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Les Éditions Diablo


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Collaborateurs
Co-écriture : Aurélia Lasalle
Révision : Laurence Coulon
Mise en page : Rebecca Fournier
Couverture : Guillaume Dumas

La revanche des Abîmes © Les Éditions Diablo 2022


Copyright © 2022 Audrey Chevalier
Copyright © 2022 Aurélia Lasalle

Dépôt Légal

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Bibliothèque et Archives nationales du Québec 2022
Bibliothèque et Archives du Canada 2022

Tous droits réservés. Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite sans la permission écrite de l’éditrice.

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« Ce qui est intéressant dans l’écriture c’est quand le personnage se met à exister par lui-même. »
Philippe Besson

« L’écriture est la continuation de la vie. »


Jean-Paul Dubois

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La revanche des abîmes
n climat chaud et humide s’acharnait dans la petite ville de Warwick
U depuis plusieurs jours. Une canicule qui ne s’était pas vue depuis cent
ans, qu’ils disaient aux nouvelles. Maria Bilodeau ferma en soupirant la
télévision de la salle des employés de l’hôpital. Elle détestait devoir
travailler dans ces conditions. L’infirmière quitta la bâtisse pour se dépêcher
à se rendre chez la gardienne.

Le petit Aiden courut dans les bras de sa mère, le sourire aux lèvres.

— Viens, on va vite se rendre à la maison pour préparer la surprise à papa


qui revient de voyage dans quelques heures.
— Ouiiiiii, mon papa ! Vite maman, je veux accrocher ma banderole !
s’écria-t-il en la tirant par la main.

Ils quittèrent la gardienne qui leur fit des au revoir de la main. La première
heure se déroula dans une ambiance festive. Le téléphone sonna et Maria fit
des signes de silence à Aiden en remarquant que c’était un appel d’Édouard.

— Oui mon chéri !

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— Hé, comment va ma beauté ? Dis-moi que tu as trop hâte de me voir. La
semaine a été une véritable torture.
— Hooo, je me languis de toi, tu le sais bien. Je ne sais même plus pourquoi
tu me poses encore la question à chaque fois que tu pars.
— Parce que j’aime l’entendre de ta bouche, répondit-il langoureusement.
— OK, OK, Apollon. Garde tout ça pour tout à l’heure, tu es en mains
libres et il y a des petites oreilles fines qui entendent tout.
— Oups ! Maria, tu aurais pu me prévenir. Coucou mon garçon ! Papa
arrive dans environ une heure trente, j’ai hâte de te serrer fort dans mes
bras.
— Moi aussi ! Dépêche-toi !
— Dans ce cas, raccroche pour arriver au plus vite. Je t’aime, mon
homme…, coupa Maria qui voulait retourner à leurs décorations.
— Je fais au plus vite mes chéris. Bye, à tantôt, termina-t-il.

Maria était tellement occupée avec la cuisson du gâteau de fête de son mari
qu’elle ne vit pas le temps passer. La sonnette de la porte d’entrée résonna
dans la pièce à plusieurs reprises avant que Maria n’essuie ses mains en
s’élançant pour ouvrir la porte :
— Enfinnnnn…, s’exclama-t-elle, se figeant sur place devant l'inconnu.

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— Madame Maria Bilodeau ? Je suis l’officier Marc Gauthier. Est-il
possible d’entrer ? Cela concerne votre mari Édouard Lamontagne.
— … d’accord, hésita-t-elle avant de céder le passage.

La pose raide du policier laissait présager le pire :


— Vous devriez vous asseoir, madame.
— NON ! Qu’est-ce qui se passe et pourquoi êtes-vous là ?
— J’ai le malheur de vous annoncer que celui-ci a eu un grave accident…
— Oh mon Dieu ! Est-ce qu’il est...?! le coupa-t-elle, sous le choc.
— Malheureusement, il était décédé lorsqu’on est arrivés sur place,
prononça-t-il en baissant les yeux, mal à l’aise.
— C’est impossible ! Il m’a appelée tout à l’heure pour me dire qu’il était
en route pour la maison, murmura-t-elle en s’effondrant dans le fauteuil.
— Sa voiture est bien une Nissan Rogue noire ? questionna-t-il tandis
qu’elle approuvait de la tête dans un état second.
Le policier poursuivit ses explications en la gardant à l’œil :
— Nous avons retrouvé ses pièces d’identité dans sa poche. Tout indique
que c’est un accident, mais nous devons tout de même attendre les résultats
des spécialistes pour nous en assurer. Je

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compatis avec la peine qui vous accable, c’est délicat comme situation,
mais je dois par contre vous demander de venir identifier son corps à la
morgue.

La femme n’en croyait pas ses oreilles, toute la pièce tanguait comme un
bateau en pleine tempête. C’est lorsqu’elle perdit pied dans cette vision
d’un corps recouvert d’un drap tendant les bras vers elle que ses hurlements
entrecoupés de sanglots résonnèrent dans la pièce. Un garçonnet, tapi dans
l’ombre derrière la porte du salon, regardait la scène tandis que le policier
tentait tant bien que mal de la relever. Il ignorait la signification des propos,
mais les serrements à l’intérieur de lui étaient un bon indicateur que
l’annonce était grave. La vue de sa mère effondrée, les joues barbouillées de
larmes, fut assez pour le faire fuir de la pièce.

Le temps fila de façon saccadée : sa grand-mère qui arriva en pleurs pour le


prendre à charge, sa maman qui quitta la maison sur-le-champ escortée du
policier, les voisins qui déboulèrent de partout avec leur multitude de
questions, sans égards pour le chagrin vécu. Aiden s’était réfugié dans sa
cabane afin de retrouver un peu de tranquillité.

Cette nuit-là, le garçon aperçut une silhouette au visage ensanglanté assise


sur son lit : Édouard, son père !

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— Papa !! Pourquoi tu as du sang sur ta face ? murmura-t-il, effrayé.
— Ne t’en fais pas, je n’ai pas mal. Mon petit bonhomme, tu devras être
fort et prendre soin de ta maman. Je te promets que je veillerai sur vous,
répondit le spectre en caressant les cheveux blonds de son fils. Dors
maintenant, il est tard.

Aiden ne sentit pas le poids se retirer du lit, car il avait déjà sombré dans un
univers de songes incompréhensibles, ignorant que ceux-ci prendraient tout
leur sens plus tard. Son père dans le reflet, entre l’ombre et la lumière, lui
faisait dos en s’éloignant de lui tandis que ses pieds s’enfonçaient dans une
étendue d'eau noire, épaisse et gluante. Il se débattait avec férocité, mais il
glissait de plus en plus vite, incapable de prononcer un seul son. Il toucha sa
bouche et constata que celle-ci avait disparu. Alors que la progression à
l’intérieur de la flaque était située au niveau de son menton, il sentit sa
vision se rétrécir.

— Oh non ! Pas mes yeux ! pensa-t-il juste à l’instant où ils se cloisonnaient


complètement.

Une grande silhouette sombre s'était matérialisée près de lui avant que tout
devienne noir. Il sursauta en panique dans son lit et porta les mains à sa
bouche ainsi qu'à ses paupières pour s’assurer que tout était bien à sa place,
en poussant un soupir de soulagement.

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Les palpitations de son cœur tardèrent à reprendre un rythme normal, Aiden
n’osa pas refermer les yeux et courir le risque de replonger dans ces
horribles visions. Il avait l'habitude de rêver beaucoup, cependant avec une
telle intensité… jamais !
C’est dans ce désespoir inhérent au monde cauchemardesque qui l’attendait
de l’autre côté de la réalité qu’il sombra peu à peu dans la solitude. Il avait
perdu son père et sentait le sol s’écrouler sous ses pieds sans avoir de prise
sur quoi que ce soit.
Aiden imaginait son père en superhéros qui volait au-dessus de leur maison
depuis la seule visite que ce dernier lui avait faite le soir de sa mort, il y
avait de cela plusieurs mois. Son absence avait creusé un vide dans le cœur
de l’enfant qui, du haut de ses cinq ans, ne gérait pas l’oppression des
répercussions. Les terreurs nocturnes récurrentes qui s’ensuivirent vinrent
teinter la qualité de vie de ce petit garçon. Il maigrissait à vue d’œil et
s’enfermait dans un mutisme complet avec ses proches. Rembruni et
inaccessible, à l'abri dans son cocon.
C’était douloureux pour Maria de sentir un mur se dresser entre eux,
comme si elle avait échoué en tant que mère pour lui prodiguer le réconfort
dont il avait tant besoin. Les rires et le babillage avaient déserté cette
maison, une infinie tristesse y régnait.

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Dorénavant, les seules fois où elle entendait parler son fils, c’était lorsqu’il
s’enfermait dans sa chambre à discuter avec un interlocuteur invisible. Les
autres membres de la famille ne cessaient pas de répéter que le pauvre
orphelin vivait son deuil à sa façon. Et qu’inventer des amis imaginaires ne
faisait de mal à personne. Maria avait fini par choisir ses combats et celui-là
faisait partie de ceux pour lesquels elle avait abdiqué.
La routine de préparation pour dormir le soir était devenu un vrai calvaire
autant pour sa mère que pour Aiden qui retardait le moment où il devrait
s’insérer dans ses couvertures, malgré les tentatives de celle-ci pour
l’amadouer. Il était évident que le garçon préférait fuir de cette façon plutôt
que d’avoir à repousser une armée de créatures horribles. Prisonnier de ses
rêves, c’était désormais son fardeau quotidien.

Sa mère le réconfortait sans succès depuis des mois, mais au comble du


malheur, le petit se mit à subir régulièrement des paralysies nocturnes qui
s’étiraient dans le temps. Figé, les yeux dilatés sur une réalité parallèle
remplie d’ombres menaçantes et de voix gutturales, il aurait fait pitié à
n’importe quelle âme errante croisant sa route dans ces moments
vulnérables. Ses assaillants, pour la plupart des spectres dégoûtants et de
féroces créatures que même la plus fertile des imaginations ne pourrait pas
créer, tentaient de l’asphyxier sous leur nombre immense. Ses cris

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bloqués dans sa gorge et les larmes qui coulaient au coin de ses yeux, Aiden
devait s’accrocher jusqu’à ce que la paralysie relâche son corps épuisé par
cette lutte.
Suite à ces nouvelles épreuves, l’apparition de Léonard fut salvatrice, car
Aiden y trouvait une grande source de réconfort. L’attachement à ce nouvel
ami secret fut instantané. Leur lien, empreint de sincérité, se solidifiait au fil
des jours et comblait le vide qui subsistait dans le cœur de l’enfant.
Ce que ce dernier ignorait, c’est que cet « ami » lui volait sa lumière
intérieure, cette énergie vitale imprégnée d’une candeur enfantine. Cette
pureté qu’aimaient les êtres des bas-fonds tel cet imposteur n’était qu’une
façon de s’approprier une vie aux dépens de son hôte. À l’image d’un
parasite, Léonard s’incrustait, lentement mais sûrement, dans l’univers du
garçon en abusant de sa confiance. Ce démon se présentait sous les traits
d’un homme doux, aux cheveux courts et aux yeux noirs envoûtants, pour
lequel on ressentait automatiquement le besoin de le garder près de soi et de
se blottir dans son aura de bienfaisance. L’imposture prenait forme dans les
moindres détails : Léonard avait osé calquer l'allure du défunt père qui
portait toujours un costume dans le cadre de son travail. La tradition entre
eux voulait que dès que celui-ci mettait les pieds à la maison, il faisait
glisser le nœud pour agrandir

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le tour de cou et laissait son garçon la lui retirer pour se la passer lui-même
à son cou.
De surcroît l’entité, par son esprit fourbe, provoquait les fameuses terreurs
nocturnes remplies de créatures aux dents acérées qui n’avaient de cesse de
pourchasser leur jeune proie. Le désespoir créé par tous ces cauchemars
était la nourriture de luxe dans cette dimension parallèle. L’être méprisable
atteignit suffisamment de force pour posséder physiquement le corps de sa
victime, laissant Aiden amnésique à chaque fois que l’envahisseur le
contrôlait dans la maison.
Peu importait pour Maria que certains se permettent de la juger
surprotectrice envers son fils, la jeune femme n’avait cure de l’insignifiance
de leurs propos puisqu’ils n’avaient pas vécu la perte d’Édouard. Personne
n’aurait assez de pouvoir pour l’empêcher de s’inquiéter et de souffrir de
l’état mental de son rejeton. Et voilà donc que Léonard s’abreuvait de cette
tourmente supplémentaire. Concrètement, Maria avait dû sécuriser toutes
les sorties, ne trouvant pas de solution pour stopper ces soudaines crises de
somnambulisme inexpliquées et troublantes. Il était de sa responsabilité
d’agir pour le protéger. Elle tâchait d’être forte et rationnelle, se disant
qu’ils vivaient tous des moments difficiles hors de leur contrôle, mais à
quelques reprises elle avait croisé le regard de son angelot : l’éclat enfantin
dans ses prunelles avait

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cédé la place à une étincelle malicieuse qui la déstabilisait au plus haut
point.

P
ne certaine nuit, l’explosion d’émotions vécues par Aiden ouvrit la
U brèche et permit au démon de solidifier son emprise complète. Son plan
machiavélique se concrétiserait plus vite qu’il l’avait espéré. La
paralysie remplie de créatures putrides se nourrissant du corps chétif du
garçon laissa la place à LA vraie bête. Le monstre ultime. Celui-ci s’étira
dans l'enveloppe charnelle pour se dégourdir les membres comme lorsqu’on
enfile un vêtement moulant. Il tourna la tête, craqua fortement le cou et finit
par se sentir assez à l’aise dans ce corps d'emprunt pour sortir explorer la
maison. À la cuisine, la minuscule main de son hôte s’empara du couteau de
boucher pour se diriger vers la deuxième chambre. Léonard avança tout
près de la mère de famille en la dévorant du regard. Elle était d’une beauté à
damner n’importe quel démon, même le plus féroce guerrier plierait le
genou à ses moindres caprices.
Depuis maintenant deux ans qu’il espionnait cette famille dans tous les
moments… s'imposant même jusque dans l’intimité du couple. Deux
longues années à incarner le parfait voyeur invisible durant les douches de
la douce ignorante des projets qui se tramaient en

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arrière-plan. Deux ans à se contenter avec frustration de ce rôle passif le
limitant uniquement à sa forme spectrale.
Le souffle un peu plus pesant qu’émit Léonard attira l’attention de la belle
au bois dormant. « C’est bientôt l’heure de lever le rideau », pensa-t-il.
Celle-ci ouvrit des yeux engourdis par le sommeil, tandis qu’une présence à
ses côtés se faisait ressentir. La femme réalisa soudain qu’une arme pointue
la menaçait, la panique l’étrangla.
— Aiden !? Mon bébé, que fais-tu avec ça dans la main ? demanda-t-elle
d’un ton hésitant. Allez, viens, tu as dû encore faire un cauchemar, ajouta-t-
elle en faisant mine de se lever et de lui retirer l’objet des mains.

L’être démoniaque utilisa sa voix caverneuse par la bouche de son hôte :


— Recouche-toi, Femme !! tonna-t-il en appuyant la pointe sous le menton
de Maria.
— Aiden ! Lâche immédiatement ce putain de couteau ! Attends de voir la
conséquence qui va venir si tu ne l’enlèves pas de ma gorge ! menaça-t-elle
en évitant de révéler à quel point elle était terrifiée.

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— La ferme ! Tu commences à m’exaspérer avec tes petites menaces, alors
qu’on sait tous les deux que ce n’est que du baratin ! Tu sais, je ne te trouve
pas si mal pour ton âge. Depuis plusieurs mois, je constate à quel point tu
t'ennuies du temps où ton homme te prenait sans relâche partout où c’était
possible : tu en redemandais tellement que tu aimais ça, si je ne me trompe
pas !
Les yeux et la bouche grands ouverts, Maria fut saisie par l’indécence de
ces paroles prononcées sans gêne, mais, encore plus improbable, par la
bouche de son enfant de cinq ans ! Les propos continuèrent :
— Moi, c’est la petite fleur tatouée que tu caches sous ta culotte que
j’aimerais voir de plus près, prononça-t-il en se léchant les lèvres.
Maria savait que tout le monde ignorait l’existence de ce tatouage. À la
seule exception de son mari qui lui avait payé cette folie.
— Mon fils ignore ce détail de mon anatomie, alors qui es-tu ?! Édouard
n’a…
— Justement, en parlant de ton mari… c’est vraiment triste ce qui lui est
arrivé. Ce « supposé » accident qui n'a pas été causé par une défaillance
mécanique demeurera un mystère, ajouta le démon en haussant les épaules
avec un sourire mauvais. C’est ce qui se

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passe quand on met le nez dans mes affaires, Maria. Ton Édouard était en
travers de mon chemin et il n’a suffi que d’une apparition sulfureuse dans
son rétroviseur pour confirmer les doutes qu'il ressentait concernant ma
présence dans vos vies. Oups ! Il a foncé droit dans le parapet tellement il a
été ébloui par ma beauté légendaire, la nargua l’entité en retenant un rire.
La jeune femme s’étouffa sous le choc de ces révélations. Ces dernières ne
pouvaient qu’être le reflet de ses propres doutes lorsque la police lui avait
fourni si peu d’explications. Elle avait mis beaucoup d’espoir dans les
analyses des spécialistes, mais une partie d’elle ne croyait pas à un banal
accident. En réalisant à quel point son instinct ne la trompait que rarement,
une terreur insondable s’empara de ses membres, les engourdissant comme
s’ils étaient faits de ciment. Mais c'était peut-être son esprit qui pesait une
tonne, ainsi figé dans cette improbable hallucination.
La mère chercha un moyen de se protéger de la lueur mesquine qui
transperçait les yeux de son bébé. Des iris dorés et rougeâtres se diffusaient
comme des tentacules pour l’englober, aucun moyen de fuir cette menace
ancestrale. Parce que oui, ce démon possédait son enfant et voulait leur
faire du mal, c’était évident. En fait, ce parasite avait déjà débuté son œuvre
malsaine en causant la mort de son mari.

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— Pourquoi t’attaques-tu à ma famille ?! s’écria-t-elle.
— Pour l’instant, ton marmot me voit comme son père de remplacement.
L’affection qu’il me porte aura son importance bientôt et c’est pour cette
raison que tu n’interviendras pas dans mon plan. Tu payeras de ta vie si tu
désobéis à cette consigne. N’est-ce pas qu’il serait triste que ton petit ange
n’ait plus personne à qui s’accrocher ? Seul, plus de père... ni de mère,
menaça la bête.
— Tu n’es qu’un monstre insensible !
— Tu ne pourrais pas mieux me décrire. Méfie-toi, Femme ! N'oublie
jamais que je vous surveille ! susurra l’entité dans son oreille avant de
quitter le corps du bambin qui s’effondra comme une tonne de briques.
Tandis que les cris de Maria retentissaient dans la chambre, hourdant la
pièce de cette angoisse, c'était à croire qu’il était mort à la façon dont il
s’était affaissé. Aiden reprit connaissance et ouvrit de grands yeux bleus
révélant l’immensité de son incompréhension. Il regarda le couteau
demeuré dans sa main durant sa chute. La lame avait effleuré sa jambe et le
sang qui s'écoulait de la plaie attisa sa panique. Le réflexe d'un garçonnet de
cinq ans : pleurer toutes les larmes de son corps en appelant sa mère jusqu’à

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éprouver de la difficulté à reprendre son souffle. La crise était puissante.
La mère se ressaisit lorsqu’elle vit à quel point Aiden était pétrifié. À son
souvenir, la dernière crise ingérable datait des jours suivant la mort
d’Édouard, quand il avait compris que son père ne reviendrait jamais. Elle
l'enlaça, caressa ses cheveux, le berça ainsi, accrochée pour empêcher quoi
que ce soit de les séparer.
Malgré la frayeur qui nouait leurs entrailles, Maria rassura son garçonnet
jusqu'à ce qu'il s’endorme, épuisé par les sanglots. Elle le coucha dans son
lit et le borda tendrement, comme si ce simple geste pouvait tout effacer.
Par contre, cela ne fonctionna pas pour le débarrasser de façon permanente
des rêves qui l’assaillirent à nouveau. En quelques minutes, il émit des
petits cris de détresse dans son sommeil. Maria savait maintenant que
quelque chose de sombre et mauvais traînait derrière tout ce dépérissement,
elle devait entrer dans l’action.
Maria recherchait une solution miraculeuse. Quoi de mieux que demander
de l’aide à l’aumônier de sa communauté ? Celui-ci les avait accueillis à
leur arrivée pour bénir leur nouvelle maison, ensuite il avait célébré leur
mariage en insistant pour qu’Aiden ait son baptême tôt après sa naissance.
C'était une grossesse non prévue qui les avait engagés rapidement à prendre
leurs

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responsabilités et non à profiter de ce moment pour se découvrir en tant que
jeune couple. Par contre, ils avaient réussi à trouver un bel équilibre entre
les rôles et partageaient une complicité ineffable.
Au grand dam du curé, Édouard refusa que son premier né reçoive son
premier sacrement, prétextant que celui-ci aurait le choix de ses croyances
lorsqu’il serait en âge de décider.

P
Le lendemain

e curé Beaulieu cogna discrètement. Sa fidèle se dépêcha d’ouvrir pour


L le laisser entrer en lui intimant le silence. Elle s’assura qu’Aiden jouait
dans sa chambre et referma la porte le temps d’aller se confier sur la
situation qui faisait rage entre les murs de sa maison. L’homme d’Église
l’écouta avec une affliction porteuse de très peu de réconfort. Maria le
supplia, les yeux larmoyants :
— Robert… S'il vous plaît…aidez-nous…
— Je vous avais dit de le faire baptiser ! Cet enfant bénéficie de la
protection divine, mais il aurait fallu un geste pl…

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— … justement ce n’est qu’un enfant ! Même avec un geste de ferveur
supplémentaire cela devrait suffire !! Il a le mal en lui et le péché absolu
serait de le laisser à la merci du démon qui s’empare de mon bébé,
argumenta-t-elle.
— Montrez-le-moi, je jugerai de l’urgence de la situation, convint le
membre de l’église.
Ils se dirigèrent vers la chambre du petit garçon qui se révéla être vide.
Aiden s'était volatilisé. Hésitant, le prêtre se retourna et percuta le corps qui
barrait le chemin avant de s'effondrer. L’homme âgé, étendu au sol, vit le
gamin s’accroupir à ses côtés tandis qu'un éclat sombre, vieux comme le
monde, brillait dans les yeux qui le scrutaient. L’enfant pencha la tête,
animé d’une curiosité malsaine en le jaugeant du regard. Une attitude
inhabituelle pour un bambin de cinq ans. Une voix enfantine s'adressa à lui :
— … Bouuuh ! Je vous ai fait peur ! Maman, pourquoi le monsieur est
habillé tout en noir ?
— Aiden, je vais reconduire mon ami et je reviendrai te donner de la crème
glacée. Va m’attendre à la cuisine.
Celui-ci repartit en sautillant d’excitation. Maria murmura à l’homme en
qui elle avait confiance :

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— Faites vite, je sens la mort rôder tout près. Trop près de nous. Ce démon
semble atteindre sa force la nuit et prendre possession de son corps.
— … oui, j’ai ressenti ce suppôt des Enfers caché dans les tréfonds des
prunelles d’Aiden. Je reviendrai ce soir avec de l’aide, aucune chance que
j’y arrive seul. Accrochez-vous d’ici là ! promit-il en serrant les mains
froides de la pauvre éperdue.
Elle s’essuya les yeux, feignant la joie devant le verbiage de la chair de sa
chair qui, en réalité, couvait un monstre voulant détruire ce qu’elle
chérissait.
Quelques heures plus tard, à la tombée de la nuit.
La pénombre s’installa tandis qu’au rez-de-chaussée s’affairaient le vieux
curé Beaulieu et son émule Luc Saint-Gelais. Ce dernier suivait son stage
diaconal dans la même paroisse. Jeune et plein de potentiel, il avait la verve
nécessaire pour grimper haut au sein des échelons de l’ordre sacré pour
exercer sa vocation.
Robert déposa son étole mauve autour de son cou après l’avoir portée à ses
lèvres. Ses crucifix sanctifiés furent répartis sur la table de chevet, encadrés
par l’eau bénite et sa précieuse bible qui l’accompagnaient depuis le début
de sa prêtrise. Il distribua ses consignes à un Luc nerveux à l’idée que le
sort de cet enfant repose

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sur leurs épaules sans avoir l’approbation de l’évêque. Cela dit, ils
interdirent à Maria d’interagir avec l’entité, peu importe les provocations
qui seraient prononcées.
Dans un silence pesant, ils montèrent à l’étage et s’arrêtèrent devant la porte
d’où on pouvait entendre des grondements à donner la chair de poule.
Lorsque celle-ci fut ouverte, à l’entrée, ils furent frappés par l'air glacial qui
les enveloppa, de la buée s’échappant par volutes de leur bouche. Une
puissante odeur de soufre régnait dans l'atmosphère, il en était étouffant
d'essayer de respirer. L’enfant, mal en point, les cernes sous ses yeux
tellement prononcés, se tenait debout sur le matelas, les membres raides,
sondant avec haine les intrus. Un doigt accusateur pointa en direction de la
femme épouvantée :

— Je t’avais prévenu de te taire, mais tu n’as rien trouvé de mieux que de


rameuter la brigade à collet béni ! Tu viens de sceller le destin de cet enfant,
espèce de sotte ! Ils ne te seront d’aucune aide contre moi. De toute façon,
tu ne mérites même pas que je t’épargne des tourments.
Maria cessa de respirer sous la férocité des menaces. Cette initiative, elle
l’avait prise en désespoir de cause afin de protéger son garçon… avait-elle
eu tort ? Aurait-elle été en mesure de se

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défaire de cette créature seule ? Robert la poussa sur le côté en lui faisant
les gros yeux :
— Je t’ai bien dit pourtant de ne pas l’écouter, il cherche à semer le doute
dans ton esprit et à étendre son emprise sur toi ! Ce n’est pas ton fils qui
parle, ce sont les propos de l’impie, un clown des bas mondes.
— C’est moi que tu traites de clown ?! Je vais te montrer qui de nous deux
est le bouffon de son univers ! hurla Léonard en faisant voler à travers la
pièce toutes sortes d’objets qui, avec cette force, pouvaient s’avérer
meurtriers.
Une boule de neige en verre effleura la tempe du curé et le fit vaciller alors
qu’il portait la main où l’impact résonnait encore pour le peu qu’elle l’avait
touché.
— Suffit ! C’est à moi que tu vas t’adresser, vil démon ! exigea l'homme
d'Église en tendant son crucifix vers la bête.

Celle-ci le fixait et elle jeta un regard dédaigneux sur son opposant.


— Révèle-moi ton nom, je te l’ordonne !
— Je n’ai aucun commandement à recevoir d’un pseudo curé à la foi plus
chancelante qu’un vieil ivrogne. Sacré Rob, je le sais que ta

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vocation s’est noyée dans le vin de messe, n’est-ce pas ? cracha la créature.
D’un signe de la main, les représentants de l’église psalmodièrent
solennellement des paroles puissantes tout en l’aspergeant d’eau bénite.
Ainsi combinées, c’était assez impactant et pendant un instant, le corps du
petit convulsa, les yeux révulsés, le visage levé vers le ciel. Ce fut ce
moment précis qui leur permit d’immobiliser ses pieds et ses poings aux
poteaux de son lit. Les sursauts cessèrent aussi vite qu’ils étaient apparus,
les iris dorés brillaient d’un éclat rougeoyant et la rage qu’ils couvaient était
saisissante. Malgré la contention et le ressentiment transmis, le démon
aurait dû se débattre et vociférer, mais il ne faisait que les analyser avec un
sourire narquois.

— Pauvres crétins ! Vos efforts sont vains. Je suis plus puissant que
n’importe quel prince des légions, ainsi j’ai tout mon temps pour jouer avec
vous. Alors, mon petit Luc : qu’est-ce que le vieux singe t’a promis pour
que tu acceptes de prendre part à cette idiotie ? J’espère que tu es au courant
que tu mets ta carrière en péril… elle serait anéantie pour moins que ça.
Luc leva un sourcil en l’air en serrant les dents, ce qui ne passa pas inaperçu
aux yeux de Léonard.

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— L'ancêtre s'en fout des rêves que tu caresses depuis longtemps, car il ne
croit plus en l'œuvre de son Dieu ! À voir ta tête, je constate que tu
l’ignorais ! se moqua le démon.
Le stagiaire perdit sa verve dans ses litanies en tâchant de faire abstraction
des doutes que le monstre voulait semer dans son esprit. Pourtant, cette bête
perfide n'avait pas tort : le curé Beaulieu lui avait promis de bonnes
références au sein du diocèse. En réalisant que tout était une question de
manipulation - une belle grande faille dans le portrait qu’il se faisait de son
supérieur - , le plus beau geste qu’il pouvait accomplir dans ces
circonstances était de pardonner.

Luc décida de pousser du revers de la main cette problématique, le


surmenage faisait flancher même le meilleur des hommes.
Les deux prêtres unirent leurs voix dans de puissantes prières qu’ils
répétèrent avec acharnement pendant plusieurs heures, alors que l’eau
bénite réussissait à interrompre temporairement les propos salaces de la
créature des Enfers. Pendant quelques minutes qui parurent durer des
heures, la poitrine de l’enfant se gonfla à son maximum, avant de s'écrouler
libérant ainsi le corps de sa victime des tensions qui tordaient ses membres
depuis trop longtemps. Son visage chérubin pointa en direction de sa mère
complètement désemparée.

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— …ma…man …Léo…nard …pas gentil …je ne veux …plus jouer…,
hoqueta-t-il en pleurant.
— Aiden, il s’appelle Léonard ? questionna Robert tandis que le petit
acquiesça de justesse avant de recommencer à se contorsionner sur le lit.
— Mon chéri ! Reste avec nous ! implora Maria qui s’approchait pour
l’enlacer en espérant que les soubresauts qui torturaient son fils s’arrêtent.
Luc la repoussa violemment pour éviter que la bête ne tente de les duper à
nouveau et que la femme ne soit blessée. Soudain, un mélange de voix
enfantine et démoniaque les supplia de cesser l’exorcisme.
Le vieux prêtre devina que le damné pourrait se jouer d’eux à sa guise. Il
réfléchit intensément aux mots du garçon, quelque chose lui échappait : il
n’avait aucun souvenir d'un suppôt de Satan qui se nommait Léonard dans
ses études en théologie. C'était évident que l’entité avait utilisé un prénom
usuel pour communiquer avec Aiden, mais… peut-être que… ! Il ne perdait
rien à essayer, se persuada-t-il.
Robert Beaulieu pointa son crucifix tout près du visage du pauvre bambin et
gronda d’une voix de ténor :

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— Révèle ton identité, chien sale !
— Oh ! Que de vils mots dans une bouche supposée vierge ! De gros mots
bénis, haha ! ricana l’ennemi alors qu’un vent rugit dans la pièce,
accompagnant son éclat de rire.

Ils durent s’accrocher aux meubles pour ne pas perdre pied tellement la
tempête explosait, puissante dans cet espace réduit. Le curé devait trouver
un moyen de bloquer la force télépathique du démon. Il rampa lentement
mais sûrement vers la tête de lit et il hurla par-dessus les grondements :
— Je vais t’arracher de force ton identité et te botter le cul jusqu’aux enfers,
putain de rapace ! Au nom de la Sainte Trinité, je te l’ordonne ! tonna
l'homme d'Église à pleins poumons en appliquant au même moment son
étole sur le front couvert de sueur du supplicié.
Une plainte déchirante franchit les lèvres bleuies, preuve ultime du
douloureux combat qui faisait rage dans ce corps chétif. Le tissu béni avait
brûlé l’essence originelle de la bête. Dans un lot de contorsions
improbables, une voix d’outre-tombe gronda et l’aumônier en discerna les
propos :

— … Léonardddd !!… Grand Bouc… noir des Enfers !

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Il n’en fallut pas plus pour que les deux prêtres invoquent la créature par
son vrai nom pour le bannir de l’enveloppe charnelle qu’il parasitait depuis
trop longtemps. Tel le ressac de la mer, ils continuèrent sans relâche leurs
palabres jusqu’à ce qu’enfin, la bête cède son emprise et quitte le corps
d’Aiden.
Dans le pire de la tempête infernale, Maria avait fini par joindre les mains
pour prier et apporter sa contribution au duo de sauveurs. Une ferveur qui
pesait dans la balance du bien ou du mal. Un silence de mort s’installa
lorsque tous deux arrêtèrent leurs litanies jusqu’à ce que retentissent les
sanglots typiques d’un garçonnet de cinq ans. Leur authenticité ébranla les
acteurs de cette scène surréelle. Cette pression qu’avait ressentie Luc quitta
ses épaules à la vue de cette libération in extremis. Maria fonça vers son
enfant pour détacher ses membres encore maintenus aux barreaux et le
consola de cette épouvantable expérience. Un instinct féroce de protéger sa
progéniture s’imposait à elle. Son chérubin s’accrocha à son cou avec le peu
d’énergie qu'il lui restait. La femme alla le coucher dans son propre lit
lorsqu’il tomba dans les limbes du sommeil entre ses bras rassurants.
Les deux prêtres attendirent tout ce temps en silence, probablement à
demander l’absolution des péchés qu’ils avaient chacun commis dans des
buts différents pendant cette nuit d’enfer… plutôt en enfer ! Maria revint
pour discuter un peu, elle

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se questionnait à savoir s'il serait possible d’effacer cet affreux souvenir,
comme si tout ceci ne s’était jamais produit. Elle raccompagna les deux
hommes, sauveurs d’Aiden, et les remercia à profusion. La jeune maman
leur serait éternellement reconnaissante, car son bébé allait survivre.

P
n profond calme régnait dans la maison, contrairement à ce qui avait
U hanté leurs nuits dans la dernière année. Une paix, enfin ! La mère de
famille souhaitait que ce soit permanent comme atmosphère, alors que
disparaissaient les traces visibles du cauchemar ayant sévi dans cette pièce.
Quand ses yeux s’alourdirent, donnant le signal qu’elle avait amplement
mérité de dormir quelques heures, elle alla se lover contre le dos de son
petit bonhomme dont la respiration régulière finit par la faire basculer dans
des songes mystiques : Aiden lui tendait les bras, une extrême frayeur
étirant son visage, tentant de fuir la noirceur autour de lui qui allait
l’engloutir sur son passage. C’est en sursautant d’épouvante que la jeune
mère s’assit sur le matelas et constata que son fils dormait encore à poings
fermés.
« Ce n’était qu’un simple cauchemar lié à leur éprouvante expérience », se
sermonna-t-elle.

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En fait, c’était une horreur inoubliable, les traumas régneraient en leur sein,
pour toujours dans leur inconscient, même si, aux premiers abords, ils les
camouflaient sous le tapis.
Le matin finit par arriver, laissant traverser ses timides rayons par la fenêtre.
Maria entrouvrit des yeux pesants. Elle aurait apprécié quelques heures
supplémentaires pour récupérer, mais quelque chose la perturbait, sans
savoir précisément de quoi il s’agissait. Elle fut étonnée de voir son fils qui
la dévisageait en silence, à quelques centimètres d’elle.
— Mon bébé, comment te sens-tu ? Maman a eu si peur, murmura-t-elle en
caressant ses cheveux avec une douceur maternelle.
Il hocha simplement la tête avant de baisser le regard. La femme savait que
cet énorme traumatisme ferait ressurgir le mutisme qui avait accablé son
garçon à la mort d’Édouard. Elle traverserait la rivière lorsqu'ils y seraient
rendus, son petit ange était tiré d'affaire et en vie c'était le plus important !
La journée se déroula dans une apathie générale, même si la mère de
famille avait redécoré la chambre d’Aiden pour effacer les mauvais
souvenirs. Elle lui chanta ses comptines préférées, cuisina les biscuits aux
pépites de chocolat qu’il affectionnait tout particulièrement. Le soir tombé,
le bambin

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continuait de la scruter sans un mot en levant le nez sur tout ce qui lui était
proposé.
Pendant qu’elle l’aidait à mettre son pyjama, elle le pressa entre ses bras en
retenant ses sanglots. Maria ne vit pas les yeux du petit virer d’un bleu ciel
à un noir d’une profondeur abyssale. Lorsqu’elle se détacha de lui, elle se
figea devant le rictus mauvais qui venait de s’étirer sur le visage de son
enfant. Un frisson d’appréhension l'étouffa.
— Mais… mais… qu’est-ce qui… Aiden ? gémit-elle.
— Hum ! T’ai-je manqué, ma jolie ? questionna une voix grave.
— Tu as été exorcisé du corps de mon bébé ! Comment est-ce possible ?!
geignit-elle en portant les mains à sa bouche.
— Ha ! Ha ! Fais-moi rire ! Vous êtes si faciles à duper que c'est presque
ridicule. Maria, ton enfant est mort, disparu… englouti dans les profondeurs
de l’Enfer que j’ai quitté pour de bon. J’avais besoin de sacrifier une âme
pure en échange de ma réincarnation. J’ai visé votre famille et plus
précisément ce marmot parce que les dons médiumniques qu’il possède me
permettront d’accomplir ma destinée. J’ai absorbé par le fait même ses
fameux pouvoirs qui augmenteront exponentiellement ma puissance sur
Terre. Et pour concrétiser cet avenir, je dois compléter ma transition dans
une enveloppe charnelle permanente. J’y suis arrivé en partie en

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dissimulant ma réelle identité à ces prêtres crédules, mais sûrement pas
grâce à toi et tes manigances !
— Tu n’es pas Léonard ?! s’exclama-t-elle.
— Hé non ! Ce connard de Bouc noir a dû souffrir à distance de toutes leurs
incantations désagréables à son égard, ricana-t-il. Mais je devais
absolument le punir pour la trahison qu’il m’a faite !
— Alors, qui… es-tu ? demanda-t-elle du bout des lèvres, réalisant à quel
point elle était en mauvaise posture.
— … Samaël… l’Ange de la Mort, articula-t-il lentement pour donner plus
d’impact à ses propos.
Sans hésitation, Maria s'élança en direction de la porte en se disant que cet
ange déchu serait facile à semer ainsi coincé dans le corps du bambin.
Lorsqu'un violent plaquage au mur par une force invisible vint l'arrêter dans
sa tentative de fuite, elle comprit qu'elle ne faisait pas le poids de cette
façon. Elle devait trouver un moyen de prévenir Robert et Luc. Par contre,
cette lutte était peut-être vouée à l’échec vu que leurs efforts avaient été en
vain. La combattante enfouie en elle choisit ce moment pour laisser
exploser sa rage :

— Rends-moi mon fils !! hurla-t-elle en se débattant afin de se défaire de la


poigne qui la maintenait prisonnière.

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Les yeux de la bête passèrent d’une sclère noire à un cercle doré aux reflets
rouges ardents en une fraction de seconde. Un grondement, semblable au
tonnerre qui précède l’orage, vint accompagner la respiration du démon
tandis qu’une voix caverneuse s’adressa à Maria :
— Ne pousse pas ta chance, Femme ! Tu es en mesure de t’exprimer et rien
que pour cela, tu devrais m’être reconnaissante. Il serait dommage que tu
perdes ces privilèges, n’est-ce pas ? souligna-t-il.
— Salaud !! Libère-moi !! cria-t-elle sans réfléchir à la dernière menace.
Il tendit la main dans sa direction et ferma les doigts lentement en
dévisageant sa prisonnière.
— Tu l’auras voulu…, tu es d’une déception, acheva-t-il en hochant la tête.
À l’instant même où il compléta son geste, Maria se mit à se lamenter. Une
seconde peau recouvrit sa bouche centimètre par centimètre. Et tandis que
la femme se débattait, la progression de chair s’aligna vers ses narines… ce
n’était rien de moins qu’une mise à mort… elle allait mourir asphyxiée. Le
démon resserra la contention, sa prisonnière ne pouvait rien bouger d'autre
que ses

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yeux. Ceux-ci, exorbités et veinés de rouge, laissèrent des larmes s’écouler
le long de ses joues pendant que l’oxygène commençait à manquer. Il
relâcha sa victime lorsqu’il ressentit, à distance, les battements de son cœur
qui s'espaçaient dangereusement.
Maria inspira à grandes goulées en portant les mains à sa bouche. Tout était
redevenu normal.
— Vois-tu où se situe LA limite maintenant ? Ou devrai-je me montrer
moins compatissant ? suggéra-t-il en s’approchant.
— … je t’en supplie, pleurnicha-t-elle en tendant les bras devant elle pour
se protéger de son tortionnaire. Je ferai tout ce que tu me demanderas ! J’ai
compris que tu es puissant, nul besoin d’en faire plus pour que j’y croie.
— Debout, ordonna la bête.
En s’appuyant au chambranle, elle se remit sur ses pieds. Tremblotant face
à ce qu’elle allait encore affronter, c’était comme si le temps était suspendu
entre eux. Le visage chérubin d’Aiden céda la place aux traits d’un homme
mûr, affublé d’un regard brûlant telle la braise. Une convoitise malsaine qui
donna la nausée à la soumise. Elle recula contre le mur en tournant la tête
pour éviter le contact qui ne saurait tarder. Maria ferma les yeux et tenta de
contrôler sa respiration pour calmer les soubresauts de sa

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poitrine. Il appuya les mains de chaque côté de sa prisonnière en se
penchant pour humer son cou et en effleurer la peau tendre.
— Ouvre les yeux et regarde-moi, murmura-t-il en relevant le menton pour
accueillir les tourbillons de l’œillade de cette dernière.
Mais elle serra encore plus ses paupières en hochant négativement de la
tête.
— Arrête tes gamineries. Maria, fais ce que je te demande, avertit-il d’un
ton découragé.

Elle lui dévoila le bleu de ses iris, préférant collaborer le temps qu’elle
trouve une solution miracle pour les sortir, Aiden et elle, de ce mauvais pas.
La jeune femme ne put s’empêcher de constater que cet être démoniaque
sans cœur lui révélait son apparence. Samaël arborait un visage d’une
beauté sculpturale, des cheveux noirs comme le charbon qui cascadaient
dans son dos. Le corps massif de cet ennemi, dont chaque muscle était
gonflé pour mener de front tous les pires combats, incarnait un mur
infranchissable. Sa taille imposante ferait sûrement hésiter même le plus
valeureux des adversaires à s'engager dans un combat avec lui. Cependant,
le plus notable de ses traits demeurait ses iris… envoûtants. C'était un
élément à couper le souffle : une hétérochromie centrale où se

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côtoyaient un anneau doré et un autre rouge carmin. La sclère de ses deux
yeux était ténébreuse tels les abysses.
Cette troublante vision indiquait soit qu’elle sombrait dans la folie depuis
hier, soit qu’un monde infernal guerroyait vraiment afin de détruire la bonté
des hommes sur cette Terre. Son menaçant adversaire dut certainement
percevoir son émoi, car il rapprocha son corps contre le sien. Maria hoqueta
de dégoût, sachant quelle créature effroyable se cachait sous cette belle
apparence.
— Toi, accomplir tout ce que je veux ? Voilà qui est une offre intéressante,
susurra-t-il en analysant son visage de près. Chose sûre, je vieillirai ce corps
au plus vite, mais avant, nous quitterons cette ville sous prétexte de
reconstruire ta vie ailleurs. Tu n’auras qu’à dire que tu n’arrivais plus à
vivre dans cette maison étouffante où il existe trop de souvenirs de ton
défunt mari partout entre ces murs. Les gens n’y verront que du feu.
La femme aurait voulu lui cracher au visage, mais il était préférable de ne
pas le provoquer davantage. Elle serra les dents, un éclat de haine dans les
prunelles qu’elle vrillait sur lui.
— Tout ça pour retrouver ton enfant ?! grommela-t-il. C’est impressionnant
cette volonté sans faille dont tu fais preuve. J’ignorais à quel point l’amour
inconditionnel d’une mère pour sa

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progéniture pouvait être puissant, assez puissant même pour avoir la
détermination d’affronter l’Enfer pour le récupérer.
— As-tu terminé ton monologue, Samaël ? Je pense que tu peux aller
directement au principal de cette discussion, maintenant que je suis au
courant que tu adores t’entendre parler !
— C'est divertissant cette jeunesse courageuse, sauvageonne... ou
insouciante. Rendu là, je me contrefiche de savoir lequel s’applique le
mieux, mais tu finiras par plier devant moi, déclara l’Ange de la Mort en lui
tenant le menton. Puisque tu as le don d’engendrer des enfants aux
capacités hors du commun, je suis enclin à effectuer un échange d’âme pour
te redonner ton garçon.
— … comment reconnaître que ce n’est pas une nouvelle ruse pour me
piéger ? Tu m’as pourtant dit que mon fils était décédé ! Et en quel honneur
serais-tu prédisposé à répondre à ma requête ?! Que caches-tu encore dans
ton sac à malice, vil démon ? se moqua Maria dans l’intention de le narguer
tout en sachant qu’il avait besoin d’elle, sinon il ne serait pas là à
parlementer.
— C’est simple ! Tout ce que tu as à faire, c’est de personnifier la matrice
qui concevra six de mes descendants.
— Trouve-toi une autre greluche, salaud ! Il n’y a pas une folle sur Terre
qui accepterait cette entente ! Lis sur mes lèvres : VA TE FAIRE
FOUTRE !

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— J’ai le pouvoir de réincarner ton marmot par le biais de l’âme d’un de
mes enfants nés dans cette dimension, c’est toi la débile si tu ne saisis pas
cette occasion !
— Je n’ai aucune idée si tu es franc ! Si c’est le cas, pourquoi m’avoir
annoncé son trépas dans ta précédente diatribe ? questionna-t-elle en
haussant les épaules.
— Pour ton information, ton gamin est prisonnier des limbes infernaux,
autant dire qu’il est mort. C’est du pareil au même. La seule façon de l'en
sortir, je viens de te la fournir sur un plateau d’argent.
Elle coupa le contact visuel qu’elle entretenait avec l’être démoniaque. De
puissantes émotions l’étouffaient ; si elle les laissait percer son mur de
protection, il ne resterait plus rien de son âme. Et si elle avait tort ? Elle
entendit à nouveau la voix caverneuse s’adresser à elle :
— Sais-tu, Maria ? La stupidité n’a jamais fait partie de mes critères de
sélection, et je réalise que tu ne valais pas le coup que je m’attarde ici. Là
où normalement tu devrais t'estimer heureuse que j’aie la bonté d’accéder à
ta requête dans ces termes raisonnables, tu préfères plutôt jouer à la tête
brûlée et cracher sur l’âme de ton fils ?

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Il capta son hésitation, celle-ci pesant le pour et le contre d’un tel
engagement qui les lierait pour une très longue période. Samaël connaissait
déjà le choix final parce que, oui, les humains étaient prévisibles ! Ils
l’étaient depuis la nuit des temps.
Cet amour ressenti pour la chair de sa chair obligerait Maria à se sacrifier
autant pour ses descendants que pour son précédent enfant. L’Ange de la
Mort allait faire en sorte qu’elle passe en priorité « tous » les enfants mis en
cause dans la situation. Il devrait s’efforcer de l’appâter suffisamment avec
le sort de son premier né, Aiden. Il testerait la viabilité de ce lien pendant
six longues imprégnations. Son élue allait devoir placer leur union dans la
liste des priorités si elle voulait qu’il accède à sa demande.

Il le disait : elle plierait le genou devant lui et implorerait sa merci. Rien ne


garantissait la destinée qu'il lui réserverait après tout ce processus. Son but
ultime était de révéler à la face du monde les armes puissantes des forces du
mal à son service pour assouvir de sombres desseins... Leur progéniture...
Elle resterait pour eux, c'était évident.
— Maria, c’est à prendre ou à laisser ! Je ne te proposerai pas d'offre aussi
accommodante que celle que je viens de te faire. N’oublie pas que je suis
l’Ange de la Mort. Je ne fais preuve d’aucune pitié pour les humains. Dois-
je te souligner que je n’en ai éprouvé aucune

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pour ton mari ? En revanche, les abysses infernaux m’ont limité à plusieurs
niveaux. Maintenant, j’ai le champ libre : un de mes souhaits est de prendre
une partenaire et de faire en sorte que ce corps physique qui est mien
comble mes désirs les plus intenses. Ne serait-ce que pour montrer mon
engagement auprès de toi, je pourrais accéder à ta requête…
Le visage de la jeune femme se durcit tout en le fusillant du regard :
— … Pour ta gouverne, Samaël, je n’en ai rien à foutre du titre que tu te
donnes ! Tu ignores à quel point je suis résiliente, contrairement à ce que tu
penses. Peu importe ma décision ou à qui je prêterai allégeance, sache que
je tenterai par tous les moyens de réduire à néant tes plans.
— Alors, ton affirmation confirme que tu acceptes notre contrat ? demanda-
t-il en s'entaillant la paume profondément avec son ongle effilé d’où
s’échappa un sang carmin épais.
— Oui, je valide. Prépare-toi à crever quand tu ne t’en douteras pas. En fait,
tu es déjà mort pour moi, menaça-t-elle en tendant la main pour qu'il la
taillade à son tour et unisse leur source de vie.
— … voilà qui mettra du piquant dans notre nouvelle réalité, ma jolie,
ajouta-t-il avec un clin d'œil malicieux.

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P
lusieurs heures avaient passé, comme si le marchand de sable ne s’était
P pas arrêté par le 38 rue St-Gelais. Maria, étendue sur le côté dans son lit,
ne pouvait pas détacher son regard de l’être démoniaque qui s'était placé
dans la berceuse dans le coin de la pièce. Sa grand-mère se retournerait
dans sa tombe à savoir qu’un cul non béni s’était assis dans sa chaise
favorite !
Elle était demeurée dans son champ de vision, autant parce qu'il ne voulait
pas la perdre de vue que pour se rincer les yeux. Dans cette dimension,
Samaël n’avait aucune règle à suivre concernant son sommeil. Il ne
clignerait pas de l’œil. Un Ange de la Mort ne dormait jamais. Éveillé sur
les péchés des hommes ou leurs tares éternelles. Quelle tâche ingrate d’être
tenu depuis trop longtemps loin de ce monde qui ne réclamait que sa venue
aux yeux de tous. Il avait bien l’intention de s’approprier ce qu’on lui
refusait depuis de nombreux millénaires, sous prétexte que cette vermine
d’humains valait plus que lui ! Ridicule !
Égaré dans ses réflexions, il sentit tout de même que Maria avait
subtilement mis la main sur un petit objet pointu qui reposait sur sa table de
chevet. Elle simula de prendre une gorgée d’eau, mais

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on n’apprenait pas à un vieux singe comme lui à grimacer. Sa voix rauque
retentit :
— Je pense qu'il est inutile de te dire de ne rien tenter de stupide, car
j’oublierais notre entente. Et j’irais t’enfermer moi-même dans le cachot qui
t’attend en Enfer, ajouta-t-il en feintant de chercher une poussière sur sa
manche de chandail.
— Tu irais jusqu'à abîmer le corps de mon fils ? Sale parasite…, prononça
Maria, crachant ainsi le fiel qui l’alimentait.
— Maintenant que je suis incarné physiquement sur Terre, tu sauras que
rien n’est coulé dans le béton en ce qui concerne l'enveloppe charnelle de
ton marmot. Si tu me pousses à bout, ce que tu sembles avide d’accomplir,
je n’hésiterai pas une seule seconde.
— Mais… mais…
— Mais… mais..., TU vas me donner ce que tu as dans la main et être une
bonne fille, ordonna Samaël tandis qu’il étirait le bras pour qu’elle dépose
l’objet dans sa paume.
Maria, les yeux larmoyants devant ses tentatives pitoyables, retint ses
sanglots et lui remit son précieux : une pointe de quartz très effilée qui lui
servait dans ses soins en lithothérapie. Sans le tuer, cette pierre aurait peut-
être eu la capacité de lui faire mal avec ses propriétés. Au moins, elle
préférait avoir essayé quelque chose

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que de rester passive, en revanche elle avait étiré sa tolérance au maximum.
Le démon venait de lui donner un avertissement qui ne laissait place à
aucune objection. « L’enfant de pute est omniscient ou quoi ?! » se
questionna-t-elle.
Elle décida de se retourner pour lui faire dos. Autant le priver de son plaisir
de la détailler en entier, ce qui la révulsait rien que d’y penser. Elle finit par
se laisser glisser dans le sommeil. Un sommeil vide. Trop vide. Le matin, la
captive ouvrit les yeux et souhaita que tout ce qui s’était passé dans les
derniers jours ait disparu comme par magie. Ce scénario était trop beau
pour être vrai. L’envahisseur la dévisageait encore. Dans un soupir
d’exaspération, elle tira les draps par-dessus sa tête.

— Peu importe, tu ne pourras pas demeurer dans ce lit indéfiniment sans


attirer l’attention. Tu dois aller accomplir les tâches que je t’ai données. Ce
n’est pas une option, mais une obligation si tu veux que tout le monde s’en
sorte. Pas de collet blanc, ni famille ou amis, est-ce bien compris ? Et tu
t'appliques dès maintenant à l'ouvrage pour vendre cette maison afin qu'on
s’en aille ailleurs.
— Je ne sais pas si tu réalises que ça ne se fait pas en une journée ! Et si tu
tiens à éviter d’attirer l’attention, ce n’est pas le meilleur moyen en
repoussant mon entourage. Et comment veux-tu qu’ils

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réagissent si Aiden s'évapore du jour au lendemain ? Et la police ? Du fin
fond de ton Enfer, tu as peut-être oublié qu'on est en 2022 et que ça
s'appelle une disparition suspecte... Hein petit génie ? Je te parie que tu n’y
avais pas réfléchis !
— Voilà qui est ennuyeux en effet…, ajouta-t-il à l’argumentaire de Maria.
Commence par contacter un agent immobilier et je trouverai une façon de
régler l'autre problème.
— Je vais définitivement avoir besoin de caféine, tu es lourd ce matin ! Tu
m’énerves déjà et la journée est à peine entamée, ronchonna-t-elle en
mettant sa robe de chambre pour se rendre à la cuisine.
Le sourcil en l’air de l’entendre le critiquer aussi naturellement, il s’abstint
d’émettre un commentaire supplémentaire qui empirerait sa « lourdeur »
concernant les complications du moment. Il était évident qu’il ne pourrait
pas esquiver de retourner à Aiden le morveux. Minuscule et faible devant
les gens qui les connaissaient, il devrait démontrer une fermeté incroyable
pour contrôler cette femme rebelle à l’insu des autres. Il voudrait éviter de
gaspiller ses pouvoirs pour effacer les mémoires de leurs proches et
qu'ainsi, ils finissent à l'état végétatif. Sinon, il avait songé à les faire
disparaître, mais il courrait le risque que les soupçons soient portés sur
Maria. C’était sans compter qu’il viderait énormément ses réserves de
puissance démoniaque.

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Il l’entendit raccrocher, noter un nom et un rendez-vous pour le lendemain.
— Dis-moi, Criss Angel[1]… n’aurais-tu pas la capacité de ranger et
nettoyer cette maison de fond en comble par hasard ? Question d'être utile
un peu. Un petit tour de magie et hop, c’est réglé ? dit-elle en claquant des
doigts.
— Ce n’est pas vrai, tu ne vas pas te servir de moi comme d'une ménagère !
Ça serait une insulte à l’Ange de la Mort que je suis. Sois logique, espèce
d'insolente !
— Une fille s’essaye, de toute façon, ça devra être fait d’ici demain si je
veux que l’agent procède au plus vite. C’est toi le pire si tu ne m’aides pas.
À moins que tu ne préfères laisser ma mère venir ici ?
Il eut un regard noir à son égard, il gronda en lui répliquant du bout des
lèvres qu’il lui donnerait un coup de main. Samaël avait décidé de saisir
l'occasion d'une fête précédant leur nouvelle vie ailleurs. L'Ange de la Mort
effacerait finalement la moindre parcelle des souvenirs de toute sa famille :
Maria, Aiden, Édouard, mariage, anniversaire... tout ! Seul le néant total
subsisterait dans leur petite tête.

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Ce serait une énorme demande d’énergie, mais également la seule façon de
prévenir quoi que ce soit.

P
Quelques heures plus tard.
amaël jeta au bout de ses bras le chiffon humide. Son orgueil venait d’en
S prendre un bon coup, mais Maria n’en parlerait plus. La sonnette retentit
de son carillon aigu. Ils se dévisagèrent en silence, il s’approcha
rapidement d’elle et la saisit :

— Tu es avertie, tu vas raccourcir sa vie si tu lui dis quoi que ce soit !


— Lâche-moi, j’ai compris ! ragea-t-elle en se dégageant de sa poigne.
C’est ma mère, chuchota-t-elle après avoir regardé dans le judas de porte.
Elle fut stupéfaite d’assister à la fin de sa transformation pour reprendre
l’apparence d’Aiden. L'espace d'un instant, c’était comme si elle avait
retrouvé son bébé. Les yeux noirs aux reflets dorés et rouges la ramenèrent
à l’ordre : ce n’était pas son enfant, mais l’usurpateur tant détesté à qui elle
était maintenant liée de la

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manière la plus tordue possible. Elle se mit un faux sourire aux lèvres et
ouvrit la porte à la volée.
— Maman ! Mais que fais-tu ici ?
— Je passais dans le coin. J’ai décidé d’arrêter le temps de dîner avec vous
et d’avoir mes câlins. Viens voir mamie, mon petit cœur, implora-t-elle en
s’agenouillant devant l’enfant.
Aiden hésita quelques secondes pendant que Maria poussait dans son dos
pour qu’il obéisse. L’entité tourna un regard noir vers elle alors que la
grand-mère, n’y ayant vu que du feu, l’accueillait dans ses bras.
— T’es-tu ennuyé mon amour ? Moi oui, beaucoup !
— Rentre maman, ne reste pas dans la porte, proposa la jeune femme, mal à
l’aise que Samaël ait ce contact intime avec cette dernière.
— Je reviens, je dois emprunter la salle de bain, s'exclama-t-elle avant de
s'éclipser.
L’Ange de la Mort saisit l’occasion pour s’approcher de Maria et l’obliger à
se pencher à sa hauteur :
— Profite bien de ce moment avec ta génitrice, car c'est ton dernier avant la
fête de départ. J’effacerai de leur mémoire votre existence

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ainsi que tous les souvenirs qui s'y rattachent. Informe-la qu’il est crucial
que toute la famille assiste à cette réunion dans quelques jours.
— Depuis la mort de mon père, il ne reste que ma mère et quelques vieilles
tantes. Pour ce qui est des autres, je me demande même s’ils savent qui
nous sommes. Quelques voisines font partie de notre cercle social et... les
deux curés.
— Il est hors de question que ces deux-là se pointent le nez ici ! Tu
trouveras une solution pour les garder loin de nous, tu n’as pas le choix.
— Accorde-moi au moins un peu de temps seule avec elle…, lança-t-elle,
un air triste sur le visage.
Il pesait la faisabilité de cette demande et tardait à répondre. C’est à ce
moment que la porte de la salle de bain s’ouvrit.
— … tu peux me faire confiance je ne suis pas stupide au point de mettre la
vie de ma mère en danger, souffla-t-elle dans un murmure.
— … d’accord ! De toute façon, je peux…
— …peux tout voir et entendre : je le sais !

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Il quitta la pièce en silence avant que la dame arrive et se mette à bavarder
de tout et rien durant les deux heures suivantes. Maria réussit à la
convaincre de faire venir toute la famille dans trois jours pour une grande
annonce. Cette dernière, curieuse, lui avait demandé s'il était question d'une
grossesse secrète. Elle avait répondu que si c'était le cas, elle serait enceinte
du bon Dieu. Cette réplique fit grincer des dents Samaël dissimulé dans la
cuisine.
Cette référence céleste qui lui faisait défaut en ce moment détruisit le peu
de contenance que Maria tâchait de garder. Elle eut à peine le temps de
refermer derrière sa mère qu'un torrent de larmes inondait son visage. Elle
vit revenir Samaël dans sa véritable forme et elle le brusqua en courant pour
aller se réfugier dans sa chambre. Il monta à sa suite et la porte lui claqua
rageusement au nez.
C'est à cet instant que des sanglots déchirèrent le silence de la maison. Elle
le maudissait en lançant tout ce qui traînait à sa portée et lorsqu’il en eut
assez, il fendit le bois pour pénétrer à l'intérieur, stoppant en plein vol un
vase en porcelaine. Le bras tendu vers les objets en suspension, il visa du
regard Maria qui figea sur place, incapable de bouger encore une fois. Il
laissa le matériel s’échouer au sol en s’approchant de sa soumise.
Il la renifla dans le cou comme si son instinct animal prenait le pas sur le
reste de ses manières. Samaël dessina le contour de son

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visage avec son index en tassant les mèches brunes rebelles alors que
vibrait la respiration saccadée de Maria.
— Petite lionne farouche, tu n’auras pas le dessus sur moi. Tu devrais te
faire à l’idée tout de suite, tu le vivrais mieux en fin de compte, parce que la
suite ne sera pas une partie de plaisir pour toi avec une telle attitude.
Dommage que tu refuses de voir à quel point tu es privilégiée que je t’aie
choisie. Et tu vas honorer ton seul maître, tu répondras à toutes ses
exigences. Maintenant … tu dors !
Il la rattrapa dans ses bras avant qu’elle ne s’effondre à ses pieds. Cette
humaine, une petite chose si fragile quand il n’était pas question de sa tête
de mule qui lui donnait du fil à retordre. Il la coucha dans le lit et se plaça à
ses côtés, ne pouvant détacher le regard de ses courbes qu’il avait tant
désirées secrètement. Il ne pouvait pas la toucher, du moins pas tout de
suite... et encore moins copuler avec son élue puisque le processus serait
plus complexe à réaliser qu’il ne laissait présager.

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Le lendemain.
e réveille-matin sonna son tintamarre, la belle au bois dormant
L entrouvrit les yeux très lentement avant de balancer la main pour
l’arrêter. Elle aurait souhaité plutôt que son petit bonhomme vienne lui
foncer dessus pour la secouer afin de cuisiner son petit-déjeuner. Elle lorgna
en direction de la berceuse pour valider son statut « en observation ». Elle
releva la tête pour constater que son corps était caché sous les draps… nu !
Elle s’assit dans le lit d’un seul coup et recouvrit sa nudité. Samaël n’était
pas installé dans la chaise.
Il apparut à la porte, il croisa les bras en s’appuyant au cadrage.
— Tu me dégoûtes ! Que m'as-tu fait ?!

L’éclat doré de ses prunelles scintillait de convoitise ou d’un sentiment


démoniaque quelconque dont Maria ignorait l’étendue. Il haussa tout
simplement les épaules avec un demi-sourire satisfait. Elle resta la bouche
ouverte, insultée et incertaine des gestes qu'il avait commis pendant son
sommeil forcé.
— Lève-toi avant que je ne te tire de ce foutu lit contre ta volonté !
— … ça ne serait pas différent de tes habitudes ! cracha-t-elle de rage.

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— L’agent n’attendra pas après toi, tu as trente minutes pour avoir de
l'allure, pas une de plus.
Maria avait réussi à rentrer dans les temps lorsque retentit la sonnette.
C’était Karl, l’agent immobilier, qui arrivait avec la paperasse à remplir. Ils
plantèrent la pancarte de courtier et il la référa à une collègue de la province
de Québec en région éloignée qui lui trouverait un nouveau foyer. Ce
dernier assura que dans le secteur, les maisons se vendaient comme des
petits pains chauds. La jeune femme aurait préféré gagner un peu de temps,
bien que Samaël soit fermement décidé de quitter la ville coûte que coûte.
L’offre d’achat fut conclue le lendemain, tout comme la proposition sur
celle qui remplacerait son nid familial : Sept-Îles, c’était le bout du monde
pour Maria, désespérée de tout abandonner. Elle n’eut d’autre choix que de
programmer les déménageurs dans deux jours. La petite fête d’adieu, qui
sonnerait la fin de sa liberté et le début de son calvaire, arriverait trop vite à
son goût.
Maria s’encouragea avec le souvenir de son bambin : Aiden lui manquait
tant. Voir son corps envahi ainsi à la guise de ce démon la mettait en rage.
Celui-ci basculait de sa vraie forme à celle du garçonnet depuis des jours,
c’était lassant, et une torture mentale constante. À chaque fois qu'elle
constatait l’éclat doré et rouge lorsqu’elle était la seule à croiser son regard
de braise, cela

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anéantissait ses espoirs aussitôt. Elle s’accrocherait fort pour son fils, Aiden
le voudrait.

P
Le jour fatidique
aria faisait les cent pas dans la cuisine comme un lion en cage, ses
M invités tardaient à arriver. Elle priait pour qu’ils se décommandent et
qu'ils s'épargnent le sort qui les attendait. Ils payeraient le prix fort
pour simplement les avoir aimés. Un souhait sincère de sa part : qu'une
petite étincelle de son souvenir survive dans leur mémoire afin qu'ils se
mettent à leur recherche. Si le plan de Samaël de provoquer l'amnésie
générale réussissait, ce serait un coup pour l'achever. S’il y avait bien
quelque chose qui avait le pouvoir de la détruire, c'était l’abandon et l’oubli.
Tout avait débuté par cette séparation subie à la mort de son père, ensuite à
celle de son mari et finalement, Aiden qui venait de disparaître dans un
univers inatteignable autrement que par la faveur d’un monstre. C’était
inhumain de passer au travers d’autant de drames en si peu de temps.

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Un rire aigu provenant de derrière la porte d’entrée écorcha ses oreilles,
voilà la troupe qui arrivait dans toute son attitude festive. L’esseulée essuya
le coin de ses yeux humides et au moment d’aller leur ouvrir, une menotte
se faufila dans la sienne. Mais la poigne se fit de plus en plus forte,
nullement représentative de la petitesse de son hôte. Il la tira à lui d’un
geste si brusque que Maria faillit tomber, la sclère d’un noir abyssal laissait
filtrer l’anneau doré et rouge qui la couvait. La femme serra des dents en
agrippant la main pour lui faire lâcher prise :
— Lâche-moi ! Si tu pouvais au moins avoir l'obligeance de t’en tenir à
n’être qu'un petit garçon content de voir sa famille ! C’est ainsi que mon fils
aurait agi avant l'arrivée des ténèbres que tu es venu répandre dans nos vies.
Maintenant, fiche-moi la paix ! grogna-t-elle en le repoussant.

Samaël la laissa aller accueillir cette famille qui était le cadet de ses soucis,
quoique son impact dans l’histoire serait non négligeable. Il fit bonne
figure, du moins autant qu’il le put. Lorsqu’il sentait que l'hôte de la soirée
allait glisser une information importante, il fonçait s’asseoir sur ses genoux
en réclamant son attention. Il finit par la traîner à la cuisine pour la voir
s'affaler contre les armoires en siphonnant la moitié d’une bouteille de vin.

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En temps normal, Maria ne buvait que rarement et sans excès, sauf que là,
elle était désespérée et ne contrôlait pas ses émotions face au drame qui
venait. En un clin d'œil, l'Ange de la Mort avait bondi sur le comptoir et
s'était emparé de ses cheveux pour relever son visage :
— Hooo mon bébé tu es revenu…, grommela-t-elle engourdie par l’alcool.
— … non, mais si tu ne te reprends pas sur le champ, ce scénario n’arrivera
jamais ! Femme ! Je n’entends pas fléchir sur ce point.
— Va …te faire…
— Alors c’est la mort de quinze personnes que tu devras porter sur ta
conscience. Je n’ai qu’à claquer des doigts et voilà, c’est fini, menaça-t-il en
levant le bras.
— NON ! Ok… ok… j’abandonne. Laisse-les en vie.
— Je veux te l’entendre dire, Maria.
— Je vais t’obéir Samaël. Tu es mon maître, celui pour lequel je vis afin de
le servir, murmura celle qui venait de rendre les armes, mais dont la bile
brûlait dans sa gorge rien qu'à énoncer ces paroles.

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Une tête grise passa par la porte :
— Où est mon petit coco ?! Ho, mais descends Aiden, on ne grimpe pas là,
sermonna la grand-mère en le prenant dans ses bras. Maria, c’était long
avant que tu rapportes les breuvages, je peux te donner un coup de main.
— Non c’est bon, je m’en charge. Pourquoi ne pas aller m’attendre au salon
avec Aiden ? suggéra-t-elle alors que sa mère quittait avec lui.
Samaël fixait ses yeux flamboyants sur elle, une moue de rage sur le visage
enfantin. Maria lui fit un doigt d’honneur bien senti. Celle-ci se dit qu'il
valait mieux en profiter, car de toute façon, ce démon avait besoin d’elle,
peu importe les menaces proférées, il ferait sa sale besogne avec ou sans
son accord. C’est tout ce qu’elle retenait de l’épisode.
Enivrée, elle se rendit en titubant au salon où tout le monde l’attendait.
Papotages, rires et discussions allaient bon train. Son corps mou fut
volontiers accueilli par le divan d’où elle porta attention au temps qui
semblait s’être arrêté… Ou était-ce parce qu’elle était ivre ? Maria
l’ignorait. Elle chercha cette pourriture de Samaël dans la pièce et elle le vit
qui marchait à reculons en toisant l’ensemble des invités. Il murmurait des
paroles inaudibles, mais

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elles projetaient des ondes assourdissantes qui pulsaient par vagues. Ça y
était !
— …mamannnn ! cria-t-elle tandis que cette dernière tournait la tête dans
sa direction. Je… t’aimerai toujours !
C’est un regard vide et blanc qui lui donna la réponse, une de ces réponses
déchirantes à ne pas entendre. Le silence et la béatitude apparaissant sur sa
bouche ainsi que sur celle de tous ses convives était ce dont elle devrait se
contenter pour l'avenir.
— Nonnnnn mamannnnnn !! Dis-moi que tu m’aimeras pour toujours,
sanglota la jeune femme à bout de forces.

La dame âgée demeura muette et tandis que Samaël, qui arborait


maintenant sa forme véritable, s’avançait au milieu de la pièce, tous
penchèrent la tête à son passage.
Maria bondit sur ses pieds et les secoua pour les délivrer de leur torpeur,
mais il n'y eut rien à faire.
— Salaud ! Tu n’étais pas censé les changer en légumes ! Laisse-les
partir…
D’un même mouvement, ceux-ci se dirigèrent vers l'entrée, Maria garda la
main de sa chère mère dans la sienne, tâchant de la faire réagir au son de sa
voix. Elle n’eut pas la chance de s’aventurer à

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l'extérieur parce qu’à cet instant, elle percuta un mur invisible. La porte
s'était transformée en une barrière transparente qui vibrait de magye
démoniaque.
Samaël approcha de Maria par-derrière, cette dernière suivait la progression
de sa mère sur la pelouse vers sa voiture. Il la prit au cou et appuya son
visage contre la cloison diaphane, maugréant dans son oreille :
— Regarde bien…
— Lâche-moi, je t’en prie !
— Pas avant que tu ne voies ce petit quelque chose juste pour toi…

Au même instant, la vieille dame porta la main à sa poitrine et fit demi-tour


en tendant le bras vers sa fille, non, plutôt vers cette femme effacée de sa
mémoire. Maria se trompait peut-être, mais elle perçut une étincelle de
reconnaissance dans l’éclat des prunelles de la souffrante.
La jeune prisonnière se débattit à un point tel qu’il la lâcha, la laissant se
démener à tenter de sortir maintenant que la dame vivait les derniers
soubresauts qui accompagnaient son ultime souffle. Il n’y avait que sa
bouche qui bougeait un peu, les lèvres bleuies, cherchant vainement à
obtenir cet oxygène si précieux. Maria hurlait tout autant que l’étreignaient
ses sanglots. Elle vit la

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poitrine de sa mère, à quelques pas d’elle, s’affaisser pour ne laisser place
qu’au trépas.
Samaël remit sa captive violemment debout en lui saisissant le cou jusqu’à
l’appuyer au mur. Elle avait atteint le stade de ne plus vouloir se battre, tout
ce qu’elle désirait était de mourir pour rejoindre ses proches. Des larmes
barbouillaient ses joues rougies par l’émotion.
— C’était un petit aperçu de ce qui arrive quand on ne suit pas mes
consignes. Awwww, allez pleure, pauvre enfant ! Tu oses te frotter à plus
fort que toi et c’est ainsi que tu réagis ? questionna-t-il en serrant encore
plus fort.
Ses mains battirent l’air sur la poigne d’acier qui la maintenait captive en
pleine détresse respiratoire.
— Femme, JE suis la vie et la mort. J’ai le pouvoir de t’enlever ou de te
rendre tout. À MA guise et tu…
— … a… ch… è…. ve… moi… para… site…, souffla-t-elle, à bout de
forces.
Lorsque Samaël comprit sa réponse, un tonnerre gronda en lui, déchaînant
la fureur des Abîmes qu’il contenait. Son aura fit frémir l’espace de la
dimension terrestre comme une distorsion temporelle

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tout autour de lui. Il la détestait profondément de lui tenir tête ainsi et le
démon s’emporta à un point tel qu’il fracassa son corps menu contre le
couloir. Le gypse se défonça et il la balança au bout de ses bras. Sa victime
vola loin dans la pièce avant qu’un craquement sonore, à donner la chair de
poule, se fasse entendre lorsque son dos percuta le coin du mur.
Elle s’écroula, de la même façon qu'une poupée désarticulée et inanimée le
ferait, pendant que Samaël s’éloignait de son carnage d’un pas lourd. Les
ténèbres recouvrirent la scène d’un linceul mortuaire réservé uniquement
aux damnés en avalant sur son passage les dernières brides de lumière
existant dans cette maison. Les cris de rage de Samaël se répercutaient
tandis qu’il fracassait les meubles dans la foulée. En hurlant sous les reflets
de la lune, seuls ses yeux cerclés de feu pulsaient dans cette scène surréelle.
Sa pauvre victime venait de subir la colère qu’il cumulait depuis des
millénaires…

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… À suivre …

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Mots des auteurs
epuis que je suis une auteure à temps plein, j’ai remarqué l’attrait
D qu’avait ma fille pour développer des récits fantastiques, sombres et
d’horreur selon ses intérêts du moment. J’ai mis à profit ses idées dans
un projet dans lequel je prenais part l’an dernier. J’ai récidivé cette année en
la mandatant de trouver le sujet, d’en créer les personnages ainsi que la
trame de base. Aurélia s’est attelée à la tâche avec grand plaisir. Lorsque les
conditions de participation du recueil maudit II ont été atteintes, je n’ai pas
eu le courage de l’obliger à conclure son histoire. J’ai suggéré de poursuivre
l’écriture aussi longtemps qu’elle aurait de l’inspiration. Les jeunes sont
notre relève et il est important d’exploiter leurs talents et développer leurs
passions. Et ce récit, en plusieurs parties, sera le résultat d’un travail ardu.
Aurélia a compris à quel point le processus de rédaction jusqu’à la
publication est vaste et complexe pour finir par le tenir dans nos mains.
Mais c’est la plus grande satisfaction d’y arriver par nous-mêmes. Comme
le disait Mahamat Djiddi : « Fais de ton rêve une réalité et fais de ta vie une
source d’inspiration pour les autres. » J’ajouterais pour ma fille que rien
n’est impossible quand on y croit.
Audrey Chevalier

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haque petite inspiration et idée peuvent devenir un monde en soit. Il est
C important d’en poursuivre l’exécution, car celui-ci ne prendra jamais vie
dans l’imaginaire collectif. Ma fierté, vous la tenez entre vos mains en
cet instant, celle-ci n’a d’égal que les efforts déployés pour accomplir ce
projet dans son entièreté. Ma mère me partage les outils et moi je fournis les
ailes pour vous donner du temps de lecture de qualité. J’ai si hâte de vous
faire découvrir toutes mes autres histoires.
Aurélia Lasalle

[1]
Magicien métalleux populaire aux États-Unis.

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