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(81tile)
Combat de Yebdar
(1 a jan vie1· 183ü)
Les mu1·s déserts de Tlemcen n'arnient qu'une valeur
militaire; il fallait pour que celle position acquit une imror-
Lan cc poliliq11c, repeupler la ville cl enlever à l'influence de
]'Émir la popnlation musulmane, qu'il avait pu arracher, mais
non clloigner de ces lieux, oi1 elle élail habiluéc à virrc et à
mourir.
Le plus pressant était donc de ramrner à Tlemcen la popu-
lation arahC'. Celle mission fnL confiée au général Pcrrcganx,
qui part il le 15 janvier avec une colonne légère composée d'une
avant-garrle de cavaliers auxiliaires commandés par '.\foslapha
ben Ismaël; de l'infanterie de la 1,·,· brigade (zouaves cl
bataillon d'élite, 17" léger el sapeur::; du génie) et d'une section
d'obusiers de montagne.
Mnslaplla ben [smaël, déliné enfin de sa longue caplivité,
reparut pour la première fois avec ses cavaliers, très fiers de
le revo ir à leur tête.
L'i;;mi1·, campé à Yebdar ,entre Tlemcen et Lamoricière),
pour compenser la faiblesse des moyens de défense qu'il était
parvenu à grand peine à réunir en si peu de temps, comptait
sur les tlifficu\Lés du terrain, très rnonLngneux, sur les rochers
inaccessib lcg des Beni-Ad, au milieu desquels il avait planté
son camp.
Mais, les Français sùrent le relancer et le débusquer de ce
nid d'aigles. Les Coulouglis, lleureu~ e nfin de respirer l'air
libre, après un aussi long emprisonnement, g ravissent résolu-
ment des sentiers impraticables, que les Arabes, eux-mêmes,
nomment (< trik-el-diab », chemin ùes chacals.
Les braves cavaliers Douairs cl Smélas, qui se relrou,·er1 t
enlin dan s leur élément, véritables hommes de cheval
qu'aucuu obstacle 1ù1.rrète, <lébourhcnl, en même Lemps que
les l'anta~sins , sur l'emp lacement du camp ennemi.
172 MUSTAPHA BEN IS:\!AEL
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178 MUS'fAT'llA BEN ISMAEL
Celte année 1836, qui corn menr:ait à peine, devait être fertile
en faits d'armes. La soumission des Arabes était loin d'être
faite dans la province d'Oran, et, pour atteindre le but, le plus
difficile restait à faire. Malheureusement, le Ministre de la
Guerre demandait des résultats et refusait le temps et les
moyens de le~ alleindre, puisque l'effectif des troupes, déjà si
182 ~lUSTAPHA BEN IS)IAEL
Dar-el-Atchan
(15 avril 1836)
Pendant crue le général Perregau x pacifiait les tribus de la
région orienlale de la pt'ovince d'Oran, le général d' Arlanges,
à la ll•lc d'nn pelit corps ùe Lroupps réduit à '1200 homme ,
s'avanc:a YCl'S l'ouest jusqu'à Brédéah, où il construisit une
redoute.
Abdelkader, qui l'aismt surveiller ses mouvements, était alors
campé• à la l'onlainc « d',1ïn-el-lloutz » à quelques kilomètres
au nord cl au-dessous de Tlemcen, attendant une circonstance
favorallle pour agir avec quelque succès et prendre sa revan-
che de la Tafna. Elle ne tarda pas à se présenter.
On se souvient qu'avant de quitter Oran, le maréchal
Clausel aYait décidé d'établir un camp it Rachgoun, à l'embou·
chure de la Tafna et d'ouvt·ir, de là, des communications ponr
ravitailler Tlemcen. Le général d'Arlanges, resté seul à la tête
de la Division, était chargé de céltc mission. Les forces dont il
disposai L, join Les à relies restan Llibres de la brigade Perrcgaux,
formaient, ap,·'>s la rentrée en France de quelques régiments,
un ell'ecli(' Lola! de 3000 hommes mobilisables, après aYoir
pourvu slrictc111ent aux besoins de la défense de la place
d'Oran.
C'est avec ce faible corps clr troupes que le nouveau chef de
la Di\'ision dut entreprendre celte ùoulJle mission des plus
difficiles el des plus périllruses. La colonne réorganisée se
composait de (i bataillon d'infanterie (2600 hommes) du
1cr bataillon d'Afrique, du L7° !éger el des 47° et 66° de ligne ;
comme cavalerie : de 150 cavaliers auxiliaires des Douairs,
commandés par Mustapha ben Ismaël el 200 chevaux du
2" cha::;seurs d'Alrique ; cornme arlillerie: de 4 pièces de
campagne et 4 obusiers de montagne; enfin, de '180 sapeurs du
génie, commandés l,ar le colonel Lemercier.
L'entreprise ordonnée par I mal'échal Clauzel élait d'autant
moins réalisable, que lui même y , venait d'échouer avec un
effectif supérieur ; cependant le gL;néral d'Arlange ·, homme de
cœur el de discipline, se mil immédiatement en campagne,
sans lié iter, ni réclamer, comptant ::;ur sa calme el tenace
fermeté et sur les excellentes qualités de sa petite troupe.
186 l\1USTAPII BEN ISMAEL
'" attitude du malin, 1iL les plus grands elTorls pour dissuade ,· le
géneral d' Arlanges de conlinuer sa marche sur la Tafna. Le
vieux Muslapha n'était pas dupe de la taclique de !'Émir, dont
le but évidenl élail de détruire en détail celte pelile troupe
française, engagée malenconlreusement dans ces montagnes
inextricables, et de l'empêcher de par•ienir à Rachgoun.
<c Le génie inculte, le sauvage bon sens de ce véritable
homme de guerre, ont deviné l'issue de la situation dont le
calme apparent aggrave encore le péril. Il supplie son général
de ne poinl pénétrer plus avant dans les montagnes, sans
avoir encore une fois mesuré ses forces aYec l'ennemi et frappé
un grand coup.
- « Si tu parviens à dompter ici l'ennemi, lui dit-il, tu
deviendras, alors seulemenl , libre de tes mouvements.
Si lu ne peux le détruire, ici, estimes-toi heureux de ne pas
l'avoir rencontré dans ces ravins el ces déniés, qui se referme-
ront sur toi ».
cc Le lendemain matin, au départ de la colonne et comme
dernier argument, Mustapha de cend de cheval et se couche,
comme 'ouvorow, en travers du chemin, sous les pas dn
général. Ce dernier, encore irrité de leur différend de la veille,
ne veut écouter ni ses instances prophétiques, ni celte expres-
sive proteslalion du vieil agha ; il engage résolument sa
colonne dans le défilé ».
Abdelkader, comme pour escorter une proie qu'il croit lui
apparlenir, fait harceler l'arrière-garde commandée par le
colonel Combes qui, au moment d'une halte, fait braquer
deux pièces sur les poursuivants et finit par les éloigner à
coups de canon.
Le lendemain, 16 avril, la colonne débouchait sur la plage
sablonneuse de la Tafna et s'établissait en face l'ile de Rach-
goun, sur les hauteurs de la rive droite.
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Sidi-Yacoub
(25 avril 1836)
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. MlJ~T.\PllA BEN lS~lAEL
occupée pat· l'ennemi; les Kabyles coulent par lous lrs llrtncs,
comme un liquide qu'on ver,;c. Il faut des cfl'orls vraicmcnt
héroïques pou!' les tenir <'Il respect cl les cmpl;Cl1er <l'rnl'once1·
les colonnes. Dans cet in:,;Lnnt suprême, un<' plui<' rk !miles
s'abùL et frappe ceux que la crosse ou le ~atag:rn rH' pl'n,·ent
pas entamer. Le lieutcùanl-colonel de ~Iaussion, clld ù'étal-
major, les aiùes de camp sont ble:,;sés; le généml l11i-mc'·me
<'Sl atteint au con el obligé de se t'ë!tirrr au cenlr<' d'u11 carré.
Les soldats !'rao(:ai · tout entiers à celle lnlle inc\.i;alr que leur
courage seul permrL cle conlinuer, n apprcnrn·11l rp1'ils ont
été un moment sans chrf cpt'en voyant le colonel Combes
p1·en<lre le commandement et changPr crrlainc's dispositions
pour sau,·e1· le restant dl' la division d'un anéa11l1ss1•mcnt
presque cerlain,
Appelé à m;er, en ccl inslanl solennel, d'un a-.;ccndanl cl
d'une au toril(· dont il n'aYait pas toujours l'ait u11 irr<'prochable
emploi, el ù remplacer un général a,ec lequel il t'•tait en
dé! icalcs,-e, le e,Jlonel Combrs se mon trn s11pC·1·ir111· à u llt' L:iche
aussi cl iffici le.
Sa soml,rn cl dure é11l'rgir, se comn1uniq1w <·ornme nnc
traînée de poudre rl inspil'c une confianrP s:rns bornr a\lx
troupes fermes comme ,in roc. Sous son rornrnandcrncnt
qu'enflamme l'héroïsme Ir plus pur, les drux [ll'lilcs colonn('~,
réduiles maintPnant :i ·qnatrc compagnirs (tout Je reste' est
hors de combat!) cxécutrnt arnc un élan chevaleresque une
charge à la baïonnelle. Les pièces pri,;es pa1· l'ennemi rnntcnlin
sauvée et le capitaine d'Etat-major de Martimpt'Cy, l[lli se
multiplie avec une égale énergie, a retrouvé un chemin puur
les remell re en I.Jatterie SUI' une hauteur voisine. Les Li raillenrs
aussi dégagés se reforment, mais ils sont pressôs de toutes
parts comme par les anneaux fl exibles d'un vaste scqicnl.
- cc Il faul donner de l'air el du mouvement il lu colonne,
crie le colonel Combes de sa voix mâle el irnpéraLive, nous
étouffons sous le poids de l'ennemi ! »
Alors, il fait faire la navette, La!1lôl en avant tanlùt latérale-
ment, à ses deux petiles colonnes qui vont hal.Jilerncnl recueillir
les compagnies déployées, el à chaque retour offensif CL'S
l\IUST.\L'llA BEN ISMAEL 195
(A sitiv1·e).
J. CA AL.