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Libératrice de la France.
(1412-1431.)
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:N" OTES CRITIQUES. - La. bienl1eureuse Jea11ne (l' Arc
est ~i connt1e et si po1>t1laire en France qt1'il sen1ble
sup~rflu (le trn.cer , ruên1e i1ne esquisse ra1lide <le son
histoire. Mais l'~~glise l'ayant inscrite <lans la galerie
des Saints <le notre cn.len(lrier <liocésain, 011 11ot1s repro-
cl1erait à bon droit de lui faire injure si nous gardions
le silence à so11 sujet, et si nous nous refusions à lui
rendre un 111o<le8te hornn1n.ge, en évoquant le souvenir
(te l'éto11nante et sublime 111ission qu'elle a rem1>lie
pour le salttt de notre JlU.trie bien-tLitnée. Ce qtte nous
cliro11s (l'elle 11e sera qu'un tableau, très raccourci, lleis
é\rénements qtti ont re111pli sa 111erveilleuse existence.
Nans 11'at1rons, en le traçn.nt, qtt'un double souci :
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figure dans les annales de notre pays, ils ont étudié sa
vie avec une ardeur passionnée, et ont 1>ris sur ces
outrages et ces mensong~s une revanche à laquelle
tous les esprits sains et impartiaux ont applaudi. La
liste en est longue; nous nous contenterons de men-
tionner ]es plus émi11ents.,
Celui qui a üuvert la. voie aux études con~ernant
Jeanne .d'Arc est le célèbre directe11r de l'École des
'
Cl1artes, M. Quicl1erat, dans le grand ouvr~ge qui a
pour titre: Procès de condamncltion et de réhabilitation
de Jeanne <l' Arc. Dans les cinq voluh1es qui corn posent
cet ouvrage, il publie toutes ]es pièces q11i co11cerne11t
le 11rocès de la Bienhe11reuse. Le prer11ier volu111e re11-
ferme les doc11n1ents relatif.~ au procès propren1ent <lit
jusqu'à. la mort de la Pucelle. Le second et le troisièn1e
contiennent ce qui co11cerne Je 1>rocès de réhaùilitation,
avec les enquêtes d'Orléane, cle Paris et tle Rouen, leR
conclusions des juges, les 011inions des docteurs, la
première rédaction de ce procès. Le q11atriè1ne vol11me
donne les té111oignages des l1istorie11s et cl1roniqueurs
contemporains de Jeanne, Françu.is, Bourguignons 011
étrangers. Le cinq11ième volur11e enfin cite les térnoi-
gnages des poètes du quinzième siècle, des lettres,
a~tes et autres pièces tlétacl1ées, des extraits de livres
de comptes, des <loc11merits Rur la fête dt1 8 mai à
Orléans. On voit par ces détails qt1e l'ouvrage de
Qt1icl1erat est un clossier com1>let des 1)rocès cle Jeanne
d'Arc.
On ne peut s'empêcher après cela cle regretter que
Qt1icherat, à la suite tl'un travail si grave et si impor-
tant, ait sacrifié plus tarcl à l'incrédulité du ten11>s où
il vivait, et par suite à l'erreur, en faisant paraître un
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48 SAINTS DU CALENDRIER DIOCÉSAIN D'AUCH.
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<l'Arc »;mais il faut bie11 se garder de s'en tenir à ce
jugement fautaisiste. Si la lecture de l'ouvrage de
M. 'Vallon 1>et1t engendrer quelque en11ui, c'est à ca11se
du soin scrupt1leux qtt'il met à 1>résenter les faits dans
leur rigoureuse vérité : ce qui est un 111érite qui l'ho-
nore, et ne peut qu'accrétliter son travail at1près <les
Jectet1rs sérieux.
Le célèbre Père Denifle, a11teur de la gra11de !1istoire
·de Lt1ther, a étt1dié claos un volume in-8°, en 1897,
les rapports de l'Université de Paris avec le 1>rocès cle
<:011d~tmnation de Jeanne d'Arc.
l\'I. le cl1an<>ine Dunan<l a céclé lui aussi à l'attrait
<}He lui inspirait ]a Bie11l1eureuse, et a consacré ses
loisirs à comJ>Oser, s11r l'ense111ble de so11 l1istoire,
plusie11rs volumes d'un 1>al1>itant intérêt.
Citons e11core une ,·ie de Jeanne, à laqt1elle la
parenté de l'auteur avec la descendance de la Bie11-
he11reuse donne un intérêt to11t }lttrticulier, la vie
écrite par Mgr Henri Del,out, lauréat <le l'Aca<lérnie
fra11çaise. (J' est 11ne vie 11op11ln.ire, illustrée, q11i 111et
sous son vrai jour le rôle de Jeu.nue, et q11i justifie
pleir1en1eut l'accueil en11>ressé qui lui a été fait 1>ar le
pttl>lic cl1rétien, ainsi q11e les enco11ragernents cle
Léon XIII, et les a1>1>robatio11s que 1>lt13 <le quarante
évêques lui ont données.
l\I. Petit cle J ulleville, si avantageusen1en t co11nt1
1>our ~es trava11x l1istoriq11es et littéra.ires, t1jo11tu.it, en
1890, 1111e nouvelle TTie de Jeanne d' ...f rc à la longue et
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révéla toute l'étendue des maux dont l'envahisseur acca-
blait not1·e patrie; la France vaincue par les Anglais à
Crécy, à Poitiers, à Azincourt; le traité de Troyes, conclu
en 1420, faisant 11asser le royaume très chrétien au roi
d'Angleterre, Henri VI, un enfant, gouverné par son oncle
le comte de Bedford; le rci de France, appelé par dérisio11
le roi de Bourges, réduit à ne posséder qu'une faible }lartie
du centre de son royau1ne, entouré de favoris impuissants,
tin1ide lui-même, irrésolu, n'ayant })lus qu'une arn1ée
abattuej par la défaite, sans ressources pécunia]res, inca-
pable de remédier aux n1aux du }lays et de relever les
ruines religieuses et n1orales entassées de toutes parts.
A mesure que Jeanne pénétrait le sens profoncl des
paroles de saint Michel, une in1n1ense tristesse envahissait
son âme. Mais la cél~ste apparition la consolait, lui don-
nant ,l'assurance qu~ Dieu n'ahandonnait pas la Fille aînée
de l'Eglise, et que déjà il r:·éparait l'être n1ystérieux qui
allait devenir l'instrument de la délivrance !
Cette révélation releva la confiance de Jeanne. Elle
remercia saint Micl1el et lui demanda le notn du libérateur.
Alors le céleste 1nessager, fixant sur elle son regard, lui
dit: C'est toi, fille de D-ielt ! Pars! va en France! 'tl le fa,ut .'
- Moi, s'écria Jeanne toute tren1blante, 1nais je 11e suis
qu'um pauvre fille; je ne sa1·s n1: A rii B; je ne sais ni
monter à cheval ni faire la giterre ! Et l'archange répète :
Pars, va en France! Il le faut! Cela dit, il disparaît.
Pour se rendre compte du caractèr·e surnaturel de la
n1ission confiée à Jeanne, j} importe de bien comprendre
dans quelles circonstances elle reçut, l)OUl' la pren1ière
fois, la révélation de ses Voix. Elle avait treize aus, con11ue
nous l'avons déjà dit. Jusqu'à ce moment, rien ne la di~tin
guait des autres enfants de t.a condition et de 80n âge. Elle
paraissait seulement plus douce, plus modeste, plus J>Îeuse,
plus réfléchie que ses compagnes, moins amie des amuse-
ments de la jeunesse, ayant plus de goût pour la prière et
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tendrement tandis que Jeanne, charmée, 1>ressait leurs
mains et leur rendait, respectueuse et trernblante, leurs
doux baisers. Ces n1aîtresses étaient bien choisies pour
former celle qui devait soutenir tant de luttes; car elles-
mêmes avaient soutenu de rudes combats et remporté
d'incomparables victoires pour la gloire du Cl1rist !. Désor-
mais, elles apparaîtront à leur élève plusieurs fois par
sen1aine, comme Jeanne elle-mêrne l'a déclaré, l'instruisant
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sur tout. ce qui concerne sa mission, formant avec
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l'archanb~ ce qu'elle B(lpellera son co1iseil, indiquant par là
~nP, non seulement saint }[ichel et ses saintes se rendent
visibles, n1ais encore qu'elle entend réellement leur parole
résonner à son oreille.
J,a vie de Jeanne, dans cette période de sa vie, a donc u11
double but : l'un, extérieur, au(1uel du reste les célestes
1nt>ssagères l'engagent à derneurer fidèle, c'est l'exécution
1>arfaite de ses devoirs d'état; et l'autre, intérieur et invi-
sil)le, ce sera la préparation 111iraculense de son âme à
l'œuvre du salut de la. patrie. Il y aura déjà là, 1>our elle,
l'occasion permanente d'un Jlénil>le sacrifice. Quelle répu-
gnance, en effet, n'éprouvera-t-elle pas lorsque, après avoir
entrevu un coin du ciel dans ses visions, il lui faudra
retourner aux œnvres vulgaires de la terre. Néanrnoins,
l'humble enfant sera toujours la pren1ière aux labeurs les
plus modestes de sa condition.
Jeanne ne révéla le secret de ses f?oix à personne, pas
mêrne it. son père et it sa 1nère, quoiqu'elle les airnât tendre-
ment. Ce silence absolu, gardé pendant plus de trois ans
par une enfant si jeune, et au. sujet de llriviJèges si étran-
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' Sainte Catherin1· d'.4lezandrie, vierge, patronne des jeunes filles
et des philosophes, martyrisée sous Maximin et Dioclétien, le
25 uovembre 307. - .Sainte J.l!arguerite de Pisidie, dont les reliques
furent importées en Occident par les Croisades, (un pied avec les os,
les nerfs et la chair est conservé dans la cathédrale de Troyes) était
aussi une vierge martyre; fête le 20 juillet.
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J'aimerais mieur., disait-elle, être écartelée que d'aller eu.
.France contre f ordrB de .Dieu. - I,a voix lui répondait :
C'est Dieit qui 18 veut, c'est Dieit qiei l'ordonne! A ln fi11,
n'y pouvant }llus tenir, Jeanne prit le parti de s'éloigner
sans prévenir les siens, sans rnên1e leur dire adieu. U 11
-0ncle, frère d'Isabelle, Durand J,ascart, devait être l'ins-
trument de la Providence pour l'aider dans l'exécution de
fion dessein. Cet hornrne, honnête et honoré de tous, venu à
Don1rémy, reçut le plus cordial accueil dans la famille de
Jeanne, et obtint la }lerrnission de l'ernmener avec lui pour
quelque temps. I,e rayonnernent 8Urnaturel qui s'échappait
de la pieuse enfant s'exerça sur ce }larent }>lus que sur
tout autre; aussi éprouvait-il pour Jeanne la J>lus tendre
~n même tem1>s que la plus respcctuense affection.
Tous deux partirent donc de Dornrémy un après-dîner
du printem11s de 1429. Jeanne parlait 1>eu; son regard sem-
blait se fixer sur des êtres invisibleg et, de temps en temps,
ses lèvres n1urmuraieut une courte prière. Durand, saisi
par cette attitude, 11'osait l'interroger. La voyageuse rompit
enfin le silence }Jour parler de la guerre anglo-française.
Bientôt, elle se lan1enta sur les mall1eurs de la patrie avec
de tels accents que tous deux fondirent en larmes. Son
cœur paraissait oppressé 1>ar nue érnotion profonde quand.
tout à coup, relevant la tête, elle s'écria : Mais rien n'est
pertlu ! Dieu vient à 1iotre SJCOttr& ! N olre beaze pays va être
sattl'é par une je,une fille des Marches de Lorraine, et. celle
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répondit : « Hélas ! je suis venue ici pour voir Rohart de
Baudricourt, et lui demander de me conduire ou me faire
conduire au roi; mais il n'a souci 11i de moi, ni de mes
paroles. Et pout·tant il le faut ! Je doia être là-bas at1ant la
mi-carême, et j'y lwai, dussé-je i~er mes jambes jusqu'aux
genoux! Personne au monde, ni prince, ni duc, 11i fille du
roi d'Écosse 1, ne peut reconquérir· le royaume. Il n'y a de
secours à attendre que de moi. J'aimerais rnieux rester <\
filer a11près de ma mère, car ce n'est pas mon état de faire
la guerre; mais il faut que j'aille, et j'irai, paree que mon
Seigneur veut que je fasse ainsi ! » JJe gentiihornme fut
Jlris d'enthousiasme ppnr l'héroïne qui affirrnait si énergi- -
quement sa mission; et cet enthousiasrne gagna. rapide-
ment les habitants de Vaucouleurs, lorsque J ea11:1e leur
eut fait confidence de ses intentifJus.
Cependant Robert dP Baudri('ourt demeurait incrédule,
et il fallut un événen1ent extraordinaire pour vaincre sa
résistance. Li 12 février 14:23, jour de la l>ataille de Rou-
vray, dite Journée dea Harengs, Jeanne se présenta à lui de
nouveau et lui dit : c: Au 110111 àe Dieu, vous tardez trop à
m'envoyer.. Aujourd'hui le gentil Dauphin a eu près d'Or-
léans granù dornmage, et il sera en péril de l'avoir plus
grand encore si vous ne n1'envoyez bientôt vers lui ». ()r,
quelques jours a1lrès, Robert apprit que lEs troupes fran-
çaises avaient subi le désastre dont Jeanne l'avait prévenu.
Le doute n'était Jllus possible. Il consentit donc à laisser
partir la jeune I .. orraine, et lui fit même don d'une épée.
Le duc Charles Il de Lorrain~, qui avait ap}lris les visions
extraordinaires de .Jean11e, lui avait fait cadeau d'un beau
cheval noir; le peuple de Vaucouleurs se cotisa 1>our lui
procurer un vêtement masculin, car tous étaient d'avis
qu'elle 11e }lOurrart faire autrernent. Ce furent tous ses pré-
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.$Ïr1, vous fêtes et tion un a1ttre. Je 1uia 1Jetzue v~rs vous de
la part du Roi du ci.el. J'ai nom JeannB la PitcBlle. Si vo11&
voulez écouter le message que je vous apporte, vous recouvre-
rez votre royaume et les Anglais a' e11 iro1it !tors d;, France.
- Quel est donc ce nierveilleux message ? - Di8U vo11s
ma1zlie que 'IJo·us me mettiez e11 œitv·re, tJt je ferai lei•er le
siège d'Orléans; puis je vous conduirai à Reim1 pour rece-
voir ·votrB sacre et votre royale couro11ne. Voua serez ainsi
liezetenant du Roi des cieux, qui est roi de France !
Cette pr'en1ière audience impressionna favorable1nent le
Dauphin, mais la cour n'était pas gagnée (elle ne le fut
jamais du reste entièren1ent, n1êrne aux jours des plus
beaux triornphes ). Charles tern1ina l'entretien eu deman-
<lant à Jeanne ce qu'il devait faire pour réaliser les desseins
<le Dieu, et Jeanne lui répondit : Sire, donnez-moi des
.ar1nes et dei troztpes, et coniptez que .ie saurai m'en servir.
- Les dessei11s di·vi11s sero1it accon1pli11 ! re.prit le prine;c.
Mais il congédia_ la Pucei1~ sans lui fixer le moment où sa
parole serait réalisée. Il se contenta de lui assigner· une
-demeure au palai&, et de décider qu'elle serait examinée à
fond par une cornpagnie de théologiens.
Cependant
, le Pape Martin V ( 1417-1431 ), qui gfluvernait
alors l'Eglise, accordait, en ee n1oment, à la basilique de
Notre-Dame du Puy la faveur· d'un jubilé solennel, qui
:attira plus de deux cent mille fidèles. ..i\.u nombre des
pèlerins on cornpta la mère de Jeanne, Isabelle Ron1ée, qui
venait demander à• Marie le salut de la France et la réai-
gnation pour son foyer attriste. C'est que, depuis le départ
·de Jeanne, bien des larrnes avaient coulé dans sa chaumière
<le Dornrémy. Avec le doux sourire de l'enfant privilégiée,
le bonheur avait fui. Jacques était so1nbre et taciturne;
Isabelle arrosait de ses }lieurs la quenouille. qu'elle devait
nier seule désormais, tandis que ses fils osaient à peine
prononcer devant elle le non1 de la fugitive. J.,,a prière
était le seul ramède à cette amère douleur; la famille de
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ville qu'elle fut conduite par le roi lni-n1ê1ne à cet effet.
On forma nue com1uission <le savants, qui fut présidée par
Regnault de Chartres, archevêque de Rein1s, chancelier du
royaume. Les interrogatoires eurent lien à l' Hôtel tle la
Rose, demeure d'un intègre rnagistrat, Jean Raboteau, qni
logea la Pucelle pendant tout son séjour daus cette ville.
Dans une première séance, Jeanne réfuta si seusé1nent
toutes les objections, c1ue leR dol'teurs s~ retirèrent énier-
veillés de ses réponses. Mais ils ne se tinrènt pas pour
battus et, 1>endant treize jours consécutifs, ils renon ve lè-
rent l'èpreu ve.
Afin que vous sacltiez q·lte je s1tis en·voyée par le ciel, leur
·dit-elle, je i:ous préd13 qu'après la tlélivrance âOrléans et le
sacre de Rei1ns, le roi rentrera da1is Paris redeve'll lt franfais,
et qu'il chassera les Anglais du sol national. - .iJlais, lui
ol)jecta Gnillaurue Aiin.eri, si Dieu veut délivrer le royau1ne
de France, il peut le faire sans no'us. -- Alt nt m tle Dieu,
répondit-elle, les soldais btilaillero1zt et Dieu tlonnera la
·victoire. I~'exarneu c~ontinna. On lui dernanda pourquoi elle
revêtait des habits n1ascnli11s. C'est, dit-elle, le co1n11iantle-
·ment que ni' a donné Notre-Seigneur; tl1t reste, faisant (E1ll're
âho1nme et ·vivant all 1nilieu dss sol<lats, il est .iuste et
prztdent que j'en prenne le costume. Elle avait répondli à
tout, franche, simple, spirituelle, parfois 1nên1e enjouée
jusqu'à l'ironie. I~e don1inicain Segni11, lui aya11t dit avec
l'accent de son pays de Li1noges : Quelle lang1le parlait la
·voix que vo·us prétendez avoir ouïe'! Elle répondit 1nali-
cieuse1nent : Meille11re que la voire! Quand on voulait
l'ernbarrasser par des questions ~uhtiles dont elle ne saisis-
sait pas bien le sens et la portée, elle se dérobait prt'ste-
meut en disant : Je ne sais ni A, ni B; 01t me de1na1lde
de prouver la réttlité de 1nes tléclaratio1is 11ar 1tn miracle,
mon sign1 à moi sera la délivrance lf Orléa1is et le sacre
du roi à Reims l
...\pres les théologiens, les g~nR dn Parlernent voulurent
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lni donnèrent l'ordre de prendre un étendard symbolisant
la mission divine qu'elle devait remplir. Jeanne confia son
exécution à un peintre de Tours, nommé Bennes Polnoir,
et veilla à ce que tout fût fait conformément aux indica-
tions de ses célestes conseillers. Cet étendard était forn1é
d'une bande de toile fine; formant rectangle, avec deux
pointes à son extrérnité. Sur la face principale on peignit
Jésus-Christ, étendant la main droite pour bénir, et tenaut
de la gauche la boule du monde surmontée d'une croix.
A ses côtés, deux auges prosternés lui offraient une fleur
de lys; vers les pointes étaient inscrits les nome : Jheaus.
Maria. Sur l'autre face, près de la hampe, les armes de
France soutenues par deux anges, au-dessous de l'écu pré-
cédernment choisi par J canne. Plue loin, la scène de
l' Annonciation, avec nu ange à genoux devant la Sainte
Vierge et lui disant : Ave Maria. Le chamf> blanc de la
ban11ière Jlortait nn semis de fleurs de lys d'or, et ses bords
étaient frangés. Il etit été difficile d'imaginer un étendard
qui symbolisât, d'une 1nanière plus idéale et plus fra1>-
pante, la rnission qu'elle allait remplir.
Charles VII, ayant assigné rang de comte à la Pucelle,
lui constitua une maison· militaire composée de quelques
t!hefs et d'un certain nornbre d'ho1nn1es d'armes; et Jeanne
compléta la composition de sa rnaison par le choix d'un
aurn<lnicr, qui devait l'accornpagner partout, un saint reli-
gieux augustin, ~,rère Paquerel.
Charles voulut aussi lui faire don d'une épée; mais
Jeanne lui dit : Gentil sire, n.s songez pas à mon épée, le Roi
du ciel y a lui-même pour1::1,. Mes Voix m'ont ré,véU que
Dieu, a choisi l' arm8 qu'il mB destine; elle repose depuis long-
temps dans la chapelle de Sainte-Catherine th Fierbois.
Envoyez-la quérir; on la reconnaitra à cinq petitea crrnx qui
sont grat•ées près de la garde de cette épée. Elle se trouve non
lain de l'autel.
.A ces 1nots, tous furent stupéfaits. Ailait-on 'raiment ·
72 SAINTS DU CALENDRIER DIOCÉSAIN D'AUCH.
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pour délivrer la France, d'hon1mes souillés de crimeR, et
que tcus ceux qui n1a1·cheraient sous sa bannière auraient ù.
purifier leur âme. Or, an1ener de tels soldats à se confesser
était un miracle que Dieu seul pouvait faire: aussi est-ce
de lui seul que Jeanne attendra cette victoire, comrne tou-
tes celles qu'elle devait remporter dans l'avenir. - Frère
f?aquerel, dit-elle à sou aun1ùnier, il faut co1iverlir 1ios sol-
dats et les a1ne1zer à Dieu. Prenez un étendard représentant
Jés11,s-Chr,ist e1l croix, sa S{tinte Mère et saint Jea1i; nous
pri'erons tous autour t?e cet éle1ulartl. Dès le soir de ce jour,
cet ordre fut exécuté, Jeanne se rendit elle-1nên1e auprès
de la bannière. On chanta de~ canti<1ues et on i)ria avec
· ardeur pour le salut de la France .....\ttirés par cet étrange
spectacle, les sol<lats accoururent en foule et, pénétrée sou-
dain de la grandeur du rùle 'Ille l>ieu lui confiait, Jeanne
leur adressa ces paroles : Que pas un ne se .foig1ie à nous
qu'il 1ie se soit confessé; les }Jtêlres sottl là pour vous enten-
dre! . .\insi
. fut fuit; l'arrnée, sous l'in1pulsion de la grâce,
recourut presciue entière au sacren1e11t de pénitence. l/eflet
n1oral dépassa tout ce qu'on attendait. C'en était fait: la.
Pucelle vovait
. ses vœux réalisés. En allant au cornbat it la
tête d'une telle arrnée, elle était assurée d'aller à la victoire.
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74 SAINTS DU CAJ.,ENDRIBR DIOCÉSAIN D'AUCH.
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JEANNE D'ARC.
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JEANNE D'ARC. --' '
génie de la guerre, mais tf le n'en avait pas l'amour. Elle
con1ptait sur elle et sur son a:méep mais elle eotnptait bien
Jllus encore snr Dieu pour le gain de la victoire. Le cotnbat
-0u le conseil finis, on la retrouvait effacée, douce, n1odeste,
parlant peu, priant beaucoup. On eût dit qu'il y avait deux
personnages en elle, la. guerrière intrépide et la femrne
modeste: mais ces deux personnages n'en formaient qu'un,
qui enflamrnait les âmes sincères d'enthousiasme et d'an1our.
Ce portrait de la Pucelle serait cependant incornplet, si
nous nei signalions un dernier trait qui t.érnoigne, Jle11t- ·
être plus éloquernruent qu'aucun autre, de l'irnportance du
rôle que la divine Providence lui avait assigné. Dès qu'elle
fut entrét~ en contact avec le roi de France et son pen1>le.
elle sentit s'élever dans son ân1e une ftarnrne d'apostolat
qui la consun1ait et qui se trahissait dans toutes ses parole 0
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78 SAINTS DU CALENDB.l&R DIOCÉSAIN D'AUCH.
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JEANNE D'ARC. 79
veuille que la France, repentante de son apostasie reli-
gieuse. soit digne de voir se réaliser les promesses symbo-
lisées par ces deux étendards !
A Châlons-sur-Marne, Jeanne eut une douce émotion.
Cinq paysans de son village, l'âme remplie d'un patriotique
enthousiasme pour les hauts faits de leur compatriote,
étaient accourue pour la saluer. I,ee honneurs et le respect
religieux dont on l'entourait les rendaient muets d'étonne-
ment. Mais quand elle s'avança vers eux les mains tendues
et le sf>urire. aux lèvres; quand surtout elle leur assura
qu'elle p1·éférait la vie cachée de leur village aux hommages
qui lui étaient 11rodigués, ils co1n1>rirent que la triomphante
Pucelle d'Orléans était toujours l'h·Jmhle Jeannette de
Do1nrémy; et l'un d'eux, s'enhardisgant à cette vue, lui
posa cette question : Jeanne ne craignez-i•ous pas quelque
péril dana ces luttes sanglantes? - Je ·ne crains, J"épondit-
elle, qu'une chose, la trahi,on ! - Parole profonde, qui
pern1et de croire qu'elle son11çonnait déjà. les trames dou-
loureuses qui devaienti entraver sa n.arche dans l'avenir.
I/ar~ée royale fit son entrée dans la ville de Rei1ns, dans
la soirée du samedi 16 juillet 1429....<\. la suite d'un brillant
cortège, s'avançait le souverain, à qui le })euple adressait
joyeusement le cri secnlaire du sacre de nos rois : Noël!
Noël! Mais le personnage c1ui attirait par-dessus tout les
regards et la l'eligieuse admiration del\ Rétnois, c'était
Jeanne, 4ue Charles avait placée auprès de lui. On ne ~'\U·
r.ait s'en étonner. Cette prise de possession, sans coup férir,
d'une ville aussi importante que Reims, en plein J>ays
bourguignon; cette eutrée triomphale dans la cité du sacrP,
au milieu de tant de périls, n'était-ce pas un vrai miracle
que Dieu opérai.t ,par l'entremise de la Vierge ·1lrédestinée
envoyée ao secours de la patrie ?
I,e couron11ement fut fixé au lendemain de ce jour,
dirnanche 17 juillet. Toute la nuit se passa en pr·éparatifs.
J,es ornements, qui servaient habituellement au sacre,
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80 SAINTS DU CALENDRIER DIOCÉSAIN D'AUCH.
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étaient an monastère de Saint-Denys, près Parie. Néan-
moins, ces difficultés forent vaincues. Le dimanche, de
grand matin, 11lusieure seigneurs allèrent chercher la e.ainte
Ampoule à l'abbaye de Saint-Rémy. La cérémonie du sacre
commença à neuf heures. Le roi, ento11ré de six seigneurs,
qui représentaient les pairs laïqües de France, et de trois
pairs ecclésiastiques, fut revêtu des insignes royaux dépo-
sés sur l'Putel. Après qu'il eût prêté les serments accoutu-
més, le duc d'Alençon l'arma chevalier; puis l'archevê-
'lue de Reims, Regnault de ·Chartres, lui fit .les onctions'
avec l'huile de la sainte Ampoule, en disant : Je te ,acre,
a·vec cette huile sanctifiée, au nom du Père et du Fila et du
saint Esprit. Un témoin de la cérémonie a raconté qu'au
moment où Charles se montra au peuple, portant la ·co·u-
ronne ro)·ale sur sa tête, c l'immense multitude qui rem-
plissait la baeiliq·ue cria : Noël! et que les trompettes son-
nèrent en telle manière qu'il semblait que les voûtes de
l'église dussent se fendre 1. Pendant tonte la cérémonie ia
Pucelle était debout auprès du roi, l'étendard à la main,
car ayant été à la peine, comme elle l'a si bien dit, il était
juJJte qu'il fût à l'honneur. Quoique bien des choses man-
quassent à cett~ cérémonie préparée et exécutée à la hâte,
elle n'e11 a Jl&S moins effacé toutes les splendeurs de tant
d'autres sacres royaux où la France prodigua ses richesses.
Quand la Pucelle vit que le roi était sacré et couronné,
elle s'agenouilla devant lui, en présence de tous les sei-
gneurs, et, embrassant ses genoux, elle lui dit, les yenx
pleins de larmes : Gentil roi, maintenant ~st accomplie la
volonté de Dieu qui m'avait commandé d6 lever ~ siège
d' Orléa·ns, et de voits mBnw dans cette cité d6 Rsims ,pour y
recevoir les sain.tes onctions du sacre, qui !'f'Ontrent que voua
êtes le vrai roi, celui à 9ui le royaume de Francs doit appar-
tenir. On a dit que, le' soir de ce jo11r, Jeanne avait
dernandé à Charles VII de la renvoyer chez elle, et déclaré
que sa mission était terminée; mais nous ne possédons
\
'
JZANlfB D' ABC. 81
aucun document qui nous donne la certitnde sur ce
point.
Dieu, dans ce même jour, donna à Jeanne un complé-
ment de joie grandement apprécié par elle, en lni amenant
son père accompagné de Durand Lascart. La bon villageois
.avait assisté émerveillé à la céréœonie du sacre; mais ce
qui l'avait ravi avant tout, c'était la vue de Jeanne dont la
blancl1e armure disparaissait sous les plis d'un manteau
·d'une richesse extrême. Quelle magnifique récompense en
échan~e du généreux sacrifice qu'il avait fait pour la
France ! Après avoir renouvelé à son enfant le pardon qu'il
lui avait accordé dans son cœur, il la bénit et l'autorisa à
poursuiYre l'œuvre si glorieusement commencée. Il ne
~avait pas, le pauvre }lère, que cette voie serait désormais
toute semée de souffrances, et qu'elle aboutirait au mar-
tyre!
SouK l'impression de la joie que le couronnement du
prince lui avait causée, la Pucelle redoubla .d'ardeur et
d'espérance. En ce même jour du sacre, elle adressa à
l'ennemi juré de Charles, le duc de Bourgogne, Philitlpe-
le-Bon, une lettre pressante, llJ'esque 11autaine, où elle le
sommait de faire la paix avec le roi de France, le menaça.ut
d'une sanglante défaite s'il refusait àe se rendre à ses ins-
tances, quelques forces qu'il 011posât au roi légitime et à la
Pucelle. Elle ne faisait pas de doute que Paris ne fût bien-
tôt réduit à ouvrir ses portes à Charles VII. Tout le monde,
·du reste, dani les premiers jours· qui suivirent le sacre,
partageait cette confiance et comptait voir incessamment
le roi installé dans sa bonne capitale de Paris. Mais de
-cruelles déceptions se préparaient, et Jeanne ne fut peut-
être pas sans ·les pressentir dans quelque mesure quand
elle disait au duc d'Alençon : Il ti'y a pas de temps à perdre
.!ion veut user de mes services. Je ne durera·i pas longtemps,
ttn an peut-être, ou guère plus!
8-2 SAINTS DU CALENDRIER DIOCÉSAIN D'AUCH.
•
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JEANNB D' J.RC. 83
fut générale, et le siège fut levé. En passant à Saint-Denys,
.Jeanne avait brisé sa célèbre épée de Sainte-Catherine de
Fierbois en frappant une femme de mauvaise. Tie qu'elle
chassait de l'armée. Les superstitieux crurent qne ses
cha11ces de succès avaient .fini avec ce fer enchant~. En
réalité, l'abandon du siège de Paris fnt son p1 emier insuc-
·cès; c'était, après l'ascension merveilleuse qui l'avait mise
·e11 si grande lu°lière, le commencement de sa déchéance.
L'h.iver suivant ( 1429-1430) fut passé dans une inaction
-profondément douloureuse à la Pucelle. Elle s'établit à
Bourges, chez une dame d'honneur de Marie d'Anjou,
}farguerite de Touroulde, qui donna dans la suite les pins
intéressante détails sur la jeune fille, dont elle loua la
pureté, la simplicité, l'humilité et le dévouement au pro-
.chain. Dans la cité berrichonne, Jeanne eut vite conquis la
vénération générale. Chacun voulait lui faire toucher des
.chapelets, des rnédailles; maie, lorsque son hôtesse s'acquit-
tait de commissions de ce genre, sa charmante compagne,
avec un f1·anc rire, lui répondait gracieusement : Touclt~z
àonc css objets vous-même; ila deviendront tout aussi bons
par votrB contact que par le ·misn.
Cependant la Pucelle, dévorée du désir de couronner
dignernent la campagne entreprise pour délivrer la France,
ne derneurait pas inactive. Malgré l'opposition du roi et de
-sa cour, elle réussit. à. former une petite armée, à la tête de
laquelle elle fit le siège de quelques places demeurée1.1
~ncore au pouvoil' des Anglais au bord de la Loire, notam-
ment Saint-Pierre-le-Moutier et La Charité-sur-Loire. Le
-siège de cette dernière ville traîna en longueur; mais, après
plusieurs jours de courageux efforts, l'armée française, sans
.argent, sans munitions, sans vivres, dut battre en retraite.
L'invincible était vaincue ! La Trémoille se réjouit gran-
de1nent de cet échec qui devait dirninuer l'influence sur le
roi de la rivale qu'il redoutait.
C'est sur ces entrefaites . qne Charles VII, par une
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. JEANNE D' ABC. 85
Là, ses saintes lui apparurent, comme elles continuaient à
le faire très souvent; mais, cette fois, ce fut pour lui révé-
l~r une nouvelle qui glaça son âme d'épouvante.: Tu seraa
'/)ris1, lui dirent-elles, avant la 8aint-J1an ! Et puis, pour
la réconforter, elles ajoutèl'ent : Jlaia prends tout en gré,
Dilu t'aidera! Quel surcroit de courage ne faudra-t-il pas
désormais à cette p3nvre enfant ! Il 11'y aura plus u11
moment de détente pour son esprit. A toute heure, elle se
dema~dera si la menace suspendue au-dessus de sa tête ne
va pa8 se réaliser. Pourtant elle puisera dans son l1éroïsme
assez de force pou1· demeurer fidèle au poste où Dieu l'a
plac~e.
Elle pensait si peu à prendre sa retraite qne, 1nalgré
toutes les ()ppositions qu'elle rencontrait sous ses pas, elle
n'en continuait pas moins à préparer une. nouvelle carnpa-
gne cont.re l'ennemi. Ayant appris que le d11c ae Bourgo-
gne avec projeté de s'em1larer de Cornpiègne, elle 1n·it le
chemin de cette ville pour la défendre. Au cours d'une
halte qu'elle fit à J.,agny-sul'-Marne, survint un incident
qui accrut sana mesure l'enthousiasme qu'elle inspirait.
Trois jours avant son arrivée dans cette ville, une fem1ne
avait mis au inonde un enfant, qui ét1.it mort sans avoir
reçu le baptême. Dans l'ardeur de sa foi, cette femme n'hési-
tait pas à demander à Dieu la résna·rection de son fils, afin
qu'il pût être baptisé. A cet effet on avait déposé le petiL
cadavre aux pieds d'une statue de Notre-Dame. On priait
avec ardeur pour obtenir le miracle et, dans la [Jersuasion
que l'intercession de Jeanne serait toute puissante, on la
conjura de demander à Dieu une grâce si arden1ment dési-
rée. Elle y consentit. Bientôt, au milieu de la joie générale,
l'enfant, qui déjà n'avait pins conle11r humaine, donna
signe de vie; et puis, quand la cérén1onie du baptême fut
terminée, il rendit de non veau le dernier soupir. Plus tai d,
quand, au cours du procès de Rouen, on accusa Jeanne
d'avoir trompé le public en faisant croire que ce prodige
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86 SAINTS DU CALBNDBIBB DIOCÉSAIN D'AUCH.
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JEANNE D'ARC. 89
gardiens, en ·les enfermant dans la tou1· où elle était prison-
nière; le. portier du château la re11rit. A Beaurevoir, la
femme, la tante et la belle-fille de Jean de Luxembourg la
traitèrent avec tant d'égards qu'elle déclara, plus tard,
qu'à l'exception de Il\ reine de France, personne n'acquit
plus d'empire que ces dan1es sur son cœur. Il est, du reste,
à remarqn€r qu'aucune femme ne 1nanqua de respect envers
la Pucelle, pas même la femme du régent d'Angleterre'. la
dochess~ de Bedfort, qui fit défense à ses gardiens anglais
de la maltraiter ou de l'insulter. Les daines de Luxem-
bourg, sachant que le principal grief que lui reprochaient
les Anglais était le port du costume masculin, la suppliè-
rent de prendre les vêtements de femme qu'elles 111i
offraient; mais Jeanne leur réoondit llar un refus respec-
tueux, alléguant pflnr raison que ses Saintes ne le lui per-
mettaient pas, que la })rison offrait les mêmes périls que
las camps et que, d'ailleurs, elle 11e renonçait pas à l'espoir
de reprendre un jour les armes pour défendre sa patrie.
A Beaurevoir, Jeanne con1mit la seule faute qu'on ait
pu relever dans cette vie toute innocente. Encore faut-il
bien comprendre tout ce qui explique et excuse l'acte
désespéré où elle se porta, en sautant de la to11r, haute de
cinquante pieds, où el~~ était renfe1·1née. Elle savait Corn·
piègne aux abois et sur le point d'être prise d'assaut. J,e
désir de vo!~r à son secours devint 1)our elle une obsession.
Ses Voix lui défendaient cette tentative imprudentfl. Elle
leur désobéit et s'élanç'l dans l'espace, suspendae à une
corde qu'elle avait fabriqn~e, maie qui se ron1pit. Jeanne
s'abattit au pied du donjon. Elle resta sur place évanouie;
aucun membre n'était brisé, mais la chute avait causé une
fièvre l"iolente. Elle guérit en peu de temps, reconnut sa
faute et s'en confessa humblement. D'ailleurs, elle protesta
toujours q11'elle n'avait pas voulu se tuer, ni même accepté
l'idée du suicide. Elle avait à cœnr de secourir Compiègne
et avait espéré que, malgré sa désobéissance, Dieu et les
90 SAI?TTS DU CALENDRIER DIOCÉSAIN D'AUCH.
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JEANNE D'ARC. 91
taient disparut, en même tempe que croissaient le no1nbre
et la vaillance de vos adversaires ».
Ce témoignage officiel jette un grand jour sur les senti-
ments des Anglais les plus éclairés à l'égard de Jeanne
d'Arc. 11s n'ont pas nié sa puissanl.e; ils en avaient trop
bien ressenti les merveilleux e1fets ..Mais, com1ne elle s'exer-
çait contre eux, il plut à leur orgueil de croire que le dia-
ble seul était capable de vouloir et de faire du mal à
l'Angleterre . Les habiles et les sceptiqu~s se rallièrent à
cette opfnion ou la feignirent. La mort de la .prétendue
sorcière allait donner à cts ennemis de la France toute
l'assurance qu'ils désiraient.
\
•. r •
- ,. ... -·; -., .
JEANNE D'ARO. 93
.igé de dix ana, Henri de Beaufort, évêque de Winchester,
et son oncle, le régent, duc de Bedfort, qui trouvèrent dans
le misérable évêque de Beauvais, Cauchon, et dans l'Uni-
versité de Parie, des complice& aans conscience et des auxi-
liaires puissante.
Cauchon devait être grassement payé pour · tenir son
triste rôle. On a retrouvé des quittances, signées de sa
main, qui établissent qu'il toucha à cette occasion une
somme équivalant à 100.000 francs de notre monnaie. Mais,
dans la_,crainte que son œuvre ne fût un jour sévèrement
jugée par les honnêtes gens et les juristes, il calcula que la
meilleure manière de préparer sa défense J>our l'avenir
était de :nultiplier ses con1plices. En conséquence, contrai-
rement à tous les usages de ce temps, il s'entoura d'une
véritable légion d'assesseurs, et il les choisit parmi les
personnages qui étaient le 1>lue notoirement vendus à la
eause- de l'Angleterre et les plus suspects de servilisme.
Encore faut-il ajouter qu'une bonne part de ces docteurs,
dégoûtés sana doute des injustices flagrantes qui se révé-
laient dans la marche du procès, refusèrent d'y prendre
une part active et se retirèrent après avoir fait simplement
acte de présence. L'un des plus notables, Jea11 J.. ohier, qui
devint plus tard président du tribunal de la Rote à Rome,
démontra clairement que les pièces, qui lui furent commu-
niquéeA, étaient sans valeur pour les motifs les plus graves.
Sa loyale intervention ne sauva pas la Pucelle; mais, en
flétrissant Cauchon et son œuvre, elle soulageait l'âme de .
ceux, spectateurs impuissants, qui voyaient la dignité de ,
l'ÉglitoJe compromise par des scélérats qui avaient juré de
déshonorer la France en perdant Jeanne d'Arc.
Le premier soin de l'évêque de Bee~vais fut de se munir
d'une autorisation qui lui reconnût le droit d'exercer ses
pouvoirs juridiques à Rouen, contrairement aux lois cano-
niques qui interdisent à un prélat les fonctions épiscopales,
en dehors <le son diocèse, sans one permission de l'Ordi-
'
\
JEANNE D'ARC. 95
tout ce que j'ai fait depuis ma 1/enue en /i'ranc1, je jure d6
répondre volonti.srs. Mais sur les révélations que .i'ai eues de
la part de Dieu, jt n'ai jamais tlit rien à personne,. hormis
au roi Charles; et je ne révèlerai rien, dût-o-n me CO'llper la
tête; car j'ai reçu défmse de mon conseil de parler là-dessus.
Elle prononça le serment, à genoux, les deux n1ains sur
l'évangile; et puis, elle raconta aux juges sa naissance et
ses premières années.
&con~ atJdi'ence, le jeudi 22 février, dans la salle atte-
nante à la grande pièce du château, en présence de cin-
quante juges. Elle compléta le récit comn1encé la veille,
mais demeura muette sur tout ce qui touche an secret
qu'elle avait livré à Charles VII. · ,
Troisième audience, le 24: février, en pl'ésence de soixante
juges. Interrogée sur ses Voix, elle répondit qu'elle les
avait entendues trois fois la veille, et c1ue, parfois mê1ne,
elle les entenùi.!t plus souvent. Cette nu·it même, ajouta-
t-elle, elles m'ont d·'.t beaucoup de choses pour le bien tlu
roi; je VO'lldrais qu' i' les connût, q'ltand même je ne devrais
pas go-ûter de vin jus~ 1 11,'à Pâques ! Après cela, on la harcela
de questions sur l' ..frbre des Féts. On aurait bien voulu
trouver là. un prétr .~te à l'accuser d'idôlatrie, on du rnoins
de superstitions ~Jaïennes; mais on ne put y parvenir.
Quatrième a1,dienct, le 27 février. Interrogée sur les
Saintes qui J•.:.i avaient apparu, sur saint l\[ichel, sur l'épée
de Sainte-Catherine de Fierbois, sur son étendard, elle fit
des réponses qui auraient ravi d'admiration des esprits
. ,
moine prevenns.
Oinqieièm~ audience, le 1er mars. C'est ce jon1·-Jà qu'elle
prononça ces paroles, qui sont consignées dans la relation
officielle du procès, et qui sont une véritable prophétie :
Avant sept ans, les Anglais laisseront un plus grand gage
gui celui qu'ils ont lairsé à Orléans. Ils perdront t011t en
France par une grande victoire que Diett enverra aux
Français. Je le sais par une révélation qui m' e1i a été jaite;
7
'
\
l
JEANNE D'ARC. 97
tions difficilJe, obscures, subtiles, sur lesquelles elle était
incapable de donner une réponse satisfaisante. C'est ainsi
que, lorsqu'on lui demanda si elle était prête à se soumettre
à r Église militante, croyant qu'il fallait entendre par là
qu'elle devait s'en rapporter au jugement de Cauchon et
de son tribunal, elle déclara qu'elle refusait de s'y soumet-
tre. En désignant sous le norn d' Église militante cette
"tourbe de scélérats, 011 l'amenait ainsi, sans qu'elle se
rendît compte du subterfuge, à refuser en apparence toute
juridiction ecclésiastique. Mais quand on lni eut exposé la
, vérité sur c~tte question délicate, elle consent!t immédia-
tement à se soumettre, non seule1nent à l'Église, au Pape
et au Concile, mais encore à tout tribunal ecclésiastique
<JUi ne serait 1>as tout entier sous la rnain des Anglais.
Quand on lui posa cette question : Voua soumettez-voits au
Pape~ - Oui, répondit-elle, bien volontiera, 1nenez-moi à
lui, je lui di.rai: tout ce que je do,is dire.
Les jours suivants furent ernployés à fai1·e une pren1ière
récapit'-ilation du procès. Sous soixante-dix chefs d'accusa-
tion, on rassembla tout ce qu'on appelait ses cr,imes. Les
trois quarts de ces accusations reposaient sur des faits
faux ou dénaturés, qu'elle nia dédaigneusement, en renl·o-
yant aûx réponses qu'elle avait faites au cours du procès.
On comprit bientôt qu'un tel réquisitoil'e ne pouvait que
révolte1· des juges qui auraient le n1oindre sentin1e11t de la
justice; aussi, le jour de Pàques, ~ avril, co1n1neuça-t-on à
faire eu doitze articles un résumé de ce fatras de mensonges.
l"es douze articles furent plrs habilernent rédigés et for-
n1èrent un réquisitoire bien plus dangereux. Le ton en
était relativernent 1nodéré, et les faits étaient assez habile-
ment présentés pour surprendre la bonne foi de ceux qui
n'étaient pas initiés à fond aux incidents du procès. Vingt-
deux comn1issaires prirent part à ce travail, dont la conclu-
sion fut de déclarer que les visions, i·oiz,. révélations et
.apparitions de Jeanne ·ei~èfi:: lives et diabola'quu; et
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JEANNB D'ARC. 99
tore. Le bourreau et ses àides étaient là, pour agir, si elle
refusait d'avouer qu'elle avait trompé ses juges. Jeanne, à.
œ spectacle, s'écria fièr~ment : Vrai1nsnt, s-i vous m'arra-
.(Jhiez lea membres et que vous me /asa-isz partir l'âme du
.eorps, je ne vous dirais paa autre chose; et, si je vous dlsais
.autre chose, .ie voi's répèterais toujours ensui'te que vous me
lavez fait dire par force. Devant tant d'énergie on n'osa
pas passer outre; d'ailleurs, ce jour-là, la torture, dans
l'intention des juges, 11'était qu'une menace. Sur dix-se1lt
juges, quatorze déclarèrent la torture inutile. l/un d'eux,
nommé Raoul Rousset, eut rnê1ne l'impudence de dire :
(J' est
un procès bien jàit, la torture le gâterait.
Mais Cauchon voulait plus qq'un 11rocès bienfait, il vou-
lait un procès irréprochable. A cet effet, il envoya toutes
les pièces à l'Université de Paris, en sollicitant son adhé-
~ion. Entièren1ent sournise à l'influence anglaise, l'Univer-
sité loua tout dans la conduite de l'affaire. Il y eut deux
délibérations, une de la faculté de tl1éologie, l'antre de la
faculté de droit. Toutes deux aboutire11t à une conda1una-
tion formelle de l'accusée : jugement du reste sans valeur,
faute de compétence, et faute de respect })()Ur les formalités
les plus élémentaires de la justice.
Dès qu'on eut reçu à Rouen l'ap11robation de Paris, on
procéda à la délibération définitive. Sur quarante-sept doc-
teurs, qui furent appelés à prononcer ce jugement, qua-
rante-deux déclarèrent que c si la Pucelle ne se soumettait
pas, elle devait être déclarée hérétique et abandonnée au
l>ras séculiw ».
Le n1ercredi 23 mai, ,Jeanrr~ vit entrer dans sa pl'ison
une commission de nenf men1bres, qui venaient lui exposer
ses erreurs et l'exl1orter au repentir. Mais ni menace, ni
douceur ne pouvaient rien sur cette âme intrépide. Elle se
contenta de dire comme précédemment : Quand je verrais ~
je·u allumé, le bûcher, le bourreau prêt à mettr' le feu;
.quand je swais moi-même dans le ,,feu, je ne dirais quB
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104 SAINTS DU CALENDRIER DIOCÉSAIN D'AUCH.
\
JEANNE D'ARC. 105
ser aux témoins de cette mort admirable la tâche de nous
la raconter. Tous étaient plus ou moine ennemis de Jeanne,
de sllrte qu'il semble que leur témoignage en soit d'autant
plus éloqn~nt. « Jeanne », a écrit },rère Isambard, c eut,
en sa fin, si grande r.ontrition et si grande repentan•~e, que
c'était une chose admirable, disant paroles si dévot~s, piteu-
ses et catholiques, que tons ceux qui la regardai~nt pleu-
raient à chaudes larmes. Tellement que le cardinal d' Angle-
terre et plusieurs autres Anglais furent contraints de ple11-
rer et d'~n avoir compassion. 1 - c Et la piteuse Jeanne 1,
<lit de son côté Jean Massieu, « demanda, requit et supplia
Frère Isambard, qui était près d'elle. qu'il allât en l'église
prochaine, et qu'il lui .a1lportât la croix pour la tenir élevée
toute droite devant ses yeux jusques au pas de la 1nort.
Un Anglais fit une petite croix de bois de deux bâtons et
la lui présenta. Elle la reçut et la baisa dévotement, et li.
mit en son sein entre sa chair et ses vêtements. Ensuite le
clerc de Saint-Sauveur lui apporta la croix de l'église,
laquelle a11portée elle l'embrassa très étroitement et lon-
guement, et la détint jusqu'à ce qu'elle fût liée au poteau. >
Deux sergents s'emparèrent de Jeanne et la lloussèrent
vere le btîcher. Elle en gravit les degrés, esr.ortée des deux
Frères Dominicains : Ladvenu, son confesseur, et Ieambard
de la Pierre. Arrivée au sommet du bûcher, elle jeta un
long regard sur l'asseml>lée qui l'entourait et sur la ville,
et cria d'une voix forte: Ah! Rouen, j'ai grand'peur q1te tu
n' ai1s à souffrir d8 ma ·mort! On reti1·a de ses mains le
Christ qu'elle n'avait cessé de baise,r, et on l'attacl1a bruta-
lement au poteau, tandis que son front était couvert d'une
mitre ignominieuse sur laquelle on lisait ces mots : Héréti-
fJUB, relapse, apostat8. idolâtre! - Non, non, rria-t-elle
énergiquement, j1 ne suis ni hérétique, t'i schiamatiqus,
ainai qu'on tns l'impi1,ts; js suis une bonne ckrét1#ine. Puis,
s'adressant aux deux Dominicains, elle ajouta : Je vous sn
pril, dès que ls feu sera allumé, tenez la croix devant m18
'
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• •
108 SAINTS DU CALENDRIER DIOCE8AI:DJ D AUCH.
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ses juges qu'elle portait l'étendard dans ses mains, sur les
chnm1>s de bataille, pour éviter de tuer i1e.rsonne, et qu'elle
n'avait pas tué un homme de sa vie. Douce, humaine,
facile aux larmes, compatissante aux vaincus comme à tons
les malheureux, elle guerroya, comme l'aurait fait l'Angè
qui la visitait et l'encourageait aux combats. Terrible et
sereine comme Michel, l'épée de la justice et du droit est
dans sa main; mais la paix est dans son cœur, et none n'y
voyons aucune trace de la fureur guerrière qui anime les •
vrais soldats. ..\imant son pays jusqu'à la 1nort, ellè a
donné à cet amour le caractère sacré d'un amour im,péris-
sable et divin, en unissant Die11 et la France dans -le n1ême
sacrifice et le mên1e martyre .•Jeanne d'Arc est l'incarna-
tion de ce que le patriotis1ne a de plus élevé et de µlus
i1ur. Voilà ce que dit l'histoire. •
Voici n1aintenant ce qu'a dit l'Eglise. 1l semble qu'au
len(lemain du supplice de Jeanne, l'attendrissen1ent sur ce
martyre d'une jeune tille de dix-neuf ans aurait dû év;iller
partout, en sa faveur, une admiration.~et une i>iété enthou-
siastes. liais il n'en fut rien. Elle demeura longtemps un
sujet de discussions passio11nées, disons le mot, un sujet de
scandale pour l'Euro1>e entière. Entre les jugements si
divers é1nis sur elle, il en est un que nous citerons, parce
qu'il nous paraît plus autorisé et plus intéressant que tous
les antl'es, celui que son contemporain, le futur pape Pie II
(hjneas Sylvins Piccolomini) a inséré ·dans les Mémmres,
qu'il publia sous le nom d'o~ secrétaire, mais qui furent
écrits par lui, et terminés en 1463, trente-deux ans après
le drame de Rouen.
Tant qti,'elle vivait, ·1nênie prisonnière, les Anglais, si soit-
vent vaincus par elle, ne se croyaient pas en sûreté. Ils crai-
gnaient ses enchanlement1, et voulurent sa mort. Dès que les
jt'!}es eurent constatJ qu'elle avait repris les habits d'homme,
·ils la condamnèrent au J~u, comme relapse, et, pour qu'on
n' honorlit pas ses cendres, 1'ls les firent jeter à la Seine.
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JEANNE D' ARO. Ili
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- Voilà, dans quelles circonstances, infiniment honorables
pour elle, l'Église a jugé la sainte et glorieuse enfant !
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XII. - 11 Geata Johannœ per Vaaconee D1 les 1e1te1 des Gascons
1
sous l'étendard de la Pucelle. 1
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122 SAINTS DU CALENDRIER DIOCÉSAIN D'AUCH.
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JEANNE D'ARC. 123
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c'est l'admirable trait dont nous empruntons encore le
récit à la brochure de }f 8 r de Carsalade.
c C'était au mois de niai 1431; Jehanne trahie et
condamnée allait mourir à Rouen, et dans cette France
qu'elle avait tant aimée, qu'elle avait. rachetée de son sang,
à laquelle elle avait tout sacrifié, sa famille, son village, ses
vingt ans, nul .ne songeait à elle, nul ne J>ensait à l'arra-
cher des rnains de ses bourreaux, pas n1ême ce roi qu'elle
avait couronné à Reims. Je me trompe, un hon1me, un
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seul, gardait à l'héroïne vaincue un souvenir fidèle. Son
sang s'était 1nêlé au sien sur le champ de bataille de
Patay; ils avaient ensernble t'rap1>é de terribles coups, ter-
. rassé des ·1nilliers d'Anglais, délivré plus de cent villes et
. retenu la victoire dans les 1>lis de leur drapeau, longten1ps
sans revers. Cet homrne était I.ja Hire. Il forma le llrojet
fou, insensé,. mais chevaleresque jusqu'au prodige, cl'aller,
avec sa petite troupe de cent lances gasconnes, assiéger la
grande ville de Rouen où se trouvaient réunies toutes les
forces anglaises, de l'e1nporte1· d'assaut, de rnettre tout à
feu et à sang et d'enlever, sur son cheval vainqueur, la
Pucelle libératrice. Il deRcendit la Seine et se fit écraser
presque aux portes de Rouen par des forces 1nille fois
supérieures aux sien11es. Si le succès ne couronna pas un si
généreux efl'ort, il n'en reste pas n1oins vrai <1ue, dans cette
défection et cette lâcheté générales, La Hire fut le seul qui
soutint le vieil honneur de la chevalerie française. •
Après le seigneur de Vignoles, citons celui de Xain-
trailles en Condomois 1, célèbre sous le nom de Jecin Poton,
un des meilleurs capitaines au .xve siècle, co1upagnon fidèle
de Jeanne, de Dunois et d~ I.ja Hire. Pour récompenser ses
é1ni11ents services, Charles "\1'11 le créa maréchal de France.
Il repose dans l'église des cordeliers de Nérac, où il avait
demandé qu'on l'enterrât (1461 ).
Canton de Lavardac (J. . ot·et-Garonne), en latin : .";ancta .i!..'ulalia,
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en gascon : 8alnte-•.\raille, Saintrailles et Xaintrailles.
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JEANNE D'ARC. 12a.
11enr de théologie, de l'ordre des Prêcheurs, qui l'avait bien
:souvent confessée, que c'était une femme de Dieu, que ce
-qu'elle faisait était de Dieu, qu'elle était de bonne âme et
·de bonne conscience.
<e Après la levée du siège, moi et plusieurs autres caJlÎ-
·taines l'accompagnâmes à Beaugency. A la journée de
Patay, ayant su que les Anglais étaient prêts de con1battre,
noue en donnâmes, l.1a Hire et moi, avis à Jehanne :
Frappez hardiment, noue dit-elle, ils ne tiendront paa long-
ttmps. A •cette parole, noue fîmes l'attaque, et tout d'un
coup les Anglais se inirent à fuir. Jehanne avait prédit
-qu'aucun des siens, ou bien peu seraient tuée ce jour-là ou
auraient don1mage. Cette llrédiction se réalisa, car de tons
nos hommes, un seul, un gentilhomme de ma compagnie,
. fut tué. Je l'ai ensuite accompagnée à Troyes et à Reims.
Toue ses faite étaient plutôt divine que humaine; mais, en
dehors de la guerre, c'était une fille simple et innocente;
maie pour conduire les troupes, diriger un combat et
entrainer les hommes, elle valait le capitaine le plue habile
~t le plus expérimenté. >.
A la suite de ces héros, nommons Guillaum1J d'Albret, de
la race c rude et belliqueuse , des sires d'Albret, si connus
par leur dernier rejeton, le roi Henri IV; - di vers reJ>ré-
sentanta de la maison de Montesquiou, une des plus illus-
tres et des plue anciennes de notre province 1, uotarnment
Barthélémy de Jfonteaqu1:ou, douzième seigneur de Marsan,
fondateur de la br·anche actuelle des Montesquiou-Fezen-
sac; - Odon, sire de Verduzan (canton de Valence), d'une
famille remontant au xr 11 siècle:; il échappa an massacre
des Armagnacs de 1418, servit constamment le dauphin
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JEANNE D'ARC. 127
brer les exp1oits de nos compatriotes sous l'étendard de la
Pucelle, Geata JokannaJ per Va&cones !
Dans cette glorieuse litanie, on a été probab1ement sur-
pris de ne point trouver le nom des e_ofauts du fameux
Connétable d'Armagnac. Il en avait eu sept : deux garçons
et cinq filles. Parmi celles-ci, deux seulement furent
mariées. L'une, Bonne d'Armagnac, née an château de
Lavardens (Gers) le 19 février 1399, avait épousé Charles
de France, duc <!'Orléans, prisonnier à Azincourt, dont la
vie s'écoula presque tout entière dans la captivité; l'a11tre,
Anne d'Armagnac, était unie an sire d' ...\lhret, Charles Il,
à qui le roi venait de donu~r {1425) le con1té de Gaure et
sa capitale, Fleurance, comme récompense de sa fidélité à
la cause franç3ise. -- I.Je cadet des deux fils, Bwnard
d'Armagnac, apanagé t:o1nte d8 Pardiac, seigneur, de Biran,
Ordan et Peyrusse en Fezensac, avait épousé Eleonore de
Bourbon, comtesse de la Marche,. qui devait lui donner,
entre autres enfants, une sainte fille, la biMikeur61tse Bonne
d'Armagnac, dont 1e procès de canonisation est actuelle-
ment en cour de Rome. Nous trouvons Bernard d' Arma-
gnac, sons le no_m de comte de la Marche, au siège de
Beaugency avec le connétable de Richemond et Jeanne
d'Arc (juin 1429).
Q11ant à Jean IV, fils aîné et successeur du Connétable
dans l'administration des im1nenses domaines que possé-
dait la maison d'Armagnac au xve siècle, il nous paraît
avoir été tout à fait étranger à la grande mission de la
Pucelle. Cependant la Gascogne, jusque dans ses coins les
pins recolés, retentissait alors du nom de la Libératrice. Le
comte d' A1·magnac lui-même s'inclinait devant l'envoyée
de Dieu, et l'histoire a conservé le texte de la lettre qu'il
écrivit à Jeanne d'Arc pour loi soumettre un soi-disant cas
de conscience dans l'aftaire du Grand Schisme d'Occident,
a.lors à peu près éteint, sauf en Gascogne.
Jla tres chiere dame, lui écrit-il, je me recommande kum-
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JRANNB D'ARC. 129
la Gascogne, mais sans que le bruit en parvînt peut-être
jusqu'aux marches de Lorraine. En tout cas les Voix de
Jeanne ne l'avaient- jamais entretenue ni de Gille$ Mufioz,
ni de Jean Carrier. Toute à la préparation hâtive de sa
marche sur Paris, l'ressée de monter à cheval et aussi de
·congédier le messager de Jean IV qui, vu d'un mauvais
œil par quelques hommes d'armes présents, risquait,
paraît-il, d'être jeté à la rivière, s'il ne repartait pas im1né-
diateme~t, Jea11ne d'Arc fit à cet homme quelques recon1-
mandatibns verbales, pnie dicta, au moins partiellement, et
signa la réponse suivante :
Jh8ma Maria. Conte lf Armignac, mon trea chiw et bon
-ami:, J ehanne la Pucelle ·vous fait savoir que vostr1 muaage
1sl vtnu par devers moy, lequel m'a dit que faviés mvoyé
par d'fa pour aav&i,. de moy auquel d68 trois papta que
mandez par mt.moir1 vous 'dtvr·iéa croir1. De laquelle ehoae
ns vous puis bonnnnmt faire aavoir au vray pour le pre-
~enl, juaques à ce qt4e je aoye à Paris ou ailleurs à requoy,
car je su,is pour le present trop empesekiée au fait de la
g14erre. Mais quand vous saurez que je seray à Parla,
envoiez ''ng mea&age par devers moy, et je fJOUB fway 1avoir
tout au tJray auquel votts devrez croire et que en aurny 1ceu
par le conseil de mon drO'icturier et souverain attigneur, le
Roy de tout le tnonde, ,e que en aurez à faire, à tout mon
povoir. .t Dift4 vous commans; Dieu so·it garde de vous.
Écrit à Oompi"mgne, ~ X ,,Xb jour lf aoust.
« C'était •, conclut M. Samaran, « habilement se tirer
d'embarras en éludant la question spécieuse, mais que
voulait au juste le comte d'Armagnac ? Sa démarche doit-
elle être regardée comme la preuve d'une confiance naïve
e~ spontanée dans l'inspiration de Jeanne, ou est-ce au
contraire la ruse misérable d~un homme qui, obligé d'aban-
donner Benoît XIV et Clément VIII, vent du moins sau-
ver lee apparences et colorer son changement d'un prétexte
:pieux, en paraissant subordonner sa conduite anx conseils
130 SAINTS DU CALENDRIER DIOCÉSAIN D'AUCH.
ÛRAIBON.
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DBUs, qui beatam· Joan- 0 Dien, qui avez miracu-
nam virginem ad fidem ac . leusement suscité la bien-
patriam tumdam mirabiliter heureuse J eanoe d' Al'c pour
suacitaali : da, qua!aumua, la défense rle la foi et de la
ejua interuslions., ut Ecc~sia patrie, veui!l~z none accor-
tua, hoatium superatis -inei- der par son intercession que
diil, psrpetua pau fruatur. votre Église triomphe des
Per D. N. J. C..• Amen. embûches de ses ennemis et.
jouisse perpétuellement de
la paix. Par J. C... Ainsi
soit-il. ,
t Voir dans la Jùv1UJ de 'la. Haute-A11·vergne, 1904, pp. 221-225,
l'article de M.. Boudet : La Hat1te-Àu1'ergne et lei ctnnte1 tl'Arma-
gfUJC penda11t le liège tl' 01"léam et la m~11ion de Jea.nne d'Arc.
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J.-M. BKNAC
V)' A))tK <!K'<KHAf. n'AU'H
PHMV<'T)'r CHtPtTt[M~HTRf't'<'HTA)\
LES SAINTS
~CALM\IMH DH~ESAtN D'AUCH
DEUXIÈME VOLUMt
du 22 Mai au 13 Août
AUCH
!MPRIMERtE COCHARAUX
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