et l'autre claire (verte), est
vie : « L'art de la peinture possède la possibilité grand succès de scandale que les compositions planche. Pougny crée avec ces instruments tout comme une parabole picturale sur le monde, sa
de métamorphoser les objets « inutiles et laids » alogistes de Malévitch et Morgounov, les un univers, il fait entrer ses ready mades dans présence et l'obscurité qui la menace, sur la
en objets précieux. Car la peinture n'est pas le contre-reliefs de Tatline, la construction ciné- une zone mythologique, totalement inventée. peinture, non comme reflétant le monde des
doublage de la vie [... ). Il faut constamment tique de Larionov et la composition murale avec La tenaille « tombe » en se maintenant en équi- objets, mais comme objet matériel créé par la
penser que l'orange peinte ne saurait d'aucune une souricière et une souris vivante [action du libre, tel un acrobate de cirque. volonté de l'artiste et s'ajoutant donc au monde
manière être mangée . » Et d'ironiser dans sa poète Vassili Kamienski] qui parodiait les ten- Comme Tatline ou Malévitch, Pougny oscille des objets avec sa différence qui est précisément
recension cruelle du livre-manifeste d'Ilya dances naturalistes en art 39• » à cette époque entre l'iconoclasme, voire le le pictural en tant que tel.
Ehrenburg Et pourtant elle tourne (1922) : « Je Le geste de Pougny se répéta à 0,10. Un jour- nihilisme destructeur, et la fondation d'une Jean-Louis Andral résume ainsi le sens de
me permettrai de douter que les machines de naliste écrivit: « Si je ne m'abuse, le plus grand nouvelle image picturale, d'un nouveau tableau l'œuvre : « ... Au-delà de l'extraordinaire
Léger aient d'autre conformité qu'esthétique; succès a été obtenu par un tableau de M. Pou- du monde. Dans le Relief à la tenaille, la audace du geste qui consistait en 1915, avant
on peut même penser qu'une locomotive peinte gny L'Homme au chapeau melon dont la partie démonstration de l'essentielle abstraction de Dada, à présenter ainsi un ready made préparé,
par Léger se distinguera sensiblement d'une principale est une fourchette de table plantée l'art, au moyen d'outils ou d'objets de la vie la affirmant la valeur intrinsèque de l'objet, la
locomotive dans la réalité . » dans un carton et un mètre à ruban de poche plus courante, est révolutionnaire. Paradoxale- nature première de la boule révèle chez Pougny
Pougny renonce donc - provisoirement, stra- suspendu à un clou 40 • » ment, le naturalisme de l'objet sert en même une intention poétique [... ]. Car si cette œuvre,
tégiquement - à tout ce qui faisait jusque-là la La réalité autonome du tableau revendiquée temps à manifester son inutilité d'objet et son constituée d'une sphère blanche accrochée sur
caractéristique de l'art de chevalet (un support utilité plastique. un morceau de bois noir et vert « ne signifie
théoriquement et pratiquement par tous les
de bois, de toile ou de papier, et différents novateurs du début du xxe siècle consiste, chez En cela, le Relief à la tenaille est de la même rien, ne représente rien », il est certain que
médiums - huile, gouache, aquarelle, encre, veine que le Relief à l'assiette, dont il a été écrit métaphoriquement, ou, plus exactement, apo-
Pougny, en la juxtaposition du concret le plus
etc.) pour mieux fonder un nouveau tableau. immédiat et de 1'abstraction (iconographique que « ce travail était au fond le dernier et ultime phatiquement, elle fait apparaître un contenu et
Car le point de départ est bien le tableau, ce qui chaînon de la période naturaliste [... ] et de la un sens dans l'esprit de son auteur, lorsque ce
et/ou conceptuelle). En cela, Pougny se démarque
est une différence de plus avec le geste que de Tatline et de ses reliefs picturaux. Les assem- construction suprématiste, mené jusqu'à sa dernier choisit comme globe à intégrer dans un
repré ente le ready made de Duchamp, artiste totale simplification et lapidarité 42 • » Dans le fond de tiroir, encore pou iéreux de souvenirs,
blages de matériaux de Tatline portent, nous
par ailleurs totalement absent du débat artis- Relief à la boule, le globe badigeonné en blanc, et dont la peinture blanche dissimulera la réa-
l'avons vu, à leur conséquence ultime les bas-
tique en Russie. Dans le Relief au marteau, le reliefs d'Archipenko, de Braque et de Picasso. notre Terre, qui tient, comme par miracle, sur lité, une mappemonde d'enfant ... 43 ».
mur est le support sur lequel se déploie l'organi- La démarche de Pougny, aussi révolutionnaire
sation d'un nouvel espace débarrassé de tout que celle de Tatline à cette époque, préserve
souci mimétique. Pougny réussit le tour de force cependant la sensibilité de l'objet, même si cette
de détruire la peinture et la repré entation illu- sensibilité rompt avec des siècles de p ycholo-
sionniste de l'objet, en maintenant de façon gisme, de sentiment. Et, de fait, Pougny, jusque
encore plus vigoureuse l'objet, présent physi- dans ses œuvres iconographiquement les plus
quement, concrètement et non comme un simu- « sans objet », révèle un certain sensualisme.
lacre. La beauté de l'objet pris tel quel, toute Cela apparaît dans les collages Bottes et Chaises
l'histoire qu'il véhicule, toute la poésie qui, à et Étude, aujourd'hui perdus, à propos desquels
partir de lui, s'invente. viennent s'ajouter au on écrivit: « Ces messieurs, sous l'influence de
paradoxe, voire à l'aporie dans lesquels se la cherté toujours grandissante des couleurs,
jouent depuis Platon les rapports entre art et enduisent de moins en moins leurs toiles de
réalité, représentation et réel, création et vie. couleurs. N'est-il pas plus simple et meilleur
Les gestes comme celui de l'accrochage du marché de prendre un ou deux lambeaux de
marteau par Pougny se multiplient. Ainsi, à journal, un peu de colle, un paquet de dix papi-
l'exposition L' Année 1915, manifestation qui rossy [cigarettes avec comme embout un long
montra les courants les plus divers de l'avant- tuyau de carton], enfin, en tant qu'impre sion,
garde russe, Maïakov ki expose un Autoportrait du papier à deux kopeks 41 • »
à scandale que N. Khardjiev décrit ainsi:« Une Le Relief à la tenaille (1915) est constitué de
moitié de chapeau haut-de-forme et un gant quatre objets tout prêts : une planche ondulée,
noir cloués ou collés contre un mur colorié de sans doute un battoir, une tenaille de forgeron,
raies noires. » Et le grand savant russe ajoute : une petite boule entre les « lèvres » de la

170
CHAPITRE6

LES ARTS APPLIQUÉS


AVANT 1917

LES LIVRES FUTURISTES des informations ou implement servir de rap-


port magique avec les forces my térieu e du
téphane Mallarmé est sans conteste le grand monde. Au fur et à mesure du perfectionne-
précur eur des innovations picturo-poétiques et ment de la représentation calligraphique sous
de la réflexion sur l'origine rythmique de l'art. les diverses formes d'alphabet, l'acte d'écrire
Son poème Un coup de dés jamais n'abolira le n'a pas cessé de garder son caractère pictogra-
hasard (1897) transcrit les procédés, empruntés phique; l'avènement de l'imprimerie, en per-
à la musique, de la polyphonie, du contrepoint, mettant la reproduction mécanique de texte
des leitmotive en une partition typographique. écrit, a progressivement relégué l'art pictogra-
Avec Un coup de dés, on a l'embryon du futur phique au second plan 1• Malgré les beautés de
« poème-tableau » des futuristes italiens, fran- certaines compositions typographiques, l'impri-
çais et russes. Marinetti, Kroutchonykh et leurs merie a porté un coup fatal à l'écriture origi-
suiveurs, poètes et peintre , ne feront que déve- nelle qui consiste, selon l'expression de
lopper « le rythme du livre » (Lettre de Mal- P.-L. Courier, à« peindre la parole».
larmé à Verlaine du 16 novembre 1885) que le Ce problème de la parole écrite se pose de
poète symboliste suggère dans sa Préface au façon aiguë dans l'avant-garde russe autour de
Coup de dés : la dispersion des blancs sur la sur- 1913. On assiste alors à « l'union sacrée de la
face de la page fait naître un mouvement grâce à poésie et de la peinture 2 ». En Russie, comme en
la« distance copiée qui mentalement sépare des Occident, les poètes ont très souvent peint ou
groupes de mots ou les mots entre eux ». dessiné, mais cette activité picturale n'a été en
Cette disposition typographique qui joue des général qu'un violon d'lngres 1. En revanche, au
pleins et des vides, du blanc et du noir, des début du xxc siècle, dans le milieu des futuristes
variétés de caractères, de la uppre ion de la russes - des boudietlianié (futuraslaves) -, bien
ponctuation, a comme propriété « d'accélérer des poètes sont venus à la poésie après avoir été
tantôt et de ralentir le mouvement, le scandant, formés comme peintres. C'est le cas de David
l'intimant même selon une vision imultanée de Bourliouk ou de Vladimir Maïakov ki 4 qui, tous
la Page : celle-ci prise pour unité comme l'est deux, font leurs études artistiques à l'École de
autre part le Vers ou ligne parfaite ». Si, dans Peinture, culpture et Architecture de Moscou.
l'esprit de Mallarmé, la musique était reconnue C'est le cas aussi de Kroutchonykh, le théoricien
comme l'inspiratrice de cette révolution poé- de la langue transmentale (zaoum) S. L'œuvre
tique, objectivement, la partition obtenue et son d'Éléna Gouro est aussi importante dans le
traitement re ortis ent du pictural. domaine pictural que dans le domaine
Dans la langue russe, « peindre » et « écrire » poétique 6• De Khlebnikov, B. Livchits écrit qu'il
se rendent par un seul et même verbe (pissat'), « s'était révélé un vrai peintre ». On ne doit pas
fusion qui témoigne d'un état originel de l'acte oublier non plus que le peintre Liev Zak est,
repré entateur, quand la calligraphie était tout sous les pseudonymes de Chrysanthe et de
naturellement pictographique pour transmettre M. Rossianski, le théoricien-philosophe et le

173
LES ARTS APPLIQUÉS AVANT 1917
L'AVANT-GARDE RUSSE

poète de la branche moscovite de l'ego-futu- Malévitch rejoignent à travers les siècles ceux
risme pétersbourgeois d'Igor Sévérianine appe- de Shi Tao (moine, peintre et philosophe chi-
lée« Mezzanine de la Poésie ». Quant au poète nois de la fin du xv1r-début xvmc siècle) :
V. Kamienski, il peignit toute sa vie 9• Filonov, « Dans la plus haute Antiquité il n'y avait pas
lui, publie en 1915 deux poèmes transmentaux de règles; la Suprême Simplicité ne s'était pas
contre la guerre 10• Olga Rozanova écrit des poé- encore divisée.
sies de tendance zaoum. Dès que la uprême implicité se divise, la
La réflexion de Malévitch est au cœur même règle s'établit.
des rapports peinture-poé ie (en tant qu'écri- Sur quoi se fonde la règle ? La règle se fonde
ture). Dès 1916, dans Du cubisme et du futurisme sur l'Unique Trait de Pinceau.
au uprématisme. Le nouveau réalisme pictural, L'Unique Trait de Pinceau est l'origine de
Malévitch redynami e la conception de la pein- toute chose, la racine de tous les phénomènes ;
ture dans un jeu de mots. On a oublié, écrit-il, sa fonction est manifeste pour l'esprit et cachée
que peinture se dit en russe « peinture-écriture en l'homme, mais le vulgaire l'ignore 19 ».
de la vie» (jivopis', calque du grec zôgraphia) et Les livres, mis en forme par les peintres
on l'a transformée en une « peinture-écriture de (outre Larionov et Natalia Gontcharova, tra-
la mort » (mertvopis' 11 ), une « thanatographie ». vaillèrent dans ce domaine Malévitch, Olga
La peinture, à force de répéter les formes de la Rozanova, Filonov, Tatline ... ), sont un des
nature, a fini par tuer la vie : « le vivant se trans- moments majeurs de l'art du xxc siècle. La nou-
formait en un état d'immobilité morte 12 ». Son velle forme de livre poétique 20 , le livre-obje
article « De la poésie » (1919) 13 assigne à Malé- imaginé en 1912 par Larionov et Natalia Gont-
vitch une place privilégiée dans la mise en ques- charova est entièrement lithographié ; le texte
tion de l'art. Parlant de la poésie, le fondateur du même n'est pas imprimé, mais écrit à la main et
N. Gontcharova, Les /mages mystiques de la guerre (Anges et aéroplanes, La cité maudite, Saint Georges le victorieux,
uprématisme traite de l'art dans sa totalité. Il lithographié par le poète ou le peintre. Le La Vierge sur la Bête), 1914. Lithographies. Documentation Leclanche-Boulé.
refuse fondamentalement que la création soit caractère artisanal de ce genre d'édition, en
« une représentation morte rappelant le vivant 14 » opposition avec le luxe et la préciosité des
et affirme que le rythme et le tempo sont à l'ori- publications symbolistes de l'époque, est, ici
gine de la poésie, de l'art, comme de toute aussi, econdaire. Comme le note N. Khardjiev,
chose : « Le signe, la lettre, dépend du rythme et « le rôle des illustrations de Larionov et de
du tempo. Le rythme et le tempo créent et pren- Gontcharova est la mise en lumière de l'œuvre
nent les sons qui sont nés d'eux et créent une poétique par des moyens non littéraires, mais
nouvelle image ex nihilo 15 • » arti tiques [ ... ). Il serait profondément erroné
Malévitch note le caractère premier du trace- de considérer l'œuvre d'illustrateur de Larionov
ment rythmique, du geste, avant toute expres- et de Gontcharova en dehors de ses liens avec
sion : « Dans l'acte du service [Malévitch fait ici la ligne principale de leur développement artis-
une analogie avec le service liturgique], nous tique 21 ». Comme dans les toiles néo-primiti-
voyons le mouvement des signes, mais nous ne vistes, il s'agit de revenir par l'écriture aux
remarquon pas le dessin que dessinent en soi les sources vives du pictural, de revivifier l'essence
signes. Le haut mouvement du signe suit le des- rythmique, tracée, ge tuelle, de l'écriture-pein-
sin, et si un photographe expérimenté savait ture. Dans un brouillon de 1913, intitulé « La
prendre le dessin de la voie du signe, nous lettre comme telle », Kroutchonykh, initiateur
obtiendrion le graphique de l'état spirituel 16• » en 1912 des éditions lithographiées 22 , indique
Ce rythme pré-tracé, que Malévitch nomme clairement que la reproduction typographique
« quelque chose qui est plus fin que la pensée, des textes en a tué la vie : « Vous avez vu les
plus léger, plus souple qu'elle 17 », est mutilé lettres de leurs mots : alignées, offensée , ton-
quand il sert d'alibi à la « maîtrise artistique » dues et toutes sont pareillement incolores et
ou quand il devient, comme chez Taraboukine, grises - ce ne sont pas des lettres, mais des
« un principe compo itionnel 18 ». Les propos de marques d'infamie sur le corps d'un bagnard!

175
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K. Malévitch, Jeu en enfer (Le Satan pendu, page de titre, Femme coupée en deux par les démons), texte de Kroutchonykh
et Khlebnikov, 1913. Lithographie. Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Imprimés.

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o. Rozanova, Montage de lithographies coloriées de livres-objets datant de 1913, 1916. Coll. part.

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N. Gontcharova, couverture de Mondare


. bours, c. 1912-1913. Collage papier sur carton. 14.5 x 18.7 cm. o. Rozanova, couve rture du livre transmental Zaoumna,a.. gn,ga,
. 191S. Bouton collé sur papier, 22,2 x 20 cm.
Documentation Leclanche-Boullé. Documentation Leclanche-Boullé.

LVIII LIX
A. Exter, projet de décor pour Salomé, 1917. Aquarelle sur papier, 18 X 28 cm. Moscou, musée national Bakhrouchine.

A. Exter, projet de costume pour Salomé, A. Exter, projet de costume pour Salomé, 1917.
1917. Gouache sur carton, 70,5 x 34 cm. Gouache sur carton 67,2 X 52 cm. Moscou, musée national Bakhrouchine.
Moscou, musée national Bakhrouchine.

LX LXI
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K. Malévitch, Le Charcutier s'est approchl de Lodz ... , 1914. Lithographie, 37 x 54 cm. Coll. part.
V. Maïakovski, L 'Allemand rouge et rêche .... 1914. Lithographie, 37 x 54 cm. Coll. part.

LXIII
I XII
LES ARTS APPLIQUÉS A V ANT 1917

Mais vous n'avez qu'à demander à n'importe phique », mais il faut rappeler que« l'insertion
lequel des langagiers, il vous dira que le mot, des textes dans le dessin, la transformation des
écrit d'une seule et même écriture ou bien com- inscriptions en éléments de la représentation
posé d'un seul et même plomb, n'a rien à voir étaient traditionnelles dans l'art populaire : ce
avec le même mot dans un autre graphisme . » procédé se rencontre non seulement sur les
Dans ce même texte, Kroutchonykh énonçait enseignes, mais aussi dans le loubok, la peinture
deux propositions: « 1. Que l'état d'esprit [nas- sur bois, les broderies . » De fait, si les lettres
troiénié = Stimmung] change l'écriture lorsque entrent dans la composition de l'œuvre (du des-
l'on écrit. 2. Que l'écriture, changée d'une cer- sin, du loubok, etc.) comme un de ses consti-
taine manière par l'état d'esprit, transmet cet tuants, et cela avant le cubisme analytique et le
état d'esprit au lecteur, indépendamment des futurisme, leur fonction purement picturale va
mots. De la même façon, il faut poser la ques- au-delà d'une simple représentation formelle,
tion des signes écrits, visibles, ou simplement elle est une redynamisation de la peinture en
tangibles, comme de la main de l'aveugle. Il est tant qu'écriture et de l'écriture en tant que
évident qu'il n'est pas indispensable que le lan- peinture. Comme la poésie transmentale de
gagier soit le scribe du livre autorunique, sans Khlebnikov, elles réveillent des significations
doute vaut-il mieux qu'il le confie au peintre» 24 • qui s'étaient endormies dans la chose tracée.
Dans le manifeste du recueil Le Vivier aux Les estampes de Malévitch, dont Donald Kar-
juges n° 2 (1913), il est déclaré : « Nous nous shan a montré l'importance , indiquent aussi
sommes mis à donner un contenu aux mots que l'utilisation que le peintre y fait des lettres
d'après leur caractéristique graphique et phoné- est radicalement différente de celle que l'on
N. Altman, Projet de décoration de la place du Palais pour le premier anniversaire de la révolution tique [... ]. Dans l'écriture à la main (potcherk) peut voir sur ses propres tableaux de 1913-1914
d'Octobre en 1918 à Pétrograd. Aquarelle sur papier, 15,4 x 23,5 cm. Saint-Pétersbourg, MNR.
nous voyons la constituante de l'impul ion poé- (cubo-futuristes et alogistes), où elles ont le
I. Annenkov, esquisse de décor pour le spectacle de masse La Prise du Palais d'Hiver, 1920. Crayon, tique . » L'adjectif« phonétique » est souligné même statut que chez les cubistes. La première
encre et aquarelle sur papier. Moscou, MNR. car, dans leur volonté de briser la logique acadé- collaboration de Malévitch à la composition
mique de l'orthographe, les néo-primitivistes, d'un livre remonte à 1913, au recueil poétique
devenus cubo-futuri te , utilisent les fautes non de Khlebnikov, Kroutchonykh et Éléna Gouro :
comme note ethnographique rappelant la pra- Les Trois ( Troïé). La couverture est une de ses
tique populaire mais comme restitution du
K. Malévitch, Les Trois (couverture), 1913. Lithographie.
caractère phonétique du mot, travesti dans Documentation Leclanche-Boulé.
l'appareil orthographique savant. Le procédé
sera porté à sa limite extrême par Ilia Zdané-
vitch dans ses poèmes phonétiques Ostraf Paschi
(L'Iie de Pâques, Tiflis, 1919) ou lidantYOU
fAram (Paris, 1923) ; ces publications utilisent,
certes, les caractères d'imprimerie mais en
jouant de toutes les variétés de corps et toutes
les positions po ibles de la lettre.
Evguéni Kovtoune, qui a organi é en 1977 à
Léningrad l'exposition Couvertures de livres
des peintres russes du début du xxc siècle, sou-
ligne dans la préface du catalogue que la créa-
tion d'« antilivres » avait des résonances poé-
tiques plus profondes que celles d'une agression
contre le gotlt dominant. Certes,« il s'agit d'une
expérimentation polygraphique audacieuse,
rendant caduc un maillon essentiel dans
l'impression du livre - la composition typogra-

LXIV 177
L'AVANT-GARDE RUSSE LES ARTS APPLIQUÉS AVANT 1917

œuvres picturales les plus fortes 28• Ici sont asso- lignes et des couleurs 30 » et où l'ensemble appa- Li Lé où sont colorés non seulement les illustra-
ciés, dans l'écriture même, le néo-primitivisme, raît comme une mosaïque pictographique. tions lithographiées, mais aussi le texte 31 •
le cuba-futurisme et l'alogisme. Les noms des Dans ce domaine, Olga Rozanova apporte Olga Rozanova donne dans ces travaux une
auteurs sont écrits à la main dans une calligra- des solutions originales. Elle est la première à sorte de partition colorée, mettant l'accent sur
phie cursive à peine stylisée (dans la ligne inau- mêler étroitement la peinture et l'écriture les illustrations de pages où la couleur et
gurée par Larionov); les lettres du titre sont des manuscrite dans une édition de livre. Avant l'image picturale acquièrent une signification
capitale auxquelles le peintre fait subir un trai- elle, Larionov et Natalia Gontcharova avaient, dominante. L'action simultanée du mot sonore
tement cuba-futuriste (chaque lettre est dès 1912, conçu chaque page de leurs premiers et de la couleur enrichit, approfondit l'image
construite comme un objet et disloquée en ouvrages - entièrement lithographiés - comme poétique, transforme les vers en une chromo-
plans, ce qui met toute la composition en mou- une composition picturale, mais le texte écrit à poésie originale, analogue d'une chromomu-
vement); le personnage central du paysan est, la main et l'illustration étaient nettement sépa- sique. L' « action transperçante » de la couleur
lui aussi, tracé en plans géométrisés, semblables rés, et en noir, comme c'est le cas dans ces s'insérant dans le tissu imagé du vers est un
à certaines esquisses de la même époque pour chefs-d'œuvre du livre futuriste russe Jeu en principe de construction qui réédifie sur de nou-
l'opéra La Victoire sur le Soleil : leur robustes e, enfer, poème de Kroutchonykh et de Khlebni- veaux principe tout l'organisme du livre .
leur statisme monumental sont plus expre sifs kov qu'Olga Rozanova « illustre » à côté de Cette conception neuve de la fabrication, par
encore par contraste avec le dynamisme de Malévitch. En 1913, au moment même où, à le peintre, du livre comme un objet entièrement
l'écriture peinte ; enfin, la virgule renversée, qui Paris, Sonia Delaunay réalise le poème-objet pictural connaîtra de multiples applications
détache le nom d'Élena Gouro de celui des La Prose du Transsibérien et de la petite Jéhanne dans l'alliance du manuscrit et de la
deux autres poètes, est typique de l'alogi me de France de Blaise Cendrars, Olga Rozanova typographie 33 ; une des créations les plus origi-
qui, comme dans le zaoum de Khlebnikov et de compose Les Pléiades ... des gros mots (Outinoïé nales dans ce domaine sera repré entée, bien
Kroutchonykh, a pour fonction d'indiquer une gniozdychko ... dournykh slov) et, en 1914, Té plus tard, après la seconde guerre mondiale, par
autre logique que celle de la raison, disons,
pour faire court, kantienne. Ainsi, la couverture O. Rozanova, Pam forestier (couverture), 1914.
P. Filonov, Les Idoles de bois (double page intérieure), texte de Khlebnikov, 1914. Lithographie.
des Trois résume en un ensemble les trois ten- Documentation Leclanche-Boulé.
Lithographie. Documentation Leclanche-Boulé.
dances qui traversent l'œuvre picturale de
N. Gontcharova, Les Ermites (page de titre), 1913.
Malévitch entre 1912 et 1914, avant et au Lithographie. Documentation Leclanche-Boulé. ; , YA!'IIJp , Pbl HAI), riJHf
moment de faire le bond suprématiste dans la
non-figuration absolue. WGMO. &UfftO, WOHO
Dans les rapports peinture-poé ie-écriture,
l'œuvre de Filonov revêt une ignification capi-
TI IIHqD, nnttu,o, nnHU:.
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tale. Sa mise en forme du recueil de Khlebnikov
Les Idoles de bois (1914) indique la prise de OtOPOHb, onPKWKRMHÎOBII~~
conscience du fait que la « peinture des sons »
est originellement picturale. Filonov tire les
B'8DD3H • fO/f' tto >I'" To Kn ff4. r, DEDoM
mtnEPIJ mbl HE. Jl{H.IOM
conséquences du traitement cubo-futuri te de la
lettre par Malévitch dans le titre des Trois, pei-
ThlH ( Yrahl IErMHM
gnant une à une les lettres du texte de Khlebni- HKH -11 AIU." .. X 8~ fbHK . J
kov, transformant chacune d'elles en dessin par-
ticulier. Comme l'écrit E. Kovtoune : « La YC'rblH &rn111KA·. Koro HE CETb MX\ illAMM
poésie est musicale, mais en surmontant les t11J,A 'ircot{Q:IJ\ DTfAAAt1 K~
limitations des lettres conventionnelle , Filonov f yc,rnu,: io , Ï"- u.on,
tente de rendre la poésie picturale, comme elle Jif H~ ~~~I(.
l'était et continue à l'être chez les peuples qui
ont gardé le système hiéroglyphique d'écri- J l tt 1.L nAU., n,uw
ture 29 • » Démarche étroitement liée à la mu.a. ,n11q . n11u_11
manière de Filonov dans ses tableaux où « les io il ~ou . io iA ~onK
objets n'ont d'autre signification que celle d'une
sémiotique naissant du jeu des formes, des --Wl'.-r
178 179
L'AVANT-GARDE RUSSE LES ARTS APPLIQUÉS A VANT 1917

comme "processus technique" . » Il faut relire l'almanach de Larionov La Queue d'Âne et La


tout le passage des mémoires de B. Livchits où Cible " et dont on n'a jamais pu découvrir
sont donnés des exemples concrets du transfert l'identité. En 1914, le poète V. Kamienski fait
en poésie de l'expérience picturale cubo-futu- paraître Tango avec les vaches, poèmes en béton
riste ( « rapports et mutuelle dépendance fonc- armé, où l'élément graphique (utilisation de
tionnelle des éléments 39 »). Le danger est que tous les caractères d'imprimerie possibles,
« le mot, en approchant de très près la peinture, construction dans tous les sens, etc.) crée une
ne rende plus [... ] aucun son [ ... ]. Cette prose nouvelle sensation visuelle de la poésie, tandis
muette poursuit des tâches dynamiques détermi- que du papier de tapisserie sert d'illustration,
nées : déplacer le plan visuel par l'emploi inha- renouvellement d'un procédé déjà employé
bituel des prépositions et des adverbes. La rup- pour Le Vivier aux juges n° 1 en 1910 "". Ces har-
tu re de sy·ntaxe qui en découle donne une diesses typographiques (voir l'édition de Vladi-
orientation nouvelle à l'attribut en formant dans mir Maïakovski. Tragédie en 1914) sont
son ensemble un système complexe d'axes qui se contemporaines de celles des Italiens (par
coupent mutuellement 40• » Le cubisme, tel que exemple, dans l'édition de Zang Tumb Tumb de
le perçoivent les artistes futuristes russes - c'est- Marinetti, l'affiche-manifeste Synthèse futuriste
à-dire comme« éparpillement» (raspylénié) des de la guerre, l'Angle pénétrant de Joffre sur la
éléments de l'objet, « déplacement » dans la Marne, etc. ). Que ce soit dans la composition
construction (sdvig), recherche d'une quatrième de la page imprimée ou sur un tableau, le mou-
.'If+.-/4-,;. dimension, repré entation de l'objet de plusieurs
« points de vue», travail sur la facture-texture - ,
vement Dada, aussi bien que la typographie
russe après 1917, n'apporteront que des raffine-
B. Xnt.15HMKoe ·" JI. Xpy~attwx
CTAPIIHHAH 11/0&0Bla. le cubisme exerce une influence durable sur la ments nouveaux dans leur complexité et leur
,PYX. n"'liCIIHbtii. poésie russe moderne, non seulement par les ingéniosité. La mise en page continue à être une
Plie.' M. JlapiolQU, 0, PowÎo■oR K n. Ky,.. aàn. '
t!•~• H Y hl. , réinstrumentations syntaxiques et lexicales de la instrumentation des lettres et des signes, avec
masse verbale, mais également par un nouveau A. Sémionov, poème-tableau publié dans l'almanach La
découpage visuel, graphique, de la poésie. On Queue d'Âne et La Cible, 1913.
O. Rozanova, Amour ancien (couverture et page intérieure), texte de Kroutchonykh et Khlebnikov, 1913. sait de quelle manière Maïakovski dispose ses
Lithographie, 14,5 x 9,8 cm. Documentation Leclanche-Boulé. p
vers : c'est plus qu'un artifice pseudo-moder- 0

lrLn__
T
niste. L'absence de ponctuation, reprise de la C
une Ukrainienne, Anna Staritsky, ancienne peut-être de celle de Khlebnikov ' ) a tenté de pratique marinettienne, la disposition graphique HecTOp
élève de Favorski à Moscou 34 • Olga Rozanova transposer dans la métrique la révolution pictu- eno dor e
«déplacée» (sdvig) redonnent à l'intonation, à b Il 8 '1 T
utilisera aussi, dans des livres, la linogravure rale qui renversait quatre siècles d'académisme la voix, au son leur caractère pré-tracé, gramma- TD
C
~\ T .1 t .1

(Livre zaoum de Kroutchonykh et d'Aliagrov renaissant. B. Livchits a bien conscience des tologique, rythmique, redynamisent ce que la 0
(Jakobson) en 1916) et le collage non-figuratif frontières de la peinture et de la poésie, - autant syntaxe, la ponctuation, les dictionnaires acadé-
.1
IloouOC'l'b 0V.pOB&TelbB&à 'lWJI BCnta&io
(La Guerre universelle de Kroutchonykh, de que Lessing qui met en exergue dans son Lao- miques avaient mortifié. Le futurisme italien .1 .1 D a a ea 61 Dt
1916 également). Sur la couverture du Livre koon (1766) cette citation de Plutarque : « Elles 0 0 0 p T 3TO .l1008 B
( que la critique française dans son gallicanisme
zaoum, elle avait fait, nous l'avons vu précé- diffèrent par la matière et par les tropes de la continue à regarder de haut depuis 1911) 41 a sur 0
0 C
T
m
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0
B ..e 8 &

b oa b
demment, un collage représentant un cœur au mimèsis 36
». Lui-même, en tant que poète, la peinture et la poésie russes une emprise indé- mm 1 0
milieu duquel était cousu un vrai bouton, intro- recherche, à l'instar de David Bourliouk, de CO.lh lllpa. Mlppo
niable. Cubisme et futurisme sont associés dès le Sollo pp Gut
duction du ready-made sur une surface, à l'ins- Maïakovski, de Kamienski, de Kroutchonykh ou départ en Russie. C'est pourquoi l'on y parle de 0
'l'W p&T .l la
tar des gestes de Pougny et consorts pendant les d'Ilia Zdanévitch, « un parallélisme objectif des cubo-futurisme 42 • Il ne fait aucun doute que les

\; ?.
~0
années 1915-1916 à Pétrograd et à Moscou. moyens plastiques de deux arts indépen- manifestes et la pratique poétique de Marinetti
Dans l'« union sacrée » des arts en Russie à dants 37 ». Le critique soviétique N. Stépanov, apportent un enseignement durable aux poètes
partir de 1910, la poésie subit le plus fort des spécialiste de Khlebnikov, écrit à juste titre : futuristes, en particulier à Maïakovski.
bouleversements apportés depuis l'impression- « Outre une série de procédés formels et de Les expériences poétiques graphiques débou- l&K
K
nisme. Le poète B. Livchits, compagnon de mots d'ordre du genre "progrès", "facture-tex- chent en 1913 sur le poème-tableau, encore
route des futuraslaves jusqu'en 1914, indique ture", etc., de la peinture vint la conception de rudimentaire chez les my térieux N. Bléklov et
que toute la poésie futuriste russe (à l'exception l'art comme forme, comme "construction", A. Sémionov qui publient leurs œuvres dans

180 181
L'AVANT-GARDE RUSSE
LES ARTS APPLIQUÉS A VANT 1917

peintres de chevalet, non seulement n 'amoin- quand elle n'a pas été le point de départ de
drissait pas leur dignité, mais au contraire nouvelles orientations. L'art de gauche a, bien
témoignait de leur gloire. Tous prêtaient leur entendu, joué là aussi son rôle novateur. Le
Mw COl'IHIIII npttKO.CeM nl06HMblM j concours, qu'ils soient réalistes, représentants Manifeste des Auteurs dramatiques futuristes,
Ha MBTbll '
du Jugendstil ["style moderne"], du symbolisme écrit par Marinetti en 1911 52 , a été connu des
l-f3 3Be3A HaKyeM œpe6pl114HXC1
6powet< ou de l'avant-garde. 49 » Valentine Marcadé note futuraslaves qui n'en ont retenu que les direc-
o Opoa.&Te KBaprHpw encore que « les décors de théâtre devinrent un tions générales anti-passéistes et le ton provoca-
HAtt1'e H r.laAltTe
nouveau genre pictural. Non seulement on pei- teur, et ont adapté aux réalités artistiques russes
gnait des esquisses sur commande, mais égale- leur rupture avec les routines théâtrales. Le

'
H rnaAJ,Te QXIIJI " lfePHwx
KOWeK ment pour son propre plaisir 50• » théâtre Boudietlianine (Le Futuraslave) devait
y,.._1aya A La scène théâtrale est donc le lieu de toutes balayer en 1913 aussi bien les traditions natura-
1 3ro npeu/ \ les expérimentations, celui qui se prête par listes du Maly (Petit Théâtre), l'éclectisme du
HaA rop0MM rAe rf'\ n10repoa excellence à la synthèse, ce fameux Gesamt- Théâtre de Korch, le style pompier du Bolchoï,
'f' Af)eBKH
kunstwerk né avec le drame musical wagnérien. que le réalisme intérieur du Théâtre d'Art de
>KettutHHa C stepHblMH net14epaMH
La construction à trois dimensions s'impose et, Stanislavski ou le symbolisme stylisé du Théâtre
1 M....TCII H KHAIJeT Ha rporyapw
Bel(

n..CeBKH
suivant la réduction générale aux unités mini-
males dans les arts en général et dans les arts
Alexandrinski dont Meyerhold était le metteur
en scène pre tigieux.
R nne&KH awpoaa10r a orpc>M· plastiques en particulier, elle fera triompher de Si les implications du futurisme italien sont
HblX KMCK
façon durable le constructivisme sur la scène, évidentes, les deux œuvres réalisées en 1913,
14 marquant l'art théâtral jusqu'à nos jours. Vladimir Maïakovski. Tragédie, de Maïakovski
En 1920, Boris Erdman, peintre et décorateur et La Victoire sur le Soleil, opéra de Matiou-
de théâtre, qui - entre autres - signa en 1918 le chine, ont des antécédents dans le théâtre russe
manifeste de l 'Imaginisme, mouvement poé- même. La Baraque de Foire et Le Roi sur la
V. Bourliouk, Vladimir Maïakovski. Tragédie (L'Homme à denx baisers), 1914. Lithographie. tique ayant à sa tête Essénine, pouvait écrire place d' lexandre Blok (1906) contenaient les
que les artistes du Monde de l'art (Bakst, Roe- éléments d'un théâtre-parade, d'un théâtre-fée-
une accentuation, chez Dada, de l'absurde, du une rythmique qui ont toujours été présentes rich, Benois, oudeïkine, etc.) et ceux du Valet rie, avec ab traction verbales, objets, collectivi-
fortuit et du dérisoire. Les caractères d'impri- dans la création, mais qui demeuraient enfouies de carreau (Kontchalovski, Lentoulov etc.) tés érigées en personnage comme au Moyen
merie, les graffiti sont, comme n'importe quel sous le fatras figuratif et mimétique après des avaient eu le dessein de tran po er la peinture Âge. La dramaturgie de Blok ouvrait la voie
objet, intégrés dans l'œuvre - ou dans l'anti- siècles d'académisme renaissant, cela est dû de chevalet au théâtre, « emplissant la scène aux formes théâtrale qui devaient prendre la
œuvre. Sous l'impulsion du cubo-futurisme, la moins au hasard des circon tance qu'à une situa- d'une cascade de taches colorées, habillant pl~ce du vieux théâtre p ychologique et rendre
mise en forme typographique, boulever ée dès tion historiale (au sens heideggerien du terme) où l'acteur dans des costumes s'harmoni ant avec le théâtre à sa vraie fonction : être action et
1914 en Russie, mènera aux célèbres éditions la poésie se découvre dans son origine ge tuelle les décors, procédant ainsi à l'enterrement de pectacle.
constructivi tes des années vingt*. Du point de pictographique, et le pictural dans son essence l'acteur». Boris Erdman ajoute que les peintres Les pièces et les poèmes dramatiques de
vue poétique, on obtiendra de la sorte, en 1925, rythmique. Alexandra Exter et Boris Ferdinandov font Khlebnikov, dès Flocomette (Sniéjimotchka) en
les « construèmes » du poète Alexeï Tchitché- exception car« en même temps que des taches 1908, bou culaient aussi les principe théâtraux
rine, qui ressemblent surtout à des partitions coloristes ils se mirent à résoudre des taches sté- dominants : elles démantelaient et réorches-
musicales par l'introduction, à côté des signes LES PEI TRE DE GAUCHE réométrique , liant le volume aux couleurs st ». traient, dans la structure scénique et verbale, les
typographiques, d'une notation particulière- ET LE THÉÂTRE Les deux artistes dont parle Boris Erdman ont images du monde sensible, elles brisaient la
ment hermétique". L'œuvre de Tchitchérine est travaillé au Théâtre de Chambre ( Kamierny logique de la vie pour créer une logique théâtrale.
la limite absolue à laquelle aboutit la confronta- À propos du monde artistique russe de la fin du téatr) de Taïrov à Moscou, dont l'aventure com- Enfin, la structure théâtrale conçue comme
tion de la poésie, du pictural et de la typogra- x1xe et du début du xxe siècle, Valentine Mar- mence en 1914. une mosaïque de fragments disparates, agglo-
phie dans l'avant-garde russe. cadé parle de « théâtrocratie », empruntant ce Une e po ition qui montrerait le travail pic- mérés de manière kaléïdo copique autour d'un
L'« union sacrée » de la poésie et de la pein- terme à N. Evreïnov 48 • Le rôle du peintre tural des artistes russes du premier quart du sujet général, était une tradition des p ctacle
ture en Russie dans les années dix ne se laisse comme élément essentiel du spectacle est xxe siècle pour le théâtre serait en même temps populaires. C'est ce qu'avait montré la tragédie
guère expliquer par une « rencontre historique» unique dans le concert des arts européens : « La une illu tration prestigieu e des différentes cul- populaire Le Tsar M axémiane et son fils rebelle
particulièrement féconde. Si la peinture et la poé- peinture s'affirma sur la scène, et le théâtre, tures picturales à la même époque. La scène Adolphe, montée le. 17 janvier 1911 dans la salle
sie se conjuguent pour imposer enfin un nouvel grâce à ses décorateurs, devint un véritable "fes- russe s'est faite ainsi le lieu de démonstration de théâtre de l'École A.S. Souvorine à Saint-
espace, une ontologisation, une ge tualisation et tin pour les yeux" [... ). L'activité théâtrale des des nouvelles expérimentations esthétiques, Pétersbourg, sous les auspices de L'Union de la

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L'AVANT-GARDE RUSSE LES ARTS APPLIQUÉS AVANT 1917

V. Tatline. projet de décor pour Le Tsar Maxémiane et son fils rebelle Adolphe, 1911. Aquarelle et crayon sur papier.
N. Gontcharova, projet de décor pour Le Coq d'or, 1914. Gouache sur papier. Londres. Victoria and Albert Museum.

Jeunesse. L'arrangement de cette variante russe prenait son inspiration de l'image et de l'art
du mythe de Tannhauser était de M.M. Toma- décoratifs populaires russes avec leur schéma- contrastés et en lignes de force rigoureusement Trétiakov) sont conçues dans l'esprit cuba-futu-
chevski. Parmi les auteurs figuraient des peintres tisme, leur expressivité naïve, leur goOt du simplifiées. Les costumes inspirés du folklore riste avec des plans géométrique qui construi-
de L'Union de la Jeunesse, comme Sagaïdat- bariolage, leur fantaisie et leur humours. russe, reprenaient les couleurs flamboyante des sent l'espace. Il y a là, de façon étonnante, les
chny ou Spandikov : le premier avait fait Cette féerie aura une descendance - et ce décorss... » germes du travail d' Alexandra Exter et
presque tous les costumes et les décors tandis seront les somptueux décors et costumes de Chez Tatline, en revanche, il y avait un refus d'Alexandre Vesnine au Théâtre de Chambre
que le second avait exécuté pour cette œuvre le Natalia Gontcharova pour Le Coq d'or de Rim- de la profusion au profit du laconisme et de de Taïrov entre 1916 et 1922.
trône de Vénus. La représentation du Tsar sky-Korsakov à Paris chez Diaghilev (1914). rythmes yncopés. Cela apparaît très nettement Cette même année 1913, Malévitch pousse le
Maxémiane et son fils rebelle Adolphe était sui- Dans ce spectacle, un opéra-ballet, Natalia dans un projet de 1913 pour l'opéra de Glinka cubo-futurisme à sa limite non-figurative avec
vie de « lubies choréiques avec le public »; les Gontcharova utilisa toutes les cultures pictu- La Vie pour le tsar. Dans les merveilleuses ses décors et ses costumes pour l' « opéra » de
spectateurs, travestis avec des costumes exécu- rales que l'avant-garde russe synthétisait à cette esquisses qui nous ont été conservée , c'est le Matiouchine La Victoire sur le Soleil. Comme
tés par des peintres de L'Union de la Jeunesse époque : la peinture d'icône, le loubok, les Tatline cubo-futuriste qui est à l'œuvre. La base l'écrit Evguéni Kovtoune, un des meilleurs spé-
sous la direction de Le Dentu, évoluaient avec jouets, le cubo-futurisme, le rayonnisme ... La est, sans aucun doute, toujours néo-primitiviste cialistes de Malévitch, « la repré entation de La
les acteurs au rythme de coups tirés de canons décoration « vibrait d'une extraordinaire puis- avec une esthétique provenant directement du Victoire sur le Soleil de Matiouchine-Kroutcho-
rouges, verts, argent et or. Au coup tiré du sance de coloris, basée sur le contraste entre le loubok, à laquelle s'ajoute une géométrisation nykh est le dernier pas vers le suprématisme . »
canon or, tout le monde devait enlever les rouge écarlate et le jaune d'or. Les décors évo- plus accentuée et le trait distinctif « rondiste » et Il nous reste les esquisses de cinq tableaux sur
masques et rejoindre le cortège appelé « prome- quaient la puissante et rutilante rusticité d'un syncopé des lignes. Les couleurs sont vives, jux- les six que comporte l'opéra, sans compter la
nade de la joie». La même année, L'Union de palais de boyard, le faste raffiné et fleuri d'une taposées franchement, sans mélange, dans une couverture de l'édition qui présente aussi une
la jeunesse monta ces spectacles à Moscou, souveraine orientale, et le pittoresque des gamme relativement restreinte ocre-brun-bleu esquisse de décors. Le carré est la forme de
cette fois dans des décors et des costumes de vieilles cités russes hérissées de portes fortifiées foncé-vert noir-blanc. Les esquisses des décors base des six projets et le noir et le blanc sont les
Vladimir Tatline. Flora Syrkina fait remarquer et de clochers juxtapo é sans perspectives. Ils le village de Domnino (musée Bakhrouchine), seules couleurs employées. À l'intérieur de ce
à juste titre que le style des travaux de Tatline étaient traités en grands aplats joyeusement le trône du roi Sigismond et la forêt (galerie carré, il y a dans chaque tableau un second

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L'AVANT-GARDE RUSSE LES ARTS APPLIQUÉS AVANT 1917

,n

V. Tatline, projet de décor pour La Vie pour le tsar (la forêt), 1913. Fusain sur papier. Galerie nationale Trétiakov.

V. Tatline, projet de costume pour La Vie pour le tsar, 1913. Gouache et crayon sur papier. K. Malévitch, esquisses des décors de La Victoire sur
le soleil, 1913. Crayon sur papier. aint-Pétersbourg,
Musée national du Théâtre.

[
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LES ARTS APPLIQUÉS A V ANT 1917
L'AVANT-GARDE RUSSE
niquaient la vie. Ce n'était en rien comparable
La même évolution vers l'irruption du sans- aux "effets féeriques" pratiqués sur les scènes
objet se retrouve dans les esquisses pour les cos- d'alors. » B. Livchits montre que « la peinture
tumes, qui sont aussi conçus à partir d'éléments (cette fois elle n'était pas de chevalet, mais
cubo-futuristes alogi te . « Les masques, qui dis"I théâtrale) menait de nouveau par la bride à sa
simulent les visages, transforment les comédie suite les créateurs de langage futuraslaves ».
et les dénaturalisent comme le feront plus tard Pour lui, c'est dans la mise en scène de Malé-
les costumes d'Oskar chlemmer dans le Ballet vitch, qui « avait montré de façon évidente
Triadique s7 _ » Les costumes sont formés de quelle importance avait, dans le traitement de la
plans géométriques et le noir et le blanc jouent, forme abstraite, la logique intérieure de l'œuvre
comme dans les décors, un rôle important. Dans artistique conçue comme sa composition», que
le premier tableau, par exemple, les murs de la se situe la véritable naissance de la non-figura-
boîte scénique sont blancs, le sol noir et les tion absolue, du suprématisme, du monde sans
esquisses des costumes de l'Hercule aveniriste objets : « L'unique réalité était la forme abs-
de Néron, ou du Voyageur sont noir et blanc. traite qui avait englouti, sans qu'il en restât rien,
Seuls un Certain Malintentionné et le Bagarre toute la vanité luciférienne du monde 64 • »
présentent des surfaces colorées, qui contrastent Alexandra Exter poursuit au Théâtre de
avec le noir et le blanc général. Cette présen Chambre de Taïrov les expériences cubo-futu-
forte du noir et du blanc indique la place que ristes de Tatline et de Malévitch pour la créa-
ces couleurs, uprématistes par excellence, occu- tion d'un nouvel espace scénique. Elle com-
pent déjà en 1913 dans la création malévi- mence sa révolution en 1916 avec Thamira le
tchienne ~. Mais l'esquisse de costume la plus Citharède, pièce du poète ymboliste Innokenti
étonnante est sans aucun doute celle du Fos- Annienski; elle construit un décor géométrique
K. Malévitch, La Victoire sur le Soleil, esquisse
soyeur, qui apparaît au troisième tableau. Pour pour le costume de l'Ouvrier attentif, 1913. stylisé comportant un podium à degrés faisant
K. Malévitch. La Victoire sur le soleil. esquisse cette scène, les murs et le sol sont entièremen face à un espace blanc quadrilatère qui s'ouvre
pour le costume du Fossoyeur, 1913. noirs. Le corps du fo oyeur est un carré noir du mouvement, il invente en fait une sorte de sur un infini lumineux, bordé sur les côtés droit
qui évoque, figurativement, l'extrémité d'un théâtre abstrait, lorsque Malévitch morcelle de et gauche par des amas de cubes, de cônes, de
carré qui est comme le centre dans lequel vien- cercueil mais, surtout, qui impose dès lors le ses faisceaux de lumière les personnages de Vic- colonnes, de formes triangulaires allongées. La
nent s'insérer des éléments cubo-futuristes alo- sens donné à cette image dans l'œuvre de Malé- toire sur le Soleil, lui aussi tend vers un théâtre rupture avec la figuration n'est pas encore
gistes. Dans l'esquisse du cinquième tableau, vitch entre 1913 et 1915, à savoir l'intrusion de abstrait où l'homme n'est plus centre suprême, totale. Abram Efros, le premier chroniqueur du
ces éléments figuratifs ont disparu. Le carré la non-figuration, de l'absence d'objets. Le carré mais facteur d'expre ion parmi d'autres 62 • » Théâtre de Chambre de Taïrov, écrit:« La sta-
central est coupé en diagonale en deux zones, noir est une des faces de la reconnai ance de C'est par l'emploi des projecteurs que Malé- tique apollinienne tenait [dans Thamira le Citha-
une noire et une blanche ( en somme, une l'inanité de toutes nos représentations, une des vitch montre la destruction des objets, leur rède] le centre grâce à un escalier triomphal,
éclipse partielle!). Comme l'écrit Denis Bablet, faces aussi de la seule image réelle, émanation réduction au néant, leur dématérialisation : enclose dans des cônes à forme de cyprès ; la
le spectacle, indubitablement,« tend à l'abstrac- de l'être non-figuratif absolu 59 , - l'autre face « Ces corps étaient mis en pièces par les lames dynamique dionysienne était déterminée par les
tion S6 ». On assiste bien, ici, à la naissance du étant le carré blanc (1918) qui fera apparaître la des phares, ils perdaient alternativement les côtés en pentes et cubes qui s'accumulaient
carré qui doit enfermer toute la figuration pic- liberté totale dans les espaces du rien 60• Le carré bras, les jambes, la tête, car pour Malévitch ils rythmiquement. Le premier élément rendait
turale du passé dans un signe appelé à des déve- noir, porté comme drapeau, dans l'esquisse pour n'étaient que des corps géométriques soumis toute la magnificence de Thamira; le second -
loppements con idérables. Ce signe, le carré le Fo oyeur, fixe la date, pour ceux qui en dou- non seulement à la décomposition, mais aussi à la pétulance des satyres et des bacchantes ; l_a
noir,« l'enfant royal»,« l'icône de notre temps», teraient encore, de la naissance du supréma- la complète désagrégation dan l'espace profondeur de la scène jouait comme une part1-
s'élabore encore dans les dédales de l'alogi me tisme en 1913, comme Malévitch n'a cessé de pictural 1 ' . » D'après B. Livchits, l'appareillage t ion de lumière, colorée subtilement et
pictural de Malévitch en 1913-1915. On le voit l'affirmer. électrique utilisé pour La Victoire sur le Soleil mobile 65 • » Alexandra Exter garde ici encore la
apparaître dans l'esquisse du sixième tableau et Du point de vue purement théâtral, l'apport était particulièrement perfection né pour structure scénique d'un Adolphe Appia 66 mais
dans l'esquisse pour le rideau. Au milieu des capital de Malévitch dans La Victoire sur le l'époque et dépa ait ce qui se faisait dans les elle se souvient des expériences picturales de
entrechoquements alogiques d'éléments dispa- Soleil est l'utilisation scénographique de la théâtres occidentaux : « Dans une nuit de créa- l'art de gauche russe et« cubo-futurise » l'espace
rates, dans la manière d'Un Anglais à Moscou, lumière. Il fait de la lumière « un principe tion du monde, les tentacules des projecteurs théâtral comme elle l'avait fait depuis 1911 de
surgit le carré noir et des variations upréma- créant la forme et légitimant l'existence des extrayaient par parties tantôt un objet, tantôt l'espace du tableau. Avec sa mise en forme, en
tistes (gradation de petits rectangles noirs choses dans l'espace 61 ». Comme l'écrit Denis un autre et, le saturant de lumière, lui commu- 1917, de la Salomé d'Oscar Wilde, toujours chez
typiques du suprémati me dynamique). Bablet : « Lorsque Gordon Craig crée son art

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L'AVANT-GARDE RUSSE LES ARTS APPLIQUÉS A V ANT 1917

A. Exter, projet de décor pour Salomé, 1917. leurs noires, sur le fond général du rideau loubki de Malévitch, qui ne manqua pas de s'y
A. Exter, représentation de Salomé, 1917. rouge, - leitmotiv de ce drame de l'amour et de référer lorsqu'il proposa des travaux semblables
la mort qui s'achève par la chute rapide sur à l'éditrice de Pétrograd N. Boutkovskaïa, par
A. Exter, projet de costume pour Salomé, 1921.
Salomé que l'on tue de cinq bandes d'étoffes l'intermédiaire de Matiouchine: « Cher Mikhaïl
affilées comme des lames de guillotine, couleur Vassiliévitch, j'ai imaginé les loubki purement
Taïrov, Alexandra Exter tire les conséquences velours noir, en forme de coin. Si l'on compare populaires, et s'ils sont un peu grossiers dans
du suprématisme qui vient de s'imposer dans les cette mise en scène de Salomé, où règne la leurs légendes, qu'elle (N. Boutkovskaïa] n'ait
arts russes et crée des décors non-figuratifs que convention théâtrale, avec la mise en scène de pas peur parce que c'est là le côté populaire -
l'on pourrait caractériser comme du « cubo- Bakst et d'Ida Rubinstein à Paris, je pense que c'est un autre esthétisme. Première inscription :
futurisme suprématiste ». Abram Efros note le vrai O. Wilde, avec le raffinement plein de « Le ro signol Brigand ou l'oisillon du diable».
que dans ce spectacle, le rôle dominant est jou6 prix de ses mots, son alexandrinisme et son pré- Deuxième : « Comment le diable aide
par « la culture avant-gardiste de la peinture » raphaëlisme, n'était pas là où Bakst a rendu la Guillaume à faire la guerre ou comment Guil-
d' Alexandra Exter, poussant même le metteur réalité de la perspective de Jérusalem sous la laume achève sa route». Ce dernier, si j'arrive à
en scène Taïrov à être, lui-même, plus radical 67 • lune, avec une lune immobile, mais plutôt ici le rendre, sera le chef-d'œuvre de tous les
Les éléments décoratifs « ne représentent rien. dans ce sertis age artificiel en argent, en or, en loubki et autres. Vous pouvez d'ailleurs mon-
Ils existent par eux-mêmes. Leurs brisures velours noir et en lumière rouge pourpre ... 72 » trer à Boutkovskaïa la revue Loukomorié où
(sdvigui), voilà l'atmosphère picturale grâce à mes loubki sont reproduits en couleurs et on en
laquelle respire le développement de la pièce. fait grand éloge, les trouvant pleins de talent.
Alexandra Exter voulait parler la langue des LE LOUBOK PATRIOTIQUE C'est le n° 30 avec le portrait de « Vorontsov-
"correspondances". C'était sa propre variété - Dachkov à cheval ». J'enverrai les loubki dans
cubiste - de la langue qui un jour a été établie En 1914, en pleine période alogiste et supréma- quatre jours et je vous laisse établir les condi-
par Jean le Précurseur de l'expressionni me lit- tiste, Malévitch est invité par G.B. Gorodetski, tions. Espérons qu'ils vont plaire et alors c'est
téraire, Arthur Rimbaud, dans son célèbre son- le directeur de la maison Le Loubok d'aujour- une anguille de deux mètres que nous déguste-
net sur le caractère coloré des voyelles 68 ». d'hui, à participer à l'entreprise de production rons à Noël.
La Salomé d 'Alexandra Ex ter marque une d'images avec textes consacrées à la propa- Si elle édite, ce n'est pas un ou deux dessins,
étape décisive vers le constructivisme théâtral gande antigermanique. Alors que les structures mais dix-quinze qu'il faudra éditer, selon ce qui
des années vingt. La scène est désormais du loubok avaient servi de base conceptuelle et marchera le mieux et ce qui marchera le moins
construite en plans géométriques de différente « poïétique » à l'e thétique du néo-primitivi me bien.
couleurs ; cercles, triangles, spirales, formes zig- et du cubo-futurisme russes, les artistes eurent Voilà. Au revoir. Adieu, je cours chercher
zagantes oscillent entre mouvement et statisme, la possibilité de faire de vrais loubki, qu'ils des matériaux. Je vous embrasse, Votre Kazi-
le tout accentué par des jeux de lumière. Le adaptèrent au gofit de l'époque; des artistes de mir-le-Grand » (12 décembre 1914) .
corps de l'acteur est traité comme une sculpt~ toutes les tendances stylistiques en réalisèrent, Dans les loubki de Malévitch, le paysan russe
peinture : il est peint et vêtu de costumes aux aussi bien les cézannistes fauves du Valet de est une force de la nature. C'est un preux, tel
formes géométriques, réalisés en partie avec des carreau (Lentoulov ou Machkov), que les futu- I' « errant enchanté » de la nouvelle de Nikolaï
pièces de bois et de métal. Guéorgui Kova- ristes (Malévitch, Maïakov ki, David Bourliouk Leskov, qui lutte contre ses ennemis avec son
lenko, auteur d'une biographie récente ou Tchékryguine ). Il y eut même à Moscou, à la seul courage et sa foi. La paysanne, la baba en
d'Alexandra Exter, a noté l'intemporalité du fin de 1914, une exposition intitulée Guerre et chaussures d'écorce de bouleau (les lapti), prend
travail théâtral de l'artiste pour Salomé 69 , typographie, qui provoqua des recensions où allègrement sur sa fourche de bois un soldat
Quant à Tugendhold, qui a écrit sur elle un étaient oulignées les qualités des œuvres futu- autrichien dont le fusil baïonnette vole en l'air.
texte fondateur 10 , il souligne le caractère ristes. Le critique S. Issakov pouvait écrire : Ils sont seuls contre la multitude organi ée et
innovant du « principe des décors mobiles, « Seuls les futuristes ont su créer un loubok armée des hordes germanique , ymboli ée par
c'est-à-dire que des morceaux de matière de authentique. Seuls leurs travaux offrent la la figure grotesque d'un officier wilhelminien
diverses couleurs et formes se déplacent dans pesanteur quelque peu gro sière et la caractéri- obèse (un « charcutier », comme les Russes
tous les sens en liaison avec le développement sation juste du loubok, seuls ils ont su dénicher appellent les Allemands). « Le paysan russe à la
du cours de la pièce 71 ». Et d'ajouter : « Devant des locutions proverbiale enlevées allant avec barbe noire s'éparpillant au gré du vent devait de
nous tout un clavier de couleurs accompagnant, l'image.» Dans la revue L'Anse (Loukomorié), toute évidence rentrer dans cette série. Debout
tel un orche tre, le développement de Salomé : où l'on vantait aussi « les futuristes mosco- sur l'une des collines qui composent le fond du
depuis des couleurs lune argent jusqu'à des cou- vites», étaient reproduits à titre d'exemple trois paysage, surplombé là encore d'une chaîne de

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LES ARTS APPLIQUÉS A V ANT 1917

agrandi, quant à l'arrière-plan, il servait à la nar-


ration de faits purement quotidiens ou des évé-
nements historique d'une époque donnée. Les
inscriptions au-dessous des images furent intro-
duites tardivement, car, dans les premiers lou-
boks, les textes explicatifs aux lettres calligra-
phiées étaient insérés dans la composition
elle-même afin d'aider à en servir le sens 74. »
E. Kovtoune a noté que Malévitch a réussi à
réfracter de façon nouvelle de nombreux traits
de l'image populaire : le caractère « très
loubok » des teintes réduites à trois ou quatre
rapports, la simplification et le piquant de la
forme, la compo ition en plusieur parties, ce
qui permet d'offrir un récit plastique. Les vers
de Maïakovski qui accompagnent l'image sont
écrits dans le style des comptines russes (les
tchastouchki) et, par leur rudesse satirique, for-
ment avec les loubki de Malévitch un ensemble
tout à fait cohérent.

LE PREMIER DESIGN SUPRÉMATISTE


K. Ma)évitch, Joubok figurant une paysanne russe luttant contre un soldat autrichien, 1914. Encre sur papier
71. 5 x 63.4 cm. Moscou, musée Maïakovski. '
K. ~aJévitch, Joubok figurant un paysan en costume traditionnel luttant contre )'armée prussienne. 1914. Encre sur Il existe en Russie toute une tradition du design,
papier, 71,2 x 53,7 cm. Moscou, musée Maïakovski. avant même que ce nom ne désigne une activité
K. MaJévitch, Joubok figurant un officier wiJheJminien
obèse, 1914. Encre sur papier, 71, 5 x 63,4 cm. Moscou, systématique de création de projets, servant à
musée Maïakovski. leur tour à créer des objets de l'environnement.
Le caractère ystématique de l' œuvre de Sonia
demi-cercles proéminents qui s'étendent jusqu'à Delaunay, au début des années dix, dans le
l'horizon, un paysan vêtu d'une chemise coupe à domaine du design, en particulier son applica-
tour de bras avec un fléau à blé les têtes des tion des recherches picturale les plus avancées
Allemands armés jusqu'aux dents [... ). Malévitch à l'art vestimentaire, ne se comprend que si l'on
s'est attaché à recourir aux formes picturales ne perd pas de vue tout« l'arrière-fond russe».
depuis longtemps assimilées par la conscience De nombreux peintre , dont plu ieurs femmes :
populaire, formes immédiatement compréhen- Éléna Poliénova, Maria Yakountchikova ou la
sibles, familières et extrêmement simplifiée . Il a, prince e Tiénicheva, ont œuvré dans les ateliers
par exemple, utilisé pour indiquer un paysage de artisanaux d' Abramtsévo à la fin du x1:xc siècle,
coteaux, la forme d'une sorte de bol renversé, ou de Talachkino au début de ce siècle et pro-
créant ainsi une impre ion de demi-sphères qui duit des objets dans le style réaliste poétique ou
diminuent proportionnellement, procédé fami- dans le style moderne russe. Le catalogue des
lier aux peintres de louboks des xv1r-xv1w œuvres de Natalia Gontcharova, paru en 1913,
siècles. Mais la file ininterrompue de soldats qui présente toutes sortes de travaux décoratifs
se dressent comme un mur imprenable n'est (illustrations de poèmes, affiches, publicité, pro-
apparue qu'au x1xc siècle pendant la guerre de jets de papiers de tapis erie, broderies, vitraux)
Crimée de 1854-1855. Il était généralement parmi lesquels quarante-deux projets de « cos-
admis de centrer l'idée de l'image populaire sur tumes féminins modernes ». Cette même année,
le personnage principal, considérablement le Salon d'Automne de Paris reçoit une exposi-

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tion organisée par Natalia Ehrenburg sur le deuses de la campagne ~.»Ces travaux sont des
thème L'Art populaire russe dans l'image, le petits chefs-d'œuvre de l'art suprématiste, tout
jouet, le pain d'épice, où sont présentés des bro- à fait différents des architectoniques picturales
deries, dentelles, tapis, tapis en applications de l'artiste. En effet, les projets de broderie uti-
d'étoffes ; ces derniers sont réalisés par le lisent le vocabulaire suprématiste - rectangles,
peintre oudeïkine, du Monde de l'Art, dont la trapèzes, triangles obtus, segments - pour créer
femme Olga Glébova-Soudeïkina continuera le des constellations qui évoluent dans un espace
travail dans ce domaine. sans limite, alors que dans la peinture à l'huile
Certaines broderies sont exécutées d'après les ou dans les gouaches, l'espace est maximale-
dessins de Natalia Davydova {1873-1926), qui ment occupé. Paradoxalement, dans son design
adoptera en 1915 le suprématisme de Malévitch suprématiste, Lioubov Popova est plus proche
et créera, dans le village ukrainien de Verbivka de Malévitch que dans tout le reste de son
(en russe : Verbovka), un atelier artisanal pour œuvre. La gamme de couleurs, avec ses juxtapo-
réaliser les projets de tissus, de châles, de sacs à sitions bleu-noir, blanc-noir, jaune-noir, reste à
main, dessinés par les peintres de l'avant-garde part dans l'ensemble de sa création.
comme Malévitch, Olga Rozanova, Nadiejda Nadiejda Oudaltsova a réalisé à son tour des
Oudaltsova, Xénia Bogouslavskaïa, Ivan Pou- projets pour des sacs, des tissus et des fichus
gny. C'est dans ce village ukrainien de Ver- dans le style cubo-suprématiste de sa peinture de
bivka, ainsi que dans celui de Skoptsy, que chevalet en 1916-1917. Dans son Journal, elle se
naquit le premier design fondé sur les dit émerveillée par l'art des paysannes de Ver-
recherches de l'avant-garde picturale. Voici ce bivka : « Les broderies étaient vraiment éton-
qu'écrit à leur sujet l'éminent spécialiste des nantes, sur de la soie blanche, elles étincelaient
N. Ghenke-Meller. Composition suprématiste, 1916-1917.
avant-gardes russe et ukrainienne Dmytro Hor- Broderie de soie sur moire. 35,5 x 27 cm. Kiev, de toute la beauté de leurs fils de soie colorés,
batchov : « Grâce aux efforts de trois femmes coll. Viétrov utilisés avec une maîtrise remarquable ..i. »
peintres: Exter, Prybylska et Davydova, deux matisme ne tranchent-ils pas préci ément par Quant à Olga Rozanova, elle nous a laissé
centres nouveaux de l'art avant-gardiste surgis- cette générosité des teintes et des mouve- O. Rozanova. projet de sac à main, 1916-1917. des dessins de broderies et de robes. Les deux
sent en Ukraine; ce sont deux villages : Ver- Encre sur papier, 35 x 23.2 cm. MNR, aint-Pétersbourg. aquarelle du musée d' trakhan, représentant
ments? Il était alors compréhensible qu'elle
bivka, près de Kharkiv, et Skoptsy, non loin de revienne à ses sources en faisant l'apport de la une ornementation suprématiste, nous mon-
Poltava. Dans ces villages, des artisans ukrai- science picturale reçue à Paris ou à Florence. Il nous est resté un ensemble de collages trent une artiste douée non seulement d'une
niens faisaient, en 1915-1916, des tapis et des Le rôle de Natalia Davydova dans la création miniatures uprématistes de Lioubov Popova ingéniosité formelle et d'un savoir-faire tech-
broderies d'après les esquisses des peintres d'un art paysan qui intègre les données des arts pour Verbivka. Ils étaient « confectionnés avec nique très personnels mais également d'une
suprématistes. À la suite de cette coopération, plastiques novateurs n'est connu encore que du papier blanc ou de couleur, satiné ou mat, sensibilité coloriste aiguë.
les peintres-urbanistes ont enrichi leur palette partiellement. Nous savons seulement que l'acti- collé sur un fond soit blanc (du papier blanc) Ce premier design suprématiste, encore
des couleurs typiques de l'art populaire et les vité de l'atelier de broderie artisanale qu'elle soit gris (du carton léger aux différentes embryonnaire pourrait-on dire, aura des consé-
paysans-artisans sont devenus des "Futuristes dirigeait en Ukraine dans le village de Verbivka nuances grisées). Dans le dernier cas, c'était quences de la plus grande importance après
du peuple", conférant plus d'acuité et de dyna- « se déroulait avant 1915 sous le signe des probablement pour imiter la toile écrue, qu'uti- 1917, quand l'art se voudra le maître de tout
misme à leurs dessins ornementaux (Hanna influences muséales - était un reflet de l'ancien lisaient, à égalité avec le drap blanc, les bro- l'environnement.
Sobatchko et d'autres) . » temps. À partir de l'exposition des Arts décora-
Aucune étude à ce jour n'a été faite sur cette tifs de Moscou en 1915 77 , les courants les plus
création si particulière. Nous savons seulement récents de la modernité s'introduisirent dans le
qu 'Alexandra Exter a exécuté des esquisses de travail fait à Verbivka (on s'assurera le concours
broderies et de gobelins pour les ateliers de de la femme peintre A. Exter). À cette occa-
Natalia Davydova à Verbivka et d'A. Sémigra- sion, on réussit à faire apparaître beaucoup de
dova à Skoptsy 76 • Cette collaboration était toute nouveaux talents tirés de la masse populaire . »
naturelle : Alexandra Exter n'a-t-elle pas reçu Ainsi, les paysannes de ces villages ukrainiens se
les impul ions décisives - coloristes et formelles mirent à interpréter librement les formes cubo-
- de l'art paysan, en particulier ukrainien? Son futuristes et suprématistes qui leur étaient pro-
cubisme, son cubo-futurisme, son cubo-supré- posées par les artistes des capitales.

194
CHAPITRE7

LA RÉORGANISATION
DU SYSTÈME ARTISTIQUE
APRES LES RÉVOLUTIONS DE 1917

BOULEVER EME TS. LES SVOMAS temps les désirs de totale liberté des élèves. Le
Narkompros organisa au début de 1918 une
Dans la foulée de l'extraordinaire enthousiasme Section des Arts Plastiques (Otdiel Izobrazitel-
romantique que provoquèrent les révolutions nykh lskousstv ), plus connue sous le nom de
de février et d'octobre 1917, les élèves et les /zo. Le peintre David Sterenberg fut nommé à
artistes de l'art de gauche mirent joyeusement à sa tête. L'/zo comportait deux collèges, celui de
mal les structures de l'ancien régime : à Pétro- Pétrograd, dirigé initialement par David Steren-
grad, l'Académie des Beaux-Arts et l'école berg 2 (Natan Altman, Pounine, Tchékhonine,
d'Art industriel du baron Stieglitz; à Moscou Maïakovski, Brik, Chtchouko ... ) et celui de
l'école de Peinture, culpture et Architecture et Moscou dirigé par Tatline (Machkov, Kouznet-
l'école d'Art industriel Stroganov. sov, Malévitch, Joltovski, Falk, Kandinsky,
Dès mars 1917, après l'abdication de Nicolas II, Koroliov, Konionkov, Chevtchenko, Morgou-
la fédération des artistes de gauche, qui prit le nov, Olga Rozanova, Nadiejda Oudaltsova).
nom de Liberté de l'art 1, réagit aux tentatives Lors de la conférence des élèves des Beaux-
des passéistes du Monde de l'art, Benois en Arts de Pétrograd, le 24 avril 1918, le mot
tête, pour créer un ministère des Beaux-Arts liberté domine dans la résolution finale ; le rap-
qui assurerait la protection des monuments et port de l'art à l'État est régi par deux facteurs :
des œuvres d'art (Gorki en avait été l'instiga- l'État et le peuple d'un côté, les artistes et les
teur). Cet affrontement entre les artistes du exigences du siècle d'un autre. La condition
Monde de l'art et les futuristes prolongeait, d'un grand art est sa liberté. Toute centralisa-
dans de nouvelles conditions politiques, les tion du pouvoir est ennemie de l'art 3.
conflits véhéments d'avant 1917. C'est ainsi que furent créés le 5 septembre
La « liberté » revendiquée par le « bloc de 1918 les Svomas (Ateliers libres) qui remplacè-
gauche» renouvelait celle que n'avaient cessé de rent les anciennes écoles et académies artis-
proclamer les novateurs, depuis au moins 1907, à tiques. Ces ateliers n'étaient plus soumis aux
savoir que la création est indépendante de toute règlements bureaucratiques antérieurs et
autre force que la sienne propre. Et Maïakov ki encourageaient les élèves à s'engager sur les
pouvait alors, après février 1917, s'écrier: « Que voies de l'expérimentation. L'ambition était de
vive longtemp l'art libre de la politique ! » Nous revenir aux traditions renaissantes, comme le
savons ce qu'il en sera après la révolution précise Sterenberg, directeur de l'lzo en 1918-
d'Octobre et le coup d'État de Lénine qui suivit 1919: « L'art est illimité et indéfini, il est impos-
les élections de novembre 1917. sible de l'apprendre: le seule chose possible est
Pourtant, le nouveau pouvoir soviétique, de donner à ceux qui en ont besoin et qui dési-
représenté par le fameux Narkompros (Com- rent étudier le métier artistique, des ateliers
missariat du peuple à l'instruction) dirigé par Ana- d'État libres et gratuits. Seuls ces ateliers peu-
toli Lounatcharski, écrivain et penseur marxiste vent offrir aux élèves tout ce qui est nécessaire
à réputation libérale, favorisa dans un premier pour apprendre à peindre comme on peignait à

197
L'AVANT-GARDE RUSSE RÉORGANISATION DU SYSTÈME ARTISTIQUE APRÈS 1917

l'époque de la Renaissance, lorsque chaque tuité totale, la possibilité pour tout citoyen de impressionnisme (Korovine) ; néo-impression-
peintre apprenait dès l'enfance d'un maître tous plus de seize ans de s'inscrire sans aucune attes- nisme (sic) (Kouznetsov, Kontchalovski, Len-
les procédés du métier, en commençant par le tation que ce soit et de bénéficier de la gratuité toulov); post-impre sionnisme (sic) (Kouprine,
frottage de couleurs et en finissant par la colla- pendant sept années maximum. L'affiche disait Rojdiestvienski) ; cubo-futurisme (Tatline) ;
boration à l'exécution des tableaux. Le profes- encore : « Les cours dans les Ateliers auront suprématisme (Morgounov, Malévitch). La
seur doit travailler de concert avec ses élèves lieu dans la journée (art) et le soir (disciplines sculpture était représentée, sans mention de
mais la peinture ne doit pas se plier aux ten- artistiques scientifiques). 6 heures par jour. Le style, par Konionkov, Babitchev, Vataguine,
dances des professeurs. On ne doit pas privilé- système des cours se fait selon les groupes (les Bromirski, Erzia. Les directeurs des Ateliers de
gier tel ou tel courant ou telle ou telle tendance courants). Les disciplines artistiques scienti- spécialité proposé étaient les suivants : pour les
dans l'art. On peut seulement comparer deux fiques ne sont pas obligatoires sauf pour les per- arts décoratifs - Yakoulov, Lentoulov, Mach-
courants différents, en laissant à chacun d'eux la sonnes qui désireront se consacrer à l'activité kov; pour l'art du décor théâtral - Tatline,
possibilité de se développer librement 4• » Quoi pédagogique artistique; le système d'enseigne- Yakoulov, Fédotov, Fiodorov ki; pour les arts
qu'on en ait dit, l'intolérance prêtée aux créa- ment des disciplines artistiques cientifiques est graphiques - Pavlov, Faliléïev, Malioutine ;
teurs de l'avant-garde est un mythe. Les décla- le cours magistral.» pour la peinture sur porcelaine, verre et émail -
rations belliqueuses çà et là ne visaient que le Sont aussi présentés par le Groupe d'initia- Kouznetsov ; pour le textile - Malioutine, Olga
pouvoir que voulait prendre, et qu'a finalement tive et d'organisation des élèves les directeurs Rozanova, Alexandra Exter, Natalia Davy-
pris, l'art académique, bureaucratique et pas- potentiels d'ateliers. Ne sont nommés que ceux dova; pour la sculpture décorative - Vataguine,
séiste. Aussi bien chez Malévitch, qui n'a jamais qui se trouvaient à Moscou et avaient donné Babitchev ; pour la sculpture métallique -
obligé ses élèves à (( faire du uprématisme », leur accord de principe selon leur tendance N .A. Andréïev ; pour la sculpture sur bois -
que chez Kandinsky, seule la liberté créatrice esthétique: naturalisme (Maliavine, Malioutine, Konionkov; pour l'architecture décorative -
pouvait être le moteur de toute vraie vie artis- Fiodorovski); réalisme (Grigoriev, Oulianov); Chtchoussiev, Fomine; pour l'ameublement des
tique. Ainsi, dans l'atelier de ce dernier, en équipements - Proussov.
Affiche pour l'inscription dans les Ateliers nationaux
1920-1921, on affirmait que «quelque soit le d'Art libres (Svomas), 1918. Les directeurs des Ateliers de composition
type de peinture étudiée [peinture figurative ou générale cités sur cette affiche étaient : Noa-
abstraite], il faut parcourir un chemin déter- KO MMCCAPlffb HAPUHHHO nPOCBl>lUEHIA kowski, Grichtchenko, Malévitch. Enfin, on
miné par une série d'exercices: modèle vivant,
nature morte, travaux d'imagination person-
~ ...
OuM-. H10«h>11.MII, '"",." Hc11yr ulo
- énumérait les disciplines artistiques scienti-
fiques: l'histoire des arts de l'Occident et de la
1-11 OHT16p1 C. r. n MoCHBt OTKpb183IOTCR
nelle, esquisses, composition , etc 5• » Plus loin, r 0:C Y A A P I B; H tf blSI
Russie - Noakowski, Benois, Grabar, Friet che,
il est dit que l'école ne doit rien imposer, hormis ozarev ki; l'histoire des arts décoratifs - Noa-
les connaissances du métier. (( Le peintre doit CBOBO.llBLIJI IJ!OJKECTBEHHLIJI kowski, Benois, Grabar, Grichtchenko ; l'his-
trouver lui-même sa voie 6• » Le système des === MACTEPC K UI mn=== h ,,_ IICTqlllll\ llllllllll · 1
toi re de l'art contemporain - Chevtchenko,
Svomas fut étendu à la province : Pskov, Tvier, Axionov ; la philosophie de l'art - Valéri
Vitebsk, Riazan, Kazan, Penza, Voronèje, Sara-
tov, Vologda, Nijni Novgorod, Lipietsk, Iaro-
... - w, u
..
If•"-"''• J'po,..,......
dW.l\
JI(•...,.,...
TN\ •I
Brioq sov, Andreï Biély, Griftsov, Axionov ; la
méthodologie de l'en eignement des arts plas-
slav, Minsk, Moghilev, Gomel ·. tiques - Grichtchenko, Lopatinski, Zimina-
À Pétrograd, où Pounine fut nommé fin 1917 Hirsch; l'anatomie plastique - Goloouchev; la
Commissaire du Musée national russe, les Svo- perspective, la théorie des ombres et la géomé-

__ =--=----- ·-
...;..
mas furent inaugurées le 10 octobre 1918 par h 11-fflll l"IU IUHPtlll\ " ·• trie descriptive - K.A. Vlassov; la technique de
a,-qpielllf' li!IW"
Lounatcharski. À Moscou, les Premiers Ateliers lk-.. ...
no
•, ..._ ~ •
la scène - Taïrov, Kommi arjev ki, Fédotov;
nationaux d'Art libres étaient issus de l'école f • ,,.. ... -
les poncifs et les modèles - Proussov.
.,.,... ,.... ,....,,_,
-· .. ,,_
troganov; les Seconds, de l'école de Peinture, no CHy&mypt.
•• l• l ~ . . . . , _ ........
Les représentants des esthétiques les plus
Sculpture et Architecture. L'affiche annonçant x .....w..~,,-_.,i;-,... oppo ées figuraient donc conjointement sur
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l'ouverture à Moscou, le 1°' octobre 1918, des ......


h ,,__..,_ cu umm 11mmm
cette première liste, résultat du vent de liberté
.,_~ : -:::...."'==- .,,-..
:)An "1 CJo CîlCCA.H E ~110 OT 5 7
Ateliers nationaux libres proclame, entre ,_...."'.,...... que les deux révolutions de 1917 avaient fait P0)l{AECT C$EHl<A ~ 1,
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_C....._......,....,._, _u XYAO)K E,GTB EH~ I tACTEPCK."1 E
autres, (( l'existence libre de tous les courants
artistiques confirmés », le développement de
-'""'-
===...:. ·. -:- .=,-"":~
. .. , ....... ,. souffler. Les clivages ayant cours avant 1917 se
confirment cependant: (( l'art de droite » (sans
l'individualité de chacun selon ses choix, l'élec- rapport direct avec le clivage politique) était Affiche annonçant l'ouverture de la section lzo du
tion par les élèves de leurs directeurs, la gra- représenté par les naturalistes (Arkhipov, arkompros, 1918. Coll. part.

198 199
L'AVANT-GARDE RUSSE RÉORGANISATION DU SYSTÈME ARTISTIQUE APRÈS 1917

Malioutine) et les symbolistes (Kouznetsov); tique », posait la question suivante : « Faire sau- négatif et négateur de l'idéologie des« commu- graphiques marxistes-léninistes staliniens, suivis
« l'art du centre», par les cézannistes fauves du ter, détruire, effacer de la surface de la terre les nistes-futuristes » et se dit effrayé par« la pro- généralement sans discernement en Occident.
Valet de carreau (Kontchalovski, Machkov, vieilles formes d'art, n'est-ce pas le rêve de pension à détruire ce qui regarde le passé et la Alors que le léninisme insistait sur la lutte des
Falk, Kouprine, Rojdiestvienski) ; « l'art de l'artiste nouveau, de l'artiste prolétarien, de tendance, en parlant au nom d'une école précise classes et « l'esprit de parti », le Prolietkoult
gauche », par Kandinsky, Malévitch, Tatline, l'homme nouveau ? 10 » Question q'ui faisait [en l'occurrence, le futurisme], d'évoquer en avait une conception quasi messianique du pro-
Morgounov 8• écho aux vers maïakovskiens : « Il est même temps le nom du pouvoir. » Lounat- létariat à travers l'Histoire et, surtout, il insistait
L'affiche annonçait encore les élections (du temps/Que les balles/Crépitent sur les cimaises charski s'élève contre la « terreur artistique », sur les principes d'organisation constructive de
7 au 20 octobre 1918) des directeurs de chaque des musées.» Et d'en appeler au dynamitage du au nom de la liberté qu'avait fait, semble-t-il, la société (cette conception a pu donner des
atelier par les élèves. De façon inattendue, des monument du tsar Alexandre III ( œuvre de s'épanouir la Révolution. Les propos de cet impulsions décisives pour l'élaboration en 1921
personnalités de premier plan de l'art de Paolo Troubetzkoy) sur la place de la Vierge du article furent, hélas, bafoués par la suite par le du constructivisme). Face à l'anarchie et la
gauche, comme Malévitch ou Tatline, ou de Signe (Znamienskaya Plochtchad) à Pétrograd, pouvoir soviétique : « J'ai déclaré des dizaines désorganisation qui résultait de la lutte entre les
l'art de droite, comme Léonide Pasternak ou à porter l'attaque contre Pouchkine « et autres de fois que le Commissariat à l'instruction doit différents courants, et jusqu'à l'intérieur de
Youone, ne furent pas élues. Le Narkompros généraux classiques », à faire monter la fumée être sans parti pris dans son attitude à l'égard l'avant-garde, un besoin d'organisation se fit
intervint alors pour « corriger » les résultats du d'une fabrique de macaronis au-dessus du des différentes tendances de la vie artistique. sentir de façon de plus en plus pressante, même
scrutin et renforcer la position des artistes de Palais d'Hiver, et de conclure : « Changer de En ce qui concerne les que tions de forme, le au sein des groupements les plus nihilistes. Le
gauche qui étaient moins connus en raison de veste extérieurement/C'est peu, camarades !/Il go0t du commissaire populaire et de tous les malentendu s'installa presque aussitôt entre le
leur situation relativement marginale avant faut vous retourner dans vos entrailles.» représentants du pouvoir ne doit pas entrer en pouvoir et les novateurs, malentendu qui rési-
1917. Trois types d'Ateliers libres furent donc Dans son article« Une cuillerée d'antidote», ligne. Que toutes les personnalités et tous les dait dans l'emploi du mot « révolutionnaire» :
mis donc en place : 1) des ateliers avec profes- paru dans le numéro 4 du 29 décembre 1918, groupes artistiques aient la possibilité de se des artistes comme Kandinsky, Malévitch, Filo-
seur élu par les élèves; 2) des ateliers sans pro- Lounatcharski se déclare inquiet du caractère développer en toute liberté! Qu'il ne soit pas nov, Tatline avaient été des révolutionnaires
fesseur; 3) des ateliers avec professeur désigné. permis à une seule tendance d'en effacer une dans le domaine de l'art avant 1917 et, à ce titre,
Lors de l'inauguration des Svomas le 13 L 'An de la Commune, n 18, 6 avril 1919 (couverture). La autre, en s'armant soit d'une gloire tradition- ils avaient subi les attaques de la pensée domi-
manchette est signée Karl Marx:« L'être social n'est pas nante ( « bourgeoise », selon le schéma
décembre 1918, Lounatcharski fit un discours déterminé par la conscience, mais la conscience par l'être nelle acquise, soit d'un succès tenant à la
qui contenait en germe, sans qu'on y prît garde social.» mode.» marxiste 12). Ils n'eurent aucune peine à s'identi-
alors, les futurs développements dictatoriaux et Les futuristes de L'Art de la Commune se fier à la révolution politique et économique
totalitaires de la vie artistique en URSS : « La désignaient comme l'avant-garde artistique du radicale qui se faisait en Russie après 1917 et il
vie artistique est aujourd'hui délivrée de toute prolétariat et disputaient ce rôle au Proliet- leur arriva même de penser qu'ils avaient été,
forme de dépendance étrangère et n'est plus koult (Culture prolétarienne) qui avait créé, par leur art, les avant-postes de la révolution
tributaire que de l'État [c'est moi qui dès le début octobre 1917, sous l'impulsion politique. Malévitch écrit en 1919 dans Des nou-
souligne]9 ». Il faut dire, à la décharge de Lou- d'Alexandre Bogdanov, vingt organisations veaux systèmes dans l'art : « Le cubisme et le
natcharski, qu'à côté de l'anarchie il y avait comptant jusqu'à quatre cent mille membres et futurisme étaient des mouvements révolution-
toute une partie de l'avant-garde qui en appe- !f 18
éditant une vingtaine de journaux. À la diffé- naires en art qui ont devancé aussi la révolution
HE EblTll1E onPEAEJlflETCfl 003HA- de la vie économique et politique en 1917'3• »
lait à la destruction « physique » du passé. Dans Hll1EM A 003HAH111E - 6blTll1El\!1. rence des « communistes-futuristes », qui se
l'organe des « communistes-futuristes » (kom- voulaient au service du pouvoir politique - dont Du point de vue sociologique, le tableau que
fouty), l'hebdomadaire de Pétrograd L'Art de ils ont longtemps espéré qu'il les suivrait, voire l'on peut avoir de la période de dix ans qui a
la Commune (/skousstvo kommouny), dont les les comprendrait -, les organi ateurs du Proliet- suivi la révolution de 1917 est loin d'être idyl-
rédacteurs étaient N. Pounine, O. Brik et koult refusaient catégoriquement de mélanger lique, comme le voudrait le mythe des « années
N. Altman (dix-neuf numéros en tout), on trou- « les tâches du bloc politique avec celles du bloc
vingt» qui s'est peu à peu installé en Occident:
vait dans presque chacune des livraisons une culturel de classe » : « Dans les questions de cul- règlements de compte, excès de tous les bords.
poésie de Maïakovski. L'une d'elles, Il est tôt ture, nous sommes des socialistes décidés. Nous Les anciennes « victimes » eurent tendance à
pour se réjouir, parue dans le deuxième numéro affirmons que le prolétariat doit dès à présent, devenir à leur tour « bourreaux » pour finale-
du 15 décembre 1918, provoqua une réaction du sans tarder, créer pour soi-même des formes ment être balayés par la médiocrité triom-
Narkampros, pourtant ouvert à toutes les expé- socialistes de pensée, de sentiment, de mode de phante qui se servit du système bureaucratique
riences en art. Il faut dire que la poésie de vie, indépendamment des rapports et des com- installé de façon de plus en plus monstrueuse
Maïakovski et, de façon générale, les positions binaisons des forces politiques 11 • » par le Parti communiste afin d'éliminer toute
de L'Art de la Commune n'y allaient pas de Le rôle capital joué par la pensée et la pra- velléité d'esprit de novation.
main morte. Dans ce même numéro, Pounine, tique du Prolietkoult doit être remis en lumière Du point de vue esthétique, les années vingt
tout en se déclarant contre toute« terreur artis- après avoir été occulté par les schémas historio- ont été sans contredit le champ d'expérience

200 201
L'AVANT-GARDE RUSSE RÉORGANISATION DU SYSTÈME ARTISTIQUE APRÈS 1917

picturale , architecturales, théoriques, philoso- dinsky étant adoptés en mai de la même année.
phiques inouïes et variées. Certes, après 1917, L'Inkhouk dura jusqu'en 1924. Sous l'influence
on n'a fait que poursuivre ce qui n'avait cessé de l'Inkhouk, les Svomas (Ateliers libres)
de bouillonner dans l'avant-garde russe depuis furent réorganisés en 1920 en Vkhoutémas
environ 1907. Mais s'il est vrai que la révolution (Ateliers upérieurs d'Art et de Technique), qui
politique n'est pas à l'origine des principaux deviennent Vkhoutéïne (Institut supérieur d'Art
courants arti tique , elle a toutefois pu créer le et de Technique) en 1928, avant d'être fermés
climat propice à l'épanouissement de toutes les en 1930. Des Vkhoutémas naquit la Faculté
formes d'art possible, et cela tant que la liberté ouvrière (Rabfak) où le sculpteur et théoricien
de création a été laissée aux artistes, c'est-à-dire A.V. Babitchev joua un grand rôle 16•
pendant environ cinq ans. En 1922 naît l'Akhrr, Après son éviction définitive de l' Inkhouk au
l'officieuse Association des artistes de la Russie début 1921, Kandinsky mit sur pied la même
révolutionnaire à l'esthétique archirétrograde; année une Académie de Russie des Sciences
par la suite, le pouvoir politique s'est peu à peu artistique (Rakhn) dont il fut vice-président (le
livré à des tracasseries de plus en plus coerci- président était Piotr Kogan, membre du Parti
tives pour finalement supprimer toute liberté, communiste).
en 1932 tout d'abord ( élimination de tout A Pétrograd, 1921 vit l'apparition du musée
groupe isolé), en 1934 définitivement (édiction de la Culture artistique, suivi d'un Institut
du dogme du « réalisme socialiste » ). national de la Culture artistique (Ghinkhouk)
L'exemple de Walter Gropius fondant à Wei- (1924-1926) que Malévitch dirigea après son
mar le Bauhaus au printemps 1919 a dt1 être un départ de Vitebsk en 1922.
facteur d'encouragement pour les artistes de
gauche en Russie soviétique. En effet, de façon Malévitch et ses élèves à la gare de Vitebsk en juin 1920,
presque concomitante, en Allemagne puis en partant pour Moscou participer à la Première conférence
de toute la Russie organisée par les Svomas.
Russie, furent créés des instituts d'art fondés
sur des bases nouvelles ; non plus celles, tradi- Malévitch et le groupe de l'Ounovis en 1920 à Vitebsk. De gauche à droite, debout: Tcbervinka, Malévitch, Roïak,
N. Kogan, Souiétine, Youdine, E. Magaril; assis: Wechsler, V. Iermolaïéva, Tchachnik, L. Khidékel.
tionnelles, de l'histoire de l'art savante, mais
celles de la « culture artistique » ou de la « cul-
ture picturale », laquelle s'appuie sur le proces- L'OUNOVIS DE VITEB K (1919-1922) Le suprématisme fut, avant même l'appari-
sus vivant de la création, sur l'expérimentation, tion du constructivisme en 1921, le seul courant
sur le laboratoire. C'est ainsi que furent fondés Pendant l'été 1919, Véra Iermolaïéva invita dans l'art de gauche qui ait eu un prestige incon-
dès 1919 des musées de la Culture picturale à Malévitch à venir en eigner à Vitebsk, une ville testable. En 1919, Pounine écrivait:« Le supré-
Moscou d'abord, à Pétrograd ensuite (sous le de Biélorussie qui comptait presque cent mille matisme s'est épanoui comme une fleur opu-
nom de Musée de la Culture artistique). Ce sont habitants. Chagall, natif de cette ville, y avait lente à travers tout Moscou. Enseignes,
11
les premiers musées d'art moderne au monde. été envoyé par le Narkompros pour y faire expo itions, cafés - tout est suprématisme ».
Kandinsky prit une part active à leur renaître la vie artistique. Il y avait créé une Mais, dans le même temps, il était contesté par
élaboration 1• et Malévitch, dans des articles de école d'art où vinrent enseigner plusieurs le courant issu de Tatline qui débouchera préci-
1919 15, lutta pour une nouvelle façon de présen- peintres de Moscou ( entre autres, Véra Iermo- sément sur le constructivi me. Il restera dans les
ter les œuvres d'art. 1aïé va, Pougny, Lissitzky ... ). L'arrivée de années vingt un sérieux concurrent du construc-
Malévitch, arrivé à l'automne 1919 à l'école Malévitch se solda par l'éviction de fait de Cha- tivisme. D'une certaine manière pourtant, le
d'Art de Vitebsk organisée par Marc Chagall, gall : son atelier fut déserté au profit du pre- suprématisme a autant marqué le style des
créa le premier institut d'art moderne après le mier qui put ainsi fonder une école supréma- années vingt que le con tructivisme, même si ce
départ de ce dernier : c'est l'Ounovis (Affirma- tiste, l'Ounovis ( Outverjdénié [ ou bien dernier, peut-être à cause de son matériali me
tion et fondement du Nouveau en art) qui dure Outverditéli) Novovo v lskousstvié, Affirmation profe é, a réussi à tenir le haut du pavé avant
jusqu'en 1922. et fondement [ou Affirmateurs et fondateurs] d'être balayé, comme toute l'avant-garde, au
À Moscou, le Soviet des Artistes se constitua du Nouveau en Art), qui influera sur la nais- début des années trente.
en Inkhouk (Institut de la Culture artistique) en sance de l'lnkhouk de Moscou quelques mois Malévitch partit pour Vitebsk, non seulement
mars 1920, les statuts et le programme de Kan- pour des raisons économiques (il faisait
plus tard.

202 203
L'AVANT-GARDE RUSSE RÉORGANISATION DU SYSTÈME ARTISTIQUE APRÈS 1917

meilleur vivre en province que dans les capi- matérialité, de raison d'être ; voilà pourquoi le théorie cubiste (facture, espace et forme, découvrir I' Auteur d'un Tableau, de connaître
tales pendant le communisme de guerre), mais suprématisme n'est pas un grand art, voilà pour- nature, statique et dynamique, poids de la le mouvement du Pinceau, si l'on ne pénètre
aussi parce que ceux qui avaient été sous son quoi il est si facilement utilisable dans le textile. forme et de la construction); 3) Van Gogh et le dans celuy de )'Esprit 27 • » Ces mots ne font-ils
influence entre 1916 et 1919 se démarquaient dans les cafés, dans les dessins de mode, etc. Le futurisme (ville et campagne, académie, facture pas écho à Malévitch : « Ainsi, ni la couleur ni la
publiquement de lui. Ainsi, lors de la xe Expo- suprématisme est une invention qui doit avoir dynamique .. . ); 4) Théorie du suprématisme forme ni la représentation ne mettent en forme
sition nationale. Création sans-objet et supré- une signification colossale dans les arts appli- (facture dynamique, picturale et colorée, quoi que ce soit mais elles mettent en œuvre la
matisme, qui se déroula au début 1919 à Mos- qués mais ce n'est pas encore de l'art. Le supré- construction dynamique des formes, espace et force de l'esprit, autrement dit l'énergie des pro-
cou, Malévitch se retrouva pratiquement seul matisme n'a pas donné de forme. Bien plus, il temps, couleur et ville ... 24 ). cessus de sensation , .»
en face de tous les artistes exposés (sauf, peut- est aux antipodes de la forme comme princip Malévitch a expérimenté ce programme à La base fondamentale de l'Ounovis de
être, Lioubov Popova, Mienkov et Olga Roza- de la nouvelle ère artistique ; le suprématisme l'Ounovis de Vitebsk 25 • Mais la section consa- Vitebsk consistait en « la libération de l'escla-
nova, dont les œuvres étaient là à titre post- barre toutes les routes, c'est un cycle fermé sur crée au suprématisme s'était considérablement vage devant l'objet matériel 29 », le travail sur les
hume) ; Rodtchenko ne manqua pas de lui-même, vers lequel ont conflué toutes les élargie. Loin des capitales, Malévitch put don- « éléments premiers » : droite, courbe, volume,
critiquer les implications philosophiques du voies de la peinture universelle pour y ner libre cours à ses intentions profondes. Ainsi surface plane, tous issus du point et formant des
suprématisme malévitchien en affirmant qu'il mourir 20• » trouve-t-on les subdivisions suivantes qui organismes. La « faculté picturale » permettait à
laissait, lui, philosophie et littérature aux spécia- Malgré la défense du suprématisme, faite en n'étaient pas dans le programme moscovite: 1) l'apprenti de « connaître que toute la nature
listes de cette discipline, ne se préoccupant que particulier, de façon certes nuancée, par Dynamisme coloré pur, système d'édification, aussi bien que toute perception est de la couleur
d'être le découvreur de nouveaux continents de Pougny 21 et par Chklovski ', les propos fielleu- économie, scène, ornementation, théâtre ; 2) construite 30 », la « faculté matérielle », elle,
la peinture (il se comparait à Christophe semen t ambigus de Pounine à l'égard de ce mouvement suprématiste incolore ; 3) théorie considérait les matériaux comme « moyens de
Colomb qui, d'après lui, n'était ni écrivain, ni mouvement, à l'évidence antimatérialiste sans du mouvement suprématiste ; 4) architecture, dépassement » ; enfin une « faculté factuelle »
philosophe, seulement un découvreur de nou- être pour autant idéaliste, jouèrent un rôle dans suprématisme corporel de construction ; 5) le se consacrait à la technologie comme « moyen
velles contrées). Face à la série des« Blancs sur le départ de Malévitch pour Vitebsk. Mais peut- carré - son développement économique ; 6) phi- du bâtisseur ». Lazare Khidékel résumait ainsi
blanc » ( dont le fameux Carré blanc sur fond être peut-on y voir aussi le désir de ne pas se lo ophie du suprématisme. Science - négations le programme de l'école suprématiste : « Ce
blanc) de Malévitch, c'est-à-dire du sans-objet laisser envahir par la cellule du Parti commu- de la science. Développements de la construc- n'est pas la copie des choses créées qui est la
se manifestant dans la profondeur blanche de niste russe qui s'introduit dans le milieu étu- tion en soi, conforme à la nature ; 7) personne création de l'homme mais la création d'une
l'infini libre, du « Rien libéré » , Rodtchenko diant des Svomas pendant l'été 1919 23 • L'expé- et unité. Le collectif comme voie vers l'unité. Le nouvelle chose [ ... ]. En ce moment, nous ne
présente sa série des « Noirs sur noir » où il ne rience de l'Ounovis de Vitebsk fut de courte programme de Moscou s'était enrichi à Vitebsk copions pas Rubens et n'imitons pas Picasso,
se préoccupe que de contrastes purement textu- durée ; cependant, l'enseignement qui y fut par la création d'ateliers d'art décoratif. mais nous étudions le cubisme, le futurisme et
rels, matériels, sans aucune implication méta- donné par Malévitch lui-même, et par des La base de l'enseignement à l'Ounovis partait le suprématisme, toutes les étapes de la pein-
physique, quelle qu'elle soit 18• Quant à Klioune, peintres comme Véra Iermolaïéva (cubo-futu- de la constatation que l'art moderne commen- ture qui épuisent toutes les réalisations de la
qui fut le suiveur de Malévich, il termina sa risme), par des disciples du suprématisme çait avec Cézanne. Il s'agissait donc d'étudier les toile et mènent à la création de l'édification du
déclaration du catalogue en attaquant le « carré comme Li itzky ou Nina Kogan, compte parmi différentes « cultures picturales » et d'en faire nouveau monde, ce qui sera notre perfectionne-
noir » qui a verrouillé le cercueil où gît le les expériences pédagogiques importantes de ressortir les éléments essentiels; l'impre sion- ment de l'époque contemporaine 31 • »
cadavre de l'art pictural, c'est-à-dire « les notre siècle. C'est de cette école suprématiste nisme, le post-impressionnisme (Van Gogh,
formes figées, immobiles du uprématisme 19 ». de Vitebsk que sont sortis Nikolaï ouïétine, Gauguin), le cézannisme, le pointillisme, le El Lissitzky, Abattez les Blancs avec le coin rouge /du
btlcheron} (affiche), 1920. Lithographie, 49 x 69 cm.
Pounine, qui fut toujours plus proche de Tatline peintre très fin qui a mis son art au service du cubisme, le futuri me, le uprématisme sont ana-
que de Malévitch, pouvait alors écrire dans design (surtout porcelaine), Ilia Tchachnik ou le lysés non seulement selon la méthode formelle
l'article de 1919 cité plus haut : mais aussi selon une philo ophie du monde où la
futur architecte Lazare Khidékel. Nous avons le
« Qu'est-ce que le uprématisme ? Sans nul rapport de Malévitch au Conseil des Svomas de sensation est ce par quoi « s'accomplit la fusion
doute, une invention créatrice mais une inven- Moscou, le 15 septembre 1919, où il demandait du monde avec l'artiste 26 ».
tion purement picturale. C'est comme si le des matériaux (bois, planches, contre-plaqué, En oppo ition avec le futur con tructivisme,
suprématisme avait enclos toute la peinture du carton, feuilles de zinc, tôle, établi et instru- le suprématisme affirmait que l'art n'était pas
passé dans un cercle, par cela même il contenait ments de menuiserie) et l'agrandissement de seulement une cuisine raffinée de mise en forme
en lui tous les défauts (aussi bien que les son atelier. des matériaux mais la percée, dans l'acte artis-
mérites) picturaux du passé [ ... ]. Le supréma- Le programme malévitchien exposé dans ce tique (pictural), de l'être ans-objet dont l'exi-
tisme a pris de l'histoire universelle de l'art rapport s'intitule « Cubi me, futurisme, supré- gence bouleverse la vie tout entière. Curieuse-
toute la peinture imaginable et l'a organi ée à matisme ». Quatre groupes sont envi agés : 1) ment, l'en eignement suprématiste rejoignait
travers ses éléments. Dans le même temps, il Abstraction des objets (volumes picturaux et Roger de Piles qui écrivait, dans le vocabulaire
ab trayait cette peinture, la privant de chair, de sculpturaux, droite, courbe) ; 2) Cézanne et de son époque : « Ce n'est donc pas assez pour

204 205
RÉORGANISATION DU SYSTÈME ARTISTIQUE APRÈS 1917

N. l_(oll~, cube blanc fe~du par un coin rouge, symbole de


la V1cto1re des bolcheviques, portant comme inscription :
Les bandes de gardes blancs; 1919. Moscou, disparu.

N. Kolli, Esquisse pour le Coin rouge, 1918. Crayon,


aquarelle et encre sur papier, 33 x 20,5 cm. Moscou,
musée Chtchoussiev.

C'est dans l'atelier polygraphique de l'école


d'art de Vitebsk, dirigé par Lissitzky, que paru-
rent les feuilles volantes ou les petites bro-
chures lithographiées de Malévitch 32 • Les
« Affirmateurs et fondateurs du nouveau en
Art », les Ounovis, comme ils se sont appelés à
partir de février 1920, mirent en scène à cette
époque le livret de La Victoire sur le Soleil de
Kroutchonykh, sans musique (les décors cubo-
suprématistes étaient de Véra Iermolaïéva sous
la direction de Malévitch). Nina Kogan, quant à
elle, présenta son Ballet suprématiste. En sep-
tembre 1921, au cours d'une soirée de poésie et
de musique, fut donnée la mise en scène du
poème de Maïakovski Guerre et Monde.
~'Ounovis organisa pendant cette période plu-
Kandinsky à l'Académie de Russie des Sciences de l' Art. entouré de ses principaux élèves, 1921.
sieurs expositions, à Vitebsk même (février
1920, mars 1921) et à Moscou (juin 1920,
décembre 1921 à l'Inkhouk, mars 1922). faisaient pas seuls l'objet des recherches mais mière « thèse d'enseignement » : « L'activité
aussi la musique, la danse, le théâtre, le cirque, artistique nécessite : de po éder une vie inté-
les variétés. L'intuition était un élément déter- rieure, un monde intérieur propre qui permet de
L'INKHOUK (1920-1924), LE RAKHN (1921- minant pour comprendre les liens qui unissent concevoir, d'élaborer les contours d'une œuvre,
1922), LE GAKHN (1923-1928) les différents arts et les effets de ceux-ci sur le toutes qualités innées ; - de posséder les
psychi me de l'homme. À I'lnkhouk furent déjà connaissances positives et objectives néce aire
L'Institut de la Culture artistique (lnkhouk) est établis les rapports du point et de la ligne à la pour donner une forme artistique au projet,
né en mai 1920 dans le cadre de la section /zo surface, l'une des bases de l'enseignement de condition liée à l'expérience que le peintre
du Commissariat populaire à l'instruction. Le Kandinsky au Bauhaus. Ce dernier envi ageait acquiert tout au long de sa vie et qui trouve son
programme en a été établi par Kandinsky 33• II de composer un dictionnaire terminologique fait terrain à l'école 36• »
s'agissait de créer une science qui étudiât tous à partir des opérations empiriques (tests) scien- Le programme de Kandinsky rencontra très
les aspects des différents arts, leurs interaction , tifiques, théoriques, etc. De même, des tables vite de vives résistances à l'intérieur de
dans la perspective d'une synthèse des arts. Au d'explication permirent de rendre compte des l' Inkhouk, qui se manifestèrent lors des nom-
lieu d'un discours ubjectivi te, on se propo ait réalités yne thé igues (les cinq sens participant breuses conférences données à la section de
de soumettre l'art à des analyses formelles à la perception). l'Art monumental entre mai et décembre 1920.
objectives. Le programme de Kandinsky, édité C'est dans le programme de Kandinsky En particulier, le groupe Peinture-Sculpture-
en brochure, développait les principes d'un « art qu'apparaît pour la première fois le problème de Architecture (Jivskoulptarkh), fondé en mai
monumental »J.4. La section de l'Art monumen- la compo ition et de la construction, avec une 1919 et ayant à sa tête le sculpteur cubisant
tal fut d'ailleurs la plus active. Outre Kandinsky, insistance sur « un certain x qui apparaît comme Koroliov (parmi les membres on comptait les
Y participaient Lioubov Popova, Rodtchenko, le principe organi ateur impropre à toute défini- architectes Krinski et Ladovski, les peintres
Varvara Stépanova, Falk, hevtchenko, Koro- tion, et qui, imperceptiblement, tran forme l'élé- Rodtchenko et Chevtchenko), visait également
l~ov. Kandin ky proposa l'investigation analy- ment mort en une partie vivante de l'œuvre ». une synthèse des arts mais sur d'autres bases
tique et ynthétique de l'art dans son ensemble On ne s'étonne pas que l'introducteur de la que celles de l'intuition. C'est ainsi que Rod-
et des arts particuliers. Les arts plastiques ne « nécessité intérieure » ait pu écrire comme pre- tchenko prit la tête, dès la fin de l'année 1920,

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L'AVANT-GARDE RUSSE RÉORGANISATION DU SYSTÈME ARTISTIQUE APRÈS 1917

du Groupe de travail de l'analyse objective qui l'art du monde de la nature [... ). Tout son art « résoudre le problème entre production maté- Académie de Russie des Sciences de l'art (Ros-
attira à lui les sculpteurs Babitchev, Médou- est fortuit et individuel: enlevez l'homme Kan- rielle et rapports de production », le programme siyskaya akadémiya khoudojestviennykh naouk,
netski, Vladimir et Guéorgui Stenberg, les dinsky et il n'y aura pas de peinture. En tout prévoyait aussi des expériences matérielles ' 2• Rakhn, 1921-1923)'5• Cette académie était divi-
architectes Krinski et Ladovski, les peintres cas, il n'y a aucune "majorité" dans l'art de 2) Le Groupe de travail des Objectivistes avec sée en trois sections principales : une section
Nadiejda Oudaltsova et Drévine. Contre Kan- Kandinsky. Kandinsky est sans continuité et Lioubov Popova, A. Vesnine, Drévine, Nadie- physicomathématique et physicopsychologique,
dinsky, le programme établi par Babitchev affir- traditions, il est solitaire et n'aura pas jda Oudaltsova. Dans le programme, il était dit : dirigée par Kandinsky, une section philoso-
mait qu'émotion et éthique n'étaient que des d'élèves ... » « Nous ne cherchons pas à représenter des phique dirigée par le phénoménologue Gustav
indices secondaires dans le processus artistique, Voici comment, en 1923, on voyait officielle- objets mais à créer des constructions concrètes Chpèt [Spath] et une section sociologique diri-
que l'analyse doit toujours opérer avec des ment le départ de Kandinsky de l'Inkhouk : et matérielles dans l'espace et sur la surface'3• » gée par Vladimir Fritsche. Les sous-sections
concepts concrétisés faute de quoi elle tombe « Très vite, entre Kandinsky et toute une partie 3) Le Groupe de travail des Architectes dont le étaient consacrées à la littérature, à la musique,
dans la métaphysique et la mystique 37 • des membres de l'Institut, se fit jour une diver- programme était conçu par le « rationaliste » au théâtre, à l'architecture etc. John Bowlt note
Kandinsky quitta l'Inkhouk en janvier 1921. gence fondamentale. Le psychologisme de Kan- Ladovski, assisté de Krinski et Dokoutchaïev. qu'entre le 16 juin 1921 et le ter janvier 1923, pas
Il faut dire que les attaques contre lui n'avaient dinsky s'écartait des vues de ceux qui défen- 4) Le Groupe des Sculpteurs avec Babitchev, moins de quarante-sept conférences furent don-
jamais cessé. Une des plus virulentes avait été daient l'« Objet » (Viechtch) comme substance Koroliov et Lavinski, qui renouvela les concep- nées sur les sujets les plus divers, par Kandinsky
celle de Pounine dans sa recension de l'autobio- de la création. Kandinsky partit et ce sont Rod- tions en prenant les modèles dans l'arsenal des lui-même ou par le théoricien marxiste produc-
graphie de Kandinsky Étapes, parue en russe à tchenko, Stépanova, Babitchev et Brioussova objets ou des outils géométriques. tionniste Boris Arvatov ou le penseur du Pro-
Moscou en 1918 (la première version avait paru qui ont pris en main l'organisation 39• » Le Premier Groupe de travail des Constructi- lietkoult, Bogdanov 46 • Le Rakhn de Kandinsky
en allemand à Munich en 1913, sous le titre Le rôle de Kandinsky dans l'évolution des vistes, qui domina les travaux théoriques et pra- devint en 1923 le Gakhn (Gossoudarstvienaya
Rückblicke). La recension fut publiée dans arts novateurs dans les années vingt a été capi- tiques de l'Inkhouk et de la Section de base des Akadémiya Khoudojestviennoï koultoury) qui
L 'Art de la Commune du 2 février 1919. En tal, bien que les chercheurs soviétiques aient eu Vkhoutémas, avait comme slogan : « Nous subsista jusqu'en 1928.
voici des extraits : « C'est édité à la manière tendance à le minimiser, quand ils ne l'igno- déclarons à l'art une guerre impitoyable »,
é rangère (munichoisement, par exemple); du raient pas 40• Certes, les constructivistes-produc- aphorisme qui sera mis en exergue du livre-
point de vue artistique, cela montre de la cul- ti vis tes se sont dressés contre la Weltan- manifeste de Gane Le constructivisme. En tout LES VKHOUTÉMAS (1920-1928) ET LE
ture [ ... ). Kandinsky écrit avec pénétration et schauung kandinskyenne, mais ils n'en ont pas cas, l'année 1921 est consacrée au problème du VKHOUTÉINE (1929-1930)
sincérité, comme il vit: c'est un homme honnête moins été encouragés à développer des exi- passage« de la composition à la construction»,
et un artiste honnête ... Cela n'a, d'ailleurs, gences professionnelles et des connaissances c'est-à-dire à l'abandon de la peinture de cheva- Les membres du Groupe de travail de l'analyst
aucun rapport avec la peinture [... ). Kandinsky universelles. Kandinsky a tracé la voie en for- let pour le design en vue de constructions dans objective de l' Inkhouk, avec ses quatre sous-
est solitaire non pas parce qu'il a devancé mulant, le premier, un programme cohérent, en l'espace. De cela nous parlerons dans le cha- groupes, étaient en même temps professe
l'humanité mais seulement parce qu'il a quitté organi ant des conférence , des débats, en éta- pitre sur le constructivisme. aux Ateliers supérieurs d' Arts et de technique
la route. À cause de cela, j'ai un tel ressenti- blissant des questionnaires auxquels devaient Le second Inkhouk qui vit se succéder, (Vkhoutémas); ce phénomène explique sans
ment à l'égard de Kandinsky que je lui aurais répondre professeurs et élèves ' 1• comme directeurs, Rodtchenko (1921), Ossip doute que, après 1917, ces deux hauts lieux du
ôté volontiers la possibilité de peindre ou On peut dire qu'il y a eu, en fait, deux Brik (1921-1922), Arvatov (1922-1923) se vou- bouillonnement intellectuel, politique et artis-
l'aurais au moins refait de telle sorte qu'il Inkhouk, celui de Kandinsky (1920-1921) et lut comme le moteur des activités des Vkhouté- tique aient donné le jour à un enseignement
devienne un épigone de Riépine [... ). Il a cessé celui du Groupe de travail de l'analyse objec- mas, essayant de l'infléchir vers le con tructi- artistique novateur. Les membres de l'lnkhouk
d'être un peintre le jour même où ses sens ont tive ayant à sa tête Rodtchenko. Les sous- visme et le productionnisme, critiquant la « implantèrent [dans les Vkhoutémas] "la
compris, et par le fait même qu'ils aient com- groupes furent les suivants : 1) Le Groupe de « métaphysique de gauche » comme titrait la méthode objective" d'enseignement et formè-
pris, "à l'heure vespérale, le soleil de travail des Constructivistes (mars 1921) avec revue Lie/ (Front de Gauche)". rent les disciplines propédeutiques de la section
Moscou" 38 • À ce moment-là, le sentiment cos- Rodtchenko, Varvara Stépanova, Vladimir et L'exemple du travail scientifique mené par fondamentale : Espace (N. Ladovski,
mique a tué en Kandinsky le sentiment pictu- Guéorgui Stenberg, Médounetski, Gane. Le l'lnkhouk sous la direction de Kandinsky a dfi E. Krinski), Volume (A. Lavinski, B. Koroliov),
ral ; voilà pourquoi il lui est resté pour toute la programme était d'Alexeï Gane, qui publiera influer sur la création des Vkhoutémas le 19 Dessin (A. Rodtchenko), Couleur (Lioubov
vie cette sensation indéterminée et visiblement en 1922, à Tvier, le livre-manifeste Le Construc- décembre 1920, création qui mettait fin à la Popova )47 • »
torturante de "sonorité". Le monde s'est pulvé- tivisme. Outre des exhortations à« aborder l'art situation quelque peu anarchique des Ateliers Comme l'écrit Sélim Khan-Magomédov, le
risé et s'est abîmé là où gisait le pli maladif fait d'un point de vue scientifique et profession- libres. Après le départ de Kandinsky, c'est le grand biographe de l' Inkhouk et des Vkhouté-
par les restes de la sonorité. Kandinsky a quitté nel », à « assimiler la philosophie et la théorie Groupe de travail de l'analyse objective qui mas, « la chronologie montre que l'approche
la scène, a quitté la raison, et il a employé du communisme scientifique »,à« percevoir le infléchira la politique pédagogique du nouvel objective des méthodes et des moyens d'expres-
toutes ses capacités pour exprimer "toute la rôle du producteur intellectuel dans l'édifica- organisme des beaux-arts de la Russie sovié- sion artistique en 1920-1921 se faisait simultané-
force de cette sonorité" [ ... ]. Il est un maniaque tion de la vie communiste, c'est-à-dire dans tique. Kandinsky put, avant son départ définitif ment, aux Vkhoutémas pour les méthodes
de la contemplation qui détache le monde de l'élaboration de la culture de l'avenir », à de Russie à la fin 1921, mettre en place une d'enseignement, et à l' lnkhouk pour les

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L'AVANT-GARDE RUSSE RÉORGANISATION DU SYSTÈME ARTISTIQUE APRÈS 1917

méthodes d'analyse . » Pendant l'été 1920, des arts où se trouvaient les deux vers, appelés à
eurent lieu des débats entre enseignants et devenir des slogans : « Les rues sont nos pin-
élèves des Svomas qui menèrent le 17 juillet ceaux/les places - nos palettes ».
1920 à la fusion des Premiers et Seconds Ate- Un an plus tard, Ossip Brik, corédacteur de
liers nationaux libres dans les Vkhoutémas. Dès l'hebdomadaire, invitait les artistes à se rendre
le début, les membres du réalisme le plus éculé dans les usines : « Le but de toute création véri-
et le plus médiocre intriguèrent auprès du Parti table, ce n'est pas de produire des idées, mais
communiste (sans doute à son instigation) pour des choses réelles 51 ». Entre-temps, deux ten-
dénoncer les procédés d'organisation et les dances s'étaient confrontées, celle - maxima-
méthodes d'enseignement des Ateliers. Ainsi, le liste - de Pounine, de Maïakovski et d'Ossip
triste peintre Evguéni Katzman et un certain Brik, et celle de Chklovski et de Pougny.
S. Bogdanov envoyèrent en décembre 1920 une L'enjeu était de savoir si l'art avait quelque
lettre en ce sens au Comité central du Parti chose à faire à l'usine. Ossip Brik, Pounine et
communiste de Russie, en se disant confortés Maïakovski essayaient de mettre l'art sur les
dans leur démarche par la dénonciation des rails du marxisme, du collectivisme et de la pro-
Prolietkoult par le Comité central dans la duction. Pounine pouvait écrire : « La forme-
Pravda du 1er décembre 1920 ... 49 La contre- être détermine la conscience, c'est-à-dire le
réponse que fit le chef de l'Jzoso David Steren- contenu. Voilà le postulat du nouvel art, postu-
berg permit aux Vkhoutémas de démarrer lat qui coïncide par le plus grand des hasards ou
(Lénine signa le décret le 19 décembre 1920). bien en vertu d'une logique impeccable des
D. Sterenberg exposait dans son rapport que les choses, avec le postulat marxiste de base sur
Vkhoutémas garantissaient la formation de lequel est fondé tout le matérialisme moniste.
cadres compétents pour les Beaux-Arts; que la Nous sommes monistes, nous sommes matéria-
méthode objective, et non tel ou tel chef de cou- 1is tes. Voilà pourquoi notre art est notre
rant, permettrait au réalisme de se développer ; forme 52 • » Chklovski, lui, proclamait que ce
qu'aucun privilège ne serait accordé aux cou- n'étaient pas les formes du mode de vie quoti-
rants extrémistes ; que les tendances « de droite, dien, du byt, qui créent les formes nouvelles de Étudiants des Vkhoutémas, atelier du métal, début des années vingt.
du centre et de gauche » étaient également l'art, que l'art n'était pas une des fonctions de la
représentées; qu'il ne pouvait y avoir d'ateliers vie, mais qu'« une forme nouvelle engendrait un paragraphe du décret instituant les Vkhoutémas
séparés de la politique artistique générale des A. Vesnine, vignette pour les Vkhoutémas, 1920. Gouache
sur papier, 16 x 11,6 cm. Moscou, musée Chtchoussiev. contenu nouveau 53 ». Quant à Pougny, il ne ces- évoquait « un établissement d'enseignement
Vkhoutémas. sait de marteler: « la vie matérielle, c'est la vie supérieur artistique, technique et industriel,
Toute une partie des travaux des Vkhoutémas matérielle, et l'art, c'est l'art » ; utilitarisme et dont l'objectif est de former des artistes haute-
et de l'lnkhouk était théorique. On étudiait à esthétique sont contradictoires ; la beauté de ment qualifiés appelés à travailler pour l'indus-
partir d'une œuvre particulière (souvent dans l'art vient de sa totale inutilité pour la vie maté- trie ainsi que de futurs professeurs, respon-
un musée) les problèmes fondamentaux de l'art rielle. Pour lui, la production utilitaire influe sur sables de l'enseignement professionnel et
(couleur, facture, matériau, construction, etc.). l'art et non l'inverse : « L'esthétique du technique 55 ». La politique générale de la nou-
Le travail appelé « de laboratoire » consistait à cubisme, du cubo-futurisme, est le résultat de la velle école d'art moscovite fut de diminuer le
approfondir un sujet donné : jusqu'en 1921 fut production contemporaine du xxc siècle. Et si, nombre d'admis aux facultés purement artis-
discuté avec passion le slogan « De la représen- pour une raison ou une autre, la production tiques (peinture, sculpture) pour développer les
tation à la construction »; à partir de 1922, le devenait autre, l'esthétique changerait aussi ·. » facultés de production (céramique, textile,
mot d'ordre « De la construction à la produc- En réalité, Pougny ne pouvait admettre que métal, bois) ou proches d'elles (architecture,
tion» fit l'objet de nombreuses discus ions. l'art cessât d'être art en se fondant dans le pro- arts graphiques). Ainsi, en juin 1921, on comp-
Les débats animés qui s'étaient instaurés dans ductionnisme, comme le voulaient les maxima- tait 450 élèves dans ces dernières, contre 66
l'hebdomadaire pétrogradoi des komfouty (les listes Brik, Arvatov et autres Boris Kouchner. dans les premières . En 1923, à la fin du recto-
communi te -futuristes), dès le 1 numéro du 7 Les Vkhoutémas, en réunissant art et tech- rat de Ravdel (1920-1923), on comptait 455
décembre 1918, portaient sur la question de nique en un seul en emble, visaient à effacer la élèves en peinture, 107 en sculpture, 325 en
l'art et de la produétion. L'éditorial était consti- distinction entre art monumental et arts appli- architecture, 145 en textile, 275 en arts gra-
tué par la poésie de Maïakovski Ordre à l'armée qués, grand art et arts mineurs. Le premier phiques, 76 en céramique, 29 en métal, 33 en

210 211
L'AVANT-GARDE RUSSE
RÉORGANISATION DU SYSTÈME ARTISTIQUE APRÈS 1917

1 bois. Il y avait donc une baisse des effectifs dans


les facultés de production, et ce malgré la pro-
pagande activiste de I' lnkhouk. S. Khan-Mago-
médov note : « Partisans et adversaires de l'art
ment des arts, les expériences étaient menées
dès le début sur la forme abstraite, tout en
visant « à donner une connaissance scientifique
et technique de la peinture, indépendamment
de production s'affrontaient continuellement. de toute personnalité créatrice » 6 • La réflexion
Les adversaires, forts de leur nombre, tentaient approfondie menée par les protagonistes de
d'imposer leur prééminence à l'ensemble de l'art de gauche (Kandinsky, Larionov, Malé-
l'institution. Les partisans de l'art de produc- vitch, Tatline, Pougny) entre 1910 et 1917 sur
tion, numériquement plus faibles mais soutenus les rythmes premiers de la forme et non sur son
par le Narkompros [et l'lnkhouk - J.-C. M.], aspect extérieur. sur 1'organisation de la forme
tentaient de survivre pour faire triompher les et non sur sa fonctionnalité ou son utilité, s'était
thèses du courant productiviste » . poursuivie après 1917, en particulier dans le
Le « cours propédeutique » des Vkhoutémas, groupe de la synthèse Peinture-Sculpture-
entre 1920 et 1926, et le Groupe de travail de Architecture en 1919-1920.
l'analyse objective de l' lnkhouk ont représenté Selon Ladovski, fondateur du mouvement
des expériences pédagogiques très riches et rationaliste en architecture, « les étudiants
fécondes, mal connues encore en raison de devaient se consacrer tout particulièrement, dès
l'arrêt progressif de toute recherche, dès 1926 et les premières années, à la composition basée sur
puis définitivement en 1932, quand furent sup- la perception p ycho-physiologique. Ils devaient
primés tous les groupements isolés au profit étudier les propriétés géométriques physico-
d'unions centralisées et contrôlées par le Parti mécaniques de la forme volumétrique, de même
communiste . Les disciplines enseignées à la que les éléments de la construction comme la
A. Babitchev, Composition, 1921. Crayon sur papier, Section de base des Vkhoutémas où les élèves dynamique, le rythme, les rapports et les pro-
49,5 x 34,5 cm. Coll. Costakis, inv. 66. recevaient pendant un an ou deux une forma- portions entre horizontales et verticales. Il fal-
K. Ioganson, Construction, 1921. Crayon et pastel sur tion professionnelle et artistique générale, lait qu'ils apprennent à con truire dans l'espace,
papier, 31,8 x 24,3 cm. Coll. Costakis, inv. 67. étaient les suivantes: à analy er les rapports entre volume et espace,
« Construction coloriste. Professeurs : Ves- à maîtriser les lois de l'équilibre. Pour chaque
nine et Lioubov Popova ; facultés de graphisme, thème traité, les étudiants devaient présenter
peinture, textile et céramique. d'abord un plan de composition abstraite et
Construction spatiale. Professeurs: Ladovski, ensuite le projet concret d'un objet où seraient
Krinski et Dokoutchaïev; facultés pour le tra- résolus les problèmes de composition 62 • Un
A. Babitchev, Construction, c. 1921. Pastel, crayon, vail du bois, des métaux, d'architecture et de autre chef de fils du rationalisme architectural,
gouache sur papier, 52,1 x 28,2 cm. Coll. Costakis, inv. 65.
culpture. Krinski, pouvait écrire que « le problème nous
K. Ioganson, Composition, 1921. Pastel, gouache et Construction graphique. Professeurs : Rodt- porte à la forme abstraite, à une forme qui n'a
crayon sur papier, 24,1 x 32,3 cm. Coll. Costakis, inv. 69. chenko, Kissélev et Efimov ; facultés de pein- aucune fonction précise [... ]. La forme abstraite
ture, textile, graphisme et céramique. ne fait qu'agir[ ... ]. Le but de la forme abstraite
Construction volumétrique. Professeur : est purement théorique. Elle corre pond à une
Lavinski ; facultés pour le travail du bois, des théorie de la forme en général. À une discipline
métaux, d'architecture et de culpture 59• » scientifique du processus de pensée dans
Il y eut entre quatre et huit ateliers propédeu- l'espace. Il est impossible d'appliquer, d'adapter
tiques dans la faculté de peinture. Les profes- la forme abstraite à la réalité. Le cube, le
seurs en furent Lioubov Popova, Vesnine, cylindre, le cône ne sont pas des formes mais
Osmiorkine, Alexandra Exter, Klioune, Rodt- des concepts à l'aide desquels nous arrivons à
chenko, Drévine, Nadiejda Oudaltsova, Bara- une forme concrète donnée' . »
nov-Rossiné "°. Les travaux proposé par Rodtchenko, par
L'originalité des travaux de l'enseignement exemple, consistaient à inventer. à partir de
propédeutique des Vkhoutémas résidait dans le formes géométriques (cercles, triangles, rec-
fait que, pour la première fois dans l'en eigne- tangles, lignes), des constructions dans toutes

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RÉORGANISATION DU SYSTÈME ARTISTIQUE APRÈS 1917
L'AVANT-GARDE RUSSE

V. Boubnova, Sans titre, c. 1921. Encre sur papier, V. Boubnova, Sans titre, c. 1921. Encre sur papier,
35,6 x 22,1 cm. Coll. Costakis, inv. 93. 35,6 x 22 cm. Coll. Costakis, inv. 94.
V. Boubnova, Sans titre, c. 1921. Encre sur papier, 21,9 x 35,6 cm. Coll. Costakis, inv. 95.

A. Ladovski, Modèle d'une structure de construction, 15 avril 1921. Crayon sur carton, 38 x 27 ;3 cm. Coll. Costakis, inv. 74.

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214
L'AVANT-GARDE RUSSE RÉORGANISATION DU SYSTÈME ARTISTIQUE APRÈS 1917

les positions imaginables. Il fallait éviter toute « Les facultés d'art industriel ne sont pas encore
représentation figurative ou ornementale, ne se devenues des laboratoires d'étude au service de
préoccuper que des organisations mutuelles des l'industrie soviétique [... ]. Il est indispensable
éléments, des proportions, des équilibres entre que nos facultés soient utiles à la société. Il est
eux. Rodtchenko proclamait : « Pour procéder à indispensable de les transformer en laboratoires
la construction, dans une première phase, il est de l'art industriel, utilitaire et politique [ ... ].
conseillé de découper les cinq formes linéaires Construisons les assises d'un art scientifique,
données dans du papier blanc. Et d'utiliser communiste et courageux », écrit Novitski en
ensuite une feuille de papier noir où assembler 1927 69 •
la construction, en trouvant la meilleure posi- En 1929, les Vkhoutémas devinrent le Vkhou-
tion pour chaque forme 64. » téïne (Institut supérieur d'Art et de Technique).
L'espace pictural se construit à partir de L'ère des Ateliers libres et expérimentaux était
lignes, de la surface, des volumes dans leur terminée tandis que peu à peu revenait l'ensei-
rythme, extension, couleur et facture. Et Rodt- gnement académique, qui plus est idéologique.
chenko résumait sa méthode en ces termes : La Section de base cessa d'être le fer de lance
« Un objet n'est pas transféré sur la surface novateur qui avait donné des impulsions déci-
d'un tableau ainsi qu'il apparaît visuellement, sives à l'ensemble des spécialités et ne devint,
mais il est analysé dans sa forme pour identifier par le fait du recteur Novitski, qu'une « section
les éléments picturaux qui définissent la préparatoire au service des autres facultés 70 ».
K. Médounetski, Composition, 1920. Craie orange et construction d'un espace donné : c'est de cette Après avoir été réduite à une année en 1926,
pastel sur papier, 26,8 x 23,4 cm. Coll. Costakis, inv. 80. considération que découle le principe de la elle fut liquidée à la fin de 1929. Le Vkhoutéi"ne
déformation nécessaire par rapport à l'aspect fut fermé définitivement en 1930, victime de
réel de la figure. l'ingérence du politique, et surtout d'un Parti
K. Médounetski, Projet de construction, 1920. Crayon La détermination des éléments formels de unique, dans les confrontations des divers cou-
L. Popova, Construction espace-force, c. 1921. Huile et
brun sur papier, 27 x 19 cm. Coll. Costakis, inv. 79. base, de la construction dans son abstraction poudre d'albâtre sur bois, 49,5 x 34 cm. Coll. part.
rants artistiques; cette ingérence, au lieu de
pure, et l'intervention sur leur aspect réel faire naître une certaine émulation, déboucha
conduisent à la libre transformation de l'objet sur l'uniformisation la plus médiocre qui soit.
en relation avec le problème rythmique de la Le rôle de la Section de base des Vkhoutémas
composition M. » était devenu très vite celui d'une véritable pro-
Les dessins qui nous restent de ces exercices, pédeutique, semblable à celle qui existait à la LA FACULTÉ OUVRIÈRE
exécutés par des élèves des Vkhoutémas tra- même époque au Bauhaus. Elle joua un rôle (RABFAK -1920-1930)
vaillant sur la forme abstraite, nous montrent unificateur du savoir et des méthodes avant
un degré de maîtrise étonnant dans le manie- toute spécialisation. C'est à elle, comme au Étant donné l'afflux d'ouvriers, de paysans ou
ment des éléments géométriques, un sens de Groupe de travail de l'analyse objective de d'employé sans aucune formation, la nécessité
l'équilibre, des proportions et de la spatialité. l'Inkhouk, que l'on doit ce qui fait le style domi- se fit sentir d'organiser un en eignement secon-
On constate ces qualités dans les Constructions nant des années vingt. Mais les partisans d'un daire intensif pour préparer ce type d'élèves à
linéaires inscrites dans deux cercles, dans les enseignement traditionnel, souvent esthétique- suivre des études supérieure aux Vkhoutémas.
Constructions complexes. Problèmes d'axono- ment réactionnaire, commencèrent à intriguer On créa donc d'abord, parallèlement aux Svo-
métrie, dans les Constructions picturales abs- dès 1922 contre l'« art de gauche». À partir de mas, des Sections d'essai préparatoires (lspyta-
traites, dans les Constructions de surfaces 1923, sous le rectorat de l'excellent graveur telnyfé podgotovitelnyïé otdéliéniya) qui devien-
sécantes, dans les Constructions tonales, dans les Favorski (1923-1926), Rodtchenko cessa de diri- dront, dans le cadre des Vkhoutémas en 1921, le
Dissolutions des formes dans l'espace d'une ger la discipline du graphisme et le nu acadé- Rabfak (faculté ouvrière) puis évolueront pro-
élève de Rodtchenko, Anastassia Akhtyrko 66• mique fut à nouveau privilégié ainsi que les dis- gressivement vers un établi sement secondaire
De même, dans les travaux de Loutchichkine, ciplines traditionnelles. à part entière. On y en eignait le dessin, la pein-
élève de Nadiejda Oudaltsova, ou dans ceux de Sous le rectorat du ociologue P.I. Novitski ture, la sculpture, le théâtre, la musique, la litté-
Fram, de Nadiejda Polouektova, d'Eléna Bou- (1926-1930) la politisation des Vkhoutémas rature. Les études duraient au maximum quatre
grova, d'Eléna Vinogradova, de Galina et Olga s'accentua et une critique sévère fut menée à années. Le programme, établi par le sculpteur
Tchitchagov 67 ou d'Eléna Melnikova 68 • l'encontre des résultats obtenus par )'École. Babitchev, comportait un enseignement des

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L'AVANT-GARDE RUSSE RÉORGANISATION DU SYSTÈME ARTISTIQUE APRÈS 1917

connaissances générales (perception, représen- les discussions allèrent bon train pour définir les C'est à Pétrograd, dans l' ancien palais pourvu qu'elles répondent aux exigences de
tation, ligne, lumière, ombre, ton, surface plane, principes selon lesquels devait être conçue la d'Hiver devenu pour un temps Palais des arts, qualité. En ce qui concernait l'accrochage des
surface du volume, clair-obscur, matériau, noir nouvelle présentation de l'art novateur. Tatline qu'eut lieu le 11 février 1919 une conférence œuvres, Kandinsky préférait, plutôt qu ' une
et blanc, anatomie plastique, couleur et espace, et son élève Sofia Dymchits-Tolstaïa refusaient très importante où fut défini le concept de « cul- exposition qui respectait l'ordre chronologique,
lumière et volume, poids, mécanique du mouve- tout choix des collections selon des critères de ture artistique » et exposé le critère essentiel une présentation selon le principe de « taches
ment, composition, construction, facture, trans- goüt individualistes comme cela se faisait aupa- qui devait guider les achats d' œuvres. Les contrastées ».
parence) et des travaux e périmentaux (dessin ravant. Le Collège artistique ( Khoudojestvien- « communistes-futuristes » Pounine et Ossip Pour l'essentiel, il rejoignait les idées de
linéaire, en relief, estompe, nature morte, tête, naya kol/égiya) du Narkompros désignait les Brik, le chef de l'lzo, Sterenberg, et des person- Malévitch qui plaidait, en 1919, pour un musée
croquis, bas-relief, nu, silhouette, paysage). artistes dont il convenait d'acheter les œuvres nalités modérées comme Grichtchenko ou qui se dirigeât « vers une plus grande intensité à
L'accent était mis, au moins au début, comme à et, s'il s'agissait d'artistes vivants, ces derniers Tchékhonine prirent une part active aux débats l'égard de la vie, de la création, en condui ant
l' lnkhouk ou dans le cours propédeutique des proposaient les œuvres qu'ils désiraient voir et décisions. hors des labyrinthes des spécialités isolées spé-
Vkhoutémas, sur la forme abstraite : « La sur- entrer au musée . Après la conférence pétrogradoise, fut élue à cifiques [... ]. Le musée m'apparaît comme un
face et le volume comme éléments de construc- Pour Malévitch, le musée central d'Art Moscou la Commission d ' achats qui, en lieu où l'homme se tient dans un rassemble-
tion. La forme géométrique comme fondement moderne devait étendre ses ramifications dans quelques mois, fit l'acquisition de six cent cin- ment, où chacun peut voir la modification, la
de la construction 71 • » La faculté ouvrière orga- tout le pays, afin que füt réalisée « la transfor- quante tableaux et dessins d'artistes russes et de croissance et le développement d'un ensemble,
nisait des visites de musées, de toutes les facul- mation des formes dans la vie et des représenta- vingt et une sculptures. Une commission, ani- et non pas examiner le détail de chaque œuvre
tés des Vkhoutémas, des usines et des fabriques. tions artistiques dans l'industrie 76• » Le fonda- mée par Kandinsky, Rodtchenko, Falk, N. Alt- dans des espaces isolés. » Malévitch entendait
Le Rabfak, comme tous les autres centres teur du suprématisme voulait que fussent man, P. Kouznetsov, prépara l'organisation du que le spectateur püt « constituer ainsi l'image
d'enseignement soviétiques, fut de plus en plus représentés les mouvements essentiels de l'art musée de la Culture picturale qui s'installa, à de l'homme avec la seule forme contemporaine
noyauté par les cellules du Parti communiste au novateur au xxc siècle : cubisme, futurisme, partir de juin 1919, au 14 de la rue Volkhonka; de sa dernière modification et ne pas surcharger
point qu'ici, comme ailleurs, l'art n'était plus en simultanéisme, suprématisme, l'art sans-objet, ce musée était dirigé par Kandinsky, lequel ses épaules de tous les manteaux et les toges du
question mais l' « esprit de parti » léninien avec sculpture, reliefs. avait succédé à Tatline à la tête de la Commis- passé 79 • » Tout à son radicalisme, il refusait,
ses développements staliniens 72 • Lounatcharski, dans sa volonté d'équilibrer la sion d'achats pour toute la Russie en novembre comme Kandinsky, « la répartition des œuvres
représentation des courants de l'art droite, du 1919 (il y resta jusqu'à son départ définitif pour selon les écoles, les courants, le temps et les
centre et de gauche, fixe en décembre 1918 une l'Allemagne, en janvier 1921). La Commission événements 80 • » Il réclamait, lui aussi, le
LE MUSÉE DE LA CULTURE PICTURALE liste de 143 artistes dont il convient d'acheter d'achats pour toute la Russie, qui comprenait contraste pour dynami er la perception pictu-
DE MOSCOU (1919-1926) des œuvres, liste qui comprend : des réalistes six membres, était une des trois composantes du rale. « Les murs des musées sont des surfaces
comme Arkhipov, Malioutine; des symboli tes Bureau du musée, créé à côté du musée de la planes sur lesquelles doivent être placées les
L'idée de créer un« musée d'Art moderne» qui de La Rose Bleue (Paviel Kouznetsov, Culture picturale. Les autres commissions du œuvres dans le même ordre que la composition
tînt compte des ruptures opérée , à partir de Sariane) ; des impressionnistes de l'ancienne Bureau du musée étaient celle des tarifs (six des formes est placée sur la surface plane pictu-
l'impressionnisme, avec au moins quatre siècles Union des Artistes russes (Youone, Korovine) ; membres) et celle du musée (le fonds d'État, rale [... ]. Si l'on accroche une série de travaux
de codes renaissants, avait été conçue dès 1912 des membres du Monde de l' Art (Benois, Lan- chargé de répartir les œuvres et d'organiser de uniformes sur la surface plane, nous obtenons
par les peintres Markov et Chkolnik . ceray, Tchékhonine, Roerich); des cézannistes nouveaux musées). une ligne ornementale, ce qui annule la force
Le 1er juin 1918, il fut décidé de créer un du Valet de carreau (Falk, Lentoulov, Rojdest- Les choix de la Commission d'achats pour qu'elle aurait pu faire apparaître au milieu des
fonds d'œuvres. Tatline se retrouva à la tête vienski, Kouprine, Machkov, Kontchalovski, toute la Russie rejoignaient les positions de confrontations variées. C'est pourquoi il appa-
d'une Commission moscovite d'achats (les Osmiorkine); des membres de La Queue d'âne Kandinsky, lequel considérait que le raît plus avantageux de faire l'accrochage dans
œuvres achetées devaient être réparties entre de Larionov (Natalia Gontcharova, Le Dentu, « comment » de l'œuvre primait sur le sujet . l'ordre suivant : icône, cubisme, suprémati me,
Moscou et Pétrograd). De mai à novembre 1918 Chevtchenko, David et Vladimir Bourliouk); On privilégiait l'intensité des recherches for- les classique , le futurisme. » 81
eurent lieu des réunions à l'Izo moscovite, aux- les protagoni tes de l'avant-garde russe (Malé- melles dans la mesure ou elles permettaient de Dans les textes ukrainiens de 1928 à 1930
quelles participèrent Malévitch, Olga Roza- vitch, Tatline, Kandinsky, Pevsner, Olga Roza- déployer une large palette expre ive. Le critère parus dans la revue de Kharkov Nova Guéné-
nova, Tatline, Sofia Dymchits-Tolstaïa, Dré- nova, Sofia Dymchits-Tolstaïa, Rodtchenko, du choix des œuvres était bien leurs qualités ratsiya sur la « Science de la repré entation »
vine, Pevsner, Strzeminski. On y projeta la Klioune, Nadiejda Oudaltsova, Sterenberg, picturologique , leur caractère novateur et leur (lzo/ogia), Malévitch ne suit pas la logique
création d'un musée d'Art moderne pour toute Morgounov, Drévine, Grichtchenko, Véra Pes- puissance, éléments qui allaient devenir une chronologique de l'histoire de l' art officielle
la Russie à Moscou et d'un réseau de musées tel, Lioubov Popova, Chapochnikov, Strze- source d'inspiration pour les jeunes généra- mais celle d'une picturologie, d'une science du
d'art moderne à travers toutes les provinces 74 • minski, Mienkov, Alexandre Vesnine, Mansou- tions. Les expériences sur les matériaux, sur la pictural. Interviennent les notions de : structure,
Avant de trouver un bâtiment pour ce nou- rov, Alexandra Exter, Matiouchine, Boris facture, sur les constructions, les confrontations élément constituant, compo ition/construction,
veau musée (Malévitch essaya d'utiliser les Ender, Filonov, Mitouritch, Baranov-Rossiné, des surfaces planes et du volume, les rapports dynamique/statique, fonctionnalité/sensation
salles des Svomas pour faire des accrochages), Chkolnik, Véra Ermolaïéva, Altman, etc.) ..., « couleur-forme », étaient les bienvenues picturale du monde ...

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L'AVANT-GARDE RUSSE
RÉORGANISATION DU SYSTÈME ARTISTIQUE APRÈS 1917

À l'automne 1919, le musée de la Culture pic- Piotr Williams devint, à partir du 7 juillet 1922, J'emprunte encore à Svetlana Djafarova la « combinaison des plans géométriques abs-
turale moscovite reçut de la Commission directeur du musée de la Culture picturale » qui description des six salles du musée de la Culture traits ») ; une de Altman, une de Strzeminski].
d'achats 80 tableaux de 30 artistes ; les autres ne fut réouvert au public que le 15 octobre de la picturale à partir de 1924 : Salle F : Abstraction [six compositions de
acquisitions furent réparties en province (au même année. À partir du 1er aoOt de cette même Salle A: Valet de carreau: [quatre œuvres de Kandinsky ( « Expression du monde intérieur » ;
musée d' Astrakhan : 25 tableaux de 23 artistes ; année, Nina Kogan, qui avait enseigné à l'Ouno- Machkov ( « Compréhension impressionniste de « Libération de la couleur ») ; six œuvres de
à celui de Slobodskoïé dans le gouvernement de vis de Vitebsk sous la direction de Malévitch la forme et de la composition»;« illusionnisme Malévitch, deux de Klioune ( « La couleur
Viatka : 30 tableaux de 25 artistes ; à Samara : pendant trois ans, devint conseillère artistique du de l'espace »; « la couleur est polychrome et comme but en soi ») ; cinq de Rodtchenko
35 tableaux de 22 artistes ). musée moscovite d'Art moderne · . sert à révéler le volume»;« l'objet est déformé ( « Possibilité potentielle de la seule couleur
Kandinsky espérait que, grâce à la liberté L'accrochage dans le musée essayait de conci- par la couleur ») ; trois de Kontchalovski noire » ; « négation de l'idée de tableau ») ; trois
nouvelle, le pouvoir encouragerait les novateurs, lier les principes de contraste défendus par ( « Géométrisation de l'objet-Cézanne » ; d'Olga Rozanova; une de Tatline (Staraya Bas-
à la différence de l'Occident où « l'État, habi- Kandinsky et Malévitch avec une présentation « formes lourdes » ; « la couleur construit le mannaya, aujourd'hui à la galerie Trétiakov)].
tuellement, non seulement ne favorise pas le didactique des œuvres selon les groupements volume ») ; six de Kouprine ( « Moment de En plus de ces six salles, une petite pièce était
mouvement en art mais pose tous les obstacles arti tiques et la chronologie. Une bibliothèque décalage (sdvig] » ; « déploiement de l'objet consacrée aux travaux de recherches sur la
qui sont de son ressort pour freiner toute idée fut créée et un Conseil du musée fut mis sur (... ]. L'espace devient abstrait (... ]. Économie forme (rapports couleur/forme/1 umière/facture,
artistique naissante . » Un Bureau d'excursions pied pour régler les problèmes d'organisation des moyens picturaux»)). etc.).
fut créé pour populariser le nouvel art. Y tra- des expositions, des visites, etc. En 1922, il com- Salle B : Valet de carreau : (cinq œuvres de La création des musées de la Culture picturale
vaillèrent Kandinsky, Rodtchenko, Varvara Sté- prenait, outre Piotr Williams et Nina Kogan, Rojdiestvienski ( « Analyse de la forme » ; ( dont le nom était, à Pétrograd, musée de la
panova, Lioubov Popova ( conférences dans les Nadiejda Oudalt ova, Tychler et Nikritine. Des « introduction dans le temps»); quatre de Falk Culture artistique) à travers toute la Russie est
clubs ouvriers, organisation du musée ... ). manifestations furent organi ée régulièrement, ( « Libérer la forme des contingences et un phénomène novateur et pionnier au xxc
Les dissensions entre Kandinsky et les radi- dont celle des « projectionni te », jeunes élèves confrontation à la nature ») ; cinq de Lentoulov siècle. Là aussi, l'élan fut constamment brisé,
caux de l'analyse objective eurent des répercus- des Vkhoutémas (Labass, Tychler, Nikritine, (« Dénudement de la construction de l'objet»; puis anéanti par les forces réactionnaires du
sions au musée de la Culture picturale : le 20 Triaskine, Loutchichkine ), une rétrospective « déplacement (sdvig] des surfaces planes ») ; Parti communiste bolchevique.
octobre 1920, Rodtchenko remplaça Kandinsky de Malévitch Ganvier-février 1923) ou encore deux de Osmiorkine ( « Différenciation ryth- Finalement, en dépit des efforts constants et
à la tête de l'Inkhouk ainsi qu'à la tête du une rétrospective posthume de Lioubov Popova mique du volume » ; « interprétation arbitraire répétés, les musées de la Culture picturale
Bureau du musée. Ces deux entités admini tra- (1924), etc. Cette même année, plusieurs des images de la réalité » ; encore deux de eurent, de façon éphémère, des locaux, mais
tives n'en firent plus qu'une sous la direction de conférences furent données par différents Kontchalov ki). non un bâtiment propre. Les fonds de ces pre-
Rodtchenko. Après le départ de Kandinsky, la artistes : Malévitch ( « De Cézanne au supréma- Salle C: Cubisme: (deux œuvres d'Alexandra miers musées d'Art moderne au monde furent
manière d'exposer les œuvres changea sensible- tisme »), Nina Kogan (sur Malévitch), Nikritine Exter, deux de Lioubov Popova, quatre de con ervé , pour ce qui en a survécu, dans les
ment. Comme l'écrit Svetlana Djafarova, « au (sur le « projectionni me »), Borissov (« Sur le Nadiejda Oudalt ova, trois de Malévitch, deux réserves des musées traditionnels existants.
lieu de l'accrochage selon les taches colorées, rythme de la surface plane ») et Chimanovitch de Pevsner] 90 • Aujourd'hui encore, la Russie n'a pas de musée
on introduisit un sens didactique pour que le (sur les illustrations de Piotr Mitouritch pour Salle D : Primitivisme : [quatre œuvres de d'Art moderne.
spectateur pOt facilement s'orienter dans la suc- Khlebnikov). Pavel Kouznetsov ( « La ligne construit la com-
cession des courants qui avaient été des jalons Après toutes sortes de réductions en person- position»); encore une de Machkov (« L'objet
de l'art russe. Et avec cela, les cimaises étaient nel et en moyens financiers (il n'y a plus comme ornement»); plu ieurs œuvres de Nata- LE MUSÉE DE LA CULTURE ARTIS-
utilisées comme arrière-fond pour les délibéra- d'achats à partir de la fin 1922) , une fermeture lia Gontcharova ( « Essence picturale des TIQUE DE PÉTROGRAD (1919-1924), LE
tions sur les problèmes professionnels de de six mois en 1924, le musée de la Culture pic- choses » ; « Mélange des styles - égyptien, russe GHINKHOUK DE LÉNINGRAD (1924-1926)
l'Inkhouk qui se trouvait dans le voisinage. À turale fut transféré dans l'aile gauche des ancien, loubok, icônes ... ») ; quatre de Lario-
cette époque le musée comportait huit cents Vkhoutémas, 11 rue Rojdiestvienka. En dépit nov, cinq de hevtchenko (« Juxtapo ition du Pétrograd, la capitale de l'ancien Empire russe,
objets exposés et avait sept employé . » d'une activité autonome relativement impor- graphique et du pictural ») ]. avait eu, comme Moscou, ses Ateliers libres de
De juin 1921 à avril 1922, le musée de la tante dans les années qui suivirent, le musée de Salle E : [ deux œuvres de Grichtchenko, six de 1918 à mai 1921. Le même principe de liberté
Culture picturale fut fermé par ordre du Nar- la Culture picturale fut définitivement fermé le Sterenberg ( « Déploiement de l'objet sur le qu'à Moscou guidait les différents ateliers. La
kompro , le prétexte en étant la crise du loge- 28 aoOt 1928, ses œuvres pour partie détruites plan » ; « la couleur construit le plan ») ; encore même lutte se produi ait entre les forces réac-
ment (sic !). Puis il reçut quatre salles et un par une commission spéciale de la galerie Tré- trois de Larionov ( « Les lettres comme motif tionnaires de l'Association des Artistes de la
corridor au 52 de la rue Povarskaya, dont fut tiakov (ces œuvres furent considérée « comme ornemental » ; « primitivisme et grotesque » ; Russie révolutionnaire et l'art novateur, ce qui
chassé rinstitut de littérature. Les achats se n'ayant aucune importance muséale ni valeur « dessin symbolique) ; trois œuvres de Drévine se traduira, dès 1923, par une lutte entre I' Aca-
raréfièrent, les tracasseries administratives se marchande »), pour partie envoyées en pro- ( « La forme est conventionnelle » ; « étude des démie, noyautée par l'Akhrr, et le musée de la
multiplièrent. Rodtchenko donna sa démission vince, ce qui constitua, selon Svetlana Djafo- interactions colorées » ; trois de Olga Rozanova Culture artistique. Les directeurs de ce dernier
le 1 juin 1922. rova, un« acte de sauvetage ~ ». furent Natan Altman (avril 1921 à juillet 1922)
( « Dénudement des principe de la peinture » ;

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L'AVANT-GARDE RUSSE RÉORGANISATION DU SYSTÈME ARTISTIQUE APRÈS 1917

deux courants dont l'importance est loin d'être


négligable dans les années vingt, à savoir
l'« analytisme » de Filonov et l'« organicisme»
de Matiouchine. La transformation du musée
de la Culture artistique en Institut national de la
Culture artistique ne changea rien à l'orienta-
tion des ateliers déjà créés. Une section nou-
velle de pure expérimentation fut confiée à
Mansourov; elle fit l'objet de critiques sévères
de la part des adversaires réactionnaires, provo-
quant le départ de Mansourov pour l'Occident
à la fin des années vingt.
Le Guinkhouk renouvelait totalement
l'approche et l'enseignement de l'art. Le travail
d'analyse en laboratoire et les méthodes
empruntées aux sciences exactes visaient à fon-
der ce que l'on pourrait appeler une « picturo-
logie », une « science du pictural». Voici com-
ment se présentaient les sections du Guinkhouk
en 1925:
Matiouchine et la famille Ender devant les tableaux de 1) Section de la Culture picturale
l'école de Matiouchine au Guinkhouk.
Dirigée par Malévitch, elle avait pour colla-
borateurs scientifiques Véra lermolaïéva et
puis Andreï Tarane (juillet 1922 à octobre Liev Youdine. Cinq systèmes picturaux - Exposition de la Section de la Culture organique du Guinkhouk, c. 1925.
1923). Revenu de Vitebsk en 1922 après la fer- l'impre sionnisme, le cézannisme, le cubisme, le
meture de l'Ounovis, Malévitch fut élu en futuri me, le uprémati me - étaient examinés
octobre 1923 à la tête du musée de la Culture selon « la théorie de l'élément additionnel en ment lié et indissoluble de l'action réciproque dans l'appréhension de l'espace. L'école de
artistique de Pétrograd. Il le dirigea jusqu'en peinture >>. Le laboratoire de la couleur, dont de l'homme et de la nature. Toute leur pensée Matiouchine pour uivra son travail de labora-
octobre 1924, date à laquelle le musée fut trans- Véra lermolaïéva avait la responsabilité, comp- et leur pratique ont tendu à faire apparaître la toire jusqu'en 1934. On est frappé de voir com-
formé, sous son impulsion en Institut national tait parmi ses stagiaires Anna Léporskaya, structure et le mouvement caché des formes bien, par exemple, l'œuvre de Xénia Ender, par
de la Culture artistique (Ghinkhouk). Poziem ki, Arkhanguel ki. Le laboratoire de la organiques. Cette théorie organici te fut déve- ses découpage d'unités colorées sur la surface
L'activité du musée - qui exposait 257 œuvres forme était dirigé par Youdine et avait comme loppée dans l'école de Matiouchine pendant les du tableau, est proche du travail réalisé,
de 69 artistes (il en po sédait 1473 en 1925), élèves Rayak et Dombrovski. Lazare Khidékel, années vingt, école où la famille Ender (Boris, quelque trente années plus tard, par Serge
« depuis l'impre sionnisme jusqu'au cubisme qui avait participé à l'Ounovis de Vitebsk (de Youri et leurs sœurs Maria et Xénia) a joué un Poliakoff en Occident.
dynamique » - , se fondait sur la notion de « cul- même que Véra lermolaïéva et Youdine ), était, rôle déterminant. Boris Ender et Matiouchine 3) Section de la Culture matérielle
ture artistique » et mettait l'accent sur l'acte lui aussi, collaborateur scientifique de cette sec- ont, en particulier, créé un centre de recherche, Cette section fut d'abord dirigée par Tatline,
créateur en tant qu'invention (et non répéti- tion 92 • appelé Zorved (voir-savoir) dont les travaux qui sera remplacé par Malévitch après son
tion/imitation) 91. Outre sa fonction de musée 2) Section de la Culture organique portaient sur l'élargi sement par l'exercice de la départ pour Kiev en octobre 1925. Les
d'art moderne, le musée de la Culture picturale Matiouchine dirigeait cette section avec, pour vision oculaire normale de l'homme. Cette recherche organi ées par Tatline portaient sur
de Pétrograd fut aussi un centre de recherche, collaborateurs scientifiques, Boris, Maria et « nouvelle perception de l'espace », cette l'étude des matériaux sous toutes leurs formes
qui comprenait à l'origine quatre secteurs : Xénia Ender. Matiouchine avait été, avec sa « vision élargie », consiste en « l'acte conscient en vue de proposer de nouvelles constructions
idéologie générale (Filonov) ; théorie formelle femme Éléna Gouro, une des personnalités pour unir simultanément non seulement la correspondant à l'esprit contemporain. Avec
(Malévitch) ; culture organique (Matiouchine) ; éminentes de l'avant-garde russe avant 1914. Il vision centrale de l'œil mais la vision des zones Malévitch, cette section se préoccupera des pro-
culture matérielle (Tatline). À Pétrograd avait écrit notamment la musique du premier périphériques de la rétine ». Ces expériences blèmes d'architecture du point de vue du supré-
(contrairement à ce qui se passait à Moscou , « opéra » cubo-futuriste au monde, La Victoire avaient pour but d' « activer » la vision, de matisme (architectones).
toutes les tendances de l'avant-garde ont pu sur le Soleil, en 1913 ' . En opposition au culte l'entraîner à développer les capacités existantes 4) Section de l'idéologie générale
s'exprimer et expérimenter leurs méthodes : le futuriste de la machine, Matiouchine et Éléna d'accommodation, de trouver ainsi une nouvelle Pounine en assura la direction de 1925 à 1926
constructivisme et le suprématisme, mais aussi Gouro ont insisté sur le caractère organique- substance et un nouveau rythme organiques et eut comme collaborateur scientifique Souïé-

223
222
L'AVANT-GARDE RUSSE RÉORGANISATION DU SYSTÈME ARTISTIQUE APRÈS 1917

intuitifs; le tableau donne précisément à voir ce pestilentielles et enfumées. Ne nous pillez pas et grame intitulé « Un monastère subventionné
réseau aux mailles, aux cellules aussi ramifiées nous serons riches[ ... ]. Ne nous habillez pas de par l'État » : « Sous l'enseigne d'un établisse-
et complexes que celles du corps humain. La hauts-de-forme stupides et ne nous mettez pas ment d'État s'est réfugié un monastère et ses
toile de Filonov est un nouveau corps pictural dans un zoo 99 • Nous n'avons rien à faire chez habitants, quelques fols en Christ (yourodivyre)
qui palpite de toute la vie de ses atomes, les- vous. Votre culture est mauvaise ; et votre qui, peut-être de façon inconsciente, se livrent à
quels s'assemblent à partir de l'infiniment petit science, dans vos mains, ne nous promet pas de des sermons ouvertement contre-révolution-
pour s'épanouir dans les structures grandioses bonheur 1110• » naires, menant en bateau nos organes scienti-
de la Formule du Printemps ou de la Formule Mansourov a illustré, à l'aide de nombreuses fiques soviétiques u12 • » Siéry appelle Malévitch,
du prolétariat de Pétrograd. Dans cette œuvre, photographies, la coexistence pacifique de Matiouchine et Pounine « les trois moines fols
une nouvelle nature se crée et veut nous entraî- l'homme et des animaux, le travail des abeilles, en Christ ».
ner vers l'utopie del'« éclosion du monde». des costumes paysans, des morceaux d'écorce; Il nous reste le protocole sténographié de
Ainsi, à Pétrograd-Léningrad, une cohabita- il s'agissait d'un « éloge de la civilisation pay- l'assemblée générale de toutes les sections du
tion fructueuse associa, pour peu d'années il est sanne » qui affirmait « la naissance de l'art à Ghinkhouk le 16 juin 1926 10 • Malévitch ,
vrai, divers courants novateurs. C'est dans le partir des formes naturelles, en se référant, Matiouchine, Pounine, ouiétine, Véra Iermo-
cadre du musée de la Culture artistique » que entre autres, au travail des abeilles, lesquelles laïéva, Liev Youdine, Boris et Xénia Ender,
l'atelier de Tatline mit en scène le poème dra- bâtissent, sans ingénieur et sans savoir, des Konstantine Rojde tvienski, Anna Léporskaïa,
matique de Khlebnikov Zanguézi, le 9 mai rayons parfaitement hexaèdres 101 • » Sterligov, etc. assistaient à la dernière séance
Le critique Siéry [G. Ginger] fit un compte importante et Malévitch y exposa, en guise de
1923. Tatline fit à cette occasion une construc-
tion scénique composée de segments plans et de rendu de l'exposition dans la Léningradskaya bilan, sa « théorie de l'élément additionnel en
tiges métalliques mis en valeur, en tant que Pravda du 10 jum, dans son fameux article-pro- peinture».
matériaux, par un projecteur 97 • Cela fut la seule
Exposition du Guinkhouk à Moscou, 1925.
œuvre publique de Tatline avant sa création de
la machine volante Liétatline (le mot est une
tine. Cette section synthétisait les résultats contraction haplologique de liétat' [voler] et
empiriques des autres sections pour échafauder Tatline), œuvre qui parachevait l'élan roman-
une nouvelle théorie de l'art qui s'appuierait tique et futuriste de ces deux décennies.
sur les méthodes des sciences physiques et En juin 1926, dans les salles de l'Institut
naturelles. Elle était chargée de définir le national de la Culture artistique, eut lieu la der-
contenu exact et la portée de concepts fonda- nière expo ition de l'Ounovis de Malévitch et
mentaux comme « espace », « forme », « com- de l'École de Matiouchine. Lors de cette expo-
position », etc. La question des tâches et des sition, Mansourov avait placardé un manifeste
limites de la méthode marxiste dans la science anticonstructiviste, Lettre pacifique d'un laïque
de l'art y fut particulièrement développée 94 • à la ville, qui exposait en filigrane l'opposition
Pounine remplaçait ici Filonov qui avait été ville/campagne, futurisme /organiscisme,
l'instigateur de cette section au musée de la machine/force naturelle, - l'opposition Maïa-
Culture artistique. kov ki/Essénine. On pouvait y lire:« Notre art
Filonov prônait un système d'en eignement populaire est le plus grandiose qui soit, il ne
très précis 95 • Il créa en 1925 le Groupe des vieillit pas éternellement, il est vrai. Nos frères
maîtres de l' Art analytique. Cette école dite de artistes qui sont tombés dans votre paradis cita-
Filonov apprenait à travailler méticuleusement din meurent de faim et se pendent de tristesse
sur chaque atome de toile, selon la théorie filo- (toska) 98 • Dans notre histoire, nous n'avons
novienne de la « finition » 96• L'artiste reprochait jamais connu une telle honte : nous canonisons
à toute la peinture d'avant-garde « d'opérer les plus inspirés comme les plus sages d'entre
avec les deux seuls prédicat de la couleur et de nous. Ils sont notre cœur. Nous croyons en eux,
la forme », alors que, selon lui, le monde est fait les vénérons et allons les prier éternellement.
d'une myriade d'éléments, organiques et inor- Vous n'êtes pas un ordre valable pour nous.
ganiques, concrets et abstraits, mentaux et cor- Vous vivez bêtement et méchamment. Nos
porels, sociaux et ontologiques, naturalistes et campagnes vertes sont meilleures que vos villes

224
C HAPIT R ES

LES DIFFÉRENTES FORMES


DE L'AGITATION POLITIQUE
APRÈS 1917

LA PROPAGA D E COMME MOYE virent la révolution, o n s'occupa de la mi e en


D ' ÉD UCATIO cè ne d 'a rticl es, de fe uille to ns, o n re prése nta
sur les es trades des th èmes politiques d 'actua-
La revue Lief (Front de gauche), fo nd ée par lité, mais l'efficacité nuisait le plu o uvent à la
Maïa kov ki e t O sip Brik , me na un e pro pa- va le ur esthétique. Ce « th éâtre journ alistiqu e »
ga nd e acharn ée po ur le no uvea u pouvoir bol- e ut ce pe nd a nt un e impo rt ance capita le pour
chévique. D ans le premier numéro de 1923, on l'é tablissement e t la co nsolida ti o n du commu-
peut lire : « Nos arm e sont : l'exemple, l'agita- nisme. Selo n Fülo p-Miller, le communi me ne
t io n , la p ro paga nd e. » D a ns ce tt e li g ne d e se serait pas répandu aussi fac ile ment e t a ussi
l'« ag it a ti o n » litt é r a ire , il fa ut so uli g ne r rapideme nt sa ns le théâtre ' . Ce dernier intére -
l' impo rt a nce de la récla me, des di sco urs d e sait directeme nt l'É ta t, qui voulait e n faire un e
meeting, des co uplets pour les solda ts du front,
de a ffi c he sur des suj e ts d 'actualité, d e la Radakov, Le savoir brisera les chaînes de l'esclavage,
ra di o, du sloga n q ui attire l'atte ntion da n le affiche soviétique, 1920.
tra mway . D a n la préfa ce a u ca ta log ue d e
l'expo ition Vingt ann ée de l'œuvre de Maïa-
kovski (févrie r 1930) , o n po uvait lire : « Le jour-
n a l, la p a n ca rt e , le loga n , la di sc u sio n
publ iqu e, la ré cl a me sont les ge nres les plus
impo rta nts de la guerre littéra ire. » Il fa ut signa-
le r la fréqu ence e t l'in i ta nce avec lesqu elles
Maïa kovski parl e de l'a rt de l'a ffi che ré volu-
ti onna ire , de l' impo rt a nce du jo urn al comm e
moyen d' influence e t de diffu io n. L'activité lit-
téra ire se co nfo nd avec le tâches des jo urn a-
listes politiques, des propaga ndistes e t des acti-
vistes : « Faire de l'agita tio n, de la propagande,
do nn e r un e te nd a nce viva nte , c'es t e n ce la
q u ' es t la d i ffic ulté et le se n s du th éât r e
d 'a ujourd' hui '.»
Le th éâ tre tire sa mat iè re de ces no uve lles
fo rm es littéra ires : « Le th éâtre a o ublié qu 'i l
é tait un pectacle. No u ne avons pa comment
nous servir de ce spectacle, essayer de faire des
t r é t ea u x un e tribu ne, c ' es t e n ce la qu 'es t
l'esse nce de m o n œ uvre th éâtra le 2 », écrit
encore Maïakovski. Pend ant les années qui sui-

227
L'AVA T- GA RD E R SSE rORMES D L'AG ITAT ION PO LI T IQ l 1E A PR ÈS 19 17

a rm e d e co mb a t e t d e pro paga nd e. L ' a rt du


naMHH o,nHE KPACHDH KA3APMbl pectacle es t l' un des procédé le plu e ffi caces
d 'édu ca ti o n d es m asses po pul a ires : th éâ tre ,
ciné ma, arè nes sporti ves, cirque, e tc.
Le me tte ur e n cè ne e t th éo ri cie n Ev reïn ov
note:« L'art du pectacle s'es t ré vé lé le plus sûr
moye n d ' influ e nce r la psych o logie de fo ul es,
parce qu ' il 'adresse e n e ffe t non se ul e me nt à
l' inte ll e ct , c 'es t-à-dire à l'é lé h1 e nt co nscie nt ,
~Mbl AD611AH ~CKIIX 6UUIBAPA(MUIB. 2) EWI JIIHBII ~YAUBHllll NHPDBDfD mais encore e t surto ut aux se ntiments, c'es t-à-
3roro ~•no: KAnHTMA.
dire a u ubco nscient ' . » En e ffet, e n Ru sie , où
des millions de gens du pe uple é ta ie nt ille ttrés, Wagon-cinéma de propagande Wagon-ci néma de propaga nde
ce tte form e d 'agita tion pa r le th éâ tre fut un Le Cosaqu e tra..ai/leur. 1920. Le Cosaqu e rouge, 1920.

moye n d e so um e ttre le masses à l'emprise


giga nte qu e des nouve ll es idées e t de le gagne r til e e n bl é a fin qu e ce ux-c i « o ffre nt » le urs é ta it e n pl e in e activité. Il ava it des « uccur-
à le ur cau se . Meye rhold fut l'a rti sa n d e ce récoltes à l'Éta t. ne autre fo is, à l'occa ion de sa le » dan to ute la Rus ie. Une bra nch e impor-
« front de gauche» par qui fut conçue la révolu- réé lec ti o ns d es co nse il s d a ns un vill age, d e tante de ce th éâ tre de choc était groupée autour
tion de l'esse nce th éâ tral e. À so n insti ga tion, membres du Komsom ol (Jeun esse communiste) d e la rev ue La Blo use bleue. Ce ll e-ci, qui a
3) JHfüTKYlllHAIIUlAPNH~ '1)JHmhnONO[Alb Ili HYJIIHO·
HPACHAA, JIE/10 HCHOE, fure nt créés dan to ute la Ru sie de th éâ tre écri vire nt un e pe tite pi èce, la mo nt è re nt a ns existé de 1924 à 1928, imprima it tout le ré pe r-
ré volutionn a ires d e propaga nd e du bolche- déco rs, e t la jouè re nt de maison e n maison. Ce to ire qui éta it joué par les collectivités th éâ trales
V. Maïakovsi, Fe nêtre de la Rosla (Agence télégra phique
visme. Les artistes é taient orga ni é comme une fa isa nt, ils a idè re nt a u succè de la ca mpagne du même no m. On y re pré e nta it des sketches
de Russie). n' 729. Pochoir. Sou viens-toi de la journée
de soutien à la caserne rouge. I) Nous avons bauu à plate troupe a uxili a ire de !'Armée rouge, avec un sys- é lectora le. Ces exe mpl es re nd e nt bie n co mpte d a ns lesque ls o n traita it des évé ne me nts poli -
cowure les gardes blancs. Cela ne sufjir pas : 2) Vir encore tè me a nalogue à ce lui de l'arm ée. Ces troupe de l'état d 'esprit gé né ra l e t de l'impo rta nce de tiqu e le plu réce nts e n les co mm e nta nt. Le
le m onsrre du capiral mondial, 3) Donc, /'Armée rouge
est roujours nécessaire, 4) Donc, il fa w l'aider, la chose théâ trales de choc étaie nt « vo lantes ». Elles ne ce tte fo rmul e no uve lle de l'a rt th éâ tra l. D a ns théâ tre se vit donc confé rer une tâche nouve lle
est claire. s'e mb a rra sa ie nt d 'a ucun ma té ri e l te chnique to ut le pays naquirent a insi un nombre inca lcu- et les Russes lui donnè re nt le nom de « th éâ tre
Kocherguine, affi che soviétique po ur le 1 ' Mai 1920.
important, conce ntrant to ute le ur atte nti on sur lable de th éâ tre ambul ants. lis vena ie nt po ur la d 'ag it a ti o n » (ag uittéa tr). So us ce mot
le je u des acte urs e t sur le parole prononcée plupa rt d e la ca pita le, s' in sta ll a ie nt d a ns les « agitati on », il ent e nda ie nt « l'activité politique
sur les tré tea ux . La troupe , ré duite , di spo ait ga res des pe tites loca lités e t y procla ma ient les orale e t écrite qui a pour but d ' influer sur l'idéo-
d ' un se ul d é co r e t d es acce oires indi spen- sloga ns du bo lchev isme, des paro les simpl es , logie de la rges masses po pula ires d a ns un se n
sa bles, conçus po ur être transportés facil ement. fac il e me nt acce ible à un e po pul a ti o n pay- dé te rmin é ».
Ce je un es acte urs. me tte urs en cè ne, poè tes. sa nn e qui ve na it e n masse éco ut e r ce th éâ tre L'agit ati o n a pris un se ns bea uco up plus pré-
pe intres voyai e nt d a ns le ur travail non se ule- politique e ncore rudim e ntaire '· cis que celui de propaga nde a u co ntact des réa-
me nt la po ibilité d 'inca rn e r le urs idées créa- Jürgen Rühle no te qu e l'o n comptai t qu elque lités révoluti o nn a ires. Les dirigea nts du no u-
trices, ma is a ussi de me ttre le ur ta lent au se r- tro is mill e o rga nisa ti o ns th éâ tra les pe nd a nt la vea u rég im e, n e po u va nt se co nt e nt e r
vice de l'a rt nouveau. Ces troupes s' inspiraient gue rre civile •. Presque chaqu e fabrique, chaqu e d ' imprime r de nouve lles tend ances a ux a nci e ns
des démonstrations de la rue, de pectacles de cellule de parti dans les villages, chaqu e unit é de th éâ tres pro fessio nn e ls, o nt la rgeme nt favo ri sé
ma cara de, de ma nife ta lio n popul aire por- !'A rmée rouge avai t a secti on théâtrale. À la fin la na issa nce d 'un théâ tre expé rim e nt a l révolu-
tives, des mises en scè ne pantomimes e t drama- de 1920, naq uit le Ce rcl e arti stique uni ( EKhaK) ti onn a ire, le sam odéïarelny, mot à mo t « th éâ tre
tiqu es e n ple in a ir, des co mptes re ndus dialo- qui me tt a it e n cè ne les d a tes hi sto riqu es du a uto-acti f ». Ce n'était pas l'œ uvre d 'a ma te urs
g ués, d es pl a id o iri es publiqu e e t a utres cale ndri e r ro uge e t des ketche sa tiriqu es. E n qui se seraie nt di stingués du th éâ tre profession-
mani fes tati o ns de ce ge nre. 1924, le Labora toire méth odo logique des clu bs ne l par le ur inex pé ri e nce, le ur absence de for-
Ce th éâ tre ambul a nt parco urait to ute la Rus- d u T héâ tre Meye rh o ld a ffi rma it qu e la fo rm e mati on a rti tiqu e e t le ur désir de faire co mme
sie. Il é tai t e nvoyé d ans le diffé re nts di stricts scé niq ue primait ur le répe rto ire, qu 'on ne pou- les tro upes de gra nde enve rgure. Le samodéïa -
pa r les a uto rités po ur y fa ire un e forte propa- vai t util ise r un e pièce que dans les ca dé e pé- reln y é ta it un th éâ tre d ' initia ti ve, indé pe nd a nt
ga nd e politique. Ainsi, e n se ptembre 1920, la rés, q uand il n' y ava it pas d'a utre ma ti è re e t suf- de to ut e tra diti o n, qui créa des fo rm es o ri gi-
« Sectio n théâ trale » (Téo) du Na rkompros créa fi amm e nt de temps po ur la prépare r. nales aya nt po ur but la o lutio n des problème
de tro upes a mbul antes cha rgée de mene r une À ce tt e é poq ue, le Jou rn a l viva nt , tro up e politiq ues. Cette formul e fut mi e e n pl ace dès
ca mpagne a uprès des paysa n de régio n fe r- im po rta nt e d a ns la propaga nde bo lchev iq ue , le d éb ut d e la R évo luti o n e t e révé la un

228 229
L'AVA T-GA RD E RUSSE FORM E D E L ' AG ITATIO PO LI T IQU E AP RÈS 1917

exemple dans l'art d 'agitati on et de propaga nd e marche fun è bre de Cho pin. « Le roya um e lumi- Cette ma nifes ta ti o n é ta it d o nn ée e n l' ho n- ve rsa ire d 'O ctob re. Je me so uvie ns d ' un esca-
p o ur les t héâ t res pr ofess io nn e l , q u ' e ll e ne ux » é ta it caracté ri sé pa r d e passages de ne u r du d e u x iè m e co ng rès d e la Tro isiè m e dro n de cava lie r ga lo pa nt deva nt les tri bun es
deva nça même dans ce doma ine. Lohengrin ; le dé fil é des o ppresse ur e fa isa it Inte rn ati o nale. E lle retraça it l'histo ire du mou- du Pa lais d 'H iver avec des to rches éno rm es et
a u so n de ro man ces ts igane , co uve rte pa r la veme nt o uvrier de 1848 à 1920. Po ur celte mi e fl a mboya ntes qu i illuminaient co mme des tapi
Marseilla ise e t le cha nso n bo lcheviq ues. La e n scè ne, R adl ov reç ut le co nco urs mass if d e d'o r l'aspha lte du pavé. Je me ouvie ns de cen-
LE GRA DS SPECTACLES E PLEI AIR ro nde a uto ur de l'a rbre de la Libe rté e déro u- q uatre mille solda ts de !'Armée ro uge, mate lo ts ta ines de pio nni e rs attaqu ant braveme nt sur le
lai t a ux acce nts d ' un e mu iq ue tirée de Sadko e t ouvri er e t il put fa ire e ntre r da ns l'actio n des s t a d e D y n a mo d e M o co u un é p o uv a nt a il
Les ho mmes de th éâ tre ru sses o nt tent é d 'éla- de Rim ski -Korsa kov ... é lé me nts ma té ri e ls réels : le no uvea u pl a tea u g iga nt es qu e re pr ése nt a nt les e nn e mi s d e
bo re r un spec ta cl e scé niqu e san s contrainte Outre ce t Hymne au travail libéré, Ke rj e ntsev scénique é tait co mposé du po rta il e l des para- l'U ni o n soviétiqu e. Je me so uvi e ns des ca not
d ' es pa ce, qui les a co nduits à e n v isage r un e mo nta L e Jugemen1 de Wrangel à cie l o uve rt. pets de la S our e, de de ux po nts, de pha res ... ind ocil es a vec lesqu e l il é ta it si diffi c ile de
nouve lle fo rm e th éâ trale , unique en son genre. E nviron di x mille solda t de l'Arm ée ro uge e t Des p rojec te ur , des trompe tt es , d es sirè nes , manœ uvre r d ans l'espace limité de la Mos kva,
Il s'agissait de « théâ traliser » la vie po ur déve- cosa qu es y prire nt pa rt. C ha qu e pa rti cipa nt des co ups de ca no n lancés de puis les va issea ux, lo r de la mi e e n cène fa ite à l'occas io n du
lo pper une propaga nde effi cace, de fa ire partici- ava it un schéma de son rô le sur lequel il impro- d es a ut o mo bil es, des a ffi ches, te ls é ta ie nt les X IV' co ngrès du Parti 7 . » T o us ces spectacles se

per de très nombre ux exécuta nts. Les me tte urs visa it : to u é taie nt cos tum és e t grim és. Wra n- no uvea ux é lé me nts scé niqu es, le nouv ea ux déroul aie nt à ciel o uve rt, avec une large partici -
e n scè ne d e ces s pe ct ac les d e m asse fur e nt ge l, le gé né ra l e n chef suprê me du fro nt s ud accesso ires. L e me tt e ur e n scè ne diri gea it sa pa ti o n du publi c, ce qui es t un fait no uvea u
E vreïn o v, Ann e nk ov, Ke rj e ntsev, R a dl ov e t bla nc, é tai t symbo lique me nt j ugé. Le exécu- tro upe de puis un po nto n sur la éva à l'a ide dans le th éâ tre en gé néral. Le pectateur n'était
Meyerh o ld . ta nts cri a ie nt , pl e in s d ' e nth o u ia me: « T u d 'appe ls té lépho niques. plus pass if, mais acceptait de joue r un rôle, de
Ces représenta tio n gra ndi oses répond aie nt à me ns ! e no u trompe pa , va mpire ! » (Ke r- C'es t un to ut a utr e ca rac tè re qu 'o ffrit la se mê le r é troite me nt à l'acti o n. Cett e fusio n,
trois principes : magnifie r les jo urs parti culi è re- jentsev da n son livre pa ru en 19 18, Le Th éâtre représenta tio n o rga nisée par R adl ov de La Vic- e ntre le specta te ur et la scè ne, presque impos-
me nt mé mora bles et solenn e ls de l'histoire de la créateur, a ffirm e qu e le spec tacles d e masse toire de la Révolution, au Théâ tre d 'opéra de la sib le à réa lise r e n te mp norm a l, ne se re n -
révolu tio n ; é tudi e r la psychol ogie des foul es; é t a ie nt le se ul m oye n d e c rée r un th éâ tr e Maiso n populaire, le 7 nove mbre 1922. Ici, ur co ntr e pl e in e m e nt qu e d a ns les th éâ tr es
inve nte r des fo rm e imposa nte inédit es. Ces a uth e ntiqu e me nt socia liste pa r so n caractè re un e cè ne imm e nse, é ta ie nt di sposés e nviron d 'enfa nt où le exécutants inte rpe lle nt la a ile ,
spe ct a cl es, qui utili sa ie nt ju squ ' à dix mill e co ll ec tif, la pa rt icipa ti o n d es s pec ta te ur s à mill e cinq ce nts c ho ri s tes. Au -d ess u d e ce pose nt des qu esti ons auxqu e lles il est répondu
acte urs e t un ma téri e l co n idéra ble , n 'é tai e nt l'action th éâ tra le, l'improvi a ti o n o u le co up chœur gigantesqu e s'é levaient des platea ux où avec enth o usiasme.
do nn és qu 'une fo is, d 'o ù leur ca ractè re exce p- de l'e nth o usiasme.) é ta ie nt pl acés les e xécuta nts individu e ls. Le D ans le ann ées vin gt, en Russie, to ut n'était
tionn el e t fast ue ux. D a ns ce tte fo rm e d 'a rt spec tac ul aire , to ut à spec tacle se d é roul a it avec un co ntre point de pas enco re normalisé e t les événe me nts le plus
U n des pre mi ers théoriciens des spectacle de fa it propre à la Ru ssie, le me tte ur e n scè ne Se r- chants du chœ ur e t de panto mime ymbo lique incroya bles é taient possibles. Le chaos régna it
ma se, Platon Ke rj entsev, ami de Lé nin e e t de gueï Radl ov fut un pio nnier. Le 20 juin 1920, il des acte urs. Po ur le dixi è me a nnive rsaire de la pa rto ut , la fa min e sé vissa it , le moye n ordi -
Maïakovski , orga nisa à Pétrograd pour le l" Ma i mo nte Le Blocus de la Russie ur l'île Ka mie nn y révolutio n d 'O cto bre, Radl ov mo nta un spec- naires du pays éta ie nt singuli èreme nt diminués,
l 920 un « my tè re » intitulé Hymne au tra vail à Pé trograd. Po ur ce spec tacle, il fit co nstru ire tacle gra ndiose, symphoni e pui a nte d ' images ma is les th éâ tre po ursui va ie nt les représe nta-
libéré, avec Annenkov, Kougue l e t Evreïnov. Ce un g ra nd a mphith éâ tr e a u bord du lac, a u o no res e t colo rées, créées par les projecte ur , ti o n e t pouva ie nt monte r d es spec ta cles de
spectacle fut monté devant la Bo urse e t utilisa le milie u duqu e l é ta it insta ll ée ,, la scè ne », sur un e le la nce me nt de fu sée e t de fe ux d 'a rtifice. dime nsio ns in édites. D a ns des co nditions a ussi
co nco urs de qu e lqu e qu a tre mill e sold a ts d e petite île re liée par un po nt à la ri ve. L 'action Vo ici co mm e nt le me tte ur e n cè ne lui-mê me exce ptionn e lles, o n ne pe ut 'éto nn e r d e voir
!'Arm ée rouge. Y é ta ient repré entées les diffé- bouffo nn e e t sa tirique e dé roul a it sur l'île, sur pa rl a it, e n 1936, de ce ge nre de spectacle: des fo ul es e nti è res réagir a vec e nth o usias me
rentes tentatives fa ites dans le passé par l'hum a- le po nt e t s ur le lac; un c ui rassé fa isa it la « Le go ût po ur le pectacles de masse, qui se aux mises en scè ne qui le ur é taie nt offe rtes. En
nité o pprim ée po ur seco ue r le jo ug des bo ur- nave tte, sy mbolisa nt le blocus de la Ru ssie, e t manifes te de plus e n plus, ne pe ut qu e réjo uir 1923, e ut lie u à Iva no-Yoznessensk un spectacle
rea ux e t des exploite urs : les tsa rs, les prê tres, les de diza ines de petites barques à voile multi co- to us ce ux qu 'e nth o usia me ce t a rt o ri g in a l. de masse auqu el to ute la population de la ville
ma rch a nds e t les magnats de B o urses é ta ie nt lores défil aie nt lor de l'a pothéose. Les exécu- C'est po urqu o i, chez ce ux d 'entre no us qui o nt pa rticipa. On y reproduisa it la grande grè ve de
fi gurés de faço n si mpliste, tand is que le bolche- ta nts d e ce spectacle é ta ie nt les ac te urs de la vécu les jours et les nuits d 'a ngo i ses e t d 'émo- 1915 qui se te rmin a pa r la fu sill ad e d e no m-
v i m e triomph a nt libé rai t la soc ié té d e ses Co médi e populaire (les masques) e t le soldats tio n pro voquées par les ri squ es e l le chance bre ux ouvrie rs.
chaînes d 'esclave. La ma nife talion se termin ait de !'Arm ée rouge (le chœ ur). La fusion d 'é lé- de ré u ile de te lles e ntreprises, surgisse nt un e Les o rga ni ateurs de ces ma nifes tations pen-
pa r un e g ra nd e pa rad e milit a ire e t un d é fil é me nts p rofess io nn el e t d 'é lé me nts spo nta nés fo ul e d e so uv e nirs li és a ux diffi c ult é e t a ux saie nt po uvo ir crée r un no uvea u tyle théâ tra l
auqu el pa rticipa it le public (la R évolutio n fra n- éta it parti cul iè rement origi nale. joies dont e lles so nt la o urce ... Je me so uvie ns fo ndé sur la gra nde mas e du pe upl e •. La Prise
çaise avec ses fê tes de masse e n l' ho nn e ur d e Ces é lé me nts spo nta nés eure nt un e impo r- co mm ent no us co nd uisio ns d es to rpill e ur ur du Palais d' Hi ver, réa lisé le 7 novembre 1920
!'Être suprême do nn ait d 'aille urs l'exemple). tance e ncore plus gra nde dan le pectacle sui - le po nt de la éva, po ur d étermin e r exacte- pa r la directi o n po li tique du district militaire de
D ans ce spectacle de P é trograd , la musique va nt de R adl ov, Pour la Commune m ondiale, me nt les places qu ' il co nve na it de donn er à ces Pétrogra d à l'occa ion du tro isiè me anniversaire
jo ua it un rô le de pre mi er pla n. La proce io n o rga ni é le 19 juille t 1920 d eva nt la B o urse à acte urs gigantesq ues qui devaien t pre ndre pa rt de la révolutio n d 'O ctobre, re tera le modè le du
d es esc laves s'a cco mpli ssai t a ux so ns d e la Pétrograd. à la mise e n scène co nsacrée a u d ixième anni - ge nre. Po ur do nn er une idée de l'importa nce de

230 231
pectacle de masse en plein air pour la commémoration de la révolution d"Octobre, décor sur la place du Palais d' Hiver.
pectacle de masse en plein air pour la commémoration de la révolution d'Octobre, comédiens figurant la bourgeoisie russe. Pétrograd.

Spectacle de masse en plein air pour la commémoration de la révolution d'Octobre, comédiens figurant le bataillon des
Spectacle de masse en plein air pour la commémoration de la révolution d'Octobre. Je « bataillon féminin », Pétrograd.
révolutionnaires. •

232 233
L'AVANT -GARD E R SSE FORMES DE L'AGITA TIO POLIT IQ E AP RÈS 1917

- ----- - .

. Alt man, Projet de déco_, pour la place Ouritski [place du Palais d 'Hiverj à Pétrograd
en / 918
pour le pre1111er anmversa,re de la révolwion d 'Octobre. Aquarelle sur papier.
V. Lébédev, Projet de décoration d11 pont Politseïski à Pétrograd pour la
célébration du p remier anniversaire d 'Octobre,
1918. Aquarelle, gouache , crayon sur papier, 22,7 x 25,7 cm. Saint-Pétersbourg,
cette réalisation mémorab le, il suffit de rappele r M R.
dont les soixante- deux giga ntesque fenêtres du
que huit mille acte urs participai e nt à la recons- second étage se rvaient de « platea ux » pour les
titutio n scé nique de la prise du Palai d'Hive r e t combats, é tait so us la direction du me tte ur e n ser directe me nt un fa it histo riqu e a u th éâ tre, Pour La Prise du Pala is d'Hiver, Evreïn ov, en
du tri omphe de la R évolution . Ce nt cinqua nte scè ne . E vreïn ov. On e do ute qu e pour un e san le moyen de la poésie, est propre à la Rus- t a nt qu e me tte ur e n scè ne princip a l, reç ut
mille spectate urs assistaien t à cette représe nta- telle entre prise le rôle du me tteur e n scè ne é tait sie se ule 10 ». comm e sa la ire un e pe li sse d e fourrur e d e
ti o n uniqu e da ns les a nn a le th éâ tr a les . La singuliè rement diffé rent de celui qu 'il a ordin ai- Pour Evreïnov, e n accord avec sa philosophie rena rd , tandis que les trois autres me tte ur e n
co n s tructi o n d éco rativ e conçu e p a r Iouri re ment dans un e sa lle de th éâ tre. La conduite du th éâ tre, il 'agissa it de crée r un th éâtre de scène, Kou g ue l, Pé tro v e t Ann e nk ov, rece-
[G eorges] Anne nkov mesura it 140 mè tres de de spectacle a ussi giga ntesqu es pe ut être com- so uve nir qui tra nsform â t le passé e n pré e nt, va ient chacun une do uzaine d'œufs e t du tabac !
long e t se composa it de de ux scènes imme nses pa rée a ux manœuvr e militaire les plus compli- actu ali ât l'hi toire e n th éâtralisan t la vie. e tte Il est do nc admirabl e q ue ce oit dans la Rus-
qui s'élevaie nt jusqu 'a u troisiè me é tage de édi - quées. Placé sur un pont de command e, le met- époque héroïque de la R évolutio n est un som- sie de ces ann ées-là qu 'ait pris naissance un type
fi ces de chaqu e côté de l'Arc de l'Éta t-M ajo r. teur e n scène dirigea it le opé rati o ns pa r signes me t dans l'a rt th éâtral, qu i ne pe ut se compa re r de pectacle compara ble a ux ba taille nava les
E n plus des huit mille acte urs, des troupes mili- téléphoni ques ou optiques ' . qu 'avec l'époqu e a ntique. Ca r c'est bie n a ux orga nisées à R ome ou aux Trionfi du xv< e t du
taire e t le croise ur Aurore lui-même, dont les Ce pecta cle o nt re ma rquables e n ce qu ' ils na um achies a ntiques qu e fa it pe nser un spec- xv1<siècle italie n, type de spectacle qui donna la
co up de canon avaie nt marqué le début légen- so nt un e te nta tive exce ptio nne lle d' introduir e tac le co mm e ce lu i d e L a Pr ise d u Pala is pos ibilité à des hommes de th éâtre révolutio n-
daire de la révo lution bolchevique, pa rticipaient l'h istoire sur la scè ne. Il ne 'agit plus de d ra me d 'H iver. Avec cette diffé re nce ce pe nd a nt qu e naires d' interpré te r le e ns de !'Histoire.
à la ma nifesta tion . So us le cintre de l'Arc é tait histo riqu e, qui ch e rch e da ns l' his to ire ce qui da ns les mises e n cè ne rus es, gra ndioses, il
in ta ll é un o rch es tre de cinq ce nts musicie ns l'intéresse, l'embellit au moye n de la poésie e t s'agissait encore de th éâtre, tandis qu e chez les
dirigé par Hugo Va rlikh . Le nombre des pa rti ci- de la fi ctio n. E vreïn ov a reco nstitué intégrale- R o ma in s les ba tai ll es, sa ng uin a ire , é ta ie nt LES PE INTRE S DANS LA R E
pa nt s'élevait à près de quinze mille. L'un e de me nt l'é vé ne me nt hi s to riqu e de la prise du rée ll es. D e plus, e n 1920, les fo rces éco no-
scènes était diri gée pa r Alexandr e Kouguel, une Palai d' Hive r, sans que la limite entre la vie e t miq ues de la Russie n'étaie nt pas brilla ntes, les Po ur le pre mi er a nnive r aire de la révolutio n
a utre pa r l'ex-dire cte ur des Th éâ tr es aca dé- le théâtre fOt bie n défini e. Certes, la repré e nta- gens é taie nt loin de mange r à le ur fa im , et l'on d' O cto bre, le 7 nove mbre 1918, à Pé trograd,
miques de Pétrogra d, . Pétrov. E nfin, le tro i- lion de l' hi toire co nte mpora ine existait depuis trouva it pourtant le moye n de 'enth ousiasme r to ut es les fo rces a rti s tiqu es fur e nt mi ses à
sième tablea u, qui se jo ua da ns le Palai d'Hi ver Les Perses d 'Eschyle, mais « l'idée de faire pas- po ur de telles e ntrepri es ! co ntri butio n. La poé ie de Maïa kovski Prikaz

234 235
FORMES DE L'AGITATION POLITIQllE APRÈS 1917
L'AVANT-GARDE RUSSE

ville, la place du.Palais, rebaptisée pour l'occa-


sion place Ouritski. Altman voulait créer « une
atmosphère colorée de joie et de solennité ».
Voici comment son biographe Mark Etkind
décrit le travail de l'artiste : « Il voulut transfor-
mer la place en une énorme salle à ciel ouvert
( ... ). L'arc de triomphe de Rossi servait
d'entrée à la place : de sa voOte descendait une
énorme toile couleur framboise ; à sa partie
supérieure, on pouvait lire l'inscription RSFSR
[République soviétique socialiste fédérative de
Russie], au centre - un losange avec un
emblème pris de l'esquisse qu'il avait faite pour
le sceau de l'État (faucille, épi, usine); autour
du losange - l'inscription : "Pétrogradskaya
Troudovaya Kommouna" [Commune tra-
vailleuse de Pétrograd). Les éléments les plus
importants de cette mise en forme étaient trois
panneaux géants d'agitation [i.e. de propa-
gande) - les images des nouveaux maîtres de la
I. Pougny, projet pour un panneau décoratif Ouvriers république : au-dessus de l'entrée du Palais,
armés sur une voiture réalisé pour le Litiéïny prospiekt à jusqu'à la corniche de l'édifice, se dressait un
Pétrograd (commémoration du premier anniversaire de la
révolution d'Octobre), 1918. Aquarelle sur papier. panneau sur lequel un géant - un ouvrier -
38 x 34 cm. Saint-Pétersbourg, MNR. debout sur le fond d'usines aux cheminées
fumantes, déployait le slogan couleur pourpre :
armii iskousstv (Ordre à l'armée des arts), "Ceux qui n'étaient rien deviennent tout"; sur Décoration futuriste sur la tour de la Perspective Nievski
Décoration de la place Znamienskaya cachant le
parue comme éditorial du premier numéro du les demi-arcs de l'État-Major il y avait un pan- Monument à Alexandre Ill de P. Troubetzkoy, 1918. à Pétrograd (siège de la Douma), 1~ mai 1918.

journal hebdomadaire des communistes-futu- neau représentant un ouvrier ("Les usines à


ristes L 'Art de la Commune, le 7 décembre ceux qui travaillent !"} et un paysan ("La terre
1918, se terminait ainsi:« Les rues sont nos pin- à ceux qui travaillent !") ". » Altman mêla,
ceaux/Les places - nos palettes./Dans le livre du selon sa méthode d'alors, le concret de la réalité
Temps/Dans ses milliers de feuilles/Ne sont et le vocabulaire abstrait venu du suprématisme
chantés les jours,ICeux de la Révolution./Dans (voir l'aquarelle de la Façade du Palais d'Hiver
les rues, futuristes,IDans les rues, tambours et et les crayons de couleurs et huile de La
poètes!» Colonne d'Alexandre illuminée). C'est ce que fit
Les lieux importants de la capitale septentrio- aussi Pougny qui se vit confier les décors du
nale, qui accueillait pendant trois jours de nom- pont de l'Okhta sur la Néva, donnant sur le
breuses cérémonies et spectacles, furent totale- fameux Couvent des jeunes filles nobles
ment transformés pour cette commémoration. Smolny, quartier général de Lénine et des bol-
On avait prévu de décorer soixante et onze cheviques au moment de la révolution. L'artiste
endroits de Pétrograd (places, bâtiments, ponts, fit également des esquisses pour le Litiéïny
quais) avec des panneaux, des affiches, des ban- Prospiekt, avenue par laquelle devait passer, le
nières, des slogans ... On fit appel à cent premier jour, la procession aux flambeaux des
soixante-dix peintres de toutes tendances. Les
avant-gardistes étaient représentés par Natan
membres du gouvernement et des deux mille
manifestants venus exprimer leur enthousiasme
li
Altman, Pougny, Vladimir Lébédev, Baranov- révolutionnaire.
Rossiné, Sterenberg ... On confia à Natan Alt- En général, ces œuvres décoratives étaient
1. Pougny, La Fuitedesformu, 1919. H/t, 124x 127 cm.
man la décoration de la plus belle place de la considérablement agrandies pour former des
Saint-Pétersbourg, MNR.

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236
L'AVANT-GARDE RUSSE

panneaux géants et les artistes ont adopté te naires nous montre que l'artiste est resté fidèle CHAPITRE9
style de l'affiche qui offrît une lecture immé- au cézannisme géométrique qu'il avait pratiqué
diate des représentations symboliques du à Paris.
monde du travail. L'esthétique du loubok À Moscou, les fêtes du 1.. Mai 1918 et du pre- LE PRÉ-CONSTRUCTIVISME
domine ce type de travaux, et la perspective tra- mier anniversaire de la révolution d'Octobre, le
ditionnelle est remplacée par une image expres- 7 novembre, firent l'objet de la même fièvre (1913-1920)
sive, où la dimension des sujets est fonction non créatrice qu'à Pétrograd. Il semble cependant
de leur grandeur dans la réalité mais de leur que la vieille capitale se montrât moins auda-
grandeur symbolique. Pougny présente ses per- cieuse du point de vue formel, reflétant ainsi
sonnages (les mêmes que chez Altman) en l'état des arts au moment de la révolution
oblique pour dynamiser la perspective qu'en (Pétrograd était en effet plus avant-gardiste que
auront les spectateurs déambulant dans la rue. Moscou). Cette participation des peintres à L'ART SANS-OBJET Russie par des expériences artistiques mul-
Les couleurs sont éclatantes, solaires, l'ornementation des rues, des places et des tiples : le cuba-futurisme, le rayonnisme, le
héroïques, dans l'esprit romantique révolution- monuments dans les villes se propagea à travers Bien qu'il se soit quelque peu dégrisé, le dis- suprématisme, les reliefs de Tatline mais aussi
naire : jaune-or et rouge profond, avec une toutes les provinces de l'ancien Empire russe. cours sur le « constructivisme » reste très infla- les recherches d'un espace scénique construit
association très suprématiste de ce rouge avec Ainsi, à l'occasion du premier anniversaire de la tionniste et la notion même en est très exten- chez Malévitch (La Victoire sur le Soleil, 1913),
des taches noires (voir les aquarelles Ouvriers révolution d'Octobre, Chagall avait organisé sive. Voilà un de ces mots qui, presque comme Alexandra Exter (Thamira le Citharède, 1916, et
dans une automobile et Soldat de la révolution). l'embellissement de Vitebsk par les peintres de « avant-garde », a des vertus mythologiques Salomé, 1917) ou Yakoulov (arrangement du
Xénia Bogouslavskaya, la femme de Pougny, la région : « avec quatre cent cinquante grandes pour un public toujours à l'affilt, à la fin du Café Pittoresque en 1917, précédé par la déco-
« orna les maisons d'immenses panneaux abs- affiches, des drapeaux, des tribunes et des xx• siècle, de succédanés au réel. Depuis deux ration d'un espace construit dans les clubs de
traits qui consistaient en une accumulation de arcs 14 », le tout accompagné de feux d'artifices et décennies déjà, je profite de chaque occasion Moscou en 1908-1909) 2•
figures géométriques roses, blanches et vertes de flambeaux. Cette même ville de Vitebsk, en qui m'est donnée pour dénoncer l'emploi abu- Le constructivisme russe a retenu et privilé-
sur un fond bleu" ». 1920, sous l'égide des Ounovis de Malévitch, se sif du mot constructivisme, du moins pour ce gié, dans les esthétiques qui l'ont précédé, un
Baranov-Rossiné sera chargé de la décora- présentait ainsi à Eisenstein : « Dans les rues qui est de l'art russe dans le milieu duquel, si certain nombre de principes qu'il a poussés à
tion de la place Znamienskaya qui coupait la principales, la brique rouge est couverte de pein- je ne m'abuse, ce mot a été forgé pour la pre- leurs conséquences extrêmes en en faisant un
Perspective Nievski, où trônait le lourd Monu- ture blanche. Et le fond blanc est semé de ronds mière fois, c'est-à-dire en 1921 '. système parfaitement original. Du supréma-
ment à Alexandre Ill de Paolo Troubetzkoy verts. De carrés orange. De rectangles bleus. Le constructivisme est un mouvement bien tisme, il n'a retenu que les « plumes de l'orga-
(évidemment camouflé par des panneaux C'est Vitebsk en 1920. Le pinceau de Kazimir précis, né en Russie soviétique, dont le nom nisme », selon l'expression de Malévitch, farou-
peints). L'esquisse des 365 jours révolution- Malévitch est passé sur les murs de briques ". » n'apparaît publiquement qu'en janvier 1922 sur chement opposé au constructivisme et surtout
la plaquette Constructivistes présentant une au productionnisme qui devait en être l'aboutis-
exposition d'œuvres de Médounetski, Vladimir sement Jogique 3• Mais il serait erroné d'éliminer
et Guéorgui Stenberg, trois jeunes artistes issus Malévitch et le suprématisme de cette période
des nouvelles structures artistiques d'après qu'il faut bien appeler « pré-constructiviste » -
1917. Car s'il est vrai qu'à l'intérieur de entre 1913-1914 et 1920-1921. Malévitch a
l'Inkhouk s'était formé en 1921 le Groupe de même été le premier, avant Tatline, à proposer
travail des Constructivistes», le mot« construc- une métaphore du peintre comme constructeur
tivisme » ou « constructiviste » n'apparut (Bücheron, 1912, ou encore le Portrait perfec-
jamais, jusqu'en 1922, dans les manifestations tionné d'lvan Vassiliévitch Kliounkov de 1913,
publiques de ses membres. Nulle trace de ces dont une variante lithographiée, de 1913 égale-
thèmes, même à l'exposition manifeste ment, s'appelle Portrait perfectionné d'un
5 x 5 = 25 d'octobre 1921 à Moscou. S'il est abu- constructeur).
sif, voire erroné, de parler de constructivisme
avant 1921, on peut toutefois souligner que la
théorie et le mouvement constructivistes sont Triomphe de l'abstraction sans-objet
nés d'une pratique - bien antérieure à 1921 - de
la mise en forme, de la construction, de la fac- Lioubov Popova qualifie toute une série de
ture ; cette pratique fut inaugurée en Occident
toilès sans objet entre 1917 et 1920 d'« architec-
par le cubisme et le futurisme, et poursuivie en toniques picturales ». L'ensemble des quinze

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L'AVANT-GARDE RUSSE

panneaux géants et les artistes ont adopté te naires nous montre que l'artiste est resté fidèle CHAPITRE9
style de l'affiche qui offrît une lecture immé- au cézannisme géométrique qu'il avait pratiqué
diate des représentations symboliques du à Paris.
monde du travail. L' esthétique du loubok À Moscou, les fêtes du l " Mai 1918 et du pre- LE PRÉ-CONSTRUCTIVISME
domine ce type de travaux, et la perspective tra- mier anniversaire de la révolution d'Octobre, le
ditionnelle est remplacée par une image expres- 7 novembre, firent l'objet de la même fièvre (1913-1920)
sive, où la dimension des sujets est fonction non créatrice qu'à Pétrograd. Il semble cependant
de leur grandeur dans la réalité mais de leur que la vieille capitale se montrât moins auda-
grandeur symbolique. Pougny présente ses per- cieuse du point de vue formel, reflétant ainsi
sonnages (les mêmes que chez Altman) en l'état des arts au moment de la révolution
oblique pour dynamiser la perspective qu 'en (Pétrograd était en effet plus avant-gardiste que
auront les spectateurs déambulant dans la rue. Moscou) . Cette participation des peintres à L'ART SANS-OBJET Russie par des expériences artistiques mul-
Les couleurs sont éclatantes, solaires, l' ornementation des rues, des places et des tiples : le cubo-futurisme, le rayonnisme, le
héroïques, dans l'esprit romantique révolution- monuments dans les villes se propagea à travers Bien qu'il se soit quelque peu dégrisé, le dis- suprématisme, les reliefs de Tatline mais aussi
naire : jaune-or et rouge profond, avec une toutes les provinces de l'ancien Empire russe. cours sur le « constructivisme » reste très infla- les recherches d'un espace scénique construit
association très suprématiste de ce rouge avec Ainsi, à l'occasion du premier anniversaire de la tionniste et la notion même en est très exten- chez Malévitch (La Victoire sur le Soleil, 1913),
des taches noires (voir les aquarelles Ouvriers révolution d'Octobre, Chagall avait organisé sive. Voilà un de ces mots qui, presque comme Alexandra Exter (Thamira le Citharède, 1916, et
dans une automobile et Soldat de la révolution). l'embellissement de Vitebsk par les peintres de « avant-garde » , a des vertus mythologiques Salomé, 1917) ou Yakoulov (arrangement du
Xénia Bogouslavskaya, la femme de Pougny, la région : « avec quatre cent cinquante grandes pour un public toujours à l'affOt, à la fin du Café Pittoresque en 1917, précédé par la déco-
« orna les maisons d'immenses panneaux abs- affiches, des drapeaux , des tribunes et des xx• siècle, de succédanés au réel. Depuis deux ration d'un espace construit dans les clubs de
traits qui consistaient en une accumulation de arcs 1• », le tout accompagné de feux d'artifices et décennies déjà, je profite de chaque occasion Moscou en 1908-1909)'.
figures géométriques roses, blanches et vertes de flambeaux. Cette même ville de Vitebsk, en qui m'est donnée pour dénoncer l'emploi abu- Le constructivisme russe a retenu et privilé-
sur un fond bleu 13 ». 1920, sous l'égide des Ounovis de Malévitch, se sif du mot constructivisme, du moins pour ce gié, dans les esthétiques qui l'ont précédé, un
Baranov-Rossiné sera chargé de la décora- présentait ainsi à Eisenstein : « Dans les rues qui est de l'art russe dans le milieu duquel, si certain nombre de principes qu'il a poussés à
tion de la place Znamienskaya qui coupait la principales, la brique rouge est couverte de pein- je ne m'abuse, ce mot a été forgé pour la pre- leurs conséquences extrêmes en en faisant un
Perspective Nievski, où trônait le lourd Monu- ture blanche. Et le fond blanc est semé de ronds mière fois, c'est-à-dire en 1921 '. système parfaitement original. Du supréma-
ment à Alexandre III de Paolo Troubetzkoy verts. De carrés orange. De rectangles bleus. Le constructivisme est un mouvement bien tisme, il n'a retenu que les « plumes de l'orga-
(évidemment camouflé par des panneaux C'est Vitebsk en 1920. Le pinceau de Kazimir précis, né en Russie soviétique, dont le nom nisme », selon l'expression de Malévitch, farou-
peints). L'esquisse des 365 jours révolution- Malévitch est passé sur les murs de briques ". » n'apparaît publiquement qu'en janvier 1922 sur chement opposé au constructivisme et surtout
la plaquette Constructivistes présentant une au productionnisme qui devait en être l'aboutis-
exposition d'œuvres de Médounetski, Vladimir sement Iogique 3• Mais il serait erroné d'éliminer
et Guéorgui Stenberg, trois jeunes artistes issus Malévitch et le suprématisme de cette période
des nouvelles structures artistiques d'après qu'il faut bien appeler « pré-constructiviste » -
1917. Car s' il est vrai qu ' à l' intérieur de entre 1913-1914 et 1920-1921. Malévitch a
1'/nkhouk s'était formé en 1921 le Groupe de même été le premier, avant Tatline, à proposer
travail des Constructivistes », le mot « construc- une métaphore du peintre comme constructeur
tivisme » ou « constructiviste ,. n'apparut (Bacheron, 1912, ou encore le Portrait perfec-
jamais, jusqu'en 1922, dans les manifestations tionné d'/van Vassiliévitch Kliounkov de 1913,
publiques de ses membres. Nulle trace de ces dont une variante lithographiée, de 1913 égale-
thèmes , même à 1' exposition manifeste ment, s'appelle Portrait perfectionné d 'un
5 x 5 = 25 d'octobre 1921 à Moscou. S'il est abu- constructeur).
sif, voire erroné, de parler de constructivisme
avant 1921, on peut toutefois souligner que la
théorie et le mouvement constructivistes sont Triomphe de l'abstraction sans-objet
nés d'une pratique - bien antérieure à 1921 - de
la mise en forme , de la construction, de la fac- Lioubov Popova qualifie toute une série de
ture ; cette pratique fut inaugurée en Occident toilès sans objet entre 1917 et 1920 d'« architec-
par le cubisme et le futurisme, et poursuivie en toniques picturales ». L'ensemble des quinze

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L'AVANT-GARDE RUSSE LE PRÉ-CONSTRUCTIVISME (1913- 1920)

gouaches de l'ancienne collection Kurt Bene- qui se serait, dans ces toiles, disloqué en une
dict illustre de façon exemplaire le travail de profusion de plans géométriques multicolores
cette artiste pour faire de la surface picturale (Alexandra Exter créera après 1924 des
une bâtisse où s'entrecroisent angles aigus, marionnettes faites d'éléments géométriques
plans quadrilatéraux, angles droits, courbes et hétéroclites). Toute représentation est évacuée,
circonférences. C'est plus l'élève de Malévitch ici. Chaque partie a une autonomie et entre
que celle de Tatline qui se manifeste ici. Ces dans un ensemble dynamique dont la cohérence
« suprémo-architectoniques » ont la même com- tient précisément à l'architecture générale.
plexité de construction - et la même visée - que Alexandra Exter emploiera le même vocabu-
des toiles de Malévitch comme le Portrait per- laire formel de courbes dans la toile Bleu-blanc-
fectionné d'lvan Vassiliévitch Kliounkov, le Por- rouge - Blanc-bleu-rouge, qui présente des
trait du compositeur Matiouchine ou Dame au variations sur les couleurs des drapeaux des
piano. pays qui ont compté pour le développement de
Dans la xe Exposition nationale, qui se son art : bleu-blanc-rouge (France), blanc-bleu-
déroula au printemps 1919 à Moscou, présentait rouge (Russie d'avant la Révolution), bleu-
les réalisateurs et les idées des suprématistes et jaune (Ukraine), vert-rouge-blanc (Italie). Les
des abstraits, Lioubov Popova parlait sans équi- rythmes des drapeaux multicolores, qui revien-
voque d'« architectonique » et d'« édification nent à plusieurs reprises das l'œuvre de cette
picturale » ( « la somme des énergies des artiste, évoquent d'ailleurs un passage des Prin-
parties » ). L'architectonique peut se définir cipes fondamentaux de l'histoire de l'art de Wol-
ainsi : « a) l'espace pictural (cubisme) ; b) la flin : « Ce qui est commun au dessin pictural et
ligne ; c) la couleur (suprématisme) ; d) l'éner- L. Popova, Architectonique picturale, 1916-1917. au coloris pictural, c'est l'effet dynamique pro-
gétique (futurisme); e) la facture». Sont à reje- Gouache sur papier, 37 x 30 cm. Coll. part. venant du fait que la lumière comme la couleur
L Popova, Construction architectonique, 1917. ter : « la représentation de la réalité », « le acquièrent une vie indépendante des objets. En
H/t, 55 x 44 cm. Krasnoyarsk, Musée régional.
caractère aconstructionnel », « l'illusionnisme », « L'étape qui a suivi le cubo-futurisme dans le ce cas, on qualifiera de pittoresques les motifs
L Popova, Architectonique picturale. Noir, rouge, gris, 1917. « le caractère littéraire », « les émotions », tout mouvement universel de l'art a été ouverte par empruntés à la nature quand l'objet qui sert de
H/t, 88, 7 x 71 cm. Moscou, Galerie nationale Trétiakov. ce que l'on peut reconnaître•, la création sans-objet qu'il faut considérer point d'appui matériel à la couleur est malaisé-
Dans le sillage de Lioubov Popova, l'archi- comme une nouvelle conception du monde et ment reconnaissable. Un drapeau à trois cou-
tecte Alexandre Vesnine œuvra dans la peinture non seulement un courant pictural, nouvelle leurs qui pend, immobile, n'a rien de pitto-
et le décor théâtral. Ses expériences picturales conception du monde qui s'est emparée de tous resque, de même un groupe de ces drapeaux,
sont avant tout des recherches sur l'organisation les aspects de l'art et de la vie elle-même. Ce bien que la répétition des couleurs dans l'éloi-
de l'espace qui s'épanouirent à partir de 1922 mouvement est une protestation de l'esprit gnement qu'ouvre la perspective puisse être un
dans son architecture constructiviste. Comme contre le matérialisme de l'époque contempo- motif suggestif. Mais que les drapeaux s'agitent
Lioubov Popova, Vesnine est passé par l'atelier raine '. » A. Vesnine affirme que « la création dans le vent, que les bannières, tout à l'heure
de Tatline. Son iconographie est cependant sans-objet est la déduction logique • » du séparées, viennent à s'entremêler jusqu'à
résolument suprématiste - à travers Lioubov cubisme et du futurisme. n'offrir au regard que des taches de couleur,
Popova. La série de toiles intitulée « Composi- li souligne aussi, comme Malévitch ou Rod- l'homme de la rue est tout prêt à crier au pitto-
tions chromatiques » n'a pas la complexité des tchenko à cette époque, le caractère « spiri- resque ". » Dans Bleu-blanc-rouge - Blanc-bleu-
œuvres de ce type chez Lioubov Popova ni la tuel » de l'acte créateur sans-objet : « Combat rouge, le même mouvement chorégraphique
suprême simplicité malévitchienne. Il s'agit du contre l'objet et la "représentativité" pour la emporte comme dans un tourbillon cette sym-
chevauchement de plans trapézoïdaux ou rhom- création libre et la proclamation de l'esprit phonie colorée. On notera les citations du
boïdaux dans un espace indéterminé. On y sent constructif et l'inventivité . » suprématisme malévitchien, en haut à gauche :
plus d'application que d'invention mais cette Chez Alexandra Exter, par exemple dans la des bandes rouges-noires et une bande blanche
partie de la création d' A. Vesnine est un série « Dynamique des couleurs » (vers 1918), baignent dans un espace blanchâtre, comme des
maillon dans l'ensemble de la création sans- les surfaces sont une construction où dominent sémaphores de couleurs appelant vers l'infini
objet pré-constructiviste. les demi-cercles et les courbes. On croirait voir sans fond l'armée polychrome ... Quant à la
A. Vesnine a clairement indiqué, en janvier un de ces personnages de théâtre que l'artiste a Nature morte constructiviste (1918-1920), elle est
1919, l'importance de 1'abstraction russe : imaginés pour Salomé ou pour Roméo et Juliette marquée par l'esthétique du collage (papier

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L'AVANT-GARDE RUSSE LE PRÉ-CONSTRUCTIVISME (191 3-1920)

A. Exter, Dynamique des couleurs, c. 1918. A. Exter, Couleurs en mouvement, c. 1918. Huile
H/t, 89,5 x 54 cm. Cologne, musée Ludwig. et gouache sur toile, 111 x 73 cm. Coll. Merzbacher.

A. Exter, Composition sans-objet, c. 1918. A. Exter, Constructions de surfaces planes selon le


H/t, 88 x 70 cm. Saint-Péter.,bourg, Musée russe. mouvement de la couleur, 1918. H/t, 64 x 45 cm.
Ludwigshafen, Wilhelm-Hack Museum.
découpé), avec une ampleur décorative qui fait
se souvenir qu'Alexandra Exter a travaillé pour sons des lignes et des couleurs avec un goOt
les ateliers paysans ukrainiens de Verbivka et pour leur instrumentation libre, sans autre souci
de Skoptsy. On voit comment le cuba-futurisme que ce jeu pour faire naître des associations for-
s'est fait suprématiste et comment, dans le melles inédites. Dès le début, l'art de Rod-
même temps, se manifeste sur la toile des tchenko échappe aux visées du cubisme, du
assemblages de plans sans autre préoccupation cubo-futurisme ou du suprématisme, à savoir un
que leur dynamique interne. projet de connaissance du monde ; cet art reste
Dans les proounes de Lissitzky (fin 1919- technique. Après 1917, Rodtchenko continue
milieu des années vingt) - ces « projets d'affir- d'utiliser des outils mécaniques (rouleau, timbre
mation-fondation du Nouveau » qui sont un sec, compresseur) et expérimente toutes les
maillon menant à l'architecture -, nous avons possibilités techniques de la couleur dans ses
aussi affaire à la création d'un espace construit rapports avec les contours linéaires. Aussi peut-
mais dans une perspective à la fois géomé- il écrire dans le journal Anarchia du 28 avril
trique-projective et non-euclidienne. 1918 : « En projetant des surfaces planes verti-
cales, peintes de la couleur adéquate, en les
coupant avec des lignes de profondeur, je
Rodtchenko contre Malévitch découvre que la couleur n'est qu'un moyen
conventionnel pour séparer les surfaces les unes
Rodtchenko, qui devient à partir de 1921 le lea- des autres et pour souligner les éléments qui en
der des nouveaux constructivistes, eut de la indiquent la profondeur et les intersections [... ].
peine à choisir, pour les années 1916 à 1920, En examinant uniquement les projections des
entre la ligne spiritualiste de Malévitch ou de lignes principales et centrales, très différentes
Kandinsky et celle, technicienne et matérielle, des lignes périphériques parallèles ou de celles
de Tatline. À l'exposition Magasin (Moscou, qui pénètrent en profondeur, je néglige complè-
1916), il avait proposé des compositions sur tement aussi bien la qualité que la combinaison
papier blanc à l'encre de Chine réalisées avec la des couleurs [ ... ]. En construisant les projec-
règle, le compas et l'équerre ; ces compositions tions sur des ovales, des cercles, des ellipses, je
avaient, selon les souvenirs de l'artiste lui- ne distingue souvent par la couleur que les
même, retenu l'attention de Malévitch, lequel y extrémités des projections et de la couleur, utili-
vit que « quelque chose de neuf, bien à nous, sée comme moyen auxiliaire et non comme fin.
russe, était en train de naître•». Cette série, très En étudiant à fond la projection en profon-
brillante, est très fortement inspirée du futu- deur, en hauteur et en largeur. je découvre
risme italien, sans doute à travers Lioubov d'infinies possibilités de construction au-delà
Popova, avec un jeu de cercles tourbillonnants des limites du temps 10. »
et d'angles aigus qui, en s'entrecroisant, créent Le travail de Rodtchenko prend donc le
à l'infini des unités géométriques. Ces varia- contre-pied de celui de Malévitch. Rappelons
tions très musicales et ludiques sont marquées que ce dernier, malgré (ou à cause) du succès
par un fort esthétisme géométrique. Il faut du suprématisme, vit une opposition se dresser
noter ici que Rodtchenko s'est lancé dans l'abs- contre l'hégémonie de ce mouvement à visée
traction sans passer par l'étape de déconstruc- totalisante qui voulait donner une explication
tion progressive de l'objet, c'est-à-dire par le du monde. Tout en reconnaissant la révolution
cubisme. Entre 1916 et 1920, il explore les nou- qu'opérait le suprématisme dans la conception
velles possibilités que lui offrent les combinai- de l'art pictural depuis ses débuts, nombre

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L'AVANT-GARDE RUSSE LE PRÉ-CONSTRUCTIVISME (1913-1920)

d'artistes ne suivaient pas Malévitch dans le passé pour que, finalement, Rodtchenko se façon inhabituelle, elle produit l'effet d'une
projet philosophique de son système pictural.
Tatline a rallié autour de lui tous les artistes qui
livre, dans le catalogue de la xe Exposition
nationale. Création sans-objet et Suprématisme
1
. œuvre peinte avec des matériaux totalement
variés. Ces parties brillantes, mates, potelées,
voulaient rester sur le seul terrain opératoire et (qui s'ouvre le 27 avril 1919), à des propos qui rugueuses, lisses de la surface donnent une com-
technique. Déjà à la Dernière exposition futu- agressent Malévitch ? Ce dernier aurait-il mani- position étonnante de force, elles sont peintes si
riste de tableaux 0,10, il s'était emporté contre festé une volonté hégémonique trop forte ? Le fortement qu'elles ne le cèdent en rien aux cou-
la cimaise du « suprématisme de la peinture » et journal intime de Varvara Stépanova, la femme leurs '. » En revanche, la nouveauté de Rodt-
avait mis sur ses propres cimaises l'écriteau de Rodtchenko, peut expliquer partiellement chenko, qui prépare le terrain du constructi-
« peintre professionnel 11 ». Rodtchenko raconte pourquoi Rodtchenko s·est dressé contre Malé- visme, réside dans l'effacement par la facture
qu'au moment de l'exposition Magasin, Tatline, vitch et a rallié à lui un suiveur aussi proche du noire de tout réel spatial. Il refuse en effet de
qui en était l'organisateur, lui avait déconseillé suprématisme que Klioune : relativement jeune faire apparaître le monde sans objet sur la toile.
« de fréquenter Malévitch " ». Après la révolu- - il a vingt-huit ans en 1919 -, Rodtchenko n'a Son travail se veut comme un pas de plus dans
tion de février 1917, Tatline tenta de réunir encore participé qu'à deux expositions, alors l'exploration des possibilités créatrices de la
autour de lui Rodtchenko, Véra Pestel, Nadiej- que Malévitch en a vingt derrière lui••. L'expo- peinture de chevalet. Cette limite mène logi-
da Oudaltsova, Lioubov Popova, Olga Roza- sition Création sans-objet et Suprématisme se quement au refus de la peinture de chevalet
nova, Klioune, A. Vesnine et A. Osmiorkine présente donc comme une rivalité entre Malé- pour redistribuer le pictural dans l'espace à
(un cézanniste ! "). Puis, en janvier 1919, au vitch et un jeune peintre qui aspire à devenir le trois dimensions. De plus, de façon explicite, le
cours de la préparation de la xe Exposition chef de file d'un nouveau mouvement noir a une charge symbolique avouée. C'est,
nationale. Création sans-objet et Suprématisme, artistique : « Oui, cette exposition est une com- A. Rodtchenko, Composition n 80, c. 1918. pour partie seulement, celle de Malévitch dans
se forme, autour de Rodtchenko, un groupe- pétition entre Anti [nom affectueux que Var- H/t, 81,9 x 79,4 cm. New York. MoMA. son Quadrangle de 1915, mais l'artiste, à côté de
ment éphémère ayant pour nom l'Askranov vara Stépanova donne à Rodtchenko] et Malé- son geste iconoclaste d'effacement par le noir,
(Assotsiatsiya kraïnykh novatorov, Association vitch ; les autres - c'est du pipi de chats ture en elle-même en tant que stade profession- fondait une nouvelle iconicité, une nouvelle
des ultra-novateurs) et qui compte dans ses [iérounda]. Malévitch a exposé cinq toiles nel, une nouvelle facture intéressante et seule- image du monde, désormais libéré. De même,
rangs A. Vesnine, Drévine, Nadiejda Oudalt- blanches, Anti - des noires". » Après l'ouver- ment la peinture, non pas le coloriage lisse dans en 1913, dans La Victoire sur le soleil, les
sova, Lioubov Popova, Varvara Stépanova. ture de l'exposition, Varvara Stépanova une seule couleur, la plus ingrate, la couleur ténèbres étaient saluées comme l'avènement de
L'idée d'une Commune qui regrouperait ces regrette que l'on ait accepté le compromis de noire ' . » Les toiles « noires » de Rodtchenko se la liberté ( « Les couleurs s'en vont - tout se
ultra-novateurs, ces « sans-objétistes » (bespred- joindre le suprématisme au sans-objétisme. présentent comme le « clou de la saison ». mélange en noir», Kroutchonykh, Gly-gly).
mietniki) et les suprématistes fit long feu. Cette Ainsi, la série des toiles de Rodtchenko de D'après les précisions de Varvara Stépanova, Chez Rodtchenko, en revanche, nous restons
« Commune Souprbièze » (abréviation de Sou- 1918-1919 (Composition sans-objet n° 84. Abs- ces œuvres expriment le seul côté professionnel, dans un rien qui désigne la mort. C'est pourquoi
prématizm-Biespredmietnitchestvo, c'est-à-dire traction de la Couleur. Décoloration ; Composi- technique, de la peinture sous le mot d'ordre on ne saurait éliminer, dans le « système de
suprématisme-sans-objétisme) ne réussit pas à tion n° 80 ; Noir sur noir n° 81, ou Noir sur noir, général de la facture. La facture et rien que la Rodtchenko », les citations nihilistes, en parti-
réconcilier ceux qui se considéraient comme les n° 82) sont considérées « comme une sortie du facture, voilà ce que propose Rodtchenko. Pro- culier celles de Max Stirner ". La peinture, c'est,
« seuls novateurs du globe terrestre - les supré- suprématisme coloré - la destruction du carré et position qui n'apporte d'ailleurs rien de nou- en russe, la jivopis, la zôgraphia, la peinture-
matistes et les sans-objétistes" ». Le manifeste une nouvelle forme, l'enfoncement de la pein- veau: en janvier 1912, Bobrov avait déclaré au écriture de la vie, du vivant. Rodtchenko, lui, se
de l'Askranov, écrit par Rodtchenko et non Congrès des Artistes de toute la Russie que « le veut comme Walt Whitman, le chantre de « la
A. Rodtchenko, Noir sur noir. c. 1918. Hit. 105 x 70,5 cm.
publié, montre qu'à l'origine, les suprématistes procédé consistant à couvrir la toile de couleurs mort, de nombreuses morts », car « les morts
Cologne, musée Ludwig.
et les autres abstraits avaient eu la volonté de se est en soi et pour soi un acte créateur » ; d'autre vont également de l'avant comme les vivants
concilier. Ce texte récemment publié en russe part, le monochrome noir quadrangulaire de vont de l'avant ». « À la base de mon entre-
est empreint du vocabulaire cubo-futuriste et Malévitch avait, dès 1915, réduit la peinture au prise, j'ai mis le rien », dit Stirner. Rodtchenko
suprématiste, avec des accents nettement khleb- pictural seul ; et la série des « Blancs sur blanc » est aussi l'assassin qui, chez Otto Weininger, se
nikoviens : « novateurs uniques du globe ter- de 1918 ne proposait, objectivement, qu'un jeu justifie en prouvant par l'assassinat que le rien
restre », « inventeurs » : « Voici ma dernière de facture sur fond monochrome, quelques déli- existe !... Du point de vue iconographique,
audace : la concentration de la couleur. mitations linéaires permettant seules de rendre Rodtchenko ne fait que développer à l'envi,
Lumière de la couleur (Sviet tsviéta) [... ]. Les sensible l'espace infini. Du point de vue de la contre le carré malévitchien, les cercles, les
objets sont morts hier. Nous vivons dans la facture. Rodtchenko n'innove guère, même si ovales, les ellipses (Composition sans-objet
création spirituelle abstraite. Nous sommes les Varvara Stépanova affirme avec lyrisme : n° 80 ; Composition sans-objet n° 61. Sphère
créateurs du sans-objet. De la couleur en tant « Dans les toiles "noires" il n'y a rien hormis la colorée du cercle ; Composition sans-objet n° 65.
que telle. Du ton en tant que tel •. » Que s'est-il peinture, c'est pourquoi leur facture y gagne de Concentration de la couleur et des formes ; Corn-

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LE PRÉ-CONSTRUCTIVISME (1913-1920)

position sans-objet n° 68 [nature mortel). Mais il


continue à faire contraster ces formes circu-
laires avec les formes quadrilatères les plus
variées, tendant à transformer ses compositions
en mécanismes (Construction de l'ancienne coll.
Brasseur ei Gregor, Composition sans-objet
n°69).
À lire les textes de Malévitch et ceux de
Rodtchenko, on se rend bien compte que ce
dernier reste dans le domaine de la technicité
picturale, de la « cuisine ». Il commente perpé-
tuellement son travail, souvent à la première
personne. Entre mille : « Projetant des plans en
aplomb, peints de la couleur qui convient, et les
coupant par des lignes dont la direction va en
profondeur, je découvre que la couleur n'est
qu'un moyen conventionnel de distinguer les
plans, aussi bien l'un de l'autre que des indica-
teurs de profondeurs et de coupes etc. 21 ».
Rodtchenko prend donc ici congé du supré-
matisme de façon grandiloquente :« L'écroule-
ment des tous les ismes de la peinture a été le
début de mon ascension. Dans le carillonne-
ment des cloches d'enterrement de la peinture
A. Rodtchenko, Construction, c. 1920. H/t, 44,2 x 29,5 cm.
Coll. part. des couleurs, on conduit ici au repos éternel
[parodie de l'expression malévitchienne dans A. Rodtchenko, Composition graphique, 1918. Gravure A. Rodtchenko, Composition linéaire, 1919.
A. Rodtchenko, Construction, 1919. H/t. 61 x 50 cm. son traité inachevé Le Monde sans-objet ou le sur linoleum, 15,5 x 10,5 cm. Coll. part. Crayon sur papier, 17,3 x 11,7 cm. Coll. part.
Ancienne coll. J. P. Brasseur et M. Gregor.
repos éternel] le dernier isme, le dernier espoir
et le dernier amour s'écroulent et je sors de la Malévitch à qui il est fait reproche de ne plus les développements constructivistes en Europe
maison des vérités mortes 22 • » Cela fait écho, rien inventer en peinture et de se réfugier dans ( Pevsner et Gabo, par exemple). La toile
dans le même catalogue, aux déclarations vio- la littérature. Construction sur fond jaune n° 89. De la série
lentes du disciple principal (mais non le « Linéisme » (1919) déploie un rythme en demi-
meilleur) de Malévitch, Klioune, qui parle de spirale, une sorte de ruban syncopé aux lignes à
« formes nécrosées», de« cadavre de l'Art pic- La ligne comme principe plastique de base claire-voie, qui part de l'infini et va vers l'infini.
tural », « scellé par le Carré noir du supréma- La légèreté de ce complexe linéaire, sa suprême
tisme », de « mort de l'art de la Peinture » : Après la création en 1918 des premières simplicité aussi, sont, pourrait-on dire, un
« Quant aux formes figées, immobiles du supré- constructions spaliales, Rodtchenko fait en apport nouveau au suprématisme par la créa-
matisme, elles ne révèlent pas le nouvel art, 1919-1920 un pas supplémentaire vers le tion d'un état d'apesanteur des formes et, en
mais elles montrent le visage d'un cadavre au constructivisme avec des œuvres (toiles, encres même temps, il y a là l'amorce du futur
regard mort arrêté ".» Ou encore, cette attaque de Chine et linogravures) qui prennent comme constructivisme. Ces formes semblent appeler à
ad hominem de Rodtchenko : « La littérature et base plastique la ligne, ligne droite, circulaire, une réalisation en trois dimensions. La toile
la philosophie sont pour les spécialistes de cette quadrillée. Ce sont là de véritables variations Construction sur fond blanc n° 90. De la série
chose, quant à moi je suis l'inventeur de nou- musicales qui créent des espaces cosmiques, « Linéisme » (1919) est un système de stries
velles découvertes ès peinture. transparents, où la pesanteur ne semble plus linéaires, verticales et obliques, avec une légère
Christophe Colomb n'était ni un écrivain, ni régner. Dans ce « linéisme » qui est alors pro- incurvation, traversées par des horizontales,
un philosophe, il n'était qu'un découvreur de clamé, on trouve en germe les constructions de créant aux points d'intersection des qua-
nouveaux pays".» On ne saurait être plus clair 1921-1922 (Rodtchenko, Guéorgui et Vladimir drillages. La dynamique de cet ensemble est
à l'égard des ambitions philosophiques de Stenberg, Médounetski, loganson) mais aussi rendue par les longueurs inégales des traits. On

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LE PRÉ-CONSTRUCTIVISME (1913-1920)

retrouve une variation plus complexe dans le système de quadrillage du tableau chez Vladi- front décoratif (ornement des places, théâtre,
minimalisme linéaire de la toile Non-Objective mir Bourliouk, Kamienski ou Pevsner se situent club, livres, affiches) ~. »
Painting ou dans celui de la Construction sur dans cette tradition russe où les lignes « cessent On ne doit donc pas s'étonner de voir Yakou-
fond rouge-marron et vert n° 94. De la série de n'être seulement que des éléments acces- lov se lancer, entre 1917 et 1918, dans une acti-
" Linéisme », où l'espace est non pas cerné, cir- soires, servant à dessiner les contours des repré- vité artistique et sociale répondant aux besoins
conscri_t, mais traversé, sillonné, strié par des sentations. Elles s'émancipent[ ... ], déterminent du moment. 11 se voit confier en 1917, à la suite
axes verticaux, horizontaux, obliques qui « tien- la façon dont est divisée la surface du tableau, d'un concours, la transformation et la décora-
nent » sans se toucher, sans aucun appui, c. à d. la structure compositionnelle de l'œuvre tion du Café Pittoresque, de style 1900. Déjà, de
comme en état de suspension. picturale . » 1907 à 1910, il avait été amené à décorer des
On retrouve le même triomphe de la ligne Rodtchenko s'oppose nettement aux concep- salles de fête à Moscou. L'aménagement, entre
dans la série des linogravures de 1919. Dans ses tions de Kandinsky sur la ligne, exposées en autres, de l'une d'elles en taverne caucasienne à
carnets, Rodtchenko note à cette date : « J'ai eu 1919 " ; ce dernier continue à prôner une ligne la Soirée des Écrivains russes en 1907 lui permit
l'idée de peindre une dizaine de travaux noir ondulante, sinueuse, serpentine, cette ligne qui d'appliquer pour la première fois « la méthode
sur blanc à la règle, de les appeler "Lignes". vient du Jugendstil et pense même que la ligne des décors architecturaux au lieu des décors
Bien entendu, on va me critiquer pour ces droite géométrique est une expression primi- panoramiques, picturaux " ». C'est à ces travaux
lignes. On va dire - ce n'est pas de la peinture, tive-primaire. Cependant, l'article qu'il écrit en que pensaient Larionov et Natalia Gontcharova
des barbouillages. Mais j'ai d'autres tâches ·•. » 1919 sur le point comme générateur de toute quand ils citaient Yakoulov parmi les artistes
La ligne est, sans aucun doute, l'apport majeur forme " a sans doute trouvé un écho chez Rodt- qui, entre 1906 et 1909 en Russie, « avaient posé
de Rodtchenko à l'art du XX' siècle. Anatoli chenko qui produit, en 1920, outre des œuvres les nouveaux problèmes du décor théâtral qui
Strigaliov, qui a retracé la tradition des avec trois lignes blanches en zigzag sur fond aboutirent en 1913-1914 à une nouvelle concep-
constructions linéaires en Russie depuis la fin noir, quelques toiles ou dessins où la surface de tion, plus tard baptisée "constructivisme théâ-
du XIX' siècle '•, écrit que l'ingénieur Vladimir fond, noire, est parsemée de petits points blancs tral" "'.»
Choukhov avait pris, dès l'année 1899, des bre- ou rouges ''. Le Café Pittoresque se trouvait rue du Pont-
vets pour des constructions spatiales avec des Ainsi, grâce aux impulsions de Malévitch et des-Maréchaux-Ferrants ( Kouznietski most),
surfaces à courbe complexe, en particulier des de Tatline dans le cubo-futurisme et le sans- rue marchande du centre de Moscou. L'édifice
Photomontage représentant la tour de la radio hyperboloïdes de révolution. « Les formes, déli- objet entre 1913 et 1919, grâce aux novations de primitif, abandonné pendant la guerre de 1914,
Chabalovka de Choukhov et l'équipe qui l'a édifiée, mitées par les surfaces à courbe complexe Rodtchenko, le terrain est prêt en 1920 pour la était un magasin allemand qui faisait le com-
Moscou, 1922. naissance d'un nouvel art. merce des objets en fonte. Le marchand Filip-
variable, sont constituées par des combinaisons
K. Médounetski, Coloro-construction n 7, 1921. H/t., de tiges linéaires droites. Un filet, un tissu ou pov loua ce local désaffecté et fit commencer
67 x 63 cm. Krasnodar, musée Lounatcharski. des travaux d'aménagement pour y installer un
tout autre matériau, posés sur une telle
construction grillagée, forment une surface YAKOULOV ET LE CAFÉ PITTORESQUE café qui se voulait le pendant de celui, très
variable à courbe complexe qui apparaît comme achalandé, que Filippov détenait sur la rue
étant la suite du mouvement ininterrompu d'un Dans les années qui suivirent les révolutions de Tvierskaïa. La rue du Pont-des-Maréchaux-Fer-
fragment de droite sur la direction linéaire 1917, l'avant-garde russe proclame à qui veut rants abondait en établissements de ce type, et
courbe donnée ". » Cette esthétique, tout à fait bien l'entendre que l'ère de la peinture de che- il fallait trouver une formule nouvelle pour atti-
pionnière au tournant de ce siècle, sans équiva- valet est finie. Yakoulov explique sociologique- rer la clientèle. Filippov fit appel au metteur en
lent ailleurs · , est à la base de nombreux châ- ment le caractère périmé de celle-ci dans les dix scène Vermel pour organiser des concerts et des
teaux d'eau, phares, pavillons d'exposition ou premières années de la Révolution : « La pein- spectacles ; pour l'aménagement, le projet de
mâts électriques et se retrouve dans la tour de ture de chevalet c'est l'art dans son application Yakoulov fut retenu lors du concours organisé à
Radio de Chabalovka à Moscou, réalisée par pratique au "foyer familial", au "bien-être", cette occasion.
Choukhov en 1922. Autant que la mythologique pour l'embellissement des intérieurs. Un art Voici comment Yakoulov lui-même rapporte
tour Eiffel, les constructions de Choukhov sont pour la vie personnelle de l'homme [ ... ]. dans son Autobiographie l'événement : « En
un élément essentiel de la phase pré-constructi- L'époque de la révolution qui a déclassé pour 1917, je reçus la commande de décoration d'un
viste en Russie et elles rencontrent un écho une grande part ("'intelligentsia" et la "bour- café dans la rue du Pont-des-Maréchaux-Fer-
aussi bien chez Pevsner et Gabo que dans les geoisie" qui ne savaient qu'organiser le "bien- rants, loué par Filippov.
toiles de Rodtchenko, en particulier celles de être" de leurs "appartements" a rejeté de façon Étant entré dans ce local, je vis que ce bâti-
1920 ... A. Strigaliov souligne, non sans raison, très nette la forme de la peinture de chevalet en ment était formé d'un espace entre deux mai-
que le rayonnisme de Larionov, de même que le reportant le centre des tâches de l'art sur le sons dont les fenêtres donnaient sur le local tan-

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L'AVANT-GARDE RUSSE LE PRÉ-CONSTRUCTIVISME (1913-1920)

artistes et les grandes lignes de travail d'après stylisée. Dans la salle étaient disposées des
les brouillons de croquis au crayon de Yakou- tables et des chaises pliantes en fer ". » Komar-
lov. Tatline, Oudaltsova et Brouni ont exécuté dionkov ne relève que les éléments les moins
ces esquisses dans le café même. On me confia audacieux du décor. A côté d'eux existaient
une pièce, et je me mis à travailler ... » Il semble pourtant des éléments novateurs qui faisaient
que le design pré-constructiviste de Rodt- de l'organisation de cet espace un jalon essen-
chenko pour les lampes de coin au Café Pitto- tiel vers le constructivisme, comme le furent, en
resque soit demeuré à l'état de projet. Il n'en 1918, les décors de Yakoulov pour L'Échange
reste pas moins que ce travail est une étape vers de Claudel au Théâtre de Chambre de Taïrov.
la construction à trois dimensions fondée sur Dans sa lettre à Lounatcharski du 19 ao0t 1918,
des cylindres, des demi-sphères, des cônes et Yakoulov déclare : « Mon projet devait faire
des rubans spiraliques, mais, par son côté esthé- apparaître décorativement, dans son aspect
tisant, annonce aussi le style Art déco. extérieur, une sorte de fête populaire de rue ou
Vassili Komardionkov, qui aida Yakoulov de foire, comme dans les foires de quartier à
pour la mise en scène du Perroquet vert de Paris et les programmes devaient être la foire
Schnitzler en novembre 1918, alors que le Café de l'art contemporain décoratif, chorégra-
Pittoresque, Révolution oblige, était devenu Le phique, scénique et musical ". » L'esquisse qui
Coq rouge, en décrit l'agencement intérieur de se trouve au MNAM rend bien cette idée de
la façon suivante : « Il y avait, suspendus, deux fête, de réjouissances, que racontent aussi tous
énormes lustres en fer-blanc étincelant, à la les habitués du Pittoresque : « L'agencement
G. Yakoulov, Vue de l'espace scénique du Café Pittoresque, 1918. Gouache, crayon et aquarelle sur papier, 17 x 34 cm. création desquels travailla le sculpteur P. Bro- intérieur du Café " Pittoresque" frappait les
Paris, MNAM. mirski. De chaque côté de la scène-estrade se jeunes peintres par son caractère dynamique. Il
tenaient deux figures sur contre-plaqué, repré- y avait toutes sortes de figures fantasques en
dis qu'un plafond vitré légèrement arrondi Yakoulov a ainsi voulu bâtir« la gare univer- sentant des Nègres en vrais hauts-de-forme, carton, contre-plaqué et tissu : lyres, coins,
comme dans une orangerie était formé par des selle de l'art » en faisant entrer les arcs d'acier fracs rouges et en plastrons blancs amidonnés. cercles, entonnoirs, constructions spiraliques.
arcs de fer. Ayant dans le passé eu l'expérience et le plafond de verre dans une conception Les murs étaient peints sur les sujets de Parfois, à l'intérieur de ces corps, étaient dispo-
des décorations, je prêtai attention aux grilles d'ensemble rythmée par la géométrie précise et L'inconnue (de Blok], de façon très colorée et sées des lampes. Tout cela chatoyait de lumière,
carrées des vitraux, dont il était impossible de nette des fenêtres, le jeu des plans colorés et tout cela tournait, vibrait, il semblait que tout ce
changer l'agressivité d'aucune façon, à moins de l'adjonction d'éléments mobiles. Vassili Komar- Décor du Café Pittoresque réalisé sous la direction décor se trouvât en mouvement. Les tons
dionkov, un élève de Yakoulov, affirme dans de Georges Yakoulov (détail). La sculpture suspendue
les insérer dans la composition d'ensemble. a été réalisée par Bromirski. Photographie parue dans rouges et jaune-orange dominaient et, pour le
Pour cela il fallait introduire le principe des ses souvenirs que « pour peindre les vitraux du L 'Art russe moderne d'André Salmon, 1928. contraste, des tons froids. Les couleurs parais-
grilles et des lattes dans le décor. Une architec- plafond et les murs il [Yakoulov] fut aidé par saient souffler le feu. Tout cela pendait des pla-
ture de cet ordre m'était bien connue par les Tatline, A. Osmiorkine et plusieurs autres fonds, des coins, des murs, et frappait par son
modèles chinois et j'eus recours à cette forme. peintres "'. » Si Tatline a participé à la décora- audace et son caractère insolite" .»
Dans l'impossibilité de commander une arma- tion intérieure du Café Pittoresque, c'est non Dans son livre Le Chemin de l'enthousiaste
ture et étant donné la vulgarité de celle qui exis- comme maître d'œuvre mais comme exécutant. paru en 1931, le poète futuriste Vassili
tait, je décidai de la réaliser à partir de formes Les dessins pour des lampes de coin faites par Kamienski rapporte une déclaration publique
abstraites et de la construire sur des éléments Rodtchenko sont nés également dans le même de Yakoulov faite lors d'un débat au Café des
qui tournaient. contexte. Dans ses Mémoires, Rodtchenko Poètes en 1917 où ce dernier disait qu'il
Dans ce travail je fus aidé par le peintre écrit : « Le propriétaire du "Pittoresque" était construisait « rue du Pont-des-Maréchaux-Fer-
Golochtchapov qui s'avéra être le seul à sentir le capitaliste Filippov. Filippov, c'était presque rants la gare universelle de l'art à partir du tam-
la manière de rendre de façon architecturale et toutes les boulangeries de Moscou. Il décida bour (de l'arène) duquel seront proclamés "les
spatiale un sujet pictural. Dans la partie pictu- visiblement de faire un café original et confia sa ordres militaires aux créateurs de la nouvelle
rale je fus aidé par une série de peintres ; c'est mise en forme au peintre Yakoulov. Je ne sais ère". » Kamienski poursuit : « De cette gare
au peintre Rybnikov qu'appartient le panneau pas dans le détail comment la chose s'est faite universelle de l'art, l'ardent Yakoulov voulait
au-dessus de l'estrade ". mais Yakoulov m'a invité avec Tatline à y tra- envoyer dans la steppe de l'humanité les
Ainsi naquit une forme qui reçut par la suite vailler. Nous avons travaillé de la façon express des nouvelles réalisations artistiques.
l'appellation de "constructiviste" . » suivante : j'élaborais les esquisses pour les Aussi rêveur que lui, Khlebnikov, qui soutenait

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L'AVANT-GARDE RUSSE LE PRÉ-CONSTRUCTIVISME (1913-1920)

l'entreprise de la gare yakoulovienne, avait


l'intention de convoquer au Pittoresque tous les
"présidents du globe terrestre" afin de décider
enfin du "destin du monde" ". »
Yakoulov a donc participé à la naissance du
constructivisme et a appliqué ses principes au
théâtre, de 1918 (L'Échange de Claudel au
Théâtre de Chambre de Taïrov) à 1927 (Le Pas ·
d'acier de Prokofiev aux Ballets russes de Dia-
ghilev à Paris). Cependant, il appartient plutôt à
un constructivisme romantique qui ne refuse
jamais le primat esthétique et qui a le souci des
formes incarnées, perpétuellement en mouve-
ment dans leur texture même. En cela, il est
plus proche d'Alexandra Exter que de Tatline.
Comme Alexandra Exter, Yakoulov a été mar-
qué par les nouvelles formes plastiques du futu-
risme, comme en témoigne son esquisse pour le
Café Pittoresque. Mais, à la différence
d'Alexandra Exter, «élève» de Léger, Yakou-
lov a pris ses distances à l'égard de ce que les
R usses appellaient « la pulvérisation des
objets» " .
V. Tatline. maquette du Monument à la Ill' Internationale
reproduit dans la brochure de N. Pounine consacrée à Couverture de la brochure de N. Pounine Le Monument à V. Tatline, Schéma du Monument à la Ill' Internationale
cette œuvre. Pétrograd, 1920. la Il F Internationale, représentant un aspect du projet de illustrant la brochure de N. Pounine consacrée à cette
LA TOUR À LA me INTERNATIONALE Tatline. Pétrograd, 1920. œuvre. Pétrograd, 1920.
DE TATLINE angulaires se lance dans une entreprise artis-
tique inédite. L'idée de base du monument était « la syn- modèle ; seules trois photographies nous sont
Après le « carré noir» de Malévitch, y a-t-il une En 1919, la section IZO du Commissariat à thèse organique des principes architecturaux, parvenues, publiées dans la brochure de Pou-
autre œuvre de l'avant-garde russe qui soit plus l'instruction commanda à Tatline un projet de sculpturaux et picturaux » et l'union en un seul nine Le Monument de la Ille Internationale
mythologique dans l'art du XX' siècle que la monument à la llle Internationale en 1919. édifice d'une « forme purement créatrice et (1920)"'. Le même sort échut aux trois modèles
Tour à la 111e Internationale de Tatline ? Le Nikolaï Pounine. le grand porte-parole, propa- d'une forme utilitaire '' ». Ainsi la Tour à la Ille construits par le « collectif créateur » dirigé par
titre lui-même était porteur de tout l'élan gateur et interprète des idées plastiques de Tat- Internationale était la culmination, dans un Tatline. Le premier modèle est celui qui eut le
d'enthousiasme créateur qui marqua la vie artis- line, s'empressa, dans les colonnes de l'Art de la espace à trois dimensions, de la totale nou- plus de retentissement. Il mesurait 4,97 mètres.
tique russe après l'écroulement de l'ancien Commune - organe des « futuristes-commu- veauté qu'avaient constitué, dans le cadre du selon un artiste contemporain de Penza,
régime tsariste. Ce qui se passait en Russie nistes » à Pétrograd -. de revendiquer haut et tableau, les « assemblages de matériaux » et les D. Dimakov, qui fit avec deux de ses collègues
devait avoir valeur d'exemple pour le monde fort le caractère politique du projet tatlinien. divers « reliefs ». Il s'agit donc bien là d'un acte une reconstruction qui se veut au plus près de
entier. être la fondation d'une nouvelle société Pour lui, futurisme et communisme sont iden- fondateur de ce qui s'appellera après 1921 le l'original '''. Les matériaux utilisés étaient le
qui balayerait tous les maux dont le monde est tiques. Entre un relief de Tatline et la me Inter- constructivisme. Les éléments picturaux quittent bois, le contre-plaqué, le fer-blanc, le métal
malade depuis les origines. nationale il n·y a aucune différence car ce sont leur support séculaire pour s'installer délibéré- pour les éléments de fixation (l'axe de maintien
La Révolution, c'est la nouvelle Pâque ( « Le là de « nouvelles formes dont se réjouit l'huma- ment dans l'espace. des espaces intérieurs, les vis, les clous, etc.), du
Christ est ressuscité », s'exclame André Biély nité. avec lesquelles elle joue et qu'elle uti- papier huilé, des ficelles, de la peinture à l'huile
dans un poème), c'est le Déluge biblique qui lise ~' ». (le papier huilé qui figurait le verre était strié à
vient effacer tous les péchés des sociétés où Quand Tatline eut élaboré son projet, il Les trois modèles de la Tour l'encre de Chine). Ce modèle fut exposé à
l'homme exploite l'homme (Mistère-Bouffe, de constitua un « collectif créateur » rassemblant Pétrograd, à l'ancienne Académie des Beaux-
Maïakovski en 1918). Dans ce climat extraordi- autour de lui lossif Meyerson. Pavel Vinogra- Il ne reste plus aucun des deux dessins origi- Arts, du 8 novembre au 1" décembre 1920 et à
naire de foi et d'espérance, l'inventeur des dov, Tavel Chapiro; Sofia Dymchits-Tolstaïa se naux au fusain et à l'encre de Chine que Tatline partir de la fin décembre 1920 , et pendant au
reliefs picturaux, contre-reliefs et autres reliefs joignit aussi à ce noyau. exécuta en 1919 pour réaliser le premier moins un an à la Maison des Syndicats de Mos-

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L'AVANT-GARDE RUSSE LE PRÉ-CONSTRUCTIVISME (1913-1920)

cou". Après 1922, on perd la trace de ce pre- pourrait également imaginer un projecteur Trois espaces de grande dimension étaient
mier monument ; en 1932, l'Exposition person- dirigé vers le ciel qui enverrait des lettres lumi- disposés l'un au-dessus de l'autre, enserrés dans
nelle de V.E. Tatline (musée Pouchkine à Mos- neuses sur les nuages, ces lettres pouvant for- un système complexe de tiges verticales et de
cou) n'en présente plus qu'une photographie ". mer à l'occasion des slogans d'actualité. Des spirales, et tournaient à des vitesses différentes.
La deuxième version du Monwnent à la Ine Inter- monte-charge électriques relieraient les divers Selon Pounine, le lieu inférieur était un énorme
nationale fut exécutée par un autre « collectif locaux. cube qui se mouvait autour de son axe à la
créateur » à la Section de la Culture matérielle Et Pounine de conclure sa paraphrase du pro- vitesse d'une rotation annuelle. Il était prévu
du Ghinkhouk à Pétrograd " pour être présen- jet de monument de Tatline : « Comme prin- pour des fonctions législatives, pour les confé-
tée à l'Exposition internationale des Arts déco- cipe, il faut affirmer : premièrement, que les rences du Komintern, pour les réunions interna-
ratifs industriels modernes à Paris en 1925. Ce éléments du monument sont constitués par tous tionales, etc. Dans le projet exécuté en 1920, ce
modèle avait environ 4 mètres de haut, ses les appareils technologiques du monde contem- cube est devenu un large cylindre.
matériaux étaient le bois, le métal, du papier porain contribuant à l'agitation et à la propa- Le lieu central avait la forme d'une pyramide
huilé, etc. Exposé au Musée russe de Léningrad, gande, et, deuxièmement, que le monument est oblique à base carrée, qui tournait sur son axe à
comme le modèle précédent, il disparut égale- le lieu de la tension dynamique la plus haute ; il la vitesse d'une rotation mensuelle. Cet espace
ment sans laisser de traces. Il n'en reste plus faut le moins possible y rester debout et assis, était destiné à l'exécutif du Komintern, au
qu'une photographie. vous devez être transporté mécaniquement en secrétariat et aux organes administratifs en
11 y eut, enfin, une version simplifiée du haut, en bas, distrait contre votre volonté, général.
Monument, exécutée pour les fêtes du l" Mai devant vous doit scintiller la phrase forte et Le lieu supérieur était un cylindre dont la
1925 à Léningrad, où elle fut transportée sur un laconique d'un orateur-propagandiste, et plus rotation se faisait en un jour. Il devait contenir
camion à travers les rues. Son nom était : lzo- loin - les dernières nouvelles, les derniers tous les organes nécessaires pour ce que nous
oustanovka. Pamiatnik lnternatsionala, c'est-à- décrets, les dernières décisions, la dernière appelons aujourd'hui les media (bureau d'infor-
dire : Installation de la Section Arts de la repré- invention, l'explosion de pensées simples et mation, journal, édition des proclamations, bro-
V. Tatline photographié, la pipe à la main, à côté de son
sentation. Monument de l'Internationale. La Monument à la Ill' Internationale. Atelier Matériau,
claires, la création, uniquement la création ... » chures et manifestes, télégraphe, projections sur
pièce mesurait 5 mètres de haut environ ; ses Espace et Construction de l'ancienne académie des Pounine reprend l'idée que le monument tat- écran, radio).
matériaux étaient le bois, le contre-plaqué, le Beaux-Arts. Pétrograd, novembre 1920. linien doit être monolithique, c'est-à-dire que Enfin, ces trois corps de bâtiment étaient sur-
tissu, le métal. Cette version diffère sensible- tion du monument contemporain ». Les formes « la tâche de l'artiste se résume à trouver une montés d'une demi-sphère.
ment des deux premières et est moins significa- contemporaines utilisées pour cette construc- forme unique, à la fois architecturale, plastique Les trois lieux principaux étaient prévus en
tive pour comprendre le sens du travail tatli- tion seraient les cubes, les cylindres, les cônes, et picturale, qui donnerait la possibilité de syn- verre avec des doubles parois destinées à pro-
nien. Le caractère spiralique est détruit par des les segments, les surfaces sphériques, etc. Les thétiser les formes isolées de tels ou tels appa- duire une sorte d'« air conditionné». Enfin, un
jeux d'angles, de verticales et d'horizontales. cubes pourraient, par exemple, servir à des reils technologiques ». système complexe d'ascenseurs, qui tenait
auditoriums, des salles de gymnastique, des Il ne cache pas les difficultés technologiques compte des rotations différentes des trois bâti-
lieux de propagande politique, etc., selon les que représente ce projet grandiose, à la dimen- ments, devait permettre de rejoindre ces trois
Un projet-ossature à visée fonctionnelle besoins. sion de la révolution politique qui a renversé un lieux à partir du sol et aussi de circuler de l'un à
« Il est indispensable de conserver la mobilité ordre millénaire. l'autre.
Selon Tatline, dont la pensée est résumée par incessante de ces salles. » Un centre de propa- Tatline ne fournissait aucune précision sur les
Pounine " , « il est indispensable d'en finir à gande enverrait par toute la ville des proclama- détails de la réalisation, comme l'aurait fait un
jamais avec les figures humaines ; les monu- tions, des brochures, des slogans ; à cet effet, il y La maquette de 1920 : la spirale architecte de profession. Il s'agissait bien d'un
ments contemporains doivent répondre avant aurait « un garage pour les automobiles et les projet conceptuel, d'une idée directrice qui
tout à la visée générale de synthèse des diffé- motocyclettes portant l'insigne du monument, Comment était faite la maquette montrée à allait insuffler des énergies créatrices. Bien que
rentes espèces d'art que nous observons en ce qui serviraient d'appareil de propagande du Pétrograd en 1920 ? Nous résumons ici la des- la maquette ait été réalisée de toute évidence
moment. gouvernement, avec une extrême mobilité et cription que nous en a laissée N. Pounine ", en pour être soutenue financièrement par le pou-
11 n'y a pas de peinture sans compréhension une disponibilité entière ». De même, il faudrait la complétant avec les autres informations dont voir politique (le Monument à la 111e Internatio-
spatiale (et, comme cas particulier, plastique) installer un « écran géant qui, le soir, au moyen nous disposons sur la maquette réelle. Il est, en nale se veut, de façon insistante, un instrument
de la forme, il n'y a pas de sculpture sans cul- de bandes cinématographiques, transmettrait fait, très difficile de reconstruire cette œuvre, au service de la révolution bolchevique), sa
ture architectonique et picturale, il n'y a pas les dernières nouvelles de la vie culturelle et tant les textes de Pounine, les déclarations de force incomparable reste totale dans son
d'architecture sans peinture et espace. L'archi- politique du monde, lesquelles seraient visibles Tatline et de ses aides, les dessins et les photo- inachèvement même ".
tecte, le peintre et le sculpteur doivent pour une de très loin ». Le bâtiment aurait aussi sa station graphies dont nous disposons sont contradic- Malgré ses revendications renouvelées d'utili-
part égale participer à l'élaboration et à l'exécu- de radio, de téléphone et de télégraphe. On toires "'. tarisme, de fonctionnalité, le Monument de Tat-

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L'AVANT-GARDE RUSSE

line fait partie de ces créations sorties du cer-


veau de l'homme qui élèvent l'humanité vers le
plus-que-possible, vers le dépassement des
contingences. Utopie ? Certes, mais utopie dont
les énergies sont un ferment de possibilités mul-
tiples pour le futur.
La spirale qui s'enroule telle une végétation
issue du sol autour des trois corps de bâtiments
intérieurs est l'élément distinctif qui donne au
Monument son rythme unique. Cela explique
pourquoi le Monument fut très vite appelé la
Tour à la /Ile Internationale.
Les références inscrites dans cette dénomina-
tion sont, bien sOr, la tour Eiffel avec laquelle le
projet tatlinien a une consonance évidente et la
biblique tour de Babel dont « le sommet attein-
drait les cieux» (Gn, 11, 24), incarnée dans les
différentes ziggourats babyloniennes et assy-
riennes ; l'iconographie de ce monument a été
amplement véhiculée dans la peinture occiden-
tale (par exemple, la célèbre Tour de Babel de
Bruegel) et orientale (le minaret hélicoïdal de
Samarra en Irak, la Malwiyya, ou encore cer- v. Stépanova, Trois figures sur fond blanc, 1920. H/t, 79~ x 97 ~ cm. Moscou, archives Rodtchenko.
taine tour de Babel figurant sur une fresque du
XVII' siècle dans l'Église de la Résurrection à
Toutaïev, près de Yaroslav "'). K. Médounetski, Célébration, c. 1918. H/t. Syktyvkar, musée national des Beaux-Arts.
Beaucoup de réminiscences ont été décelées
par Troels Andersen dans un texte fondateur V. Tatline, Monument à la Ill' Internationale (deuxième
version) construit pour l'Exposition internationale des
des études tatliniennes en 1968 .. : La Tour du Arts décoratifs de Paris en 1925.
Travail de Rodin (1893-1894), un Projet de
monument de Hermann Obrist (1902) et, sur- structural et sémiotique. Tour à tour symbole
tout, le célèbre Sviluppo di una bottiglia nello cosmique, symbole de la vie et de la fécondité,
spazio d'Umberto Boccioni (1912)'". symbole de la temporalité, de la permanence de
On pourrait y ajouter une étonnante conver- l'être à travers les fluctuations du changement,
gence plastique avec certaine esquisse de Fran- la spirale assume le rôle dans les procédures
cesco Borromini pour la tour de Sant'lvo dalla artistiques les plus diverses : dans les arts plas-
Sapienza à Rome (1642-1660) • ou avec l'autre
1
tiques comme dans la musique, dans la danse
sculpture célèbre de Boccioni Expansion spira- comme dans la poésie, dans la mise en scène
lique des muscles en mouvement de 1913, voire, théâtrale ou filmique comme dans les arts de la
en Russie, avec l'œuvre de G. Yakoulov•'. composition du roman ' . »
La spirale est un principe rythmique essentiel On a même pu trouver une interprétation
du monde. Noëmi Blumenkranz-Onimus écrit : hégélienne selon laquelle la dialectique du
« Depuis les temps les plus reculés de l'histoire mouvement historique a un déroulement spira-
des hommes jusqu'à nos jours, les artistes ont lique"'. C'est dire toute la charge métaphorique
été tentés d'illustrer dans leurs œuvres cette loi que porte en elle la spirale de la Tour à la 1/Je
secrète de la nature. Internationale : le romantisme révolutionnaire,
Dans toutes les cultures du passé, en effet, on l'élan des nouveaux Titans partant à l'assaut du
rencontre ce motif si riche sur le plan formel, ciel, la revanche sur la malédiction babélienne,

LXV
256
L Popova, Architectonique picturale, c. 1918. Gouache sur papier. 37 x 30 cm. Coll. part.

A. Vesnine, Composition, c. 1921. Huile et sable de quartz sur carton. 90 x 68.5 cm. Cologne, musée Ludwig.

LXVIII
LX IX
LE PRÉ-CONSTRUCTIVISME (1913-1920)

vouant les hommes à la confusion, pour restau-


rer l'unité universelle de l'humanité, le dyna-
misme cosmique de la force et de l'énergie. De
ce point de vue, la première version de la Tour
à la /Ife Internationale est décidément futuriste.
S'il y a en elle beaucoup d'éléments qui permet-
tront au constructivisme de s'affirmer l'année
suivante, c'est-à-dire en 1921, l'impression
dominante est donnée par le mouvement spira-
lique du monument.
Tatline connaissait sans aucun doute les idées
de Boccioni, en particulier celles exprimées
dans le catalogue de la Première exposition de
sculpture futuriste (galerie La Boëtie, Paris,
juin-juillet 1913) : « Toutes les convictions me
poussent à rechercher en sculpture non pas la
forme pure, mais le rythme plastique pur, non
pas la construction des corps, mais la construc-
tion de l'action des corps. J'ai donc pour idéal
non pas une architecture pyramidale (état sta-
tique), mais une architecture spiralique (dyna-
misme)65. »
Cette convergence évidente avec le futurisme
V. Tatline, Nu, 1913. H/t, 143 x 108 cm. Moscou, Galerie
nationale Trétiakov. italien ne doit pas nous faire perdre de vue que,
dans ce projet, Tatline reste fidèle au principe
A. Archipenko, Femme drapée, 1911. Bronze. Coll. part. plastique de base qui traverse toute son œuvre,
c'est-à-dire la ligne courbe, ce « rondisme » qui
marque tout particulièrement la série des chefs-
d'œuvre picturaux entre 1911 et 1913.
Ainsi, le Nu monumental de la Galerie natio-
nale Trétiakov présente déjà ce trait distinctif
de l'incurvation à l'œuvre dans la Tour à la /Ife
Internationale. On comprend donc que Tatline,
s'il a donné les impulsions décisives au
constructivisme, ne se reconnaît pourtant pas
dans ce mouvement qui met la ligne droite à la
base de son esthétique.
Il est cependant probable que, sous les coups
du constructivisme pur et dur de l' Inkhouk
moscovite qui rejetait tout ce qui était réfé-
N. Altman, Composition suprimatiste, c. 1918-1920. Huile et A. Rodtchenko, Construction , c. 1918. Huile
rence iconologique, Tatline ait « corrigé », dans
gouache sur bois, 69 x 34 cm. Coll. part. sur bois, 94,5 x 34,5 cm. Coll. part. la deuxième version de sa Tour, I'« effet spira-
lique » en accentuant I'« effet d'incurvation ».
Dans la troisième version réduite de 1925, la
spirale est nettement neutralisée, brisée, les
verticales et les horizontales dominent, les
courbes subsistant, mais syncopées, comme
dans la peinture tatlinienne d'avant 1914.

LXXII 257
L'AVANT-GARDE RUSSE LE PRÉ-CONSTRUCTIVISME (1913-1920}

Le sans-objet suprématiste et les assemblages partisan de l'orientation pratique dans le travail


de matériaux de Tatline se disputent la scène de l'Institut de la Culture artistique, se désinté-
des arts. À Vitebsk, dès la fin 1919, Malévitch ressa de ce dernier et cessa par la suite de
fonde l'Ounovis qui est le premier lieu d'une prendre part à ses activités " '. ►►
nouvelle analyse et pratique des arts plastiques li fallait que Pevsner ait une solide réputation
(ce n'est qu'en mai 1920 que s'ouvre l'lnkhouk de « maître-ouvrier » pour succéder au fonda-
de Moscou) ; à Pétrograd, Tatline forme son teur du suprématisme. li était considéré comme
projet d'un Monument à la Ille Internationale et un « spécialiste » du cubisme, dont il enseignait
y travaille avec tout un « collectif créateur ». la discipline. Parmi ses nombreux élèves, il
C'est alors que se produit, au mois d'ao0t comptait Gustav Klucis, un artiste letton qui
1920, un événement inattendu : une exposition deviendra un des créateurs les plus originaux du
en plein air, dans un kiosque à musique du bou- constructivisme soviétique". Quant à son frère
levard Tvierskoï à Moscou, intitulée Exposition Gabo, il était totalement absent de la vie
de la peinture de Natan Pevsner, de la sculpture publique artistique avant ce mois d'ao0t 1920.
de Naoum Gabo et de l'école de Pevsner. Gus- D'après un troisième frère Alexeï, il aurait eu
tav Klucis ». À cette occasion, tout Moscou est une activité intense à partir de son atelier mos-
placardé d'une affiche-manifeste qui porte le covite ; il aurait fait des réunions et des dis-
titre de Manifeste réaliste (Réalistitcheski Mani- cours, aurait participé à des débats où « il
/est) et qui est signée « N. Gabo, Noton (sic) anéantit publiquement les théories de ses adver-
Pevsner ». Ces deux artistes, pratiquement saires[ ... ), comme le poète V. Mayakovsky et le
inconnus, ne s'étaient jusqu'ici signalés par rien critique d'art O. Brik. "' » Gabo émigra à Berlin
de particulier. Ils n'avaient pas participé ?t où il joua, en 1922, un rôle important dans
l'aventure du cubo-futurisme entre 1912 et 1920 l'organisation de l'exposition Erste russische
et leur passé artistique, de façon générale, était Kunstausstellung à la galerie Van Diemen. Il
G. Yakoulov devant la maquette de son Monument aux 26 commismires de Bakou en 1923.
encore vierge. Seul Natan Pevsner (le futur partagea avec Natan Altman la fonction d'émi-
Le principe plastique d'un monument dyna- tique, alors que la révolution est tout dyna- Antoine Pevsner) avait acquis une certaine nence grise du commissaire principal David
mique spiralique a inspiré de nombreuses réali- misme et envolée ; 2) par la spirale qui est la notoriété, quoique toute récente. Il avait exposé Sterenberg, et il se tailla la part du lion :
sations et fut aussi utilisé comme élément ico- formule de l'équilibre rompu au nom de l'envo- par deux fois en 1918, à la Première Exposition huit œuvres dans la section de la sculpture
nographique (par exemple, dans l'affiche de lée ; 3) par des gradins qui montrent la conti- de tableaux de l'Union professionnelle des (alors qu'il n'y avait qu'un contre-relief de Tat-
Guéorgui et de Vladimir Stenberg pour le film nuité et la progression du processus révolution- artistes à Moscou en mai-juillet et à la V• Expo- line et une construction de Rodtchenko). Les
Viélikosovietskoïé pari (Le Pari grand- naire ; 4) par la verticalité qui montre la hauteur sition nationale de tableaux (1918-1919) où il sculptures qu'il présenta à cette exposition
soviétique"), ou encore certain photogramme et l'ampleur de l'envolée révolutionnaire n ». montra une dizaine d'œuvres. Mais surtout, il étaient, il est vrai, révolutionnaires : sa
du remarquable artiste ukrainien méconnu Par ses formes asymétriques, déroulées avec était professeur de peinture aux Svomps, puis Construction cinétique (Le temps comme nouvel
Dane Sotnyk, paru en 1928 dans la revue Nova force, ce monument est une véritable ziggourat aux Vkhoutémas, et avait même eu l'insigne élément des arts plastiques) était constituée
Guénératsiya'6 ). Mais le projet le plus intéres- moderne destinée à la commémoration des honneur de remplacer Malévitch à la tête de d'une tige actionnée par un moteur dont le
sant, né de toute évidence comme une suite de héros fusillés par les Anglais, auxquels Sergueï son atelier moscovite lorsque celui-ci partit mouvement créait un espace en état de vibra-
l'hyperbolisme inhumain de Tatline, reste le Essénine a consacré une célèbre Ballade dédiée pour Vitebsk à l'automne 1919"'. Pevsner parti- tion et sa Construction spatiale C (Modèle pour
Monument aux 26 Commissaires de Bakou réa- à Yakoulov. cipa aussi à l'activité du Soviet des maîtres- une sculpture en verre) montrait une maîtrise
lisé par Yakoulov en 1923 et dont ne sont ouvriers-peintres entre décembre 1919 et mars parfaite de la forme abstraite et bouleversait les
conservées que des esquisses et des photogra- 1920, date à laquelle le Soviet se transforma en données séculaires de la sculpture dans la
phies. Si la Tour de Tatline évoquait bien la spi- LE MANIFESTE RÉALISTE Institut de la Culture artistique. li prit parti, aux mesure où elle la libérait définitivement de la
rale chère à Yakoulov, le Monument aux 26 ET L'ŒUVRE DE PEVSNER ET DE GABO premières séances de l'lnkhouk, pour une masse, permettant la circulation du vide. Mais
Commissaires de Bakou voulait résoudre le pro- ENTRE 1915 ET 1922 orientation pratique de l'Institut, contre la ten- Gabo était, avant tout, un sculpteur et, en ce
blème du mouvement par la tension interne et dance, représentée par Kandinsky, de faire de sens, l'opposition qu'il marquera plus tard à
l'organisation structurale de lignes et de Comme nous l'avons vu, entre 1919 et 1920, l'lnkhouk une organisation scientifique et théo- l'égard de l'œuvre de Tatline est purement fac-
volumes immobiles. Ce devait être « une image l'effervescence artistique est à son comble à rique 79• Le groupe de Kandinsky l'emporte en tice : Tatline n'a pas fait une seule sculpture de
symbolique de la révolution : 1) par l'absence Pétrograd, à Moscou et ailleurs. Malévitch et avril 1920 et« après la victoire des partisans de sa vie, mais il a créé avec ses reliefs picturaux un
de symétrie et d'équilibre, car l'équilibre est sta- Tatline sont les protagonistes de l'art de gauche. l'orientation théorique, N. Pevsner, en tant que nouveau genre artistique inexistant avant lui.

260 261
L'AVANT-GARDE RUSSE LE PRÉ-CONSTRUCTIVISME (1913-1920)

cions aux écrits théoriques comme aux contro-


verses d'écoles. Nous cessions de nous braquer
sur les théories et les aspirations des autres
avant-gardes européennes. Ceux qui ont lu
notre Manifeste réaliste savent qu'il n'est pas un
travail théorique et que sa préoccupation véri-
table est la recherche, absolument nécessaire,
pour la peinture et la sculpture d'un autre mode
d'expression que le volume massif.
Nous proclamions que le seul moyen de libé-
rer l'art de ses entraves était la destruction de la
masse compacte et la quête de l'espace et du
temps. L'espace et le temps avaient pour nous
cessé d'être des réalités séparables et nous refu-
sions la masse parce qu'elle n'était pas l'expres-
sion véritable de l'espace ... »

N. Gabo, Construction spatiale C (étude pour une Contre les ténèbres de l'illusion
sculpture en verre), 1922. Aujourd'hui disparue.

Pour Pevsner, le Manifeste réaliste n'était pas


tige, selon lui, de l'esthétisme décadent d'une une pétition de principe, mais, contre l'inflation
société capitaliste) et demandait aux artistes qui des déclarations tonitruantes et des débats
Vue de la Erste Russische Kunstausstellung exécutaient des constructions dans l'espace de contradictoires et confus, l'artiste entendait que
à Amsterdam en 1923.
se détourner de celle « occupation » pour se le « Verbe et l' Acte » ne soient pas séparés.
consacrer à la fabrication d'objets utiles à la vie Tout le début de ce manifeste est une attaque
matérielle de l'homme : chaises, tables, four- contre le cubisme et le futurisme, auxquels
neaux, maisons, etc. Nous étions fermement Pevsner et Gabo reprochent de ne « toucher
A. Archipenko, Figure inclinée, 1911 . Bronze. Coll. part.
opposés à ces vues matérialistes et politiques que la surface de l'art sans atteindre ses bases »,
De toute évidence, les frères Pevsner et entre autres. Tatline, lui, se laissa embrigader sur l'art, et notamment à cette espèce de nihi- de « sombrer dans les ténèbres de l'abstrac-
Gabo, qui n'étaient plus des jeunes gens (en dans le camp des « matérialistes-monistes » for- lisme des années 1880 qu'ils prétendaient res- tion ». Notons ici l'emploi récurrent du mot
1920, Pevsner avait trente-six ans et Gabo cenés. susciter. C'est cela, surtout, qui nous incita à russe d'origine latine abstraktsiya. Pour Pevsner
trente tandis que Tatline en avait trente-cinq) C'est dans ce climat passionné que Pevsner et publier un manifeste, de façon à bien mettre les et Gabo, ce mot désigne l'illusoire et vise, de
mais n'avaient pas encore participé à quelque Gabo font paraître leur Manifeste réaliste qui chos~s au point. Ce document fut tiré à cinq toute évidence, les rêveries de type symboliste
mouvement que ce fût, marquèrent très vite fut de toute évidence le fruit de discussions pas- mille exemplaires et apposé sur tous les sur les autres mondes ; ils l'opposent d'ailleurs à
leur opposition aux visées socio-politiques de la sionnées entre les deux frères"'. En 1957, Gabo tableaux d'affichage de Moscou et de sa ban- la réalité des lois de la vie. Ces réflexions sont
branche la plus radicale de l'art de gauche, celle raconte qu'à la fin de la troisième année qui sui- lieue, ainsi qu'à l'exposition en plein air qui dans la ligne de la pratique des arts plastiques
des communistes futuristes, qui répandirent vit la Révolution, « deux idéologies s'affron- avait lieu au boulevard Tverskoï.,. » novateurs entre 1910 et 1920. Elles rejoignent,
pendant toute l'année 1918-1919 leurs positions taient : une partie d'entre nous se groupa Voici comment Pevsner, cette même année en particulier, les idées énoncées par Malévitch
marxistes, matérialistes-monistes, collectivistes, autour de Tatline, une autre autour de mon 1957, présente le Manifeste réaliste:« Le Mani- qui, en 1913, qualifie une catégorie de ses
productionnistes 83 • Beaucoup de personnalités frère Antoine Pevsner et de moi-même [Gabo feste réaliste de 1920 fut, pour Gabo et pour tableaux de réalisme transmental ; surtout, en
de l'art de gauche, qui avaient pourtant accueilli oublie Kandinsky et Malévitch !). [... ] Le conflit moi, un acte décisif. En l'écrivant, nous pre- 1915-1916, dans les petits manifestes publiés à
avec enthousiasme la révolution politique, refu- idéologique qui se déclencha entre les partisans nions le parti de la pureté et de l'indépendance l'occasion de l'exposition 0,10, il donne au
sèrent dès le début cette façon de considérer de Tatline (qui se nommaient « producti- contre les idéologies et les teuvres à thèses. suprématisme le nom de nouveau réalisme pic-
l'art comme une courroie de transmission du vistes ») et les nôtres ne fit qu'accélérer la rup- Nous nous détachions de l'effervescence intel- tural "' et se livre déjà, du point de vue du sans-
pouvoir politique, comme au service de quelque ture, et nous mit dans l'obligation de faire une lectuelle des années 1915-1920, de ces heures objet, à une critique du cubisme et du futurisme
cause que ce soit. Ce fut le cas de Malévitch, de déclaration publique. Le groupe de Tatline hantées par le désir de trouver de nouvelles qui ne sont pas, selon lui, allés assez loin dans la
Kandinsky, de Pougny, de Pevsner et de Gabo, visait à l'abolition pure et simple de l'art (ves- voies de connaissance spirituelle. Nous renon- destruction du figuratif. « Les formes du supré-

262 263
L'AVANT-GARDE RUSSE LE PRÉ-CONSTRUCTIVISME (1913-1920)

matisme, du nouveau réalisme pictural, sont qui les ont précédés). Ainsi, leur proposition :
déjà la preuve de la construction des formes à « La réalisation de nos sensations du monde
partir de rien, formes trouvées par la Raison dans les formes de l'espace et du temps, voilà ce
Intuitive ... » qui est l'objectif unique de notre création plas-
tique » correspond bien à « l'engouement pour
la question de l'espace et du temps » qui
Quel réalisme ? « acquit en Russie une force particulière dans
les premières décennies de notre siècle. Il gagna
Dans le titre du manifeste de Pevsner et Gabo, de vastes cercles d'intellectuels, de savants et de
le mot « réaliste », qui peut donner le change au peintres. Ce furent sans aucun doute les théo-
premier abord, se laisse aisément définir à la ries de Minkowski et puis d'Einstein, populari-
lecture du texte. Le réalisme dont il s'agit ici est sées en Russie avant et après la Révolution, qui
bien celui du réel au-delà des apparences , des servirent d'impulsion de base à cet intérêt
« véritables lois de la vie ». Cette « vie » dont il presque frénétique 93 ».
est question n'est évidemment pas la vie de tous La question de la quatrième dimension (le
les jours, le fameux gesellschaftliche Sein (l'être temps) hante le débat artistique russe depuis
social) marxien. Pevsner et Gabo prennent 1911 94 • Rainer Crone a étudié, pour la Russie du
résolument position, dans le Manifeste réaliste, premier quart du xx• siècle, la façon dont les
contre ce qui était devenu un slogan privilégié découvertes scientifiques sur l'espace et le
du marxisme-léninisme et des artistes qui s'en temps se manifestent également dans les arts"
réclamaient, à savoir que « l'existence déter- et parle de l'engouement du monde intellectuel
mine la conscience 89 ». Au-delà des accents russe pour la géométrie non-euclidienne et pour
nietzschéens, qui sont fréquents en Russie pen- son introducteur Lobatchevski 96. Quant au ciné-
dant le premier quart du XX' siècle"' et qui ont tisme que Pevsner et Gabo fondent dans les arts
marqué l'art de gauche (le suprématisme malé- plastiques, il était aussi dans « l'air du temps ».
vitchien n'en est-il pas la preuve 7), le Manifeste Le célèbre linguiste Roman Jakobson, à
proclame que « la nécessité est la plus haute et l'époque poète et théoricien transmental, n'écri-
la plus juste des morales » et n'est pas sans rap- vait-il pas en 1919: « Le temps s'immisce dans
peler la « nécessité intérieure » de Kandinsky. toutes les dimensions spatiales. Nous ne pou-
Le texte hésite entre platonisme ( « chaque vons déterminer la forme géométrique d'un
chose possède une essence qui lui est attribuée corps qui se meut par rapport à nous. Nous
à elle seule•• ») et aristotélisme ( « lorsque nous déterminons toujours sa forme cinétique. Ainsi,
représentons des objets, nous arrachons [ ... ] nos dimensions spatiales arrivent en fait, non
tout ce qui est accidentel et local, ne leur lais- pas dans la pluralité tridimensionnelle mais
sant que leur essence et leur permanence, pour dans la pluralité quadridimensionnelle". » En
manifester le rythme des forces qui se cachent 1916 déjà, dans son petit traité Du cubisme et du
en eux » ). Cette dernière proposition dérive futurisme au suprématisme. Le nouveau réalisme
directement de la pratique et de la pensée de pictural, Malévitch écrivait : « L'art, c'est savoir
Tatline 92. créer une construction [... ] sur la base du poids,
de la vitesse et de la direction du mouvement [... ]
Les objets ont en eux une multitude de
L'espace et le temps comme visées créatrices moments temporels" . » Le fait que l'artiste ait
toujours été un résonateur des investigations
La pensée de Pevsner et de Gabo en 1920 s'ins- scientifiques 99 ne veut pas dire qu'il rivalise avec
A. Pevsner, Gamme grise, 1919-1920. H/t, 62 x 49 cm. Lausanne, galerie Alice Pauli.
crit dans l'histoire des idées esthétiques de l'art le savant. Pevsner et Gabo ont été clairs là-des-
russe novateur qui n'a cessé de bouillonner sus. La « raison intuitive » (Malévitch) ne vise
depuis au moins 1910 (ce qui ne diminue en rien aucune logique de démonstration de l'acte créa-
leur originalité par rapport à tous les courants teur, lequel se justifie par lui-même. Pevsner

264 265
L'AVANT-GARDE RUSSE LE PRÉ-CONSTRUCTIVISME (1913-1920)

écrira, bien plus tard, en 1959 : « Dans mes vocabulaire de plans géométriques. Le dialogue
constructions spatiales qui sont bâties sur le créateur entre les deux frères s'est poursuivi
temps et l'espace, dans ces constructions, pratiquement jusqu'à la mort de Pevsner, même
aucune logique, aucune science ne peut nous si entre 1915 et 1922 Gabo a eu l'audace des
fournir l'œuvre (... ]. Il n'y a pas de formules autodidactes et a fait des œuvres plus radicales
dans mes constructions spatiales ; la racine que celles de Pevsner, œuvres dont la plupart
d'une équation algébrique ne forme pas la des originaux ont disparu. Pevsner, certes broté
racine de mes constructions 100• ,. d'une passion aussi dévorante que Gabo, était
passé par toutes les étapes de l'enseignement
académique mais il avait davantage l'esprit d'un
Portée des propositions de Pevsner et Gabo artisan fervent du Moyen Âge visant à chaque
fois à faire son « chef-d'œuvre ». Nous trouvons
Pevsner et Gabo ont donc eu le génie de formu- peu de traces d'hésitations chez Pevsner, peu de
ler dans le Manifeste réaliste des idées existantes déchets. Peut-être les a-t-il éliminés. Chaque
mais encore balbutiantes. Ces formulations ont œuvre est unique, décisive, totalement nouvelle.
sans aucun doute donné une impulsion décisive Pevsner ne se répète pas. S'il a, comme Gabo,
à la naissance du constructivisme, en particulier opéré une révolution dans l'histoire de la sculp-
à son chef de file Rodtchenko. Leurs proposi- A. Pevsner, Tite de femme italienne, 1915. H/t, ture, il ne s'est jamais laissé aller à la multiplica-
52 x 52,5 cm. Bâle. Kunstmuseum.
tions sont les suivantes : le refus de la couleur tion des objets qu'il créait. L'esthétique des
comme « accidentelle » et la proclamation du (cinquième proposition). Les réalisations et les « facettes » qui est celle de Gabo dans ses sculp-
« ton des corps, c'est-à-dire leur milieu 101 maté- débats de toute l'année 1921 seront sous le tures et celle de Pevsner dans ses tableaux entre
riel qui absorbe la lumière » (première proposi- signe de ces principes lancés par Pevsner et 1915 et 1922 prend en compte toute une culture
N. Gabo, Tite de femme, 1917-1920. Celluloïd et métal,
tion) ; l'affirmation de « la ligne comme direc- Gabo en ao0t 1920: la lumière, absorbée par les 62,2 x 48,9 cm. New York, MoMA. picturale qu'on pourrait appeler« cristalline» et
tion des forces statiques cachées dans le corps, matériaux, n'a pas besoin de la couleur pour qui est manifestée en Russie et en Ukraine
et de leurs rythmes,. (seconde proposition) ; le leur donner une tonalité picturale ; elle provient créant des unités cellulaires, triangles, trapèzes, depuis Vroubel, peut-être même avant. On sait
refus du volume au nom de la profondeur (troi- autant de la pratique de Tatline et de tous ceux cônes, ellipses, toute une iconographie qui que Pevsner, dans son enseignement des
sième proposition) ; le volume affranchi de la qui, entre 1914 et 1920, ont créé des « reliefs indique une interprétation originale du cézan- Vkhoutémas, donnait des cristaux à ses élèves
masse (quatrième proposition) ; le cinétisme picturaux ,. en n'utilisant qu'accessoirement la nisme géométrique (la mise en géométrie de la pour réaliser des compositions cubistes « en
couleur (Pougny, Klioune, Vladimir Lébé- nature). La potentialité du relief est évidente représentant le cristal vu simultanément sous
A. Pevsner, Relief carré, 1922. Peinture chimique dev ... ) que de Pevsner et de Gabo. Et le
absorbée sur plastique. Ancienne coll. Lydia Winston
dans les tableaux pevsnériens. Il semble même plusieurs angles 103 ,._
Malbin. « linéisme » n'est-il pas à la base du constructi- que l'auteur de la Tête de femme italienne Il résulte de tout ce qui a été exposé ici que le
visme (en 1920, Rodtchenko expose sa série de - toute en mordorures, de ses nuances jaune Manifeste réaliste, s'il n'est pas le« manifeste du
toiles« Linéisme » datées de 1919; en mai 1921, roux que Pevsner affectionne, manifestant ainsi constructivisme », doit être pourtant compté,
il écrit son texte « La Ligne ,. un, resté inédit un des prismes colorés essentiels produits par comme ses auteurs le peintre Pevsner et le
jusqu'à une date récente). Il suffit de regarder l'Ukraine - ait fait des expériences de bas-reliefs sculpteur Gabo, parmi les précurseurs du
les photographies de l'exposition de l'Obmo- avant son passage en 1923-1924 à une création à constructivisme soviétique autant que du
khou en mai 1921 pour voir à quel point les trois dimensions. C'est ce dont témoigne la constructivisme européen. Malheureusement,
sculptures des frères Guéorgui et Vladimir Composition récemment retrouvée, datée de en Russie soviétique, la phase purement créa-
Stenberg, ou celles de Ioganson sont des écha- 1917 où, sur un bois mordoré sont appliqués des trice - ou, si l'on veut, « de laboratoire » - fut
faudages de lignes à travers lesquelles circule éléments de plâtre semi-spiraliques formant très vite stoppée au nom de la « production »
l'espace. Quant aux sculptures suspendues de trois ellipses, une sorte de corps purement plas- alors qu'en Occident, Pevsner et Gabo (après
Rodtchenko (Cercle dans cercle, Ovale dans tique. Pevsner a donc bien travaillé sur la forme qu'ils eurent quitté l'URSS) ou encore les
ovale, Triangle dans triangle, Hexagone dans abstraite avant les années vingt. On pourrait constructivistes de De Stijl ou du Bauhaus ont
hexagone), elles annoncent à plusieurs années dire qu'il a donné dans ses « tableaux » la ver- utilisé les procédés technologiques et les maté-
de distance les mobiles de Calder. sion picturale des Tetes de Gabo (1915-1916) où riaux les plus nouveaux pour saisir dans leurs
Les tableaux de Pevsner datés d'avant 1924 l'on retrouve, en trois dimensions, le même objets à trois dimensions les rythmes du monde.
(Formes abstraites, Tête de femme italienne,
L'Absinthe) sont bâtis sur un réseau de lignes

266
CHAPITRE 10

LE CONSTRUCTIVISME

LES « CONSTRUCTIONS » Lioubov Popova ou Varvara Stépanova


œuvraient plutôt comme « constructeurs » de la
Le constructivisme est né en réaction contre le scène ou du livre. Mais tous les autres - Rodt-
tableau de chevalet. La construction à trois chenko, Ioganson, Médounetski, Vladimir et
dimensions remplace le tableau, désormais Guéorgui Stenberg - ont créé un style plastique
déclaré caduque. Il ne reste, dans la grande constructiviste unique en son genre. Leurs
majorité des cas, que des photographies de ces œuvres, totalement révolutionnaires par rapport
constructions, qui étaient fragiles, faites dans à la tradition renaissante, voire avant-gardiste,
des matériaux périssables. Mais là aussi, comme figurent sur les photographies de l'exposition
pour les contre-reliefs de Tatline, la force que l'Obmokhou organisa en mai 1921 à
conceptuelle de ces travaux est si grande qu'ils Moscou '. L'Obmokhou était formé de jeunes
dégagent aujourd'hui encore des énergies créa- artistes qui, au moment de la Révolution, termi-
trices dont les effets sont loin d'être épuisés. naient Jeurs études à l'École Stroganov et furent
Ainsi que l'écrit Éléna Sidorina, « à partir des intégrés, sur présentation de leurs travaux de fin
reliefs de Tatline, il n'y avait plus qu'un pas d'année, à l'/zo, où ils développèrent une
jusqu'à la construction, c'est-à-dire jusqu'au tra- grande activité dans l'art de propagande•. Trois
vail avec des matériaux réels dans un espace réel membres de l'Obmokhou, K. Médounetski et
et cela précisément était de la plus grande les frères Vladimir et Guéorgui Stenberg, parti-
importance pour les débuts du construc- cipèrent aux discussions de l'lnkhouk en mars-
tivisme' ». Toutefois, si le Monument à la 11/e avril 1921 sur le thème « composition et
Internationale avait l'ambition de faire servir le construction ». Ils envisageaient la construction
travail sur les matériaux réels à une création uti- de façon tout à fait originale. Leurs « projets de
litaire et réelle, cette visée était alimentée idéo- construction » étaient, de fait, des épures, une
logiquement par Pounine, alors que Tatline res- sorte de dessin industriel, qui correspondait à
tait avant tout un impulseur d'idées, d'énergies, leur résolution de rompre avec l'art pour explo-
de création ; aussi, le constructivisme en tant rer le domaine de la technique.
que tel lui resta étranger, et nous ne trouvons Réconcilier l'art et la technique, n'était-ce
chez lui aucune construction plastique. pas revenir aux sources premières de la technè
Dans le Groupe de travail des constructivistes grecque ? Ce processus avait fait son chemin
né début 1921 à l'intérieur de l'lnkhouk mosco- dans I'« art de gauche» avec la mise en avant de
vite 2, tous les artistes cessèrent la peinture de la facture. Gane, lui, avait essayé, dans les dis-
chevalet à ce moment-là. Certes, tous ne firent cussions du Groupe de travail des Constructi-
pas des constructions plastiques : ainsi, Alexeî vistes, d'introduire la notion de « techtonique »
Gane, l'auteur de la brochure-programme Le (tektonika) '. Les idées bogdanoviennes sur la
Constructivisme (1922), fut un « constructeur façon d'organiser la vie à l'intérieur de la cul-
des actions de masse » et designer de ce nou- ture prolétarienne communiste étaient ici à
veau théâtre né après la Révolution, tandis que l'œuvre : il ne s'agissait plus seulement de décla-

269
L'AV ANT·GARDE RUSSE LE CONSTRUCTIVISME

rer que le tableau était mort, il fallait encore


que l'art meurt pour laisser place à la construc-
tion technique de la vie. « Nous déclarons à l'art
une guerre impitoyable », telle est l'exergue du
livre manifeste de Gane en 1922. Toutefois, la
création par les constructivistes d'une nouvelle
forme et d'une nouvelle méthode artistique
contredisait leurs intentions proclamées de
« passer de la construction à la technique et à
l'invention » (Ioganson, mars 1922} et de faire
du constructivisme « le fossoyeur de l'art »
(Gane, 1924)'. Lissitzky et Ehrenburg furent
parmi les premiers à propager le constructi-
visme comme style, comme nouvelle esthétique
(les deux numéros de la revue berlinoise
Viechtch Gegenstand-Objet au début 1922 et le
livre d'Ehrenburg Et pourtant elle tourne). Pou-
gny écrivit un article cinglant où il ironisait sur
les contradictions qui régnaient dans le rapport
que les constructivistes entretenaient entre pra-
tique et esthétique : « Je me permettrai de dou-
ter que les machines de Léger aient d'autre P. Mitouritch, Alphabet en volume. Les petits cubes, c. 1921. Encre de Chine et gouache sur papier et carton. Moscou,
conformité à leur but qu'esthétique ; on peut coll. part. {famille de l'artiste).
même penser qu'une locomotive peinte par Exposition de l'Obmokhou à Moscou en mai 1921.
Léger se distinguera sensiblement d'une loco-
A. Rodtchenko, Construction spatiale blanche sans-objet
{reconstitution), 1918. Aluminium, 46 x 39 x 34 cm. motive dans la réalité 7• »
Cologne, galerie Omunynska. Toujours est-il que les œuvres présentées en
mai 1921 par l'Obmokhou, celles de l'exposi-
P. Mitouritch, Peinlurr, 1918. Photographie d'Wle œuvre perdue.
tion-programme 5 x 5 = 25 à l'automne 1921,
enfin celles de l'exposition Les Constructivistes
(c'est la première fois que le mot apparaît publi-
quement) des frères Vladimir et Guéorgui Sten-
berg et de Médounetski en janvier 1922" mon-
trent à quel point les constructions de
Rodtchenko, loganson, Vladimir et Guéorgui
Stenberg, Médounetski proposaient une forme
artistique inédite, radicale, qui, même si elle fut
baptisée « étape analytique du constructi-
visme », n'en restait pas moins une structuration
accomplie, originale, de l'espace se suffisant à
elle-même.

Les constructions spatiales de Rodtchenko

En 1918, Rodtchenko crée des constructions


spatiales, les Sculptures blanches sans-objet•, qui
bouleversent les données séculaires de la sculp-

271
270
L' AVANT-GARDE RUSSE

ture. Les photographies montrent qu' il s'agit


bien là de sculptures car toutes ces œuvres pré-
sentent un socle : rond dans la Construction spa-
tiale n° 3, rectangulaire dans la Construction
spatiale n° 6 et rectangulaire et rond dans la
Construction spatiale n° 5 10• De ce socle s'élève
un élément vertical droit fait de plans géomé-
triques rectangulaires, auxquels viennent s'ajou-
ter tantôt des sphères plates et d'autres plans
qui tiennent en équilibre sans créer de volume,
tantôt une construction en plans rectangulaires
et sphériques placée sur l'axe vertical en état
d'apesanteur. Ces œuvres sont à la fois simples
par leurs formes minimales et d'une complexité
inouïe quant aux combinaisons des différents
éléments. Jamais sans doute on n'était allé aussi
loin dans la réduction de la « chair des choses ,.
à leur squelette, à leur carcasse. Il n'y a plus que
des rythmes qui scandent l'espace.
Ce minimalisme se radicalise lors de la
fameuse exposition de l' Obmokhou en mai
A. Rodtchenko, Construction spatiale ovale, c. 1920.
Contre-plaqué peint et fil de fer, 83,5 x 58,5 x 43,3 cm. 1921. Rodtchenko y présente une série de sculp-
Coll. Costakis, inv. 1019. tures suspendues au plafond par un fil de
fer, qui constituent les premiers « mobiles » du
XX" siècle, si l'on excepte les deux lustres en fer-
blanc aux formes abstraites et capricieuses
A. Rodtchenko, Construction spatiale suspendue, c. 1920. conçus par Yakoulov et exécutés par Bromirski
Contre-plaqué peint et fil de fer. Photographie de l'œuvre pour le Café Pittoresque. L'éclairage des sculp-
aujourd'hui disparue. tures suspendues de Rodtchenko 11 s'inspirait
probablement, d'ailleurs, de celui du Café Pitto-
resque. La lumière faisait jouer la couleur
argent dont étaient recouverts les éléments
linéaires des constructions, comme, au Café Pit-
toresque, la lumière sur le fer-blanc. Les sculp-
tures de Rodtchenko (en contre-plaqué) étaient
peintes en argent pour imiter le métal. Il y eut
cinq types de Constructions spatiales : triangles
dans triangles, hexagones dans hexagones, qua-
drilatères dans quadrilatères, circonférences
dans circonférences, ellipses dans ellipses. Seule
la Construction avec ellipses s'est conservée.
Toutes se pliaient pour être rangées.
Entre cocotte en papier et mère gigogne, ces
œuvres dénotent une ingéniosité qui ne s'est
jamais démentie chez Rodtchenko. Dans le
mê me temps, elles découvrent des espaces A. Rodtchenko, Composition abstraite. 1917. Détrempe sur papier, 44 x 31 cm. Moscou, archives Rodtchenko.
inédits à l'intérieur de la géométrie euclidienne,
et constituent un nouveau pas dans la libération

LXXII
272
V. Lébédev. Relief, c. 1920. Assemblage de bois, 53,5 x 36 cm. Coll. part. S. Sienkine, Rabis, c. 1920.
Huile sur bois, 117 x 47 cm. Coll. part.

L. Popova, Construction, c. 1921. Huile avec poussi~re de marbre sur bois, 119,5 x 89,S cm. Coll. part.

LXXIV LXX
LE CONSTRUCTIVISME

de la sculpture de la masse, dans la ligne de ce


que réclamait le Manifeste réaliste de Pevsner et
de Gabo en 1920 ; elles créent la transparence,
la circulation de l'air, de la lumière, de l'espace
entre les lignes, à l'instar de ce que Tatline avait
in uguré avec sa Tour. Ces structures représen-
tent par elles-mêmes des planètes ayant leur
propre vie, comme les planètes du système
ll>laire.
Le constructivisme se caractérise par le souci
constant de capter les mouvements du monde
qui passent à travers le corps. Ainsi, le critique
hongrois Alfréd Kemény, qui séjourna à Mos-
cou en 1921 et participa à plusieurs séances de
l'lnkhouk, pouvait-il déclarer en 1923: « L'être
humain est soumis à des lois rigoureuses de
construction cosmique dans l'organisation phy-
siologique de son corps. En tant qu'élément
constructif individuel de l'élément constructif
universel, il lui est nécessaire, pour les raisons
cosmophysiologiques les plus profondes, de se
livrer à la construction, à la mise en forme
constructive ". ,. Plus loin, il précise sa pensée : A. Rodtchenko, Construction spatiale, c. 1920.
Bois et clous, 47,3 x 19,5 x 17,5 cm. Duisburg,
« Le monde est ramené à sa relativité, à sa Wilhelm-Lehmbruck Museum.
logique créatrice originelle qui forme le cos-
mique à partir du chaos, le chiffre à partir de A. Rodtchenko, Construction spatiale, 1921.
Bois et clous. Moscou, Archives Rodtchenko.
l'indifférencié, l'univocité à partir de la multipli-
cité[ ...). L'art constructif est orienté vers la col-
lectivité. Mais un art collectif n'est pas possible
dans l' anarchie générale de la société bour-
geoise existante. Art du prolétariat, l'avenir
n'en bénéficie pas encore. Sa condition préa-
lable. est la révolution mondiale du
prolétariat ". » C'est dans ce climat d'exaltation
idéologique que naît le constructivisme où
- selon le schéma marxien - l'art est un instru-
ment du bouleversement socio-économico-poli-
tique , alors que dans le suprématisme l'art
pénètre d'un bout à l'autre le processus révolu-
tlfhlnaire, comme son alpha et son oméga ••.
En 1921 encore, Rodtchenko réalise une troi-
sième série de constructions spatiales tout à fait
différentes, constituées de morceaux de bois
d'épaisseur et de longueur variables (de la
!llaguette à de petites poutres). Il ne reste mal-
heureusement que des photographies de ce tra-
G. Stenberg. Relief ovale, c. 1920. Assemblage de bois, métal. verre rempli de sel bleu. liège el sable vail qui frappe par son caractère massif et sa
sur bois. 40,5 x 25 cm. Coll. part.
monumentalité, rappelant en cela l'architecture

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L'AVANT-GARDE RUSSE LE CONSTRUCTIVISME

ou les objets traditionnels de la Moscovie. sur une base en métal peint. Ce chef-d'œuvre depuis la seconde moitié du x1x• siècle, utili-
Rodtchenko, dans un texte inédit de 1922 (une du minimalisme est une combinaison de quatre saient le fer et dont le symbole, qui domine tout
« automonographie », selon Khan-Magomé- formes géométriques : la spirale, le cercle, le tri- l'art constructiviste dans son dit et son non-dit,
dov ") intitulé Le Passage du laboratoire, à tra- angle, l'arcade. Le socle est un cube en plaques est la tour Eiffel. Les frères Stenberg, de même
vers l'art de la peinture et les formes spatiales métalliques peintes en noir. Sur cette kaaba que Médounetski, considéraient leurs travaux
constructives, vers l'initiative industrielle, définit constructiviste se dresse une structure dont comme des investigations spatiales visant la réa-
ainsi sa création : « Ce sont les dernières voici la description : « Touchant un coin de la lisation de vrais bâtiments " ou de constructions
constructions spatiales que j'ai élaborées de base, la pointe d'un triangle en laiton poli utilitaires, mais ces pièces, telles qu'elles nous
façon expérimentale. Elles démontrent univer- s'élève en faisant un petit angle. Ce triangle est sont transmises, manifestent une réelle beauté
sellement qu'à partir de formes semblables, on percé par une tige de métal peinte en rouge vif artistique, par ce trait qui fait l'œuvre d'art
peut construire de tout, avec des systèmes, des qui monte à partir du centre du cube, puis se depuis qu'elle existe comme produit des mains
modes et des mesures différents. recourbe au-dessus du coin opposé à la pointe de l'homme, à savoir la création d'un certain
Avec ces œuvres en tant que constructions du triangle. Attaché à la tige, il y a un ruban rythme, ou ordre, traçant, organisant un certain
réelles, j'ai dit [ ... ) au futur constructeur de plat d'étain, courbé en forme de S. Le triangle, espace.
l'industrie : "Rien n'est dO au hasard, tout est qui passe à travers un disque d'acier fabriqué à En janvier 1922, les trois « constructeurs »
calculé" [... ]. la machine, touche la tige sur un de ses bords et ouvrent au public leur propre exposition qui a
Le principe universel est : simplifier 1•. » la base sur un autre. Médounetski a contrôlé ses pour titre Les Constructivistes. K.K. Médou-
éléments en les limitant à trois axes « pla- netski, V.A. Stenberg, G.A. Stenberg. Cette
naires» (planar]: 1) un axe vertical dominé par manifestation est la prolongation de l'Obmo-
Médounetski, Vladimir et Guéorgui Stenberg la tige et montant dans la diagonale de la face khou de mai 1921. Des peintures pré-constructi-
supérieure du cube - cela est le plan strict qui vistes des environs de 1920 y sont exposées, qui
Les autres exposants de l'Obmokhou de mai met en place toutes les quatre pièces : 2) le plan portent le nom de « coloro-constructions ». La
1921 étaient de jeunes artistes, à peine sortis de penché du triangle et 3) le plan penché du Coloro-construction n° 9 de Vladimir Stenberg
leurs études. Les œuvres qu'ils présentèrent cercle d'acier (parallèle à l'axe central de la est une variation encore suprématiste sur la
constituent une révolution dans la conception courbe en S)". » couleur pure avec son fond tendant au mono-
G. Stenbcrg, Construction th couleurs, 1919. Huile sur
de la sculpture mais aussi de l'art en général. Quoi qu'en ait dit Médounetski, le caractère carton, 27 x 17 cm. Buffalo, Albright-Knox Art Gallery,
chrome gris. Cependant, les lignes tiges qui tra-
Certes, le public russe avait été habitué depuis utilitaire, voire productif d'un tel travail, n'est George B. and Jenny R. Matthews Found, 1976. versent de part en part, verticalement, la sur-
1914 (les reliefs picturaux de Tatline) à considé- guère évident. Il s'agit en fait d'une sculpture : face picturale ainsi qu'une forme circulaire au
K. Médounetski, Construction n 7, 1921. H/t, 71 x 62 cm.
rer comme œuvres d'art des assemblages de les différents aspects de cette construction spa- Krasnodar, Musée régional. centre d'un trapèze arrondi et quadrillé d'élé-
matériaux les plus hétéroclites, les moins tiale ne se peuvent découvrir que si on en fait le ments linéaires droits font sortir l'œuvre du
nobles. Mais en 1921, les frères Vladimir et tour. On notera aussi les jeux de facture, la suprématisme. Dans la Coloro-construction du
Guéorgui Stenberg, Médounetski et Ioganson, combinaison du matériau brut qui reflète sa Musée russe, le suprématisme n'est déjà plus
franchissent un pas supplémentaire : ce ne sont propre lumière et du matériau peint. En ce sens, qu'un souvenir. Il s'agit en fait d'un échafau-
que tiges nues formant des appareillages de cette Construction spatiale est à mettre en rap- dage de plans quadrilatères, lesquels sont
type technologique, pour quelque expérience port avec l'œuvre sculpturale de Katarzyna constamment mis à mal, ici par une ligne
d'ingénieur. Il ne fait pas de doute que le prin- Kobro, magnifique efflorescence de l'art nova- sinueuse, là par un zigzag, ailleurs par les boules
cipe d'économie que l'on constate dans ces teur du xx• siècle. qui semblent fixées à des tiges. Les couleurs
œuvres n'aurait pas été possible sans le supré- Les frères Vladimir et Guéorgui Stenberg sont très vives : des rouges intenses côtoient des
matisme. Les préoccupations de ces artistes qui créèrent, eux, des Constructions d'appareillage bleus, des gris, des jaunes. Les trois Coloro-
« fondent » le constructivisme sont cependant spatial (konstrouktsiya prostranstvienovo soo- constructions n° 10, 12 et 13 proposent plusieurs
tout autres que celles de Malévitch. Ils veulent roujéniya, en abrégé KPS) dont il nous reste des approches du problème : tantôt de simples
s'approprier le monde technique pour photographies, quelques dessins et les recons- lignes tiges forment des mouvements capricieux
l'affirmer ; s'ils cherchent les rythmes premiers, tructions qui ont été exécutées avec la participa- (rappelant l'esquisse du décor de Yakoulov
essentiels, à l'état nu, c'est en affirmant le tion de Vladimir Stenberg (Guéorgui est mort pour L'Échange de Claudel au Théâtre de
monde matériel. en 1933). Ces témoignages restituent assez bien Chambre de Moscou en 1918), tantôt une forme
De tous les travaux présentés à l'Obmokhou la totale nouveauté qu'ont pu constituer ces circulaire blanche où des éléments supréma-
de 1921, seule reste la Construction spatiale de structures de bois, de verre et de fer ; elles rap- tistes sont entourés de rythmes sphériques frag-
Médounetski en étain, laiton, fer peint et acier pellent les constructions technologiques qui, mentaires, tantôt un polygone blanc flotte sur

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LE CONSTRUCTIVISME

G. Stenberg, Construction d'un appareillage spatial,


KPS 13, 1919-1920. Reconstitué en 1973-1974. Fer oxydé
assemblé par boulons et soudé, verre, bois enduit et peint,
tirants en acier. 241 x 73 x 129 cm. Paris, MNAM.

G. Stenberg, Construction d'un appareillage spatial,


KPS 11 , 1919-1920. Reconstitué en 1973-1974. Fer oxydé
assemblé par boulons et soudé, fer soudé et chromé, bois
enduit, verre et tirants en acier, 237 x 47 x 85 cm.
Paris, MNAM.

un fond noir avec un léger sfumato (un peu


dans la ligne de Klioune).
Guéorgui Stenberg, outre des constructions
qui combinent les plans quadrilatères, les lignes
droites et les cercles, expose une série de
travaux tout à fait originale, ses « coloro-
constructions de matériaux », qui sont, en fait,
des collages-reliefs. Sa Coloro-construction de
matériaux n° 7 comprend du fer-blanc, du verre,
du sable sur bois. Cette œuvre est très proche
du dadaïsme européen, bien que conceptuelle-
ment issue des reliefs de Tatline. La Coloro-
construction de matériaux de l'ancienne collec-
tion Benedict, qui choisit l'ovale d'un objet
comme cadre, comporte le même assemblage V. Stenberg, Construction, KPS JI, maquette pour
V. Stenberg, Construction, 1920. Photographie
de matériaux : cette œuvre ne figure rien, sans d'une œuvre perdue. la reconstitution, 1973-1974. Bois, 83 x 28 x 41 cm.
être pour autant abstraite comme chez Tatline ; Paris, MNAM.
il s'agit plutôt d'une sorte de capriccio construc-
tiviste fait de morceaux trouvés et placés tels K. Vialov, Construction, c. 1921-1922. Bois, métal,
quels. fil de fer, 40 x 47,5 x 29,5 cm. Cologne, musée Ludwig.
L'exposition Les Constructivistes présentait
aussi, à côté de ces travaux, des constructions à
tiges et plans. Un court manifeste accompagnait
la présentation, intitulé très modestement Les
Constructivistes au monde. Le slogan mis en
exergue déclarait : « Le constructivisme
conduira l'humanité, avec une dépense mini-
male d'énergie, à maîtriser des réalisations
maximales dans la culture 1• . » A ce principe
d'économie, issu essentiellement du supréma-
tisme, s'ajoutait une revendication d'universa-
lisme, d'une « culture panhumaine » et un rejet
radical des « marécages de l'esthétisme », des
« drogues douceâtres » que sont l'art et la
beauté. C'était peu, mais c'était assez pour que
ces jeunes créateurs s'inscrivent à jamais dans le
nouveau mouvement dont ils avaient été les
pionniers. Cette phase appelée « de labo-
ratoire » a eu la brillance, la brutalité et la briè-
veté d'un météore. Les réalisations de 1921

276 277
L'AVANT-GARDE RUSSE
LE CONSTRUCTIVISME

tions du minuscule catalogue de l'exposition travailler, sérieusement, précisément. Ce sont fà


5 x 5 = 25 : Rodtchenko avait réalisé tantôt un les éléments permettant de découvrir des "amé
simple trait traversant en diagonale la feuille, riques". » Le caractère cosmogonique des
tantôt un trait en diagonale venant heurter un œuvres de Klucis est très net. S. Khan-Magomé
autre trait pour former un angle, tantôt encore dov les compare aux proounes que Lissitzky
de grandes diagonales s'entrecroisant pour for- créait au même moment à Vitebsk '. Cepen-
mer des angles, les uns vers le haut, les autres dant, si les travaux de Klucis et de Lissitzky on
vers le bas. en commun d'être des prospections spatiales
On connaît le goQt de l'auteur des mobiles avec des visées architecturales, Lissitzky reste
pour les constructions-gigogne. loganson tra- lui, dans le cadre du tableau de chevalet avec
duit le linéisme de Rodtchenko en structures des variations iconographiques issues du supré-
spatiales faites de tringles toutes simples. Dans matisme, alors que Klucis présente dans chaque
son Étude en équilibre - dont une photographie structure un microcosme qui tire son énergie du
est reproduite par Moholy-Nagy en 1929 dans macrocosme de l'Univers.
son livre La nouvelle vision : du matériau à Ayant participé aux discussions de l'Inkhouk
j
l'architecture - . les tiges qui formaient des tri- au début 1921 sur le passage de la composition
angles, des rectangles, des trapèzes, des pyra- à la construction "', Klucis créera une série de
mides, le tout totalement transparent, étaient constructions dont il ne nous reste malheureu-
appuyées sur un socle formé par une équerre sement que des photographies. Tout à son
triangulaire. Une ficelle, fixée à deux angles de enthousiasme « pour trouver de nouvelles
la sculpture et que l'on pouvait tirer, mettait en G. Klucis, Ville dynamiq~. 1919. Gouache, méthodes et formes d'art », Klucis est hanté par
K. Ioganson, Étude en balance. c. 1920. Photographie photomontage, collage et crayon sur papier,
mouvement l'ensemble des tiges qui prenait une 37,5 x 25,8 cm. Riga, Musée de Lettonie. « la facture, les constructions, les expérimenta-
d'une œuvre perdue.
autre position mais restait en équilibre. Alors tions colorées, les différents échafaudages de
relevaient encore de la création artistique mais que chez Rodtchenko le moindre souffle d'air sans-objet dont quelques-uns sont suprématistes villes fantastiques '' ».
elles allaient laisser place à la pure technique de permettait le mouvement de la structure, chez mais dont la majorité se démarque de tout ce Les constructions de Klucis de 1921 sont de
production . Les frères Stenberg, comme Ioganson cette mobilité était le résultat d'une qui se faisait alors et combine plan et volume deux types : des stabiles et des mobiles suspen-
Médounetski, se mirent alors à travailler pour le manipulation (dans une œuvre de Gabo de axonométrique. Le collage Ville dynamiq'ùe et dus. Un de ces stabiles 24 consiste en une combi-
théâtre, en l'occurrence le Théâtre de Chambre 1922, un moteur mettra en action une simple le tableau du même nom, tous les deux de 1919, naison de rectangles allongés qui s'emboîtent, la
de Taïrov. tige métallique). sont parmi les plus fortes réalisations de la ligne droite étant le principe directeur de
Le cinétisme était dans l'air en Russie à cette phase préconstructiviste. La facture y joue un l'ensemble. Klucis entend créer un système
époque : on pourra rapprocher de ces œuvres rôle essentiel : gouache, aluminium, photogra- d'équilibre où la pesanteur de l'attraction est
Karl Ioganson les disques colorés de Baranov-Rossiné pour phie, crayon forment les éléments du collage ; vaincue. Il reprend ce procédé plastique pour
son piano optophonique, mis en mouvement au du sable et du béton se mêlent à l'huile sur la son projet de stand-présentoir de journaux
L'exposition de l'Obmokhou fut aussi l'occa- rythme de la musique jouée (deux concerts planche de bois. Mais ce qui frappe dans ces tra- (1922, encre de Chine sur papier).
sion de faire connaître un autre jeune créateur, optophoniques furent donnés à Moscou en vaux, de même que dans le Tableau axonomé- Ce jeu d'équilibre est encore plus manifeste
Karl loganson. Ses travaux spatiaux, d'une 1923). trique (1920), c'est la création d'un monde plas- dans les mobiles qu'il réalise; à la différence de
grande originalité, ne connurent que deux expo- tique nouveau qui contient en lui ses propres ceux de Rodtchenko qui planaient suspendus
sitions, celle de l'Obmokhou et la fameuse énergies, son propre mouvement, sa propre vie. au plafond, ceux de Klucis étaient en état de
Erste russische Kunstausstellung à la galerie Gustav Klucis Les quelques lignes adressées le 5 janvier 1921 vol, suspendus à un fil accroché à un piton
Van Diemen (Berlin, 1922). Ioganson meurt en au peintre Valentina Koulaguina, qui deviendra enfoncé dans le mur. Dans une de ces construc-
1929. De ses« constructions techniques de bâti- Dans ces mêmes années, une autre œuvre allait sa femme, caractérisent bien les visées de tions '', on a affaire à une combinaison d'ellipses
ment » ne nous restent que des photographies, contribuer à la naissance du constructivisme, Klucis : « Celui qui a saisi la loi de la quatrième qui se déploient verticalement, maintenues dans
qui montrent que cet artiste est allé le plus loin celle du Letton Gustav Klucis. Cet artiste passa dimension se trouve auprès de toi [... ). Il n'y a un équilibre fragile par une ficelle fixée à un
possible dans la réduction des lignes à de par l'atelier de Malévitch, puis par celui de pas d'amour en général. La beauté n'est ni clou planté dans la cimaise tandis que trois
simples traits nus, bruts, sans aucune concession Pevsner. Après quelques essais cubo-futuristes basse ni haute. Ces mots proviennent de ellipses imbriquées s'appuient sur le sol. Cette
à la joliesse. Il semble avoir emprunté à Rodt- (des dessins remarquables, quelques tableaux à l'ancien monde et doivent pour cela être annihi- structure oscille donc entre état de suspension
chenko son principe plastique fondamental de l'huile tantôt pevsnériens tantôt malévitchiens), lés[ ... ). Je bâtis une réalité nouvelle qui et station verticale. Il y a quelque chose de pro-
la ligne droite tel qu'il apparaît dans les illustra- il produit en 1919-1920 une série de travaux n'existe pas encore [ ... ]. Travailler et encore fondément suprématiste dans ce jeu entre équi-

278 279
LE CONSTRUCTIVISME

libre et déséquilibre, mouvement et statique. Le branche des arts appliqués (prikladniki), et de


caractère suprémo-constructiviste est encore l'autre, les constructivistes et les production-
plus fort dans les deux Constructions nistes (proizvodstvienniki) de la revue Le Front
suspendues ,. qui sont comme des planètes de gauche.
prêtes à se mettre sur orbite dans le mouvement Le théâtre, art de l'espace par excellence, fut
universel du monde. Ces œuvres sont, à s'y un terrain privilégié pour le constructivisme.
méprendre, l'« appareil suprématiste d'un seul Les tenants de ce mouvement, refusant d'inter-
bloc, sans aucune jointure » que décrit Malé- préter les mythes du passé dans un esprit révo-
vitch en 1920 : « La poutre est fondue avec tous lutionnaire, voulurent créer un style totalement
les éléments semblablement au globe terrestre nouveau et inventer des formes appropriées à la
qui porte en lui la vie des perfections de telle finalité socio-politique du matérialisme dialec-
sorte que chaque corps suprématiste construit tique, pensée dominante du nouvel ordre social.
sera inséré dans l'organisation naturelle selon la Il nous est difficile aujourd'hui de saisir toutes
nature physique et formera par lui-même un les nuances qui opposaient idéologiquement les
nouveau satellite 27 , » artistes« qui faisaient du constructivisme ».
Pour qui en douterait encore, on ne saurait En fait, avec le recul, nous voyons se dégager,
assez souligner combien les chiquenaudes malé- dans les années vingt, deux tendances antago-
vitchiennes se répercutent dans le constructi- nistes en Russie : celle du Théâtre de Chambre
visme. Pourtant, s'il est clair que Klucis réalise (ou Kamerny Téatr) de Taïrov, et celle du
un projet suprématiste, il reste néanmoins théâtre de Meyerhold ''.
constructiviste par son choix délibéré d'une Cet antagonisme est d'ail leurs rendu plus
technologie appuyée. Cela se traduit dans des frappant si l'on considère les peintres qui ont
G. Klu<=!5, É""fe pour un haut-'!arleur, n 7, 1922. Gouache, pastel et encre sur papier, 26,9 x 17,7 cm. Coll. Costakis, inv. 360. projets d'une richesse et d'une vigueur for- collaboré aux mises en scène de ces deux salles :
G. Klu~, Proiet pour une enseigne avec haut-parleur, c. 1922. Pastel et encre d·~ Chine, 26,6 x 14,7 cm. Coll. Costakis, inv. 359.
G. KluCJs, Construction, c. 1921-1922. Lithographie, 15,5 x 22, l cm. Coll. Costakis, inv. 379. melles extraordinaires : tribunes d'orateur, au Kamerny, on trouve des artistes comme
G. Klucis, Enseigne, 1922. Gouache, pastel et encre sur papier, 27,1 x 17,8 cm. Coll. Costakis, inv. 375. kiosques-présentoirs, le fameux « radio- Alexandra Exter, Yakoulov, Vesnine, les frères
orateur » avec ses « hauts-parleurs de la Révo- Stenberg. Tous sont, en principe, des peintres
lution » installés sur des structures linéaires constructivistes : Yakoulov a créé la première
proches des sculptures de loganson mais mise en forme d'un espace construit en trans-
rehaussés par les jeux du noir et du rouge (cou- formant l'intérieur du Café Pittoresque, en
leurs paradigmatiques du suprématisme), ou 1917 ; les frères Stenberg ont signé avec
encore son installation Écran une tribune d'ora- K. Médounetski Je premier manifeste du
teur à laquelle était accroché un grand écran constructivisme en 1922 ; quant à Alexandra
servant à diffuser des slogans ou des images Exter, elle a été la première à utiliser des décors
(1922). L'œuvre de Klucis, relativement peu construits (dès 1916), et a participé à l'exposi-
abonda nte , est une des expressions les plus tion 5 x 5 = 25 organisée à Moscou en 1921 par
convaincantes du constructivisme russe. le maître du constructivisme Rodtchenko ... Or,
aucun de ces artistes n'a collaboré au théâtre de
Meyerhold, constructiviste par excellence. Chez
LE THÉÂTRE CONSTRUCTIVISTE Taïrov, ils ont tous adopté un style « roman-
tique » et utilisé une gamme colorée très riche
Dès 1919, lors du Premier congrès panrusse du pour les décors et les costumes.
théâtre ouvrier et paysan, l'avant-garde pro- Le théâtre de Vakhtangov, autre scène
clame sa lutte contre le théâtre professionnel, importante du début des années vingt en Rus-
au profit de l'action de masse. En 1920-1921, sie, offre les mêmes caractéristiques: en ce sens,
dans le cadre de I' lnkhouk, deux groupes se la mise en forme constructiviste de I. Nivinski
livrent une lutte acharnée : d'un côté, les pour La Princesse Turandot de Carlo Gozzi au
tenants d'un théâtre « pur » (tchistoviki) ou théâtre Vakhtangov en 1922 est toute impré-
ceux d'un théâtre considéré comme une gnée de sensibilité coloriste.

280
281
L'AVANT-GARDE RUSSE LE CONSTRUCTIVISME

Le Théâtre de Chambre de Taïrov après 1917

Taïrov a gardé après 1917 un répertoire qui


refusait de se soumettre aux exigences socio-
politico-idéologiques de l'après-révolution. Les
auteurs joués étaient Claudel, E.T.A. Hoff-
mann, Racine, Charles Lecocq, Chesterton,
Alexandre Ostrovski, Bernard Shaw. Par ce
refus de s'engager directement dans la vie poli-
tique, le Théâtre de Chambre a pu être consi-
déré comme en retrait, étant en ce sens moins
radical que le théâtre de Meyerhold. En réalité,
la contribution du Théâtre de Chambre au G. Yakoulov, projet de décor pour L 'Échange
constructivisme est, à mon avis, aussi impor- de P. aaudel, 1918.
tante que celle du théâtre de Meyerhold.
En 1917, juste après la Salomé d'Alexandra leur laconisme et leur ascétisme. Les matériaux
Exter, le Théâtre de Chambre donna Arlequin employés étaient le contre-plaqué, le fil de fer
Roi de Lothar, un spectacle expérimental « en et la tôle. Les couleurs étaient données par les
masques » ; les décors de Boris Ferdinandov jeux de lumières (héritage de La Victoire sur le
(acteur et décorateur injustement oublié) utili- Soleil), ce que l'artiste arménien appelle « la
saient, de façon encore plus évidente que ceux peinture lumineuse » (sviétopis') par opposition
d'Alexandra Exter, le vocabulaire abstrait à la « peinture colorée » (tsviétopis'). Cette
suprématiste. Les deux esquisses du musée peinture lumineuse était obtenue par un jeu de
G. Yakoulov, projet de décor pour Princesse Brambilla, 1920.
Bakhrouchine 29 offrent une naïveté très plai- lumières qui pouvait à tout instant transformer
sante, pleine de gaieté et de fraîcheur. Cette l'édifice scénique. Ce procédé a été repris avec
G. Yakoulov, projet de costume pour Princesse Brambilla, 1920.
appropriation de l'abstraction pour créer une bonheur et de façon systématique par Yakoulov
nouvelle « représentation », si elle fait dévier les dans sa mise en scène de l'opéra de Wagner
objectifs métaphysiques de la peinture russe Rienzi à !'Opéra Zimin de Moscou, en 1923. Un
sans-objet vers une utilisation décorative, n'en critique a parlé à cette occasion d'une véritable
démontre pas moins son efficacité. Le critique « symphonie de lumière"». Voici comment un
russe A. Efros exprime quelques réserves sur biographe de Yakoulov décrit la construction
ces décors mais estime néanmoins que toute la pour L'Échange: « Sur la scène, il y avait un
valeur du spectacle Arlequin Roi « consistait podium incliné de petite hauteur avec quatre
dans l'apprentissage par la troupe des nouveaux marches ; à gauche, se trouvait un rocher en
rythmes de la comédie, rythmes à la rapidité de forme de cône tronqué. Plus à gauche encore,
l'éclair, changeants et musicaux dont l'aboutis- sur le plancher de la scène, il y avait un arbre de
sement sera la Princesse Brambilla [de Yakou- construction fantaisiste avec de longues
lov)30 ». branches qui passaient par-dessus toute la
scène, sur un fond neutre étaient fixés le disque
du soleil et un zigzag au dessin accusé qui rap-
Georges Yakoulov pelait la masse de contours montagneux ". »
Très conscient de la nécessité de créer, après les
Si le Café Pittoresque a été un jalon capital du bouleversements radicaux de 1917, une nou-
constructivisme, les décors de Yakoulov pour velle forme de théâtre, Yakoulov écrivait en
L'Échange de Claudel au Théâtre de Chambre 1921 : « Dans le théâtre ancien, l'artiste, qui
en 1918 sont le prolongement de cette première avait la possibilité d'opérer avec les seules cou-
démonstration. De ces décors, il ne nous reste leurs, ne pouvait pas résoudre les problèmes
que des photographies, qui mettent en évidence complexes ; maintenant, il va faire des combi-

282 283
L'AVANT-GARDE RUSSE

éclectique et d'être un des protagonistes de


l'imaginisme, attaqua violemment ses décors,
Jeur reprochant de n'avoir pas su rendre l'esprit
hoffmannien.
Avec Giroflé-Girofla, le peintre inaugura une
série de travaux consacrés à l'opérette : La
Belle Hélène au théâtre d'État Pokazatel'ny
(1924) et L'ile verte au théâtre de )'Opérette
(1925). Yakoulov s'est expliqué sur l'intérêt que
présentait un genre théâtral en soi mineur. Il
appellait Giroflé-Girofla et La Belle Hélène
« un carnaval d'ordre destructeur " ». En effet,
l'opérette ne révélait jusqu'alors que l'engoue-
Scène de L'Amiral Matomoros dans Girof/é-Girojla, G. Yakoulov. projet de décor pour Giroflé-Girof/a, 1922. ment des petits-bourgeois pour les thèmes
décor de Georges Yakoulov, 1922. Gouache sur papier, 37,5 x 44,6 cm. Moscou, musée
Bakhrouchine. antiques, engouement qui se traduisait avant la
naisons non seulement avec la couleur mais d'après E.T.A. Hoffmann et Giroflé-Girofla, Révolution dans les réclames (poudre de beauté
aussi avec la construction architecturale et la l'opérette de Lecoq. Pour Signor Formica il réa- Léda, lampe électrique Saturne, cabinets parti-
construction de la figure humaine ". » lisa une construction « excentrique », dans culiers des restaurants de style égyptien ou
Yakoulov collabora comme décorateur à la laquelle le mouvement pouvait naître en pompéien, etc.). « C'est dans cette familiarité
mise en scène de plus de vingt-six spectacles, n'importe quel point de la scène grâce à des élé- sans gêne avec le classicisme qu'est Je credo de
aussi bien à Moscou qu'en province et même à ments mobiles qui évoquaient des silhouettes l'esprit petit-bourgeois 36• » Yakoulov est Je seul
Paris aux Ballets russes de Diaghilev (Le Pas ou des contours schématiques et devaient resti- artiste de l'avant-garde russe qui ait élaboré, en
d'acier). Il travailla en outre à des esquisses de tuer les divers aspects de l'œuvre d'Hoffmann : même temps, une véritable philosophie du
décors et de costumes pour un certain nombre tragique, mélodramatique et grotesque. Pour théâtre, fondée sur sa philosophie de l'art en
de spectacles qui ne furent pas réalisés (Hamlet, Yakoulov, Hoffmann a puisé son inspiration général.« Certains créent une "mode", d'autres
Le Roi Lear, Mistère-Bouffe, etc.). Il a touché à dans la peinture et la musique ; aussi, il doit être portent "ce qui est à la mode" », écrit le peintre.
tous les genres dramatiques, depuis la tragédie interprété dans un style pictural et mélodique. Il est certain que Yakoulov était de la trempe
jusqu'à l'opérette, en passant par l'opéra D'autre part, « la seconde particularité d'Hoff- des « créateurs de mode », on parle, d'ailleurs,
héroïque et le ballet, et a marqué ses créations mann est sa passion pour l'art graphique, spé- au début des années vingt, de « yakoulovisa-
de sa griffe inimitable. Chacune d'elles était un cialement les silhouettes du Français Callot" ». tion » du théâtre.
événement et provoquait des débats passionnés. Ce n'est donc pas un hasard si les esquisses des
li fut l'un des peintres principaux du Théâtre de personnages de Signor Formica ressemblent
Chambre de Taïrov, à côté d'Alexandra Exter étrangement aux dessins de Callot. La critique Alexandra Exter
et de Vesnine. En 1920, il monta avec Taïrov un futuriste, qui ne pouvait pardonner à Yakoulov
capriccio d'après E.T.A. Hoffmann, Princesse de s'être rangé aux côtés d'un théâtre trop L ' œuvre pionnière d' Alexandra Exter au
Brambilla. L'action se déroulait dans un décor Théâtre de Chambre de Taïrov s'est poursuivie
A. Exter. projet de décor pour une place à Vérone dans après la révolution de 1917. Sa mise en forme
unique coupé par des paravents et des éten- Roméo et Julie/le, 1921.
dards dont le seul jeu transformait la scène ·au de Roméo et Juliette de Shakespeare en 1921
gré des situations. C'était une véritable féerie marque une étape décisive du constructivisme
de carnaval, avec des cascades de taches multi- au théâtre. La même année, elle participe aux
colores, tourbillonnantes : l'ensemble était discussions de l'Inkhouk sur le passage de la
saturé de couleur et de mouvement. Princesse composition à la construction et expose à la
Brambilla eut un succès éclatant et fit la renom- manifestation des cinq constructivistes de Mos-
mée du peintre dans la vie théâtrale russe. cou 5 x 5 = 25. Dans Je catalogue de cette expo-
Après une collaboration éphémère avec sition, elle écrit : « Les œuvres présentées sont
Meyerhold, l'artiste rejoignit le Théâtre de
Chambre où il collabora, en 1921 et 1922, à A. Exter, projets de costumes pour Roméo et Juliette.
deux spectacles retentissants : Signor Formica Moscou, musée Bakhrouchine.

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L'AVANT-GARDE RUSSE LE CONSTRUCTIVISME

une partie d'un plan d'ensemble d'expériences est inutile de voir en eux des signes de l'époque,
sur la couleur qui résout partiellement les pro- d'y chercher les signes habituels des vêtements
blèmes d'interaction de la couleur, de sa tension renaissants. Ici tout est autre. Ici sont soudés
et rythmisation réciproques, et ceux du passage intimement les motifs italiens et orientaux, la
à la construction colorée fondée sur les lois de fantaisie du peintre et l'expérience du construc-
la couleur elle-même. » La recherche constante teur, des intuitions sur l'avenir de la mode - le
de l'artiste kiévienne est bien celle - et ce dans pressentiment du costume Art déco ' . »
toute sa création - des rapports de lumière, de Selon Efros, Roméo et Juliette ne fut pas un
la tension et de la scansion lumineuses. vrai succès, malgré, ou en dépit de la magnifi-
Roméo et Juliette succédait à l'accueil reten- cence du travail d' Alexandra Exter. Il faut tou-
tissant de la Princesse Brambilla de Yakoulov. tefois préciser que le livre d' Efros parut en
Il fallait « faire plus fort », comme l'a noté 1934, dans un contexte idéologique qui ne per-
Efros. Alexandra Exter a cherché à donner une mettait guère de louer les expériences avant-
image contemporaine du drame shakespearien gardistes.
en mettant en valeur la passion qui règne dans Un an après l'éclat provoqué par la mise en
cette pièce, passion qui s'exprime magnifique- forme de la pièce de Shakespeare, Alexandra
ment dans la série éblouissante des décors et Exter travailla avec l'audacieux chorégraphe
des costumes qui nous sont restés. Les spirales, Kassian Goleïzovski (méconnu en Occident) au
les angles droits, les zigzags, les ondulations Ballet satanique (sur une musique de Skria-
tourbillonnent de tout le baroquisme ukrainien bine). Cette version scénique ne fut jamais pré-
du peintre des Dynamiques de couleurs. Efros a sentée, et une seule esquisse (musée Bakhrou-
relaté sa visite à l'atelier d' Alexandra Exter chine) nous est parvenue. Dans le Ballet A. Exter, projet de costume pour le film Aelita, 1924. Ci-dessus et ci-dessous : Photographies du film Aelila, 1924.
quand elle réalisait ce travail : « J 'ai vu les satanique, le travail d' Alexandra Exter est défi-
maquettes d'essai, leurs variantes, leur destruc- nitivement débarrassé du « cubo-futurisme- d 'Alexandra Exter est la langue des formes
tion, les nouvelles combinaisons. Elle était tour- suprématisme ». Il se rapproche, en fait, du claires et simples, qui ne sont dissimulées par
mentée, désespérée, elle collait et détruisait, constructivisme tel qu'il triomphe cette année rien et que rien ne dissimule, des lignes libres et
prenait du bromure et des pilules, - tout lui 1922 à Moscou (chez Meyerhold, ce sont les chantantes, des plans colorés purs. Et d'un
paraissait insuffisant et inexpressif. Elle voulait spectacles constructivistes paradigmatiques du espace qui pénètre les échafaudages scéniques:
que ce fOt le cubisme le plus cubiste dans un Cocu magnifique de Lioubov Popova et de La il ne déforme ni ne mutile, il glisse à travers eux
baroque le plus baroque qui fOt. Les masses Mort de Tarielkine de Varvara Stépanova). La librement, apportant à la scène air et
colorées des matériaux, l'éclat de leurs surfaces ligne droite y règne en maître, seuls un arrondi lumière'°.»
et factures, tantôt lisses tantôt rêches, tantôt figurant un pont et deux cercles donnent un Avant de quitter définitivement l'URSS,
transparentes tantôt absorbatrices de lumière, rythme différent à cette architecture qui se res- Alexandra Exter a exécuté les extraordinaires
le jeu des volumes qui coulaient en cascades de sent des expériences des jeunes constructivistes costumes constructivistes pour le film de Proto-
degrés ou de plis déployés, tels les battants d'un de l'lnkhouk, les frères Stenberg, Médounetski zanov Aélita (1924) d'après le roman d'Alexeï
éventail, les brisures des ponts, l'un sur l'autre, ou Ioganson. Tolstoï. Comme Malévitch pour les costumes
au centre de la scène, répétées par les brisures Guéorgui Kovalenko voit dans la mise en cubo-futuristes de La Victoire sur le Soleil,
des balcons et des paliers, se multipliaient, se forme du Ballet satanique la naissance d'un nou- l' artiste a conçu là de véritables sculptures ;
décuplaient grâce aux mouvements des figures veau constructivisme chez Alexandra Exter, mais il s'agit cette fois de carcasses avec des
vêtues de costumes à la même texture com- constructivisme qu'elle va utiliser dans son tra- tiges, d'un échafaudage de rouages mécaniques
plexe , aux multiples plis, tourbillonnants et vail théâtral en Occident à partir de 1925, parti- à travers lesquels s'infiltrent espace et lumière.
s'élevant vers le ciel, sur des carcasses, leurs culièrement dans les mises en forme scéniques Cela ressemblait moins à des robots qu'à des
arrondis, langues et spirales " . » Guéorgui qu'elle réalise pour son amie la ballerine russe sculptures mises en mouvement par le corps des
Kovalenko, à son tour, parle en ces termes du Elsa Krüger (c'est pour l'appartement berlinois acteurs. Les robots apparaitront plus tard dans
travail d' Alexandra Exter : « Il serait absurde de cette dernière qu'Alexandra Exter élabora l'œuvre d'Alexandra Exter, avec les marion-
de disserter, disons, sur la forme des manches les premières « sculptures lumineuses » au nettes que l'artiste créa en 1926 pour un film -
ou la façon des jupes ou des manteaux [dans les monde à la fin des années vingt) •. Kovalenko non réalisé - du Danois Urban Gad qui voulait
costumes de Roméo et Juliette]. De même qu'il conclut : « La langue du constructivisme américaniser les thèmes de la Commedia

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L'AVANT-GARDE RUSSE LE CONSTRUCTIVISME

scénique de l'artiste kiévienne éclatait de toute vail qui correspondît mieux à Claudel. » La
Ja profusion baroque, A. Vesnine crée, lui, un série des esquisses qui nous sont parvenues
espace et des costumes tendant vers un hiéra- frappent par la force et la magie de la gamme
tisme classique. Soulignons le courage qu'eut colorée où l'artiste a su donner une interpréta-
Taïrov de monter la belle pièce du fervent tion à la fois enluminée et puissamment sobre
catholique Claudel en pleine révolution bolché- de l'époque médiévale française.
vique. Peu de théâtres se montrèrent capables A. Vesnine récidiva avec Phèdre de Racine
d'interpréter l'univers claudélien où sont bras- en 1922. Jamais sans doute la pièce du classique
sés les enjeux humains, métaphysiques, chré- français n'aura été montée avec autant de
tiens de l'Occident. A. Vesnine « choisit comme somptuosité. C'est aussi la première fois que
clef à la pièce le gothique cubiste », écrit Efros, l'on sortait une pièce du XVII° siècle de la tradi-
qui décrit ainsi l'appareillage du peintre : tion décorative pour la replonger dans )'Anti-
« Dans les constructions de ses paliers, gradins quité grecque, sa source d'inspiration première.
et piliers, il y avait le gothique des cathédrales Ce parti pris fit grincer des dents certains met-
réduit aux formes premières. Ses costumes teurs en scène et critiques français quand
étaient cette même architecture gothique sur un Phèdre fut montrée à Paris, lors de la tournée
corps humain. Ils n'aidaient pas l'acteur mais du Théâtre de Chambre en 1923 42 • André
déterminaient eux-mêmes la silhouette et les Antoine déclara d'ailleurs que les méthodes
gestes de celui-ci. Le mouvement et la voix sem- destructrices du théâtre de Taïrov pourraient
blaient être tapis dans l'architecture de ces cos- avoir une influence néfaste sur le théâtre en
tumes. On ne pouvait pas se représenter de tra- général. Toutefois, beaucoup de Français,
Décor de L'Annonce faite à Marie, représentation donnée à l'institut Jaques-Dalcroze en 1913.

A. Vesnine, projet du costume de Marie pour L'Annonce A. Vesnine, projet du costume de Pierre de Craon pour
faite à Marie, 1920. L 'Annonce faite à Marie, 1920.

dell'arte". Dans ce domaine, on avait connu les mades, morceaux d'objets, etc.). Jamais l'œuvre
expériences de Picasso pour Parade d'Éric Satie de cette artiste n'aura été si débridée, profuse,
aux Ballets russes ; Sophie Tiiuber-Arp avait baroque, joyeuse.
aussi créé des personnages pour une pièce de
Gozzi en 1918 à Zurich.
En R ussie même, l'utilisation de marion- Alexandre Vesnine
nettes par des artistes n'était pas nouvelle.
Ainsi, Yakoulov avait surplombé l'estrade du Alexandre Vesnine fut sans conteste le second
Café Pittoresque d'élégantes figures en papier- grand peintre-décorateur du Théâtre de
mâché dans son style calligraphique inimitable. Chambre, après Alexandra Exter. Cet artiste
Pougny avait imaginé des hommes et des était aussi architecte (comme ses frères Viktor
femmes-sandwichs dadaïstes pour un bal du et Léonide), ce dont se ressentent les construc-
Sturm à Berlin en 1922. Cependant, la série de tions qu'il réalisa pour L'Annonce faite à Marie
marionnettes d'Alexandra Exter conjugue à la de Claudel (1920) et Phèdre de Racine (1922).
fois les acquis du cubo-futurisme (géométrisa- Les décors et costumes de L 'Annonce faite à
tion et dynamisme) et du constructivisme Marie sont dans la ligne du cubo-futurisme
(mécanisation) au dadaïsme le plus pur (utilisa- suprématiste d'Alexandra Exter (Thamira le
tion de tous types de matériaux, bruts, ready- Citharède et Salomé) mais, alors que l'œuvre

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L'AVANT-GARDE RUSSE LE CONSTRUCTIVISME

remplacés par des surfaces planes ; et qu'au lieu


d'une toile de fond on avait une lumière pro-
fonde et puissante, où passaient tour à tour des
plans rouges, jaunes ou noirs en forme de voile R\CAN LAWORKS
irrégulière aux contours anguleux.
Ce n'était plus de l'archéologie, ce n'était pas
un exercice de style, une de ces copies de vase
antique qu'on aime tant dans les mises en scène
historiques. Le véritable esprit de la Grèce était
rendu par un rejet extérieur de cet esprit, par
les ruptures de lignes, par l'harmonie des taches
de couleur et des constructions, par des moyens
étonnamment simples, un changement de la
Photographie d'une représentation de Phèdre, décor
d'A. Vesnine, 1922. voile, jaune pour les souffrances de Phèdre,
d'un rouge tranquille à l'apparition de la jeune
comme Cocteau ou Uger, furent impressionnés Arice, noire au dernier acte, celui de la faute et
par le choc des contrastes colorés. de la fin tragique d'Hippolyte et de Phèdre•3• »
N. Guiliarovskaya, grande historienne du Après la flamboyance formelle et colorée de
théâtre des années vingt, a fait remarquer Phèdre, Vesnine introduisit chez Taïrov le
qu'après L'Annonce faite à Marie, où A. Ves- constructivisme squelettique (qui avait triom-
nine avait résolu un « problème théorique de phé chez Meyerhold en 1922 avec Le Cocu
volume » dans un esprit cubo-futuriste supré- magnifique et La Mort de Tarielkine), avec le
matiste, il s'était attaché, dans Phèdre, à un dispositif - la carcasse - qu'il conçut en 1923
« problème de construction abstraite de pour Le Nommé Jeudi d'après Chesterton.
l'espace » et de « perception de l'espace » : C'était une ossature qui rappelait le chantier en
« C'est pour cela que le plateau de scène était construction de quelque tour Eiffel avec un jeu Photographie d'une représentation de L •Homme nommé Jeudi, décors d' A. Vesnine, 1923.
brisé de façon que chaque pas de l'acteur don- de verticales dominantes et de pentes en diago-
nât à celui-ci une nouvelle construction verti- nales, de rouages. L'échafaudage construit par teurs fixait le lieu du déroulement de l'action les costumes et les grimes tenaient compte de
cale : c'est pour cela que les plafonds étaient l'artiste était démontable et transformable. Des principale au moment voulu 44. » l'époque où se déroulait l'action (le monde
ascenseurs montaient et descendaient ; une par- russe de la classe des marchands). 11 consistait
tie du décor, grâce à des réclames lumineuses, en une sculpture de l'espace scénique par des
A. Vesnine, projet de décor pour Phèdre, 1922.
Gouache, carton et papier, 45 x 56,5 x 36,5 cm. Vienne, se transformait en bar. Les frères Stenberg tiges verticales, avec un palier horizontal sur
Musée du Théâtre. Écoutons l'artiste se rappeler son travail lequel s'appuyait une pente, tandis qu'une
d'alors:« Je m'étais fixé pour tâche d'utiliser au Quand A. Vesnine, en bon constructiviste, demi-circonférence au centre et quelques
maximum l'espace scénique en trois dimensions abandonna I'« art de chevalet » pour les cintres tronqués dynamisaient un échafaudage
pour que l'action se déroule à un rythme extrê- rythmes nus des carcasses à trois dimensions, réduit au minimum. Au fond, les appareillages
mement rapide. Il était indispensable de faire cette étape constitua un tournant pour le sculpturaux des Stenberg présentés à l'Obmo-
six changements à vue. Aussi toute l'action théâtre de Taïrov, qui fit désormais appel aux khou en 1921 étaient ici appliqués à l'espace
s'appuyait-elle sur un dispositif constructif frères Stenberg et à Médounetski, les premiers théâtral. Pour la Sainte Jeanne de Bernard
mécanisé avec des ascenseurs, des trottoirs rou- jeunes constructivistes déclarés en janvier 1922. Shaw, la même année 1924, les frères Stenberg
lants, un plateau tournant et descendant, etc. Le Avec L'Orage, pièce naturaliste d'Ostrovski privilégièrent la transparence de l'architecture à
rythme rapide de l'action scénique exigeait (xtx< siècle), les frères Stenberg poursuivirent la tiges : « Le gothique français apparaissait dans
qu'on ait des personnages très caractérisés, dont mécanisation de la scène. Efros a noté que le le rythme extrêmement léger de fines pou-
l'image se fixe dans la mémoire. C'est pourquoi minimalisme nu des décors renouait avec celui trelles. Ils [les frères Stenberg] représentaient
les costumes et le maquillage étaient réalistes, de Yakoulov dans L'Échange (1918), « mais ce des colonnes. Leur forêt ajourée se tenait dans
légèrement caricaturaux. La couleur était utili- n'était plus un squelette sec, c'était le laconisme l'air et la lumière. En bas, il y avait des traverses
sée comme un moyen d'accentuation, en même d'une formule 0 ». Une concession fut faite de la même légèreté. Elles formaient des balus-
temps que la lumière concentrée des projec- cependant à la rigueur mécaniciste du décor : trades, des bancs, des tréteaux, des appa-

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L'AVANT-GARDE RUSSE LE CONSTRUCTIVISME

faire de l'art dramatique « un écho du temps vie culturelle en Russie soviétique, ne conce-
passé » et rêvait, en même temps que Valéri vaient pas plus que lui la vie en dehors de la
Brioussov ou Viatcheslav Ivanov , de voir création artistique, source d'un enthousiasme
renaître un art total à la manière du théâtre perpétuel.
antique, comment cet homme de scène s'est-il Les artistes qui ont travaillé chez Meyerhold
immédiatement rangé aux côtés du nouveau se sont adaptés à ses exigences de dépouille-
pouvoir, créant un nouvel art tourné vers ment total, au refus de toute allusion à une
l'actualité, la politique, l'agitation, la propa- culture picturale de type symbolique ; ici, le
gande tendancieuse ? Est-ce par opportunisme, créateur devait se transformer en ingénieur de
comme de nombreux critiques l'ont affirmé ? la scène. Deux spectacles, parmi beaucoup,
Meyerhold était pourtant sincère quand il illustrent cette collaboration entre un metteur
voyait dans la Révolution la naissance d'un en scène pliant l'acteur aux exigences de la bio-
monde nouveau qui ouvrait des perspectives mécanique et un peintre construisant le décor
grandioses, donnait des possibilités artistiques comme un architecte, un sculpteur et un maître
encore jamais entrevues, un monde qui l'aida à d'œuvre. Par « biomécanique », Meyerhold
se débarrasser des hésitations, des contradic- entendait le travail sur le corps permettant
tions et des échecs de ses premières recherches, d'exprimer toutes les émotions non par un
pour créer une œuvre personnelle, dont peut mimétisme psychologique (à la manière de
s'enorgueillir à juste titre le théâtre russe. l'école stanislavskienne), mais par une gestuelle
Meyerhold s'en explique lui-même dans une organique recueillant en elle toute la tension du
conversation qu'il eut le 27 mai 1936 avec les rythme. Le spectacle meyerholdien est en quête
membres du théâtre d'initiative : « Depuis long- du mouvement essentiel à l'origine de l'acte
G. et V. Stenberg, projet de décor pour L'Orage, 1924. Gouache sur carton, 34 x 58,5 x 31 cm. Vienne, Theater Museum. temps je suis un ennemi du naturalisme, théâtral.
approximativement depuis 1905, quand je com- Dès 1914, Meyerhold avait brisé le cadre tra-
reillages grillagés qui servaient aussi bien pour au service de l'établissement du communisme mençais à écrire des articles et à jouer ... ditionnel de la boîte scénique en créant un
le tribunal, la cathédrale ou le palais ... » (il était d'ailleurs inscrit au parti communiste). Comme vous le savez, chaque homme, qui se espace autonome, une carcasse faite d'escaliers
Le style constructiviste des frères Stenberg Un de ses biographes pouvait écrire : bat passionnément contre quelque chose, pour les Tréteaux de foire d'Alexandre Blok. II
s'empara du théâtre de Taïrov jusqu'en 1931, « V.E. Meyerhold appartenait au nombre de ces dépasse la mesure ... À cette époque, l'école des avait toujours fait appel aux peintres, selon une
interrompu seulement par l'extraordinaire hommes de théâtre qui, ayant suivi une voie symbolistes luttait contre le naturalisme ; dans tradition bien établie du théâtre russe depuis la
effervescence calligraphique des costumes et importante et difficile dans l'art des années pré- la peinture existait un courant appelé "impres- fin du x1x• siècle. Avant la Révolution, Le Bal
décors de Yakoulov pour le mélodrame de révolutionnaires, ont en même temps senti avec sionnisme", qui lui aussi avait pour but de se Masqué de Lermontov en (1917), pour lequel
Globa, Rosita, en 1926. La revue Koukirol une particulière acuité et dès les premiers jours battre contre le naturalisme. Cela veut dire que travailla le peintre Alexandre Golovine est
(1924), Le Singe velu et L'Amour sous les d'Octobre, la force victorieuse et stimulante de l'impressionnisme, le futurisme, le symbolisme, resté dans les mémoires. Au moment de
ormes de O'Neill (1926), Jour et nuit de Lecoq la révolution prolétarienne. Pendant les toutes sont ces sphères auxiliaires, d'où j'ai tiré sur I'« Octobre théâtral», il y eut, certes, des tâton-
(1926) ou L'Opéra de quat'sous de Kurt Weill premières années qui suivirent Octobre, il ne scène ces mêmes procédés. » .. Représentation des Tréteaux de foire de Blok dans la mise
(1930) sont tous marqués par le style « années s'est pas seulement inséré dans l'organisation La contradiction de Meyerhold réside dans le en scène de Meyerhold, 1914.
vingt » : pauvreté recherchée de l'appareillage du théâtre soviétique de la manière la plus fait que son inscription au parti était purement
et des costumes, une gamme évitant les profu- active, mais encore il a proclamé avec une éner- nominale, non par hypocrisie mais parce qu'il
sions coloristes, un esprit rappelant le cinéma gie extraordinaire son empressement et même ne voyait pas là un problème. Il n'avait, en effet,
expressionniste de l'époque. plus, son désir passionné d'assujettir l'art théâ- aucune notion de l'idéologie bolchévique et ne
tral à la consolidation de l'idée communiste".» l'a jamais mise en scène, ce qui fit Brecht plus
Prenant pour modèle le théâtre d'initiative, tard. Pour Meyerhold, ainsi que pour beaucoup
Le théâtre de Meyerhold Meyerhold multiplie les expériences de théâtre- d'artistes de cette époque, seule importait la
meeting, utilisant des formes révolutionnaires Révolution en soi, le soulèvement des masses,
Quand Meyerhold fut nommé à la tête de la imprévues, par moment excentriques, brisant cet élan de régénération et de joie appelé à
Section théâtrale du Commissariat populaire à les règles traditionnelles de la représentation. mener les hommes vers leur bonheur ici-bas.
l'instruction en 1918, il déclara l'« Octobre Comment ce même Meyerhold, qui avait publié Les peintres qu'il invita à collaborer à ses spec-
théâtral », mettant toute son énergie créatrice en 1913 son recueil d'articles Du théâtre, voulait tacles, qui furent toujours des événements de la

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L'AVANT-GARDE RUSSE
LE CONSTRUCTIVISME
,t:y
Tel est le projet qu'ont réalisé Meyerhold et
les peintres-constructeurs qui ont travaillé avec
lui. Cette démarche, dont l'héritage n'est pas
épuisé, nous est infiniment précieuse. Le reste
est du domaine de l'utopie, une utopie qui a
tourné au tragique.

Autres expériences de théâtre « prolétarien ,.

L. Popova, scénographie pour Le Cocu


La Mort de Tarit!lkine, Théâtre de Chambre de Moscou,
La conviction selon laquelle l'art prolétarien
magnifique, 1922. L Popova, projet de décor pour La Terre cabrée,
décors de V. Stépanova, 1922. Photographie. 1923-1924. Photomontage, gouache, journal sur contre- devait être fondé avant tout sur les valeurs phy-
plaqué, 49 x 82,7 cm. Coll. Costakis. siques de l'acteur et devait rester étranger au
nements, des expériences ratées, des hésita- visme romantique ,. à la manière d'Alexandra développement psychologique de l'image, était
tions, des mécomptes. Meyerhold demandait Exter. C'est véritablement en 1922, avec Le Le spectacle La Terre cabrée (Zemlia dybom) largement répandue dans la Russie révolution-
des travaux préparatoires à plusieurs peintres à Cocu magnifique de Crommelynck et La Mort de 1923 cherchait à réunir le « montage de naire. Stanislavski s'en fait l'écho dans un cha-
la fois. Les essais de collaboration avec Malé- de Tarielkine de Soukhovo-Kobyline, que l'action » (Meyerhold), le « montage de la pitre de Ma vie dans l'art, percevant combien
vitch, Yakoulov et les frères Stenberg, en 1918- Meyerhold atteint la pleine idée d'un théâtre scène ,. (la construction de Lioubov Popova) et son système dans son entier était visé : « Beau-
1920, ne portèrent aucun fruit. Le travail de constructiviste radical : union de la bioméca- le « montage du discours ,. (le texte de Trétia- coup ont décidé que l'émotion vécue, la psycho-
V. Dmitriev pour Les Aubes d'Émile Verhae- nique pour le jeu des acteurs, du texte et de la kov). Ces trois éléments étaient traités avec la logie appartiennent typiquement à l'art bour-
ren était encore dans la ligne du « constructi- construction scénique, formant un monde auto- plus grande sobriété. On revient à des unités geois, tandis que l'art prolétarien doit être
nome ayant sa propre justification intrinsèque. minimales pour donner une expressivité et un fondé sur la culture physique de l'acteur. De
L Popova, projet de costume pour Le Cocu magnifiqut!, De là l'accusation de formalisme qui sera faite dynamisme maximum : réduction du jeu de plus, les vieux procédés scéniques, basés sur les
1922. Gouache et collage sur papier, 32,7 x 23,8 cm.
plus tard à cet art qui refusait d'être un reflet de l'acteur au geste-rythme, du discours drama- lois organiques de la nature créatrice, sont
la vie quotidienne et entendait proposer une tique au mot-geste, de l'appareil scénique à la déclarés réalistes et, par conséquent, vieillis par
nouvelle image de la réalité. Le travail de Liou- ligne-action. le nouvel art, art de la forme conventionnelle
bov Popova pour Le Cocu magnifique et celui Je citerai ici B. Arvatov, en éliminant dans extérieure. Le culte de cette forme est entre-
de Varvara Stépanova pour La Mort de Tariel- son discours ce qui relève de l'idéologie et en ne tenu par la propagation de cette idée, que ce
kine sont exemplaires de la révolution apportée retenant que l'essentiel; ce qui est dit alors nouveau genre d'art scénique répond aux goOts
par Meyerhold à l'art scénique. Le peintre de reste valable aujourd'hui et touche aux ques- et à l'entendement du spectateur prolétarien,
chevalet s'est fait ici constructeur. Il refuse tout tions essentielles du théâtre : pour qui, paraît-il, sont indispensables des pro-
esthétisme. C'est donc la sobriété qui règne. « Le théâtre est l'organisation de la vie théâ- cédés, des méthodes de jeu tout à fait
L'ascétisme même. Le jeu des lignes droites trale (... ]. Cela veut dire construire un théâtre autres ... 49 ». En effet, pour les artistes de
strictes domine. On a comparé la construction conforme à la finalité de la société, évoluant gauche, la conscience prolétarienne - conscience
de Lioubov Popova pour Le Cocu magnifique consciemment dans la même foulée que la vie. qui se voulait essentiellement matérialiste - ne
aux agrès et accessoires de l'acrobate de cirque. Cela veut dire ne pas partir des formes toutes laissait aucune place pour la subjectivité, l'indi-
Plus de joliesse qui caresse l'œil; l'appareil scé- prêtes mais des problèmes conscients à vidualisme, l'intuition et autres choses de ce
nique doit être fonctionnel, utilitaire. Dans La résoudre [... ]. C'est la mise en forme construite genre. L'art prolétarien devait se créer sur des
Mort de Tarielkine, Varvara Stépanova a voulu de la dynamique réelle des matériaux confor- bases matérielles et physiques. En 1918,
montrer les objets dans leur contenu utilitaire mément au problème à résoudre, qui est chaque Georges Annenkov publie dans L 'Art de la
c'est pourquoi elle a inventé de véritables objet~ fois nouveau (... ], sans être asservi aux clichés Commune le manifeste du théâtre nouveau,
de l'environnement quotidien : chaises, tables, scéniques, sans le carcan de ce qui est considéré dont le music-hall apparaît comme l'expression
fauteuils, paravents. Mais ils ne sont pas mon- comme "théâtral", sur les fondations de l'expé- suprême. Le renouvellement théâtral doit se
trés isolément, ils existent en fonction de l'appa- rience scientifique des matériaux du théâtre : produire aussi par un retour à une pure
reil scénique et sont tous faits dans le même l'homme en mouvement, le volume, la lumière, méthode dans le jeu de l'acteur. Faisant écho à
matériau pour éviter toute dérive esthétique ; etc. La forme sera déterminée par la connais- Marinetti - qui terminait ainsi son Manifeste
l'objet en tant que tel n'est pas intéressant, sance du matériau et les problèmes posés par la technique de la Littérature futuriste du 11 mai
/1 nnnino..t 1or. seules comptent sa destination, sa fonction. construction. ,. 1912 : « Après le règne animal, voilà le corn-

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L'AVANT-GARDE RUSSE LE CONSTRUCTIVISME

mencement du règne mécanique. En connais- chez lui une sorte de déchaînement orgiaque ser ses conceptions du « théâtre jusqu'au bout».
sant et en aimant la "matière", dont les hommes qui lui fait considérer le théâtre comme un art II lui fut d'autant plus facile d'arranger cette
de science ne peuvent connaître que les réac- total où tout est possible, où tout la force créa- « pièce » à son goftt qu'il n'était question en
tions physico-chimiq ues, no us préparons la trice de l'homme, son élan vital, sont bénéfiques réalité que d'une sorte de scénario, une
création de l'homme mécanique, a ux parties sans distinction. D'où cet hymne - tout à fait ébauche. Annenkov ajouta d'ailleurs de nou-
interchangeables » -, Anne nkov écrit : marinettien - à l'énergie, à l'audace, à la veaux personnages : le Bouffon du diable, le
« L'acteur sur scène cesse d'être un homme, un machine, à la technique, au dynamisme. Plus âgé, et le Diable vertical, joués par les
être vivant, doué d'un psychisme humain, d'une Dans son Atelier expérimental héroïque, Fer- artistes de cirque Delvari et Carloni.
parole viva n te h umaine, d'une apparence dinandov poursuivit les mêmes visées que Au Prolietkoult on se livra à des réalisations
humaine ; il entre dans le corps de l'action ... à Foregger. En 1922, sa Fabrique de l'acteur du même genre. En ce sens, ces artistes furent
l'égal des machines, comme un quelconque excentrique (FEKS) proclamait un nouvel art les disciples d'Annenkov. Ostrovski fut, sans
mécanisme de mouvement"'.» théâtral « sans majuscule, sans piédestal et sans conteste, l'auteur le plus souvent adapté. Ser-
Ainsi, en tant que membre de la nouvelle feuille de vigne ». Le premier spectacle donné gueï Eisenstein lui-même avait d'ailleurs pro- 1. Nivinski, projet de décor pour Princesse Turandot, 1922.
société collective, l'artiste a le devoir de repré- par FEKS fut Le Mariage, d'après Gogol, où posé, en 1923, une représentation toute person- Aquarelle sur papier. Moscou, musée Bakhrouchine.
senter l'homme dans ses mouvements, ses mani- intervenaient, pêle-mêle, « l'électrification de nelle de la pièce Il n'est sage qui ne faille du
festations extérieures, ses rythmes physiques, Gogol », la théorie de la relativité d'Einstein, le grand dramaturge naturaliste russe. Il en fit une d'œuvre) utilisait une construction scénique du
afin de revenir à une norme valable pour tout le mélodrame, le cirque, les variétés, le guignol. farce dont les héros étaient les protagonistes de décorateur 1.1. Nivinski. Autour d'une colonne
monde, à un« type». On n'hésite pas à soutenir Dans cette pièce (appelée pour l'occasion« truc l'actualité politique : Kroutitski revêtait le centrale furent imaginées des surfaces obliques
les positions les plus extrêmes : le prolétariat en trois actes ») Ferdinandov visait à élargir le masque du général Joffre, Mamaïev celui d'un qui permettaient de transformer les côtés de la
doit se libérer de toute vie spiritue lle, inté- champ d'action d u théâtre, y faire entrer tous lord anglais, un autre personnage ressemblait à scène. Au premier abord, ce dislocage surprend,
rieure, pour ne se reconnaître que dans la vie les arts, pour qu'il en résulte un spectacle total ; Milioukov, tandis qu'un autre encore représen- mais on peut vite distinguer un premier plan, un
matérielle de la fabrique, de l'usine, des han- il utilisa, dans ce but, des prestidigitateurs, des tait une femme du monde fervente admiratrice arrière-plan, une scène inférieure et une scène
gars, de l'électricité. En 1919, dans L'Art de la danseurs sur corde, des parades, des chanson- de Raspoutine. La scène comportait principale- supérieure, qui peut être une maison, une gale-
Commune, Pounine écrivait : « Il est flatteur nettes ... ment des appareils de gymnastique et l'action se rie ou une porte : « Toute l'architecture a un
pour nous de ne pas avoir d'idéaux et de ne pas Ce travail fait partie de toute une entreprise composait de numéros d'acrobatie. Au-dessus caractère fortement cellulaire, note Fülôp-Mil-
croire au diable, mais encore plus d'être sans d'adaptation des œuvres classiques, qui remonte des spectateurs était tendu un fil de fer sur ler, elle agit comme la carcasse calcaire d'un
vie intérieure ; nous regrettons seulement que à la célèbre mise en scène du Premier bouilleur lequel les artistes faisaient de l'équilibrisme. monstre des profondeurs qui doit être ressenti
tout cela soit exagéré : nous ne sommes pas de Tolstoï par Annenkov au théâtre de !'Ermi- En automne 1920, le Prolietkoult de Moscou avec vie". ,. Les effets de lumière, les rideaux
mathématiquement assez purs, ni assez organi- tage en septembre 1919. Pour cette représenta- réalisa une autre mise en scène très célèbre que l'on tend de façon variée, ajoutent à l'illu-
sés, ni assez forts et magnifiques pour réelle- tion, Annenkov fit venir des artistes de cirque d'après un récit de Jack London, Le Mexicain. sion de l'espace.
ment être des gens sans vie intérieure et sans pour tenir certains rôles : l'écuyer-acrobate Del- Eisenstein et V.S. Smychliaïev « actualisèrent » Dans Princesse Turandot, Vakhtangov a pu,
idéaux. » Car la lutte entre l'art du passé et l'art vari et l'homme-caoutchouc Carloni. Il s'agissait le récit et lui donnèrent la forme d'un inter- avec la collaboration de Nivinski, briser le pla-
de la Révolution opposait l'esprit et la matière. pour lui d'une démarche esthétique pour réali- mède d'agitation. Le troisième acte figurait un teau scénique classique, créer une scène unique
Il y avait une logique dans tout cela, logique qui combat de boxe où s'opposaient deux adver- et originale. Il exigeait d'ailleurs que tous ses
allait aux limites de l'inhumain et de l'absurde. S. Eisenstein, projet de décor pour La Maison des cœurs saires symbolisant, l'un le prolétariat, l'autre le acteurs se familiarisent avec la technique théâ-
brisés (texte de Bernard Shaw), 1922. Gouache sur papier. capitalisme. Les esquisses d'Eisenstein mon- trale. Voici ce que Gortchakov, un de ses
Peut-être le metteur en scène Foregger a-t-il
exploré le plus loin cette voie. Dans son Atelier trent combien le futur cinéaste avait assimilé les élèves, rapporte: « Grâce à Vakhtangov, toute
libre (1922), appelé aussi Mastfor, c'est-à-dire données formelles de son époque pour les la technique, tous les matériaux, les instruments
Atelier de Foregger, il s'efforce de réduire le mettre au service d'une ironie féroce et d'un et les appareils m'étaient devenus familiers et
théâtre aux acrobaties et aux variétés. Il esti- esprit satirique. indispensables dans ma pratique de metteur en
mait que la parodie, les clowneries, les scènes Le metteur en scène Evguéni Vakhtangov scène. Le rabot et le ciseau, les clous, les vis à
d'excentricité constituaient le meilleur moyen fut lié au Troisième studio du Théâtre artis- bois et la colle forte, le papier mâché et la
de détruire le vieux théâtre. La cacophonie tique de Stanislavski. Ses origines théâtrales corde, les câbles et les poids, le système des
remplace la musique orchestrale, une danse de sont celles du réalisme intérieur. Dans ses pre- poulies, les couleurs de toute nuance et de toute
machines les ballets. Le music-hall prolétarien, mières mises en scène, on trouve déjà la trace composition chimique, le crêpe, le papier
tel est le but vers lequel doivent tendre les de son attirance pour un certain constructi- d'étain et le tulle, le "canon" et le "pistolet" des
artistes du Mastfor. Foregger parle de théâtre visme théâtral. En 1922, sa mise en scène de électriciens, le fanon de la baleine et la carcasse
électrique, de gesticulation industrielle. Il y a Princesse Turandot de Gozzi (son chef- du costumier, et les dizaines d'autres objets,

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L'AVANT-GARDE RUSSE

laquelle Zanguézi s'adressait au peuple [il était


joué par Tatline lui-même], Tatline projeta les
tableaux du fond, dans sa terminologie "les
I arrière-plans matériels", ainsi qu'une machine
appelée " lvierny-vyviemy" d'après un vers de
Zanguézi [que l'on pourrait traduire par:
"Retourne les entournes"], machine qui pouvait
mettre en mouvement ces "arrière-plans maté-
riels". L'élément principal de la pièce était
"l'entassement des plans" : c'étaient des
planches que Tatline avait peintes à tempera.
Elles devaient représenter les sons de la
"langue stellaire" et étaient amenées sur scène
aux endroits voulus pendant le déroulement du
spectacle, accompagnées de deux projecteurs
qui faisait se concentrer l'œil du spectateur sur
elles 5'. » Ce travail de Tatline est une étape
capitale de son itinéraire, entre la Tour à la
11/e Internationale et le futur appareil volant des
années trente, le Létatline : il nous reste encore,
La Chatte, Ballets russes de Diaghilev, 1927, décors de N. Gabo et A. Pevsner. Paris, bibliothèque de l'Opéra Garnier.
à travers les esquisses et les témoignages qui
nous ont été transmis, l'exemple même d'une le Pas d'acier, Ballets russes de Diaghilev, 1927, décors de G. Yakoulov. Paris, bibliothèque de !'Opéra Garnier.
utopie, celle de vouloir, par ce spectacle, rendre
l'œuvre de Khlebnikov accessible aux masses.
V. Tatline, projets de décor pour Zanguizi, 1923. Crayon C'est aussi un acte prophétique dans la mesure
sur papier, 34,9 x 50,9 cm. Moscou, musée Bakhroutchine.
où ce qui s'est fait là, les formes qui en sont
étaient devenus pour moi des aides fidèles dans nées, possèdent toujours des énergies concep-
mon travail sur la scène ".» tuelles et artistiques qui pourront donner peut-
On ne saurait passer sous silence ici le travail être l'impulsion pour faire naître de nouvelles
de mise en forme théâtrale que fit Tatline en organisations de l'espace.
1923 pour la « sur-nouvelle » Zanguézi de
Khlebnikov. Pour le premier anniversaire de la
mort du grand poète (été 1922), le musée de la Les Ballets russes de Diaghilev
Culture artistique de Pétrograd organisa une
commémoration solennelle sous la forme Diaghilev était à l'écoute de tous les. « bruits du
d'expositions, de conférences, etc. Surtout, il fit temps ». Par son entreprise théâtrale, il a
réaliser la théâtralisation du poème dramatique déclenché, juste avant la guerre de 1914, une
Zanguézi, une somme poétique où sont bras- véritable offensive du lyrisme, de la féerie, de la
sées toutes les langues, de la transmentale à la grandeur, du luxe décoratif contre les forces de
langue des étoiles en passant par celle des décadence, contre la routine et le conformisme
oiseaux, l'espace, le temps, l'histoire du bourgeois.
monde ... La « sur-nouvelle » comporte Il décrit ainsi la vie artistique de Moscou à
soixante-seize parties, ou « entassements de cette époque : « Vingt écoles naissent en un
plans verbaux ». Evguéni Kovtoune décrit en mois. Le futurisme, le cubisme, c'est !'Anti-
ces termes la mise en forme de Tatline pour ce quité, la préhistoire. En trois jours on est pom-
spectacle qui fut donné trois fois, les 11, 13 et 30 pier. Le motorisme détrône l'automatisme pour
mai 1923 au musée de la Culture artistique:« À être surpassé par le trépidisme et le vibrisme,
côté de la construction principale, à partir de qui bientôt n'existent plus, car surgissent le pla-

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L'AVANT-GARDE RUSSE LE CONSTRUCTIVISME

nisme, le sérénisme, l'exacerbisme, l'omnisme Mais il fait abstraction de l'image visuelle d'un
et le néisme. Des expositions s'organisent dans corps ; il en exprime la structure interne. C'est
les palais et les mansardes. Des duchesses admi- ainsi que les deux statuaires déclarent qu'ils
rent, dans des greniers, des toiles nécairistes à la reconnaissent la ligne comme une direction
lueur de quatre chandelles posées à même le rythmique et non comme un facteur figuratif. Ils
sol. Et les grands propriétaires prennent à nient que la masse puisse exprimer l'espace.
domicile des leçons de métachronisme 54 • » Seule la profondeur constitue à leur gré un élé-
Si Diaghilev a su tirer parti du snobisme de la ment spatial virtuel. Ils prétendent enfin disso-
société pour maintenir le niveau élevé de son cier la notion de volume de la notion de la
théâtre, dans le même temps, il en a fait le lieu masse compacte 56 • »
d'expérimentation de tous les « ismes » de l'art. L'impulsion donnée par Tatline sur Pevsner
Le constructivisme lui-même a fait une appari- et Gabo est évidente, malgré leurs dénégations
tion éclatante aux Ballets russes ; ce sera, en ultérieures. Leurs visées étaient, certes, fonda-
1927, La Chatte, ballet de Sauguet, dont les mentalement différentes : Tatline n'est pas un
artistes-constructeurs furent Pevsner et Gabo sculpteur. Pevsner et Gabo, eux, ont maintenu
et, la même année, Le Pas d'acier, ballet de Pro- dans toute leur création une tension entre figu-
kofiev, pour lequel Diaghilev fit appel au ration et abstraction, apparent et inapparent.
peintre Yakoulov. Gabo, en plaçant telle « Tête » à l'encoignure
La Chatte de Pevsner et de Gabo est un spec- d'un mur, répète, en sculpture, le geste du Qua-
tacle qui n'eut pas son pareil dans les années drangle noir de Malévitch et des « reliefs angu-
vingt, aussi bien en URSS qu'en Occident. Les laires» de Tatline en 1915. De même, Pevsner
deux signataires du Manifeste réaliste eurent ici privilégie dans les années vingt le « haut-relief
l'occasion de mettre en œuvre publiquement projeté sur un fond peint », et met en valeur
leur « technique de la profondeur », de libérer « les surfaces polies comme des plaques de

le bloc de la masse, de faire jouer dans ses mul- verre en les faisant jouer sur des fonds laqués
tiples facettes la transparence lumineuse, toutes d'une manière somptueuse"»; par ces moyens,
visées qu'ils n'avaient cessé de proclamer à tra- il prolonge, en l'affinant, le système plastique
vers les constructions sculpturales qu'ils réalisè- des « assemblages de matériaux » créés par Tat-
rent après leur exposition mémorable à la gale- line.
rie Percier à Paris (Constructivismes russes. Quand ils abordent leur travail pour La
Gabo et Pevsner, 1924). Lors de cette exposi- Chatte, les deux artistes ont donc une expé-
tion, les deux artistes s'étaient démarqués avec rience de sculpteurs déjà affirmée. La construc-
netteté du constructivisme tel qu'il se pratiquait tion scénique et les costumes du ballet d'Henri
en Union soviétique. Waldemar George pré- Sauguet, ainsi que le travail de Pevsner et
sente cet événement en ces termes : « Égarés un Gabo, apportent une nouvelle dimension au
temps par des influences venues de l'Occident constructivisme théâtral tel qu'il se développe
et enclins à généraliser, certains artistes russes en Union soviétique, particulièrement chez Taï-
A. Pevsner, Fontaine, 1925. Celluloîd, 20 x 40 cm. Zurich, A. Pevsner, Figure, 1925. Cuivre, h. : 63 cm. Birminghan
ont nié la raison d'être de l'art. Ils lui contes- (USA), coll. Harry-Lewis Winston. rov et Meyerhold à partir de 1922. Le seul pré-
coll. Gidion-Welcker.
taient toute valeur émotive. Matérialisme cédent serait, peut-être, celui des costumes
marxiste ou volonté d'extraire des formes utili- phiques. C'est contre cet esprit que réagissent tion que lui-même, on pourrait dire la fonction d' Alexandra Exter pour le film Aélita. Mais, du
taires conçues par l'ingénieur les éléments MM. Gabo et Pevsner ". » Certes, Gabo et de construire de la beauté. Or, depuis le néo-pri- point de vue scénographique, l' utilisation du
d'une beauté nouvelle ? Quelques-uns des Pevsner ont reçu l'impulsion , décisive, des mitivisme et le cubo-futurisme, tout matériau, celluloïd crée, ici, une texture scénique totale-
sculpteurs et peintres, groupés sous le vocable « constructions mécaniques modernes ». Pevs- tout objet du monde matériel, étaient devenus ment inédite. Voici ce qu'on pouvait lire dans la
de constructivistes, refusèrent de créer des ner aimait d'ailleurs dire que la tour Eiffel avait susceptibles de participer à cette construction. critique contemporaine : « Vous pouvez vous
œuvres sans but déterminé et proclamèrent été plus importante pour lui que le cubisme. Les Donc, chez Pevsner et Gabo, pas d'utilitarisme, représenter une décoration sans couleurs ?
hautement que l'art de notre temps trouvait son deux auteurs du Manifeste réaliste se distin- pas d'imitation des « aspects extérieurs des C'est peu probable. Imaginez-vous un ensemble
expression complète dans les locomotives, les guaient des constructivistes-productivistes par machines ». George ajoute : « Gabo, tout uniquement en celluloïd. Des cloisons, des
hangars d'aviation et les appareils radiotélégra- leur affirmation que l'art n'avait d'autre fonc- comme Pevsner, part de l'objet, réalité optique. ronds comme des roues de cristal de machines

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L'AVANT-GARDE RUSSE LE CONSTRUCTIVISME

électriques, des figures géométriques ressem- montraient l'espace sous différentes zones :
blant à un laboratoire conçu pour de mysté- celles où la concentration des forces et des
rieuses expériences, une espèce de chimie astro- rythmes était évidente, et celles où tout était
nomique. Quelque part au fond, derrière un dissimulé à la vue. Il est vrai que cela ne voulait
cadre noir, est assis le personnage de la chatte pas dire qu'elles n'étaient pas accessibles aux
blanche dont deux pattes reposent sur le bord forces et aux rythmes. Au contraire, l'instant
du cadre noir. Les lampes invisibles de la suivant, ces zones éclataient d'une intensité par-
rampe, des coulisses et des herses font briller le ticulière de rythmes et d'une concentration inat-
celluloïd, et le plancher a été recouvert d'une tendue de forces 59• »
toile cirée qui brille elle aussi. Dans cet agence- Diaghilev ne se limita pas à cette incursion
ment d'objets immobiles, presque immatériels, dans le constructivisme : pour la mise en scène,
luisants, entre un homme très peu vêtu, avec en 1927, de Pas d'acier de Prokofiev (dans une
quelque chose de brillant sur la tête ... ' » La chorégraphie de Léonide Massine (Miassine]), il
M. Chagall, Introduction au Thé4tre juif, 1920. Tempera, gouache et argile sur toile, 284 x 787 cm.
transparence permettait de créer un mouve- fit appel à Yakoulov. Le projet fut établi en Moscou, Galerie nationale Trétiakov.
ment lors des évolutions des danseurs à travers 1925, lors de ('Exposition internationale des
ces éléments en celluloïd ; de plus, les danseurs Arts décoratifs à Paris. Dans une lettre au poète de façon à créer une image globale de la Russie Dans I' Introduction au Thélitre juif ou dans les
introduisaient sur la scène, au fur et à mesure imaginiste Alexandre Koussikov (Yakoulov en marche. Les recherches scénographiques de panneaux La Musique, La Danse, Le Thélitre,
du déroulement de l'action, des cercles et des avait signé en 1919 le manifeste de l'imaginisme Pas d'acier ne manquèrent pas de laisser des La Littérature, des musiciens, des acrobates, des
rectangles, en celluloïd également. Pevsner dont Essénine était l'inspirateur), Yakoulov traces dans plusieurs réalisations ultérieures jongleurs aux poses excentriques évoluent dans
avait aussi exécuté une statue d'Aphrodite qui raconte comment Prokofiev avait évincé Boris (Les Temps modernes de Chaplin ; Nucléa un tourbillon choréïque sur des surfaces géomé-
était placée sur un plateau en hauteur et dont la Kochno et Ehrenburg du travail sur Pas d'acier. d'Henri Pichette et Alexandre Calder, 1952 ; triques, quelque peu suprématisantes même,
configuration, évoquant un corps de femme, est Yakoulov fit le livret et les esquisses en même L'Éioge de la folie de M. Constant, R. Petit et dynamiques.
préfiguré dans les œuvres du sculpteur en 1925 temps que Prokofiev composait la musique. Le Tinguely, 1967) 61 • Le peintre Isaac Rabinovitch , qui avait
(Fontaine ou Figure). C'était la seule allusion, ballet était divisé en deux actes : le premier accompagné le travail de Chagall, fut tout au
réduite à des contours, à la réalité sensible représentait la destruction de l'Ancien Régime long des années vingt le décorateur principal du
(avec les danseurs), mais, comme tout le méca- et le second, « L'usine en marche », exprimait Les théâtres juifs de Moscou Gossiet auquel il apporta sa connaissance raffi-
nisme scénique, elle était traversée par l'espace, l'enthousiasme des révolutionnaires pour le tra- née de la mise en forme scénique en utilisant la
cet espace qui devenait l'élément constructeur vail collectif. Ce « ballet industriel » se substi- A Moscou, il y eut dans les années vingt deux lumière comme élément constructeur.
de l'ensemble. Laissons Guéorgui Kovalenko tuait chez Diaghilev aux « cygnes mourants » et théâtres juifs : le théâtre-studio Habima qui Pour le répertoire en hébreu de Habima, on
décrire la structure linéaire de La Chatte de devait résumer aux yeux de l'Europe les s'ouvrit en 1918 et présentait un répertoire en ne fit pas appel qu'à des metteurs en scène ou à
Pevsner et de Gabo : « Dans la scénographie de conquêtes du constructivisme russe. Les décors hébreu (la troupe profita d'une tournée en 1926 des peintres juifs. Le metteur en scène et acteur
La Chatte, les lignes révèlent les directions des utilisaient des échelles, des plates-formes, des pour émigrer, une partie s'installant en Pales- Vakhtangov, disciple de Stanislavski, et le
forces et des rythmes dissimulés dans l'espace. roues qui tournaient, des transmissions, des tine); le Gossiet (le Théâtre de Chambre juif de peintre Yakoulov - tous deux étaient
Les plans transparents des artistes étaient trans- marteaux de toutes dimensions dont le bruit se Moscou), dont le répertoire était en yiddish, arméniens - firent la gloire de Habima à ses
parents parce que la lumière devait de temps à fondait avec l'orchestre, des signaux lumineux subsista, avec des fortunes diverses durant le débuts. Le Dibbouk de An-ski, dans les décors
autre les détruire en tant que plans justement, qui oscillaient, clignotaient et éclataient de feux stalinisme, jusqu'en 1949. d'Altman en 1922, apportait son tribut au
ne laissant se détacher que leurs contours et et de couleurs. On a parlé à cette occasion de Chagall a donné l'impulsion initiale à la pein- constructivisme qui triomphait sur la scène mos-
leurs lignes. « constructivisme décérébralisé •• », de ture des théâtres juifs. Il exécuta en 1920 les covite cette année-là. Tout était fondé sur
Le jeu était construit de sorte que fussent l'influence de Meyerhold et des décors méca- décors et les costumes pour les Miniatures de l'alliance d'une construction rythmée où évo-
accentuées à des moments donnés des lignes nistes de Lioubov Popova pour Le Cocu magni- Sholom Aleichem et peignit les magnifiques luaient les acteurs, avec de grands mouvements
déterminées : verticales ou horizontales, par fique de Crommelynck (1922). Mais il faut rap- panneaux pour le foyer du Gossiet d'A. Gra- musicaux.
exemple. A d'autres moments, c'était le tour peler que le peintre-décorateur de L'Échange novski. Il a représenté là toute une gestuelle Le Juif éternel de Pinski en 1923 fut un autre
des courbures, des circonférences, des arcs. (1918), de Princesse Brambilla (1920) ou de individuelle et collective spécifique de l'expres- moment fort du théâtre Habima. Yakoulov
Chaque fois, surgissaient un espace de forces Giroflé-Girofla (1922) était opposé à un tel sion juive 62 • Les torsions du corps sont accom- était chargé de la mise en forme de la pièce. Le
et de rythmes différents, ainsi que les passages constructivisme et il est clair que, dans Pas pagnées d'une mimique des mains et des bras, décor monumental s'organisait autour d'un
des forces les unes dans les autres, des rythmes d'acier, il a voulu une fois encore animer de de toute une variété de jeux musculaires avec la bâtiment pyramidal, synthèse des architectures
les uns dans les autres. En assombrissant ou en l'intérieur les formes mécaniques par le jeu des tête, et le nombre important des personnages orientales antiques ; sur le côté étaient dressés
éclairant tour à tour les surfaces, les artistes lumières, les unir étroitement aux personnages donne à l'ensemble un tempo de pantomime. des plateaux en demi-spirale, chacun à des hau-

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L'AVANT-GARDE RUSSE

teurs différentes. Au constructivisme des trans- « Moïse a fait sortir les juifs d'Égypte. Moi je les
parences spatiales et des ajourements se substi- ai fait sortir de leurs ghettos.» " Ou bien : « En
tuait une masse qui insistait davantage sur l'élan peignant les décors du Juif éternel j'ai créé la
vers l'infini que sur la mécanisation de la vie. peinture juive et je ne suis pas comme Chagall
Le thème juif préoccupa Yakoulov, q ui qui a toujours marché à ma suite » 0eu de mots
monta en 1923, à l'ex-théâtre Korch, la farce entre le nom de Chagall et le verbe russe chagal
tragique de Kaiser, La Veuve juive, et, quelques qui veut dire « il marchait) 64 • » Par son travail,
années plus tard, Le Marchand de Venise de Yakoulov entendait lutter contre la représenta-
Shakespeare (en 1926 au Théâtre d'État tion caricaturale de ce qu'il appelait« la juiverie
d'Arménie à Erevan, et en 1928 au Théâtre petite-bourgeoise » et créer une image du Juif-
d'État de Biélorussie à Minsk). Des humoristes Homme éternel. Dans cet esprit, il s'opposait
mirent dans la bouche de l'artiste des apho- aux conceptions du Théâtre Juif de Granovski.
rismes piquants, genre dont il était friand : Le juif n'est pas intéressant par sa misère, ses
M. Chagall, La Danse, 1920. Tempera, gouache et argile M. Chagall, Le Thl8tre, 1920. Tempera, gouache et
sur toile, 214 x 108.5 cm. Galerie nationale Trétialtov. argile/t, 210 x 105 cm. Moscou, Galerie nationale Trétialtov.

K. Médounetski, Construction spatiale n 557, 1919-1920.


V. Stenberg, Construction KPS 42 4. 1919 (reconst~uction
de 1973). Métal, 264 x 70 x 130 cm. Cologne. galene Métal, h. : 46 cm. Yale University Gallery.
Gmurzynska.

LXXVII
304
A. Vesnine, projet de décor pour Phèdre, 1921. H/t, 54 x 74.S cm. Cologne, musée Ludwig.

M. Chagall. L'Amour sur scène. Thé4tre juif. 1920. Tempera. gouache et argile blanche
sur toile, 283 x 248 cm. Moscou, Galerie nationale Trétiakov.

A. Rodtchenko, Cinzano, Sainte Russie. c. 1920. Photocollage sur papier. 28,5 x 23 cm. Coll. part.

LXXVIII
LXXIX
LE CONSTRUCTIVISME

oppose la tragédie grecque idéa le, bio-méca-


~ x:;, ~ nique, où l'homme est le jouet de l'anankè, « un
grain de poussière cosmique ». à la tragédie
juive réelle, psycho-mécanique, où se manifeste
~ ~ la liberté de l'homme qui désire arrêter la
course du Soleil comme Josué, où celui qui a eu

~ ~ ~
la vision de Dieu peut sauver son temple et son
peuple de la destruction.

~ ~ ~ Autres manifestations du théâtre


constructiviste russe
~ ~ Compatriote d'Alexandra Exter qu'il fréquenta
à Paris dans les années vingt à trente, le peintre
~ ~ ~ ukrainien Andreenko s'initia à la technique du
décor de théâtre dès le début de son activité,

~ ~
../ auto ur de 1914. Les événements révolutio n-
naires l'obligèrent à quitter la capitale nordique
en 1918; de l'automne 1918 au printemps de
L. Popova, dessin pour un tissu, c. 1923-1924. V. Stépanova, dessin pour un tissu, 1924. Gouache 1919, il participa comme peintre au Théâtre de
Gouache sur papier. Coll. part. et encre de Chine sur papier. Coll. part.
Chambre d'Odessa, di rigé par le metteur en
scène K.M. Miklachevski. Il est difficile de se
représenter aujourd'hui la façon dont ce théâtre
Ci-contre : A. Exter, dessin pour un tissu, 1923.
Gouache sur papier. Coll. part.
a pu se manifester avec autant d'éclat alors que
M. Andreenko, projet d'architecture de scène, 1925.
Ci-dessous : A. Rodtchenko, dessin pour un tissu, 1924. Collage de papiers, 47,3 x 39,1 cm.
Gouache, encre de Chine, tire-ligne sur papier. Coll. part.

M. Chagall, La Musique, 1920. Tempera, gouache et argile/!,


213 x 104 cm. Moscou, Galerie nationnale Trétiakov.

persécutions, mais par l'exaltation, la richesse,


la productivité et la force de son génie « auquel
le monde doit la Bible et toutes les images uni-
versell es qui ont nourri penda nt des siècles
l'E urope au mê me titre que la culture
hellénique "».
Yakoulov fut un des premiers à avoir réfléchi
concrètement sur l'opposition Athènes-Jérusa-
lem, opposition que le philosophe kiévien Liev
Chestov thématisera dans son livre Athènes et
Jérusalem, paru en français en 1938. Yakoulov

305
LXXX
L'AVANT-GARDE RUSSE LE CONSTRUCTIVISME

théâtral. li y fut le décorateur attitré du Théâtre usine Tsindel. Lioubov Popova y travailla les six
de Chambre russe (entre autres réussites, il créa derniers mois de sa vie, à la fin de 1923 et au
les décors pour La Mort de Paul Ide D. Mérej- début de 1924, et elle laissa « une centaine de
kovski). Invité par le Théâtre national tchèque dessins de tissus et quelques dizaines de croquis
(Le Dadais de Fonvizine) et !'Opéra allemand, de vêtements »". Varvara Stépanova, elle, y
il réalisa de merveilleuses compositions dans le resta près d'un an et put réaliser une vingtaine
style des sculptures des temples hindous pour la de modèles de tissus sur les cent cinquante
première mondiale de l'opéra de P. Hindemith qu'elle avait projetés 69 • Les deux constructi-
Das Nusch-Nuschi (musée de !'Arsenal). Dans vistes ont créé la prozodiejda, ou « vêtement de
ses travaux pour le théâtre, Andreenko production ». Il s'agissait de concevoir une
découpe l'espace scénique au moyen de passe- tenue de travail dont Je modèle était commun à
relles en forme d'arcades, crée différents plans tous les métiers ; seuls changeaient le dessin du
permettant, à l'aide d'un seul décor, de repro- tissu et les couleurs. « Compte tenu du carac-
duire simultanément dans un encadrement pic- tère de production - selon qu'il s'agit d'une
tural un coin de ville, un port, une rue, des jar- tenue de typographe, de conducteur de locomo-
Babetchev, étoffe de coton avec motif appelé
M. Andreenko, maquette pour un spectacle dins. On retrouve là toute une tradition tive ou de métallo - on différencie les modèles
de marionnettes d'apr~ Das Nusch-Nusch~ 1922. • Chantier •. fin des anm!es vingt.
médiévale, repensée au vu des recherches par Je choix du tissu et la coupe », écrit Varvara
Paris, Biblioth~que nationale de France, département
des Arts et du Spectacle. contemporaines 66. Stépanova dans un article de la revue Lief'".
Dans le « vêtement de production », on distin-
la révolution était à son comble, la ville guait la spetsodiejda, ou « vêtement spécial »
d'Odessa occupée et partagée en zones et que LES ARTS APPLIQUÉS (pour le chirurgien, le pilote, le pompier,
pour se rendre rue Langeron, où était situé le l'ouvrier chimiste, le membre d'expédition
théâtre, il fallait passer à travers un cordon de polaire) et la sportodiejda, ou « vêtement
sentinelles ... Pourtant, Miklachevski put mon- Le textile L. Maïakovskaïa, dessin pour un velours, c. 1920. Pochoir. sportif».
ter Électre de Hofmannsthal, les Ménechmes de Les dessins pour tissus de Lioubov Popova
Plaute (décors peints et masques), le Miracle de La Faculté de textile, où enseigna Je chimiste prolongent le travail qu'elle avait réalisé pour
Théophile de Rutebeuf dans la traduction P.N. Viktorov, fut une unité importante des les paysannes ukrainiennes de Verbivka. Nata-
d'Alexandre Blok (décors sur fond d'or dans Vkhoutémas. Elle héritait des ateliers de tissage, lia Adaskina et Dimitri Sarabianov soulignent
l'esprit du Trecento). d'impression et de broderie de l'ancienne École la différence, dans l'œuvre de Lioubov Popova,
Le travail d'Andreenko se distingue par le Stroganov et se composait de deux sections, une entre la visée suprématiste de 1917 et celle,
schématisme et le caractère architectural du de tissage et une d'impression ; cette division constructiviste, de 1923 :
décor et la richesse colorée des costumes. Les fut d'ailleurs considérée comme « un obstacle « Quand on compare les derniers projets de
traits spécifiques de chaque œuvre sont expri- aux yeux des productivistes, des constructivistes tissus de Popova à ses dessins pour les bro-
més avec ce laconisme qui est la marque qui [considéraient] que le travail du textile deuses de "Verbovka", on perçoit les ressem-
constante de l'artiste dans sa peinture. La men- [devait] constituer un processus unique et blances et les différences de ces deux étapes,
tion qui est faite d' Andreenko dans le livre continu, du tissage à l'élaboration du non seulement sur le plan des idées, mais sur
capital des critiques Fülop-Miller et Gregor Das vêtement 67. , . celui de la pensée artistique formelle. À pre-
Russische Theater (1928), et la reproduction de Les étudiants pratiquaient Je dessin, la couleur mière vue, on est frappé par la parenté des pro-
quatre esquisses théâtrales, donnent un aperçu et la peinture, la « composition artistique ,. cédés : c'est de nouveau la méthode du collage
de l'apport du peintre dans le feu d'artifice de (parmi les enseignants, on trouvait Nadiejda tant appréciée par l'artiste, la superposition des
l'art théâtral venu de Russie ou d'Ukraine. Oudaltsova et Varvara Stépanova). La faculté éléments des différents niveaux spatiaux. Mais,
Andreenko quitta définitivement l'Ukraine n'ayant pas de machines, les étudiants réali- si dans les compositions suprématistes, Lioubov
en 1920. li passa quelques mois à Bucarest où il saient Jeurs travaux en usine. P.N. Viktorov Popova superposait des éléments, des détails, à
exécuta les décors et les costumes du ballet de favorisa la participation, comme designer (Je présent elle opère avec des systèmes entiers,
Drigo Les Millions d'Arlequin monté à )'Opéra mot n'existait pas encore mais le design était parfois assez complexes. Dans les collages pour
Royal dans une chorégraphie de Boris Roma- bien en train de se confirmer), de Lioubov "Verbovka", c'est la forme, la configuration de
nov. Les deux années qu'il passa à Prague, en Popova et de Varvara Stépanova à la Première l'élément (la "chromoforme"), simple au pre-
1921-1922, marquent l'apogée de son travail Fabrique de Cotonnades de Moscou, l'ancienne mier abord, mais en fait très subtilement véri-

306 307
L'AVANT-GARDE RUSSE LE CONSTRUCTIVISME

fiée, qui est essentielle ; quant aux projets de L'ameublement


tissus, dans le système du constructivisme
abouti, l'élément de la composition acquiert En 1926, les Facultés du métal et du bois des
une simplicité littéralement élémentaire. En Vkhoutémas sont réunies en un seul organisme.
revanche, la loi de combinaison des parties Elles ont accompli un travail considérable sous
devient complexe. À la différence des collages la direction de maîtres-ouvriers comme Rodt-
suprématistes de 1917, les dessins de 1923-1924 chenko, Klucis, Tatline, Lioubov Popova,
sont illimités dans l'espace, à l'image de la pein- Alexandre Vesnine, Lissitzky. Même s'ils sont
ture tardive de Lioubov Popova. On n'y trouve restés peu nombreux, des étudiants de talent ont
pas de nœuds de composition "centraux", élaboré des objets « multifonctionnels et trans-
l'expansion s'y fait à part égale dans toutes les formables : le lit pliant de N. Galaktionov, le
directions. Contrairement aux collages de 1917 fauteuil-lit transformable de N. Sobolev ou les
qui étaient destinés à des objets concrets mais six projets de kiosque théâtral démontable de
qui ne manifestaient pas du tout cette finalité, Z. Bykov, V. Pylinski, A. Galaktionov et
ces dessins sont orientés vers la création d'un A. Arvatov. Citons également la théière-gamelle A. Rodtchenko, Club-Ouvrier, présenté à l'exposition internationale des Arts décoratifs de Paris, 1925.
produit (vêtement, tissu d'ameublement, etc.). de chantier ou de camping en aluminium de
II est même possible que les projets de tissus, Z. Bykov, la lampe de chevet pivotante de Rodtchenko réalise à la même date son dans son ensemble ; un artiste qui ne se limite
dans de nombreux cas, soient partis d'un P. Jigounov, le lavabo démontable pour habita- célèbre Club-ouvrier:« Parmi les éléments qu'il pas à esquisser quelques croquis, mais un
modèle de vêtement ".» tion sans eau courante de A. Istratov ... Tous ces avait conçus, citons : l'ameublement de la salle artiste-organisateur qui élabore des modèles,
Quant à Varvara Stépanova, son biographe travaux seront envoyés à !'Exposition interna- de lecture (une table, une chaise, des rayon- des objets standardisés pour la production ; un
Alexandre Lavrentiev caractérise en ces termes tionale des Arts décoratifs de Paris en 1925 »". nages où exposer les livres et les revues, une artiste qui crée des objets utilitaires et non de
la production de l'artiste:« Les dessins de tissus vitrine mobile pour des affiches, des documents, jolis bibelots ; un artiste qui recherche le traite-
de Varvara Stépanova sont tous composés de G. Klucis, bureau-écritoire pour l'entrée du musée Lénine des journaux) ; un espace composé d'éléments ment le plus rationnel du matériau, qui élabore
formes géométriques dont les contours sont tra- présenté à l'exposition des Arts décoratifs de Moscou, de beaux objets dont la forme et le style sont
c. 1925-1930.
transformables pour les réunions, les ren-
cés à la règle et au compas. Ces figures géomé- contres, la lecture du "journal vivant" (qui pré- clairement définis. Le style, lui, ne crée pas le
triques, sujettes à transformations, sont au voyait une estrade pour l'orateur, une autre nouveau mode de vie ; au contraire, c'est le
nombre de trois : la circonférence, le triangle et pour le président ou le directeur du journal, une nouveau mode de vie qui crée le style ". »
le rectangle. On pourrait dire que les figures paroi mobile, un écran pour la projection Autour de 1927, Tatline construit dans son
géométriques concrétisent un idéal de formes d'illustrations, un écran à ruban pour dérouler atelier de la Faculté du bois et du métal sa
débarrassées de tout repère stylistique (mais des slogans et des diapositives) ; un "coin fameuse chaise et des études pour des patins de
qui, en définitive, dégagent un certain style). Lénine" (une vitrine mobile pour conserver et traîneaux. Il y reste fidèle au « rondisme »
Les formes géométriques ont un caractère uni- exposer des documents et les thèses, une autre d'antan, à cette courbe tendant à la spirale qui
versel, fondamental. La géométrisation d'un pour les affiches et les slogans, et une pour les donne dynamisme et légèreté à l'ensemble.
dessin pour tissu peut apparaître comme photographies), un pupitre pour le journal
quelque chose d'arbitraire, qui n'a ni racines ni mural avec des abattants permettant de
traditions. Cependant, comme l'a montré déployer les pages ; une table-échiquier et ses L'architecture
l'ouvrage du professeur Soboliev L'impression deux sièges, d'un seul tenant ; de petits projec-
de tissus en Russie (édité en 1912), ce genre de teurs pour orienter la lumière vers le haut ou De façon générale, l'architecture soviétique des
motifs est très présent dans l'art décoratif russe. vers le bas ; un panneau pour les "avis du club" années vingt est maintenant bien connue grâce
Si bien que les dessins novateurs de Varvara et une sorte de verrière pour les diapositives. aux travaux pionniers (en dépit de leur orienta-
Stépanova sont en quelque sorte dans la lignée Les éléments du club ouvrier étaient en quatre tion téléologique) d' Anatole Kopp 76 et aux
d'une très ancienne tradition russe ". » couleurs : gris, rouge, noir et blanc". » publications de très nombreux documents n . Il
Chez Lioubov Popova comme chez Varvara P. Novitski, le dernier recteur des Vkhouté- nous reste, de cette époque, beaucoup plus de
Stépanova, on est frappé par le dynamisme des mas (1926-1930), résume en 1926 la visée de projets que de réalisations, celles-ci n'ayant pu
formes géométriques, par la flamboyance de la cette école : « Le problème est de former un être menées à bien en raison des conditions éco-
gamme colorée qui contraste avec le caractère type d'artiste nouveau, un artiste producteur nomiques de l'URSS et de l'hostilité de plus en
strict et répétitif des dessins. Le constructivisme qui ne doit pas se contenter de fournir des plus déclarée des autorités soviétiques pour
se fait ici rutilant et rythmique. objets quotidiens, mais organiser le mode de vie toute novation. Malgré tout, des monuments

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L'AVANT-GARDE RUSSE
LE CONSTRUCTIVISME

comme le mausolée de Lénine (1924-1930) de (égyptien, roman, gothique, renaissant) ; à ce


Chtchoussiev ou la Bibliothèque nationale ex- courant peuvent être rattachées les tours de
Lénine (1928-1940) de Chtchouko et Helfreich, Tatline et de Yakoulov. Quant à Golossov, il
bien en vue dans la vieille capitale russe, per- théorisa la construction d'« organismes architec-
mettent d'appréhender quelque peu le toniques » et le mouvement en architecture "'.
constructivisme en architecture. Le rationalisme, lui, déboucha sur la fonda-
Dès le début de la Révolution s'élabore une tion de l'Association des nouveaux architectes
réflexion passionnée autour du concept de syn- (Asnova) en 1923. Ladovski, son chef de file,
thèse peinture-sculpture-architecture,., réflexion polémiquait avec les constructivistes car, selon
à laquelle Tatline a apporté une contribution lui, l'espace primait en architecture. Les Vkhou-
fondamentale avec ses Contre-reliefs. Malévitch, témas accueillirent d'ailleurs une discipline pro-
lui, participe à la lutte des avant-gardistes pédeutique inédite, celle de l'espace : « L'orga-
contre l'école néo-classique ou néo-renaissante nisation des formes dans l'espace permet à
d'un Joltovski ou encore le « style dorique l'homme de s'orienter, leur disposition doit
rouge » de Fomine : « Les meilleures construc- donc être expressive "'. » L'expressivité était
tions s'appuient obligatoirement sur des ainsi définie par un des enseignants, Balikhine :
colonnes grecques comme des béquilles de cul- « a) clarté de la forme, de sa grandeur et de sa
de-jatte. La construction est couronnée systé- situation par rapport à un observateur ; b) ten-
ma tiq uemen t par une petite guirlande de sion de la forme, action sur un observateur
feuilles d'acanthe. Le gratte-ciel avec ascen- donné ; c) unité et harmonie de la forme, liaison
seurs, lampes électriques, téléphones, etc. est et interaction de ses éléments ; d) dynamisme,
orné de Vénus, d'amours, de divers attributs organisation du mouvement visuel".» Ladovski
des époques grecques », écrit le fondateur du entendait établir les règles psycho-physiolo-
suprématisme en 1918 dans le journal Anar- giques objectives de la perception de la forme
chie 79. Et, en 1923, il répond à S. Issakov qui architecturale. Dans la Faculté d'architecture
taxe sa pensée de « philosophie avortée de des Vkhoutémas , il développa des exercices qui
!'Absolu » 80 : « Bien que moi je n'aie pas devaient permettre aux étudiants d'acquérir un
"d'idée stable", je n'aurais pas maintenu mode de pensée fondé sur l'orientation spatiale.
comme architectes principaux ni Chtchoussev, Il se servait, pour ce faire, des corps géomé-
ni Joltovski et je n'aurais pas admis non plus au triques élémentaires (cube, boule, parallélépi-
concours pour le monument des victimes du pède, pyramide, cylindre, cône) qu'il agençait
Champ de Mars des gens qui ne tarderont pas à dans l'espace selon les problématiques de la
"revêtir", selon votre expression, notre époque tension, du poids, du dynamisme, de l'équilibre,
de la forme des images des Apollon. Ils sont du rythme ...
très stables dans leur idée. Les temples de Le constructivisme, fut, là encore, celui de ces
Vénus ou d'Apollon dans les copies de Palladio, trois courants qui se montra le plus combatif.
de Bramante, d'un côté, et de l'autre le style Des débats passionnés eurent lieu à l'lnkhouk
russe fossile des édifices dont on ne sait si ce et aux Vkhoutémas, qui conduisirent à la créa-
sont des monastères ou des hospices à la tion, en 1924-1925, de l'Association des archi-
En haut: V. C~tchoussie_v, projet de façade pour le bâtiment provisoire en bois du mausolée de Unine, 1924.
Crayon et fusain sur papier. En bas: V. Chtchoussiev, bâtiment provisoire en bois du mausolée de Unine manière de la gare de Kazan à Moscou, voilà ce tectes contemporains (Ossa). Les revues Lief
(en cours d'achèvement), 1924. qui couvrira toute la surface de la Russie s'.» (Front de gauche) et SA (Architecture contem-
Trois courants majeurs luttèrent pour instau- poraine) servaient à la propagande des idées
rer un style correspondant aux nouvelles don- constructivistes.
nées révolutionnaires : Ossip Brik, le directeur de Lief, ainsi que les
Le premier de ces courants fut le romantisme architectes Lavinski, Konstantin Melnikov, Ves-
symbolique (Biélogroud, lstsélénov, Fidman, nine, Moïsseï Ginsburg et leurs élèves, se sont
Dombrowski, Krinski, Ladovski, Rodtchenko, dressés dès 1924 contre le formalisme (déjà !)
Mapou) qui « cubofuturisait » les styles anciens des rationalistes de l'Asnova. Les constructi-

310
311
L'AVANT-GARDE RUSSE LE CONSTRUCTIVISME

vistes entendaient que « le bâtiment s'engageât l'ingénieurisme plus l'utilitarisme plus les consi-
dans une politique architecturale résolument dérations économiques( ... ]. Leurs procédés et
fonctionnelle [... ]. Il est indispensable d'abor- leur matière première sont le verre et le sque-
der la construction d'un bâtiment selon ses lette schématisé en béton armé, décoré d'ins-
fonctions, son économie, ses conditions locales, criptions, d'affiches, de peinture"". » On ne sau-
et il convient de le définir également en fonc- rait mieux caractériser les visées et la pratique
tion de ses caractéristiques typologiques, sec- des architectes constructivistes.
tions de l'alimentation, des transports, de la Alexandre Vesnine reste l'un des maîtres du
santé publique par exemple. De nos jours, tout constructivisme soviétique. Avec ses frères Léo-
ce qui concourt à faciliter l'analyse et la classifi- nide et Viktor, il présenta un projet remar-
cation de la réalité revêt une importance parti- quable, non primé, pour le palais du Travail de
culière " . » Par la voix de l'architecte Dokou- Moscou. Il s'agissait d'une ossature en béton
tchaïev, les rationalistes considèrent ces armé, qui proposait « un rythme vertical com-
« idéologues de la technique contemporaine » plexe, sans parler des recherches de la composi-
en général et de la machine en particulier tion savamment équilibrée des façades. Une
comme des« romantiques de la technique», des certaine lourdeur de l'ossature contraste heu- 1. Léonidov, projet d'architecture pour l'Institut Lénine,
« passionnés idéalisant l'ingénieurisme, parents reusement avec les mâts métalliques ajourés des 1927. Encre sur papier.
des architectes-constructivistes de l'Europe antennes et la toile d'araignée des tendeurs et
occidentale (comme par exemple Le Corbusier, des câbles"'. » Ce projet a pu être comparé avec 1. Roehrbcrg et V. Choukhov, architecture de la gare de !'Exposition universelle de Paris de 1925 ; cette
Moscou, 1912-1917. œuvre donna une renommée internationale au
Saunnier). Leur technicisme semble empreint le bâtiment du Chicago Tribune que Walter
d'une force et d'une importance mythiqu~s. Gropius réalisa plus tard . constructivisme architectural soviétique. Il se
Leurs images architecturales relèvent du monde Konstantin Melnikov fut un des architectes K. Melnikov, pavillon de l'URSS réalisé pour l'exposition distinguait des projets des autres pays (en parti-
internationale des Arts décoratifs de Paris. 1925. culier ceux de l'Italie fasciste) par ses formes
de l'ingénieur. De grands auditoires et des salles les plus accomplis et les plus novateurs de ce
publiques en forme de turbines géantes, des siècle. Dans la pléiade des Soviétiques, il est géométriques simples, son squelette en bois et
galeries, des corridors, des toits d'entrée - le celui qui a le plus d'ampleur. Dès 1923, il attire verre, son escalier extérieur en diagonale 89 •
tout en forme de grues de port, plans en spi- l'attention par son pavillon pour le tabac Dans la seconde moitié des années vingt, Melni-
rales, avec images de la dynamique des engre- « Makhorka » : le corps central de l'édifice, kov put réaliser quelques projets importants qui
nages mécaniques. L'aile gauche de ce parti, les massif, est surmontée d'une structure légère en comptent parmi les réussites de l'architecture
constructivistes, partagent avec les autres ces forme de parallélépipède tronqué ; le tout est universelle (sa maison-atelier de Moscou et six
traits généraux, mais se distinguent encore, au flanqué d'un escalier extérieur en spirale et clubs ouvriers).
moins dans leurs déclarations, par une négation d'un puits vertical en verre. Melnikov récidive Anatole Kopp a pu voir en Ivan Léonidov le
absolue de l'esthétique. Pour eux l'art c'est avec le pavillon de l'URSS qu'il réalise pour génie le plus audacieux de toute l'architecture
soviétique. Son projet pour un Institut Lénine
A. Golossov, projet de concours pour le Palais du travail à Moscou, 1923. Fusain et crayon sur papier. (1927) représente une prise en compte de l'héri-
tage constructiviste et rationaliste et associe les
deux formes opposées de l'orthogonale et de la
sphère. Cet édifice « constitue un ensemble de
bâtiments dont les dominantes sont le parallélé-
pipède de la réserve de livres et l'immense
sphère vitrée de l'auditorium ; une plate-forme
générale, sorte de forum surélevé, circulaire, lie
entre eux ces deux volumes qui sont l'essentiel
de la composition et raccorde à l'ensemble un
chapelet de bâtiments bas de moindre impor-
tance. L'expressionnisme du système constructif
fait appel à tous les procédés qui n'apparaîtront
dans l'architecture moderne que bien plus tard :
il n'est pas moins saisissant que le jeu des

312 313
LE CONSTRUCTIVISME
L'AVAN T-GARD E RUSSE

velle société communiste, que cette visée avait retour au geste originel (néo-primitivisme), la
volumes et met en œuvre des éléments ajoutés, TECTONIQUE
toutes les chances de se réaliser. Cette tâche fut construc tion de l'espace sous ses faces appa-
des nappes et des réseaux qui peuvent préfigu- FACTURE
assignée plus spécifiquement aux objets dont le rentes et inappare ntes en mouvem ent (cubo-
rer les structures de Le Ricolais, des rappels au ET CONSTRUCTION.
support matériel était le papier (photomontage, futurisme) et l'agression contre la raison acadé-
sol par tendeurs métalliques, etc. Il s'agit non Ces disciplin es permett ent de passer de
typographie, couvertures de livres, affiches), car mique et utilitair e au nom des forces de
plus d'une structure statique classique, mais bien l'impasse du professionnalisme esthétiqu e de
ils sont facilement reproductibles. Varvara Sté- l'intuition ( alogisme ).
d'une structure dynamique travaillant partielle- l'art tradition nel à la voie des réalisati ons
ment en tension et dont de nombreux éléments rationnelles des nouvelles tâches de l'activité panova n'avait-elle pas proclamé dans le cata-
ne sont plus supportés mais suspendus . » artistique en cette période de la culture commu- logue de l'exposition-programme 5 x 5 = 25 :
A été détruite la valeur sacrée de l'œuvre Reche rches typographiques
niste naissante ". » Et de résumer plus loin ce
qu'il entend par ces trois principes : « Il faut considérée comme une chose unique. A été jeté
aux archives le musée, déposita ire de cette On assiste, dans la période pré-constructiviste , à
PHOTOM ONTAG ES, TYPOGR APHIE, compren dre la construction comme une fonc-
chose unique. » une utilisation très libre des caractères d'impri-
LIVRES, AFFICH ES tion collective du constructivisme. Si la tecto-
L'artiste a fait culminer en 1919 l'union du merie dont on varie le format et les types, fai-
nique implique un lien entre l'aspect idéolo-
peintre et du poète dans son « antilivre » sant de chaque page d'un livre une composition
Dans son livre-manifeste Le Constructivisme gique et l'aspect formel en donnant comme
Gaoust Tchaba de Kroutchonykh ... Au lieu de « picturale ». Ilia Zdanévitch poursuit avec une
(1922), A. Gane proclam e la mort de l'art résultat l'unité de l'idée, et si la facture donne
feuilles blanches, elle utilise des coupures de conséquence extrême les expériences que Vas-
( « Nous déclaron s à l'art une guerre impi- l'état du matériau, la construction, elle, ouvre le
journaux qu'elle recouvre du texte de !'écrivain, sili Kamienski a inaugurées, dans ce domaine,
toyable », est-il dit en exergue 91 ) et affirme : processus lui-même de la construction "'.»
tracé à grands traits de pinceau appliqués libre- avec Tango avec les vaches (1914). En 1917, en
« Les constructivistes sont passés du travail de C'est en agissant sur l'environ nement de
ment sur cette surface inusitée. Les illustrations collabor ation avec son frère Kirill, il crée à
laboratoire à l'action concrète. l'homme, pour créer les conditions d'une nou-
proprement dites sont des montages-collages de Tiflis, capitale de la Géorgie, les éditions 41 °
V. St~panova, Gaoust Tchaba, 1919. Pages du livre de Khroutchonykh. fragmen ts de journaux sur un fond de papier (tempér ature à partir de laquelle l'homme
journal imprimé. La guerre contre l'imprimerie, délire !). Tous deux publient des ouvrages où
commencée en Russie en 1912, atteint son apo- chaque page est une partition de caractèr es
gée dans ces travaux de Varvara Stépanova, qui typographiques de toutes les dimensions, dans
confront ent la typograp hie au texte poétique toutes les positions'". Le constructivisme russe
tracé. En 1919, à l'occasion de laxe Exposition tirera profit de ces expériences mais en privilé-
nationale. Création sans-objet et Suprématisme giant l'économie expressive, en visant plutôt le
à Moscou, Varvara Stépanova (sous le pseudo- minimalisme.
nyme kroutcho nykhien d' Agarykh ) présente Autour de 1922 fleurissent des éditions aux
des séries de « graphism es sans-obj et » pour typographies variées : en Russie (Le Constructi-
accompa gner les œuvres de Kroutch onykh . visme de Gane, à Tvier), à Berlin (les deux
Dans le catalogue, elle déclare : « Je lie le nou- numéros de la revue de Lissitzky et Ilia Ehren-
veau mouvement du vers non figuratif, comme burg Viechtch -Gegens tand-Ob jet, et le livre
son et lettre, à la perception picturale qui verse d'Ehrenb urg, Et pourtant elle tourne, qui veut
une nouvelle impressi on, visuelle et vivante, canoniser une « esthétique constructiviste ») et
dans le son du vers. Déchirant à travers le gra- à Paris (en 1923, Ilia Zdanévitch, devenu Iliazd,
phisme pictural la monotonie morte des lettres fera paraître son lidantYO U fAram avec une
imprimé es fondues, je vais vers un nouveau couvertu re-collag e du sculpteu r Granovs ki).
mode de création. D'autre part, en reproduisant Les limites du traitement de la page par l'impri-
par le graphisme pictural la poésie non figura- merie et de l'emploi hétéroclite des caractères
tive des deux livres Zigra Ar et Rtny Khomlé, typograp hiques sont atteintes en 1924 avec
j'introduis dans la peinture du graphisme le son l'œuvre du poète constructiviste Alekseï Tchi-
comme nouvelle qualité, augmentant par là les tchérine, dont la poésie doit se lire comme une
possibilités quantitatives du graphism e".» partition musicale. Un certain nombre de signes
L'entreprise de Varvara Stépanova radicalise, conventionnels forment un code permettant de
en les synthétisant de manière non-figurative, décrypter ces rythmes hiéroglyphiques. En voici
trois moments principa ux qui ont rythmé le quelques exemples, parmi ceux que peut repro-
renouveau pictural russe à partir de 1907 : le duire la typographie courante, car si Tchitché-

315
314
L'AVANT-GARDE RUSSE LE CONSTRUCTIVISME

,
rine utilise des notations qui ont exigé des Certaines constructions poétiques de Tchi-
P/tM/tH
prouesses techniques, il avoue qu'« à cause du tchérine deviennent ainsi d'authentiques parti-
(1!dl·&9f·;tlMTIÎt <.'•P'3Yll' •TIÏTM ·)
manque de signes typographiques, les timbres tions surchargées de signes nouveaux qui en
et intonations ne peuvent être imprimés dans ce rendent la lecture particulièrement hermétique.
livre avec la précision de l'original! "' »: malgré les clefs de décryptage que donne
« 1 ou / - accent principal dans le mot l'auteur. Ou bien ce sont, purement et simplct
2 3 4 5 - gradation des accents secondaires ment, des dessins cursifs, des graphiques d'un
dans le mot laconisme saisissant qui concentrent l'écrit dans
+ - accent central de tout le construème un minimum de sens, laissant celui-ci se dérou,
1 2 3 4 5 - accents secondaires du Ier au gré du dessin. Ainsi, la construction appe1
construème lée K-vad-ratni-skas (Conte carré) est une
Guillemets au-dessus d'une lettre - accent variante schématisée à l'extrême de ce qu'avait
secondaire dans le mot tenté Lissitzky dans son suprématiste Conte des
Petit trait horizontal au-dessus de la lettre - deux carrés (1922), où était abolie virtuellement
signe de la durée du son la distance entre le sens écrit et le sens tracé.
Point au-dessus de la lettre - caractère sac- Plusieurs « lectures » peuvent être données de
cadé (staccato) du son ces construèmes, mais chaque commentaire dis-
- - - principe saccadé (staccato) de la cursif trahirait la volonté du constructeur qui
durée nous appelle à ne pas « lire », mais à participer,
- / / - - pause à notre tour, à un acte de construction.
//- interruption sonore (respiratoire) Dans son ouvrage fondamental Le Construc-
Les lettres entourées d'un cadre désignent le tivisme russe. Typographies & photomontages,
complexe sonore de la prononciation moscovite Claude Leclanche-Boulé a analysé minutieuse• A. Tchitchérine. Construèmes, 1924.
( ... ) ment l'ensemble impressionnant que représente L. Popova, couverture de la revue Vers de nouvelles Révolution un livre futuriste. Ce qui s'est fait là
> - signe musical. » le livre constructiviste, comme il y a eu avant la rive.sdel'Artmusical, n 1, 1923.29x21.5cm. reste toujours source d'inspiration pour les
Paris, documentation Leclanche-Boulé.
maquettistes. Claude Leclanche-Boulé note « la
I. Zdanévitch, couverture de Milliork (texte I. Zdanévitch, page typographiée
mutation de la représentation et de l'écriture
de Kroutchonykh), 1919. Coll. part. de lidantYoufAram, 1923. Coll. part.
192 qui s'est essentiellement traduite, comme dans
la peinture, par l'abandon du code perspectif ou
linéaire [... ]. Par le jeu des formes et des cou-
leurs, le champ figuratif ou textuel des œuvres
constructivistes se constitue en un champ de

~
forces dynamiques contradictoires qui préten-
dent fournir un équivalent de la vie moderne

_.: :/~ ~~"


" ~ ~y :'• A
post-révolutionnaire en proposant au regard du
spectateur un espace où règnent le mouvement,
l'énergie, les conflits et la violence . » Les
« structures mosaïques » des constructions typo-
graphiques visent l'appréhension d'une totalité
spatio-temporelle qui perturbe toutes les habi-
~ , 1 4~~ . /. tudes visuelles oscillant entre classicisme (net-
~-#1-;
{.~
t~ 1
1? "" \ teté, ordonnance, économie) et romantisme
(ludisme, irrationnel. polyvalence, indétermina-
'.•
tion sémantique), la typographie constructiviste,
. - aujourd'hui vidée de son contenu idéologique,

9 garde sa force, tant il est vrai que « la forme


dicte le contenu », selon l'aphorisme de Krou-
tchonykh en 1913.

316 317
LE CONSTRUCTIVISME
L'AVANT-GARDE RUSSE

Le photomontage matériaux artistiques. De cette manière .


l'artiste ne reproduit pas un fait, mais c'est la
Le photomontage est une variante tout à fait photographie même qui est ce fait précis, saisi
originale du collage. Les constructivistes rem- dans sa véritable essence. L'exactitude du doc
placent le caractère esthétique (compositionnel) ment a une force expressive jamais atteinte
des collages de 1919-1920, utilisant toutes sortes auparavant en peinture ou dans les arts gra-
de papiers Goumaux, photographies, etc.), par phiques 100• »
l'assemblage de morceaux de photographies Klucis fut, lui aussi, à l'origine de ce qu'il
montés en puzzle. Les réalisations dadaïstes de appelle le « photocollage » avec sa Ville dynat
Grosz et Heartfield en 1919 (Dada-merika ou mique (1919, Musée national de Lettonie,
Dada Photomontage) ont donné aux Russes Riga). Il introduit de façon magistrale les
l'impulsion première 99• Dans ce domaine, Rod- découpages de photographies pour construire
tchenko a produit les œuvres très représenta- ses illustrations de livres, de revues, d'affiches,
tives. Sa mise en forme, en 1923, du poème de Pour le livre Matin (1924) de )'écrivain proléta-
Maïakovski Pour cela (Pro èto) est l'exemple rien Youri Libédinski, il a varié sa technique :
même du photomontage constructiviste. Rod- tantôt il n'a utilisé que des morceaux de photo,
tchenko définit ainsi ce nouveau genre artis- graphies, tantôt il intègre au montage des élé-
tique : « On entend par photomontage l'emploi ments dessinés et peints. Klucis a construit son
de photographies comme matériau figuratif, œuvre à la gloire du monde communiste et de
l'assemblage de photographies au lieu d'autres son chef Lénine ; dans le paysage affligeant de

A. Rodtchenko, photomontage pour Pro ,10, 1923. G. Klucis, Spartakiada, 1928. Photomontage, 14,4 x 9,4 cm. A. Rodtchenko, Cadavre vivant, c. 1919-1920. A. Rodtchenko, Sans titre, c. 1920. Photocollage
22,5 x 14 cm. Cologne, musée Ludwig. Coll. Costakis, inv. 402. Photocollage sur papier, 29 x 24,2 cm. Coll. part. sur papier, 30.2 x 22 cm. Coll. part.

V. Stépanova,Automobiles, c. 1919. Photocollage V. Stépanova, Carte postLile, c. 1919. Photocollage


sur carton, 18,7 x 13 cm. Coll. part. sur carton, 18,7 x 13 cm. Coll. part.

lj .,.
e-,

319
318
L'AVANT-GA RDE RUSSE

rigueur, à la clarté, à la pure plasticité, qui font


des photocollage s de Klucis un sommet du
constructivisme et de l'art du xx• siècle.

La photographie

Les constructivistes, dans leur négation de l'art


et de l'esthétique séculaires, ont lutté aussi
contre la photographie « artistique » et se sont
approprié la technique photographiq ue pour
créer des images-faits. En 1929, la revue Le

Nouveau Lef (Novy Lie!) consacre un numéro à
l'exigence qu'avait eue le constructivisme, sur-
tout sous sa forme productiviste, de passer en
.. littérature « du sujet au fait 101 ». Tout en se
démarquant de ce qu'il appelle le « fétichisme
du fait » chez les constructivistes-productivistes

lf
orthodoxes, Rodtchenko déclare ne pas se
battre « contre la peinture, mais contre la pho-
tographie faite sur le modèle de la peinture [... ).
La révolution dans ce domaine consiste à pho-
tographier de façon à produire la force néces-
saire non seulement pour concurrencer la pein-

A. Rodtchenko, Rue, 1927. Photographie.


Archives Rodtchenko.

l'iconographie soviétique relative à Lénine, les


photocollage s de Klucis sont une exception
notable. Utilisant diverses photographie s du
fondateur de l'URSS. Klucis a créé des images
monumentale s à la mesure de l'enjeu d'une
révolution qui bouleversa toutes les données
socio-politiques jusqu'ici existantes. Il privilégie
la sphère, placée au centre de l'image, métony-
mie du globe terrestre au milieu de l'Univers.
Lénine surplombe le monde et montre le che-
min à la foule des travailleurs, dressé à une dis-
tance vertigineuse du sol sur les énormes tuyaux
d'une usine futuriste. Dans un autre montage, le
portrait de Lénine émerge d'une tribune
constructiviste en forme de losange, dressée sur
un champ rouge, tandis que quatre autres pho-
tographies du chef bolchévique sont disposées Lissitzky. Prooime 48, 1919-1920. H/t, 70 x 55,5 cm. Madrid. coll. Thyssen-Bornemisza.
symétriquement de chaque côté du motif cen-
tral. L'utilisation du rouge, du noir et du blanc lissitzkv. Photopositif. fin des années vingt. Photographie,
(gamme typiquement suprématiste) s'allie à la 29.4 >< 23,4 cm. New York. coll. Friedman.

320 LXXXI
-
--- M. Matiouchine, Composition sans-objet, 1915-1917. H/t, 71. 5 x 80 cm. Siktyvkar. musée d'Art
de la République de Komi.

N. Souîétine, projet de tribune pour l'Ounovis, 1921. Gouache et blanc de céruse sur papier noir, 35,8 x 26,7 cm.
Saint-Pétersbourg, MNR.

LXXXV
LXXX IV
LE CONSTRUCTIVISME

A. Rodtchenko. Escalier, 1930. Cologne, musée Ludwig.

M. Matiouchine. Composition abstraite. 1919. H t, 28 x4t cm. San Francisco. galerie Modernism. ture, mais pour indiquer à tous une nouvelle éduquer à regarder de tous les côtés (... ). La
méthode pour découvrir le monde de la science, ville moderne avec ses maisons à plusieurs
de la technique et de la vie quotidienne "'. » étages, les usines, les ateliers, les vitrines à deux
L'ensemble de photographies que Rodtchenko ou trois niveaux, le tramway, les automobiles, la
nous a laissé appartient désormais au « classi- publicité lumineuse de grande dimension, les
cisme du xx siècle ». Il est exemplaire du paquebots, les aéroports, a changé, ne serait-ce
constructivisme. Cela est particulièrement évi- qu'un petit peu, le critère habituel de la percep-
dent si l'on compare l'œuvre rodtchenkien avec tion visuelle. Il n·y a que l'appareil photo qui
les célèbres photographies « artistiques » de semble pouvoir vraiment décrire la vie moderne
Moîsseî Nappelbaum (dont Rodtchenko s'est [ ... ], Il faut photographier un sujet plusieurs
moqué cruellement, comme il raillait les clichés fois, dans plusieurs positions, comme si on
où « un ouvrier était représenté à la manière l'observait de différents côtés et pas comme si
d 'un Christ ou d'un lord, et l'ouvrière à la on l'épiait par le trou de la serrure. Ne pas faire
manière d'une Sainte Vierge » ). Luttant des photos-tableaux mais des photos-moments
contre ce qu'il appelle « photographier du nom- avec une valeur de document, pas d'objet
bril quand on tient son appareil sur le ventre », d'art'". »
Rodtchenko revendiquait les cadrages « de bas Le constructeur Rodtchenko, conséquent
en haut » et « de haut en bas » : « La photogra- avec lui-même. après avoir renoncé à « l'art de
phie représente un instrument nouveau, rapide. chevalet » . cessa dans la seconde moitié des
de description du monde : étant donné ses pos- années vingt de faire du design. Dès ce moment
sibilités. elle devrait s'occuper de montrer le et pendant quinze ans, son travail créateur fut
monde de différents points de vue. elle devrait celui du constructeur-photographe.

LXXXVIII 321
L'AVANT-GARDE RUSSE LE CONS I Rl Cl I ISME

grande que des expositions lui furent consa-


JAMIE CUHHUEf crées, par exemple en 1925 et en 1926 à Mos-
-HD~blO . cou. Là aussi. les principes plastiques du mon-
tage sont l'élément de construction de Iïmage.
Les deux affiches Ciné-œil de Rodtchenko sont

roE7
HIMllEWb
bâties sur le contraste de différents cadres tirés
des films du créateur du « Cinéma-vérité » ,
Dziga Viertov. Les deux peintres et sculpteurs

Ero. DCnEnMTEnbH
M DE:WEII
constructivistes Guéorgui et Vladimir Stenberg
s'en sont expliqué : « Nous travaillons avant
tout avec le montage. D'un autre côté. nous fai-
sons ici aussi une construction (... ). Nous trai-
tons le matériau de façon totalement libre [... ).
V. Maïakovski et A. Rodtchenko, Faites le soleil pendant la nuit (réclame), 1923.
Nous n'observons pas les proportions( ...) Nous
L'affiche retournons les figures, en un mot nous utilisons
tout ce qui peut faire s'arrêter le passant
Comme la photographie, l'affiche devait rem- pressé " . » Les affiches des frères Stenberg,
placer aux yeux des constructivistes-producti- comme celles de Klucis, grâce à leur dyna-
vistes l'art de chevalet '' . L'affiche proléta- misme, leurs raccourcis. leur multi-perspecti-
rienne se substit ue donc à la peinture visme, restent une des contributions majeures
traditionnelle et se fait « tableau de rue ». En A. Rodtchenko, Ciné-œil (affiche), 1924. au constructivisme et à l'art de ce siècle.
G. et V. Stenberg, affiche pour la tournée du Théâtre de
1923, Boris Arvatov, le théoricien maximaliste Chambre de Moscou en Allemagne, 1923.
du productionnisme, écrivait dans la revue
Lie/: « Les gens de Lie/ rejettent catégorique-
ment l'art de chevalet muséo-intimiste, luttent
pour l'affiche, l'illustration, la réclame. le
photo- et ciné-montage, c'est-à-dire pour les
genres de l'art représentatif et utilitaire qui
soient de masse, exécutés par les moyens de la
technologie des machines et étroitement liés au
mode de vie (byt) matériel des ouvriers de
l'industrie '" . » Les principes plastiques de
l'affiche constructiviste seront marqués par une
rigueur très rationaliste de la composition, des
structures géométrisées à l'extrême, l'accent mis
sur la construction des caractères d'imprimerie
où règnent la ligne et l'angle droits. Les affiches
de publicité exécutées conjointement par Maïa-
kovski et Rodtchenko sont des exemples
célèbres de ce style : Camarades fillettes , De
meilleurs biberons il n 'y en a pas eu et il n 'y en a
pas, La bière « Triokhgornoïé • et « Khamovnit-
cheskol'é •, etc. Outre les affiches de publicité,
la propagande politique constitue une part
importante de l'art de l'affiche. Lénine est un
des sujets privilégiés de Klucis, avec, dans ce
E
domaine, des réussites exceptionnelles. Enfin, IN BRAMBILLA
l' affiche de cinéma connaît une fortune si E CIROFLA

322
CHAPITRE 11

L'OUNOV IS

En 1919, Malévitch introduit dans la ville biélo-


russe de Vitebsk un nouvel enseignement artis-
tique sous le sigle des· Affirmateurs et fonda-
teurs du nouveau en Art, en russe Ounovis.
Quittant Vitebsk au début 1922, le groupe
Ounovis se rend à Pétrograd où il prolonge son
activité pédagogique et muséale jusqu'à la fer-
meture du Ghinkhouk en 1926.
Outre les exercices sur la forme abstraite,
Malévitch a développé tout un système fondé
sur la constatation que l'art moderne commen-
çait avec Cézanne. Il s'agit d'étudier les cinq
principales « cultures picturales » du nouvel art
et d'en faire ressortir les éléments essentiels :
l'impressionnisme, le cézannisme, le futurisme,
le cubisme et le suprématisme sont analysés
selon « la sensation des interactions contrastées,
tonales, colorées, des éléments dans chaque
tableau[ ... ].
Après l'apparition de Cézanne, tous les
musées doivent accomplir des réformes capi-
tales pour classer toutes les œuvres et pour les
répartir conformément aux sensations' », car
par la sensation « s'accomplit la fusion du
monde avec l'artiste · ». Le fondateur du supré-
matisme insiste sur le caractère fantomatique,
délirant, imaginaire de la vision humaine des
choses. L'idée selon laquelle rien ne peut être
connu car le rien (le sans-objet) est, reste une

K. Malévitch avec ses deux principaux élèves


(à droite 1. Tchachnik et à gauche N. Souïétine).

K. Malévitch et ses élèves de l'Ounovis au Ghinkhouk


(de gauche à droite : V. Iermolaïéva, A. Léponkaïa,
Guipsi, K. Rojtestvienski, Pozemski. Y. Oudine).

Ounmi,. Diagramme n 16, cubisme, futurisme,


suprématisme. Photomontage réalisé par la Section de la
Théorie de la Forme du Ghinkhouk. New York, MoMA.

325
L'OU OV/S
L'AVANT-GARDE Rl'SSE

dans une perception organique détermi- Les architectones


1.1c<.: r • ,
..: de telle ou telle culture pictural~. c est-à-
. disons, faire de lui un suprémat1ste ou un Dans le même texte vitebskois de 1920. Malé-
IJflC , • 1 vitch proclame : « li ne peut être question. dans
0
, anniste, et pour qu'il devienne sohde dans a
le suprématisme. de peinture. La peinture a
ndance en question, cela ne _se peut qu'à la
depuis longtemps fait son temps et le peintre
. di'tion qu'il soit totalement isolé de tous les
c~ 'éd lui-même est un préjugé du passé[ ... ]. Ayant
-,hénomènes, pour que, durant toute 1 _t~ e, ne
mêlent pas à lui ces éléments add1t1onnels établi les plans déterminés du système supréma-
tiste. l'évolution ultérieure du suprématisme •
.,~ ovenant d'un autre groupe : alors. l'assimila-
désormais architectural, je la confie aux jeunes
110 n
Se fait vite et elle atteint 100%, et ce
architectes, dans le sens large du terme, car je
,..:intre est des plus solides pour de nombreuses
vois l'époque d'un nouveau système d'architec-
innées. Ce fait n'est pas une supputation thé~-
1que. il s'est justifié pendant sept ou huit ture seulement en lui''. »
Grâce au suprématisme de Malévitch, les
nnées. il se justifie encore jusqu'à présent,
architectes. à l'instar des autres disciplines de
pa rce que j'observe ces cézannistes encore
l'art. ont acquis une nouvelle vision des formes,
maintenant.
une vision libérée de tout souci ornemental,
Quant à ceux qui ont essayé de devenir dans
esthétisant, décoratif. pour ne s'attacher qu'aux
un seul et même temps aussi bien suprématistes
formes pures. élémentaires. rythmiques.
4 ue cézannistes (les éclectiques). ils ne se sont L'invention d'une nouvelle perspective permet
r..: trouvés dans aucune culture. les éléments
un retour aux rythmes premiers du monde, aux
,1dditionnels des deux cultures ont finalement
gestes archaïques. aux tracements minimaux ren-
tout à fait désorganisé leurs sensations. »
Les graphiques établis par la Section de la
K. Malévitch, Architectone ,·ertical Gota 2 a. 1923-1927.
Théorie de la Forme du Ghinkhouk en vue du Plâtre (30 él. originaux, 35 él. reconstitués).
\ Oyage de son directeur en Allemagne en 1927 57 x 26 x 36 cm. Paris. MNAM.
K. Malévitch. Architectone Alpha. 1923. Plâtre. Photographie de l'œuvre disparue.
nontrent l'ampleur du travail qui fut accompli
constante de la pensée malévitchienne mais qui cubisme et du trait droit suprématiste. servent par l'Ounovis ' . Après la fermeture du ?hin-
n'exclut pas de vouloir édifier une« science des de base à une recherche scientifique sur les cul- /.. houk de Léningrad. Malévitch a pu apphquer,
cultures picturales » et d'étudier les manifesta- tures picturales, à une véritable picturologic, ..:ntre 1927 et 1929. sa méthode psycho-physico-
tions multiformes des « vérités inexistantes ». entreprise à Pétrograd au musée de la Culture chirurgicale à l'Institut d'Art de Kiev pour
Pour Malévitch, le mouvement d'un état normal picturale et à l'Institut artistique de la Culture débarrasser les étudiants de tout psychologisme,
à un état perturbé exprime le mouvement géné- picturale'. de toute inhibition. de toute neurasthénie des
ral des manifestations à l'intérieur du monde Dans son enseignement. Malévitch n'imposait couleurs.
sans-objet. L'élément additionnel est l'élément pas la culture suprématiste à tous ses élèves. Au Comme les constructivistes, mais pour
perturbateur qui. tel un bacille ou une bactérie, contraire, il les considérait comme des malad~ d'autres raisons, les suprématistes ne s'adon-
inocule dans un corps pictural sain, « normal », affectés par tel ou tel « élément additionnel ». nent pratiquement plus au tableau de c~evalet.
une maladie qui crée une nouvelle répartition Ainsi les élèves du Ghinkhouk étaient déclarés. Dès 1920. Malévitch affirme : « Par le pinceau.
des parties constituantes de ce corps . après examen de la culture picturale qui préd(t 1I n'est pas possible d'obtenir ce que l'on peut
La métaphore nosologique-bactériologique. minait dans leurs toiles. comme « impression- obtenir par la plume. Le pinceau est ébouriffé,
qui recouvre l'opposition entre un moment sta- nistes », « cézannistes », « cubistes ». « supréma- et ne peut rien obtenir dans les sinuosités du
tique et un moment dynamique dans le déroule- tistes », voire «réalistes». cerveau. la plume est plus aiguë ». Et de termi-
ment de la vie, prend toute sa signification En 1926. Malévitch présente en ces termes ner : « Je me suis retiré dans le domaine, nou-
quand on rappelle que, pour Malévitch, le déve- une partie de sa tâche pédagogique : « Com- veau pour moi, de la pensée et, dans la mesure
loppement de l'acte pictural se fait dans le ment délivrer l'homme-peintre de l'éclectisme. de mes possibilités, je vais exposer ce que
rythme même de la nature. à l'intérieur des par quel moyen maintenir en lui l'état pur de tel j' apercevrai dans l'espace infini du crâne
énergies du monde, dans !'authentiquement ou tel système pictural ? Je me suis convaincu humain . » Ce dialogue entre écrit et art pro-
vivant. Les éléments minimaux de la courbe du fait qu'il me fallait appliquer une telle duira un ensemble de textes qui resteront un
cézanienne. du trait en forme de faucille du méthode : s'il me faut conduire un élève et le sommet de la pensée esthétique de ce siècle '.

327
326
L'OUNOVIS
L'AVANT-GA RDE RUSSE

. '

Détail de la couverture de l'Ounovis n' 1 datée du 20 novembre 1920; dessin d"I. Tchachnik pour une tribune
(atelier de Lissitzky).

Lénine haranguant la foule (au pied de la tribune, K. Malévitch, Planite du pilote, 1924. Crayon sur papier, 30,5 x 45 cm. Amsterdam, Stedelijk Museum.
dant possible la création d'un nouvel espace
à droite, Trotski).
débarrassé des alluvions hétérogènes de lïllus- convient de s'emparer. Elle rêve des « temps où
tratif, de l'anecdotique esthétisant, du contingent réservée à la nature (terre ferme ou eau) dans
son mouvement organique ; ce mouvement la Terre et la Lune seront pour l'homme source
frivole. Comme le note Peter Nisbet, « l'architec- d'énergie. de mouvement, c'est-à-dire du
ture, le genre le plus évidemment fonctionnel de n'était pas maîtrisé, bridé, soumis comme dans
le constructivisme, mais préservé et harmonisé moment où il utilisera leur force rotative
l'art, connut dans les débats [des années vingt] comme l'eau pour le moulin, car maintenant
une place de choix, aussi bien comme métaphore dans le respect de ses propres rythmes' .
Une des réalisations les plus impression- toutes ces choses tournent en vain".»
de la formation nécessaire d'une société idéale Ce n'est pas un des moindres mérites de
que comme pratique pouvant donner au monde nantes de l'architecture suprématiste est celle
conçue par Malévitch lui-même. Il faut resituer Malévitch que d'avoir prévu et décrit de façon
des objets réels et utiles 11 ». visionnaire les recherches actuelles sur les
Trois architectes se sont formés à la discipline son architecture utopique, ce qu'il a baptisé les
architectones », dans sa vision prophétique. sources d'énergie ... et les spoutniks:
suprématiste : Lissitzky, Tchachnik, Khidékel. « L'appareil suprématiste - si on peut s'expri-
Chacun d'eux proposera des projets qui reste- Le travail de Malévitch contraste avec le mou-
vement architectura l constructivis te qui mer ainsi - sera d'un seul bloc, sans aucune
ront à l'état conceptuel, tout comme ceux de jointure. La poutre en sera fondue à partir de
, ·affirme à ce moment-là en Russie et en Alle-
leurs opposés idéologiques, les constructivistes. tous les éléments, à l'image du globe terrestre
Tchachnik est à l'origine de la fameuse Tribune magne. Le peintre n'a pas évacué toute visée
utilitaire et fonctionnelle de ses projets d'archi- qui porte en lui la vie des perfections, de sorte
de Lénine créée à l'Ounovis de Vitebsk en 1920, que chaque corps suprématiste construit s'insé-
dans l'atelier de Lissitzky , qui l'a d'ailleurs tecture, mais il n'entend pas les adapter aux
seuls besoins immédiats de la société. Les rera dans l'organisation naturelle conformé-
référencé dans la catégorie des proounes (ces ment aux lois de la nature physique et formera
maquettes de ses Architectones tiennent compte
« stations d'aiguillage entre peinture et architec- par lui-même un nouveau satellite ; il suffit de
ture » ). Quant à Lazare Khidékel, ses nom- de la dimension cosmique d'où viennent les
trouver le rapport entre deux corps qui courent
breux travaux d'étude, entre 1920 et 1925, le impulsions, « l'excitation », le Rythme. Toute la
dans l'espace : la Terre et la Lune ; entre eux il
conduisent à concevoir des « aéro-villes » ; dans pensée suprématiste est tournée vers l'espace
peut être construit un nouveau satellite supré-
comme lieu dispensateur des énergies dont il
ces villes flottantes ou sur pilotis, la base était
329
328
L'AVANI-GARDE Rl SSL L'OUN0\1S

matiste équipé de tous les éléments, satellite qui Les élèves de Malévitch
se déplacera sur orbite en ayant tracé sa nou-
velle route' . » On peut distinguer quatre « vagues » dans
Une série de projets, comme la Maison spa- !'École suprématiste: 1) en 1915-1916, après
tiale du Pilote du Stedelijk Museum d'Amster- l'apparition du fameux Quadrangle noir à Pétro-
dam, s'intitulent Planity ; sur un dessin. Malé- grad et des premiers textes théoriques de Malé-
vitch précise que le planite. c'est-à-dire la vitch, !'École suprématiste comprenait Jean
maison spatiale. « est construit en dehors de Pougny, sa femme K. Bogouslavskaïa, M. Mien-
tout but, mais le terrien peut l'utiliser pour ses kov, 1. Klioune, Olga Rozanova, Lioubov
propres buts ». Comme tout système utopique, Popova et Nadiejda Oudaltsova : 2) entre 1917
le système suprématiste invente de nouvelles et 1919, dans les Svomas de Moscou, Malévitcb
appellations pour désigner les réalités à venir ; eut pour élèves des artistes comme G. Klucis,
c'est ainsi que sont formés les néologismes 1. Koudriachov. Z. Kommissarenko, etc. ; 3) de
architektona (avec des appellations encore énig- 1919 à 1922, !'École d'art de Vitebsk, qui devint
matiques telles que Alpha, Bêta, Gota, Zêta, l'Otmovis de Malévitch, accueillait Lissitzky.
Loukka - à moins de n·y voir, avec beaucoup Nina Kogan, Ilia Tchachnik, Souiétine, Khidé-
1. Koudriachov, Composition abstraite, 1920. Aquarelle et crayon sur papier. 15 >< 53.5 cm. Coll. Costakis.
d'humour, qu'un souci mnémotechnique), pla- kel, Youdine, ainsi que Strzeminski et sa femme
nite, zemlianite ... Katarzyna Kobro, qui iront prolonger le supré1 De l'époque des Svomas moscovites, à part lumineux (avec une connotation rayonniste évi-
Les architectones se divisent en deux séries : matisme en Pologne; 4) enfin, de 1922 à 1926, Klucis, on connaît assez bien l'œuvre d'lvan dente) qui fait du tableau une surface non eucli-
l'une horizontale, l'autre verticale. On y aux élèves de l'Ounovis de Vitebsk se joignent. Koudriachov qui réalisa en 1920-1921 un projet dienne où règne en maîtresse la sensation spa-
observe : le refus de la symétrie (de grandes à Pétrograd-Léningrad, de nouveaux élèves de décoration intérieure du Théâtre municipal tiale. Koudriachov nous a laissé de nombreux
formes s'entassent sur de plus petites, de grands comme Anna Léporskaïa ou Sterligov. d'Orenbourg où il utilisait le vocabulaire supré- dessins au crayon accompagnés de précieuses
corps flottant dans l'espace ne devaient matiste. Koudriachov est un explorateur de remarques qui nous permettent de mieux cerner
s'appuyer que sur des bases relativement J. Koudriachov. Composition abstraite, 1919. Aquarelle !"espace qui veut « exprimer les interdépen- la poïétique du peintre : « Les axes courbes so~t
modestes ... ) : le renversement des rapports tra- sur papier, 28 x 19 cm. Coll. part.
dances des forces ». Dans une lettre inédite de soumis au mouvement général courbe et plem
ditionnels à la masse architecturale (le « lourd » 1925, il déclare que sa peinture « cesse d'ê~re
de tension des forces : à partir des axes il Y a
domine le « léger »), les diverses combinaisons une construction colorée et formelle abstraite
des effets de lumière et d'ombre, les rapports de I. Koudriachov. Le Balancier, c. 1919-1920.
devenant l'expression réaliste de la perception Crayon sur papier. 14 x 12.5 cm. Coll. part.
grandeur contrastés, la multiplicité des points de contemporaine de l'espace( .. .]. Avec le passage
vue sur le bâtiment lorsqu'on en fait le tour '•. de l'art au réalisme et au figuratif, la peinture
En 1913 déjà, Malévitch avait prévu les temps sans-objet prend dans ses constructions l'esp~ce
où « les grandes villes et les ateliers des peintres comme un certain contenu et une certaine
contemporains s'appuieraient sur d'énormes image ; la perception spatiale (perception &?'n-
zeppelins ». Vers la même époque, Khlebni- thétique) se définit comme une représentat10n
kov écrivait son article « Les Maisons et nous», du plan cosmique ; c'est pourquoi l'expression
où il présentait la ville du futur comme lïncar- concentrée de cette représentation donne une
nation de la conquête urbaniste de l'espace : image picturale qui fait la démonstration du
« Dans cette ville l'homme s'inscrit dans un caractère illimité du monde cosmique et forme
autre monde de sensations spatiales, dans le une nouvelle sensation synthétique dans la
monde où la rupture qui s'est formée entre la peinture( ... ]. L'espace, le volume, la densité_et
nature et l'homme a disparu. » En 1920, Malé- la lumière (et la réalité matérialiste), voilà
vitch imagine les vols interplanétaires et les l'essentiel, Je nouveau qui établit aujourd'hui la
spoutniks sur orbite: en 1921, dans son texte peinture spatiale. L'image que crée intuiti~e-
« Le Rocher venant du futur », Khlebnikov ment l'artiste est analogue à la représentat10n
invente les villes volantes:« Le rocher de verre scientifique de l'Univers ». Cette tendance ~
droit de la rue en aplomb des khatas. dont faire apparaître des rapports de forces se mani-
l'angle est dressé dans l'air vêtu de vent, est le feste dans des « constructions de mouvements
cygne de ces temps ' . » énergétiques » où les lignes forment un faisceau

331
330
L'AV ANT -GAR DE RUSSE

deux lignes principales, les autres lignes L'OU NOV IS


co111
piète nt la cour be invis ible (mou vem
en
général) » ; « Explosion de force de diffé
rente
vitesses des lignes qui passent ,. ; « Construct
ion
d'intersections de forces » ; « Construction
de
mou veme nts de force de lignes qui se
cou.
pent "· etc.
La gamme colorée des œuvres de Koudria-
chov est ascétique et les cont raste s sont
peu
soulignés, conférant à l'ensemble une harm
onie
serei ne. Son supr émat isme spati al débo
uche
tout natur ellem ent sur le supré mati sme
utili-
taire proclamé par Malévitch, comme le mont
re
une série de dessins représentant des objet
s. Sur
l'un d'eux qui figure un Balancier en mouv
t'-
ment, le pein tre a griff onné ces indication
s :
« L'ob jet est cons truit de telle
manière qu'on
peut trouv er dans toute la somme des objet
s
leur caractère esthétique. » Pour les fêtes
gran-
diose s qui ont com mém oré le 1 ' Mai 1 Tchac hnik Croix suprlmatiste, 1923.
et le H/t.. 133,2 x 133,4 cm. Coll. Costakis. inv.
0

N. Souïétine, Composilion suprlmatiste. c. 7 nove mbre 1918, lors desq uelle s tous 26.
H/t, 45,.5 x 30 cm. Coll. pan. 1922. les
peintres se sont ingéniés à décorer et à parer
les
N. Souïé tine, Composition suprlmatiste, rues, les places et les édifices de Pétrograd
c. 1920-1921. et de t. Tchac hnik, Composition suprématis_te,
H/t., 53 x 70,.5 cm. Madrid, fonda tion Thyss
en- Moscou, Koudriachov a imaginé une estra H/t., 85 x 57 cm. Moscou, Galer ie nalton
1922 -1~.
Bome misza . de• ale Tréua kov.
automobile, faite de trois plans, rouge, bleu
et
jaune, qui se déplaçait dans la foule et porta
it
des orateurs et des acteurs improvisés ...
L'œu vre de Koudriachov, quan d son étud
e
sera complétée par celle des autre s supré t. Tchachnik, Composition suprlmatiste. 1929.
ma- H/t., .
tistes russes, perm ettra sans dout e de mieu 183,.5
x 112 cm. Madri d, fonda tion Thyss en-Bo
x memt sza.
comprendre tout l'apport et le rayonneme
nt de
l'œuvre et de l'enseignement de Malévitch.
L'importance de Tchachnik et de Souïétine
,
deux artistes issus de l'Ounovis, est aujou
rd'hui
incontestable. Souïétine purifie, dans l'exp
res-
sion la plus fine qui soit, toutes les traces
cultu- 1. Tchachnik.Architectone. 1927. Plâtre 6 x
relles contingentes et ignore la « cuisine 12 x 6 cm.
pictu- Coll.p an.
rale » pour créer des espaces longilignes où
les
unités suprématistes rectangulaires se soud
ent
par une attraction matérielle légère, aérie
nne,
avec une pose des coul eurs qui révè
le
l'influence de l'art de l'icône. Quant à Tcha
ch-
nik, ses œuvres ont de la rudesse, parfois mêm
e
une certa ine rugosité, quelq ue chose de
l'art
paysan, un caractère presque « terrien ».
Alors que ces deux maîtres tende nt vers
la
concentration des éléments suprématistes,
Nina
Kogan, elle, évolue vers un éparpillement,
un
332
L.'OUNOVIS
L'AVANT-GARDE RUSSE

N. Kogan, Composition .111pré111u111te, 1921-1922.


Aquarelle, 16,4 x 12,4 cm.
Documentation Leclanche-Boulé.

libre jeu des formes qui flottent et se chevau-


chent sans créer aucun volume illusoire, dans un
espace absolument plan. On ne connaît pas
encore suffisamment l'œuvre de cette artiste qui
considérait que « toute nature aussi bien que
toute perception était de la couleur construite »,
parlait des « matériaux comme moyen de
• dépassement » et de « la technologie comme
moyen de bâtisseur"».
'l. Kogan, Composition abstraite. 1921-1922. Aquarelle.
L'œuvre suprématiste de Khidékel com-
24.5 x 16.5 cm. Documentation Leclanche-Boulé. mence à être montrée ''. De Youdine on sait
qu'il a tenu un journal pendant toute la période
où il était élève de l'Ounovis. Ce document,
lorsqu'il sera publié, nous permettra de mieux
N. Kogan, décor pour un ballet suprématiste publié dans cerner encore l'histoire du mouvement fondé et
la revue Ounovis n 1, 1920. Gouache et crayon sur
papier, 18 x 18 cm. Moscou, Galerie nationale Trétiakov. conduit par Malévitch ".
li faudrait ici aussi parler de l'œuvre de Pavie(
Mansourov avant son départ définitif pour
l'Occident en 1928. Les informations que nous
pouvons avoir sur cet artiste émanent de ses
déclarations tardives souvent farfelues, impré-
cises, quand elles ne sont pas invérifiables, et
d'une datation, par lui-même, de ses œuvres très
fantaisiste (par quoi il ne se distingue guère des
peintres russes ses contemporains ... ). Mais la
création picturale de Mansourov est d'une origi-
nalité absolue. Du suprématisme, elle conserve
le minimalisme ( « la formule de rythme pictural
la plus simple »), la révélation du sans-objet
absolu où flottent en état de suspension des pla-
■ nètes géométriques ; Mansourov y introduit,
comme trait distinctif, des petites sphères,
1. Tchachnik, Composition suprbnatiste, 1923. H/t. Moscou, Galerie nationale Trétiakov.
335
334
L'AVANT-GARDE RUSSE
L'OUNOVIS

suprématisme : il se fait le propagandiste


enthousiaste de ce mouvement, tout en
essayant d'infléchir voire de censurer - la
vision iconosophique malévitchienne vers
l'idéologie marxiste-léniniste, dont il sera le
héraut jusqu"à sa mort ·•. Lissitzky est resté
divisé entre suprématisme, constructivisme et
idéologie communiste. Il a d'ailleurs été sou-
vent taxé d'éclectique, même si sa production,
qui emprunte à différents styles, n'en demeure
L. Khidékel. Étude pour une maison commune, 1927. pas moins très cohérente et d'une grande effi-
Gouache et fusain sur papier, 40 x 60 cm. Coll. part.
cience esthétique.
Entre 1919 et I 922, Lissitzky est tout à sa
révélation de la création suprématiste. qui lui
L Khidékel, Composilion suprématiste, c. 1920. Aquarelle, fait quitter l'orbite de Chagall. Avant cette
10,4 x 4,6 cm. Documentation Leclancbe-Boulé. date, il avait exécuté de magnifiques enlumi-
nures pour Sikhes Khou/ine. Une légende de
Prague en 1917 et des illustrations multicolores
au stylé légèrement cubo-futuriste et néo-primi-
tiviste pour la Khad Gady a. Les recherches
récentes tendent à montrer que Lissitzky s'était
déjà orienté, avant d'aller à Vitebsk, vers le
sans-objet dans le milieu kiévien d'Alexandra
Exter, ce dont témoigne sa Composition du
P. Mansourov. Cinq boules, 1923. Crayon sur papier.
70 x 48 cm. Paris, MNAM.
Musée national ukrainien de Kiev (1919) ".
À l'Ounovis de Vitebsk, Lissitzky développe,
Viechtch-Gegenstand-Objet, qu'il fait paraître sous le nom de proounes '°. un suprématisme tri-
en collaboration avec Ehrenburg à Berlin en dimensionnel, ce qui semble contradictoire
L Khidékel, Composition suprématiste, c. 1920. Aquarelle. mars-avril et mai 1922, visait à créer, à partir du puisque le suprématisme pictural est la planéité
16,9 x 10 cm. Documentation Leclanche-Boulé. Premier groupe de Travail des constructivistes absolue, sans la moindre illusion de volume. Il
de l'lnkhouk moscovite, un front constructiviste est vrai qu'à la fin 1915, sur la cimaise du Supré-
« comètes illégales dans le cercle des planètes international ''. matisme de la peinture à 0,10, un tableau de
calculées » (pour paraphraser Pouchkine). La Cette propagande du constructivisme par Lis- Malévitch présentait une figure axonométrique,
pose de la couleur est, chez lui, d'une très sitzky et son allié 1. Ehrenburg ne fut guère embryon des futurs Architectones de 1923-1924.
grande subtilité et contraste avec la texture apprécié en Russie soviétique, en particulier par Le travail de Lissitzky est différent : il transpose
rugueuse de ses supports ( des planches de bois Gane qui contestait que le constructivisme fOt le suprématisme plan en suprématisme architec-
aux formes inédites allongées). Comme chez érigé en une nouvelle esthétique, un nouvel art, tural'' . S. Khan-Magomédov, après avoir fait
Larionov, il y a chez Mansourov un jeu instauré alors que sa devise était « mort à l'art » et que remarquer que les proounes « représentent des
entre facture et calligraphie, qui provient de sa perspective fondamentale était de modèles originaux de l'architecture nouvelle,
toute évidence de l'art populaire (peintures sur « construire » la vie. des expériences architectoniques dans le
bois, carreaux de faïence, tapis, broderies, etc.) •. Il peut paraître étonnant que Lissitzky, un domaine de la création de formes, la recherche
des membres importants de l'Ounovis de de nouvelles représentations géométriques dans
Vitebsk où il dirigeait, en particulier, !'Atelier l'espace, des compositions "préparant" les
Le cas Lissitzky polygraphique, se fasse ainsi le porte-parole futures constructions en volume dans
d'un mouvement si fondamentalement l'espace · », fait valoir qu'ils constituent une
Dans les années vingt, Lissitzky fut le propaga- contraire au suprématisme de son maître Malé- interprétation du suprématisme malévitchien où
teur en Occident du constructivisme et du vitch. En fait , cela témoigne de la situation tout flotte dans l'espace sans haut ni bas, sans
suprématisme. Les deux numéros de la revue ambiguë où Lissitzky se trouve par rapport au droite ni gauche:« Dans les Prouns [= proounes],

336
337
1... AVANl-UARDE RUSSE

L'OUNOVIS

gny, 1m,• sem ble avoir été le premier


. à ,mettre le
vocabulaire suprématiste au service d un~ nar-
ration en construisant des figures humaines ~
partir de plans quadrilatères, de cercles, d~ tn-
angles, de lignes droites '. Le suprématisme
décoratif et narratif de Lissitzky dénot~. un
grand sens de l'équilibre des formes, une ut1hsa-
tion très harmonieuse de la couleur, une_ e~ca-
cité visuelle du meilleur aloi. Au fond, L1ss1tzky
est avant tout un polygraphe de gran~ talent, ~t
son travail dans ce domaine est umqu~, qu tl
s'agisse de mise en forme de livres (les Six nou-
velles avec une fin légère d'Ehrenburg, le C~nte
suprématiste des deux carrés en six constructions
1922) des réclames ou des affiches.
en • . . d la
Lissitzky a été également ptonmer ans
L" 'tzky La Victoire sur le Soleil, étude pour le création d'espace pour exposer des tableaux.
1ss1 , Le Nouveau • 1923· Lithographie, 53 x 45,5 cm.
personnage Son Espace prooune de 1923 offre un spectacle
ri

Lissitzky, Conte suprémaIIS. te des deux carrés en six constructions, 1928. Aquarelle sur papier, 30 x 80 cm. Coll. pa •

Lissitzky, Prooune, début années vingt. Aquarelle, gouache et mine de plomb sur papier, 38,5 x 27,8 cm. Colt. part.
Lissitzky, Prooune 99, 1925. Huile sur bois, 129 x 99 cm.
New Haven, Yale University Art Gallery. [Lissitzky] s'empare d'abord de l'idée du flotte-
ment des éléments dans l'espace, et il donne
aux éléments suprématistes plans le volume et
tout se transforme alors. Ils se mettent à des-
cendre sur terre, car en tant qu'architecte il des-
sine les volumes avec un haut et un bas. Il leur
imprime des rotations diverses (il existe des
Prouns en cercle), les arrache de la terre et mal-
gré tout, les éléments de ses Prouns se transfor-
ment en volumes architectoniques, c'est-à-dire
possédant un haut et un bas même quand ils
planent sur un fond blanc ". »
Il est évident que Lissitzky ne prend que « les
plumes de l'organisme » suprématiste, pour
paraphraser Malévitch parlant du constructi-
visme. Cela se confirme d'ailleurs dans sa série
de dessins de 1922 illustrant La Victoire sur le
Soleil de Kroutchonykh : Lissitzky construit les
figurines représentant les personnages du livret
à l'aide de formes géométriques suprématisées. JBA
,../ ·n·
En fait, dès 1913, Malévitch avait inauguré,
dans le cadre du cuba-futurisme alogiste, ce
.
.A.

T•
type de figuration (pour la même œuvre) : Pou-
338

339
L'AVANT-GARDE RUSSE L'OUNOVIS

Malévitch a conçu également de nombreux grad. sont d'une grande beauté plastique. Les
projets pour des tissus et des robes. Son Premier quadrilatères et cercles suprématistes font
11 u 11 d'orientation s11pré111atiste est appliqué sur l'objet de variations allant de la simplicité
une toile, geste qui montre que pour Malévitch. extrême à l'implexité la plus dense. Ces dessins
k design avait la même dignité que le travail peints sont à la fois d'une grande intensité colo-
d"organisation de la surface dans le tableau. Les riste et d'une totale légèreté. De la sorte. la
Instituts de la Culture artistique de Moscou ou polychromie suprématiste sur le fond blanc de
J..: Léningrad n'avaient-ils pas supprimé la dis- la porcelaine opère une dématérialisation de
1inction entre les anciens arts plastiques l'objet, en fait un « morceau d'infini». L'Encrier
,., nobles » - et les arts appliqués « mineurs » ? de Souïétine est une réalisation d'une très
1 a « culture artistique » (dont la « culture pictu- grande force : c'est un véritable architectone. un
rale » était un élément particulier) ne considé- monument architectural, où la pesanteur des
rait-elle pas la création comme un ensemble, un masses axonométriques est vaincue par le tracé
tout d'où émanent les différentes branches des réseaux planétaires suprématistes.
artistiques. sans qu'il y ait de hiérarchie entre Tchachnik travailla avec Souïétine à la Manu-
..: lies ? Sur son projet de Robe s11prématiste, facture nationale de la Porcelaine de Pétrograd-
Malévitch a écrit : « L'harmonisation des Léningrad. Les objets qui nous ont été transmis
formes architecturales dans n'importe quel style - assiettes, pot à moutarde, gobelets - manifes-
de l'architecture industrielle. soit suprématisto- tent les traits spécifiques du suprématisme de
dynamique soit cubisto-statique, exigera le rem- Tchachnik : robustesse, tonalités plutôt
placement des meubles. de la vaisselle, des « mineures » et sourdes, plus grand figement

N. Souïétine, vases. s. d. Porcelaine.


robes, des peintures murales et de la peinture. dans l'état de suspension sur le fond blanc de la
N. Souïétine, tasse et assiette à motif suprématiste. s. d.
Porcelaine. Prévoyant que le mouvement de l'architecture céramique.
N. Souïétine, projet pour un meuble de rangement, 1927.
aurait pour une part importante une harmonie D'autres disciples du suprématisme firent des
Crayon surpapier, 17.1 x 11,9cm. Coll. part. \Uprématiste, j'ai fait cette esquisse de robe projets dans le domaine de la porcelaine (Pou-
conformément à la peinture des murs. selon le gny. Vladimir Lébédev, Lapchine) montrant les
contraste coloré. » Ainsi. tout le milieu artis- possibilités qu'offraient les surfaces blanches du
tique de l'homme a des composantes qui sont matériau pour faire apparaître le monde sans-
liées par l'unité de la forme et la couleur. Sculp- objet. Il est encore trop tôt pour faire un bilan de
ture, peinture. architecture se conjugueront l'École suprématiste de l'Ounovis car nous ne
dans le nouveau rythme du monde contempo- connaissons encore qu'imparfaitement l'œuvre
rain. On voit là une nouvelle interprétation du de ses membres. Qui plus est, ce qui nous par-
Gesamtkunstwerk, de l'œuvre totale. vient est souvent le fruit du marché et de la spé-
Les objets en porcelaine créés par Souïétine, culation. Il faudra du temps pour mettre de

1/ assiettes, tasses, soucoupes, services à café ou à


thé. exécutés à partir de 1923 à la Manufacture
l'ordre dans le chaos et l'anarchie qui président à
l'apparition d'œuvres dans les galeries ou les
nationale de la Porcelaine de Pétrograd-Lénin- maisons d'enchères. Un tri sera nécessaire.

Af
.I

342
CHAPITRE 12

L'ÉCOLE DE MATIOUCHINE

n 1922. Matiouchine fut nommé à la tête d'un nature - voilà notre maître [ ... ]. Pour en expri-
1boratoire du musée de la Culture artistique. mer plus fortement la voie créatrice. il faut
mis du Ghinkhouk de Pétrograd-Léningrad, où l'observer librement. sans s'accrocher à des
1diriga, de 1923 à 1926. la section de la Culture détails connus . » En 1918. il baptisa son atelier
,rga nique 1• Le travail de recherche de cet des Svomas pétrogradois du nom d'Atelier du
lrtiste - auquel il donna le nom de Zorved réalisme spatial.
Voir-Savoir) - fut essentiellement consacré à Comme Filonov. Matiouchine croyait aux
1exercice d'élargissement de la vision normale possibilités infinies de l'homme, en appelait
k l'homme. Matiouchine entendait dépasser même à la vision « par la nuque » : « Apprendre
Iï mpressionnisme pictural qui ne rendait que à voir avec la nuque, avec le sinciput, avec les
raspect phénoménologique, fragmentaire et tempes et même avec les traces des pieds, de la
fugitif de la lumière ; il cherchait à accéder à même façon que les yogui chez les Hindous
une image visuelle totale qui englobât non seu- apprennent à respirer non pas avec les seuls
lement les détails mais aussi ce qu'une vision poumons mais avec toutes les parties du
dargie à 360 degrés peut saisir de la réalité. corps.»
Matiouchine a compris tout autrement que les Jean-Philippe Jaccard évoque les rapports
cubistes parisiens cette synthèse de « l'œil qui qu'entretient la vision élargie matiouchinienne
, oit » et de « l'œil qui sait ». selon une formule avec les travaux de H. Helmholz sur l'excitation
de Filonov . Tout en reconnaissant le pas de l'appareil nerveux visuel (l'« ophtalmo-
e no rme que le cubisme a fait faire « à la scope ») et sur la « vision occipitale ~» ; il souligne
conscience sur la route menant à une nouvelle avec justesse que « l'abstraction (360 degrés) »
compréhen ion de l'espace», il lui reprochait de n'est en fait qu'une nouvelle perception et une
'être éloigné de la nature : « li fut mis fin à la nouvelle représentation de la réalité, beaucoup
repré sentation sans intermédiaire de la plus proche de celle-ci ... Matiouchine était hanté
nature . » Le retour à la nature, qu'il a pratiqué par la vérification scientifique de ses théories. Il
avec sa femme Éléna Gouro avant 1917. fut le multipliait les expériences, établissait des gra-
mot d'ordre de son atelier à partir de 1923. Il a phiques. Pounine lui reprochera d'ailleurs son
d 'ailleurs montré dès 1911 des racines d'arbre engouement pour la physiologie et ses méthodes
comme sculptures et en a même exposé à Paris de laboratoire appliquées à l'étude de l'art . En
au Salon des Indépendants de 1914. fait. avec des moyens technologiques beaucoup
Matiouchine voyait dans la croissance de la plus rudimentaires. Matiouchine menait ses
nature, dans son mouvement. des lignes et des recherches d'une science de la couleur et de la
surfaces courbes. des surfaces qui s'enroulent et forme dans leur interaction parallèlement à ce
se déroulent. Il y puisait le modèle de sa créa- qu'expérimentait au même moment Johannes
tion, dont la visée n'est pas de copier la nature Itten au Bauhaus .
mais d 'en transcrire les « gestes » sur une sur- Dans son Atelier du réalisme spatial, Matiou-
face, à l'aide de lignes et de couleurs : « La chi ne eut comme élèves les quatre frères et

345
L'ÉCOLE DE MATIOUCHlNE
L'AVANT-GARDE RUSSE

Ci-dessus · M Matiouchine, Objet a deux facn tournant


à 180 t/('~rc ,. 1923. Bois, métal, tissu. Photographie
de l'œuvre disparue.

Ci-contre: Portrait de M. Matiouchine en 1914.

Ci-dessous: Atelier de M. Matiouchine, c. 1933.

M. Matiouchine devant le tableau du chromatisme


des couleurs (étude de la couleur et de la forme dans
la vision élargie).
M. Matiouchine avec M., X. et Y. Ender au début
des années vingt.

sœurs Ender : Boris, Maria, Xénia, Guéorgui,


amsi que N. Grinberg. Avec eux, il étudie une
nouvelle mesure de l'espace, s'appuyant sur le
développement organique des cellules, des
plantes et des organi mes les plus simples. Dans
ce développement, le mouvement se fait simul-
tanément dans tous les sens, depuis le centre
jusqu'à la périphérie. En termes de création
artistique, on obtient : « La ligne partait de moi,
en avant, dans l'infini : ma volonté a créé un
nouveau mouvement de la ligne vers le côté
absolument opposé [... ]. Le mouvement conco-
mitant •·en avant" et ··en arrière" ne s'était
jamais encore manifesté dans la conscience
humaine. parce que l'homme a été jusqu'ici la
limite de la ligne de la troisième mesure.
d'avant-en arrière, comme la Terre est la limite

347
346
L'AVANT-GARDE RUSSE L'ÉCOLE DE MATIOUCHINE

nisme suprême qui est lié à tout le visible,


comme le ciel l'est à la Terre 1 • »
Dans l'art de gauche. Matiouchine a été,
autour de 1913, un des propagateurs de l'idée
de quatrième dimension (empruntée aux théo-
ries non-euclidiennes de Lobatchevski, Rie-
mann, Minkowski ou Ch. H. Hinton ). En 1923,
il fabrique un Méta-corps. Cube dans une nou-
velle dimension tournant autour d'un axe, en
bois et fer-blanc qui doit exprimer concrète-
ment la métamorphose d'un objet dans un
espace « méta-objectal ». Son Objet à deux faces
tournant à 180 degrés en bois, métal et tissu a
voulu réaliser un contraste des formes, sem-
blable à celui existant dans la nature, où chaque
côté possède un autre côté qui lui est opposé
tout en lui étant organiquement lié.
Matiouchine et ses élèves ont accompli un
travail considérable dans le domaine de la cou-
leur et de sa mutation en liaison avec l'environ-
nement. qui aboutira à la réalisation de
l nder, Composition, 1918. Huile sur carton, l'Annuaire de la couleur, édité en 1932 ". Dans
5 61,5 cm. Lugano, coll. Thyssen-Bomemisza.
le cadre du Ghinkhouk, l'École de Matiouchine
Ci-dessus : B. Ender. Espace élargi. 1922-1923.
H/t., 69,1 x 97,8 cm. Coll. Costakis, inv. 540. pour la ligne qui descend d'une hauteur. J'abolis réalisa des tableaux montrant la couleur en
cette limite, créant une ligne-direction passant à mouvement et ses mutations en fonction de
travers moi vers l'arrière ; à travers la Terre, à l'élargissement du « point de vue ». En 1927,
Ci-contre: X. Ender, Composition abstraite. 1921-1922.
Aquarelle sur papier, 30 x 37 cm. Coll. Costakis, inv. 565.
travers mon antipode. vers les étoiles 1 • » Malévitch, lors de son voyage en Pologne et en
Dans sa recherche picturale des années vingt, Allemagne, emporta, outre ses propres tableaux
Ci-dessous: N. Grinberg, Composition abstraite, 1920-1921. pédagogiques, les diagrammes de l'atelier
Matiouchine privilégie le paysage. Il pratique le
plein air pour s'entourer d'espace. De la sorte, matiouchinien .
les surfaces se font plates, tous les éléments ver- Les réalisations picturales des élèves de
ticaux d'un paysage (arbres, maisons, collines) Matiouchine sont également d'une grande force.
1pparaissent comme une partie de la surface Boris Ender, dans son chef-d'œuvre Composi-
terrestre dans son ensemble fortement déplacée tion (couleurs de la nature) (1922) du Musée
ers le haut. Il cherche le mouvement des national russe, a fait de sa toile une mosaïque
olumes qui vont de l'intérieur vers le specta- d'une complexité inouïe où se lit le monde
teur, réalise de nombreuses études où il explore comme masse matérielle transpercée de
l I vision élargie verticalement et horizontale- myriade de petites touches de couleurs. Comme
ment, le principe de la sensation de la masse si la voie lactée s'était unie aux processus de
terrestre et céleste perçue avec la nuque : « La croissance et de transformation terrestres .
beauté du premier plan dépend entièrement de L'œuvre des deux sœurs Maria et Xénia
l'tnfluence sans intermédiaire du plan Ender oscille entre la non-figuration (l'objet
opposé 11. » Dans ses Études sur la demi-\pher', n) · dans le magma coloré) et l'abstraction
li crée un espace sans côtés ni directions. for- d'une iconographie cellulaire aux « formes sans
mant une seule profondeur sans fond. La Terre forme », aux déroulements capricieux, avec des
Lst la demi-sphère au centre de laquelle se couleurs très chaudes alliant les bleus. les
trouve l'artiste qui va au-delà du voile trompeur jaunes, les rouges et les verts dans une palette
des apparences, à leur source, vers cet « orga- e prc 10nniste très « slave ».

348
CHAPITRE 13

L'ÉCOLE D E FILONOV

1 ilonov est un des peintres les plus étonnants ture. est perdue : elle s'est dissoute dans l'art
le tous les temps. Il a vécu en plein xxc: siècle. graphique et les esquisses. alors que le dessin
t mort à la tâche, dans le plus total dénue- doit être art à part entière. Le dessin n'est pas le
ment. pendant le blocus de Léningrad en 1941. laquais de la peinture ni celui de l'art gra-
Un peintre-moine. Un moine laïque '. La ver- phique. Nous restituons ses droits au dessin ».
ion picturale du visionnaire de la poésie russe, Pour tenter de saisir cette œuvre, il faut, plus
Khlebnikov. que pour tout autre, débroussailler notre sensi-
Comme ce dernier. Filonov dédaignait super- bilité et notre intellect de toutes ses « grilles de
bement les acquis occidentaux, il rejetait toute lecture » expérimentées au contact des cultures
la tradition picturale moderne dont la source picturales européennes modernes. Filonov dif-
dai t Monet, Cézanne, Gauguin, Van Gogh. fère fortement de ce que l'on a pris l'habitude
Non qu'il ignorât ou fit abstraction de ces cou- de nommer« l'avant-garde russe», et toute ten-
ra nt s et de leurs descendants à l'aube du tative de comparaison fait éclater encore plus
siècle : primitivisme. cubisme, futurisme, cette totale divergence : alors que la ligne domi-
rayonni m culpto-peinture, suprématisme ... nante de l'avant-garde russe est orientée vers la
Mais, alors que tous les mouvements pictu- synthèse, vers un minimalisme qui dit l'essentiel
raux qui ont mis à mal l'héritage de la Renais- en se débarrassant de l'apparemment acces-
sance s'étaient plutôt engagés sur une voie soire, Filonov offre. lui. une visée analytique
d'économie. de réduction, de tri, de mise en qui cherche à rendre dans un même ensemble le
équation du monde des objets (la fameuse corps du monde sur la toile. avec ses moindres
phrase de Cézanne : « Traitez la nature par le parcelles. ses genèses, ses états et son devenir.
cylindre, la sphère, le cône, le tout mis en pers- Cela produit. à l'évidence. une picturologie et
pective » prise à la lettre par les cubistes pari- une iconologie singulières dans le concert de
siens et les cubo-futuristes russes), Filonov, lui, l'art universel du xxc: siècle.
avait l'ambition de faire de la surface du tableau Si l'avant-garde russe est dans la sphère de
le lieu de l'éclosion « lumino-colorée » du « la répression de la vie qui se manifeste. par
monde. La vie doit se manifester dans sa tota- exemple. dans les mosaïques byzantines·. Filo-
lité, ne laisser aucun vide. D'où la technique nov est ancré au plus profond du « vrai orga-
« atomiste » de la finition : le peintre travaille nique », du « vivant ». Mais. paradoxalement.
sur chaque atome de sa surface picturale, le la création de l'artiste participe aussi bien de
tableau se construit petit à petit. par vagues suc- l'abstraction que de l' Einfühlung (pour
cessives de microco mes dessinés-peints, pour reprendre la dichotomie exposée par
former l'organisme macrocosmique de l'œuvre Woringer) : son monde organique est étroite-
fi nie '. Dans une de ses propositions - capitale ment enchevêtré avec ce que Worringer, après
pour comprendre le style de Filonov et de son Riegl, appelle la beauté cristalline de l'inorga-
école - l'artiste proclame que« la valeur du des- nique, qui forme la loi plastique première et
sin, colossale et équivalente à celle de la pein- éternelle de la matière inanimée .

351
L'AVANT-GARDE RUSSE

La cohabitation, dans l'ensemble de l'œuvre 1·art populaire à une science picturale raffin
mais aussi dans une même période chronolo- et conserve une lisibilité des formes.
gique. de styles et de picturologies apparem- contemporain de toiles comme Les Fleu n
ment opposées constitue une autre source de l'éclosion universelle (1915) ou Formule du Ca
déconcertement. En règle générale, un artiste mos (1918-1919) où le réseau entremê lé d
évolue à travers une succession de cycles cohé- unités colorées fait disparaître tous les contou
rents ; chez Filonov, à côté de la facture brisée Une exposition chronologique de la créati
et accumulatrice des œuvres de 1912-1916, filonovienne masque, en fait, la cohérence et
coexistent des factures réalistes poétiques (Les force des solutions picturales totalement no
Pêcheurs italiens [1913) ou Double portrait velles par lesquelles le peintre a enrichi ra
d'Evdokia Nikolaïevna Glébova [1914)), des universel.
factures réalistes à la manière de la « peinture Filonov, dans un texte de 1912, oppose loi
fine » hollandaise (les deux étonnants portraits canon. Par canon, il veut entendre la convcn
à l'huile de sa sœur Eudoxie et d'Armand Azi- tion. l'arbitraire des signes et des co ul e ur
bert) ; le loubok sur le thème de la Fuite en l'application mécanique des procédés. La loi
Égypte (1915-1918), qui allie le primitivisme de elle, est la vie vivante, organique, qui jaillit

P. Filonov. Formule du printemps, 1928-1929. H t.. 250x 285 cm. Saint-Pétersbourg, MNR.

X. Ender, Composition. 1925. Aquarelle sur papier. 39.8 · 29,8 cm. Coll. part.

352 LXXXIX
X. Ender. Composition. l 925. Aquarelle sur papier, 21,9 x 26.8 cm. Coll. part.

B. Ender, Couleurs de la nature, 1925. Aquarelle sur papier, 22 x 24,5 cm. Coll. part.

XC XCI
P. Filonov, Charretiers. 1915. Aquarelle. encre marron, encre de Chine, plume, pinceau et crayon, 45 x 51,7 cm.
Saint-Pétersbourg, MNR.

P. Filonov, Le Voleur, 1926-1928. H/t. Saint-Pétersbourg, MNR.

XCII XCIII
v. Lébédev, Nature morte avec une botte, 1920. H/t, 107 x n cm. Saint-Pétersbourg, MNR.

P. Filonov, La Formule du prolétariat de Pétrograd, 1920-1921. H/t, 154 x 117 cm. Saint-Pétersbourg, MNR.

XCIV
XCV
L'ÉCOLE DE FILONOV

médiation, qui ne cherche pas à enfermer la


1ature dans des catégories. Le peintre affirme :
Par notre théorie nous avons inclus dans la
peinture la vie en tant que telle, et il est clair
1ue toutes les déductions et les découvertes
ultérieures seront issues d'elle, du fait seule-
ment que tout est issu de la vie et qu'en dehors
d'elle il n'y a même pas de vide, et à partir
d'aujourd'hui les personnes vont vivre, parler,
penser et se transmuer en tous les mystère de
la grandio et pauvre vie humaine, pré ente et
future, dont les racines sont en nous et dont la
source éternelle est également en nous . »
L'orientation filonovienne présente des affi-
nités avec l'« organicisme» de Matiouchine, qui
a d'ailleurs consacré en 1916 un beau texte à
l'auteur de la Formule du printemps. Enthou-
siasmé par le renouveau général des arts au
début du xxc siècle - en particulier de la pein-
ture qui est allée au cœur de la réalité, au-delà
de l'éparpillement du visible, pour embrasser P. Filonov, Victoire surl'éternùé, 1920-1921.
H/t., 128 x 128 cm. aint-Pétersbourg, MNR.
dans une active contemplation « le grandiose
corps commun de Dieu » - Matiouchine n'offre aucun espace libre, elle est constituée
déclare : « Filonov comprend le mouvement d'un réseau d'éléments à la manière des petits
non pas comme inclus dans la périphérie visible carreaux de mosaïque. Un mouvement tour-
des choses mais ce mouvement va du centre billonnant enveloppe dans un rythme coloré un
vers l'extérieur et vice versa [... ]. (Il] montre, mouvement vertical contre-coloré. Tous les
outre le mécanique, le mouvement qui part de objets ( des maisons pré-cubistes, primitivistes,
la volonté libre des choses en elles-même et il des parties de corps humains, de chevaux, etc.)
présuppose l'évolution en tant que liberté de semblent comme tran percés par une picturalité
choix, dont l'expres ion est l'être le plus com- cosmique. Certains procédés thématiques sont
plexe qui soit - l'homme [... ]. Ce n'est pas une visiblement empruntés à la peinture d'icônes :
analyse cérébrale mais la déduction intuitive combinai on d'un nombre inhabituel des parties
d'un voyant qui démêle, grâce à sa maîtrise du corps (à l'instar des icônes La Mère de Dieu
étonnante, les "Voies des Fils des Nornes" . » à trois mains ou la Sainte Trinité avec trois
La complexité propre à l'art de Filonov fait yeux), poses hiératiques, représentation de
de ses tableaux, dans la plupart des cas, des deux pieds isolément ou des seules faces (à
énigmes difficilement déchiffrables. L'artiste l'instar des icônes recouvertes d'une chape de
nous a laissé peu de clefs et il faudra les efforts métal). Sur la toile, ce qui est organique et ce
conjugués de plus d'un herméneute pour parve- qui ne l'est pas ont une même dignité, sont fon-
nir à lire les peinture de celui que ses contem- dus dans une seule et même vie picturale. Une
porains ont baptisé le« Bosch russe». Le pictu- autre grande toile des années vingt, Formule du
ral des œuvres de Filonov est dense ; la printemp , résume dans la polyphonie grandio e
profusion des éléments figuratifs, construits iso- des atomes de sa mosaïque toute la création de
1é ment, forme une masse de formes où la Filonov, une création où le monde est en perpé-
I. Pougny, Le Violoncelle rouge, 1919. Peinture à la colle et papier marouflé sur toile, 115 x 146 cm. Paris, MNAM. lumière est distribuée avec parcimonie. La For- tuelle ré urrection.
mule du prolétariat de Pétrograd (1920-1921) est La picturologie primitivi te domine dans des
une véritable « pluie picturale », sa surface œuvres où l'iconologie est le plus souvent ber-

XCVI 353
L'AVANT-GARDE RUSSE L'ÉCOLE DE FILONOV

métique. Il y a bien un sujet reconnaissable qui La mythologie et la cosmogonie que no 1oubok russe {Trois cavaliers], L'Occident et Dans la picturologie filonovienne, la facture
appartient à une thématique traditionnelle, offre Fifonov à travers ses scénographies éni ·Orient, Les Paysans). Elles sont comme un « cristalline » ( Composition de jaspes, 1926) se
mais le traitement que lui a fait subir le peintre matiques sont toutes imprégnées par la visio signe de la présence de la vie, rappelant que le rencontre dans les différents cycles conjointe-
transforme ce sujet en rébus. Jusqu'en 1917, En effet, Fiodorov est obsédé par l'idée d'œuvri quotidien russe, à travers ses i~diennes,_ ses ment à ce que nous avons appelé la technique
beaucoup de tableaux de Filonov reprennent un commune qui permettra, grâce à l'activité de l hâles bigarrés, ses plateaux, affirme ses hens du puzzle et de la mosaïque. L'exemple le plus
motif tiré de la tradition judéo-chrétienne : raison consciente de l'homme, de dominer l vec la germination universelle. Chez Filonov, frappant est celui de la toile Trois à table, peinte
1
Adam et Ève (Un homme et une femme, 1912- nature mauvaise (entropique) et d'opérer l r homme est le lieu par où passe la croissance en 1914-1915, au moment du passage du« cycle
1913) ; la Cène (A table. 1912-1913) ; la commu- résurrection, « la Pâque, c'est-à-dire le pass chrétien » à celui de l'« éclosion universelle ».
1rborescente. Sur plusieurs tableaux, les per-
nion orthodoxe (Trois à table, 1914-1915) ; les de la terre au ciel 1 », de réaliser la métamor so nnages poussent eux-mêmes comme des Lés éléments floraux, les fruits sont faits de
visions apocalyptiques (Sans titre (Les Cava- phose du chaos de l'Univers en cosmos, dans l ar bres (Trois à table, où le paysan barbu à petites unités colorées, de facettes, qui se pro-
liers), 1913 ; Les Rois mages, 1914 ; Saint « magnificence de l'incorruptibilité et d gauche émerge de l'efflorescence, ou encore pagent, débordant des coupes sur tous les autres
Georges, 1915) ; la pêche évangélique (Goélette l'indestructibilité 1 »; cette vision est trad uit Les Rois mages, Saint Georges, La Mère, voire éléments de la surface picturale (personnages,
de piche, 1913-1914) ; la « Sainte Famille » dans l'œuvre de Filonov, par les thèmes emblé- la Formule du prolétariat de Pétrograd, où un arrière-fond). Le jeu de l'ombre et de la lumière
(Famille paysanne, 1914 ; La Fuite en Égypte, matiques de Printemps. Chez Fiodorov. 1 homme-arbre envahit toute la surface du n'est pas celui de la réalité sensible : l'ombre et
1915). conquête des secrets du monde, de la victoire tableau). Matiouchine, dans un article inédit de la lumière fusent de partout. C'est le sujet de la
Des éléments propres à l'iconographie ou aux sur la mort, la réalisation du nouveau ciel et de I 913-1914, « Le sentiment de la quatrième communion chrétienne orthodoxe qui est trans-
gestes religieux orthodoxes sont parfois pré- la nouvelle terre, promises par l'Apocalyp ne d imension », compare les arbres et leurs formé ici en parabole picturale. Du point de vue
sents: des icônes figurent au« beau coin» dans relèvent d'aucun miracle, d'aucune solution qui ra mures « s'en allant dans le ciel » à des iconologique, le caractère paysan de ce loubok
La Mère, 1916 ou Les Paysans, 1912 ; le croise- dépasserait l'homme. Le penseur russe insistd « bronches, ces fondements de la respiration » : rappelle la visée de Fiodorov qui en appelait à
ment des bras sur la poitrine des croyants ortho- sur ce point à plusieurs reprises. Son ambition « La terre sainte respire par eux, la terre respire la transformation de la ville en village et
doxes qui vont recevoir la communion (Trois à est même de supprimer les divisions e ntr par le ciel, accomplis ant le cercle des échanges condamnait le mouvement inverse accompli par
table, les deux Festins des rois de 1912-1913, « savants » et « non-savants », entre « croyants » des substance terrestres et célestes'". » L'arbre la civilisation contemporaine 1 ; cette œuvre res-
Homme); les gestes sacerdotaux. et « non-croyants ». Le passage d'un monde se réalise en fleurs. Chez Filonov, le fleurisse- titue les « agapes d'amour » des premiers
Il n'y a pas une scène picturale de l'auteur de déraisonnable aux prises avec la nature mau- ment, est, picturologiquement, l'héritage de siècles, une « liturgie hors-église » où sont pré-
la Formule du prolétariat de Pétrograd qui ne vaise doit se faire de façon naturelle, grâce à la Vroubel, le plus puissant créateur de l'art russe sentés les « fruits de la terre » et non des succé-
soit pas figée dans un complexe gestuel d'où raison. a près l' Alexandre Ivanov des Esquisses danés 1 , la Trinité non comme dogme mais
l'aspect quotidien de la vie s'est évadé vers une À partir de 1914-1915, la création de Filonot bibliques et avant l'« avant-garde». Chez Vrou- comme précepte (zapovied), qui transfigure la
sphère hiératique d'éternité. On peut voir là quitte le monde des métaphores tirées de bel, la technique du dessin est très fouillée, vie quotidienne selon la triade « Père-Fils-
une convergence avec l'art ancien égyptien. mythes religieux archaïques pour faire de la sur- dense, et crée des unités colorées en mosaïque Fille ».
Filonov, tant dans sa vie d'homme que par face du tableau le lieu de germination, de crois1 qui annoncent la technique de puzzle chez Filo- Après la Révolution, pour des raisons que
son œuvre, présente des affinités avec le philo- sance et d'éclosion du pictural, un pictural qui nov. Ainsi, dans le Démon assis (1890), le per- l'on comprend aisément, toutes les références et
sophe chrétien laïque Nikolaï Fiodorov 10 , devient la grandiose métonymie du monde et de sonnage est comme une excroissance du par- métaphores chrétiennes sont éliminées du dis-
auteur de La Philosophie de l'œuvre commune l'Univers. Le mot russe rastsviet, que nous tra- terre pictural floral, tout en facettes ondoyantes cours de Filonov. On retrouve cependant les
qui a influencé des courants de pensée russes duisons ici par « éclosion », a une polysémie qui tran forment le monde végétal en purs cris- idées fiodoroviennes dans ses textes. En 1923,
divers (Vladimir Soloviov, Tolstoï, Berdiaev, riche. La racine tsviet désigne à la fois « la cou- taux, ces cristaux dont Matiouchine dira ulté- son article « Concept de l'importance de la
Tchéryguine, Maïakovski, Khlebnikov, Malé- leur, la teinte » et « la fleur ». Cette racine · ·t rieurement qu'ils sont « le lent rythme des pul- signification intérieure de l'art comme force
vitch, Andreï Platonov, Filonov ... ). homonyme, à une consonne près, de la racine sations de la vie non organique 1 ». Ce dernier a agissante» met l'accent sur le caractère actif de
La rupture radicale, chez Filonov, avec une sviet qui désigne aussi bien « le monde » que d'ailleurs exploré, dans une série d'œuvres, les l'art : « l'intellect créateur agit dans la percep-
vie tournée vers la seule satisfaction matérielle « la lumière ». Le préfixe raz indique l'épa- formes macro copiques et atomiques des polyè- tion et la solution par la seule force
des besoins, constitue le versant laïque de la spi- nouissement, l'éclosion, l'ouverture, et égale- dres cristallin , développant ainsi des idées lan- analytique»;« toute philo ophie spéculative de
ritualité chrétienne, en particulier orientale. Il y ment le maximum d'intensité. De plus, le mot cées, en 1910, par Nikolaï Koulbine sur l'art est catégoriquement niée » ; « le peintre-
a quelque chose du stylite dans la capacité de rastsviet (éclosion, épanoui ement) fait écho au I'« esthétique libre », qui oscillerait entre har- prolétaire-paysan - chercheur-inventeur, indé-
Filonov à travailler jusqu'à dix-huit heures par mot rassviet (l'aurore). Tout ce comple x monie et dis onance, entre le cristal ( « la symé- pendant de l'économie de marché » opposé à
jour sur ses œuvres : « Vous voyez comme je sémantique se déroule dans l'œuvre de Filono1. t rie suprême, l'exactitude suprême des « l'artiste-koulak qui se sert de l'art comme un
travaille : sans me laisser distraire, sans me à travers une picturologie mosaïste, à partir du rapports ») et les « aventures » qui arrivent dans moyen de faire de l'argent ». Le discours s'est
ménager. Par suite de la violente et constante cycle de l' « Éclosion universelle ». Les fleu rs le processus de « complexification de la fait plus sec, plus rationnel, et se tourne vers la
tension de ma volonté, j'ai râpé à moitié mes apparaissent hyperboliquement dans plusieurs forme », de déformations, ces di ymétrie qui méthodologie plutôt que vers une explication
dents en mâchant 11 • » compositions de 1912-1914 (Orientation vers le « provoquent la vie 16 ».
de type philosophique : mais les œuvres sont là

355
354
L'AVANT·GARDE RUSSE
L'ÉCOLE DE FILONOV

ui montrent que Filonov a continué à traduire originelle, génératrice de vie, celle du cristal, ou
1
,icturalement la transformation du monde en celle, transfiguratrice du cosmos ou eschatolo-
·autres états. Le peintre a participé, par son gique, de la peinture d'icônes. La démultiplica-
1rt, à la réflexion qui aboutira à la notion de tion des formes (Le Jardinier, 1912-1913 ; La
22
00sphèr ; Filonov contribue picturalement à Régénération de l'intellectuel, 1913 ; Les Rois
a pensée qui, de Fiodorov ou de Soloviov à mages, 1914; La Goélette de pêche, 1913-1914;
reilhard, de Le Roy à Vernadski, a pris acte de Formule du prolétariat de Pétrograd, 1920-1921)
la vitalisation de la matière» et de« l'homini- n'est pas celle - purement plastique et
,1tion de la vie», du« passage de la biosphère à « moderne » dans le futurisme - qui aspire à
la noosphère », et interprète ces phénomène . reproduire mimétiquement la loi universelle du
..,e peintre russe peut ainsi écrire, en adaptant, dynamisme, mise en avant dans la nouvelle civi-
,près la Révolution, sa rhétorique aux nou- lisation industrielle, mais celle d'une vision évo-
, elles données marxistes-léninistes : « Le fonde- lutionniste de l'homme, du monde et de l'Uni-
ment de mon art, c'est-à-dire ce que j'observe, vers, qui implique la multiplication des
étudie et révèle en priorité dans mes travaux, dimensions au-delà des trois dimensions du
c'est l'étude de l'homme, de ses propriété don- monde euclidien, une esthétique de« l'implexe
nées, intellectuelles, de classe et biodyna- combinatoire », selon la formule de Valéry\
miques, et des processus de pensée et de vie qui L'expre ionni me, trop facilement accroché à
se passent en lui ; j'essaie de noter les signes de l'œuvre polymorphique de l'auteur des diverses
son évolution intellectuelle et biologique et de Éclo ions universelles, explosa dans la collision
comprendre les facteurs décisifs, les lois et les entre tellurique et cosmique, réel et « méta-
rapports réciproques, à commencer par le réel ». La culture picturale de Filonov est pro-
milieu où l'homme agit pour finir par l'orienta- fondément anti-abstraite, malgré certaines
tion téléologique (tselevÔï oustanovkoiJ de son œuvres au style non-figuratif. Elle ne connaît
action et la po ibilité de la forcer, de la réorga• pas le retrait. Elle ignore l'abîme. Tout y est
niser en vue d'un optimum de l'intellect, de plein, rempli à saturation ( « Tout est issu de la
l'existence humaine, de la vision du monde, de vie et en dehors d'elle il n'y a même pas de
l'orientation de classe, du combat contre la vide » ). Il y a dans cette peur du vide une
nature et du combat pour ses convictions et sa convergence avec l'esthétique baroque, avec la
peau 23 • » volonté de remplir l'espace dans sa totalité en
Mais ce sont les œuvres qui parlent mieux. La créant un monde parfaitement autonome et se
série des têtes qui éclatent en myriades de cel- suffisant à lui-même.
lules, d'innervations, d'ondes, repré ente autant À partir de 1923, Filonov travaille à la Sec-
de paraboles picturale de cette immense nou- tion de l'idéologie générale de l'Institut de la
veauté qu'est dans le multimillénaire Cosmos la Culture artistique de Pétrograd et à la réorgani-
conscience, puis la raison humaine, leur« mon- sation des facultés de peinture et de culpture
tée vers un pas collectif de réflexion», leur« co- de l'Académie des Arts. En 1925, il est à la tête
extensivité à l'Univers 2" ». d'une communauté (un « collectif » selon le
Les ressemblances apparentes de la picturo- vocabulaire soviétique) qui va comporter plus
logie filonovienne avec plusieurs courants de de trente peintres: ce sont les« Maîtres de l'Art
l'avant-garde européenne s'effacent totalement analytique ~, où l'on compte des artistes origi-
si l'on prend en considération la refonte naux comme Soulimo-Samoïlo, Kondratiev,
qu'opère le peintre, dont l'ambition est de résu- Tatiana Gliébova, Sachine, etc. Voici comment
mer sur la surface du tableau le monde dans son Tatiana Gliébova résume les règles de l'ensei-
être archaïque, en gestation et à venir. La géo- gnement filonovien :
métrie n'est pas celle - purement picturale dans « 1) L'état de tension de l'intuition analy-

P. Filonov, L'Homme dans le monde, 1925. H/t., 107 x 71,5 cm. aint-Pétersbourg, MNR.
le cubisme - qui consiste à cerner l'objet « de tique. 2) La tension de la consistance du tableau
plusieurs points de vue », mais celle, atomique, jusqu'à l'état d'enchaînement biologique des

356
357
L'AVANT -GARDE RUSSE

particules dans la nature. 3) Le travail avc


point comme unité d'action (la tension p
être obtenue aussi par une unité important
4) Savoir travailler à partir du particulier ver
général. 5) Agir avec une forme acérée. 6)
travail avec la déduction , c'est-à-dir e prend
conscience de la conception totale de l'objet
la mener à tension à travers le perfection n
ment de n'importe quel morceau de table
7) La déduction colorée, c'est-à-dir e la ten i
de tout le tableau par l'apparitio n soudain
d'une nouvelle teinte. 8) L'attitude libr
l'égard du temps et de l'espace. 9) La regl
« Peins n'importe quelle teinte de n 'import
quelle teinte et n'importe quelle forme d
n'importe quelle forme ». 10) Chaque arti t
doit travailler soit sur un plan réaliste en misan
sur l'exactitud e absolue et achevée d'un primi
tif, soit sur un plan abstrait au moyen d'un
forme inventée, soit encore sur les deux plan
mêlés . »
En 1926-1927, Nikolaï Ba kakov, le directeu
de la Maison de la presse de Léningrad , com
manda à l'École de Filonov, sous la direction du
maître, une exposition de leurs travaux et les École de Filonov, projet de costume pour Le Rlvizor,
costumes- décors du Révizor de Gogol, mis en 1927.
scène par le futuriste « transmen tal » Igor Ci dessous: École de Filonov, décor pour Le Réviwr.
\ Sachine, costume de policier pour Le Révizor de Gogol,
P. Filonov, Pègre, 1925. H/t., 70.S x 44 cm. Térentiev , ancien membre du groupe 41°, au 1927.
Saint-Pétersbourg, MNR. 1927.
côtés de Zdanévit ch et de Kroutcho nykh.
L'Expositi on des Maîtres de l'art analytique eut
lieu du 17 avril au 17 mai 1927 : le
« filonoviens » exécutèren t des toiles sur le sujet
P. Filonov, Les Maisons. H/t. Saint-Pétersbourg, MNR. général de « La ruine du capitalism e ». De
témoins ont rapporté en ces termes leur
impre ions : « Les voiles upérieur de la peau
[dans les œuvres des "filonovie ns"] étaient
dénudés et l'œil du peintre analysait, pénétrait a
l'intérieur de l'objet, de l'homme, plus génér
ment du monde représent é sur la toile. du
monde qui se fragmenta it en petites partie~ -
molécule s, en atomes, infinimen t divers et
constituan t en même temps un tout . »
Plusieurs élèves de Filonov participère nt au
décors et costumes pour la mise en scène du
Révizor au début avril 1927. Le décor consistait
en deux tours mobiles avec des escaliers où t.:
passait l'action. Le metteur en scène Térentie~
avait interprété la pièce de Gogol dans son

358 359
L'AVANT-GARDE RUSSE

esprit hyperbolique excentrique, grotesque qui appel:« L'œuvre du peintre Filonov est profon
montrait la monstruosité de ce monde de dément individualiste et par ses positi on
marionnettes humaines tout en conservant la proches de l'idéologie de l'expressionnisrn
truculence et la loufoquerie propre au génie petit-bourgeois, et, bien entendu, étrangèr à la
gogolien. Les mosaïques multicolores, les vision du monde du prolétariat [ ... ] La lutt CONCLUSION
« tatouage », les collisions colorées et formelles
contre le réalisme, la justification de la non
en apparence les plus extravagantes des figuration, l'aliénation par rapport à la réalit
peintres-décorateurs filonoviens contribuaient objective, la volonté de voir refléter non pas 1
sans aucun doute à une lecture contemporaine monde réel mais ce qu'il y a « au-delà », l'admi-
en profondeur de la pièce de Gogol. Malgré ration de l'art des tribus primitives, l'individua
cela - ou à cause de cela - , ce fut un tollé de lisme et l'anarchisme, ce sont les traits d
prote tations et de critiques 29• Cette année 1927 l'expressionnisme mystique que Filonov, dan
marque bien le commencement de la fin de l'art Filonov et son École n'annoncent aucunement velle synthèse entre iconographie figurative et
ses innombrables tableaux « sans titre » et dans
de gauche en Russie soviétique. En même un compromis avec l'art académique tel qu'il va picturologie sans-objet. On sait le goQt de Pou-
ses« formules», s'efforce de dissimuler par de
temps que l'hallali lancé contre le Ghinkhouk 'installer dans les années trente, après l'édic- gny pour les objets du quotidien (marteau,
la pseudo-science et une argumentation philo-
de Léningrad, Filonov et son école sont vilipen- tion par Gorki en 1934 du dogme du « réalisme tenaille, assiette, scie, mappemonde ... ), qu'il a
sophique de sa « méthode analytique ». Son
dés, déclarés étrangers et nuisibles à la société socialiste » (Premier Congrès des Écrivains introduits dès 1915 dans des assemblages de
œuvre subjective-idéaliste a des racines com1
socialiste. Un petit livre de de 1933, qui d'URSS). La radicalité de son Kunstwollen est type pictural. Pendant l'année 1919, il exécute
munes philosophiques et sociales avec les cou-
dénonce le « formalisme » de l'art soviétique totale: embrasser la réalité par tous les moyens une série de toiles remarquables où la réalité
rants décadents mystico-expressionnistes de
des années vingt, lance une condamnation sans l'Occident 30 ». plastiques imaginables et inimagina~l_es. concrète se fond dans le pictural : violoncelle
L'œuvre filonovienne n'est pas une trans1t1on dans les deux Violons {sic] rouges, guéridon,
vers la médiocrité « réaliste socialiste », comme bouteilles et fruits dans Composition au guéri-
on a pu l'écrire au vu de certaines iconographies don, lettres en mouvement chorégraphique
figurative du peintre de la Formule du Prin- dans les deux Fuites des formes, lettres
temps. Son maximali me picturologique ne sau- d'en eigne de la magnifique «icône» picturale
rait prêter à aucune ambiguïté quant à une
quelconque oumi ion à des « canons » acadé- I. Pougny, Nature morte avec bouteille, 1922.
H/t., 58 x 46 cm. Krasnodar, musée d'Art.
miques.
De la même façon, quand Malévitch, dans sa
période post-suprématiste (1928-1932), réins-
talle la figure dans ses champs picturaux sans-
objet, le projet visionnaire a changé, certes, par
son iconographie mais il reste entièrement
orienté vers l'appréhen ion du monde dans sa
totalité et non pas dans la seule délectation de
peindre de petits coins de nature, des Vénus ou
des Apollons (des trayeu es de vaches ou des
paysans, et plus tard des takhanoviste ... ).
Peut-être le compromi a-t-il commencé très
tôt à l'intérieur de l'avant-garde russe, compro-
mis entre une volonté créatrice décidée à aller
au-delà des contingences, de l'hédonisme, de
l'acceptation du monde tel qu'il est, et un
besoin, très naturel, de ne pas se couper de la
réalité, du monde des objets, du plaisir donné
par ces objets et la nature telle qu'elle apparaît.
Pougny est sans aucun doute à l'origine de
toute une ligne qui, dans l'art de gauche russe,
confronte l'abstrait et le concret dans une nou-

361
CONCLUSION
L'AVANT-GARDE RUSSE

retourner à la nature signifie retourne r


copie de la nature ».
Cette vote, moins radicale que ce lle d
l'avant-garde dominante des années dix
vingt, sera suivie par de très bons peintres
l'art de gauche russe tels N. Altman, Ster n
berg, Lébédev, Annenkov. Lors de l'expositio
berlinoise de 1922 à la Galerie Van D iem
(Erste Russische Kunstausstellung), alors qu
l'Europe découvre le suprématisme e t l
constructivisme russe, N. Altman est présent
comme l'instigateur d'une « nouvelle branch
dans l'art an -objet»:« Il rapproche la compo-
sition visible du tableau de la construction
matérielle des objets et lui donne par là-mêmt
un contenu conscient, chez lui socia l. S
œuvres ne veulent pas seulement influencer
l'œil mais aussi organiser la conscience. La ba
de sa création est le matériau en soi qu'il
s'entend à enrichir. » Pétrokommouna ( 1919)
N. Altman, Pétrokommouna, 1919. H/t., 104,5 x 88,4 cm. présentée à Berlin, est très proche des œuvrel
aint-Pétersbourg, MNR.
de Pougny en ce qu'elle confronte une structure
Bains de la collection Berninger, broc, brosse et texturelle suprématiste et le jeu des grande•
caractères d'imprimerie dans les deux Natures lettres d'imprimerie di po ées sur toute la sur-
mortes aux lettres et broc (Bagni). L'objet (et les face. Quant à Russie (Objet polychrome) (1921 ).
lettres suprématisées deviennent aussi des appelé aussi Russie-travail, elle se veut une syn-
objets) se dissout dans le pictural, se fait rythme thèse du tableau de chevalet et de l'affiche poli-
pur, tout en conservant sa pré ence, sa matéria- tique.._ Le peintre fait usage du collage et d'une
lité, son existence dans une sphère surréelle, technique mixte.
my térieu e, poétique. Sterenberg, quant à lui, crée une série de
Cette nouvelle conception de la représenta- toiles où il aplatit tous les objets représent sur
tion, que Pougny baptise naturalisme construit, la surface du fond coloré : « À l'opposé du
« consiste en un déploiement du tableau sur la uprématisme, le peintre Sterenberg prouve par
base d'une idée constructrice et géométrique ; ses œuvres que l'on peut organi er le tableau en
ce courant pictural, comparé au constructivisme tant que tel de façon purement picturale sans
sans-objet offre, entre autres, l'avantage que que pour autant il devienne an -objet. Il corn• N. Altman, Russie-travail, 1921. Collage de papier
l'artiste a à sa disposition, non seulement des mence par construire le tableau sur des lois tex- et technique mixte sur bois, 98,2 x 49,3 cm. Moscou,
signes géométriques mais, dans ce cas précis, turelles-contrastées et rend la forme de base Galerie nationale Trétiakov.
des grandeurs va lab les [ ... ]. Le tableau d'un objet telle qu'elle s'offre à la perception et
s'orchestre à partir de cette première composi- représente par là le contenu pictural concentré
tion formelle, tout en se défaisant de la figura- de cet objet . »
tion et en se libérant par là-même d'une dépen- Au début des années vingt, les innovations de
dance très complexe 1 ». l'avant-garde sont devenues, pour beaucoup Ci-contre en haut: D. Sterenberg, Nature morte
Tout un courant européen post-cubiste relève d'artistes, un acquis dans lequel on puise et que à la lampe à huile et aux harengs, 1920. Huile sur
l'on adopte à une conception plus sage de l'art. contre-plaqué, 91 x 62 cm. Saint-Pétersbourg, MNR.
de cette nouvelle orientation esthétique ; dès
1918, le livre d'Ozenfant et de Jeanneret (Le On ne crée plus un vocabulaire nouveau, on se
Corbusier], Après le cubisme, pose les préceptes sert de celui qui existe pour en faire des instru- Ci-contre en bas : D. Sterenberg, Recherche de facture,
du purisme qui, entre a utres, « ne croit pas que mentations originales. Ce n'est plus tout à fa it c. 1921. Lithographie, 31 x 23.5 cm. Coll. part.

363
362
L'AVANT-G ARDE RUSSE CONCLUSION

V. Lébédev, Relief à la guitare, c. 1921. Collage mixte


sur bois, 63,5 x 36.S cm. Coll. part.

V. Lébédev. L'armée et la flotte rouge défendent les


fronlières de la Russie (Fenêtre Rosta ne 81) (affiche), 1920.

l'avant-garde stricto sensu, c'est une « exploita-


tion » de l'avant-garde.
L'œuvre de Vladimir Lébédev, au début des
années vingt, s'inscrit dans cette mouvance.
Entre 1918 et 1924, l'artiste produira ses tra-
vaux les plus importants dans le domaine de la
peinture à l'huile et du contre-relief. Toute une
série de natures mortes de 1919-1920 emprun-
tent le même système iconographique que celui
de Pougny. Des objets représentés de façon
naturaliste s'inscrivent sur un fond abstrait. La
monumentale Nature morte à la palette (1919)
contient aussi un moulin à café, un vase, une
éponge et divers instruments; la Nature morte à
la botte {1920) est une construction d'éléments
suprématis tes et de lettres qui dansent ; la
Nature morte à la scie est très proche dans sa
manière représentatrice du Violoncelle rouge de
Pougny. Seulement, chez Lébédev, il y a une
retenue dans la couleur, une technicité objecti-
viste qui est plus dans l'esprit de Tatline que du
suprématis me. Comme l'écrit Natalia Kozy-
riéva, « dans l'art de Lébédev, dans sa méthode
créatrice se manifeste la synthèse de principes
opposés: du rationalisme et de l'émotion, de la
logique et de la spontanéité [... ]. Les natures ,(

mortes de Lébédev se di tinguent par leur com- 1


,',
position compacte, peu bavarde, excluant tout
détail fortuit. L'artiste ne choisit que le néces-
saire - l'objet rendu avec une précision souli-
gnée, non stylisé, libéré de tout rapport avec le
quotidien et de toute fonction décorative, mais
conservant les propriétés de base : la facture, la
densité, le poids 6 ». /
l V. Lébédev, Hommage à Anna Akhmatova, c. 1921.
Collage et technique mixte sur toile, 77 x 35 cm.
Coll. part.
Cubisme n° 1 et Cubisme n° 2, deux tabeaux
de 1922, relèvent de la même démarche et sont
une version abstraite en terre russe des prin-
cipes plastiques du purisme parisien, qui
« exprime non les variations, mais l'invariant. Ci-contre en haut: V. Lébédev, Nature morte à la palette,
L'œuvre ne doit pas être accidentelle, excep- 1919. H/t., 89 x 65 cm. Saint-Pétersbourg, MNR.
tionnelle, impre sionniste, inorganique, protes-
Ci-contre en bas: V. Lébédev, Femme repassant, 1925.
ta taire, mais au contraire générale, statique, Collage et technique mixte sur carton, 68 x 44,5 cm.
expressive de l'invariant'». Saint-Pétersbourg, MNR.

364 365
L'AVANT-GARDE RUSSE
CONCLUSION
~;-contre: Y.. ~~ïn, Sc~. 1921. Huile sur contre-plaqllJII
x 62 cm. NtJm-Taghd, musée national des Beaux-Art Lébédev est aussi très connu pour ses
Fenêtres Rosta ~(1920-1921) (il en existe près de
V. Kourdov, Botte de feutres {valienkaj, 1926-1927
Hlt., 91 .S x 55,5 cm. Saint-Pétersbourg,'MNR. · six cents conçues par lui) et ses dessins à tech-
nique mixte représentant des personnages de la
Ci-dessous: Y. Vasnetsov, Nature mone au jeu d'éch nouvelle société soviétique réunis sous la déno-
1926-1928. Huile sur contre-plaqué et canne collée ec
108 x 58 cm. Saint-Pétersbourg, MNR. ' mination générale de « Trottoirs de la Révolu-
tion» (Panéli révo/ioutsii). À la suite de Pougny
et comme Lissitzky à la même époque, il
construit plusieurs de ces figures (paysans, sol-
dats, petit peuple citadin ... ) à l'aide d'éléments
géométriques suprématistes ; ces personnages
n'ont pas de visage mais sont représentés dans
une posture caractéristique de leur activité.
D'une certaine manière, nous avons là les
prémisses de la fin de l'art de gauche et cela
avant même que le pouvoir politique ne vienne
définitivement mettre fin à toute tentative de
créer du nouveau, ce qui avait été la visée et la
réalisation éclatante de l'art russe et soviétique
d'avant-garde.
Cependant, même si elle a dQ céder du ter-
Y. Annenkov, Sans titre, 1921. Collage mixte sur toile,
46 x 38 cm. Coll. part. rain, la force de l'idée picturale abstraite a bou-
leversé au xxe siècle les données esthétiques
Dans la lignée de Tatline et de Pougny, séculaires : hormis le sinistre épisode des arts
Lébédev crée de 1921 à 1924 une série de dans les pays totalitaires (URSS, Allemagne,
reliefs d'une très grande originalité et beauté. Italie, E pagne) - marqué par l'art naturaliste
La présence de la peinture y est minimale. engagé et le style héroïque gréco-romain - le
Dans le Collage sur un poème d'Akhmatova retour à la figure et à l'objet s'est ressenti de
(vers 1921), le système de confrontation entre façon évidente du passage purificateur par le
le support sans-objet peint avec des éléments cubo-futurisme et le sans objet. L'art figuratif
suprématistes (un quadrilatère noir) et les du xxe siècle n'a plus rien à voir avec les arts
objets matériels (application d'un morceau de figuratifs du passé. L'art d'académie a fait son
violon, d'un bout de partition, d'une feuille de temps, même si parfois un certain académisme
livre contenant le poème d'Akhmatova), la sur- avant-gardi te a pu naître.
face peinte est encore dominante. Dans ce Il faudrait donc se garder de parler d'échec
qu'on appelle les contre-reliefs, le peint est pra- ou d'utopie. L'échec - tragique - est celui de
tiquement absent (un simple trait noir sur l'ins- l'utopie ocio-politique qui a tué des millions de
trument musical synthétique de la Berlinische personnes et laissé le pays exangue, voué à
Galerie). Il s'agit d'assemblages des matériaux recommencer sa reconstruction à zéro. Du
les plus hétéroclites, parfois totalement abs- point de vue des arts plastiques, l'utopie a
traits, à la manière de Tatline (sans référence donné des œuvres si fortes et proposé des
précise et claire à quelque objet que ce soit), conceptions si fécondes que l'énergie qui s'en
parfois construits à partir d'objets ou de parties dégage est loin d'être épuisée mais est, au
d'objets parfaitement reconnaissables, à la contraire, prometteuse d'avenir, capable
manière de Pougny : touches de divers claviers, d'insuffler de nouveaux départs. Cette utopie-là
boules, parties d'instruments musicaux, cor- garde, dans le plein sens du terme, toute sa
dages, tissus, cuir, etc.. charge prophétique.

366
ANNEXES
Notes

1. LE ~0-PRIMITIVISME, p. 23.54 viennea), in Aluei Remiiov (réd. Greta Slobin), Colum-


bus, Ohio, 1986, p. 124-125.
1. J. Tugcndhold, « Préface •• in Salon d'awomne 1913, 17. J.P. Bouillon, c Le cubisme et l'avant-garde russe •• in
Paris, Kugclmann, 1913, p. 308. Le Cubisme, Université de Saint-éticnuc, TravaUll IV,
2. Ibidem. 1973, p. 153-223.
3. Voir cal. dans V. Marcadé, Le Rowuveau de l'art pidu· 18. J.P. Bouillon, op. cil., p. 182.
rai russe. 1863-1914, Lausanne, L'Âgc d'Hommc, 1971, p. 19. V. Marcadé, « 0 vliyanii narodnovo tvorchcstva na
281-~ iskousstvo rousskikh khoudojnikov dcssiatykh godov 20-go
4. Ibidem, p. 285-287. stoliétiya • (lnftucnce de la production artistique populaire
S. J. Tugcndhold, op. cil-, p. 309. (« Là où ses prédéces• sur l'art des peintres russes des années dix du XX" si«le ), in
seurs ne voyaient que curiositf elhnographique et archéo- Communications de la dtltgarion française, Vll' Congrb
logique, qu'objet de collection, il [Gauguin] a su découvrir International des Slavilles, Varsovie, Paris, Institut
de la beautf vivante. ,. ) d'études slaves, 1973, p. 279-299.
6. Compte rendu de l'cllposition Zviéno, dans la revue V 20. Ici l'histoire de l'art nous apporte des indications capi-
mire islcouutv, Kiev, u 0 14-16, 1908. Traduction de cet tales quand elle détermine à quel moment tel ou tel tableau
extrait en anglais par John Bowlt, Russian Art of The de Matisse, de Picasso, de Braque, de Ugcr etc. est entré
<\ vant-Garde. Theory and Criticism, Londres, Thames and dans les collections de Chtchoukine et de Morozov, visitées
Hudson, 1988, p. 10-11. par tous les artistes de l'avant-garde russe, ou quelles
7. Voir cal. dans V. Marcadé, op. cil., p. 294. œuvres des peintres français ou italiens ont été montrées à
8. 1. Grabar, « Soyouz i Viénok • dans Viby, janvier 1908, partir de 1908 dans les ellpositions de groupe en Russie.
p. 142. 21. Voir cal. de ces deull Salons de Zolotoil rouno in V.
9. P. Mouratov, • Staroié i Molodoié na posliednikh vya- Marcadé, Le Renouveau de l'an pictwal russe. 1863-1914
tavkakh » dans Zolotoit rouno, février 1909. Voir le pro- op. ciL, p. 288-293. Le troisième et dernier Salon organisé
cédé du quadrillage dont parlent Grabar cl Mouratov à par la revue ZolotoiJ rouno en 1910 (ibid., p. 295-296) ne
propos des Fleurs de V. Bourliouk (MNR) reproduites comportait que des Russes.
dans V. Marcadé, op. cil., ill. n° 71, ou encore dans Le Pay• 22. N. Pounine, « lmpressionistitcbeski périod v tvorchest-
sage (1909) du Museum Ludwig à Cologne. vié M.F. Larionova •• Matlrialy po ro,uslcomou iskousst-
10. • Molototchek dlia postoukivanya s opredclionnoï siloï vou (pocuments sur l'art russe), Uningrad, 1928, tome 1.
oudara » (Un petit marteau pour frapper avec une force 23. Sur la • base impressionniste ,. de l'avant-garde russe
détenninée (percutomètre]). in Vrruch (Le médecin), 1894, voir J.-CI. Marcadé, Le Futurisme russe. 1907-1917. Auz
n 10: Lo Sensibilitt, Saint'-Pétersbourg, 1907. sources de l'an du XX siècle, Paris, Dessain & Tolra, 1989,
11. N.B.B. « Ou impressionistov » (Chez les impression- p. 24sq.
nistea), in BirjevyiJ vitdomosri (Nouvelles de la Bourse). 26 24. V. Marcadé, op. cil., p. 171-172.
mars 1911. 25. V. Markov, Russian FUIUrism. A History, Berkeley-Los
12. Il est publié dans le dernier numéro de la revue symbo- Angeles, University of California, 1968, p. 35.
liste Lo Toison d'Or, 1909, n° 11-12 (le numéro est anti- 26. J.-CI. Marcadé, « Peinture et poésie futuristes •• in Les
daté et a paru en réalité fin avril 1910) ; en outre le tract y Avant-Gardes littlraires au XX' siicle, vol. Il. Théorie,
était attribué au futur poète acméiste S. Gorodetski, qui Budapest, Akadémiai Kiad6, 1984, p. 973 sq.
avait Cllposé comme peintre au Triangle, voir N. Khard- 27. Sur La Toison d'Or voir V. Marcadé, op. cil., p. 162-172.
jicv, V. Trénine, in Lo Culture poltique de Maralcovski 28. lbidem, p. 164.
(trad. Gérard c.onio), LaU&B11ne, L'Âgc d'Homme, 1982, p. 29. Sur les rapports du futurisme italien et du futurisme
57. russe voir C. De Michelis, Il fulurismo italiano in Russia,
13. A. Benois, Vystavka · Soyouia ,. (L'~llposition de 1909-1929, Bari, De Donato, 1973; J ••a . Marcadé, « Les
L'Union), in Rietch (La Parole], 26 février 1910. futurismes russes du point de vue des arts plastiques avant
14. ZolotoiJ rouno (Lo Toison d'Or), 1908, n° 1,p. 73. la Révolution de 1917 • •Europe.avril 1975, li, en particu-
15. Lettre de D. Bourliouk à A. Benois, Section des lier p. 150-156 ; Prhence de Marinetti, Lausanne, L'Âge
Manuscrits du MNR. d'Homme, 1982, p. 179-274 (articles d'Agnès Sola, Cesare
16. N. Koulbine, • Pervaya vystavka rissounkov i avtogra- De Michelis, Nikolaî Khardjiev, E. Kovtoune, Yvan
fov rousskikh pissatiélieî •• in Tmougolnilc, Saint-Péters- Mignot, J.-0. Marcadé, A. Povélikhina) ; J.-0. Marcadé,
bourg. 1910. Le texte russe est repris in extenso dans mon Le Futurisme russe. 1907-1917. Auz sources de l'an du
article • Rémizovskié Pismena » (Calligraphies rémizo- XX' siècle, op. cil.

371
NOTES CHAPITRE I

30. L Bakst, « Pouti klassitsizma v iskousstvié • (Lca voies 46. Viator, « Rouaakaya skoulptoura • (La sculpture ru "'). Aspelc# russischer Kunst zu Beginn des 20. Jahrh"!'tkrts, avec ses ramifications, jusqu'au constructivisme germa-
du classicisme en art), in Apollon, 1909, n° 3. in Parijs/caya Gazilta, n• 32, 12 mai (29 avril) 1900, p. 2 l. Berlin, Frolich & Kaufmann, 1983, p. 143 et ss.; Nicoletta nique inclus, avec ses écarts des grandes traditions de la
31. Traduction du texte original letton en russe : V. Mat- 47. N. Gontcharova,« Mnénié o syezdié khoudojnik Misler, « Manifesti del futurismo russo : il neo- peinture à l'huile européenne, pour aller dans le 'sens
vejs, « Rouaakaya setsessiya • (La sl!cession russe), Kino (Opinion sur le congrà des Artistes), in Protiv tétch primitiviame •• Rassegna Sovietica, Rome, janvier-février oppc>K vers le graphisme sans Ame des affiches. Picasso
(Riga), 1989, n° 6, p. 28. Je remercie 1. Buzinskis de (À contre-courant), 24 décembre 1911 (6 janvier 1912 de t977, p. 101-116: D.V. Sarabianov, lstoriya rousskovo fonnule la liche du peintre dans ce brillant aphorisme : « je
m'avoir communiqul! ce texte. notre calendrier). iskousstvo kontsa XIX-natchala XX vil/ca, 1993, Moscou, ne cherche pas, je trouve •· Eh bien, cela s'applique pleine•
32. [David Bourliouk], « Le Cubisme •• in Pochtclwtchina 48. S. Bobrov, « Osnovy novoî rousskoï jivopissi ,. MGOU, p. 179-196. ment à Pirosmanachvili qui ne chercha pas, mais trouva. •
obchtchatvennomou vkou.uou, op. ciL fondements de la nouvelle peinture ruac:), in Troudy 60, Père P. Florensky, La Perspective inversk suivi tk l'lco- (Ibidem.)
33. P~re P. florenslty, La Persptctiiw inversk suivi tk l'ico- rossiiskovo syezda khoudojnikov v Pétrogradié. Dé 11oslllff, op. cit, p. 83. 72. I. Pougny, Sovrâniennaya Jivopis (La peinture contem-
nostase, La111BDDe, L'Âge d'Homme, 1992. p. 84. 1911-ianvar 1912, Pétrograd, t. 1, 1914, p. 43. 61. A. Povélikhina, E.F. Kovtoune, op. ciL (en russe), p. 74- poraine), Berlin, N.D. Frenkel, 1923, p. 12, trad. alle-
34. V. Kandinsky, Apollon, 1910, n° 4, p. 19-20; passage 49. La lettre inédite de N. Gontcharova à Rousskoil Sim,, 82. mande in lwan Puni. Synthetischer MusUœr, Berlin, Berli-
trad. fr. in V. Marcadé, op. ciL, p. ISO. est trad. fr. in T. Loguine, Gontcharova et Larionov. Cùt- 62. A. Chevtechenko, Néoprimitivism, iévo téoriya, ilvo nische Galerie, 1992, p. 112; trad. fr. dans le cat. Jean
35. V. Matvejs, Rouss/caya setsa&iya (La Sl!cession russe), quante ans d Saint-Gennain-tks-Prû, Paris, Klincksi ~·ozmojnosti, ilvo dostijéniy (Le Néoprimitivisme, sa théo- Pougny, musée d'Art moderne de la Ville de Paris, 1993,
op. cil., p. 28. 1971, p. 21-22. rie, ses possibilités, ses rl!alisations), Moscou, 1913. p.67.
36. Même Maîakovski, qui krira de magnifiques pœmes SO. V. Markov, c Printsipy novovo iskousstva •• in So 63. M. Volochine, « Oslinny khvost • (La Queue d'Ane), 73. A. Benois, « Koubizm ili koukichizm? • (Cubisme ou
sur les horreurs engendrl!es par la guerre de 1914 et sur Molodioji (L'Union de la Jeunesse), Saint-Péters Rouukaya khoudojestviennaya liétopis' (Supplément niquisme ?), Rietch (La Parole), 23 novembre 1912, cité par
l'insouciance criminelle des bourgeois de tous les pays, a au 1912, almanach n° 1. d'Apollon), avril 1912, n° 7, cité ici dans la reprise du texte A.V. Povélikhina et E.F. Kovtoune, op. cit, p. 78, 82.
début un réflexe patriotique, par exemple dans l'article 51. V. Markov, op. dL, trad. fr. in Art et Poésie russes. Jl)(J(J, in Maksimiliane Volochine, Liki tvorchestva (Faces de la 74. D. Bourliouk, « Koustarnoié iskousstvo •• Moskovs-
c La Russie, L'art, Nous• paru dans Nov' du 19 dl!cembre 1930. Te;,ctes choisis, Paris, Centre Georges-Pompi création), Uningrad, Naouka, 1988, p. 288. lcaya gazilta (Le Journal de Mœcou), 25 février 1913.
1914. De même les loubki anti-allemands et anti-autri- 1979, p. 53-57. 64. J. Clair, Libération, mardi 6 ao0t 1991, p. 25. Cf. le 75. Cité dans : J.-CI. Marcadé, Le Futurisme russe, op. cit,
chiens de Malévitch en 1914 sont dans le style ultra-patrio- 52. Lubok. Der russlsche Volksbilderbogen, cat., Municll remarquable catalogue conçu par Jean Clair Les Années p. 35.
tique slave contre l'ennemi gennanique. 1985, p. 6-7. zo. L •age des métropola, musée des Beaux-Arts de Mont- 76. A.V. Povélikhina et E.F. Kovtoune,op. ciL, p. 90.
37. B. Livchits, L 'Archer d un œil et demi, op. ciL, p. 252. 53. F. Marc,« Die "Wilden" Deutschlands •• in Der hla~ réal, 1991 (en français et en anglais). Il est intéressant pour 77. K. Malévitch, «Autobiographie•• extrait du ms 1/42, in
38. Lettre de M. Larionov à M. Le Dentu, Section des Reiter [1912), réédité par les soins de Klaus Lankhe• notre propos de citer Malévitch : « La culture humaine &riJ, W. La lumière et la couleur, op. ciL, p. 55.
Manuscrits du MNR, fonds 135, unité de conservation 7, Munich, 1979, p. 29. dans son entier n'a eu aucune influence sur moi, seules agi- 78. V. Chklovski, Ivan Pougny (trad. B. Gorœly), tapuc:rit
feuillet 7, cité par A. Poviélikhina, Kovtoune, Rousslcaya 54. V. Marcadé, Le Renouveau tk l'art pictural russe. /863,,, rent les créations de la nature, bien que mon ~re m'ait se trouvant à la Bibl. Nat., Département des Estampes;
jivoplsnaya vyvies/ca i khoudojni/ci avangarda (L'enseigne 1914, op. ciL, p. 140. souvent dit que les hommes construiraient grlce à leur cul- texte russe original dans V. Chklovski, Khod konia. Kniga
picturale russe et les artistes de l'avant-garde), Uningrad, 55. V. Kandinsky, Stoupilni (~tapes), Moscou, 1918, p. 17. ture des machines telles qu'elles les libéreraient tout à fait statieï (La marche du cavalier. Recueil d'articles), Moscou-
A vrora, 1990, p. 92. 28. de leur peine. • (Malévitch, « Autobiographie. Extrait du Berlin, Hélikon, 1923, p. 112 [trad. fr. de J.-CI. Marcadé in
39. V. Marcadé, op. cit, p. 237-239; d'ap~ N. Khardjiev, 56. I. Ehrenburg, c Rousskoié narodnoié iskousstv(I v ms 1/42 •• in lcrits W. La lumière et la couleur, Lausanne, Jean Pougny. Le Petit Journal, muaée d'Art moderne de la
cette prl!face aurait été écrite par Larionov lui-même et Parijé • (L' Art populaire russe à Paris), Parijski Viestn,. L'Âge d'Homme, 1993, p. 53. Ville de Paris, 1993].
seulement signée par N. Gontcharova : N. Khardjiev, n° 20, 17 mai 1913, p. 3. Ehrenburg ajoute:« Nos jeuncll 65. A.V. Povélikhina, E.F. Kovtoune, op. cil., p. 53. 79. La lithographie de Tatline K stikhotvoriéniyou D.
V. Trénine, op. dL, p. 85. « D'oil, si ce n'est de l'Orient, peintres russes ne sont pas des cubistes de la pure eau. Il y 66. V. Marcadé, op. cit, p. 55, 85-86. Bourlioulca • Zakal - maliar chiroko1· lcistiyou... » est entre
tous les artistes que nous avons étudiés si longtemps sans a chez eux beaucoup du loubok et de l'icône. • Notons q 67. A. Silvestre, La Russie. Impressions. Portraits. Pay, la page 80 et 81 du recueil lithographi~ futuriste Trebnik
avoir appris l'essentiel, puisent-ils leur inspiration ? •• cet I. Ehrenburg serait un p~te homonyme du célèb (1892), cité ici dans l'édition de C. de Gùve, Le VO)'Qll! en troïkh (Le missel des Trois), Moscou, G.D. Kouzmine et
déclare-t-elle, et apr~s avoir montré ce que l'impression- 1. Ehrenburg (renseignement donné par E. Bérard, auteul( Russie, Paris, Robert Laffont, Bouquins, 1990, p. 78. S.D. Dolinski, 1913.
nisme doit aux Japonais, Gauguin à l'Inde gltée par la pre- de La Vie tumultueuse d'llya Ehrenbourg, Juif Russe et 68. E. Gouro, Charmanka-Rass/cazy (L'orgue de Barbarie. 80. V. Marcadé, op. cit, ill. 83-84.
mi~re Renaissance, Matisse à la peinture chinoise, les Soviltique, Paris, Ramsay, 1991). L'article de Benois est la Récits), Saint-Pétersbourg, Jouravl, 1909, p. 27, cité par 81. A. Povélikhina et E.F. Kovtoune, op. ciL, p. 90.
cubistes à l'art n~gre et aux Azt~ues, l'an roman à l'an c lettre sur l'an • « Ikony i novoié iskousstvo •• in RietcN A.V. Povélikhina et E.F. Kovtoune, op. cit, p. 42. 82. G. Pospiélov, Boubnovy valiet. Primitiv i gorodskor
byzantin, lui-même développement de mod~les géorgiens du 5 avril 1913. Cf. M. Etkind, A. Benols (en russe), Mos- 69. V. Marcadé, Le Renouveau de l'art pictural russe, op. folk/or v moskovskoï jivopisli 1910 godov (Le Valet de
et annéniens, Gontcharova conclut que l'art russe doit aller cou-Uningrad, 1965, p. 202. Dès 1910, le peintre ukrainiel cit., p. 234-235 ; E. Kovtoune donne des prl!cisions sur la Carreau. Création primitiviste populaire et folklore urbain
puiser son inspiration et ses fonnes directement à sa source M. Boïtchouk avait présenté à Paris son école néo-byzanl- façon dont fut « découvert • Pirosmani entre l'été 1912 et dans la peinture moscovite des années dix), Moscou,
orientale et non pas en Occident qui n'a fait que la dévier. niste dont Apollinaire écrivit que ce ne fut pas « sans profit le début de 1913: J. Kowtun, « Michail Larionov und das Sovi1tski khoudojnik, 1990, p. 11.
40. M. Zdanévitch, Foutourizm i vsiotchestvo (1914), Sec- peut~tre pour les Français à qui c'était une façon de rap- Ladenschild •• in Russische Avantgarde und Volkskunst 83. « Potchémou my raskrachivaïemsia. Manifest foutou•
tion des Manuscrits du MNR, fonds 177, unité de conserva- peler que les peintres, aussi bien que les pœtes, peuveit (réd. Jewgenja Petrowa, Jochen Potier), Stuttgart, Gerd ristov. Otcherk dlia Argoussa Mikhaïla Larionova i Ilii
tion 21, feuillet 7. bien tricher avec les siècles. • (Chroniques d'Art. /902~ Hatje, 1993,p. 41-43. Zdanévitcha • (Pourquoi nous nous peinturlurons. Mani-
41. J. Tugendhold, «Préface• cat. du Salon d'Automne de 1918, Paris, Gallimard, 1960, p. 167). 70. G. Yakoulov, « Niko Pirosmanachvili •• Zaria Vosto/ca feste des futuristes. Essai écrit pour Argus de M. Larionov
1913,op. cit, p. 311. 57. K. Malévitch, c Du Cubisme et du Futurisme au Suprif. (L'aurore de l'Orient) [Tiflis], 31 man 1927, n° 1439, cité et d'I. Zdanévitch), dans revue Argus, numéro de Noel
42.lbidem. matisme • (1916), trad. fr. in &rits l, De Cézanne au .mp~ ici dans la trad. fr. de R. Khéroumian in Notes et Docu• 1913, p. 115, 118; un fac-similé du manifeste est donné
43. V. Marcadé, Le Renouveau de l'art pictllral russe. 1863- matisme, Lausanne, L'Âge d'Homme, 1993, p. 66. ments édités par la Société des Amis de Georps Yalcouiov, dans la monographie d'Anthony Parton. Mikhal1 Larionov
1914, op. cil., p. 64-65, 140-141 et, en russe,« 0 vliyanii 58. Sur V. Borissov-Moussatov voir V. Marcadé, op. cit. n 3, Paris, juillet 1972, p. 23; Yakoulov poursuit en par- and the Russian Avant-Gartk, Londres, Thames and Hud-
narodnovo tvorchestva na iskousstvo rousskikh khoudojni- p. 115-117. lant de La Cible : « Impressionné par la découverte de son, 1993, p. 69-70.
kov déciatykh godov 20-go stoliétiya •• op. dL, p. 279-299. 59. Voir la trad. de la prl!face de Larionov cat. de l'ex Rousseau, le peintre russe Larionov organisa à Moscou 84. S. Delaunay rapporta cet événement lors d'une de ses
44. « Koustari rousskovo otdiéla • (Les koustari de la sec- lion lkonoplsnyil podlinnilci i loubki in T. Loguine, G une exposition d'enseignes. Mais il ne put trouver parmi les conversations avec Jean-Claude et Valentine Marcadé.
tion russe), in Parijs/caya Gaziéta, n° 10, 1900, p. 2-3. charova et Larionov, op. cil., p. 33-35 et M. Larionov, u,- peintres-artisans moscovites son Henri Rousseau. En 85. K. Malévitch, « Autobiographie •• in K. Malévitch. Col-
loque international, Lausanne, L'Âgc d'Homme, 1979,
45. « Vsiémimaya Vystavka. Dostoprimétchatelnosti rouss- avant-gardt aploslvt, Lausanne, L'Âge d'Homme, 1978 revanche ses émules et disciples de Tiflis eurent la chance
kovo otdiéla na parijskoî vystavkié • (L'Exposition univer- (rl!d. M. Hoog), p. 115-119. Sur le néo-primitivisme voir V de découvrir un Henri Rousseau géorgien en la personne p.156.
selle. Les curiosités de la section russe à l'exposition pari- Markov, Russian Futurism: A History, op. clL, p. 41-45 et du peintre-artisan Niko Pirosmani. • (Ibidem.) 86. I. Eganbiouri, op. ciL [cité ici par J.-CL Marcadé, Le
sienne), Parijslcaya Gazilta, n 14, 22 (9) avril 1900, p. 2. passim; V. Marcadé, op. cit, p. 232 et ss.; D.V. Sara~ 71. G. Yakoulov, « Niko Pirosmanachvili . in Notes et Futurisme russe, op. ciL, p. 32).
Le critique poursuivait lyriquement : « Le peintre a rl!ussi nov, Rouss/caya Jivopis kontsa 1900-natcha/a 1910 goddJ, Documents édités par la Société des Amis de Georges 81. Le Repas des paysans est reproduit dans J.-CI. Marcadé,
dans une fonne forte et poétique à souligner dans ses pan- Moscou, lskous,1110, 1971, p. 99 et sq.; J.-CI. Marca~ Yakoulov, op. dL, p. 25; Yakoulov conclut son article de Le Futurisme russe, op. cil., p. 32 (sous le titre Les
neaux toute la diversité de la nature incommensurable de « Lca futurismes russes du point de vue des arts plastiq"4 façon polémique à l'égard du constructivisme soviétique : Moujilcs).
la terre russe : les rives mornes et tristes du Nord, les four- avant la Révolution de 1917 •• op. ciL, p. 139 et sq.; en « Pirosmani dans son métier a accompli une immense évo- 88. D. Gorbatchov, «Avant-propos• de L'Art en Ukraine,
rl!s vierges de la taîga, les tableaux mystérieux de soleil de allemand: Dimitri Sarabjanov, « Die modernen Strôm~ lution allant de l'enseigne aux grandes œuvres de notre Toulouse, musée des Augustins, 1993-1994, p. 26.
minuit et de l'aurore boréale, les places de Samarkande, gen in der russischen Malerei des vorrevolutionllren Jahr• époque. Son œuvre doit servir de vivant reproche à ce cou-
rutilantes de vives couleurs, inondées de soleil. • zehnts. Russland und der Westen •• in Sieg Uber die Sonn4 rant du futurisme russe (et, au fond, non seulement russe)

372 373
NOTES CHAPITRE 11-111

11. LE CÉZANNISME FAUVE RUSSE, p. 55-76 26. N. Khardjiev, op. dt., p. 73 ; les savants soviétiqu 46. Lettre de Kandinsky à Marc du 2. II. 1912, in Dresde ukrainiens (du c:Ot~ maternel) du pobte tyoir le cél~bre
toujoun eu tendance à minimiser, parfois à déni , ,. Munich Berlin Figures du Motkme. L'E.xp,-ionnisme en tableau de Riépine Ltnn des cosaques iaporoguu au Sul-
1. Voir la liste des œuvrC6 de la collection de peinture fran- ignorer aussi, le rôle des artistes russes qui avaient eu la <\1/emagM. 1905-1914, musée d'Art moderne de la Ville de tan turc) : 0, dériez-vous, rieurs I / 0, esriez-vous, rieurs !
çaise de S.I. Chtchoukine in V. Marcadé, u Renouveau tk mauvaise idée » de partir d'URSS. paris, 1992, p. 357 (traduit de l'allemand par K. Adels~)- / Qui riez de vos rires, / Oui vous riez rieusement / 0,
l'on pictural russe. 1863-1914, op. dt., p. '1:14-277. 27. Lettre de K. Malévitch à O.V. Rozanova, 21 rc\11cr 47, J.-a. Marcadé, • L'avant-gude russe et Pans... . esriez-vous, riamment. / 0, ris des riens riotants, risée des
2. Voir la liste cat. des artistes français de la collection 1914, Section des Manuscrits du MNR, fonds 134, do 1er riocheurs ! / 0, enriez-vous esriamment, ris des rieurs rica-
0 p. cil., p. 178.
I. Morozov en 1912 in V. Marcadé, lbukm, p. '1:11-'1:13. 71. 48. W. Grohmann, Vauily Kandinsky, sa vk, son œuvrt, nants 1 / Riana:, riance 1 / Dériez, enriez vos rieaes, vos
3. N. Tarabouchine, cité par N. Khardjiev, in N. Khardjiev, 28. Lettre de K. Malévitch à I.S. Chkolnik, Section dl' Flammarion, 1958, p. 114-115. rieues, / Rirelets, rirelets / 0 desriez-vous, rieun 1 / 0,
V. TRnine, op. dt., p. 60. Sur les collections Chtchoukine Manuscrits de la Galerie nationale TRtiakov, fonds 49, A. Archipenko, • Salon O-a Niézaviuimykh ,. (Le e■riez-voua, rieun ! ,. (Stoudia impressionistov, Saint-
et Morozov, voir cat. de l'exposition qui leur a été consa- dossier 9, feuille 9. Salon de la Société des Indépendants), Parijslci Viutnik, 17 Pétersbourg, 1910).
crée par le musée Folll'wang à Essen en 1993. 29. Lettre de K. Malévitch à I.S. Chkolnik, Section lie juin 1911, n• 24, p. 3. . .. 7. Un article de Koulbine • Die freie Musik ,. fut publié
4. Voir cat. des Salons de La Toison d'Or en 1908 et 1909 in Manuscrits de la Galerie nationale Trétiakov, fonds , . 50. M. Werefkin, Ltttm à un Inconnu, 12.IX.1905, etté ICI dans l'almanach de Kandinsky et Marc Der Blaue Reiter en
V. Man:adé, lbukm, p. 288-293. doelier 9, feuille 10. d·aprà cat. Dresde Munich Berlin. Figures du Motkme..., 1912, trad. fr. et présentation de J.-Y. Bosseur dans
5, Cité par N. Khardjiev, op. dt., p. 61. 30. Sur le second • Monde de l' Art •• voir : John E. Bowtl op. cil.. p. 363. L'annlt 1913. Les formes uthitiquts tk l'œuvn d'on à la
6. Voir cat. du J• Salon de V. lzdebslti in V. Marcadé, /bi- Tht Si/ver Ap . Russian An o/Tht Early Twentkth (e11- 51. Voir le beau catalogue Dt Van Gogh d Mondrian. La veült dt la pnmiln guerre mondiale, Paris, Klincksieck,
don, p. 297-305. tury and The World of An ,. Groap, Newtonville, M~ beauti t:teactt. Art Pays-Bas XX' siiclt, Musée d'Art 1973, L Ill, p. 301-306.
7. D. Sarabyanov, Russian Painurs of the Early Twtntitth ORP, 1982, p. 122sq.; sur la participation de Yakoulov aux Moderne de la Ville de Paris, 1994. 8. Sur les livres lilhographi~ des • futuraslaves ,. voir S.
Century (New Tnrub), Leningrad, Aurora, 1973, p. 141 (en expositions du Mir Iskousstvo voir : Notes et Documall 52. Dora Kogan, Vladimir Btkhtlitv, Moscou, Sovietski Compton, The World Backwards. Russian Futurist Books.
anglais et en russe). ldith par la Soclltl du Amis tk Georga Yakoulov (réel khoudojnik, 1977, p. 20. 1912·1916, Londres, The British Library, 1978 : D. Vallier,
8. Voir l'échange de correspondance entre D. Bourliouk et Raphat!l Khérumian, J.-CI. Marcadé), Paris, mai 1967. 53. H.K. Rôthel, cité par V. Marcadé, Lt Rtnouvtau pictJ,- • L'avant-garde russe et le livre éclat~ •• Revue dt l'art,
Larionov in N. Khardjiev, op. clt., p. 68. p. 32-33 ; pour Tatline voir TlllliM (ré(I. Larissa Jadoval ral russe. 1863-1914, op. dt., p. 155. 1979: J.-CI. Marcadé, • Peinture et poésie futuristes • op.
9. B. Livchits écrit sans exagérer que • l'amour-propre Paris. Philippe Sers, 1990. 54. Toutes ces œuvres sont reproduites dans cat. V. Bara- dt.
maladif de Larionov qui désirait etre à la tete de tous, et la 31. A. Grichtchenko, • 0 grouppié khoudojnikov "Bou• 11ov-Rouini, Berlin, Galerie Brusberg, 1983 (textes de 9. V. Marcadé, Lt Renouveau dt l'an pictural russe, op. dt.,
résistance: qu'il rencontra, le forœrent à s'écarter du noyau noby Valiet" ,. (Sur le groupe d'artistes Le Valet de CaJI. J.-CI. Marcadé et A. Weber). p. 219-223, et • 0 vliyanii narodnovo tvortchestva na
principal et de former son propre groupe qui changeait reau), Apollon, 1913, n° 6, p. 38. Cet article est une partWJI SS. Sur l'élément ukrainien dans l'avant-garde artistique de iskousstvo avangarda khoudojnikov XX-vo stoliétiya •• op.
constamment • • L'archer à un œil et tkmi, cité par V. Mar- de la conférence tenue par Grichtchenko à L'Union de la Russie et d'Ukraine, voir J.-Cl. Marcadé, • Raum, Farbe, cit., p. 291-292; G. Janea:k, Tht Look of Russian Li~ra-
cadé, op. dt., p. 205. Jeunesse le 2 mai 1913 sous le titre • Rousskaya jivopi, v Hyperbolismus : Besonderheiten der ukrainischen Avant- tun, Princeton, 1984..
10. Cf. G.G. Pospiélov, Boubnovy Valitt (Le Valet de Car- sviazi s Vizantiyel i Zapadom ,. (La peinture russe et c gardekunst ,./Spaa:, Colour, Hyperbolisme : Characteris- 10. Dit Manifeste und Programmschriften der russischtn
reau), op. cil., p. HYl sq. liens avec Byzance et l'Occident). tics of Ukrainien Avant-Garde Art . in Avant- Futuristtn, Munich, Wilhem. Sink, 1967, p. 52. Ce texte
11. S. Gazine, • Boubnovy Valiet • • in Outro Rouil, 12 32. Manuscrit inédit cité par N. Khardjicv, op. dt., p. 68. gartk 4c Ukraine, Munich, Villa Stuck, 1993, p. 41-49. introduit l'almanach Sadok .soutkr, 2, Saint-Pétersbourg,
décembre (25 décembre) 1910, cité par G.G. POIJ)Îélov, ibi- 33. K. Malévitch, icrits li. Lt Miroir suprimatistt, Lau• 56. S. Delaunay, Nous irons jusqu'au soleil, Paria. Robert Jouravl.1913, trad. fr. dans Action polaque. n• 48, p. 50-51.
tkm. sanne, L'Âge d'Homme, 1993, p. 74. Laffont, 1978, p.17. 11. V. Khlebnikov, A. Kroutchonykh, Souleva /cale tako-
12. I. Riépine, • lskousstvo i khoudojnik •• in Birjtvyll v~ 34. K. Malévitl!h, icrits 1. Dt Clianne au suprlma · 57. S. Delaunay, ibidem, p. 11. vaya (1913) in Dit Manifu~ und Programmschriften der
domostl, 20 mai 1910, cité ici d'apr~s V. Marcadé, Lt op. dt., p. 90. russischen Futuristtn, op. clt., p. 61 : trad. fr. in L 'Annie
Renouvtau tk l'on plalual russe. 1863-1914, op. cil., p. 226. 35. K. Malévitch, • Analiza novovo ta obrazatvortc 1913, op. dt., t. Ill, p. 359-361.
13. Pour Malévitch, le valet signifiait la jeunesse et les car- mystetstva (Paul Cézanne)» (Analyse du nouvel art figWllil Ill. LE CUBO-FUTURISME, p. 77-122 12 V. Marcadé, op. dt., p. 242-243: l'auteur ci~ le compo-
reaux - la jeunesae (cité par N. Khardjiev, op. dt., p. 68). tü. Paul Cé7.anne), in Nova Guinlratstya, 1928, n• 6, trad. siteur Arthur Lourié : • A cette époque, la maru~re pétera-
Dans sa recension de l'exposition, le pœte M. Volochine fr. : K. Malévitch, &rits IJJ. Les Arts tk la reprbtn 1. Glema, Metzinger, 0 lcoubltmil, 1913, trad. d'E. Nizen, bourgeoise de se tenir était considérée comme u~ signe de
citait un sympalhisant qui expliquait que • le carreau dési- (lzologù,), Lausanne, L' Âge d'Homme, 1994, p. 29-30. rédaction de M.V. Matiouchine ; l'autre traduction, peu culture particuli~re. distinguant les Pétersbourgeo1S de tous
gnait la passion et le valet un jeune homme • • Boubnovy 36. Voir ce graphique in J.-CI. Marcad~, Mallvitch, Paria, satisfaisante selon Khardjiev (op. cil., p. 60), était signée les autres •• A. Lourié, • Nach march » (Notre marche),
Valiet • • in Rousslcaya khoudojutvknnaya liltopis, 1911, Castennan - NEF, 1990, p. 209. M.V. ; la présentation de M. Matiouchine • 0 kniguié Novy journal (New York), 1969, n• 94, p. 130.
n• 1, p. 10. 37. D. Sarabjanov, • Tatlins Malerei der Jahre 1908-1913 Gleiza i Metzinger O Koubiimil ,. (Au sujet du livre de 13. Cité par N. Khardjiev, op. cil., p. 66.
14. Sur la validité du tenne • futurisme russe ,. voir : J.-CI. im Kontext der russischen Avantgarde • • in Ein inttrnalidl Gleizes et Metzinger Du cubisme), in Soiouz Molodioji, 14. N. Khardjiev, ibidem, p. 71 : l'auteur cite des lettres
Marcadé, u Futurisme russe. 1907-1917, Paris, Dessain nalts Symposium. Vladimir Tat/in (en allemand et en mars 1993, n• 3, p. 25-33, trad. fr. dans <:alwrs du MNAM, inédites de V. Barthe, M. Le Dentu, E. Sagaîdatchny,
Tolra, 1989, p. 15 sq. ruue), op. cil., p. 139, 375. 1979, n 2, p. 288-293. I. Zdanévitch, qui protestent contre l'alliance entre La
15. A. Benois, • Bazar khoudojestvennoï souYety • • in 38. D. Bourliouk, • Die • Wilden Russlands •• in Der Blaua 2. Sur L'Union de la Jeunesse voir V. Marcadé, Le Renou- Queue d'Âne de Larionov et L'Union de la Jeunesse. 11 est
Rietch, 12 avril 1912. Reiter, op. clt., p. 48. veau tk l'an pictural russe, op. dt., p. 241-255 : J. Bowlt, amusant de constater que le Moscovite d'adoption Khar-
16. Cité par G. Pospiélov, op. dt., p. 237. 39. D. Bourliouk, ibidem. • The Union of Youth,. in G. Gibian, H.W. Tjalsma, Rus• djiev a tendance: à minorer les vertus avant-gardistes de
17. Sur quelques extravagances futuristes voir V. Marcadé, 40. D. Bourliouk, ibidem. su,n Motkmism, lthaca, Cornell University, 1976, p. 165- Saint-Pl!tersbourg, tandis que l'historien de l'art Kovtoune
op. dt., p. 217-219. 41 . J.-CI. Marcadé, • L'Avant-garde russe et Pari•~ se fait le chantre, sur tous les modes. de l'avant-garde de sa
187.
18. V. Maîakovski, Polnoll Sobranil Sotchinln1'1 (Œuvres Quelques faits méconnus ou inédits sur les rapports art"" 3. M. Etkind, • Soyouz Molodioji i iévoo sténographitchea- ville Saint-Pétersbourg-Pétrograd-Uningrad-Saint-Péters-
compl~tes), Moscou, 1957, t. l, p. 56. tiques franco-russes avant 1914. Notes paracritique9 , kié ekspérimenty ,. in Sovktskii khoudojnilci ttotra i /dno, bourg en ~orant l'apport de celle-ci à l'art universel. Sur
19. V. Marcadé, op. dt., p. 315, On trouve les titres: Ama- CahitrsduMNAM.1919,n 2,p.178. Moscou, 1981 ; J.-CI. Marcadé, " La Victoirtsur k SoltU ou l'apport respectif des deux capitales de l'Empire russe à
teur tk courses tk taUrtaux, Malador, Course dt taunaux, 42. Sur • le groupe russe de Munich . voir l'article tr~ le merveilleux futuriste comme nouvelle sensibilité » in La l'avant-garde, cf. J.-CL Marcadé, • Miejdounarodnaîa vy&-
Espagnole, Antaro, Chambre tn Espagne, Paysage détaillé de V. Marcadé, L'effervesa:na: intellectuelle et Victoire sur lt Soleil (éd. en russe et en français), Lausanne, tavka "Parij-Moskva". K probliémié retseptsii i mouzéo-
(Espagne), StgUidillas, JtUM garçon upasnol. les recherches esth6tiques des peintres russes au début du L·ÂF d'Homme, 1976, p. 65-97: Jewgeni Kowtun, • Sief grafii rousskovo isousstva na zapadi6 ,. (L'exposition inter-
20. D. Bourliouk, • Die • Wilden ,. Rusalands •• in Der XX" si«le •• Revue dt l'icolt Nadonale des Langues or11·11· üb•r dit Sonne. Materialen · in Sitg über dit Sonne. nationale Paris-Moscou. Contribution au probl~me de la
Blaue Reiter, op. dt., p. 48. tales, 1965, 2, p. 151-165. As,,.lcu russischtr Kunst zu Beginn des 20. Jahrhundtrts, réception et de la muséographie de l'art russe en Occi•
21. Sur Yakoulov voir Notes tt Documents lditls par la 43. Sur les rappom des Russes de Munich avec la Russidil dent), in Bildtndt Kunst in Ostturopa im 20. Jahrluuldtn,
op. clt., p. '1:1 et ss. .
Sociitl du Amis tk Gtorgu Yakoulov (4 fucic:ules), Paris, voir le texte pioMier de V. Marcadé, Lt Renouveau dt l'ait 4. La meilleure histoire factuelle du cubo-futunsme est Berlin, Arno Spitz, 1991, p. 349-390.
1967-1975. pictural russe. 1863-1914, op. dt., p. 125-157. celle qui est donnée par N.1. Khardjiev, • Poésia i jivopis . 15. C'est pour éviter des ennuis avec l' Acad~mie des
22. D. Bourliouk, op. dt., Ibidem. 44. V. Marcad~, op. dt., p. 156. op. cil., en français : N. Khardjiev. V. Tr~nine, La Cultun Beaux-Arts ofl il ~tudiait que V. Matvejs prit le pseudo-
23. G. POlpÎélov, op. dt., p. 106. 45. Le livre de C. Weiler, Alutj Jawknslcy, Wiesbadenl poldqut tk Malakovski, op. dt. nyme d'écrivain Vladimir Markov. Combien de noms
24. Y. Tugendhold, • MOlkovskié vystavlti,. (La exposi- Limes, 1955, reste ind~paué sur la question des rapportl 5. N. Khardjiev, V. Trénine, op. dt., p. 54 et ss. . arm~niens ont ainsi été russifiés : Lazarev, Yakoulov,
tions moscovites), in Apollon, 1913, n• 3. des artistes de Der blaue Reiter avec la tradition roman• 6. Voici une traduction possible du pœme de Khlebnikov Koussikov ... ; sur l'apport ukrainien à l'art russe, voir V.
25. V. Marcadé, op. dt., p. 205. tique et celle de la NlllUl'phi/mophk allemande. dont une des intonations est celle des ancetres cosaques Man:adé, An d'Ulcraint, Lausanne, L·Ap d'Homme, 1990.

374 375
CHAPITRE Ill
NOTES
63. Ibidem, p. 35. 92. K. Ma16vitch, Du Cubisme au Supmftallsme. Le Nou-
16. Tatiana Liouboslavskala, « V.I. Matvcjs i "Soyouz 44. Voir cat. de L'Union de la Jeuncsac in V. Marcad6, r.. 64.lbidem. veau Rla/i$mt pictural, P6trograd, 1915, trad. fr. in
molodioji" (V.1. Matvejs et L'Union de la Jeunesse), in Renouveau de l'art pictural russe, op. dt., annexe li. Il faut 65. N. Pounine, Tatline (Proti11 Koubizma), Saint-P6ten- K. Mal6vitch, &:rits I. De Clzanne au suprlmatlsme, op.
Rodlcnik (Riga), aoQt 1990, n° 8 (44), p. 47-50. rectifier, p. 319, pour la sixi~me eXp01ition, les dates en bourg, 1921. dt.,p.42.
17. I. Chkolnik, « Mouzeï sovremcnnoî rousskol jivopissi • « 5 d6ccmbrc l 912~10 janvier 1913 •• l'auteur ayant reprilJI 66. Ibidem, p. 7. 93. K. Malfvitch, De Cltanne au suprlmadsme, Moscou,
(Le m~c de l'art russe contemporain), in Soyouz Mo/Q- l'erreur du catalogue. 67. Sur la question de l'amour-haine russe pour l'Europe, 1920, trad. fr. in K. Mal6vitch, lcrits /,op.cil., p. 94-95, 96.
dioj~ 1912, n° 1. 45. Lettre de M. Larionov à I. Chkolnik, MNR, section dca voir J.-CI. Marcadf, « Le destin de la Russie comme axe 94. E. Martineau, « Mal6vitch et 1'6nigme "cubiste".
18. Trad. russe : V. Matvcjs, « Rousaltaya sellelliya •• in Manuscrits, fonds 121, dOllSier 39, feuillet 2. central de L'Adolescent (Versilov-Makar) •• in Problemi Trente-six propositions en marge de Des nou11eaw: sys-
Kino (Riga), 1989, n° 6, p. 27-28. 46. Lettre de M. Larionov à M. Le Dentu cit6e par attuali di critica dostoe11skiana (r6d. Eridano Bazzarelli), times en art •• in Mallllitch. Colloque international, op. cil.,
19. Sur M. Wcrefltin voir V. M ~ . op. dt., p. 131-145. N. Khardjiev, op. cit,. p. 78-79. Milan, lstituto Lombardo di Scienzc e Lcttere, 1983, p. 61- p. 76.
20. M. Wcrefltin, Briefe an einen Unbektmnlen. 1901-1905, 47. Pour le d6tail des conf6rences de 23 et 24 mars 1913 au 68. 95. Y. Tugendhold, « Vystavka kartin Natalii Gontcharo-
K0ln, DuMont-Schauberg, 1960, p. 36. th6Atre Troîtski de Saint-P6tersbourg, voir N. Khardjidl. 68. K. Mal6vitch, « Foutourizm dynamitchny i kin~- voY. Pismo iz Moskvy • (Exposition de Natalia Gontcha-
21. Apollon, 1910, n• 4, p. 19-20, cité d'aprb V. Marcad6, op. dt,. p. 79 aq. titchny •• Nova Gulneratsiya, 1929, n° 11, trad. fr. in rova. Lettre de MOICOU), Apollon, 1913, n• 8, p. 73.
op. cil., p. 150. 48. N. Khardjiev, ibidem. K. Mal6vitch, &rits Il/, op. dt., p. 108. 96. M. Tav6taîeva, « Natalia Gontcharova •• Volia Rossü,
22. V, Matvejs, op. dt., p. 28. 49. O. Rozanova, « Osnovy novovo tvorchcstva i prit 69. J.-CI. Marcad6, Mallllilch, Paris, Castennan-Nouvellcs 1929, n ~ 7, 8-9; repris in Sotchintniya (Œuvres), Mos-
23. V. Matvejs, ibidem. ~go neponimaniya •• in Soyouz molodioji, 1913, n° 3; Éditions françaises, 1990, p. 80 aq. Je remercie J. Malmstad cou, Khoudojestviennaya lit6ratoura, 1988, p. 98 ; trad. fr.
24. Filonov ne figure pas au cat. de cette exposition, voir V. fr. dans Art et pob~ rwses. 1900-1930. Tutu choisis (r6d.. d'avoir attir6 mon attention sur le rapport Pissarro-Malf- de V. I...œaky dans la magnifique petite 6dition de M. Tave-
Marcad6, op. dt., p. 317-318. Troels Andersen et Ksenia Grigori6va), Paris, Centrt vitch. tacva, Nathalie Gontcharova, sa 11~, son œu11re, Paria, 06-
25. N.8.B. [Brecbko-Brccbkovslti), « Vystavka "Soyouza Georges-Pompidou, 1979, p. 66-70. 70. Cf. reproduction de l' Essai pour trois portrails de Uger mence Hiver, 1990, p. 153.
molodioji" • (L'exposition de L'Union de la Jeunesse}, 50. ~-Zola,« Mes haines •• in u Figaro, 26 mai 1866. dans G. Apollinaire, us Peintres cubistes. Mlditations 97.lbidem.
Birjevy'il novo.sti, 13 avril 1911. 51. « Mais les impuissants ne veulent pas agrandir le cadre: esthltiques, Paris, 1913, 98. Ibidem, p. 158.
26. Dans l'almanach Pochtchotchina obchest11iennomou ils ont drcss6 la liste des œuvres d6jà produites, et ont ainsi 71. K. Mal6vitch, &:rià TV. La lumiJre et la couleur, op. dt., 99. B. Livchits, L 'Archer tl un œil et tùmi, op. dt,. p. 222.
11kmusou, Moscou, 1912, les articles sur le cubisme et la obtenu une v6rit6 de beaut6 relative dont ils font une véril41 p.61 aq. 100. K. Mal6vitch, « Le cuba-futurisme•• Nol/Q Gulnlrat-
facture sont attribu& à Nikolar Bourliouk. D'apr~ Khard- absolue. Ne crtez pas, imitez. Et voilà pourquoi je hais les 72. K. Mal6vitch, « De 1'6lfmcnt additionnel en peinture • siya, 1929, n• 10; trad. fr. in '&:rils Ill. Les Arts de la rep~
jicv, op. cil., p. 58, ils appartiennent à David. Les textes gens ~tement graves, les artistes et les critiques qui veu [milieu des ann6es vingt), in tcrils IV, op. dt., p. 140. sentation, op. cil., p. 88.
sont traduits en français dans Art et pob~ russes, op. dt., lent sottement faire de la v6rit6 d'hier la v6rit• 73. Y. Tugendhold, « Pismo iz Moùvy • (Lettre de Mos- 101. G.F. Kovalenko, Alexandra Eiter, Moscou, Galart,
p. 57-66. d'aujourd'hui. Ils ne comprennent pas que nous marchOIII cou), in Apollon, 1913, n° 4. 1993,p.58.
27. Ibid., p. 57-58. et que les paysages changent "· ibidem. Voilà un Zola pr6• 74. N. Pounine, Tatline (Contre le cubisme), op. dt,. p. 11. 102. Voir cat. dans G. Pospi61ov, op. cil., p. 267.
28. Ibidem, p. 58. futuriste 1 75. P~re P. Florensky, La Perspective in11enle, op. dt., 103. G. Yakoulov, « Mor jimienny pout' • (La route de ma
29. Sur W0lflin et D. Bourliouk voir P. Railing, From 52. Voir chez N. Khardjiev, op. cil., p. 83 note 103, la biblio- p.167 aq. vie), Vi6tchemaya Moskva (Moscou-Sail'), 29 d6cembre
S~nce to Systems of Art. On Rwsian Abstract Art and graphie journalistique concernant cc fait divers futuriste. 76. Ibidem, p. 175. 1938, en français Notes et Documents, op. cil., n° 4, p. 4.
Language 1910/1920 and Other Essays, Forest Row 53. • Osliny kh11ost » i · Michen ·, MOICOU, Münster, 1913. 77. N. Pounine, op. dt., p. 12. 104. G. Yakoulov, « Moya kontrataka • (Ma contre-
(Angleterre), 1989, p. 31 aq. 54. R6trospective posthume puisque la po6tcsse 6tait morte 78. Voir ~re P. Florensky, « L'iconostase • in La Penpec- attaque), in Ennitagt, 1922, n° 7,p. 11.
30. Ibidem, p. 59. l)Cndant 1'6t6 1913. ti11e in11enh, op. cit., p. 193 aq. 105. G. Yakoulov, « Golouboî6 Solnts6 • (Le soleil bleu),
31. Pendant de nombreuses anntes, cette eXp01ition a 616 55. Nous ne connaissons qu'un dessin dans le recueil po6- 79. Ibidem, p. 194. in Alcyon, 1914, n• 1, p. 233, trad. de R. Kh6rumian in
plaœc en 1911-1912 à cause des indications ambigul!s sur le tique La Trois qui porte cc nom. 80. N. Pounine, « Obzor tetch6nii v iskousstvi6 P6ter- L'annh 1913. La forma esthltiques de l'œu11n d'art tl la
cat. oil est marqué:« 5 d6ccmbrc-10 janvier 1912 •· C.Cla a 56. Cat. de la scpti~me exposition de L'Union de la Jeu- bourga • (Panorama des courants artistiques à P6ters- veille de la seconde guerre mondiale, Paris, Klincksicck,
bien entendu fa~ les datations, avançant d'une annte nesse in V. Marcad6, op. cil., p. 333. bouig), in Roiuskoil iskoiust110, 1923, n° 1. Voir aussi 1973, L Ill,p. 181.
cnti~re certaines novations spcctaculaircs. 57. A. Cravan, « L'exposition des lnd6pendants •• in Main• N. Khardjiev, c Appunti •• in Paragone (Arte), mai 1965, 106. G. Yakoulov, « An Solis. Sporady uvi6topistsa • (An
32. Cit6 par N. Khardjicv, op. cil., p. 40. tenant, textes présent& par B. Delvaille, Paris, Erik C. Lœ- vol. 16, n° 183. Solis. Sporades d'un peintre de la couleur), Gostinitsa pou-
33.Ibidem. feld, 1957, p. 87; « Alexandra Exter est un de ces pauvree 81. N. Pouninc, ibidem. tiechest11ouyouchtchikh v prlkrasnom (Hôtel de ceux qui
34. Ibidem, p. 41. Artistes Français, car un Bouguereau cubiste est malgnlJ 82. D. Bourliouk, « Cubisme •• in Pochtchotchina obcht- voyagent dans le Beau), 1922, n° 1, trad. fr. de R. Khtru-
35. Lettre de M. Larionov à L J6verjclcv du 20 septembre tout un Bourguereau •• p. 85 ; « Chagall a malgr6 tout une chestll~omou 11koussou (Gifle au go0t public), Moscou, millJI in Notes et Documents, op. dt., n 1.
1912, m~e national Bakhrouchine, cité par N. Khardjiev, certaine naïvet6 et une certaine couleur. C'est peut~tre un 1913; trad. fr. dans Art et pobia russes. 1910-1930, op. dt. 107. lbidtm.
op. dt., p. 76. innocent •• ibidem. 83. Futurisme. Manifestes. DocummJs. Proclamations (r6(i. 108. Ibidem.
36. V. Marcad6, « 0 vliyanii narodnogo iskousstva ... •• 58. K. Mal6vitch, « Aux novateurs du monde entier Giovanni Lista), Lausanne, L'Âge d'Homme, 1973, p. 164. 109. J.-CI. et V, Marcad6, « Des lumières du soleil aux
op. cit. (1919), in K. Mal6vitcb, &:ria IV, op. cit., p. 42. 84. Ibidem, p. 169; cc texte et le pr6œdcnt ont 6t6 traduits tumi~res du th6Atre : Georges Yakoulov •• in Cahiers du
37. Dans la collection de F. Marc, il y avait un tableau dbii- 59. K. Mal6vitch, « Le cuba-futurisme •• in Nol/Q GuénlnlM en russe dans Soyouz mo/odioji, juin 1912, n 2. monde russe et so11iltique, vol. XIII, MCMLXXII, 1•
caœ de N. Gontcharova. siya, 1929, n 10, en français: K. Mal6vitch, &:rià III, La 85. Voir cat. dans G.G. Pospi6lov, Le Valet de Carrtœ1, op. cahier, p. 5-23.
38. « "Soyouz molodioji". Zapislti naivnogo provintsliala •• Arts de la Reprhentation., Lausanne, L'Âgc d'Hommlll cil., p. 256,261. 110. G. Yakoulov, Konspekt (Notes), in V. Marcad6, u
in Peterbourgski listok (Le Feuillet p6tenbourgeois), 1994, p. 90. 86. V. Rakitine, tapuscrit dans les archives Marcad6. Renouveau de l'art pictural russe... , op. dt., p. 216.
12 ~mbre 1912. 60. N. Berdiaev, « Picasso•• in Sophia, 1914, n° 3, reprili 87. B6n6dikt Livchits, L 'Archer tl un œil et demi, Lausanne, 111. A. TaJrov, « Gu6orgui Yakoulov •, lskousstllo, 1929,
39. O. B6zankour, « Po vystavkam "Soyouz molodioji" •• dans le livre Krizis iskousstlla (La Crise de l'art), Moscou, L'Âgc d'Homme, 1971, p. 49-50. n 1-2, trad. fr. in Notes et Documents, op. dt., n• 2, p. 14.
in Sankt-PeterbourgskU 11ildomosti (Nouvelles de Saint- A. Uman et S.I. Sakharov, 1918, p. 29-35; le peint'4 88. « Les exposants au public . in Futurisme (r6d. Gio- 112. G. Yakoulov, « Bloknot khoudojnika • (Bloc-notes
P6tersbourg), 12 d6ccmbrc 1912. Grichtchenko lui fit une r6ponsc, en se plaçant sur le plall vanni Lista), op. cit,, p. 69. d'un peintre), tapuscrit (archives Marcad6), trad. fr. in
40. Voir reproduction de l'œuvrc de D. Bourliouk dans cat. uniquement e1th6tique, Krizis lskousstlla i sovremienna,,• 89, M. Dabrowski a bien montrt le rapport que ces dessins N,nes et documents lditls par la Sociltl des amis de
L'Avant-Garde russe. Chefs-d'œu11re da mwles tù Russie. ji11opis (La crise de l'an et la peinture contempor · avaient avec ceux de Tatline à la même 6poque, Tatline qui Georges Yakoulo11, Paris, novembre 1975, n 4, p. 16; cc
1905-1925, m~ des Beaux-Arts de Nantes, 1993, p. 72-73: Moscou, 1917. Quant à S. Boulgakov, il se place sur e s'est content6 de quelques exercices dans le cubisme analy- texte a paru en russe, avec des coupures dans la revue
41. D. Bourliouk, « Les "11uvages" de Russie•• in Cahiers mo!me sujet par rapport à Berdiaev et à Grichtchenko, dana tique. Magdalena Dabrowski, Liubo11 Popo11a, N. Y, Rampa, 1924, n 8.
du MNAM, 1979, n° 2, p. 284 (traduction de l'allemand par une perspective th6ologique - voir « Troup krassoty. Po Moma, 1991, p. 12. La question, cependant, se pose autre- 113. Lettre th Mall11ilch tl Matiouchine üuin 1913) publi6e
M. Vallois). povodou kartin Picasso (1914) • (Le cadavre de la bcautdl ment si l'on n'attribue plus à Tatline ces dessins tr~s par E. Kovtoune in Sieg aber dk Sonne. Aspe/eu russisc~er
42. J ..Q. Marcad6, « L'avant-garde à Paris. Quelques faits A propos des tableaux de Picasso (1914)), in RousskaJII cubistes. Anatoli Strigaliov semble mettre en doute la Kunst zu Beginn des 20. Jahrhunderts, Berlin,
m6connus ou in6dits sur les rapports artistiques avant 1914 Mysl (La Pens6e russe), 1915, n° 8, p. 10-106, repris dana le paternit6 de beaucoup des dessins issus des albums de son Frôlich & Kaufmann, 1983, p. 39.
(Notes paracritiquea) •• in Cahim du MNAM, 1979, o0 2, recueil Tikhil doumy (Pens6es de silence), Moscollll atelier. 114. A. Pov61ikhina, Kovtoune, op. cil., p. 138.
p. 174-183. G.A. Uman et S.l.Sakharov, 1918. 90. J.-CI. Marcad6, Mallvitch, op. cil. 115. Idem, p. 139.
43. Dnil11iniko11yil Zapissi M. Matiouchina, TsGALI, 61. N. Berdiaev, « Picasso•, op. cil., p. 30. 91. M. Dabrowski, op. cit., p. 12-13. 116. Idem, p. 48-49 et 114.
fonds 134, inv. 2, dol. 24, feuillet 8. 62. Ibidem, p. 33.

377
376
NOTES CHAPITRE III-IV

117. Autre cbef-d'œuvre de cubo-futurisme alogiate, le 13. D. Bourliouk, « La Facture•• op. dl. 22. Une partie du journal intime de M. Werefkin a ftf (c Die Wiltkn Russlands,. von D. Burljul) et p. 187-188
Lavage des fenltru (1915, coll. Beminger), voir. pour le 14. « Les visiteun de la collection Chtchoukine pliSSBMIIII écrite en français sous le titre de Lettres d un inconnu et (Aua /talienische EindrUcke von W. Roeanov, St. Peten-
commentaire de cette toile, J.-CI. Marcadf, in Jean Pougny, les yeux et s'efforçaient de trouver les contoun de la cath4 reste infdite ; trad. allemande : M. Werefkin, Briefe au burg, 1909, S 81 fi.).
mUKe d'Art moderne de la Ville de Paria, 1993, p. 111. draie ; mais comme les taches floues n'en exprimaien1_pas einen Unbekannten, Cologne, Du Mont Schauberg, 1%(); 36. Kandinsky : Russian and Bauhaus Yean. 1915-1933,
118. E. Roten, « Iwan Puni-Der Synthetische Musilcer •• in de mani~re tranchfe les formes, celui qui conduisall la voir aussi M.V. Verevkina, « Bifsifda o maltif, simvolif i New York, The Salomon R. Guggenheim Museum, 1983.
lwan Puni. Synthetùcher Musiker, Berlinische Galerie, visite fit remarquer que jadis il avait vu le tableau et soute- ego znatchfnif v mistitcheskom iskousstve •• in Novyi jour- 37. J.-CI. Marcadf, « Une esthftique de l'abime•• in
1922, p. 14-69, trad. fr. in cat. Jean Pougny, op. dt., p. 30-44. nait qu'il ftait alors plus net; visiblement il avait perdu • nal, n° 80, 1965, p. 115-122, trad. fr. et prfa. de V. Marcadf : K. Malfvitch, &rit3 /. De Clzanne au supnrnatis-. op.
119. E. Roten, ibid., p. 56, 58. couleurs : en meme temps, il décrivit les sfductiona et Ica Causerie sur le symbole, le signe et sa signification dans dt.. p. 7-32; en anglais « An Approach to the Writings of
120. Les attaques de Pougny contre l'avant-garde russe beautés de la catbfdrale. On fit la proposition originaltl de rart mystique , in L'Annle 1913, t. Ill, Paris. Klinckaieck, Malevich . in Soviet Union/Union soviltlque, Arizona
- Kandinsky, Malfvitch, Tatline - ~pandues publiquement suspendre à c:Otf du tableau une photographie car les cou. t973. Sur M. Werefkin, voir aussi C. Weiler, Aluej Jaw- State Univenity, vol. V, fasc. 2, 1978, p. 225-240.
à Berlin en 1922, ont paru en un petit livre: Ivan Pougny, leun sont rendues par le peintre tandis que la phologra /ensky, Cologne, Du Mont Scbauberg, 1959; J. Hahl-Koch, 38. V. Kandinsky, 0 doukhovnom v ùkousstvll, op. dt.,
Sovnmimnaya jivopls (La peinture contemporaine), Ber- donne le dessin; ainsi l'illusion sera compl~te. Mais per- Mariann, Werefkin und der russische Syrnbolismus, p.48.
lin, LD. Frenkel, 1923 ; trad. allemande dans /wan Puni. sonne ne voyait la peinture elle-meme, ne voyait bougem Ica Munich, Otto Sagner, 1967; Marianne Werefkin. Gem8/Jû 39. Ibid., p. 49.
Synthetischer Musiker, op. dt., p. 105-140, trad. fr. in cat. taches de couleurs, ne les voyait croitre de mani~re infinid : 11 nd Skiuen, Wiesbaden, 1980; Bemd Fltbke, Marianne
40. Ibidem, p. 70.
Jean Pougny, op. cil., p. 63-83. Sur le caract~re stratfgique pour eux, Monet, en peignant cette cathfdrale, ,·ti.111 von Werefkin, Leben und Werlc JIJ(j{)./938, Munich, Prestel, 41. V. Kandinsky, Stoupilni (étapes), Moscou, lzo, 1918,
de la polfmique de Pougny avec l'art de gauche, voir J.-CI. efforœ de rendre la lumi~re et les ombres qui ftaient sur 1988. p.36.
Marca~. « ~face ,. à Jean POllgny, « La peinture contem- les murs. Mais cela est faux. En ~lf. tout le support de 23. W. Worringer, Abstraktion und EinfUhlung. Ein Beilrag 42. G. Yaltoulov, « Golouboïf Solntsf •• Alulona, 1914:
poraine •• in Jean Pougny, op. dt.. p. 64. Monet était ramenf à ceci : faire pousser la peinturd qut zur Stilpsychoiogie, Munich, R. Piper & Co., trad. fr. trad. fr. de R. Khfrumian in Annie 1913, t. 111, op. clt.,
121. I. Pougny, Sovrhniennaya jlvopls, op. cil., p. 29, « La pousse sur les murs de la cathfdrale. Ce n'ftait pas la d'E. Martineau Wilhelm Worringer, Abstraaion et EinfUh· p. 181-183.
peinture contemporaine•• op. cù., p. 77. lumi~re et les ombres qui ftaient sa t4che principale mais la /ung, Paris, Klincksieck, 1978 (préface de D. Vallier). 43. V. Kamienski, Tangos korovaml. JWeznobltonnyil
122.lbitkm. peinture qui se trouvait dans l'ombre et la lumi~re (... ]. 24. M. Werefkin, Brlefe au einen Unbekannten, op. dt., pohny, Moscou, 1914, reprint, Moscou, Kniga. 1991, avec
les plantes picturales sur les murs d'une cathfdrale étai p.13 des articles de présentation d•A. Chemchourine et de Y.
indispensables à aaude Monet, le corps de la cathédr~ il 25. Ibidem, p. 36. Molok.
IV. NON-FIGURATION ET ABSTRACTION, p. 123-152 le considfrait, lui, comme des plates-bandes de surface sur 26. Citf par C. Weiler, Aluej Jawlenslcy, op. dl., p. 35-36. 44. S. Compton, The World Backwards. Russian Futurist
lesquelles poussait la peinture qui lui ftait nécessabta 27. M. Werefkin, « Causerie sur le symbole, le signe et sa Books 1912-1916, Londres, The British Library, 1978,
1. J.-CI. Marcadf, « L'abstraction comme lieu de l'~fne- comme le champ et les plates-bandes de surface sur les- signification dans l'art mystique . op. cit., p. 208. p.83-85.
ment pictural. Contribution à la question du sans-objet •• quels poussent des herbes et des semis de seigle [... ]. Et 28. lbitkm, p. 209. 45. I. Pougny, Sovrhniennaya jivopls, op. cù., p. 34, trad fr.
Artistes, n• 24, 1984, p. 84 sq; trad. en allemand in Konti- lonque l'artiste peint et qu'il plante la peinture tandis que 29. Ce rôle de trait d'union entre la Russie et l'Occident dans cat. Jean Pougny, Paris, musée d'Art moderne de la
nuitllt-Dlskontinuitllt. Hommage d Fruhtrunk, Munich, l'objet lui sert de plate-bande, il doit semer la peinture de sera jouf aussi par M. Werefkin, S. Diaghilev, M. Vaasiliev, Ville de Paris, 1993, p. 80.
Galerie der K0nstler, 1983, p. 9-18; voir aussi E. Marti• telle sorte que l'objet disparaiaae car il sert de sol à la pe~ J. Lfbfdeff, J. Pougny et sa femme Ksana, A. Exter, 46. G. Apollinaire, « Natalie de Gontcharova et Michel
neau, Ma"vitch et la Philosophie, Lausanne, L'Âge turc visible pour le peintre. ,. K. Malfvitch, « Des nouveau S. Delaunay (Sara ltinitchna Stem, qui prendra le nom de Larionov ,., p~face du cat Exposition Natalie de Gontcha-
d'Homme, 1977. syst~mes en art,. (1919, in tcrits /. De Clianne au suprl- son oncle maternel et deviendra « Sofia llinitchna Terk ,. rova et Michel Lllrionow, Paris, galerie Paul Guillaume,
2. J. Cassou,« Prffaœ,. à Kupka, Paris. Pierre Tisnf, 1964, lfJOtisme, op. dt., p. 102-103. ou « Sophie Terk ,. ), la baronne H. d'Oettingen [élfna 1914.
p.9. 15. Voir sur la question du hasard en art, P. Junod, TrlUQIJI Frantsevna Ettingen] ... Voir à ce sujet : J .•a. Marcadf, 47. S. Bobrov, in Troudy vsilrossiiskovo siezda lchoudojnl•
3. K. Malfvitch, « Des nouveaux syst~mes dans l'art ,. parence et opacltl. Essai sur les fontkments thloriq/1# de « L'avant-garde russe et Paris. Quelques fait mfconnua ou kov v Pltrogradil, t. 1, op. dt.
(1919) in tcrits 1/. De Clianne au suprlmatlsme, Lau- l'art moderne, Lausanne, L'Âge d'Homme, 1976, p. 246- infdits sur les rapports artistiques franco-russes avant 1914. 48. V. Marcadf, c O vliyanii narodnovo tvortchestva na
sanne, L' Âge d'Homme, 1993, p. 98-99. 249, 280-281. Notes paraaitiques ••op.cil., p. 175-183; J.-CI. et V. Mar- isltousatvo rousskikh avangardnykh khoudojnikov diesia-
4. H. Matisse, tcrits et propos sur l'art (fd. Dominique 16. V. Markov, • Priotsipy novovgo iskousstva "· Soy ca~. « Femmes d'avant-garde sur fond russe: 1907-1930,. tykh godov ~vo stoliftiya •• op. dl., p. 297.
Fourcade), Paris, Hermann. 1972, p. 252. molodioji, 1912, n° 1, p. 12-13: trad. fr. in Olga Mark in L'Avant-gartk au flminin. Moscou. Saint-Phenbourg. 49. Moine G. Krug. Carnets d'un peintre d'k6nu, Lau-
S. K. M!lifvitch, tcrils /,op.dl., p. 102. dans Art et poble russes (réd. Troels Andenen, Ksfnia Paris (1907-1930), Paris, Artcurial, 1983, p. 5 et as. sanne, L'Âge d'Homme, 1994 (:Z- impression), p. 59; ~re
6. Sur Ourlionis, voir B.A. Leman, Ciurlionls, Pftrograd, Grigorifva), op. dl., p. 53-57. 30. Sur« les écrits russes de Kandinsky•• voir V. Marcadé, P. Florenaky, op. dt., p. 193: « Finalement, la demi~re mise
N.I. Boutkovskaya, 1916; M. Etkind, Mir kak bolchaya 17. V. Markov, « Printsipy novogo iskousstva . op. cit,. Le Renouveau tk l'art pictural russe, op. dl., p. 149 sq: J. au point des v!tements et de quelques autres détails non
simfoniya, Uningrad, Iskousstvo, 1970 (version p.13, 14. Hahl-Koch, « Kandinsky's Role in the Russian Avant• faciaùx est une finition à l'or, ou dans les icônes les plus
lituanienne : Markas Etkindas, Pasaulls Kaip dideU simfo- 18. Aujourd'hui, la plupart des spfcialistes semblelll Garde ,., in The Avant-Garde in Russia 1910-1930, New strictement conformes à la r~gle - à l'inocopie [on dit aussi
nija, Vilnius, 1976); V. Marcadf, Le Renouveau tk l'artpic- admettre l'hypotb~ selon laquelle cette c premi~re aqu. Penp«tivu, Los Angeles, 1980, p. 84. "chrysographie", J.-CI. M.], sur assiste, mot désignant une
llual russe, op. dt., p. 178-183; M.K. Ciurlionis. 1875-19/1, relie abstraite ,. serait en fait une esquisse pour la monu• 31. Voir cat. des deux Salons de V. lzdebski dans V. Mar• substance particuli~rement collante obtenue à partir du
Berlin, 1979; A. Rannit, Mikalojus Konslllntinas Ciurlionis. mentale Composilion VII de 1913. cadf, op. dt., p. 297-305, JOIJ..313. marc de bi~re. et dans les icônes moins anciennes, avec un
Uthuanian Vlsionary Pointer, Chicago, Lithuanien Ubrary 19. Sur le « foyer des artistes russes à Munich •• voir le cha- 32. Kandinsky, « Soderjanié i forma • (Le contenu et la rehaut à la poudre d'or appelf "rehaut à la plume",,.
Preaa, 1984 (qui donne une large bibliographie). Les pitre qui lui est consacré in V. Marca~. Le Renouveau de forme), in 1910-1911. Salon 2, op. dl .. p. 14-16. 50. M. Larionov,• La peinture rayonniste,. (1913), in Une
articles qui mettaient l'accent sur l'importance de Ciurlio- l'art pictural russe, op. dt., p. 131-158. 33. V.V. Kandinsky,« 0 doukhovnom v iskousstvif 0ivo- avant-garde explosive (rfd. Michel Hoog), Lausanne,
nis pour la naissance de l'art abstrait ont fté ceux 20. Parmi les ouvrages importants ~nts sur Kandinslil pis) ,., in Troudy vsihossi'iskovo siezda khoudojnikov v L'Âge d'Homme.1978, p. 72.
d' A. Rannit. « M.K. Ciurlionis. 1815-1911 : Pionnier de l'art à Munich ,. voir Wiwily Kandùuky d Munich, BordeaUlll PltrogradU, Pétrograd, t. 1, 1914, p. 47-76; W. Kandinsky, 51. L'œuvre de Yaltoulov Gorodslcliia jlvoplss. Postrollnil
abstrait •• Discoun prononcé au :Z- Con~ international Galerie des Beaux-Arts, 1976; Kandinsky und MUnchelll Ueber das Geistifle in tkr Kunst, Munich, R. Piper & Co., 1• na skorostiakh stiokol (Peinture urbaine. Construction sur
des Critiques d'Art, Maison de l'UNESCO, Paris. 1949, et Begegnungtn und Wandlungen. 1896-1914, MUnchen, Pres- éd.,janvier 1912; 2' fd. flargie, avril 1912 les viteaaes des vitres) a ftf exp016e au Monde de l'Art
G. Annenkov, « Les temps hfroîques : Les dfbuts de l'art tel, 1982 (fd. Armin Zweite); Kandinsky in Munich: I ~ 34. A ce sujet, voir la lettre de Kandinsky à la ~ction de (Mir Iskousstvo) à Moscou en 1913. Sa localisation est
abstrait en Russie•• in Cimaise, 1953, n 2. 1914, New York, The Solomon R. Guggenheim, 1982: Rousslcoil slovo du 4 ma, 1913: NilcolaI Khardjiev, « P~- inconnue.
7. J.-CI. Marca~ « Lll Victoin sur le Soleil ou le merveilleux H.K. Rœthel, J.K. Benjamin, Catalogue raisonnl tk l'œuvrll ziya i Jivopil •. in The Russian Avant-Garth, Stockholm, 52. P~re P. Florenslty, « L'iconostue ••op.dt., p. 193 sq.
futuriste comme nouvelle sensibilité •• in Lll Victoire sur le pellll (2 tomes), Paris, Karl Finker, 1982; Kandinsky ( Almqviat & Wiksell lntemational, 1976, p. 17; trad. fr: 53. M. Larionov, « Loutchistaîa jivopisa ,. (La peinture
Soleil, Lausanne, L'Âge d'Homme, 1976, p. 75-82. ftabli par Christian Derouet et Jeaaica Boissel). Pa N. Khardjiev, V. T~nine, op. cil. p. 46. Le texte original rayonniste), in recueil Osliny khvost • i • Mlchen'. • (La
8. Lettre de P. Gauguin à A. Fontainaa, mars 1899. Centre Georges-Pompidou, 1984; V. Endicott Bamett, A. russe du manifeste est republif par V. Markov, Die Mani- Queue d'Ane et La Cible), MOl!COU, 1913 (trad. fr. tn Une
9. V. Marcad6,op. dt., p. 182. Zweite, Callllogue ralsonnl da dessins et aquarelles, Paris, feste und Programmschriften der russischen Futuristen, avant-garde uploslv,, op. dt., p. 70.
10. Studiya imprrssionistov, p. 96. Flammarion, 1992. Munich, Wilhelm Ftnk, 1967, p. 50-51; trad. fr.: L Robel, 54. lbukm, p. 73.
11. Dievnlkovy/1 Zaplssi M. Matiouchina, op. dt., feuillets 21. Prof. A. Schônberg, « Paralleli v oktavakh i kvintakh Manifesta futuristes russes, Paris, Les éditeun Français SS.Ibidem.
20-22. (Les parall~les dans les octaves et les quintes), in I910- Rfunis, 1971, p. 13-15. 56. Osllny khvost ,. l Mlchen •• op. cù., trad. fr. in le
12. V. Kandinsky, Stoupllni (~tapes), Moscou, 1918; il /9JJ. Salon 2. Mejdounarodnaya /choudojestvennaya vys,, 35. Voir Der blaue Reiler, Munich-Zurich, R. Piper & Co. recueil M. Larionov, Une avant-gartk explosive, op. dt.,
s'agit de la venion russe des RUckblkke de 1912 u,vlca, Odessa, V.L Izdebski, 1910, p. 16-18. 1979 (réfdition commentée par Klaus Lankheit), p. 41-50 p. 77.

378 379
NOTES CHAPITRE IV-VI

57. M. Larionov, « Le rayonnisme pictural», Montjoie/, du concept de l'ancienne thlorie de l'art, Paris, ldées/G 22. Ibidem. Avant-Garde, Stockholm, Hylaea Printa, 1976, p. 10-84, oà
avril-mai-juin 1914, p. 15. mard, 1983, p. 59). 23. V. Markov, op. dl., p. 58. sont rappelées toutes les expositions auxquelles ont parti•
58. K. Malévitch, « Des nouveaux systèmes dans l'art », 3. V. Markov, Print.ripy tvortchestva v plastitches 24, Ibidem. cipé les peintres-pœtes.
op. dt., p. 98. iskousstvakh. Faktolll'D (Les principes de la création 25, V. Tatline, « Ma réponae à l'auteur de la Lettre ar.u: 5. J.-CI. Marcadé, « La Victoire sur le Soleil ou le mer-
59. Cité par J. Beaufret, Dialogue avec Heidegger, Paris, les arts plastiques. La facture), Saint-Pétersbourg, ouz f11turùta •• in Tatline (réd. Larissa Jadova), Paris, Philippe veilleux futuriste comme nouvelle sensibilité •• in La Vic-
Minuit, t. Ill, 1974, p. 127. Molodioji, 1914, p. 59, 60 (en français dans O. Cool /_,. Sers, 1990, p. 201. toire sur le Soleil, Lausanne, L'Âge d'Homme, 1976, p. 71-
60. E. Martineau, « Prière d'ins6rer,. de Mallvitch et la phi• Constructivisme russe, Lausanne, L'Age d'Homme, t. 1, 26, V. Tatline et allri, « La tAche qui se prélente à nous• 75, et le chapitre consacré à Kroutchonykh par Vahan
losophie, Lausanne, L'Âge d'Homme, 1977. 1987, p. 160). ( 1920), in Tatline, op. dt., p. 208. D. Barooshian dans son Russian Cubo-Futurism. 1910-
61. K. Mal6vitch, « Du Cubisme au Suprématisme en Art, 4. Entre de nombreux exemples, les premiers tymp 21. Ibidem. 1930, The Hague-Paris, Mouton, 1974. Les ouvrages essen-
au nouveau réalisme de la peinture en tant que création romans d'Occitanie, comme celui de I' Ascension à la ca 28. C Douglas, « Evolution and the Biological Metaphor in tiels sur ce problème restent ceux de V. Markov, Russion
absolue• (1915), trad. fr. in Ecria 1. De Channe au sup"- draie Saint-~tienne de Cahors. Modem Russian Art . Art Joumol, 4412 (Summer 1984), Futurism : A History, Los Angeles, 1968, et Giorgio
malisme, op. dt., p. 38. 5. Tout l'œuvre peint de Picass<N'/'}()7-1916, Paris, Fla~ p. 153-161. Kraiski, Le poetiche russe del Novecento, Bari, Laterza,
62. M. Mienkov, « Le tract 0,10 •• in K. Malévitch, Écrià JI. rion, 1977, p. 113, n• 528. 29. Aristote, Physiques I, 190b sq. ; Métaphysique, en parti- 1968.
Le Miroir suprlmati.rte, op. dt., p. 153. 6. La sculpture d'Archipenko, appelée en anglais Walk;,_ culier 1049a. 6. Sur é. Gouro, cf. les souvenirs de son mari M. Matiou-
63. Russische Avantgarde 1910-1930, Wilhelm-Lchmbruck- se trouvait dans la collection des Perls Galleries. Sur le 30. S. lsaakov, « Les contre-reliefs de Tatline • (1915), in chine (réd. N. Khardjiev), « Rousskié koubo-foutouristy •
Museum Duisburg, 1990; Die grosse Utopie, Schimhalle, caractère novateur de la création d' Archipenko, voir lea Tatline, op. dt., p. 356. (Les cuba-futuristes nmes), in The Russian Avant-Garde,
Francfort, 1992. travaux de D. Karshan, en particulier Archipenko: the 31. S. lssakov, op. dt., p. 356-357. op. cil,. p. 135 sq (en russe).
64. Une reproduction d'une œuvre à l'iconographie sem- Sculpture and Graphie Work, Tübingen, 1974, et Archll 32. N. Pounine, « Tatline (Contre le cubillme) », in Tatline, 7. B. Uvchits, L'Archer d un œil et demi, Lausanne, L'Àge
blable au Sans-objet de Krasnodar a fait son apparition penko. Sculpture and Prints. 1908-1963, Danville, Ken- op. dt., p. 413. d'Homme, 1971, p. 54.
dans la monographie de S. Kliunkova-Soloveichik, Ivan tucky, 1985. 33. S. lssakov, op. dt., p. 356. 8. Sur Lev Zak, d. V. Markov, op. dt., p. 113-116 et pœ.rim,
Vasilievich K/ûm, New York, 1914, p. 23 (Composilion with 7. A. Strigaliov, dans des conférences données à Paris en 34. N 355 cat. de l'œuvre, A. Strigaliov, « Verzcichnis der et Uon Zack, Paris, Le Musée de Poche, 1976 (articles de
a Red Craœnt, 57 x 47 cm). décembre 1992, a montré de façon convaincante que Tat- Werke V. Tatlins •/« Spissok proJzviédiénü V.E. Tatlina •• P. Courthion, B. Dorival et J. Grenier). Voir auui le
Le meme livre montre p. 22 une Composilion wilh a Large line, avant ses reliefs, n'avait œuvré que dans le « cézail. in Vladimir Tat/in Retrospektive (par les soins de Jllrgen recueil de ses vers, publié par V. Markov, M. Rossijanskij :
Red Triangle and Blue Stripe, 31 x 23,3 cm, qui utilise le nisme géométrique ». Le premier volet de cette confére... Harten et Anatoli Strigaliov), Cologne, Du Mont, 1993. Die Dichtungen, MUnchen, F'tnk, 1970 (en russe).
vocabulaire malévitchien tout en créant une structure de où Strigaliov relate l'« histoire • de la visite de Tatline dans 35. A. Strigaliov, « Vladimir Tallin. Eine Retros- 9. N. Khardjiev, « Poetry and Painting •• in The Russion
la surface totalement originale avec ses formes géomé- l'atelier de Picasso, qui eut lieu en mars 1914, a paru dant pektive »/« Rétrospektivnala vystavka Vladimira Tatlina , Avant-Garde, op. cil., p. 71-73 (en 111SSC).
triques qui occupent les angles du tableau, comme s'ils en les Cahiers du MNAM, printemps 1994, p. 7-23. in Vladimir Tat/in Retrospeklive, op. cit., p. 30. 10. P. Filonov, Proplven o proros/i mirovol, Pétrograd,
sortaient pour entrer dans celui-ci (angles de gauche en 8. I. Pougny, Sovnmiennaya jivopis, op. dt., p. 30, dans cal 36. Jean Pougny, op. cil., p. 50. 1915. Un des pœmes est repris dans l'almanach Apollon
haut et en bas) ou en sortir (angle de droite en bas). La Jean Pougny, op. dt., p. 78; Strigaliov a publié une rep~ 37. I. Pougny,« Iskousstvo jizni • (L'Art de la vie), Spo/o- 1977, paru en janvier 1977 (réd. Michel Chémiakine), p. 10-
surface est considéûe comme une coupe dans la réalité du duction de ce relief pictural signée par Tatline lui-meme oà khi, novembre 1921, trad. fr. in Jean Pougny.op. dt.,p. 54. 11.
sans-objet. le sens est inversé par rapport à la publication de Pougn 38. I. Pougny, « À propos du livre d'Ilya Ehrenburg Et 11, K. Malévitch, Écrià 1. De Clz.anne au suprérTIQtisme,
65. I. Pougny, Sovnmiennaya Jivopu, op. dt., trad. fr. in cal. Cf. A. Strigaliov, « Les relieft picturar.u: de Vladimir Tati' pourtant elle tourne», in Jean Pougny, op. cil., p. 58. Lausanne, L' Âge d'Homme, 1993 (3' impression), p. 62.
Jean Pougny, op. dt., p. 67. (1885-1953). Le Contre-re~f bku • •op.dt. 39. N. Khardjiev, V, Trénine, La Culture poétique de Mara- 12. Ibid., p. 56.
66. L Survage, Pli cachet6 n• 8182 dépos6 le 29 juin 1914 à 9. A. Strigaliov, « Tatline i Picas.,o • (Tatline et Picasso), in kovski, op. cil., p. 50. 13. K. Malévitch, Écria 11. Le Miroir suprématiste, Lau-
l'Académie des Sciences de Paris, cité ici d'après cal. Sur• ls/cousstvo, 1989, n° 2 et 3 et l'avant-dernière note ci-def. 40. H. Beminger, J.A. Cartier, op. dt., p. 56. sanne, L'Âge d'Homme, 1993 (2' impres&on).
vage, Rythma colora 1912-1913, Saint-étienne, 1973. sus. 41. H. Beminger, J.A. Cartier, op. cil., p. 38. 14. K. Malévitch, « Le Suprématisme (1918) », in &rià 11,
67. Cité in J.-CI. Marcadé, Le Futurisme russe, op. dt., 10. On sait peu de chose sur Podgaïevski qui publia ses 42. W.E. Groeger, Préface de la rétrospective Pougny à la op. cit., p. 83.
p.94. poésies futuristes en 1913, fit des lectures publiques dans galerie Der Sturm à Berlin en 1921. 15. K. Malévitch, « Sur la Poésie (1919) », ibid., p. 74.
68. Ibidem, p. 86. l'atelier de Tatline en mai 1914 et organisa en 1916 une 43. J.-L. Andral, « Relief à la boule blanche •• in Jean Pou• 16. Ibid., p. 80.
69. S. Delaunay, Nous irons jusqu'm, soleil, Paris, Robert exposition à Poltava en Ukraine en publiant son manifesll gny, op. dt., p. 89. 17. Ibid., p. 76. Cette formule de Malévitch peut ftre rap-
Laffont, 1978, p. 17. Le Summisme. prochée de celle de Mallarmé : « quelque chose d'autre
70. G. Yakoulov, Autobiographie, citée dans J.-CI. Mar- 11. I. Pougny, Sovrlmlennaya jivopu, op. dt., p. 30, cat. [ ... ) musicalement se lève, idée mfme et suave, l'absence
cadé, Le Futurisme russe, op. cil., p. 83. Jean Pougny, op. dt., p. 78. VI. LESARTSAPPUQl.ŒSAVANT 1917, p. 173-195 de tous bouquets •• Avant-Dire au Traité du Verbe de René
71. M. Hoog, « La Composition de G. Yakoulov apparte• 12. I. Pougny, ibidem. Ghil (1886).
nant au MNAM •• in Notes et Documents édités par la 13. A. Strigaliov, « Les re~ft picturaux de Vladimir Tatlin41 1. Pour l'histoire du passage de la pictographie à la typo- 18. N. Taraboukine, Le Dernier Tableau, Paris, Champ
Société des Amis de Georges Ya/coulov, op. dt., n• 1, 1967, (1885-1953). Le Contre-relief bleu», op. cit. graphie et les origines chinoises de l'imprimerie, cf. F. Car- Libre, 1972, p. 131. Malgré des ressemblances superficielles
p.4. 14. J.-CI. Marcadé, « Pougny et l'avant-garde de Saint ter The Invention of Painting and lt.s Spread Westward, entre les analyses du rythme faites par Taraboukine et
72. Le tract Nous et l'Occident est reproduit en français Pétersbourg (1915-1919), in cat. Jean Pougny, op. cil., p. 9- New York, 1955. Malévitch, le premier reste néanmoins dans la perspective
dans B. Livchits, in L 'Archer d un œi/ et demi, op. cil., 17. 2. V. Marcadé, Le Renouveav de l'art pictural russe. 1863· d'une dichotomie entre un intérieur (le rythme) et un exté•
p.196. 15. J.-CI. Marcadé, « L'avant-garde russe et Paril.l 1914, Lausanne, L'Âge d'Homme, 1972. p. 219 sq. rieur (les schémas typiques de tel ou tel genre artistique).
73. G. Yakoulov, « Dnievnik khoudojnika. Tchéloviek Quelques faits méconnus ou inédits sur les rapports artil-- 3. Il y a une exception notable au XIX' siècle, celle du pœte Pour Malévitch, le rythme (à l'origine de la vie en tant
tolpy • (Le journal d'un peintre. L'homme de la foule), in tiques franco-russes avant 1914 »,op.cil. ukrainien Taras Chevtchenko, élève du peintre acadé- qu'ucitation) doit apparaitre en tant que tel. li ne nait pas
Jit.n' iskousstva (La Vie de l'Art), 1924, n• 3, p. 7-9 (en 16. B. Uvchits, L 'Archer d un œil et demi, op. dt., p. 43. mique romantique K.I. Brioullov, dont l'activité picturale de rapports, de proportions, de symétries ou dissymétries.
français dans Notes et Documents lditb par la Socilté des 17. La photographie de l'exposition 0,10 avec Cubiste d la (surtout comme dessinateur) est aussi importante que Comme l'a dit E. Martineau, le rythme se situe plutôt
Amis de Georges Yakoulov, op. cit., n° 2. 1969, p. 20). toilette se trouve dans la revue Ogoniok (La Lueur) du 16 l'activité poétique (d. V. Marcadé, Art d'Ukraine, Lau- comme une émanation du « centre en suspension • (la
janvier 1915: une photographie de l'œuvre est reprod sanne, L'Age d'Homme, 1990). schwtbtndt Mittt de Hegel dans la Phtnominologie de
in J.-CI Marcadé, u Futurisme russe, op. cit., p. 76. 4. Sur Mai'akovski et la peinture, cf. la meilleure étude à ce /'Esprit, éd. Hoffmeister, p. 161), entre l'apparent et l'inap-
V. LES RELIEFS, p. 153-171 18. A. Strigaliov, « Les reliefs picturaux de Vladimll jour de N.I. Khardjiev, Poltitcheskara kou/Joura Ma'falcovs- parent (Conférence d'E. Martineau à l'Institut d'Esthé-
Tatline: le Conm-relief bleu ... op. cil., p. 79. kovo (La culture poétique de Ma'lakovski), Moakva, 1970, tique de Paris, le 4 novembre 1977, sous le titre« Essai
1. Sur les noms donnés par Tatline à ses assemblages de 19. K. Malévitch, « Du cubisme et du suprématisme en art. oà est repris l'article « Maïakovski i jivopis' • (Malakovski d'une nouvelle approche sur la notion de rythme • ).
matériaux, voir en français: A. Strigaliov, « Les rdieft pic- un nouveau réalisme de la peinture en tant que créatiol et la peinture), in Malakovski. Matir/a/y i iss/ldovania, 19. « Les propos sur la peinture de Shi Tao• (trad. et com-
turar.u: de Vladimir Tatline (1885-1953). Le Contre-relkf absolue • (1915), in Écrits J. De Cézanne au suprérTIQ · Moskva, 1940 (trad. fr. N. Khardjiev, V. Trénine, La Cul· mentaire par P. Ryckmans), in Peinture-Cahiers
bleu •• in Connaissance des Aru, sept. 1993. op. dt., p. 42. ture poltique de Marakovski, Lausanne, L'Âge d'Homme, Thloriques, 1974, 8-9, p. 123.
2. E. Panofsky, Jdea. Ein &ilrag z.ur Begriffsgeschichte der 20. N. Pounine, Tatline (Contre le cubisme), op. dt., p. 1 1982). Voir aussi: N. Khardjiev •· Pervaïa glava proizvodst- 20. N. Gontcharova met en forme, en 1912-1913, le pœme
11/teren Kunsttheorie (1924), Berlin, Volker Spiess, 1982, 21. V. Markov, Printsipy tvortchestva v plastitchesk Il vennoî biografii Maïakovskovo ,. (Premier chapitre de la dramatique de Khlebnikov et de Kroutchonykh lgra v
p. 22 (trad. fr : E. Panofsky, ldeti. Contribution d l'histoire iskousstvakh. Faktoura, op. dl., p. 25. biographie productrice de Maîakovski), in The Russian adou (Jeu en enfer), Pou.stynniki (Ermites) de Kroutcho-

380 381
CHAPITRE VI-VU
NOTES
,t8. Y. Marcad6, Le Renouveau de l'art pictural russe, nique des architectures, de pures conatnJctions de plans e~
nykh; la mame ann6c, Larionov r6alise Storlnnaya lioubov' « Pœziya i jivopia',. (Peinture et po6sie), in The Rm,,,,,. ,p. cit., p. 185sq. de volumes. Ainsi, en R1111ie, le d6cor en 1914 de Youn
(Amour ancien), Pomada (Pommade) et Polouj,vor (Mi- Awmt-Garde, op. dt., p. 52-69, Khardjiev fait une an _.9. V. Man:ad6, ibidem, p. 186-187. Bondi pour Lu Baroques de foin d'A. Blok (Saint-P6ters-
vif) de Kroutchonykh ; la m6me ann6c encore, Larionov et comparative des proœd6s picturaux utilis6s dans la p.,0• ~o V. Marcad6, ibidem, p. 254. bourg) nous montre que les temps 6taient mors pour que
N. Gontcharova mettent en forme ensemble Mirskontsa cubo-futuriste. li rappeUe toutes les d6clarations \crb.,I ~1: s. Erdman, « V pol'.skakh "triokhmiemoi"' d6koratsii,. a'institue un nouveau rapport entre l'acteur et les d6con
(Mondàrebours) de Khlebnikov et de Kroutchonykh. Sur des futuristes russes soulignant les analogies entre le d6, (À la recherche des d6con •tridimensionnels•), Viutnik dans Jesquela il 6volue, en introduisant sur sœne la troi-
le rôle de Larionov et de N. Gontcharova dans la fabrica- Joppement de la peinture et celui de la po6si Par réatra, 1920, n• 50, p. 7. . . . . . si~me dimension.
tion du livre-objet lithogra~. d. l'article de N.1. Khard- exemple, dans son e ~ du 20 novembre 1912 à L nu,11 52. Cf. Futurisme (par les soma de Giovanni Lilla), op. at., 68. A. Efr01, op. cit., p. XXV.
jiev « Pamiati Natalii Gontcharovol (1881-1962) i Mikhai1a de la Jeunesse, intitul6 « 0 noveîcheï rousskoï po6zii (De 69. Ibidem, p. XXVI.
p.247-249. . . . . 70. G. Kovalenko, Alexandra üttr, Moscou, Oalart, 1993,
Larionova (1881-1964),. (À la m6moire de Natalia Gont- la po6sie russe moderne), Maïakovski d6veloppe les th 53. F. Syrkina, « Le Th64tre de Tadme •• m Tatlme, op. CU:
charova et de Mikhaïl Larionov), in lskousstvo kn,gui suivantes : « 3) Caract~re analogue des voies menant a 1 54. V. Beyer, « Le Coq d'or, 1914, op6ra-ballet en tro1S p.116.
(L'art du livre), V, Moskva, 1968, p. 306-318. Des indica- construction de la v6rit6 artiatique en peinture et en pt"' , actes,., in Lu Bolltts russt'.f de Diaghihv, l'XJ9.1929, Stru- 71. Y. Tugendhold, Alexandra Üler, Berlin,~ 1922 (il
tions sont donn6es a1111i dans N.I. Khardjiev, Poltitches- 4) La couleur, la ligne, la surface plane sont le but en soi de bOurg, À l'Ancienne Douane, 1969, p. 121. . . existe trois versions : russe, aUemande, françaile ).
/caya /caulloura Malalwvskovo, op. cil. la peinture, la conception picturale ; le mot, son cont 55. E. Kovtun, « Die Entstehung des SupremallSUIUS •. ~ 72. Ibidem (en ruue), p. 21.
21. N.1. Khardjiev, « À la m6moire de N.O. et de M.L •• son aspect phonique, le mythe, le symbole sont la con ~·on der FIIJche zum Raum. 1916-1924, Cologne, galene 13. Ibidem, p. 21-22.
op. dl., p. 31 O. tion po6tique.,. Cf. V, Maïakovski PolnoTI sobranlé sot Gmurzynaka.1974 (en allemand et en anglaia), p. 37. 74. Section des manuscrits de la maison Pouchkine à Saint-
22. Kroutchonykh commença par 6diter en 1912 vingt- neni (Œuvres compl~tes), t. 1, Moskva, 1955, p. 365. On 56. D. Bablet, Les Rlvolutioru sclniques au XX' sUcle, P6tersbourg, fonds 656; cit6 ici d'apna V. Man:ad6, • Le
quatre cartea poatales lithographi6es repr6sentant des trouve la m6me conscience de l'interd6pendance p1cturo- th~me paysan dans l'œuvre de Kazimir S6v6rinovitch
Paris, 1975, p. 92.
tableaux de Larionov et de . Gontcharova (d. G. Jane- po6tique chez Khlebnikov, Kroutchonykh, D. Bourl~ 57. D. Sablet, ibidem. Mal6vitch •• in Mallvitc:h. Cahier I, Lausanne, L' Âge
cek, The Look of Russian Literatwe. Avant-ganle. Visual etc. Le cas le plus primaire des rapports peinture- t 58. Sur la place du blanc et du noir ~hez. ~al6vit~, vo~r d'Homme, 1983, p. 11.
uperüMnl, 19()().1930, Princeton Univenity Press, 1984). celui de l'interpr6tation picturale d'un poème (le ta lcau D. Vallier,« Malévitch et le mod~le lmgwstique •• tn Cn- 75. V. Marcadé, ibidem, p. 11-12.
23. A. Kroutchonykh, « La Lettre comme telle •. in de D. Bourliouk Le Fou est, par exemple, « la réalisa liqut, mars 1975, p. 294-296, et J.-Cl. Marcad6, « Une esth6- 76. D. Gorbatchov, « Avant-propoa •• dana L'Art en
L'Annh 1913, op. cil., L Ill, Paris, Klincksieck, 1973, p. 369. du sujet d'une po6sie de M. Rollinat a). Plus compleq c t tique de l'abime • dans K. Mal6vitch, &rits I. De Cl1.anne Ukraine, Toulouse, mus6c dea Augustins, 1994, p. 24.
24. Ibid., p. 369-370. l'« illustration ,. des po6aiea futuristes en dehon de toU1 au suprlmatisme, op. dt., p. 17-18. 77. G. Kovalenko, Ak:candra üter, op. dl., p. 172, note 37.
25. Traduit dans Action poltique, 1971, 48, p. 50-51. mim6tisme. À l'inverse, sous l'impulsion des exp6ri 59. Le ~ noir est le premier signe de 1'6clipae des ob~ets. 78. Voir cat. de l'exposition « Art d6coratif contempo-
26. E. Kovtoune, Knijnil oblojlcl rousskikh /choudojntlcov formelles picturales, le texte po6tique se met à se modifia Le tableau Composition ave,: Mona Lisa de Malév1tch rain ,., Moscou, galerie Lemercier, novembre 1915.
natchala XX vil/ca [Couvertures des livres des peintres dans son aspect visuel (les lignes du vers se brisent, les ali (1914) est à cet 6gard Jignificatif. Comme Un Anglau d 79. P., « Krestiansko'/6 tvortchestvo Oukralny ,. (La cr6a·
russes du d6but du XX' aikle], Uningrad, MNR, tm, p. 7. n6u, les enjambements prennent des places vari6es, etc.) Moscou, ce tableau porte inscrit • 6clipse partielle •· tion paysanne d'Ukraine), in Rousskorl iskousstvo, 1923,
Voir du marne auteur son remarquable livre Foutouristit- Dans sa lettre à Khlebnikov de f6vrier 1914, Roman Jakofl. L'6clipae est encore partielle, car l'alogiame est encore n° 2-3, p. 115-116. .
chu/caya kniga (Le livre futuriste russe), Moscou, Kniga, son parle de mer une nouvelle po6sie faite de« Ire ., •c, insistant, alogiame compris comme combinaison d'616ments 80. N. Adaskina, D. Sarabianov, Lioubov Popova, Pana,
1989. de lettres, d'une certaine analogie avec lea accords musi disparatoa et insolites, comme proœd6 d'« 6trangisation,. Philippe Sera, 1989, p. 273.
27. D. Karshan, Makvich. The Graphie Work : 1913-1930. eaux •· N. Khardjiev multiplie les exemples tir6s de la pra- (ostranéni6) tendant à mettre expressivement en_ valeur 81. Souvenin de N. Oudaltsova (archives priv6ca de Mos-
A Print Catalogue Raisonnl, J6rusalem, 1975 (en anglais et tique cubo-futuriste ruaae, montrant l'ingéniosi dea lïnutilit6 des principea plastiques issus de la RenalSSllllce, cou), cit6s ici par L A. Schadowa, Suche und üperlmmt.
en françaia) ; cf. aussi D. Karshan, • L'art graphique de poètes et des peintres pour cr6er un nouveau genre pic L"image de Mona Lisa t:st d6chir6c, tout~ qui est chair (le Aus der Guchichtt der russischen und sowjetischm Kunst
Kasimir Malhitch : Informations et observations turo-po6tiquc. Mais le critique sovi6tique note que l'e pc visage, la poitrine) est ray6 de deux crolll et une 16gende 1.wischen 1910 und 1930, Dresde, VEB, 1978, p. 34.
nouvelles •• in Suprbnatisme, cat de la galerie Jean Chau- rimentation en po6sie va plus loin que de simples variatiœll burlesque commente ce portrait: « Ap~ement à céder •·
velin, Paria, 1m, p. 48-68 (en français et en anglais). visuelles, plastiques. Comme dans une composition cubisflll L'allusion est claire: le vieil art, aymbolia6 par La Joco,uk,
28. Voir l'analyae qu'en fait D. Karshan, in Malevich, ou futuriste, les lettres d'imprimerie vieMent s'ins6rer dans est r6duit à un objet de troc, vid6 de tout contenu ; ici VII. RÉORGANISATION DU SYSTÈME
op. dt., p. 41-43. la texture po6tique, les images se disloquent et « s'6pat encore, Je « soleil de la civilisation occidentale ,. doit 6tre ARTISTIQUE APRÈS 1917, p. 197-225
29. E. Kovtoune, Couvtl'tlUU du livru du peinttts russes pillent • dana la masse verbale ; et non seulement les vaincu et laisser la place à la vraie r6alit6, au-delà des appa-
du dlbut du XX' sikle, op. cil., p. 7. images, mais aussi la phon6tique, la ayntaxe, la morpholl- rences. Cette irr6v6rence à l'6gard des modèles universeb 1. L'appel de la f6d6ration Libert6 de l'art parut dans la
30. V. Marcad6, Le Renouveau de l'art pictural russe, gie du vers (la po6sie de Maïakovski en est un exemPI de la Beaut6 a 6té fortement marqu6c chez Mal6vitch par Pravda du 11 (24] mars 1917.
op. dt., p. 222. frappant « lz oulitsy v oulitsou ,. (De rue en rue), in Œu11re, le futurisme italien. On retrouve chez le peintre russe la 2. D. Sterenberg. « Rapport d'activit6s de la section des
31. La traduction litt6rale est « Le petit nid de canards ... complltes, I, op. dt., p. 38-39. même haine que chez Marinetti pour « les jambons des Arts plaatiques du Narkompros ,. (avril 1919), G6rard
des gros mots •• mais la m6taphore Outino'il gnio1.dichlco 39. B. Livchits, op. cil., p. 60 sq. Apollona ou les« V6nus impudiques•· L'attentat contre Conio, Le Constructivisme ru,se, Lausanne, L'Âge
d6signe aussi la constellation d'6toiles des Pl6iades. Pour la 40. B. Livchits, op. dt., p. 60 sq. La Joconde vient aussi de Marinetti qui la définissait en d'Homme, 1987, LI, p. 265-298.
collaboration d'O. Rozanova et des autres peintrea russes à 41. Voir la place modeste, r6serv6e à l'article« Futurisml 1913 comme « Gioconda Acqua Purgativa Italiana ,. (FUtll· 3. « Rezolioutsiya 24 apr61ia 1918 k~nf6rentaiï_ outcha-
la fabrication des livres de Kroutchonykh, d. A.E. Krout- et à son iconographie dans l'Encyclopœdia Universaa risme (par les soins de Giovanni Lista], op. _cit., p.~). chtchikhsia iskousstvou, sosto'iavchel'.s1a v gorodi6 P6tro-
chonykh, h:.brannorl (Œuvres choisies), rUd. V. Markov, reflet de la pena6e française dominante des année, 60. Sur le probl~me de l'imaje chez ~al6vttch, v~_E. Mar- gradi6 •• in Fakel' (Le flambeau), 1918, n' 2, p. 16.
Munich, Fink, 1973. soixante. tineau, Pn/ace à K. Mal6vttch, &rus Il. Le Miroir supri- 4. D. Sterenberg, « Rapport d'activit6s de la section des
32. E. Kovtoune, op. cil., p. 7. 42. J.-Cl. Marcad6, « Lea futurismes russes du point de vue Arts plastiques du Narkompros • . op. dt., p. 269.
matiste, op. cil.
33. P. Mitouritch continuera cette tradition au d6but des des arts plastiques avant la r6volution de 1917 •• L11mf'I' 61. B. Livchita, L 'Archer à un œi/ et demi, op. cil., p. 181. 5, Atelier Kandinsky, « Th~ d'enseignement •• S. Khan-
ann6cs vingt (cf. Jewgenij F Kowtun, Sangesi. Chkbnilcov LIii, 552, avril 1975, p. 135-159. 62. D. Bablet, Lu Rlvolutions sclniquu au XX' sikle, op. Magom6dov, Vhutema.s, Paris, Regard, 1990, t. l, p. 196.
und seine Makr, Zurich, Sternmle, 1993, p. l 08-117). 43. Osliny Khvost i michm', Moskva. Münster, 1913. cit., p. 175. 6. Ibidem, p. 197.
34. Ania Starlaky, Paria, Jean-Michel Place, 1978 (texte de 44. Des « poèmes en b6ton arm6 ,. furent montr6s à l'exs,f- 63. B. Livchits, op. cit~ p. 181. 1. Ibidem, p. 271 sq.
Michel Butor). sition de Larionov« n° 4,. à Moscou en 1914, n° 76-86.. ·ct. 8. Voir sur le sujet: S. Khan-Magom6dov, Vkhoutlmas
64. Ibidem, p. 181-82. .. .
35. V, Khlebnikov a fait jaillir, avant toute influence pictu- V. Marcadé, op. cit., p. 33S-336. Une 6dition fac-simili§ a él~ 65. A. Efros, « Pr6face • de Kamiemy tlatr • ilvo lchouâo,- (sic), op. dt., p. 39-41.
rale cxt6rieure, la po6sie comme mergela, comme prolon- r6alis6e à Moscou en 1991 avec une pr6face 6clairante de 1 niki. /914-1934 (Le Th64tre de Chambre et ses peintrea. 9. Cit6 par S. Khan-Magom6dov, op. dt., L l, p. 41.
gation de l'esprit de tout un peuple - par opposition à la Molok. 10. N. Pounine. « Bombom6tani6 i organizatsiya ,. [Jeter
1914-1934), Moscou, 1934, p. XXIV. .
po6sie fig6e (ergon) dans sa routine verbale. En cela, son 45. Futurisme, op. cit., cahier d'illustrations entre les p. l ' 11 66. On ne saurait ignorer le caracthe pionnier des des bombes et organiser], in lskousstvo kommouny, 1918,
œuvre est dans la ligne humboldtienne (cf. W. von Hum- et 321. recherches du metteur en sœne, th6oricien et d6corateur n 2.
boldt : Uber die Kawi-Sprache au/ der Jnsel Java, I, 1836). 46. Bojko, New Graphie Design in Rnolutionary Russl4 de th6âtre que fut Adolphe Appia, visant - dans_ •~ cadre 11. Éditorial de la reVlle Pro/lrankaya koultouro (La cul-
36. Cf. 1'6dition de J. Bialostocka : Leasing: Laocoon, New York - Washington, Praeger, 1972. du symboliame à l'abstraction et à la • construct1vtt6 ,. de ture prol6tarienne), ao0t 1918, n 3, p. 36. .
Paris, Hennann, 1964. 47. Cf. les constru~mes de Tchitch6rine dans le recueil 12. L'ironie est que ce furent de grandi bourgeo11, les
l'espaco aœnique Chtchoukine, les Morozov et autres qui formèrent les pre-
37. B. Livchits, op. cil., p. 61. Milna vsielch (L'6change de tous), Moskva, 1924. Voir à ce 67. Sa collaboration avec l'institut Jaque-Dalcroze à Helle-
38. N. S~ov, « Pr6face •• in V. Khlebnikov, lzbranno'il propos Lu Avant•gardu littlraires au XX' silcle (rccJ rau en 1912-1913 contribuera à installer dana la boîte aœ- mi~res collections de l'art du XX- sikle; d. V. Marcad6, Le
(Œuvres choisies), Moskva, 1936, p. 23. Dana son article J. Weisgerber), Budapest, 1984.

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382
NOTES CHAPITRE VII

Renouveau de l'an pictural russe. 1863-1914, op. cit. Signa- Tl. R. de Piles, Abngl de la vie des peintra, Paria, 1f, 38. Voici le passage célèbre de Kandinsky auquel fait allu- Russian and Bauhaus Yean, New York, The Solomon R.
lons que l'ancienne galerie S. Chtchoukine fut national~e p. 97-98. sion N. Pounine : Guggenheim Museum. 1983, p. 25 sq; voir aussi Kandinsky,
en 1918 et devint le premier m~e de la Nouvelle Peinture 28. K. Malévitch, « Sproba vyznatchenniya zalejnos « À dire vrai, je guettais cette heure, qui fut et sera Paris, C.entrc Georges-Pompidou, 1984, p. 152 sq. Des fac
occidentale, la collection d'I. Morozov formant le Second koliorom ta fonnoyou v maliarstvi • (Essai de déte , )'heure la plus merveilleuse du jour à Moscou. Le soleil similés du questionnaire donné aux élèves de l'lnkhoulc et
Mu"e, cf. B. Temoviets, « Gossoudarstvienny MouzeT la dépendance existant entre la couleur et la forme en r<,in dans son déclin a atteint cette force supreme, vers laquelle de la première page de l'exposé de Kandinsky pour mettre
Novovo Zapadnovo lskousstva », in Rousskorl lskousstvo, ture), in Nova Gulnlratsiya (Kharkiv), 1930, n° 8-9, p. il tendait tout le jour, et 8()RS laquelle tout le jour il lan- en place son Académie de Russie des Sciences de l'art ( « 0
1923, n• 2-3, p. 76-78; quant à l'ancienne collection de trad fr. K. Malévitch, t.crlls Ill. Des arts de la repris guissait. métodié rabot po sintétitcheskomou iskousstvou » (Sur la
1. lssadjanov comportent en particulier les a:uvres des tion, LausaMe, L'Âge d'Homme (à paraitre). C.e tableau ne dure pas longtemps : encore quelques ins- méthode permettant de travailler à l'art synthétique}, trad.
peintres du Valet de Carreau, elle devint. ni plus ni moins, 29. N. Kogan, « Sur l'art l!aphique du programme un d tants et la lu~re du soleil devient rougeâtre par suite de fr. in Kandinsky, p. 158-159), sont reproduits dans ces deux
le musée Lounatcharski, cf. A. Romm, « Mouzel' imeni l'Ounovis •• K. Malévitch, "tcrits Il. Le Miroir suprhnatisf cette tension toujours plus rouge ; d'abord d'une nuance publications.
Lounatcharskovo •• ibidma, p. 79-80. op. ciL, p. 176. d'un rouge froid, et ensuite toujours plus chaude. 46. J. Bowlt, Russian An of thr Avant-Garde. TMory and
13. K. Malévitch, 0 novykh sistlmakh v tskousstvU, 30. Ibidem. Le soleil absorbe Moscou tout entière en une seule pi=, Criticizm, Thames and Hudson, p. 197.
Vitebsk, 1919; trad. fr. K. Maltvitch, &rio/. De Ch;anne 31. L. Khidékel, « Le nouveau réalisme. Notre i:po 4 u résonnant comme un tuba qui dans une main pUÎIUnte 47. S. Khan-Magomédov, « Diskouaaiya v lnkhoukié o
au supnmalisme, Lausanne, L'Âge d'Hommc, 1993, p. 89; cont~mporaine •• K. Malévitch, &rlls Il. Le Miroir .vup bouleverse l'Ame. sootnochénii konstrouktsii i kompozitsii (yanvar'-apriel'
il faut remarquer que c'est un des passages qui ont été sup- matute, op. clt., p. 176-177. Sur l'Ounovis, la meille Non, ce n'est pas cette unité rouge qui est la meilleure 1921 goda). Probliémy, lioudi, dokoumenty • (Débats à
prim~ dans la réédition de la brochure de Vitebsk sous le documentation est apportée par L Schadowa, Suc/1• 11"4 heure moscovite. Elle n'est que le dernier accord de la l' lnkhoulc sur les rapports de la construction et de la com-
titre De Clzanne au suprbnalisme (Moscou, 1920), voir ibi- Experiment. Au.r der geschichle der russischen und w11 1,.11• symphonio, qui fait épanouir dans chaque nuance une vie position (janvier-avril 1921). Problèmes, penonnes, docu-
dem, p. 77. schen Kunst zvischen 1910 und 1930, Dresden, 1978; trad. supérieure. qui fait résonner Moscou tout entière comme menta, in Tekhnilcheskllya Estltika. KhoudojutvilnnyiJ i
14. V. Kandinsky, « MouzeT jivoplsnoJ koultoury ,. (Le en anglais : L Zhadova, Malevich : Supremalism and RevtJ. un fortissimo dans un orchestre immense. Les maisons kombinalornnyil problilmy fonnoobrazovaniya, Mosltva,
Musée de la Culture picturale), in Khoudojeswlennaya wtion in Russian An, 19/0-1930, London, 1982. Voir ausal roses, mauves, blanches, bleues, azurées, vert pistache, VNIITE, 1979, p. 41.
j~n•, 1920, n• 2. p.18-20. cat. de Nina Kogan, galerie Schlegel, Zurich, 1987 et gall rouge flamme, les égliscl - chacune comme un chant singu- 48. S. Khan-Magomédov, Vhutemas, op. ciL, t. l, p. 65.
15. K. Malévitch, « Sur le Musée •• in lslcou.rstvo Jcom- rie Aronowitsch, Stockholm, 1988, celui de Lazare Kh~- lier - l'herbe furieusement verte, les arbres qui mugissent 49. Cf. V./. Unine i A. V. Lounatchonki, Moscou, 1971,
mouny, 23 février 1919, n• 12; « L'ue de la couleur et du kel, musée de Joliette, 1992. profondément, ou bien la neige qui chante sur mille modes p. 706-707.
volume•• in /zobrazileûiorl iskousstvo, 1919, n• 1, trad. fr. 32. Des nouveaux systimu en art (statique et vitesse) (la divers, ou bien l'allegretto des branches nues et des bois 50.Ibidem.
K. Malévitch, &rits Il. Le Miroir n,prlmatiste, Lausanne, couverture est conçue et linogravée par Lissitzky: il s·al!it morts, l'anneau rouge, jaune, inébranlable et silencieux de 51. O. Brik, « Le drainage des arts •. in lskousstvo Kom-
L'Âge d'Homme, 1993, p. 64-73, 91-92. selon N. Khardjiev, du premier travail d'ordre typo la muraille du Kremlin et au-dessus d'elle, dépassant tout, mouny, 7 décembre 1919.
16. D. Sarabianov, Aluef Vassililvilch Babilchev. Khoudoj- phique de Lissitzky après son passage du groupe de !>Cmblable au cri triomphal d'un alleluia oubliant le monde 52. N. Pounine, « O formié i aodcrjanii • (De la forme et du
nik. Tlorltik. Pldagog (A.V. Babitchev, Artiste, Théori- gall à celui de Malévitch); Supnmatisme. 34 dessins. entier, la ligne blanche, allongée, harmonieusement contenu), in lskousstvo Kommouny, n• 18, 6 avril 1919.
cien, Pédagogue), Moscou, Sovictski Khoudojnik, 1974, 33. Sur l'lnkhouk, voir : « lnstitout Khoudojestvie sereine d'lvan-le-Grand. Et sur son cou long. tendu dans 53. V. Chklovski, « Ob iskousstvié i révolioutsü ,. (De l'art
p. 73 sq, et N.N. Babitchéva, « Rabfak iskousstv ,. (La Koultoury » (Institut de la Culture artistique). in Ro une n01talgic éternelle vers le ciel, la tate dorée de la cou- et de la révolution), ibidem, n• 17, 30 mars 1919, p. 2.
Faculté Ouvrière des Arta), in Dlkorativnofl iskousstvo lskountvo, 1923, n 2-3, p. 85-88; S. Khan-Magom pole, qui, au milieu des autres étoiles dorées, argentées, 54. 1. Pougny, « Tvortchestvo jizni • (La création de la vie),
SSSR, 1965, n 7. « Vozniknovénié i formirovanié lnkhouka (lnstit u diaprées des coupoles qui l'encerclent, apparait comme le ibidem, n• 5, 5 janvier 1919 ; voir à ce sujet cal. Jun Pou-
17. N. Pounine, « V. Moskvié (Pismo),. (À Moscou. Khoudojestvicnnoî Koultoury), sektaiya monumental soleil de Moscou. ,. gny, m~e d'Art moderne de la Ville de Paris, 1993, p. 15
Lettre), in /skou.rsl\lo kommouny, 9 février 1919, n• 10 iskousstva lnkhouka, Rabotchaya grouppa obicktivn Tr. V. Marcadé, « L'effervescence intellectuelle et les et la trad. fr. des textes de Pougny o~ apparaît constam-
(trad. fr. K. Malévitch, l.crits Il. Le Miroir suprlmatiste, analiza lnkhouka ,. [Naissance et formation de l'lnkhoti/1 recherches esthétiques des peintres russes au début du ment ce problème des rapports art/vie, art/utilitarisme,
op. ciL, p. 167-168. (Institut de la Culture artistique), la Section de l'art monu- xx• siècle •• in Revue de l'Ecole nationale des Langues art/production, p. 50-83.
18. Je renvoie à mon article : « De Malévitch à Rodt- mental de l'lnkhouk, le Groupe de travail de l'lnkhouk); orienta/a, volume 2. 1965, p. 158. SS. Cité d'après S. Khan-Magomédov, Vhutemas, op. ciL,
chenko. Les premiers monochromes du XX' siècle (1915- Problilmy istorii sovieokoi' arkhilekloury, Moscou, TS 39. Informats [ionny} otd [el) lnkhouka (Seçlion d'informa- p.53.
1921) •• in La Couleur seule, Lyon, m~e d'Art contempo- TIA, 1976, n° 2. 1977, n• 3, 1978, n• 4; du méme V. Kan- tion de l'lnkhouk), « Institut Khoudojestvennol Koultury,. 56. Ibidem, p. 54.
rain, 1988. dinsky : « 0 vospriyatii i vozdeîstvii sriedstv khoudojel- (L'Inst itut de la Culture artistique), in Rousslco1·1 57. Ibidem, p. SS.
19. Voir trad. des textes cat. K. Malévitch in, &rlls JI. Le vennol vyrazitelnosti ,. (V. Kandinsky, la réception et lskou.rstvo, 1923, n• 2-3, p. 85. 58. L Adasltina, « Prop6devticbcslti kours Vkhoutlmassa
Miroir suprhnatiste, op. ciL, p. 163-164. l'action des moyens d'expressivité artistique), in Problil,,. 40. N. Khardjiev a toujours aimé répéter que Kandinsky (1~1926 gg) (Le cours propédeutique des Vkhoutbnas),
20. N. Pounine, « V Moskvié (Pismo) ,., op. ciL obraznovo mych/lniya i dizarn, Moscou, Troudy VNIITII était un corps étranger dans l'art russe, un FremdkiJrper. La in ~ilchaskllya Eslltika. Tradioü i istoki otiltchestvien-
21. 1. Pougny, « SovrémieMyie grouppirovki v rousskom 1978 ; M. Rowell, dans cat. An of the A vont-Garde in Rus- recherche soviétique a d'ailleurs négligé. avec une novo dizarna, Moscou, 1979, p. 40-78; S. Khan-Magomé-
liévom iskousstvié » (Les groupes contemporains dans l'art sia, Selections of the George Costakis Coll«tion, New York. condescendance dont on comprend les implications poli- dov, Vhutemas, op. ciL
russe de gauche), in lskousstvo Kommouny, 13 avril 1919, The Solomon R. Guggenheim Foundation, 1981, en aile tiques, tous les artistes russes émigrés (Chagall, Pougny, 59. Cité d'après S. Khan-Magomédov, Altzandre Rod-
n• 19 (dernier numéro de l'hebdomadaire pétrogradois), mand Russische Avantgarde. Aus der Sammlung Cmt11I"'. Sonia Delaunay, Pevsner, Gabo, etc.). Aujourd'hui encore, tchenko. L'œuvre complet, p. 102-103: Sur la section de
voir trad. fr. Jean Pougny, musée d'Art moderne de la Ville MUnchen, Lenbachhaus, 1984, trad. fr. Artistes, 1985, n 24. les études publiées ne sont pas mises à jour et continuent à base, voir S. Khan-Magomédov, Vhutemas, op. ciL, t. 1,
de Paris, 1993, p. 51-53. S. Khan-Magomédov, Vhutemas, op. ciL ; S. Khan-Ma être inspirées d'une hist~riographie grevée d'interdits et de p.257-282.
22. V. Chklovski, « Prostranstvo jivopissi i souprématisty ,. médov, « Les frères N. Pevsner et N. Gabo et le pre taboua anciens. 00. Voir I'« Exposé succint du programme des quatre ate-
(L'espace de la peinture et les suprématistes), in constructivisme », in Pevsner, Villeurbanne, Le Nouv 41. Voir dans S. Khan-Magomédov, op. ciL, t. 1, p. 264, liers de la section de base de la faculté de peinture,. (1921),
lskousstvo. Viesmik otdilla /zobrazilelnykh /skousstv Nar. Musée, 1994. deux questions de Kandinsky : 8) Quelle couleur, d'après S. Kban-Magomédov, Vhutemas, op. ciL, p. 258 : Baranov-
Kom. po Prosvkhtchlniyou, S septembre 1919, n 8, trad. 34. Voir le schéma du programme de Kandinsky dantl vous, correspond le mieux au triangle, au carré, au cercle Rossiné enseignait la « simultanéité des formes et de la
fr. K. Malévitch, &rio Il. Le Miroir suprlmatiste, op. ciL, 1. Matsa, Sovietskofl iskousstvo ia piatnadtsa1' /iet (L'art etc. ? ; 9) Si, à votre avis, une couleur fondamentale ne cor- couleur . Klioune la « mise en évidence maximale de la
p. 170-174. soviétique pendant les quinze dernières années), M.-i. respond à aucune forme géométrique, essayez de détermi- couleur •· A. Exter la couleur et la surface, Osmiorkine
23. S. Sienkinc, « Vkhoutémas •• in Gorn (Le creuset), 1933. ner une forme libre qui lui serait adéquate. le cézannisme du Valet de carreau.
Moscou, 19'23, n• 8. 35. V. Kandinsky, « De la méthode de travail dans l'art 42. Cité d'après S. Khan-Magomédov, Vhuttmas, op. ciL, 61. Ibidem, p. 257.
24. Cf. « C. Malévitch au Soviet des Seconds Ateliers natio- thétique ·. in Kandùuky, Paris, C.entre Georges-Pompi t. l, p. 75. 62. S. Khan-Magomédov, Aluandre Rodtchenko. L 'œuvre
naux libres•• S. Khan-Magomédov, op. ciL, t. l, p. 197-198. 1984, p. 158. 43. Ibidem. p. 76. compkt, op. cil., p. 42.
25. Voir le programme du Collectif Ounovis des Ateliers 36. Atelier Kandinsky, « Thèses d'enscigneme 1 44. Uef, 1923, n 4: le méme numéro comportait un article 63. V. Krinski, « Pout' arkhitektoury • (La voie de l'archi-
nationaux libres de Vitebsk dans Ounovis. Almanach, n• 1, S. Khan-Magomédov, Vhulemas, op. ciL, t. l, p. 196. intitul6 « Le Fiasco des Vkhoutlmas •• signé par des tecture) (exposé à l'lnkhoulc en mai 1920), cité ici d'apaù
1920, repris en allemand in L Schadowa, Suche und ExJH- 37. A. Babitchev, « Zapiska k programmié. Rabotcha membres de l'lnkhouk, voir à ce sujet : S. Khan-Magomé- S. Khan-Magomédov, Ibidem, eod. /oc.
riment, op. ciL, p. 311-316. grouppa obiektivnovo analiza,. (1920) [Notes pour un dov, Vhutemas, op. ciL, L I, p. 80-81. 64. « Programmes de graphisme préparés par Rodtchenko
26. K. Malévitch, « Form, Farbe und Empfindung », Sovré- gramme. Le Groupe de Travail de l'Analyae Objecti 45. Sur l'activité de Kandinsky dans la formation de pour le cours préparatoire des Vkhoutémas,. (1921),
miennaya Arkhitektoura, 1928, n 5, trad. fr. K. Malévitch, D. Sarabianov, Aiuer Vassililvitch Babitchev. Khoudoj l'Jnkhoulc et du Rakhn. voir C.V. Poling. Kandinsky: S. Khan-Magomédov, ibidem, p. 292.
t.crlls Il. Le Miroir supmnatiste, op. ciL, p. 123. Tlontik. Pldagog, Moscou, 1974, p. 104-105. Russian and Bauhaus Years, 1915-1933 . in Kandinsky: 65. Ibidem, eod. /oc.

384 385
NOTES CHAPITRE VII-IX

66. Voir reproductions des ccuvrcs d'A. Akhtyrko dans 1993, a montr6 quelques-unes des richesses de l'avant VW. LES DIFffiRENTES FORMES s6es (les Blanca, les Rouges, la Bourgeoisie, le Bataillon
S. Khan-Magom6dov, Yllutmuu, op. dt., L 1, p. 270.271, garde pr6acrv6ea par les mus6cs de province russes, DEL' AGITATION POLmQUEAPRÈS 1917, p. 227-238 f6minin, les soldats ... ). Le ac6nario 6tait fraamcnt6 en
274-27S, 'm-278, t. II, p. 659. 90. Voir la photo d'une partie de la cimaise cubiste au num6ros semblables aux s6qucnccs d'un film. C'eat
67. Voir ces reproductions dans ibùlan, L 1, p. 256 aq. mua6e de la Culture picturale in S. Khan-Magom6d , 1. V. Maîalcovslci, in Ogoniok (La Lueur), 30 novembre d'aillcun à cc genre d'art que font penser les photogra-
68. Voir la Natun morte d'E. Mclnikova (1921), reproduite Vhutmtas, op. dt., t. 1, p. 412. t929,n°47. phies du spectacle, plus qu'à une ccuvrc th6Atralc dans la
dans S. Khan-Magom6dov, Alexandre Rodtchenko. 91. a. « Poloj6ni6 Otdi61a lzobrazitclnylth lsltousstv i 2. Jbùlan. conception traditionnelle.
L'œu11n complet, op. dt., p. Y7. Khoudojestvcnnoî Promychlicnnosti po voprossou o Khout 3.a. le livre capital de J. Gregor et R. FUlOp-Millcr, Das 10. FtllOp-Miller, op. cit.
69. Cit6 par S. Khan-Magom~. Vllutemas, op. dt., L 1, dojt!Stllimnol Koultou.ril" (d6cret de la Section de l'lio et russische Tlleater, sein Wesen und seine Gesclliclltt mit 11. N. Altman, « Oukracb6ni6 plochtchadi Ouritslcovo •
p.119. de l'industrie artistique sur la question de la « Cult~ besondettr BerlJcksichtwlg der Revolu.JionsperioM, Zurich- (L'embellissement de la Place Ouritski), in Ji:n' iskousstva,
70. Tsgali, fonds 681, inventaire 2, dossier 177, p. 18-19, cit6 artistique »), in /skousstvo Kommouny, 16 f6vricr 1919, Leipzig-Vicnnc, Amaltbca, 1928. 6 novembre 1918.
dans ibùlan, p. 137. n° 11, p. 4 et Szymon Bojlco, c Materialcn zur Gcschich• 4, N. Evrcînov, Le Thl4trt en Russie .ro11iltiqu.e, Paria, 12. M. Etlcind, Nalan Allman, MOICOU, Sovictslti lchoudoj-
71. a.« Programme de la Section h:,o (Alti Plastiques) de der Ginchulc (Staatlichca Institut ftlr KUnstlarische Kul• Publications techniques et artistiques, 1946. nik, 1971, p. 42.
la facult6 ouvri~rc Unifiü . S. Khan-Magom&tov, Vllute- tur)/Study of the History of Ginlthuk (State lnstitutc of 5. Cette 6poque de propagation d'une foi r6volutionnairc 13. 1. Rostovts6va, « Outchasti6 khoudojniltov v orpnisat-
mas, op. dt., L 1, p. '1111. Artistic Culture) », in Kasimir Malewitscll. Zu.m 100. fait penser au xv- si~clc curop6cn qui a passionn6mcnt sii i prov6d6nii prazdniltov 1 Maya i 7 Noyabria v P6trogra-
72. Sur la politisation du Rabfak, voir les souvenirs Geburuu,g, Cologne, Galerie Gmurzynslca, 1976, p. 280- aim6 Ica repr6scntations pantomimes. les tableaux vivants di6 v 1918 godou • (La participation des peintres à l'orpni-
d'anciens 61Udiants en 1927 dans la revue des Vkhouthnas, 283. monta par les pr&tïcatcurs, les d6cors anim6s tendus dans aation et à la rhliaation des fetcs du Ier mai et du
Kramy Oktklbr (Octobre rouge), 7 octobre 1927, n• 2, p. 4- 92. K. Mal6vitch, c Plan der Formal-Thcorctischcn Abtch les rues pendant les mariages, les fun6raiUcs. les entrées de 7 novembre à P6trograd en 1918), in Aguitatsionno masse>-
7, citt ici d'aprà ibidem, p. 208-209. lung am Ginchulc 1924-1925 », in Kasimir Malewitsc princes ou de grands de cc monde. Que l'on se rappelle !es 1101' iskousstvo pùrvykh /iet Oktklbria (L'art d'agitation de
73. 1. Chltolnik, c Le M!Mc de l'ut russe contemporain », Galerie Gmurzynska, op. dt., p. 279. drames religieux, ces « miatèrcs • mont& par des confr6nes masse pendant les prcm~res ann6cs d'Octobrc), Moscou,
op.ciL 93. Sur Matiouchinc et E. Oouro, voir V. Markov, Ru.ssùat religicuaea et comportant des all6gories tin!es des r6cits /skousstl!O, 1971, p. 36.
74. Toutes Ica informations de cc chapitre sont extraites Futurlsm. A Hutory, Bcrlccley-Los Angeles, 1968 évang61iques et tJts faciles à comprendre pour le peuple, 14. M. Oiapll, « Pismoi iz Vitcbslca • (Lettre de Vitoblk),
d'un article do S. Djafarova N. Khardjicv, V. Tr6ninc, Poltitcheskaya Koultou.,,. ces misc;s en sœnc de passages de l'Ancien ou du Nouveau in lskousstvo kommouny, 22 d6ccmbrc 1918, n° 3, p. 2.
« M<>11Ui khoudojestvcnnor koultoury. Politika raspros- Malako11sko110, Moskva, 1970 (trad. fr. L'Agc d'Homm• Testament, en vue de 1'6dification des fi~lea ... 15. Cit6 par A.M. Ripellino, Ma'ialco11ski et le thl4tre russe
~niya novovo iskousstva » (Les m!Mes de la culture Lausanne, 1983); N. Khardjicv, K istorii rousskovo avan- 6. J. RUhle, Das ge/esstlte Tlleattr: vom Re110IU1ionstheater d'Ollant-garde, op. dt., p. 80.
artistique. La politique de propagation du nouvel art), garda, Stockholm, 1976; K. Jensen, Ru.ssian Futuris"' zu.m solialistischtn Realismus, Cologne-Berlin, Kicpen-
tapuscrit russe. (Une traduction de cc texte a 6tt faite dans Urbanism and Elena Guro, Arhus, 1977; Aagc Hansen• heucr-Witsch, 1957.
caL L'Avant-garde russe. Cheft·d'œuvre da musla de Rus- L6vc, Der nwische Formalismus, Wien, 1978; Russisc/t4 7. Cit6 par N. Evrcînov, Le TM4tre en Union so11iltjque, IX. LE PIŒ-CONSTRUCI1VISME, p. 239-267
sie. 1905-1925, mus6c des Beaux-Arts de Nantes, 1993, Allantfarde 1907-1921 (&!. Bodo Zclinsky), Bonn, BouviCII op. cit.
p. S1-61). 1983, p. 62 sq ; Pobilda nad Solnlsem (La Victoire sur le 8. 11 faut signaler, entre autres, le projet de Meyerhold en 1. Je renvoie à mon article « Quelques r6flcxions sur le
7S. Cf. document dactylographi6 au Tsgali, fonds 665, Soleil), traduction et commentaires en français : LausanJNI 1921 pour une rcpr6scntation de masse sur le champ Kho- Supr6matiamc/Somc Rcmarlta on Suprematism •• in Supn-
inventaire 1, unit6 de conservation 31, feuillet 1, cit6 L'Âgc d'Hommc, 1976 (6d. J.-0. et V, Marcad6), en alle- dynsltol6 prb de Moscou, c Combat et Victoire "• qui matisme, Paris, galerie Jean Chauvelin, octobre 1977, p. 97-
d'aprà S. Djafarova, op. dt., p. 4. mand : Mllnchcn, 1976 (6d. Gisela Erbslôh) et Sieg aber sie offrait une ressemblance avec une estampe de Naudct. 107. J'ajouterai que tout r6ccmmcnt, un courant philo-
76. K. Ma16vitch, « Os' tsvi6ta " (L'axe de la couleur), li<>- Sonne, Berlin, Akadcmic der Kllnste, 1983. Cette repr&entation n'eut pas lieu. Meyerhold avait ima- sophique a vu dans le constructivisme l'etrc ~me de la
braiitelnoll iskoussrvo, 1919, n• 1, p. 27, tract fr. in tcrils /. 94. Le d6tail des sections du GhinJcllou.Jc en 1925 est donn6 gin6 une participation de 2300 soldats d'infanterie, de 200 philosophie, puiaque l'activitt de celle-ci est principalcmc~t
Le Miroir su.prhnaliste, op. dt., p. 73. ici d'aprà un document publi6 par Larissa Jadova dans son de cavalerie, S a6roplanca et d'innombrables d6fil6s de che- de « construire • des concepts (cf. Deleuze, Guattari,
T1. Citt d'apr~ S. Djafarova, op. dt., p. 8. livre Su.che und Experimml, op. dt., p. 318-320. nilles, tanks, motocyclettes, d6tachcmcnts aanitairca, Qu.'ut-ce que la philosophie?, Paris, Minuit, 1992).
78. V. Kandinsky, Du spiriJJul dans l'art (peilllun), op. ciL 95. Voir le projet de n!fonnc du m~ de la Culture artis- fanfares militaires, chccurs, tout en vue de magnifier le 2. G. Yakoulov, Au.wbiographie dans cat. de l'exposition
(chapitre II c Le mouvement»). tique chez N. Mislcr, « Filonov, masticr m6tamorfozol combat et la victoire des Soviets. n!trœpcctivc à Er6van en 1967, p. 48.
79. K. Malhitch, « L'axe de la couleur et du volume (FLlonov maitre de la m6tamorphose) N. Mialcr, J. Bowlt, 9. Lon de la reconstitution th6Atralc de « La Prise du 3. Cf. en particulier • Supr6matisme 34 dessins • in
op. ciL, p. 72. in Filono11. Analititchesko'tl iskOJUJtvo, Moscou, Sovictstl Palais d'Hiver •• il y eut un incident technique qui, cepen- K. Mal6vitch, tcrits /. Dt Clianne au suprlmatismt,
80. Ibùlan, p. 73. lthoudojnilc, 1990, p. lOSsq. dant, passa inaperçu des spectateurs. Le croiseur Aurore op. cil., p. 122 et &rils Il. Le Miroir su.pnmatiste, op. dt.,
81. Ibidem, eod. /oc. 96. Tract de FLlonov et d'autres peintres Sdillannyil kartiny avait accost6 sur la N6va devant le Palais d'Hivcr. Histori- p. 112-113.
82. S. Djafarova, op. dt., p. 7. La somme~~ pour les (les tableaux finis (ccuvr& jusqu'au bout]), trad. fr. in cal. quement, cc navire a tir6 trois coups de canon - ces trois 4. L Popova, in K. Ma16vitch, tcriJs Il. Le Miroir suprbna·
tableaux et les sculptures 6tait 191S000 roubles. De sep- Filonov, Paris, MNAM, 1990. coupa de canon qui ont d6cid6 de la victoire des bolche- liste, op. dt., p. 164.
tembre 1918 à dtccmbre 1920 furent achet& 1926 ccuvrcs 97. V, Tatline, « 0 Zangu6zi • (Sur Zangu.lû), in Jiz,e vistes. Lors de cet 6pisodc, dans le spectacle, il fallait don- 5. A. Vcsninc, « La Cr6ation aam-objct », in K. Mal6vitch,
(peinture, sculpture, arts graphiques, constructions) de 41S lskousstlla, 1923, n 18, p. 1S; N. Pouninc, c Zangu6zi "• in ner un signal : tirer ! et un signal : stop I Le signal tirer 1fut &:rib Il. Le Miroir su.p1'matiste, op. dt., p. 161.
artistes. 1211 de ces ccuvres furent r6parties dans 30 m~cs Jim lskotustva, 1923, n° 20, p. 10. donn6; l'artillerie de l'Aurorc commença à tirer; aprb le 6. lbùlan, p. 162.
diff6rents, ibùlan, p. 11. 98. Allusion à son ami le pœtc « paysan • S. Ess6ninc qu troisi~me coup on donna le signal d'arret, mais le navire 1. lbùlan, p. 161.
83. V. Kandinsky, « Mouzel lchoudojestviennoî lcoul- a 6t6 l'un des dcmicn à voir la veille de son suicide continua à tirer. Tout le monde, affol6, appuie sur le llignal 8. H. W0lflin, Principes fondammtau.x de l'llistoirt de l'art.
toury •• op. dt. l'H0tcl d'Angleterre. quj ne fonctionnait plus. On envoie alors un assistant qui Le problème dt 1'1110/u.tion du style dans /'Art moderne
84. S. Djafarova, op. dt., p. 12. 99. Allusion à l'habillement du dandy futuriste et à la pi~ avec une bicyclette traverse la foule et va jusqu'au quai (tr. de C. et M. Raymond), Brionne, G6rard Monfort, 1984,
85. G. ~mosf6nova, c K istorii ~dagoguitcheslcoï d6îatcl- La Punaise. dire d'arr!tcr. Le chef d'orchestre, qui attendait impatiem- p.S9.
nosti K. Mal6vitcha " (Pagea de l'histoire de l'activit6 p&ta- 100. Cit6 par E.F. Kovtounc, Avangard, ostanovli.Lnn,:. na ment son tour, jetait des appels angoiss6s puis. finalement 9. Citt par S. Khan-Magom6dov, Aluandtt Rodtchenko.
gogiquc de Ma16vitch), in Troudy VNI/TE. 5',iya Tekh- bilgou. (Une avant-garde arretu dans sa course), Lénill" put d6chatner son gigantesque orchestre ... L 'œuvn complet, op. clL, p. 30.
nitcheskaya btJtika •· Stranitsy istorii otiltchestviennovo grad, A vrora, 1989. Un incident de cette sorte est quand m!mc minime si 10. Oté par S. Khan-Magom&tov, ibidem, p. 32.
diialna, fascicule 59, 1989, p. 145. 101. K. Mal6vitch, Lettre à la Section de la Direction Prin- l'on considtre l'immcnsitf de la t4che du metteur en sœnc. 11, J.-CI. Marcad6, « Pougny et l'avant-garde de Saint-
86. L'exposition des « projectionnistes » s'ouvrit le 25 cipale des 6tablissemcnts scientifiques, de la science arti.- L'ensemble du spectacle est n!gl6 et noté avec pr6ciaion sur P6tcrsbourg (1913-1919) ••op.dt., p. 13.
d6ccmbrc 1922, les jeunes artistes panici~rcnt ensuite à la lique et des m ~ (Glavnaou.Jca) à Léningrad, juin 1926. un livre, la « partition •· Un exemple significatif nous est 12. S. Khan-Magom6dov, ibidem, p. 30.
c Erate russischc KunstaussteUung • (galerie Van Diemen E.F. Kovtoune, op. dt. fourni par la mise en sœnc de masse devant la Bourse des 13. Voir le document de la r6union sccr~c de la « Jeune
à Berlin, puis à Amsterdam). 102. G. Si6ry, c Monutyr na gotsnabj6nii (Ottchotna valc1111, ., Hymne au travail lib6r6 •· Il y avait 170 6pilodca. f&f6ration • le 14 octobre 1917 dans ibidem, p. 286.
87. Voir le d6tail dans S. Djafarova, op. dt., p. 1S aq. vyatavka Gossoudarstvicnnovo institut& lthoudojestvic Les cx6cutants 6taicnt r6partis par groupe de dix, dirig6s 14. A. Rodtchenko/V. S16panova, lz manifesta soupr6ma-
88. En 1922, le m~ de la Culture picturale • avait 129 lcoultoury) », in UnÜlgradslcaya Pravda, 10 juin 1926. par un d6curion. Chaque groupe charg6 du memc rôle : tiatov i bcspredmictnikov. Dostij6niya v tvortchestvi6 picr-
tableaux, sa biblioth~uc 126 livres. Le fonds d'~tat com- 103. Voir les notes sttnographi~ trad. fr. in K. Mal6Yitcb. potentats, gendarmes, traitres à la cause aocialc, avait un vootkryvat61ict miri6 • (Extrait du manifeste des ~ -
prenait S55 tableaux et 146 dessina, chiffres donn& par tcriJs IV. La Lumün tt la Cou.leur, op. ciL, p. 149-1S9. chef particulier. Il a'aah, on le voit, d'une organisation listes et des sans-obj6tistca. R6alisations dans la cr6at1on
S. Djafarova, op. cJL, p. 14. toute strat6giquc. Pour la c Prise du Palais d'Hiver •• il y des premiers d6couvrcurs au monde), in Rodtchenko-Stl-
89. L'exposition du m~c des Beaux-Arts de Nantes, en avait aussi des groupes de dix formant des unitts llfl"Ïali· panova, Munich, Preste!, 1991 (caL en russe), p.122.

386 387
NOTES CHAPITRE IX

15. Ibidem, eod. loc. 35. A. Talrov, c Gu6orgui Yakoulov •• Jskousstvo, 1 53. Les artistes qui aid~rent Tatline pour le deuxi~me sance de l'ultra-mat6rialisme artistique ,. et il cite un
16. V. t6panova, « Iz dhievnika. Zapiaai o podgotovlci6 i n 1-2, trad. fr. in Nota et Documents lditls por la \o , 1 Monument à la Ill' Internationale sont : N.A. Khapalev, eltpol4! d' A. Toporkov c Les artistes et la machine ,. au caf6
prov6d6nii X i XIX Go soudantviennykh vystavok ,. da Amis de G«>rru Yakoulov, mai 1967, n• 1, p. 13. E.N. N6krusov, Kholodok, Kobeliev, Joltikov et d'autres. Le Coq Rouge (le nom 10Yic!tique du Caf6 Pittoresque à
(Extrait du journal. Notes sur la prtparation et la mise en 36. La Ballets nu.ru, Belv~. P. Vorms, 1955, p. 31. 54. Les extraits qui suivent sont tir6s de N. Pounine, c 0 Moscou), le 31 mars 1919, o(I Jes pr61ents 1'6taient d6clarc!s
place des x- et XIX- Expositions nationales), in ibidem, 37. Dans sa lettre au commissaire du Peuple à l'lnstru pamiatnikakh ,. (À propos des monuments), Jskousstvo conscients d'6tre lic!s aux tendances matc!rialistes de l'art et
p. 124 (à la date du 12 f6vrier 1919). publique, A. Lounatcharski, du 19 ao0t 1918, Yako kommouny, 9 mars 1919, cit6 ici dans 1'6dition: N. Pou- de la politique et au d6veloppcment industriel, ibidem,
11. Ibidem, eod. loc., à la date du IOavril 1919. «!crit : « Le Caf6 Pittoresque fut construit exclusivem nine, 0 Tatlinil, op. dt., p. 15-16. p.33.
18. Ibidem, eod. loc. par les amis des artistes-peintres. Au nombre de mes colll- SS. N. Pounine, Pamiamik 1JI lnternatsiona/a, P6tersbourg. 69. Pr6face de Ente Russische Kun:stausstel/ung. Berlin
19. Ibidem, eod. lac. borateurs figurent : Brouni, Golochtchapov, Bogosla Section IZO du Narkompros, 1920, cite! ici d'aim la repu- 1922, p.13.
20. De façon g6n6rale, les textes de Rodtchenko publi6s en (sculpteur), Golova, TolstaYa-Dymchits, Tatline, Cha hlication N. Pounine, 0 Tatlinil, op. dt., p. 18-21. 70. N. Pounine, Pamiamik 11/ Jnternatsionala. in O Tatlinil,
russe sont expurg6s, ce qui ne permet pu d'appr6cier à leur nikov, Rybnikov, Oudaltsova.,. Notes et Documents éd/ 56. Voir les prob~mea complexes pos6s par la reconstruc- op. dt., p. 21.
juste valeur les d6clarations qui ont trouv6 grâce aup~ des par la Sociltl des Amis de Georges Yakoulov, n 1. tion du Monument à la 1/t Internationale dans les articles 71. N. Pounine, « Kommounizm i foutourizm ,. (Le com-
6diteurs. M6me le catalogue de la r6trospective Rodt- novembre 1975, p. 9. de P. Hulten, V. J. Fletcher et D. Dimakov dans Tot/in munisme et le futurisme), /skousstvo kommouny, 30 mars
chenko- t6panova au mus6e Pouchkine à Moscou en 1991 38. G. Yakoulov, c Avtobiografiya • (Autobiographi . in Retrospektive, op. dt. (en allemand et en nme). 1919, n" 17, p. 3.
pr6aente le « Syst~me de Rodtchenko et (sic 1) de St6pa- Gulorgui Yakoulov. 1884-1928 (cat. de la r6trospe ), 57. Si l'on œde aux grandes gc!n6ralit6s slmplificatricei, on 72. V. Chklovski, « Ob iskousstvi6 i r6volioutsii » (De l'art
nova sans les citations de Stimer, Whitman et Weininger Er6van, Id., p. 49. pourrait constater qu'il existe dans le monde russe toute et de la r6voluti011), Jskousstvo kommouny, ibidem, p. 2.
(p. 39) : la manipulation est double puisque Varvara St6pa- 39. V. Komardionkov, Dni minouvchil (Jours pa une tendance à une c esth6tique de l'inach~vement •· Que 73. 1. Pougny, c Tvortchestvo jimi,. (La crc!ation de la vie),
nova est r6unie à Rodtchenko de façon purement arbi- Moscou, Sovietski khoudojnik, 11.d., p. 62 ; cela est l'on songe au fameux« Tsar-kolokol • (la cloche Tsarine) Jskousstvo kommouny, S janvier 1919, n' 5: voir, à ce sujet,
traire, sans respect des ~ universellement admises de la confirm6 par Rodtchenko : Tatline se mit à peindre les du Kremlin qui n'a jamais SOM6, à presque toute l'œuvre cat. Jean Pougny, mus6e d'Art moderne de la Ville de
citation ou de la republication. À cause de cette te:rtologie verri~res ,. (Extrait du manuscrit c Mon travail avec MaYl'l de Moussorgski, aux esquÎIICI bibliques d'A. lvanov et, Paria, p. 15 et, en partic:ulier, trad fr. des textes de Pougny,
peu sore des 6crits de Rodtchenko, il est difficile encore kovski •), in A.M. Rodtchenko, Stati. Vospominan dans notre slkle, chez Tatline, outre le Monument qui n'est p.50-83.
aujourd'hui de retracer avec exactitude l'itin6raire de ce A vtobiografitcheskil :apiski. Pisma (Articles. Souven pas construit, le c Utatline •• qui ne vole pas ; chez Mal~- 74. Sur les projets architecturaux de Rodtchenko, voir la
grand artiste et de situer avec certitude son œuvre par rap- Notes biographique . Lettres), Moscou, Sovietski khoud vitch, les c spoutniks •• les • an:hitectones ,. et autres c pla- monographie de S. Khan-Magomc!dov, op. dt., p. 39 sq.
port à celle des autres protagonistes de l'art de gauche. nik, 1982, p. 58. Pour l'histoire de ce caf6, voir mon arti nites •• voire son trait6 Le monde comme sans objet ou le 75. Voir l'affiche des fr~res Stenberg dans Soviet.ski ri-
21. A. Rodtchenko, « Le dynamisme du plan •• in Rod- • Quelques c!l6ments concernant la naissance du "constrta repœ absolu ... On peut voir dans cette difficultc! à des r6a- klamny plakat. 1917-1932 (en russe, anglais, allemand),
tchenko-Stlpanova, op. dt., p. 119. tivisme" •• Notes et Documents ldith par la Sociltl dei lisa tion1 concr~tes, forcc!ment affadies par rapport à Moscou, Sovictski khoudojnlk, 1972, p. 88-89.
22. A. Rodtchenko, « Le syst~me de Rodtchenko . in Amis de Georru Yakoulov, n 3, op. cit. et, en russe, aux l'audace conceptuelle, une propension plus romantique 76. Sur D. Sotnyk, voir Myroslava M. Mudrak, The New
K. Mal6vitch, tcrits Il. Le Miroir suprlmatlste, op. dt., documents irr6futables, publ~ dans le livre Aguitatsio quecl ique. Generation and Artistic Modemism in the Ukraine, Ann
p.167. numovoil iskousstvo pervykh liet Oktiabria (L'art d'a • 58. A. Strigaliov, « Von der Malerei zur Materialkonstruk- Arbor, Michigan, UMl Researc:h , 1986, p. 205-208.
23.1. Kliounc, « L'art de la couleur in ibidem, p. 163-164. tion des masses dans les premi~res ann6es de la révolutiol tion ,., in Tallin (r6d. LA. Jadova), Weingarten, 1987, p. 33 77. G. Yakoulov, c Pamiati 26-i • ( la m6moire des 26),
24. A. Rodtchenko, « Le syst~me de Rodtchenko •• op. dt., d'Octobre), 1:slcousstvo, Moscou, 1971, p. 100-101 et 12S- (trad fr. aux 6d. Philippe Sers) et c Die Bedeutung der copie d'un inédit (An:hives Man:adc!).
p. 167 ; malgr6 ce qu'en dit Rodtchenko, Chri tophe 129. altru ischen und der volkstUmlichen Kunst in Tatlins 78. Je renvoie pour les dc!tails concernant Pevsner à
Colomb est con id6r6 comme le premier ~ain de la lit- 40. A. Rodtchenko, op. dt. Werk ,. (en allemand et en russe), in Ein internationales S. Khan-Magom6dov, « La fr~res N. Pevsner et N. Gabo
t6rature latino-am6ricaine avec une philosophie du monde 41. V. Komardionkov, op. dt., p. 62. Symposium. Vladimir Tat/in Leben, Werk, Wirkung (r6d. et le premier constructivisme •• et J.-CI. Marcad6,
bien d6termin«!e et aujourd'hui assez controvers6e. 42. Lettre de G. Yakoulov à A. Lounatcharski, op. ciL, p. 9. Jürgen Harten), Cologne, DuMont, 1993, p. 133,371). « Antoine Pe ner et le Manifeste rlaliste . in Pevsner, Vil-
Alexander von Humboldt a attir6 l'attention sur la qualit6 43. N. Lakov, cit6 par J.-CI. Man:adc!, • Œuvres de Geo1J41 59. T. Andersen, « ote on Tallin ,. (en su6dois et en leurbanne, Art Édition, 1995.
litt6raire des lettres et carnets de bord de Colomb dans Yakoulov et d'lvan Koudriachov •• La Revue du Louv~et anglais), in Vladimir Tat/in, Stockholm, Modema Museet, 79. Voir sur Pevsner et la naissance de l'lnkhouk S. Khan-
Examen critique de l'hùtoitt, de la gœgraphie du Nouveau des Muslu de France, 1973, n 6, p. 382. 1968, p. 6-11. Magom6dov, Ibidem.
Continent et du progrb de l'astronomie nautique aux quin- 44. V. Kamienski, Pout' entouûa:sta (Le chemin de 60. /don, op. dt., p. 7.$. 80. . Khan-Magom6dov, ibidem.
:lième et selûème siècles (S vol.), Paris, 1831-1839. l'enthousiaste), MOIC:Ou, 1968. p. 210.211. 61. A. trigaliov, in Tat/in (1987), op. dt., p. 33 et reproduc- 81. Voir le remarquable catalogue Gustav Klucis Retros-
25. A. Rodtchenko, Stati. Vospominaniya. Avtobiografit- 45. G. Yakoulov, « Picasso Ogoniok (La Lueur), 1926, tion n • 198. pective (r6ed. Hubertus Gassner, Roland Nachtigllller),
chakil 1.apiski. Pismo, op. dt., p. 49. n 2. 62. Voir, entre autres, son tableau Spirale qui se trouvait Stuttgart, Gerd Hatje, 1991, et l'article de Martin Hammer,
26. J'utilise ici les notes manuscrites de la conf6rence 46. N. Pounine, « Kommounizm i foutourizm,. (Com dans la collection d' A. Louric! et fut ellpoSc! au Monde de Christina l..odder, c Ein kreativer Dialog : Gustav Klucis,
d'Anatoli Strigaliov « Les constructions lin6aires dans l'art nisme et futurisme), lslcowstvo kommouny, n 4, 30 mars l'Art à ~trograd en 1915. Antoine Pevzner und Naum Gabo•• ibidem, p. 57-72.
russe du dc!but du XX' si~cle au Colloque international A. 1919. 63. N. Blumenkranz-Onimus, La spirale, th~me lyrique 82. A. Pevsner, naum gabo et antoine pevsner, 1968, augus-
Pevsner tenu au mus6e Rodin en d6cembre 1992. 47. N. Pounine, Pamiamik IJJ Jntematsiona/a (Le Mon~ dans l'art moderne•• Revue d'Esthltique, 1971, n• 3, p. 293- tin schoonman, zwanenburg [Hollande), p. 24; il n'y a
27. A. Strigaliov, op. dt,, Ibidem; voir les reproductions des menl à la Ill' Internationale), aint-Pc!tersbourg, Otdiel 314, qui cite: le livre de T.A. Cook, The Curvu of llfe, aucune trace document6c de cet « anéantissement ,. de
œuvres de Choukhov in S. O. Khan-Magom6dov, Pion~ lzobrazitelnykh iskousstv N.K.P., 1920. paru à Londres en 1914, oà la piralc-courbe de la vie est Maîakovski et d'Osaip Brik par Gabo. S. Khan-Magom6-
der Sowjetischen Architektur. Der Weg 1.ur neuen :sow/eti• 48.lbidem. décrite comme 6tant à l'origine de la matilre; L'E/lise e la dov, dans l'article cité plus haut, n'apporte aucun docu-
schen Archltektur in den Zwanûger und 1.u Beginn der 49. Voir Tat/in Retrospektive (r6d A. Strigaliov et Jürsail spirale, Film + Parole in liberrà (1915), recueil po6tique du ment officiel sur une activit6 d'enseignement de Gabo aux
DreissigerJahre, Dresde, VEB, 1983, p 27,190. Harten), Cologne, Du Mont, 1993, p. 264. futuriste italien P. Buzzi; Spirales de P. Dermc!e (1917) ... Vkhoutlmas, seulement des souvenirs des c!lhes de Pevs-
28. S. Khan-Magom6dov, ibidem, p. 20. 50. Lors de l'exposition du Monument à la 111 /nternaM 64. J. Milner, Vladimir Tat/in and the Russian A vont-Garde, ner comme T. Cl!apiro, qui est loin d'!tre d'une exactitude
29. Construction n 105 (sur fond gru); Construction n /06 nale en 1920, une affiche disaft : c Ordre d'exc!cution du New Haven-London, Yale University Press, 1983, p. 160. à toute 6preuve (m!me lorsqu'il se remc!more la Tour à la
(sur fond noir), Archives Rodtchenko. iJtojet et du mod~le du Monument à la Ill• Intemation 65. U. Boccioni,« Sculpture futuriste (1913) •• in G. Lista, Troisième Internationale à laquelle il a pourtant travaill6,
30. A. Strigaliov, c Les constructions lin6aires dans l'art Le projet a 616 exc!cut6 par V. E. Tatline. Élaboration Futurisme, Lausanne, L'Âge d'Homme, 1973, p. 180; voir voir : Tat/in Retrospektive, op. dt., p. 263a, 275a), ou
russe du ddbut du XX' si~cle •• op. cil. projet: Tatline, Meyenon, Chapiro, Vmogradov, Plchetnl N. Blumenkranz-Onimus, op. dl., p. 299-302, oil est 1011li- A. Machinski qui se souvient de Gabo dans une activitf
31. V. Kandin ky, 0 linii ,. (De la lipe), Jskou.sstvo, 22 kova, Terletski, Dormidontov, Stakanov, Khapaîev. Élabc> gn6e l'importance de la irale chez les futuristes italiens d'enseignement de la peinture (m!me A. Pevsner ne men-
f6vrier 1919, n• 4. ration des verres: Dymchits-Tolstaïa ,., cite! d'aprb A. Stri• (Boccioni, Carrà, Severini, Marinetti, Balla, RUl801o ... ) tionne pas cela) ... Aussi sa conclusion que c Gabo secon-
32. V. Kandinsky, « 0 totchki6 ,. (Du point), lskousstvo, galiov in Tat/in Retrospektive, op. dt., p. 261. entre 1912 et 1914. dait Pevsner dans son atelier,. n'a p de fondement.
l • f6vrier 1919, n 3. 51. « OfitsialnaJa ottchotnaîa vy tavka soviet kikh orga~ 66. T. Andersen fut un des premiers à attirer l'attention sur 83. J.-CI. Marcad6, « Pougny et l'avant-garde de Saint-
33. Composition cinltique • Points Points. Composition zatsii i outchejdic!nii k VIII tchrezvytchalnomou SiezdOIII la « r6cup6ration ,. de Tatline en Occident, voir V/adùnir Pc!tersbourg (1913-1919) •• ln Cat. Jean Pougny, op. dt.,
n 120, Archives Rodtchenko, Composition n 117. ancien- Sovic!tov ,. (Exposition officielle du bilan des organi Tat/in, Stockholm, op. dt., p. 18-19. p. 15, 17 notes 36-41.
nement coll Costakis. lions et c!tabli ements sovi6tiques pour le VIII• Con 67. K. Umanskij, Neue Kunst in Russ/and 1914-1919, Post- 84. Sur la revendication, tardive, par Gabo d'!tre le seul
34. G. Yakoulov, c Stankovala jivopis' i sovri6mienny mir extraordinaire des Soviets), d. A. Strigaliov, op. dt., p. 401 dam, Kiepenheuer, Munich, Hans Goltz. 1920. auteur du Manifeste rlaliste, voir J.-CI. Man:adc!, c Antoine
(La peinture de chevalet et le monde contemporain), (26). 68. K. Umanskij, op. clt., p. 20 ; plus loin, l'auteur parle du Pevsner et le Manifeste rlaliste ,., op. cit. ; l'affirmation
taplllcrit im!dit sans date (An:hives Man:adc!). 52. Ibid., p. 402 (46). Monument à la Ill' Internationale comme de l'excrois,. d' Alexel Pevsner que Gabo avait plus de facilités à coucher

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NOTES CHAPITRE IX-X

des idées que son fr~re Pevsner a, certes, une part de 99. Deux expositions mémorables ont récemment mi. 9. S. Bojko, • Rodschenkos frühe Raumkonstruktionenl 30. A. Efro1, Khoudojnlki Kamiernovo tlatra ... , op. cit.,
vérité. On note cependant que Pevsner nous a laissé des l'accent sur le dialogue science et an, à Vienne, Wu Rodchenko's early constructions ... in Von der Flllche zum p.XXV.
écrits peu nombreux mais d'une tr" grande pénétration. block. Eine Guchichte der mode~n Seele (un conce Il Raum/From Surface to Space, op. cit., p. 16-24. 31. L SabanéYev, • Ritnzi v Téatrié Zimina ,. (Ritnzl au
Là aussi Pevsner se montre, comme dans toute sa création C. Pichler, J. Clair et W. Pircber), 1989, et à Paria a 10. Voir les reproductions des Constructions spatiala dans ThéAtte Zimine ), T~tr i mouzyka, 1928, n 8.
plastique, peu enclin à la prolixité mais d'une gravité inson- variante L 'Âme au corps. Arts et Scitnca. 1'193-1993, l9'J3 la monographie de S. Kban-Magomédov, Aluandrr Rod- 32. S. Aladjalov, Gulorgul Yakoulov, En§van, 1971, p. 63.
dable, voir : • Les écrits de Pevsner », ln Pev,ner au (sur un concept de J.-P. Cbangewi: et G. Régnier). tchenlco ..., op. cit., p. 37. 33. G. Yakoulov, « Znatchénié khoudojnilta v sovn§mien-
MNAM, Paris, 1964, p. 51-68. 100. • Les écrits de Pevsner . op. cil., p. 64 : Gabo, de son 11. C. Lodder, Russian Constructivism, op. cit., p. 26. nom téatrié ,. (L'importance du peintre dans le théâtre
85. « Russia and Constructivism », interview de N. Gabo côté, déclarait : 12. A. Kemény, • Die konstruktive Kunst und Péris Raum- contemporain), Viestnik t~tra, 1921, n• 80-81, p.17.
par I. Bolotovsky et I. Lassaw, in World of Abstract Art, • Le fait que je me ré~re si souvent à la science et konstruktionen •• préface de L. Péri, Linoleumschnitte. 34. « Signor Formica v Kamiernom téatrié ,. (Signor For-
New York, Wittenborn, 1957, cité ici dans la trad. fr. du je revendique pour l'artiste les droits du savant ne si 1922-1923, Berlin, Der Sturm, 1923, donné ici dans la trad. mica au TbéAtre de Chambre, Ekran, 1922, n• 31, p. 5).
PetiJ Journal des Grandes Expo,ilions. Naum Gabo, Paris, nullement que j'auimile enti~rement l'art visuel à fr. de f. Senger in Modeme-Postmode~. Deux cas d'lcole. 35. « Yakoulov razgovarivaiet o miechtchanstvié,. (Yakou-
Réunion des Musées nationawi:, 1971. science. Mon œuvre n'a pas la pn§tention d'!tre une œu L'avant-garde russe et hongroise. 1916-1925. Giorgio de lov parle de l'esprit petit-bourgeois), Nova'ia rampa, 1924,
86. • Écrits d'Antoine Pevsner», op. cil., p. 60. scientifique[•••], Il n'entre pas plus de mathématiques Chirico 1924-1934 (réd. Rainer Michael Mason), Geahe, n• 2, p. 6-7.
ffl. Sur le sens du mot• réalisme,. dans la terminologie des mon an que d'anatomie dans une statue de Michel- Tricorne, 1988, p. 264. 36.Jbidtm.
arts plastiques à partir de l'ouvrage Du cubisme de Gleizes Naum Gabo, • The Constructive ldea in An », in 13. A. Kemény, ibidem, p. 264-265. 37. A. Efros, Khoudojniki Kamiernovo thura •.• , op. cit.,
et de Metzinger, voir J.-CI. Marcadé, Mallvitch, op. cil., International Survey of Constructive Art, Londres, 1931 14. J.-a. Marcadé, • Le Suprématisme de K. Malevië ou p.XXXIII.
p. 154, et « Antoine Pevsner et le Manifelte rlaliste », cité ici d'apr" Le Pttil Journal des Grandes Exposil' l'an comme réalisation de la vie •• Revue des ttudes s/ava, 38. G. Kovalenko, Aluandra Exur, op. cit., p. 133.
op. ciL Naum Gabo, op. cit. Lvvt, 1984, p. 61-n. 39. G. Kovalenko, • Exter v Parijé ,. (Alexandra Exter à
88. K. Malévitch, Du cubisme et du futurisme au suprhna- 101. Dans sa • traduction ,. citée plus haut, Gabo a mis 15. S. Kban-Magomédov, Aluandrr Rodtchenko••• , op. dt., Paris), Tlalralnayajivl', septembre 1990, n• 17, p. 20-23.
tisme. Le nouveau rlalisme pictural, op. cil., p. 63. • substance ,. qui, évidemment, sonne moins marxiste quel p.102. 40. G. Kovalenko, • Exter v Parijé •• op. cit., p. 20.
89. Sur le débat autour du couple marxien « !tre social/!tre «milieu .. 16. A. Rodtchenko, Laboratomorl prokhojdilnil tchlrez 41. A. Exter. Marionettes Created 1926, New York, Leo-
conscient •• voir : E. Martineau, « Préface ,. à K. Malévitcb, 102. A. Rodtchenko, « La ligne ,., in S. Khan-Mago isko,u1tvo jivopissi i kon,trouktivno-prostran,tviennyil nard Huuon Galleries. 1975 (textes de John Bowlt et Louis
tcrits li. Le miroir 1uprlmati1te, op. cit., p. 13-lS, Aluandrr Rodtchenko. L'œuvrr complet (sic/), Paris, formy k indoustrialnor initsiativil, Archives Rodtchenko, Lœowick).
J.-Cl. Marcadé, « L'obsession du spirituel dans l'art lippe Sers, 1986, p. 292-294. cité ici d'apr" S. Khan-Magomédov, op. cit., ibidem. 42. Voir sur PhUre à Paris et en Allemagne, S. Khan-
d'avant-garde russe, avant et a ~ la n§volution de 1917 », 103. Sur le probl~me de la culture picturale cristalline, voir 17. R. L Bohan et ait.,• Kasimir [sic] Medunetsky . in Magomédov, Vesnint et le Constructivisme, op. cit., p. 79-
in Qu'est-ce que l'an au XX' sièc/t ?, Paris, Fondation Car- J.-CL Marcadé, • Antoine Pevsner et le Manifeste réalis• The Sociltl Anonyme and the Dreitr Beque.st al Yale Uni- 81.
tier, ~cote nationale au~rieure des Beaux-Arts, 1992, op. cit. versity. A CaJalogue raisonnl, Yale University Press, 1984, 43. N. Guiliarovskaya, Tlatral'no-dlkoratsionnorl
p. 89-92. p.451. iskousstvo za 5 litt (L'an des décors de théâtre pendant les
90. Voir le tr~s instructif N ittucht in Russia (par les soins 18. C. Lodder, op. cit., p. 70, qui cite V. Stenberg. cinq derni~res années), Kazan', 1924, p. 21-22, cité ici
de B. Glatzer Rosenthal), Princeton Univenity Press, 1986. X. LE CONSTRUCTIVISME, p. 269-323 19. Le manifeste Les Constructivistu au monde a été repro- d'aprh S. Khan-Magomédov, Vesnine et le Con,truc-
91. Gabo, dans sa • traduction ,. de 1957, a compl~tement duit dans l'original par S. Bojko, • Raum-Experimente. tivisme, op. ciL, p. 74.
changé cette phrase qui devient « We know that everytbing 1. E. Sidorina, Skvoz' via' dvadtsaty vitk. Khoudojes ,,_ Die Gebrüder Stenberg/Spatial Experiments. The Sten- 44. A. Vesnine, cité par S. Khan-Magomédov, Vesnint et le
has its own essential image ,. (d, J. Bowlt, Russian An of nyil kontsep&sii rousskovo avangarda (À travers tout le berg Brothers •• in Von der Flilche zum Rmun ... , op. cit., Constructivisme, op. cit., p. 95-96.
The Avant Garde, op. cil., p. 213, ou Naum Gabo, Londres, xx• siècle. Les conceptions artistiques de l'avant-a p.29. 45. A. Efros, Khoudojniki Kamiernovo tlatra ... , op. clt.,
Tate Gallery, 1987, p. 9: la trad. fr. donne• Chaque objet russe), Moscou, Rousski mir, 1994, p. 73. 20. Lettre de G. Klucis à V. Koulaguina. Archives Kluci.s, p.XL
possWe sa propre image ,. in Naum Gabo, Paris, MNAM, 2. S. Khan-Magomédov, « Piervaya tvortcheskaya org citée ici d'apr" l'anicle de L Oginskaja, • Das Phantas- 46. A. Efros, Khoudojniki Kamiernovo tlatra ... , op. dt.,
1971. zatsiya pioniérov sovietskovo dizarna grouppa ko tische und die Realitlit in den Konstruktionen von Gustav p.XLIII.
92. Sur l'aristotélisme de Tatline, voir mon article : • Über trouktivistov INKHOUKa (1921) ,. (La premi~re orgllllj Klucis •• in cal. Gustav Klucis, op. cit., p. 99-100. 47. B. Rostotski, L'Œuvre sclnique dt V.E. Meyerhold,
die neue Beziehung zum Material bei Tatlin,. (en allemand sation créatrice du design soviétique pionnier - le grouJIII 21. S. Khan-Magomédov, • Dvié kontseptsü stiliéobrazova- p.15.
et en russe), in Ein internationales Sympo,iwn Vladimir des constructivistes de l'Jnkhouk [1921)). in Khoudo} t-- niya predmietnoprostranstviennoî sriédy : konstrouktivizm 48. Cité par Rostotski. op. cit., p. 18.
Tatlin .•• , op. cil., p. 33, 2ffl. viennyil problilmy predmittno-prostranstviennor srildl i souprématizm. (Moskovskaya i Vitebskaya chkola) ,. 49. K. Stanislavski, Mora jizn' v iskousstvil (Ma vie dans
93. K. Pomorslta, « Maïakovski et le temps (À propos du (Probl~mes artistiques du milieu spatial concret), Moe- (Deux conceptions de constitution de style dans un milieu l'ut), Gakhan, 1926, p. S20.
mythe chronologique de l'avant-garde russe),., in Mall- cou. concret spatial : le constructivisme et le suprématisme 50. Cité par Kalachnikov in Otcherki utorii rousskovo
vitch. Cahier 1, Lausanne, L'Âge d'Homme, 1983, p. 91. 3. Les photographies parurent dans la revue berlinoise de (l'École de Moscou et l'École de Vitebsk), in Khoudojat- sovietskovo dramatiche,kovo tlatra (études sur l'histoire
94. Sur la quatri~me dimension, voir L Henderson, • The Lissitzky et Ehrenburg Vitchtch-Gegenstand Objet, 1922. viennyil problilmy predmietno-proltranstviennor srildy du théâtre dramatique russe soviétique), Moscou, Akadé-
Merging of Time and Space : The Fourth Dimension in n 1-2 et in Matsa, Sovietskorl iskousstvo (L'An sovill (Prob~mes artistiques du milieu concret spatial), Moscou, miya naouk, 1954, p. 127.
Russia. From Ouspensky to Malevich •. The StruclUralist, tique), 1933. VNIITE, 1978. 51. J. Gœgor, René Fülôp-Miller, Das russische Thtater,
1975-76, n• 15-16 p. 97-108. 4. Sur l'Obmokhou, voir: V. Komardionkov, op. cit.. 22. S. Khan-Magomédov, « Diskoussiya v Inkhoukié o sein Wesen und seine Geschichte mit besonderer BerUck-
95. R. Crone, • A propos de la signification de la Gegens- p. 63sq et C. Lodder, Russian Con,tructivum, op. cil.. sootnochénii konstrouktsii i kompozitsü ,. (Discussions à sichtung der Revolutionsperiode, Zurich-Leipzig-Vienne,
tandlo1igkeit chez Malévitch et son rapport à la théorie p.67sq. l'lnkhouk sur le rapport construction-compositon), in Amalthea, 1928.
poétique de Khlebnikov ,., in Mallvitch. Cahier J, op. dt., 5. Sur la tecbtonique, facture, construction, voir la publ' Khoudojutvitnnyil i kombinatornyil probUlmy formoo• 52. N. Gonchakov, Vakhtangov, metteur en seine, Moscou,
en particulier p. 62 sq ; de façon plus dévelo~, ces idées tion des documents de l'lnkhouk par S. Khan-Magom brazovanlya (Problèmes artistiques et combinatoires de la Langues étrang~res, 1961, P. 99.
sur les rapports • science et an ,. en Russie au début du Aluandrt Rodtchenko ... , op. dt., p. 92-94. constitution de la forme), Moscou, 1979, p. 52. 53. J.F. Kowtun, Sangesi. Chlebnikov und seine Maler,
XX' si~le dans R. Crone, D. Moos, Kazimlr Malevich. The 6. Voir la polémique en 1924 entre Gane et Smirnov au 23. Ces notes de Klucis sont citées par L. Oginskaja, Zurich, Stemmle, 1993, p. 103.
Climax of Disclosurt, Munich, Prestel, 1991, p. l 13sq. sujet du constructivisme comme nouvel art ou commtl ()p. cit., p. 101. 54. Cité in K.A. Jelenski, « Avant-garde et Révolution••
96. La Science d l'Hypothùe d'H. Poincaré est traduit en « ~pllllCIIICDt dialectique de l'art •, in S. Khan-Mag 24, Cat. de la Rtrospcctive Gustav Klucis, op. cil., p. 102, Prtuws, mai 1960
russe et l'auteur reçoit le prix Lobatchevski institué à l'Uni- dov, Aluandre Rodtchenko ... , op. cit., p. 99. n 65. SS. W. George,« Préface,., Constructiviste, russes. Gabo et
versité de Kazan par le mathématicien A. Vassiliev. Pevs- 7. 1. Pougny, • 0 kniguié I. Erenbourga A vsio-talci vie,,,._ 25. Cal. Gustav Klucis, op. cit., p. 102, n 64. Pevsner. PtinlUru. Constructions, Paris, Galerie Percier,
ner cite Poincaré, en particulier dans son article « La sia ,. (À propos du livre d'I. Ehrenburg Et pourtant, e/11 26. Cal. Gustav Klucis, op. cit., p. 67, n' 32 et p. 103, n• 66. 1924.
science tue la poésie,., XX' siècle, mai-juin 1959, n• 12, p. 13, tourne), Novara rousska'fa kniga, I.P. Ladyjnikov, 1922. 27. K. Malévitch, Suprlmalilme. 34 dessins, in tcritl 1... , 56. W. George, op. ciL
repris dans « Les écrits de Pevsner ,., op. cil., p. 66. n 2. trad. fr. in Jean Pougny, op. cit., p. 57-58. op. cit., p. 120. S7. W. George, op. ciL
97. R. Jakobson, • Foutourizm ,. (Le Futurisme), 8. La datation de janvier 1921 dans cal. Von der FIiie~ 28. Il faudrait aussi y ajouter une variante particulièrement 58. S. Volkonski, in Pos/iednil novosti (journal russe de
lsko,ustvo, 1919, p. 76, cité ici d'aprh K. Pomorska, zum Raum/From Surfact to Space, Cologne, galerie Gmlll" intéressante en Ukraine, celle du théâtre Bérézil de Liès Paris), 31 mai 1927, cité ici d'aPf" le remarquable article
op. dt., p. 91. zynska, 1974 et 2 Sw,btrg 2, Paris, galerie Chauvelin, 1975 Kourbas. de G. Kovalenko sur • La Chatte ,., dans Pevsner, Villeur-
98. K. MaJévitcb, tcrits J. De Clzanne au suprlmatisme, fut guidée sans doute par le souci de montrer que les Stelt- 29. Voir Alexandra Exter e il Teatro da Camera, Milan, banne, op. cit., G. Kovalenko cite également une lettre du
op. cil., p. 55, 65. berg étaient • les premien •. Electa, 1991, p. 134-135. peintre du • Monde de I' An ,. K. Somov à A. Mikhailova

390 391
NOTES CHAPITRE X-Xll

du 2 juin 1927 : « La d4!coration construite fait penser à un 81. K. Ma14!vitch, « Le Poussah •. in K. Mal4!vitch, Écrlli li. XI, L'OUNOVIS, p. 325-343 Mansourov (1896-1983). Opere dal 1918-1975, Milano,
cabinet de physique magique ; le plancher est constitu4! u miroir :ruprlmatiste, op. dt., p. 98-99. Lorenzelli arte, 1987 ; Mansouroff. Peinture:,, reliefs,
d'une toile cir6e noire avec un ~ blanc plaœ à c:6~. il y 82. S. Khan-Magom4!dov, Pioniert der sowjetischen Ardu 1. K. Malévitch, • L'esthétique •• in &rit:r Ill. L'art de la gouaches, dasins /918-1982, Nice, Galerie Sapone, 1989.
a des es~ces d'appareils faits de tissu blanc transparent teklur, op. dL, p. 103sq. reprbentation. Jzoiogla, Lausanne, L'Age d:Homme, 1~. 23. Voir le contenu de Vkchtch-Gepnstand-Objet in Chris-
de celluloYd semble-t-il - des ellipaes. des ronds, des piliers. 83. • Section de base des Vkhoutlmas. Unit4! "Esp 2. K. Malévitch, « Forme, couleur, sensation,. (1928), 10 tina Lodder, Russian Constnu:tivism, op. dL, p. 227 sq et
C'est tm étrange et plutôt attrayant. La jupe de la femme Programme 1926-1927 • in S. Khan-Magom4!dov, ~ ibidem. 302.
chatte et les ~rations qu'elle porte sur la tête sont aussi mas, op. dL, L II, p. 522. 3. Voir, dans un tout autre contexte, l'application de l'ana- 24. Voir le dossier rassemblé par Y.-A. Bois • Mal4!vitch et
en celluloïd. Et le jeune homme et ses amis sont presque 84. V. Balikhine, • The&es relatives au cours introducdl .i lyse médicale d'une maladie au p~me de la composi- la politique •• in Macula, n• 3-4 : voir aussi le commentaire
nus ... •· l'unit4! "Organisation de l'espace", 15 septembre 1927 in tion du tableau chez Constable, d. E. Gilson, Peinture et passionné de F. Vala~gue. Mallvitch, op. dL, p. 212-218.
59. G. Kovalenko, « La Chatte de Pevsner et de Gabo •• S. Khan-Magomédov, ibidem, p. 547. Réalitl, op. dL, p. 153-154. 25. Sur Lissitzky à Kiev et l'influence d'A. Exter, qui y
op. ciL 85. Oté par S. Khan-Magomédov, Vhutmtas, op. cit., L 1, p. 86. 4. Voir sur l'lllment additionnel les textes du peintre in avait un studio en 1918, voir: Alexander Kanzedikas, • Ein
60. V. Beyer, « Yakoulov et Pas d'acier de Serge Proko- 86. N. Docoutchaeff, • Trois tendances de la nouve K. Malévitch, Écrit:r W. La /umUre et la coukur, op. ciL unbekanntes Bild von Lissitzky •• in Dk grosse Utopk. Die
fiev ,., Nota et Documents lditb par la Sociltl da Amu de architecture russe •• in L'Art Dlcoratif et lndustrld dt 5. K. Mal4!vitch, « De la théorie de l'él4!ment additionntl en ru:rsische Avantgarde 1915-1922, Francfort/Main, Schim
Georga Yakoulov, mars 1969, n• 2, p. 5. l'URSS, Paris-Moscou, Goznak, 1925, p. 80-85. peinture • (16 juin 1926), in &rit:r W. La lumii" d la cou- Kunsthalle, 1992, p. 71 ; Dmytro Horbatchov m'a confirm4!
61. J.-Cl. et V. Marcadé, « Des lumi~res du Soleil aux 87. S. Khan-Magomédov, Vesnine et le constructiv' leur, op. dL, p. 153. l'attribution, fond4!e sur des documents irréfutables, de
lumi~res du théAtre : Georges Yakoulov •• Cahiers du op. dL, p. 120. 6. Les graphiques p4!dagogiques de Malévitch sont repro- cette a:uvre à Lissitzky.
Monde Russe et Soviltique, volume XIII, MCMLXXII, 88. Sur les projets architecturaux de Gropius et de Ves duits in Troels Andersen, Ma/evich, Amsterdam, Stedelijk 26. Proekt outverjdéniya novovo .. projet d'affirmation et
1• Cahier, p. 22. voir S. Khan-Magomédov, ibidem, p. 120 sq. Museum, 1970, p. 116-133 et : J.-CI. Marcadé, Mallvitch, de fondation du Nouveau.
62. B. Picon-Vallin. u Thldtre juif :roviitique pendant les 89. La meilleure étude est celle de S. Frederick Stal1, Paria. Casterman, 1990, p. 202-211. r,, Sur la question axonom4!trique, voir Y.-A. Bois, • Lis-
annks vingt, Lausanne, L'Âge d'Homme, 1973, p. 97sq. K. Mel'nikov. u Pavillon Soviétique. Paris /925, Pa~ 7. K. Ma14!vitch, Suprlmatisme. 34 dessins (1920), in &rit:r /. sitzky, Mal4!vitch et la question de l'espace,. (en français et
6.3. Ouelting. • V Mosltvié, na dispoutié ,. (À MOIICOU, à un L'Équerre, 1981; voir aussi la biographie de S. Khan-M De Ckanne au suprlmatisme, op. dL, p. 122-123. en anglais), in Suprlmatisme, Paris, galerie Jean Chauvelin,
débat contradictoire), Siloulty [Odessa), 1924, n• 4, p. 3-4. m4!dov, Kon.stanrine Melnikov, Moscou, Stzo1i7.dat, 1990. 8. Ibidem, p. 123. 1m, p. 29-46.
64. Pingvin [Cherchén4!vitch ), • léchtcho odin ottchotlivy 90. M. Ragon,« La r4!volution architecturale en URSS de 9. Pour les relations de l'ontologie mal4!vitchienne et de la 28. S. Khan-Magom4!dov, • Un style nouveau. Le supréma-
ottchot - 0 soudié nad s6zonom ,. (Encore un compte 1921 à 1932/The Architectural Revolution in URSS front phénoménologie, voir E. Martineau, Ma/lvitch et la Philo- tisme tridimensionnel et les Prouns [sic !) •• in El Lissitzky
rendu détaill4! À propos du jugement porté sur la saiaon), 1921 to 1932 , Cimaise, février-mars-avril 1968, n , ·1,, sophie, Lausanne, L'Âge d'Homme, 1977; pour le pro- architecte peintre photographe typographe, mus6e d'Art
Zrllichtcha, 1923, n• 44, p. 6-7. p.SO. blème « écrit ,. et« art ,. voir: J.-CI. Marcadé, • Le pinceau moderne de la Ville de Paris, 1991, p. 45.
65. « Ex oriente ha. Vktchny jid ,. (Ex oriente lux. Le Juif 91. A. Oan, • Le Constructivisme, Tver, 1922 in et la plume chez Malévitch •• in L'Écrit et l'Art /, Villeur- 29. S. Khan-Magom4!dov, ibidem.
éternel), Zrlliducha, 1923, n° 43, p. 3, trad. fr. in Nota et G. Conio, u Constructivisme russe, op. dL, L 1, p. 413. banne, Le Nouveau Mus4!e, 1993, p. 61-69. 30. Cf. les aquarelles-gouaches de Pougny Gymnastu et
Documents lditl:r par la Sociltl des Amis de Georges 92. Ibidem, p. 437. 10. K. Malévitch, Suprlmatisme, 34 dessins, op. cil., p. 123. jongleur et Clowns et athUtu du MNR de Saint-Péters-
Yakoulov, n• 3,juillet 1972, p. 20-21. 93. Ibidem, p. 440. 11. P. Nisbet, El Lis:ritzky, Sprengel Museum Hannover, bourg, in Jean Pougny, op. dL, p. 191.
66. Ce passage est une reprise de l'album de J.-Cl. et 94. E. Kowtun, • Das Antibuch der Warvara Stepano 31. J. Leering, « Le dilemme de Lissitzky: à propos de
1988, p.13. . .
V. Marcadé, Andreenko, Lausanne, L'Âge d'Homme, in Von der FIJJche wm Raum-Russ/and 1916-24, Co e, 12. La Tribune de Unine est souvent attnbu6e au seul Lis- l'œuvre ~rieure à 1927 •• in El Limtt/cy, op. dL, p. 64.
1978. Galerie Gmureynska. 1974, p. 57-63 (en anglais et en all01 sitzky alon que lui-même l'a reproduite avec la mention 32. J. Leering. op. dL
67. S. Khan-Magom4!dov, Vkhoullmas, op. dL, L Il, p. 699. mand). « Atelier Lissitzky. 1920,. dans Dk lsmen. Les isma. The 33. N. Pounine, • À Moscou (lettre) •• in K. Malévitch,
68. N. Adaskina, Dimitri Sarabianov, Lioubov Popova, 95. Trad. in K. Malévitch, &rit:r Il. u miroir suprbnaliSte /sms (éd. El Lissitzky et Hans Arp), Erlenbach-Zurich, &ria Il. Le miroir suprlmatiste, op. dL, p. 167.
op. dL, p. 300. op. dL, p. 160-161. Munich, Leipzig, 1925, p. 9. 34. D. Kar1han, MaUvitch. Calalogue raisonnl de l'œuvrt
69. A. Lavnmtiev, Varvan, Stipanova, Paris, Philippe Set1, 96. Sur le travail typographique d'I. Zdanévitch, in G. Jano; 13. J.-CI. Marcadé, • Between Heaven and Earth: The graw. /913-1930, op. dL
1988,p. 79. cek, The Look of Russian Literatu". Avant-Garde. Vi.tuall Suprematist Design of Lazar Khidekel ,. / • Entre ciel et
70. V. S~panOVll, • Le costume d'aujourd'hui : le vêtement E.xperüMnts, 1900-1930, Princeton Univemty Press. 1984, terre : le design suprématiste de Lazare Khidékel •• in
de production••~/. 1923, n• 2, cit4! ici d'apr~s A. Lavren- p.149-206. Lazare Markovitch KhidekeL Œuvra suprlmatista I Supn- XII. L'ÉCOLE DE MATIOUCHINE, p. 345-349
tiev, op. dL, p. 79. 97. K. Zélinski, A. N. Tchitch4!rine, E.-K. Selvinski, Mihll, matist Works. /920-1924, Mus4!e d'art de Joliette (Québec
71. N. Adaskina, D. Sarabianov, op. dL, p. 303. vsiekh (Le changement de tous), Moscou, 1924, p. 43-44. Canada), 1992, p. 33-41. 1. Matiouchine continuera son activité, aprts la fermeture
72. A. Lavrentiev, op. dL, p. 82. 98. C. Leclanche-Boulé, u Constructivisme russe. lif"'' 14. K. Malévitch, • Lettre à M.V. Matiouchine ,. du 9 mai du Ghinkhouk, à l'Institut national de !'Histoire des arts à
73. S. Khan-Magom4!dov, Vkholllhnas, op. dL, t.11, p. 643. graphie:, & photomontage:,, Paris, Flammarion, 1991. 1913. Uningrad, de 1926 à 1929.
74. S. Khan-Magom4!dov, A/uand" Rodtchenko, op. dL, p.128. 15. K. Malévitch.Suprlmatisme, 34 du:rins, op. dL, p.120. 2. Voir E. Kovtoune, • L'œil qui voit, l'œil qui sait. De la
p.179. 99. J. E. Bowlt, « Das photographische Werk Alexancllll 16. S. Khan-Magom4!dov, Pione" der :rowjetischen Archi- méthode analytique de Pavel Filonov •• in F'rlonov, Paris,
75. • Conclusion du camarade Novitski à la conférence aca- Rodtschenkos •• in Rodtschenko. Fotografien /920-19311 tektur, op. dL, p. 63-64. Centre Georges-Pompidou, 1990, p.115-124.
démique de la facult4! unifi6e de travail du bois et du métal, Cologne, Wieland, p. 18sq. 17. K. Mal4!vitch, Lettre à M.V. Matiouchine,. du 9 mai 3. M. Matiouchine, Tvortchaki poul khoudojnika (La voie
1926 . in S. Khan-Magom4!dov, Vkhoullmas, op. dL, t.11, 100. S. Khan-Magomédov,A/uand" Rodtchenko. L'œuv,t 1913.
cr4!atrice du peintre) (manuscrit du début des années trente).
p.692. comp~t. op. dL, p. 121. 18. E. Kovtoune, A. Povélikhina, • La ville futuriste de 4. M. Matiouchine, La Vok crlatrlce de l'artiste, op. dL
76. A. Kopp, Vilk et rlvolulion. Archit«t"" et urbanisme 101. G. Conio, Le Constructivisme ru:rse, op. cit., t. li, Sant'Elia et les idées architecturales de Xlebnikov •• in 5. M. Matiouchine, « Opyt khoudojnika novol mi4!ry,.
soviJtiquu da annla vingt, Paris, 1967. p. 153sq. Prlsence de Marinetti, LausaMe, L'Âge d'Homme, 1982, (L'expérience de l'artiste de la no~~lle m~re), in The
n. S. Khan-Magom4!dov, Pionk" der :rowjetischm Archi- 102. A. Rodtchenko,• Prédos~r4!j4!ni4!,. (Avertissem ) p.266-274. Russian Avant-Garde (réd. N. Khard11ev), op. eu., p. 186.
tektur, Dresde, 1983 (une bibliographie y est dODDéc). Novy Lief(Nouveau Front de Gauche), 1928, n• 11, cité ici 19. Nina Kogan, « Sur l'art graphique du programme un de 6. J.-P. Jaccard, Daniïl Harms et la fin de l'avant-garde
78. a. le « Synskoulptarlth ,. (Synthe&e de la sculpture et d'aprts S. Khan-Magom4!dov, Alexandre Rodtchenko. Totd l'oUNOVJS ,., in K. Mal4!vitch, Ecrits Il. Le miroir suprlma- ru:rse, Berne-Berlin-Francfort/Main-New York-Paris-
de l'architecture) en mai 1919, puis le Jivskoulplarkh (Pein- l'~uvrr peint, op. clL, p. 227-228. tiste, op. dL ; voir aussi : J.CI. Marcad4!, • Nina Kogan et Vienne, Peter Lang, 1991, p. 325.
turc-6CUlpture-arch.itecture) lin 1919 - avec les architectes 103. a~ par S. Khan-Magomédov, op. dL, p. 230. l'Ecole Suprlmati.tte de Vitebsk • (en français et en sué- 7. J.-P. Jaccard, /bidem, p. 90.
Krinslti, Ladovski, Dombrowski, bts61énov, Reich, Roulth- 104. A. Rodtchenko,« Pouti sovrémiennoî fotografii ,. (Lei dois), in Nina Kogan /887-1942, Stockholm, galerie Arono- 8. N. Pounine, • Gossoudatltviennaya vystavka ,. (L'expo-
liadev, Fidman, le sculpteur B. Koroliov, les peintres Rod- voies de la photographie contemporaine), in Novy /.id. witsch, 1986. sition nationale),Jïzn' iskousstva, 1924, n• 31.
tchenko, A. Chevtchenko ; voir S. Khan-Magom4!dov, Pio- 1928, n 9, cité ici d'apià S. Khan-Magom4!dov, Alexwubl 20. Voir Lazar Markovitch Khidlke/... , op. dL 9. Le Traitl de la Couleur (Paris. Dessein et Tolra, 1967) de
nk" der sowjetischen ArchJleklur, op. dL, p. 68 sq. Rodtchenko. Tout l'œuv" peint, op. dL, p. 222. 21. Pour une vue d'ensemble bien document6e du travail J. ltten commence par un passage du Vida, dont l'étymolo-
79. K. Malévitch, • L'architecture comme gifle au béton 105. B. Arvatov, • Agit-ltino i kino-glaz • (Le cin4!ma d'agi• de Malévitch à l'Ounovis voir F. Valabr~gue, Kazlmir gie sanskrite est la même que celle de la racine russe ved- =
arm4! •• in K. Malévitch, &rits JI. u miroir suprbnotine, lion et le cinéma-œil), Kino-joumal ARX, 1925, n• 9, p. 34. Sévlrinovitch Mallvitch, Marseille, Images en mana:uvres. savoir, dans Zorwâ.
op. dt., p. 56. 106. B. Arvatov, « Outopiya ili naouka • (Utopie ou 10. M. Matiouchine, « Opyt khoudojnika novoî miéry ,.
p.150-211. . .
80. S. lasakov, • L'église et l'artiste •• in K. Malévitch, sc:ienc:e), Lief, 1923, n°4, p.18. 22. Voir cal. Mansourolf (réed. Michel Hoog), Paris, (L'exp6rienœ de l'artiste de la nouvelle mesure), op. ch.,
&rits Il.u miroir suprlmatiste, op. dL, p. 187. 107. Slmbe~2. Cat., Moscou, 1984, p. 10. Mus6es nationaux. 1972; John E. Bowlt, Pavel Andrttvich p.180.

392 393
CHAPITRE XII-CONCLUSION
NOTES
iskousstvo (Ftlonov. L'art analytique), Moscou, Sovietaki
11. M. Matiouchine, « Opyt khoudojnika novol mi~ry ,. 12. N. Fiodorov, • Vystavka 1889 goda ,. (L'exposi · 24, P. Teilhard de Chardin, Le Phlnomène humain. Paris,
seuil, 1955, p. 338, 344. Cf. aussi N. Fiodoro~: • Dans khoudojnik, 1990, p. 131 aq.
(L'e~rience de l'artiste de la nouvelle mesure), op. cil. 1889), op. dt., p. 515 (Sotchwnia, Mosc:ou, 1982, p. 472 30. M. Bouch, A. Zamocbkine, Pout sovietskor Jivop/$L
12. lbuhm, p. 186. 13. N. Fiodorov, « lù.ousstvo podoblî (mnimovo kho l'organisme avec ses nerfs sensibles et moteurs hés dans le
nœud œRbral, est donnf le modèle permettant de diriger
1917-1932 (La voie de la peinture somtique. 1917-1932),
13. J.-0. Marcad~. • La Victoire sur k Soleil ou le mer- jestviennovo voostanovlénia) i iskousstvo dieïstviteln Moscou. Oguiz-lzoguiz, 1933, p. 142-143.
veilleux futuriste comme nouvelle sensibilit~ •• op. dL, (dieîstvitelnole voskRCh~nié) (ptoléméïevskoîé i kopen!I tout l'Univers••« Suprarnoralizrn, ili vsi~obchtchi sintez ••
p. 76 sq ; J. Clair, • Mal~vitch, Ouspensky et l'espace n~ kanskorf iskousstvo) •· (L'art des simulacres de la prf._ op. dt., p. 401 (Sotchinlnia, op. dt., p. 475-476).
platonicien •• in Mal~vitch. Actes du Colloque due restauration artistique) et l'art de la réalit~ (acte réel 25, P. Valfry, Cahiers, Paris, Gallimard, • La Plfüde ••
CONCLUSION, p. 361-367
International, op. cit,, p. 15-30 ; L.D. Hendenon, The de la râurrection) (art ptolém~en et art copernicien t. Il, 1974, p. 318.
Fourlh Dimension and Non-Euclidean Geometry in Filosofia obchtchevo dilla, t. Il, MOICOU, 1913/La 26. T. Glebova, « Souvenin sur Filonov •• Cahiers du
MNAM, 1983, n• 11, p. 122; en russe voir: T.N. Glifbova, 1. Pougny,« Profession de foi •• in cat. Pougny, op. ciL,
Modem Art, Princeton, 1983. L'Âge d'Homme, 1985, p. 242 (Sotchwnia, op. dt., p. 565)
Vospominanya o P.N. Folonom, protchitann~~ v 1968g. p.59.
14. Sur le Spravotchnik po uviltou (Annuaire de la cou- Cf. aussi« 0 V.S. Soloviovié • (Sur Solovlev), in Sotchllf 2. Ozenfant et Jeanneret, Aprù le cubisme, Paris, Com-
leur), voir : L Jadova. Tsvi~tovaya sis~ma M. Matiou- nia, op. cil., p. 630: • L'acte univen.el de r~urrection est la na viétcMrié pamiati v LOSKH RSFSR • (Souvemrs sur Filo-
nov, lus en 1968 lors d'une soir6e de comm~moration à la mentaires, 1918 (2e ~tion), p. 60.
china • (Le ayat~me des couleurs de M. Matiouchine), pl~nitude, la perfection de la vie de toute la nature, de toua 3. « Zur Einftlhrung •• in cat. Ente nmisdie Kunstau.sstel-
lslcollSSIVo, 1974, n° 8, p. 38-42. les mondes de l'Univen, perfection intellectuelle, esth6 section de Uningrad de l'Union des Artistes de la R~pu-
blique Socialiste Sovi~tique F~~rative de Russie), ~ n lung. Berlin 1922, galerie Van Diemen, p. 13.
1S. Les diagrammes de Matiouchine et de ses ~lhes tique et morale. ,. 4. M. Etkind, Natan Altman, Moscou, Sovietski khoudoj-
(Amsterdam, Stedelijk Museum d'Amsterdam) ont ~t~ 14. M. Matioucbine, • Tchouvstvo tchetvior o du Monde Russe et SovUtique, vol. XXIV (3), juillet-sep-
tembre 1983, p. 332-338, et:• Kak my outchilis' ou Filo- nik, 1971, p. 52.
publi~ par Troels Auden.en, Malevich, op. dt., p. 134-136; izmér~nia •• Archives de la section des manuscrits de la S.« Zur Bl.nfOhrung •• op. c/L, p. 13.
voir d'autres tableaux in Matjuschin und die Leningrader Maison Pouchkine (IRLI), Saint-P~tersbourg. nova ,. (Comment faisions-nous notre apprentissage chez
6. N. KozyriEva, U"'dev• Salnt-~terabourg, Palace Edi-
Avantgarde, Karlsruhe, Oktogon, 1991, p.199-213. 15. M. Matiouchine, • L'œuvre de Paviel Ftlonov . op. cit.. Filonov), ibidem, p. 340-345.
27. Pour le d~tail des œuvres de l'Exposition des Maitres de tion, 1994, p. 8, 10.
16. Boris Elllkr. 1914-1928, Rome, Centra culturale, 1989 p. l(i6; cf. la convergence avec Worringer. 7. Ozenfant et Jeanneret, op. dt., p. 59.
(textes de Gabriela Di Milia et Zoîa Ender Muetti). 16. N. Koulbine, « Svobodnoi~ iskousstvo kak osnova j' l'art analytique, voir T. Glebova, op. dt., p. 119.
8. Voir la repr. de 15 contre-reliefs de U~dev, in U"'dev.
Garmonia i dissonans (0 jizni, smerti i protchem),. 28. Ci~ par T. Glebova, op. dt., p. 119.
Appendix, Saint-PEtersbourg. Palace Edition, 1994, p. 94-
libre comme fondement de la vie. Harmonie et di 29. N. Mialer, « Pavel Filonov, Painter of Metamorphosis ••
in Pavel Filonov: A Hero and His Fate, op. ciL, p. 34-38; en 101.
XIU. L'écx>LE DE FILONOV, p. 351-360 [De la vie, de la mort et du reste)), in Snulia impress· 9. Affiches de l' Agence tél~graphique de Russie.
tov (réd. N.I. Koulbine, Saint-P~tenbourg, 1910): russe in N. Misler, J. Bowlt, Filonov. Analititchesko11
1. Avant la r~volution de 1917, Filonov avait commenœ à extrait est repris dans Die Manifeste und Programms
ne manger que le strict n~ire pour vivre. Ce Rgime ten der russischen Futuristen (réd. V. Markov), Municbl
~tait corn~ de pain noir et de tM avec du jus de canne- Wilhelm Fink, 1967, p. 15-22.
berge : • Eh bien, vous voyez, je me porte bien et même j'ai 17. L'imprégnation dominante du monde paysan est tra-
le teint vermeil[... ]. J'ai parcouru toute l'Europe à pied :je duite picturalement et iconographiquement par Filonov en
n'avais pas d'argent et j'en gagnais au jour le jour comme particulier dans Les Vachlres, Famille paysanne de 1914 ou
manœuvre ... Là aussi on me nourrissait de pain mais il Le Conq~rantdela vükde 1914-1915.
pouvait y avoir aussi du fromage, du vin et surtout autant 18. • Les fchecs des nombreuses tentatives pour rétablir les
de fruits qu'on voulait. C~tait ma nourriture (...]. Je suis "repu de l'amour" à la manière de la première Cène justN
ail~ aussi à J~ruaalem, j'y ai eu faim aussi, j'ai dormi sur un fient suffisamment les catholiques et les orthodoxes, car
parvis d'~gliae, sur des dalles de marbre, dalles que je pour la r~union autour de la table il faut joindre aussi
n'arrivais pas à r~chauffer durant la nuit•• A.E. Kroutcho- l'unité dans le travail en commun, à la liturgie de l'~glise il
nykh, • 0 Pavli~ Filonovif •• in Tvortchutvo, 1988, n° 11, faut joindre une liturgie boMglise. La nutrition est pro
p. 28 (Rd. A.E. Parois). née quand elle se fait jouissance raffin~ et non rétabl'
2. Voir le tract-manifeste de 1914 SdillannyU kartiny (Les ment des forces corporelles par la nourriture en vue du
tableaux œu~ jusqu'au bout), cosign~ par D. Kakabadzé, labeur, de l'~veil de l'âme par un nouveau labeur. En chan-
A. Kirillova, E. Lasson-Spirova, E. Pskovitinov, trad. in geant le pain au levain par des azymes, les catholiques ont
Filonov, Centre Georges-Pompidou, op. cil., p. 108-110. accentu~ la rupture entre la vie et le rite, ont rendu le rite
3. Ibidem, p. 110. encore plus mort. Cette communion a encore perdu le sens
4. W. Worringer, Abstraction et Einfllhlung . Paris, des agapes originelles ("repas de l'amour") qui Runissaient
Klincksieck, 1978 [trad. E. Martineau), p. St. les participants autour d'une seule table, les faisant entre
S. Ibidem, p. 50. eux frères par le sentiment ... N.F. Fiodorov, Filoso
6. Ibidem, p. 43, SS. obchtchevo dilla, t. 1, Ill• partie, op. dt., p. 176-1n (Sotc
7. Ot~ par M. Matiouchine, « Tvortchestvo Pavla Filonova,. nlnia, op. dt., p. 257-258).
(L'œuvrc de Pavie! F'tlonov, 1916), in Annales de la section 19. Jbidem, Il• pertie,pœrim.
des manuscrits de la Maison Pouchkine, 1977, Uningrad, 20. P. Filonov, • Poniati~ vnoutrenneï znatchimolti
1979 (r~d. E.F. Kovtoune), cit~ ici dans la trad. fr. de la iskousstva kak dieïstvouïouchtcheî sily •• in Russian Line-o
revue Continent, Paris, Albin Michel, 1989/1, p. 170, ce ratun, Amsterdam, XI-111, t• avril 1982 (Rd. N. Misler>.i
texte a ~gaiement ~t~ traduit dans cat. Filonov, op. dL, p.282.
p. 84-88. 21. Ibidem, p. 287.
8. M. Matiouchine, La Criation dt Pavt:I Fllonov, in Confi• 22. Mot me! par E. Le Roy, notion approfondie par V
nent, op. cil., p. 168. nadski sur le plan de la seule science et de la Révf lati
9. Une inte~tation iconographique de ce tableau a ~t~ chRtienne. Voir E. Le Roy, Les Origines humaines et l'lvo,c
faite par V. Marcad~, Le Renouveau de l'art pictural russe. lution de l'intelligence, Paris, 1928, et V.I. Vemadski, Filo-
1863-19/4, op. dt., p. 249-250. softkil mysll naturalista (Pen"es philosophiques d'un
10. J.-CI. Marcad~. • Filonov. Le tableau comme site de naturaliste) Moscou, 1988, p. 1251q.
l'~closion univen.elle •• in Ftlonov, Paris, Centre Georges- 23. P. Filonov, • ldeologia analititcheskovo iskousstva i
Pompidou, op. dt., p. (i6. printsip sdiélannosti ,. (L'idwlogie de l'art analytique et
11. A. Kroutchonykh, op. dt., p. 29 (cit~ ici d'après V. Mar- principe de finition), in P. Filonov (1883-/941). Perva
ca~. Le Renouveau de l'art pictural russe. /863-/914, op. penonalnara vystavka, Novosibirsk, Akademgorodok, 1967
dt., p. 249). (Rd. M.Ya. Makarenko).

394
DE 1905 À 1908

Chronologie

Événement de l'avant-garde russe


Événement internationaux Événements arti tique internationaux Autres événement arti tique russes
1905
1905
• En France, IIC!paration de l'Égliae et de • Matis.1e, Lwce, 0,/me et Volup1' (Salon des Indépendants). • Premier numéro de la revue /skousstvo (Art).
l'État • Les Fauves au Salon d'Automne. • Douzième exposition de I' Aslociation des artistes mos-
• Naissance de la SFIO (Guesde, Jaur~)! • Naissance de Oie Brücke en Allemagne. covites (février); triomphe du symbolisme.
• Einstein ddcouvre les photons. • Début des mercredis dans la • Tour », l'appartement
• Construction du premier Kroplane par pétersbourgeois du poète et théoricien symboliate Viatche-
les hlres Wright. slav Ivanov, qui réunit pendant quelques mois poètes, écri-
• Révolution à Saint-Pétersbourg (9 janv.). vains, peintres et philosophes symbolistes.
• Guerre russo-japonaise : défaites russes • Première représentation de L'Or du Rhin au th6Atre
de Moukden et de Tsoushima. Marie de Saint-P6tenbourg dans les décon d'Alexandre
• Insurrection du cuirasse! Potemkine à Golovine (décembre).
Odessa (14 juin).
• Ill• Con~ du parti social-démocrate à
Londres (condamne les mencheviks).
• Manifeste de Nicolas Il accordant à la
Russie toutes les libertés démocratiq
(17 octobre).
Fin de l'absolutisme en Russie.

1906
• En France, Fallières est élu président de - -- - - -- - - -- - - - - - -
• Ernst Cassirer, 1 tome de Das Erbnntnisproblem in tkr
- - - - - - - - - - - - - 1906
• Dernière exposition du Monde de I' Art de Diaghilev à
la République; ministère aemenceau. Philosophie und Wissmschaft der neuen Zeit. Saint-Pétersbourg ; parmi les participants, Bakst, Jaw-
• Réhabilitation de Dreyfus. • E. Verhaeren, La Multiple Splendeur. lensky, Larionov.
• Inauguration du tunnel Simplon. • Mort d'Henrik Ibsen. • Premier numéro en russe et en français de la revue d'art
• En Russie, ouverture en avril de la Pre- • Picasso, Portrait de Gertrude Stein. et de littérature La Toison d'Or de NikolaY Riabouchinski
mière Douma d'Empire (parlement élu). • Matisse, La Joie tk vivre. (qui paraitra jusqu'en 1909).
Stolypine est nommé Premier ministrt1 • Mort de Cézanne à Aix-en-Provence.
( réforme agraire). • Exposition russe organisée par Diaghilev dans le cadre
du Salon d' Automne (Larionov y est présent).
1907
MOIICOU 1907
• Triple Entente (France, Anglete • Triomphe de la cantatrice ~ Fc!lia Utvina ~ l'Opml de Para. • Gorki, La Min.
• Exposition Stépbanos organ~ par O. et V. Bourliouk et M. Larionov : RUS$ie).
première tentative anlipa&,4!iste (outre les frères Bourliouk, y participèrent • Ariane et Barbe-Bleue de Paul Dukas (livret de Maeter- • Première exposition du groupe symboliste La Rose bleue
• Auguste Lumière met au point le pre• link) à l'Opéra-Comique. à Moscou (mars).
bea~coup de futurs membres de l'avant-garde russe : Natalia Gontcharova,
La':1on~v, Lentoulov, Yakoulov, StUrzwage, Baranov), 25 décembre 1907- mier procédé commercial de photogr•~ • Colette. La Re1raite sentimentale. • Organisation de l'association Libre Esthétique groupant
lS Janvier 1908. phie en couleurs. • Gide, Le Retour de l'enfant prodigw. peintres, écrivains, musiciens, collectionneun.
• Fondation de la Shell. • Mort d'Alfred Jarry. • Premier numéro de la revue Staryil gody (Ann6es
• . Quatorziè~e exposition de la Société d'art de Moscou (Malévitch, Kan-
dinsky, Nataha Gontcharova, Vladimir Bourliouk ... ). • En Russie, élection et dissolution de la • Bergson, L'tvolution cnatrice. anciennes) dirigée par Alexandre Benois (qui existera
Deuxième Douma (février). Répressi • Worringer, Abstraction et EinfUhlung. juaqu'en 1916).
des opposants par le gouvernement de • Rétrospective Matisse chez Cassirer à Berlin. .
Stolypine. La Troisième Douma est élue • R6trospective azanne au Salon d' Automne de Pana.
en novembre. • Matisse expose La Joie tk vivre aux Indépendants.
• Conception des Demoiselles d'Avignon de Picasso.
• Septième Biennale de Venise avec une importante_parti-
cipation russe (entre autres, Vroubel, Bakst, Bonuov-
Moussatov, Paviel Koumetsov, Larionov ..•).
1908
Moscou 1908
• Premier Salon de La Toiaon d'Or qui confronte les RIIS!Cs : N. Gontcha- • Clemenceau refuse de soutenir la Rus- • Triomphe de la basse russe Chaliapine dans Boris • Première parution d'une œuvre de V. Khlebnikov (le
sie dans la crise bosniaq ue. Godounov de Moussorgski à l'Opéra de Paris. poème en prose La Tentation du pkheur).
rova, ~on~v, ~ e . et les Français: Bonnard, Braque, Cwmne, Degas,
Maunce Denia, Denun, Van Dongen, Gauguin, Gleizes, Van Gogh, Le Fau- • Les usines d'Henry Ford construisent le • Ravel, Ma wn /'Oye. • Ouverture du cabaret La Chauve-Souris de Nikita Baliev
m~le T de voiture automobile de course. • Braque expose ses toiles précubiates chez Kahnweiler à (f6vrier).

396
397
CHRONOLO GIE DE 1908 À 1910

Événement s de l'a-vant-garde russe ÉYénements artistiques internationaux Autres é-vénements artistique russes
Événement s internationaux
Paria (le critique Vauxcelles parle de peinture « en petits • Premier numt!ro de la revue Satirikon (qui existera
conni~r. M~quet, ~•tisse, t.:fetzinger, Pissarro, Redon, Renoir, Rouault, • Mon de l'empereur de Chine Tseu-111 . jusqu'en 1913).
St!n111er, Signac, S11ley, Vuillard, Bourdelle Camille Claudel ' Ma1"llol ' Pou-yi lui su~. ' cubca »).
Rodin ... (avril) ' • « Notes d'un peintre » de Matisse dans La Grande
• L'Autriche annexe la Bosnie-He
• Quinzi~me et ae~me expositions de la Socit!tt! d'an de Moscou (parti- vine. Revue.
cipation de Malt!vitch). • Brancuai, Le Baùer.
• Fondation à Vienne de la Soci6t6 de psychanalyse.
Kiev
• Le Maillon, organis6 par les Bourliouk et Alexandra Exter ; tract-mani-
feste de David Bourliouk, La Vou ü l'lmprœÙJM/ JtM: Pour la dl'-··
,~,-
de
la peinlure.

Odessa
• Dix-neuvi~me exposition de l'Union des Artistes du Sud de la Russie (par-
ticipation de Kandinsky).

Saint-~tenbo urg
• Expolition Vit!nok t6phanoa avec les Bourliouk, Alexandra Exter• Jaw-
lenaty, Lentoulov (man).
• Les !endan'75 contem~raines en art, organil6e par Koulbine, Lentoulov
et DaVJ~ Bourh~uk ; y t!taient rep~ntt!s les courants suivants : acadt!mique,
nt!orûliste, architectural, La Belle Ligne (Bakst, Alexandre Benois, Bilibine,
Anna Ostrooumova-UWdt!va), Stt!phanœ (les Bourliouk, Larionov, Len-
toulov), le Groupe de la Psychologie d'an (Koulbine), ouvene le 25 avril.

1909 1909
Moscou • Premier numt!ro de la Nouvelk Revue franfOUe fondt!c • Recueil pœtiquc Orgue ü barbarie d'Élt!na Gouro.
• Louis Blt!riot traverse la Manche en • Premier article sur le futurisme dans la presse russe (Le
• ~ellllÎ~me Salon de. La To~ d'Or (y participent Natalia Gontcharova, avion. par Gide.
~~v. Le Fauconruer, Ma ... ) • « Manifeste futuriste » de Marinetti, publit! dans Le Soir du 8 mars (21 man selon notre calendrier)) ; extraits
• ~utes à Barcelone. du premier manifeste de Marinetti paru dans Le Figaro du
• Tro111~me Salon de La Toison d'Or (triomphe du nt!oprimitivisme de Figaro du 20 ft!vricr.
• En Allemagne, dt!mission du chanccliel! 20f6vrier.
Larionov), T1 d«embre 190'J-31 janvier 1910. Bülow. • Le Prods de Jeanne d'Arr, avec Sarah Bernhardt.
• Chaliapine chante Ivan le Terrible et L 'Or du Rhin. • Article de R. Rabor « Le futurisme. Une nouvelle kolc
• Dix-~pti~me exposi~on. de la Socit!tt! d'an de MOICOu, parti pation de • Taft est !!lu prt!sident des états-Unis. littt!rairc » (mai).
Malt!VJtch avec, en particulier, La Cueilleae da fkun (1909-1910). • Premi~re saison des Ballets russes de Diaghilev au ChA-
tclct avec Anna Pavlova et Waslav Nijinsky (mai). • Recueils pœtiques d'Igor St!vt!rianinc (Le jardin, lui,
Saint-~ • Maeterlinck, L 'Oùeau bleu. embaume; Couleun intuitives).
• Gide, La Porte ltroite. • La galerie française Lemercier ouvre à Moscou et orga-
• ~lion VWnok t6phanos, organil6e par les fœres Bourliouk (man- nisera des expositions jusqu'en 1917.
avnl). • Toiles pr6cubistes au Salon d' Automne à PariL
• Proust commence À la recherch~ du temps perdu. • « Salon » de Scrgucî Makovski ; panicipation de David
• E~posi~ion Les lmpressionnl tes, organiMe par Koulbine ~- Gouro, Bourliouk, Kandinsky, Jawlensky, Marianne Wercfkin,
Mabouchtne, Buanov, Kamienski, Kroutchonykh ... ), mars. • Fondation de la Ncuc M0nchcner Kllnstlervcreinigung
(pn!sidcnt : Kandinsky ; membres russes : Marianne Yakoulov.
Kherson Wcrcfkin, Jawlcnsky, Bekhtt!'iev ... ). • Premier numc!ro de la revue d'an et de littt!raturc Apol-
lon de Scrgucl Makovski (octobre), qui existera jusqu'en
• ~ition La Guirlande (VN!nok) organiste par David Bourliouk (aept.). 1917.
Wilno • Recueil symboliste Où alloru-rwus? (automne) : parti-
• Exposition Les Impressionnistes (ddœmbre).
cipation d'Andrcî Bit!ly, Scrguel Makovski, membres de
La Rose bleue.
Odessa • Fin de la parution des revues symbolistes La Balance et
La Toison d'Or (déœmbrc).
• Vm~me exposition de l'Union des Anistes du Sud de la Russie (automne). • Uninc, Matlrialisnu et Emplrlocrltkùme (MOICOU ).
Ode~ Kiev, Saint-Pt!terabourg. Riga
• Pre_mier Sali?~ de VI. lulebski Exposition internationale (n6 numt!ros ;
panru les_ partictpan_ts : N. Altman, Bonnard, Braque, Balla, Bakst, Bekh-
t8ev, _Vu1llard, !"fananne Werefkin, Gleizes, Maurice Denis, Van Dongen,
Kandtnsky, Larionov, Lentoulov, Machkov, Matiouchine Odilon Redon
~ouault, Signac, Le Fauconnier, Aleliandra Exter, Jawiensky ; dessin;
d enfanta), du 4 d=mbre 1909 au 7 juillet 1910.

1910
1910
• Monde Vroubel (avril).
Pro~nce de Tauride (l'Hy/h d'Ht!rodote) en Ukraine. • Rt!volution au Mexique. Allemagne
• Monde Tolstol (novembre).
• St!Jo~ de ½trionov ~t de Khlebnikov dans la proprit!tt! des Bourliouk, • George V, roi d'Angleterre. • Catalogue de l'exposition de la Neuc K0nstlervcrcini-
Tchern1anka, heu de na1SSance du futurisme russe. gung (textes de Le Fauconnier, David et Vladimir Bour- • Publication de l'article « Les futuristes de M. Kouz-
liouk), Kandin ■ ky et Odilon Redon se rendent à mine, pœte et tht!oricien du clarismc (n6o-classicismc en
Odessa Munich. pœsie), septembre.
• Fondation de la galerie et de la revue Der Sturm 6 Ber- • Kamicnski, La Hutte ,u te"e (roman) ; Igor St!vc!rianine
• Deux~me Sal~n de VI. Izdebsti Exposition internationale d'an. Partici- Le Collier de la prlnce,:se (recueil po~tique) : Andreî
pants: les Bourbouk, Marianne Werefkin, Natalia Gontcharova, Koulbine, lin.

398 399
CHRONOLOGIE DE 1910 À 1911

Événements de l'avant-garde russe Événements internationaux Événements artistiques internationaux Autres événements artistique russes

Kandinsky, Larionov, Falk, Tatline, Yakoulov, Jawlensky; dessins France Biély, Le Symbo/i.Jme (recueil) et La Colombe d'ar,t1nt
d'enfants; section industrielle; dans le catalogue, textes tMoriques de Kan- • Jacques Rouché, directeur du ThéAtre des arts (roman).
dinalty (Le Contenu et la Forme), Koulbine, SchOnberg (1910-1911). • Deuxième saison des Ballets russes : Schlhlrat.adt1 de • Premier numéro de la revue bolchévique légale L'&oile,
Rimski-Korsakov (décon de Bakst); L'Oist!DU th feu de éditée de l'étranger par Lénine.
Ekatérinoslav Stravinslty.
• Onzième exposition de peintures de la Société d'art et de tMttre d'Eltat~ • A. von Webern, OrchuterstUclœ, opus 6.
rinoslav (participation de Kandinsky), d6cembre. • Péguy, Le Mystlrt de la charltl de /t(JIIM d'Arc.
• Claudel, Cinq gronda odes.
Saint-Pétersbourg • Picasso, Portrait d'Ambroise Vollard.
• Création de l'organisation artistique d'avant-garde L'Union de la Jeunesse • Mort du Douanier Rousseau.
par É. Gouro et Matiouchine (16 février). • Arrivée de Mondrian à Paris.
• Premibe exposition de L'Union de la Jeunesse avec Larionov, Natalia • Lea plans de Gaudi pour la Sagrada Familia sont expoaés
Gontcharova, Machltov (ouverture let• mara). à Paris.
• Exposition de tendance impressionniste organ~e par N. Koulbine Le
Triangle. La Guirlande. Stéphanos (ouverte le 19 mars); tract de D~vid Italie
Bourlioult, À propos des Lettres artistiques th M. AIUIIN.lre Benois, distri- • Manifeste da pdntru fulurutes (Boccioni, Carrà, Balla,
bué à la fin de l'exposition, le 4 avril Severini), 11 février.
• Publication par Koulbine du Studio des impressio1111ista (mars). • Tract Venise fulurute (Contro Venet.ia p03Jatista), en
• Almanach Le Vivier aux juges (mai). français et italien, lancé le 8 juillet de la tour de l'Horloge à
Venise et signé par les poètel Marinetti, Buzzi, Palazzes-
Riga chi, Cavacchiolo, Mazza, Altomare, Folgore, Carrieri, et
• Demme exposition de L'Union de la Jeunesse que V. Markov fait venir les peintres Boccioni, Bonzagni, Carrà, Russolo, Severini.
de Saint-Pétersbourg ; parmi les nouveaux participants, V. et D. Bourlioult, • Exposition de Ruasolo, Boccioni, Carrà à Milan
A. Exter... (décembre).
• Giorgio de Chirico, L 'Enigma dell'Oracolo Cambridge.
Moscou • Whitehead, Russel, Principia mathonatica.
• Première exposition du Valet de Carreau or3ani1ée par Larionov ;
triomphe du cézannisme et du nfoprimitivisme (10 décembre 1910-
janvier 1911).
• Première exposition du nouveau Monde de l'art.

1911 1911
Saint-Pétersbourg • Conflit franco-allemand à propos des Allemagne • Naissance, à Saint-Pétersbourg. du mouvement poétique
• Troisi~me exposition de L'Union de la Jeunesse (13 avril-13 mai). colonies du Maroc: coup d'Agadir; occu- • Kandinsky et Marc fondent Der blaue Reiter (Le Cava- c ego-futuriste» d' Igor Sévérianine (automne).
• DeUXJème Congrès panrusse des artistel. Koulbine y lit la première ver- pation de Fez par l'armée française ; pro- lier bleu) à Munich. • Bénédikt Livcbits, La Fltlte th Man (recueil poétique);
sion russe de Du spirituel dans l'an de Kandinsky ; S. Bobrov fait un exposé tectorat français au Maroc. • Ente Ausstellung der Redaktion Der blaue Reiter à la Igor Sévérianine, Vers 1/ectriqUt.s, Ruisst1aux vltus dt! /yJ,
sur• l..el fondements de la peinture contemporaine» (fin décembre 1911- • La bande à Bonnot terrorise Paris. galerie Tannhauser à Munich. Prologue ego-futuriste (recueils poétiques) ; Bolchakov,
début janvier 1912 selon le calendrier russe). • Révolution chinoise. • Parution en allemand de la première version de Ober dos Mosarq11e (recueil poétique) ; Scriabine, Promlthlt!
• Quatrième exposition de L'Union de la Jeunesse (1911-1912) • Guerre italo-turque. Geistigt1 in der Kunst de Kandinsky (daté 1912) chez Piper (poème symphonique syntbétiste ).
• Amundsen alleint le p61e Sud. à Munich. • Ouverture du cabaret arti1tique Le Chien errant
Moscou • Assassinat de Stolypine à Kiev • SchOnberg écrit son traité Harmonielehrt. (déce(nbre ).
• Dix-huitième exposition de la Société des artistes moscovites (Yaltoulov (septembre). • Mort du peintre Sérov (22 novembre).
Kandinsky, Machltov .•• ), mars. • France
• Représentation du drame populaire épique Le Tsar Maxhniane et son fils • Adaptation au théAtre des FrireJ Karama:ov par
Adolphe dans des décors de Tatline et une mise en scène de Tomachevalti. Jacques Copeau (Paris, ThéAtre des artl).
• Premier Salon moscovite (tableaux de Malévitch intitulés série des • Le Martyre de saint Slb03tit1n de Debuaay (texte de
« Jaunes . série des• Blancs», série des« Rouges»). d'Annunzio) avec Ida Rubinstein.
• Matisse vient à Moscou et à Saint-Pétenbourg (automne). • Première audition intégrale de L'Anneau du Niebelung,
• Rétrospective d'un jour de Larionov à la Société de libre esthétique tétralogie de Wagner.
(124 œuvres de l'impressionnisme au néoprimitivisme du cycle des • Troisième saison des Ballets russes : Le Spectrt th la rrue
• Soldats • ), 8 décembre. de Weber avec ijinsky, Narcisse de Tcbérepoine (décors
• Larionov et Natalia Gontcharova rompent avec Le Valet de Carreau. de Bakst), Sadko de Rimski-Korsakov, Pltrouch/ca de Stra-
vinslty (décon d'Alexandre Benois), Le Lac~ ~gna de
Odessa Tchalltovslti. La Roussa/Jca, opéra de DargomYJski.
• Kandin$lty public son article russe « Où va le "nouvel" art ? dans • Qaudel: L 'Otage, L 'Annonce faite à Mam.
La Nouvtllts Odessitts. • Colette: La Vagabonth.

• Naissance de l'École fantaisiste (Francis Carco).


• Braque, Le Portugais.
• Scandale de ta salle cubiste au Salon des indépendants et
au Salon d'automne à Paris.

~tats-Unil
• Première expœition de Picasso à la galerie 291 (New York.).

400 401
DE 1911 À 1913
CHRONOLOGIE

Événements artistiques internationaux Autres événements artistiques russes


Événements de l'avant-garde russe Événements internationaux

1
•talie
Carn. Russolo, Boccioni participent à l'Exp0Slb0n
· · d'An
libre à Milan. .
• Conférence à Rome de Boccioni sur c Le dynam11me
picturù • (29 mai).
1912
1912 • Éléna Gouro, Rive d'automne (recueil poétique) ;
Saint-Pétersbourg • Proclamation de la République chinoisd Allemagne . Kroutchonykh et Khlebnikov, Jeu en enfer, Mond4rebo~
• CenteMale de la peinture française (1812-1912): Manet, Monet, Renoir, de Sun Yat.SCn (1- janvier). • Exposition Der blaue Reiter à Cologne_, Mumch et Ber• (recueils poétiques); Krou~cb~nyk~, Amour ancien
Sialey, Picasso, Bonnard, Vuillard, Seurat, Signac, Redon, Gauguin, • Premi~re guerre des Balkans. Alliancd lin Qanvier-mai). Des œuvres de Nataha <;,ontcharova,
(recueil pœtique); Igor Sévénanme, L ~,pole~ de~
Cfzanne, Vlaminck •.. de la Serbie, de la Grke et de la Bulgari41 Larionov et M~vitch sont ptâentées à Berhn. songeru1e, Épilogue ego•futurilte (recueils pœt1ques).,
• Almanachs n 1 et 2 de La Sociltl d'artistes et L'Union de la Jtwiesse ; contre la Turquie. • Deuxi~me venion de Ober das Gei.rn,e in der Kunst de Guéorgui lvanov, Dlparl pour l'ile de Cythlre (r~cueal
article de V. Markov,« Les principes du nouvel art•• mai et juin. • Naufrage du Tilanic. Kandinsky (avril). . . . de I' . 1 pœtique); Folanov. Poàu alro_planu_ (recueil pœnque) ;
• Sixi~me exposition de L'Union de la Jeunesse (rayonnisme de Larionov) • Occupation du Nicaragua par les Étatst • Almanach Der b/aue Reiter (m11). Pubhcataon ~e Jgnatiev, Prb du tMArrr (recueil pœttque); N. EvreYnov,
5 dkembre 1912-10 janvier 1913. Unis. de David Bourliouk c Die Wilden RuBlands •• traduit du
Le ™4tre en tant que ta.
• Conférence de Kandinsky sur « Le cri~re d'évaluation d'une peinture à • Thomas Woodrow Wilson est élu prési1 russe par Kandinsky. . • Le groupe des Ego-futuristes publie deux numéros du
l'As.,ociation d'art et de thUtre (automne). dent des États-Unis. • Rétrospective Kandinsky (1901-1912) à la galene Der journal : Le Hlraut pltersbourgeois et trois almanachs :
• Expœ6 de Maiakovslci « Sur la pœsie russe la pl111 moderne ,. (L'Union • Visite du Premier ministre Raymon4 Sturm (Berlin). L'Uim orange, La Chaina dt verre, La Algla au·deslul
de la Jeunesse, 20 novembre). Poincaré en Russie. • Exposition internationale du Sonderbund à Cologne.
• Gr~ves dans toute la RIISlie (mai). • H. W0IOin, Le Problème du nyle dans la am pla.rtlqua. de l'abtme. • à Sa'
• Ouvenure du Bureau de Nadiejda Dobytcbana ml·
Moscou • Premier numéro du journal bolcbe • Worringer, Problème de la forme dans le godrique. Pétersbourg, premi~re galerie_privée russe. qui organisera
• Deuxi~me expoeition du Valet de Carreau (sans Larionov ni Natalia La Pravda (La Vérité), 22 avril. des expositions d'avant-garde Jusqu'en 1918.
Gontcharova) qui confronte les peintres russes (les fnres Bourliouk, Kan• • Élections à la Quatri~me Douma (p~ Angleterre .. . . . --•,_;..a;.,
dinsky, Jawlensky, Lentoulov, Alexandra Extcr, Koulbioe ... ) aux peintres gression des bolcheviks). • Deuxi~me exp0S1lion post•unpressionni&te "'&-- par
de Paris (PiCIIIIIO, Le Fauconnier, Friesz, Matisse, Oleizea, Uger, Derain, Roger Fry à la Grafton Gallery de Londres.
Van Dongen ... ) et aux peintres allemands (Kirchner, Macke, Marc,
Gabriele Milnter, Heckel...), ouverture le 23 janvier. France ali . )
• Débat public organisé par la nouvelle association artistique Le Valet de • Saison d'opéra italien (Caruso et 0a apme .
Carreau ; conférences de Koulbine sur « L'art libre comme fondement de la • Quatri~me saison des Ballets russes : Le Dieu bleu de
vie •• de David Bourliouk sur « Le cubisme et les autres tendances de la Raynaldo Hahn (Cocteau); Thamar de Balakirev (Bakst);
peinture"• du ~te Volochine sur« Cfzanne, Van Gogh, Gauguin,.; lec- scandale de L'Aprts-Midi d'un faune de De~ussy (Bakst,
ture de la premi~re version russe de Du 1piriluel dans l'art de Kandinsky (12 premi~rc chorégraphie de Nijinsky) ; Dapt,nu et Chi« de
~vrier). Ravel. Les Ballets russes se rendent à Berlm et à Dresde.
• Deuxi~me débat public du Valet de Carreau sous la prâidence de Kou· • Uon-Paul Fargue, P~mes. .
tchalovski; expolléa d'Axionov sur« L'art contemporain•• de David Bour• • R. Delaunay. série des « Fenetres ,. et prmœres Forma
liouk sur« L'art contemporain en Russie et la mani~re dont il est reçu par la circulaira. . Sal
critique,. : Maïakovski prepd part à la discussion (24 ~vrier). • Kupka expose ses premi~res œuvres abstraites au on
• Exposition La Queue d' Ane : participation de N. Gontcharova, Malévitch, des Indépendants.
Tatline, Chagall... (11 mars-21 avril). EMuil avec la censure à cause des • Oleizes et Metzinger, Du cubil~. . . .
compositions religieuses de Natalia Gontcharova jug6ea inconvenantes dans • Premibre exposition des futunstes 1tabens à la galene
une exposition ainsi intitul«. Bernheim-Jeune. Cette exposition voyagera à Londres,
• Cinqui~me exposition de L'Union de la Jeuneue dans le cadre de La Berlin Amsterdam, Vienne ...
Queue d' Âne. • ~tion La Section d'or à la galerie La Boétie.
• Exposition La Peinture contemporaine (Malévitch, Tatline), 1912-1913. • Maurice Denis, Noria.
• Livres lithographiés futuristes: Jeu en enfer de Kroutchonykh et de Khleb- • André Salmon, La Jeune Peinture française.
nikov, illustré par Natalia Gontcharova ; Amour ancien de K.routchonykh • Boccioni, Manife1te technique de la peinture fi,1urute
illustré par Larionov (octobre) ; Mondàrebours de Kroutcbonykh et de (septembre). .
Khlebnikov, illustré par Natalia Gontcharova, Larionov, Tatline, Rogovine. • Apollinaire fonde la revue La Soitia de Pans.

Ékatérinodar
• Exposition La Peinture contemporaine, organisée par Koulbine (Vladimir
Bourliouk, Lentoulov, Kandinsky, Baranov... ), ouvene le 15 février.

- -- - - 1913
1913 • Marietta Chaguinian, Orientalia (recueil pœtique aym•
Moscou • Deuxibme guerre des Balkans. États-Unis . gli (f'.1. • )l boliste ) ; Igor Sévérianine, La Coupe qui bout en to_nnant
• Exposition française L'Art contemporain ; œuvres des Nabis, fauves, • Raymond Poincaré est élu président de • Annory Show organisée par A. ttc tz .,vner-man (o117.C rééditions); Fofanov La JonB_leun-Nerft.; Gniedov,
cubistes et La Femme en bleu de Uger (ouverture le l" janvier). la République françaile. New York et à Chicago. Marcel Duchamp '1 expose le Nu P,bent aux 1enriments ; CherchénéYJtda, Comuna, !'«ons
• Quatri~me exposition Le Valet de Carreau (venion abrégée de la troi• • Ouvenure du canal de Panama. descendant un ucalitr. extravagants (recueils pœtiquea, couven~res et illustra•
si~me exposition de Saint-Pétersbourg), mars. • Traversée de la Méditerranée en aviODI tions de Uev Zack); lvniev, Lajlammt brille (couvenure
• Recueil d'articles théoriques Le Valet de Correau. par Roland Garros. Allemagne . de Liev Zack) ; Bolchakov, Le Futur, f:e Cœur gantl
• Débat public organisé par Larionov sur« L'Orient, le nationalisme et • Commémoration du tricentenaire de la • Exposition Enter deutscher H~~bs~lon à la gal~ne Der (recueils pœtiques); lvniev, Autocrlmat,'?n (3 v~lume~
l'Occident ,. ; expoeés de Larionov sur « Le rayonnisme de Larionov et maison Romanov. Sturm à Berlin (automne). PartiClpatton de Kandinsky et j111qu'en 1946), La flamme flambloie (recuctla ~ttques) ,
d'I. Llanévitch sur « Le futurisme de Marinetti ,. ; Zdanévitch exhibe un • Le juif Beîlis est jugé à Kiev pour, de Yaltoulov. . Anton Lotov (alias : Bolchakov), Record (recueil de vers
soulier d'homme et déclare qu'il est plus beau que la Vlnus de Milo ; scan• meurtre rituel (septembre). • Publication des mémoires artistiques de Kandinsky en aile· transmentaux avec exp6rimentation1 graficoverbales);
dale, intervention de la police, inculpation de Larionov (23 man). mand. RUclcblickt, dans le Sturm Album (Berlin. automne).

403
402
CHRONOLOGIE 1913

Événements de l'avant-garde russe Événements internationaux Événements artistiques internationaux Autres événements artistiques russes
• Exposition de Larionov La Cible : œuvres néoprimitivistes et « rayonniltes • Rétrospective Delaunay à la galerie Der Sturm. V. Cherchénévitch, Le Futurisme sans masque (e158i) ;
réalistes • de Larionov et de Natalia Gontcharova, participation de Kirill • Publication du recueil poétique de Kandinsky KI/Jnge Andreî Biély, premi~re version de son roman cubiste
Zdanévitch, Le Dentu, Malévitch, Chagall, Ermilov, du peintre naîf geor,. (Munich). Pltenbourg ; Blok, La Rose et la Croix.
gien Niko Pirosmanachvili, exposition de dessins d'enfants, d'anonymes • Husserl, /dies pour unt p~no~no/ogk pure. • Almanachs des ego-futuristes de Saint-Pétersbourg :
modernes, d'enseignes (24 man-7 avril). Exposition des mod~les d'icônes et • Freud, Toœm et Tabou. Dom d Adonis, Zassakhare Kry (couverture de Liev
des images populaires russes (loubok) organisee par Larionov ; preface au • Thomas MaM, Mond Venise. Zack), Mets lu voilu / Mais oh&, Toujourlt, E n ~ I .
catalogue signée par Larionov et Natalia Gontcharova sur « L'image popu- • Mise en scène du Cadavre vivant de Tolstoî par Max Crdnu mis sens dessus dasous, L'Errant enchantl (n' ).JO
laire perse et hindoue ». Reinhardt à BerlilL de 1913 à 1916).
• Livre-manifeste de Larionov u Rayonnisme (avril). • Manifestes d'Ipatiev, L'Ego-fulUrisme, et de Gniedov,
• Monographie Natalia Gontcharova. Mikhal1 Larionov d'llia Zdanévitch. Angleterre Mondl'art.
• Manifeste et almanach des « aveniriens ,. et des rayonnistes La Q,u,u • Edward Gordon Craig. Ver.s un nouveau thldtre. • Almanachs du groupe poétique moscovite La Mezzanine
d'Â~ et La Cible: « Nous, les peintres des voies futures de l'art, nous expri- de la poésie: Vernissage, Le Festin pendant la pute (cou•
mons notre mépris total envers ceux qui s'appellent ego-futuristes, neofutu- Suisse venures de Liev Zack), u Cnmatoire du bon sens.
ristes, ce sont des goujats incapables, comme les valets, les gifleurs et ceux • L'institut d'an Jacques-Dalcroze de Hellerau monte • Almanach du groupe futuriste moscovite La Centrifu•
de L'Union de la Jeunesse •) ; premiers pœmes-tableaux russes (juillet). a
L'Annonce faite Marie de aaudel et OrphLe et E,uydke geuse, Lyriqiu (couverture de Bobrov).
• Rétrospective de Natalia Gontcharova (m œuvres), ao0t. de Gluck. • Almanach La Lune cnvh (contient l'article ~orique
• Almanach Gifle au goQt public (publié en janvier 1913) : premier mani• France de Bénédikt Livchits « La libération du mot•), automne.
feste des futuraslaves David Bourliouk, Kroutchonykh, Maîakovski, Khleb- • L'institut d'art Jaques-Dalcroze de Hellerau monte • Otapitre sur le futurisme italien dans le livre du journa-
nikov, qui formaient le groupe Hylu. L 'Annonce faiJe d Marie de Claudel et Orphk et Eurydi« liste et écrivain M. Ossorguine, Croquù de l'Italie conœm-
•u Mot comme tel, manifeste de Kroutchonykh et de Khlebnikov illustré de Gluck. porabtL
par Olga Rœanova et Malévitch. • La Prose du Transsibhien et de la petite Jehanne de • Article du pœtc symboliste Brioussov « Les futuristes •
• Ouverture du cabaret à scandale La Lanterne rose (19 octobre); à Frana (pœme simultané, texte de Cendran, peinture de (man).
l'entracte, N. Gontcharova et Larionov se proposaient de peinturlurer le Sonia Delaunay-Terk). • Alexandre Blok, pièce symboliste La Rose el la Croix
visage de ceux qui le voudraient ; le scandale créé provoqua l'intervention • Inauguration du théâtre des Champs-Élysées (Auguste (théâtre).
de la police qui ferma le cabaret. Larionov et Bolchakov se prom~nent dans Perret, sculptures de Bourdelle) avec un récital de la balle• • Meyerhold, Du thldtre.
MotCou avec leur maquillage futuriste. Manifeste de Larionov et d'llia Zda· rine russe Anna Pavlova. • Ivan le Terrible et son fils, tableau classique de Riépine
névitch Pourquoi nous nous peinturlurons? (automne-hiver). • Premiers films de Max Linder. (naturalisme des Ambulants) est lacéré par un malade
• Manifeste Da (Manifeste Oui) lancé par les« toutistes ,. Ilia Zdanévitch et • Mise en sc~ne de Ham/et par Lugné-Poe au ThéAtre• mental (janvier).
Le Dentu (fin de l'année); devait !tre suivi par un Manifeste Niel (Manifeste Antoine.
Non) ; la guerre de 1914 mit fin au projet. • Jacques Copeau fonde la Compagnie du Vieux-Colom-
• De~me exposition La Peinture contemporaine (1913-1914). bier.
• Livres futuristes : Ml-vivant, Pomade (illustrations de Lari<f.nov) et Lu • Cinqui~me saison des Ballets russes : La Khovanchtchina
Ermites (illustrations de Natalia Gontcharova) de Kroutchonykh (février) ; de Moussorgski ;Jeux de Debussy avec Nijinsky (décors de
u Missel du trois de Khlebnikov, Maîakovski, David et Nikolaî Bourliouk Bakst) ; La TraB'die de Salo~ de Aorent Schmitt ; scan-
(illustrations de David, Nikolaï et Vladimir Bourliouk, Maîakovski, Tatline), dale du Sacre du printemps de Stravinsky (chorégraphie de
avril ; Lu Gardiens de la vigne de Bobrov (illustrations de Natalia Gontcha- Nijinsky, décors de Roerich).
rova), juillet ; Bouchon de Khlebnikov, David, Vladimir et Nikolaï Bour- • Apollinaire, Alcools; Barrb, La Colline ilupirk ; Proust,
liouk (illustrations de Vladimir Bourliouk), octobre; Moi Ide Maîakovski À la recherche du temps perdu. I. Du c6tl dt che1. Swann ;
(illustrations de Tchékryguine, Jéguine et Maîakovski lui-meme ), juin. Gide, Les Caves du Vatican ; Péguy, La Tapisserie de
• A. Grichtchenko, Du liens de la ptintun russe av« By1.ance et l'Occident. Notre-Dame; Saint-John Perse, tloges ; Jules Romain, La
• A. Chevtchenko, u Nloprimitivisme. Sa thlorit. Ses pœsibUitb. Su ~ali• Copauu
sations (novembre) ; Lu Principes du cubisme et da autres courants contem- • Mondrian. série des « Arbres ».
porains dans la peintun de tous la œmps et de tous lu peuplu. • Exposition de sculptures de Boccioni à la galerie La Boé-
tie.
Saint-Pétersbourg • Apollinaire, Lu Peintres cubistes.
• Le Vivier aux juges n• 2 (manifeste et almanach des futuraslaves • Premiers papiers collés de Braque et de Picas.10.
« hyléens ••éd.de Matiouchine La Grue), mars; almanach n 3 L'Union de
la Jeunesse (avec la participation des pœtes d'Hylée ; illustrations d'Olga Italie
Rozanova et de Chkolnik), avril. • Ardengo Soffici, Cubismo e oltri.
• Livres futuristes : Pif•paf foru~r de Kroutchonykh et de Khlebnikov • Premier numéro de la revue futuriste Lacerba à Flo-
(illustrations d'Olga Rozanova, Koulbine, Kroutchonykh ; éd. « Jéouy de rence.
Matiouchine), juin; Explosant (illustrations de Koulbine, Olga Romnova, • B. Croce, Breviario de estttica.
Malévitch, Natalia Gontcharova) et G"... ondo1111 de Kroutchonykh (illus•
trations de Malévitch et d'Olga Rozanova ; éd« léouy •),juin; La Porcelets
de Zina V. et de Kroutchonykh (éd.« léouy •), aoQt; Lu Trois de Khlebni-
kov, Kroutchonykh, Éh!na Gouro (illustrations de Malévitch; éd. La Grue),
qui contient l'article théorique de Kroutchonykh Les voies du mol • où est
utilisé pour la première fois le mot« taoum • (transmentalité), septembre;
u FuJur, pœme lithographié de Bolchakov (illustrations de Natalia Gont•
charova et de Larionov ; le livre fut saisi à cause des dessins de Larionov
jugés scandaleux), septembre ; Le Diable et les Cnateurs dt langage de
Kroutchonykh (couverture d'Olga Rozanova; éd.« léouy »), décembre.
• Troisième exposition du Valet de Carreau (David Bourliouk, Alexandra Exter,
I..cntoulov, Tatline, Braque, Piamo, Le Douanier Rousseau, Le Fauoonnier... ).
• Deux débats publics organises par L'Union de la Jeunesse; ellJ)OSés de
David Bourliouk sur« L'art des novateurs et l'art académique des x1x• et

404 405
CHRONOLOGIE DE 1913 À 1914

Événements de l'avant-garde russe Événements internationaux Événements artistiques internationaux Autres événements artistique russes

XX' si«lea ,. et sur Les facteun d'images dans la phonétique russe , de


Malévitch sur« Le Valet de Carreau et La Queue d'Ane», de Nikolaî Bour-
liouk sur « Le contre-mythe • • de Kroutchonykh sur « La d6mystific:ation de
l'art moderne ,. ; tract-manifeste d'Olga R02anova (23-24 man).
• Reprise de la r6trospective de Natalia Gontcharova ; pr6face de Larionov
et de Natalia Gontcharova ; conférence d'llia Zdanévitch sur le toutisme
(octobre-novembre).
• Septi~me et derni~re exposition de L'Union de la Jeunesae
(10 novembre 1913-10 janvier 1914); participation des fr~res Bourliouk,
Klioune, Malévitch (réalisme transmental et réalisme cubo-futuriste),
Matiouchine, Pougny, Olga Rozanova, Maria Siniakova, Filonov, Alexandra
Exter et exposition posthume d'Éléna Gouro.
• Deux spectacles cubo-futuristes au tMAtre Luna-Parc : Vladimir Mara-
lcovslci. Tragldle de Malakovslti (d&:on de Filonov et de Chkolnik) La Vlc-
toin sur k Soleil (Maliouchine) (prologue de Khlebnikov, livret de Krout-
chonykh, décors et costumes de Malévitch, premiers embryons du
«quadrangle,. noir de 1915).
• Confl!rence de Koulbine sur « Le jour à venir et l'art du futur ,.
(13~mbre).
• Conférence du critique littéraire Alexandre Smimov sur « Le simulta~ ,. au
caveau artistique Le Chien errant (intervention de Yakoulov), 22 dœembre.
• Conférence de Maïakovski « Les Réalisations du futurisme ,. (11 novem-
bre) et• Réponse à Maïakovski de Marinetti,. (31 dœembre 1913 (13 jan-
vier 1914 selon notre calendrier)).

Uusikirko (Finlande)
• Mort d'Éléna Gouro.
• Premier Congrà des bardistes de l'avenir ; Matiouchine, Kroutchonykh et
Malévitch lancent un manifeste oil ils annoncent la création du tM4tre Le
Futuraslave (18-19 juillet).
• Deux traductions russes du traitl! Du cubisme de Glei7.es et de Metzinger.
• Brochure-pamphlet de David Bourliouk La Benois braillards et le nouvel
an russe.

1914 1914
Moscou • Assassinat de l'archiduc François-Fe Allemagne • Igor Sév~rianinc, Aurilyn (six ~ditions), Mlmorines des
• Venue de Marinetti; Larionov menace(« de mani~re figurée•)« de cou- nand à Sarajevo (28 juin). • Dcuxi~mc édition de l'almanach Der blaue Reiter (mars). atrocitb allemandes (recueils poétiques); Bobrov, Thbne
vrir ce_ renégat d'a:ufs pourris et de l'arro&er de yaourt •· Lettre publique de • Premi~re Guerre mondiale (aoOt). • Hugo Ball propose de jouer Der gelbt Kiang de Kan- lyrique ; Boris Pasternak, Le Jumeau dans les nule:s ;
Malévttch prenant la défense de Marinetti contre Larionov (février). • Assassinat de Jean Jaur~. dinsky au Künstlenheater (printemps). Assl!îev, FIQte nocturne (couverture de Bobrov), Zor ,
• Ouatri~me exposition du Valet de Carreau ; participation d'Alexandre • Grhe à l'usine Poutilov de Saint- Bojidar, Le Tambourin ; Eléna Gouro, La Chame/ets du
Exter, Malévitch, Morgounov, Lloubov Popova, Braque, Picasso... (février). Pétenbourg ; la police tire sur les gr\!• Angleterre-États-Unis ciel (pœrnc); Kroutchonykh, Le Diable et les Cmueun de
• Exposition de N° 4 ; Larionov prl!sente ses a:uvres « pncumo- vistes (3 juillet). • Publication de The An of Spiritual Harmony, traduction langage; B. Livchits, Soleil de loup (iUustrations d'Alexan-
rayonnistes • ; parmi les autres participants : Natalia Gontcharova, • La Pravda est interdite. de Du spirituel dans l'an de Kandinsky (avril). dra Exter); Anna Akhmatova, Chapelet.
Kamienski_ (Pobnu en bhon armi'), Le Dentu, Alexandre Chevtchenko, • Saint-Pl!tenbourg est rebaptiau Pétro- • Manifeste et recueil des Vorticistcs, Ezra Pound, Wynd- • Almanach du groupe futuriste La Centrifugeuse, Bras-
Tchékrygumc (mars). grad. ham Lewis, B/ast (Londres). jamba (couverture de Bobrov).
• David Bourliouk et Maîakovski sont cxpul~s de l'Écolc de peinture, • Défaites russes en Prusse orientale. • J. Joyce, Gens de Dublin. • Almanachs futuristes : La LuM Clffff, Le Lait des cavala.
sculpture et architecture (février). • Entr~e en guerre de la Turquie, aux • Deux livres paraissent qui lient le futurisme à la patholo-
• Voyage de Tatline à Berlin et à Paris (il rencontre une fois Picasso dans côtés des Allemands. France gie : A. Zakcrjcvski, La Chevalim de la folie (la /ulu-
son atelier en mars). • En Chine, dictature de Yuan Che-k'ai. • Premiers calligrammes d'Apollinaire. rina) à Kiev et E. Radine, Futurisme et Folk, à M05COu.
• Exposition des reliefs picturaux de Tatline dans son atelier de la rue Osto- • Salon des lnd~pcndantl : a:uvres de Pougny, Matiou- • Préface de Cherchén~vitch à la traduction en russe des
jenta (10-14 mai). chinc, Bourliouk et Malévitch ; cc dernier expose Le Manifestes du fua,risme italien.
•. Li~ futuri~tcs : Jeu en enfer de Kroutchonykh et de Khlebnikov (2' édi- Samovar, Ponrail de Kliounkov et Le Matin aprù la Mige • Traduction par M. Engelhardt d'un volume de Marinetti,
tion ; 1llustrat1ons d'Olga Rozanova et de Malévitch), février; Vladimir au village. Futurisme.
~aralcovslci. Tragldie de Maratovslti (td. « Compagnie litttrairc des Cutu- • Marcel Duchamp ligne ses prcmicn ready-madc. • Article de V. Khovine sur « Le futurisme et la guerre
nstcs Hylu •• montage typographique de Vladimir et de David Bourliouk) ; • Exposition Natalia Oontcharova et Mikarl Larionov, dans le 6' almanach ego-futuriste L •Errant enchantl
Tango avec les vacha. P<Hma en ~ton anM de Kamienski (illustrations de galerie Paul Guillaume (17-30 juin). Le catalogue est pr6• (l'auteur accuse Marinetti et les marinettistcs d'ftre les
Vladimir et de David Bourliouk) ; La G~rre. Images mystiqua de la gwrre facé par Apollinaire. responsables de la guerre qui vient d'tclatcr),
de Natalia Oontcharova (port-folio de 14 lithographics) ; La Futuristes. Pre- • Sixi~mc saison des Ballets russes : La UpNk de Jouph • Pamphlet de D. Mércjkovski contre le futurisme, Un
miire revue des futuristes russes (t!dition de Kamienski, illustrations de de R. Strauss ; Le Coq d'or de Rimski-Korsakov ; Le Ros- nouveau pas ven l'avènement du Mufk-Roi.
David et de Vladimir Bourliouk), mars-avril. signol de Stravinsky. • P!rc Paviel Florenski, La ColonM et k Fondement de la
• Natalia Gontcharova et Larionov jouent dans le film Le Cabaret des fua,• • Claudel, L '&:hange au Vieux-Colombier ; L 'Otage au Writl (somme théologique).
ristes n /3. th~4tre de l'Œuvre. • Taïrov fonde le Th~Atre de Chambre (Kamemy) de
• Paul Bourget, Le Dlmon de midi. Moscou.
Saint-Pétenbourg • Marie Curie, La Radio-llhnents et kur cüwiftcaâon.
• Tract de Khlebnikov et de Livchits contre Marinetti. • Élie Faure, L 'An renaissant, La Constructeun.

406 407
CHRONOLOGIE DE 1914 À 1915

Événements de l'avant-garde russe Événements internationaux Événements arti tiques internationaux Autres événements artistiques russes

• Meeting «. ~otre r6ponse ~ Marinetti •• pr6sid6 par le œl~bre linguiste Italie


polono-ukrainien Jan Baudom de Courtenay ; expos6a de Livchits sur « Le • Boccioni, Pinura Scultura ~ (Milan).
futurisme italien et ses interactions • et d'Arthur Louri6 sur « La musique
du futurisme italien •·
• Expoa6 d'Ilia Zdan6vitch sur « Les visages peinturlur6s • au caveau artis-
tique Le Chien errant (9 avril).
• Livres futurist~ : Explos?1'1 (2- 6dition ; illustrations de Koulbine, Olga
Rozanova, Mal6vitch, Natalia Gontcharova); La Victoire sur le Soleil, oplra
(musique de Matiouchine, illustrations de Mal6vitch et de David
~ourli~ult) ; La Plliade f u Petit Nid de CIIIIIITtU}... da g,w mots (illustra-
t1~ns d Olga R~ova) de Kroutchonykh (fabriqu& fin 1913, parus en jan-
~r 1914 aux 6d1!1ons « l6ouy •) ; Rif-ra/ I Gants Ide Khlebnikov (illustra-
uons de Mal6v1tch et de David Bourliouk), janvier; Ti Li Li de
~utcho~ykh et de Khlebnikov (illustrations d'Olga Rozanova et de Koul-
bme) f6vner; Excuell de vers. 1907-1914 de Khlebnikov (illustrations de
Ma16vitch, ~Jonov ; 6d. « l6ouy • ), mars ; u Ptun1J11e rogwant 6dit6 par
Pougny (qui fut conf1Squ6 par la censure à cause des dessins de Ftlonov de
Vladimir et de David Bourliouk, et d'« expressions nettement ind6-
centes •); Rlcits tt Du,ins autMnlique.s d'mfana de Kroutchonykh.

Odessa
• Exposition printani~re de tableaux ; Kandinsky publie son article russe
• De la compn!hension de l'art •·
• Tourrw!e des futurulaves (David Bourlioult, Maîakovski Kamienski) à
travers les villes de province (à partir de mars). '

• V. Markov, La Facturt et L 'Art de l'tk de P4que.s.


• Publication des Travaux du//' Cong,à du artistu de toute la Russie. /91 J.
1912 (contient le texte russe de la premi~re version de Du spirilwl dans l'an
de Kandinsky).
• H. Tastevin,u FUlurisme.
• Tract de Yakoulov, Livchits et Louri6, Nous et l'Occident (l• janvier)
u
publi6 le 6 avril en français dans Mercun de France par Apollinaire. •
• Article de N. Berdiaev sur Picasso; ~ponses de S. Boulgakov (th6olo-
giques) et de Grichtchenko (esth6tiques).

1915 1915
Moscou • Entr6e en guerre de la Bulgarie, aux • Mondrian, s6rie des • Plus et moins •· • L'tvelllllil de Goldoni au Théâtre de chambre de Talrov
• ~tion ~e peinture 1915 organis6e par K. Kandaourov (les a:uvres de c6t6s des Allemands. • Gustav Meyrink, u Golem. (d6cors de Natalia Gontcharova).
Tatline, Mal6vttch, M~ounov, Maîakovski ne figurent pas dans le catalogue, • Emploi des gaz dans le conflit. • Manifeste de Balla et de Depero, La Reconstruction futM- • Maîakovski lit une partie de son pœme Un nuage en
à ~use des ~dates quelles provoqu~t, mais elles furent expos6es). riste de l'Univers (Rome). pant,ilon au Chien errant (f6vrier).
• LI~ futunstes: La Contraga,ce printanUrt du mu.su (6dition de David • Arp expose ses premi~ a:uvres abstraites. • Almanach L 'Archer ,r / de Bélenson (f6vrier).
Bourhouk et de Vermet ; illustrations de Vladimir et David Bourliouk et de • Peinture • métaphysique • de Chirico. • Le Chien errant est ferm6 en mars.
Lentoulov), mai; Livrt transmental (zaoum) de Kroutcbonykh et d'Alia- • Fondation de la revue 29/ par Duchamp, Man Ray, • N. Evreînov, 1• tome du Thl4trt pour 10L
gr~v. alias Roman Jakobson (linogravures d'Olga Rozanova), ao0t ; La Arensberg à New York (publi6e par A. Stieglitz). • Recueils pœtiques d'Igor Sévérianine (Ananas dans le
V.eu ~ecrets des acadlmiciens, pamphlets de Kroutchonykh, Klioune et champagne, Victoria rtgla, Pohoentracte).
Malév1tch (paru en 1915, mais dat6 sur la couvenure de 1916).
• Natalia Gontcharova et Larionov quittent Moscou pour rejoindre Diaghi-
lev à Lausanne (juillet).

P6trograd
• Exposi~ des ~~~ux des ~nts de ga~ au Bureau d'art de Nadiejda
Dob~; ~-paoon cl«: Larionov, MaléV11dt, Olga Rozanova, Pougny ...
• Pr~m1èr~ exposlhon futunste de tableaux Tramway V ; Tatline y pr6sente
u
6 rehefs picturaux ; Mal6vitch présente 5 toiles dont le titre est : contenu
de ces 111bleaux n'est pas connu de leur auteur; a:uvres de Klioune, Alexan-
dra Exter, Olga Rozanova (ouverture le 3 mars).
• Exposition du Monde de l'Art (N. Altman, Brouni les Bourliouk Yakou-
lov). • •
• Exposition des documents du tb6Atre russe : le catalogue, /nvenlllirt des
documents du thl4trt n,sse de la colkction L.J. Jherjlln, uposa au profit
de l''!"pltal de l'!cole d'an populairt (pr6face d'Evreînov), présentait les
esquisses de Tatlme pour u Tsar Maxlmiane et son fiû Adolphe (1911) et
de Malé~tch pour La Victoire sur le Soleil (1913).
• Exposition peraonnelle de Le Dentu (printemps).

408 409
CHRONOLOGIE DE 1915 A 1917

Événements de l'avant-garde russe Événements internationaux Événements artistiques internationaux Autres événements artistiques russes

• Dernière Exposition futuriste 0,10, dominée par le groupe de Malévitch


qui intitule l'ensemble de ses toiles Supnmatisme de la peinture ; tract-mani-
feste (0-UT), avec des déclarations de Malévitch, de Xénia Bogouslavskaïa et
de son mari Pougny, de Klioune et de Mienkov (17 décembre 1915-18 jan-
vier 1916).
• Brochure illustrée Vladimir Evgrafovûch Tatline (datée du 17 décembre).
• Parution de la première brochure-traité de Malévitch Du cubisme au
suprbnatisme. Le nouveau rlalis- pictural (décembre).
• Livres lithographiés : Prlchantion de l'klosion du monde (pœme et mise
en forme de Filonov), mars ; Ra/ I Le tambour d e s ~ (recueil poé-
tique ; illustrations de David Bourliouk).

Kharkov
• Utord (recueil poétique du groupe futuriste littéraire Liren édité par
Matiouchine ; contient une planche avec le « quadrangle ,. noir (appelé
«carré noir») de Malévitch.

1916 1916
Moscou • Bataille de Verdun. • Album-catalogue de l'exposition Andrl Derain, Paris ; • Vassili Kamienski, Stienkll Ra1.ine (illustré par l'auteur).
• Expolition futuriste Magasin organisû par Tatline (mars); Malévitch pr6- • Le général russe Broussilov fait priso!l- pûface d'Apollinaire, vers« cubistes• de Reverdy, Cen- Recueils poétiques futuristes : David Bourliouk, Zolotou-
sente ses séries« Alogisme des formes 1913,. et« 1914,.: première appari- niers p~ de 400 000 Autrichiens en Gali- drars, Max Jacob, Divoire. khine, Kamienslti et Khlebnikov, Quatn oiseaux ; Bolcha-
tion importante de Rodtchenko. cie. • Henri Barbusse, Le Feu. kov, « Maîtres de Moscou • (in Revue da arts), Le Sokü
• Quatrième exposition La Peinture contemporaine. • Assassinat du moine dévoyé Raspoqj • Premières manifestations Dada à Zurich (Café Voltaire en chute (illustrations de Lissitzky) ; Khlebnikov, Le
• Cinquième exposition du Valet de Carreau (novembre); œuvres de Cha- tine (décembre). fondé par Arp, Ball, Tzara). Temps, mesure du monde (casai). L 'Erreur de la mort
gall, Alexandra Exter, Klioune, 60 œuvres suprématistes de Malévitch, Liou- • Mort de Boccioni et de Marc. (poème); Kamienski, Les Jeunes Filles nu-pieds, Livre
bov Popova, Olga Rozanova, Pougny •... • Tournage à Aorence du film Vie fuluriste. sur Evrernov ; Igor Sévérianine, Toa.st sans npon.se; Boji-
• Mise en scène de Thamira le Citharètk d'Annienski, par TaJrov, au • J. Joyce, Dtzdalu.s. dar, Le Tambourin (2' édition) ; Asséïev, or konin dan
Théltre de chambre de Moscou (décors et costumes cubo-futuristes oktrn, Oksana ; N. Bardiaev, Le Sens de la crlation ;
d'Alexandra Exter). N. Evrelnov, Le ThhJJre pour soi (2' tome).
• La Guerre (linogravures d'Olga Rozanova). • Recueil La Centrifugewe rf 2
• Brochures-traités de Malévitch • Almanach de littérature et d'art L'Archer rf 2.
Du cubisme au supnmatisme. Le nouveau nalisme (2' édition à Pétrograd), • Manifeste La Trompette des Martiens (signé par Khlebni-
janvier et Du cubisme et du futurisme au suprhnatisme (3' édition remaniée) kov, Maria Siniakova, Bojidar, Petnikov, Assélev).
à Moscou (novembre). • Fondation du caveau artistique La Halte des comédiens,
• Fondation de la société artistique Supremus dirigée par Malévitch. par Meyerhold, Soudeîltine et Boris Grigoriev (rendez-
vous des écrivains, da pein des artistes du printemps
Pétrograd 1916 au printemps 1917).
• La Guerre universelle (douu collage abstraits et des textes transmentaux
de Kroutchonykh),janvier.
• Conférence de Malévitch sur « Cubisme, futurisme, suprématisme •
(12 janvier).
• Exposition de la Peinture russe contemporaine au Bureau d'art de Nadiej-
da Dobytchina (avec Lioubov Popova, Pougny, Olga Rozanova,
Andreenko ... ), avril et décembre.
• Le Monde de l'Art (œuvres, entre autres, de Liaitzky).

1917 1917
• Livra diwriqucs d'I. Aksionov : Fondements non rup«tables (dewr: litho- • En Russie, les événements se multi• • Rétrospective Survage (première exposition des Soules • Bobrov, La lyre des lyres (couverture dessinée par
graphies d'Alexandra Exter) et Picasso et ses environs. plient : révolution de Février (12 mars) ; de Paris). l'auteur) ; Kroutchonylth et Olga Rozanova, Ba/os, Non
• A. Grichtchenko, La Crise tk l'art et la Peintuœ contemporaine et L 'lc6ne chute du l5arisme (abdication de Nicolas Il) ; • Création de Feu d'artifice (Rome), mise en forme de lignage (Tiflis) ; B. Pasternak, Par-dasu.s les barrièru.
russe comme art pictural. r~volution bolchevique d'Octobrt Balla. • Naissance à la fin novembre du Café des poètes à Mos-
(7 novembre); établissement du pouvoil • Fondation du groupe De Stijl (automne). cou fondé par Kamienski et Goltschmit (avec les poètes
Moscou des Soviets ; création du Narkompr • Ballets russes : création de Parade d'~ric Satie ( d6:ors de Maïakovski, Khlebnikov, David Bourliouk et les peintres
• F~d~ration de gauche des artistes (Malévitch, Olga Rozanova, Tatline, (commissariat du peuple à l'Instructio Picas.,o). Valentina Khodassévitch et Yakoulov).
Yakoulov, Rodtchenko ..• ),juin. avec, à sa tite, Lounatcharski (8 novembre)I • Exposition à la galerie Dada (Zurich) ; présentation
• Mise en scène de Sa/oml d'Oscar Wilde, par Talrov, au Théltre de • Signature par Unine de la paix de d'œuvres d' Arp, Chirico, Ernat, Kandinsky, Klee, Picasso.
chambre de Moscou (décor cubo-sup~matiste d'Alexandra Exter), octobre. Brest-Litovsk (novembre). • Georges et Lioudmila Pitoeff à Genève (Le Rtvi1.or de
• Dernière exposition Le Valet de Carreau ; Malévitch ~nte 59 tableaux • Les ~tats-Unis déclarent la guerre à Gogol; La Puissance da tlMbru de TolstoY; L'&hange
sous le titre Le Supnmatisme de la pelnlun, ouverte le 21 novembre. l'Allemagne. de Claudel).
• Yakoulov réalise la mise en forme du Café Pittoresque (parmi les nom- • Mort de Degas et de Rodin
brewr: artistes qui l'aidèrent à la réalisation de son projet, on compte Tatline,
Rodtchenko, Bromirski).
• Deuxième exposition des arts décoratifs contemporains Verbovka
(Verbivb), décembre.

410 411
DE 1917 À 1918
CHRONOLOGIE

Événements de Pavant-garde russe Événement internationaux Événements artistiques internationaux Autres événements artistiques russes

Pétrograd
• Exposition du Monde de l' Art.
• Organisation de l'Union des gens des Arts (Maîakovski, Pounine, Natan
Albnan, Meyerhold ... ), mars.
• Pr~lamation de l'Union Libem pour l'art 1(Natan Altman, Liev Brouni,
Xénta Bogouslavskaîa, Pougny, Véra Iermolaléva, Ilia Zdanévitch, Arthur
Lourié, Pounine ... ).

Samara
• Expœition personneUe de David Bourliouk (catalogue pr6faœ par le peintre).

1918
1918 • Blok, Les Douze.
Moscou • Abdication de Guillaume 11 en AIIIIII • Mort d'Apollinaire et de Debussy.
• Ozenfant et Jeanneret, Aprà le cubisme. • Malakovski et David Bourliouk participent au film Pas
• Parution du premier et unique numéro de la Gazette des futurista (sous la magne. Fin de la Premi~re Guerre mon- ni pour l'argent d'apr~• Martin Eden de Jack London
• Manifeste des fondateurs de la revue De Stijl.
direction de Maîakovski, David Bourliouk, Kamienski), qui fut placardé diale. (février).
dans toute la ville(« D«rct n° 1 sur la démocratisation de l'art,. et« Mani- • Une vie de chien avec Chaplin.
• Stravimlty compose Histoin du soldat. • Naissance de l'artel (phalanat~re) d'artistes Aujourd'hui,
feste de la fédération volante dea futuristes•), mars. En Russie: qui publie jusqu'à la fin de l'année des livres d'enfants, des
• Premi~e exposition de Mir6 à Barcelone.
• Ouverture du Café Pittoresque mis en forme par Yakoulov (man). • Décret de Unine sur l'introducti brochures, des loubki (peintres: Véra Iermolaïen, Youri
• Participation des artistes de toutes les tendances pour dc!corer Moscou à dans la république de Russie du cale • Exposition de Grosz à Berlin.
• R. Huelsenbeck, Dadafsti.sches Maniftst (Berlin). Annenkov ... ; écrivains: Rémizov, Venp6rov ..• ; idéo-
l'occasion du 1 Mai. drier occidental européen (février). logues: Khovine [« De l'impératif en art•], Brik (« Tout le
• Exposition personnelle de Rodtchenko (18-19 mai). • Proclamation du Calendrier rou •e pouvoir aux jeunes •)),juillet.
•. ~e~i~re exposition de tableaux d_u syndica! des peintres de Moscou ; par- (commémorations du 1• Mai, de l'annl • L'édition lmo (Art des jeunes), dirigée par Maîakovski,
tietpation des 180 membres des trois fédérations (ancienne, centrale, jeune versairc de la révolution d'Octobrc ... ). publie dei livres sur l'art de gauche, jusqu'à l'été 1919
(de gauche)), 26mai-12juillet. • Moscou devient capitale et accueille le (automne).
• Exposition des peintres et sculpteurs juifs ; participation de N. Altman, gouvernement soviétique (mars). • Nationalisation des collections Chtchoukine, Morozov et
Baranov-Rossiné, Lissitzky, Chkolnik, Sterenberg, Chagall (juillet-aoQt). • Décret sur les monuments de la Ré Ostrooukhov (hiver).
• L'école d'art industriel Stroganov devient Svomas 1 (Premiers ateliers blique, signé par Unine, Lounatcha • Abram Efros, Iakov Tugendhold, L 'Art de Marc Cha-
nationaux d'art et de technique), septembre. Staline, Gorbounov le 12 avril, qui gall
• Premi~re conférence des prolietkoult de toute la Russie (septembre). ordonne : 1) enlever les monuments de4 • Vassili Kamienski, Sa-Ma biograplue de cllèbn futuriste.
• L'École de peinture, sculpture et architecture devient Svomas 2 (Seconds tsars et de leurs valets ; 2) organiser un
ateliers nationaux d'art et de technique) octobre. grand concours pour créer des monu-
• Expose! de Pevsner au Coll~ge d'art• À propos des expositions,. (25 oct.). ments révolutionnaires ; 3) décoration do
• Mort d'Olga Rozanova (1 novembre). Pétrograd pour le t• Mai et changem t
• Exposition posthume des tableaux et dessins d'Olga Rozanova (fin des embl~mes et des héros anciens.
décembre-dc!but ianvier 1919). • Exécution de la famille impériale.
• Publication d'Etapes (Stoupilni), version russe des RUckblicke (1913) de • Adoption de la premi~re Constitutiolll
Kandinsky. soviétique par le Cinquitme Congrà dClll
• Collages de Varvara Stépanova pour Gly-gly de Kroutchonykh et poé- soviets de toute la Russie (juillet).
sies graphiques • Rtni Khol~. Globolkim, Zguifa-af.•. • Fondation des Komsomols (Jeune
communistes), octobre.
Pétrograd
• Exposition de la peinture et du dessin contemporains au Bureau d'art de
Nadiejda Dobytchina (Natan Albnan, Youri Annenkov, Baranov-Rossiné,
Uoubov Popava, Pougny, Nadiejda Oudaltsova, Cltagall, Sterenberg... ),juillet
• Dans l'ancien palais d'Hiver, devenu palais des Arts, meeting sur le th~me
•. L'église ou l'usine • pour les ouvriers et les soldats de l'armée Rouge (pr6-
s1dence: Sterenberg; participants: Malakovski, Brik, Pounine).
• Décision de créer un musée de la Culture artistique qui prévoit d'acheter
les ~~vres de Malévitch, Tatline, Pavie) Kouznetsov, Olga Rozanova,
NadieJda Oudaltsova, Lioubov Popova, Klioune, Natalia Davydova, Mor-
gounov, Pevsner, Sofia Dymschitz-Tolstaîa, Alexandra Exter, Piotr Kon-
tchal~vski, Falk, Lentoulov, Alexandre Kouprine, Rodtchenko, Barthe,
Dn!vme, Natalia Gontcharova, Sterenberg, Natan Altman, Le Dentu, Véra
Pestel, Stl7.Cmintlti {en tout 142 artistes), 5 décembre.
• Parution du premier numéro de l'hebdomadaire L'Art de la Comnume
édition du Narkompros, contenant la poésie de Mai'akovski Ordn d l'annh
des arrs (7 décembre).

Vitebsk
• Cha~all est _nommé commissaire à l' Art pour la n!gion de Vitebsk (été). Il
orgamse la mise en forme de la ville pour le premier anniversaire d'Octobre.

Kiev
• Alexandra Exter ouvre, avec le peintre de théâtre Isaac Rabinovitch un ate-
lier d'arts décoratifs (1eçona de peinture, de dessin et de d6cor théâtral), ~bre.

413
412
CHRONOLOGIE DE 1918 À 1919

Événements de l'avant-garde russe Événements internationaux Événements artistique internationaux Autres événements artistique russes

Odessa
• Au Th6Atre de Chambre de Konstantine Miklachevski, tkctn d'Hof-
mannsthal, La Mlnechmo de Plaute, Le Miracle tk Thlophik de Rutebeuf
(traduction de Blok), d6cors d'Andreenko, 1918-1919.

Tiflis
• Exposition de tableaux et dessins des futuristes de Moscou, organisl!e par
Kroutchonykh au caf6 Ars : participation de Larionov, Natalia Gontcha-
rova, MaJ6vitch, F'tlonov, Olga Rozanova (avril-juillet).
• Cr6ation du groupe 41° de Kroutchonyk.h, Tl!rentiev, les Zdanl!vitch (6di·
tion et « universitl! futuriste ,.).

1919 1919
• Crl!ation de S'IIOffflU dans de nombreuses villes de l'ancien Empire russe • Les forces antibotcbeviques (arm6t • Dorgel~ La Croix tk bois (prix F6mina).
(Saratov, Kazan, Penza. Kostroma, Nijni Novgorod, Penn, Oufa. Astrakhan, Blanche) de Wrangel, Youdl!nitch, Di6ni1 • Proust, À l'ombre du Je1111a fillu en fkur (prix Gon-
~katerinenbourg, Vitebsk, Voroneje, Iaroslav, Vologda), septembre. kine, Koltchak cr6ent plusieun fronll court).
• À Moscou, P6trograd, Nijni Novgorod, Vitebsk et Kostroma sont fondl!s contre l'ann6e Rouge. • Le groupe Dada se transporte à Paris (manifestations à
des musl!es de la Culture picturale (septembre). • Trait6 de Versailles et pacte de la Cologne et à Berlin).
• Crl!ation de sections de l'I:o du Narlwmpros à Saratov, Minsk, Kharkov Sociét6 des Nations. • Georges et Lioudmila Pitoi!ff à Paris.
et d'autres villes. • Formation de la III• Internationale. • Mondrian et Stravinsky a'installent à Paris.
• Ballets russes : La Boutique fantasque (d6con de
Moscou Derain); Le Trlcornt de Manuel de Falla (d6con de
• Cinqui~me exposition nationale : De l'impressionnisme au sans-objet ; PÎCUIO).
participation de Dr6vine, L Jl!guine, Kandinsky, Klioune, Lentoulov, Mor- • Abel Oance,/'accwe.
gounov, Pevsner, Vl!ra Pestel, Lioubov Popova, Rodtchenko, Varvara St6- • Maurice Denis fonde avec Desvat~res les Ateliers d'art
panova, Nadiejda Oudaltsova. Falk, Tch6kryguine (f6vrier) ; confl!rence de sacré.
Nadiejda Oudaltsova sur le cubisme (le 23 fl!vrier). • Picasso 6pouse Olga Koklova, une danseuse des Ballets
• Septi~me exposition nationale : pr6sentation des travaux d'ateliers artisa- russes.
naux, en particulier ceux du village ukrainien de Verbivka (Verbovka) • Mort de Renoir.
d'apr~ les esquisses suprématistes de MaJ6vitch, Pougny, Olga Rozanova, • Fondation du Bauhaus par Walter Gropius (Weimar).
Nadiejda Oudaltsova. • Schwitters: premien Merzbilder.
• Dixi~me exposition nationale : Crl!ation sans-objet et suprématisme (prin- • Raoul Hausmann, Gegen die Weimarischt Leberuauf-
temps) ; pr6sentation de 220 œuvres de 9 artistes : V. Agarykb (Varvara /t1SSW1g.
St6panova], graphiques abstraits pour livres de 1918 ; Alexandre Vesnine,
compositions de couleurs; Natalia Davydova, suprématisme ; Klioune, com-
positions supr6matistes et de couleurs, esquisse du monument à Olga Roza-
nova, sculptures abstraites ; Ma16vitch, s6rie des « Blanc sur blanc ,. ; Mien-
kov, supr6matisme et « combinaison de ta lumi~re et de ta couleur ,. ;
Lioubov Popova. architectoniques picturales de 1918 et gravures de 1917;
Rodtchenko, œuvres abstraites color6es de 1918, sculptures abstraites, pro-
jet de monument à Olga Rozanova, s6rie des« Noir sur noir,.; le catalogue
propose des textes poll!miques de Rodtchenko et de Klioune à 1'6gard du
supr6matisme de Mal6vitch.
• Douzi~me exposition nationale : Colora-dynamos et primitivisme tecto-
nique, organis6e par Grichtchenko et Alexandre Chevtchenko (printemps).
• Rodtchenko et Varvara St6panova travaillent sur le collage et le photo-
montage.
• Premi~re exposition de l'Obnwlchou ; participation de D6niaovski, Komar-
dionkov, M6dounetski, Naoumov, Vladimir et Gu6orgui Stenberg (mai).
• Exposition des nouvelles acquisitions en 1918 à ta galerie Trétiakov (Natalia
Gontcharova. Larionov, Piotr Kontchalovski, Lentoulov, Macbkov ... ),juin.
• Kandinsky publie une s6rie d'articles dans la revue An: c Du point •• • De
la ligne •• • De la Sublime Utopie ...
• Le sculpteur Koroliov et les architectes Krinski, Ladovski cr6ent te Sûu-
koulptarkh qui s'l!largit à la fin de l'annl!e en JivskoulpllJlkh : participation
de Rodtchenko et Chevtchenko.
P6trograd
• Fonnation du groupe de pœtes et de critiques Komfm,ty (Lea Commu-
nistes-futuristes), janvier.
• Premi~re conférence de la section I:o du Narkompros concernant les
mus6es (palais des Arta. f6vrier).
• Premi~re exposition nationale libre d'œuvres d'art : 299 artistes,
1826 œuvres (parmi les participants : Natan Altman, Baranov-Rossiné,
ét6na B6boutova. Mansourov, Maîakovski, Chagall ... ).

414 415
DE 1919 À 1920
CHRONOLOGIE

Événements artistiques internationaux Autres événements artistique russes


Événements de Pavant-garde russe Événements internationaux
• Matiouchine dirige l'atelier du « réalisme spatial ,. aux Svomœ.
• Exposition d'Éléna Gouro au Dom Lillratorov (mars).
• Tatline est chargé par l'h:o de travailler sur le projet d'un monument à la
Troisième Internationale (man).
• Premier et unique numéro de la revue Arts de la reprbentation (lzobrazi•
telno'fl iskousstvo) sous la direction de Sterenberg avec des articles de Malé-
vitch (entre autres,« De la po6aie •), Brilt, Pounine, Kandinsky.

Vitebsk
• Première exposition nationale de tableaux d'artistes locaux et moscovites ;
participation de Natan Altman, David Bourliouk, Grichtchenko, Le Dentu,
Kandinsky, Klioune, Piotr Kontchalovski, Lentoulov, Lissitzky, Malévitch,
Rodtchenko, Strzerninski, Chagall, Alexandre Chevtchenko, Alexandra Exter.
• Lissitzky publie dans son atelier polygraphique l'essai théorique de Malé-
vitch Des nouveaux systàna en art: s11Jtique et dynamique (juin).
• Malévitch vient enseigner à Vitebsk avec son élève Tchachnik (fin oct.).

Kiev
• L'atelier d'Alexandra Exter est un lieu de rencontres, d'échanges, de discus-
sions. Alexandra Exter collabore avec la danseuse choûgraphe Bronislawa
Nijinskaïa (sœur de Waslaw Nijinsky) à l'École du mouvement (1919-1920).
• C61ébration du jour de l'armu Rouge : Alexandra Exter anime un collec-
tif d'artistes (Isaac Rabinovitch, Meller, Pétrytsky, Tychler, Schiffrin .•. )
pour décorer la ville (f6vrier).

Odessa
• Première exposition populaire de tableaux, d'affiches et de dessins
d •enfants (juin).

Tiflis
• Premier numéro du journal 41' ( « La compagnie 41° réunit le futurisme rive
gauche et affirma la zaoum comme la forme obligatoire d'iDcarnation de
l'art... ).
• Trois numéros de la revue C4ri/Jons sous la rédaction de Kornéïev.

1920
1920 • Maîakovski publie son poème 150 ()(}() ()(}().
Moscou • Le Sénat américain repousse l'adhésiod • Oaudel, Le Pire humilil.
• Création de l'lnkhouk sur un programme de Kandinsky (mai). des États-Unis à la SDN. • Brecht, Tambour.s tians la nuit.
• Seizième exposition nationale ; rétrospective Malévitch intitulu : Malé- • Canonisation de Jeanne d'Arc. • Ballets russes : Le Chant du Rouignol de Stravinsky
vitch: sa voie de l'impressionnisme au sup~atisrne (1S3 œuvres), printemps. • Fin du blocus de la Russie soviétiq (décors de Matisse) ; Pulcinella de Stravinsky (décors de
• Deuxième exposition de l'Obmokhou ; participation de Médounetski, Vla- par les puissances occidentales (janvier). Picasso).
dimir et Guéorgui Stenberg, Svetlov, Proussakov, Naoumov (2-16 mai). • Wrangel à la tete de l'armée Blanche. • Arrivu à Paris des Ballets suédois de Rolf de Maré.
• Exposition Gabo, Pevsner, élèves de Pevsner, Klucis, sur Je Tvierskoî bou- • La Pologne attaque le sud de la Russie • Mort de Modigliani.
levard; publication du Manifeste rlaliste de Gabo et Pevsner (aoOt). (avril). • Ozenfant et Le Corbusier fondent la revue Esprit nou-
• . Dix-neuvième exposition nationale ; participation de Rodtchenko, Kan- • Diénikine se retire du territoire russe veau.
dinsky, Varvara Stépanova, Alexandre Chevtchenko, Koroliov, Krinski (novembre). • Mondrian, Le Nlo-Pûuticisme.
Ladovski (octobre). • • Foire internationale Dada à Berlin : c L'art est mon, vive
• Décret sur la création des Vlchoutlmœ qui ûunissent les Svomœ J et Svo- le nouvel art de la machine de Tatline ,. (juin).
mas 2 (29 septembre).
• Plénum du Comité central de toute la Russie du Prol~tkoult qui proclame
la création d'une • culture prolétarienne ,. et devient une section à pan
entière du Narkompros (décembre).
• Le Monument à la III' Internationale de Tatline est expose! à Moscou
(décembre).
• Publication par le Narkompros d'un extrait des Nouvt11ux systbna en art
de Malévitch, sous le titre De Clzanne au suprlmatisme.

Pétrograd
• N. Pounine, Premier cycle de conflretKa (couvenure de Malévitch), mai.
• Exposition du modèle du Monument d la JJI• Internationale de Tatline
(novembre).
• N. Pounine, Le Monument d la 1//' lnU!rnationale, ~dition de l'/zo.

Vitebsk
• Création du groupe de J'Ounovi.s (Affirmateurs-fondateurs du nouvel an).

417
416
CHRONOLOGIE DE 1922 À 1924

Événements de l'avant-garde russe Événements internationaux Événements artistiques internationaux Autres événements artistiques russes

Pfüograd • Expoaition Modigliani (Venise). • Pavicl Aorcnski, La Imaginaires en géomltrie à Moscou.


• Mal6vitch quitte Vitebsk avec ses 61hca et vient s'installer à P6trograd • Erstc russischc Kunstausstcllung organis6c par Stcrcn-
(avril). bcrg à la galerie Van Diemen (Berlin).
•. Exposition de l'A~ation des nouveaux courants anistiqucs ; parti- • Kandinsky enseigne au Bauhaus (Weimar).
apati~n d~ Sofia {?ymch1ts-Tolstaîa, Vladimir Ub6dev, Mal6vitch, Mansou- • Le Bauhaus cr6c une collection de livres, Ica • Bau-
rov, S1c~c. Tatline (mus6c de la Culture artistique, juin). hausbUchcr '"·
• Mal6v1tch est nomm6 directeur du mus6c de la Culture artistique • Hcnryk Bcrlcwi 6laborc à Berlin sa th6oric de la • m6ca-
(octobre). nofacturc • (fusion de l'an graphique et de l'abstraction).
• ,Expœition ~es csqUÏSICI des d6cors th6Atraux et des travaux des ateliers • Viking Eggcling cr6c son film abstrait La Symphonie dia-
d arts d6coratJfs entre 1918 et 1922 ; y participent Natan Altman Youri gonale (Berlin).
Annenkov, Tatline, Chkolnik. ' • Dissolution de Dada.
• Lissitzky public son livre Conte suprématiste des deux
Tvicr carrb (Berlin).
• Alcxcï Oane, Le Constructivisme (brochure-manifeste), d6ccmbrc. • Publication par Lissitzky et Ehrcnburg de deux num6ros
de la revue trilingue Vitthtch-Gegenstand-Objet (parmi
Vitebsk ceux qui doivent participer : Le Corbusier, Gleizes, Fei-
• K. Ma16vitch, Dieu n 'at pas dhr6nl. L'an. L 'églue. La fabrique. ninger, Maîakovski, Mal6vitch, Meyerhold, Tatline, Pou-
ninc).
• Ilia Ehrcnburg, Et pourtanl elle tourne (publi6 en russe à
Berlin).
• Premiers rayogrammes de Man Ray à Paris.
• lakov Tugcnhold, Aluandra E.xter, peintre et décorateur
de thédtre (6ditions russe, allemande, française).
1923 1923
Moscou • Occupation de la Ruhr par l'arm6• • Radiguet, Le Diable au corps ; Colette, Le Blé en herbe ; • Exposition de tableaux (Grabar, Dr6vinc, Piotr Kon-
• Prc'!licr n~m6ro ~ la revue Le Front de gauche (mars) ; directeurs : Maîa- française. Larbaud, Bamabooth ; Rilke, tlégia de Duino. tchalovski, Koroliov, Alexandre Kouprinc, Lcntoulov,
kovsk1 et Bi:ik, Ma!'1fcstc Pour quelle eau.se se bot Ucf ?, sign6 par ARrcv, • Putsch manqu6 d'Hitler à Munich. Hit- • Jouvet joue M. le Trouhadtt et Knock de Jules Romain à Machkov, Osmiorkinc, Nadicjda Oudaltsova, Falk ... ),
Arva~, Brik, Bo1"!5. Kouchncr, MaJakovski, Scrgucî Tr6tiakov, Tchoujak. ler est cmprisonn6 ; pendant sa captivit61 la Com6dic des Champs-Élys6cs. Moscou, mai.
• Quatrt~mc exposition de l'Obmokhou (mai). il 6crit Mein Kampf. • Mon de Sarah Bernhardt. • Quarante-huitième exposition de tableaux de la Soci6t6
• Expoaition L'art du d6cor th6Atral à Moscou de 1918 à 1923 Ouin) • Dictature de Primo de Rivera en • Padmalltlli de Roussel est donn6 à l'Op6ra de Paris. des expositions ambulantes à Moscou (mai).
• Participation des peintres de gauche (Alexandra Extcr V6aa M ~ Espagne. • Fritz Lang, cycle des Niebelungen ; Olaplin, Le Pilerin ; • Exposition de l'Akhrr, Le Petit Coin V.I. Oulianov-
Alexandre Vcsninc, Vladimir et Gu6orgui Stcnberg) à 1~ dtceration de la • Louis de Broglie, Principa de la méc:aa Stiller, La Ugende de GiJsta Berling, qui r6vèlc Greta Uninc (mai).
~ Expœition d'agriculture, d'artisanat et d'industrie de toute la Rus- nique ondulau,ire. • Exposition d'automne de l'Union des peintres (Apolli-
Garbo.
sie (automne). • Mon de Puccini et de Fauré. naire Vasnctsov, Viktor Vasnctsov, Kravtchcnko, Maliou-
• Photomontages de Rodtchenko pour le pœmc de Maïakovski De cela • Chagall et Pevsner s'installent à Paris. tinc, Maliavinc, Youonc ... ).
(Proho). • Tourn6c du Th6Atrc de chambre de Taîrov à Paris (expo- • Le groupe des Projectionniltcs, cr66 par Nikritinc et
• Alexandra Extcr cx6cutc les costumes et les coiffures constructivistes des sition chez Paul Guillaume) et à Berlin. Loutchichkinc, forme à P6trograd un studio th6Atral, Le
pe~Ma~~ du fi}m de Pro~ov MliJa (d'aptù le roman d'AlcxcJTolstor). • Exposition De Stijl à la galerie L'effort moderne de Th6Atrc projectionniste (6t6) ; premier spectacle à la mai-
• D~pos1t1f sœniquc de Uoubov Popova pour La Terre œbrtt de Scrgucr L6once Rosenberg. son de la Presse (La tragédie Aoo,,).
Tr6tiakov (d'ap~s La Nuit de Marcel Martinet) au th6Atrc de Meyerhold • Le Corbusier, Vers une archilecture. • Exposition de tableaux des artistes p6trogradois de
(4man). • Noce, de Stravinsky aux Ballets russes de Diaghilev toutes les tendances de 1919 à 1923, dans les salles de
• Dispositif sc6niquc d'Alexandre Vcanine pour Le Nomml Jeudi de Chcs- (chor6graphic de Bronislawa Nijinska, d6cors et costumes l' Acad6mic des beaux-arts.
tenon au Th6Atrc de chambre de Taîrov (6 d6ccmbrc). de Natalia Gontcharova).
• Lissitzky réalise le Prouncnraum à la Grosse Berliner
P6~ Kunstausstcllung.
• À l'~tigation de Filonov, le mus6c de la Culture artistique est r6organis6 • Prcmi~rc exposition personnelle de Kandinsky à New
en lns~Jtut de recherches sur l'art contemporain (printemps). York.
• Tatline met en sœnc au Ghin/choulc le pœmc dramatique de Khlebnikov • Exhibition of Russian Painting and Sculpture au Brook-
Zangulû (11, 13, 20 mai). ' lyn Museum à New York Œuvrcs de David Bourliouk,
• Tcxtes-1:11anifcstcs dans !a revue La Vie de l'art de Mal6vitch : • Le miroir Natalia Gontcharova, Larionov et Kandinsky.
supr6mal1Stc • de Mal6v1tch, • D6claration de 1'6closion universelle ,. de • Pougny, La Peinture contemporaine (Berlin, Frenkcl)
F'tlonov.

1924 1924
Moscou • Mon de Uninc (21 janvier). Lune pour • Andr6 Breton, Manifeste du sumalisme. • Dcuxi~mc exposition du groupe Makovicts au mus6c des
• D6cors de Vladimir et de Gu6orgui Stcnberg pour L 'Orage d'Ostrovski le pouvoir entre Staline et Trotski. Beaux-Ans de Moscou Qanvicr) : Ucv Brouni, L J6guinc,
• Sept manifestes de Dada.
au Th6Atrc de chambre de Talrov. • P6trograd prend le nom de Uningrad • Radiguet, Le Bal du comte d'Orgel ; Saint-John Perse, V6ra Pestel, Romanovitch, Sini6zoubov, Fonvizine, Tch6-
• Mon de Uoubov Popova (25 mai) ; cxpoaition posthume de ses a:uvres. (26 janvier). Anabast ; O'Neill, Le Désir sous les ormes ; Thomas Mann, kryguinc.
•. La France 6tablit des relations diploma- • Prcmi~rc exposition à d~bat des groupements de l'an
La Montagne magique.
Uningrad tiques avec l'URSS (d6ccmbrc). • Copeau c~dc le Vieux-Colombier aux Pitœff. r6volutionnairc actif (Moscou, mai-juin) ; y prcMent part
• Cr6ation de l'lnkhouk de Uningrad, dirig6 par Mal6vitch. • Marcel L'Herbier, L'inhumaine ; Rcn6 Clair Entr'acte les groupes suivants : Existence /Bytié/ ; Groupement des
(avec Man Ray et les Ballets su6dois) ; Fernand Ugcr r6a- Trois (Andrcr Gontcharov, DcYn6ka, Pim6nov) ; les
Concr6tivistes (Piotr Williams, Vialov ... ) ; les Constructi-
lisc 10n film Le Ballet mécanique.
• Schwitters commence à travailler à l'architecture du vistes (Vladimir et Gu6orgui Stcnberg, M6dounctski) ; les

420 421
C HRONO LOGIE DE 1924 A 1925

Événements de l'avant-garde russe Événement internationaux Événements artistiques internationaux Autres événements artistiques russes
Mtr:bau dans sa maison de Hanovre (il y travailla dix Projectionnistes (Loutchichkinc, Nikritinc, Plaksinc,
ana). Ricdlto, Triasltinc, Tychlcr); le Premier Groupe de travail
• Fondation du groupe Die Vier Blaucn (Kandinsky, Klee, des constructivistes (Olga et Galina Tcbitchagova,
Feininger, Jawlcnsty). Ganc ... ); la Prcmi~rc Organisation de travail des artistes
• Brancusi, L 'Œuf (Le commencement du monde). (Proussaltov... ).
• Exposition Les Constructiviatcs russes : Naoum Gabo et • Exposition Le Paysan dans la peinture russe (xvur-
Pevsner. Peintures et constructions à la galerie Percier à XX' ~cle), Moscou, novembre ; Natalia Gontcharova et
Paris (juin); préface de Waldemar George. Larionov rep~ntcnt l'avant-garde.
• Exposition Marc Chagall à Paris. • Exposition de tableaux de la soci6té IIIOICOvitc La Cou-
• Russian Art Exhibition au Grand Central Palace à New leur de feu [Jar-tsviut) : Mstislav Doboujinslti, Volochinc,
York (mars-avril); a:uvres du xvur au XX' si~le (l'aYBllt• Kandaourov, P6trov-Vodltine.
garde soviétique est absente). • Exposition Le Monde de l'Art à Uningrad (juin):
• Ouatorzi~mc Exposition internationale des arts à Venise Alexandre Bcnois, Bouch~nc, Volochinc, Alexandre
(juin) comprenant 97 artistes soviétiques de toutes Ica ten- Golovine, Mstislav Doboujinslti, Élizavéta Krougliltova,
dances ; parmi les rcpr~ntants de l'avant-garde : Natan Lanceray, Alcxcl Kravtchenko, Mitrokhinc, Anna
Altman, Youri Anncnltov, Éléna Béboutova, Licv Brouni, Ostrooumova-Ub6déva, Pétrov-Vodltinc, Zinaîda S6ré-
Drévinc, Alexandre Vesninc, Sofia Dymchits-Tolstala, brialtova, Tchélthonine.
Malévitch, Mansourov, Matiouchinc et son école (Boris, • Alexandra Extcr s'installe à Paris (d6ccmbre).
Xénia, Maria Ender, Grinberg), Mitouritch, Nadicjda
Oudaltsova, Alexandra Extcr.
• Alexandra Exter s'installe à Paris (d6ccmbrc).
1925 1925
Moscou • Hindenburg, président de la Répu1 • Gide, La Fau.x-Monnayeurs. • Premier numéro de la revue littéraire Novy mir (Le nou-
• ~ de Malévitch • De l'élément additionnel en peinture • au Gakhn à bliquc allemande. • Bernard Shaw reçoit le prix Nobel de littérature. veau monde) sous la direction de Lounatcharski et Stéklov.
Moscou (19 mars). • Pacte de Locarno. • Balantchine est chorégraphe aux Ballets russes. • Premi~re exposition Art du mouvement orgapis6c par le
• Prcmi~re exposition de l'affiche de cinéma, organis6c par le Ga/chn dans • Guerre du Rif. • Chaplin, La Rule ven l'or; Pabst, La Vie sans joie (avec • laboratoire choréologique ,. du Ga/chn (janvier) ; parmi
ses locaux ; affiches de cinéma russes d'avant la Révolution, soviétiques, • Mort de Sun Yat-Scn. Nouvelle révolu- Greta Garbo). les participants, Licv Brouni, Youone.
allemandes, françaises, anglaises, suédoises, italiennes et américaines (parmi tion en Chine. • Mon de La Fresnaye. • Scpti~me exposition de l'Akhrr, Révolution, quotidien et
les artistes constructivistes soviétiques : Ganc, Lavinsti, Lioubov Popova, • Décret du comité central du parti com- • Premi~rc exposition des peintres surréalistes à la galerie travail (Moscou, février-mars): participation d'An:hipov,
Rodtchenko ... ), avril-mai. muniste russe bolchevique • Sur la poli- Pierre. Isaac Brodski, Boris Koustodicv, Malioutinc, Machltov,
• Exposition Les Courants de gauche dans la peinture russe des quinze dcr- tique du Parti dans le domaine de la litt6- • Première rep~ntation de Woutck d'Alban Berg. Mitrokhinc, Ncatérov, Rylov, Sarnokiche, Tchékhoumine,
ni~rcs annm, au mus6e de la Culture picturale de Moscou (scpfcmbrc). raturc artistique • : • Discernant que kil • Mon d'Éric Satie. Youonc, Youstitski.
• Fondation de la Société des architectes contemporains {010). contenu de la littérature est infaillible • Le Bauhaus est transféré à Dessau. • Exposition Maltovicts (Moecou. mars) ; participation de
ment social et de classe, le Parti ne peut • Mondrian, Neue Gataltung dans la collection des Bau- Scrgucl Guérassimov, L. Jéguinc, Véra Pestel, Ryndinc,
Uningrad aucunement se lier dans l'ensemble par hausbücher. Fonvizine, Tchéltryguine.
• Filonov crée le Collectif des maîtres de l'art analytique {Kondraticv, un attachement à quelque tendance que • Arp et Lissitzky, Die Kunstismen. • Exposition des a:uvres d'art des peintres et sculpteurs de
Tatiana Glébova, Alissa Poret, Soulimo-Samounlo... ). ce soit de la forme littéraire. [... ] C'call • Calder, Cirque minialurt. la société Peintres moscovites à M05COU. comportant des
• Souiétinc remplace Tadine à la direction du GhinkJwuk. pourquoi le Parti doit se prononcer pour • Scpti~me exposition du groupe L'Araignéc à Paris; artistes de l'ancien Valet de Carreau et du groupe Exis-
• Malévitch, • Architectones ,. (bois et plltrc). la libre compétition des différents grou parmi les participants soviétiques on trouve Natan Altman, tence (man).
ments et courants dans cc domaine [... Licv Brouni, L Jéguine, Véra Pestel, Antonina Sofronova, • Première exposition nationale ambulante de tableaux à
Le Parti doit souligner la nécessité d' Stcrenbcrg. Mo$COU, Saratov, Volgograd, Kazan, Nijni Novgorod,
littérature artistique qui soit calculée pour • Exposition internationale des Arts décoratifs et indus- regroupant les artistes de tous les mouvements passéistes :
le lecteur vraiment de masse, ouvrier et triels modernes à Paris {avril) ; couverture du catalogue Akhrr, Ost, Bytil, Jar-tsviet, la Société des artistes de Mos-
paysan ,. (juin). par Rodtchenko ; le pavillon soviétique de Mclnikov cou, la Société des Ambulants, Les Peintres moscovites,
devient l'cmbl~me du constructivisme soviétique ; le nou- Le Monde de l'Art; participation de Piotr Williams, Volo-
veau design constructiviste y est prâenté. chinc, Vialov, Andrcî Gontcharov, Kliounc, Ivan Koudria-
chov, Alexandre Kouprinc, Loutchichkinc, Malioutinc,
Piménov, Fiodor Rocbrbcrg. Falk.
• Eisenstein, La Gtive (avril).
• Exposition des dessins des sculptures russes contempo-
raines à Moscou (mai) : Alcxcî Babitchcv, Bromirski,
Konionltov, Véra Moulthina, Tchalkov.
• Exposition des maitres de La Rose bleue à la galerie
nationale Trétiakov (Moscou) ; participation de Pavie!
Koumetsov, Nikolaï Miliotti, Sariane, Soudel'kine, Fonvi-
zine, Yaltoulov.
• Derni~rc exposition Makovicts aux Vkhoutlma:,
(d6ccmbrc 1925-janvicr 1926).
• Première exposition des Peintres de chevalet (On).
• Exposition Les Quatre Arts (issue du Ga/chn) à MOICCMI;
participation d'Éléna Béboutéva, Liev Brouni, Andrcî
Gontcharov, AlckscY Kravtchenko, Pavie! Kouznctsov,
Mitouritch, Nivinski, Pétrov-Vodkine, Sariane, Maria
Sinialtova, Favorslti, Tchalkov.
• Exposition La Couleur de feu {Jar-t.rviet) à Moscou.

422 423
CHRONOLOGIE
DE 1925 À 1927
Événements de l'avant-garde russe Événements internationaux Événements artistiques internationaux Autres événements artistiques russes
• Troisi~mc cxpoàtion de tableaux de la soci6t6 d'artistes
Existence à Moscou ; panicipation de Malioutine, Riajski.
• Cr6ation du RAPP (Association des 6crivains prol6taircs
de Russie) à Moscou.
• Eisenstein, Le Cuinml PotemlciM (d6ccmbrc).
• Suicide du pœte ScrgueY Essénine (28 d6ccmbrc ).
1926
Moscou 1926
• Entr« de l'Allemagne à la Soci6t6 des
• Premier num6ro de la revue du constructivisme architectural Archit«ture Nations. • Gide, Si le gmin ne meurt. .. ; 8cI1WIOS, Sous le soldJ de S1tœi. • Quatri~mc exp01ition du groupe Existence à Moscou
conwnporaw (SA), janvier.
• L'Allemagne et l'URSS signent un • Ballets russes, Une nuit sur le mont Chauve de MOUSIOrg- (f6vricr).
• Dcuximic exposition de l'affiche de cin6ma au Th6Atrc de chambre de trait6 d'amiti6 et de neutralit6 (avril). ski (chor6graphic de Bronislawa Nijinska, d6con et cos- • Hw~me exposition de l'A/chrr : La Vic et le Quotidien
TaJrov : Natan Albnan, Lavinski, M6dounctski Proussakov Rodtchenko tumes de Natalia Gontcharova). des peuples de l'URSS (MOICOU et Uningrad).
Vladimir et Guc!orgui Stenberg. • ' ' • La Revue n~grc au Th6Atrc des Champs-Éys6es (r6v6la- • Dcuxi~me exposition du groupe Ost (mai).
tion de Jos6phine Baker). • Exposition de peinture, art graphique, sculpture, archi-
Uningrad • Fritz Lang, Metropolis ; Feyder, Thübe Raquin ; Abel tecture de la soci6t6 d'artistes Les Quatre Arts (MOICOU,
• Dcmi~rc session du Ghin/chou/c consacr« à« la th6oric de 1'616mcnt addi- Gance, NapoUon; Jean Renoir, Nana. Mus6c national historique, octobre-novembre).
tionnel • de Mal6vitch (16 juin). • Mon de aaudc Monet • Troisi~me exposition du groupe La Couleur de feu
• Pr6paration d'un recueil du Ghinlchoulc, Cu/Jure. Thlorle avec des anicles • Illustration par Max Ernst des Histoires naturelles de (MOICOU).
de Mal6vi_tch, Matiouchi~c, Pouninc (rest6 à 1'6tat d'6preu;es). Jeanne Bucher. • Poudovkine, La Mère.
• Mal6v1tch est d6m1s de son poste de directeur du Ghin/chou/c • Arp, Sophie Taeuber-Arp et Van Doesburg commencent
(15 novembre). Suppression du Ghinlchou/c dont les membres et les sections la d6coration du restaurant-dancing L'Aubettc à Stras-
sont transf6r6s à l'Institut national d'Histoire de l'art. bourg ( termin6e en 197.8).
• Kandinsky, PunJu, Linie zu Flilche au Bauhaus.
• Van Doesburg, « Manifeste de l'él6mcntarismc ,. (publi6
dans la revue De Stijl).
• Exposition internationale d'art abstrait à Zurich.
1927
Uningrad • Lindbergh traverse l'Atlantique en 1927
• .ExP_OSition des a:uvres du Collectif des maitres de l'art analytique sous la a6roplanc. • Proust, Le Temps nt10uv,; Gide, Voyage au Congo; • Cinq~mc exposition du groupe Existence (f6vrier).
d1rect1on de Ftlonov ; tableaux, sculptures, polychromes, proicts de mise en • Staline 6liminc de la direction du parti Mauriac, Thüèse Duqueyroux; Mac Orlan, Le Quai des • Exposition du Valet de Carreau à la galerie nationale

n-
Kondraticv, Alissa Poret. Soulimo-Samou\10 (maiaon de la Presse
.
forme du Rlvizor de Gogol (Tatiana Gl6bova, Sofia Zalclik.ovskaîa Kibrik
i1
• EXJ>:<>Sition des courants modernes en art ; Ucv Brouni, David Bourliouk,
Natal!a Go_ntcharova, ~16na Gouro, Dr6vinc, Kandinsky, Piotr Kontcha-
lovs~•'. Lai:ïono~. Le _Dcntu, Machkov, Mitouritch, Osmiorkinc, Pougny,
avril:
Zinoviev, Kam6niev et Trotski. Il dirige~
l'URSS jusqu'à sa mon, en 1953.
brumes.
• Heidegger, Sein und Zeit.
• Anaud fonde avec R. Vitrac le th6Atre Alfred Jarry.
• Ballets russes : La Chane de Sauguet (architectures et
sculptures acéniqucs de Pevsner et de Gabo) ; Pas d'acier
de Prokofiev (construction et costumes de Yakoulov) ;
Tr6tiakov (MOICOU, man) ; panicipation de Natalia Gon-
tcharova, Piotr Kontchalovski, Alexandre Kouprine,
Larionov, Lentoulov, Machkov, Vassili Rojdestvicnski,
Falk.
• Troisi~mc exposition de l'Ost au mus6c de la Culture
picturale à Moscou (avril).
V11SS1lt RoJdcstvicnskt, Olga Rozanova, Tatline, Falk, Chagall, Alexandre Œdip,u-Ru de Stravinsky (d6con et costumes de Coc- • Neuvième expoàtion de l'Alchrr à Moscou (avril).
Chevtchenko, Chkolnik. (Mus6c national russe, novembre). teau). • Exposition polygraphiquc de toute l'Union à Moscou
• Pahlt, Crue (avec Brigitte Helm) ; Ren6 Clair, Un cha- (septembre).
Kharkov peau de paUle d'Italie ; r6alisation des premicn films • Le Dessin russe pendant les dix dcrni~res ann6es de la
•. Prcm~r nu'!16ro de la rc~c ukrainienne La Nouvelle Glnüation, qui sul>- sonores. r6volution d'Octobre, à la galerie nationale Tr6tiakov
~llt~ra JUsqu en 1930 (articles de Mal6vitch, Matiouchinc, Palmov ). • Mon de Juan Gris. (novembre).
JBDVler. • Mal6vitch se rend en Pologne à l'occasion d'une Cxpolη • D6but de la revue anistique Novy Lie{ (Le nouveau
tion de ses a:uvrcs à !'Hôtel Polonia de Varsovie; il est à front de gauche) sous la direction de MaJakovski.
Berlin du 29 mars au 5 juillet R6trospectivc Mal6vitch à la • Cholokhov, Le Don paisibk (l• tome).
Grosse Berlinische Kunstausstellung (7 mai-30 sep- • Eisenstein, Octobre.
tembre). Malévitch rencontre Gropius et Moholy-Nagy au
Bauhaus de Dessau (7 avril). Projet de film supr6matiste
avec Hans Richter. Die Gegenstandslose Welt aux Bau-
hausbUcher.
• Exposition d'art 10vi6tique organis6c par Pounine à
Tokyo (mai); a:uvrcs de Boris Ender, Mitouritch, Vladi-
mir et Gu6orgui Stcnberg.

424
425
BEKHTl::IEV À BROUNI

Biographie turc de Moscou {1906-1911), puis chez Tsionglinski, à


l'Académie des Beaux-Arts de Saint-Pétersbourg {1911-
sur l'intcn1ité de la couleur, le • spectralisme ,. {Lu
Scieurs de bol$, 1927), qui n'a sans doute pas été sans
1912) d'où il est exclu, étant jugl! avant-gardiste. Proche influence sur le post-suprématisme de Mal""itch apr~•
du groupe de Larionov. Partic!J>C au premier Valet de 1927.
Carreau {1910), à La Queue d'Ane (1912) et à La Cible
{1913). De 1916 à1936, il vit à Paris où il collabore à la BOLCHAKOV {Konstantine Aristarkhovitch), {~ 1895-
revue progressiste des émigrés russes Owr {1921-1924). Moscou 1938. P~tc et prosateur russe. A appart~nu au
En 1923, Il est membre du bureau du groupe Tchércz, groupe des futuristes moscovites. Proche de Natalia ~ont-
avec Romov et Iliam. charova et de Larionov, qui ont mis en forme son livre
lithographié Lt Futur en 1913 Qugé immoral et confiMl.ué
BEKHTtlEV {Vladimir Ouéorguiévitch), Moscou 1878- par la censure). A fait partie de tous los groupements fu~-
Moscou 1971. Peintre et dessinateur russe. Entre 1907 et ristes : La Mezzanine de la pœsic, Hyléc, La Centrif~
1914, appartient au groupe des Russes de Munich à côté geuse.
de Jawlensky, Marianne Wcrefkin et Kandinsky. ApRs
l'expressionnisme de la période allemande, son œuvre est BouauouK {David Davidovitch), Sémirotovchtchina
ALIAGROV {pseudonyme de Roman Ossipovitch Jakob- l'art du pasaé et faire de l'artiste un ingénieur de l'indu,.. sous le signe du cubo-futurisme avec une gamme multico- {province de Kharkov) 1882-Long Island 1967. Peintre,
aon), Moscou 1896-Boston 1982. Linguiste connu sous le tric. A partir de 1923, vit dans un hôpital psychiatriq lore éclatante dans l'esprit de Der blaut Reiter. ~te, théoricien d'origine ukrainienne. Fut, avec Koul-
nom de Roman Jakobson, Aliagrov a publié des vers tout en collaborant à Lie/ puiJ à Novy Uef. bine et Larionov, l'animateur le plus important du futu-
transmentaux avec Kroutchonykh dans uLivre zaoum
BERDIAEV {Nitolal Alexandrovitch), Kiev 1874-Clarnan risme russe, dont il crée la branche la plus radicale avec le
{1915, mis en forme par Olga Rozanova). Il quitte l'URSS RCHIPE KO (Alexandre Porphyrovitch), Kiev 1887-Nc1' 1948. Philosophe religieux. auteur du Sem de l'actt crhl- groupe Hyléc. Ses articles sur le cubisme et la facture, fau-
en 1928.
York 1964. Sculpteur, dessinateur et théoricien de l'art ltur {1916) et des premiers articles philosophiques sur tivement attribués à son fr~rc NikolaT, dans le recueil-
ukrainic_n. Archipenko arrive à Pa~is en 1908 aprh Picuso et le futurisme (1914-1917). manifeste Gifle au goat public {1913) constituent un jalon
ALTMAN_ {Natan lssaîévitch), Vinnitsa 1889-Uningrad apprentissage à l'école d'art de Kiev, puis à Mosco • capital dans la théorie picturale du XX' siklc.
1970. Peintre, sculpteur, décorateur de théltre, dessina- Expose dans la salle cubiste n• 41 au Salon des lndépen BOBROV {SergucT Pavlovitch), Moscou 1889-Moscou 1971.
teur. Altman a fait ses études à l'école d'art d'Odessa en dants en 1911. Participe au Salon de la Section d'or. 191 Archéologue, mathématicien, théoricien, ~te qui a auasi BOURLIOUK {NikolaJ Davidovitch Bourliouk), Kotelva
m~me temps que Baranov-Rossiné {1903-1907) et a fré- premi~rcs ~lpto-peinturcs. De 1912 à 1914, il ouvre son pratiqué la peinl\\;f'c {il expose à L'Union de la !e~esse et {province de Kharkov) 1890-? 1920. Fr~re de David et de
quenté l' Académie russe de Marie Vassilieff à Paris propre atcher. Nombreux contacts avec les futuristcl à La Queue d' Ane en 1912). Sa communication au Vladimir, ~te et théoricien du cubo-futurismc.
{1910-1911). Avant 1917, il expose en Russie des œuvres
russes et ukra!~icns. Medra'!o I {1912) est la premi~nf Deuxi~me Congr~s des artistes de toute la Russie {Saint-
cubo-futuristes {dont lo cél~brc Portrait d'Anna A/chma- sculpture à uuhscr, au xx• s1~clc, des matériaux peini. Pétersbourg, 1912) inaugure le champ conceptuel de l'abs- BoURLIOUK {Vladimir Davidovitch), Tche111ianta (pro-
tova, 1915). Participe à l'exposition futuriste Tramway V {bois, verre, métal, fil de fer). Découverte du concave en traction. « Sur l'illustration moderne •• la préface à son vince de Kherson) 1886-Saloniquc 1917. A participé à
{1915). En 1918, dirige la section pétrogradoisc de l'Jio sculpture. Pai:ticipe à l'Annory Show {New York, 1913), recueil poétique La Garditm de la vigne {1913), illustré toutes les expositions avant-gardistes et futuristes russes
du Narkompro$ e~ le musée de la Culture artistique. En la Erste russ1sche Kunstausstcllung (Berlin, 1922). E par Natalia Gontcharova, est une profonde réflexion sur depuis Stcphanos en 1907 jusqu'à la derni~rc de L'Union
1918-1919, appartient au groupe des communistes-futu- 1921, fonde une école à Berlin. l::migre aux l::tatJ-Unis en les rapports de l'écrit et du peint. de la Jeunesse en 1913-1914. Son impressionnisme primiti-
ristes (lcomfouty) dont l'organe est L'An dt la Commune. 1923. viste présente une tendance géométrisante {réseau de cel-
Installé à Moscou en 1921. il participe à l'lnlclwulc. Entre BoGDANOV {pseudonyme d'Alexandre Alcxandrovitch lules proche de celui d'un vitrail dans Paysage).
1920 et 1928, i/ travaille pour les théâtres juifs de Mos- BAIITCHEV {AlcxcT Vassiliévitch), Moscou 1887-Moscou Malinovski), Sokolka {province de Grodno) 1873-Moscou L'influence du cubisme se fait sentir dans le Ponrait dt
cou: en 1922, d présente à la Erstc russische Kunstauss- 1963. Sculpteur, peintre, dessinateur et théoricien de l'art 1928. Homme politique, savant, philosophe, romancier, Blnldilct Livchils et aboutit à une géométrisation abstrac-
tcllung {Berlin) ses tableaux ntrokommouna et Troud russe. Aprh un apprentissage dans diverses écoles de théoricien de la • culture prolétarienne •· Docteur en tisante qui annonce le suprématisme (Autoportrait sous
qui se veulent une synth~sc entre le sans-objet et le Moscou, étudie la sculpture avec Bourdelle à Paris {1913). médecine (1899). Social-démocrate depuis 1896, il devient deux anglu).
monde matériel.
Professeur aux Svomas de Moscou, vice-directeur de bolchévique en 1903. Son livre philosophique Empiriomo-
l'lnlchoulc entre 1920-1922 - il établit le programme du nismt {1904-1906) et ses positions influencées par Mach et BRUC {Ossip Maksirnovitch), Moscou 1888-Moscou 1945.
DREENKO- trcHITAILO {Mikhaîl Fiodorovitch), Kher- Groupe de tra~ail de l'analyse objective et panicipe acti- Avcnarius ont été vivement critiqués par Uninc dans Écrivain, théoricien de la littérature, dramaturge, journa-
son 1895-Paris 1982. Peintre et décorateur de théltrc vement aux discussions sur la composition et sur la Matlrialismt et Empiriocriticisme {1909). Exclu du parti liste politique. Fut un des organisateurs du centre de
ukrainien. Apprentissage artistique à la Société impériale construction - il est un des organisateurs de la Section bolchevique en 1909, en m!me temps que Lounatcharski recherche de l'Oporaz {École de la forme) où il publia les
d'encouragement des arts {Saint-Pétersbourg). En 1918- des arts plutiques au Rab/ale {faculté ouvmre). et Gorki. Crée des écoles du Parti à Capri et à Bologne Rttueils sur la thlorit dt la /angw poltique {1916-1917).
1919, il exécute une série de décors et de costumes pour le entre 1909 et 1911. D~ 1909, défend sa conception d'une En 1918, publie son étude des vers de Pouchkine et de
Théltre de Chambre de Miklachevski {Odeua). Continue BAR_A o_v-Ro I t {Vladimir, pseudonyme de Léonido • culture prolétaricMe pure • {aon livre Sur la cukutt pro- Lermontov sous le titre Rl,ntitiom sonores. Codirige avec
~-n travail thél~ral constructiviste à Prague en 1921-1922. Davidov1tch Baranov), Kherson 1888-Paris 1944. Peintre, Utarienne PB;raltra à Moscou en 1924). Public des romans- Maïakovski les revues L'An de la Commune {1918-1919),
S install~ à Pans en 1923. Pendant les années vingt, son sculpteur, inventeur, d'origine ukrainienne. A appris la utopies (L'ttoilt rouge, 1907; L'/nglnùur Mtnni, 1913). Uef {1923-1925) et Novy Lie/ {1927-1928). Il s'est pro-
œuvre plCturalc est cubo-constructivistc. clamé le champion de la « littérature du fait • et de la
peinture à Odessa et à Saint-Pétersbourg. A exposé à te- Les trois tomes de son ouvrage T«tologie. La scienu lllli-
phanos {1907-1908), au Maillon (1908), à Viénok-Step venelk d'organisation {1913-1922) ont influencé la créa- « commande sociale •·
ANNENK~v {Youri (Georges) Pavlovitch), Kamtchatka nos {1909). Travaille à Paris de 1910 à 1914 où il si tion du Prolittkoult, la naissance du constructivisme et
1889-Pans 1974. Peintre et décorateur de théltre. Apr~ Daniel Rossiné. Toiles cézanno-cubistcs. Se lie avec aMonccnt la cybernétique. De 1918 à 1921, membre de la BROMIRSl(J {Piotr lgnatiévitch), Oustiloug {province de
un~ formation artistique à l'école du baron Stieglitz à Robert et Sonia Delaunay. De cette époque datent ses direction du Prolietlcoult. Meurt en 1928, au cours d'une Volynic) 1886-Moscou {?) Sculpteur et dessinatcur. l::lhe
Samt-Pétcrsbourg, et à Paris, il travaille à Saint-Péters- grandes toiles orphistes très rythmées (Adam t!t Ève). En expérience médicale faite sur lui-mfmc. de Paolo Troubetzkoy à l'Êcolc de peinture, sculpture et
bourg pour des cabarets et des revues satiriques. À panir 1914, sa Symphonie n 2 {sculpture polychrome d'cspri architecture de Moscou {1906-1910). li a réalisé des élé-
de_ 1~13, collabore au théltrc satirique d'Evreînov, le prédadaîstc) provoque le sarcasme et Baranov-Rossin BoGOMAzov (Olcksandr), Yampol 1880-Kicv 1930. ments sculpturaux préconstructivistes, d'aprh les
M1ro1r déformant (u Ne:. d'apr~s Gogol, 1915), et au esquisses de Yakoulov, pour le Café Pittoresque à Moscou
dt~it son a:uvrc. Entre 1~13 et 191.5, CTI!c des sculpturca. Peintre et thtoricien de l'art ukrainien. Sa carri~re s'est
théltrc de Véra Kommiasarjcvskaîa (Lulu de Wedekind, qu li appelle « polytechniques ... et des contre-relicfL déroulée principalement dans la capitale ukrainienne (1917). Membre du groupe Makovicts.
1918). Il met en sœne Lt Prtmiu Bouilkur de TolstoJ en Série d'œuvres abstraites sur le motif du ruban de M0bius. Kiev. Entre 1902 et 1905, él~vc de l'.Écolc d'art en mfme
1919 (Théltrc de l'Ermitage) et surtout le monumental Professeur aux Svomas de Pétrograd et aux Vlchoutbruu temps qu'Archipenko, Alnandra Exter, Lcntoulov et BROU {Licv Alexandrovitcb), Malaya Vichéra {province
spectacle en plein air La Prise du palaJs d'Hiver en 1920. moscovites entre 1918 et 1924, il invente le Piano opto- Pevsner. Passe par l'atelier de Roebrberg à Moscou {1907- de Nijni-Novgorod) 1894-Moscou 1948. Peintre et dessina-
Apr~s 1924, il s'installe à Paris où il travaille pour le P,~nique'. instrument synesthésistc qui allie la musique et 1908), avec Malévitch et Kliounc. Participe à l'exposition teur russe. A étudié les arts appliqués et la peinture d'his-
cinéma.
1 unage picturale {une premi~re démonstration sera faite Le Maillon (Kiev, 1908). Son œuvre reste dominée par le toire à Saint-Pétersbourg et fréquenté l'atelier de Jean-
au Bolchoî en 1924). émigre à Paris en 1925. symbolisme jusqu'en 1912, année où il s'oriente vers un Paul Laurens à l'académie Julian à Paris. Participe à
Aavuov (Boris lgnatiévitch), Kiev 1896-Moscou 1940. cubo-futurisme tr~ original. Organisateur de l'exposition l'exposition Magasin {Moscou, 1916). Réalise une série de
Théoricien du constructivisme productiviste. A fait panic BARTHE {Viktor SerguéJévitch), Viélitchalévo {province L' Anneau à Kiev en 1914. Auteur du traité La pelntutt et contre-reliefs. Apr~s la révolution, se met au service de
du Prolietkoult (à partir de 1918), de l'Inlchoulc (à partir de Stavropol) 1887-Moscou 1954. Peintre et dessinateur. ses 1/lments {inédit). À la fin des années vingt, il o~re )'agit-prop à Omsk. Profesacur d'art graphique aux
de 1921) et du Ralchn. Marxiste, Arvatov entend abolir Apprentissage à l'l::colc de peinture, sculpture et architec- une syntb~se entre figuration et futurisme en travaillant Vlchoutlma.s à partir de 1923.

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BIOGRAPHIE
DYMCHITS-TOLSTAIA À FERDINANDOV
CHAGALL (Marc Zakharovitch), Liozno (province de
Expose à l'Erste russische Kunatausstellung (Berlin, 1921, refusant l'orientation du travail artistique vers la séjours à Paris, fréquente les milieux cubistes, subit
Vitebsk) 1887-Saint-Paul-de-Vence 1983. Peintre, dessina- 1922).
teur, ~corateur de théâtre d'origine biélorussieMe. Bien production et ne voulant pas renoncer au tableau de che- l'influence de Fernand Léger puis, autour de 1914, celle
qu'il ait v6tu principalement dans le milieu parisien, Cha- valet. Aprà une cou!"c p6riode influ~ncéc par le 1upr6- d' Ardengo Sofficci ; elle reste c~ contact étroi! avec les
gall a été étroitement lié à l'avant-garde russe, en partial- CHUPIANOV (Ilia Youliévitcb), Tchernigov 1900-Moscou matisme, Drévinc rcV1Cnt à une figuration de type expres- peintres et poètes cubo-futunstes de Russie (D. et
1951. Cblépianov est surtout connu pour ses mises en sionniste. V. Bourliouk, Bénédikt Livcbits). Elle a exposé dans de
lier au œu,ant néoprimitiviste de Larionov (il expose à La
forme constructivistes au théâtre de Meyerhold entre 1923 nombreuses manifestations de l'avant-garde entre 1909 et
Queue d'Ane en 1912). Entre 1908-1910, fréquente l'ate-
et 1926 : L 'Instituteur Boubousse de Falko, Le Mandat DYMCHm-TOISfAIA (Sofia lssakovna). Saint-Pétersbourg 1924 tant à Paris qu'à Saint-Pétersbourg, Moscou, Odessa
lier ($è Bakst à l'école d'Élizaviéta Zvantséva (Saint-
d'Erdman (1925), Mugis, Chine de Trétiakov (1926). 1888-Léningrad 1963. Apprentissage à l'école d'Élizaviéta ou Rome. Alexandra Exter est un pionnier de _l'art du
Pét9'"sbourg). Première exposition personnelle à Der
sn,m (Berlin, 1914). Apr~ 1917, il est nommé commis- CHOUKHOV (Vladimir Guéorguiévitch), Gralvorone 1853-
Zvantséva à Saint-Pétersbourg (1908-1910). Elle fut une xx• siècle. Elle a marqué de son sceau le fauvisme, le
SIÛre du peuple à l'an pour la province de Vitebsk (Biélo- des plus proches élèves de Tatline. A exposé six Reliefs_ de cubisme, le cubo-futurisme russe aussi bien que le
Moscou 1939. Architecte, ingénieur des ponts et chaus- verre à Magasin (Moscou, 1916). En 1919-1920, clic aide
tossie) oil il organise l'école d'art. Évincé par les supréma- constructivisme et bouleversé l'an du décor théâtral. De
sées. Ap~ des études à Moscou, séjourne aux États-Unil Tatline pour l'édification de la Tourd la Ill• lnter-
iistes de l'Ounovu, il pan pour Moscou en 1920. Travaille 1911 à 1915, elle réalise une sér_ie de tablea~x oà le
en 1876-1877. Ses œuvres principales sont les châteaux natioMle. cubisme se manifeste dans un déploiement dynamtque des
pour le Théâtre de Chambre juif d'Alexandre Granovski
d'eau de Nijni-Novgorod (1896) et de Yaroslav (1911), le éléments construits, puis d'amples architectures oil la
(panneaux muraux pour le foyer du théâtre et décon<os-
phare de Kherson (1910). Leur architecture ajour6, a été EISENSTEIN (SergucJ Mikhanovitch), Rig~ 1898-M~scou technique du collage montre son sens ~e. la factu~e-tex-
tumes pour des œuvres de Scbolem Alejchem). Quitte une source d'inspiration pour les constructivistes.
définitivement l'Union soviétique en 1922. 1948. Metteur en scène de théâtre et de anéma, peintre, ture. Elle a particip6 aux grandes expositions de I avant-
dessinateur, théoricien du cinéma. En 1920, met en scè_nc garde russe et ukrainienne : Viénok-Stephanos (1908), Le
CHTCHOUSSIEV (Alexer Viktorovitch), Kichiniov 1873- Le Mexicain, d'après Jack London (_19~_1), au Premier Maillon (1908), le Salon d'Izdebski (Odessa, 191?9-1910),
CHAPOCHNIKOV (Boris Valentinovitch), Moscou 1890-
Moscou 1949. Enseigne aux Vkhouttmas. En 1923, projet Théâtre ouvrier du Prolietkoult. Subit I mfluence ~e la Le Valet de Carreau, L'Union de la Jeunesse, L AMeau
Moscou 1956. Peintre et théoricien de l'art russe sovié-
du Télégraphe central de Moscou. Ses réalisations allient méthode bio-mécanique de Meyerhold et ~ la Fabnque (Kiev, 1914), Tramway V (1915) et Magasin (1916).
tique. A eu une activité intense aprà la Révolution de
tradition et constructivisme. Son travail principal est celui de l'acteur excentrique de Foregger. À partir de 1925, se A partir de 1916, imponants travaux pour le théâtre: Tho-
1917 : section des arts décoratifs à I' lio ( 1918-1920),
qu'il entreprend à partir de 1924 pour le mausolée de consacre au cinéma oil il crée des chcfs-d'œuvrc de l'an mira le Citharide, Saloml (1917), Romlo et Juliette
conférences sur l'histoire de l'art au Prolietkouh de Mos- Lénine sur la place Rouge de Moscou.
cou (1920), membre de l'Académie de Russie des sciences cinématographique (La Grive, Le Cuiraut Potemkine, (1921); en 1924, réalise les costumes des personnages du
de l'art (Raknn) à partir de 1921. En 1926, publie Esthl- Alexandre Nevski ... ). film Allita.
tique du nombre et du œmpas. DAVYDOVA (Natalia MikhaJlovna), 1873-1926. A travaillé
De 1917 à 1918 elle travaille avec des enfants dans son
principalement dans les ans appliqués et Olll&nisé, aprb ENDER (Boris Vladimirovitch), Saint-Pétersbourg 1893- atelier d'Odessa•. De 1918 à 1921, son atelier ~e Kiev est
1915, l'atelier artisanal de Verbivka [Verbovka), village Moscou 1960. Peintre et théoricien de l'art .. Proche un des lieux principaux de l'avant-garde (parmi ses élèves,
CHARCHOUNE (Sergucî Ivanovitch), Bogourouslanc (pro-
ukrainien de la province de Kiev. À partir de 1916, ses d'Éléna Gouro et de Matiouchinc, Ender travaille dans on compte Tychlcr, Tchélichtchev, Schifrin, Lanskoy). De
vince de Samara) 1888-Paris 1975. Peintre et écrivain
projets et ceux de Malévitch, Olga Rozanova, Nadiejda !'Atelier du réalisme spatial, aux Svomas de Pétrograd 1921 à 1922 elle enseigne la couleur aux Vkhoutl~. Par-
russe. Aprà un apprentissage à l'école d'art de Kazan et à
Oudaltsova, Pougny, ont créé le premier design supréma- (1920-1921). De 1923 à 1926, il collabore_ à la Se~on d~ la ticipe aux discussions de l'lnkhouk sur la composition el la
!'École de peinture, sculpture et architecture de Moscou
tistc et ont été réalisés par les paysans de Verbivka. Do culture organique du Ghlnkhouk, assiste Mat1ouchme construction et expose à 5 x 5 = 25 (Moscou, 1921).
(chez Machkov), il s'installe à Paris (1912) oil il étudie à
1918 à 1920, directrice du musée central du Travail de dans ses recherches sur la question de l'élargissem~nt de Émigre à Paris en 1925 oil elle enseigne de 1926 à 1930 à
l'Académie russe et à La Palette. À panir de 1919, parti-
maison à Moscou. Participe à l'exposition Création sans- la vision. En 1924, participe à la Bienale lnternBZJonale l'académie d'an contemporain de Fernand Léger. Ex~cu~
cipe au mouvement Dada et travaille avec Picabia, Sou- objet et suprématisme (Moscou, 1919).
pault et Tzara. Après un passage par le purisme, il dell'Artc (Venile). des« sculptures lumineuses• pour l'appanemcnt berhno1s
s'oriente, à partir de la fin des années vingt, vers l'abstrac- de son amie la danseuse Elsa KrUger.
tion. DELAUNAY-TEH (Sara llinitchna Stem, dite Sonia Delau- ENDER (Maria Vladimirovna), Saint-Pétersbourg 1897-
nay), Odessa 1885-Paris 1979. Peintre, décorateur de Léningrad 1942. Peintre et théoricien de I'~. Dès _1916, FALK (Roben Rafanovitch), Moscou 1886-Moscou 1958.
théâtre, dessinateur, designer d'origine ukrainienne. A proche de Matiouchine. De 1918 à 1921, fait pan1e de Peintre russe. Il fut un des meilleurs représentants de 1~
CHESTAKOV (Viktor Alebclévitch), Orel 1898-Moscou
pris le nom de son oncle maternel Tcrk. Après une série l'atelier de ce dernier aux Svomas de Pétrograd. ~ 1923- ligne cézannienne du Valet de Carreau. 11 a subi
1857. Étudie aux Vkhoutlmas entre 1920 et 1924.
de dessins exécutés entre 1904 et 1906 oil elle applique les 1926 travaille dans la Section de la culture organique du l'influence de Derain et de Vlaminck.
Constructiviste productiviste, il écrit en 1924 un texte inti-
tulé L 'Armature du mode de vk quotidien. Participe à la leçons reçues à Karlsruhe puis à La Palette, elle exécute Ghi/iichouk; elle est chargée de I'« application de laper-
entre 1907 et 1910 plusieurs portraits dans lesquels elle ception p6riphérique des formes-couleurs •· A~ la fer- FAVORSKI (Vladimir Andrélévit';h), Moscou 1_886-Moscou
Première Conférence des travailleurs du Front de gauche
associe une poétique fauviste (héritage de Gauguin, Van met ure du Ghinkhouk en 1927, elle continue ses 1964. Graveur, illustrateur de hvres. A enseigné les ans
(Moscou, 16 et 17 janvier 1925). À partir de 1922, travaille
au théâtre de Meyerhold (Le Lac Lulle de Fai'.lto, 1923). Gogh et Matisse) à l'agressivité de l'expressionnisme alle- recherches sur l'élargissement de la vision. gtaphiqucs aux Svomas de Moscou et aux Vkhoutlmas
mand.
Reçoit une médaille d'or à !'Exposition internationale des dont il est le recteur de 1923 à 1925. Membre du grou~
Ans décoratifs modernes et industriels (Paris, 1925). Le néoprimitivisme a marqué son œuvrc avant qu'elle ne ENDER (Xénia Vladimirovna), Sloutsk 1894-Léningra~ Makoviets. Sans etrc vraiment d'avant-garde, son travail
s'engage dans l'abstraction. Elle pratique l'art décoratif et 1955. Peintre russe, elle a travaillé, comme son fr~re Bons d'une grande rigueur claaaique (couv~rtures po~r Les
réalise de nombreux objets, travail oil elle se livre au et sa sœur Maria, dans !'Atelier du réalisme spa!1al (1918- Imaginaires en gtomltrie de Florensk1 o~ Le Livre de
CHEVTCHENKO (Alexandre Vassiliévitch), Kharkov 1882-
maniement libre des formes, par exemple dans sa Broderie 1922). Elle a pria part aux recherches de I école de Ruth) a marqué l'art soviétique des &Mées Vingt.
Moscou 1948. Peintre et théoricien. Apprentissage à
de feuillage ou la couvcnure pour le berceau de son fils. Matiouchine au Ghinkhouk.
!'École des arts décoratifs Stroganov à Moscou (1897-
La couleur-lumière est le principe constitutif de son œuvre FtRAT (pseudonyme de SergueY Nikolaîévitch Yastrebt-
1905), dans l'atelier d'Eugène Carrière, puis à l'aca~mie
multiforme. Sonia Delaunay écrit : Les couleun pures EVREINOV (Nikolal Nikolalévitch) M~sco_u 1879-Par!s sov), Moscou 1881-Paris 1958. S'est fofl!lé ~ !'école d'art
Julian à Paria (1905-1906) et enfin, après 1907, chez le
devenant plan et s'opposant par contrastes simultanés 1933. Dramaturge, metteur en scène, h1st~nen et théon- de Kiev au début du siècle. En 1913, 11 _d1~ge, avec la
peintre impressionniste Konstantine Korovine à l'École
de peinture, sculpture et architecture de Moscou. De 1910 créent pour la première fois la forme nouvelle construite cien du théâtre. Directeur du Théâtre anacn (1911-1912), baronne d'Œttingen (sa parente) et Apollinaire, la revue
non pas par le clair-obscur, mais par la profondeur de cou- metteur en scène au théâtre de Kommi~cvskala pulS cubiste Les Soirtes de Paris (sous le pseudon_yme d~ Jean
à 1914, participe aux côtés de Larionov à la propagation
du néoprimitivisme dont il formule les thèses dans une leur meme. • Sc tournant ven l'abstraction ou la non-figu- dans les théâtres satiriques le Théâtre J~ycux pour les Céruaae [i.e.« ces Russes 1 •)). En 1917, Il réal!se (es
ration, elle reste fidèle à cc travail sur la couleur qui ICI vieux enfants et le Miroir déformant. Pubhc une synth~ décors et les costumes pour Les Mamelles de Tirls1as
brochure de 1913. En 1913-1914, peint des œuvrcs cubo-
retrouve aussi bien dans ses toiles (Prllmu tleetriquu, thl!oriquc de son travail et de sa pcnadc sur la « th1!4trah- d' ApoUinaire.
futuristcs (Nature morte noin) et rayoMistes (Composi-
1914; Bal Bullier, 1916) que dans ses très nombreux tra- sation de la vie• dans Le ThltJtre comme tel.(191_2) et ~e
tion, Composition sur fond noir). Mais, de façon générale;
il est resté fidèle au cubisme cézanniste. vaux pour le théâtre, la mise en forme de livres ou
d'affiches ou l'an vestimentaire. Elle crée les premièrea
!
Thldtrt! pour soi (1915-1917). En 1920, J>C;'ur anmvena1rc F'ERDINANDov (Boris Alexelévitch), Mosco~ 1~9-Mosco~
de la révolution d'Octobre, monte en ple10 air le IJ>l:cl8Cle 1959. Acteur, metteur en tùne, peintre, écnva1!1 et théon-
robes et gilets « simultanés en 1913. de masse La Prise du palais d'Hiver avec une mise en cien du théâtre. Après la révolution de 1917, Il a sunout
CHKOLNIK (Iossif Solomonovitch), (?) 1883 -(?) 1926. For-
mation à l'école d'art d'Odessa et à l'Académie des forme d'Anncnkov (800 acteurs et 500 musiciens). travaillé comme acteur, mais aussi comme décorat~ur d~
DRtVINE (Alexandre Davidovitch), Wcnden (Lettonie) théâtre au Théâtre de Chambre de Talrov (Arlequin ro,,
Beaux-Arts de Saint-Pétersbourg. Membre fondateur et
1889-Moscou 1938. Peintre d'origine lettone, il s'est formé EXTER (Alexandra Alexandrovna), Biélostok 1882-Fonte- 1917-1918; Adrienne Lecouvreur, 1919) et au Thé~tre
secrétaire de L'Union de la Jeunesse (1909-1914). Tra-
à l'école d'art de Riga de 1908 à 1913. S'installe à Moscou nay-aux-Roses 1949. ~e(ntre,. deasinaJeur, décorateur de expérimental héroYque de M~scou (192171923) qu 11 a
vaille avec Fllonov à la mise en forme de Vladimir Ma'ia•
kovski. Tragldie de Malakovski, au Luna Park de Saint- aprb 1914. Épouse Nadiejda Oudaltsova en 1920, annl!e théltre, designer d'ongmc b1éloruss1cnne. A fréque~té dirigé avec Vadim ChcrchénéV1tch. 11 plaÇBJt à la ~ - de
Pétersbourg (1913). Enseigne aux Svomas de Pétrograd. oil il commence à enseigner aux Svomas, puis aux Vkhou• jusqu'en 1907 l'école d'art de Ki~v. En 1908, ~lie orgamse la création de l'acteur et du metteur en scène cc qu il a
ttmas. Participe aux débats de l'lnkhouk qu'il quitte en avec David Bourliouk l'exposition Le Maillon. Longs appelé le « métro-rythme •·

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BIOGRAPHIE GOURO À KANDINSKY

FlLONOV (Pavie) NikolaJbitcb), Moscou 1883-Uningrad à l'lnkhouk. Auteur du livre-manifeste u Con:structivi:sm., trop, selon elle, la peinture française, elle revendique un IOGAN!ION (Karl), Lituanie vers 1890-(?) 1929. Sculpteur.
1941. Apm son exc)usioa de l'Acad6mie des Beaux-Arts (Tvier, 1922). De 1923 à 1924, collabore aux revues Llef et retour aux sources formelles et th6matiques de l'an popu- Il est surtout connu pour sa participation aux d6bats de
de Saint-P6tersbourg en 1910, participe aux expositions de Kilw-fot. À partir de 1926, responsable artistique de la laire russe: d~ 1912, elle fonde avec Larionov le groupe l'lnkhouk sur la composition et la construction. Il est un
L'Union de la Jeunesse. Hiver 1911-printemps 1912, il revue constructiviste S.A., membre de la Soci6t6 des archi- n6oprimitiviste qui organise à Moscou l'exposition jug6e des fondateurs du premier Groupe de travail des
accomplit un voyage de six mois à travers l'Italie et la tectes contemporains (Osa). En 1928, il fonde avec scandaleuse de La Queue d'Âne. L'6tape suivante sera Constructivistes et pr6sente ses sculptures faites d'616-
France. En 1912-1915, cr6ation de grandes toiles comme Alexandre Vesnine, Klucis, Lissitzky le groupe Octobre. celle du rayonnisme, premi~re tentative d'abstraction en ments lin6aires à l'exposition de l'Obmokhou (mai-juin
Lts Vachlru, Lt Festin dts rois, Famille paysanne. En Russie, qui sera sanctionn6e par l'exposition La Cible 1921).
d6cembre 1913, peint deux toiles de fond pour la mise en GtNSBURG (Moîssieï Yakovl6vitch), Minsk 1892-Moscou (1913). R6alise les premien • livres-objets,. futuristes
sùne de Vladimir Ma'fllkovski. Tragldit au th6Atre Luna- 1946. Architecte. En 1914, termine ses 6tudes à l'Acad6- publi61 en 1912 par le ~te et th6oricien de la• trans- JAWLEN!IKY ((Iavlenski) Alexel Gu6orgui6vitch), Torjok
Park de Saint-P6tersbourg. En 1914, participe à l'ill115tra- mie des Beaux-Arts de Milan. Obtient en 1917 un diplômo mentalit6 •• Kroutchonykh. En 1914, demi~re exposition (province de Tvier) 1864-Wiesbaden 1941. Il fut un extra-
tion du recueil Futuristu - u Parnasse rugissant, met en d'ing6nieur à Riga. À partir de 1922, il enseigne à l'Insti- du groupe de Larionov et de Natalia Gontcharova, N' 4 ordinaire coloriste russe dans le sillage du fauvisme fran-
a:uvre le recueil de Khlebnikov Lu ldolu dt bois, publie tut des ing6nieurs et aux Vkhoutbnas (facult6 d'architeo- (Moscou), et r6trospective de Natalia Gontcharova et de çais et de l'expressionnisme allemand. A appartenu à
le manifeste Lu Tableaux travailll:s ju:squ 'au bout où il ture ). Auteur des essais th6oriques Rythme tt Archittclurf Larionov (Paris, galerie Paul Guillaume). Guillaume 1'6cole russe de Munich. De 1905 à 1911, nombreuses
proclame pour la premi~re fois le principe de la et Style tt Êpoq,u: (Moscou, 1924). édite Ica revues Archl• Apollinaire 6crit dans sa pr6face : • Nathalie de Gontcha- expositions en Russie : Vi6nok-St6phanos, Le Valet de
« m6tbode analytique •· En 1915, met en forme et publie ttctun (1923) et S.A. (1926-1930). Membre de la Soci616 rova a accept6 bravement les influences des grands Carreau (1910) et Salons d'lzdebski (1909-1910 et 1910-
son pœme dramatique Prkhantion dt la Procroi.s:sanct du des architectes contemporains (Osa) et du groupe peintres français et peignant en France qui seuls depuis 1911).
Mondt. En 1919, il pr6sente 2S tableaux group6s 50115 le Octobre. A fait de nombreux projets qui n'ont jamais 616 une vingtaine d'ann6es maintiennent tr~s haut la tradition
titre Insertion dans l'lclo.sion du monde à la 1,. Exposition r6alisés. Parmi les projets aboutis, on signalera celui du de l'art. Ce contact sublime avec la vraie tradition occi- JtGUINE (Liev, pseudonyme de Liev Fiodorovitch Schech-
nationale d'art au palais des Arts. En 1923, publie son palais de justice d'Alma-Ata (1927-1930), en collaboration dentale a donn6 à la grande artiste russe le go1lt et le tel), Moscou 1892-Moscou 1969. Peintre, dessinateur, his-
manifeste L'Êclosion du mondt; dirige la Section de avec 1. Milinis. secret de la riche tradition orientale qui paraissait s'etre torien et th6oricien de l'art. Fils du c6l~bre architecte
l'id6ologie g6n6rale (construction d'une th6orie synth6- fix6e d6finitivement dans l'art populaire de l'Empire russe Fiodor Schechtel.
tique fond6e sur 1'6tude des mat6riaux et les concl115ions GNttoov (Vassilik lvanovitch), Mankovo-Bi6rozovskala russe. ,. L'article se termine par cette belle phrase : • Le
apport6es par les autres sections) à l'Institut national de la (r6gion de l'Arm6c du Don) 1890-Kherson 1978. Poète mouvement dans son art est une danse rythm6e par KAMIENSKI (Vassili Vassili6vitch), prk de Sarapoul 1884-
Culture artistique de Uningrad ; de cette section se ego-futuriste dont le recueil Mon d l'an (1913) comportait l'enthousiasme. ,. Moscou 1961. Po~te, peintre et aviateur. Plus connu
d6gage le Groupe des maîtres de l'art analytique (MAI), le Poimt dt la fin : une simple page blanche qui marquait La meme ann6e 1914, Natalia Gontcharova commence comme polte du groupe litt6raire des futuraslaves
appel6 aussi 6cole de Filonov. le refus de tout sens rationnel et la n6gation de la langue son travail pour le th6Atre avec le somptueux Coq d'or d'Hyl6e. A particip6 à l'exposition impressionniste Le Tri-
figurative ; cet acte a pu etre une impulsion pour la nais- aux Ballets russes de Diaghilev. En 1917, elle s'installe angle (1910), à celle des pneumo-rayonnistcs de Larionov,
FLORENSKI (~re Paviel Alexandrovitch), Evlakh (pro- sance du supr6matisme. La • lecture • de ce po~mo d6finitivement à Paris avec Larionov. En 1922, sa mise en N' 4 (1914), où il a pr6sent6 ses po~mes-tableaux « en
vince d'Elizavietpol) 1882-Fusi116 au goulag en 1937. Le annonce aussi les futures «actions• du XX" si~le : l'auteur forme de Noca de Stravinsky aux Ballets russes offre un b6ton arm6 ,. Tango avec lu vaches et à la demi~re expo-
~re Aorenski fut un esprit universel : pr!tre orthodoxe ne faisait qu'un geste de la main, la passant rapidemen nouvel aspect du n6oprimitivisme russe (minimalisme des sition futuriste de tableaux, 0,10 (1915-1916). On connaît
russe, th6ologien (sa somme La Colonne tt k fondanent au-dessus des cheveux puis la rabaissant brusquement couleun : brun et blanc, sobri6t6 des d6con et des cos- de lui un « objet construit ,. : un pi~ge à souris coll6 sur
dt la Vlrill parut en 1914), philologue, historien des id=, pour, enfin, la balancer de droite à gauche. tumes). une planche de bois (1915).
math6maticien. physicien, ing6nieur, il enseigne de 1921 à
1924 aux Vkhoutbnas où il a une chaire intitu16e « Ana- Gotossov (Ilia Alexandrovitch), Moscou 1883-Moscou GouRo (°él6na Guenrikhovna), Saint-P6tersbourg 1877- KANDINSKY (Vassili Vassili6vitch), Odessa 1866-Neuilly-
lyse de la spatlalit6 dans les a:uvres artistiques » ( « Il a 1945. Architecte russe. Termine en 1912 sa formation à Usikirko 1913. Peintre et ~te, 6pouse de Matiouchine. sur-Seine 1944. Peintre, des.,inateur, philosophe et th6ori-
fallu cr6er cette discipline en utilisant les math6matiques, l'école de peinture, sculpture et architecture de Moscou Sa po6sie (les recueils Orgut dt barbarie, 1909 ; Songt cien de l'art. études de droit (1886-1892) puis formation
la physique, la psychologie et l'esth6tique •• 6crit-il dans avec un diplôme d'architecte. En 1920, à la facult6 d'archi- d'automne, 1912; Chamtltt:s du citl, 1914) est à la jointure artistique à Munich chez Azbe et F. von Stuck (1897-
son Autobiographie de 1927.) Il est un des animateun du tecture des Vkhoutbna:s, il c:r6e, avec Melnikov, un studio du symbolisme et du futurisme. Son a:uvre picturale est 1900). Il est un des anisans du renouveau artistique dans
groupe Makoviets (1921-1925). En 1922, publie Lu Imagi- d'architecture exp6rirnentale : la Nouvelle Acad6mie. Fait primitiviste-organicistc (d6ploiement libre du trait sur la cette ville (Dit ntut Kanstltrvtrtinigung, Dtr blaut
naires tn glomltrit. De 1924 à son arrestation en 1933, il partie du groupe Monolithe. En 1925, membre de la surface). La demi~re exposition de L'Union de la Jeu- Rtlttr). Bien qu'une grande partie de la vie artistique de
travaille et 6crit dans le domaine de 1'61ectrotechnique. Soci6t6 des architectes contemporains (Osa) et collabora- nesse en 1913-1914 Jrisentait une r6trospective posthume Kandinsky se soit d6ploy6e en Allemagne, puis en France
teur de S.A. Parmi ses projets r6al~. la maison du Tex- de son a:uvre. dans les ann6es trente, ses liens avec la Russie sont si forts
Guo (Naoum (N6h6mia] Berkovitch (Abramovitch] tile (1926) et le club ouvrier SouTev (1927-1928) à Moscou. qu'il est impossible de séparer son a:uvre d'une histoire de
Pevsner, dit Naum Gabo), Briansk (?) 1890-Waterburg GRANOV!IIU (Alexeî Mikhanovitch). Moscou 1890-Paris l'art russe. Il est une des personnalit6s les plus 6minentes
1977. Sculpteur, designer et th6oricien de l'art. Fr~re GOLYCHEV (Efim Golyscheff), Kherson, 1897 - Paris, 1937. Metteur en sc~ne de th6Atre, cin6aste russe. En qui 11eront le trait d'union entre la Russie et l'Occident
d'Antoine (Natan) Pevsner. étudie entre 1910 et 1914 la 1970. Peintre, compositeur, violoniste, chimiste d'origin6 1919, cr6e le Th6Atre national juif, dont le r6pertolre est Gusqu'en 1921, il expose_r6guli~rement en Russie ~t en
m6decine et les sciences naturelles à Munich où il suit les ukrainienne. Signait en Occident Jeff(im) Golyscheft en yiddisch (parmi les acteurs : Mikhoels ; parmi les Ukraine). En 1902, parution de la • Lettre de Mumch •
cours d'Heinrich Wôlfflin. Entre 1915 et 1917, il séjourne él~ve de Uopold Auer à Odessa. Se rend à Berlin en !?Cintres : Chagall, Isaac Rabinovitch, Natan Altman). (u Monde dt l'Art, n' 1); en 1903, 1'6cole Stroganov de
à Christiana (aujourd'hui Oslo) en Norv~ge, avec son 1909, compose en 1914 un trio bas6 sur • des complexee tmigre à Paris en 1928. Moscou publie un album de douze bois et deux vignettes
fr~re Natan. Revenus en Russie apr~s les r6volutions de de douze tons de dur6e ». Membre fondateur du groupe sous le titre Vtr:s :sans parola (Slikhi btz, :slov). Correspon-
1917, les deux fr~res participent aux d6bats de l'avant- dadaïste berlinois Novtmbtrgruppt. Cosigne un manifeste HARTMANN (Thomas von), Khoroujevka (province de dant de la revue symboliste Apollon à laquelle il envoie en
garde russe ; publication du Manift:stt rlali:stt (Moscou, avec Hausmann et Huelsenbeck. Cr6e des a:uvres anti-arL Kharkov) 1885-Princeton 1956. Compositeur, piani1te, 1910 ses• Lettres de Munich». Participe aux deux Salons
juillet 1920) et, la meme ann6e exposition à Moscou des Invente de nouveaux instruments de musique et utilise chef d'orchestre, peintre russe. Travaille avec Kandinsky, d'lzdebski (Odessa, 1909-1910 et 1910-1911); l'almanach
a:uvres de Pevsner, Gabo et Klucis. En 1922, Gabo parti- pour ces compositions des ustensiles de cuisine. dans le cadre de Dtr blaut Reiter, à la composition sœ- publi6 à cette occasion et qui a pu servir de mod~le à ce!ui
cipe à l'organisation de l'Erste russische Kunstausstellung nique de Dtr gtlbt Kiang. lnfluenc6 par Gurdjieff. de Der blaut Rtittr (Munich, 1912) compone le premter
(Berlin). En 1924, exposition des a:uvres de Gabo et de GONrCHAROV (Natalia Serguîevna), NagaJ6vo (province texte th6orique de Kandinsky « Le contenu et la forme ••
Pevsner (Paris, galerie Percier) ; les deux frhes se procla- de Toula) 1881-Paris 1962. Peintre, dessinateur, designer, IERMou1tvA (Vi6ra Mikhanovna), P6trovsk (province où l'artiste proclame • le principe de la N6cessit6 int6-
ment constructivistes. En 1927, mise en forme par Pevsner dt,oratcur de th6ltrc. lsauc d'une famille de la petite de Saratov) 1893-Mortc au goulag en 1938. Peintre et rieure •· Le trait6 Du spirituel d(Jn:s l'art sera connu de
et Gabo de La Chatte, aux Ballets russes de Diaghilev ; ils noblesse russe, aprà avoir 6tudi6 l'histoire, la zoologie et illustrateur de livres. Entre 1914 et 1917, 6tudie à 1'6cole façon concomitante en Russie et en Allemagne au d6but
y utilisent le cellulord, mat6riau privil6gi6 de Jeurs aculp- la botanique, elle est admise en 1898 à l'école de peinture, d'art Mikhaîl Bernstein à Saint-P6tenbqurg. Li6e à Le de 1912. En 1910, Kandinsky expose au Valet de Carreau,
tures. En 1931, Gabo participe au concours pour la sculpture et architecture de Moscou (61~ve du sculpteur Dentu et Ilia Zdan6vitch. En 1919, elle est nomm6e rec- et quatre ~mes en prose extraits du cycle KIJJngt parais-
construction du palais des Soviets à Moscou. En 1932, Paolo Troubet.zltoy, disciple de Rodin) ; elle y rencontre teur de 1'6cole d'art de Vitebsk. Panicipe à l'organisa- sent dans l'almanach des futuraslaves, Glflt au goQt public
membre du groupe parisien Abstraction-Cr6ation. Larionov. À panir de 1900, elle commence à peindre et à tion de l'Ounovi:s de Mal6vitch en 1920 et met en forme (1912-1913). En 1912, exposition de Der blaue Rei~er et
exposer dans diff6rents salons : exposition de l'art russe th6Atralement le livret de La Victoire :sur lt Soleil de publication de l'almanach du meme nom : K~ndmsky
GANE (Alexeî Mikhanovitch), Moscou 1883-Moscou 1940. organis6e au Salon d' Automne de Paris par Diaghilev Kroutchonykh. De 1923 à 1927, elle dirige le laboratoire invite les Russes à exposer (Moîsser Kogan, David et Vla-
Typographe, designer et th6oricien du constructivisme. (1906), Stephanos (1907), Salons organis6s par la revue La de la couleur dans l'atelier de Ma16vitch au Ghinkhouk dimir Bourliouk, Natalia Gontcharova, Larionov, Mal6-
Formation à l'école Stroganov (Moscou). De 1918 à 1920, Toison d'or ( 1908 à 1910). Avec Larionov, elle fonde à de P6trograd-Uningrad. Après 1927, elle illustre des Yitch) ; il traduit en allemand un texte de David Bo~rliouk
membre de la Section th6Atrale (TEO) du Narkompros. Moscou le groupe c4!zannien Le Valet de Carreau en 1910. livres d'enfants. Elle est arr&t6e en 1934 et envoy6e au sur la peinture russe contemporaine et des extraits des
En 1921, il met sur pied la Section de l'id6ologie pratique En d6saccord avec la ligne dominante du groupe qui imite goulag. lmpl't!SSlon:s italitnnt:s de V. Rozanov et fait connaitre par

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BIOGRAPHIE KOULBINE À LENTOULOV

de nombreuses reproductipns Ica gravures sur bois russes mas de Moscou. Épouse VaJentina Koulaguina, designer. cis. Elle a travaillé essentiellement dans le domaine de la cipe aux expositions de Stepbanos et Viénok-Stephanos.
(loubok). Revenu en Russie au moment de la guerre de En 1920, fréquente les ateliers de Malévitch et de Pevsner. typographie (livres, revues, affiches, photomontages). À partir de 1909, dans le cadre de La Toison d'Or, il
1~14, il participe activeme~t à la vie artistique des pre- Participe à l'~xposition organisée par Pevsner et Gabo, forme le mouvement néoprimitiviste. Ses sujets s'inspirent
m1~res annus de la révolubon. Il est ressenti comme issu boulevard Tv1erskor (Moscou, 1920), aux expositions de KOULIIINE (Nikolaî Nikolaïévitch), Helsingfors (Helsinki) des villes provinciales : coun boueuses aux palissades de
de l'expressionnisme allemand, mais sa pens6e th6orique l'Ounovis (Vitebsk, 1920, Moscou, 1921). De 1921 à 1923 1868-Pétrograd 1917. Médecin, peintre, théoricien, édi- bois, femmes opulentes, graffitis, coiffeurs ... En 1910-
aura une profonde r&onance dans la prise de conscience parti~pe aux activités de l'lnkhouk. À partir de 1924, il teur, surnommé le « grand-~ du futurisme russe •· De 1911, fait son service militaire (série des Soldats»), En
par Ica artistes russes de l'autonomie de la cr6ation artis- e?se1g~e aux Vkhoutlmas _(facultés d'art graphique, 1908 à 1910, organise plusieun expositions impression- décembre 1910, il crée avec David Bourliouk et d'autres
tique. La venion russe de ses mémoires Rackblicke (1913) d archltecure et de travail sur bois). Communiste nistes dont Le Triangle et participe lui-meme à ces mani• peintres Le Valet de Carreau, mais rompt avec les cézan-
parait en 1918 aux éditions du Narkompros sous le titre convaincu, il met sa création au service de la nouvelle festations ainsi qu'aux deux Salons d'lzdebski. Publie niens d~s 1911. Rétrospective d'un jour à Moscou (1911).
°ttape.s (Stoupilni). En 1919, il est secrétaire scientifique société sociaJiste. l'almanach Le Studio des imprasionniste.s. Son œuvre pic- En 1912, crée La Queue d'Âne, participe avec Kroutcho-
du mus6e de la Culture picturale à Moscou. En 1920, fon- turale est marquée par le postimpressionnisme et le nykh et Natalia Gontcharova à la création du livre litho-
da~iOD: de l'Jnkhouk. Évincé par le Groupe de l'analyse KOGAN (Nina Ossipvovna), Vitebsk 1887-Uningrad 1942 Jugendstil. Il a peint autour de 1913 des œuvres caractéri• graphié futuriste; expose à Der blaue Reiter. li peint les
obJect1ve ayant à sa tete Rodtchenko, Kandinsky fonde en (?). A étudié à l'école d'art de Chagall à Vitebsk (1919). s6es par une recherche sur les couleurs pures. panneaux des Quatre Saisons. La premi~re œuvre du
1921 l'Académie de Russie des sciences de l'art (Rakhn). Disciple de Malévitch et membre de l'Ounovis de Vitebsk rayonnisme r6aliste apparait à la toute fin 1912. En 1913,
De 1922 à 1933, il est profeaeur au Bauhaus. de 1920 à 1922. En 1920, elle met en forme un Ballet KR1NSKI (Vladimir Fiodorovitch), Riazan 1890-Moscou le rayonnisme triomphe à son exposition de La Cible :
suprimaJiste et enseigne le supr6matisme. En 1922-1923, 1971. Architecte et th6oricien de l'architecture. De 1910 à parution du traité Le Rayonnisme et d'un almanach-mani-
KHLEII IKOV (Vélimir (Viktor] Vladimirovitch), Astra- elle est conseill~re au mus6e de la Culture picturale à 1917, fréquente l'Académie des Beaux-Arts de Saint- feste. Création avec Ilia Zdaniévitch du « peinturlurage
khan 1885-Santalovo (province de Novgorod) 1922. Un Moscou. Pétersbourg/Pétrograd. En 1919, membre du groupe Jivs- des visages• et du « toutisme •· En 1914, son exposition
d_es plus grands ~tes et théoriciens du langage de ce koulptarkh à Moscou; en 1921, membre du Groupe de N 4 marque le triomphe du pneumo-rayonnisme qui fait
s1~cle. Pour se démarquer de tout occidentalisme, il KONTCHALOV XI (Piotr Pétrovitch), Slaviansk 1876-Mos- travail de l'analyse objective à I' lnkhouk. Fonde en 1923 de Larionov un des fondateurs de l'abstraction aux côtés
nomme le futurisme russe la « futuraslavie • (boudlet- cou, 1956. Études à l'école de dessin de madame Raïevs- avec les architectes Ladovski et Dokoutchaïev l'Asnova. de Kandinsky, Malévitch et Mondrian ; expose chez Paul
Uœutvo), c'est-à-dire:« le futur sera slave 1 •· Sa pratique kaîa-Ivanova à Kharkov, à l'école Stroganov à Moscou, à Enseigne à partir de 1920 aux Vkhoutimas et au Vkhou- Guillaume à Paris avec Natalia Gontcharova (la préface
verbale (une instrumentation de type musical du lexique l'académie Julian à Paris (1897-1898), puis à l'Académie te'ine. du catalogue est écrite par Apollinaire). Quitte la Russie
avec des jeux combinatoires de racines et de suffixes) est à des Beaux-Ans à Saint-Pétersbourg (1899-1907). Expoae en 1915 pour travailler aux Ballets russes de Diaghilev
la base de la « transmentalité • (iaown). La po6aie trans- en 1908 au Salon des Indépendants et au Salon KROUTCHONYKH (Alexeî Elisséïevitch), Olivskoré (pro- (Soleil de Nuit, 1916 ; Contes russes, 1917). La force
mentale a, certes, subi l'influence du cubisme et du futu- d'Autornne à Paris. À partir de 1910, il est un des princi- vince de Kherson, Ukraine) 1886-Moscou 1968. Peintre, d'expression, la luxuriance des couleurs de ses décors et
risme mais elle a joué un rôle dans la naissance de l'alo- paux représentants du cézannisme russe du Valet de Car- ~te, éditeur et théoricien important du cubo-futurisme. costumes, la richesse de leurs formes, puis6es dans l'art
gisme de Mal6vitch et dans la réduction aux unités reau. Son œuvre oscille entre un expressionnisme agressif Apprentissage artistique à l'école d'art d'Odessa (1906). populaire russe, ont marqué l'histoire universelle de l'art.
minimales du supr6matisme. Khlebnikov a aussi réalis6 de (série des sujets espagnols autour de 1910), une volont6 Formule les principes et les fonctions de la « transmenta-
nombreux dessins. ornementale (Portrait de G. B Yakoulov), un schématisme lité • (iaoum). Créé les premiers livres lithographiés futu- LAVINSKI (Antone Mikhallovitch), Sotchi 1893-Moscou
précubiste (Autoportrait, 1912) et le néoprimitivism ristes en 1912. Auteur de nombreux recueils (Jeu en enfer, 1968. Sculpteur, peintre, designer. architecte, théoricien
KHooA tvrrcH (VaJentina Milthailovna), Moscou 1894- (Ponrait de l'artiste avec sa famille, 1912). Amour ancien, Explosant, Grondons, La Plliade du gros de l'architecture. En 1919, enseigne la sculpture aux Svo-
Uningrad 1970. Apprentissage à Moscou (chez Roehr- mots, 1912-1913, etc.). Auteur du livret La Victoill sur le mas de Saratov. À partir de 1920, professeur à la faculté
berg), à Munich (1910-1911) et à Paris (1911-1912, atelier Ko ■ ouov (Boris Oanilovitch), Moscou 1884-Moscou Soleil (1913). A participé à l'exposition Les Impression• de BCUlpture des Vkhoutbnas, avec Koroliov. En 1921,
de Van Dongen et d'Anglade). En 1912, travaille dans 1963. Sculpteur et dessinateur. Fréquente de 1905 à 1910 nistes (Saint-Pétersbourg, 1909) et à La Guirlande (VU• membre du Groupe de travail de l'analyse objective à
l'atelier La Tour (dont l'Ame est Tatline). A partir de plusieurs ateliers moscovites (Roehrberg, Oulianov nok) (Kherson, 1909). En 1918, à Tbilissi (capitale de la l'Jnkhouk: il met en forme, avec Kiss6liov et Khrakovski,
1919, elle œuvre pour le th6Atre. Machkov, Maria Blok). De 1910 à 1913. il est à l'École ~ Géorgie), il fonde avec Ilia Zdanévitch et Térentiev le Mistire-bouffe de Maïakovski. Son texte L'lnglnierisme
peinture, sculpture et architecture de Moscou. Apr~s groupe 41 '. Publie des essais théoriques, des vers, des (1924) s'inscrit dans la ligne productiviste du constructi-
Kuo~NE (Ivan "'.assiliévitch Kliounkov, dit), Bolchiyé 191!, travaille à Paris chez Archipenko. En 1918·1919, pi~ et des romans; son roman Vanka-Carn et Sonka la visme. A conçu de nombreux projets de kiosques et de
Gorki (prù de Kiev) 1873-Moscou 1943. Peintre, sculp- proJ~t cubo-~turiste de monument à Bakounine (jamais manucure est illustré en 1925 par Maria Siniakova. stands pour les édition■ d'État. De 1923 à 1926, il enseigne
te~r et théoricien de l'avant-garde russe. Fait ses pre- réahsé). Enseigne de 1918 à 1924 aux Svomas, puis aq à la faculté du bois des Vkhoutimas.
mt~res études artistiques à Varsovie et à Kiev. Apr~s Vkhoutlmas. En 1919, il fonde avec sept architectes, dont KROUTIKOV (Guéorgui Tikhonovitch), Voron~je 1899-
1905, il fréquente les ateliers de Fiodor Roehrberg et de 1;-&d~vski et Krinski, le Sinskoulptarkh qui devient, avec Moscou 1958. Étudie de 1922 à 1928 à la faculté d'archi- Lt11t0Ev (Ivan [Jean] Konstantinovitch), Bogorodskoïé
Machkov à Moscou. Tr~s lié à Malévitch, il est un des 1 amvée des peintres Rodtchenko et Alexandre Chevt- tecture des Vkhoutimas. Sa s6rie des projets d'architec- (faubourg de Nijni-Novaorod) 1884-Nîmes 1972. Graveur.
pille!' du ~uprématisme _et a expoe6 à toutes les grandes chenko, le Jivskoulptarkh. Refuse l'orientation producti- ture visionnaire avec des édifices flottant dans l'air et des S'ill6talle en France en 1908, où il est connu sous le nom
manifestations du futunsme russe : L'Union de la Jeu- viste de l'lnkhouk qu'il quitte fin 1921. À la fin des annéea automobiles spatiales est résolument dans l'esprit de de Jean Ubédeff. Fait partie de l'Académie russe fondée
nesse (1913-1914), Tramway V et 0,10 (1915-1916), Maga- vingt. il revient au réalisme. l'avant-garde russe. à Paris par Marie Vassilieff. Il se consacre presque exclusi-
sin (1916), De l'impressionnisme à l'art sans-objet (1919), vement à la xylographie. li a été, avant la révolution de
Création sans objet et suprématisme (1919-1920). En KouCHNER (Boris Anissimovitch), Minsk 1888-Disparaft LADOVSKI (Nikolaî Alexandrovitch), Moscou 1881-Mos- 1917, un intermédiaire important entre Paris et l'avant•
19~4. ré~lise ~s sculptures-peintures, plus proche■ des dans le goulag en 1937. Pœte et idéologue de l'art. Il fut le cou 1941. Architecte et théoricien de l'architecture ratio- garde russe.
rel_1efs d Archipenko que des contre-reliefs de Tatline. principal inspirateur des communistes-futuristes de Pétro- naliste. En 1919-1920, membre du groupe Jivskoulptarkh.
Khoune prend comme base le collage, qu'il dynamise par grad (1918-1919) et de leur organe L'An de la Co""'"'4M. À partir de 1921, dirige le Groupe de travail pour ('Archi- LÉBÉDEV (Vladimir Vassiliévitch), Saint-Pétersbourg
l'emploi de surfaces de bois peintes, d'éléments de métal Membre du Prolietkoult, de l'Jnkhouk, il est partisan du tecture à l'lnkhouk et enseigne aux Vkhoutimas. Membre 1891-Léningrad 1967. Peintre. Formation à l'école de
et de porcelaine (Paysage qui passe en courant, 1915). passage de l'an à la production. Enseigne aux Vkhoutl· fondateur de l'Asnova de 1923 à 1928. Mikhaïl Bernstein et Léonti Chervoud où il rencontre
Jamais le « tableau • ne perd ses droits dans les objets pr6- mas la " dialectique de la culture matérielle et de l'art ... Tatline. A dirigé la section du livre pour enfants aux édi-
dadaîstes de Klioune dont le travail est essentiellement Collabore à Lie/ et à Novy Lie/, LAPCHINE (Nikolar Fiodorovitch), Saint-Pétersbourg tions d'État de Uningrad (1924-1933). En 1922, expose à
fondé sur l'appropriation de matériaux nouveaux. Entre 1889-Uningrad 1942. Décorateur et designer. A participé la Erste russische Kunstausstellung (Berlin).
}916 et 1~, son travail artisti~ue se caractérise par une KOUDRIACHOV (Ivan Alexelévitçh), Kalouga 1896-Mos• à la déç0ration de Pétrograd pour le premier anniversaire
mterprétauon - belle et raffinée - du suprématisme cou 1972. Études à l'École de peinture, scuJpture et archi- de la révolution d'Octobre, le 7 novembre 1918. Enseigne LE DEl'flll (Mikhaïl Vasailiévitch), région de Tvier 1891-
meme ~•il s'éloigne trù ~te de la « peinture en action phi: tecture de Moscou de 1912 à 1917. Fr6quente l'atelier de aux Svomas de Pétrograd ; en 1921, est nommé directeur Tué au front en 1917. Un des peintres et animateurs du
losoph1que • de Malév1tch. Dans son œuvre dominent Malévitch aux Svomas moscovites en 1918-1919. En 1919, adjoint du mus6e de la Culture artistique. A. participé à la futurisme russe dont l'œuvre est la moins connue, il a fait
l'esthétisme décoratif et une volonté symboliste. A la fin il fonde les ~voma.s d'Orenbourg auxquela il adjoint, en Erste russische Kunstausstellung (Berlin, 1922). partie du groupe néoprimitiviste et rayonniste de Lario-
de~ années vingt. Klioune se fait l'adepte du purisme fran- 1920, une fihale de l'Ounovis. Exécute des fresques pour nov. Il est un des théoriciens du « toutisme •·
ÇIUS et, dans les années trente, du surréalisme. le th6Atre d'Orenbour.. Membre fondateur de la Société LARIONOV (Mikhall Fiodorovitch), Tiras~! 1881-Foote-
dea peintres de chevalet ( OS7) en 1925. nay-aux•ROICI 1964. Études artistiques à l'École de pein• LENTOULOV (Aristarkh Vassiliévitch), Nijniéîé Lomovo
KLucts (Gustav), Ruiena (Lettonie) 1895-Disparalt dans turc, sculpture et architecture de Moscou (1898-1910) où il (province de Penza) 1882-Moscou 1943. Peintre et décora•
le goulag en 1938. Peintre, typographe, designer letton. KoULAG UINA (Valentine Nikiforovna), région de Klinsk rencontre en 1900 la compagne de sa vie, Natalia Gont- teur de théâtre, un des meilleurs repr6sentants du Valet
De 1915 à 1918, formation à l'Ecole d'encouragement des 1902-Moscou 1987. Étudie à partir de 1920 aux Vkhouti- charova. Expose des œuvres impressionnistes à Moscou, de Carreau. Sea premi~rea œuvres sont marquées par le
arts de Pétrograd, puis dans l'atelier de Machkov aux Svo- mas; en 1921, fréquente l'atelier de Pevsner. Épouse Klu- Saint-Pétersbourg et Paris en 1906: en 1907-1908, parti• cézannisme. À partir de 1913, Lentoulov réalise de

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BIOGRAPHIE MANSOUROV À MIENKOV

grandes compositions-mOliTques toutes en tourbillons et M A IAKOV KA IA (Lioudmila Vladimirovna), Nikiti MANSouaov (Pavie! Alexandrovitch), Saint-Pétersbourg khouk la Section de la culture organique. Apm la ferme-
en mouvements color& musicalistes. (Arménie) 1884-Moscou 1976. Sœur de Maîakovs 1896-Nice 1983. Peintre. Formation à l'&ole d'encourage- ture du Ghinkhouk, il poursuit ses exp6riences sur la
Enseigne à la faculté du textile des Vkhoutlmas- Vkho1M ment des arts de Saint-Pétersbourg entre 1911 et 1915. Il vision élarpe.
LtPORSKAIA (Anna Alexandrovna), Pskov 1900-Unin- rime de 1921 à 1923. Participe à !'Exposition internatiall participe aux décorations des façades de la biblioth~ue
grad 1982. Peintre, designer. Assistante de Malévitch au nale des arts décoratifs et industriels modernes (Parill publique et de l'hôtel d'Angleterre à Pétrograd pour le MATVEI, MATVEJS (voir: Vladimir Markov)
Ghinkhouk. Elle a participé, avec Véra Iermolaîéva, 1925). premier anniversaire de la révolution d'Octobre. En 1923,
K. Rojdestvienski et Liev Youdine, à l'élaboration des Malévitch lui confie au Ghinkhouk une section exp6ri- Mtoou ETSKI (Konstantine Konstantinovitch), Moscou
diagrammes de l'Ounovl.r, emportés par Malévitch en ~IAKOV Kr (Vladimir Vladimirovitch), Bagdadi (Géoll mentale. Il placarde deux manifestes lors de la derni~re 1899- (7) 1934. Peintre, sculpteur, designer russe. Forma-
Allemagne en 1927. pe) 1893-Moscou 1930. A débuté comme peintre et fait exposition du Ghinkhouk en 1926, où il dénonce la culture tion aux Svomas moscovites (atelier de Yaltoulov) puis
son apprentissage artistique à l'&ole de peinture, seul~ citadine au nom de l'art populaire et de la nature. 11 aux Vkhourlmas. Membre fondateur de l'Obmokhou. Fait
Lo ATCHAR KI (Anatoli Vassiliévitch), Poltava 1875- ture et architecture de Moscou avec David Bourliou émigre en 1928. À panir de la fin des années cinquante, il partie, à l'lnkhouk, du Groupe de l'analyse objective et
Menton 1933. écrivain, dramaturge, philosophe, critique jusqu'à leur expulsion en 1914. Il fut de toutes les batailleal renoue avec l'avant-garde de sa jeunesse et crée une participe au début 1921 au débat sur la composition et la
littéraire et d'an, historien de la littérature et du théAtre, ~es futuristes à partir de 1912. Ses premiers ~mes sont a:uvre minimaliste tr~s originale. construction. À partir d'avril 1921, membre du Groupe de
homme politique, journaliste et écrivain politique. Acti- mfluenœs par le cubo-futurisme pictural. En 1914, réaliso travail des Constructivistes. En janvier 1922, exposition
vité révolutionnaire d~s les années de lycée en 1892. des loubki anti-allemands avec Malévitch. En 1918-1919, il MARKOV (voir: Vladimir Markov) Les constructivistes. K. Médounetski, V. Stenberg,
Amté en 1899 puis en 1900, il est exil6 à Vologda de 1902 est un d~ principa~ auteurs de l'organe pétrogradois des G. Stenberg (Moscou). Participe à la Erste russische
à 1904 (il y rencontre d'autres exil6s de qualit6 tels que commumstes futunstes L 'Art de la Commune. A panir de MATIOUCHI E (MikhaYI Vassiliévitch), Nijni- ovgorod Kunstausstellung (Berlin, 1922).
Bogda_nov, Rémizov, Berdiaev, Savinkov ... ). Lounat- 1919, exécute des dessins pour les Fen!tres-Rostat 1861-Uningrad, 1934. Fut à la fois musicien, peintre,
charsk1 développe dans de nombreux 6crits une philoso- (Agence télégraphique de Russie) et des affiches. Aved théoricien de la musique et de l'art et éditeur. Ap~s des MELNIKOV (Konstantine St6panovitch), Moscou 1890-
phie de l'art éclectique où se m!lent les id6es positivistes Rodtchenko et Varvara Stépanova, il réalise des proje études au conservatoire de Moscou (1876-1881), il est vio- Moscou 1974. Architecte constructiviste, Melnikov a
de Spencer et de Guyau, la th6orie des sensations de Mach de publicité commerciale. Directeur de la revue Li loniste à !'Orchestre Impérial de Saint-Pétersbourg (1882- débuté comme peintre d'icônes. Formation à l'&ole de
et d' Avenarius, le nietzschéisme, le marxisme et une (Front de gauche). li se suicide en 1930. 1913). Fréquente l'école de dessin de la Société d'encoura- peinture, sculpture et architecture de Moscou (atelier de
forme de religion. Rallié au bolchévisme pendant la gement des arts (1894-1905), puis l'atelier de Tsionglinski Korovine) d'oil il sort avec un diplôme de peinture en
guerre d~ 1914, il est nommé commissaire du peuple à MALtvn:cH (Kazimir Sévérinovitch Malewicz), Kiev à l'Académie des Beaux-Arts de Saint-Pétersbourg (1902- 1914. En 1917, diplôme d'architecte (études chez Ivanov-
l'instruction de 1917 à 1929. Il a essay6 de concilier les 1878-Unmgrad 1935. A vécu d'abord en Ukraine, dont la 1905). Il épouse le peintre et ~te ~Iéna Gouro et se lie Chits). De 1920 à 1929, il enseigne aux Vkhoutlmas. Avec
extr!mes et tenté d'instaurer une liberté relative dans le nature, le mode de vie et l'an populaire l'ont marqué pour d'amitié avec le peintre et théoricien letton Vladimir Mar- Golossov, il crée un atelier d'architecture exp6rimentale.
travail des cr6ateurs, liberté qui fut de plus en plus res- toujours, puis s'est installé à Moscou à partir de J 905. kov. Passe par l'école de Bakst et de Doboujinski à Saint- li a réalisé des maisons d'habitation et des clubs-ouvriers à
treinte apiù la mort de Unine. Entre 1905 et 1910, il expose épisodiquement des a:uvres Pétersbourg (1906-1907). Rencontre Koulbine et les fr~res Moscou. li est l'architecte du pavillon soviétique à l'Expo-
de tendance impressionniste, style moderne ou symbol Bourliouk lors de l'exposition Mouvements contempo- sition internationale des Arts décoratifs et industriels
LouR1t (Arthur Vincent), Bi1'7.0ula [Ukraine] 1892-Prin- liste. En 1910, Malévitcb surgit dans l'art russe et euro rains en art (1908). Expose aux manifestations organisées modernes (Paria, 1925), qui reste le symbole du constructi-
ceton 1966. Compositeur, pianiste. Après des études au p6en avec une série de gouaches néoprimitivistes fauve, par Koulbine (Le Triangle, Les lmpressioMistes, 1909) et visme russe-soviétique. Participe à l'organisation de
conservatoire de Saint-Pétersbourg. il cr6e entre 1912 et influenc6es par Gauguin (à travers Natalia Gontcharova au premier Salon international du sculpteur lzdebski à l'.Asnova et de l'Osa mais s'en éloigne tiù vite.
1915 des compositions expérimentales ( « Formes en Matisse, le précubisme et le loubok (Pldicure au bain Odessa en 1909-1910.
l'air ~ ). Participe aux débats des cubo-futuristes russes Cireur, de parquet, Laveuse, Polka argentine, etc.). D • En 1910, il est un des fondateurs du groupe L'Union de la
signe le manifeste Nous er l'Occident (1914) avec Livchit~ 19!0 à 1914, il expose au Valet de Carreau, à La Que Jeunesse. En 1912, il rencontre les futuraslaves Maïa- MEYERHOLD (Vsévolod ~mili6vitch), Penza 1874-Fusillé
et Yakoulov. En 1918, il dirige la section musicale du Nar- ~• ~ne, à La Çibl~ et à L'Union de la Jeunesse. Au prirnf.. kovski, Kroutchonykh, Malévitch, à Moacou. Auteur de la au goulag en 1940. Acteur, metteur en sœne, théoricien et
lcompros. Émigre en 1922. Dans les années trente, il se fait hv1sme provincial et paysan succMent les différentd musique de l'opéra La Victoire sur le Soleil. En 1913, il philosophe du th6Atre. Avant la révolution de 1917, il
critique de l'avant-garde. étapes du cubo-futurisme : cézannisme géométriq publie la traduction du livre de Gleizes et de Metzinger, expérimente ses idées sur le « théAtre théAtral · ou
(1912), futurisme (1913), cubisme synthétique (191 Du cubisme, et écrit sur la quatri~me dimension en se « théAtre conventionnel,. (ouslovny r~arr) au studio de la
L1ssrrzn (Lazare Mordoukhovitch [MarkovitchJ, dit Us- 1914), alogisme (1914-1915), avant l'explosion du sup~ référant à Lobatchevski, Riemann, Poincaré, Charles- rue Povarskaïa à Moscou, cr6! par Stanislavski. Collabore
sitzky ou El Lissitzky), Potchinok 1890-Moscou 1941. matisme de la peinture : fin 1915, il expose à 0,10 son Howard Hinton, Minkowski. Sa propre réflexion et sa au théâtre de V6ra KommissarjevskaTa en 1906-1907 et
Peintre, dessinateur, architecte, typographe. ~udie le des- cél~bre Quadrangle (le fameux « carré noir sur fond pratique l'engagent à explorer ce qui prendra le nom, dans aux théAtres Alexandra et Maria entre 1908-1917 à Saint-
sin chez P~ne à Vitebsk. À partir de 1909, formation à la blanc»). Fin 1913, il met en sœne et réalise les décors et les années vingt, de « culture organique• : il s'agit de Pétersbourg où il met en sœne les auteurs classiques et
Technische Hochschule (Darmstadt). Obtient en 1918 le costumes cubo-futuristes de l'opéra de Matiouchine La retrouver, à l'aide du seul pictural, un mouvement iden- symbolistes : il tend ainsi à démontrer que le travail t_h6A-
diplôme d'architecte à Moscou. Après un passage à Kiev Victoire sur le Soleü. En 1916, il forme le groupe Sup~ tique à celui de la nature, une nature qui n'est pas imit6e tral est intemporel, Ses mises en scène sont caractéri141!es
chez Alexandra Exter en 1919, il se rend à Vitebsk, sur mus et lance les bases d'une revue qui ne verra jamais mais trouve une nouvelle incarnation dans l'œuvre d'an. pat une recherche d'harmonie entre ses propres exigences
l'in~tation de Chagall et de Viéra Jermolaî6va, pour y jour à cause de la révolution de 1917. Dans les années En 1914, au Salon des Indépendants à Paris, Matiouchine et l'art des peintres avec qui il collabore. À partir de 1914,
enseigner la typographie et l'architecture. Acquis aux vingt, son. œuvre est do~i~ée par la pensé~ ~I la pratiqllll expose des l'llCines d'arbres en guise de sculptures. Plu- sous le pseudonyme de doctor Dappertutto, il dirige le
idées du suprématisme, il abandonne le style cubo-futu- suprématistes, en oppos111on au construct1V1sme qui naît sieurs tableaux des années dix travaillent sur l'effacement studio expérimental de la rue Borodinskaîa à Saint-Péters-
riste et n6oprimitiviste de ses illustrations des contes yid- alors. En 1918, Malévitch est proche des milieux anar- des contours, dans une gamme tout à la fois expression- bourg : Baraque de foin (Alexandre Blok) utilise déjà un
dish ou biélorussiens pour rejoindre l'Ounovis de Malé- chistes. Il peint la série de toiles « Blanc sur blanc ,. (dont niste par ses oppositions tonales et symboliste par le chro- espace sœnique construit. Aprà la Révolution, le théAtre
vitch, où il dirige l'atelier polygraphique. le fameux Carrl blanc sur fond blanc). Il enseigne aux matisme. de Meyerhold est au cœur mime de la révolution
Çrée ses tablea~x intitulés Proounes (Projets d'affirma- Svomas de Moscou. Lors de l'exposition Création sans De 1913 à 1916, il édite de nombreux textes théoriques et constructiviste. Apm les spectacles du Mistère-boulfe de
tion et de fondation du Nouveau), synth~se de la peinture objet et supr6matisme (Moscou, 1919), Malévitch est des livres artisanaux futuristes dont la traduction de Du Maïakovski (Pétrograd, 1918 et 1921), il monte à Moscou
et de l'architecture. En 1921, il est à Berlin où il 6dite avec co~testé par ~lioune et_ par Rodtchenko, qui présente sa cubistM de Gleizes et Metzinger, l'almanach Le Vivier aux entre 1922 et 1927 les spectacles phares de l'avant-garde
Ilia Ehrenburg les deux numéros de la revue Viechrch- séne des Noirs sur noir•• En 1920, il fonde l'Ounovis à juga, le livret de son opéra La Victoire sur le Soleil, le russe soviétique : Le Cocu magnifique, La Mort de Tariel-
Gegensrand-Obfet. Collabore aux revues Besen à Berlin, Vitebsk. Revenu à Pétrograd en 1923, il est nommé direo- recueil poétique Les Trois, les premi~res brochures de kine, La Terre cabrle, À ,w,u /'Europe, Malheur d l'aprù,
en 1922, De Stijl à Amsterdam, en 1922, G (avec Mies van teur du mUSée de la Culture artistique. Crée les « architec- Malévitch Du cubisme au n,pnmarisme. Le nouveau rla- Le Mandai ... Meyerhold élabore un syst~me de formation
der Rohe) à Berlin, en 1922-1923 et Merz (avec Kurt tones Il est aussi l'auteur de plusieurs articles et traités : lisme pictwal et Du cubisme et du funuisme au suprbrul- de l'acteur qu'il appelle bio-mécanique ». Il a mis en
Schwiners) en 1923-1924. Publie son Conte supr~marlste Des nouveaux sysrime1 en arr (1919), Suprlmarisme. 34 risme. Le nouveau nalume pktural sœne les deux pi~ majeures du théfitre aoviétique, La
des deux carra (Berlin, 1922) et, avec Arp, Die Kunsris- denins (1920), Sur la quurion des ans de la reprbenrarion En décembre 1918, il remplace Malévitch aux Svomas de PUMise (1929) et Bains (1930) de Maïakovski.
men (Berlin, 1924). De retour à Moscou en 1925, il (1921), Dieu n'e1r pas dlrrlJnl. L'Arr. L'tgfüe. La Pétrograd et fonde l'atelier du Réalisme ~•liai. Panicipe
enseigne l'architecture d'intérieur aux Vkhourlmas. Fabrique (1922). En 1927, voyage en Pologne et à Berlin à la premi~re Exposition d'art nationale hbre (Pétrograd, M1t:NKOV (Mikhai1 Ivanovitch), Wilno 1885-Crimée 1926.
où e~t organis6e une r6trospective de son œuvre. Des 1919) où il présente des IIClllptures faites de racines et de Mienkov est un peintre encore mal connu. De 1912 à
LIVCHITS (Bénédikt Konstantinovitch), Odessa 1886- extraits de son travail sur I'« élément additionnel ,. et de branches sous le titre Mouvement libln. En 1920, 6crit des 1914, formation à l'&ole de peinture, sculpture el archi-
Fusillé au goulag en 1938. P~te et théoricien du cubo- son opus magnum inachevé Le Monde comtM sans-objd essais sur la « vision élarpe ». En 1923, publie son article- tecture de Moscou. Il expose à 0,10 en 1915-1916 et fait
futurisme futuraslave. A laissé des mémoires étincelants ou k repos lrerne/ paraissent dans les Cahiers du Bauhaus manifeste Non pas l'art mais la vie et crée le terme Zorved partie des suprématistea. Expose, entre autres, au Valet de
sur l'avant-garde russe entre 1911 et 1924 : L 'Archer d un en 1927, sous le titre Die gtgensrandslo1e Welr. Apr~• (Vision-Savoir) qui sera le nom donné au centre d'étude Carreau (1917) et à la X• Exposition nationale, Création
œil et demi (1933). 1928, la peinture de Malévitch revient à la figure. de l'école de Matiouchine. En 1924, il dirige au Ghin• sans objet et suprématisme (Moscou, 1919).

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BIOGRAPHIE POUGNY À ROZANOV A

MITOURITCH (Piolr V1111ilidvilcb), Sainl-Pdlersbourg colorée el la finesse des consttuctions. Véra Pesle! parti- un cours, au théAtre de Meyerhold, sur l'« Analyse des Apprentissage artistique à l'école d'art de Kazan où il ren-
1887-Moscou 1956. Peinlre, ■culpleur el de■■inaleur. A cipe à l'exposilion 0,10 (1915) el à l'exposilion Magasin éléments de la mise en forme des matériaux "· Ses contre Varvara Stépanova, sa future femme. Participe à
éludié de 1906 à 1909 à l'dcole d'art de Kiev el de 1909 à (1916). De 1921 à 1925, elle esl membre du Makoviets. consiructions scéniques pour Le Cocu magnifique (1922) l'exposition Magasin (1916). En 1917, il dessine des pro-
1915 à l'Académie des Beaux-Ans de Sainl-Pélenbourg et Terre cabrle (1923) restent des symboles du constructi- jeta prdconstructivistes de lampes pour le Café pilloresque
(alelier de Samokich). li illuslre les a:uvres de Khlebni- PEVSNER (Anloine (Nalan, Nola] Abramovilch (Berko- visme russe soviétique. Dans le cadre de son travail de conçu par Yakoulov. Enlre au Jivskoulptarkh et enseigne
kov, donl il esl trà proche (il a épouad la sa:ur du poèle) vitch]), Klimovilchi (Biélorussie) 1884-Paris 1962. Peinln,1 designer, elle a aussi créé un« vêtemenl productiviste •. la au Prolietkoult en 1919 à Moscou. Contre la série des
el crée des « graphismes spaliaux • : assemblage de scalpleur, de11ina1eur. Apprenlissage à l'école d'art de prozodüjda. A la fin 1923, elle se consacre, avec Varvara « Blancs sur blanc • de Malévitch, il présente ses toiles
feuilles, cubes, consttuctions, où enlrenl comme slructure Kiev enlre 1902 el 1909. Entre 1911 el 1914, il est à Paris Stépanova, au design pour l'Usine nationale du textile. Noir sur noir à l'exposition Création sans-objet et supré-
les leltres calligraphiées. oi'I il enlre en con1ac1 avec Archipenko el Modigliani. De Elle meurt de la scarlatine le 25 mai 1924. matisme. De 1920 à 1924, membre de l'lnkhouk: il y
En 1922, recherches sur le mouvemenl ondulaloire ; il 1915 à 1917, il se lrouve à Chrisliana (Oslo) avec son frèro dirige le Groupe de travail de l'analyse objective qui
crde des « ondulaleun • qui combinenl air, eau el véhi- Gabo. Après 1917, il enseigne la peinlure aux Svomu POUGNY (Jean, pseudonyme de Ivan Albertovitch Pouni évince Kandinsky lin 1920, esl cofondateur du Groupe de
cules de campagne. De 1923 à 1930, Milourilch enseigne moscoviles, puis aux VkhoutlmM où il prend en charge (Pugni, Pougni, Puni]), Kuokala 1894-Paris 1956. Peintre, travail des Constructivistes en 1921, participe à l'Obmo-
le dessin à la facuhé des arts graphiques des VkhoutlmM• l'alelier de Malévileh en 1919. En 1920, il publie avec son dessinateur et théoricien de l'art Fait son apprentissage à khou (mai 1921), où il expose des conslructions spatiales
Vkhoutlrne. Participe à la Enle russische Kuns1auss1el- frère Gabo le Manifeste lltlliste. Il quille la Russie sovié- l'académie Julian avant son retour à Saint-Pétersbourg au suspendues, et à 5 x 5 = 25 (1921), où il présente trois
lung (Berlin, 1922). tique el s'inslalle définitivemenl à Paris en 1923. La pein- débul de 1914. Avec sa femme Xénia Bogouslavskaîa, il toiles componant chacune une seule couleur primaire :
lure cède aJon le pas aux reliefs el aux sculplures. Expose fmance le recueil futuriste Le Parnasse rugissant (1914) Couleur rouge pure, Couleur jaune pure, Couleur bleue
MORGOUNOV (AlexeY Alexéîevilch), Moscou 1884-Mos- comme conslruc1ivis1e avec son frère Gabo à la galerie qu'il illustre avec Filonov et les Bourliouk. Organise les pure. Parallèlement, il est professeur aux Vkhoutlmas
cou 1935. Morgounov es1 une personnalilé de l'avaol- Percier à Paris en 1924. Il ulilise pour ses a:uvres le cellu- expositions Tramway V et 0,10 à Pétrograd en 1915. Avec (puis au Vkhout&e), dans les facultés du bois et du métal,
garde russe qui resle à ddcouvrir. En 1912, il fail partie du loïd el les mélaux. Mel en forme avec Gabo le ballel La Xénia Bogouslavska'ia il publie, comme Malévitch, Mien- jusqu'à leur suppression en 1930. Participe à la revue fulu-
groupe de La Queue d'Âne de Larionov; de 1913 à 1915, Chatte aux Ballels russes de Diaghilev en 1927. En 1929- kov et Klioune, un tract-manifeste à l'occasion de 0,10. riste et constructiviste Lie/ de 1923 à 1925. Son travail sur
il lravaille avec Malévilch, qui apprécie beaucoup ses 1930, membre du groupe Cercle el Carré el un des fonda- Crée des « sculptures picturales •• des monlages muraux, le livre (entre autres Pro ito de Maîakovski, 1923),
lableaux cubo-fulurisles. Aprà une pdriode alogique, il leurs du mouvemenl Abslraclion-Créalion. À partir de des reliefs avec ready-made : il expose, par exemple, une l'affiche, la publicité est exemplaire du design constructi-
esl influencé par la discipline suprémalisle. De 1918 à 193_0, son. '1:uvre ulilise sys1éma1iquemen1 les lignes simple planchelle badigeonnée de vert. Participe à la viste. En 1925, son Club ouvrier est un des moments forts
1920, il enseigne aux SvomM de Moscou, puis fail partie drones el d mvenle un système de réseaux linéaires sou- décoration d'un quartier de Pétrograd pour le premier de l'Exposition des Arts décoratifs cl industriels modernes
du Groupe de travail de l'analyse objective de l'lnkhouk. dés pour se libérer de la masse compacte. anniversaire de la révolution d'Octobre en 1918; enseigne de Paris. Dès la deuxième moitié des années vingt, il se
à l'école d'art de Chagall dans le premier semestre de consacre à la photographie, domaine où il réalise un tra-
NIVINSKI (lgnali lgnaliévilch), Moscou 1880-Moscou PIROSMANACHVILI (Niko (Nikolaî] Aslanovilch dil aussi 1919. Enseigne à Berlin où il voit sa première rétrospec- vail très original, voire révolutionnaire.
1933. Peinlre, dessinaleur, ddcoraleur de 1héA1re, graveur: Pirosm~i). Mirzaani (~akhélie, en Géorgie) 1862- (?) tive à Der Sturm. Très lié avec Elsa Triolet et Tchélicht-
Aprà des éludes à l'dcole Stroganov à Moscou, membre 1918. Pemlre nalf géorgien, découvert par les fulurislea chev, il s'installe à Paris en 1923 (il se fait désormais appe- RoGOVINE (Nikolaï Efimovitch), (?) avant 1910-(?) vers
du Monde de l'Art avanl la Révolulion. À partir de 1920, Ilia el Kirill Zdaniévi1ch el Le Denlu qui présenlenl ses ler Jean Pougny) ; il élabore alors un style figuratif très 1919. Peintre et illustrateur. Enlre 1911 et 1914, travaille
collabore avec le premier sludio du ThéAlre d'art (donl le a:uvres à La Cible (1913). On le surnomme le« Douanier original mêlant les expdriences russes sur la facture-tex- dans l'atelier La Tour. Expose au premier Valet de Car-
melleur en sœne esl Vakhtangov) où il réalise en 1922 ses Rousseau géorgien •· ture et une podtique impressionniste et orientale. reau (1910), à L'Union de la Jeunesse (1911), à La Queue
célèbres ddcon cubo-fulurisles pour Turandot de Gozzi. d'Âne (1912) et à La Cible (1913). A illustré le recueil
POD<?AIEVSKI Poèle el lhéoricien. Il a écril des poèmes POUNINE (Nikolaî Nikolaïévitch) (Saint-Pétersbourg, lithographié de Krouchtchonykh et de Khlebnikov, Mirs-
O voALTSOVA (Nadiejda Andréîevna), Orel 1886-Moscou fulunstes (1913) et fit une lecture publique dans l'atelier 1888-Léningrad, 1953. Historien de l'art, critique et théo- kontsa (Mondàrebours).
1961. De 1905 1909, fréquenle l'École de peinture, sculp- de Tatline en 1914. En 1916, il organise une exposition et ricien de l'art. De 1913 à 1916, il écrit des articles pour la
lure el archileclure de Moscou. En 1913, elle séjourne à publie son manifeste Le Summisme à Poltava (Ukraine). revue Apollon et des études sur l'icône russe. Après la ROJDESTVIENSKI (Konstantine lvaoovitch), Tomsk 1906-
Paris el se forme au cubisme dans les a1eliers de MelZin- Révolution, il est l'idéologue des komfouty et un des Vit à Moscou. Peintre et designer. Assislant de Malévitch
ger, de Le Fauconnier el de Segonzac. En 1913 el 1914, POPOVA (Lioubov Serguélevna), lvanovskoïé 1889-Mos- rédacteurs du journal L'An de la CommlUle (1918-1919) à au Ghinkhouk où il établit avec Anna LéporskaYa, Véra
elle collabore à La Tour, l'alelier moscovile de Talline el cou 1924. Peintre, designer, décorateur de 1héAtre. En Pétrograd. Il propage l'art de gauche (Premier cycle de lermilaiéva et Liev Youdine les diagrammes pédago-
de Rogovine ; elle es1 aussi proche de Grichlchenko, Liou- 1907-1908, premier apprentissage de la peinlure dans les conflrences, 1920), aide Tatline à formuler ses idées pour giques de l'Ounovis que Malévitch emporte avec lui en
bov Popova, Alexandre Vesnine, Véra Peslel el réalise ateliers de S. Joukovski, de K. Youone el d'I. Doudine à la Tour à la Ill' Internationale, écrit un lexte fondateur Allemagne en 1927.
quelques compositions rayonnislea. Elle a participd aux Moscou. Ses a:uvres de 1908 à 1912 dépassent le niveau Tatline (Contre le cubisme) (1921). Il est un des organisa-
lrois grandes expositions de l'avao1-garde : Tramway V des épigones du postimpressionnisme cézannien. La teurs du musée de la Culture artislique à Pétrograd (1921) ROJDESTVIENSKI (Vassili Vassiliévitcb), Toula 1884-Mos-
(1915), 0,10 (1915-1916) et Magasin (1916). En 1915-1916 construction et les rapports colorés y sont d'une très et du Ghinkhouk (1924) où il dirige la Section de l'idéolo- cou 1963. Ce peintre est resté Ioule sa vie fidèle au cézan-
elle esl influencée par le suprémalisme de Malévilch ei grande fermeté. Les dessins de celle époque qui représen- gie artistique. En 1925, il épouse Anna Akhmatova. À la nisme fauve du Valet de Carreau dont il fut l'un des initia-
fail partie du groupe Supremus. En 1917, participe à l'éla- tenl des arbres schématisés montrent que déjà Lioubov fin des années vingt, il est responsable de la présenlation teurs. Après la Révolution, il enseigna aux Svomas el aux
boralion du Café Pitloresque de Yakoulov à Moscou. De Popova va à l'essentiel: sur la feuille de papier, les lignes des avant-prdes russe et européenne du Musée russe de Vkhoutlmas.
1918 à 1920, enseigne aux Svomas moscoviles. Elle épouse évoluent librement, sans souci d'imiter la nature, dans un Léningrad. À la fin des années lrente, il est arr!té et exilé.
Drévine en 1920. De 1920 à 1930, professeur aux facuhés esprit organiciste proche de l'a:uvre piclurale de la pod- RozANOVA (Olga Vladimirovna), Mélenki (province de
de peinlure el du lexlile des Vkhoutlmas-Vkhoutlrne. tesse Éléna Gouro. En 1910, voyage en Italie ; en 1912, PROUSSAKOV (Nikolaï Pétrovitch). Moscou 1900-Moscou Vladimir) 1886-Moscou 1918. A fréquenté de 1904 à 19!0
Me~~re de l'ln"!'o_uk, elle en con1es1e l'orienlalion pro- travaille dans l'atelier moscovite La Tour, avec Tatline, 1952. Peintre et designer russe soviétique. Fait partie de l'école d'art Bolchakov et celle de Stroganov à Moscou.
duct_lVlsle el dém1SS1onne en 1921. EUe participe à la Eraie Barthe, Rogovine, Alexandre Vesnine; en 1912-1913, fré- l'Obmokhou de 1919 à 1923. Participe à la Erste russische Dès 1911, elle participe étroitement aux activilés du
russ1sche Kuna1auss1ellung (Berlin, 1922) el à la Bienale quente les aleliers parisiens de Le Fauconnier et de Met- Kunstausstellung (Berlin, 1922). groupe artistique d'avant-garde L'Union de la Jeunesse.
lnlemaziooale dell'arte (Venise, 1924). zinger à La Palette, en même temps que ses compatriotes De 1912 à 1913, fréquente l'École d'art d'Élizaviéla
Véra Pestel el Nadiejda Oudaltsova. Revenue en Russie, REDKO (Kliment Nikolaïévitch), Cholm (Chelm] 1897- Zvantséva. Elle apporte une contribution capitale à la
PESTEL (Véra Efimovna), Moscou 1886-Moscou 1952. elle travaille en étroile collaboration avec Ta11ine et Moscou 1956. A étudié la peinture d'icônes à Kiev et tra- fabrication des livres-objets : La P/liade des gros mots
Fréquenle l'école d'art Stroganov el l'alelier de Youone à Aluandrc Vcsninc. En 1914, voyage en Italie et en vaill~ dans l'atelier de Rochrberg à Moscou en 1913. De (1913), Tl-li-li (1914), Le Livre zaoum (1915), La Gue"e
Moscou, ainsi que l'école privée du Hongrois Simon Hol- France, avant de participer à Ioules les expositions 1914 à 1918, formation à l'École d'encouragement des arts (1916). Elle écrit aussi des lextes théoriques ( • Bases de la
losy à Munich. Voyage à lravers l'Allemagne, l'llalie, la majeures de l'avant-garde de 1915 à 1917: Tramway V et de Pétrograd. En 1919-1920, il enseigne aux Aleliers nouvelle création et raisons de son incompréhension .
France. En 1913, élhe de l'alelier de Le Fauconnier el de 0,10, Le Valet de Carreau, Magasin. Elle crée en 1916 une na1ionaux de production artistique et décorative de Kiev. publié dans le lroisième et dernier almanach L'Union de
Me~~ger à Paris, en m!me lemps que Lioubov Popova, série de collages abstraits pour des broderies à l'intention Fait partie en 1922 du groupe des Projectionnistes (il écrit la Jeunesse, 1913) et des vers dans le siyle zaoum (ttans-
Nad1eJda Oudaltsova, Sofia Karelnikova el Ida Burmeis- des ateliers paysans ukrainiens de Verbivka. De 1920 à sa le Manifeste de l'llectro-organisme). Après 1927, il vit et mental). Après une série d'a:uvres dans la manière du
ler. Son a:uvre esl encore peu connue. Aulour de 1915- mort prématurée en 1924, elle esl professeur aux Vkhoutl- lravaille en France. cubisme anaJytique et synthétique, elle rejoint, en 1915, le
1916, ses loiles son1 proches de l'aJogisme de Malévilch : mas (elle enseigne la• lhéorie de la couleur» à la Section suprématisme de Malévitch. Elle utilise le collage, avec
profusion de plans géomélriques el d'élémenls héléro- de base). Parallèlement, elle fait partie de toutes les dis- RODTCHEN KO (Alexandre MikhaYlovilch). Sain1-Pé1ers- des formes minimales qu'elle intègre aux aulres éléments
c!iles (chiffres, lellres, fragmenls d'obje11). Sous cussions de l'lnkhouk de 1920 à 1923, expose à 5 x 5 25 bourg 1891-Moscou 1956. de la surface sans porter alleinle à la planéité de celle-ci.
l'influence du suprématisme, elles deviennen1 de plus en (elle publie à celle occasion son credo conslructiviste dans Peinlre, sculpteur, designer, décorateur de théAtre, photo- Fait partie du groupe Supremus (1916). aux cô1és de Liou-
plus abslrailes el se distinguenl par une grande sensibililé le calalogue de l'exposition). De 1921 à 1924, elle donne graphe, 1héoricien du conslruclivisme russe soviétique. bov Popova, Matiouchine, Nadiejda Oudaltsova, Véra

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BIOGRAPHIE SURVAGE À 'ŒRENTIEV

Pestel, Natalia Davydova. du comp01iteur futuriatc Roala- Cr6c un design aupn!matistc pour les objctl en porcelain4 Ma16vitch (1918-1919). En 1919-1920, membre de l'Ouno- à Paris et à Berlin en 1914. li visite l'atelier de Picasso en
vcta ... Sccr6tairc de n!daction de la revue Supnmus qui Participe à l'EXpolition internationale des arts d~orati& vi.r de Vitebsk. En 1920-1921, il fonde une filiale de mars 1914. Du 10 au 14 mai 1914, expose ses• reliefs pic-
ne voit pas le jour. En 1916, elle 6pouae Kroutchonykh. et industriels modernes (Paria. 192S). l'Ounovi.r à Smolensk. Épouse le sculpteur Katarzyna turaux ,. dans son atelier de Moscou et à Tramway V
Aprb la R6volution, elle partic:ipe activement à la propa- Kobro et s'imtallc dl!finitivcmcnt en Pologne en 1922 ob il (191S). Pr6scntc des reliefs angulaires,. à 0,10 (1915-
gation de l'art d'avant-garde en province. Meurt de la SPANDIICOV (Édouard Karlovitch), Kalvaria (Lituanie), anime les mouvements novateurs (supr6mati1mc, 1916). En mars 1916, organise l'exposition Magasin à
dipht6ric le 8 novembre 1918. 1875 • ?, 1929) Avocat qui s'adonna avec pers6v6rance à la constructivisme}. À la fin des ann6es vingt, il cr6c son Moscou. Participe à 1'6laboration du Caf~ Pittoresque
peinture. Membre actif de L'Union de la Jeunesse. il a propre mouvement d'art sans objet, l'unismc en peinture sous la direction de Yakoulov (1917). Apr~s la R6volu-
SAIIIANB (Martiros Serguti6vitch), Rostov, 1880-~van, partici~ comme d6coratcur et acteur à la mise en sœne (titre d'un de ses essais th6oriques). tion, il est consid6r6 comme le ~rc et l'inspirateur du
1972. Sariannc est un des repn!sentants le plus originaux de du spcctaclo populaire Le Tlar Maxlmiane et son fill constructivisme. En 1918-1919, il dirige l'/1.0 de Moscou.
cc que l'on pourrait appeler le« fauvisme russe,. avant 1914. Adolphe (Saint-P6tcrsbourg, 1911). Il est l'auteur de SURVAGE (pseudonyme de Uopold Uopoldovitch Stilrz- En 1920, il construit la maquette du Monument à la Ill'
quelques textes sur l'art. wagc), Moscou 1879-Paris 1968. Peintre d'origine balto- /ntemationalt ; de 1922 à 192S, il enseigne au Ghinkhouk
Il fait son apprentissage chez les peintres de tendance (oà il monte en 1923 Zangrdt.l de Khlebnikov). En 192S·
impressionniste Valentine Sm,v et K. Korovinc à l'&:olc de danoisc, à qui Apollinaire a donn6 le pseudonyme de Sur-
STENHRG (Ou6orgui Avgoustovitch), Moscou 1900-Moe,, vagc. Apprentissage à !'École de peinture, sculpture et 1927, il enseigne à l'inatitut d'art de Kiev. En 1930-1931, il
peinture, sculpture et architecture de Moscou (1897-1904). cr6c sa machine volante, Utatline (haplologie du verbe
De 1901 à 1914, il voyage en Turquie, ~gypte, Perse et cou 1933 et STENBERG (Vladimir Avgoustovitch), Moscou architecture de Moscou. Il cxpoac à Stcphanos (1907·
1899-Moscou 1982. Peintres, sculpteurs, d6coratcurs de 1909). D6couvrc Ica impressionnistes et Matisse dans la russe Utat [voler) et de Tatline).
Transcaucasie. Expose, avec le groupe symboliste de La
th6Atrc, designers sovi6tiqucs. Les deux fr~rea ont tra- collection Chtchoutinc avant de s'installer d6finitivcmcnt
Rose bleue et dans les trois Salons de La Toison d'Or à Mos- vai116 et cXp016 ensemble jusqu'à la mort de Gu6orgui ca à Paris en 1909. Sc lie à Archipenko et au cercle de la TCHACHNIX (Dia Grigori6vitch), Vitebsk (?) 1902-Unin-
cou (1907-1910), des œuvres qui tranchent par leur Jaco.. 1933. Él~ves de l'atelier th6AtraJ de Yatoulov aux Svoma grad 1929. Apprentissage artistique chez Y6houda ~ne à
baronne d'Œttingcn et de Serge F6rat. En 1912-1913,
nismc primitiviste, la violence des contrastes colœa. moscovites (1918-1920). De 1921 à 1924, membres de recherches sur la question du rythme ; il cr6c sa s6ric des Vitebsk puis aux Vkhoutbnas (1920). De 1920 à 1922, tra•
l'/nkhouk; exposent lcun constructions linhircs à c Rythmes color6s ,. pour un film abstrait. Tm futuriste vaille à 1'6colc d'art de Vitebsk ; il est l'un des membres
SIENIUNE (Serguel Yatovl6vitch), Moacou 1894-Moscou l'Obmokhou (1921); organisent avec M6dounctski l'cxpo,, d'esprit, cette s6ric est un des a~rts m~j~urs à l'a~rac- fondateurs de l'Ounovis et public des textes th6oriques
1963. Peintre et designer russe 10vi61ique. En 1921, crposc sition Lca Constructivistes (Moscou, 1922). Participent à tion et annonce les films abstraits de Viking Eggchng et ( La Facultl th technique architecturale th /'Ounovis, 1921 ).
trente et un tableaux aux VkhouJlmas dans le atylc supn!- la Ente russischc Kunstauastcllung (Berlin, 1922). Ils tra- de Hans Richter (1920) et l'art cin6tique. Travaille avec Soui6tine pour la manufacture de porce-
matistc de Rodtchenko. En 1922-1923, organile avec Klu- vaillent de 1923 à 1931 aux mises en forme conslructivistca laine de P6trograd-Uningrad entre 1923 et 1925. Colla-
cis un studio cxp6rimcntal d'agit-prop aux Vkhoutlnuu. de nombre des pi~ monl6cs au Th6Atrc de Chambre de TAlllOV (Alexandre Yatov16vitch), Rovno 1885-Moscou bore avec Mal6vitch à 1'6laboration des • architcctoncs •
Collabore à la revue Lie/ entre 1923 et 192S. Talrov. 1950. Metteur en sœnc et th6oricicn du th6Atrc. Fonde le et des « planites ,., Participe à !'Exposition internationale
Th6Atrc de Chambre de Moscou en 1824.11 collabore avec des arts d6coratifs et industriels modernes (Paria. 192S).
SINIAKOVA (Maria Mikhai1ovna), Krasnaya Poliana (pro- STtPANOVA (Varvara Fiodorovna), Kovno (Kaunas) 1894- les peintrel de l'avant-garde qui ont adapt6 au th6Atre les
vince: de Kharkov, Ukraine) 1890-Moscou 1984. Son ori- Moscou 1958. Peintre, d6signcr, typographe, d6corateur acquis du cubo-futurismc ou du supn!matismc (Alexan- TCHtlCRYGUINE(Vassili V ili6vitch), Jiz.dra 1897-R6gion
gine ukrainienne a certainement influenc6 l'inspiration de th6Atrc. A 1ign6 aussi sous les pseudonymes de Ap- dra Extcr, Yatoulov, Alexandre Vesnine, les fr~rcs Stcn- de Moscou 1922. Peintre et th6oricicn ; a 6tudi6 la pein-
fonncllc tr~ color6e de cette artiste. Études de peinture à ryth et de Vant. Apprentissage à 1'6colc d'art de Kazan bcrg). ture d'icônes à Kiev (1906-1910). Sc lie à Maiakovski et
Kharkov et à Moscou (1912-1914). En 1913-1914, cXp01i• (1911-1912) oO clic connut Rodtchenko qu'elle 6pousa. À aux futuristes autour de 1913. D6vcloppc un art original
tion à L'Union th la }elllta$e à Saint-P6tersbourg. Voyage partir de 1917, clic cr6c la .. po6aic graphique,. o(l mots et TARABOUKt E (Mikhall Alcxandrovitcb), M01Cou 1889- dont la perspective est une viaion eschatologique du
en Allemagne et en Asie centrale, subit l'influence de traits du pinceau contribuent à la naissance d'un nouveau Moscou 1956. Historien et th6oricicn de l'art russe 10vi6- monde à venir.
Gauguin, de Matisse, du mouvement n6oprimitiviste russe acnrc artistique. Met en forme Ica po6sies de Kroutcho- tiquc. Études à la facult6 des sciences historiques et philo-
(Larionov, Natalia Gontcharova, Mal6vitch, etc.). Elle nykh, Gly-gly et Gaoust-Tchaba (1919) et r6alisc de nom- sophiques de MOICOU (1918). Secr6tairc de l'Jnkhoulc de TcHtuClrrCHEV ([Tchclichcw, Chclisbchcv) Pavie! Fiodo-
s'int6rcae à l'icône et aux enseignes russes, aux minia• breux collage,. Participe à la X• Exposition nationale, 1920 à 1924. A partici~ aux d6bats sur le constructivisme rovitch), Moscou 1898-Romc 1957. Peintre et d6coratcur
turc• et aux tapis persans. Trh li6c au milieu des pœtea Cn!ation sans objet et supr6matiame (1919). et le productivisme. Sa conf6rcncc du 20 aoQt 1921 (Le de th6Atrc. Formation à l'atelier d'Alcxandra Extcr à Kiev
futuriste,, surtout à V61imir Khlebnikov, clic conçoit la En 1920-1921, membre et sccr6taire, à l'int6ricur de dernier tableau a ltl peint) est trh c6lbbrc ; clic est aulvic en 1918-1919 o(I il se lie d'unitif avec Tyschlcr et Schifrin.
couverture d'un recueil po6tiquc d' Asa61cv à Kharkov l'lnkhoulc, du Oroupe de travail de l'analyac objective et en 1923 de deux livres capitaux Du chevalet à la machint En 1920-1921, travaille pour les ballets de Boris Kniazicv
(1915), participe à l'almanach futuriste Le Sagi11aire du Groupe de travail des constructivistes. Participe à et &soi de thlorie th la peinture. De 1924 à 1928 il fait et de Viktor Siminc à lstambul. En 1921-1923, r6alise des
(1915), rl!alise les illustrations du recueil po6tiquc de Boji- l'exposition S x S - 2S (1921). Sa mise en forme de La partie de la section th6oriquc de l' Acadl!mic nationale des d6con pour les th6Atrcs russes de Berlin (Der blaut Vopl,
dar Le Tambourin (1916). La memc ann6c, clic aignc le mon de Tarielkine de Soukhovo-Kobylinc au th6Atrc de sciences artistiques (Gakhn ). Das russlsche romantische 11,eater). Amiti6 avec Pougny
manifcatc futuriste La Trompette des Martiens avec Meyerhold (1922) est un mod~lc du constructivisme sœ- qu'il suit à Paris en 1923. Expose au Salon d'Automnc
Khlebnikov, Pctnikov, Asa61cv et Bojidar. Elle influen- niquc. TATUN (Vladimir Evgrafovitch), Moscou 1885-Moscou (1925) et à la galerie Druct (1926).
cera, en 1918, le groupe avant-gardiste ukrainien de Khar- Participe à la Erstc russischc Kunstausstcllung (Berlin, 1953. Peintre, constructeur, dcaigncr, d6coratcur de
kov, Union 7, qui compte Errnilov parmi ses membres. En 1922). Design pour l'habit de production (pror.odiejda) th6Atrc, architecte russe. Quitte tr~s vite 1'6colc pour TcHER IKHOV (Yakov Gu6orgui6vitch), Odessa 1889-
1926, paraJt le roman en vers de Kroutchonykh, Vanka• des portifs (sponodiejda) qu'elle r6alisc pour la Prcmi~re s'engager comme mousse et voyage~ à travcn le m~ndc. Moscou 1951. Architecte d'origine ukrainienne. A crff,
Carn et Sonka la manucure, illustr6 par clic. Usine nationale du textile entre 1923 et l 92S. Professeur à L'univcn de la mer (personnes, obJets, mode de vtc) le dans les ann6es vingt et trente, des • fantaisies architecto-
la Section du textile des Vkhoutlnuu (1924-1925). Tra- marquera dans son activit6 artistique. S'initie à la peinture niques ,. qui sont un des plua beaux ensembles de l'archi·
SoFRONOVA (Antonina Fiodorovna), Drovakovo (pro- vaille avec Rodtchenko et Malakovski aux affiches de d'icônes. De 1904 à 1908, il fr6qucntc l'Écolc d'art de tecturc visioMairc.
vince d'Orcl) 1892-Moscou 1966. Peintre et designer publicit6 en l 92S. Collabore à Lief et à Novy Lief. Parti• Penza et en 1909-1910 l'Écolc de peinture, ac:ulpturc et
russe. Prcmi~rc exposition au Valet de Carreau (1914). cipe à !'Exposition internationale des arts d6coratifs et architecture de Moscou (chez Korovinc et Sl!rov). De TCHITCHAGOVA (Galina Dmitricvna), MOICOU 1891-MOI•
De 1920 à 1921, clic enseigne aux Svonuu de Tvicr. Ex6- industriels modernes (Paris. 192S). 1911 à 1914, il expose beaucoup, en particulier à L'Union cou 1967 et TcHJTCHAGOVA (Olga Dmitricvna), Moscou
cutc à la fin 1921 une s6ric de compositions graphiques de la Jeunesse et à La Queue d'Ânc. Il y montre des 1889-Moscou 1956. Les deux sœurs Galina et Olga partici-
constructivistes. Met en forme des revues et dc1t livres et STERE BERG (David P6trovitch), Jitomir 1881-Moscou a:uvrcs figuratives o(I le style n6oprirnitivistc domine : le p~rcnt au Groupe de travail des Constructivi_stcs à
r6alisc - entre autres la couverture du livre de Tarabou- 1948. Formation à Paris à l'école des Beaux-Arts et à trait vigoureux du dessin s'allie au laconisme de la ligne et l'lnlchouk en 1921. Elles sont connues pour lcun mtsCS en
kinc Du tableau th chevalet à la machine (1923). Participe l'açadtmic Vitti, chez Van Dongen (1906-1912). Commis- au sch6mati me de la construction avec une tendance à la forme de livres pour enfants.
à !'Exposition internationale des arts d6coratif's et indus- saire du peuple aux affaires artistiques (1917-1918) et chef sculpturalit6 et l"utilisation de plans pr6cubistcs (Mar-
tricla modernes (Paris, 192S). de l'lr.o du Narkompros (1918-1920). Enseigne la peinture chand de polnon, 1912; Marin, 1912). L'influence de TtREl'fflEV (Igor Gu6ra111imovitch), 1892-1941. Pœtc,
aux Vkhoutlmas-Vkhouttrne. En 1922, membre du groupe Larionov, trh nette dans les th~rnes inspir6s du monde du dramaturge, th6oricicn de la langue po6tiquc, metteur en
SoultnN& (Nikolal Mikha"ilovitch), Miatl6vskaya [pro- d'artistes juif Kulturlige. Organisateur principal de la travail ou de la mythologie populaire et dans l'cxprcaaivit6 sœnc de thl!Atre. Participe activement au groupe g6orgicn
vince de Kalouga) 1897-Uningrad 1954. De 1918 à 1922, Ente russischc Kunstausstcllung (Berlin, 1922). Membre conciac propre à l'art populaire (loubok, icône, 41° (1919). Est charg6 de la section de phonologie au
apprentissage à 1'6colc d'art de Vitebsk. Membre fonda- fondateur et pr6 idcnt de l'OST (1925). enseignes), est encore plus marqu6c dans les illustrations Ghinkhouk en 1923. Il est un des rcpr6scntants les plus
teur de l'Ounovis en 1920. De 1922 à 1926, membre du de recueils futuristes : Mondàrebours de Khlebnikov radicaux de la 1.aoum (la langue transmcntalc). Collabore
Ghinkhouk ; il travaille dans les Scctiona de la th6oric de STRZEMINSICI (Wladislaw Maximilianovitch). Minsk 1893- (1912), Lt Missel des Trois (1913), cl dans les esquisse• au th6Atrc Radiks à partir de 1926. Trh proche de l'Auo-
la forme et de l'id6ologic avec Mal6vitch, V6ra lcrmo- Lodz 1952. Peintre et th6oricicn de l'art polonais. Parti- pour le drame l!piquc populaire de Bontch-Tomachcvski ciation pour un art r6cl (Oberiou). Met en sœnc, avec les
lai6va, Tchachnik, etc. Collabore avec Mal6vitch à 1'61abo- cipe au bouillonnement avant-gardiste russe aprà la n!vo- Le Tsar Maxlmiane t:t son fils Adolphe (1911), ou pour 6lhes de Filonov, le Rlvi1.or de Gogol à la maison de la
ration des architcctoncs ,. cl des projeta de planltc1 ». 1ution de 1917. Étudie aux s~oma1 moscovite,, chez l'op(!ra de Glinka La Vie pour le tsar, 1913-1914). Voyage Presse de Uningrad.

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YOUDINE À ZDANÉVITCH
BIOGRAPHIE
Ses mises en forme théâtrales sont chaque fois un événe- ZDANtvrrcH (Ilia Mikhaîlovitch, dit lliazd), Tiflis 1894-
TUGE DH0LD (Iakov Al~androvitch), 1882-1928). Cri- (1914-1917) ; élhe de Lentoulov et de Morgounov aux ment et l'on parle dans les années vingt de la « yakoulovi- Paris 1975. Pœte et constructeur de livres, d'origine g~-
tique russe. Sea écrits sur l'art du XX' si~le sont un impor- Svomas moscovites (1918-1920) et de Sterenberg aux sation • du théâtre (Princesse Brambilla, 1920; Signor gieMe. A pris aussi le pseudon~ ~pisodique ~e Vana-
tant témoignage sur l'art moderne. A krit, entre autres, Vkhoutlmas (1920-1924). Réalise la mise en forme Formica et Girofll-Girofla, 1922). JI crée un appareillage nofi Parkine. Avec son fr~re Kmll Zdanév1tch et le
des livres sur Puvis de Chavannes, Gauguin, Degas, Van constructiviste de Stienka Razine (pièce de Vassili constructiviste pour Le Pas d'acier de Prokofiev aux Bal- peintre Le Dentu, il découvre. le naîf géorgie~ Niko Piros-
Gogh, Chagall, Alexandra Exter. Kamienski) au Théâtre de la Révolution (1923-1924). Par- lets russes de Diaghilev (1927). manachvili. Publie, avec Larionov, les manifestes Pour•
ticipe à l'Expoaition internationale des arts décoratifs et quoi nous nous peinturlurons et Le Toutisme (1913).
V AKlffANGOV (Evguéni Visaarionovitch), Vladikavkaz industriels modernes (Paria, 1925). YOUDINE (Liev Alexandrovitch), Vitebsk 1903-Léningrad Auteur de la premi~re monographie sur Larionov et
1883-Moscou 1922. Metteur en sœne, acteur, théoricien 1941. Membre de l'Ounovis de Vitebsk de 1920 à 1922. Il Gontcharova. En janvier 1914, il é~t avec Larionov_Le
du théâtre d'origine arménienne. Sa vision du théâtre, VLADIMIR MARKOV (pseudonyme de Waldeman (Volde- Manifeste DA. En 1917, il fonde à T1tlts le groupe futunste
suit Malévitch à Pétrograd en 1922. .
appuyée sur la commedia deU'ane et les traditions popu- mar] Matvejs (Matveî]), Riga 1877-Saint-Pétenbourg Participe à la Erste russiache ~uns~ausstellun~ (Berh?, et l'édition 41': les livres publiés constituent une nouvelle
laires caucasienne, russe et juive, est à l'œuvre dana trois 1914. Peintre et théoricien de l'art letton. Il signe ses écrits 1922). Son journal, écrit quand il était él~ve d~ 1Ounovis, révolution typographique.
des spectacles qu'il a réalis6s: Le Miracle de saint Antoine du pseudonyme Vladimir Markov et ses tableaux de son est un témoignage important sur la pédagogie supréma-
de Maeterlinck (Troisi~me Studio, 1921), Le Dibbouk de nom russe Voldemar Matveî. Il est l'un des fondateun de ZDANtvlTCH (Kirill Mikhaîlovitch), Tiflis 1892-Tb!lisi
tiste. 1969. Peintre, designer, décorateur de théâtre géorgien,
Scholem An-ski avec des ~cors et des costumes de Natan L'Union de la Jeunesse. Ses textes sont fondamentaux
Altman (Théitre national juif, 1921) et son chant du pour comprendre l'avant-garde russe : • Les Principes du ZACK (Lev Vassiliévitch, ~it Chrysa~the ou Rossiyaoski), frère d'Ilia Zdanévitcb. A travaillé dans l'atelier La Tour
cygne, Princesse Turandot de Gozzi, avec les décors et nouvel art • (1912); La Facture, L'An de l'tle de P4qUl!I Nijni-Novgorod 1892-Pans 1980. Pe1~tre, paète, d_écora- (Moscou, 1912). Expose à La Queue ~• Ane, à La _<:ible et
costumes de Nivinski (Troisi~me Studio, 1922). (1914); L'An Mgre (1919). teur de théâtre, théoricien du groupe littéraire futunst~ La à N• 4. Signe le Manifeste du rayoMistes et aveniriens en
Mezzanine de la poésie (1913). E:xpose pour la pr~rru~re 1913. Après la révolution de 1917, membre du groupe
V ASSILIUF (Marie, transcription française du patronyme VROUIEL (Mikhail Alexandrovitcb), Omsk 1856-Saint- fois à la Société moscovite des art1Stes en 1907. Émigre en futuriste géorgien 41 1 à Tiflis. Réalise des collages pour le
russe Maria Ivanovna Vassiliéva), Smolensk 1884-Nogent- Pétenbourg 1910. Peintre. Son œuvre visionnaire est mar- livre 1918, de Kroutchonykb et de Kamienski.
1920.
sur-Mame 1957. Peintre. S'installe définitivement à Paris quée par le style moderne et le symbolisme. Elle porte
en 1907. Elle travaille à l'académie de peinture ouverte cependant en germe les prémices du cubo-futurisme et de
par Matisse au 35, boulevard des Invalides. Elle a beau- l'abstraction russes.
coup œuvré pour faire connaître la peinture de cet artiste
en Russie grice à ses liens avec Nikolaï Riabouchinski, le WEREPKIN (Marianne, pseudonyme de Marianna Vladimi-
directeur de la revue d'art La Toison d'Or. En 1910, elle rovna Vériovkina), Toula 1860-Ascona 1938. Enfance
fonde l'Académie russe au 54 de l'avenue du Maine, puis, russe et lituanienne dans un milieu cultivé. Élhe d'llia
en 1912, l'Académie Marie Vassilieff, au 21 de la même Répine, le chef de l'école réaliste, avant de partir pour
avenue. Fernand Léger y a donné deux conférences Munich avec Jawlenalty qui sera le compagnon de toutes
importantes : Les origines de la peinture et sa valeur ses luttes pour une nouvelle esthétique. Des échanges
représentative (1913) et Les réalisations picturales féconda auront lieu avec Kandinsky, Gabriele Münter,
actuelles (1914). En 1914, Marie Vassilief installe dans le Franz Marc, Schônberg, Paul Klee et beaucoup d'autres
local de l'académie une cantine qui devient le rendez-vous hôtes de son atelier de Munich. Installée en Suisse pen-
des intellectuels et artistes les plus diven. Elle a participé dant la Première Guerre mondiale, elle se liera d'amitié
à l'exposition 0,10 (1915). Dans une chronique de 1910, ~cc Rilke, le sculpteur Lebmbruck, le compositeur
Guillaume Apollinaire souligne « la science voluptueuse Busoni, ou encore la grande poétesse Else Lasker-Schüler
des portraits » de Marie Vassilieff, qui contraste avec • la qui lui consacrera un pœme.
brutalité des formes •·
YA.KOULOV (Guéorgui Bogdanovitch), Tiflis 1884-Érévao
VtRIOVKINA (Voir: Werefkin) 1928. Peintre, théoricien de l'art, décorateur de théâtre
d'origine arménienne. Son travail artistique aussi bien que
VESNINE (Alexandre Alexandrovitch), Yourieviets 1883- ses écrits illustrent sa théorie selon laquelle « le caract~re
Moscou 1959, Vr.sNINE (Léonide Alexandrovitcb), Nijni- de la lumi~re est la base recherchée du style • (il fonde ce
Novgorod 1880-Moscou 1933 et VESNINE (Viktor Alexan- principe d~s 1902-1903, en observant les effets de lumi~re
drovitch), Yourieviets 1882-Moscou 1950. Les trois fr~res dans différents endroits du Caucase et de la
architectes ont réalisl!, ensemble ou séparément, de nom- Mandchourie) ; selon lui, • la différence des cultures
breux édifices à Moscou, Nijni-Novgorod, Bakou, etc. consiste dans la différence des lumi~res ». Le rôle joué par
Avant la Révolution, leur architecture était d'inspiration le graphisme dans la peinture chinoise aura aussi une
néoclassique. Apr~s la Révolution, ils seront parmi les influence décisive sur son œuvre.
représentants les plus typiques du constructivisme archi- En 1913, l'artiste se trouve à Paris chez Robert et Sonia
tectural. Delaunay, avec lesquels il confronte ses propres théories
Alexandre Vesnine a joué un rôle important dans l'avant- sur le mouvement rythmique et cadencé de la couleur et
garde picturale. Membre de l'lnlchouk dès 1920, il est un de la lumihe. La même année, il expose au Salon
des participants de l'exposition 5 x 5 25 (1921). Il d'Automne de la galerie Der Sturm (Berlin), aux côtés
ellleÎgne à partir de 1921 aux Vlchoutlmas (Section de la des Delaunay. En 1914, la venue en Russie du pœte futu-
construction de la couleur avec Lioubov Popova, faculté riste italien Marinetti lui inspire le manifeste Nous et
du bois et faculté d'architecture). Participe à la Erste rus- l'Occident, publié par Apollinaire dans le Mercure de
siache Kunstausstellung (Berlin, 1922), Ses décors au France ; ce manifeste oppose à l'art occiden1al
Théâtre de Chambre de Tarrov font date et sont marquées • territorial » l'art oriental • cosmique •· En 1917, aidé par
par le cubo-suprématisme (L'Annonce faite ,t Marie de de nombreux artistes, il réalise la décoration du Café Pit-
Claudel, 1920), le cubo-constructivisme (PhUre de toresque à Moscou. En 1917-1918, il participe à la décora-
Racine, 1922) et le constructivisme ( Un homme nomml tion du Café des Po~tes à Moscou. Exécute un décor
Jeudi de Chesterton, 1922-1923). En 1925, Alexandre, construit pour L •tchange de Claudel au Théâtre de
Léonide et Viktor Vesnine fondent avec Moïsseî Ginsburg chambre de Taîrov. Enseigne aux Svomas moscovites
la société des architectes constructivistes Osa. (1918-1919). Participe à la premi~re et à la troisi~me expo-
sition de l'Obmokhou (1919 et 1921). Crée des panneaux
VIALOV (Konstantine Alexandrovitch), Moscou 1900- décoratifs pour L'Étable de Pégase, cabaret des po~tes
Moscou 1976. Peintre et designer russe 1oviétique. imaginistes dont il signe le manifeste en 1919. Participe à
Apprentissage artistique à l'école Stroganov à Moscou la Ente russiache Kunstausstellung (Berlin, 1922).

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ARCHITECTONE À CAFÉ PITTORESQUE

Glossaire Ardlltedone : Néologisme de Malévitch, apparu en 1925 au Asnova (Assotslatslya novykb arkbltektorov • Assodadon
l Ghinlchouk de Uningrad pour désigner des modèles archi-
tecturaux-sculpturaux qui traduisent les principes supréma-
des nouveaux architectes): 1923-1932. L'Asnova rassemble
les architectes« rationalistes " : Ladovski, Doltoutchaîcv,
tistes de constitution des formes dans des œuvrcs à trois Krinski (Lisaitzlty en fera partie à partir de 1925). Elle pro-
dimensions. Les idées d'un « suprématisme spatial " sont fesse la création collective sur la base de concepts exacts et
lancées par Malévitch dans plusieurs texte■ de 1918, puis scientifiques. Ladovslti en est le leader juaqu'cn 1928, date
développées dans les travaux théoriques de l'Ounovis où il fonde l'Arou (Arkhitcktory-ourbanisty = Les archi-
vitcbskois. Sous cette influence, Lissitzky conçoit d~s le tectes-urbanistes). L'Asnova fait paraître un seul nuiMro
début 1920 ses proounes (projets d'affirmation-fondation du des Nouvelles de l'Asnova [J.zvestiya Asnova] dont les
Nouveau). La construction des architcctoncs en plAtrc ou rédacteurs sont Ladovski et Lissitzlty.
en bois se fait dans le cadre de la Section de la culture maté-
rielle du Ghinkhouk. Malévitch est aidé dans cette tâche Assiste (ou : duysographle, ou : lnocople) : Procédé de la
par Tchachnik et Souîétinc (lequel dirige le laboratoire de peinture d'icônes consistant à déposer, à l'aide de fils enro-
l'architecture suprématistc). Les architectones de Malévitch bés, de la poudre d'or en feuilles sur les vetcmcnts, les
sont montr~s à l'Exposition internationale de la nouvelle feuillages, les ~tes des montagnes. Ces filets d'or forment
5 x 5 • 25 : Exposition-programme du premier Groupe de sant la logique euclidienne de représentation du monde. architecture à Varsovie en 1926. La construction d'architec- un syst~mc de rayons symbolisant l'irradiation des énergies
travail des Constructivistes à l'lnlchoulc, en septembre 1921, C'est la version picturale de la zaoum (transmcntalité) poé- tones se prolonge jusqu'en 1933. On distingue des •· archi- divines.
à Moscou. Son nom vient des 5 œuvres de S peintres (Vant tique (cf. La Vache et le Violon, Un Anglais à Moscou, tcctoncs horizontaux " (édifiés scion le principe des lois de
(alias V. Stépanova), A. Vcsninc, L Popova, Rodtchenko, Aviateur, Composition avec Mona Lisa de Malévitch). l'attraction terrestre) et des « architectones verticaux" (qui Atelier du réalisme spatial (Mastenkaya prostranstvlen•
A. Extcr). Rodtchenko y montre les 3 monochromes bleu, Voir aussi Transmcntal. doivent vaincre les lois d'attraction). A. Chatskikh a bien novo rlallvna] : De 1919 à 1922, dans le cadre des Svomas
jaune, rouge. La peinture de chevalet y est définitivement montré que les architcctones malévitchicns ont une desti- de Pétrograd, Matiouchinc développe avec ses ~l~ves des
condamnée, devant laisser la place à un « art actif », dans Ambulanls : Mouvement réaliste engagé, né en 1863 contre nation • polyfonctionncllc " : ils peuvent servir de projets études expérimentales sur les probl~mcs de la perception
l'eapace. l'académisme gréco-romain (100 nom vient du caract~rc pour des bAtimcnts, trouver leur utilisation dans l'aménago- du réel au-delà des apparences. C'est un lieu privil.6gié de
itinérant de leurs expositions à travers l'Empire l'UIIC). Les ment des espaces intérieurs publics, enfin, etrc employés l'abstraction aussi bien dans des constructions à trois
X• Expo Illon nationale Création sans-objet et aupréma- anciens dissidents deviennent les nouveaux professeurs dans les arts décoratifs monumentaux où s'o~rc la syn- dimensions que dans les tableaux de chevalet.
tbme : Cette exposition, ouverte en 1919 à Moscou, com- académiques au tournant du si~clc. Leur symbole est le th~ des arts. Les couleurs des architcctoncs sont celles
porte 220 œuvres de 9 artistes de l'avant-garde : V .S. Ap- peintre Répine, malmcn~ par les futuristes. Ils exposent de base - du suprématisme : noir, rouge, blanc ; les figures Annlrlens (Boudouc/ucllnlkl] : Nom que prcpncnt les
rykh (alias V. Stépanova], A. Veaninc, N. Davydova, jusqu'en 1923, mais déjà l'Akhrr a pris leur relhc et les qui y naissent sont le carré, la croix et le cercle. Les appella- néoprirnitivistcs et rayonnistcs de La Queue d' Ane et de
l. Klioune, Malévitch, Micnltov, L Popova, Rodtchcnlto, membres des Ambulants se joignent automatiquement à tions données d'Alpha, Bita, Gota, Zite, etc. seraient La Cible de Larionov dans leur manifeste de 1913, pour se
O. Rozanova (posthume). cette nouvelle organisation. d'ordre « astronomique », par association avec celles des démarquer à la fois des futuristes italo-français et des
Malévitch, qui accentue dans le texte du catalogue la visée corps célestes dans les constellations. Les architcctoncs futuraslaves (boudletllane).
philosophique du suprématisme, est contesté par ses Anarchla (L'AnarcbleJ : Le quotidien du parti anarchiste joueront un grand rôle dans la formation de nouvelles idées
anciens disciples Kliounc et Rodtchenko, cc dernier oppo- parait à Moscou de janvier à la mi-juillet 1918. Il est fermé par spatiales dans l'architecture et le design soviétiques. Ballets russes (ROIISSlcl ballet) : 1908-1929. Les Saisons
sant à la série des « Blancs sur blanc " malévitchicns, une le parti bolch6viquc. La rubrique • Création " [tvorchatvo) russes à l'étranger qui montrent opéras et ballets sont orga-
suite d'œuvrcs intitulées« Noir sur noir». regroupe les artistes de gauche qui y collaborent : O. Rœa- Ardlltectonlque picturale (Jl11oplsnaya arlchltdctonllca J : nisées par Diaghilev et ont lieu à Paris (Opéra, ChAtclct,
nova, N. Oudaltsova, Morgounov, Gue, Tatline. Rodtchenlto Sous cette appellation, L Popova a créé entre 1916 et 1918 Thé4trc des Champs-élysécs), à Londres (Covent-Gar-
41" : Groupe futuriste des pœtea et écrivains • transmcn- et Malévitch sont les collaborateurs les plus virulents d'Anar- une série impressionnante de tableaux abstraits, dans la den ••• ), à Monte-Carlo et dans de nombreuses villes de
taux " (.zaoumniki) : Kroutcbonykh, I. Zdanévitch, c:hia, polémiquant contre les chefs de l'/zo du Narkompros lignée du suprématisme. Elle en a produit 44 dont tous ne l'Ancien et du Nouveau Monde. La participation des
L Térenticv, auxquels s'ajoute le peintre K. Zdanévitch, (N. Altman, Stucnbcrg. Pouninc). Anardria critique violem- nous sont pas connus. Le terme • architectonique " rap- peintres de toutes les tendances • modernes », en particu•
qui existe de 1917 à 1919 dans la capitale de la G6orgic, ment les pœtcs futuristes Malaltovslti, Kamicnski et O. Bour- pelle la base cubofuturistc de l'art de L Popova : la surface lier de l'avant-garde russe, fait des Ballets russes un haut
Tiflis (aujourd'hui Thilissi), et public de nombreux recueils lioult pour leur volonté de politiser l'art. du tableau se déroule en une architecture dynamique de lieu de l'expérimentation des formes nouvelles : primiti-
et manifestes imprimés avec des recherches typographiques plans. Le terme de « pictural " nous ram~nc au supréma- vismc-cubofuturisme (N. Gontcharova, Larionov, Sur-
Ir~ variées. Le nom de• 41'" a plusieurs significations: la L'Annfe 1915 : Exposition organiac!c à Moscou par le tisme dont une des visées est la pure picturalité des mouve- V11gc), constructivisme (Pcvaner et Gabo, Yaltoulov) •.• La
latitude et la longitude de Tiflis ; il est d'un degré plus fort peintre K.V. Kandourov au Salon d'art de M• Mikha\lova. ments colorés. Cette association de la planéité colorée m~quc de Stravinllty (scandale du Sacre du prinlemps en
que la vodka ; il est la température à partir de laquelle Elle s'ouvre le 23 mars (S avril scion notre calendrier] 1915 suprématistc et de la pure construction des formes annonce 1913) y connait ses premi~rcs audiences.
l'homme délire ; il comporterait tous les sens symboliques et montre en majorité l'avant-garde moscovite : Larionov, le constructivisme de 1921-1922.
du chiffre 40 à travers l'histoire auquel s'ajouterait un 1, qui expose un « rayonnismc plastique .. (uns doute un Baprtdmletnost, BaprtdmletnoYI, et a Bapmlmlet•
sans aucune raiaon •.• relief, aujourd'hui perdu), N. Gontcharova, Kandinsky Art th la Commune (L? (lskou.ulllO kommouny) : Journal nltchatvo (Sans-objet, art sans objet) ; Néologisme russe
(11 œuvrcs non figuratives dont la fameuse hebdomadaire des komfouty (les communistes-futuristes) pour désigner de façon courante la nouvelle forme d'art
0,10 : Voir Dcmi~re Exposition futuriste de tableaux 0,10. Composition VII), Chagall, Ica principaux représentants du dont 19 numéros paraissent à Pétrograd de 1918 à 1919. née avec l'abstraction et qui dans son étymologie désigne
Valet de Carreau, ainsi que les ~rcs Bourlioult, S. Dym- Les maîtres à penser en sont : O. Brik, N. Pouninc, l'absence d'objet fi~.
Akl,n- (Auot.riatt.Jlya khoudojnikov rlvoliouuionnor Ros- chits-Tolstaîa, V. Khodassiévitch, Yaltoulov ... D'apià les V. Maïakovski, B. Kouchner. Parmi les auteurs presti-
sü : Association des artistes de la Russie révolutionnaire] comptes rendus contemporains, les reliefs picturaux, gieux: V. Chklovski, I. Pougny, K. Malévitch. Le premier Boudimlane, Boudldllanstvo : Voir Futuraslavcs, FutlU'IISlavi.
1922-1928 ; Akhr [Assoùiatt.Jiya khoudojniJcov molwULTii : influcnœs par ceux de Tatline et de Pougny, furent remar- numéro, paru le 7 décembre 1918, a comme épigraphe la
Association des artistes de la Révolution) 1928-1932: Née qués : un pi~ge à souris sur une planche de V. Kamicnslti, poésie de Maïakovski Ordrt à l'armle du arts oà se trou- Boudouchtchnlkl : Voir Avcniricna.
à Moscou en mars 1922, cette association, qui reprend le une moitié de haut-de-forme et des gants « montés "sur un vent les célèbres vers :
flambeau de l'art réaliste engagé russe des Ambulants, est mur comme Auloponraù de Maîakovski, etc. • Lca rues sont nos pinceaux Byt [Le mode de vte quotidien) : Association éphém~rc
l'organisation la plus virulente contre l'art de gauche avant- Les places nos palettes ». (1924) de peintre■ anti-abstraits de Moscou, qui se fondra
gardistc. Elle montre 11 expositions, dont La Révolution, la Appartement ,r' 5 (Kvartlra,,. 5) : Cet appartement, situé Chaque numéro a comme slogan, en gros caracthes, dca dansl'Ost.
Vic quotidienne et le Travail en 1924 et L'Art pour les dans l'.Académic des Beaux-Arts de Saint-Pétersbourg, vers de Maïakovslti ou des maximes marxistes, telles : • La
masses, en 1929. Ses membres principaux sont: S. Maliou- appamcnt à un des conservateurs, S. lssaltov, et sert d'atelier religion est l'opium du peuple • ou • L'etrc social déter- BytU [E:11 tcnœ] : Cette association moscovite, formée
tinc, I. Brodski, I. Katsman, M. Grékov, A. Guérassimov ... entre 1915 et 1917 au fils adoptif de cc dernier, L Brouni. mine la conscience •· Des polémiques tr~ violentes s•~ta- d 'él~vcs des Vlchoulbnas, existe de 1921 à 1930. Elle est
C'est à partir de la pratique de l'Alchn- que naitra le « réa- C'est à cette époque le lieu de rencontres et de débats esthé- lcnt sur les colonnes du journal : futurisme/marxisme, futu- née d'une oppoaition à l'avant-garde, en particulier au
lisme socialiste », dont le concept sera défini par Gorki au tiques de pœtcs (Mandelstam), de peintres (N. Altman, risme/passéisme, futurisme/art du prolétariat, destruction/ constructivisme. Sc voulant l'hériti~re du Valet de Carreau,
Premier congrh des écrivains soviétiques, en 1934. Mitrokhinc, Mitouritch, Tatline ... ), du théoricien de l'art construction, création/utilitarisme, musée de la Culture pio- clic prône un art réaliste, vigoureux, social.
Pounine ... Aplà la révolution de mars 1917, Maïakovski et turalc/musée de l' Art paa6istc ... Tout cc qui fut l'objet de
Aloglsmc : Terme du cubofuturismc russe entre 1913 et 1. Zdanévitch prennent part aux activités de cc cercle, d'où débats passionnés au cours des années vingt fut initié dans Café Pittoresque : Lieu de rendez-vous des artistes et des
1915, créé par Malévitch pour dénommer les œuvrcs refu- sortiront Liberté pour l'art . Art, Révolution . etc. les colonnes de L 'Art de la Commune. écrivains russes à Moscou, premier intérieur pr6constructi•

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DVIJKI À GOSSIEKT
GLOSSAIRE

/isme pictural. Des tracts avec des textes de Pougny, Gakhn (Gossoudant11/ennaya akadhnlya khoudojest11/m-
viste organiaé en 1917 par Yakoulov avec l'aide d'autres Groupe de travail des Constructivistes qui se manifeste en X. Bogouslavskala, Klioune, Mienkov et Malévitch sont nykh naouk • Académie nationale des Sdenœs de l'art] :
peintre• et sculpteun (/J'atline, N. Oudaltaova, Rodt- particulier par deux expositions marquantes, celle de aussi publiés à cette occasion. O,IO provoque une avalanche 1921-1930. Kandinsky, évincé de l'lnkhouk de Moscou par
chenko, Brominki, etc.). Il est ouvert, pour un an, en jan- l'Obmokhou (apparition des constructions à tiges et des de critiques négatives et scandalisées ( en particulier de la te premier Groupe de travail de l'analyse objective, inspire
vier 1918. «mobiles») et 5 x 5 .. 25 (V. Stépanova (Varst), A. Ves- part d'A. Benois). l'organiaation d'un nouveau centre d'étude de l'an. fondé
nine, L Popova, Rodtchenko, A. Exter). C'est à l'intérieur sur un principe pluridisciplinaire et interdisciplinaire de
Cézannlsme 1éométrique (premier cubisme ou cubisme du constructivisme rusae que sont proclamés avec énergie : D111jkl : Terme technique de la peinture d'icônes, voulant synth~ de plusieurs branches scientifiques, physico-psy-
cézannl te) : Entre 1907 et 1910 (entre Les Demoiselles le paM11ge de la composition à la construction, la suppres- dire mot à mot « petits mouvements et désignant les chologique, sociologique, philosophique, biochimique, etc.
d'Avignon et Ponrait d'Ambroise Vollard), on assiste dans sion du tableau de chevalet, la mort de l'art, la nécessité de « traits blancs servant à souligner le mouvement. On Ira· C'est ainsi que naît le 7 octobre 1921 le Rakhn [Ros:sii.rkaya
la peinture française, chez Picasso, Braque, à une • miae en fondre l'acte créateur dans la production. Le constructi- duit parfoia par Mrehauts",. (F. Uloest). akadbniya khoudojutv~Mykh naoulc Académie de Rus-
géométrisation • de la nature, selon le fameux précepte de visme touche tous les domaines de l'environnement: livres, sie des Sciences de l'art) qui se transforme en 1925 en
Cézanne : « Traitez la nature par le cylindre, la spMre, le affiches, ameublement, architecture, textile, vetement, Ego-futurisme : Mouvement littéraire né à la fin 1911, dont Gakhn. Avant son départ pour l'Allemagne, à la fin 1921,
c&ie, le tout mis en perspective •· En Russie, le groupe de tbéltre ... Il triomphe à la Ersterussische Kunstausstellung le chef est le pœte I. Sévérianine (1887-1941). La théma- Kandinsky fait sa conférence sur • les éléments de base de
peintre• du Valet de Carreau à Moscou appliquera une de la galerie Van Diemen à Berlin en 1922, et à !'Exposi- tique, marquée par le kitsch art nouveau, se conjugue à des la peinture •· Malévitch y lit ses ellp()la·• Sur le principe
géométrisation cézanniste qui conserve enti~rement la liai- tion internationale des Arts décoratifs et industriels expérimentations rythmiques verbales. artistique : la couleur, la lumi~re, le pointillisme dans
bilité du sujet, la combinant à une gamme de type fauviate modernes à Paris, en 1925. l'espace et le temps,. (1923) et • La théorie_de l'.élé~ent
(Kontchalovski, Machkov, Kouprine, Falk, Lentoulov, Élément additionnel (Prlba11otchny lllmmt) : Malévitch additioMel ,. (1925). Quant à Baranov-Rossmé, 11 fait en
etc.). L'œuvre de Tatline, avant les reliefs de 1914, restera Cubisme cézannl1te : Voir Cézannisme géométrique. compare les « éléments additionnels ,. en peint~re au 1924 la démonstration de sa création d'un an cinétique des
enti~rement sous le signe du cézannisme géométrique. Le bacille de Koch qui provoque un changement radical de couleurs(« Sur la peinture dynamique ). Des phi10&0phes
cézanniame se trouve combiné au néoprimitivisme et à Cubofuturlsme : Il n'y a pas eu en Russie de cubisme ni de tout l'organisme. De meme qu"une ba~érie, l'«_éléme~t importants comme Ch~te [Spilth) ou Lossiev, des histo-
l'esprit futuriate dans le cubofuturisme de Malévitch en futurisme à l'état pur. Malévitch utilise le terme de « cubo- additionnel ,. de telle ou telle culture picturale introduit riens de l'art comme Temoviets, Alpatov, Tugendhold,
1912-1913. futurisme ,. en 1913 pour désigner les œuvres où le principe dans le corps traditionnel du pictural une perturbation qui Pounine jouent un grand r0le dans les activités de la Gakhn
dynamique futuriste insufflait un « frémissement ... une en fait la spécificité. Dans le cézannisme, la ligne sinueuse ; qui fait paraître plus de 600 publications dont u Bulletin
Le Chien errant (Brodlatchaya sobaka] : Caveau artis- « inquiétude ,. à une construction d'ensemble de type dans le cubisme, la ligne en forme de faucille ; dans le th la Gakhn [Bioulliétim Gakhn) de 1925 à 1928, la revue
tique ouvert à Saint-Pétersbourg en janvier 1912. li reçoit cubiste. A. Exter, Malévitch, Lentoulov, L. Popova, suprématisme, le trait sont des « éléments additionnels • L'Art [lskou.r.rt110) de 1923 à 1928 et des périodiques
aprà minuit toute la boh~me littéraire et artistique de la N. Oudaltsova en sont les principaux adeptes. qui ont créé chaque fois une nouvelle culture picturale: comme Le Folklore artistique [Khoudoja111ifflny folk/or),
capitale nordique et le Tout-Pétersbourg. Des soirées apé- « L'élément additionnel, lorsqu'il tombe dans le pemtre, La Musique conllmporaine (Sovrtmitnnaya mouzyka), La
ciales sont organiaéesjusqu'à la révolution de 1917. C'est là Culture artbtlque [Khoudo)t!tl'lmnaya koultoura], examine les centres de perception, et les phénom~nes GrtlllWT et k Uvre [Gravioura i knigaJ, etc.
que les futuristes russes s'affrontent autour de 1913 avec les Culture plcturale (Jl110plsnaya koultoura] : Cette notion, deviennent autres dans l'imagination. Cela se produit parce
symboliltes et les acméistes. apparue aprb 1917, élaborée en particulier par Kandinsky que, grâce à l'élément additionnel, advient le processus de G/a/nkhouk (Gossoudanll'lmny lnstltout khoudojatl'/m-
et Malévitch, met l'accent sur l'expérimentation de nou- reconstruction d'un seul et meme aspect reflété dans la nof koultoury ,. tn~tltut national de la culture utisdque] :
La Clble : Exposition des néoprimitiviates aveniriens (bol,- velles formes, sur l'art conçu comme un tout, sans di&- conscience en une structure qui découle de cet élément Au printemps 1921, est fondé à Pétrograd le musée de la
douchtchni/n) de Larionov à MOIICOu en 1913. Nombreuses tinction entre arts majeurs et arts mineurs, où la picturolo- additionnel ; ainsi la nature devient-elle cézannienne, Culture artistique [Mouzer khoudojes111imnol koultoury)
œuvres rayonnistes de Larionov et de N. Gontcharova. gie, c'est-à-dire l'étude du pictural en tant que tel, prend le cubiste ou futuriste ,. (Malévitcb). qui a aussi une activité scientifique (l'étude des courants
Autre, exposants : Barthe, K. Zdanévitch, Le Dentu, pas sur l'iconologie et les « écoles •· C'est sur cette base modernes depuis l'impressionniame). En 1924, le musée de
N. Pirosmanachvili, Chagall, A. Chevtchenko, Ermilov. Un que sont créés les musées de la Culture picturale (à Mos- Erste russlsche Kunstausstellung : Voir Premi~re Exposi- la Culture artistique est transformé en Institut de la culture
ensemble de dessins d'enfants et d'anonymes, ainsi que des cou en premier lieu) et le musée de la Culture artistique de tion d'an russe. artistique (lnkhoulc) puia en Institut national de la cul~e
enseignes, est ainsi montré. Pétrograd, les premiers musées d'Art moderne au monde. artistique, qui cesse d'exister en décembre 1926 à la suite
ExplOSIIIII IVior,,al) : Petit livre lithographié ~ vers ~t de d'interventions politiques. .
Collection Chtchouklne : Ensemble de peintures modernes Culture matérielle (Matlrlalnaya koultoura], Culture des réflexions théoriques de Kroutchonykh (lllustrat_1ons On prendra l'habitude de nommer les ex_pénences et les
françaises achetées par le riche marchand moscovite Ser- matériaux (Koultoura matlrla/011]: Une section du musée d'O. Rozanova, Malévitch, N. Gontcharova, Koulbtne), réalisations faites dans ces différents organlSllles entre 1921
gueî Chtchoukine. Artistes représentés : Braque, Vuillard, de la Culture artistique à Pétrograd, dirigée par Tatline, paru en juin 1913. Une seconde édition sort en et 1926 sous le dénominateur commun de Ghinkhoul.. Sept
Vlaminck, Herbin, Gauguin, Van Gogh, Degas, M. Denis, porte cc nom. En effet, Tatline, à partir de son travail sur décembre 1913. départements le composent : 1) de la pein_ture, av~c à sa
Derain, Van Dongen, Marquet, Matisse (prb de les reliefs en 1914, continue à étudier les propriétés natu- tete Malévitch et comme membres Tchachmk, L Kh1dékel,
40 œuvres), Monet, Picasso (plus de 50 œuvres), Pissarro, relles des divers matériaux (bois, métal, verre, cuir, gou- Facture [Factoura] : En russe, un des sens de ce terme L Youdine, V. Iermolaîéva, K. Rojdestvienski, A. Lépors-
Puvis de Chavannes, Odilon Redon, Renoir , Rodin, dron, sable, etc.) et leurs combinaisons (la forme rectangu- d'origine latine indique le caract~re matériel de la texture kaïa, etc. ; 2) de la culture organique, dirigé par Matiou-
Rouault, le Douanier Rousseau, Cézanne, Signac, Silley, laire de la planche lui semble exprimer l'énergie du bois, la de toute surface, quelle qu'elle soit. A partir de 1912. la fac- chine (collaborateurs: Bori~, Maria, Xén!a End~r'. etc.);
Toulouse-Lautrec, Le Fauconnier ••• Nationaliaée ap~ la forme conique, l'énergie du métal, la forme ovolde, celle ture est devenue le mot d'ordre des novateurs dans leur 3) de la culture matérielle [Le. des maténaux), dingé par
révolution d'Octobre. Aprù la Seconde Guerre mondiale, du verre). Les limites entre peinture, IICUlpture et architec- aouci de faire revenir l'art pictural à son essentiel, en Tatline ; 4) expérimental, dirigé par Mansou_rov ; 5) d~
les œuvres sont réparties entre le musée Pouchkine à Mos- ture sont amenuisées. dehors des contingences de la représentation du monde l'~ologie générale, dirigé jusqu'en 1925 par Ftlonov, pws
cou et !'Ermitage à Saint-Pétersbourg. Tatline utilise aussi les expressions « construction des visible. Les premiers théoriciens de la facture sont D. Bo~- par Pounine (le département s'appelle alors c de la métho-
matériaux ,. (konstrouktslya matlrialov) et c culture liouk, V. Markov-Matvejs, Le Dentu. ApRS la révolution dologie générale • ), aidé par Souîétine ...
Collection Morozov : Ensemble de peintures surtout constructionnelle ,. (konstrouktsionnaya kou/toura). Le de 1917 au moment où toute une partie de l'avant-garde Pendant ces quelques années, le Ghinkhouk_ est le lieu
impressionnistes et postimpressionnistes achetées par le prob~me de la « culture matérielle ,. est au centre des tra- prof~ « la culture des matériaux . la facture fait l'objet d'expériences importantes pour l'art du XX' s1~cle _sur la
riche marchand moscovite Ivan Morozov. Y sont représen- vaux du premier Groupe de travail de l'analyse objective à d'une nouvelle réflexion (Pounine, V. Stépanova, Rod- vision, les rapports formes-œuleurs-espace, les maténaux.
tés Bonnard, Van Gogh, Vuillard, Vlaminck, Degas, l'lnkhouk de Moscou. mais, en tant qu'élément essentiel du tchenko, Taraboukine ... ).
M. Denia, Derain, Marquet, Matisse, Monet, Picasso, Pis- probl~me de la facture, elle a marqué tous les artistes de Gifle au go0t public (Poc/atc/aotchlna obchtchat11/enno-
sarro, Renoir, Rouault, Cézanne, Signac, Sisley, Frieaz, l'avant-garde russe. Futuraslaves, Futura.~lavie (boudlttllallll, boudlttllanstv0] mou d:ou.uou] : Almanach des• Futuraslaves • d'Hyléc
Herbin ... Nationali~e aprb 1917. Aujourd'hui, les œuvres Pour se démarquer du futurisme italien, le poète Khlebni- (D. Bourliouk, Kroutchonykh, Maîakovski, Khlebnikov),
sont partagées entre le musée Pouchkine à Moscou et Culture orpnlque : Voir Organicisme. kov invente un néologisme, boudietlian,rt110, formé du contenant leur manifeste (fin 1912).
!'Ermitage à Saint-Pétersbourg. verbe « etre • au futur: sera [boudier] et d'un suffixe qui est
Dernière Exposition futuriste de tableaux 0,10 (Zéro-Dix] : la contraction du mot k monde :slave (.slavùuulllo). Ainsi, Go:sslekt (Tbéitre ■atloaal Juif de chambre], Goulet
Constructlvbme ru.11.w : Mouvement artistique qui domine OrganÏlée par Pougny à Pétrograd à la fin de 1915, c'est la cette appellation qui désignera dans les années dix les [Théitre national Juif) : Appelé tout d'abord Gos:s~kt, le
les années vingt (son nom apparaît publiquement en jan- premi~re apparition du suprématisme de la peinture de peintres et les pœtes cubofuturiates (c'est-à-dire les créa- théAtre juif en langue yiddish est un studio créé à Pétrograd
vier 1922 avec l'exposition et le manifeste Constructivistes Malévitch et du Quadrangle (le « carré noir • ). Le titre teurs les plus radicaux de l'époque) veut dire dans un de en 1919 installé à Moscou en 1920, où il prend, de 1925 à
de Médounetski, V. et G. Sternberg). li est précédé, avant vient des IO exposants prévus au départ (Klioune, ses sens : « Que le monde slave soit 1 •·. « Le monde slave sa ferm~ture en 1949, le nom de Goaiet. Jusqu'en 1929,
la révolution, par tout le travail des cubofuturistes, du L. Popova, O. Rozanova ... ), qui ont réduit le monde des (mot à mot : la slavité) sera 1 ·. voire : • Le futur sera son directeur est le metteur en aœne A. Granovski. Le pre-
suprématisme et de Tatline sur la facture-texture. Dans le objets à zéro. À cette exposition. Malévitch distribue sa mier 1pectacle montré à Moscou en 1921 est la Soirée
slave I ».
cadre de l'lnkhouk moscovite se forma, début 1921, le brochure Du cubi.snw au 1uprlmati.sme. Le nouveau ria-

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GLOSSAIRE JIVSKOULPTARKH À MAGASIN

Scholem Alejchem dans les décors de Chagall qui peint Rodtchenko, qui dirige les activités de l'lnkhouk vers les J/vslcoulptarkh (Komlsslyaj/11oplsno-slwulpto11nw-arlchl• d'épice ,. (préface de Tugendhold). Non seulement des ate-
également les « panneaux juifs ,. destinés aux murs du probl~mes de la construction (naissance du constructivisme tektournovo slntll:a • Commission de la synthèse peln• liers artisanaux sont ouverts avec participation des peintres
th64tre. Apùs le d6part de Chagall, le Gossiet fait appel, en mars 1921 ), puis ceux de l'art productiviste. Au début de ture-sculpture-ardlhecture) : Cette organisation, qui porte professionnels (Abramtsévo, pùs de Moscou ; Talacbkino,
comme d6corate~. à N. Altman, I. Rabinovitch, R. Falk, 1922, l'lnkhouk se fond dans l'Acad6mie de Russie des d'abord le nom de Sinskoulptarkh [synth~se sculpture• pr~ de Smolensk, Verbivka et Skoptsy en Ukraine, etc.),
Sterenberg. Les grands acteurs S. Mikhoels et V. Zouskine Sciences de l'art (Rakhn). Les membres importants de architecture), nait à Moscou en mai 1919. Elle a comme mais les artistes de l'avant-garde russe se réclament de l'art
contribuent également au rayoMement du théAtre yiddish l'lnkhouk auront été : Rodtchenko, Stépanova, Popova, visée d'intégrer les données de la peinture et de la sculp- des kowtari pour élaborer une nouvelle beauté.
pendant les années vingt. Vesnine, Brik. etc. ture de l'avant-garde à l'architecture. Les membres en sont
le IICulpteur B. Koroliov, les architectes Dombrovski, lstsé- Levkas : Mot technique de la peinture d'icônes (du grec
Gro■pe de trHall des Con truc:tMstes (Rabotchaya lnt/mnaya mastltrskaya J/11op/stsev / rlsso11alchtch/ko11 lénov, Reich, Roukhliadev, Ladovski, Fidman, Krinski, leukos = blanc) désignant le fond blanc qui sert de pre•
grouppa lconstrouktMsto11) : À l'intérieur de l'lnlchouk, le • sdlllannyfl kart/ny ,. (Atelier Intime des peintres et des- Mapou, les peintres Rodtchenko et A. Chevtchenko. Le mi~re couche sur la planche d'une icône. À Byzance, le kv·
Groupe de travail de l'analyN objective, qui avait évincé sinateurs « Les tableaux œuné1 Jusqu'au boui »] : Ce Jivskoulptarkh préc~de et inspire la formation de kas était fait à partir de poudre d'albâtre. En Russie, on
Kandinsky et son programme, répartit son travail au début groupe épbém~re est formé par Filonov en mars 1914. Son l'lnkhouk moscovite. En 1919-1920, il y a prh de obtenait le levkas à l'aide de craie et de colle à base de
1921 entre trois groupes de travail : celui des conatructi• manifeste, Lu Tableaux œuvrâ jwqu'au boUI (signé, entre 70 réunions oil sont débattus des probl~mes théoriques, poisson ou d'01. Les peintres de l'avant-garde ont utilisé le
vistea (Rodtchenko, V. Stépanova, G. et V. Stenberg... ), autres, par Filonov et Kakabadzé), est le premier texte avec projection de projets (tous les documents, préparés à levkas dans leurs recherches texturelles (de facture), en
celui des architectes (Ladovalti, Krinlti ... ), celui des objeo- définissant l'e art analytique » filonovien (•Notre but, c'est l'édition, resteront inédits). Le Jivskoulptarkh subsiste particulier Tatline.
tivistes (L Popov■, Drévine, N. Oudaltlov■ .•. ). d'analyser tableaux et dessins, exécutés avec tous les jusqu'en 1924 et montre les travaux de ses membres à la
Le Groupe de travail des Constructivistes se réunit pour la attraits d'un travail obstiné c'est le travail puissant de 19' Exposition nationale à Moscou en 1920, à l'exposition Liberté pour l'art [Svoboda /s/cousstwJu] : Cette union de
pre~e fois le 28 mars 1921. C'est Il qu'apparaissent les l'homme sur la chose à faire, dans laquelle il se rév~le lui- du musée de la Culture picturale, en septembre 1922, à la sociétés, expositions, éditions, revues et journaux d'art, de
mots « constructivisme • . « constructiviste », appelé à la meme et rév~le son Ame immortelle{...)».) Ente russische Kunstausstellung de Berlin, en 1922. musique et de poésie nait, à partir du cercle Appartement
fortune que l'on sait. Le théoricien du groupe est Gane, qui n• S. à Pétrograd apùs la révolution de mars 1917 en réac•
écrit le livre-manifeste Le Constructivisme, paru en 1922. lskousstvo, Rlvol/outslya [Obchtchesvo khoudojnlkov, Kamlennyïl baby l• Bonnes femmes de pierre) : Statues tion à l'intention d'A. Benois de créer un minist~re des
Les probl~mes de la /GCture, de la tectonique ( « emploi fina- pobov, mouzykantov / aktiorov « ls/cou.sstvo, Rlvol/out• de la steppe russe qui se dressaient sur les tertres funéraires Arta aupr~• du gouvernement provisoire. Parmi lei
lisé du matériau industriel »), de la construction font l'objet s/ya ,. = Société des peintres, poètes, musiciens et acteun (lcourgana), le visage tourné vers le soleil levant. La plu• membres : N. Altman, K. Bogouslavskaîa, L. Brouni,
de discussions tr~ vives pendant toute l'année 1921. Par la • Art, Révolution ,. J : Cette société est formée à Pétrograd, part représentent des femmes. Leur datation et leur origine Grichtchenko, Dydychko, V. lermolaYéva, Zdanévitch,
suite, les débats des constructivistes sont ués sur la néces- aprh la révolution de man 1917, par les membres de est l'objet de controverses. Cette statuaire aux formes gros.. lssakov, Kouzmine, A. Lourié, Meyerhold, Prokofiev, Pou•
sité ou non de passer à un art productiviste ( essentielle• l'union Svoboda iskousstvou (Liberté pour l'art) : les écri• si~res et expressives aurait été créée par les tribus turco- gny, Pounine, Rodtchenko, Spandikov, Tatline, S. Dym-
ment architecture et design). vains Brik, Zdanévitch, Kouchner, Chklovski, Kouzmine, mongoles qui se manifest~rent au sud de la Russie à partir chits-Tolstaîa, N. Oudaltsova, lourkoune, etc. Se fond en
les peintres V. lermolaléva, Altman, Rodtchenko, Tatline, du IV' si«le apr. J ...C. L'influence de cet art fut tr~ grande mai 1917 dans le« bloc de la gauche» (blok lilvylch).
Gullli'a : Voir Hylée. S. Dymcbita-Tolstaîa, le metteur en sœne Meyerhold, etc. chez les néoprimitivistes russes, en particulier chez Lario•
en font partie. Le but de la société est « d'aider les partis et nov, Gontcharova, Malévitch, Filonov. Lie/ [LIIIIJ front • Front de gauche], No111 Lie/ [Novy
Habima (Gablma] : Le théAtre Habima (« sc~ne ... en les organisations révolutioMaires à precher au moyen de lilvy front • Nouve■■ front de gauche J : Lie/ est une revue
hébreu) est ouvert à Moscou en 1918. Les pi~ces sont l'art les idées et les programmes politiques ». Elle se pro- Koltso [L'uneau): Ce groupe naît en 1914 à Kiev, à l'ini• de littérature, d'art et de théorie éditée à Moscou de 1923 à
jouées en hébreu, mais il fait appel à des metteurs en sœne pose d'exécuter gratuitement la fabrication des proclama- tiative des peintres A. Bogomazov et A. Exter. Il monte 1925 (7 numéros) avec Maîakovski comme rédacteur. Elle
ou à des décorateurs non juifs, comme Valthtangov ou tions, des drapeaux, des affiches, l'organisation des commé- une seule exposition au printemps 1914, marquée par la se veut résolument communiste, futuriste, constructiviste et
Yaltoulov. morations, des d6corations de rues, etc. Son activité se fond forte personnalité de )'Ukrainien Bogomazov qui présente productiviste. Y écrivent des articles ou publient des
Parmi le, spectacles marquants, en 1922 le Hadibouk avec d'autres organisations de gauche apr~s la révolution 84 œuvres et écrit une préface-manifeste pour le catalogue œuvres de prose ou de vers, outre Maïakovski, Babel,
d'Anaki (mise en sœne de Valthtangov, décors d'Altrnan), d'Octobre. ( • Nous nous doMons comme tAche de libérer les éléments AsséYev, Trétiakov, Brik, Rodtchenko, Popova, etc. Apùs
en 1923 Le Juif ltemel de Pinski (décors de Yakoulov). figuratifs des poncifs qui les enchaînent. Noua protestons son interruption en 1925, la revue reprend son activité sous
Tout le théAtre 6migre en Israel en 1926. l:o [l:obra:ltelnoïl lskousslllo • Am de la représenta- contre l'imposition à ces éléments de positions qui leur sont le nom de Novy Lie/ (1927-1928) avec, comme rédacteur,
tion, arts plastiques] : Trois sections du Narkompros sont étranghes, qui obscurcissent et obstruent le sens du Maîakovski et, en 1928, S. Tréûaltov. Novy Lie/se fait le
Hylff : Un des noms grecs de la Tauride, province ukrai- créées en 1918 : Tlo (Section théâtrale), Mouzo (Section tableau (par exemple, le récit littéraire)[.•• ]»), propagateur de la « littérature des faits », de la « com-
nienne ayant pour capitale Kbenon, était Hylée, en russe musicale) et l:o (Section des arts plastiques). L'h;o est une mande sociale . du cinéma-vérité.
Gui/fia. D. Bourliouk est à l'oriaùte de cette appellation sorte de minist~re de qui dépendent l'organisation d'expo- Konkntl11ls'1 (Les Coacrétlvlste ) : Groupe d'élhes de
qui existera paraU~lement à celle de « futuraslavie ,. ou de sitions, la création d'instituts d'art ou de musées, les achats. VkhoUllmas (1924-1925), adeptes du constructivisme et de Loubok (pluriel : loubklJ : Image populaire russe. le plus
• cubofuturisme ». Le groupe des Hyléens, formé en 1910, Le nom d'/:o devient un nom commun désignant les arts l'art de production (Wiliams, Vialov, etc.). Leur pro• souvent xylographie coloriée (xv111 •XIX si~cle), dont
comprend Khlebnikov, D., N. et V. Bourliouk, E. Gouro, • représentateurs » de façon générale. gramme se résume ainsi:• 1. Le concret - l'objet en soi. l'est hétique expressive, laconique, antiperspectiviste,
Matiouchine, Kamiensld, Malakovski, Kroutchonykh, D. Sterenberg est le directeur général de l'/zo et de sa sec• 2. Le concret la somme des expériences. 3. Le concret la humoristique, satirique, a marqué tout le futurisme russe,
B. Livchits. tion pétrogradoiae, Tatline étant le chef de la section mos- forme. Présupposés des objets : 1. La contemporanéité. en étant le point de départ de la révolution picturale.
covite. Participent au comité de l'l:o de P6trograd : Bara- 2. La clarté de la tAche donnée. 3. L'exactitude du travail Larionov fait une exposition de loubki en 1913.
lmaglnlsme, lmaglnlstes : Courant littéraire né en 1919, nov-Rossiné, N. Altman, Pounine et Sterenberg ; à l'h;o de d'6laboration. ,.
dominé par la personnalité pœtique de S. Essénine. Leur Moscou : Kandinsky, S. Dymchita-TolstaYa, Malévitch, En 1925, ils se fondent dans l'Ost. Maaasln : L'exposition futuriste Magasin est organisée à
manifeste est signé par les pœtes Emnine, Koussikov, O. Rozanova, Tatline. De 1918 à 1920, l'l:o organise Moscou par Tatline en avril 1916. dans la suite des exposi-
Marienbof, ChercMnévitch, etc., et deux peintres: Yakou- 28 expositions nationales, favorise la naissance de musées Koultour-Llga : Ce centre de la culture juive en Ukraine tions avant-gardistes de 191S (Tramway V et 0,10 à Pétro-
lov et B. Erdman. Les imaginistes veulent dépasser à la fois de la Culture picturale et d'instituts de la culture artistique, existe à Kiev de la fin 1917 à l'établissement définitif du arad; L'année 191S à MOICOu). L'appellation est un d6fi
l'acméisme et le futurisme et fonder leur ~tique sur partout dans le pays. pouvoir soviétique dans la capitale ukrainienne en lancé à Larionov, qui s'est fâché avec Tatline ains l'expo-
l'image en tant que telle dans laquelle se tresse un syst~me juin 1920. Littérature (surtout en yiddish), théAtre, musique sition La Queue d'Âne en 1912, et a traité son art de
métaphorique ~ complexe. Ils publient, de 1922 à 1924, Jar-tnlet [Couleur de feu) : Cette association, fondée en s'épanouissent. La section artistique comporte la parti• « magasin ,. et de « boutique •· Les participants sont en
4 numéros de la revue H6ttl pour ceux qui voyagent dans décembre 1923 à MOICCKI et qui existe jusqu'en 19'29, veut cipation de Lissitzky, Rybat, Tychlcr, Schifrin, etc. majoritd des artistes de Moscou : Klioune, Malévitch, Mor-
le Beau ( Gostin,aa dlia poUlechtstvourouchtchikh v pn• prolonger l'esprit « rétrospectiviste ,. du Monde de I' Art. S gounov, Pestel, Popova, Rodtchenko, Tatline, Dymcbita-
krasnom). expositions sont montées, auxquelles participent, entre Kou.starl l• Artbusl : Nom doMé en RUSliie aux artiaa111- Tolstaîa, Oudaltsova. Y montrent 6galement leurs œuvres
autres: Kandaourov, Volochine, Doboujinslti, Mitrokbine, paysans qui fabriquent des broderies, des tapiaseries, des Brouni (Pétrograd), M. Vassilief [Maria Vusiliéva) (Paris),
lnkhouk [lnst/10111 khoudojest11/ennof koultoury) : Ostroownova-Lébédéva, Pétrov-Vodkine ... sculptures sur bois, des loubki, des toiles peintes, des A. Exter (Kiev). loustitski (Saratov). Tatline expose ses
L'lnlchouk de Moscou, le premier à porter ce nom, est créé jouets, des statuettes en già, des pains d'épice bariolés. À contre-reliefs et reliefs angulaires de 1914-191S ; quant à
en mai 1920 par Kandinsky, Rodtchenko, Babitchev. Cest J/110pls : Ce mot russe, qui désigne la « peinture est le la fin du XIX' si~cle, on prend conscience de l'originalité et Brouni, Klioune, Pestel, L Popova, Dymcbits-Tolstaîa, ils
sur le programme de Kandinsky que débute l'activité de calque du mot grec ibgraphia (peinture-écriture vivante ou de la vigueur de cette création populaire. Un musée des présentent leur « peinture plastique ... c'est-à-dire diverses
l'lnkhouk (les maitres-mots sont .. synth~ae , « intui- de la vie) ; il s'oppose à l'ilconopis (en srec, ikonographia) kou.stari est créé à Moscou. On organise des expositions, variétés de bas-reliefs. Malévitch refuse d'accrocher ses
tion ,.). Contre ce programme, nait au début de 1921 le qui est la peinture d'icOnes. Les peintres novateurs russes comme celle de N. Ehrenbourg au Salon d'Automne de œuvres suprématistea (il montre des a:uvres alogista et le
Groupe de travail de l'analyse objective, avec à sa tete ont tenté une synth~ de l'icône et du tableau. 1913, L'Art populaire russe dans l'image, le jouet, le pain Guerrier de /" ranR du MoMA avec son thermom~tre

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GLOSSAIRE NOUVEAU LIEF À PRE MI ÈRE EXPOSITION

collé). C'est à l'exposition futuriste Maguin que Roclt- La Mezzanine de la Po6sle : Groupe ego-futuriste de Mos- veun ... ). Le dessin d'enfant et, en général, toute création chine, l'analytismc de Filonov, aussi bien que le supréma-
chcnko fait ses débuts publics (œuvres graphiques abs- cou (1913-1914) qui comprend Chcrchl!nl!vitch, L. Zaclt • brute •• non académique, servent de référence aux néo- tisme de Malévitch pourraient ftrc rangés dans le courant
traites cxkutécs à la ~glc et au compas, natures mortes- (aliu Chrysanthc), Bolchakov ... primitivistes russes. Ce style muquc également l'œuvrc de • organicistc • de la peinture russe d'avant-garde dans la
collages avec papier de tapiaeric ). loustitski qui, plus tard, Malévitch, de Tatline et de filonov. Le peintre A. Chevt- mesure oà ces artistes veulent manifester sur leur toile le
exécute des contre-reliefs, expose ici pour la premi~rc fois Mlmèsls Mot grec signifiant • imitation •• utilisé en partïcu, chenko écrit en 1913 une petite brochure sur le néoprimiti- monde vivant authentique.
aussi. lier dans La Poltiqlll d'Aristote et généralement comprit! visme. L'école de Matiouchinc consacre la majeure partie de ses
comme • imitation de la nature •· Les peintres de l'avant~ recherches à la « culture organique ,. (nom d'une section
Malllon (Le) [Z111'no] : Exposition organisée, dans le garde russe rejettent une telle compréhension qui impli• Na11lll!IIII LllfVoir: Lie/. du musée de la Culture artistique et du Ghinkhouk à
maguin d'instruments de musique de JcrgnzilCk à Kiev, qucrait que l'art ré~tc la nature ou la reflète. Pour eux Pétrograd-Uningrad à partir de 1923). Matiouchinc, Boris,
par A. Extcr, D. Bourliouk et Koulbinc en 1908. La cri- l'art ne re-préscnte pas, il prbenle. N' 4. Vy tavka kartln : loutourlsty, loutchlsty, prlmltlv Gul!orgui [louri], Maria, Xénia Endcr, N. Grinbcrg diri-
tique est indignû par les œuvres de V. Bourliouk, Lario- [ N' 4. Exposition de tableaux : futuristes, rayonnlstes, pri- gent tous lcun efforts pour faire apparaitre dans leurs
nov et de Gontcharova (ces deux dcmicn étant m!mc trai- Mise en lonne [traduction du nwe: ofannllhlll] : Néolo- mltll) : Dcmi~rc exposition organisû par Larionov à Mos- œuvrcs le monde comme un tout organique. D'oà la
tés de • voyous ,. par le vieux professeur de peinture gisme né de la pratique des artistes d'avant-garde ob cou en 1914 (N. Gontcharova, K. Zdanévitch, méthode du • Zorvcd ,. (voir-savoir), de la vision élargie.
N. Mourachko). C'est à l'occasion du Maillon que D. Bour- l'aspect technique-technologique de la création est placé au V. Kamicnski, Le Dcntu, Tchékryguinc, A. Chevt-
liouk public son manifeste La Vou th l'impnuioMisme premier plan (fabrication des livres lithographiés, instru- chenko... ). C'est là que Larionov montre ses œuvrcs bapti- Os.sa [Oblldlnllnlyl .sa11rlmlennykh arkhltektara11 •
pour la t:Ufense de la peinture. mentation des tableaux-reliefs, construction de l'espa~ sûs • pncumo-rayonnistcs •· A odatlon des architectes contemporain ] : 1925-1932.
théâtral, des œuvres sur papier, etc.) L'Os.ra est une organisation née en décembre 1925 comme
Maîtres de rart analytique [MAI = Mast1'ra analltltcha- Oberlau [ Obkdlllh,iyl rtobto11a lslca,mn,a • Groupe de résultat des discussions et des recherches du constructi-
ko110 lskau.ullla] : Groupe des él~vcs de Filonov qui se Le Monde de l'Art [Mir l.skau.un,a) : 1910-1917. L'appeU.. l'art réel) : Groupe littéraire qui existe à Uningrad en visme, en particulier dans la revue Lie/ entre 1923 et 1925.
fonnc en 1925 à Uningrad. La méthode est celle del'« art lion que Diaghilev avait donnû à sa revue et à ses exposi- 1926-1927 (Khanns, Vvédenski, Zabolotski, etc.) et pour- Les membres fondatcun en sont : les Vcsnine, Ginzburg,
analytique ,. que Filonov a ex~ à plusicun reprises tions jusqu'en 1906 est reprise en 1910 pu tous ceux qui, suit les recherches cubofuturistcs et transmcntalcs de Komfcld, Vladimirov, A. Bourov, Orlov, etc. L'O.ssa fait
publiquement et ~sumée dans son traité, longtemps inédit, ayant à leur tete A. Bcnois, repoussent les cxpérimcn - Khlebnikov et de Kroutchonykh. La pi~ de Kharrns Eli- partie db 1926 du Gakhn. Elle publie de 1926 à 1930 la
intitulé /tUoiog~ de l'an acadlmiqlll et principes de la fini- lions futuristeL A partir de 1913, on voit cependant dans za11ha 8am annonce le futur • théâtre de l'absurde ,. euro- revue SA (S011n~nnaya arkhitektoura = L'Architecturc
tion (1923). Le travail du peintre sur sa toile est tout un les expositions du Monde de I'Art des œuvres de peintrea péen. L'alogismc des ablriouty trouve des alliés dans la contemporaine]. Il y a des filiales de l'Ossa à Uningrad
processus de dévoilement, dans les détails les plus infimes, d'avant-garde (Tatline, Yakoulov, etc.). peinture de F'ùonov et de Malévitch. (A. Nikolski, A. Krcstinc etc.), à Kazan, Tomsk, Sverd-
de toutes les manifestations du monde - à la fois dans leur lovsk, Novossibink, Odessa, Kharkov, Kiev, Bakou.
état actuel, dans leur gcnàc, leur cntremflcmcnt Le tra- Musée de la Culture artistique [Mo11z;leï lchalllloje.stlllennor Obmalchau [Société des je1111es artistes) : L'Obmokhou est L'Ossa défend la ligne pure et dure du constructivisme
vail collectif est encouragé. filonov réunit les membres de koultaury] : Fondé à Pétrograd le 3 avril 1921 comme créé à l'automne de 1919 par les élhcs des S11amas de architectural et poll!miquc avec l'Asno11a qui l'accuse de
son groupe, qui ne sont jamais les m!mcs, dans son appar- musû d'Art moderne et lieu d'étude de l'art sur des bases Moscou, qui font de l'ancien atelier de B. Grigoricv un dogmatisme, de fonnalismc et d'idéologie bourgeoise ...
tement de Uniograd jusqu'à sa mort en 1941. Plus de cent nouvelles (objectives), il se transfonnc en 1924 en lnkhoulc • atelier sans directeur ,. (Naoumov, Proussakov, Svctlov,
artistes travaillent à un moment ou à un autre scion la (voir : Ghinkhoulc). Situé dans l'hôtel particulier de Miat- etc.), également par les él~vcs de l'atelier de décors théâ- O.st IObchtche.slllO stanlco11l.sta11 • Société des pehltres de
méthode analytique. Les plus connus sont : T. Glébova, licv sur la place Saint-Isaac, il comporte 6 salles traux de Yakoulov (Dénissovski, Médounctski, V. et chevalet) : Fondée en 1925 et active jusqu'à la suppression
A. Por~t, Kondraticv, Sachinc, Soulimo-Samorlo ... (257 œuvres de 69 artistes). N. Altman en est le premier G. Stcnbcrg, Kostinc), par ceux de l'atelier de peinture de de toutes les organisations artistiques en 1932, la société
Le groupe des Filonovicns (JiJonovtsy), comme on l'appelle directeur jusqu'en 1922, puis c'est Taranc jusqu'en Lcntoulov (Komardionkov et d'autres). L'Obmokhou est naît au sein des él~ves des Vkhowhna.s pour lutter contre
aussi, organise !'Exposition des maîtres de l'art analytique. octobre 1923 et enfin, à partir de 1923, Malévitch. une émanation de l'/zo qui fonctionne comme un atelier de le naturalisme, l'abstraction sans-objet et le constructi-
L'Écolc de filonov, à la maison de la Presse à Uningrad Le 9 mai 1923, l'atelier de Tatline y met en fonnc le ~me production devant répondre aux besoins de la nouvelle visme, au nom du • tableau de chevalet •· Son président est
en 1927, met en sœnc Rlllizar de Gogol, en 1927, illustre dramatique de Khlebnikov, Zangulzl. organisation sociale : affiches, décorations de propagande, D. Sterenbcrg. Y participent : Dcînéka, Kliounc, Koudria-
l ' é ~ ~lo-finnoise Kallllala en 1933. etc. L'Obmokhou orpnile deux expositions importantes: chov, Tychlcr, Schifrin, etc. Leur programme se résume
Narlcampro.s [ arodlly kamls.sarlat pronii«htch,nlya • en 1920 dans l'ancien magasin Fabcrgé, rue Kouznietski ainsi en 1929 : « a) refus de l'abstraction et du réalisme
Makovlets : Le nom pris par cette association qui existe de Comml-riat du peuple à l'lmtrucdon] : Ce« ministère•• most, et de mai à juin 1921 dans l'ancien Salon d'art de « ambulant ,. dans les sujets ; b) refus du style • esquisse ,.
1921 à 1926 est celui de la colline oà saint Serge de Rado- créé aprà la révolution d'Octobrc 1917, dirige toute la vie M• Mikhailova, rue Bolchaïa Dmitrovka. Cette dcmi~re qui masque le dilettantisme; c) refus du pscudocézannismc
ni~gc construisit le monast~rc qui devint le centre de la vie artistique de la Russie soviétique, puis de l'URSS, pendant exposition, qui rcfl~tc les nouvelles orientations créatrices comme phénom~nc qui décompose la discipline du dessin
spirituelle russe. Tch6kryguinc, auteur du manifeste du les années vingt. Lounatcharski en est le chef (le narkom, du premier Groupe de travail des Constructivistes de et de la couleur ; d) contcmporanl!ité révolutionnaire et
groupe, d6dare, entre autres, que • la renaissance de l'art i. c. commissaire du peuple) de 1917 à sa disgrâce en 1929. l'lnkhouk, voit pour la prcmi~rc fois apparaître des clarté dans le choix des sujets ; c) aspiration à la mmmse
n'[cst] possible que dans une stricte continuité avec les Le Narlcampros devra introduire un nouveau syst~me constructions faites de tiges (V. et G. Stenbcrg, Médou- absolue dans le domaine de la peinture de chevalet figura-
maitres du pass6 et dans la résurrection effective de ce qu'il d'éducation qui corresponde à la nouvelle société commu- nctski, Ioganson) ou suspendues au plafond (Rodtchenko). tive, du dessin, de la sculpture, dans la ligne de l'évolution
y a en lui de vivant et d'éternel •· Makovicts public sous ce niste. Il comprend S sections : organisation, éducation L'Obmokhou cesse d'exister au début de 1922. ultérieure des réalisations formelles de ces dcrni~rcs
nom une revue (2 num6ros). Parmi les participants : populaire, éducation sociale, science et art. La Section art années ; f) aspiration à faire un tableau achevé ; g) orienta-
Jéguinc, Pestel, Tchékryguinc, Chevtchenko, etc. se divise en plusieurs départements : Lita (littérature), OJl11kl : Tcnnc technique de la peinture d'icônes dont le tion sur la jeunesse artistique. ,.
Mouzo (musique), Rasta (agence télégraphique russc), Tla sens est mot à mot • touches de ravivcmcnt •• Il désigne en L'Ost fait 4 expositions: en avril-mai 1925, mai 1926,
Manifeste réaliste [Rlallstltcheskl manife.st] : Affiche- (théâtre), Foto-Kino (photographie et cinéma), Mono (sec- gl!néral les touches de peinture blanche, • les traits paral- avril 1927 et avril 1928 (au musû de la Culture picturale et
manifeste publiû et placardée dans Moscou en ao0t 1920 à tion moscovite d'éducation), /zo (arts de la représentation, l~les ou croisés qui marquent les demi-teintes, les ombres au Musû national historique de Moscou).
l'occasion de l'exposition des œuvres de Pevsner et de son i.e. arts plastiques). d'un dessin, d'une gravure. Raies, rayures,. (F. Lhocst).
atelier (peintures), de N. Gabo (sculptures postcubistes) et Le Narlcompros est ~organisé au début 1921 à la suite de Précublsme, Premier cubisme : Voir Cézannisme géomé-
de Klucis (contre-reliefs). C'est là que sont proclam6s pour désaccords entre Uninc et Lounatcharski au sujet du Pro- Org&11idsme : Ce tcnnc n'est utilisé en tant que tel que trique.
la premi~re fois par les signataires du texte, les frères Pevs- lierlwult, lequel perd son autonomie fin 1920 pour etrc sou- dans les années vingt, en particulier par l'école de Matiou-
ner, le refus du volume et son remplacement par la profon- mis au Narkampros, ce à quoi Lounatcharski s'est opposé chinc. Les advcnaircs du futurisme ou ceux qui, sans !trc Première exposltioll d'art russe : La Erste russische Kuns-
deur et la transparence. en vain. Petit à petit, le puti communiste bolchévique leurs adversaires, ont r~fl~chi philosophiquement sur cc tausstellung est organ~ en octobre 1922 par l'lzo du Nw-
prend le contrôle du Narlcompros qui doit se plier à partir phénom~nc (Berdiaev), parlent à son propos de • machi- kompro.s à la galerie Van Diemen à Berlin pour venir en
Mastlor [Mastlerslcaya Forqgera • L'Ateller de Forea- de 1920-1921 à ses directives. nisme •• • mécanicismc •• et opposent à cc ,caract~re méca- aide aux victimes de la famine en Russie. D. Stcrcnbcrg en
ger] : Théâtre-studio fondé en 1920 à Moscou par Forcg- nique pr!té au futurisme, la vie organique du monde, la vie est l'artisan principal (interviennent aussi activement
gcr qui y déploie son esthétique du grotesque, de éoprlmldvlsme : Courant dans la peinture russe inauguré vivante (de Dostoïevski), qui ne saurait ftrc enfermée dans N. Altman, N. Gabo et El Lissitzky). L'exposition montre
I'« excentricité •• de la cinématographie. Les spectacles par D. et V. Bourliouk, Larionov et Gontcharova entre le carcan de la géométrie ou de la machine. Les futuristes toutes les tendances artistiques: de droite (les Ambulants),
sont souvent des parodies du BolchoT, des théâtres de 1907 et 1912, qui reviennent aux principes plastiques de russes repoussent, de façon générale, tout mécanicismc et, du centre (Le Valet de Carreau) et de gauche (cubofutu-
Stanislavski, de TaTrov ou de Meyerhold. Parmi les l'art populaire des images xylographiées, des enseignes à la suite de l'impressionnisme, ils consi~rent plutôt la sur- rismc, sup~matismc, constructivisme). C'est là que le nou-
peintres qui travaillent pour le Ma.stfor: Eisenstein, Iout- peintes, etc., remplacent la perspective savante par face de l'œuvrc d'art comme le lieu où se déroule le mou- veau mouvement du constructivisme russe soviétique fait
kévitch, Komardionkov. Aprb l'incendie du théâtre en l'expressivité et le laconisme, exploitent une thématique vement du monde avec les seuls moyens du pkn,,ra/. Le sa prc~re apparition en Europe. Outre la section pein-
1924, il cesse son activité. triviale et provinciale (prostituées, soldats, coiffeurs, ser- rayonnismc de Larionov, l'œuvre d'E. Gouro et de Matiou- ture, il y a des sections importantes d'art graphique, de pro-

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GLOSSAI R E RÉALISME TRANSMENTAL À STYLE MODE R NE

jets architecturaux et thütraux, de aculpture ( en particulier Pro;zodlejda (Prolm>dsllllmnaya odlejda • habit de pro. 1913), dans le recueil Lo Queue d'Âne et Lo Cible (1913). dresse l'an de gauche. Son nom meme, rappelant Novalis
les constructions lin6airea des fr~res Stenberg, de loganson, ductlon) : Ce terme connait une grande fortune apr~s la Un extrait parait en français dans la revue Monljou / en (La« Aeur bleue•) ou Maeterlinck (L'Oueau bleu) donne
de R odtchenko) et d 'ans dkoratifs (porcelaine, verre, mise en forme par L. Popova du Cocu magnifique de 1914. N. Gontcharova fait également des œuvrcs dans le la tona!ité de l'an de ses partici~ts. tout imprégné de la
jouets, vetements, broderies). Crommelynck dans la mise en sc~nc de Meyerhold en style du « rayonnisme réaliste ,. et dans celui du « rayon- nos~gie des autres mondes, de l'mconnu, des régions inac-
C'est là le premier panorama de l'&ole russe du XX- sikle. 1922. En effet, l'artiste change alors, dans l'esprit du nismc abstrait • · On connait des tableaux « rayonnistes r6a- ccss1blcs au commun des monels. Les membres de La
constructivisme, le costume traditionnel en « habit de pro- liste1 ,. chez Le Dcntu et Chevtchenko. Rose bleue participent comme groupe à l'exposition Sté-
Première e:i:po ltlon futur! te de tableau11 Tramway V duction ,. en dehors de toute couleur locale : « En mettant Parmi les impulsions qui ont pu conduire Larionov au phanoa de 1907-1908 et aux trois Salons de La Toison d'Or
(Plen,aya foutourl11tltch 111lcay a 11y1ta11lca lcartln de cOté le principe esthétique du costume historique, natio- rayonnisme, outre l'art archal'que-et populaire sur le terri- entre 1908 et 1911.
« Trom11ai Y ») : Cette exposition, organisû par Pougny nal, psychologique ou quotidien, on a voulu trouver le prin- toire bessarabien et ukrainien, on trouve les procédés ico-
dans une salle de la Sociéh! imp6riale d'encouragement des cipe commun de la pro;zodiejda pour le travail professi • nographiques de l'assiste (ou chrysographic) sur les icOnes SA (Sollrlmlouaaya arlchltektoura "' Ardthecture c:ontem-
arts à Pétrograd, s'ouvre le 3 (16 selon notre ncl de l'acteur ,. (L. Popova). La prozodiejda du C~u et. dans l'an novateur du début du XX' si~cle, les lignes ponlne J: Cette revue, consacrée à l'architecture soviétique
calendrier] mars 1915. Les exposants sont les Pétrogradois magnifûlue servira 6galcmcnt à la mise en forme de 7i forces de Boccioni ou les irradiations lumineuses des sous- et européenne, est l'organe des constructivistes de l'O!l!la
O. Rozanova, X. Bogouslavskala, 1. Pougny, les Moscovites cabrh de S. Trétiakov et dans les spectacles des atelie111 bois de Franz Marc. entre 1926 et 1930. Ses rédacteurs en chef sont M. Gins-
Malévitch, Tatline, L. Popova, Klioune, N. Oudalt&Ova, théAtraux du théAtre de Meyerhold. Le rayonnismc de Larionov et de Gontcharova, qui est burg et A. Vesninc. La SA expose non seulement les pro-
Morgounov, la Kiévienne A. Exter. montré à Paris à la galerie Paul Guillaume en 1914, avec jets et les réalisations de l'architecture soviétique, mais
L'appellation Tramway V est dans l'esprit des noms des Les 4 arts (4 ùkou.s.sllla) : Cette soci6té de peintres, qui une préface d'Apollinaire(« le rayonnisme apporte un aussi ceux du Bauhaus en général, de Gropius, de Le Cor-
expositions russes depuis 1907 qui doivent intriguer le existe à Moscou de 1924 à 1931, veut reprendre le flam- nouveau raffinement à l'an•) n'aura pas de descendance. busier, d'E. Mcndelson ou de F. Lloyd Wright. Les couver-
public. Tramway va bien à une exposition futuriste, donc beau du Monde de l'Art (priorité du profcssionalismc et du Il est une étape capitale et décisive pour la paissance du tures de style constructiviste sont exécut6es par A. Ganc,
tourn6e vers la civilisation industrielle moderne, et V est la contenu émotionnel des œuvres). Parmi les participants sans-objet. de l'abstraction radicale, que sera « le supréma- rédacteur artistique de la revue, par V. Stépanova, S. Télin-
pre~re lettre de vol'na (la guerre). C'est le triomphe du L Brouni, P. Kouznctsov, Lissitzky, Mitouritch, Nivinsld,. tisme de la peinture ,. de Malévitch, en 1915. lconographi- gatcr ... SA, richement illustr6e, offre une source de pre-
cubofuturismc et des reliefs de Tatline (qui en vend un à P6trov-Vodkine, Sarianc, Favorski, etc. qucment, on note des 6chœ du rayonnisme dans l'œuvre mi~re main sur l'architecture soviétique des années vingt.
Chtchoukinc pour 3 000 roubles). Tramway V est accueillie ultérieure de L Popova, d'I. Koudriachov, de Pevsner, de Mal6vitch y publie en 1928 le dernier article paru de son
de façon générale par les sarcasmes de la critique. La Queue d'Âne (O!lllny lch 110.rt) : 1911-1912. Groupe Gabo et d'un certain« lim!isme,. constructiviste. vivant en Russie, oil il polémique violemment contre le
d'artistes de Larionov et de N. Gontcharova, formé ain- constructivisme.
Primitif (le), Primitivisme : Voir Néoprimitivismc. la scission de ces derniers avec Le Valet de Carreau jug6 Réalisme transmental [Zaoumny rlallUII ) : Nom donné
trop « cézannistc •• trop « europ6cn •· Les peintres de cc par Malévitch à une série de ses œuvrcs de 1913 à la sep- Salons d'lzdebsld : Le aculpteur Izdebski organise à Odessa
Prollttlcoult (Prolltar.slcaya lcou/toura • Culture prolita- groupe font profession de « néoprimitivlsmc •• cherchent ti~me et dcrn~rc exposition de L'Union de la Jcuneae, à deux grandes expositions, en 1909-1910 et 1910-1911, aux-
rlenne J: Le groupe du Prolietkoult est fondé à la Premi~re leur inspiration plastique en Orient, placent au prcmie Saint-Pétersbourg (PaySOIIM aux seaux du MoMA, Village quelles prennent pan presque tous les anistes les plus
Conférence de l'organisation prolétaire de la culture et de plan l'art des ic6nes, les enseignes, les images populaires de jeun, fille paysanne du Stcdclijk Museum d'Amsterdam, importants à cette époque de l'art moderne russe et occi-
l'éducation, en octobre 1917. Apr~ la prise de pouvoir tous les pays, en particulier les russes (loubok). Le Matin au village aprb la templte de neige du Solomon R. dental. Ces expositions sont montrées à Nikolal'.cv, Kiev,
des bolchéviks en novembre 1917 et la formation du Nar- membres de ce groupe furent, outre les fondateurs Lari Guggenheim Museum, Portrait perfectionnl d'/11an Vaui- Riga et Saint-Pétersbourg. L'almanach publié à l'occasion
lcomprœ, le Prolietkoult reste indépendant et, de 1918 à sa nov et Gontcharova, Malévitch, Tatline, Chevtchenko, /ilvitch Kliounko11 du MNR, Le Rlmouleur de Yale Uni- du deuxième Salon est un jalon théorique important (textes
mise au pas par Uninc à la fin 1920, il multiplie ses Le Dentu, Zdanévitch, V. Matveî (Markov), Barthe, Mor- versity Art Gallery ... ). de Kandinsky, de Koulbinc, de Schônberg, etc.). li sert de
actions dans de nombreuses villes de Russie, plus de 300 gounov, Rogovinc. À l'exposition La Queue d'Ânc (1912), Le mot « réalisme ,. est pris au sens de méthode pour mod~ie à Kandinsky pour l'almanach Der blaue Reiter en
groupes « Prolictkoult ,. s'étant formés un peu panout, la police fait enlever les œuvres religieuses de N. Gontcha- atteindre la vraie réalité du monde, au-delà de sa percep- 1912 à Munich.
m!mc en Angleterre, en Tchécoslovaquie et en Alle- rova. tion rationnelle, logique, euclidienne, d'oil le nom de
magne, une vingtaine de revues étant publiées [Gom (Le « transmcntal ,. (qui peut se traduire aussi par « transra- Sanlclr : Mot technique de la peinture d'icOnes désignant la
haut fournea u) à Moscou ; Griadouchtchll'é (Ce qui vient) Rab/ale (Rabotchl/aleoultlet • faculté oumère) : Le Rab- tionnel • • « d'outrc-entcndcmcnt •) q ue Malévitch « chair, le fond compoa6 d'ocre brun (couleur minérale) et
à Pétrograd ; Zaril110 ;za11odo11 (Le rougeoiement des /ale naît en 1921 à l'intérieur des Vkhoutlmas sur la base de emprunte au11 pœtes Khlebnikov et Kroutchonykh. Le posic sous l'incarnat. Il permet, surtout dans les petites
usines) à Samara, etc.]. la Section d'essai préparatoire. li accueille les élhes des « r6alismc transmental ,. débouchera chez Mal6vitch sur icônes, un traitement précis et fouill6 des chairs ,.
Le Prolietlcoult est né des idées d' A. Bogdanov sur la cul- milieux jusqu'alors « défavorisés ,. en leur donnant les l'a/ogi.rnw de 1914-1915. (F. Lhoest).
ture prolétarienne (idée collective fondée sur des valeurs connaissances générales nkessaires à leur d6vcloppement
spécifiques : le travail d'organisation du monde et la des- artistique. Le programme en est 6tabli par Babitchcv. En Reliefs, Relief• plcturau11 (Jl11oplllnyil ri/li/y), Contre- Sd11lg : Mot russe signifiant « action de déplacer •• • chan-
truction des « fétiches ,. et des « autorités •• qui traverse quatre ans, l'6lhe du Rabfak doit parcourir un cursus com- reliefs (Kontr-rl//1/y), Relief angulaire (Ouglo11yïl gement sensible sur quelque chose •• « mouvement en
toute l'histoire humaine). plet de savoir et de pratique depuis les connaissances les ri/li/y) : En 1914, apr~s une visite 6clair dans l'atelier de avant •· Il a éh! employ6 de mani~rc néologique pour dési-
Meme aprQ l'inh!gration autoritaire par Lénine du Proliet• plus 6lémentaircs jusqu'aux probl~mes les plus complexes Picasso à Paris en mars, Tatline expoae dans son atelier de gner dans la pratique du cubofuturismc po«!tiquc et plu-
kou/t dans le Narkompros, ceux-a continuent tant bien que et les conceptions les plus subtiles, liées au processus de la Moscou un nouveau type d'objet artistique qui ne repr6- tique les décalages op6rés dans l'utilisation des mots ou des
mal à agir de façon autonome jusqu'à leur suppression, création anistiquc. Le Rabfak subsiste jusqu'en 1930 (fer- sentc rien d'autre que des matériaux hétérog~ncs sur un formes par rapport à la norme traditionnelle.
comme tous les autres groupes existants, en 1932. meture du Vkhouttlne). suppon en bois. Ce nouveau genre artistique est baptisé
« relief pictural • • puis « contre-relief ,. quand les «!iéments Spetsodltjda [Spe111/alna1 0 odlejda • habit pédal) :
Prooune (Proelct oullle,jdlnllya no110110 "' Projet d'affir- Rakhn [Rouliskaya olcadlmly a lchoudoj,.rt11l1nnykh collés ou viss61 à la surface se mettent à saillir dans Variété de prozodkjda. destinée à telle ou telle catégorie
mation-fondation du ouveau) : Cet acronyme est formé naouk • cadémle de Russie des ldences de l'art) : 1921- l'eapece, puis • contre-relief angulaire ,. quand le complexe de travailleurs.
par Lissitzky à la fin des ann6es vingt pour désigner toute 1925. Voir Gakhn. central constitu6 de différents éléments est suspendu à un
une série d'œuvres abstraites conçues, au début de 1920 angle de mur, accrocbé par des fils aux deux cimaises. Le tépbanos (La Guirlande) : Cette ellp0lition organis6e par
dans le cadre de l'Ouno11i.r de Vitebsk oo l'artiste dirige Rayonnbme [Loutchlvn) : Premier mouvement non figu- terme générique cmploy6 aussi par Tatline pour toutes les D. Bourliouk en 1907-1908 à Moscou porte le titre, écrit en
I' Atelier polygraphiquc et architectural. À l'origine, les ratif abstrait. Larionov en est le cr6ateur, en ,es œuvres de vari~tés de reliefs, c'est « assemblage de matériaux • · grec, d'une « guirlande ,. de sonnets symbolistes de Brious-
proounu sont conçus comme des m~les architecturaux 1913, qui ne représentent que des réseaux de rayons, par Les reliefs de Tatline, apport capital à l'abstraction du XX- sov. Sous le nom russe de « Viénok •• il y aura deux autres
d'~tude à l'usage des ~l!ves. Ils jouent le r61e de« stations lesquels il veut faire apparaître « l'espace entre les objets•· si~e. ont initi~ toute une lignée d'an ax6e sur la « culture expositions de ce type à Saint-P~tcrsbourg en 1908 et à
d'aiguillage entre la peinture et l'architecture •• selon la Larionov distingue un • rayonnismc réaliste •• celui de des matériaux ,. ; ils sont à la source du futur constructi- Kherson en Ukraine en 1909. Malgré le caract~rc encore
définition de Lissitzky lui-m!me. Il s'agit d'un développe- tableaux non figuratifs de 1912 componant encore des visme. modéré des œuvres présentées, beaucoup provoqueront des
ment du suprématisme de Malévitch dans le volume illu- bribes de référence à l'objet comme Vern ou SauclJson ,1 sarcasmes par leur facture volontairement anti-académique.
sionniste. Les dessins cubosuprématistes de Pougny entre maquenau rayonni!ltu, et un « rayonnismc abstrait •• oil La Rose bleue (Go/oubaya ro:za) : Une cllp0lition sous le
1916 et 1918 ont d0 jouer un rOle dans cette d6viation. Les les éléments picturaux sont instrumentés de façon auto- nom de La Rose bleue est organis6e par le directeur de la Le Studio des lmpremonnlst (Sloudlya bnprœlonl.rto11) :
proounu, représentations axonométriques de corps g6o- nome sans r6fércncc explicite à l'objet, comme dans revue d'art symboliste La Toi.son d'Or à Moscou du Recueil de te11tes théoriques, de vers, de théAtrc, publi«! par
métriques en équilibre soit sur un fond solide soit en sus- Rayonntsme rouge (le mod~lc de fonctionnement de la 18 mars au 29 avril 1907. Parmi les participants : P. Kouz- Koulbine en 1910 à Saint-Pétersbourg.
pension dans l'espace cosmique, sont des expériences musique 6tant sa référence). Larionov emploie aussi le nctsov, Sarianc, Brominki, V. et N. Milioti, Sapounov,
architectoniques dans le domaine de la cr6ation de formes, terme « pncumo-rayonnismc ,. (rayonnismc spirituel). li SousicYkinc, Fonvizine, etc. Elle est l'exposition la plua Style moderne [Stll modem) : Nom donné en Russie à
de nouveaux espaces non euclidiens. expose sa tMoric dans le traité Le Rayonnlsme (MOICOU, marquante du symbolisme pictural russe contre lequel se l'An nouveau.

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GLOSSAI R E TH~ÂTRE VAKHTANGOV À L'UNION DE LA J EUNESSE

Sup~ matlsme [Soupmnatlvn) : Nom donn6 par Mal6- Tbéitre d'Art de MOKOII {Moskon kl lcltoudojatvlt!My th6Atre de V6ra Komissarjevskala (1906-1907), puis au Toutlsme (v.slotcltatvo) : Le toutisme est un mouvement
vitch à sa cr6ation sans-objet à l'exposition 0,10 à P6tro- tlalr, ou MKHATJ : Le Th6Atre d'An de Moscou est cr66 th6Atre Alexandra [Alexandrinski t6atr] à Saint-P6ten- 6ph6m~re lanœ à la fin 1913 (par Larionov, Zdan6vitch et
grad en 1915. Le mot vient du latin supnmus (le pl111 haut, en 1898 par l'acteur, metteur en lcl:ne et philosophe du bourg (1908-1917). C'est là qu'il monte en 1917 le dernier Le Dentu) qui reconnatt n'impone quelle a:uvre, du pass6
extrtme). Une des explications est à trouver sans doute th6Atre, K. Stanislavski, et le dramaturge et metteur en grand spectacle de cette premi~re 6poque de son activit6 et du pr6sent, comme digne d'6tre analys6e par le peintre
dans la volont6 d'aller aux limites de la repiaentation figu- sœne, N6mirovitch-Dantchenko. ~tant donn6 la perma- Le Bal masqul (Mœkarad) de Lermontov, oil il applique, contemporain. Le mouvement ne se veut pas une variante
rative, au • ûro des formes •· Les premien disciples du nence du travail sur la formation de l'acteur et sur la dans un cadre encore symboliste, ses th6ories du « th6Atre de 1'6clectisme mais lance les bues d'une 6tude • picturolo-
supr6matisme de Mal6vitch sont Klioune, Mienkov, Pou- conception de l'espace sœnique, il est appel6 souvent le conventionnel •· gique • de l'art, « l'exp6rience et le savoir-faire pr6sidant
gny, O. Rœanova. Le supr6matisme, dont l'embl~me est le Th6Atre d'Art de Stanislavski. La m6thode de Stanislavski, Le 7 novembre 1920, s'ouvre à Moacou, avec Aubes de au choix des a:uvres du point de vue de leur construction
Quadrangle noir entouré de blanc (le • ~ noir sur fond fond6e sur la culture de 1'6motion, du v6cu, du r6alisme Verhaeren, le nouveau th6Atre de Meyerhold sous le nom int6rieure • (Le Dentu).
blanc »), influence entre 1916 et 1920 L. Popova, po6tique, domine toute une ligne th6Atrale du XX" si~cle de Premier th6Atre de la RSFSR [R6publique sovi6tique
N. Oudaltsova, V. Pestel, A. Vesnine, Rodtchenko, etc. Le jusqu'aujourd'hui. Le Th6Atre d'Art de Moscou est un des socialiste f6d6rative de Russie). Les noms changent au Tramway Voir : Premi~re exposition futuriste de
design supr6matiste p6n~tre dans l'atelier artisanal dca pay- premiers à faire participer au spectacle th6Atral des cours des ann6es vingt mais on s'accorde pour appeler le tableaux Tramway V.
sannes de Verbivka [Verbovka) en Ukraine, dirig6 par peintres (Simov pour les pikes de Tch6khov, les membres th6Atre, qui reste jusqu'en 1931 à l'emplacement de
N. Davydova et E. PribylskaJa en 1916-1917. Le supr6ma- du Monde de l'Art comme M. Doboujinski, N. Roerich, l'ancien th6Atre de Zone : • th6Atre de Meyerhold ». Le Tran mental, tran rationnel :p Traduction du mot russe
tisme est emeign6 à l'Ounovis de Vitebsk et de P6trograd A. Benois, Koustodiev). Aprà les r6volutions de 1917, le th6Atre de Meyerhold s'engage r6solument dans le zaoum invent6 par les pœtes futuraslaves Kroutchonykh et
(parmi les 6lhes: Souî6tine, Tchachnik, N. Kogan, L Khi- Th6Atre d'An de Moscou se voit concurrencer sunout par constructivisme le plus radical, s'opposant ainsi au th6Atre Khlebnikov pour d6signer un an • au-delà de la raison •
d6kel, etc.). Le supr6matisme trouvera une application le th6Atre de Meyerhold et la m6thode biom6canique. de Talrov (i. e. le Th6Atre de Chambre de Moscou). Aprà (c'est le sens du n6ologisme zaoum) ; dans leur lutte contre
dans la cr6ation des archilectona et de la porcelaine sovi6- Le Th6Atre d'An de Moscou existe encore aujourd'hui et la visite qu'il fait à l'exposition S >< S = 25, Meyerhold le n6okantisme g6n6ral au tournant du si~le, les cubofutu-
tique. continue la tradition de Stanislavski, ayant subi à 1'6poque d6cide d'inviter L Popova à mettre en forme Le Cocu ristes russes ont 6t6 à la recherche d'une autre logique que
Le supr6matisme, dont l' influence n'est pas 6puis6e de la terreur stalinienne et de ce qui l'a suivie les m6mes magnifiqi« de Crommelynclc qui est ainsi le premier spec- celle du monde euclidien à trois dimensions, d'oil la r6f6-
aujourd'hui encore, est un des grands courants conceptuels avanies et tracasseries que les th6Atres d'avant-garde. tacle embl6matique du constructivisme th6Atral (premi~re rence aux th6ories non euclidiennes, en particulier à celles
et constitutifs de style du XX" si~le. JI s'oppose radicale- le 25 avril 1922). Puis c'est La Mort de Tarielkinr de Sou- du Russe du xix- sikle Lobatchevski, et aussi à des id6es
ment au constructivisme. Tbéitre de Chambre de Moscou (Moskovskl Kanrlrrny khovo-Kobyline dans la mise en forme de V. St6panova th6osophiques 6panes. par exemple celles contenues dans
thltr) : Le Th6Atre de Chambre de Moscou, dirig6 par Taî- (1922), La Terre cabrh, d'apm Maninet dans la mise en le Tertium Organum de P. Ouspienski (1911). La version
Supremus (Soupmnous) : Groupe dca supr6matistes qui rov, s'ouvre le 12 d6œmbre 1914 avec une pike indienne forme de L Popova, qui utilise pour la premi~re fois un picturale de la z.aoum est l'alogisme de Mal6vitch et la
essaie de cr6er sous ce nom, en 1916-1917, une revue (dont. de Kalidassa, Sakountala (peintre: P. Kouznetsov). Les 6cran cin6matographique (1923). Les spectacles qui suivent recherche de nouvelles dimensions (la • quatri~me • qui
le r6dacteur en chef est O. Rozanova). Les mat6riaux sont premi~res exp6riences d'un th6Atre construil, annonçant le sont des dates dans l'histoire du th6Atre : • A nous est le temps, et chez Mal6vitch, la • cinqui~me • qui est
rassembl6s et pr6par6s pour la publication, qui ne se r6ali- futur constructivisme th6Atral, sont faites sur la sœne du l'Europe• (D.E. = Daioch levropou) d'aprb Ehrenburg l'lconomie).
sera jamais. Th6Atre de Chambre par A. Exter (Thamira le CitharMe (mise en forme de Chl6pianov) (1924); L'instituteur Bou-
d'Annienski en 1916 ; Saloml d'O. Wilde en 1917). Ferdi- bousse de Failco (mise en forme de Chl6pianov) (1924); Le Trianp (Le) (Trlwugolnlk) : Groupement organis6 par le
Svonras [Svobodnyll mastenklyl a Atelien libres) : Le nandov, Yakoulov et A. Vesnine marquent aussi les mises Mandat de N. Erdman (1925); Rlvizor de Oogol (mise"en professeur de l'Académie de m6decine militaire, le peintre
12 avril 1918, par d6cret officiel, l'Acad6mie des Beaux- en scène color6es, rythmiques, g6n6reuses du Th6Atre de forme de Dmitriev, Chl6pianov et Kisseliov) (1926). et th6oricien N. Koulbine, qui existe à Saint-P6tersbourg
Arts de P6trograd est supprim6e. A sa place, sont cr66s les Chambre: L'tchange de Claudel (Yakoulov, 1918) ; Dans le m6me temps, Meyerhold d6veloppe sa m6thode de 1908 à 1910. li se manifeste sous l'appellation• â .
Ateliers nationaux libres d'enseignement de l'art de P6tro- L'Annonce fait,e à Mam de aaudel (A. Vesnine, 1920); • biom6canique • [du grec bios, la vie et mechanik~. l'an de Groupe de psychologie de l'art • [4. Khoudojestvienno-psi-
grad [Pltrognuûki~ gossoudantvienny'fi svobodnyTI /chou- Phidn de Racine (A. Vesnine, 1921); Romlo rt Juliette de construire les machines]. Meyerhold forme les acteurs à khologuitcheskaya groupa) à la première exposition organi-
dojestviennyië outchebny'fi mast,enki~. en abr6g6 : Plgos- Shakespeare (A, Exter, 1921). À partir de 1922, le des disciplines corporelles (gymnastique, plastique, acroba- s6e par Koulbine en 1908, Les Nouveaux courants en art,
khoum J dont le commissaire est Pounine. En 1919, ils constructivisme dominera la sœne, mais, à la diff6rence de ties) afin qu'ils maîtrisent les mouvements m6caniques de puis, en 1909, à la deuxi~me exposition, Les Impression-
s'appellent Svomas (Ateliers libres), les 6l~ves 6tant libres celui qui 6tait mis en a:uvre au Th6Atre de Meyerhold, chez leur corps. lnfluenœ par les th6Atres e~me-orientaux, les nistes (parmi les participants: Baranov-Rossin6, E. Gouro,
de choisir leur maître. Des Svomas sont form6s pour rem- Talrov, le constructivisme restera fid~ le à un certain marionnettes, le cirque, Meyerhold veut, par la biom6ca- V. Kamienski, Kroutchonykh, Koulbine, Matiouch ine,
placer les anciennes structures à Moscou le S sep- romantisme : Signor Formica d'aprb E.T.A. Hoffmann nique, donner au th6Atre une forme universelle de l'expres- Sagaîdatchny, Spandikov, Chkolnik ... ). Puis Le Triangle
tembre 1918 (Premiers et Seconds ateliers nationaux d'an (Yakoulov, 1922) ; Girofll. Girofla de Lecoq (Yakoulov, sion, au«là des contingences du psychologisme et des cul- organise une autre exposition sous le titre Les Impression-
libres - PiervyTI i VroryTI gossoudantvienny'fi :rvobodnyTI 1922). Cependant, le Th6Atre de Chambre paiera son tribut tures locales. nistes, à Vilno, en 1909-1910, tandis que se produit une scis-
lchoudojestviennyrl masterskiyl, abr6g6 en Gskhm - à la à un constructivisme plus uc6tique (L'homme qui ltait Aprà La Punaise de Maïakovski (les Kounkryniksy et sion de pl111ieun membres, m6contents de 1'6clectisme de
place de !'École d'an industriel Stroganov et de l'École de Jeudi d'apr~s Chesterton (A. Vesnine, 1923) ; L'Orage Rodtchenko) en 1929, le th6Atre de Meyerhold subit de Koulbine, qui fondent L'Union de la Jeunesse (E. Oouro,
peinture, sculpture et architecture). d'A. Ostrovski (V. et G. Stenberg. 1924); Sainte Jeanne de plus en plus les cons6quencea de la terreur stalinienne. En Matiouchine, Sagaïdatchny, Spandikov, Chkolnik ... ).
Des Svomas apparaissent dans beaucoup de villes de Shaw (V. et G. Stenberg. 1924) et tous les spectacles avec 1931, Meyerhold doit abandonner l'ancien th6Atre Zone et La demi~re exposition du groupe de Koulbine est Le Tri-
l'ancien Empire russe (Saratov, Kazan, Oufa, Yaroslavl, la participation des fr~res Stenberg, jusqu'en 1931. son th6Atre finit par 6tre liquid6 en 1938, le metteur en angle-Vi6nok-St6phanos, en mars 1910, qui associe les
Nijni Novgorod, Voron~je, etc.). Le Th6Atre de Chambre de Taïrov sera l'objet de tracasse- scène arret6 en 1939 et fusill6 en 1940. koulbinistes, La Guirlande de D. Bourliouk et la revue
Les tendances de droite (r6alisme), du centre (Le Valet de ries constantes pendant la p6riode de la terreur stalinienne Satirilcon. Koulbine y expose aussi des autographes d'6cri-
Carreau) et de gauche (cubofuturisme, supr6matisme, abs- mais ne sera ferm6 qu'en 1950. Taîrov refuse à la fois le Théitre Vakbtangov [ Vakhtangova lnrenl tlatr) : ~~ve de vains, de pœtes, d'artistes, un ensemble de sculpture popu-
traction concrete de Tatline, sans-objet) sont re~nt6es th6Atre r6aliste de Stanislavski et le th6Atre symboliste Stanislavski, l'acteur et metteur en sœne Vakhtangov laire, d'affiches hollandaises et françaises, des meubles de
dans les atelien. conventionnel de Meyerhold. Il est en qu6te d'une pure dirige de 1913 à 1921 le troisi~me studio du Th6Atre d'An style et des objets d'art appliqu6. C'est à cette occasion que
C'est sur la base des Svomas que seront instituts en 1920 th6Atralit6 qui ne puise pas sa ~ve dans la vie quotidienne de Moscou où il allie le souci d'une interpr6tation moderne paraît le recueil Le Studio des impnssionnistu.
les Vlcho111hnas. mais « de la vie cr66e par l'image sc6nique qui appelle des textes anciens à un grand souci d'une th6Atralit6 ryth- Aprà 1910, il y aura quelques essais pour faire revivre Le
l'acteur à partir du pays enchant6 de l'imagination à son mique, hyperbolique, ironique. li cr6e en novembre 1921 le Triangle (en 1911, 1912, 1917) mais cela restera sans lende-
Teduli : Mot grec qui d&igne l'art sous son aspect • tech- existence cr6atrice • (TaJrov). La femme de TaJrov, Alissa th6Atre Vakhtangov qui existe encore aujourd'hui. Pendant main.
nique• de• savoir-faire•• d'apprentissage du m6tier, de Koonen, est l'actrice principale du Th6Atre. moins d'un an (il meun en mai 1922), Vakhtangov r6ussit à
mile en œuvre de mat6riaux... monter des spectacles qui sont des ~tapes d~cisives dans T.flliltodlnamos I tektonltclae:sld prlmltlvlvn [Colorodyna•
Théâtre de Chambre d'Odeaa [Odemcl Kan,/m,y thltrl : l'histoire du th6Atre (Le Miracle de :saint Antoinr de Mae- mos et prlmltlvl me tectonique) : Manifeste sign6 par
Tectonique [Tektonlka) : A. Bogdanov a voulu cr6er avec Le metteur en scène et th6oricien du th6Atre Konstantine terlinck, et sunout, Princesse Turandot de Gozzi). Chevtchenko et Grichtchenko en 1919 à l'occasion d'une
la • t«tologie ,. une 11Cience des lois g6n6rales d'organisa- Miklachevski organise à Odessa pendant la saison de 1918- exposition des 6lhes de Chevtchenko aux Vkhoutlmas.
tion. Pour Bogdanov, la v6rit6 n'est rien d'autre que la 1919 un Th6Atre de Chambre où sont mont6es des a:uvres La Toison d'Or [Zolotoïl rouno) : Sous cette appellation, Les auteurs veulent concilier les acquis de l'avant-garde et
forme organisatrice de l'exp6rience collective. Cenaines du r6pertoire ancien (Lu Mlnechmes de Plaute), m6di6val qui est celle de la revue artistique et litt6raire symboliste de le tableau de chevalet, en somme canaliser le maximalisme
id6es de la tectologie bogdanovienne annoncent les id6es (R utebeuf), symboliste (M6rejkovski) dans les d6cors N. Riabouchinski (1906-1909), ont lieu trois expositions avant-gardiste vers des voies plus • raisonnables •·
cybern6tiques. Dans l'art russe d'avant-garde, les id6es sur construits du peintre cubiste Andreenko. capitales de l'avant-garde russe en 1908, 1909 et 1909-1910.
la tectonique ont 616 le moteur de la pratique des Prol~t- C'est là qu'apparaissent les premihca a:uvres n6oprimiti- L' Union de la Jeunesse (Soiou: molodlojl) : 1910-1914.
koult et ont donn6 des impulsiona d6cisives dans la forma- Tbéitre de Meyerhold : Avant les r6volutions de 1917, vistes et que se fait la confrontation des artistes russes et Association de peintres fond6e pendant l'hiver 1909-1910 à
tion du constructivisme sovi6tique. Meyerhold travaille comme acteur et metteur en aœne au occidentaux modernes. Saint-P6tenbourg par Matiouchine, E . Gouro, O. Roza-

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GLOSSAIRE

nova, V.Markov,Chkolnilt,Spandikov,F'alonov,etc1 ~
sidu par le peintre JéverjeJev qui en est le m6àne . .l:!Cleo-
« ■tyle ») est une condition sine qua non. Les pages de la
revue sont misca en forme avec des typographies variées et
Bibliographie sélective
tiquc au début, elle groupe tr~ vite tous lei courants futu- hétA!rog~nes.
ristes russes. L'Union de la Jeunesse publie trois almanachs
avec des esaaia th6oriques (V. Markov, Spandikov, Matiou- Le Vivier aux Juge [Sadok soudier] : Nom de deux
cbine, O. Rozanova), des 6crits littéraires (Kh lebnikov, recueils-almanachs des futuraslaves d'Hylée. Le premier,
Kroutchonykh, E. Gouro, D. et N. Bourliouk). Elle édite en 1910, comporte des gestes futuristes: du papier de tapis-
« une série de livres sur l'art contemporain d'Europe occi- serie en lieu d'illustrations, une orthographe modifiée ... ; le
dentale (on traduit Du cubisme de Gleizes et de Metzin- second, en 1913, contient un manifeste important qui dénie
ger), fonde une biblioth~que qui fait venir la littérature toute fonction représentatrice-mimétique à l'art.
occidentale, collectionne les reproductions de freaquoa,
mosalquea, monuments architecturaux et miniatures Vklioutlïne [ Vysc/al khoudojat11lauw-ttkhnltcheskl lnstl•
ancieMes, m~ne une activilA! théâtrale avec trois misca en tut • Institut supérieur d'art et de technique] : &oie d'art
sœne: Le Tsar Maumiane (décors de Spandikov), Vladimir soviétique qui aucc~de en 1927 aux Vkhoutlmas avant
Malakovski. Tragidie de Malakovski et La Victoirt sur k d'!tre fermée en 1930, ce qui met fin définitivement à une BooDAN0V (MALINOVSKI), A. Elhntnty prolit4nkor koul-
Sokil de Kroutcbonykh (musique de Matiouchine, décors pratique pédagogique nouveUe favorisée par la révolution SOURCES DE PREMIÈRE MAIN
toury v raivitü rabotcMvo klassa (éléments de la culture
de Malévitch) • (V. Aniltiéva). de 1917. prolétarienne dans le développement de la classe ouvrim),
Action poltfqut, n'48 (n'ap. sur le futurisme) Moscou, 1920
Le Valet de Carreau [Boubnovy vallet] : 1910-1917. Vkhoutbnas [ Vysclatyl khoudojatlllauw-ttkhnltc/aesklyl
Groupe de peintres de Moscou, organisé par Larionov, masttnklyi • teHers supérieurs d'art et de technique] : Aguitatsionno-massovorl iskou.sstvo piuvykh lin 0/ctiabria. BOODAN0V [MALINOVSKI), A. 0 prollt4nkor koultouril
Lentoulov, Kontchalovski, Machkov. La base commune de Ce nouveau type d'école d'art, né à Moscou de l'expé- Mallrialy ; i.s.sUdovaniya (L'art d'agitation des masses pen- (De la culture prolétarienne), Moscou-Léningrad, 1924
départ est le développement des principes picturaux du rience des Svoma,, est organisé à la fin de 1920 comme dant les premi~res années d'Octobre. Matériaux et
postimprewonnisme, surtout le cézannisme. D~ 1911, il y fusion des Premien et Seconds Atelien nationaux d'art recherches), Moscou, 1971 (réd. A. Spéranskaya) CHAoALL, M. Mein Leben, Berlin, 1923 ([ven. fr.: Ma vie,
a une rupture à l'intérieur du groupe et Larionov fonde à libres : aux faculté■ de peinture et de ac:ulpture se joignent Paris, 1931, 1957)
pà!l son propre mouvement néoprimitiviste de La Queue les facultés de production (architecture, polygraphie, tra- ANNENICOV, Y. Portnty (Portraits), Pétrograd, 1922
d'Âne. Le groupe du Valet de Carreau est dominé par la vail du métal et du bois, textile, céramique). L'originalité CHEROŒl'ŒVTJ'CH, V. Foutouritm bitt. maski (Le futurisme
tendance cézanniste-fauviste de Kontchalovski, Lentoulov, de la structure des Vkhoutlmas tient aussi à la création ANNENK0V, Y. Dnitvnik moikh vstretch (Journal de mes sans masque), MOIICOU, 1913
Machkov, Falk, Kouprine, Rojdestvienski. De 1914 à 1917, d'une Section de base [O.îno11noü! otdillilniyi] qui corres- rencontres), New York, 1966 (2 vol.)
les expositions du Valet de Carreau acceptent les peintres pond à un cours propédeutique de deux ans avant ■péciali­ CtœVl'CHENK0, A. Nloprimitivir.m, ilvo tloriya, voimoj-
des courants cubofuturistes les plus extrtmes. Le Valet de sation. La méthode d'enseignement, qui dépend des APOWNAIRE, G. La Peintru cubistes. Mtdit4tions tsthl- nosti, dostijmiya (Le néoprimitivisme, sa théorie, ses possi-
Carreau organise des débats, publie des almanachs, qui maitres d'atelier, est, dans sa partie la plus originale, fon- tiqua, Paris, 1913 bilités, ses réalisations), Moscou, 1913
apportent des éléments important& à la théorie de l'art. dée sur l'analyse objective des formes. L'lnkhouk joue un
rôle décisif pour infléchir le cours propédeutique vers cette APoWNAIRE. G. Chroniques d'an. 1902-1918, Paris, Gal- CHEVl'CHENKO, A. Printslpy koubir.ma i drouguilch sovri-
Yl«Atc/a [objet, chose] : Le mot russe viechtch d6aigne pédagogie. Les m!mes professeurs enseignent à l'lnkhouk limard. 1960 miennykh tetchlnii II jivopissi vsiekh vrtmione i naro~ov
dans la pratique des constructivistes soviétiques l'objet et aux Vkhoutbnas. Le constructivisme essaie de 1'impoeer (Principes du cubisme et des autres courants contemporains
fabriq_ld. On a pu parler de vi«hlchit.m (objétisme) pour comme méthode créatrice. Le pouvoir politique, qui ARP, H. : voir EL l.JssITSKY, ARP, H. dans la peinture de tous les temps et de tous les peuples),
toute une ligne de la création avant-gardiste ap~ 1917 qui s'inqui~te de voir l'enseignement de l'art échapper aux exi- MOICOU, 1913
met l'accent sur le caractùe concret et matériel de la créa- gences de l'id6ologie bolchévique, intervient ~ vite pour Art et Polsie russes. 1900-1930. Ttxtes choisis, Paria,
tioo, en opposition aux conceptions expressionnistes, sub- réduire la liberté d'expérimentation des Vkhoutlmas, ce CHKLOSVSKI, V.« 0 pœzii i zoumnom yazyk!é,. (De•~
jectivistes ou psychologiates. Le mot viechtch coMalt des qui conduit à leur remplacement en 1927 par le Vkhoutlw
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sitzky, Ehrenburg) mais toutes mettent l'accent sur son de l'avant-garde russe a enseigné aux Vkhoutlmas : Rod- irrespectueux), Moscou, 1916 la langue poétique), Pétrograd, 1919
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ce qui contredit les desseins du constructivisme soviétique désigner ainsi la méthode de la • vision élargie • [raschl- BŒLY, A. Glo.ssolaliya, Berlin, 1922
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468 469
INDEX

Chklovski, Viktor 46, 131, 204, 210, Einstein, Carl 166 George, Waldemar 300-301
Index des noms propres 259
Chkolnik, lossif 64, 84-85, 218, 428
Eisenstein, Scrgue'i 238, 296, 297, 429
El Lissitzky Voir Lissitzky
Gestel, Lco 74
Ghenlte-Meller Nina 194
Chldpianov (Ch~t], llia 428 Ender (famille) 222, 223 Ghinkhouk 18-20, 22, 202,221,325,
Voir aussi Spath Endcr, Boris 218,222,225,347, 347, 325-327, 345 349
Choulthov, Vladimir 248,248,313, 348, 349, 429 Gifk au goat p~blic 137-138
428 Ender, Maria 222,347,347,349,429 Oinsburg. Mo'i11eï 311, 430
Chtchoukine, Scrgueî 15-16, SS Endcr, Xdnia 222,225,347, 347, 348- Gldbova-SoudeYkina Olga 194
Chtchouko, Vladimir 197, 311 349, 349, 429 Gleizct, Albert 10, 17, 56, 77, 89-91 ,
Chtchoussiev, Alexeî 199,310, 311, Erdman, Boris 183 100
428 Ennilov, Vassyl 156-157 Glidbova, Tatiana 357
Cibk (la) 44, ff7, 135 Ente Ru:ssische Kun:stau:s:stellung 17, Glinka, Mikhai1185
Ôurlionia, Mikolajus 26,124, 124, 261,262,278, 362 Globa 292
12$, 125, 131 Erzia 199 Gn~dov, Vassilik 430
0,10 11, 64, 88, 118, 141, 146-147, 158- Auociation da ultro-novaùun Voir Bolchakov, Konstantine 427 Oair, Jean 41 Essdnine, Sergue'i 183, 228, 260 Gogol, Nikola'i lOS, 166,296, 358, 360
159, 166, 168-170, 244 Askronov Bonnard, Pierre 16-17, 55 Oaudel, Paul 251,275,282, 288-289 Etkind, Marit 236 Goleïzovslti, Kassian 286
j X j z 25 239,270,278,281, 28S Atelier du rlali:sme spalial Voir Borissov-Moussatov, Viktor 36, 38, Cocteau, Jean 290 Evretnov, Nikolaî77, 182,228,230, Goloouchev, Scrgue'i 199
41°31,358 Zorved 56,220 Commi:sariat du peuple it l'instruction 234-235, 429 Golosaov, llia, 312, 430
Ateliers libres Voir Svoma:s Boubnova, Varvara 214 Voir Narlcomproi Extcr, Alexandra 14-15, 17,20, 24, 35, Golovine, Alexandre 32, 293
Ateliers :supüieurs d'Art et de Bougrova, éldna 216 Constructivistes (La) 270,275-276 61, 64-65, 78, ff7, 89-90, 93, 93, 94, Golychev, Efim 430
Acadlmie de Ru:s:sie des Sciences Technique Voir Vkhoutlma:s Bourlioult (fRrea) 20, 26, 64, 84, 95, Courbet, Gustave 10 94,109, 109-110, 117, 117-118, 135, Gontcharova, Natalia 8-9, 14, 17, 21,
arrbtiqua Voir Rakhn Axionov, Ivan 199 157 Courier, Paul-Louis 173 148 , 149, 156, 162, 183, 185, 189, 23, 27, 29-30, 32-33, 36, 37, 38-39.
Adukina, Natalia '3f/7 Bourlioult, David 9, 14, 17,23,24, 24- Craig, Gordon 188 190, 190, 194,199,213,218,239, 41, 42, 45, 49-SO, Jl , 51 , 53, 55-56,
Affirmateurs et fondateurs du 26, 30, 45-46, 56, 59, 61, 67, 71, 77- Cravan, Arthur 88 241,242,242,243, 243, 252, 281- 59, 63~. 71, 73-74, 78-79, 81, 85,
nouveau en art Voir Ounovls Babitchev, Alexel 199, 202, 208-209, 81, 82-83, 84-87, 93, 94, 95, 125, Crlation JOIU-objet et :suprlmalisme 282, 284,284,285, 285,286,287, ff7, 89-90, 103, lOS, 106,106,107,
Akhrr 6, 202, 221 212,217,307, 426 129-130, 131,162,166,173,180, 240,244 2ff7-288, 294,301,305,337,429 129,132, 133, 134, 134-135, 138,
Akhtyrko, Anastasaia 216 B•blet, Denis 188 182,191,218,427 Crommelynck, Fernand 294, 302 139, 140, 174, 17$, 178,179,184.
Albert-Birot, Pierre 151 Bakst, Liev 30, 183, 191 Bourlioult, Lioudmila 26 185, 193, 218, 249, 430
Aleichem, Sholom Voir Scholem- Balikhine 311 Bourlioult, Nikolaï SS, 427 Fabbri, Moritz 65 Gorki, Maxime 17, 361
Alcjchem Balla, Giacomo 17, 89, 94, 97, 111, Bourlioult, Vladimir 14, 17, 21, 23,V, Davydova, Natalia 147,194,199,428 Facultl ouvrilre Voir Rabfak Gorodetski, G.B. 191
Aliagrov 180, 426 113, 139, 161 26, 56, 59-60, 71, 78, 81, ff7, 90, 129, Degas, Edgar SS Falildlev, Vadim 199 Gos:siet303
Altman, Natan 14, 17, 56, ff7, 197,200, Ballets ru:sses 50,131,252,284,288, 130,130,131,162,218,249,427 Delacroix, Eug~ne 152 Falk, Robert 56 63, 63, 64, 66, 197, Gouro, éldna 44, 77, 85, ff7, 125 ,126
218-219, 221,234,236,238,303, 298,299, 300-303 Boutltovskaîa, N. 191 Delaunay, Robert 15, 62, 67, ff7, 105, 200. 206, 207, 218-219, 429 J27, 127-128,131, 167,173, 177-
362, 362, 426 Baranov-Rossind, Vladimir 14, 23, 49, Braque, Georges 12, 16, 18, 21, 27, 29, 108, 112, 134, 151-152 Favorski, Vladimir 180,217,429 178, 222,345,431
Ambulants (la) 23-24, 58 68, 7'. 75, 89, 94-95, 108, 108-109, 40, 5S, 65, 69, 70, 79, 88-90, 92-93. Delaunay, Sonia 5, 14-15, 20-21, 49, Fddotov 199 Gozzi, Carlo 281,297
Anski303 152-153, 1$4, 156,159,162, 162, 100, 138-139, 155, 158, 170 63, 7$, 75, 95,108, 131, 1$1, 151- Fdrat, Serge (Yastrebtaov, dit) 14,429 Grabar, Igor 25, 199
Andersen, Trocla 256 213, 218, 236, 238,278,426 Brecht, Bertold 293 Ferdinandov, Boris 183,296,429 Granovski, Alexeî 303,431
152, 156, 179,193,428
Andral, Jean-Louis 171 Barthe, Viktor 65, ff7, 426 Brik, 0.ip 197, 200, 209- 211,219, Denis, Maurice 16-17, 30, SS, 80 Fidman, Vladimir 311 Gregor, J01Cph 306
Andrccnlto, Mikhai1 30$, 305, 306, Baskakov, Nikolaï 358 227,311,427 rtlonov, Paviel 6, 9, 12, 16, 21, 39, 48, Grichtchenlto, Alexe'i 65, 218-219
Ddnissov71 Griftlov 199
306,426 Baudelaire, Charles 7-8 Briouaov, Valdri 16, 23, 199,293 Derain, Andrd 16, 55, 65, 71 50-51,Jl,53, 77,80,ff7, 91, 166-
Andrdlev 199 Bauhau:s 18-20, 80,138,202,207,217, Bromirski, Piotr 24, 199, 2$1, 272, 167,178,179,201,218,222,224, Grigoriev, Boris 39,198
Diaghilev, Scrgueï 14-15, 20, 38, 128, Grinberg, Nikolaî 347, 347, 348
Angibout, François (barOMe 267,345 427 184, 284, 298, 300, 302 351, 3$2, 352,353, 3S3-3SS, 3$6,
d'Œttingen, dite) 14, 151 Bekhtelev, Vladimir 14, 25, 56, 71, 74, Brouni, Liev 251,427 357, 3$8, 358,360,361.430 Grohmann, Will 72
Dimakov, D. 253 Gropi111, Walter 20, 202, 312
Anienski, IMokenti 110, 189 74, 90, 128, 427 Brücke (Die) 71-72, 138 Djafarova, Svetlana 220-221 Fiodorov, Nikolaî 48, 354-355, 357
Annie 191$ (L') 88, 158 Benedict, Kurt 17, 88 Bykov, Z. 308 Fiodorovski, Fiodor 198-199 Grosz. Georg 258, 318
Dokoutchaïev 209,213,312 Guiliarovskaya, N. 290
Anncnkov, Georges 230, 234-235, Benois, Alexandre 9, 20, 26, 35, 45, Dombrowski 311 Florenslti, Paviel 13, 31, 38, 92,430
59, 183, 197,199,218 Fomine, Ivan 199,311 Guillaume. Paul 131
295-297, 362,367,426 Dosto'ievski, Fiodor 9, 56, 89, 129 Guinkhouk 222, 222. 223-224
Anse (L') 191 Qerdiaev, Nikolal7-8, 13, 18, 88,354, Canot, Jacques 284 Drdvine 17, 208, 209, 213, 218, 244, Fonvizine, Artour 71, 81, 306 Guirlande (la) 23, 26 (voir aussi
Antoine, Andrd 289 427 Carn, Carlo ff7, 93, 97 428 Foregger, Niltolal 296 Vilnolc et Stephanos)
Antokolski, Mark 33 Bernard, émile 90 Cassou, Jean 123 Drigo, Ricardo 306 Friesz, Othon SS
ApoUinaire, Guillaume 8, 31, 71, 131, Bernheim Jeune 15 Cendrars, Blaise 151, 179 Duchamp, Marcel ff7, 90, 163, 170 Fritlehc, Vladimir 199,209
152 Bidlogroud 311 azannc, Paul 10, 14, 19, 25, 29-30, Dunoyer de Segonzac, Andrd 15, 100 Front de Gauche Voir Lie/ Habima303
Appia, Adolphe 189 Bidly, Andrdï 16,199,252,354 42, 55-58, 63-64, 68, 71, 79, 80, 86, Durand-Ruet 15 FUl0p-Miller, Rend 227,306 Hartmann. Thomas von 431
Archipenko, Alexandre S, 8, 12, 14, Bilibine, Ivan 35 88, 90, 92, 80, 204-205. 325, 351 DUIC, Eleonora 15, 128 Hausmann, Raoul 258, 258
17, 21, 72, 147, 153, 1$4-JJJ, lSS, Blaue Reiter (Der) 33, 61, 71, 84-SS, Chagall, Marc,, 14, 17, 30, 39, 39, Dydychko, Konslantine 78 Heartfield, John 318
]$6, 156-158, 162,163, 163, 170, 128-129 202-203, 238,303, 303, 304, 304, Dymschitz-Tolstala, Sofia 161, 161)- Gabo, Naoum 17, 92, 247-248, 259, Heckel, Erich 59, 71
257,262, 426 Bldltlov, N. 181 30$, 337,428 162,218,252,429 261-262, 263, 263-264, 2t;; 267, Heidegger, Martin 141
Archilecture contemporaiM Voir SA Blok, Alexandre 183,293,293, 306 Chapiro, Tavel 252 267,273,299, 300-302, 4 Helfreich 311
Arkhanguelski 222 Blou:se bleue (fa) 229 Chapochnikov, Boris 218,428 Gad, Urban 2ff7 Hetmholz. Hermann von 345
Arkhipov, Abram 199,218 Bobrov, Scrgucl 33, 80-81, 132,245,427 Charchoune, Sergue'i 151,428 Efimov213 Gakhn209 Hindemith, Paul 306
Art de fa CotntrlWle (L'J 200, 200-201, Boccioni, Umberto 12, 89, 93, 97, 139, Chcstakov, Viktor 428 Efros, Abram 190, 282, 286, 291 Galaktionov, A. 308 Hoffmann. E.T.A. 282
208, 236, 259, 295-296 159,257 Chesterton, Gilbert Keith 282, 290 Eggeling. Viklting 150 Galaktionov, N. 308 Hofmannsthal, Hugo von 306
Arvatov, 19,209,211,295, 3œ, 322,426 Bogdanov (Alexandre Malinovski, Chestov, Liev 305 Ehrenburg. Ilia 170,258,270,302. Gane, Alexeî 208, 269-270, 3l 4•315 • Hokusaî Katsushita 127
Askranov 244 dit) 201. 209-210, 427 Chevreul, Eug~ne 151 315,337,339 430 Horbat~hov, Dmytro 53, 94, 164,
Asnova311 Bogomazov, Alexandre 20, 24, 427 Chevtchenko, Alexandre 38, 81, ff7, Ehrenburg. I. 3S Gauguin, Paul 23, 25, 30, 36, 36, SS- 194
As:sociation de:s architecte:s contem- Boaoualavskata, Xdnia (Xana] 194, 13$, 197, 199,206-207,218,428 Ehrenburg, Natalia 35, 194 56, 78,205,351
poraùu Voir 0:ssa 228,330 Chimanovitch 220
471

470
INDEX
INDEX
17, 19-21,27,36,39,39,40,42,43, Miklachevski, Konstine 305-306 P6trov, N. 234-235
lermolaI6va, V6ra 203, 203, 204, 206, 160, 161-162, 163,163,204,213, 137, 137-140, 166-167, 174, 178-179, 46, 48, 50, 53, 56, 59, 64-65, 66, 66, Milioti, Nikolaï 24 P6trov-Vodkine Kouzma
218,222,225,325,431 218, 244, 246, 266, 276, 330, 432 181,213, 248-249, 336,433 67,67,68,69,69-70, 79-81,84-89, Mitouritch, Piotr 218, 220, 270-271 , Voir Vodkine
lliazd Voir Zdnan6vitch, Ilia Klucis, Gustav 261, 278,279,279,280, Lasker-Sch0ler, Else 74 90, 90, 91, 91, 93, 96, 96, 97, 97-98, 436 Pevsner, Antoine 5, 114, 114, 218,
Impressionnistes (La) 26 281, 308, 308, 318, 318, 320, 322- Lavinski, Antone 209, 213,311,433 100-101, 103-104, 104-106, 108, 108, Moholy-Nagy, Laszo 278 247-249, 261-264, 265, 266-267, 273,
lnlchouk 18-20, 202-203, 206-210, 213, 323, 330-331, 432 Lavrentiev, Alexandre 308 110,114,114,115, 115-119, 121- Montk tk l'Art (le) 20, 26. 35, 38, 44, 278,299,300, 300, 301, 301-302, 436
217-218, 220, 259, 261, 337, 269, Knabe, Adolf 71 Le Corbusier 312, 362 124, 127, 129, 132, 134, 136-138, 59, 65,129, 134, 183, 194,197,218 Picasso, Pablo 12, 14, 18, 21, 27, 40,
273,279,281, 285-286, 311 Kobro, Katarzyna 274, 330 Le Dentu, Mikhail 135, 135-136, 184, 140-141, 142, 142, 143, 143-146, Mondrian, Pîet 12, 140 44, SS, 65, 69, 70-71, 79, 89-90, 92-
Institut national de la Culture artistique Kotcherguine 228 32, 38, 44, 49-50, 65, 65, 85, 87,218, 149-150, 152, 157, 161, 164, 167, Monet, aaude 29, SS, 78, 125, 351 93, 95, 100-101, 114, 116, 122, 138-
Voir Ghinkhouk Kochno, Boris 302 433 170,171,174, 176-177, 177-179, Moreau, Gustave 124 139, 153, 155, 157-158, 162, 166,
Institut s~rieur d'Art et tk T«hniqw Kogan, Moîsseï 56, 129 Le Fauconnier, Henri 15-16, 56, 71, 185, 187-188, 188,189, 189, 191, Morgounov, Alexer 49, 64, 66, 79, 87, 170,205,288
Voir VkhouJltne Kogan, Nina 203,204,206,220, 330, 90,100,150 192-193, 193-195, 197, 199-202,202, 121, 145, 170, 197, 199-200, 218, Pinski 303
loganson, Karl 212,247, 266, 269-270, 332,335,432 Le Ricolais 314 203, 203-206, 213, 218, 220, 222- Alexei436 Pirosmanachvili, Niko 38, 44, 45, 436
274,278, 278, 286 Kogan, Piotr 202 Ub6dev, Ivan 433 223, 225, 238-243, 245-247, 249, Morozovi Ivan 15-16 Pissarro, Camille SS, 78, 91
Jsaakov, Sergueî 167-168, 191,311 Kolli,N.206 Ub6dev, Vladimir 14,236,235, 266, 252, 260-264, 278,281,287,294, Morozov, Mikhail 15 Plietzsch, Eduard 17
Jstratov, A. 308 Komardionkov, Vassili 250-251 343, 362,364, 364, 365, 367, 433 301,311,325,325,326,326,327, Mouratov, Paviel 26 Podgaîevski, Sergueî 157,436
Jsts616nov 311 Kommissarenko,Unon330 Leclanche-Boul6, Claude 316-317 327,329, 329-330, 332, 337-338, MUller71 Poliakoff, Serge 143-144, 223
Jtten, Johannes 20, 345 Kommissarjevski, Fiodor 199 Lecoc:q, Otaries 282, 284, 292 341, 341-342, 349, 354, 361, 434 Munch, Edward 126 Poli6nova, Él6na 193
Ivanov, Alexandre 355 Konionkov, Sergueï 197, 199 Lefebvre, Henri 41 Maliavine, Philippe 39, 198 Mllnter, Gabriele 128 Polouektova, Nadicjda 216
Jvanov, I. 259 Kondratîev, Paviel 357 Uger, Fernand 15, 18, 42, 56, 91, 93, MalinOV1ki, Alexandre Ponson du Terrail, Pierre 56
Jvanov, Viatcheslav 23,293 Kontchalovski, Piotr 56, 58, 60, 60-61, 101, 122, 139, 252, 270, 290 Voir Bogdanov Popova. Lioubov 14-15, 21, 29, 64, 87,
Jzdebski, Vladimir 17, 30, 56-57, 129 62, 64-65, 71, 79, 183, 199-200, 218, Unine 18,197,230,320,322 Malioutîne, Ivan 198-200, 218 appelbaum, Moïsseï 321 100, 100-101, 105,110, 110, 111,
l:,o 197,198,206,219,252 432 Lentoulov, Aristark 17, 23, 56, 60, 62, Mallarmé, St6phane 27,173 Narkompros 197-198, 200, 203, 213, 127, 130, 140, 147,147,148, 149-
Kopp, Anatole 309,313 64-65, 183, 191, 199,218,433 Manet, Édouard 10, 92 228 150, 159, 159, 195, 204,206,209,
Koroliov, Boris 197, 206-207, 209,432 Uonidov, Ivan 313, 313 Mansourov, Paviel 218,222, 225, 335- Newmann, Barnett 127,144 213,217,218, 220, 239, 24(), 240,
Jakobson, Roman Voir Aliagrov Korovine, Konstantîne 32-33, 199, Upors ara, Anna 222, 225, 325, 330, 336,337 Nijinska, Bronislawa 50 241,241,244, 269, 286,294, 294,
Jawlensky, Alexeî 14-15, 17, 25, 35, 218 434 Mapou311 Nijinsky, Waslaw 15, 128 295, 295, 302, 306-308, 317, 436
56, 66, 67, 71-73, 90,128,431 Kouchner, Boris 211,432 Lermontov, Mikhaîl 293 Marc, Franz 15, 35, 72, 84, 128, 132- Nikritine, Solomon 220 Pospî6lov, Gleb 48, 56, 61
Jeanneret Voir Le Corbusier Koudriachov, Ivan 330, 330, 331, 331- Leskov, Nikolaï 149, 191 133 Nivinski, Jgnati 281, 297, 297, 436 Pouchkine, Alexandre 129,200
J6guine, Uev 431 332, 432 Uvitan, Isaac 24 Marcad6, Valentine 30, 64, 71, 78, 84, Noakowski, Stanislas 199 Pougny, Ivan [Jean) 9, 17, 29, 43, 45,
J6rebtsova. Anna 71 Kouguel, Alexandre 230, 234-235 Levkiewki, Viacheslav 87 182-183 Nolde, Emil 71 46, 64, 68, 84, 87-88, 118,120, 121-
J6verj6Iev, Lievki 84 Koulaguina, Valentina 279,432 Lib6dinski, Youri 318 Marinetti, Tomaso Ftlippo 14-15, 30- Novalis 72, 127 122, 131, 146, 146, 149,153,154,
Joltowki, Ivan 197,311 Koulbine, Nikolaî 26-27, 30, 35, 77, Liberti de l'Art 197 32, 87, 119, 173, 181,183,295 Novitski, P.J. 217,309 157-158, 169-170, 171,180,194,
Journal vivant ( Le) 229 84, 89, 125, 129,167,355,433 Libre Esthitiqw (la) 16 Markov [Matvejs), Vladimir 30-31, Novy Lie{ 320 203,204, 210-211,236, 236,237,
Kouprine, Alexandre 56, 64, 65, 65, Lief6, 209, 227, 281, 311, 322 33, 77-78, 81, 86, 127, 129, 150, 153, N°4137 238, 259, 262, 266, 330, 339, 343,
79, 199-200, 218 Lissitzky, Lazare (dit El Lissitzky) 164,166,218,440 361, 361-362, 363,364,367,437
Kahnweiler, Daniel-Henry 16 Kourdov, Valentin 366 144, 203-204,205, 206,242,258, Martîneau,Emmanuel104,141 Pouninc, Nikolaï 29, 89, 92, 165, 167,
Kaiser, Georg 304 Koussikov, Alexandre 302, 340 258,279,308,315,320,328,330, Marx, Karl 200 Ü'Neil, Eug~ne 292 197-198, 200, 203-204, 208,210,
Kamienski, Vassili 49, 77, 130, 181, Koustodiev, Boris 10 336-337, 338, 338, 339, 339, 340, Massine (Miassine, dit), Uonide 302 Obmokhou 270, 271, 272, 274-275, 219, 224-225, 252, 252, 253, 254-
249,251,315,431 Kouznetsov, Paviel 10, 23, 24, 26, 29, 340, 367, 434 Matîouchine, Mikban 17-18, 56, 59, 278 255, 269, 296, 340, 345, 437
Kandaourov, Konstantine 158 SS, 61, 71, 197, 199-200, 218-219 Uvchits, B6n6dikt 6, 14, 31, 49, 64, 77, 80, 84-85, 87, 115, 125, 127, 157, Osmiorkine, Alexandre 213, 218, 244 Povi6likhina, Alla 46, 116, 117
Kandinsky, Vassili 5, 8-9, 14-17, 21, Kovalenko, Gu6orgui 109,190,286 95-96, 108, 132, 152, 162, 173, 180- 167,183,185,191,218,222, 222- O.r.sa311 Poziemski 222, 325
25, 31, 33,34-35, 35, 56, 59, 72, 72, Kovtoune, Evgu6ni 46, 116-117, 177- 181, 189,434 225, 345, 346-348, 349, 353, 355, 435 Ostrowki, Alexandre 282,291, 297 Pribylskala. Él6na 24
72, 71, 73-73, 79-80, 84, 90, 124-125, 178, 185,193,298 Lobatchevski, Nikolaï 264 Matisse 16, 39-30, 56, 61, 66, 69-70, Oudaltsova, Nadiejda 1.4-15, 17, 29, Prokofiev, Serguer 300,302
127,128, 128-129, 131-132, 137, Kozyri6va, Natalia 364 Lopatînski, Boris 199 73-74, 79, 123-124, 138 64, 87-88, 100, 100, 105, 127, 147, Protazanov, lakov 287
138-140, 142, 162, 166, 197-198, Krinski, Vladimir 207-209, 213, 311, Lounatcharski, Anatoli 17,197, 200- Matvcjs Voir Markov, Vladimir 148-149, 149-150, 194-195, 197, 208- Proussakov, Nikolaî 437
200-202, 206,207, 207-209, 213, 433 201,218,251,434 M6dounetski, Konstantine 17,208, 209, 213, 216,218,220,244, 251, Proussov 199
218-220, 242,249, 261-262, 264,431 Kroutcbonykb, Alexel 29, 49, 59, 77, Louri6, Arthur 31, 152,434 216,239,247,248, 269-270, 274, 306, 330, 436 Puvis de Chavannes, Pierre 78
Katzman, Evgu6ni 210 84-85, 103, 133,137,161, 173-174, Loutchichkine, Sergueî216, 220 275,275,278,281,286,291,435 Oulianov, Nikolaï 198 Pylînslti, V. 308
Kem6ny, Alfr6d 273 177-180, 185,206,314,315,316, Meller, Vadim 18 Ounovis 18-20, 202,203, 203-206, 220,
Kerjentsev, Platon 230 317,338,358,433 Melnikov, Konstantine 18, 311-312, 222,224,261,325,325, 326-327,
Kban-Magom6dov, S6lim 209, 213, Kroutikov, Gu6orgui 433 Machkov, Ilia 9, 17, 41, 5657, 57-58, 328, 328-343 Queue d'Ane ( La) 33, 39, 49-50, 63,
313,313,435
274, 279, 337 KrUger, Elsa i86 60-61, 62, 62, 64-65, 68, 71, 79, 191, Melnikova, Él6na 216 Outkine, Piotr 24 81, 85,218
Khardjiev, NikolaI29, 64, 87,170, 174 Kupka, Frantisek 139-140 197, 199-200, 218 Mm:ure tk France 152 Ozenfant, Am6d6e 362
Khid6kel, Lazare 204, 205, 209, 222, Macke, August 59 M6rejkovski, Dimitri 57,306
328, 330, 335, 336 Magaril, Evgu6nia 203 Metzinger, Jean 10, 15, 17, 77, 89, 100, Païn, Yakov 366 Rabfalc 202,217,218
Khlebnikov, V6limir 14, 31, 49, 51, 53, l..adovski, Nikolaï 207-209, 213,215, Magasin 88,159,242 150 Paient (La) 100, 121 Rabinovîtçh, Isaac 303
54, 59, 77, 89, 103, 133, 137, 161, 433 Maïakovskaïa, Uoudmila 307, 434 Meyer, Adolf 20 Panofsky, Erwin 153 Radakov, Alexeï 227
173, 177-180, 183,220,251,298, Lanceray, Evgu6ni 218 Marakovski, Vladimir 17, 48-49, 60, Meyer, Hannes 20 Pasternak, Unonide 200 Radlov, Sergueî 230-231
330, 354, 432 Lanskoy, Andr6 126 77-78, 85,170,173, 180-181, 183, Meyerhold, Vs6volod 183, 228-230, Pavlov 199 Ra/chn 202, 209
Khodass6vitch, Valentina 432 Lapchine, Nikolaî 343, 433 191,193,197,200,206,224,227, 281-282, 284,286,290,292,293, Pavlova, Anna 15,128 Rastrelli, Carlo 156
Khomiakov, Alexel 89 Larionov, Mikhail 9, 14, 16-17, 20-21, 210,228,230,235,252,318,322, 293, 294-295, 301,302,435 Paz, Octavio 7, 8, 12 Redko, Kliment 437
Kirchner, Ernst 59, 71 23, 26, 27, 27, 28, 29-33, 35, 38-39, 322, 340, 354, 434 Meyerson, lossif 252 Pcchstein, Max 71 Redon, Odilon SS
Kiss61ev, vik tor 213 42, 42, 44-45, 45, 46, 46, 47-48, 48, Maillol, Aristide 55 Meuanine tk la Pohie 174 Pestel, V6ra U, 64, 87, 100, 105, 105, Renoir, Auguste 10, 29, SS
Klee, Paul 128 44, 49, 50, 53, SS, 57, 58, 58-59, 61, Maillon (le) 24-26, 38 Micnkov, Mikhaîl 119, 145,147,204, 121, 127, 147, 150, 150, 218, 244, Richter, Hans 150
Klioune, Ivan 64, 87,101, 101-102, 63-65, 71, 78-81, 84, 89, 118, 127, Makovski, Sergueï 26 218, 330, 435 436 Riegl, Alois 351
111,118,119,144,145, 145, 147, 129, 131-132, 133, 133,135,136, Mal6vitch, Kazimir 6, 8-9, 11, 14, 16-

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INDEX
INDEX

Vataguine, Vassili 199 V\asaov, K.A.199 13-15, 18, 61, 65, 71, 85, 105, 111,
Ri6pine, Ilia 57, 65, 26, 26, 208 Sisley, Alfred SS 159, 161, 163, 164, 164, 165, 165- 112, 112-113, 129, 134, 152, 199,
Rimski-Korsakov, Nikolaî 50, 184, Skouî6,fr7 167, 168,168,169, 170-171, 174, Verhaeren, tmile 294 Vodkine26
Verlaine, Paul 173 Vollard, Ambroise 15 239, 249,250, 250, 251, 251-252,
230 Skriabine, Alexandre 286 184, 184-185, 186, 189, 199-201, 260, 260, 272, 275, 281, 282, 282,
Rodtchenko, Alexandre 12, 18, 204, Sluijten, Jan 74 203-204, 213,218,222, 223-224, Veanine, Alexandre 185, 209, 210, Volochinc, Maximiliane 39
213, 218, 240-241, 244, 281, 284, Vroubel, Mikhall 12, 12, 13, 20, 22, 24, 283, 284, 284-286, 288, 291-292,
206-207, 209,213,216, 218-219, Smimov, Alexandre 15 239-240, 244, 249-251, 252, 252, 294, 299, 300, 302-305. 311, 440
241-243, 244, 244, 245, 245, 246, Smychliaïev, V.S. 297 253, 253, 254, 254-255, 256, 256, 288, 288-289, 290,290,291, 291, 30, 56, 126, 355, 440
308, 311-312, 440 Vuillard, tdouard 17, SS Yaltountchikova, Maria 32,193
246,247, 247-250, 259,261,266, Sobatchlto, Hanna 194 257, 257-258, 261-262, 264, 269, Yutrcbtsov, Serguel (dit Serge F6rat)
269,270,270,272,272,273, 274, Sobolev, N. 308 273-274, 276,298,298,301, 308- VCIIIÎlle, l..ionide 288, 312
Vesnine, Viktor 288,312 429
278-279, 281,308, J()fJ, 309, 31}, Soffici, Ardengo 109, 118 309,311,367,439 Youdine, Liev 203,222.225, 330,441
318,318, 319-320, 320,321,321, Sofronova, Antonina 438 Tlluber-Arp, Sophie 288 Vialov, Konstantine 277, 440 W alden, Herwarth 17
VUnok-Stephanos 25-27, 28 Voir Wcchsler, Mikhall 203 Youone, Konstantine 26, 39,200,218
322, 322, 323, 323, 437 Soloviov, Vladimir 354,357 Tchachnik, Ilia 203,204,325,328, 328,
Roehrberg, I. 313 Sotnik, Dane 260 330, 332, 333-334, 340, 341, 342, 439 aussi La Guirllllule et Stqhanos Weil, Kurt 292
Viertov, Dziga 323 Wercfkin, Marianne 14-15, 17, 25, 56,
Roerich 35, 183, 218 Soudelkine, Sergueï 35, 183, 194 Tch6khonine, Serguer 35, 197, 218- Zack. Liev 173,441
Rogovine, Niltolaî 79, fr7, 437 SouI6tine, Niltolaî 203, 204,225,325, Vilttorov, P.N. 306 59, 71-74, 79-80, 128,142,440
219 Zadlcine, Qssip 14
Rojdestvienski, Konstantine 199-200, 330,332,332,340, 341-342, 342,438 Tch6khov, Antone 15, 56 Vinogradova, É6na 216 Wilde, Oscar 189, 191
Vionogradov, Pavel 252 Williams, Piotr 220 Zdan6vitch, Ilia (dit Iliazd) 32, 38, 44-
218, 225, 325, 437 Soulthovo-Kobyline, Alexandre 294 Tch6kryguine, Vassili 48, 191,354, 45, 48-49, fr7, 177,180,315,316,
Romanov, Boris 306 Soulimo-Samono, Vs6volod 357 Vivier aux juges 181 W0lflin, Heinrich 80,241
439 358,441
Vkhoutlw 202, 217 Worringer, Wilhelm 15,128,351
Romanovitch, Sergueî fr7 Spandikov, tdouard 184,438 Tch6lichtchev, Pavie! 439 Zdan6vitch, Kirill 38, 44, fr7, 315,441
Rose bleue (la) 24, 38, 71, 71,218 Spath [Ch~t), Gustav 209 Tchernilthov, Yaltov 439 Vkhoutlmas 202, 209-210, 211, 21 t,
21~218, 220,261,309, 311 Zimina-Hirsch 199
Roten, Eberhard 122 Spilliaert, l..ion 67 Tchernychevski ,Nikolaï 18, 19 Zorved 223, 345
Rothe!, H.K. 74 Stael, Nicolas de 126 Tchervinka 203 Vlaminck, Maurice de 16, 55, 65 Y altoulov, Georgca 23, 26, 30-32, 44,
Rothko, Mark 143-144 Stanislavski, Konstantine 183, 295, Tchitchagova, Galina 216, 439
Rouault, Georges 16, SS 297,303 Tchitchagova, Olga 216
Roublev, St Andr6î 69 Staritsky, Anna 180 Tchitch6rine, Alexeï 182, 315-316, 317
Rouaeau, Henri (dit le Douanier) 17, Steiner, Rudolf72 T6rentiev, Igor 358,439
44,SS Stenberg, Gu6orgui 208, 247, 239, Thl4tre de Chambre de Moscou 110,
Rozanov, Vassili 129 260, 266, 269-270, 274, 275, 275, 183, 185, 189, 251-252, 275, 278,
Rozanova, Olga 6, 10, 27, 64, 77, 84, 276,276,278,281,286,291,292, 281-292
86-87, 97, 98, 98, 99,116,117, 117- 292, 294, 322, 323, 438 Thldtre de Chambre juif de Moscou
118, 127, 135-136, 143, 144, 144, Stenberg. Vladimir 208,239,247,260, Voir Gossiet
147,150,160,162,174,178, 179, 266, 269-270, 274-275, 277, 278, Toison d'Or (la) 16, 29-30, 38, SS, 69
180,180,194,195,195,197, 199, 281, 286, 291, 292, 292. 294, 322, Tolstot, Alexeï 89, 129, 149, 2fr7, 354,
204,218,244,330,437 323,438 396
Rubinstein, Ida 191 St6panov, N. 180 Tomachevski, M.M. 184
RUhle, Jürgen 229 St6panova, Varvara 206, 208, 220, Tourgu6niev, Ivan 149
Ruuolo, Luigi 94, 97 244-245, 269, 286, 294, 306-308, Tramway V 17, 88, 118, 158, 159, 162,
314,315,319,438 169
Stephanos 22, 23-24 Voir aussi La Tr6tialtov 295
SA311 Guirlande et Vitnok Triangle (le) :z&.27
Sac:bine, Andreï 357,359 Stercnberg, David 17,197,210, 218- Triaskine 220
Sagaîdatchny, levh~ne 184 219,236,261,362,363,438 Troubetskoy, Paolo 200, 237, 238
Salmon, Andr6 108 Sterligov, Vladimir 225,330 Tsv6taîeva, Marina 106
Sarabianov, Dimitri 71,307 Stravinsky, Igor 44, 50 Tugcndhold, lakov 23, 36, 64, 91, 190,
Sariane, Martiros 17, 29-30, SS, 61, 71, Strigaliov, Anatoli 164,168,248 440
218,438 Strindberg, August 127 Tychler, Alexandre 220
Satie, tric 288 Strzcminski, Wladislaw 218,330,438
Sauguet, Henri 300 Studio du lmpraslonuta (le) 30
Saunnier 312 Sturm (Der) 288 Umansltij, Konstantin 258
Schelling. Friedrich von 72 Supnmus 144, 146-147, 149, 157 Union th la Jeunuse (l') 10, 30, 64,
Schlemmer, Oskar 188 Survage [StUrzwage], l..iopold 5, 14, 77-79,84-88,90, 125, 183-184
Schmidt-Rottluff, Karl 71 23, 131, 150-151, 439 Union du Artistu russes 218
Scholem-Alejchem 303 Svomœ 197-198, 199, 200, 202, 202,
Sch0nberg, Arnold 128 204, 210, 261, 330-331
Schreyer, Lothar 20 Syrkina, Aora 184 Vakhtangov, Evgu6ni 281,297,303,
S6migradova, A. 194 440
S6mionov, A.181, 181 Valtt de Carrtau (lt) 30, 33, 39-40, 56,
S6r6brialtova, Zinaîda 26 Talrov, ThMlre de Voir aussi Thldtre 57, 58-61, 63-66, 70, 71, 74, 78-79,
S6rov, Valentin 24 th Chambre th Moscou 81, 84, 88-89, 91, 94, 110. 122, 130,
S6v6rianine, Igor 174 Talrov, Alexandre 110, 184, 185, 189- 138, 143, 147, 183, 191,200.218
Severini, Gino 94, 97 190, 199, 281-282, 284, 289-290, Valtat, Louis 16
Shaw, Bernard 282,291,296 301,438 Van Dongen, Kees 16, 55, 59, 74, 79
Sidorina, tl6na 269 Taraboultine, Nikolaî 55, 174, 439 Van Gogh, Vincent 19, 25, 29, 55-56,
Sienkine, Sergueî 438 Tatline, Vladimir 9, 12, 16, 20-21, 39, 66, 71, 78, 86, 88,124,205,351
Signac, Paul 17, 29, SS, 152 39, 40, 46, 46, 47, 65, 70, 70-71, 79- Varlikh, Hugo 234
Siniakova, Maria SO, 53, 53, 54, 54, 80, 84, frl-88, 90-93, 102, 110, 137- Vasnetsov, Youri 366
fr7, 438 138, 140, 143, 147, 153, 158, 158- Vassilieff, Marie 14, 102, 102, 139,440

474
TABLE DES MATIÈRES

Le rayonniame abstrait 136


Table des matières Le suprématisme et le groupe Supremus 140
Malévitch 140
Olga Rozanova 143
Ivan Klioune 144
Mikhail Mienkov 14S
Ivan Pougny 146
Le groupe Supremus 146
Quelques tentatives isolm ISO

Chapitre S : LES RELIEFS 153

TableaWI, bas-reliefs 1S3


Assemblages de matériaux 163
INTRODUCTIO Les reliefs d'objets 169
5
Chapitre 1 : LE ÉO-PRIMfflVISME 23
Cupitre 6: LES ARTS PPLIQU AVANT 1917 173
L'6criture à la main r, 173
Primitivisme et dessins d'enfants 30 Les livres futuristes
Orient-Occident Les peintres de gauche et le théâtre 182
31 191
Le primitif populaire 32 Le loubok patriotique
Le primitivisme russe à Munich et à Paris 33
Gauguin : la recherche Chapitre 7 : L RÉORG IS TIO DU SV TÈME
de la simplification et de la synthbe ARTI TIQUE PR LE RÉVOLUTIO DE 1917 197
36
Le loubok et le rejet de la perspective scientifique 38
La trivialité de th~mes et des moyens Bouleversements. Les Svomas 197
38 203
La structure primitiviste et l'art de gauche 39 L'Ounovis de Vitebsk (1919-1923)
L'enseigne de boutique 42 L'lnkhoulc (1920-1924),
La campagne et la ville Le Rakhn (1920-1924), Le Gakhn (1923-1928) 206
48 209
Natalia Gontcharova 49 Les Vkhow~mas (1920-1928) et le Vkhoutl'tne (1929-1930)
Paviel Filonov La faculté ouvri~re (1920-1930) 217
51 218
Maria Siniakova 53 Le muxe de la Culture picturale de Moscou (1919-1926)
Le muxe de la Culture artistique
Chapitre 2 : LE CÉZ lSME FAUVE RUSSE S6 de Pétrograd (1919-1924),
Le Ghinkhoulc de Uningrad (1924-1926) 221
Le Valet de Carreau S6
Dans le sillage du Valet de Carreau 66
Malévitch 66 Chapitre 8: LES DIFFÉR NTE FORMES
DE L'AGIT TIO POLfflQUE APRES 1917 227
Tatline 70
Les • Russes de Munich • et les• Fauves de Russie ,. 71 227
La propagande comme moyen d'éducation
Les grands spectacles en plein air 230
235
Chapitre 3: LE CUBO-FUTURI ME 77 Les peintres dans la rue

L'Union de la Jeunesse 77 239


Surface et facture 79 Chapitre 9: LE PRÉ-CO TRUCTIVI ME
Débets, polémiques 239
et expérimentations à Saint-Pétersbourg 81 L'art sans-objet
Triomphe de l'abstraction um-objet 239
Création contre imitation 86 242
Triomphe du cubo-futurisme 87 Rodchenko contre Malévitch
La ligne comme principe plastique de bue 247
Le cézannisme géométrique 90 249
Le cubisme analytique 96 Yakoulov et le Café Pittoresque
La Tour à la Ill• internationale de Tatline 252
Le cubisme synthétique 102 253
ynthtse çUbbme-futwiamc 105 Les trois m~les de la Tour
Un projet-ossature à viak fonctionelle 254
Synth~ cubisme-futurisme-alogisme 114 255
Synth~ cubisme-futurisme-suprématisme 121 La maquette de 1920 : la spirale
Quelques projets d'autres artistes 259
Le Manifeste naliste
et l'œuvre de Pevsner et Gabo entre 1915 et 1922 260
Chapitre 4 : 0 •FIGUR TIO ET AB TRACTIO 123 263
Contre les tén~bres de l'abstraction
Quel réalisme ? 264
Le symbolisme et le mod~le musical 124 264
Larionov et le rayonnisme 131 L'espace et le temps comme visées créatrices
Portée des propositions de Pevsner et Gabo 266
Le rayonnisme réaliste 133

476 477
TABLE DES MATIÎ!RES

Cbapltre 10: LE CONSTRUCTIVISME 269

Les « constructions ,.
Crédits photographiques
269
Les constructions spatiales de Rodtchenko 270
M~ouneski, Vladimir et Gu6orgui Stenberg 274
Karl loganson 278
Gustav Klucis 278
Le thtltre constructiviste 281
Le Th~ltre de Chambre de Taîrov aprà 1917 281
Gtor,a Yakoulov 282
Aluandra Exkr 285
Aluandre Vanine 288
La frira Srenber, Artephot-A.Held, Paris : planche 48, 70h-b ; Studio Bas- planches 16, 19 ; Courtesy Modemism Gallery, San-Fran-
291
Le th~ltre de Meyerhold 292 set, Lyon : 58h; Berlinische Galerie : 120; Biblioth~que cisco : planche 88 : 1995, the Museum of Modern Art,
Autres e~riencea de th~ltre « prol~tarien ,. 295 Nationale de France, Paris : 176, 187, 232, 233, 299, 306; New-York : planche 44b ; Photo. Andr~ Morain:
Les Ballets russes de Dhiaghilev 298 Muste Boymans-van Beuningen, Rotterdam : 72 ; planche 13 ; Clicht Muste National d'Art Moderne,
Les tMltres juifs de Moscou 303 Alexandre Burkatovski Bildarchiv, Rheinbollen: 36, 94; Paris : 28b-d, 42h, 43h-g. 44, 68b, 73, 75b, 112, 128, 139,
Autres manifestations du tMltre constructiviste russe 305 Photo Cauvin, Paris : 75h, 108b; D.R. : 24, 40h, 53, 67, 74, 146, 151, 154h-d, 250,276, 277h-d, 327, 337, planches 1, 2b,
Les arts appliqu~ 306 82-83, 93, 94g, 96, 98, 104, 108h, 114, 115, 116, 124, 125, 6, 14, 21, 37, 42b, 43, 52, 56h, 96; M~e National du Pays
Le textile 306 126, 136, 137, 142h, 156h, 158, 162, 163, 164, 165,168, 182, de Galles, Cardiff : 107 ; M~e National Russe, Saint-
L'ameublement 308 188, 189,194,203,217,241,243,246,259,260, 277h-g. 319, Petersbourg: planches 2h, 36, 87, 95; M~e Thysen-Bor-
L'architecture 309 325, 338, 342h, 346, 347, 364h, 36Sd, 367, planches 8, 20, nemisza, Madrid : 99, 117b, 132h, 332b, 333h-g, planches 5,
Photomontages, typoaraphie, livres, affiches 314 22, 23, 24, 29, 32, 41b, 46, 49, 53, 54, ,55, 56b, 57, 68, 81 ; Norton Simon Art Foundation, Pasadena : 11 lh,(M
Recherches typogr11phiques 315 70h,72, 74, 76, 78, 75, 79 ; Edim~dia, Paris : 27b, 63, 100m, 1967 11.P.); Roger-Viollet, Paris: 206h, 227, 228b, 229g,
Le photomontage 318 planche 7 ; Edim~dia/Snarck : 27h-d, 39b ; Archives Flam- 237h-d ; Rheinisches Bildarchiv, Cologne : 25h, 42b-d,
La photographie 320 marion : 12, 13, 22, 25b, 27h-g, 28h, 28b-g. 37, 39h, 41, 42b- 133b, 159g, 244, 2nb, 318g. 321, 348h-d, planches 27, 28,
L'affiche 322 g, 43h-d, 43b, 45, 46b, 48, 50, 51h, 52, 57, 58b, 59, 62h, 65b, 69; Scala, Antella : 51b, 62b, 6Sh, 242b, 358b, 359, 363h-d,
66h, 68h-d, 70, 94d, lOOg-d, 101, 105, 106h, 109, 110, 111, planches 11, 18, 73, 84, 91, 93 ; Staatsgalerie, Stuttgart :
Chapitre li: L'OUNOVIS 325 119, 127, 130, 131, 133h, 134, 135, 142b,143h, 145, 147, 148, planche 39 ; Stedelijk museum, Amsterdam : 40b, 69b, 90,
Les architectones 149, 150, 154h-g. 154b, 155, 156b, 157, 160h-g, 160b, 161, 91, 97, 103, 329, planche 15 ; Fondation Thyssen-Bome-
327 181,184,186,190,192, 193,195,198,199,200,202,205, misza, Lugano : 102, 349 ; Galerie nationale Trttiakov,
Les ~lhes de Maltvitch 330
Le cas Lissiu.lty 206b, '1JI1, 210, 211, 212, 214, 215, 216, 222, 223, 224,228h, Moscou : 23, 46h, 60, 106b, 117h, 144, 159d, 160h-d, 334,
336
Le design 111pr~matiste de l'Ounovts 229d, 234,235,236, 237h-g, 240,242h, 245,247, 248,251, planches 26, 30, 40, 42h ; Victoria and Albert Museum,
340
252,253,254,256,257, 258,262,263,265,266,267,270, Londres : 185, 332h ; Association Vu-An, Moscou : 68h-g,
Cbapltre 12: L'ÉCOLE DE MA TIOUCHI E 271, 272, 273b, 275, 278, 279, 280, 282, 283, 284, 285, 287, planches 3, 4, 10, 25, 31, 33, 34, 35, 41h, 47, 50, 51, 6Sb, 66,
345
288,289,290,292,293,294,295,296,297,298,300,301, 67, 70b-g, 71, 85; Copyright A.D.A.G.P. 2007.
Chapitre 13: L' COLE DE FILONOV 351 303, 304, '3ff7, 309,310,312, 313,316,317,317, 318d, 320,
322, 323 ; 326, 328, 330, 331 , 333h-d, 333b, 336h-g, 339,
CO CLU 10 361 340, 341 , 342b, 348h-g, 348m, 348b, 352, 353, 356, 358h,
362, 363h-g. 363b, 364b, 365g. 366 ; planches 9, 12, 38, 44h ,
ANNEXES 367 45, 60, 61, 62, 63, 64, 65h, n, 80, 82, 83, 86, 89, 90, 91 ; Har-
Notes 369 lingue-Viollet, Paris : 308 ; Leonard Hutton Galleries,
Chronologie 396 New-York : planche 17 ; Bemd Kirtz B.F.F., Cologne:
Biographies 426 273b ; Documentation Leclanche-Boul~. Paris : 47, 132b,
Glossaire 442 175, 1n. 178, 179,180,335, 336h-d, 336b, planches 13, 58.
Bibliographie ~lective 455 59 ; Galerie im Lenbachhaus, Munich : 34, 35, 66b, 95,
Index 470

479
ac: 1 VU I L 1-\1'\I
-
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~
V,

L'avant-garde
russe
La somme de Jean-Claude Marcadé sur l'avant-garde russe, construite sur
une documentation de première main. s'est désormais affirmée comme
l'ouvrage de référence sur le sujet.

Russologue distingué, traducteur de Malévitch en français, Jean-Claude


Marcadé est un connaisseur averti des écrits et des archives des artistes
russes entre 1890 et 1930. La fresque qu'il nous donne ici des grands mouve-
ments artistiques de l'avant-garde russe de 1907 à 1927 - néoprimitivisme,
cézannisme, fauvisme russe, cuba-futurisme, première abstraction, supré-
matisme, constructivisme, école de Matiouchine, école de Filonov - restitue
systématiquement ces derniers dans le contexte des problématiques
et des polémiques des milieux artistiques du début du xx• siècle, des
applications multidisciplinaires de chaque tendance (livres, théâtre. imagerie
populaire, design) et des aléas de la réorganisation du système artistique
après la Révolution de 191 7.

Les annexes de l'ouvrage, importantes, comprennent les notices biogra-


phiques des principaux artistes, une chronologie des événements politiques
et culturels, un glossaire des termes russes, des mouvements et des revues,
ainsi qu'un index.

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Jean-Claude Marcadé est directeur de recherche émérite au C.N.R.S. Il a traduit
de nombreux textes de Malévitch, auquel il a consacré en / 992 une monographie
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qui fait autorité. =<X)
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Prix France : 35 € TTC

Flammarion ISBN : 978-2-0812-0786-8

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