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À l'aube du XXe siècle, chacun se pâme pour l'Art Nouveau, caractérisé par les lignes

courbes, l'influence de la nature et la fureur de vivre. Surnommé « style nouille » par les
fâcheux, on peut toujours admirer ses formes ondulées à l'entrée de nombre de bouches de
métro parisiennes signées Hector Guimard.

Mais les meilleures choses ont une fin : avec le choc de la Première Guerre mondiale,
fini les petites fleurs et les libellules d'autant que les artisans d'art susceptibles de les créer ont
été fauchés dans les tranchées !

Dès avant le conflit, les artistes ont amorcé le tournant de la révolution industrielle et
scientifique.

C'est le triomphe de la ligne droite, jusque-là absente de l'art occidental. Elle apparaît dans les
beaux-arts avec le « cubisme » et les débuts de l'abstraction. Elle s'impose dans l'architecture
et la décoration d'intérieur, en conformité avec les canons de l'industrie et de la production en
grande série... et même dans la mode féminine. Le minéral - métal, verre et béton - supplante
l'organique. La littérature rompt aussi avec l'ordre naturel en s'orientant vers le « surréalisme
» et la psychanalyse.

Un monde résolument nouveau est en gestation et l'Art Déco en est l'illustration au quotidien.
Notons que malgré son unité, ce style ne trouva un nom qu'en 1968 ! Il fut baptisé en
référence à l'Exposition de 1925 et aux arts décoratifs qui, opposés aux beaux-arts (peinture,
sculpture...), travaillent à embellir les intérieurs.

Un long chemin vers la modernité

Les objets quotidiens sont mortels ! Adorés un temps, ils sont relégués au grenier, voire à la
décharge, l'année suivante. Le style de vie et les techniques y sont pour beaucoup.

Ainsi, du sol au plafond, les occasions d'ajouter une touche d'agrément se sont multipliées au
fil des siècles jusqu'à susciter des arts qualifiés de « décoratifs ».

En Europe, ils remontent au Moyen Âge, lorsque les cours itinérantes ont commencé de
s'entourer de meubles élégants, souvent inspirés des productions religieuses. Ce fut le début
de la spécialisation : d'un côté le créateur, de l'autre l'artisan.

À ce jeu, la France se montra particulièrement douée au point d'influencer durablement les


modes : après François 1er inspiré par la Renaissance italienne, Louis XIV rayonna sur toute
l'Europe avec un style classique devenu support de propagande. Louis XV et la rocaille, Louis
XVI et le néo-classicisme ou encore Napoléon III et le style pompéien, chaque souverain
imposa ses goûts.

Après l'Art Nouveau, d'essence républicaine et bourgeoise, la fin de la Grande Guerre entraîna
une révolution des moeurs.

La bourgeoisie fut gagnée par une frénésie de joie de vivre et de plaisirs : « Années
folles » en France, « Roaring Twenties » aux États-Unis... Les femmes, qui avaient gagné en
autonomie, comptèrent en profiter elles aussi. Place à la radio, au sport et aux balades en
voiture ! Le tout au rythme du jazz accueilli avec enthousiasme du côté de Montparnasse
qu'envahissaient les Américains fuyant la Prohibition.

Paris retrouva son attractivité de la « Belle Époque » et redevint le centre du monde, l'endroit
où créateurs de tous ordres devaient se retrouver. L'imagination était à la fête avec les
surréalistes.

Bien que cette exubérance ait été mise à mal par la Crise de 1929, le monde de l'Art
poursuivit sur sa lancée jusqu'à la Seconde Guerre mondiale. L'Art Déco, qui s'épanouit dans
ces années-là, y puisa une inventivité sans limites (...).

Aussi étonnant que cela puisse paraître à d’aussi éminents lecteurs que ceux de ce carnet, j’ai
récemment réalisé que quelques personnes de mon entourage confondaient allègrement « Art
nouveau » et « Art déco ». Un petit tour sur internet me confirma que cette confusion était
suffisamment commune pour que je m’astreigne à griffonner un petit billet sur le sujet (et à
l'illustrer d'un florilège d'images).
Voici donc quelques lignes simples qui vous permettront de faire définitivement la différence
entre ces deux grands mouvements artistiques, proches dans le temps mais totalement opposés
dans le style.

L’Art nouveau est l’art de la fin du XIXe siècle et du tout début du XXe. C’est « l’art de la
belle époque ». Ce mouvement artistique qui accompagna le changement de siècle naquit en
réaction à la révolution industrielle qui transformait l’Europe en société industrielle. Il prônait
donc le retour de la nature au centre de l’Art (et de la ville).
L'Art nouveau se caractérise donc par des formes ondoyantes et enchevêtrées, des volutes, des
enroulements, des arabesques, et privilégie l’esthétiques des courbes et des asymétries. C’est
l’art de l’ornementation, des plantes, des fleurs. Cet art de l’émotion et de la sensualité
s’exprima dans tous les domaines, de l’architecture au mobilier, de la sculpture à la mode, de
la calligraphie à la joaillerie. Bien souvent, on le retrouve dans des travaux de ferronneries,
des mosaïques, des fresques ou des vitraux. Enfin, quelques-uns de ses plus célèbres
représentants furent Hector Guimard (les célèbres entrées du métro parisien), Alfons Mucha,
Emile Gallé, Louis Majorelle ou Antoni Gaudi.
Bref, si vous ne deviez retenir qu’un adjectif caractérisant cet art de la nature, retenez celui de
« pittoresque ».

L’Art déco succéda à l’Art nouveau, et vit son apogée dans les années vingt, autour de «
l’exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes » (Paris, 1925) qui lui
donna son nom. C’est « l’art des années folles ». Il naquit justement en réaction à l’Art
nouveau, en rupture avec cet art des circonvolutions que ces nouveaux artistes moquaient
comme « l’art nouille ».
Par essence, l’Art déco est donc l’art du modernisme, du propos direct et droit. C’est l’art de
la géométrie, de l’ordre, de la symétrie, de la sobriété. C’est l’art des angles, des pans coupés,
des cercles, des arrondis et des octogones, qui dans la peinture, trouva son écho dans le
cubisme. L’Art déco est l’art du retour en grâce de la technique : c’est l’art de la science, des
découvertes, des voyages (trains, paquebots, hôtels), de l’automobile, de l’aviation. Cet art «
stylisé » est souvent caractérisé par des socles, de la marqueterie, ou des luxueux matériaux de
l’époque, en provenance des colonies : des bois exotiques (l’ébène de macassar), du galuchat,
de l’ivoire, de la laque. Enfin, notez que l’Art déco, né comme un mouvement extrêmement
luxueux, devint aussi un art de crise, suite à la crise de 29. L’Art déco devint donc un art de
masse au début des années 30, utilisant un tout nouveau matériaux : le plastique. A ce titre,
l’Art déco marqua d’ailleurs la naissance du design.
L'Art déco, art de la modernité, colle avec son époque : là où l’Art nouveau vantait une
femme arrondie, bucolique et poète, l’Art déco révèle une toute nouvelle femme, longiligne,
mince, élancée, habillées à la mode, voire androgyne, en totale rupture avec la représentation
artistique classique de la femme. C’est l’art de la femme moderne, précurseur de la femme
actuelle. Parmi les artistes les plus célèbres de l’Art déco, citons Jacques-Emile Ruhlmann,
Jules Leleu ou René Lalique.
Bref, si vous ne deviez retenir qu’un adjectif caractérisant l’art déco, retenez celui que j’ai dû
répéter 10 fois : « moderne ».

Vous l’aurez compris, s’ils se sont succédé, ces deux mouvements sont radicalement
différents. Etonnamment, un siècle plus tard, on retrouve aujourd'hui encore des centaines
d'exemples de ces deux mouvements dans notre vie courante, il suffit d'y être attentif.
Certaines œuvres d’Art nouveau ou d’Art déco sont magnifiques et s’arrachent à prix d’or.
Imaginez que la semaine dernière, justement, le bureau de Louis Majorelle à lampes Daum
qui figurent ci-dessous (le 3e exemple) s’est vendu 330 000 euros à Paris, chez Sotheby’s !

Passons aux illustrations. Si d’aventure mes modestes explications n’étaient pas claires, je
gage que cette petite sélection d’images lèvera toutes ambiguïtés. La règle est simple : à
gauche, l’Art nouveau, à droite l’Art déco ! J’ai pour ma part une large préférence pour l’un
de ces deux mouvements artistiques. Saurez-vous deviner lequel ?

(si vous le souhaitez, vous pouvez cliquer sur les photos pour les agrandir)

Calligraphie

Mobilier
Sculpture (et représentation de la femme)
Verres, vases et luminaires
Architecture
Arts graphiques

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