produit fini, mi-bombe à retardement », dont

l'entreprise littéraire, vouée à défendre Munia- COLONIALISME

turité contre la Forme, risque de. le figer à
jamais dans le rôle officiel de pourfendeur de
la culture. « Etre. 'quelqu'un, disait-il, c'est
appreidre sans cesse que l'on est,- non le
avofi; d'avance.» •
Le FectiSais
qûl niimiltiit être roi
DanS les premiers chapitres de .« Trans-
Atlantimic », le narrateur, GombroWlez.„
même, raconte son arrivée en Argelitine,
précautionneuse danse de séduction - atitmird'es
miheh intellectuels où il affronte le„.rria:itte
littéraire :du pays . — un aveuglé ainC-inains Au regard du colonisé,
recouvertes de mitaines, qui entend. :dértiontrer
au 'Polônais l'insignifiance de ses propdà,...pitis- mi chef blanc traqué par les siens n'est plus
que• tout ce qu'il avancé a .déjà été clit, Par que l'illusion de la force
Virgiie,• ou Homère, • Mlle de teSpiiiaSse
Cambionne,.. "Caricature démente - . de 'Borges,
symbole, Pour l'auteur, de rintelligentsta détes:
tée, Pour lui Opposer le règne Obscur de la jeu-
nesse argentine dei bas-fonds , .de la ville.::
Satire, critique, traité, divertiSkrnee, sotie,
drame, Selon l'auteur, « Trans-Atlantique »
offre toutes les outrances d'un, l carnival. aux
dimensions de l'univers, où .1é:Itragiqué, le
ridicule, le sublime et le bouffon se .mêlent
dans une ronde de masques extraVagantS. On
est en pleine rhétorique du délite, - saisi par
le :vertige d'une imagination,- . ffeehaînée. -et
bruyante, qui a dû effrayer l'autee
iibisque, se rendant compte -que- s'On ionaan
tourne à vide, il saisit le vide 9,Oiume thèrne.
Et lui, pourtant si hostile au- genre, eit fit
métine un espace, poétique bù 4u . sarabande
.

infernale .va se poursuivre mais -comine - en

creux, fantomatique, dans un rn d \ lide cir é. non-
sens devenu un ballon vide, rempli de pensées,
d'événements vides...
•- Le Cri d'un enfant
•,si'.«Trans-Atlantique» est tin.rOmanIrès sin-
gulier, ce deuxième volume du « Journal ». est
anjoiird'hui la meilleure introduction à l'ceuvre
de Gombrowicz. Outre les analysestécurrentes
de Sa . propre thématique; de seS' aberçus para-
doxaux sur la peinture, de ses plongées imagi-
naires dans la science des siècles A;, ;yenir, on
y trouve — énoncés avec cette.SirriPlicité dont
seuls sont capables les "grands écrivains — les
problèmes fondamentaux, les " qiiestions - éter-
nellement sans -réponse, les 'drames .qui tissent
la trame-même de la vie; Tel celui de la dou-
leur, « point de départ de l'existence', Par quoi
tout commence et à quoi ,tout•se„rathèiie -[...},
.
aussi terrifiant chez une moâChe que chez un
homme». Drame essèntiel - 4. ses yeux, sous son
dbuble..aspett_physique-et métaphysique, puis-
que . la douileur . né - se t.pas avec le
temps et que « le cri d'en enfant d'il y à
trente-. siècles est aussi • fiiii q ue celui qui a
-
retenti il- y a trois iairs
- fa douleur est
la douleur de toutes les généiattOns et de tous
les êtres seulement des- 'jhoinmes
. Aussi bien,- face à la . souffrance-des bêtes,
par quoi répondent-elles -;--là...religion catholique
et les idéologies ..rnatérialiStis7....sinon par-une
indifférence olympienne ? -Et,,liii. -7 même, Gom-
browicz, secourant des - searabées tombés ventre
en l'air -- sur une, plage, "ne capitule-t-il pas
devant le nombre-? N'abdigtie±il pas justice.,
morale, humanitarisme? -..Arr fait, qu'est-elle
donc cette morale si_ limitée;_fragmentaire, arbi-
traire; injuste ?
Savants et révérends théologiens, il y à déci-
dément plus. - de - choses, entre la terre et le ciel
qu'il . en est rêvées - dans 'os philosophies...
Vous avez réponse -à 'tout , Mais PaS_ encore à
l'énigme de la clOuleur; - clef peut-être- - de
l'énigme tout- court. Gombrowicz, lui, a osé
s'y attaquer,' comme 4 os •,pins secrètes per- .
plexités, avec -l'intrépidité innocente qui est
le Propre du génie.
HECTOR BIANCIOTTI
Quelques trophées du capitaine Voulet
Un carnage de routine
LE GRAND CAPITAINE
par Jacques-Francis Rolland
Grasset, 270 p., 39 F
Vers 1899, avec sa colonne de tirailleurs
hagards, ivres de sang et de poussière, le capi-
taine Voulet, ce champion de la barbarie
coloniale, taillait dans le vif du continent noir
au nom du fardeau' de l'homme blanc. C'était
l'époque où la République, obsédée par les
Vosges et humiliée à Fachoda, essayait de
raviver son blason guerrier en dépeçant le
Tchad avant les Anglais. Carnage exotique,
dément, de routine en somme jusqu'au jour
où, à Paris, le ministère s'émeut.
Nous sommes à la veine de la réouverture
du procès de Dreyfus et il faut remettre l'armée
au pas, d'autant que les ennemis de l'empire
risquent d'exploiter le moindre village réduit
en cendres, le moindre jujubier transformé
en potence. Le colonel Arsène Klobb, un
Alsacien catholique et colonisateur à la
Lyautey, est dépêché depuis le Soudan pour
relever Voulet de son commandement. A tra-
vers la savane, jonchée de ruines et de cada-
vres, la poursuite dure plusieurs mois. Voulet
est enfin rejoint mais, sûr de ses hommes et
fasciné par sa propre folie, il se persuade que
Klobb est l'envoyé des politiciens planqués
qui, au gouvernement ou dans l'état-major,
veulent flouer les braves de leur victoire. Klobb
essaie de le convaincre, explique, menace, en
vain car Voulet aligne ses tirailleurs et l'abat
froidement.
Dès lors, les jeux sont faits et, à la tête de
son « Anabase » de loqueteux transis par la mé-
lopée des griots, Voulet décide de conquérir
pour lui seul un royaume vaste comme Cinq
fois la France. L'épilogue est prévisible, déri-
soire, puisque, pour le regard du colonisé, un
chef blanc traqué par les siens 'n'est Plus que
l'illusion de la force, même s'il possède un
canon et de la poudre. e Le Grand Capitaine »,
«l'aventurier aux mâchoires d'acier », finira,
égorgé dans l'indifférence par les esclaves et les
Noirs qu'il méprisait et dont il voulut devenir
le roi.
Trakton héroïque
De cette histoire, en tout point véridique -et
extravagante, profit tireront tous ceux qui; par
goût ou perversion, aiment encore fréquenter
les vieux bestiaires de la trahison héroïque.
Certes, on rêve à ce que le Barrès des grands
jours aurait pu faire d'un tel récit. La_prose
bien sanglée de Kipling et celle, boursouflée,
de Déroulède auraient également convenu à
l'immortalité posthume de Voulet le— Flam-
boyant. Mais le lecteur oubliera ses regrets,
tant le lyrisme de Jacques-Francis Rolland,
souvent complaisant dans l'emphase, reste
habile à suggérer la sueur, la splendeur et le
tragique d'une fable démesurément absurde.
JEAN-PAUL ENTHOVEN

Le Nouvel Observateur 49