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Acte 1
Acte 1
LE JEU
C'est l'automne. Le décor, sur lequel le rideau
s'ouvre, représente une arrière-cour située dans
un faubourg, quelque part dans la ville. Il y a,
à gauche, une sortie assez étroite prise entre deux
murs de maisons abandonnées et au fond, une
palissade qui s'ouvre sur une ruelle. A droite,
un vieux hangar délabré dont la porte est très
praticable. Le toit du hangar, qui donne en pre
mier plan, se superpose à un autre toit plus ar
rière, qui servira pour les apparitions de Tar
zan, an cours du premier et du troisième acte.
Une caisse de bois renversée s'appuie contre le
mur du hangar et représente le trône de Tar
zan. Ce décor est tout blanc. C'est-à-dire qu'il
va du blanc pur au noir presque complet, en
passant par toutes les teintes de gris. Un petit
arbre décharné et stérile projette son ombre sur
le mur d'une maison de gauche, tandis que des
cordes à linge vides traversent la scène, accro
chées à un poteau croche planté derrière la pa
lissade et dont le travers du haut donne l'im
pression d'une pauvre croix toute maigre, sans
larron ni Christ dessus.
16 MARCEL DUBÉ
Les êtres que nous voyons évoluer dans ce
triste paysage réaliste font ressortir parfois des
choses qui les entourent, de leurs paroles et de
leurs gestes, une poésie discrète. Ce n'est pas
encore le crépuscule mais on sent que le soleil
achève sa parabole sur la ville. Moineau est seul
en scène. Il est assis sur une poubelle placée con
tre la palissade, près de l'ouverture. Il joue de
l'harmonica, niais très maladroitement. On di
rait une suite de notes mélancoliques qui s'exha
lent de ses lèvres. Parfois il cesse de jouer pour
secouer son instrument sur ses genoux. Mais il
reprend aussitôt. En arrière-plan, on entend,
comme une plainte qui s'éloigne, la voix du
"guenillou" mêlée an bruit de sa charette. C'est
la rengaine bien connue : « Guenilles à vendre,
guenilles à vendre... des bouteilles, des guenilles
à vendre ?...» Et puis tout cela s'efface et se
perd. Seul, le son grêle de l'harmonica de Moi
neau persiste... Soudain, la porte du hangar s'ou
vre et Tif-Noir paraît tenant une poubelle dans
ses mains. Il se penche, la dépose près de la porte
et se redresse:
TIT-NOIR — Hé ! Moineau !
Moineau ne semble pas l'entendre. Alors, sur
un ton plus haut, Tit-Noir reprend:
TIT-NOIR — Moineau ! Es-tu sourd ?
Moineau sort soudainement de son rêve et
cesse de jouer:
MOINEAU — Hein ?... Non, non, je suis pas
sourd... Qu'est-ce que tu veux Tit-Noir ?
ZONE 17