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OBJECTIFS DU MODULE
Après l’abdication de Napoléon Ier, le 22 juin 1815, les puissances européennes se réunissent à
Vienne pour redéfinir leurs frontières et assurer leur pouvoir sur les peuples. Cette redéfinition
se fait au bénéfice des vainqueurs. L’Angleterre affirme sa domination maritime, tandis que la
Prusse et l’Autriche se partagent la Pologne en trois parties. De son côté, la Russie annexe la
Finlande et la Bessarabie. La France, elle, grande perdante de ce congrès, voit ses frontières
ramenées à celles de 1792.
Tout est sujet, tout révèle de l’art, disait Victor Hugo. C’est ainsi que le mouvement romantique
s’étend vite aux autres arts comme la peinture. Caspar David Friedrich, Théodore Géricault ou
encore Eugène Delacroix illustrent les événements contemporains et les thèmes romantiques.
La musique s’inspire des mêmes sujets. Les compositeurs – qui ne sont plus désormais sous la
coupe d’un mécène – souhaitent exprimer davantage leurs propres sentiments : leurs passions,
leurs drames, leurs rêves… Pour cela ils s’affranchissent au fur et à mesure de la sobriété des
compositeurs de l’époque dite « classique », comme Mozart ou Haydn, pour aller vers un
langage plus libre à l’image de Beethoven et Berlioz. La part belle est faite aux voix mais on
perfectionne aussi les instruments (ou on en crée de nouveau) pour permettre aux interprètes
davantage de nuances expressives ou de virtuosité. D’autre part, la musique souhaite également
servir les sentiments patriotiques et libertaires des foules, réprimés par les politiques : les
compositions s’appuient dès lors davantage sur le folklore.
Module : Théâtre Romantique/ Coordonné et Enseigné par Mme
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LA RÉVOLUTION INDUSTRIELLE
L’Angleterre est le premier pays à s’être industrialisé. Bientôt, l’Europe et la France l’imitent.
Les progrès techniques sont fulgurants et la production ne cesse de s’améliorer. Auparavant, le
travail se faisait à domicile ou dans des ateliers mais avec ces nouvelles techniques, la main
d’œuvre doit être centralisée : c’est la naissance des usines et de la classe ouvrière. L’industrie
évolue, pour se fonder sur le factory system, qui permet l’essor du système capitaliste avec sa
recherche permanente de profit. De nouvelles hiérarchies mondiales et sociales apparaissent,
réglées par deux maîtres-mots : la compétition et la concurrence.
Le développement du chemin de fer permet également à la population de voyager beaucoup
plus rapidement : les nouveaux paysages, les pays étrangers attirent.
Ainsi, dans l’Europe des années 1830-1850, le capitalisme et l’industrie ont déjà bouleversé le
visage du Vieux Continent. La géographie, la politique des états et les rêves des révolutionnaires
sont désormais conditionnés par la nouvelle économie.
Grâce aux progrès de la médecine et de l’hygiène, la France devient le pays le plus peuplé
d’Europe. On crée à Paris de grands magasins (Le Bon Marché) mais aussi de nouvelles salles
de spectacles, toujours plus grandes, avec des artistes de plus en plus virtuoses.
Usine de Terre-Noire, Saint-Étienne, par Gustave Le Gray, vers 1851-1855. Los Angeles J.
Paul Getty Museum
LA RÉVOLUTION DE 1848
En 1848, des révolutions éclatent dans la majorité des pays d’Europe. Des gouvernements
démocratiques se référant aux droits des nationalités se mettent en place. Les libéraux acclament
ce « printemps des peuples ». Un an plus tard, la révolution est partout victorieuse.
En France, les aspirations républicaines rencontrent un désir de justice sociale. Pour la seconde
fois, l’esclavage est aboli, les libertés de presse et de réunion sont garanties et, pour stopper le
chômage des ouvriers, le gouvernement met en place les « ateliers nationaux ». C’est un échec
qui accélère l’avènement de Napoléon III et du Second Empire.
Une première révolution éclate à Vienne en Autriche, puis une autre en Tchéquie. La Hongrie
s’enflamme et la répression autrichienne soutenue par les Russes y sera très violente. En août
1849, l’emprise de la dynastie des Habsbourg sur son Empire est plus forte que jamais.
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Le compositeur Giuseppe Verdi est l’un des principaux acteurs de la révolution italienne. En
1842, son opéra Nabucco soulève l’enthousiasme des Italiens avec le fameux « Chœur des
esclaves ». Le nom même de Verdi – grâce à l’expression « Viva Verdi ! » – est devenu malgré
lui un symbole de ralliement des patriotes italiens, « Verdi » étant l’acronyme de « Victor
Emmanuel Roi D’Italie ».
Daumier, grand caricaturiste français, a quant à lui révolutionné les arts. Travaillant sur le
portrait de Louis Philippe, il en fait une caricature en forme de poire en accentuant les traits de
son visage.
L’insurrection française voit Baudelaire sur les barricades, exhortant les révolutionnaires à
fusiller le général Aupick. Le poète se lance dans le journalisme avec Champfleury et Charles
Toubin en créant une feuille révolutionnaire, Le Salut public, dont deux numéros seulement
paraîtront.
PISTES PÉDAGOGIQUES
• Histoire :
- montrer l’émergence du système capitaliste à travers l’exemple de la création des
grands magasins : montrer l’émission Karambolage sur Le Bon Marché
(Extrait : https://www.youtube.com/watch?v=cWEGZl2094Y).
Réf : https://edutheque.philharmoniedeparis.fr
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Le 19e siècle en Europe n’est pas seulement marqué par l’industrialisation. De nombreux
pays, inspirés par la Révolution française de 1789, ont également connu une période
mouvementée dans la vie politique. C’est tout de même en France que les mouvements
révolutionnaires ont été les plus forts. Par contre, plusieurs soulèvements politiques ont
eu lieu en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Italie et en Grèce par exemple.
• La Restauration (1815-1830)
La Monarchie de juillet désigne le régime monarchique constitutionnel qui a été mis en place
en France après les Trois Glorieuses (trois jours de manifestations à la fin de juillet 1830). Le
roi durant cette période fut Louis-Philippe 1er. Ce dernier resta au pouvoir jusqu'à la révolution
du mois de février 1848.
Le règne de Charles X s’est terminé avec une période insurrectionnelle. À la fin du mois
de juillet 1830, plusieurs manifestants se sont réunis pour inciter Charles X à démissionner.
Trois jours d’affilée, les 27, 28 et 29 juillet, de nombreuses manifestations ont eu lieu à Paris.
Afin d’éviter des évènements sanglants, Charles X a préféré démissionné. C’est à partir de ce
moment que le droit naturel pour succéder au roi a été annulé et que la population était
souveraine.
Par contre, la bourgeoisie d’affaires souhaitait renverser la nouvelle monarchie, mais craignait
la mise en place d’un régime républicain. C’est cette bourgeoisie qui a choisit de laisser le
pouvoir au Duc d’Orléans. Louis-Philippe 1er a reçu le titre de roi de France. Il a dirigé le pays
en respectant la nouvelle charte constitutionnelle. Le début de son règne fut marqué par une
période de paix et de prospérité. Louis-Philippe jouissait d’une bonne réputation.
Par contre, à partir de 1840, le régime se fit plus sévère. C’est en effet à cette époque que
le développement industriel en France a crée une nouvelle classe sociale : la classe ouvrière
misérable. Le développement industriel a entraîné des tensions qui ont mené à des soulèvements
populaires.
La tension a grimpé dans les groupes ouvriers, causant de nouvelles émeutes populaires
en février 1848. Le 22 février, les étudiants et les ouvriers manifestaient dans les rues de Paris.
Le lendemain, la garde nationale et les petits bourgeois se ralliaient à leur cause. Le soir du 23
février, la manifestation dégénère : un coup de feu a été tiré et les soldats ont riposté. Résultat :
une vingtaine de morts.
Après ces évènements, plusieurs barricades sont installées dans la ville. Louis-Philippe refusait
d’envoyer l’armée à Paris, il a abdiqué et a quitté rapidement la capitale. Pendant ce temps, un
petit groupe de républicains a pris d’assaut l’Hôtel de ville. Pendant la nuit du 24 février, ce
groupe proclamait le début de la IIe République. Les républicains ont vainement tenté de
raviver les grands idéaux liés à la Révolution de 1789. La population était plus préoccupée par
les revendications sociales depuis l’industrialisation que par les grands idéaux philosophiques.
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D’ailleurs, au cours de l’été 1848, plusieurs autres émeutes ont eu lieu : les ouvriers sont
descendus dans les rues et ont installé de nouvelles barricades tandis que les soldats tentaient
de mettre fin à ces insurrections. Aux élections de 1848, c’est Louis-Napoléon Bonaparte qui a
été élu, sans opposition.
Pendant son mandat, le gouvernement a établi le nombre d’heures d’une journée de travail et a
mis en place des institutions stables. La décision la plus importante prise pendant
la IIe République fut sans doute l’instauration du suffrage universel.
Rapidement, les supporters de Bonaparte et ses détracteurs se sont organisés. Les républicains
ont mis en place de nouvelles barricades. Les révoltes populaires sont rapidement contrôlées à
Paris, tandis que le mouvement se propageait dans toute la France. Louis-Napoléon Bonaparte
avait réussi à ramener l’ordre dans la capitale. Le 20 décembre, le peuple a accepté le nouvel
ordre instauré par l’ancien président. Louis-Napoléon Bonaparte pouvait alors rédiger sa
nouvelle constitution. C’est le début du Second Empire.
Napoléon III a instauré un régime dictatorial au début de son règne, en contrôlant surtout la
liberté d’expression. Lentement, l’empereur modifie son régime pour opter vers un régime plus
libre et plus près d’un système parlementaire. C’est tout de même l’empereur qui contrôlait la
vie politique comme la vie sociale. Napoléon III a dû gérer le développement plus rapide de
l’industrialisation. C’est lui qui a signé un accord de libre-échange avec le Royaume-Uni, qui
a accordé le droit de grève aux ouvriers et qui a relancé l’instruction publique. C’est également
Napoléon III qui a confié l’embellissement de Paris à Haussmann. La fin de son règne est
toutefois marquée par une défaite cuisante contre les Allemands.
Pendant la guerre franco-prussienne, Napoléon III a été fait prisonnier. Lorsque les Parisiens
ont appris cette capture, ils ont aussitôt proclamé le début de la IIIe République, le 4 septembre
1870.
À l’Hôtel de Ville, les députés ont amorcé la constitution d’un nouveau gouvernement
républicain. Toutefois, la France était encore en guerre contre les Prussiens, la situation a donc
été passablement difficile puisque les Prussiens ont envahi Paris et ont proclamé l’Empire
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d’Allemagne dans le château de Versailles. Les Français ont signé l’armistice le 28 janvier
1871. Au début du mois de février, de nouvelles élections ont eu lieu : l’assemblée était cette
fois composée d’une majorité de monarchistes. Les députés élus ne savaient pas à qui offrir le
poste de chef du gouvernement: au petit-fils de Louis-Philippe 1er, au petit fils de Charles X ou
encore à Napoléon III. Finalement, le pouvoir a été remis à Adolphe Thiers.
C’est au 19e siècle que l’Italie a connu les mouvements politiques visant à unifier la péninsule
italienne. D’abord inspirés par l’Italie unie de l’Antiquité romaine, les intellectuels visaient
l’unification pour des motifs économiques et culturels. Les ambitions politiques ne sont
apparues que plus tard dans le siècle. C’est cette montée vers l’unification italienne que l’on
surnomme le Risorgimento.
Les idéaux portés par les révolutionnaires français se sont propagés dans toute l’Europe, dont
en Italie. Voyant les avancées sociales de la classe bourgeoise en France, les bourgeois de
l’Italie désiraient également accéder à une plus grande participation dans la vie politique et
économique du pays. Peu à peu, la péninsule italienne s’est modifiée, encourageant
simultanément l’essor de la bourgeoisie.
Les aspirations d’unification ont pris un virage politique autour de 1820. C’est en effet à cette
époque que des manifestants exigent une nouvelle constitution pour l’Italie. Se déclarant contre
la Restauration qui avait lieu en France, ces révolutionnaires s’inspiraient encore des idées de
la révolution de 1789. Par contre, tous ces mouvements ont été facilement réfrénés par les
autorités et le pape. Il faut également préciser que les révolutionnaires ne profitaient pas du
soutien du peuple, ce qui facilitait la répression.
En 1830, plusieurs révolutionnaires vivaient en exil. Certains avaient quitté pour la France ou
la Grande-Bretagne. Ces intellectuels profitaient donc de leur exil pour intégrer les nouveaux
modèles, en particulier celui de la France, suite aux révoltes de 1830. À leur retour en Italie,
ces intellectuels se sont donc fixé de nouveaux objectifs dont celui d'éduquer le peuple afin de
l’intégrer dans une action révolutionnaire future.
À cette époque, les groupes en faveur de l’unification italienne se divisaient en deux catégories
: les révolutionnaires plus radicaux et les intellectuels plus modérés. Les radicalistes étaient
prêts à combattre pour l’unité italienne. Pour y parvenir, ils désiraient enseigner la révolution
au peuple et fonder l’unité italienne grâce au peuple. Leur principal but était de fonder la nation
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italienne en une république unie et indivisible. Toutes les tentatives des radicalistes ont mené à
de nombreux échecs et à des exécutions.
Les intellectuels plus modérés proposaient, quant à eux, des solutions plus adaptées à a réalité
italienne, au lieu de reprendre telles qu’elles les idées des autres pays d’Europe. Les modérés
désiraient donc mettre en place une confédération présidée par le pape, en écartant la solution
révolutionnaire.
La révolte de 1848
Alors que les deux mouvements émergeaient dans la société, c’est la solution révolutionnaire
qui a été mise de l’avant. En effet, tentant encore une fois d’obtenir ce qu’ils désiraient par la
révolution, les radicalistes se sont insurgés en 1848. Par contre, le mouvement manquait de
coordination et a rapidement été arrêté par les Autrichiens.
Vers l’unification
Même si c’est en France et en Italie que les mouvements révolutionnaires ont été les plus forts,
il ne faut pas négliger les mouvements ayant eu lieu ailleurs en Europe.
Plusieurs monarques d’Europe se sont inspirés des révoltes de 1848 en France pour concéder
des constitutions à leur population. En Hongrie et en Autriche, il y a eu la création d’un
ministère autonome, la reconnaissance de l’égalité des droits, la liberté de presse et la
constitution. De plus, le suffrage universel avait été instauré pour élire l’assemblée constituante.
Réf : https://www.alloprof.qc.ca/
Biographie courte de Victor Hugo - Victor Hugo est l'un des plus grands poètes, écrivains et
dramaturges du XIXème siècle. Il est l'illustre auteur des Misérables, de Notre-Dame de Paris,
d'Hernani et des Contemplations. Passant de la poésie, aux romans, aux pièces de théâtre, il est
la grande figure du courant romantique. Déjà de son vivant, il est reconnu par ses pairs ainsi
que par le peuple français. Ses actions, tant au niveau littéraire et théâtral (rupture avec les
règles du théâtre classique, avènement du romantisme...) qu'au niveau politique et social (lutte
contre la peine de mort, pour la paix, en faveur de la condition des femmes, dénonciation du
clergé...), ont joué un rôle considérable à son époque. A l'image de La Fontaine ou de Molière,
les œuvres de Victor Hugo enrichissent le patrimoine culturel français.
Victor Hugo naît le 26 février 1802 à Besançon. C'est le dernier enfant d'une famille de trois
garçons. Son père Léopold est un général de l'Empire napoléonien. C'est surtout sa mère Sophie
qui l'élève. Alors qu'il est au lycée Louis-le-Grand, Victor Hugo semble déjà avoir une idée très
précise sur son avenir. A 14 ans, il écrit "Je veux être Chateaubriand ou rien". Le 12 octobre
1822, Victor Hugo épouse Adèle Foucher, une amie d'enfance. Deux ans plus tard, elle donne
naissance à leur premier enfant, Léopoldine. Ils auront en tout cinq enfants. Tandis que sa
femme fait de Sainte-Beuve son amant, une certaine Juliette Drouet accompagne Victor
Hugo. Plusieurs autres aventures de l'écrivain sont connues comme Léonie d'Aunet.
A 19 ans, Victor Hugo écrit et publie ses premiers poèmes, Odes. Il est alors remarqué par le
roi Louis XVIII qui lui verse une pension. Il se consacre régulièrement à la poésie au court de
carrière. Ainsi en 1829 paraissent les Orientales, les Feuilles d'automne en 1832 et Chants du
crépuscule en 1835. Plus tard, il met son exil (1851-1870) à profit et continue d'écrire des
recueils de poésie : les Châtiments (1853), les Contemplations (1856). C'est sa période la plus
prolifique. Les Contemplations restent l'un de ses plus grand succès. En 1862, la Légende des
siècles est l'œuvre de la maturité ; elle regroupe plus d'une soixantaine de poèmes.
En 1827, Victor Hugo publie la pièce de théâtre Cromwell. La préface annonce clairement sa
volonté de rompre avec les règles classiques. Hernani sera la concrétisation des nouveautés
qu'il souhaite apporter au théâtre. Cette pièce fait de lui le chef de file d'un nouveau mouvement
littéraire : le romantisme. En février 1833 est donnée la première représentation de Lucrèce
Borgia. Parmi les comédiens figure Juliette Drouet. Hugo tombe amoureux d'elle et leur histoire
d'amour durera cinquante ans. En 1838, Victor Hugo publie Ruy Blas, une pièce où l'on propose
à un valet de prendre la place d'un noble pour séduire la reine d'Espagne. Cette œuvre reçoit un
accueil mitigé.
• 1827 : Cromwell
Victor Hugo se regroupe avec quelques écrivains pour former le Cénacle. Ce cercle de jeunes
auteurs sera le foyer de leur mouvement littéraire appelé romantisme. Hugo participe au
développement de l'école romantique, en compagnie de Gérard de Nerval et Théophile Gautier.
Avec sa pièce, Hernani, Victor Hugo rompt totalement avec les règles habituelles du théâtre.
Les partisans du classicisme s'offusquent notamment que la règle des trois unités (de temps, de
lieu et d'action) ne soit pas respectée. L'affrontement entre les romantiques (les "Jeune-France")
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et les classiques (les "perruques") est violent. Ils livreront la même bataille à chaque
représentation d'Hernani. En 1841, Victor Hugo est pourtant élu à l'Académie française.
En 1828 paraît le Dernier jour d'un condamné, sorte de plaidoyer contre la peine de mort.
Trois ans plus tard, en 1831, Victor Hugo publie son premier roman historique, Notre-Dame
de Paris. Dès sa sortie en librairie, l'ouvrage connaît un très grand succès. Le public romantique
apprécie tout particulièrement l'univers du Moyen-Âge recréé à la perfection par Hugo. Claude
Gueux est publié en 1834. Dans ce court roman, Victor Hugo dénonce à nouveau la peine de
mort et les conditions inhumaines dans lesquelles vivent les détenus en France. En 1862, il
achève les Misérables, qui remporte également un franc succès auprès du public. Dans ce livre,
Hugo met en scène Jean Valjean, un ancien forçat généreux qui tente de fuir un inspecteur zélé.
• 1818 : Bug-Jargal
Sa fille Léopoldine meurt noyée en 1843 dans un accident de canotage. Cette tragédie affecte
beaucoup Victor Hugo. Certains pensent que c'est à cause de cet événement qu'il se tourne vers
la politique. Louis-Philippe nomme Victor Hugo "Pair de France" en 1845. Ce dernier démarre
une carrière politique et rejoint le camp des Républicains. Il est élu député à l'Assemblée
constituante de 1848. Il condamne ensuite le coup d'Etat du 2 décembre 1851 du Prince Louis-
Napoléon (neveu de Napoléon Bonaparte). Il est alors contraint de s'exiler en Belgique, puis
sur les îles de Jersey et Guernesey. A la proclamation de la République en 1870, Hugo rentre à
Paris où il est accueilli triomphalement. Il incarne aux yeux du peuple français la résistance
républicaine au Second Empire. Le 8 février 1871, il est élu à l'Assemblée nationale. En 1876,
il est élu sénateur. L'une de ses premières interventions est un plaidoyer en faveur d'une amnistie
pour les communards.
L'âge n'assèche pas sa plume. A 75 ans, Victor Hugo continue d'écrire et publie la Légende des
siècles et l'Art d'être grand-père (1877). Pour ses 80 ans, une foule estimée à
600 000 personnes défile devant ses fenêtres. Le 22 mai 1885, Victor Hugo meurt des suites
d'une congestion pulmonaire à l'âge de 83 ans. Le corbillard "des pauvres", comme il l'a
souhaité, emporte son cercueil vers des funérailles nationales. Sa dépouille est exposée sous
l'Arc de triomphe durant une nuit, puis portée au Panthéon. Une foule de deux millions de
personnes suit le cortège. Des délégations du monde entier ont fait le déplacement pour un
dernier hommage.
Réf : https://www.linternaute.fr
Théophile Gautier, fervent d'Hugo, nous a laissé un récit coloré de cette représentation, où il
est venu, en « brigand de la pensée », le buste moulé dans un gilet rouge impossible, taillé pour
la circonstance : « Qui connaît le caractère français conviendra que cette action de se produire
dans une salle de spectacle où se trouve rassemblé ce qu'on appelle tout Paris avec des cheveux
aussi longs que ceux d'Albert Durer et un gilet aussi rouge que la muleta d'un torrero andalou,
exige un autre courage et une autre force d'âme que de monter à l'assaut d'une redoute hérissée
de canons vomissant la mort [1] ».
Le préfet de police Mangin a voulu, pour éviter le tumulte, faire entrer les amis d'Hugo six à
sept heures avant le lever du rideau. Cette claque inhabituelle a été recrutée par l'auteur qui
exige un soutien sans faille.
Avant que les portes ne s'ouvrent, le brouhaha créé dans la rue par cette équipe de chevelus
illuminés provoque les plaintes puis la fureur du voisinage. On jette des immondices par les
fenêtres ; Balzac, qui est de la bande, reçoit pour sa part un trognon de chou sur la tête.
Une fois entrés, il leur faut tuer le temps. Déclamations, chansonnettes, plaisanteries en tout
genre se succèdent, jusqu'au moment où la faim a fait sortir des poches le chocolat, les petits
pains, le cervelas, si bien que des effluves d'ail s'ajoutent aux relents douteux de certains coins
de la salle, où les malheureux doivent se soulager, les toilettes n'étant pas encore ouvertes. La
provocation olfactive est la première que doivent subir les spectateurs qui prennent place enfin.
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Dès les premiers vers, la querelle est engagée. Gautier toujours : « Malgré la terreur
qu'inspirait la bande d'Hugo répandue par petites escouades et facilement reconnaissable à ses
ajustements excentriques et à ses airs féroces, bourdonnait dans la salle cette sourde rumeur
des foules agitées qu'on ne comprime pas plus que celle de la mer. La passion qu'une salle
contient se dégage toujours et se révèle par des signes irrécusables ».
« Il suffisait de jeter les yeux sur ce public pour se convaincre qu'il ne s'agissait pas là d'une
représentation ordinaire ; que deux systèmes, deux partis, deux armées, deux civilisations
même, — ce n'est pas trop dire — étaient en présence, se haïssant cordialement, comme on se
hait dans les haines littéraires, ne demandant que la bataille, et prêts à fondre l'un sur l'autre.
L'attitude générale était hostile, les coudes se faisaient anguleux, la querelle n'attendait pour
jaillir que le moindre contact, et il n'était pas difficile de voir que ce jeune homme à longs
cheveux trouvait ce monsieur à face bien rasée désastreusement crétin et ne lui cacherait pas
longtemps cette opinion particulière ».
La fin de la représentation, qui tout au long a été scandée réciproquement par des cris
d'indignation et des ovations, rehaussés d'échanges variés, est applaudie à tout rompre par la
jeune garde romantique, où figure notamment, à côté de Gautier, un Gérard de Nerval plus
discret dans sa mise vestimentaire que dans son enthousiasme.
La partie n'est pas jouée pour autant ; on n'en est qu'à la première. La presse du lendemain n'est
pas tendre, ni pour Hugo ni pour ses jeunes acolytes, traités d'obscènes et de républicains.
Quotidiennement, durant des semaines, une nouvelle bataille s'engage. Hugo ne lâche pas pied,
obtenant de la direction du Théâtre-Français une centaine de places pour chaque représentation ;
il y en aura en tout quarante-cinq. A la veille de la sixième, Sainte-Beuve écrit : « Nous sommes
sur les dents, car il n'y a guère de troupes fraîches pour chaque nouvelle bataille, et il faut
toujours donner comme dans cette campagne de 1814 [2] ».
En 1830 en effet les romantiques ont gagné la bataille de la poésie : Lamartine, Hugo, Vigny,
Nerval se sont imposés à la critique. Mais c'est au théâtre que se font et défont les réputations,
c'est là que l'écrivain est en prise directe avec le public, là que les passions s'exacerbent. C'est
au théâtre donc que la jeune garde romantique veut livrer sa bataille.
Hugo est chargé de l'offensive. Il s'est lancé dans un drame, Cromwell, qu'il lit acte après acte
à ses amis au cours du premier trimestre 1827. En juillet, une troupe de comédiens anglais joue
Shakespeare à l'Odéon, salle Favart, et enfin au Théâtre-Italien, où le public parisien renoue
avec un acteur extraordinaire, Edmund Kean.
Spectateur enthousiaste, Hugo est sous le choc. Le 5 décembre, il publie Cromwell, pièce
injouable en cinq actes mais dont la tonitruante préface est appelée à devenir le manifeste le
plus retentissant du drame romantique. Un drame où doivent se rencontrer le grotesque et le
sublime, contrairement à la règle classique de la séparation des genres : « Le caractère du
drame est le réel ; le réel résulte de la combinaison toute naturelle de deux types, le sublime et
le grotesque, qui se croisent dans le drame, comme ils se croisent dans la vie et dans la création
[3] ».
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Dans les deux années qui suivent, la doctrine romantique s'enrichit. Pour s'en tenir au théâtre,
Alexandre Dumas ouvre la brèche, au Théâtre-Français, en février 1829, en remportant un vif
succès avec Henri III et sa cour ; il est suivi par Casimir Delavigne, et son Marino Faliero,
présenté en mai à la Porte Saint-Martin. Victor Hugo n'est pas de reste.
Après avoir achevé son dernier recueil, Les Orientales, il est sollicité pour donner enfin une
pièce de théâtre jouable. Il se lance dans Marion Delorme, qu'il lit à ses amis du Cénacle [4] en
juillet 1829 devant Balzac, Delacroix, Dumas, Deschamps, Mérimée, Musset, Sainte-Beuve,
Vigny, le baron Taylor, administrateur du Théâtre-Français... Celui-ci est ravi de
monter Marion Delorme, mais, le 1er août, la censure tombe comme une hache sur la pièce :
interdite ! Hugo proteste auprès du ministre Martignac, qui le reçoit. En vain. L'auteur a le tort
d'avoir, en offensant Louis XIII, voulu atteindre Charles X.
Hugo s'adresse au roi lui-même. Celui-ci le reçoit en audience particulière, le 7 août, à Saint-
Cloud, mais pour lui faire une réponse dilatoire : il lira, il verra... Hugo est ensuite reçu par La
Bourdonnaye, nouveau ministre de l'Intérieur, qui lui confirme l'interdiction.
L'interdiction de Marion Delorme devient une affaire politique. Le 5 août, Le Globe titre donc
son éditorial : « Premier coup d'État littéraire » : « Le ministère fait sa voie par tous les côtés ;
il frappe la littérature et l'art, sans hésiter un seul instant, et les traite d'abord en ennemis,
comme il doit faire de tout ce qui est honorable et pur. M. Victor Hugo a eu l'honneur de
recevoir le premier coup politique dans cette guerre à mort qui recommence contre les idées ».
Hugo ne se tient pas pour battu. Marion interdite, il se lance à la fin d'août 1829 dans la
rédaction d'un nouveau drame, Hernani, nom du héros emprunté à une localité espagnole.
Puisque l'histoire de France est trop riche de correspondances avec l'histoire contemporaine, il
transfère l'intrigue de l'autre côté des Pyrénées, à la cour d'Espagne au temps de Charles Quint,
où complots et passions politiques le disputent à la tragédie amoureuse.
Le 5 octobre, Hernani est reçu au Français. Le 23, examen de la pièce par les censeurs en titre.
L'un deux, Brifaut, dans son rapport, parle d' « un tissu d'extravagances », d'« inconvenances
de toute nature », mais ajoute : « Il est bon que le public voie jusqu'à quel point d'égarement
peut aller l'esprit humain affranchi de toute règle et de toute bienséance [5] ».
Le parcours du combattant n'est pas terminé. Examen du manuscrit par le chef de la division
des belles-lettres au ministère de l'Intérieur, le baron Trouvé. Lui exige des modifications. Hugo
résiste, va voir Trouvé, discute... Les répétitions commencent.
Les adversaires des romantiques ne désarment pas, eux non plus. Des vers d'Hernani ont été
répandus, parodiés, travestis, pour déconsidérer l'auteur. On est prêt. Avant d'être joué, le
nouveau drame d'Hugo — le premier mis en scène — fait déjà fureur. Les comédiens n'y sont
pas pour rien, notamment la célèbre Mlle Mars, monstre sacré de l'heure et interprète de
l'héroïne Doña Sol, qui refuse de dire certains vers et harasse Hugo, tout comme elle a fait avec
Dumas, de ses plaintes et de ses conseils.
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Mademoiselle Mars a beau être indocile du haut de ses cothurnes, une fois la chose engagée,
elle se montre solidaire et joue au mieux. Elle en tire le bénéfice : un triomphe pour elle au
cinquième acte. Le 25 février 1830, Victor Hugo remporte la bataille d’Hernani. Plus personne
ne lui contestera le titre de chef de file de l'école romantique en France.
Revendiquer la liberté dans l'art, c'est revendiquer du même pas la liberté de la presse, la liberté
d'expression, les libertés politiques. « C'est le principe de liberté, écrit Hugo, qui [...] vient
renouveler l'art comme il a renouvelé la société [6] ». Le poète est en passe de devenir un
prophète. Avec le recul, Hernani paraît frapper les trois coups des Trois Glorieuses.
4. Appellation donnée au groupe qui se constitua d'abord chez Victor Hugo pour définir les
idées du romantisme.
Après la Révolution française, c'est toujours du côté de l'Allemagne que vint la critique, avec
l'ouvrage, précisément intitulé De l'Allemagne (1810), de Madame de Staël. Celle-ci y
établissait l'existence de deux dispositifs théâtraux en Europe : le dispositif français, sur lequel
régnait la tragédie classique, et le dispositif allemand (dans lequel elle incluait Shakespeare),
dominé par la tragédie historique[7]. Le dispositif français, expliquait-elle, par le choix des sujets
tirés d'une histoire et d'une mythologie étrangères, ne pouvait remplir le rôle qui était celui de
la tragédie historique «allemande», qui renforçait l'unité nationale par la représentation de sujets
tirés, précisément, de l'histoire nationale. Qui plus est , la tragédie classique française, qui ne
s'intéressait pas au peuple ainsi qu'à laquelle le peuple ne s'intéressait pas, était par nature un
art aristocratique, qui par là-même renforçait toujours la division sociale en la doublant d'une
division des publics de théâtre. Mais si cette division sociale des publics de théâtre était la
conséquence logique de la division sociale structurelle de la société monarchique, la grande
poussée démocratique induite par la Révolution condamnait cette division à disparaître, et
rendait du même coup caduc le dispositif esthétique qui en était l'émanation[8].
Guizot avec son essai sur Shakespeare de 1821 et en particulier Stendhal avec les deux parties
de Racine et Shakespeare (1823 et 1825) défendirent des idées identiques, le dernier poussant
plus loin toujours la logique d'une dramaturgie nationale : si pour Madame de Staël
l'alexandrin devait disparaître du nouveau genre dramatique, c'est parce que le vers bannissait
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du théâtre «une foule de sentiments» et qu'il interdisait «de dire qu'on entre ou qu'on sort, qu'on
dort ou qu'on veille, sans qu'il faille chercher pour cela une tournure poétique [9]», Stendhal le
rejetait pour son inaptitude à rendre compte du caractère français : «il n'y a rien de moins
emphatique et qui plus est naïf» que ce dernier, expliquait-il. Aussi «l'emphase de l'alexandrin
convient à des protestants, à des Anglais, même légèrement aux Romains, mais non, certes, aux
compagnons d'Henri IV et de François Ier[10].». D'autre part, Stendhal s'insurgeait contre le fait
que l'esthétique au théâtre demeurât au XIXe siècle ce qu'elle avait été aux deux siècles qui ont
précédé : «De mémoire d'historien, jamais peuple n'a éprouvé, dans ses mœurs et dans ses
plaisirs, de changement plus rapide et plus total que celui de 1770 à 1823 ; et on veut nous
donner toujours la même littérature [11]!».
La préface de Cromwell
En décembre 1827[12], Victor Hugo fit paraître à Paris un important texte théorique en guise de
justification de sa pièce Cromwell, éditée quelques semaines plus tôt, et dont l'histoire littéraire
se souviendrait sous le titre de «Préface de Cromwell». Rédigée au moins partiellement pour
répondre aux thèses de Stendhal[13], elle proposait une vision nouvelle du drame romantique.
Certes, Shakespeare était toujours glorifié, comme étant la synthèse de ces trois grands génies
que furent Corneille, Molière et Beaumarchais[14], les unités de temps et de lieu étaient perçues
comme accessoires (l'utilité de l'unité d'action était par contre réaffirmée [15]), Hugo retrouvant
l'argument de Lessing qui trouvait absurdes les vestibules, péristyles et antichambres dans
lesquels, paradoxalement au nom de la vraisemblance, se déroulait l'action de la tragédie[16].
Quant à la théorie des trois âges de la littérature (primitif, antique et moderne), elle était si peu
originale qu'on a pu la qualifier de «vraie "tarte à la crème" des littérateurs du temps[17]». Ce
qui par contre faisait l'originalité de l'essai, c'était le caractère central qu'y occupait l'esthétique
du grotesque[18] : son alliance avec le sublime en faisait le trait différentif du «génie moderne,
si complexe, si varié dans ses formes, si inépuisable dans ses créations [19]», et , puisque cette
alliance n'était pas permise par la séparation stricte des genres théâtraux dans la hiérarchie
classique, qui réservait le sublime à la tragédie et le grotesque à la comédie, cette hiérarchie,
inapte à produire des œuvres conformes au génie de l'époque, devait laisser la place au drame,
capable d'évoquer dans une même pièce le sublime d'une Ariel et le grotesque d'un Caliban[20].
L'alliance entre le grotesque et le sublime ne devait cependant pas être perçue comme une
alliance artificielle qui s'imposerait aux artistes à la manière d'un nouveau code dramatique : il
découlait au contraire de la nature même des choses, l'Homme portant en lui ces deux
dimensions. Ainsi Cromwell était-il à la fois un Tibère et un Dandin[21].
Ce manifeste du drame romantique fut diversement reçu, suivant l'âge de ses lecteurs : «il
irritait ses aînés, ses contemporains l'aimaient, ses cadets l'adoraient», explique le biographe de
Hugo Jean-Marc Hovasse [26]. Pour ces derniers, la pièce et sa préface faisaient presque figure
de Bible[27]. En 1872, Théophile Gautier se souviendrait que, pour ceux de sa génération, la
préface de Cromwell «rayonnait à [leurs] yeux comme les tables de la Loi sur le Sinaï, et [que]
ses arguments [leur] semblaient sans réplique[28].» Par contre, l'esthétique qu'elle prônait
éloignait «définitivement le Romantisme de la Société royale des Bonnes-Lettres et , partant,
du gouvernement de Charles X[29].»
Si les adversaires d'Hernani connaissaient le «lion superbe et généreux», c'est parce qu'il y avait
eu des fuites dans la presse, qui en avait publié une partie : c'était Brifaut lui-même qui, ayant
conservé une copie du texte soumis à la commission de censure, l'avait divulgué. Et, pour que
le public vît bien «jusqu'à quel point d'égarement» s'était aventuré Hugo, on lui montra des vers
tronqués. C'est ainsi, par exemple, que la réplique où dona Sol s'exclame : «Venir ravir de force
une femme la nuit !» était devenue : «Venir prendre d'assaut les femmes par derrière !»[76].
Hugo écrivit une lettre de protestation contre ce manquement si manifeste au devoir de réserve,
sans énormément de résultat[77].
Hugo n'avait pas uniquement comme ennemi les défenseurs du gouvernement réactionnaire de
Polignac : à l'autre bout de l'échiquier politique, les libéraux se méfiaient de l'ancien «ultra»,
qui avait commencé à se rapprocher d'eux à la fin de l'année 1829[78], tout en ne cachant pas sa
fascination pour Napoléon[79]. Le principal organe du parti libéral, le journal Le
National d'Adolphe Thiers, farouchement opposé à Charles X, serait l'un des plus virulents
contempteurs de la pièce[80]. D'autre part, les adversaires esthétiques de Hugo, les dramaturges
néo-classiques, étaient eux aussi libéraux[81] et ils se livraient à un travail de sape auprès des
comédiens, qu'ils entreprenaient de démotiver[82].
Nombreux étaient alors ceux qui pensaient que la pièce ne passerait pas la première, et on
s'arrachait les places de cette unique représentation[83]. Hugo, de son côté, avait réglé à sa façon
le problème de la «claque», groupe de spectateurs payés pour applaudir aux lieux stratégiques
des pièces, qui saluait l'entrée des artistes et qui était peut-être chargé d'expulser les spectateurs
turbulents. Or, la claque était composée de proches des dramaturges classiques, leurs clients
habituels, et était par conséquent peu susceptible de soutenir avec tout l'enthousiasme souhaité
la pièce de leur ennemi[84]. Aussi Hugo décida-t-il de se passer de leurs services et de recruter
sa propre claque.
L'armée romantique
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Ce groupe de plusieurs centaines de personnes fut plus tard appelé par Théophile Gautier
«l'armée romantique», dans une référence explicite à l'épopée napoléonienne :
Dans l'armée romantique comme dans l'armée d'Italie n'importe qui était jeune.
Les soldats pour la majorité n'avaient pas atteint leur majorité, et le plus vieux de la bande était
le général en chef, âgé de vingt-huit ans. C'était l'âge de Bonaparte et de Victor Hugo à cette
date[89].
Avant la première représentation d'Hernani, la «claque» fut réunie. À chacun de ses membres
fut distribué un billet d'invitation nominatif (le baron Taylor craignait que certains d'entre eux
ne fussent revendus[93]) de couleur rouge sur lequel était rédigé le mot Hierro («le fer», en
Espagnol), qui devait former leur signe de ralliement, comme il formait le cri de guerre des
Almogavares dans Les Orientales[94]. Hugo prononça un discours dans lequel étaient à nouveau
mêlées considérations esthétiques, politiques et militaires :
La bataille qui va s'engager à Hernani est celle des idées, celle du progrès. C'est une lutte en
commun. Nous allons combattre cette vieille littérature crénelée, verrouillée [... ] Ce siège est
la lutte de l'ancien monde et du nouveau monde, nous sommes tous du monde nouveau[95].
- Don Ruy Gomez da Siva, son vieil oncle, duc de Pastrania. Il a 60 ans.
- Don Carlos, le roi d’Espagne. Il sera élu Empereur du Saint Empire romain-germanique
(Charles Quint).
- Hernani, jeune amant de Doña Sol, noble banni car son père a été exécuté par le père de Don
Carlos. Héros romantique, rebelle et maudit, chef des montagnards. Il a 20 ans.
ACTE I: LE ROI
Scène 1: La gouvernante de Doña Sol, Doña Josefa Duarte, introduit par erreur Don Carlos, à
la place d’Hernani qui était attendu, par l’escalier dérobé qui mène à la chambre de Doña Sol.
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Don Carlos menace la duègne: «cette bourse ou bien cette lame». Acculée, elle choisit l’argent
et paie Don Carlos de son silence. Elle accepte de le cacher dans une armoire.
Scène 2: Doña Sol entre dans la chambre puis Josefa fait entrer Hernani. Une didascalie donne
des précisions sur son costume: «grand manteau. Grand chapeau. Dessous, un costume de
montagnard d’Aragon gris, avec une cuirasse de cuir, une épée, un poignard, et un cor à la
ceinture.», il porte l’habit typique du brigand dans les drames de l’époque. Les deux jeunes
amoureux évoquent avec anxiété le mariage avec Don Ruy, imposé à Doña Sol par décision
royale. Hernani vitupère contre le pouvoir royal qui l’a condamné à être un fils de proscrit. À
la fin d’une tirade, Hernani soumet un dilemme à sa belle: «Or du duc ou moi souffrez qu’on
vous délivre. Il faut choisir des deux, l’épouser, ou me suivre». Doña Sol n’hésite pas un seul
instant et ils planifient leur fuite au lendemain. Mais Don Carlos sort de l’armoire ce qui donne
lieu à un duel entre les deux hommes, vite interrompu par l’entrée de Don Ruy.
Scène 3: Don Ruy s’emporte «Deux hommes chez ma nièce à cette heure de la nuit!» et exige
des explications. Il fait appel à ses valets. Don Carlos quitte son manteau et son chapeau pour
que le duc puisse reconnaître son roi. Il explique sa présence de la sorte: «Mon aïeul l’empereur
est mort. (…) Je viens, tout en hâte, (…) Dire la chose à toi, féal sujet que j’aime, Te demander
conseil incognito, la nuit» et transforme ainsi son infiltration galante en visite officielle. Le duc
évoque avec le roi ses perspectives politiques en tant qu’éventuel futur empereur mais aussi le
contexte inquiétant de révolte qui sévit en Aragon, ainsi que le chef de ces «nouveaux bandits»
que sont les montagnards. Via un aparté, Doña Sol donne rendez-vous à Hernani le lendemain
à minuit. Par le même moyen, Don Carlos propose à Hernani de l’aider à fuir en le faisant passer
pour l’un de ses hommes afin que Don Ruy le laisse partir.
Scène 4: Monologue d’Hernani. Cette rencontre fortuite avec Don Carlos a réveillé en lui colère
et soif de vengeance puisque le père de ce dernier a exécuté le père d’Hernani. Il rebondit par
polysémie sur le terme employé par le roi «C’est quelqu’un de ma suite» (scène 3) «Oui, de ta
suite, ô roi! de ta suite! - J’en suis. Nuit et jour, en effet, pas à pas je te suis. Un poignard à la
main, l’œil fixé sur ta trace, Je vais! Ma race en moi poursuit en toi ta race!». La suite qu’il
donnera est donc celle de la vengeance…
Scène 1: Le roi, qui a entendu le plan des deux amants, se place, avec sa suite, sous le balcon
de Doña Sol afin de procéder à l’arrestation d’Hernani qui va arriver. Lors du dialogue entre
les courtisans, l’amant est identifié: il s’agit d’Hernani, chef des bandits. Le roi est davantage
préoccupé par l’enlèvement de sa dame.
Scène 2: Doña Sol est alarmée de voir arriver le roi, au lieu d’Hernani. Elle ose résister et
repousser le souverain par une inversion de ses paroles: «Ce n’est pas ton bandit qui te tient,
c’est le roi! Non. Le bandit, c’est vous!». Elle réussit à lui prendre son poignard et le menace.
Hernani surgit à la fin de la scène.
Scène 3: Hernani clame sa colère et son rejet du roi, qui le met au ban du royaume, par
l’anaphore «Je vous hais» scandée trois fois en tête de vers. Il évoque les raisons de sa haine:
l’amour de la même femme, mais aussi la vengeance de son père. Par souci d’honneur, Hernani
permet au roi de s’en aller et de franchir ses hommes sans risque en lui donnant son manteau.
Il se réserve ainsi le privilège de le tuer plus tard en personne.
Scène 4: Hernani écarte la fuite, trop dangereuse pour Doña Sol qui risquerait l’échafaud. Il
envisage la situation avec lucidité et lui enjoint d’épouser son oncle pour la protéger. La jeune
femme, prête à mourir par amour, se sent délaissée: «je veux ma part de ton linceul!». Le ton
d’Hernani se fait pathétique voire tragique: «Je suis banni! je suis proscrit! je suis funeste!».
Lorsque le tocsin résonne, les amants comprennent que les troupes du roi sont aux trousses
d’Hernani. Il s’enfuit.
Le château de Don Ruy, dans les montagnes d’Aragon. La didascalie initiale insiste sur la
présence d’une galerie de portraits.
Scène 1: Don Ruy est sur le point d’épouser sa nièce. Le duc multiplie les tirades pathétiques
afin de convaincre sa future épouse. Un page intervient deux fois pour annoncer l’arrivée d’un
pèlerin qui demande l’asile et la mise à prix de la tête d’Hernani suite à la déconvenue de sa
bande. En raison du devoir d’hospitalité, il fait accueillir le mendiant.
Scène 2: Le duc reçoit le pèlerin, qui n’est autre qu’Hernani. Ce dernier réussit à duper le
vieillard et à se faire offrir l’hospitalité selon les exhortations bibliques. La dernière réplique de
Don Ruy prête à sourire: «J’accueillerais Satan, si Dieu me l’envoyait.»
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Scène 3: Lorsque Doña Sol entre en robe de mariée, le pèlerin déchire sa robe et paraît en
costume de montagnard en criant le prix de sa tête et «Je suis Hernani!». Don Ruy assure quand
même la protection d’Hernani en raison du commandement divin: «Mon hôte! Je te dois
protéger en ce lieu Même contre le roi, car je te tiens de Dieu!». L’hospitalité est un devoir
sacré.
Scène 4: En tête-à-tête avec sa belle, Hernani lui reproche sa trahison et s’adonne à une raillerie
des bijoux dont elle est parée. Celle-ci sort de son écrin le poignard qu’elle avait subtilisé au roi
prouvant ainsi sa fidélité et son refus de se soumettre. Ils tombent dans les bras l’un de l’autre
dans un parfait duo lyrique mais le duc arrive.
Scène 5: Don Ruy vitupère à l’encontre des amants en apostrophant les portraits de ses aïeux
pour s’excuser de sa fureur envers son hôte qu’il considère comme «Judas». À l’arrivée du roi,
Don Ruy cache Hernani derrière son portrait, dans le mur, en actionnant un ressort.
Scène 6: Le roi ordonne qu’on lui remette Hernani. Il menace le duc: ce sera la tête du banni
ou la sienne! Don Ruy se lance dans une présentation exhaustive de l’ensemble de ses ancêtres
en s’arrêtant devant chaque tableau. Le roi, qui s’impatiente, menace de raser le château.
Lorsque Doña Sol arrive, les termes du marché évoluent: le roi laisse au duc le choix entre livrer
Hernani ou perdre sa nièce. Cette dernière choisit de se livrer en personne au roi. Don Ruy a
sauvegardé son honneur vis-à-vis de son devoir d’hospitalité mais a mis en péril sa loyauté
envers le roi…
Scène 7: Le roi s’en va avec pour otage Doña Sol. Don Ruy veut régler ses comptes avec
Hernani qu’il fait sortir de sa cachette. Ce dernier refuse le duel et accepte de mourir s’il entend
encore une fois la voix de Doña Sol. Le duc lui raconte ce qui s’est passé, Hernani s’emporte
puis suggère une alliance contre le roi pour sauver Doña Sol. Don Ruy accepte de conclure ce
pacte en échange de la vie d’Hernani: lorsque le duc sonnera le cor confié par Hernani, ce
dernier se résoudra à la mort.
En juin 1519, à Aix-la-Chapelle, dans les caveaux qui renferment le tombeau de Charlemagne.
Scène 1: Avec ses partisans, Don Carlos aborde la conjuration qui le vise. L’élection impériale
l’empêche d’agir pour le moment.
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Scène 2: Monologue de Don Carlos qui réfléchit à son avenir politique et au pouvoir en
apostrophant Charlemagne. Il entend la conjuration qui approche à pas feutrés.
Scène 3: Les conjurés décident de tirer au sort celui qui devra tuer le roi. Hernani est désigné
pour être le bras meurtrier. Don Ruy tente de s’octroyer cette tâche en lui rendant son cor et
donc le droit à disposer de sa vie. Hernani, soucieux de venger son père, refuse
catégoriquement: «Duc, laisse-moi ma proie.», alors même que le duc est prêt à lui céder tous
ses biens.
Scène 4: Don Carlos, élu Charles Quint, peut désormais punir les conjurés. Il demande à ses
«faucons» de les encadrer pour les désarmer. Hernani dévoile sa véritable identité: Jean
d’Aragon. Doña Sol sollicite Don Carlos qui se montre clément. L’empereur accorde son
pardon et donne en mariage Doña Sol à Hernani ce qui cause le désarroi de Don Ruy que la
didascalie décrit comme «sombre». Don Carlos renonce à son propre amour dans un aparté:
«Tes amours désormais, tes maîtresses, hélas! C’est l’Allemagne, c’est la Flandre, c’est
l’Espagne.» L’empereur, «À la place du cœur il n’a qu’un écusson.» Don Carlos remet sa toison
d’or à Hernani et l’adoube chevalier.
Scène 5: Monologue délibératif de Don Carlos qui s’incline devant le tombeau. Les questions
rhétoriques posées à la dépouille illustre témoignent du souci du nouvel empereur de s’inscrire
dans la lignée de Charlemagne par cet acte de pardon et de clémence qui inaugure son règne.
ACTE V: LA NOCE
À Saragosse, sur une terrasse du palais d’Aragon. «Il est nuit. On entend des fanfares éloignées.
Des masques, des dominos, épars, isolés, ou groupés, traversent ça et là la terrasse. Sur le
devant, un groupe de jeunes seigneurs, les masques à la main, riant et causant à grand bruit.»
Scène 1: La noce de Doña Sol et de Jean d’Aragon touche à sa fin. Les conversations sont
éclectiques: la tâche d’empereur, l’absence de Don Ruy et la présence d’un individu suspect
portant un domino noir. Don Garci interpelle ce dernier en lui demandant s’il vient de l’enfer.
La réponse du masque a de quoi inquiéter: «Je n’en viens pas. J’y vais».
Scène 2: Les deux époux viennent saluer leurs invités sur le départ qui leur souhaitent le
bonheur.
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Scène 3: Conversation lyrique entre les amoureux, leur amour vibre au diapason de l’évocation
de la nature, thème romantique par excellence. Ce moment est interrompu par le son du cor.
Hernani comprend alors la gravité de la situation: Don Ruy réclame sa mort. Il cache ces
funestes enjeux à Doña Sol et lui demande d’aller chercher son coffret qui contient un élixir
sans plus amples explications.
Scène 4: Très court monologue pathétique d’Hernani. Le masque noir paraît, Hernani est
pétrifié.
Scène 5: Le masque demande à Hernani de choisir sa mort: épée ou poison. Hernani opte pour
la seconde proposition. Le duc lui présente la fiole. Hernani demande un répit, ce que Don Ruy
refuse en lui rappelant qu’il manque de respect à son propre père s’il n’honore pas son serment.
Scène 6: Doña Sol revient sans la fiole, qu’elle n’a pu trouver. Elle comprend le tragique de la
situation lorsqu’elle voit l’attitude d’Hernani et l’inconnu se démasquer dans la chambre.
Hernani explique son geste à sa dulcinée: «Ah j’ai dû te le taire! J’ai promis de mourir au duc
qui me sauva. Aragon doit payer cette dette à Silva. (…) Le duc a ma parole, et mon père est
là-haut.» Malgré les protestations et les supplications de Doña Sol auprès des deux hommes,
ils ne changent pas d’avis. Elle s’empare alors de la fiole et en boit la moitié avant de la tendre
à Hernani qui la vide. Hernani meurt en premier dans les bras de sa belle qui ne tarde pas à le
rejoindre dans un simulacre de nuit de noces fatale. Don Ruy, constatant la mort de sa nièce, se
suicide.
Réf : https://etudiant.lefigaro.fr/
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La construction du dialogue
les longues tirades sont condamnées par le théâtre romantique, mais Hugo s'applique à les
intégrer judicieusement au dialogue. C'est ainsi que les deux répliques de Dona Sol sont
stylistiquement reliées à la tirade.
La première réplique de Dona Sol devient en fait le début de la phrase d’Hernani, comme elle
est le début du vers que poursuit Hernani. Elle se rattache aussi au vers suivant par l’appel do
sonorité entre les deux verbes « suivrai » et « sait ».
La deuxième réplique de Dona Sol est reliée au dernier vers d’Hernani par un effet de répétition
: « je suivrai mon père » devient « je vous suivrai ». Et la reprise est accentuée par le fait que
par deux fois Hernani reprend ce même verbe dans sa tirade, rappelant par là que son discours
répond à ce qu'elle dit :
Pour donner plus de vivacité à la tirade et la relier au dialogue, un détail montre qu' Hernani est
attentif aux réactions de son interlocutrice. Ce détail se situe au vers 15 : Hernani interrompt
son discours pour dire « vous frissonnez ! », montrant par là qu’il a surpris un mouvement de
son interlocutrice.
Comme l’indique la remarque qu'il fait ensuite, Il est avant tout attentif aux moyens qu’il peut
se donner de lui faire abandonner son projet (« réfléchissez encore »), puisqu’il veut la
persuader de ne pas le suivre.
On peut noter d’abord le contraste entre les vers 2 et 3 : ceux qui sont mis au ban de la société
et que le bourreau attend sont en fait des êtres courageux qui ne se déjugent pas ; ce qui signifie
que la société ne reconnaît pas les êtres de valeur.
Au vers 5, Hernani ironise contre la société : « comme on dit », et il poursuit le ton ironique
dans le vers suivant.
Au vers 11, Hernani place en évidence (après la coupe) l’adjectif « libres », qualité essentielle
que cultive l’homme révolté.
Le dernier vers parle de l'échafaud : Hernani décide d’emblée de ne jamais espérer retrouver
une place dans cette société qu’il a décidé de fuir.
Études complémentaires
Le héros et ses compagnons
On peut prolonger l'étude du caractère expositif de cette scène en se demandant ce qu’on
apprend sur Hernani dans ce passage. Sa situation est la même que celle de ses camarades :
• il est comme eux proscrit, il est même traité de « bandit », avec un jeu de sonorités entre
« bande » et « bandit » qui montre bien qu’il est logé à la même enseigne que ses
compagnons ;
• comme eux il sait qu’il finira sur l’échafaud, et le dernier vers répond au vers 3 ;
• mais le « sang à venger » est pour lui précisé : c’est le sang de son père.
Hernani ne connaît donc pas la solitude élitiste du héros de la première génération romantique.
Il est le héros porteur des espérances de la révolte sociale, et en tant que tel appartient à la
génération du romantisme social.
Le héros proscrit et son auteur
Que penser de ce qu’affirme Samia Chahine dans La Dramaturgie de Victor Hugo, à propos du
personnage d’Hernani, sur la relation entre l’auteur et son personnage ?
« Victor Hugo lui-même a joué le rôle de proscrit. Dans l’exil, il réalisait enfin, sur le mode
réel, une ancienne et puissante fantaisie : être proscrit comme Lahorie, comme Chateaubriand,
qui jouaient depuis longtemps le rôle d’une puissante “imago”. Si la proscription eut pour lui
un pouvoir libérateur, ce fut en grande partie parce qu’elle réalisait une tendance impérieuse
jusque- là réprimée. Cette force correspond à celle qui contraint le poète à créer : le génie ; aussi
l’exil marque-t-il l’épanouissement le plus complet de l’art hugolien. Il fut, pour Victor Hugo,
moins un accident extérieur qu’une vocation, une manifestation d’une destinée intérieure. »
https://interlettre.com/bac
N.B . : Veuillez revoir les exposés réalisés en classe pour plus d’informations.
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Biographie courte d'Alfred de Musset - Alfred de Musset voit le jour à Paris le 11 décembre
1810 dans une famille aristocrate. Élevé dans un milieu cultivé, l'amour des lettres et des arts lui est
transmis. Brillant lycéen, il abandonne rapidement des études de médecine et de droit pour se lancer
dans une carrière littéraire. Avant même ses 18 ans, sa première ballade Un rêve est publiée le 31 août
1828 à Dijon, dans Le Provincial. Précoce, il côtoie également les poètes du Cénacle de Charles
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Alfred de Musset naît rue des Noyers à Paris, le 11 décembre 1810, au sein d'une famille
aristocratique. Tendre et cultivée, sa famille lui transmet le goût des lettres et des arts.
Le 17 juin 1833, Musset rencontre George Sand et entame rapidement une liaison orageuse
avec la romancière, de sept ans son aînée. Cette histoire d'amour, qui inspire par la suite La
Confession d'un enfant du siècle à Musset en 1836 et le roman Elle et Lui à Sand en 1859,
dure de manière discontinue pendant deux années. Elle s'achève en 1835, laissant Musset
profondément meurtri par cet échec sentimental.
Alfred de Musset est nommé chevalier de la légion d'honneur le 24 avril 1845 , en même
temps qu'Honoré de Balzac.
Alfred de Musset est élu à l'Académie française, puis est intronisé le 27 mai 1852. Il fait partie
des Immortels, et occupe le fauteuil 10.
Alfred de Musset décède de la tuberculose à Paris. Il est considéré parmi les plus grands
écrivains romantiques français pour son théâtre et ses poésies, tels que Lorenzaccio ou Les
Nuits.
Réf : https://www.linternaute.fr
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Le portrait de Marianne
On découvre Marianne par divers moyens. D’une part les autres personnages font des
commentaires sur elle, tels Ciuta, son époux, Octave ou Coelio : positive ou négative, cette
image est toujours partielle, et ne rend pas compte de la complexité de cette héroïne. D’autre
part, elle se livre dans les conversations, et notamment lors des rencontres avec Octave, qui
permettent de mesurer son évolution progressive.
La pièce s’ouvre sur cette image, un rejet catégorique de Marianne à Ciuta, l’entremetteuse, qui
vient lui parler au nom de Coelio : « s’il a l’audace de me faire entendre une seconde fois un
pareil langage, j’en avertirai mon mari. » Son ton n’est guère aimable, et cela ressort à travers
le jugement de Ciuta : « plus dévote et plus orgueilleuse que jamais ». Dans la première scène,
Coelio explique lui-même son échec à Octave, souligné par la double négation antéposée :
« Jamais elle n’a paru à sa fenêtre; jamais elle n’est venue appuyer son front charmant sur la
jalousie ». Ses courtes phrases semblent reproduire le ton même de Marianne : « Elle sort du
couvent ; elle aime son mari, et respecte ses devoirs. Sa porte est fermée à tous les jeunes gens
de la ville, et personne ne peut l’approcher. » Ce jugement sévère l’est encore plus à travers le
lexique péjoratif qu’emploie Octave : »c’est une mince poupée qui marmotte des ave sans
fin », repris par « Marianne est une bégueule ». Marianne va du reste mettre sa menace à
exécution, à la fin de la scène 3 de l’acte I, sur un ton particulièrement sec : « Trouvez bon que
ni lui ni Octave ne mette les pieds dans cette maison. » En confirmant les soupçons de celui-ci,
elle est donc directement responsable du drame qui se produira.
Cependant on peut s’interroger sur la force mise dans ce refus : ne serait-ce pas, en réalité, un
moyen de se protéger contre toute tentation ?
Le premier est le masque de la religion : dans toutes les scènes on la voit aller à la messe ou en
revenir. Elle forme pour elle, en raison de son éducation au couvent, un rempart en lui rappelant
ce que doit être une honnête femme. Tout cela va se trouver balayé dans la scène 5 de l’acte II,
puisqu’elle donner rendez-vous à Octave précisément « dans un confessionnal de l’église ».
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Le second est le masque du mariage. Pour affirmer son refus, elle a besoin, à
chaque fois, de rappeler la présence de son mari, comme s’il constituait un rempart, lui
aussi. Pourtant nous apercevons des failles, par exemple face à Octave le décalage dans le
dialogue révèle son besoin de se justifier : « MARIANNE. – [...] j’aime Claudio, votre cousin
et mon mari. OCTAVE. – Mon cousin et votre mari ne feront jamais à eux deux qu’un pédant
de village ; vous n’aimez point Claudio. MARIANNE. – Ni Coelio ; vous pouvez le lui dire. –
OCTAVE. – Pourquoi ? MARIANNE. – Pourquoi n’aimerais-je pas Claudio ? C’est mon
mari. » Elle est, de toute évidence, troublée devant le « pourquoi ? » d’Octave. De même sa
dérobade face à la question de Claudio, à l’acte I, scène 3, apparaît suspecte ; elle donne
l’impression que cet appel à son époux est plus une aide contre elle-même qu’un réel
amour. Cela se révèle pleinement lors de sa colère, où elle parle avec mépris de ce mariage
imposé et de ce mari grossier : « On me l’avait prédit. – Je le savais. – Je m’y attendais. »
Cette héroïne jeune, âgée de dix-neuf ans, rappelle le titre d’une autre pièce de
Musset, A quoi rêvent les jeunes filles. La longue tirade de Marianne (Acte II, scène 1) nous
montre, en effet, le rôle de « l’éducation » qui emprisonne les jeunes filles en ce début du XIX°
siècle, en leur enseignant « l’honnêteté » et la « foi jurée ». Mais cela ne les empêche pas
de rêver comme Marianne qui attendait que son coeur fleurisse sous la puissance de l’amour.
La métaphore filée marque les étapes de ce rêve amoureux : « que le calice en soit baigné de
larmes, épanoui par quelques rayons de soleil, entrouvert par une main délicate ». C’est le rêve
d’un amour sincère, qu’une longue séduction fait éclore.
On est là bien loin du mariage qu’elle vit avec Claudio. Au moment où elle évoque ce rêve en
réponse à Octave elle le compare à une « bulle de savon ». En fait, fragile comme elle, le rêve
s’est déjà évanoui quand débute la pièce, et Marianne en est amèrement consciente : « N’est-ce
pas une chose bien ridicule que [...] la fierté d’un coeur qui s’est figuré qu’il vaut quelque chose
[...] ? « . Cela explique que Marianne adopte souvent ce ton d’ironie amère, celui de quelqu’un
qui a perdu ses illusions, et, en cela, elle ressemble fort à Octave. Sa première tirade dans l’acte
II, scène 1, sur le sort des femmes les montre soumises au bon vouloir de l’homme, jouets de
leur libertinage, et la seconde tirade est encore plus violente dans sa dénonciation : » Qu’est-ce
après tout qu’une femme ? L’occupation d’un moment [...] Une femme ! c’est une partie de
plaisir ! » On sent dans cette tirade tous les regrets d’une jeune fille qui n’a pas vécu le grand
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amour auquel elle rêvait, et qui n’a plus, pour consolation en quelque sorte, que le fait de
sacrifier son honneur et sa fierté à un amant.
Ce titre définit Marianne comme une jeune fille changeante, passant vite d’un état à un autre,
et pouvant donc changer de décision au fil de ses humeurs.
=== Marianne, comme toutes les héroïnes de Musset, porte en elle la frivolité qui caractérise,
selon cet auteur, toutes les femmes.
Mais ces « caprices » ont tous, au fond, la même cause : Marianne veut être
reconnue à sa juste valeur. Déjà ce qui l’offense est le simple fait que Coelio ne fasse pas l’effort
de lui parler lui-même, et fasse appel à des intermédiaires méprisables, une entremetteuse, un
cousin connu pour son libertinage : « pourquoi ne s’explique-t-il pas lui-même ? », lance-t-elle
à Octave dans la scène 3 de l’acte II. C’est cette même révolte de l’amour-propre qui apparaît
dans les tirades de la scène 1 qui revendiquent, pour la femme en général, respect et liberté. Et
n’est-ce pas finalement parce que Claudio a blessé son amour-propre en la menaçant (« [...]
vous me réduirez à une violence qui répugne à mon habit. ») qu’elle décide brutalement de
« prendre un amant » ? Octave souligne d’ailleurs ce revirement, qu’il nomme « fantaisie » :
« O femme trois fois femme ! Coelio vous déplaît – mais le premier venu vous plaira. »
=== On note donc une évolution chez Marianne, au fil des cinq rencontres avec Octave.
Dans la première, elle est totalement sur la défensive. La deuxième montre son raidissement, à
travers ses tirades féministes, autre forme de protection.
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=== Le rejet qu’elle reçoit est alors terrible, la renvoyant à la même solitude que
celle que connaît, depuis longtemps déjà, Octave.
Marianne représente donc bien la femme, chez Musset, toujours porteuse d’une ambiguïté,
parce qu’en fait, derrière chaque personnage féminin, il y a la dualité de l’écrivain devant la
femme. Le Romantique qui existe en lui ne peut que lui vouer un culte, comme le fait Coeulio
– et même Octave est touché par Marianne. Mais l’autre facette de Musset, le libertin, est
présente : ses illusions perdues font qu’il s’acharne à détruire l’image de la pureté féminine.
Les « grotesques »
Toutes les pièces de Musset comportent ceux que l’on nomme les « fantoches » ou les
« grotesques », qui, conformément au souhait de mélange des registres propre au drame
romantique, permettent les effets comiques.
LE PERSONNAGE DE CLAUDIO
coeur ni à la vérité des sentiments. Ce qui lui importe est la satisfaction de sa vanité, comme
l’énumération des titres de Tibia, « mon fidèle serviteur », « mon valet de chambre dévoué »
qui n’est là que pour se revaloriser en tant que maître tout-puissant.
Le « grotesque » est comique d’abord par son langage : il est une sorte de mécanique qui tourne
à vide, qu’il s’agisse de ses raisonnements, de ses gestes ou de ses comportements. Son langage
tourne en rond, en perdant toute logique. Cela ressort bien dans le syllogisme absurde de la
scène 1 (acte I), qui révèle l’aspect obsessionnel de la jalousie de ce mari ridicule : « TIBIA. –
Fi ! votre femme n’a pas d’amants. – C’est comme si vous disiez que j’ai des maîtresse.
CLAUDIO. – Pourquoi n’en aurais-tu pas, Tibia ? Tu es fort laid, mais tu as beaucoup d’esprit.
TIBIA. – J’en conviens, j’en conviens. CLAUDIO. – Regarde, Tibia, tu en conviens toi-même
; il n’en faut plus douter, et mon déshonneur est public. » Or, autre preuve du manque de
logique, cette affirmation est contredite par celle qui ouvre la troisième scène : « CLAUDIO. –
Tu as raison, et ma femme est un trésor de pureté. »
De ce fait, tout dialogue est impossible avec lui. Il n’a aucun coeur, reste
enfermé sur lui-même. On arrive ainsi, par exemple avec Tibia, à un dialogue absurde, le
serviteur se contentant de mettre en doute ce que dit son maître : « Vous croyez, monsieur ? »,
« Oh ! que non. » Le dialogue, dans la scène 3, progresse par des séries d’associations qui le
rendent totalement incohérent. Et même avec sa femme, Claudio est incapable de distinguer
l’essentiel – le risque d’être trompé – de l’accessoire, le fait que la rencontre ait eu lieu « sous
une tonnelle ». Seul ce détail l’arrête, parce qu’il touche au « qu’en dira-t-on ? »
Claudio joue donc un rôle traditionnel dans la comédie, celui du « barbon », le vieux mari
trompé par une femme plus jeune. Sa méfiance le conduit à développer une double attitude.
D’une part, il fait preuve d’un égoïsme monstrueux, par exemple quand il évoque les
« cadeaux » qu’il lui a fait comme un moyen d’acheter sa fidélité (Acte I, scène 1) ; d’autre part
il devient franchement odieux par la violence dont on le sent capable envers Marianne : « Je
vous ménage un châtiment exemplaire, si vous allez contre ma volonté. » (Acte II, scène 3)
Mais les « grotesques » peuvent devenir dangereux dans le théâtre de Musset, et c’est bien le
cas de Claudio qui, curieusement, sait très bien quitter son langage « vide » lorsqu’il se bat pour
la défense de ses intérêts. Ainsi le voilà capable d’ironie pour répliquer à Octave, en renvoyant
balle dans leur guerre d’épithètes insultantes de l’acte II, scène 1. On mesure aussi, dans cette
scène, qu’il peut dissimuler, et c’est sur un ton de triomphe qu’il transmet à Octave le rejet de
Marianne. Il dissimulera tout aussi facilement son crime à l’acte II, scène 5. On sent chez lui le
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plaisir malsain de blesser, et cette cruauté éclate pleinement par l’intérêt qu’il porte au dialogue
lorsque Tibia évoque les condamnations, »galères » ou la « peine de mort ».
Dès le début de la pièce, nous connaissons d’ailleurs l’idée de Claudio, faire venir un
« spadassin » pour éliminer l’amant de sa femme, ce qui annonce déjà, comme dans le théâtre
classique, le dénouement. Le passage du langage à l’acte, un moment rejeté, est réaffirmé à
l’acte II. On notera que ce crime s’accomplit dans la scène 5 sans haine, seulement comme une
façon d’affirmer son « droit », de faire respecter ce qu’il a « ordonné ». Le plus absurde – et en
cela le plus tragique – est qu’il parvient à cet acte à partir de deux idées fausses : Marianne
aurait un amant, ce qui n’est pas le cas, et cet amant serait Octave. Celui qui déclenche le drame
est donc celui qui n’a à aucun moment compris la situation.
=== Les « grotesques » sont donc l’antithèse des héros « purs », comme Coelio, ou des héros
« tourmentés » comme Octave ou même Marianne. Ils ne se remettent jamais en cause, n’ont
aucun doute sur le monde ni sur eux-mêmes. Ils représentent le type du bourgeois du XIX°
siècle, dont se moqueront bien d’autres écrivains, tels Balzac, Stendhal ou Flaubert : le « sot »
que sa sottise même rend dangereux.
Réf : http://cotentinghislaine.unblog.fr
Claudio, le Mari de Marianne, soucieux des éventuelles liaisons de sa femme, discute avec
Tibia, son fidèle serviteur. Il lui fait part de ses appréhensions quant aux sérénades jouées à
répétition, chaque soir, près de sa maison. Sa plus grande crainte reste d’ailleurs le déshonneur
public.
Dialogue entre Coelio et Octave. Le mode de vie d’Octave, basé sur les fêtes et l’alcool,
inquiète Coelio. Les caractères des deux hommes paraissent diamétralement opposés : l’un se
meurt d’amour ; tandis que l’autre ne vit que dans le présent, sans aucun souci pour le
lendemain. D’ailleurs, le premier se distingue par son caractère romantique tandis que le second
se caractérise par son penchant pour le libertinage. Octave souhaite rendre service à Coelio.
Ainsi, il se propose d’intercéder en sa faveur auprès de Marianne. Il ose même lui promettre
que la jeune femme sera sienne.
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La stratégie d’Octave consiste à accuser Marianne de tourmenter Coelio. Marianne est incrédule
devant cette accusation d’infliger à ce pauvre être « mal le plus cruel de tous, car il est sans
espérance ».
Acte I, Scène 2
La mère de Coelio désire comprendre l’état de son fils : elle s’enquiert de ce qui lui « ronge le
cœur » et lui cause tant de souffrances. Elle se remémore le temps où son enfant partageait ses
états d’âme avec elle. Coelio demande à sa mère de raconter à nouveau l’histoire d’amour entre
son père et elle. L’histoire est la suivante : un ami de son père, dénommé Orsini, lui avait jadis
demandé de servir d’intermédiaire. Mais la mère de Coelio refusa la proposition d’Orsini et
préféra épouser le père de Coelio. Le cœur brisé par une pareille trahison, Orsini décide de se
suicider.
Acte I, Scène 3
Retour sur le dialogue entre le Valet Tibia et l’Époux de Marianne, Claudio, portant sur la
fidélité de Marianne. Selon les dires de Tibia, le Spadassin arrivera le soir même. Puis,
Marianne entre en scène. Elle annonce à son mari que Coelio la poursuit avec ardeur. Aussi,
elle lui demande de l’aider à y mettre fin. Claudio est à la fois dubitatif et suspicieux. Croyant
à un subterfuge, Claudio décide de mener une enquête.
Musset se sert du personnage de Claudio pour dresser le portrait du vieux juge qui incarne
l’ordre ancien, reposant sur la loi.
Selon Marianne, l’amour de Coelio s’apparente à un nourrisson, peu développé et peu intense.
Octave rétorque que Marianne aurait été nourrie à l’indifférence durant sa jeunesse. Il rajoute
tant et tant d’images qui laissent penser que Marianne est une jeune femme insensible et sans
cœur. Elle n’aurait aucune pitié pour son prétendant.
Marianne rétorque en argumentant en faveur de la cause des femmes. Selon elle, la gente
féminine souffre facilement des conséquences non seulement de leurs actes, mais aussi de celles
des hommes. Leur réputation est facilement détruite. Elle invoque également la dépendance aux
hommes ainsi que l’excès d’autorité que ces derniers exercent sur la vie des femmes,
notamment à l’égard des contraintes d’obéissance et d’adultère. Par ailleurs, aux yeux des
hommes, les femmes restent des êtres fragiles ; cependant, elles souffrent elles aussi de certains
désirs éphémères. Marianne sort de scène. En tête-à-tête avec lui-même, Octave commande à
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boire. Claudio entre en scène, furieux. Il annonce que désormais Octave ne sera plus le
bienvenu : Marianne lui ayant tout raconté.
Un dialogue s’ensuit entre Octave et Claudio. Les propos sont empreints d’ironie et de
sarcasmes à peine voilés sur la fonction de magistrat de Claudio. Octave emploie délibérément
des mots qui laissent comprendre que, selon lui, Claudio séquestre Marianne et assouvit sur elle
son besoin d’autorité.
Coelio entre en scène. Octave lui fait part des derniers événements. Il conseille à son ami de
passer à autre chose vu que l’objet de son désir se révèle une prude à l’excès de morale. L’air
sombre de Coelio fait naître en Octave un mauvais pressentiment. Il a l’impression que son ami
était à deux doigts de « se noyer ». Il tente de le réconforter en lui promettant qu’il rencontrera
une autre Marianne, un jour. Cependant, Coelio refuse de se ranger à la raison. Il part. Octave
se sent seul. Il pense à sa maîtresse Rosalinde.
Dans cette scène, Alfred de Musset illustre à nouveau l’opposition entre le personnage
hédoniste et superficiel ; et le personnage romantique. Le premier, volage, accumule les
romances ; tandis que l’amoureux transi se noie dans ses sentiments.
Marianne entre en scène. Les métaphores fusent. Elle compare la femme à une bouteille de vin,
garante d’une de deux types d’ivresse : « divine » ou « grossière ». Octave répond au lyrisme
de Marianne, en la comparant à une bouteille de vin qui demande à ce qu’on lui fasse la cour,
puis, à un « esprit céleste » s’apparentant au divin. Selon lui, la beauté de Marianne, telle le vin,
est destinée à la consommation de l’homme. Ainsi, il est inconcevable qu’elle refuse ainsi
l’inéluctable.
L’attitude de Claudio finit par rendre Marianne furieuse. En vue de se venger, elle lui fait part
de sa décision de prendre un amant. Ainsi, Octave argumente en faveur de Coelio. Néanmoins,
l’action d’Octave produit l’effet inverse : Marianne s’émeut et développe des sentiments pour
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Octave. Octave ne se décourage pas, il vante à nouveau les mérites de son ami. Mais sans grand
succès. Marianne l’ordonne de lui trouver un amant à la hauteur. Octave considère cette
demande comme un « petit caprice de colère ».
Dans la scène finale, Octave avoue à Marianne ne pas pouvoir répondre à son amour et fait ses
adieux. Ainsi se termine la tragédie.
ANALYSE
Dans la première scène de l’Acte 1, Alfred de Musset retranscrit sa vision tragique et fataliste
du sentiment amoureux ou du « mal d’amour ». La plume se démarque par l’utilisation de
métaphores lyriques. Dans cette scène, Marianne finit par prendre conscience des sentiments
de Coelio. De plus, elle se retrouve confrontée au cynisme d’Octave qui lui annonce que sa
capacité à l’amour est intrinsèquement dépendante de sa jeunesse, éphémère. Le rideau tombe
sur la première conclusion de Marianne : ses sentiments pour son époux sont réels. Aussi, elle
n’a nulle envie qu’Octave l’importune au sujet de cet autre homme. Elle se retire.
L’histoire d’amour de la mère de Coelio fait écho à celle du jeune homme, dans la tournure du
drame. D’ailleurs, la pièce montre une répétition de l’histoire, une sorte de karma ou de
malédiction qui condamne le fils à vivre ou à revivre une partie des événements que sa mère a
vécus dans le passé. Par exemple, la situation du triangle amoureux qui met en scène une
femme, un homme épris, et un intermédiaire. Pour les deux situations, la femme s’éprend
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Le titre Les caprices de Marianne ne renvoie pas aux caprices proprement dits de Marianne. En
effet, la jeune femme reste fidèle et dédiée à son Mari. Cependant, face à ses interactions avec
Octave, elle finit par développer des sentiments pour ce dernier. Aussi, elle lui demande de lui
rapporter son foulard. Ce « caprice » traduit uniquement un point de vue masculin qui n’accepte
pas que la femme n’agisse pas selon leurs exigences et bons vouloirs.
Une ligne en particulier attire l’attention des lecteurs dans l’œuvre : « Coelio était la bonne
partie de moi-même; elle est remontée au ciel avec lui ». Alfred de Musset construit la pièce
sur la base de deux caractères distincts et diamétralement opposés. Octave représente
l’hédonisme tandis que Coelio incarne l’idéal judéo-chrétien. Leur amitié permettait à Octave
d’entendre la voix de la conscience.
Introduction :
Cette pièce conçue pour la lecture avant tout a été publiée en 1833, Musset a alors 33 ans. Elle
ne sera jouée qu'en 1851. C'est une pièce qui appartient au courant du romantisme. On peut
appliquer à la pièce cette formule de Racine : "... une action simple, soutenue, de la violence,
des passions, de la beauté, des sentiments et de l'élégance de l'expression".
C'est ici la première scène de la pièce, la scène 1 est toujours longue avec plusieurs tableaux.
L'action dramatique est déjà bien envoyée et ici il y a un espoir de réponse à ce qui en fait le
noeud : Marianne va t-elle agréer l'amour de Coelio ? Il s'agit d'une scène fortement
argumentative.
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Texte étudié :
MARIANNE. - De qui parlez-vous, et quel mal ai-je causé ?
OCTAVE. - Un mal le plus cruel de tous, car c'est un mal sans espérance ; le plus terrible, car
c'est un mal qui se chérit lui-même et repousse la coupe salutaire jusque dans la main de l'amitié,
un mal qui fait pâlir les lèvres sous des poisons plus doux que l'ambroisie, et qui fond en une
pluie de larmes le coeur le plus dur, comme la perle de Cléopâtre ; un mal que tous les aromates,
toute la science humaine ne sauraient soulager, et qui se nourrit du vent qui passe, du parfum
d'une rose fanée, du refrain d'une chanson, et qui suce l'éternel aliment de ses souffrances dans
tout ce qui l'entoure, comme une abeille son miel dans tous les buissons d'un jardin.
MARIANNE. - Me direz-vous le nom de ce mal ?
OCTAVE. - Que celui qui est digne de le prononcer vous le dise, que les rêves de vos nuits,
que ces orangers verts, cette fraîche cascade vous l'apprennent ; que vous puissiez le chercher
un beau soir, vous le trouverez sur vos lèvres ; son nom n'existe pas sans lui.
MARIANNE. - Est-il si dangereux à dire, si terrible dans sa contagion, qu'il effraye une langue
qui plaide en sa faveur ?
OCTAVE. - Est-il si doux à entendre, cousine, que vous le demandiez ? vous l'avez appris à
Coelio.
MARIANNE. - C'est donc sans le vouloir, je ne connais ni l'un ni l'autre.
OCTAVE. - Que vous les connaissiez ensemble, et que vous ne les sépariez jamais, voilà le
souhait de mon coeur.
MARIANNE. - En vérité ?
OCTAVE. - Coelio est le meilleur de mes amis. Si je voulais vous faire envie, je vous dirais
qu'il est beau comme le jour, jeune, noble, et je ne mentirais pas ; mais je ne veux que vous
faire pitié, et je vous dirai qu'il est triste comme la mort, depuis le jour où il vous a vue.
MARIANNE. - Est-ce ma faute s'il est triste ?
OCTAVE. - Est-ce sa faute si vous êtes belle ? Il ne pense qu'à vous ; à toute heure il rôde
autour de cette maison.
N'avez-vous jamais entendu chanter sous vos fenêtres ?
N'avez-vous jamais soulevé à minuit cette jalousie et ce rideau ?
MARIANNE. - Tout le monde peut chanter le soir, et cette place appartient à tout le monde.
OCTAVE. - Tout le monde aussi peut vous aimer ; mais personne ne peut vous le dire. Quel
âge avez-vous, Marianne ?
MARIANNE. - Voilà une jolie question ! Et si je n'avais que dix-neuf ans, que voudriez-vous
que j'en pense ?
OCTAVE. - Vous avez donc encore cinq ou six ans pour être aimée, huit ou dix ans pour aimer
vous-même, et le reste pour prier Dieu.
MARIANNE. - Vraiment ? Eh bien ! pour mettre le temps à profit, j'aime Claudio, votre cousin
et mon mari.
OCTAVE. - Mon cousin et Votre mari ne feront jamais à eux deux qu'un pédant de village ;
vous n'aimez point Claudio.
MARIANNE. - Ni Coelio ; Vous pouvez le lui dire.
OCTAVE. - Pourquoi ?
MARIANNE. - Pourquoi n'aimerais-je pas Claudio ? C'est mon mari.
OCTAVE. - Pourquoi n'aimeriez-Vous pas Coelio ? C'est votre amant.
MARIANNE. - Me direz-Vous aussi pourquoi je vous écoute ?
Adieu, seigneur Octave ; voilà une plaisanterie qui a duré assez longtemps. (Elle sort.)
OCTAVE. - Ma foi, ma foi ! elle a de beaux yeux. (Il sort.)
Analyse :
On trouve aussi de nombreux effets de rythme : des phrases longues, des effets de parallélisme,
des rythmes binaires (qui fait pâlir... et qui fond en une pluie) (et qui se nourrit du vent... et qui
suce l'éternel aliment) et des rythmes ternaires (du vent qui... du parfum... du refrain).
Effets également de sonorités comme les allitérations en [f] : parfum, refrain, souffrance ; les
assonances en [an] : chanson, souffrance, dans, entoure ; et les échos : abeille, miel...
Il n'y a pas de ponctuation forte : Octave, exalté, dit tout cela d'abondance, sans chercher ses
mots.
Cette tirade est remplie de lyrisme, c'est un véritable poème en prose sur l'amour, foisonnant de
toutes les contradictions de ce sentiment.
La réplique 2 est pleine de poésie. Octave ne nomme pas l'amour. On ne peut le nommer que si
on le connaît et si on l'éprouve. Lui n'en est pas digne.
La réplique 5 est un éloge de Coelio, beaucoup moins sec que celui qu'en a fait Ciuta au début
de la scène.
On note la simplicité dans les choix des adjectifs "beau", "jeune", "noble" ; ce sont des qualités
objectives. Il préfère mettre en avant sa tristesse car c'est mettre en valeur le pouvoir de
séduction de Marianne qui est repris lors de la réplique 6 "Est-ce sa faute si vous êtes belle ?".
La réplique 6 est composée de questions oratoires, Marianne ne peut ignorer la cour de Coelio
(d'ailleurs elle a entendu Ciuta).
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Dans les répliques suivantes on trouve des arguments épicuriens : le carpe diem.
"Quel âge avez-vous Marianne ?" et la réplique suivante sont assez mordantes, propres à faire
réagir Marianne qu'il sait intelligente et capable de comprendre le cynisme.
Octave utilise un argument évident de bon sens pour décrire le mari, et d'ailleurs Marianne est
obligée d'en convenir "Ni Coelio".
Les répliques sont spirituelles, il retourne à chaque fois les interrogations ou les affirmations de
Marianne (répliques 3, 4, 6, 7, 9 et 11) avec beaucoup de finesse. Il y a un plaisir du dialogue
dans ce duel verbal et beaucoup de marivaudage, mais de la part de Marianne seulement.
Coelio a ici un excellent interprète qui utilise toutes les ressources pour faire fléchir Marianne.
Mais l'excellence même de l'interprète représente un danger.
C. Dernière réplique
Octave et seul. Cette réplique ne fait donc pas partie de la stratégie argumentative. Ici c'est juste
l'appréciation d'un connaisseur (Octave, en effet, multiplie les conquêtes amoureuses).
II) Marianne
A. Sa réponse à Octave
B. Le marivaudage
Marianne sait évidemment qu'Octave parle d'amour. Pourquoi feint-elle le contraire ? Tout
d'abord pour rester dans son rôle de "dragon de vertu" qu'elle se plait à jouer. Mais aussi par
pur caprice, pour s'amuser et également pour qu'on lui en parle plus longtemps car au fond elle
prend plaisir à cette déclaration flatteuse et il y a de la coquetterie dans la réplique 3 : elle veut
entendre Octave dire le mot. C'est une provocation de sa part plus ou moins consciente.
Marianne sait qui est Coelio, Ciuta lui a parlé de lui. Mais là il n'y a pas marivaudage, il est
clair que Coelio ne l'intéresse pas du tout. Il y a beaucoup de désinvolture dans les répliques 6
et 7, de négations dans la 4 et la 10 ou encore de l'indifférence dans la 5. Elle tend dans tous ses
propos à évacuer Coelio de la conversation, il n'y a aucune ambiguïté là-dessus.
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Elle finit par être réellement agacée non par le sujet de la conversation (l'amour) mais par
l'insistante d'Octave à lui parler de Coelio.
Elle est peut-être aussi blessée par les généralités d'Octave sur les femmes dans la réplique 8.
Voilà pourquoi elle met abruptement fin à la conversation.
Elle semble donc l'emporter puisqu'elle a le dernier mot. Mais c'est elle qui sort (voir la
didascalie). Elle est donc aussi à demi vaincue. En même temps dans le contexte de l'époque il
lui est difficile de réagir autrement.
Que penser de ce marivaudage ? Marianne souhaite offrir l'image de la vertu. Cependant son
mariage est de toute évidence un mariage arrangé, Claudio est plus vieux qu'elle et pas drôle.
Elle est mariée mais elle ne connaît rien de l'amour bien qu'elle s'en défende. L'entendre parler
d'amour l'intéresse surtout quand c'est de manière spirituelle et enlevée.
C'est encore à peine esquissé mais on sent déjà que si Coelio n'a aucune chance, Octave, en
revanche, en a une. Et lui même reconnaît qu'elle est belle.
Conclusion :
Cette scène présente plusieurs intérêts, tout d'abord un intérêt du point de vue de la progression
de l'intrigue : Coelio n'a aucune chance, Octave peut-être.
Il y a aussi un intérêt du point de vue psychologique : Octave est un véritable ami, il n'oublie à
aucun moment qu'il parle au nom de son ami. Marianne se dessine dans cette scène ; son
ambiguïté, dont elle n'est même pas tout à fait consciente, est dangereuse : voir le titre !
Et enfin elle est intéressante du point de vue esthétique, le dialogue est très enlevé et très
spirituel et les registres lyrique et ironique se mélangent.
Réf : https://www.bacfrancais.com/bac_francais
Bon courage