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Séquence – Modernité poétique ?

Définir la modernité
La Belle Époque, entre mythe et réalité
L’expression « Belle Époque » est apparue en 1919 pour qualifier les années précédant la Première guerre
mondiale, de 1890 à 1914. Elle témoigne de la nostalgie d’une période considérée comme heureuse et
brillante par rapport au traumatisme de la guerre de 1914-1918. Or les historiens ultérieurs ont fait la part
de l’idéalisation en montrant que ladite « Belle Époque » ne le fut pas pour tous ni à tous points de vue.
Elle connut de grandes inégalités sociales et régionales, la précarité des ouvriers et des paysans, un déclin
démographique qui ternissent définitivement cette image idyllique.
Ces années qui correspondent globalement à la vie de Guillaume Apollinaire furent toutefois marquées par :
• La stabilité politique liée à un consensus autour du système parlementaire et de l’idéologie de la IIIème
République et ce malgré les déchirements liés à l’Affaire Dreyfus et à la séparation de l’Église et de
l’État.
• Une relative prospérité économique qui profita essentiellement à la grande bourgeoisie mais aussi
aux petits épargnants.
• Un réel essor des grands progrès scientifiques avec l’élaboration de la théorie de la relativité
d’Einstein, le développement de l’électricité, des moyens de transports modernes (automobile,
aviation), des innovations architecturales (Tour Eiffel), l’invention du phonographe puis du cinéma...
• Le rayonnement de Paris, véritable capitale culturelle, vitrine de la modernité et des avant-gardes
artistiques (succès des expositions universelles de 1889 et de 1900).
• L’effervescence dans le monde des arts et des lettres avide de nouveauté comme en témoignent les
expressions « Art nouveau » ou « Esprit nouveau ».
• La naissance d’une culture de masse.

L’effervescence artistique
La Belle Époque est une période d’effervescence et de mutation dans le domaine de la création artistique.
Parallèlement à la permanence de l’art académique les mouvements novateurs se multiplient et les noms en
–isme fleurissent en peinture, musique, littérature et architecture. Ces artistes aux origines européennes
diverses se fréquentent dans des lieux cultes tels le Bateau-Lavoir à Montmartre ou la Closerie des Lilas à
Montparnasse. La notion de représentation déjà remise en cause par les impressionnistes des années 1880,
va être radicalement bousculée par deux courants picturaux essentiels.
• Constitué à partir de 1905 autour du peintre Matisse, le fauvisme regroupe des artistes comme Derain,
Vlaminck ou Dufy (amis d’Apollinaire) qui emploient des couleurs violentes à forte valeur expressive,
parfois sans rapport direct avec les tons réels des paysages ou des personnages représentés.
• Le cubisme, apparaît quelques années plus tard sous le pinceau de Picasso, de Braque ou de Gris,
également très proches d’Apollinaire. Ce mouvement remet plus radicalement en cause la tradition
picturale héritée de la Renaissance en utilisant des formes géométriques pour représenter simultanément

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les différentes faces d’un objet ou d’un personnage. Inspiré par l’œuvre de Paul Cézanne et par « l’art
nègre », le cubisme fut le précurseur des divers courants modernes de l’abstraction.

Célébration de Paris, Matisse. Les Demoiselles d’Avignon, Picasso

Qu’est-ce que la modernité ?


Les termes « mode », « moderne » et « modernité » sont tous trois issus du même étymon latin « modus »
désignant la « mesure » au sens spatial d’abord puis moral et musical. Le mot caractérisa par la suite la
« manière de se diriger » puis plus généralement la manière de faire, la façon.
La « mode » désigne l’engouement pour certains styles de vie mais aussi les tendances vestimentaires.
L’adjectif « moderne » est apparu au XVe siècle pour désigner ce qui était actuel par opposition à l’ancien.
Dans le langage historique on évoque « Les Temps modernes » ou « l’art moderne ». En ce qui concerne le
terme « modernité », il apparaît sous la plume de Balzac, en 1823, pour désigner ce qui est moderne en
littérature et en art. Il deviendra avec Baudelaire un véritable concept.
« Moderne » et « modernité » s’opposent donc à ce qui relève de l’ancien, de l’antique et du classique.

La modernité baudelairienne
Selon Baudelaire, l’artiste moderne cherche à « tirer l’éternel du
transitoire » en saisissant tout ce qui paraît fugitif et éphémère dans le
moment présent pour en faire une œuvre capable de traverser les temps. Il
propose ainsi une conception dualiste de la Beauté.
Leiris se réfère au texte fondateur de Baudelaire en associant les notions
paradoxales de « modernité » et « d’éternité », deux « pôles » que l’artiste
finit par « superposer » après avoir « oscillé » de l’un à l’autre. La poésie et
l’art en général ont pour lui un goût d’éternité en ce qu’ils procurent
l’impression ou l’illusion d’échapper au temps et à la finitude, d’adopter une
perspective libre de toute contrainte spatio-temporelle.
Leiris rejette une conception de la modernité qui se confondrait avec l’idée
d’être « à la mode » ou « à l’extrême pointe de son époque », et ne serait
qu’une preuve de snobisme.

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La conception rimbaldienne
Selon Rimbaud, le poète doit se faire « Voyant », il doit risquer une expérience des
limites, accepter le « dérèglement de tous les sens » jusqu’à la folie, pour arriver à
« l’inconnu » et à l’invention d’une langue radicalement nouvelle, inouïe. La poésie se
conçoit toujours en mouvement et en avance sur son temps. La métaphore du poète
« voleur de feu » renvoie à la figure mythique de Prométhée et symbolise à la fois la
puissance créatrice et l’audacieuse révolte contre toutes les traditions et les conventions.

L’ « Esprit nouveau » selon Apollinaire


En novembre 1917 Apollinaire, alors considéré comme chef de file de l’avant-garde, est invité à donner
une conférence, intitulée « L’Esprit nouveau », au théâtre du Vieux-Colombier sur la poésie nouvelle. Ce
discours, chargé de revendications patriotiques de circonstance comporte les idées majeures d’Apollinaire
en matière d’esthétique :
• La valorisation de la surprise, ce « grand ressort nouveau ».
• Le caractère aventureux et prophétique de la mission assignée au poète qui, par l’imagination, crée des
réalités nouvelles que les « inventeurs » pourront éventuellement réaliser par la suite.
• Le quotidien comme source d’inspiration poétique.
• L’exaltation du progrès scientifique et technique et du modernisme incitant les poètes à rivaliser avec
les savants afin de « machiner la poésie comme on a machiné le monde ».
• La célébration de nouveaux moyens d’expression (phonographe et cinéma).
Apollinaire emprunte certains aspects de sa conception esthétique à ses prédécesseurs. Ainsi, l’importance
qu’il accorde à la « surprise » et au « moindre fait » du quotidien évoque Baudelaire et ses propos sur le
« fugitif » et le « contingent ». Par ailleurs, comme Rimbaud, Apollinaire attribue aux poètes une mission
prophétique. Toutefois loin de prôner la rupture et la révolte, il établit au contraire une continuité entre
Esprit nouveau et tradition.

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« Bergère ô Tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce matin »

La Tour Eiffel est inaugurée le 31 mars 1889, en avant-première de l'Expostion universelle de Paris qui commémore
le centenaire de la Révolution française. Elle devient ensuite, contre toute attente, le symbole universel de la capitale
française.

Le « père » de la Tour Eiffel est un ingénieur centralien très représentatif de son temps. Il voit
dans le fer le matériau de l'architecture du futur. Il crée sa propre société en 1867, à 35 ans, et
met au point des structures métalliques en forme de treillis, qui allient légèreté, souplesse et
résistance. Homme d'affaires habile, il réalise des viaducs au Portugal comme en Auvergne. On
lui doit aussi la gare de Budapest, en Hongrie... mais aussi la structure de la statue de la Liberté!
Gustave Eiffel est donc déjà un ingénieur de grand prestige quand le gouvernement décide de
célébrer le centenaire de la prise de la Bastille par le biais d'une Exposition universelle sur
l'esplanade du Champ-de-Mars, au bord de la Seine.

Les organisateurs lancent dès 1884 l'idée d'une tour de 1000 pieds, soit environ 300 mètres, symbole de la grandeur
retrouvée de la France et de la bonne santé des institutions républicaines.
D'emblée, les détracteurs s’avèrent nombreux. Le 14 février 1887, Le Temps publie un manifeste de protestation
signé par des personnalités du monde des arts et des lettres parmi lesquelles Leconte de Lille, Guy de Maupassant,
Alexandre Dumas fils, Charles Garnier, Sully Prudhomme, Paul Verlaine...
En dépit de ces oppositions, la tour est construite en 2 ans, 2 mois et 5 jours... sans aucun accident mortel.
Le succès populaire est immédiat. Pas moins de deux millions de visiteurs font l'ascension de la tour pendant la durée
de l'exposition, soit à pied soit en empruntant les ascenseurs eux-mêmes révolutionnaires pour gagner les deuxième
et troisième étages. Prévue pour être détruite après l'exposition, la Tour Eiffel devra sa survie à l'installation à son
sommet, par Gustave Eiffel lui-même, d'une antenne destinée à relayer les premières émissions de radio vers les
Parisiens.

Guillaume Apollinaire devient un fervent défenseur de la Tour Eiffel.


Il l’évoque dans « Zone » qui ouvre le recueil Alcools mais aussi dans
Calligrammes. Guillaume Apollinaire fait de la Tour Eiffel un calligramme
nationaliste lié à la situation historique.
Le monument y est présenté comme un symbole de la force de la France devant
l’ennemi allemand. La tour Eiffel tire la langue aux Allemands.

« Salut monde dont je suis la langue éloquente que sa bouche


Ô Paris tire et tirera toujours aux Allemands ».

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