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Collection dirigée par

Jeanne Siaud-Facchin

© ODILE JACOB, SEPTEMBRE 2016


15, RUE SOUFFLOT, 75005 PARIS

www.odilejacob.fr

ISBN : 978-2-7381-5969-4

ISSN 2491-1062

Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-


5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à
l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part,
que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration,
« toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le
consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art.
L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon
sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété
intellectuelle.

Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo.


À mes parents, Hélène et William,
semeurs de gratitude,
par leur confiance et leur bienveillance.
Merci pour le courage d’avoir permis à chacun
d’explorer son propre chemin.

À mes frères, Luc et Stefan,


qui m’ont montré, à travers l’alpinisme,
qu’il était possible d’ouvrir de nouvelles voies
et de contempler, en cheminant,
la beauté de ce qui nous entoure.

À Laurent, avec ma plus tendre reconnaissance


pour les bonheurs du quotidien
et envers le papa que tu es pour
Lucile, Matthieu, Raphaëlle, Sophie et Louise,
ma cordée préférée !
Les Carnets de Vie

Cette collection, je l’ai conçue comme une invitation. Une invitation au


cœur des notions centrales de la psychologie contemporaine. Cette
psychologie qui nous propose de développer nos ressources de vie. Pour
vivre mieux. Vivre mieux avec soi, vivre mieux avec les autres, vivre mieux
avec le monde.
Un « Carnet de Vie » pour se relier à ce qui, profondément, construit
notre sens de vie. À ces valeurs qui sont nos piliers. À ces valeurs que nous
avons tant besoin d’éclairer, de retrouver, de réapprivoiser : la tolérance, la
gratitude, la curiosité, la tendresse, la bienveillance, la générosité, le
pardon, l’engagement, l’espoir…
Une collection vivante, claire, accessible, pratique :
• Pour comprendre comment cela fonctionne. Quels sont les mécanismes,
les processus ? Quel est l’état des connaissances scientifiques sur le sujet ?
• Pour savoir à quoi ça sert. Quels sont les bénéfices ? Les effets ? Qu’est-
ce que ça change ?
• Pour s’approprier ces valeurs. En quoi peuvent-elles m’aider, améliorer
ma vie, modifier mon fonctionnement ? Comment faire concrètement, dans
mon quotidien, avec les autres… pour que cela change vraiment quelque
chose pour moi, dans ma façon de vivre, d’éprouver, de penser ?
Les « Carnets de Vie » : une approche psychologique résolument
actuelle, dynamique, intime, pour comprendre ce qui est essentiel, pour
s’engager dans le sens de nos valeurs, pour s’approprier ces qualités, ces
compétences, ces forces qui nous enrichissent et nous nourrissent.
Chaque « Carnet de Vie » est un carnet de route. Pour avancer sur votre
chemin. Celui qui vous convient. Sur lequel vous vous sentez bien. Belle
route !
Jeanne SIAUD-FACCHIN,
directrice de collection
Prologue

Encore un virage ascendant, et j’apercevais se découper au loin les


dentelles de Montmirail. L’air se vivifiait et le mistral semblait
accompagner les puissantes poussées de la moto. Mais l’enivrante
impression de planer sur le ruban d’asphalte fut brutalement stoppée. Après
un tournant apparaissait en effet l’arrière d’un camping-car ralenti par la
pente sur la route menant vers le sommet du mont Ventoux. Impossible de
le doubler. La circulation était trop rarement interrompue sur l’autre voie, et
les lacets se succédaient. Comme un nuage dans un ciel provençal, ce
nonchalant véhicule néerlandais commençait à assombrir la joyeuse
montée. Mais, soudain, un petit feu orange salvateur se mit à clignoter à
l’arrière du pachyderme de tourisme. Le véhicule se rabattait tant bien que
mal afin de nous laisser passer. Pendant l’accélération de la moto,
désormais devant lui, j’exécutai une petite flexion de jambe. Il me répondit
par un bref appel de phares « mais de rien » !
Je n’ai plus fait de moto depuis longtemps, mais, en écrivant ce livre sur
la gratitude, je trouve amusant de me rappeler que chez les motards le
remerciement se fait avec le pied. Exprimer quoi que ce soit avec le visage
ou les mains est inutile ou dangereux lorsqu’on est sur deux roues avec un
casque ! Les automobilistes aiment que l’on prenne en compte leur petite
attention à l’égard des deux-roues, et les motards ont raison de les
remercier, car il est probable que cela favorise l’attention que portent les
conducteurs de voiture aux fragiles et rapides pilotes de moto.
Dire merci avec le pied, l’expression amuse parce que c’est du cœur
qu’est supposée s’exprimer la reconnaissance, et aussi parce que si le visage
ou les mains sont les vecteurs naturels des interactions humaines brèves, les
pieds sont rarement employés. Ce livre constituera une sorte d’anatomie de
la gratitude, où seront détaillés ses formes, ses antécédents et ses effets sur
l’individu ainsi que sur la société. Itinéraire de recherche, mais aussi
promenade à travers le quotidien et les situations sociales où se vivent les
expériences de gratitude, il a été écrit pour permettre de connaître et de
reconnaître les pouvoirs de cette expérience ordinaire aux effets
déterminants.
Introduction

« Soyons reconnaissants aux personnes qui nous donnent du bonheur ;


elles sont les charmants jardiniers par qui nos âmes sont fleuries. »
Marcel PROUST 1.

« De l’enfant roi à l’élève client », titrait un article de Nicolas Truong


paru dans Le Monde de l’éducation en 2003. Quelle caractéristique
commune ont ces deux attitudes de l’enfant ? Le manque de
reconnaissance. À en croire la multiplicité des forums sur le sujet, quantité
d’adultes se plaignent de l’ingratitude de leurs enfants. Des articles font état
du manque de reconnaissance des élèves qui se comportent comme des
clients à l’école. Des chercheurs tels que Lea Waters en Australie ont fait
état du trouble de déficit de reconnaissance dans les entreprises, qui
entraîne un mal-être et affecte la productivité. Est-il possible aujourd’hui
d’enrayer la machine ou devons-nous nous adapter à un univers empreint
d’ingratitude ?
En s’appuyant sur des décennies de recherches ayant mis en évidence le
potentiel fondamentalement prosocial de l’être humain 2, il est envisageable
de miser sur une vision optimiste de l’enfant. Nous avons ainsi expérimenté
une petite pratique toute simple dans une classe de moyenne et grande
section de maternelle et dans une classe de cours préparatoire. Les deux
institutrices – inspirées des pratiques des écoles à pédagogie nouvelle 3 et de
la pédagogie institutionnelle – avaient pour habitude de proposer en fin de
journée le temps du « ça va/ça va pas » au cours duquel chaque enfant
pouvait raconter quelque chose sur sa journée qu’il avait apprécié ou au
contraire qui ne s’était pas bien passé. L’objectif étant de permettre à
l’enfant de s’exprimer, d’identifier les besoins non satisfaits et d’améliorer
les choses pour la suite.
À la place de cette pratique, nous avons proposé un autre exercice qui
consistait également à faire un tour de table où chacun exprimait quelque
chose de satisfaisant pour lui (« Aujourd’hui je suis content parce que… »),
en complétant sa phrase par : « et j’ai envie de dire merci à… ». La
première partie visait à les aider à repérer quelque chose qu’ils avaient
apprécié au cours de la journée, et la seconde partie de la phrase avait pour
objectif de leur apprendre à identifier grâce à qui cela s’était produit. Qui
sont toutes les personnes qui contribuent à rendre ma journée intéressante et
agréable ? Prendre le temps de repérer tous ceux qui jouent un rôle dans
notre bien-être au quotidien génère un sentiment de gratitude.
Les événements satisfaisants rapportés par les enfants de l’école
maternelle et de cours préparatoire étaient majoritairement liés aux activités
réalisées au cours de la journée et à la qualité des repas. La plupart des
enfants semblaient éprouver beaucoup de joie en évoquant ce qu’ils avaient
apprécié et prenaient également plaisir à remercier. Au cours des deux
semaines où nous avons mené l’étude, il arriva que certains enfants n’aient
pas envie de s’exprimer ou n’aient pas d’idée (11 % sur les 336
observations). Il s’agissait le plus souvent d’enfants qui ne maîtrisaient pas
encore bien le français parmi les plus jeunes. Toutefois, il peut être difficile
pour certains enfants, comme pour des adultes, d’identifier et de nommer la
gratitude. Un travail préalable sur les émotions est parfois nécessaire. Nous
verrons plus loin ce qui peut expliquer pourquoi certains individus, après
avoir bénéficié d’un soutien ou d’un don, n’éprouvent pas de gratitude.
Parmi les phrases notées en classes de maternelle au cours de l’étude
que nous avions menée, on peut citer l’exemple suivant : « Je suis content
parce que Alan a joué avec moi. J’ai envie de lui dire merci parce qu’il est
mon ami. » Au moment où Mathis a prononcé cette phrase, les yeux d’Alan
brillaient d’émotion (et ceux de la maîtresse aussi…). Cet exemple illustre
l’un des effets de la gratitude sur les relations : en exprimant de la gratitude
envers son ami, Mathis renforce le lien de confiance et motive Alan à
poursuivre la relation puisqu’elle lui apporte aussi un sentiment de sécurité
et de bien-être. La gratitude offre également un signe de reconnaissance à
l’autre pour son geste ou son intention. C’est ainsi que cette pratique a
enthousiasmé les institutrices qui ont raconté comment elles s’étaient enfin
senties reconnues pour leurs efforts et leur attention portée aux enfants. En
effet, près d’un tiers des enfants ont remercié leur institutrice au moment du
tour de table d’expression de gratitude en fin de journée. Quel changement
pour ces institutrices !
Habituellement les enfants ne remercient pas pour une activité, pour une
histoire ni même pour une visite ou une sortie à la piscine. On considère
que c’est normal, l’enseignant fait son métier, l’élève vient à l’école et en
bénéficie. En raison du phénomène d’habituation, nous ne percevons plus
les intentions bienveillantes derrière les actes. Nous ne prenons plus le
temps de remercier les autres pour les petits gestes du quotidien. Nous
passons finalement à côté de l’émotion de gratitude la plupart du temps et
nous générons par là un sentiment de manque de reconnaissance chez
l’autre. Ce sentiment peut générer de la frustration et, à terme, de la
souffrance.
Repensez à un moment où vous avez vécu ce sentiment de manque de
reconnaissance. Comment cela s’est-il manifesté dans votre corps ? Une
boule dans la gorge, un nœud dans le ventre, une tension sur les épaules…
Les manifestations sont variables selon les individus. Quelles émotions
étaient associées à ce sentiment de manque de reconnaissance ? De la
frustration, de la colère, de la tristesse… Parfois cela s’accompagne d’un
sentiment d’inutilité, d’impuissance, de solitude profonde. Quelles pensées
sont alors associées ? Ce que je fais ne sert à rien ; de toute façon, personne
ne remarque ce que je fais ; je me fatigue pour rien, les autres se moquent
bien de mes efforts ; la prochaine fois, je ne ferai rien.
Au-delà de la politesse, dire merci revêt des fonctions psychosociales
essentielles. Ce livre propose de vous offrir un voyage au cœur de la
gratitude pour en découvrir les multiples facettes (première partie) et pour
comprendre comment la gratitude augmente le bien-être, non seulement de
celui qui reçoit un signe de reconnaissance mais aussi de celui qui éprouve
l’émotion de gratitude (deuxième partie). Certains mécanismes vous
sembleront évidents, ils relèvent du bon sens. La différence est
qu’aujourd’hui les mécanismes et les effets de la gratitude ont été étudiés
par la science. Vous pourrez ainsi aller à la rencontre des recherches qui ont
permis d’identifier les bienfaits de la gratitude et découvrir comment la
cultiver (troisième partie). Cette dernière partie présente les exercices dont
l’efficacité sur le bien-être physique, mental et social a été démontrée et qui
peuvent inspirer vos pratiques quotidiennes dans le cadre familial et
professionnel.
Pourquoi vouloir développer davantage la gratitude ? Ne se développe-
t-elle pas spontanément ? Les enfants développent progressivement leur
capacité à reconnaître l’intention bienveillante d’autrui. Toutefois, nous
avons tous tendance à nous habituer au contexte dans lequel nous vivons et
aux interactions sociales qui animent nos journées. Avec le temps, nous
percevons moins les gestes quotidiens de nos proches et nous oublions
parfois les intentions qui les accompagnent. C’est alors que les relations
s’étiolent ou que les tensions se développent. À l’image de Sylvie qui
racontait lors d’une intervention de psychologie positive : « Je me suis
aperçue au cours de la semaine de la quantité de choses que mon conjoint
faisait pour la famille, pour moi, sans que je m’en rende compte. Je
percevais toujours ce qui manquait. J’avais l’impression qu’il ne
s’impliquait pas dans la vie de famille parce qu’il rentrait tard et qu’il
oubliait souvent les ingrédients que je lui avais demandé de rapporter. En
réalité, lorsque j’ai pris le temps d’imaginer ce que serait le quotidien sans
lui, j’ai remarqué les intentions et les efforts fournis pour rendre la famille
heureuse. J’ai éprouvé une reconnaissance immense envers lui, pour ce
qu’il nous apporte, pour ce qu’il est aussi, simplement. »
L’émotion de gratitude est cette forme de joie, d’émerveillement devant
laquelle nous décidons de diriger notre attention. On peut faire le choix de
cultiver cette attitude particulière dans le but de reconnaître au mieux la part
de l’autre dans notre bonheur, la part de ce qui nous transcende aussi.
Développer la gratitude constitue donc un moyen efficace d’aiguiser notre
attention à mieux percevoir les intentions, gestes et égards dont nous
sommes si souvent bénéficiaires au cours d’une journée, mais que nous
oublions en général presque aussitôt.
Je vous invite à parcourir ce livre dans l’ordre qui vous convient le
mieux, soit en commençant par la compréhension de ce qu’est la gratitude
et comment elle agit sur nos vies, soit en passant d’abord par la pratique
pour découvrir par vous-même ce qu’elle peut vous apporter. Alors, bonne
lecture !
PREMIÈRE PARTIE

Qu’est-ce que la gratitude ?

« La gratitude est un second plaisir, qui en prolonge un premier :


comme un écho de joie à la joie éprouvée, comme un bonheur en plus
pour un plus de bonheur. »
André COMTE-SPONVILLE 4.
CHAPITRE 1

La gratitude :
un amplificateur du positif

La gratitude est une émotion agréable que l’on éprouve lorsqu’on reçoit
une aide ou un don d’autrui et qu’il s’agit d’un geste intentionnel et
désintéressé. La gratitude est un mélange subtil de surprise, de joie,
d’émerveillement et d’un sentiment de connexion aux autres que je
qualifierais d’interdépendance positive : la prise de conscience que les êtres
humains peuvent être une source de bien-être pour les autres. La gratitude
peut aussi s’étendre à des bienfaits générés par l’existence comme une
découverte ou un paysage. Certaines personnes éprouvent également un
sentiment de gratitude envers une entité telle que Dieu ou envers la nature 5.
Certains auteurs distinguent la notion de gratitude envers autrui de la
notion d’appréciation qui se réfère au sentiment de reconnaissance envers
les bienfaits du quotidien tels que la chance de vivre dans un lieu paisible,
d’avoir contemplé un paysage marin ou encore d’avoir profité d’un repas
savoureux. Toutefois, ces deux émotions semblent étroitement liées 6. Ce
qui les caractérise c’est cette tendance à amplifier les aspects positifs des
situations sur lesquels l’attention se porte. Philip Watkins, chercheur à
l’Université East Washington, parle ainsi de la gratitude comme d’un
« amplificateur du positif ». Tel un amplificateur qui permettrait de rendre
plus audibles les sons, ou encore comme une loupe qui permettrait de
découvrir de nouvelles facettes de l’existence, la gratitude joue ce rôle
d’amplification de nos perceptions des aspects positifs du quotidien. Mais, à
la différence d’une simple expérience positive, l’émotion de gratitude est
associée à une augmentation des comportements altruistes 7.
Par exemple, si vous prenez le métro après une journée bien chargée et
que vous avez la chance de trouver une place libre, vous êtes content de
pouvoir vous y asseoir confortablement le temps du trajet. Le métro
continue de se remplir et vous vous gardez bien de regarder les autres
passagers de peur de devoir céder votre place. À l’inverse, si vous êtes
monté à une station où une personne vous a intentionnellement cédé sa
place vous éprouverez probablement de la gratitude et aurez tendance à
regarder les autres passagers entrants, restant à l’affût dans le but de voir si
une autre personne n’aurait pas encore plus besoin de la place que vous-
même.
Lorsqu’on interroge des personnes, au hasard des discussions, sur ce
que représente pour elles la gratitude, pour certaines la gratitude évoque
cette douceur dont les relations manquent parfois, pour d’autres elle résonne
comme une forme de politesse. D’autres encore considèrent ce terme
comme désuet. Pourtant les philosophes et, plus récemment, les chercheurs
en psychologie se sont penchés sur les effets spécifiques de cette attitude
que l’on peut développer envers autrui, et plus largement envers la vie.
Cicéron considérait la gratitude comme la vertu suprême. Pourquoi
accorder une telle place à la gratitude ? Ne s’agit-il pas simplement d’une
façon de rendre la pareille lorsqu’on se sent débiteur ? N’est-ce pas une
manifestation de politesse permettant de maintenir des relations cordiales ?

Gratitude et échange social


Pourquoi disons-nous « merci » ? Exprimons-nous notre reconnaissance
dans l’espoir de bénéficier à nouveau d’un cadeau ou d’une faveur ? Ou
bien parce que nous avons appris les bonnes manières ? L’expression de la
gratitude n’a pas pour objectif premier l’obtention de bénéfices futurs. La
gratitude est d’abord une émotion qui émerge spontanément lorsque nous
recevons une attention ou un don. Cette émotion est caractérisée par la
surprise et la joie : je reconnais la chance d’avoir bénéficié de cette
attention. Exprimer sa gratitude est une façon de donner quelque chose en
retour : un signe de reconnaissance. Je signale par là que j’ai repéré le geste
et l’intention d’autrui. Mais la gratitude va plus loin que la simple
réciprocité du geste, elle génère une émotion agréable qui nous donne envie
à notre tour de venir en aide à d’autres, même des personnes qui ne nous
ont rien apporté et que nous ne reverrons peut-être jamais.
Pour étudier ce phénomène en laboratoire, il a été proposé à des
individus de prendre part à un jeu économique 8 où l’on mesure si le
comportement de l’individu sert davantage son propre intérêt ou celui de la
communauté. Les participants étaient reçus l’un après l’autre dans le
laboratoire. Il leur était proposé de jouer à un jeu avec un partenaire
impliquant un gain d’argent. Chaque participant recevait 4 jetons d’une
valeur de 1 dollar pour lui, mais qui valaient 2 dollars pour le partenaire de
jeu. Chaque partenaire se trouvait dans une pièce séparée et devait décider
du nombre de jetons qu’il allait donner à l’autre. S’il en donnait 4, cela
permettait à l’autre d’avoir 8 dollars. Si le participant avait suffisamment
confiance en l’autre, il pouvait imaginer qu’il recevrait en échange
également les 4 jetons, donc 8 dollars.
Avant d’arriver dans cette pièce, les participants avaient pris part à une
tâche préalable sur ordinateur. Ils pensaient qu’il s’agissait de deux études
différentes, mais en réalité cette première situation avait pour objectif de
générer une émotion de gratitude chez la moitié des participants. Ils étaient
assis devant un ordinateur en présence d’un autre participant (qui était en
réalité un membre de l’équipe de recherche) qui réalisait également une
tâche informatisée. Pour la moitié des participants, l’ordinateur était
programmé pour dysfonctionner, tandis que l’autre moitié ne rencontrait pas
de problème et allait ensuite dans la salle suivante. Ceux qui rencontraient
un problème d’ordinateur recevaient de l’aide de l’autre participant, ce qui
avait pour but de générer une émotion de gratitude (mesurée par
questionnaire ensuite). Lorsqu’ils passaient dans la salle suivante, il était
précisé à la moitié des participants que la personne qui les avait aidés était
aussi leur futur partenaire de jeu économique, tandis qu’on précisait à
l’autre moitié des participants que leur partenaire était quelqu’un qu’ils ne
connaissaient pas et qu’ils ne seraient pas amenés à rencontrer. Ce dispositif
pouvait ainsi permettre de mesurer si la confiance en l’autre et le
comportement altruiste découlaient du désir de rendre la pareille à celui qui
était venu en aide (fonction de réciprocité) ou si l’émotion de gratitude avait
le pouvoir de générer des conduites prosociales même envers un inconnu
(ce qui n’a plus une fonction de réciprocité).
Contrairement à l’idée selon laquelle les conduites prosociales générées
par la gratitude constituent juste une forme de réciprocité, il a été montré
dans cette étude que les participants reconnaissants avaient tendance à
donner plus de jetons à leur partenaire même lorsqu’il s’agissait d’un
inconnu. Au-delà d’un souhait de réciprocité (soutenir celui qui nous a
rendu service), l’émotion de gratitude augmente les tendances altruistes
d’une manière plus générale : nous aurions davantage tendance à coopérer
et venir en aide à d’autres individus, même sans attendre de retour de leur
part. En effet, dans l’expérience décrite ci-dessus, les participants ne
jouaient qu’une seule fois (ils donnaient un certain nombre de jetons) et ils
étaient prévenus qu’ils ne verraient pas leur partenaire ensuite. En d’autres
termes, un participant pouvait se montrer égoïste (garder les 4 jetons et
recevoir un certain nombre de jetons de l’autre participant qui était censé
prendre la décision du nombre de jetons à donner en même temps que lui)
sans aucune conséquence (si ce n’est de repartir avec plus d’argent !). Cela
souligne le caractère désintéressé du geste du participant qui donne ses
jetons. C’est cette dynamique prosociale engendrée par la gratitude qui lui a
valu d’être classée parmi les émotions « morales 9 ».

La gratitude, plus qu’une simple formalité


La gratitude est une émotion, en ce sens qu’elle ne se contrôle pas et ne
répond pas à un intérêt personnel. Comme toute émotion, elle possède une
fonction adaptative. L’émotion de peur nous pousse à fuir ou à nous
défendre, l’émotion de joie nous motive à poursuivre l’expérience. Quelle
fonction revêt la gratitude ? À quoi nous pousse cette émotion ? Nous avons
vu dans l’étude citée précédemment qu’elle favoriserait la coopération en
réduisant les comportements égoïstes au profit de conduites qui bénéficient
au groupe. On parle d’émotion morale ou sociale lorsqu’elle sert le groupe
au-delà des intérêts personnels 10. Ce type d’émotion implique une
conscience de l’interdépendance entre les êtres humains et génère des
comportements bénéfiques au groupe social.
Ainsi, plutôt qu’une tentative de manipulation dans le but d’obtenir
plus, la gratitude augmente la motivation et l’énergie permettant de mettre
en œuvre des comportements prosociaux et réduit la tendance à réaliser des
comportements antisociaux 11. Une étude utilisant l’imagerie fonctionnelle
par résonance magnétique (IRMf) a mis en évidence l’activation des
réseaux neuronaux impliqués dans la cognition morale lorsqu’on induit un
sentiment de gratitude chez les personnes 12. Cela participe à la confirmation
du lien entre la gratitude et les comportements moraux. La gratitude
constitue en cela un soutien au fonctionnement social constructif et pérenne.
De plus, exprimer de la gratitude encouragerait l’auteur de l’acte à le
reproduire, augmentant également par ce biais les comportements altruistes.
Si la gratitude apparaît comme étant si bénéfique à la société, cela
justifierait-il un renforcement des leçons de politesse pour apprendre à dire
davantage « merci » ?

Être redevable ou ne pas l’être,


telle est la question
Imaginez que votre meilleur ami frappe à votre porte. Vous ouvrez… il
vous tend un cadeau. Pourquoi ? Parce qu’il n’avait pas pu venir à votre
anniversaire, mais il n’avait pas oublié. Quelle émotion éprouvez-vous à cet
instant ? De la surprise ? de la joie ? une gêne ? Vous pensez
immédiatement à ce que vous pourriez lui donner en retour ?
À l’instar des théories de l’échange social et des travaux de
l’anthropologue Marcel Mauss sur le don et le contre-don, certains auteurs
considèrent que l’expression de la gratitude représente une forme de
réciprocité : la gratitude étant offerte en échange du don. Cette expression
serait la preuve d’un sentiment de dette envers autrui dont il s’agirait de
s’acquitter au plus vite. Bien que le sentiment de dette encourage aussi la
mise en œuvre de comportements d’aide envers autrui dans certaines
cultures, il se distingue nettement de l’émotion de gratitude.
Le sentiment de dette a été défini comme le sentiment de devoir payer
quelque chose en retour sous une forme identique ou différente. Il est fondé
sur la norme de réciprocité : nous devons soutenir ceux qui nous ont aidés 13.
Il s’agit d’un état émotionnel inconfortable dont l’expérience est décrite par
les individus comme étant très différente de celle de la gratitude 14. À
l’inverse du sentiment de dette, la gratitude est perçue comme une émotion
agréable et se trouve être associée à de nombreuses autres émotions
agréables telles que l’émerveillement, la joie, l’amour, le contentement. À
l’inverse, le sentiment d’être débiteur est associé à un état d’inconfort, une
gêne 15. Pour certains, cela s’accompagne même d’un sentiment de
vulnérabilité. La prise de conscience de l’importance d’autrui comme
source de bien-être active la représentation de l’interdépendance et
augmente le sentiment d’être redevable. Ainsi, les bénéfices de la gratitude
pourraient être contrebalancés chez certains individus par les effets négatifs
liés au sentiment de vulnérabilité et d’inconfort 16. Au niveau
comportemental, l’émotion de gratitude entraîne une recherche de
rapprochement du bienfaiteur tandis que le sentiment de dette génère un
17
désir d’évitement de l’individu ayant rendu un service .
L’intention que nous détectons derrière le geste détermine en partie
notre réaction. Si nous percevons l’acte comme fondamentalement
bienveillant et désintéressé, cela aura tendance à générer une émotion de
gratitude (qui n’implique pas nécessairement le sentiment de devoir rendre
la pareille). Si nous démasquons une intention égoïste (même une simple
18
quête de reconnaissance), cela entraînera plutôt un sentiment de dette .
Vous vous êtes peut-être déjà trouvé dans la situation où un collègue
vous dit : « Regarde ce que j’ai fait pour toi ; tu peux me dire merci
maintenant parce que ça m’a pris du temps ! » Le simple fait de formuler
une demande de reconnaissance réduit le sentiment de gratitude. Plus
l’attente de reconnaissance est élevée, plus l’émotion de gratitude diminue,
car c’est comme si l’autre cherchait à tirer de vous cette émotion, ce qui
vous en dépossède. Pour observer cela de plus près, Philip Watkins et ses
collaborateurs ont proposé à une centaine d’étudiants d’imaginer la
situation décrite ci-après, qui se termine par trois phrases différentes
supposées générer un sentiment de dette plus ou moins intense 19.
Imaginez que vous demandiez de l’aide à l’un de vos amis pour
déménager. Grâce à son aide efficace vous terminez à 14 heures alors que
vous pensiez que vous n’auriez pas fini avant le soir. La première version se
termine sans attente de reconnaissance pour l’aide reçue : « En repensant
l’aide apportée par votre ami, vous le connaissez suffisamment bien pour
savoir qu’il n’attend rien en retour. » La deuxième version se termine par
une attente modérée : « En repensant l’aide apportée par votre ami, vous
vous souvenez que d’autres vous ont précisé que lorsqu’il aide quelqu’un, il
s’attend à ce qu’on le remercie explicitement en général verbalement et à
l’écrit sous la forme d’une carte ou d’un petit mot. » La troisième version
vise à générer un haut degré d’attente de reconnaissance : « En repensant
l’aide apportée par votre ami, vous vous souvenez que d’autres vous ont
précisé que lorsqu’il aide quelqu’un, il s’attend à ce qu’on le remercie
explicitement en général verbalement et à l’écrit sous la forme d’une carte
ou d’un petit mot, et il s’attend aussi à ce qu’on lui rende la pareille. Vous
savez d’ailleurs que votre ami déménage samedi prochain. »
Les étudiants étaient répartis en trois groupes : un tiers était dans la
condition sans attente, un tiers dans la condition d’attente modérée, et un
tiers dans la condition d’attente élevée. Après la lecture de la situation
présentée, les émotions des participants étaient mesurées à l’aide d’un
questionnaire. Les résultats de l’étude montrent que plus l’attente de
reconnaissance est forte, plus le sentiment d’être redevable est élevé, et plus
le sentiment de gratitude est faible. Cette expérience pose la question des
effets potentiellement contre-productifs de la politesse ou des bonnes
manières, qui constituent une forme de prescription sociale à laquelle nous
sommes acculturés dès le berceau : il faut dire « merci ».
La façon dont nous réagissons à l’aide ou au don dépend aussi de la
culture dans laquelle nous avons été élevés. La place accordée à la gratitude
et au sentiment d’être débiteur diffère selon les cultures. Les Allemands et
les Japonais, par exemple, valorisent davantage la gratitude que les
Américains, qui auraient tendance à la concevoir comme un signe de
20
soumission, comme une obligation ou un devoir . De plus, dans certaines
cultures – notamment asiatiques –, le fait de se sentir redevable envers
autrui est considéré comme une marque de respect, ce qui confère à ce
sentiment une place culturellement valorisée. Une étude menée auprès de
212 étudiants japonais et 284 étudiants thaïlandais a été réalisée sur la base
de petites histoires fictives à la lecture desquelles les étudiants devaient
s’identifier au protagoniste recevant un service ou une aide. Après chaque
histoire, les étudiants devaient noter, entre autres, leur degré de gratitude et
leur sentiment de dette envers la personne ayant rendu le service. Ces deux
sentiments se présentaient de manière concomitante 21. Cette intrication
étroite entre gratitude et sentiment de dette réduirait les effets de la gratitude
sur le sentiment de bien-être (pour plus de détails sur les effets, voir la
deuxième partie).
Dans une recherche interculturelle sur la gratitude, il a été observé que
les pratiques de gratitude, comme le fait d’écrire une lettre de
remerciements, augmentaient davantage le bien-être chez les participants
des États-Unis comparés aux Coréens du Sud. Il semble que cela puisse
s’expliquer par le fait que cette pratique génère un sentiment de dette chez
les Coréens, ce qui réduit le sentiment de bien-être 22. Ce sentiment d’être
débiteur semble être la résultante d’un phénomène de prescription sociale :
il y a une attente forte de remerciements en échange d’un service rendu.

Gratitude et politesse
La politesse a été décrite comme un « ciment social ». Elle permet de
maintenir des relations constructives en signalant à l’autre que nous lui
portons attention et respect. Dès le plus jeune âge, les enfants apprennent à
dire « merci », par politesse, lorsqu’ils reçoivent un cadeau ou font l’objet
d’une attention particulière.
Avant d’arriver chez nos grands-parents suisses, notre mère nous
enjoignait de ne jamais oublier de dire merci chaque fois que l’on recevait
quelque chose : un cadeau, un bonbon, un compliment… Cela ne semblait
pas trop compliqué, car en suisse allemand on utilise le même terme qu’en
français, donc le seul mot qu’il fallait connaître pour pouvoir converser était
celui-ci : merci ! Dans ce contexte, la plus grande crainte de ma mère était
que nous soyons perçus comme des enfants ingrats… Dans cette situation,
l’expression de gratitude ne se distingue pas de la politesse. D’ailleurs, il
n’est pas garanti que nous éprouvions de la gratitude en une pareille
occasion… Mais si nous en éprouvions, qu’apporterait-elle de plus que la
politesse ? L’amplification de l’expérience positive.
La politesse constitue une forme d’interaction sociale apprise, tandis
que la gratitude est une émotion sociale qui surgit spontanément. À la
différence de la politesse qui devient un automatisme relationnel reposant
sur un effet d’attente, la gratitude repose sur l’effet de surprise : prendre
conscience de la chance que nous avons de recevoir cette attention. Il vous
arrive sans doute de faire vos courses et de dire machinalement « merci »
lorsqu’on vous tend le ticket de caisse. Il s’agit d’un acte de politesse qui
indique à autrui le respect que nous lui accordons. Mais voilà qu’un jour je
me trouve avec mes deux enfants en bas âge à la caisse, et je ne parviens
pas à porter l’ensemble des sacs d’aliments. Le caissier se lève et
m’accompagne jusqu’à la voiture. Cette fois, le remerciement n’est plus une
simple formalité ; il est empreint de gratitude, car ce comportement était
inattendu. Au-delà d’une distinction conceptuelle entre gratitude et
politesse, ce sont les conséquences qui diffèrent.
De même que la politesse, la gratitude constitue un terreau fertile aux
relations sociales. Toutefois, les effets de la gratitude dépassent de loin ce
qu’on peut imaginer lorsqu’on s’en réfère simplement au rôle de la politesse
dans les interactions sociales. Les résultats des travaux menés au cours des
dernières décennies montrent les effets bénéfiques de la gratitude sur les
trois dimensions du bien-être telles que définies par l’Organisation
mondiale de la santé : le bien-être physique, mental et social. Ressentir et
exprimer de la gratitude améliore notre état de santé, notre humeur et
renforce les relations. La gratitude représente donc bien plus qu’une simple
formalité et n’affecte pas seulement la personne qui la reçoit, mais aussi
celle qui l’exprime. C’est ainsi qu’un vaste champ de recherche s’est ouvert
sur cette question, et avec lui un cortège de pratiques visant à développer la
gratitude chez les individus dès l’enfance. Ce sera l’objet des deuxième et
troisième parties du présent ouvrage.
CHAPITRE 2

Les conditions d’une gratitude


authentique

Comment expliquer que certains individus n’éprouvent pas de gratitude


après avoir bénéficié d’un soutien ou d’un don ? L’émotion de gratitude est
générée par la prise de conscience de la chance que l’on a de bénéficier
d’une attention particulière 23. Un commerçant vous aide à porter votre
carton jusqu’à la voiture, un collègue vous propose de terminer un dossier
avec vous, un ami vous soutient dans le choix de votre orientation future…
Autant de bienveillance qui peut susciter de la gratitude. Pourtant, certaines
personnes n’en éprouvent pas ou peu, alors même qu’elles identifient le
bienfait procuré par autrui 24. Pour éprouver de la gratitude, faut-il avoir
l’impression que l’autre est totalement responsable de ce qui nous arrive de
positif ou, au contraire, est-il plus aisé de ressentir une telle émotion
lorsqu’on se sent soi-même également responsable de la performance
réalisée ou de l’objectif atteint ?
Si vous attribuez votre réussite uniquement à l’aide apportée par autrui,
vous allez probablement vous sentir redevable envers lui, mais il n’est pas
certain que vous éprouviez de la gratitude. À l’inverse, si vous avez
l’impression d’avoir joué un rôle important pour arriver à cette réussite,
vous vous sentirez à la fois fier de vous-même et reconnaissant pour le
soutien accordé. C’est ce qui a été démontré par deux chercheurs, Rosalind
Chow de l’Université Carnegie Mellon à Pittsburgh et Brian Lowery de
l’École de management de Stanford aux États-Unis 25. Au cours de deux
études menées auprès de 52 et 60 participants qui devaient réaliser une
tâche, les chercheurs ont mesuré leur degré de gratitude suite à une astuce
suggérée par l’expérimentateur, ainsi que le degré de responsabilité
personnelle que le participant s’attribuait dans sa performance. Les résultats
de ces études ont mis en évidence que plus l’individu se sentait responsable
de sa réussite, plus il éprouvait de la reconnaissance pour l’aide dont il avait
bénéficié.
Dans la seconde étude, le sentiment d’une moindre responsabilité avait
été induit chez la moitié des participants dans le but de pouvoir en mesurer
les effets sur l’émotion de gratitude. Cette représentation de la
responsabilité avait été générée par la phrase suivante : « Si vous étiez un
manager, vous ne seriez pas directement responsable du succès de ce
projet. » Ceux qui avaient reçu cette phrase à la suite de l’expérimentation
se sentaient moins reconnaissants envers l’expérimentateur qui leur avait
pourtant confié la même astuce pour réussir la tâche qu’à l’autre moitié des
participants.
Ce constat a été confirmé par les résultats d’une étude portant sur des
individus présentant une forte dépendance affective. L’une des
caractéristiques de ces personnes est le sentiment d’être incapables de
répondre par elles-mêmes à leurs besoins 26 et, de ce fait, l’impression que
leur bien-être dépend totalement d’autrui (donc un faible degré de
responsabilité personnelle concernant leur degré de bien-être). Ces
individus ont souvent un passé difficile, qui ne leur a pas permis de
développer un lien de confiance leur offrant cette sécurité de base à partir
de laquelle la confiance en soi et en la vie peut se développer. C’est cela qui
les empêche de croire en leurs capacités à agir pour développer un mieux-
être. Ainsi, ils s’en remettent à autrui : si l’autre est attentionné, il saura me
combler ; si l’autre me délaisse, je serai perdu.
Les événements de vie douloureux, de même que cette attitude de
passivité, concourent à une plus grande fréquence d’émotions négatives
chez ces personnes. C’est pourquoi des chercheurs ont pensé qu’il serait
judicieux de proposer des interventions qui les aideraient à éprouver
davantage d’émotions positives et de percevoir davantage les éléments
satisfaisants de leur quotidien. Cependant, comme explicité précédemment,
les pratiques visant à éprouver de la gratitude n’ont pas permis d’accroître
leur sentiment de bien-être ; au contraire celui-ci a même diminué après une
semaine 27. Cela pourrait s’expliquer par le fait qu’au lieu d’augmenter le
sentiment de gratitude et de lien social, cela a augmenté le sentiment de
dépendance et de dette envers autrui, réduisant par là leur sentiment de
bien-être.
En effet, éprouver de la gratitude implique de reconnaître et d’accepter
une forme d’interdépendance vis-à-vis d’autrui, ce qui peut générer une
sensation de gêne, voire une impression de vulnérabilité. Certaines
personnes précisent qu’elles n’apprécient guère qu’on leur rende un service
ou qu’on leur offre un présent, car cela entraîne un état inconfortable. Ces
situations génèrent en elles davantage d’émotions désagréables 28. Lorsque
des obstacles empêchent d’éprouver de la gratitude, on passe à côté des
bienfaits que cette émotion peut procurer, tels qu’un plus grand optimisme
et davantage de satisfaction de la vie.
Pour d’autres personnes, la difficulté à éprouver de la gratitude peut être
liée au contexte dans lequel elles se trouvent. Avant de se reconnecter au
sentiment de gratitude, il y aurait nécessité de pouvoir exprimer un
sentiment de colère, de peur ou d’indignation. Par ailleurs, pour certains
individus il est difficile d’identifier et de nommer les émotions. Ainsi, leur
proposer d’exprimer de la reconnaissance les met dans une posture délicate.
Un travail préalable sur les émotions peut être nécessaire.
Nous avions proposé des pratiques auprès de personnes atteintes de
troubles des conduites alimentaires visant à les aider à repérer davantage de
petites choses dans leur quotidien, pour lesquelles elles pouvaient éprouver
de la satisfaction, voire de la reconnaissance. Lors d’une première
rencontre, ces personnes étaient tout à fait intéressées par les exercices.
Toutefois, après avoir essayé d’identifier ces éléments du quotidien pour
lesquels elles pouvaient éprouver de la gratitude, cela leur semblait très
éloigné de ce qu’elles vivaient. Nous avons donc proposé d’orienter les
pratiques sur le repérage de petites choses de leur quotidien qui pouvaient
générer en elles une émotion agréable – même de très courte durée – telle
que la curiosité, la joie ou la sérénité. Cela leur a semblé plus proche de
leurs possibilités.
Il apparaît donc nécessaire de prendre en compte les spécificités de
chaque individu pour qu’ils puissent cheminer au mieux vers l’expérience
de la gratitude. En prenant le temps de repérer ces petites choses
satisfaisantes qui se produisent au cours d’une journée, il devient plus facile
de se connecter à la gratitude que cela peut susciter. Regarder comment
l’enfant s’émerveille devant des choses qui ont pu nous émouvoir par le
passé peut aider à reprendre contact avec la gratitude que l’on peut éprouver
face aux couleurs flamboyantes des feuilles d’automne, au son d’une
cascade dans la montagne ou d’une guitare dans la rue, au regard
bienveillant d’un passant ou à la douceur de la main d’un proche…

L’orientation reconnaissante
Chacun d’entre nous présente une tendance à l’émotion de gratitude
plus ou moins marquée. Cette tendance est appelée « orientation
reconnaissante 29 ». Elle se mesure à la fréquence et à l’intensité des
émotions de gratitude éprouvées au cours d’une journée habituelle, au
nombre de personnes envers qui l’on éprouve de la gratitude (densité), ainsi
qu’à la quantité de choses pour lesquelles on se sent reconnaissant
(étendue) 30. Les individus ayant un degré élevé d’orientation reconnaissante
ont tendance à éprouver de la gratitude, même face à des choses qui
peuvent paraître insignifiantes à d’autres 31. Les individus dont l’orientation
reconnaissante est plus marquée ont une représentation plus positive de leur
environnement social et matériel 32 et repèrent davantage les événements
positifs de la vie 33.
Évaluez votre degré d’orientation
34
reconnaissante
Indiquez pour chaque affirmation à quel degré vous êtes en accord ou en
désaccord, sur une échelle allant de 1 (pas du tout d’accord) à 7 (tout à fait
d’accord).
Calculez votre score
— Additionnez les points des affirmations suivantes : 1, 2, 4 et 5.
— Pour les affirmations 3 et 6, inversez l’ordre des points : comptez 1 point pour
la note 7 ; 2 points pour la note 6 ; etc.
— Ajoutez les points inversés des affirmations 3 et 6 à la somme des points des
autres phrases. Le résultat vous donne votre score d’orientation reconnaissante. Il
se situe entre 6 et 42. Plus il est élevé, plus ce trait de personnalité est marqué
chez vous. Si vous vous situez dans la fourchette haute (> à 35), cela signifie qu’il
s’agit d’une force qui vous caractérise et sur laquelle vous pouvez vous appuyer
pour faire face aux situations difficiles que vous rencontrez.
Si vous vous situez dans la fourchette basse (< à 35), vous faites partie de ceux
qui bénéficieront le plus des pratiques de gratitude proposées en troisième partie
de ce livre. Développer cette attitude pourra vous être utile dans de nombreuses
situations et pourra améliorer votre bien-être de manière durable.

Cette tendance à orienter l’attention vers les aspects positifs du


quotidien et à amplifier les émotions agréables qu’ils suscitent contraste
avec l’orientation opposée, qui consiste à repérer les aspects négatifs des
situations et à les amplifier – ce qui est caractéristique du fonctionnement
des personnes dépressives. Les personnes ayant un degré d’orientation
reconnaissante élevé auront tendance à interpréter positivement une
interaction sociale, tandis que les personnes dépressives percevront
l’opposé. Vous avez sans doute déjà traversé des périodes où vous aviez
tendance à interpréter les comportements des autres en termes de recherche
de profit.
Imaginez que votre cousine vous contacte. Cela fait des mois que vous
n’aviez plus de nouvelles. Après quelques minutes d’échanges
enthousiastes, elle vous demande si vous n’auriez pas des affaires de
camping à lui prêter pour les prochaines vacances. Lorsque vous raccrochez
le combiné, vous pouvez profiter de l’émotion agréable d’avoir échangé
avec elle… ou vous retrouver à ressasser le fait qu’elle ne vous appelle que
pour vous demander un service. Peut-être que les deux conclusions de cet
appel coexistent, mais vous avez le choix de focaliser votre attention sur un
aspect plutôt que l’autre. Ce choix n’est pas sans conséquences sur votre
relation, sur la suite de votre journée et même sur votre état physique (pour
plus de détails, voir deuxième partie). L’orientation reconnaissante ne
consiste pas à nier les aspects problématiques d’une situation, mais à se
recentrer ensuite sur ce qui donne de l’énergie pour aller de l’avant.
Pour observer de plus près si l’orientation reconnaissante ne rendait pas
plus passif face aux problèmes rencontrés ou aux injustices sociales, nous
avons mené l’enquête auprès d’étudiants lors d’un mouvement de grève.
Nous avons constaté que plus les étudiants avaient un score d’orientation
reconnaissante élevé, plus ils déclaraient s’être engagés dans le mouvement
de grève. Ainsi, la propension à orienter l’attention vers les aspects positifs
des situations aurait plutôt pour effet d’augmenter l’optimisme, l’espoir et
le niveau d’énergie permettant de s’engager dans une action dirigée vers le
changement.

Prédisposition ou aptitude à développer ?


Au-delà d’une prédisposition à l’appréciation des expériences que
constitue l’orientation reconnaissante, nombre de recherches réalisées au
cours de la décennie passée ont montré qu’il était possible de développer
cette aptitude à repérer les dimensions satisfaisantes de l’existence par le
biais de « pratiques » de gratitude. Parmi ces pratiques qui seront détaillées
dans la troisième partie de l’ouvrage, le « journal de gratitude » est le plus
utilisé. Robert Emmons, de l’Université Davis en Californie, et Michael
McCullough, de l’Université de Miami, deux précurseurs de la recherche
sur la gratitude au niveau mondial, ont testé les effets du journal de
gratitude sur l’amélioration du bien-être, l’optimisme et la vitalité.
Lors d’un cours de psychologie de la santé, près de 200 étudiants ont été
inclus dans le protocole de recherche suivant : chaque étudiant recevait un
paquet de dix fiches, dont une devait être complétée chaque semaine. Un
tiers des étudiants devait y noter jusqu’à cinq choses vécues au cours de la
semaine pour lesquelles ils éprouvaient de la reconnaissance. Un autre tiers
devait noter jusqu’à cinq tracas rencontrés au cours de la semaine, tandis
que le troisième groupe devait noter jusqu’à cinq événements (sans
précision concernant leur valence positive ou négative). Plus précisément,
les trois consignes étaient les suivantes (traduction libre de l’auteur) :
— Pour le groupe « orientation reconnaissante » : « Il y a beaucoup de
choses dans nos vies, petites ou grandes, pour lesquelles nous pouvons
éprouver de la reconnaissance. Repensez à la semaine qui vient de s’écouler
et écrivez sur les lignes ci-dessous jusqu’à cinq choses de votre vie pour
lesquelles vous éprouvez de la gratitude ou de la reconnaissance. » Dans les
groupes de psychologie positive menés à l’université de Grenoble, les
étudiants rapportent par exemple : « savoir que ma mère pourra bientôt
sortir de l’hôpital », « avoir eu ma sœur au téléphone », « avoir reçu une
réponse favorable pour un lieu de stage », « avoir commencé un livre
passionnant ».
— Pour le groupe « orientation vers les tracas » : « Les tracas sont des
irritants – des choses qui vous énervent ou vous dérangent. Ils peuvent
survenir dans différents domaines de la vie, notamment les relations, le
travail, l’école, le logement, l’argent, la santé, etc. Repensez à la semaine
qui vient de s’écouler et écrivez sur les lignes ci-dessous jusqu’à cinq tracas
survenus dans votre vie. » Dans l’étude de Robert Emmons et Michael
McCullough, les étudiants ont rapporté par exemple : « difficultés à se
garer », « manque d’argent », « examen terrible », « les gens qui ne savent
pas conduire », « rendre service à un ami qui n’a même pas dit merci ! ».
— Pour le groupe centré sur les événements sans spécificité : « Quels
événements ou circonstances vous ont affecté au cours de la semaine
passée ? Repensez à la semaine qui vient de s’écouler et citez sur les lignes
ci-dessous jusqu’à cinq événements ayant eu un impact sur vous. »
Quelques exemples des participants de l’étude : « participation à un
festival », « discussion avec un médecin concernant les études de
médecine », « rangement de mon armoire », « rentré chez mes parents ».
Parmi les événements cités, environ 40 % étaient positifs, 30 % négatifs et
40 % neutres. Ce groupe pouvait donc être considéré comme un groupe
« neutre » comparativement aux deux autres groupes du protocole de
recherche. On parle alors d’un « groupe contrôle actif » (actif parce qu’ils
ont réalisé une pratique chaque semaine, bien qu’elle ne soit pas supposée
avoir un effet sur leur bien-être).
Les étudiants devaient rendre tous les lundis leur fiche complétée, puis
ils devaient répondre à des questions sur leur bien-être. Les chercheurs ont
ainsi évalué les émotions éprouvées au cours de la semaine : les étudiants
devaient cocher le degré d’intensité de 30 émotions positives et négatives
reconnues comme étant fréquemment éprouvées au cours d’une journée
telles que calme, hostile, joyeux, enthousiaste, honteux, reconnaissant…
D’autres questions mesuraient la satisfaction par rapport à la semaine
passée et l’anticipation par rapport à la semaine à venir afin de quantifier
l’impact sur le degré d’optimisme. Les participants notaient également le
temps d’activité physique par semaine et la présence de petits problèmes de
santé tels que troubles du sommeil, maux de tête ou d’estomac, oppression
thoracique, problèmes de peau, rhinite… afin d’identifier les effets
potentiels sur la santé physique.
L’analyse de ces données a mis en évidence un effet du journal de
gratitude sur l’augmentation de l’optimisme et de la satisfaction par rapport
à sa vie. Au niveau de la santé physique, réaliser un journal de gratitude
augmente le temps de pratique d’activité physique (une heure et demie de
plus par semaine que le groupe « tracas ») et réduit la présence de
symptômes physiques communs. Concernant les émotions de la semaine, il
n’y avait pas de différence marquée entre les groupes ce qui peut
s’expliquer par le fait que le journal n’était complété qu’une fois par
semaine. De ce fait, ces chercheurs ont réalisé une seconde étude en
demandant aux participants de compléter le journal chaque jour pendant
deux semaines. Dans cette étude, la pratique du journal de gratitude a
effectivement augmenté l’expérience d’émotions positives quotidiennes. De
plus, dans cette seconde expérimentation, les chercheurs ont mesuré les
effets du journal de gratitude sur les comportements d’aide : les participants
étaient plus nombreux à dire qu’ils avaient moralement soutenu une
personne et aidé quelqu’un à résoudre un problème.
Les mécanismes permettant d’expliquer les liens entre la gratitude et le
bien-être seront détaillés dans la deuxième partie de l’ouvrage. Ce qui attire
l’attention dans cette première intervention sur la gratitude est le constat
qu’il est possible de changer notre regard sur nos expériences quotidiennes,
ce qui affecte notre santé physique, mentale et sociale. Les pratiques de
gratitude ne visent pas à renforcer les formules de politesse, mais plutôt à
faciliter l’expérience de l’émotion de gratitude. Quelles sont les
caractéristiques individuelles qui favorisent l’apparition de cette émotion ?

L’humilité, berceau de la gratitude


Être reconnaissant implique – comme son nom l’indique – d’être
capable de reconnaître (dimension intellectuelle) et d’apprécier (dimension
émotionnelle). Cela requiert une part d’humilité. Pourquoi l’humilité ?
35
Cette dernière se caractérise par une tendance « hypoégotique », c’est-à-
dire une propension à être faiblement égocentré. L’attention se porte plus
36
volontiers vers autrui , ce qui favorise la capacité à repérer ses intentions
37
bienveillantes et ses gestes altruistes . L’humilité est fondée sur une
perception équilibrée des forces et des faiblesses, des réussites et des
échecs, tout en maintenant une bonne estime de soi. Elle se distingue en
cela de la tendance à se dévaloriser au profit d’une surestimation des
qualités d’autrui. Cette solidité de l’estime de soi – à ne pas confondre avec
une très haute estime de soi qui s’apparenterait au narcissisme – facilite
l’ouverture à l’aide d’autrui. L’humilité permet ainsi de reconnaître la
valeur d’autrui sans nier notre propre valeur 38. Le service rendu n’est pas
perçu comme une remise en cause de nos propres compétences, mais génère
une émotion de gratitude qui signale que nous reconnaissons la part de
l’autre dans notre propre bonheur.
L’humilité facilite l’acceptation du caractère interdépendant des
humains. Robert Emmons va même jusqu’à dire : « Tant que nous
n’admettons pas cette dépendance, la gratitude reste au mieux une
39
potentialité . » La gratitude génère ainsi une « joie humble », l’individu
étant conscient qu’un autre en est la cause. Les personnes dont le degré de
narcissisme est élevé présentent plus de difficultés à éprouver de la
gratitude et à l’exprimer, car cela nécessite le courage d’abandonner
l’illusion d’être plus important que les autres ou de pouvoir être heureux
indépendamment des autres. Cela contraste avec la tendance actuelle de la
génération « moi » décrite par Jean Twenge aux États-Unis. Cette
génération est caractérisée par une tendance narcissique prononcée,
l’impression d’être plus important qu’autrui, de mériter plus que les autres
et que tout est dû. Dans ce contexte, l’émotion de gratitude se raréfie (ce qui
affecte le bien-être personnel), de même que son expression (ce qui affecte
le bien-être collectif).
Dans les entreprises, on constate par exemple que plus de la moitié des
salariés ne remercient jamais leurs collègues, alors que 80 % d’entre eux
considèrent que cela serait bénéfique aux deux parties 40. Le lieu de travail
représente peut-être un cadre dans lequel l’humilité ne trouve pas sa place,
ce qui rend d’autant plus difficile l’expression de gratitude qui pourrait
alors être interprétée comme un signe de faiblesse : reconnaître que l’autre
peut vous aider viendrait menacer le sentiment d’être vous-même
suffisamment compétent pour occuper votre poste actuel. Pourtant,
augmenter la gratitude au travail accroît de 25 % la satisfaction et de plus
de 80 % l’engagement : les individus placés dans un contexte où l’on
cultive la gratitude sont prêts à s’impliquer davantage dans les tâches qui
leur incombent 41. De plus, développer la gratitude laisse plus de place à
l’humilité : plus on prend conscience du rôle essentiel d’autrui dans notre
vie, plus on diminue nos tendances narcissiques. L’humilité est à la fois un
préalable à l’émotion de gratitude, et une conséquence de l’effet des
pratiques développant l’orientation reconnaissante. C’est ainsi que
42
l’humilité et la gratitude se renforcent mutuellement .
Au-delà de l’humilité, la gratitude nécessite d’autres préalables. Le
premier concerne la prise de conscience de l’intention d’autrui et du coût de
l’acte mis en œuvre ; cela nécessite une capacité d’empathie. Un second
préalable concerne l’ouverture attentionnelle permettant de percevoir ces
bienfaits ou intentions qui passent parfois inaperçus.

Coût et valeur de l’acte :


le rôle de l’empathie
Une personne éprouve de la gratitude lorsque l’acte dont elle bénéficie
est perçu comme désintéressé, réalisé délibérément et librement. Imaginez
une femme enceinte qui attend son tour. La conseillère au guichet demande
aux personnes devant la jeune femme de la laisser passer. La gratitude
envers ces personnes sera beaucoup moins importante que si elles lui
avaient cédé la place d’elles-mêmes.
Pour étudier de plus près ce phénomène, trois petites histoires ont été
présentées à 126 participants à qui l’on demandait ensuite de rapporter leur
sentiment de gratitude face au bienfaiteur présenté dans l’histoire, ainsi que
leurs perceptions concernant ses intentions, le coût et la valeur associés à ce
geste. D’après les résultats de l’étude, le sentiment de gratitude du
participant était associé à la perception de l’intention bienveillante, au coût
et à la valeur subjective de l’acte 43.
L’intensité de la gratitude dépend donc non seulement de l’intention,
mais du coût perçu de l’action en termes d’efforts ou de coût matériel par
exemple. L’évaluation des efforts consentis va moduler la perception de la
valeur du geste. Plus une personne est capable de percevoir le coût de
l’acte, plus elle accordera de valeur au bénéfice reçu et éprouvera de la
44
reconnaissance en retour . La prise de conscience du coût de l’acte dépend
elle-même des capacités d’empathie, c’est-à-dire d’être en mesure d’adopter
le point de vue d’autrui (dimension intellectuelle de l’empathie) : qu’est-ce
que ce geste implique pour lui ? En effet, laisser sa place dans une file
d’attente n’a pas le même coût pour une personne accompagnée d’enfants
en bas âge que pour deux amis pris dans une discussion animée.
D’autre part, la perception de la valeur de l’acte dépendrait de la
capacité à percevoir ce que l’individu ressent en réalisant l’acte (dimension
émotionnelle de l’empathie). Par exemple, donner un objet qui a une valeur
sentimentale (associé à un souvenir personnel) est plus coûteux que de
donner un objet qui ne revêt pas de signification particulière pour soi.
Même s’il s’agit du même objet, l’histoire de cet objet déterminera sa
valeur émotionnelle. En recevant l’objet, il est possible de percevoir le coût
émotionnel de ce geste, ce qui augmentera le sentiment de gratitude en
retour.
Ainsi, l’empathie serait déterminante pour éprouver de la gratitude. En
effet, les personnes moins empathiques telles que les personnes ayant un
degré élevé de narcissisme, éprouvent moins fréquemment de la gratitude.
À l’inverse, les individus ayant développé un niveau élevé d’orientation
reconnaissante prennent en considération une palette plus large d’éléments
ayant contribué à leur bien-être actuel. Cette palette comprend aussi bien
leurs propres efforts que ceux d’autrui.
Repensez à un événement important pour vous, par exemple lorsque
vous avez obtenu un certificat ou un diplôme. Essayez d’identifier tout ce
qui a contribué à ce succès. Vous penserez peut-être à vos propres efforts
tout au long de l’année, à certains enseignants qui vous ont motivé, à
certains proches qui vous ont soutenu… Les personnes ayant un faible
degré d’empathie éprouvent plus de difficultés à repérer en quoi les autres
ont contribué à ce succès. Le soutien, la motivation, les cours intéressants
sont considérés comme allant de soi, donc ne méritant pas de
reconnaissance particulière.
Est-il possible d’étendre cette palette de reconnaissance ? La capacité à
élargir son champ attentionnel favorise la prise en compte d’un plus grand
nombre d’éléments ayant contribué à la situation présente. Il existe des
pratiques permettant d’élargir ce champ d’attention, ce qui augmente la
quantité de choses pour lesquelles on peut éprouver de la gratitude.

Ouverture attentionnelle et orientation


de l’attention
Faire l’expérience de la gratitude implique une capacité à percevoir les
bienfaits que dispense autrui. Cette capacité est liée à l’ouverture
attentionnelle ou à l’orientation de l’attention vers les éléments positifs de
la situation. Imaginez que vous vous trouviez face à un public pour
présenter un sujet qui vous tient à cœur. Après avoir prononcé une phrase
clé, vous voyez un auditeur qui se redresse avec le sourire. Vous pouvez
considérer cela comme une marque de soutien de votre discours, ce qui
vous encourage à développer le propos. Mais vous auriez pu plutôt
percevoir l’auditeur qui s’était affaissé pendant cette phrase, ce qui n’aurait
pas manqué de perturber votre discours, réduisant la confiance en votre
argumentaire. Selon l’endroit où vous focalisez votre attention, cela affecte
votre perception de la réalité et engendre des conséquences sur vos
émotions et vos comportements.
Notre attention est naturellement happée par les aspects plus menaçants
d’une situation. Ce biais attentionnel résulterait d’un processus adaptatif qui
consiste à favoriser la survie de l’individu : percevoir les aspects
potentiellement dangereux d’une situation permet de s’adapter plus
rapidement pour y faire face ou pour fuir. On appelle cela le « biais de
négativité 45 ». Si votre système d’alerte n’était pas efficace, il vous
arriverait mille et une catastrophes dans une journée ! Le matin, vous
dormez paisiblement et n’entendez pas le réveil qui sonne… Vous vous
levez en retard, ouvrez le robinet pour vous passer un coup sur le visage et
oubliez de fermer le robinet… vous n’entendez pas qu’il continue à
couler… Puis vous vous dirigez vers la cuisine en regardant le soleil qui
brille au-dehors et vous trébuchez sur un jouet posé au sol qui vous
propulse sur une boîte à outils laissée en plan sans inquiétude… Vous sortez
pour acheter une baguette de pain et traversez la route en pensant à la bonne
odeur de la boulangerie et crack ! une voiture vous renverse… Bref, vous
aurez compris qu’à tout moment la capacité à repérer le négatif nous est très
utile.
Toutefois, ce biais cognitif constitue un facteur de risque de troubles
46
anxieux et dépressifs . C’est pourquoi il peut être utile de rééquilibrer nos
perceptions ou ouvrant davantage l’attention à l’ensemble des aspects d’une
situation. Cet entraînement consiste à augmenter la capacité à percevoir les
aspects positifs, tout en conservant le système d’alerte nécessaire à la
survie. Comment peut-on développer l’ouverture attentionnelle ?
Alice Isen lorsqu’elle enseignait à l’Université de Maryland et Barbara
47
Fredrickson de l’Université de Caroline du Nord aux États-Unis ,
pionnières de la recherche sur les effets des émotions positives, ont montré
que ce type d’émotions – dont la gratitude fait partie – élargit l’amplitude
attentionnelle et permet d’être attentif à davantage d’éléments de la
situation. Cette amplitude augmente ainsi la capacité à faire face aux
situations de manière efficace et à résoudre des problèmes de manière
créative. Par exemple, dans une étude il a été demandé à des internes en
médecine d’étudier un cas clinique fictif : il s’agissait de déterminer la
pathologie dont souffrait le patient et de proposer un traitement adapté 48.
Juste avant de réaliser l’exercice, la moitié des internes recevait un petit
cadeau, ce qui avait pour effet de générer une émotion de gratitude. Suite à
cela, ces médecins mettaient moins de temps que les autres à détecter la
pathologie et proposaient des traitements plus adaptés et avec des
propositions plus variées pour le patient.
Les nouvelles compétences qui sont développées au moment où
l’individu apprend à s’adapter à une situation sont autant d’outils qui lui
serviront par la suite. C’est pourquoi les émotions positives telles que la
gratitude sont aussi considérées comme un moyen de progresser et de se
préparer au mieux à surmonter les obstacles. Cette progression est ainsi
facilitée par l’ouverture attentionnelle générée par les émotions positives.
En effet, il a été montré que ce type d’émotion augmentait la flexibilité
cognitive en facilitant le passage entre attention focalisée et attention
ouverte, ce qui permettrait de percevoir davantage d’éléments d’une
situation donnée malgré l’implication dans une tâche précise 49.
Il existe d’autres manières de favoriser l’ouverture attentionnelle grâce
à des pratiques qui développent une qualité attentionnelle particulière
appelée « pleine présence », « présence attentive » ou « pleine conscience »
selon les traductions que l’on trouve du terme « mindfulness ». Ces
exercices sont inspirés de pratiques anciennes issues notamment du
bouddhisme. Jon Kabat-Zinn, fondateur du premier programme de
développement de la pleine conscience laïcisé, a défini cette forme de
présence particulière comme une attention portée, intentionnellement et
sans jugement, à l’expérience qui se déroule dans l’instant 50. Elle consiste
en un entraînement à la perception fine de tout ce qui se passe à l’intérieur
de soi (sensations, émotions, pensées), et ce qui se passe au-dehors de soi.
La pleine conscience améliore notre capacité à apprécier l’instant présent 51
et serait associée à un degré plus élevé de gratitude 52, étant donné que cela
nous permet de percevoir davantage les comportements d’autrui pouvant
être sources de bienfaits pour nous-mêmes. Il existe aujourd’hui différents
programmes qui permettent de s’entraîner à l’ouverture attentionnelle
comme le MBSR (mindfulness-based stress reduction : programme de
réduction du stress fondé sur la pleine conscience) conçu par Jon Kabat-
Zinn, ou encore le programme FOVEA (formation basée sur la méthode
Vittoz 53 – à l’expérience attentive).
Dans le but de rééquilibrer les perceptions, d’autres types de
programmes ont été développés pour entraîner une réorientation de
l’attention vers les aspects positifs des situations. Il a ainsi été montré qu’il
était possible de rééduquer l’attention dans le but de réduire le biais de
négativité 54. Parmi ces interventions, la plus utilisée consiste à noter
pendant deux semaines chaque soir jusqu’à cinq choses que l’on a trouvées
satisfaisantes au cours de la journée. Dans les jours qui suivent, le regard
s’aiguise progressivement, aidant à percevoir davantage d’éléments
satisfaisants. C’est ainsi que l’attention se porte plus naturellement vers les
gestes et intentions dont nous avons bénéficié, vers ce que nous avons
appris d’une situation même si elle a été considérée comme difficile à vivre
sur le moment.
Au cours de l’un de ces programmes de psychologie positive
55
(programme CARE : Compassion, Attention, Relations, Engagement ), ce
journal avait été réalisé par les participants à leur domicile et, après une
semaine, le groupe s’est réuni pour faire le point. À la question : « Qu’avez-
vous découvert à travers cette pratique ? », David raconta : « Le premier
soir, j’ai eu du mal à trouver quelque chose de satisfaisant. Ma journée avait
été difficile. Notre structure est dans une situation délicate où l’on sait que
certains vont devoir partir, alors on marche un peu sur des œufs… Le soir
c’est un peu l’angoisse, on ne sait pas à quelle sauce on sera mangé le
lendemain ! J’ai essayé de suivre les consignes de plus près en identifiant
plus précisément s’il y avait eu des situations à la suite desquelles j’avais pu
apprendre quelque chose qui pourrait me resservir, et en quoi cela pouvait
changer quelque chose pour moi, dans mon quotidien. Et là j’ai remarqué
quelque chose qui m’a vraiment intrigué, c’est que depuis cette période un
peu dure, on s’est resserré les coudes avec certains collègues alors qu’avant
on se parlait à peine. On a réfléchi ensemble à d’autres pistes pour travailler
si on quittait notre poste, et finalement aujourd’hui j’ai l’impression d’avoir
vraiment trouvé une autre voie qui me conviendrait mieux.
« C’est arrivé comme ça, un peu par hasard, au milieu d’une
conversation, j’ai dit : “Et si on essayait de monter notre propre
entreprise ?” En y repensant le soir même, j’ai senti que ça m’apportait
beaucoup d’énergie et d’enthousiasme. Alors, pendant le reste de la
semaine, j’ai remarqué tout ce qui pouvait aller dans le sens de ce projet,
j’ai commencé à me renseigner, faire des démarches concrètes. Cette
situation n’était plus un fardeau, mais une opportunité. Il fallait juste relever
le défi ! Ce nouveau regard sur la situation m’a beaucoup aidé à faire face,
et aujourd’hui j’ai la sensation de pouvoir mieux choisir vers quoi je
voudrais m’engager. Je suis reconnaissant d’avoir pu tester cette pratique
qui m’a aidé à percevoir d’autres aspects de la situation présente. Quelle
que soit la suite des événements, cela m’a permis de prendre conscience de
mes ressources, de l’importance de mon entourage, et c’est cela qui
m’aidera à avancer. »
David aurait aussi pu être attentif tout au long de la semaine aux regards
fuyants dans les couloirs, aux mots de travers qui cachaient une arrière-
pensée, il aurait pu finir la semaine avec une anxiété plus forte, un
sentiment d’injustice et bien d’autres émotions désagréables qui auraient
réduit l’amplitude de son attention, l’empêchant par là de percevoir de
nouvelles possibilités. Ainsi, un entraînement à l’ouverture attentionnelle,
par le biais de pratiques de pleine conscience, ou un entraînement à la
réorientation de l’attention par des pratiques telles que le journal des
satisfactions quotidiennes favoriseraient l’expérience de gratitude.
Toutefois, ces pratiques n’ont pas le même impact selon les individus.
Certaines recherches ont notamment montré qu’il était plus facile pour les
femmes d’exprimer de la gratitude.

Les effets du genre sur la gratitude


D’après les recherches portant sur l’émergence de l’expression de
gratitude, les filles sembleraient plus enclines à exprimer leur
reconnaissance, et cette différence de genre se maintient tout au long de
l’existence 56. Les femmes considèrent que l’expression de la gratitude est
socialement valorisée et utile, et sont ainsi plus motivées à participer à des
interventions de développement de l’orientation reconnaissante que les
hommes 57. D’une manière générale, pour les hommes, l’expression des
émotions constituerait davantage une menace à la représentation de la
masculinité telle qu’elle figure dans les représentations communes 58. Cela
expliquerait en partie leur motivation plus faible pour les pratiques de
gratitude telles que la lettre ou la visite de gratitude (rendre visite à une
personne qui compte pour soi et que l’on n’a pas encore remerciée pour un
bienfait généré par le passé), comparativement à des exercices tels que le
journal de gratitude où il ne s’agit pas d’exprimer sa gratitude à autrui, mais
de ressentir l’émotion pour soi 59.
Pourtant, partager une émotion avec d’autres contribue au maintien de
cette émotion. Il serait donc utile de trouver des formes d’intervention
visant l’expression de la gratitude qui correspondraient mieux à ce que les
hommes se sentent motivés à mettre en œuvre. Il y aurait sans doute
également à travailler sur la manière dont l’éducation induit ce biais
d’expression des émotions. Pourquoi est-il plus facile pour une femme
d’exprimer sa gratitude ? Il est socialement moins acceptable qu’un homme
exprime des émotions ; cela va à l’encontre du modèle de rationalité qu’il
est censé incarner. Les hommes sont de ce fait probablement moins éduqués
à identifier leurs émotions et à les apprivoiser.
Ainsi, lors du bilan réalisé à la fin d’un programme CARE 60, Alain, un
éducateur spécialisé exprima à quel point ce programme lui avait ouvert de
nouveaux horizons quant à la compréhension de ce qui se passe à l’intérieur
de lui. Au début du groupe, lorsqu’il devait nommer ce qu’il ressentait, il
retombait toujours sur le même terme, en particulier pour décrire un état
émotionnel agréable. Le seul mot qui lui venait était « content », alors que
ce contentement pouvait prendre de multiples formes, mais il ne parvenait
pas à les nommer, le vocabulaire lui faisant défaut à cet endroit. En écoutant
les autres participants, il découvrit les subtilités des émotions, ce qui lui
permit progressivement d’y être plus attentif. Au cours d’une journée, il
s’arrêtait de temps à autre pour identifier la spécificité des émotions selon
les situations et rapporta avoir pu savourer davantage et sur une durée plus
importante chacune des émotions agréables repérées.
Au regard du déficit de reconnaissance rapporté par les recherches sur
la gratitude dans les organisations, le développement de l’orientation
reconnaissante chez les hommes serait particulièrement pertinent dans le
cadre des entreprises. Les managers masculins sembleraient en effet
particulièrement sujets à ce manque de reconnaissance envers leurs
collaborateurs, ce qui aurait un impact direct sur le bien-être des salariés et
sur leur engagement au travail 61.
Mais comment se développent ces compétences qui permettent
progressivement de comprendre la complexité des interactions sociales et
d’éprouver de la gratitude envers autrui ? Ce champ de recherche est en
pleine expansion, et de nombreuses questions restent encore en suspens.
Toutefois, dans le prochain chapitre nous présenterons quelques recherches
éclairantes afin d’offrir des pistes d’action pour accompagner les enfants et
les adolescents sur ce chemin.
CHAPITRE 3

Le développement de la gratitude
chez l’enfant

Lors d’interventions réalisées auprès de parents, il est fréquent


d’entendre une forme de déception face au manque de reconnaissance des
enfants, qui va souvent de pair avec l’idée selon laquelle « avant, c’était
différent », ce qui sous-entend « c’était mieux ». À ce jour, aucune
recherche n’a évalué la fréquence d’expression de gratitude exprimée par
les enfants. Toutefois, certains chercheurs se sont intéressés à la possibilité
de développer l’orientation reconnaissante chez les enfants et les
adolescents. Ces pratiques se sont avérées efficaces 62, ce qui devrait
redonner espoir aux parents ! L’orientation reconnaissante repose sur des
compétences cognitives qu’il est possible d’entraîner. Comparativement aux
émotions négatives qui seraient davantage influencées par certains
déterminants génétiques, les émotions positives dépendraient davantage de
l’environnement et de la manière dont on apprend à les cultiver.

Le rôle des parents


Les parents ont donc un rôle important à jouer dans le développement
des émotions positives de leur enfant. Le premier rôle que l’on sous-estime
fréquemment en tant que parent, c’est notre rôle de modèle pour l’enfant.
En effet, l’enfant apprend essentiellement par imitation. Ce que nous
pouvons faire de mieux pour l’aider à développer son orientation
reconnaissante, c’est d’être nous-mêmes des exemples dans ce domaine.
Lorsque l’occasion se présente, il ne faut pas hésiter à exprimer soi-même
ses réactions en suivant tout le processus interne qui se passe en un clin
d’œil chez l’adulte, mais qui demande encore beaucoup de ressources chez
le jeune enfant. Par exemple, au moment où l’on vous sert une belle assiette
garnie et colorée, vous pouvez exprimer tout haut : « Quelle belle assiette !
Merci d’avoir pris le temps de préparer ce bon repas pour nous ; ça a dû
prendre du temps de tout arranger dans les assiettes et de trouver tant de
couleurs différentes qui nous donnent envie de manger ! » Vous aidez ainsi
l’enfant à identifier l’intention bienveillante, le coût et la valeur du geste.
Pour ceux qui ne se sentiraient pas à l’aise pour exprimer cela, le simple
fait d’éprouver et d’exprimer l’émotion de gratitude génère une émotion
similaire chez autrui 63. Pourquoi faudrait-il remercier un enfant lorsqu’il
vous a écouté jusqu’au bout de votre explication ? Parce qu’il s’agit de la
meilleure manière de développer chez lui l’orientation reconnaissante :
montrer comment l’on peut exprimer sa gratitude pour les petites choses du
64
quotidien qui semblent aller de soi . Il est beaucoup plus efficace de miser
sur l’imitation du jeune enfant que sur l’apprentissage intellectualisé
(« Qu’est-ce qu’il faut dire quand on te sert à manger ? »). Les attitudes et
les comportements s’apprennent essentiellement par habituation, celle-ci
étant le fait de l’observation répétée : plus on est entouré de personnes qui
sont reconnaissantes, plus on a tendance à le devenir soi-même. À l’inverse,
si les parents n’expriment pas eux-mêmes leur reconnaissance pour les
petites choses du quotidien, mais passent beaucoup de temps à se plaindre
de l’ingratitude de leur enfant et à tenter de lui inculquer la politesse, cela
aura très peu d’efficacité.
Un second principe éducatif efficace consiste à renforcer les réponses
65
recherchées et à ignorer les réponses non souhaitées . Ainsi, lorsque
l’enfant exprime de la gratitude, il est important de ne pas le prendre
comme allant de soi, mais de valoriser ce comportement en le félicitant
pour la gratitude. Si l’on ignore l’expression de gratitude, on diminue les
chances qu’elle se reproduise. Inversement, lorsque l’enfant n’exprime pas
de gratitude, vous pouvez soit l’exprimer vous-même (cela aura un impact
par l’imitation que vous générerez), soit vous passez à autre chose. Chez le
jeune enfant, il n’est pas utile d’insister lourdement sur la politesse et les
conventions. Il vaut toujours mieux incarner soi-même ce que l’on souhaite
voir chez l’autre.
En complément de ces deux principes, il est également possible
d’augmenter l’orientation reconnaissante en favorisant le développement
des compétences émotionnelles. Les compétences émotionnelles désignent
la capacité à identifier, comprendre, exprimer et s’appuyer sur la perception
de ses émotions et de celles d’autrui pour répondre au mieux aux situations
66
rencontrées . Étant donné que la gratitude est une émotion, le
développement des compétences émotionnelles affine la perception et la
compréhension de cette émotion. Ainsi, l’orientation reconnaissante est
67
étroitement liée à l’intelligence émotionnelle .
Tout d’abord, les parents peuvent aider à repérer ce qui se passe à
l’intérieur de soi, en désignant les différentes émotions (peur, colère,
tristesse, joie…), et en les distinguant des sensations (faim, froid,
sommeil…). Plus le vocabulaire émotionnel sera riche, plus l’enfant pourra
exprimer ce qu’il ressent et permettre à l’adulte de lui donner des pistes
concernant la manière d’agir lorsqu’on perçoit telle ou telle émotion. Par
exemple, si l’on a peur, il n’est pas utile de se mettre à manger dans le but
de réduire la peur (même si certains adultes ont tendance à manger plus
lorsqu’ils sont stressés !). Par contre, il est recommandé d’appeler un adulte
ou de se rapprocher de lui.
Bien que les principes présentés ci-dessus se basent sur des recherches
ayant montré comment l’attitude et les comportements des parents affectent
ceux des enfants, il n’existe à ce jour aucune étude sur la mise en œuvre
volontaire de ces comportements par les parents dans le but d’augmenter
l’orientation reconnaissante des enfants. Toutefois, des interventions
externes à la famille ont montré qu’il était possible de favoriser la prise de
conscience des différentes dimensions de l’acte qui génère de la gratitude.
Un entraînement a été proposé à des enfants de 8 à 11 ans qui devaient
apprendre à repérer les intentions bienveillantes, évaluer le coût de l’acte,
ainsi que le degré de bienfait procuré par le geste (la valeur du bienfait).
Comparés au groupe d’enfants qui n’avaient pas réalisé cet entraînement à
la reconnaissance, ceux-ci ont progressé sur la mesure de la gratitude et ont
68
manifesté plus d’émotions positives à la suite de la période d’exercices .
Il serait aussi efficace de travailler sur le repérage de la gratuité de l’acte
qui fait également partie des préalables à l’émotion de gratitude. De plus, ce
qui génère de la gratitude est ce qui dépasse nos attentes ; ce qui nous
surprend. Ainsi, les pratiques de pleine conscience, laquelle consiste à
accueillir chaque événement interne ou externe comme si c’était la première
fois qu’il se produisait, pourraient renforcer l’attitude d’ouverture et de
découverte chez l’enfant.

La progression au cours de l’enfance


À ce jour les études ont mis en évidence que la gratitude était présente
dès l’âge de 4 ans, l’âge où l’on commencerait à mieux percevoir les
intentions d’autrui et à les considérer comme pouvant être différentes des
siennes 69. On appelle « théorie de l’esprit » la capacité à se représenter les
états mentaux et donc de comprendre mieux les mobiles derrière les actes.
Cette aptitude se développe au cours de l’enfance. Cela a été démontré au
travers d’une étude qui consistait à présenter deux types d’histoires à des
enfants de différents âges 70. Dans la première version, un jeune garçon
nouvellement arrivé à l’école est choisi par le capitaine de l’équipe de base-
ball pour faire partie de son équipe (ce que Tim souhaitait vivement). Dans
la seconde version de l’histoire, Tim intègre l’équipe parce que les règles de
sélection l’exigent (pas un choix du capitaine de l’équipe).
Après la lecture de chacune des versions, on demanda aux enfants de
noter à quel point Tim serait reconnaissant envers le capitaine. Avec l’âge,
on constate que les enfants sont de plus en plus capables de percevoir
l’intentionnalité du capitaine, notamment à partir de 7 ans, et que cette
perception affecte particulièrement le degré de gratitude des plus grands : à
10-11 ans, ils sont peu reconnaissants envers le capitaine s’il n’a pas
intentionnellement choisi Tim. Toutefois, chez les enfants plus jeunes (5-6
ans), le niveau de gratitude est presque le même dans les deux versions de
l’histoire. Autrement dit, ils rapportent autant de gratitude quelle que soit
l’intention derrière le geste (le capitaine a volontairement choisi Tim ou il a
dû le faire car c’était la règle du jeu). C’est ainsi que chez les plus jeunes
enfants la gratitude ne se distingue pas encore complètement de l’émotion
de joie : l’enfant heureux est reconnaissant envers la source de joie quelle
qu’ait été son intention. Cela nous aide aussi à comprendre pourquoi les
jeunes enfants ne sont pas forcément reconnaissants lorsqu’ils reçoivent un
cadeau qui ne leur procure pas une grande joie : ils oublient l’intention à
l’origine du geste et éprouvent peu de gratitude du fait que la joie n’est pas
au rendez-vous. À l’inverse, chez les enfants plus âgés, ils peuvent éprouver
de la gratitude même si l’objet lui-même ne correspond pas tout à fait à
leurs attentes.
On pourrait croire que, dans le cas de l’expérimentation décrite ci-
dessus, les jeunes enfants n’ont pas bien compris que dans la condition
« règles du jeu », Tim n’avait pas été choisi intentionnellement parce que
c’était lui (ce qui représente une forme de reconnaissance de ses
compétences ou du fait qu’il soit apprécié de ses camarades de classe). Pour
vérifier cela, Sandra Graham a demandé aux enfants à la suite de la
question sur la reconnaissance, à quel point le capitaine avait le choix de
sélectionner Tim. Les réponses montrent que, dès 5 ans, les enfants avaient
bien compris que le capitaine avait le choix dans la première version de
l’histoire, mais pas autant dans la seconde version. Ce qui distingue la
gratitude éprouvée par les plus jeunes ne repose donc pas sur une question
de développement cognitif, mais est bien en relation avec le développement
affectif : la différenciation progressive entre les émotions positives. Cette
distinction aura un impact sur les comportements : plus le degré de
gratitude sera élevé (suite à la perception de l’intentionnalité d’autrui), plus
des comportements altruistes seront mis en œuvre en retour ou des gestes
71
visant à renforcer la relation .
À mesure que le fonctionnement cognitif se perfectionne, les conditions
préalables à l’émotion de gratitude se stabilisent. La plupart des recherches
ont porté sur des enfants à partir de 7 ans. Toutefois, cela n’exclut
aucunement la possibilité pour un enfant d’éprouver de la gratitude plus tôt.
En effet, avant d’avoir des techniques inventives permettant d’identifier
l’empathie chez les nourrissons, on pensait que l’empathie ne se
développait que tardivement chez l’enfant. Or un nourrisson se met à
pleurer en entendant les pleurs enregistrés d’un autre enfant, ce qui
représente une première forme d’empathie. À titre anecdotique, lorsque
Lucile, notre petite dernière, exprima pour la première fois sa gratitude elle
n’avait pas encore 1 an et demi. Elle était assise à table et venait de faire
tomber son doudou. Au moment de le lui redonner, elle s’exclama :
« Merciiii ! », avec des yeux pétillants de joie et de bienveillance à l’égard
du bienfaiteur qui avait ramassé son lapin. Par contraste, dans d’autres
situations dans lesquelles elle éprouvait de la joie, elle ne disait pas merci ;
par exemple lorsqu’elle voyait arriver son frère ou l’une de ses sœurs elle
arborait un grand sourire, mais ne remerciait pas pour autant. Elle semblait
donc avoir intégré le fait que « merci » exprimait la joie éprouvée lorsqu’on
bénéficie d’un geste bienveillant.
La façon de manifester sa gratitude évolue aussi au cours de l’enfance.
Ce changement a été démontré dans une étude réalisée auprès d’enfants de
7 à 14 ans à qui l’on avait posé deux questions : Quel est ton plus grand
souhait ? Que ferais-tu si quelqu’un te l’offrait ? Leurs réponses ont été
regroupées selon trois catégories 72 : 1) la gratitude verbale qui vise à
signaler que le don a été perçu ; 2) la gratitude concrète où l’enfant cherche
à donner quelque chose en retour ; et 3) la gratitude connective qui vise à
augmenter le sentiment de connexion sociale et améliorer la qualité de la
relation. Avec l’âge, la gratitude concrète diminue au profit des deux autres
formes de gratitude 73. L’augmentation de la gratitude verbale est considérée
comme résultant de l’apprentissage assidu des codes sociaux (il faut dire
merci lorsqu’on reçoit quelque chose), tandis que l’augmentation de la
gratitude connective serait davantage liée au constat des effets positifs de la
gratitude sur les relations.
Dans le cas de cette étude, il est difficile de distinguer l’émotion de
gratitude de l’expression d’une forme de politesse. On constate
effectivement que les codes sociaux s’intègrent mieux avec l’âge. Par
exemple, à l’âge de 6 ans un enfant sur cinq dit spontanément merci
lorsqu’un adulte lui donne un bonbon, alors que quatre enfants sur cinq le
74
font à 10 ans . Cela ne garantit pas que l’émotion ait été présente. À ce
jour, aucune recherche n’a déterminé si la politesse pouvait favoriser ou
diminuer l’expérience de gratitude. Si l’adulte signale à l’enfant qu’il faut
dire merci, cela pourrait l’aider à prendre conscience des intentions et des
gestes d’autrui, mais cela pourrait par ailleurs réduire l’émotion de gratitude
qui surgit de la surprise que l’on éprouve lorsqu’on fait l’objet d’une
attention bienveillante. La politesse a une utilité sociale, mais les effets de
l’émotion de gratitude sont plus vastes, comme en témoigne le chapitre
suivant.
DEUXIÈME PARTIE

Pourquoi s’intéresser
à la gratitude ?

« Il n’y a guère au monde un plus bel excès que celui de la


reconnaissance. »
Jean de LA BRUYÈRE 75.
CHAPITRE 4

La gratitude,
c’est bon pour le moral !

Pourquoi cultiver l’orientation reconnaissante ? Le développement des


travaux sur la gratitude – qui font partie des recherches de psychologie
positive – se fonde sur deux objectifs principaux. Le premier est de
répondre à l’engouement actuel pour le développement personnel en offrant
une voie validée par la science. La psychologie positive est une orientation
de recherche dont l’objet est d’étudier les déterminants du bien-être et d’en
favoriser le développement, à partir des standards de recherche actuels. Les
interventions visant à développer la gratitude ont donc pour but de
développer le bien-être individuel et collectif. Ces interventions font l’objet
d’études scientifiques permettant de préciser les conditions qui en
favorisent l’efficacité et d’identifier les mécanismes qui aident à
comprendre les effets observés. Les personnes qui n’ont pas de troubles
particuliers, mais qui sont en quête de sens et d’épanouissement, peuvent
ainsi s’inspirer de ces pratiques en connaissant les bénéfices qu’elles
peuvent apporter.
Qu’est-ce que la psychologie positive ?
Cette orientation de la psychologie porte sur l’étude des conditions et des
processus qui contribuent à l’épanouissement ou au fonctionnement optimal des
individus, des groupes et des institutions 76. En d’autres termes, la psychologie
positive s’intéresse aux dimensions individuelles, aux relations et aux contextes
qui favorisent un bien-être durable, malgré les événements de vie difficiles et les
obstacles rencontrés sur le chemin. L’objectif n’est pas d’être euphorique en
permanence ni d’éviter les situations difficiles, mais de parvenir à surmonter les
épreuves rencontrées, tout en maintenant le sentiment que la vie vaut la peine
d’être vécue. Pour ce faire, différentes dimensions peuvent être abordées dans le
but de favoriser un bien-être durable, telles que les relations, les conditions de vie
et de travail, mais aussi certaines attitudes qu’il est possible de cultiver et qui
favorisent le maintien du bien-être. La gratitude en fait partie.

La seconde raison du développement de l’intérêt pour la gratitude est


liée au constat réalisé par l’Organisation mondiale de la santé qui signale
qu’à l’horizon de 2025, plus d’un quart des personnes seront touchées par
un trouble de santé mentale au cours de leur vie, en particulier par les
troubles anxieux ou dépressifs. L’objectif de la psychologie positive – et des
interventions visant à développer la gratitude – est d’avoir une action
préventive face à ces troubles. Cette forme de prévention se fait via le
développement d’attitudes, de compétences, de ressources qui favorisent le
maintien du bien-être, en dépit des aléas de la vie.
Lorsqu’on propose des interventions de psychologie positive, on ne
cherche pas à stimuler la quête du bonheur chez les individus, mais à
modifier l’orientation de l’attention, de l’attitude et des comportements
dans le but de favoriser un sentiment de bien-être durable pour soi, mais
aussi pour les autres. En cela, la gratitude joue un rôle essentiel, car elle
favorise la recherche d’éléments positifs dans une situation même difficile
(orienter l’attention vers les aspects positifs), elle augmente la capacité à
apprécier ce que l’on reçoit (modification de l’attitude) et motive à aider
l’autre en retour (modification des comportements), même des inconnus. La
gratitude contribue ainsi à aborder la vie sous un autre angle et les
recherches montrent que cette perspective est étroitement liée au bien-être
77
dans ses dimensions physique, mentale et sociale . C’est pourquoi, au
cours de la dernière décennie, elle a fait l’objet d’une attention particulière
de la part des chercheurs en psychologie positive dans les domaines de
l’éducation, du travail, ou encore de la santé.

Qu’est-ce que le bien-être ?


Le bien-être a été défini de différentes manières. Pour vous offrir une vue
d’ensemble, il est important de prendre en compte l’ensemble des dimensions
telles que rapportées par l’Organisation mondiale de la santé : le bien-être
physique, mental et social. Le bien-être n’est pas seulement l’absence de
maladie, mais comprend le sentiment d’être pleinement acteur de sa vie. Cela
implique un sentiment de contrôle et d’autonomie dans ses choix et ses actions,
un sentiment de compétence et d’accomplissement ou d’épanouissement, une
capacité à s’apprécier et se sentir accepté par les personnes importantes pour
soi, et enfin, le sentiment que la vie a du sens. Cet ensemble détermine ce que
l’on appelle le bien-être psychologique. Il est considéré comme un bien-être stable
et durable étant donné que malgré les difficultés l’on peut continuer à se déclarer
heureux de vivre. Une définition complémentaire du bien-être prend en compte le
degré d’émotions agréables et désagréables et la satisfaction par rapport à la
vie 78. On considère aujourd’hui que le bien-être comprend l’ensemble de ces
aspects.
Comme le rappelle le philosophe Frédéric Lenoir 79 dans son ouvrage sur le
bonheur, il s’agit d’envisager la notion de bien-être ou de bonheur dans la durée et
avec une vision élargie, c’est-à-dire détachée d’un événement qui viendrait juste
de se produire, tel qu’un appel téléphonique désagréable ou encore une difficulté
passagère. L’expérience du sentiment de bien-être ou de bonheur survient
lorsqu’on perçoit une cohérence entre nos aspirations et l’engagement dans des
actions qui correspondent à celles-ci.
Les effets de la gratitude sur le bien-être
Il existe deux voies pour améliorer le bien-être : une voie ascendante et
une voie descendante 80. La première consiste à s’exposer à des expériences
quotidiennes qui nous font du bien. Par exemple, vous pouvez choisir de
prendre une demi-heure par jour pour marcher dans un petit coin de nature,
ou encore de prendre ce temps pour vous asseoir et lire un livre que vous
avez envie de lire depuis longtemps. On parle d’une voie ascendante : c’est
l’expérience concrète qui modifie votre état mental 81. Plus vous vivez
d’expériences agréables – nul besoin d’événements exceptionnels –, plus
cela augmente votre bien-être 82.
La seconde est une voie descendante : c’est votre état mental, vos
attitudes qui modifient la perception que vous avez de votre réalité 83. C’est
ce qui explique que certaines personnes se disent heureuses alors même
qu’elles se trouvent dans une situation difficile. Par exemple, lorsque j’ai
demandé à un groupe d’étudiants de psychologie de raconter un épisode de
leur vie où ils se sont sentis le plus heureux, l’une de mes étudiantes, que je
vais appeler Marielle, a raconté – en précisant qu’elle était un peu gênée de
présenter cela comme le moment où elle était le plus heureuse car cela
pouvait sembler paradoxal – que la période de sa vie où elle était le plus
heureuse était lorsqu’elle travaillait au Népal en soins palliatifs pour
enfants. Cette situation est paradoxale étant donné que c’était
psychologiquement difficile de supporter la douleur morale des familles qui
perdaient un enfant, de supporter soi-même le décès de l’enfant, le
sentiment d’injustice qui en découle… Pourtant, Marielle se sentait
pleinement utile dans son travail, elle avait l’impression que c’était là
qu’elle devait être, et cela donnait du sens à sa vie. C’est ainsi que, malgré
la souffrance quotidienne, elle pouvait éprouver un sentiment de bonheur en
étant au plus proche de ce qu’elle pouvait apporter aux autres. Le bien-être
peut donc également être déterminé par le sens que l’on donne à ce que l’on
vit.
Lorsque vous réalisez des pratiques de gratitude, vous agissez sur les
deux voies de développement du bien-être : la voie ascendante parce que
vous allez vous permettre de vivre plus d’émotions agréables au quotidien
(la joie, la surprise, l’émerveillement, la gratitude) et pouvoir les partager
avec d’autres, et la voie descendante parce que vous modifiez petit à petit
votre attitude par rapport à l’existence ; vous ne voyez plus les choses de la
même manière, et ce changement est durable.
Dans le but de comparer l’efficacité de différentes pratiques de
psychologie positive sur le développement du bien-être, des chercheurs ont
réalisé une méta-analyse regroupant toutes les études réalisées sur ce type
d’interventions 84. Près de 50 études sur plus de 4 000 participants au total
ont été agrégées pour aboutir à des conclusions et à des recommandations.
Il a ainsi été mis en évidence que les pratiques de gratitude figuraient parmi
les moyens les plus efficaces de développer le bien-être. Ces pratiques
augmentaient en efficacité avec l’âge. Néanmoins, le développement de
l’orientation reconnaissante au cours de l’enfance apporte également des
bienfaits qui pourraient s’avérer particulièrement utiles dans les
établissements scolaires en France.

Quand la gratitude s’invite à l’école


Face à la baisse de motivation et de satisfaction scolaires des
adolescents à l’arrivée au collège, plusieurs études ont été réalisées dans ce
contexte, dans le but d’identifier en quoi le développement de l’orientation
reconnaissante pouvait être utile dans les établissements scolaires. Une série
d’études a été menée uniquement en mesurant le degré de gratitude et
différentes dimensions du bien-être à plusieurs moments de l’année afin de
repérer si la gratitude permettait de prédire le degré de bien-être des
adolescents.
Lorsqu’on mesure le degré de gratitude en début d’année, il prédit le
niveau de bien-être évalué à deux reprises, jusqu’à six mois plus tard.
L’effet de la gratitude s’explique par plusieurs mécanismes. Dans cette
étude, l’effet sur le bien-être passait notamment par une meilleure
intégration sociale 85. En effet, il a été montré que la gratitude générait un
cercle vertueux : elle améliore la qualité des relations, qui en retour
augmentent la gratitude (pour plus de détails, voir le chapitre 5).
Les individus qui éprouvent et expriment fréquemment de la gratitude
sont particulièrement appréciés, ce qui constitue une source de bien-être
pour eux. À l’inverse, nous avons tendance à éviter de côtoyer les individus
qui n’expriment pas de gratitude. L’ingratitude fait partie des dimensions de
la personnalité les moins appréciées, tandis que la gratitude figure parmi les
plus appréciées et valorisées. Philip Watkins, chercheur à l’Université de
Washington, a mené une étude au cours de laquelle on demandait aux
personnes de noter le nom de dix proches et leur capacité à être
reconnaissants. Les moins appréciés parmi cette liste de dix étaient ceux qui
exprimaient le moins de gratitude et les plus appréciés ceux qui se
montraient plus reconnaissants 86.
Un autre mécanisme permettant d’expliquer comment la gratitude
favorise un bien-être durable est le fait qu’elle contrecarre de manière
efficace les sentiments d’envie et de frustration 87. Nous avons une tendance
naturelle à nous comparer aux autres. Ces comparaisons dites « sociales »
sèment l’insatisfaction, voire le mécontentement, car il y a toujours plus,
toujours mieux, ailleurs… Et même si cet ailleurs n’existe pas, il est
toujours possible de l’imaginer, à l’instar de cette phrase du philosophe
Bertrand Russel qui disait : « Napoléon enviait César, César Alexandre le
Grand, et Alexandre probablement Hercule, qui n’a jamais existé…» La
tendance à se comparer aux autres est particulièrement influente au cours de
l’enfance en termes de possessions (les jouets ou les jeux des autres font
plus envie…), mais cette comparaison sociale persiste à l’adolescence sous
d’autres formes (l’apparence physique, les vêtements…). La gratitude
permet de changer de perspective : au lieu de se focaliser sur ce dont nous
manquons, nous orientons notre attention vers ce qui nous comble déjà.
Ceci entraîne une amélioration de la satisfaction de la vie.
Dans une étude menée pendant quatre ans auprès de 700 élèves entre 10
et 14 ans, ceux qui avaient les scores les plus élevés à l’échelle de gratitude
étaient les plus satisfaits de leur vie et avaient aussi des scores plus élevés
88
concernant le sentiment que leur vie avait du sens . Comment la gratitude
agit-elle sur le sens de la vie ? Parce qu’elle aide à prendre conscience de ce
qui est important pour soi et des personnes qui comptent pour nous au
quotidien. Dans cette étude, les élèves plus reconnaissants présentaient
également un niveau d’espoir plus élevé. Au vu des résultats des dernières
enquêtes menées sur la représentation de l’avenir chez les jeunes en France,
il semblerait utile de développer cet aspect sachant qu’un faible degré
d’espoir est facteur de risque de dépression et de suicide.
Une autre série de travaux ne s’est pas contentée de mesurer le degré
d’orientation reconnaissante des élèves, mais a montré qu’il était possible
d’augmenter ce niveau au travers de pratiques permettant de repérer les
éléments satisfaisants du quotidien, et plus spécifiquement les choses pour
lesquelles on éprouve de la gratitude. Les résultats sont concluants :
accroître le niveau d’orientation reconnaissante augmente le degré
d’optimisme (ce qui constitue un facteur protecteur important face aux
obstacles que l’enfant peut rencontrer, notamment à l’école), d’émotions
positives, de satisfaction scolaire et de satisfaction dans les différents
89
domaines de la vie de l’enfant (école, famille, amis…) . Chez l’adolescent,
la gratitude est aussi fortement associée à la satisfaction de la vie que
l’estime de soi 90.
Il est plus difficile de mener des recherches de ce type à l’école primaire
en raison de la difficulté à répondre à des questionnaires longs et
comprenant parfois des nuances subtiles en termes d’identification des
émotions ou d’autres dimensions du bien-être. Nous avons toutefois tenté
l’expérience dans les écoles en France et dans les familles afin de mesurer
la faisabilité, l’efficacité et la satisfaction par rapport aux pratiques de
91
gratitude en fonction de l’âge . Des consignes simples ont été proposées
pour aider les enfants à repérer chaque jour pendant deux semaines, trois
choses pour lesquelles ils étaient reconnaissants : « Aujourd’hui, j’ai de la
chance parce que… » Les enfants devaient noter en fin de journée à l’école
ou à la maison, ces trois choses dans un cahier. Vous en trouverez quelques
illustrations dans le tableau 1. Une partie des enfants constituait le groupe
contrôle et devait noter trois choses neutres, par exemple trois couleurs ou
trois légumes.
Une première étude a été menée auprès de plus de 300 élèves d’école
primaire (dont une école en zone d’éducation prioritaire). Ces enfants d’âge
primaire ont beaucoup apprécié ces pratiques pour le partage et la
satisfaction qu’elles leur avaient apportés. Pendant la période de l’étude,
l’un des enseignants devait partir un peu plus tôt que d’habitude et a indiqué
à ses élèves qu’ils pouvaient sortir jouer dans la cour. Immédiatement les
enfants, au lieu de se lever et de prendre leur cartable comme ils l’auraient
fait habituellement, ont signalé qu’ils souhaitaient d’abord faire l’exercice
de gratitude sur leur cahier !
Tableau 1. Exemples de sources de gratitude issus des cahiers des enfants de 6 à 11 ans

Aujourd’hui j’ai de la chance parce que


Le soleil est toujours là. Une bataille de boules de neige avec les
copains.
J’ai retrouvé deux amis dans le bus. J’ai passé une excellente journée.
Je suis en train d’aider l’Unicef. J’ai eu musique et la maîtresse a chanté.
J’ai fait du basket-ball et presque marqué Je suis tombé et je ne me suis pas fait mal.
un panier.
J’ai joué avec mon père. Tout le monde m’a dit que mon dessin était
beau.
J’ai vu une surveillante très gentille et j’ai J’ai écouté Mozart.
parlé avec elle.
Je vais dormir chez une copine. Je vais manger les bons plats de papa.
J’ai plein d’amies et d’amis. Le carnaval est proche.
J’ai joué avec le chien de ma grand-mère. J’ai joué dehors.
Il fait beau. On a fait le bonhomme carnaval.
Je suis heureuse sans savoir pourquoi. J’ai eu une bonne discussion avec une
amie.

Sur le plan de l’efficacité, une autre anecdote illustre la réorientation de


l’attention visée par ces pratiques. En arrivant le matin, les enfants de cours
élémentaires parlaient déjà de ce qu’ils allaient écrire sur leur cahier en fin
de journée. Pour l’ensemble des élèves ayant pratiqué le repérage des
aspects satisfaisants de leur journée, les résultats ont montré une
augmentation des émotions positives (ils se disaient plus heureux) et de la
vitalité (ils se disaient moins fatigués) par rapport au niveau d’origine. Les
mêmes constats ont été faits dans les familles. Une maman raconta
comment cette pratique avait facilité le coucher de son enfant, car il était
impatient d’aller au lit pour pouvoir raconter ses trois choses positives !
En résumé, les travaux réalisés sur le développement de l’orientation
reconnaissante auprès d’enfants et d’adolescents montrent que ces pratiques
sont faciles à mettre en œuvre, appréciées par les jeunes, les enseignants et
les parents et qu’elles apportent des bénéfices en termes d’optimisme,
d’espoir et de sens de la vie. Ces effets s’expliquent notamment par la
réduction de la tendance à la comparaison sociale, une plus grande capacité
à identifier ce qui est important pour soi, et l’orientation de l’attention vers
des aspects satisfaisants du quotidien. Cette orientation spécifique contraste
avec le biais de négativité évoqué plus tôt. Ce fonctionnement cognitif ne se
limite pas au présent, il augmente la confiance en l’avenir et permet de se
réconcilier avec son passé.

La gratitude comme facteur de résilience


La résilience est le fait de parvenir à un épanouissement malgré une
expérience traumatique passée. Elle s’oppose au fait d’avoir l’impression de
ne plus pouvoir faire surface, ce qui est caractéristique de la dépression.
Comment la gratitude peut-elle constituer un facteur de résilience et de
promotion de la santé mentale ? Cela s’explique par plusieurs mécanismes,
dont le choix d’orientation de l’attention. Les personnes ayant un niveau
d’orientation reconnaissante élevé se souviennent davantage des
événements positifs étant donné que leur attention n’était pas uniquement
92
centrée sur les dimensions menaçantes des situations . Développer la
gratitude augmente la saillance des aspects positifs de l’existence, ce qui
accroît l’intensité des émotions agréables associées, renforçant ainsi la
mémorisation de ces expériences. Lorsque l’encodage en mémoire est
amélioré, il facilite naturellement le rappel du souvenir. Ainsi, lorsqu’on
demande aux individus ayant un niveau d’orientation reconnaissante élevé
de se remémorer des événements du passé, ils rapportent un plus grand
nombre de souvenirs agréables comparé à d’autres personnes.
Mais la spécificité de l’orientation reconnaissante ne se limite pas à
cela. Elle pousse à identifier des bénéfices au cœur même de situations
inconfortables ou de circonstances délicates. Un très bel exemple de cela a
été rapporté par Philippe Rodet, médecin urgentiste, ami proche de
Jacqueline de Romilly, cette femme de lettres, spécialiste de la Grèce
antique et membre de l’Académie française à l’époque. Lorsqu’elle était
âgée de 95 ans, Jacqueline de Romilly était malvoyante. Un soir, elle
raconta à son ami Philippe l’aventure suivante : « J’ai mis au four le repas
préparé par ma femme de ménage. Eh bien, pour la première fois de ma vie,
j’ai mangé de la compote gratinée… avec du gruyère ! […] Si j’avais vu
clair, jamais je n’aurais connu cette saveur 93 ! »
Ce que Jacqueline de Romilly a mis en œuvre correspond à une
94
technique que l’on appelle le « recadrage positif ». Elle consiste en une
relecture de l’événement passé dans le but d’identifier une découverte, d’en
retirer un enseignement, une compréhension nouvelle de soi ou de la
situation. À la différence de la tendance à ressasser en boucle des éléments
du passé qui génère souvent un sentiment d’incompréhension, de
frustration, voire de colère, le recadrage positif produit une impression de
dénouement de la situation. Certains parlent de réconciliation avec le passé.
Une patiente, Marianne, racontait ainsi comment, suite à la pratique de
pleine conscience, elle avait développé une attitude d’ouverture et
d’acceptation de la différence de fonctionnement de son mari. Pendant tant
d’années, elle avait tenté de changer son fonctionnement, sans succès…
Aujourd’hui, elle découvrait qu’il existait d’autres façons d’organiser les
priorités : pour certaines personnes, la dimension matérielle de
l’organisation familiale passe après la dimension relationnelle. En repensant
aux situations conflictuelles vécues par le passé, Marianne identifia
plusieurs enseignements qui lui ont donné cette sensation d’être réconciliée
avec son passé et, d’après ses propos, cela a nettement amélioré la qualité
de la relation présente au sein de son couple. Ainsi, l’orientation
reconnaissante constituerait un atout de résilience par le biais de cette
relecture des expériences passées. Mais parfois, de manière surprenante, la
survenue d’un malheur augmente l’orientation reconnaissante. Comment
comprendre ce phénomène ?
L’un de mes amis est aujourd’hui hémiplégique suite à un accident
grave de moto. Malgré le chamboulement que cela a généré dans sa vie, au
moment où je lui rends visite, il exprime de la gratitude… la gratitude
d’avoir survécu, mais aussi de la reconnaissance de voir la vie sous un autre
angle depuis l’accident. Il n’éprouve pas de gratitude pour l’événement
tragique, mais pour les perspectives révélées par cet accident. Un
événement traumatique permet parfois de remettre au centre de l’existence
ce qui lui donne du sens. Cela encourage à mobiliser l’énergie disponible
pour avancer vers l’accomplissement de buts de vie. Ceci contraste avec la
dispersion que l’on peut observer dans nos vies, lorsqu’on se retrouve au
milieu des multiples activités et stimulations quotidiennes, en ayant perdu
de vue nos priorités.
Lorsqu’un événement ou le grand âge engendrent une prise de
conscience de la vie comme une ressource limitée ou un présent fragile,
cela augmente le sentiment de reconnaissance envers la vie 95. Tant que
votre corps fonctionne bien (« le silence des organes »), vous n’éprouvez
pas de reconnaissance particulière pour ce qu’il vous donne l’opportunité de
réaliser. Ce n’est qu’une fois que la possibilité de marcher est menacée que
vous apprenez à apprécier chacun des pas que vous faites.
Les événements menaçant la vie rendent ainsi plus saillantes les
dimensions de l’existence qui peuvent susciter en nous de la gratitude.
Lorsqu’elles ne sont pas menacées, nous oublions d’y prêter attention. Dans
les interventions de psychologie positive, il est parfois proposé aux
participants de s’imaginer leur vie sans quelque chose qui serait important à
leurs yeux. Par exemple, imaginer sa vie sans travail. Le travail est pour
certains une source d’angoisse, générant des plaintes incessantes. Mais si
vous imaginez que vous n’avez plus ce travail, parvenez-vous à identifier ce
qu’il vous apporte de satisfaisant par moments ? Et dans le couple, nous
avons aussi tendance à nous arrêter aux aspects qui nous irritent. Et si vous
imaginiez votre vie sans cette personne, est-ce que cela vous aiderait à
percevoir les dimensions qui vous font du bien dans cette relation ? Ce sont
ces petites choses, même si elles ne compensent pas toujours les aspects
difficiles, qui permettent de maintenir un degré de bien-être suffisant pour
faire face à la situation de manière active. En effet, comme présenté
précédemment, les émotions positives aident à résoudre les problèmes de
manière active et créative. La gratitude peut ainsi être utilisée comme
tremplin pour aborder la situation avec plus de ressources à disposition.
Concernant les émotions liées à des événements passés, la gratitude ne
constitue pas toujours la meilleure alliée selon l’objectif que l’on se donne.
Si l’objectif est d’améliorer le sentiment de bien-être individuel, la gratitude
est souvent d’une grande aide. Cependant, une étude a montré par exemple
que le regret par rapport à des atteintes à l’environnement était plus efficace
que la gratitude envers la nature pour mobiliser des étudiants face à des
problématiques environnementales 96. Ainsi, chaque émotion, qu’elle soit
agréable ou désagréable, est utile pour mobiliser l’individu. Il importe de
prendre en compte l’objectif principal d’une intervention pour effectuer un
choix éclairé en termes de pratiques à proposer.

La gratitude au pays de la dépression


L’orientation reconnaissante constitue un facteur protecteur face aux
situations difficiles, mais elle peut aussi être développée par la suite chez
des individus qui n’avaient pas eu recours à cette aptitude auparavant. Des
études ont ainsi été menées auprès des personnes dépressives et même
suicidaires, dans le but de les aider à considérer leur existence sous un autre
angle. Bien entendu, cela ne résout pas tous les problèmes ; il s’agit
simplement de partir de la réorientation de l’attention pour convaincre qu’il
est possible de refaire surface.
Dans certaines périodes de notre vie, nous avons plus de difficultés à
éprouver des émotions agréables telles que la gratitude. Il peut s’agir de
périodes où nous nous sentons moins bien, nous sommes plus déprimés,
plus tendus. Bien que cela puisse paraître difficile, des recherches ont
montré que les pratiques de gratitude pouvaient être d’une grande aide dans
ces moments. Les effets de ces pratiques sont importants étant donné que le
degré de bien-être est moins élevé lorsqu’on se trouve en dépression. Par
ailleurs, le fonctionnement mental associé à la dépression est caractérisé par
une vision pessimiste, avec une augmentation des tendances à percevoir et à
mémoriser les aspects problématiques du quotidien.
Jeff Huffman et ses collègues de l’Hôpital général du Massachusetts à
Boston ont proposé des interventions de psychologie positive auprès de
97
patients identifiés comme étant à risque d’acte suicidaire . Les pratiques
telles que le journal de gratitude ont permis d’accroître le degré
d’optimisme et de réduire le désespoir, ce qui prédit une diminution des
risques suicidaires. Les approches thérapeutiques qui visent principalement
la réduction des états émotionnels désagréables peuvent ainsi être
complétées par le repérage des aspects satisfaisants du quotidien. Cela
permettrait d’améliorer l’efficacité de l’accompagnement et de diminuer le
risque de rechute.
En travaillant sur le développement des émotions positives chez les
patients après une tentative de suicide, une autre équipe de recherche a
montré que cela améliorait leurs capacités de résolution de problèmes, ce
qui diminue le risque suicidaire – celui-ci étant fortement lié au sentiment
98
d’impuissance et au désespoir . Par ailleurs, les personnes réalisant des
pratiques de gratitude présentent une meilleure régulation du stress et une
plus grande résilience face aux événements de vie difficiles 99. La gratitude
constitue également un moyen efficace de lutter contre le sentiment de
solitude, car elle augmente le sentiment d’être relié aux autres. Ces
interventions pourraient ainsi être utiles à la fois en prévention et en
accompagnement. Elles présentent l’avantage de pouvoir être mises en
œuvre sans coût et de pouvoir être pratiquées à domicile par la suite.
L’orientation reconnaissante est ainsi considérée comme un facteur de
protection et de résilience. Certaines recherches ont également mis en
évidence l’augmentation de la vitalité (réduction du sentiment de fatigue),
ainsi que d’autres effets des émotions positives sur la santé physique. Étant
donné les liens qui existent entre santé physique et santé mentale, il semble
intéressant de comprendre comment la gratitude agit sur notre organisme.

La gratitude, c’est bon pour la santé !


L’émotion de gratitude fait partie des émotions dites « positives », telles
que la joie, l’appréciation, la compassion, l’amour, le contentement. Au-
delà de leur caractère agréable, la spécificité des émotions de ce type se
mesure notamment à leur impact sur les réactions physiologiques liées au
stress. Par exemple, des études ont montré qu’elles réduisent le taux
d’hormones de stress de 23 % (cortisol) et améliorent la récupération
cardiaque après une situation stressante. Des individus, qui avaient vu un
film court générant des émotions négatives, visionnaient ensuite un film
générant de la joie ou du contentement et voyaient leur rythme cardiaque se
rétablir plus rapidement que ceux placés dans une situation qui ne générait
pas d’émotion particulière 100. En cas de stress, les vaisseaux sanguins se
contractent et la pression artérielle augmente. Lorsque ces phénomènes se
répètent dans le cas d’un stress chronique, cela affaiblit le muscle
cardiaque, augmentant le risque de troubles cardio-vasculaires. Ainsi, la
récupération cardiaque favorisée par la gratitude dans les situations de
stress serait un facteur protecteur contre cette fatigue cardiaque.
D’autres recherches ont également mis en évidence un effet des
émotions telles que la gratitude sur le fonctionnement du système
immunitaire. Cela pourrait notamment s’expliquer par une diminution des
troubles du sommeil qui est attribuée à l’attention portée avant le coucher
aux aspects satisfaisants de la journée. Cela réduit l’anxiété, facilitant par là
l’endormissement et améliorant la qualité du sommeil. Cela permet de
comprendre les résultats observés lors de pratiques du journal de gratitude
sur la moindre apparition de symptômes physiques communs tels que les
rhinites. Des études de suivi d’individus sur plusieurs années permettraient
de mesurer l’impact de ce type de pratiques en termes de facteurs
protecteurs de la santé physique. Sans entrer dans le calcul des économies
qui pourraient être faites par la Sécurité sociale avec ce type d’intervention
(!), la gratitude joue un autre rôle fondamental dans la société : celui du lien
social. Ce sera l’objet du prochain chapitre.
CHAPITRE 5

La gratitude,
c’est bon pour la société !

Entretenir des relations positives apparaît comme le meilleur prédicteur


du bien-être durable 101. Or cultiver la gratitude favorise le maintien de
relations positives 102, notamment du fait d’une plus grande attention portée
à l’autre 103 et de l’attitude bienveillante à l’égard d’autrui 104. Face à
l’expression de la gratitude, autrui se sent reconnu, estimé, apprécié, ce qui
l’encourage à poursuivre la relation et à la cultiver à son tour. Cet échange
réciproque de bienveillance entraîne une amélioration du bien-être pour les
deux parties. Le point de départ étant souvent l’expression de la gratitude.
Lorsque son expression fait défaut, la relation est plus distante et la
confiance s’installe plus difficilement.

Comment la gratitude fait du bien


à la relation
L’expression de la gratitude revêt une fonction essentielle dans les
échanges sociaux pour le développement, le maintien et l’amélioration des
relations. Dans une expérimentation réalisée en laboratoire, il était demandé
aux partenaires de couples étant ensemble depuis plus de quatre ans (77
couples au total) d’exprimer leur gratitude l’un envers l’autre.
Comparativement au groupe contrôle auquel il n’avait pas été demandé
d’exprimer de la gratitude envers le partenaire, les participants du groupe
« gratitude » rapportaient une meilleure qualité relationnelle six mois après
l’expérience en laboratoire. L’effet de la satisfaction relationnelle évaluée
au moment de l’expérience en laboratoire avait bien sûr été contrôlé, de
sorte que l’on puisse identifier l’effet spécifique de la gratitude sur la
satisfaction dans le couple. Cet effet était lié à la façon dont le partenaire se
percevait comme étant reconnu, compris, encouragé, apprécié par l’autre,
en d’autres termes par la perception de la réceptivité du partenaire 105.
L’expression de la gratitude signifie à l’autre que nous reconnaissons
l’intention bienveillante qui sous-tendait son geste. Ce signe de
reconnaissance que nous offrons à l’autre contribue à lui accorder une place
au sein du groupe social dont nous faisons partie, la place de quelqu’un sur
qui nous pouvons compter, quelqu’un dont notre bien-être dépend. Or
l’absence d’expression de reconnaissance envers autrui affecte son
sentiment de valeur personnelle. C’est ce que rapportent notamment
certains salariés qui ont l’impression que leurs efforts passent inaperçus.
Progressivement, ils perdent la motivation et l’engagement au travail, et
finissent parfois par avoir l’impression qu’ils sont inutiles.

Un poste pour la gratitude au travail ?


Un trouble du déficit de gratitude a été identifié au travail par plusieurs
études qui se sont intéressées aux effets de ce déficit dans les organisations
tels que la réduction de l’engagement, de l’efficacité et de la satisfaction au
travail et turnover plus important. Repensez à la dernière fois que vous avez
exprimé de la gratitude envers un collègue… Envers votre supérieur
hiérarchique… Selon une étude américaine, trois quarts des salariés ne
remercient jamais leur supérieur hiérarchique 106. Cela peut être dû au fait
que les subordonnés ne reçoivent eux-mêmes aucune expression de
gratitude ! Les dirigeants et les managers pourraient alors initier eux-mêmes
une boucle de reconnaissance : exprimer davantage de gratitude rend plus
probable l’expression de reconnaissance de la part d’autrui en retour. C’est
ce qui s’est produit dans une institution de travail social dans laquelle le
chef de service venait d’être remplacé dans le but de réduire les difficultés
financières. L’un des éducateurs spécialisés de la structure m’a raconté que,
très rapidement, des tensions s’étaient installées entre le personnel et le
nouveau responsable et les arrêts de travail ont commencé à s’accumuler.
Le chef de service ayant entendu parler de psychologie positive – et
notamment des travaux sur la gratitude – s’est lancé dans l’aventure. Au
lieu d’être lui-même dans une quête de reconnaissance pour les efforts
fournis pour faire face à cette situation délicate, il décida d’appliquer des
pratiques de gratitude au travail. Il prit le temps de faire une liste de toutes
les qualités des salariés de la structure pour lesquelles il éprouvait de la
reconnaissance, et s’est donné pour objectif de faire un retour à chacun des
salariés au cours d’échanges informels sur leurs efforts et leurs
compétences. Progressivement un climat de confiance s’est installé, et les
travailleurs sociaux éprouvèrent davantage de plaisir à venir. De plus, les
employés se sont eux-mêmes mis à parler des qualités du nouveau chef de
service, pendant les pauses et même en réunion. C’est alors que le
responsable, ayant une oreille attentive, a repéré que la spirale avait été
amorcée : le personnel n’était plus dans la plainte, mais s’était mis en
mouvement, exprimant à la fois les dimensions appréciées et proposant de
nouvelles pistes pour améliorer d’autres aspects. Par le biais de la gratitude,
un soutien mutuel s’instaure, ainsi qu’un engagement dans les actions qui
correspondent aux valeurs qui ont rassemblé ces personnes dans une
institution de l’action sociale.
Pensez à une personne sur votre lieu de travail à qui vous n’avez jamais
dit merci – ou pas depuis un certain temps – pour quelque chose qu’elle fait
et qui vous semble « normal ». Par exemple, le personnel d’entretien. Nous
considérons que le fait d’être payé pour ce que l’on fait est incompatible
avec le fait d’exprimer de la reconnaissance pour ce travail. Pourtant,
comment vous sentiriez-vous si vous étiez dans des locaux mal entretenus ?
Imaginez aussi comment se sentirait une personne à qui vous exprimeriez
votre gratitude ? La plupart du temps, dans notre culture occidentale, nous
apprécions l’expression de gratitude. Le simple fait de dire merci à votre
collègue pourra avoir un effet bénéfique sur son sentiment d’utilité et de
proximité sociale et sur vos relations. Alors pourquoi ne pas essayer ? Tout
en gardant à l’esprit que parfois la réaction peut être inattendue ! Cela fait
partie des surprises de la vie et l’on peut aussi apprendre beaucoup au
travers de situations inattendues.
À l’âge de 16 ans, j’étais partie en Inde pour un an avec l’idée de faire
plus tard un métier dans l’humanitaire. Une fois, mon meilleur ami, Gopadi,
m’a raccompagnée à vélo jusqu’à la maison où je vivais ; ayant été élevée
dans une famille où la gratitude était valorisée et régulièrement exprimée, je
lui dis fièrement l’un des premiers mots tamouls que j’avais appris :
« Nanri », qui signifie « Merci ». Comme il était particulièrement
bienveillant, il ne se renfrogna pas, mais il m’expliqua que dans sa culture
cela ne se faisait pas. On n’exprime sa gratitude que lorsqu’il s’est produit
quelque chose d’exceptionnel, mais pas pour les petites choses du
quotidien, ni même pour un geste altruiste d’un ami. Cela peut être mal
perçu par l’auteur du geste qui croit alors que l’on ne le considère pas
comme un ami ou comme un individu capable de rendre ce service.
Dire merci serait une forme de remise en cause de l’amitié et de
l’engagement altruiste. On apprend alors à exprimer sa gratitude sans les
mots, simplement par le sourire sincère que génère cette émotion. Et,
finalement, après un an de cette pratique, il m’est apparu que les mots
peuvent parfois nous empêcher de vivre l’émotion, car nous nous
empressons de dire merci par convention ou par habitude, sans même
prendre le temps d’éprouver réellement la gratitude et de partager cette
émotion par le regard. Je vous encourage à essayer et à repérer la différence
entre les moments où vous dites merci avec les mots et les moments où
vous essayez de transmettre votre gratitude simplement à travers votre
attitude et l’expression de votre visage. Même si les mots peuvent aider, la
rencontre des regards rend d’autant plus saillant le sentiment de connexion
à l’autre.

Gratitude et intégration sociale


J’ai reçu récemment une lettre de gratitude qui détaillait en quoi mon
travail avait pu donner un nouvel élan, ouvrir de nouvelles perspectives.
Chaque phrase me donnait le sentiment d’avoir été utile pour accompagner
cette personne vers un changement de point de vue par rapport aux autres, à
la vie : « Grâce à toi, je suis aujourd’hui convaincu qu’il est possible de
faire quelque chose pour améliorer la situation. J’ai repris confiance et
d’innombrables idées me viennent, comme si des portes à l’intérieur de moi
s’étaient ouvertes pour laisser enfin sortir ce qui me tient vraiment à cœur,
ce en quoi je n’arrivais plus à croire. J’éprouve une reconnaissance si
grande que chaque jour je pense à la chance que j’ai et je profite pleinement
de chaque instant, de chaque rencontre. C’est très différent de l’attitude que
j’avais fini par développer, m’étant senti rudoyé par la vie, trahi par des
proches, je restais toujours réservé, méfiant. Aujourd’hui, je suis soulagé de
pouvoir enfin baisser la garde et me laisser guider par d’autres sentiments. »
Cette lettre très émouvante, dont j’ai retranscrit un extrait, se terminait
par la phrase : « Tu es importante pour moi. » L’ensemble de la lettre m’a
beaucoup touchée, mais c’est cette phrase qui m’a le plus marquée.
Pourquoi ? D’abord parce qu’elle m’a surprise. Il n’est pas fréquent qu’une
personne vous dise une telle phrase. Pourtant, si l’on prend le temps d’y
réfléchir, nous avons sans doute chacun rencontré au cours de notre vie des
personnes importantes pour nous. Pourquoi ne pas le leur avoir exprimé ?
Quel sentiment de bonheur cela génère lorsqu’on entend cette phrase !
Parce que au-delà de la reconnaissance pour ce que l’on a fait, cette phrase
donne la sensation d’avoir une place dans la vie d’une personne. Si j’avais
reçu un appel téléphonique d’un enquêteur en fin de journée me demandant
à quel point je me sentais heureuse en ce moment et satisfaite de ma vie,
j’aurais sans doute obtenu des scores élevés à ces questions. Ainsi, plus
encore que le sentiment d’utilité sociale, le besoin de sentir que l’on compte
pour quelqu’un est particulièrement relié à la satisfaction de vivre. Cette
sensation est appelée sentiment de proximité sociale et fait partie des trois
besoins psychologiques considérés comme étant fondamentaux pour le
107
bien-être des individus .
Le premier est le besoin d’autonomie. Il consiste à avoir le sentiment de
pouvoir faire des choix en termes d’actions et d’orientation de sa vie. Le
deuxième besoin est le sentiment de compétence. Il consiste en la
possibilité d’utiliser ses compétences dans le cadre des actions menées et de
sentir qu’une progression est possible. Le troisième besoin est le sentiment
d’appartenance, c’est-à-dire la nécessité de se sentir proche d’individus qui
comptent pour nous. Ce sentiment de proximité sociale est doublé de la
sensation de bénéficier d’un soutien social satisfaisant, c’est-à-dire,
l’impression de pouvoir compter sur l’aide d’autrui. Cela constitue un
facteur protecteur contre les troubles psychopathologiques.
En effet, Alex Wood 108, professeur de psychologie et directeur du centre
des sciences du comportement à l’Université de Stirling en Écosse, a mené
avec ses collaborateurs des travaux auprès d’étudiants qui ont permis de
mettre en évidence que l’orientation reconnaissante amenait à développer
un réseau social plus soutenant et à réduire par là les niveaux de stress et
d’anxiété. Le soutien social est augmenté par l’expression de la gratitude
qui, comme nous l’avons évoqué plus haut, augmente la tendance à
accorder sa confiance aux autres, même aux personnes inconnues 109. Grâce
à la confiance instaurée, les individus sont davantage motivés à approfondir
la relation 110. La gratitude facilite donc l’établissement de nouvelles
relations 111. L’expression de la gratitude garantirait ainsi une meilleure
intégration sociale.
Dans une étude réalisée auprès de 700 adolescents, il a ainsi été montré
que l’orientation reconnaissante prédisait l’intégration sociale six mois plus
112
tard . De plus, la gratitude et l’intégration sociale se renforcent
mutuellement : plus on est reconnaissant, plus l’intégration sociale est
facilitée, celle-ci augmentant en retour le sentiment de gratitude. À
l’inverse, l’envie – émotion opposée à la gratitude – a un impact négatif sur
l’intégration sociale et donc sur le bien-être.
Y aurait-il d’autres dimensions permettant d’expliquer la relation entre
la gratitude et l’intégration sociale ? Une étude récente a mis en évidence un
mécanisme inconscient à l’œuvre lorsqu’on éprouve de la gratitude : le
113
mimétisme . Les personnes à qui l’on octroyait de l’aide
intentionnellement avaient ensuite tendance à imiter davantage les gestes de
leur bienfaiteur (par exemple se frotter le cou ou le genou), contrairement à
celles qui avaient reçu le même bénéfice, mais qui pensaient que cela était
dû au hasard (il s’agissait d’un jeu économique, dans lequel l’on pouvait
recevoir une somme d’argent soit grâce à l’aide d’autrui, soit en imaginant
que cela était dû à la chance). Le mimétisme joue un rôle dans le sentiment
de proximité sociale : lorsqu’une personne en face de vous fait le même
geste que vous (poser le coude sur la table, se reculer sur sa chaise, porter la
main à ses cheveux…), vous aurez une impression plus favorable de cette
personne – alors que vous n’avez pas été conscient, sur le moment, du fait
qu’elle avait imité vos gestes 114. L’imitation fonctionne ainsi comme un
facilitateur de relations. La tendance à mimer les attitudes et les
comportements d’autrui est augmentée par l’émotion de gratitude, ce qui
explique pourquoi elle a un impact sur l’intégration sociale.
Un autre mécanisme subtil ayant été identifié concerne l’impact de
l’émotion de gratitude sur la perception du caractère agréable d’autrui : plus
on éprouve un sentiment de gratitude, plus on a tendance à penser que
115
l’autre est un individu chaleureux . Et cette impression que l’on se fait de
116
l’autre nous pousse à nous rapprocher de lui (nous évitons les personnes
distantes et nous recherchons la présence des personnes perçues comme
amicales).
Enfin, l’aspect ayant le plus attiré l’attention au cours des décennies
passées pour expliquer le lien entre la gratitude et la qualité du lien social
concerne le fait que l’émotion de gratitude augmente la tendance à mettre
en œuvre des comportements d’aide.

Gratitude et altruisme
Comme le sous-entend le titre de l’article « Un petit merci peut mener
loin 117 », les recherches démontrent que la gratitude affecte le bien-être des
individus et des groupes. Cet article décrit une expérimentation menée
auprès de 57 étudiants, en échange de 10 dollars, à qui l’on proposait de
participer à une étude en ligne sur les compétences rédactionnelles. Plus
précisément, chaque étudiant devait envoyer des commentaires concernant
une lettre de motivation (fictive) dans le but d’aider un autre étudiant à
candidater sur un poste. Il était précisé que cette aide entrait dans le cadre
de l’activité du centre de gestion de carrières de l’université. Après avoir
envoyé leurs remarques, les participants recevaient un e-mail en réponse
comportant une marque de reconnaissance pour l’aide apportée (groupe
« gratitude » : « J’ai bien reçu vos commentaires, un grand merci ! Je suis
vraiment reconnaissant pour ce travail ») ou un message neutre (groupe
contrôle : « J’ai bien reçu vos commentaires »).
Le lendemain, les participants des deux groupes recevaient un message
d’un autre étudiant (fictif) demandant à son tour de l’aide pour sa lettre de
motivation. La mesure du comportement prosocial consistait à compter le
nombre de participants de chacun des deux groupes (gratitude ou contrôle)
venant en aide au second étudiant. Les résultats de cette étude montrent que
les participants ayant reçu un message exprimant de la gratitude pour l’aide
apportée sont plus enclins à offrir de l’aide à une autre personne par la suite
(55 % du groupe gratitude contre 25 % du groupe contrôle). L’expression
de gratitude joue ainsi un rôle de renforcement des comportements
altruistes.
La gratitude tend à favoriser les comportements d’aide chez l’individu
qui reçoit une expression de gratitude, mais aussi chez celui qui éprouve
118
cette émotion, comme nous l’avons signalé plus haut. Dans une étude , il
était demandé à des participants de réaliser une tâche informatisée
fastidieuse. Avant de terminer la tâche, l’écran devenait soudainement noir.
Un autre participant assis dans la salle (en fait un membre de l’équipe de
recherche), au lieu de quitter la pièce une fois la tâche terminée, venait en
aide et trouvait la solution en rebranchant l’écran. Étant donné que cela
évitait de réaliser à nouveau toute la tâche, le participant cible éprouvait de
la gratitude pour l’aide reçue. Ces participants constituaient le groupe
« gratitude ». Une partie des participants (le groupe contrôle neutre), ne
recevait pas d’aide et n’avait pas de problème d’écran. Enfin, un troisième
groupe de participants (le groupe contrôle émotion d’amusement) n’avait
pas de problème informatique et terminait la tâche en visionnant une vidéo
amusante.
Après cette expérimentation, le participant allait au secrétariat remplir
une fiche qui lui permettait d’obtenir des crédits en échange de la
participation à l’expérience. On lui conseillait de compléter la fiche dans la
salle d’attente. À ce moment-là, le participant complice de l’équipe de
recherche, venait dans la salle d’attente et accostait l’autre participant en lui
demandant s’il serait d’accord pour réaliser une autre tâche cognitive
laborieuse, d’une durée d’au moins trente minutes. Il était précisé qu’il
pouvait s’arrêter à tout moment, mais que s’il allait jusqu’au bout cela
rendrait vraiment service pour l’étude qu’il menait. Le participant complice
notait discrètement le temps passé à la tâche cognitive comme indicateur du
degré d’altruisme.
Les résultats de cette étude montrent que, comparativement aux
participants des groupes contrôles, les personnes qui avaient reçu de l’aide
passaient en moyenne 21 minutes sur la seconde tâche cognitive, alors que
celles du groupe contrôle même en condition d’amusement passaient
seulement 12 minutes sur la seconde tâche. Cela a permis de démontrer que
la gratitude était une émotion positive qui avait un effet unique sur les
comportements prosociaux.
Ainsi, les recherches ont permis de mettre en lumière les liens existant
entre gratitude, confiance, sentiment de proximité sociale et relations
constructives 119. L’expression de la gratitude apparaît comme
particulièrement déterminante dans l’augmentation du bien-être social, étant
donné qu’elle favorise la création et le maintien de relations positives. De
plus, sur le plan des actions concrètes, la gratitude favorise la mise en
œuvre de comportements altruistes : plus un individu se sent reconnaissant,
plus il a tendance à mettre en œuvre des comportements d’aide, non
seulement envers la personne à l’origine du sentiment de gratitude, mais
aussi envers une tierce personne. Cultiver la gratitude apparaît donc comme
un moyen efficace d’œuvrer pour un mieux-être individuel et collectif.
Comment favoriser l’expérience de la gratitude sans la réduire à un acte
de politesse qui risquerait d’en atténuer la portée ? Vous avez sans doute
déjà reçu des remerciements qui semblaient dénués de l’émotion de
gratitude. Cette expérience n’aura apporté les bienfaits de la gratitude ni à
l’émetteur du message (qui s’est sans doute senti obligé de dire merci donc
n’a pas bénéficié des effets d’une émotion positive) ni au récepteur de ce
message (qui ne se sera pas véritablement reconnu dans ses efforts).
En matière d’émotions, on ne peut se mentir à soi-même ni aux autres.
En effet, les recherches portant sur l’expression faciale des émotions et la
posture corporelle montrent que l’individu perçoit des signaux subtils
évocateurs des émotions d’autrui, même s’il tente de les dissimuler 120. De
même, si vous cherchez à améliorer votre bien-être au travers de pratiques
de gratitude sans éprouver réellement de la gratitude, cela n’aura pas les
effets escomptés sur le plan de la santé physique (vitalité, amélioration des
défenses immunitaires…) et de la santé mentale (réduction du stress, de
l’anxiété, des symptômes dépressifs). Ainsi, l’objectif des pratiques de
gratitude n’est pas tant de favoriser la politesse comme convention sociale,
mais plutôt d’augmenter l’expérience d’une émotion de gratitude.
TROISIÈME PARTIE

Et si nous cultivions
la gratitude ?

« C’est peut-être parce que j’ai vécu plus longtemps que la plupart des
gens que j’ai mieux appris à connaître ce sens de l’amour. Je ne crois
pas m’être réveillé un seul jour de ma vie sans contempler la nature
avec un émerveillement nouveau. Si on continue à travailler et à
s’imprégner de toute la beauté du monde, on se rend compte
qu’avancer en âge ne signifie pas nécessairement vieillir. »
Pablo CASALS 121.
CHAPITRE 6

Voyage au cœur de la gratitude

Dans le deuxième chapitre de cet ouvrage, nous avons détaillé les


conditions permettant d’éprouver de la gratitude. Il est possible d’agir sur
chacune de ces conditions dans le but de cultiver l’orientation
reconnaissante, cette attitude qui nous aide à percevoir davantage ce qui fait
que la vie vaut la peine d’être vécue. La première dimension sur laquelle
vous pouvez agir est la perception du don : prendre conscience de ce qui
dans notre quotidien peut être considéré comme un cadeau. Le simple fait
de percevoir une chose comme un cadeau, plutôt que de le considérer
comme allant de soi, génère des émotions agréables et augmente la
satisfaction que l’on a de notre vie.
Une deuxième condition permettant d’éprouver de la gratitude consiste
à prendre conscience de la valeur du don. Il ne s’agit pas de sa valeur
monétaire, mais de ce que le don représente pour vous et pour le donateur.
Imaginez que vous partiez en voyage en Bolivie et que vous vous trouviez
coincé dans un bus au milieu de nulle part pendant plusieurs heures, parce
que la route n’est plus praticable. Vous n’aviez pas pensé à prendre quelque
chose à manger dans votre sac et vous commencez à avoir très faim…
Quand votre voisin sort un bout de pain de son sac et vous tend un morceau.
Dans cette situation, j’ai personnellement éprouvé un sentiment de gratitude
intense en recevant ce présent qui avait pour moi une valeur inestimable.
La gratitude prend également source dans la prise de conscience de
l’intention du donateur. Imaginez que vous receviez un caillou d’un enfant
de 4 ans, vous serez peut-être touché par l’intention de l’enfant qui a voulu
vous faire un cadeau, même si le caillou n’est pas une pierre précieuse, ni
même un galet agréable au toucher, le geste apparaît comme étant plus
précieux que l’objet reçu. Parfois nous oublions de prendre conscience de
l’intention de certaines personnes que l’on côtoie régulièrement. Par
exemple, votre conjoint a acheté votre pain préféré avec l’intention de vous
faire plaisir. Mais, après tout, vous pouvez vous dire qu’il est normal
d’acheter du pain et que, tant qu’à faire, on peut en acheter un bon. Vous ne
portez pas attention à l’intention qui est derrière parce que l’action vous
semble aller de soi. C’est ainsi que l’on passe à côté de l’émotion de
gratitude et des bienfaits qui en découlent, notamment pour la relation de
couple. Le tableau 2 résume les bienfaits présentés au chapitre 5.
Tableau 2. Résumé des effets de la gratitude sur les trois dimensions du bien-être

Dimension Effets
Physique Réduction des symptômes physiques communs
Meilleure qualité du sommeil
Meilleures défenses immunitaires
Augmentation de la vitalité
Augmentation de la variabilité de la fréquence cardiaque
Psychologique Diminution de l’intensité de la symptomatologie dépressive et
suicidaire
Augmentation du degré d’émotions positives et de satisfaction de la
vie
Augmentation du bien-être psychologique : sentiment d’autonomie,
contrôle de son environnement, sens de la vie, acceptation de soi et
épanouissement personnel
Sociale Relations positives
Motivation et comportements prosociaux, altruisme
Motivation à améliorer les relations et résoudre les conflits
Sentiment de confiance, de proximité et de connexion sociale
Soutien social perçu

Mais si vous imaginez que votre conjoint a acheté le pain que vous
aimez parce qu’il sait que sinon vous n’allez pas être contente, alors vous
ne percevez pas la dimension gratuite du geste, ce qui entrave la gratitude.
L’une des origines étymologiques de la gratitude est le terme gratis qui
signifie « accordé par grâce », qui est également à l’origine du mot
« gratuit » : ce que l’on accorde sans y être obligé. Plus on perçoit la
gratuité du geste, plus cela augmente le sentiment de gratitude. Par
exemple, vous éprouvez sûrement de la gratitude lorsque vous recevez un
cadeau de votre conjoint pour votre anniversaire. Mais cela peut aussi vous
sembler « normal ». Il en va tout autrement lorsque votre conjoint rentre un
soir et vous rapporte un cadeau, juste comme cela, sans raison
« extérieure ».
S’il vous est difficile de percevoir la gratuité d’un geste, pensez qu’en
d’autres temps ou dans d’autres cultures il en va tout autrement. Tout ce que
l’on considère comme étant un dû nous empêche d’éprouver de la gratitude.
Si nous prenons la perspective de quelqu’un qui aurait un regard tout à fait
neuf sur la situation, cela nous aiderait à percevoir davantage la gratuité du
geste. Une collègue racontait ainsi comment la prise de conscience du fait
que les membres de sa famille étaient des personnes avant d’être des
parents ou un frère ou une sœur, l’avait aidée à voir les choses sous un autre
angle 122. Même si les parents ont fait le choix d’avoir des enfants et que
cela implique des devoirs, ils n’en ont pas moins des intentions
bienveillantes envers leurs enfants que l’on retrouve dans les petites
attentions du quotidien. Elles passent souvent inaperçues… En y repensant
aujourd’hui, peut-être peut-on prendre conscience de ces intentions et de ce
qu’elles suscitent en nous.

Choisir, initier et maintenir des pratiques


de gratitude au quotidien
Comme vous pouvez le constater, il existe de multiples manières de
développer l’orientation reconnaissante. Dans la section suivante, nous vous
présenterons les pratiques validées par les recherches, mais la conclusion
que l’on peut tirer des connaissances actuelles est qu’il s’avère surtout
efficace de choisir des pratiques qui vous conviennent, qui correspondent à
vos valeurs et qu’il est essentiel de les varier. Si vous pratiquez
constamment le même exercice, vous risquez d’en perdre les bénéfices en
raison de la disparition de l’effet de surprise que l’on cherche à éveiller
avec ces pratiques. Porter un regard neuf sur ce qui vous entoure permet
d’augmenter le sentiment de gratitude. Mais si vous commencez à noter
mécaniquement tous les soirs cinq choses pour lesquelles vous êtes
reconnaissant sans entrer dans les détails ni vivre pleinement l’expérience
(par exemple vous notez simplement : mes enfants, mon conjoint, la nature,
ma maison, mon travail), vous perdez les bénéfices de la découverte de
l’émotion que chacune de ces pensées peut procurer et pourquoi ces
personnes ou ces choses sont importantes pour vous.
L’idée à retenir est qu’il est utile d’instaurer dans votre quotidien des
pratiques régulières de manière à maintenir en éveil votre capacité à repérer
les aspects positifs de votre vie et la gratitude qu’ils suscitent, tout en
évitant de vous endormir dans une routine. Comment procéder ? Il s’agit de
faire de l’orientation reconnaissante une habitude, tout en variant la manière
de la pratiquer. Faisons le parallèle avec l’activité physique : si vous devez
chaque jour prendre la décision d’aller faire un footing, vous aurez mille et
une autres envies au moment de devoir vous habiller et sortir dans le froid
ou trouver la motivation alors que vous êtes un peu fatigué. À l’inverse, si
vous n’avez pas à vous poser la question, mais que vous savez qu’en
rentrant du travail vous allez d’emblée vous préparer à sortir de nouveau,
cela facilitera la mise en œuvre de l’activité.
La mise en œuvre d’une pratique sera également facilitée par l’intérêt
que vous y portez : si vous appréciez les découvertes que ces pratiques vous
permettent, vous aurez naturellement davantage envie de continuer. Parfois,
vous n’avez pas envie de pratiquer au moment prévu. Dans ce cas, vous
pouvez penser à ce que cela vous apportera une fois l’exercice réalisé, à la
compétence ou à la volonté que cela développe en pratiquant malgré les
freins rencontrés. Tant que la pratique a du sens pour vous, elle pourra vous
apporter des bénéfices. Par exemple, même si l’on n’éprouve pas un plaisir
extatique lorsqu’on doit réviser un contrôle, le fait de savoir qu’il servira à
obtenir un diplôme qui nous rapproche du métier que l’on souhaite faire,
nous encourage à fournir l’effort nécessaire à cette pratique répétitive.
Il existe différentes pratiques de gratitude que vous pouvez tester et
alterner dans le but de développer votre capacité à percevoir les éléments de
votre quotidien comme s’ils étaient nouveaux dans votre vie, comme s’ils
pouvaient disparaître du jour au lendemain et qu’il était temps de les
reconnaître et de les apprécier à leur juste valeur. Parmi ces pratiques,
certaines ont été validées par des recherches, tandis que d’autres sont des
propositions à adapter au quotidien, en fonction du contexte et de l’âge.
Certaines seront ainsi plus adaptées aux jeunes enfants, tandis que d’autres
conviendront mieux aux adolescents ou aux personnes plus âgées. Une
même activité n’apportera pas nécessairement les mêmes bénéfices à toute
personne. Cela dépendra de ses compétences, ses centres d’intérêt, ses
123
valeurs .
Michael Fordyce 124, l’un des pionniers des pratiques de développement
du bien-être scientifiquement validées, a mené pendant plus de trente ans
des programmes de psychologie positive à l’Edison Community College
dans l’Ohio, aux États-Unis. Il a notamment évalué 14 pratiques pour
développer le bien-être en demandant ensuite à chaque participant de noter
celles qui lui avaient été le plus bénéfiques. C’est alors qu’il a constaté qu’il
n’y avait pas un classement universel, mais une efficacité de chacune des
pratiques en fonction de différences telles que les buts recherchés par les
participants, certains étant plus orientés vers la recherche de plaisir, tandis
que d’autres sont plus centrés sur la recherche de sens dans l’action.
La particularité des pratiques de gratitude est qu’elles répondent à l’un
des besoins psychologiques considérés comme universels : le besoin de se
sentir proche de son groupe social 125. Ce type de pratiques devrait donc
pouvoir apporter des bénéfices à tout individu, pour peu que vous trouviez
le format, la fréquence et le moment qui vous conviennent le mieux. Pour
certains, il est plus efficace de pratiquer tous les jours pendant deux ou trois
semaines pour apporter un changement effectif dans le regard que l’on porte
sur soi et sur sa vie, tandis que, pour d’autres, il sera plus efficace de
réaliser une pratique par semaine pour garder l’effet de surprise en éveillant
l’attention par moments vers des choses positives sur lesquelles l’on a
oublié de s’attarder. Dans un premier temps, si l’on souhaite développer une
nouvelle habitude dans le regard que l’on porte sur l’expérience
quotidienne, il est préférable de pratiquer régulièrement. Mais, pour
certains, cela pourrait réduire la motivation et donc l’efficacité. Vous
comprendrez qu’il n’y a pas de recette miracle, mais plutôt un chemin à
construire en étant le plus possible lucide sur nos habitudes mentales et le
plus attentif possible à ce que les pratiques nous apportent.
En cela, il importe de prendre conscience de la « dose » qui vous
convient le mieux. Pour illustrer ce phénomène, Sonja Lyubomirsky,
professeure de psychologie à l’Université de Californie à Riverside,
chercheuse mondialement reconnue dans le champ de la psychologie
positive, avait demandé à des étudiants de réaliser cinq actes bienveillants
par semaine pendant six semaines, par exemple aider un ami à déménager,
rendre visite à une personne âgée, écrire une lettre de remerciements… À la
moitié des participants il était précisé qu’il fallait réaliser ces actions tous
dans une même journée, tandis qu’à l’autre moitié il était demandé de les
répartir sur la semaine. Avant et après les six semaines, les étudiants
devaient compléter un questionnaire en ligne mesurant leur bien-être. Les
résultats de cette étude ont mis en évidence qu’il était plus efficace de
réaliser les cinq actes de gentillesse au cours d’une même journée.
Comment comprendre ce résultat ?
126
Sonja Lyubomirsky et ses collaborateurs expliquent cela par le fait
que, sur une journée, effectuer un seul acte ne serait pas suffisant pour
modifier la perception que l’on a de soi et de son existence (se percevoir
comme une personne bienveillante, utile, appréciée, etc.). Ces mêmes
chercheurs ont ensuite examiné l’effet dose des pratiques de gratitude. Une
partie des étudiants devaient prendre le temps de repérer les choses pour
lesquelles ils étaient reconnaissants soit une fois par semaine, soit trois fois.
Les effets étaient plus importants pour ceux qui ne pratiquaient qu’une fois
par semaine.
Pour vous aider à penser à réaliser ces pratiques de gratitude, vous
pouvez vous appuyer sur des petits rappels. Par exemple, une participante
d’un groupe avait raconté qu’elle affichait des petits Post-it sur les placards
de la cuisine pour penser, au moment de choisir un aliment, à tout ce qui
avait permis que cet aliment se trouve dans la cuisine.
Le premier pas qui permet d’éprouver davantage de reconnaissance est
la capacité à identifier et prendre conscience de la chance que l’on a. Ce
sera l’objet des première et deuxième pratiques proposées dans ce chapitre :
le « journal de gratitude » et la « soustraction mentale ». Le deuxième pas
qui permet d’augmenter encore davantage l’émotion de gratitude consiste à
exprimer sa reconnaissance. Ce sera l’objet des troisième et quatrième
pratiques proposées dans ce chapitre : la « lettre de gratitude » et la « visite
de gratitude ». Si vous n’osez pas exprimer votre gratitude ouvertement,
vous pouvez lire la lettre à voix haute, cela engendrera déjà des effets
bénéfiques. Bien que l’expression de sa gratitude envers une autre personne
entraîne de nombreuses conséquences positives en termes de soutien social,
comme nous l’avons présenté en détail dans la deuxième partie de cet
ouvrage, le simple fait d’organiser sa pensée de telle sorte que l’on exprime
sa gratitude – ce qui est différent d’un sentiment diffus – permet de la
rendre plus consciente et de potentialiser par là l’émotion éprouvée.

Le journal de gratitude
Le journal de gratitude est l’une des pratiques les plus utilisées dans les
recherches sur l’orientation reconnaissante. Toutefois, il est à noter que la
psychologie positive ne prétend pas avoir « inventé » cet exercice. En effet,
de nombreuses personnes pratiquent à leur manière le journal de gratitude
par la prière, ou encore certains parents font spontanément ce type
d’exercice le soir en couchant leurs enfants, comme une sorte de bilan
positif de la journée pour s’endormir sur de belles pensées. Mon père, par
exemple, prenait un petit moment chaque soir, juste avant que je
m’endorme, pour remercier tous ceux qui avaient contribué à rendre cette
journée agréable et enthousiasmante. Il remerciait l’instituteur pour les
activités créatives qu’il nous proposait, mes amies qui étaient venues jouer
à la maison l’après-midi, notre voisine qui nous avait apporté des œufs tout
frais, mes grands frères qui avaient fait des jeux avec moi avant le
coucher… Tout cela contribuait à rendre plus visible l’importance d’autrui
dans les petits bonheurs du quotidien, ainsi que la chance de pouvoir
bénéficier de toutes ces petites attentions.
Pour formaliser ce type de pratique dans le cadre de protocoles de
recherche, le journal de gratitude est proposé comme une pratique à l’écrit,
avec la consigne suivante :
« Il y a beaucoup de choses dans nos vies, petites ou grandes, pour
lesquelles nous pouvons éprouver de la reconnaissance. Repensez à la
semaine qui vient de s’écouler et écrivez sur les lignes ci-dessous jusqu’à
cinq choses de votre vie pour lesquelles vous éprouvez de la gratitude ou de
la reconnaissance. »

Telle est la consigne du journal de gratitude dont l’efficacité a été


démontrée dans des études réalisées auprès de différents publics et sur des
durées variées. Pratiquer cet exercice une fois par semaine pendant dix
semaines entraîne des effets sur le bien-être et la réduction des symptômes
127
dépressifs jusqu’à six mois plus tard . D’autres recherches ont montré une
efficacité similaire pour une pratique réalisée tous les jours pendant deux
semaines. Ces pratiques ont d’abord été testées auprès d’étudiants, puis
d’adolescents, et plus récemment auprès d’enfants.
Avant de s’intéresser à l’écriture d’événements agréables, de nombreux
travaux se sont intéressés aux effets de l’écriture sur la gestion des
traumatismes. Ils ont mis en évidence les différences de degré d’intégration
des événements selon le procédé utilisé : écrire, parler ou penser à
l’événement. Écrire ou raconter un événement nécessite un degré
d’élaboration plus élevé que le simple fait d’y penser. Faites-en
l’expérience : pensez à une personne que vous appréciez particulièrement et
que vous n’avez pas vue depuis longtemps. Si vous y repensez rapidement,
vous pouvez voir une image, comme un flash (vous voyez son visage), une
émotion associée (la joie), peut-être une pensée du type : « Elle est
sympa ! », sans que la phrase soit vraiment construite dans votre tête, mais
vous avez perçu l’idée générale.
Maintenant, parlez de cette personne à un proche ou rédigez un
paragraphe sur cette personne, écrivez ce qui fait que vous l’appréciez.
Vous allez élaborer une pensée, créer une suite logique, chercher à en tirer
des conclusions, par exemple : « Je l’apprécie parce que c’est quelqu’un de
simple et de spontané, ça fait toujours du bien de parler avec elle. C’est rare
de rencontrer des personnes à qui l’on peut parler de tout sans se sentir jugé.
Ce serait bien si l’on pouvait se voir plus souvent. On pourrait essayer de se
fixer un rendez-vous mensuel, en l’écrivant dans l’agenda à l’avance, on
aurait plus de chances d’y parvenir. »
La structure du langage nous oblige à formaliser notre pensée, à
l’organiser, ce qui nous pousse à chercher le sens, tirer des conclusions, des
128
pistes d’action . Lorsqu’il s’agit simplement de savourer une expérience
vécue pour en faire perdurer la sensation, il convient de centrer le récit sur
une description de l’expérience et non sur l’analyse de la situation. La
consigne proposée est la suivante : « Décrivez votre expérience avec le plus
de détails possible, en précisant les émotions, sensations, pensées présentes
lors de l’événement agréable ; essayez de revivre l’expérience en détail
comme si vous y étiez 129. »
Pour augmenter le sentiment de gratitude, Robert Emmons 130 a
également montré qu’en ajoutant la notion de « cadeau », cela encourageait
l’individu à percevoir davantage les éléments positifs de son existence :
« Concentrez-vous un moment sur les bienfaits ou cadeaux reçus dans votre
vie. Par exemple, de simples plaisirs quotidiens, des personnes, vos talents,
des moments de beauté de la nature, ou des gestes de gentillesse venant des
autres. Nous ne les considérons peut-être pas comme des cadeaux
habituellement, mais aujourd’hui, réfléchissez-y dans cette perspective.
Prenez un moment pour vraiment les savourer, pensez à leur valeur, puis
notez-les ». Près de la moitié des cadeaux énumérés par les participants de
cette étude portaient sur des dimensions relationnelles ou spirituelles. Or
ces dimensions sont particulièrement reliées au bien-être durable, ce qui
confirme l’intérêt de ce type de pratique.
Le journal de Julie 1

Revivre l’expérience positive et savourer l’émotion de gratitude qu’elle


engendre constituent l’une des pratiques les plus validées dans le champ de
la psychologie positive 131. Toutefois, pour certaines personnes ou dans
certaines périodes, il peut être plus difficile d’éprouver de la gratitude
lorsqu’on repense à un événement. Deux moyens sont à votre disposition
pour vous aider dans ces moments. La première chose, c’est qu’il ne faut
pas nécessairement rechercher un événement agréable en soi. Dans les
consignes des pratiques, l’on utilise souvent le terme « positif » : notez trois
choses positives qui vous sont arrivées. Or vous avez peut-être l’impression
qu’il ne vous arrive rien de positif… et parfois effectivement les parcours
sont semés d’embûches ! Vous pouvez donc utiliser une autre formulation
qui consiste à passer en revue les événements « satisfaisants ». On entend
par satisfaisant le fait qu’on ait pu ressortir d’une situation en ayant
développé une nouvelle compétence ou en ayant compris de nouvelles
choses sur soi. En prenant le temps de repenser aux situations de la journée,
nous avons la possibilité de voir ce qu’elles nous ont apporté même si, sur
le moment, l’événement a été désagréable, voire difficile à vivre. On peut
alors éprouver de la gratitude pour ce que l’on a appris au travers de cette
situation.
Voici un petit exemple trivial qui vous est sans doute déjà arrivé. Nous
vivons à la montagne dans un petit village et, en cas d’intempéries, il n’est
pas rare que l’Internet se mette à dysfonctionner. Cela tombe bien sûr un
jour où j’avais décidé de travailler à la maison pour avancer de manière plus
efficace sur la rédaction de l’ouvrage, je ne peux donc pas consulter les
bases de données scientifiques en ligne… Après quelque temps d’attente au
téléphone, tentant vainement de contacter l’opérateur, je sens que
l’énervement commence à poindre le nez… et je commence à ruminer sur
cet appareil qui ne fonctionne jamais, sur cet opérateur qui ne répond
jamais, sur ce livre qui n’avancera jamais, etc. Puis, je raccroche le
téléphone et je me dis : comment faisait-on avant pour écrire un livre ? On
n’avait pas besoin de se connecter en permanence pour rechercher une
information. On peut aussi écrire certaines parties et laisser quelques
questions en suspens le temps d’accéder à l’article ressource.
Je me mis ainsi au travail et, sans surprise, cette journée fut beaucoup
plus productive qu’une journée où je passe mon temps à aller chercher une
information dans un article qui m’amène à deux autres articles, etc., et au
final je n’écris pas une seule ligne… J’ai donc éprouvé de la gratitude pour
cette panne que désormais je considère comme un cadeau. Loin de
l’invasion de la messagerie et loin des tentations de chercher toujours plus
d’informations, je peux enfin me concentrer.
Se réconcilier avec son passé
La gratitude est considérée comme une manière efficace de se réconcilier avec
son passé. À partir d’une expérience désagréable ou difficile, il s’agit d’identifier
les bénéfices que cela a pu vous apporter malgré tout. Sans nier les aspects qui
vous ont peut-être fait souffrir, essayez de repérer les cadeaux que cela a pu
apporter.
– Qu’avez-vous pu apprendre au travers de cette expérience ?
– Y a-t-il des éléments pour lesquels vous pouvez être reconnaissant aujourd’hui,
bien que sur le moment cela ait été difficile ?
– Quelles compétences avez-vous pu développer au travers de cette épreuve ?
– En quoi cette expérience vous a-t-elle permis de vous rapprocher davantage de
la vie que vous voudriez vraiment mener ? De vos valeurs ?

Cette stratégie est appelée réévaluation positive. Elle permet de faire le point sur
les événements du passé qui nous préoccupent encore aujourd’hui et nous aide à
donner du sens à notre expérience et de l’importance aux bénéfices que nous
pouvons en retirer aujourd’hui.

Dans le journal de gratitude, la consigne précise de noter « jusqu’à cinq


choses », mais il est préférable d’en noter une seule et de prendre le temps
de ressentir la gratitude pour cet événement, plutôt que de faire une liste de
cinq choses sans avoir le temps de se laisser imprégner par l’émotion. Au
cours d’une expérience 132, des participants étaient répartis en trois groupes.
Un premier groupe devait noter cinq phrases à propos d’éléments de leur
existence pour lesquels ils éprouvaient de la gratitude (une phrase par
élément), tandis qu’un autre groupe devait noter cinq phrases à propos
d’une même chose.
Voici un exemple du type de phrases du premier groupe : J’éprouve de
la gratitude envers : 1) mon ami qui m’a offert son sac à dos ; 2) mon père
qui est venu m’aider à réparer mon robinet ; 3) mon professeur qui m’a
conseillé pour mon orientation future ; 4) un passant qui m’a raconté une
blague ; 5) une vendeuse qui m’a rendu de la monnaie que j’avais donnée
en trop.
Voici un exemple du type de phrases du deuxième groupe : J’éprouve de
la gratitude envers : 1) mon ami qui m’a offert son sac à dos ; 2) c’est un
sac qu’il a depuis des années ; 3) en fait, je l’ai toujours connu avec ce sac
et il représente pour moi toutes les aventures que nous avons partagées ; 4)
pour moi ce geste représente un grand signe d’amitié ; 5) j’ai été vraiment
touché par ce cadeau qui me permet de me sentir toujours proche de mon
ami malgré qu’il habite loin maintenant.
Le dernier groupe devait noter cinq phrases exprimant l’impression
qu’ils s’en sortaient mieux que d’autres dans la vie. Par exemple : en
général, je réussis mieux aux examens que la plupart de mes camarades de
classe. Ces pratiques étaient réalisées une fois par semaine pendant dix
semaines consécutives. À la fin du programme, les participants du groupe
qui avaient noté cinq phrases décrivant un seul élément se déclaraient plus
heureux et moins fatigués que les individus des autres groupes. Ce qui
affecte le bien-être semble donc lié à la profondeur de ce que l’on peut
écrire, plutôt qu’à la quantité d’éléments rapportés de manière plus
superficielle.
Robert Emmons compare ainsi deux manières distinctes d’éprouver de
la gratitude envers sa femme : « J’éprouve de la gratitude envers ma
femme » ou « j’éprouve de la gratitude envers ma femme (notamment) pour
les 2 400 repas de midi qu’elle m’a préparés depuis que l’on est mariés 133. »
Plus on reste dans des termes génériques, plus on se rapproche de
platitudes. À l’inverse, lorsqu’on prend le temps d’identifier précisément ce
pour quoi l’on se sent reconnaissant, cela augmente l’intensité de l’émotion
et cela réduit le risque de lassitude dans la pratique du journal de gratitude.
Si l’on pense à quelque chose d’original chaque jour, cela facilite les prises
de conscience et permet de nouvelles découvertes. On peut se surprendre
soi-même en cherchant à décrire précisément ce pour quoi l’on est
reconnaissant. La surprise réduit la tendance à considérer que ces choses
sont normales ou banales : il est attendu qu’un parent fasse à manger pour
ses enfants, cela peut pourtant susciter de la gratitude.

Le journal de Julie 2

L’efficacité du journal de gratitude sur le développement du bien-être


physique et psychologique peut être augmentée lorsque les participants
expliquent ce qui rend l’événement positif pour eux. À l’inverse, l’effet de
cette pratique est réduit lorsqu’on demande de rédiger l’événement positif
en détail, car en expliquant l’événement, l’individu a tendance à rationaliser
la situation. La phrase : « Je suis reconnaissant, car j’ai obtenu une
promotion » génère des émotions positives. Je peux détailler en quoi cette
promotion représente quelque chose d’important pour moi, en termes
d’accomplissement, de reconnaissance, de possibilités pour subvenir aux
besoins de la famille. Par exemple : « Cela me permettra de faire moins
d’heures supplémentaires et ainsi de passer plus de temps avec ma
famille. » Évoquer ce bénéfice a pour effet d’augmenter le sentiment de
gratitude.
Si la première phrase était suivie d’une description détaillée visant à
expliquer pourquoi l’événement s’était produit, cela pourrait atténuer l’effet
de la pratique, car l’individu pourrait être amené à considérer que ce qui
s’est produit (ici la promotion) est normal et donc ne mérite pas de
gratitude. Par exemple : « J’ai travaillé dur pendant huit ans et j’ai enfin osé
demander à mon responsable de pouvoir encadrer une équipe. Au bout de
plusieurs mois, il m’a enfin annoncé la nouvelle, ç’aurait été le comble si je
ne l’avais pas obtenu ! » Il convient donc de distinguer la description
détaillée de la raison pour laquelle l’événement nous procure un sentiment
de gratitude (ce qui augmente l’intensité de la gratitude) de la description
détaillée de la cause de l’événement survenu (ce qui réduirait l’intensité de
l’expérience).
Enfin, une dernière précaution que l’on peut prendre lors de ce type de
pratique, c’est d’éviter d’écrire régulièrement la même chose sous la même
forme. En effet, un étudiant faisait part récemment de son engouement pour
la pratique du journal de gratitude au cours de la première semaine
d’exercices. Dans le cadre du programme de psychologie positive que nous
avions proposé, le journal de gratitude était seulement proposé pour une
semaine, suivi d’autres pratiques les semaines suivantes. Au vu des
découvertes que lui avait permises cette pratique, l’étudiant avait souhaité
poursuivre la semaine suivante. Il revint très déçu de cette seconde semaine
de journal de gratitude : « La première semaine, cette pratique m’a
beaucoup apporté. Je sentais qu’au cours de la journée je prêtais plus
attention aux petites choses qui me faisaient du bien. Pour renforcer cette
orientation de l’attention, j’ai pensé qu’il était utile de continuer pour que
cette habitude perdure. Mais j’ai découvert un autre effet. En prenant du
recul, j’ai remarqué que c’était souvent les mêmes choses que j’écrivais. Par
exemple, comme j’ai passé mon permis moto, j’éprouve des sensations
intenses de liberté quand je conduis. Alors, chaque soir, j’ai noté cela sur
mon journal. Il y a aussi le fait de partager un moment avec mes
colocataires en début de soirée. Mais le fait de prendre conscience de
l’aspect répétitif et ritualisé de ces dimensions positives du quotidien m’a
laissé une sensation de malaise. Le journal de gratitude a même commencé
à m’irriter, parce qu’il me rappelait cette routine. J’ai conscience d’avoir
besoin de plus de sensations fortes et de choses exceptionnelles dans ma vie
que d’autres personnes, mais je voulais quand même vous faire part de cette
expérience. »
Ce témoignage révèle à la fois l’importance de prendre le temps de
noter quelque chose de nouveau chaque jour, ou même s’il s’agit d’une
même chose, de tenter de la redécouvrir sous un angle nouveau. D’autre
part, cette expérience met en lumière des différences entre les personnes,
certaines ayant besoin de plus de sensations fortes dans leur quotidien,
tandis que d’autres se sentent plus à l’aise avec une forme de routine. Il
convient donc de prendre en compte ces spécificités au moment de proposer
des pratiques, en alternant davantage différentes pratiques pour des
individus ayant un besoin plus élevé de nouveauté. Toutefois, les pratiques
de psychologie positive visent à apprendre à apprécier l’existence dans sa
simplicité, sans aller chercher des expériences particulièrement intenses. En
effet, l’intensité des émotions positives n’est pas associée à un bien-être
supérieur. C’est plutôt la fréquence d’émotions positives d’intensité
modérée qui semble être liée au bien-être durable.
Quelques astuces pour le journal de gratitude
Lorsque vous pratiquez le journal de gratitude régulièrement, vous risquez d’en
faire un automatisme, perdant ainsi les bénéfices de l’effet de surprise et du
changement de perspective. Voici quelques astuces pour maintenir un haut
niveau d’engagement dans la pratique et éviter la lassitude.
1. Inclure la dimension de l’inattendu : de quelles surprises avez-vous pu
bénéficier ?
2. Détaillez la description de ce pour quoi vous éprouvez de la gratitude plutôt
que de détailler pourquoi vous avez reçu ce bénéfice.
3. Imaginez ce qui aurait pu se produire de difficile dans votre journée et qui s’est
bien passé : y avait-il des choses que vous craigniez et qui finalement se sont
bien passées ?
4. Pensez à tout ce qui constitue votre quotidien, et parmi ces différentes choses,
identifiez celles que vous avez l’habitude de considérer comme un dû, puis
changez de perspective : considérez-les comme une chance, comme un cadeau.
5. Repérez également ce que des personnes ont fait pour aider vos proches, cela
peut aussi vous procurer un sentiment de gratitude.
6. Notez des choses différentes chaque jour ou des aspects différents d’une
même expérience.
Au bout de quelques semaines de pratique, vous aurez aussi peut-être envie de
faire part de certaines de ces découvertes à vos proches. Cela pourra les aider en
retour à découvrir de nouvelles dimensions dans leur quotidien.

Une autre méthode efficace pour cultiver la gratitude avait été


préconisée par le philosophe Arthur Schopenhauer 134. Elle consiste à
imaginer l’absence de certaines composantes de notre vie, par exemple :
comment serait ma vie si je n’avais pas rencontré mon conjoint ? ou obtenu
ce poste ? ou si je n’habitais pas cet endroit ? Cette technique a été nommée
« soustraction mentale ».
La soustraction mentale d’éléments
satisfaisants
Minkyung Koo, de l’Université de Virginie, a rapporté une étude menée
avec ses collaborateurs au cours de laquelle ils ont demandé à un groupe
d’étudiants de penser à une situation pour laquelle ils éprouvaient de la
gratitude 135. Puis, soit ils devaient écrire en quoi cette situation faisait
aujourd’hui partie intégrante de leur vie (condition de présence), soit
comment cette situation aurait pu ne pas survenir (condition d’absence).
Après cet exercice, les participants devaient indiquer leur état émotionnel
en répondant à un questionnaire. Ceux qui ont pris le temps de noter en quoi
cet événement aurait pu ne pas se produire rapportaient un état affectif plus
positif que l’autre groupe. C’est ce que les chercheurs ont appelé l’effet
d’absence : examiner ce que la vie serait sans cette situation ou cette
personne rend plus saillante l’importance de cet événement ou de cette
personne.
Il y a quelque temps, un ami me disait qu’il ne souhaitait pas se marier
avec sa compagne, car pour lui l’une des conditions essentielles qui
permettraient aux couples d’être heureux de manière durable consisterait à
prendre conscience chaque jour de la chance que l’on a d’être ensemble.
Vivre ensemble ne doit pas devenir quelque chose qui va de soi, sans quoi
on risque d’oublier de savourer les instants partagés, on passe à côté de la
reconnaissance pour la présence de l’autre. Pour lui, une fois qu’on est
marié, l’obligation de rester ensemble devient plus prégnante et réduirait la
gratitude que l’on éprouve à l’endroit de son conjoint pour le simple fait
d’accepter de vivre sous un même toit, malgré les tempêtes ou la routine.
Imaginer que votre conjoint ou l’un de vos amis n’est plus là rend plus
saillant ce pourquoi vous l’appréciez, ce qui vous procure un sentiment de
gratitude.
C’est ainsi qu’un soir une amie vint à la maison accablée par une triste
nouvelle : « Je viens de voir Léna et lorsque je lui ai demandé comment se
passait son entrée dans la retraite elle m’a dit que son mari venait de
décéder… » Mon conjoint et moi-même avons été très affectés par cette
nouvelle, nous avons repensé à toutes les qualités de Rémy, à tous les
projets qu’ils avaient prévu de faire enfin en arrivant l’âge de la retraite…
Le lendemain, nous avons découvert qu’il s’agissait d’un malentendu :
Rémy était en pleine forme et travaillait dans son jardin ! Quelle joie, quel
soulagement ! Ce sentiment de légèreté dura plusieurs jours. Régulièrement
lorsque l’image de Rémy revenait en pensée, je me disais : « Quelle chance
qu’il soit vivant ! » Nous nous sommes promis de l’inviter plus souvent
pour ne pas passer à côté de ce temps partagé.
L’effet de la soustraction mentale d’un événement ou d’une situation
positive augmente les chances de pouvoir profiter pleinement de l’instant et
de se laisser surprendre. Une participante d’un groupe de psychologie
positive décrivait ainsi que lorsque son conjoint rentrait plus tôt que prévu,
cela lui procurait un effet de surprise qui entraînait une grande joie et une
série d’interactions positives comme si un invité venait à la maison. Mélina
raconte : « Je l’accueille avec beaucoup d’enthousiasme comme si je ne
l’avais pas vu depuis longtemps, je lui propose à boire, je lui demande ce
qui l’amène, etc. Il en va tout autrement lorsqu’il revient en retard… ! » Si
elle prenait quelques instants pour imaginer qu’elle rentre le soir avec les
enfants et que personne d’autre ne rentre ensuite, cela augmenterait la
conscience de l’importance de son conjoint et lorsqu’il ouvrirait la porte
(même en retard !), l’accueil serait bien plus chaleureux. C’est grâce à
l’effet de surprise que génère la soustraction mentale d’un événement.
Dans l’étude de Minkyung Koo précédemment citée, il était demandé
aux participants de noter à quel point l’événement qu’ils avaient décrit était
surprenant : ceux qui avaient noté en quoi cet événement aurait pu ne pas
survenir rapportaient un effet de surprise beaucoup plus fort que l’autre
groupe qui avait décrit comment cet événement faisait aujourd’hui partie
intégrante de leur quotidien. D’autres travaux ont montré à quel point la
136
surprise augmentait les réactions affectives . Si vous faites partie des
personnes qui ont plus de difficultés à percevoir leurs émotions, vous
pouvez donc tenter l’expérience de l’effet de surprise. Il s’agit d’une forme
de comparaison entre le soi actuel et le soi possible (comment serait ma vie
en l’absence d’une bonne santé…).
Il est rare que les personnes pratiquent spontanément ce type d’exercice
mental en pensant à un événement positif. En général, on a plutôt tendance
à le faire lorsque la situation ne nous convient pas : « Si seulement j’avais
fait plus attention à ma santé… » On pourrait aussi profiter d’être en bonne
forme physique pour se demander : « Comment serait ma vie si je n’étais
pas en si bonne forme ? » Cela accroît la reconnaissance que l’on peut avoir
pour sa santé. Si je vous propose d’expérimenter l’effet d’absence par la
soustraction mentale, vous allez sans doute avoir l’impression que cela ne
vous aiderait pas à augmenter votre bien-être.
C’est ce que montre une autre étude de Minkyung Koo et ses collègues
réalisée auprès de couples étant ensemble depuis au moins cinq ans 137. La
moitié des participants tirés au sort devait écrire pendant un quart d’heure
leur première rencontre en détail, tandis que l’autre moitié devait écrire
comment ils auraient pu ne jamais se rencontrer. Avant cette pratique, il
était demandé aux participants de chacun des groupes de dire s’ils pensaient
que cet exercice améliorerait ou réduirait leur satisfaction conjugale et leur
degré de bien-être. La majorité des participants a pensé que le fait de
décrire comment ils avaient rencontré leur conjoint améliorerait leur bien-
être et la satisfaction par rapport à leur relation, tandis que les participants
dans la condition d’absence pensaient que cette pratique réduirait leur bien-
être. Or, une fois les pratiques réalisées, l’effet inverse fut observé : ceux
qui étaient en condition d’absence rapportaient un degré plus élevé de bien-
être et de satisfaction conjugale que l’autre groupe.
Le journal de gratitude est une pratique souvent appréciée, qui demande
moins d’efforts que d’autres exercices. Toutefois, l’effort fourni est aussi un
facteur d’augmentation de la satisfaction. Comparez la différence de
satisfaction entre celui qui gravit une montagne à pied et celui qui monte en
téléphérique. La vue est la même, mais l’expérience est tout autre. Il existe
donc d’autres pratiques de gratitude efficaces qui paraissent plus difficiles à
réaliser pour certains. Il s’agit de la lettre et de la visite de gratitude.

La lettre de gratitude
Prenez un moment pour passer en revue votre vie et repenser à des
personnes qui sont encore vivantes et qui vous ont aidé ou ont contribué à
faire de vous ce que vous êtes aujourd’hui. Il y a parfois des personnes que
l’on n’a pas pu remercier pour ce qu’elles ont fait. Par exemple, votre
instituteur, votre marraine, une famille voisine quand vous étiez enfant…
Repensez à ce que cette personne vous a apporté, par ce qu’elle a fait ou par
ce qu’elle a été ou ce qu’elle représente pour vous. Si cela suscite de la
gratitude en vous, prenez le temps d’écrire une lettre à cette personne, en
détaillant ce qu’elle vous a apporté de manière concrète.
Les effets de cette pratique sont supérieurs à ceux du journal de
gratitude 138, notamment parce que l’on est amené à détailler davantage ce
pour quoi l’on éprouve de la gratitude et parce que l’on y ajoute une
dimension de partage social. De plus, on observe un effet cumulatif
lorsqu’on écrit plusieurs lettres de gratitude. Dans une étude menée par
Toepfer et Walker (2009), il était proposé à des étudiants de rédiger jusqu’à
trois lettres par semaine pendant huit semaines (environ 10-15 minutes par
lettre). Il s’agissait d’éviter les lettres triviales ou conventionnelles (par
exemple dire merci pour un cadeau d’anniversaire). Après l’écriture de
chaque lettre, les participants devaient répondre à un questionnaire
mesurant le degré d’émotions agréables : celles-ci augmentaient de plus en
plus, et trois quarts des participants ont souhaité poursuivre ce type de
pratique.
Lors d’une seconde étude, les chercheurs ont identifié les effets de cette
pratique sur la réduction de symptômes physiques communs et de
139
symptômes dépressifs . Dans la deuxième partie du présent ouvrage (ici)
sont précisés les mécanismes qui permettent de comprendre l’impact de la
gratitude sur le bien-être, mais le langage joue un rôle supplémentaire en
remaniant notre façon de voir la réalité : plus les individus utilisent un
vocabulaire de gratitude (cadeau, bénédiction, chance, inespéré, surprise,
etc.), plus ils développent une orientation reconnaissante. Ainsi, en
rédigeant des lettres de gratitude, ils modifient de manière durable leur
façon de considérer l’existence.

140
La lettre de gratitude
Fermez vos yeux. Laissez venir le visage d’une personne toujours en vie qui a dit
ou fait quelque chose qui a changé votre vie en mieux. Que ce soit un membre de
votre famille, un ami, un professeur, un manager, ou qui que ce soit, et qui n’a pas
pu recevoir l’expression complète de votre gratitude.
La pratique consiste à écrire une lettre de gratitude à cette personne. Celle-ci
devra être concrète et d’environ 300 mots. Soyez précis à propos de ce que cette
personne a fait pour vous (ou a été pour vous) et sur la manière dont cela vous a
affecté. Dites-lui ce que vous faites maintenant et comment vous vous souvenez
de ce qu’elle a fait pour vous.

Vous pouvez envoyer la lettre de gratitude ou vous pouvez l’apporter en


main propre. On parle alors d’une « visite de gratitude ». Pour certaines
personnes il est plus facile d’écrire et d’envoyer la lettre par courrier.
Pourtant, les témoignages des personnes qui ont lu la lettre à voix haute à
leur destinataire sont souvent très émouvants. Une de mes étudiantes,
éducatrice spécialisée en formation continue, habitant loin de sa mère, avait
fait le choix de lui lire la lettre de gratitude au téléphone. Après quelques
chaudes larmes partagées, sa mère lui a dit que c’était le plus beau cadeau
qu’elle avait reçu de sa vie. La relation qui jusque-là était restée tendue est
devenue depuis ce jour une relation très constructive, de partage et de
soutien, de bonne humeur et de confiance. L’étudiante a elle-même été
totalement surprise par l’effet de cette lettre, ce qui l’a encouragée à en
écrire une autre, puis une autre, avec des effets aussi surprenants que
positifs sur la qualité de la relation.
J’ai eu la chance de recevoir une de ces lettres de gratitude écrite par
une ancienne étudiante. En l’ouvrant j’ai d’abord souri, prenant conscience
du fait que j’étais en train de vivre ce que je propose aux autres de vivre.
Puis j’ai ressenti comment l’expression de gratitude peut toucher en
profondeur. De multiples émotions, d’intensité différente, se succèdent en
parcourant la lettre, à commencer par la joie qui s’accompagne tantôt d’un
sourire, tantôt de larmes, et en terminant par la gratitude d’avoir reçu cette
lettre qui a fait tellement de bien. Du bien, pourquoi ? Parce que le besoin
de se sentir utile aux autres et apprécié est universel.
C’est en détaillant par écrit ce qui suscite l’émotion de gratitude que
l’autre pourra se sentir reconnu et touché par cette lettre. Faites l’expérience
de la différence entre cette pratique et les habituels : « Merci pour tout ! » Si
vous n’avez pas le temps d’écrire la lettre au moment où vous y pensez,
vous pouvez prendre rendez-vous avec vous-même dans votre agenda pour
écrire cette lettre plutôt que d’envoyer un petit mail ou texto rapide pour
vous débarrasser du sentiment d’obligation de dire merci.

La visite de gratitude
Selon les cultures il peut être plus ou moins facile d’exprimer sa
gratitude ouvertement. Aux États-Unis, où une fête traditionnelle est
consacrée à la gratitude (Thanksgiving), il semble plus naturel de rendre
visite à un proche pour le remercier. En France, on rencontre plus de freins.
Parmi les groupes de psychologie positive que nous avons animés à
l’université, les participants ont beaucoup apprécié l’exercice de la lettre de
gratitude, mais seule une personne sur dix a osé apporter ou lire la lettre au
destinataire.
Y a-t-il un intérêt à porter la lettre ou peut-on se contenter de l’écrire ?
Des recherches ont montré que le simple fait d’écrire la lettre augmentait
déjà le sentiment de connexion sociale et le bien-être de l’individu ayant
écrit la lettre. Toutefois, le corpus de connaissances en psychologie laisse
penser que le fait d’engager un acte de remerciement aurait des effets
distincts du simple sentiment de gratitude. On constate par exemple, que
lorsqu’un individu reconnaissant ne peut l’exprimer au bienfaiteur, cela
provoque une tension interne qui réduit le degré de bien-être.
La « visite de gratitude » consiste tout d’abord à rédiger une « lettre de
gratitude », puis à la remettre en main propre à la personne concernée. Cette
pratique donne souvent lieu à des rencontres d’une grande intensité
émotionnelle, permet de renouer le contact avec des personnes perdues de
vue et augmente d’autant plus le sentiment de lien et de soutien social. Les
effets bénéfiques d’une visite de gratitude perdurent jusqu’à un mois plus
tard. Ainsi, avec une visite de gratitude par mois vous pouvez déjà cultiver
votre bien-être !
Toutefois, pour certaines personnes cet exercice peut paraître
inconfortable. Il est possible de modifier la pratique en envoyant la lettre
plutôt que de se déplacer pour lire la lettre en personne. Une étude a montré
que, sur une population d’étudiants, les effets étaient aussi bénéfiques
lorsqu’ils envoyaient une lettre par courrier, par e-mail ou s’ils l’apportaient
lors d’une visite de gratitude 141. Cette recherche a également mis en
évidence que le fait d’apporter la lettre en main propre apportait plus de
bénéfices aux personnes extraverties. En effet, les individus plus introvertis
se sentent moins à l’aise dans cette situation, ce qui peut réduire les
bienfaits de cette pratique.

Pourquoi faut-il varier les plaisirs ?


Une synthèse regroupant les résultats des interventions en psychologie
positive publiées a été réalisée dans le but de déterminer ce qui fonctionnait
142
le mieux . La conclusion de cette analyse est qu’il s’avère plus efficace de
varier les pratiques pour maintenir un degré élevé de bien-être afin de
contrecarrer le phénomène d’adaptation hédonique qui consiste à revenir à
un même degré de bien-être même après un événement particulièrement
positif.
En effet, nombreuses sont les recherches qui mettent en avant
l’étonnante capacité de l’être humain à s’adapter aux circonstances
durables, qu’elles soient positives ou négatives. On constate notamment une
tendance à revenir rapidement au niveau de bien-être précédant
143
l’événement . L’étude la plus souvent citée est celle de Philip Brickman,
144
de l’Université du Michigan, avec ses collaborateurs , réalisée auprès de
gagnants à la loterie. Ces personnes ont été suivies pendant dix-huit mois
après le gain afin de comparer les modifications de degré de bien-être avec
des individus tout-venant. Contrairement aux croyances de sens commun
(« si je gagnais au loto je serais plus heureux »), on constate que ces
personnes n’étaient pas plus heureuses que des individus qui n’avaient pas
gagné : après un pic d’émotions positives, elles retrouvaient leur niveau de
base.
Une autre étude, portant sur le mariage, a présenté des résultats
similaires : suite à une hausse initiale du niveau de bonheur, les couples
suivis avaient retrouvé leur niveau de bien-être antérieur, au bout de deux
années en moyenne 145. En ce qui concerne des événements moins
importants, on observe une courbe similaire. Par exemple, si l’on effectue
des remarques positives à une personne pendant cinq jours de suite,
l’augmentation momentanée du bien-être subjectif se dissipe de manière
146
quasi linéaire en l’espace de deux semaines . Cela illustre le phénomène
d’adaptation hédonique : il est difficile de conserver l’état de bonheur ou de
faire durer l’intensité d’un bien-être à partir du moment où il devient
routinier.
Toutefois, focaliser davantage l’attention sur les éléments satisfaisants
de sa vie comme si chaque bienfait n’était pas un acquis, mais un cadeau ou
une surprise, permettrait de contrecarrer l’adaptation hédoniste. Dans le
prochain chapitre seront présentées d’autres pratiques permettant de cultiver
l’orientation reconnaissante tout en variant les plaisirs. Vous pouvez
également inventer vous-même de nouvelles formes d’entraînement à
l’orientation reconnaissante et les partager ! Lorsque vous réalisez des
pratiques de gratitude, réservez un petit temps de pause juste après. Un
temps d’accueil de vos sensations, vos émotions, vos pensées. Faites le
point sur l’état dans lequel vous êtes, juste à ce moment-là. Christophe
André parle d’un temps de recueillement : « Se recueillir, c’est se recentrer,
147
se réhabiter, reprendre contact avec soi-même . » Avant et après chaque
pratique, accordez-vous ce temps de contact avec vous-même, il est très
précieux.
CHAPITRE 7

Pratiquer jour après jour

Nombre d’entre vous l’auront reconnu, le titre de ce chapitre fait écho


au livre de Christophe André, psychiatre, pionnier du développement de la
pleine conscience en France : Méditer jour après jour. Dans cet ouvrage qui
décrit avec finesse, clarté et justesse les multiples facettes de la pratique de
la méditation en pleine conscience, il s’étonne ainsi : « D’où nous vient
donc cette tendance à croire que nous sommes les maîtres de notre esprit ?
Comme si notre cerveau, à la différence de nos muscles, n’avait pas besoin
d’entraînement, et ne pouvait être développé 148 ! » Il en va de même pour le
développement de l’orientation reconnaissante. Si vous cherchez à modifier
votre attitude, cela implique un entraînement. Il peut également être utile de
s’appuyer sur des partenaires qui pratiquent avec vous ou qui partagent
leurs expériences.
Certains ont par exemple créé un blog avec des amis sur lequel ils
postent des phrases correspondant à ce pour quoi ils éprouvent de la
gratitude. Une étudiante me disait ainsi : « En voyant ce que les autres
postent ça m’ouvre de nouveaux horizons ; il y a tellement de choses pour
lesquelles l’on peut être reconnaissant auxquelles je n’avais jamais pensé.
Et puis, en regardant ce que les autres écrivent, j’ai les larmes aux yeux
comme si c’était moi qui éprouvais de la gratitude. »
Des participants me demandent parfois comment trouver des partenaires
de gratitude. Pensez à vos amis ou vos collègues que vous voyez
régulièrement ou de temps en temps et avec qui vous échangez sur toutes
les difficultés rencontrées, les problèmes de santé, les disputes de couple,
les collègues qui vous mettent des bâtons dans les roues, les enfants qui
n’écoutent rien et ne disent jamais merci… ! Choisissez ces mêmes
personnes et proposez leur un défi : le défi de changer de sujet de
conversation. Vous pouvez proposer de partager ce pour quoi vous avez
éprouvé de la gratitude parmi toutes les choses qui se sont produites cette
semaine. Les membres de la famille constituent également des partenaires
de gratitude idéaux. Voici quelques exemples de pratiques à partager en
famille.

Pratiquer en famille

Les surprises des sens


Pour développer la gratitude en famille, on peut proposer le soir au
moment du repas un tour de table sur les surprises des cinq sens. Qu’est-ce
que chacun a observé et apprécié au cours de sa journée ? Chacune de ces
expériences peut susciter de la reconnaissance. Par exemple pour les
personnes qui ont préparé le repas, pour les amis qui nous font rire, pour les
personnes qui confectionnent des vêtements agréables, pour les parfums de
la nature. On peut proposer l’exercice sous forme de questions que l’on
pose tour à tour, soit chaque membre de la famille répond à toutes les
questions, soit chacun pose une question à celui qui se trouve sur sa gauche.
Dans ce cas, chacun raconte une expérience positive de l’un de ses cinq
sens.
Aujourd’hui :
Qu’as-tu entendu qui t’a fait sourire ?
Quel goût as-tu le plus apprécié parmi tous les aliments que tu as
mangés ?
Qu’as-tu vu de nouveau sur le chemin de l’école ?
Qu’as-tu touché d’agréable ou qu’as-tu découvert comme nouvelle
texture ?
Qu’as-tu senti comme parfum agréable ou original ou que tu n’avais pas
senti depuis longtemps ?
Par le biais de ce type de questions, on oriente progressivement
l’attention vers les aspects de la vie quotidienne qui tendent à passer
inaperçus. Pour s’entraîner davantage à développer cet esprit de découverte,
on peut s’exercer dès le matin. Au départ, ce n’est pas facile, car pour
beaucoup personnes le lever est le moment où l’on doit se dépêcher, penser
à tout ce qu’il ne faut pas oublier pour soi et pour les enfants ; c’est le
moment où l’anxiété par rapport à ce qui va se dérouler au cours de la
journée commence à poindre son nez. Au lieu de se laisser envahir par
celle-ci, il est possible d’orienter son attention vers les autres aspects qui
font que la vie vaut la peine d’être vécue. Même en ville, on entend le chant
des oiseaux le matin… Parfois, on peut déjà sentir l’odeur du pain grillé, du
thé ou du café… On entend le bruit de l’eau qui coule dans la douche…
Nous recevons déjà de multiples informations par les cinq sens qui peuvent
nous rappeler les bonnes choses de la vie, comme les petits déjeuners ! Les
personnes qui pratiquent le journal de gratitude le matin en se levant
racontent que cela leur donne l’envie et l’énergie de se lever et les met de
bonne humeur pour toute la journée. Pour faire écho à l’expression « se
lever du bon pied », on pourrait dire : « se lever avec la bonne orientation ».
Il est généralement plus efficace de réserver des plages horaires dédiées
à des pratiques de ce type, tout en restant créatif et en diversifiant les
approches. Ainsi, si vous avez pratiqué le tour de table en fin de journée
pendant trois semaines, vous pouvez changer pendant quelque temps pour
essayer le matin au petit déjeuner. Qui éprouve déjà de la gratitude au petit
déjeuner ? Sur quoi peut-on porter l’attention pour éprouver de la gratitude
dès le réveil ? Pour vous aider, un autre exercice peut être utilisé qui
consiste à observer un objet et à retracer tout le parcours qu’il a suivi avant
d’arriver dans votre maison.

D’où vient cet objet ?


Choisissez un objet du quotidien comme un crayon, un pull, des lunettes
ou un sac, et demandez-vous d’où vient cet objet (Elias, 2014). Comment
est-il arrivé là ? Prenez par exemple une feuille de papier et imaginez tout
ce qui a permis à cette feuille de papier de se retrouver entre vos mains. Les
arbres, les ouvriers de l’usine… Et cette belle tomate, qui l’a plantée ?
Combien de fois a-t-elle été arrosée pour mûrir ainsi ? Et ce vêtement que
vous portez, etc. Vous pouvez en faire un jeu en famille, en choisissant à
tour de rôle un objet de la maison et en essayant de remonter toute la
chaîne. Vous entraîner à visualiser en détail toutes les étapes, les personnes
impliquées dans la fabrication, peut augmenter le sentiment de gratitude
pour le travail effectué, pour les cadeaux de la nature, pour la chance
d’avoir cet objet chez soi. Les enfants peuvent utiliser leur imagination,
Internet, les livres…
Nombre de parents se plaignent du fait que les enfants considèrent que
tout leur est dû. En augmentant la conscience de toutes les étapes et les
personnes qui nous facilitent le quotidien, les enfants pourront également
développer un autre regard sur ce qu’ils ont. Retracer l’histoire d’objets
communs, qu’ils voient quotidiennement, leur permet d’apprécier ce qui est
à leur disposition, et ainsi reconnaître le travail de ceux qui ont rendu cela
possible. Cela contribue au développement de l’orientation reconnaissante
au même titre que le journal de gratitude.
Vous pouvez également remonter la chaîne des causes à effets qui vous
ont mené jusqu’à un but que vous avez accompli dans votre vie. Par
exemple, quelle suite d’événements, quelles rencontres, quelles lectures
sont à l’origine de ce travail que vous aimez ? Souvent, nous ne prenons
même pas conscience de ce qui nous a inspiré, car il s’agit de choses ou de
personnes auxquelles nous sommes tellement habitué que nous ne nous
rendons pas compte de leur impact déterminant sur notre parcours de vie.
Paul Valéry écrivait : « N’oublie pas que tout esprit est façonné par les
expériences les plus banales. Dire qu’un fait est banal, c’est dire qu’il est de
ceux qui ont le plus concouru à la formation de tes idées essentielles. »

Variantes du journal de gratitude pour


la famille
Comme précisé dans la première partie de l’ouvrage, quatre dimensions
de l’orientation reconnaissante ont été identifiées. Il est possible de
travailler sur chacune de ces dimensions spécifiquement. On pourrait parler
du « DÉFI » de la gratitude 149. Il s’agit de travailler sur la Densité,
l’Étendue, la Fréquence et l’Intensité de la gratitude. Par exemple, remonter
toute la chaîne d’actions ayant permis à un objet d’arriver jusqu’à vous
favorise le développement de la gratitude envers un plus grand nombre de
personnes (densité). L’exercice des cinq sens permet de développer de la
gratitude envers un plus grand nombre de choses (étendue). Éprouver de la
gratitude à différents moments de la journée permet d’augmenter la
fréquence à laquelle on fait l’expérience de cette émotion. Il existe une
autre forme de pratique qui permet de travailler sur l’intensité de l’émotion
de gratitude et consiste à noter trois choses pour lesquelles on éprouve de la
gratitude d’une intensité faible, modérée et importante :
une qui engendre un sentiment de gratitude de faible intensité, par
exemple le fait que je tienne une tasse bien chaude entre mes mains en
ce moment ;
une qui génère un sentiment de gratitude d’intensité moyenne, par
exemple le fait qu’une personne m’ait aidé à porter mes courses jusqu’à
la voiture ;
une qui inspire un sentiment de gratitude de forte intensité, par exemple
la chance d’avoir eu des enfants.
Cet exercice est inspiré de l’ouvrage de Carla Fry et Lisa Ferrari sur la
gratitude et la bienveillance 150. Petit à petit, si l’on prend le temps de noter
les détails de ce pourquoi on est reconnaissant, on apprend à connaître plus
finement ses émotions, à en repérer les nuances et ainsi observer plus
précisément ce qui se passe en soi au quotidien. Connaître les nuances de
ses émotions permet de les savourer davantage, chaque expérience suscitant
des particularités, des surprises, ce qui nous sort de la routine et aiguise le
regard que l’on porte sur soi et ce qui nous entoure.
Comme pour l’exercice physique, si l’on ne pratique plus pendant un
temps, l’orientation reconnaissante peut diminuer et on se laisse rattraper
par une vision plus pessimiste, par la mauvaise humeur du matin, par les
critiques envers les proches, etc. En prenant conscience de ce qui se passe
dans les échanges, il est possible de choisir : est-ce que je préfère continuer
à me focaliser sur ces aspects négatifs ou est-ce que je préfère prendre une
autre voie ?
Lorsqu’on pratique le journal de gratitude en famille, seuls ceux qui le
souhaitent participent. Il peut arriver que seulement les parents fassent ce
petit tour d’horizon des cinq sens ou bien juste d’une chose qui s’est passée
dans la journée pour laquelle ils se sentent reconnaissants, par exemple, la
reconnaissance envers leurs enfants qui ont si bien joué ensemble ou qui ont
aidé à mettre la table. Il est essentiel de se souvenir que les enfants
apprennent principalement par imitation, imprégnation du milieu. Plus le
milieu est empreint de gratitude, plus l’enfant aura de chances de
développer son orientation reconnaissante, même sans avoir pratiqué ce
type d’exercice.
Dans leur ouvrage, Carla Fry et Lisa Ferrari proposent d’autres
déclinaisons du journal de gratitude en famille. Par exemple, pour les plus
petits, les parents peuvent coller des photos de ce pour quoi ils sont
reconnaissants une fois par semaine et les enfants peuvent décorer le cahier
ce qui leur permet, à leur manière, d’accorder de l’importance à ce pourquoi
l’on est reconnaissant au quotidien. En grandissant, les enfants préféreront
faire leur propre cahier, il y aura juste à leur mettre du matériel à disposition
et à prévoir un temps chaque fin de semaine pour écrire, dessiner ou coller
des choses dans ce cahier. Chaque enfant pourra ensuite raconter aux autres
ce qu’il a mis de nouveau dans ce cahier pour la semaine écoulée.

Le calendrier de l’attention
Une autre pratique qui peut être réalisée avec les enfants consiste à
confectionner un calendrier mensuel (comme un calendrier de l’avent).
Chaque matin, les enfants peuvent ouvrir une fenêtre du calendrier
confectionné avec leurs propres dessins sur lesquels figurent des éléments
du quotidien qu’ils apprécient et auxquels chacun peut porter davantage
d’attention ce jour-là. Par exemple, les enfants auront dessiné dans une
fenêtre un oiseau, dans une autre un arbre, dans une troisième une pomme,
etc. Chaque jour, pendant un mois, il y aura donc une attention particulière
portée à l’un des objets ou animaux côtoyés au quotidien.
Une autre variante consiste à dessiner des éléments du quotidien que
l’on apprécie sur des cartes. Après avoir mélangé le jeu de cartes
confectionné, tous les matins chacun pioche une carte au moment du petit
déjeuner et l’affiche dans la cuisine. Le soir venu, au moment de partager le
repas, on peut réaliser un tour de table de ce que chacun a pu observer au
cours de sa journée concernant l’objet qui figurait sur sa carte. Ces
pratiques peuvent également être adaptées pour un usage dans les classes.

Développer la gratitude en classe


Le bien-être à l’école s’avère être un réel enjeu non seulement pour
l’épanouissement de l’enfant et la réussite scolaire, mais aussi pour
l’expérience des enseignants et le climat général de l’école. De récentes
recherches en psychologie cognitive et en neurosciences ont montré que
notre humeur affecte fortement la manière dont nous apprenons et dont
nous traitons l’information. Lorsqu’on est stressé, notre organisme produit
certaines hormones qui peuvent réduire nos capacités de résolution de
problèmes, tandis que les émotions positives telles que la joie et la gratitude
améliorent la prise en compte et le traitement des informations. Le bien-être
à l’école a donc des implications qui dépassent l’expérience des élèves et
des enseignants, il touche à la qualité des apprentissages et donc à la
réussite scolaire.
Comme pour les pratiques en famille, l’exercice « d’où vient cet
objet ? » est très apprécié par les élèves. À partir d’une feuille ou d’un stylo,
chacun peut imaginer toutes les personnes qui ont été impliquées dans la
conception, la fabrication, le transport et la vente de ce produit. Il est
également possible de proposer le journal de gratitude en fin de journée
pendant deux ou trois semaines dans la classe, soit à l’écrit pour les plus
grands, soit à l’oral dès la maternelle. Chacun est assis dans le cercle et peut
exprimer une chose pour laquelle il est reconnaissant aujourd’hui. Selon la
formulation utilisée dans notre étude pilote, il peut être proposé aux enfants
de dire : « Aujourd’hui je suis content parce que… et j’ai envie de dire
merci à… »
Le tableau de gratitude
Une autre pratique a été développée spécifiquement pour les classes : le
tableau de reconnaissance. Dans cet exercice, l’enseignant donne aux élèves
des Post-it et leur demande d’écrire sur chacun une chose pour laquelle ils
éprouvent de la gratitude. Ils peuvent ensuite aller les coller sur le tableau
de gratitude (grande feuille de papier ou tableau dans un endroit de la
classe). Ce tableau est divisé en plusieurs catégories comme par exemple :
personnes, événements, lieux, nourriture, réalisations, etc. L’élève place son
Post-it selon le thème qui y est abordé.
Exemples :
Nous avons eu la chance d’aller au zoo avec la classe aujourd’hui :
lieux.
Ce matin, ma maman m’a préparé mon petit déjeuner : personnes.
J’ai réussi mon contrôle de français : réalisations.
Ainsi, chaque jour, les élèves auront sous les yeux toutes les choses
pour lesquelles ils éprouvent de la gratitude. À la différence du journal de
gratitude, cette pratique possède une dimension groupale où l’élève partage
ce pourquoi il est reconnaissant et où il peut lire ce pour quoi les autres sont
reconnaissants ce qui peut aider à étendre le répertoire de gratitude de
l’élève.

La boîte de gratitude
Cet exercice est dans la même lignée que le tableau de gratitude.
L’enseignant donne des petits papiers aux élèves et chaque élève y inscrit ce
pour quoi il éprouve de la reconnaissance. L’élève dépose ensuite son
papier dans une boîte. Cet exercice peut se faire chaque jour, puis à la fin de
la semaine, l’enseignant ou les élèves ouvrent la boîte et lisent à haute voix
ce qui est écrit. Ce qui est noté sur les papiers peut être anonyme ou non,
selon le choix de l’élève. Des expériences ont montré que le tableau et la
boîte de reconnaissance sont des exercices qui améliorent le climat de
classe 151.
Au chapitre 2 de cet ouvrage, la critique de la génération « moi » a été
présentée comme ayant favorisé une prise de conscience de la tendance de
plus en plus marquée chez les jeunes de considérer les bénéfices de leur
quotidien comme allant de soi, ce qui les prive de l’émotion de gratitude.
En développant la gratitude à l’école, il serait possible de réduire cette
tendance ; c’est ce que semblent montrer les recherches effectuées dans les
établissements scolaires. Au cours d’une enquête réalisée auprès de jeunes
152
de 10 à 14 ans , après avoir demandé ce qu’ils souhaitaient changer dans
la société actuelle et à quoi ressemblerait leur monde idéal, la question
suivante était posée : « Alors que fais-tu concrètement ? » Voici l’une des
réponses d’un jeune classé parmi les 15 % les plus reconnaissants :
« J’essaie de mon mieux d’être ouvert d’esprit pour trouver de nouvelles
façons d’améliorer les choses. » Par contraste, voici la réponse d’un jeune
faisant partie des 15 % les moins reconnaissants : « Rien. J’ai l’impression
que les changements qu’il faudrait pour un nouveau gouvernement
prendraient énormément de temps, inutile d’essayer. Donc je pense que
153
mon monde idéal ne pourra pas exister . »
La gratitude offrirait également un moyen d’augmenter la patience et de
contrecarrer ainsi la tendance à vouloir « tout, tout de suite ». Une étude en
laboratoire proposait à des participants de se remémorer soit un événement
pour lequel ils éprouvaient de la gratitude, soit un événement heureux, soit
154
un événement habituel de leur quotidien (groupe contrôle) . Puis, ces
participants pouvaient choisir entre recevoir une somme d’argent tout de
suite ou une somme plus importante entre une semaine et six mois plus tard.
Les personnes ayant éprouvé de la gratitude étaient plus enclines à différer
la récompense en choisissant des sommes plus importantes à recevoir plus
tard.
Mesurer les progrès
Au-delà de l’expérience subjective que l’on découvre à travers ces
pratiques, il existe des mesures standardisées qui permettent d’identifier
avec précision certaines dimensions de l’attitude par rapport à soi-même,
aux autres, à la vie qui peuvent être modifiées par ces pratiques. Certaines
personnes aiment remplir des questionnaires, d’autres moins. Voici
quelques outils que vous pouvez utiliser pour repérer la progression au
cours des semaines de pratique. Une première échelle vise à mesurer
l’orientation de l’attention vers les aspects positifs de l’expérience. Le
second questionnaire permet de mesurer les différentes dimensions du bien-
être subjectif (satisfaction par rapport à la vie et émotions positives), ainsi
que le bien-être psychologique qui comprend le sentiment d’autonomie, de
maîtrise, d’accomplissement, les relations positives, le sens de la vie et
l’acceptation de soi.
155
Questionnaire d’orientation vers le positif
Entourez le chiffre correspondant à votre réponse sur une échelle allant de 1 à 4
(très rarement, assez rarement, assez souvent, très souvent), puis calculez le
score global d’orientation vers le positif en suivant les consignes ci-dessous.
En général…

1. Je fais attention à ce qui va bien dans mon ☐1☐2 ☐3 ☐


environnement. 4
2. Je vois plus facilement les aspects négatifs que les ☐1 ☐2 ☐3 ☐
avantages d’une situation. 4
☐1 ☐2 ☐3 ☐
3. Je suis attentif(ve) aux aspects positifs de ma vie. 4
4. Même lorsque les choses vont mal, je reste sensible aux ☐1 ☐2 ☐3 ☐
aspects positifs de la situation. 4
5. J’arrive à identifier des aspects positifs dans les ☐1 ☐2 ☐3 ☐
situations même lorsque je suis face à un problème. 4
6. Quand les choses vont mal, j’ai tendance à ressasser
mes problèmes sans percevoir les choses positives de ma ☐1 ☐2 ☐3 ☐
vie. 4
7. Même lorsque les choses vont bien, j’ai tendance à me ☐1 ☐2 ☐3 ☐
concentrer sur les détails qui posent problème. 4
8. Je pense à tout ce qui pourrait mal se passer, même ☐1 ☐2 ☐3 ☐
lorsque les choses vont bien dans ma vie. 4
9. Même lorsque tout se passe bien, je suis facilement ☐1 ☐2 ☐3 ☐
absorbé par les aspects négatifs d’une situation. 4

Pour calculer votre score global d’orientation vers le positif, commencez par
inverser le score des phrases 2, 6, 7, 8 et 9 : si vous avez entouré le 1, comptez
4, si vous avez entouré le 2, comptez 3, etc. Puis additionnez l’ensemble des
scores
L’intérêt de cette échelle est de vous aider à repérer votre progression. Vous
pouvez donc calculer votre score une première fois aujourd’hui, puis dans un mois
lorsque vous aurez réalisé un certain nombre de pratiques de gratitude.
L’échelle d’orientation vers le positif comprend trois dimensions : une
tendance à porter attention au positif en général, une tendance à porter
attention au positif même lorsque cela va mal, et une tendance à porter
attention au négatif même lorsque tout va bien, ce qui est l’inverse de
l’orientation vers le positif, c’est pourquoi, lors du calcul du score, il est
important d’inverser le recodage de ces scores. Maintenir son attention sur
les aspects positifs de la situation malgré les difficultés n’a pas pour but de
vous faire oublier ce que vous êtes en train de vivre, mais de vous permettre
de chercher des solutions adaptatives et variées.
Une technique ludique qui vise à réorienter l’attention vers les aspects
satisfaisants d’une situation peut être utilisée comme moyen de mesurer par
vous-même votre progression. Vous pouvez expérimenter cette pratique
aujourd’hui avec un proche, puis l’essayer à nouveau après quelques
semaines de pratique de gratitude afin de voir s’il devient plus facile pour
vous de percevoir les aspects positifs d’une situation. La pratique s’appelle
« La bonne nouvelle, c’est que… 156 ».
Choisissez un proche avec qui vous allez expérimenter cette pratique :
la prochaine fois que vous le rencontrerez, par exemple lorsque vous arrivez
au travail ou lorsque vous rentrez le soir à la maison, essayez pendant cinq
minutes de commencer vos phrases par « La bonne nouvelle, c’est que… ».
Vous pouvez également tester cette pratique pour faire face à une situation
délicate. Vous présentez la situation – dans votre tête ou à un proche – puis
vous formulez plusieurs phrases commençant par : « La bonne nouvelle,
c’est que… » Cela vous permettra probablement d’entrevoir de nouvelles
portes qui pourront être ouvertes pour vous aider à résoudre le problème ou
faire face à la situation. Après avoir exprimé la phrase, prenez le temps de
repérer si vous éprouvez de la gratitude pour ce que vous venez d’évoquer.
En quoi ce que vous venez de préciser est une bonne nouvelle dans la
situation actuelle ? En quoi cela peut-il vous aider ? Comment vous
sentiriez-vous si vous n’aviez pas pu identifier cela ?
L’orientation vers les aspects satisfaisants de la situation ne représente
que l’un des effets de ce type de pratique. Certains d’entre vous auront déjà
des scores élevés à cette échelle au départ, donc auront peu de marge de
progression sur cette dimension, mais les autres dimensions pourront
évoluer, telles que la qualité des relations, le sentiment de satisfaction par
rapport à sa vie, le bien-être. Vous trouverez ci-après un questionnaire
permettant de mesurer le bien-être subjectif et psychologique. À la suite de
quelques semaines de pratique, vous pourrez regarder pour chacune des
157
affirmations, sur quelle dimension vous avez progressé .

Questionnaire de bien-être subjectif et psychologique 158


Merci de répondre spontanément aux Jamais Rarement Parfois Souvent Tout
questions suivantes en référence au (1) (2) (3) (4) le
mois qui vient de s’écouler. temps
1. Je me suis senti(e) optimiste quant à (5)
l’avenir.
2. Je me suis senti(e) utile.
3. Je me suis senti(e) détendu(e).
4. Je me suis senti(e) intéressé(e) par les
autres.
5. J’ai eu de l’énergie à dépenser.
6. J’ai bien résolu les problèmes auxquels
j’ai été confronté(e).
7. Ma pensée était claire.
8. J’ai eu une bonne image de moi.
9. Je me suis senti(e) proche des autres.
10. Je me suis senti(e) confiant(e).
11. J’ai été capable de me faire ma propre
opinion des choses.
12. Je me suis senti(e) apprécié(e).
13. Je me suis senti(e) intéressé(e) par de
nouvelles choses.
14. Je me suis senti(e) joyeux(se).
CHAPITRE 8

Et si ce n’était pas si simple…

Les pratiques de psychologie positive, bien qu’elles bénéficient de


nombreuses études démontrant leurs effets positifs sur le bien-être – en
particulier les pratiques de gratitude 159 – sont parfois considérées avec
scepticisme, notamment en raison d’une tendance culturelle qui consiste à
valoriser davantage les attitudes critiques et le pessimisme et à discréditer
les attitudes positives. En 1983, Teresa Amabile, professeur à Harvard
Business School, avait réalisé une étude démontrant ce biais sur la base de
critiques d’ouvrages. Il était demandé à des participants d’évaluer le degré
d’expertise d’individus ayant rédigé des comptes rendus de livres (le terme
est neutre contrairement à celui de « critique » d’ouvrages). Les résultats de
cette étude ont montré que les personnes ayant rédigé des recensions qui
présentaient une évaluation négative de l’ouvrage, étaient jugées comme
plus intelligentes, plus compétentes et plus expertes du domaine
comparativement à celles qui avaient rédigé des recensions positives. Ce
phénomène se produisait même lorsque le contenu de la recension positive
avait été jugé précédemment comme étant de meilleure qualité.
Teresa Amabile avait démontré auparavant que la tendance à valoriser
les jugements négatifs était plus importante chez les individus qui se
sentaient intellectuellement moins sûrs d’eux. Dans une autre étude menée
par Teresa Amabile 160, il avait été montré que les participants placés en
situation d’infériorité portaient des jugements plus critiques sur les
individus ou leur travail. Ainsi, si vous souhaitez débuter des pratiques de
psychologie positive, ce sera plus facile à mettre en œuvre dans une période
où vous avez confiance en vos capacités intellectuelles !
Ce biais de valorisation des évaluations négatives paraît plus marqué
dans certaines cultures. C’est notamment le cas en France, où la
psychologie positive est parfois considérée comme une version revisitée de
la méthode Coué qui consisterait à se convaincre que tout va bien dans le
meilleur des mondes. Or, contrairement à la méthode de ce fameux
pharmacien, qui porte sur la pratique de l’autosuggestion pour aboutir à une
autoconviction, la pratique d’exercices de gratitude favorise l’expérience –
qui se distingue de croyances – d’émotions positives. Celles-ci sont
notamment favorisées par la mise en œuvre d’actions concrètes permettant
d’améliorer la qualité des relations.
En résumé, l’un des prérequis pour cultiver l’orientation reconnaissante
consiste à ne pas se laisser décourager par les remarques critiques et
pessimistes considérant que les pratiques de gratitude seraient inutiles et
naïves… Un second prérequis consiste à éviter de croire que le bonheur
survient lorsque tout va bien à tous points de vue, ce qui se produit rarement
dans la réalité… Ainsi, l’utilisation des consignes précises ayant été testées
dans les protocoles de recherche permet de se centrer sur l’orientation de
l’attention et non sur l’attente d’événements fulgurants. Voici quelques
idées pour faciliter la mise en œuvre de ces pratiques.

La motivation à la pratique
Les pratiques développant l’orientation reconnaissante ne visent pas à
faire l’expérience de la gratitude tout le temps et pour toute chose. On peut
toutefois décider de s’entraîner à réorienter notre attention vers les aspects
satisfaisants de notre existence. L’orientation reconnaissante ne relève pas
simplement de la perception d’une émotion agréable au cours d’une
situation. Elle relève également d’une démarche active qui implique un
engagement dans une pratique visant à entraîner son regard et son attention
à percevoir les choses sous un angle différent.
Certains parlent d’une forme de rééducation, « un appel à sortir du
sommeil de nos habitudes et de nos conditionnements 161 ». Si l’on
considère qu’il s’agit d’une pratique à mettre en œuvre, on peut alors
aisément comprendre qu’il ne s’agit pas nécessairement d’une attitude à
conserver en permanence, quelles que soient les circonstances. En effet, il
ne s’agit en aucun cas de s’efforcer d’éprouver de la gratitude dans toute
interaction. De même que si l’on décide de pratiquer une activité physique
on ne fait pas pour autant du footing tout au long de la journée, si l’on
décide de réaliser des exercices de gratitude, cela se passe sur un temps
déterminé bien que les effets perdurent au-delà du temps de pratique et
entraînent une modification de la façon d’appréhender les événements par
la suite.

« Si tu peux t’asseoir sereinement après avoir appris une nouvelle accablante,


Si face aux difficultés financières tu peux rester parfaitement tranquille,
Si tu peux rester sans éprouver la moindre jalousie lorsque tes voisins partent en
vacances dans des endroits fantastiques,
Si tu peux manger joyeusement tout ce qui peut être placé dans ton assiette,
Et t’endormir après une journée à courir partout, sans prendre ni alcool ni
médicament,
Si tu peux toujours trouver la satisfaction là où tu es… alors tu es probablement
un chien. »

Jack KORNFIELD.
On ne peut être toujours calme, serein, joyeux ni même reconnaissant. Il
n’est pas facile d’éprouver de la gratitude dans certaines circonstances, lors
d’un changement de vie non choisi tel que la perte d’un emploi, un
déménagement ou encore lors de la perte d’un être cher. Le deuil comprend
plusieurs étapes qui débutent souvent par une phase de non-acceptation (il
semble si difficile même d’y croire), une phase de colère qui s’accompagne
souvent d’un sentiment d’injustice, suivie d’une phase de désespoir au
cours de laquelle la vie semble perdre de son sens. Ce n’est qu’après ces
différentes phases qu’une étape de reconstruction peut se dessiner. C’est au
cours de cette étape que la gratitude peut jouer un rôle important, à
commencer par la gratitude pour tout ce que l’on a reçu de la personne, la
gratitude pour ceux qui nous soutiennent dans cette épreuve, la gratitude
pour les petites choses du quotidien qui petit à petit redonnent du sens à la
vie. Robert Emmons soulignait ainsi que la gratitude, c’est se souvenir 162.
Se souvenir de l’être aimé, de ce qui nous a permis de nous construire
au travers de cette relation et qui reste présent aujourd’hui. Éprouver de la
gratitude dans ces conditions augmente le sentiment de proximité sociale et
l’énergie pour faire face à la situation. Lorsque les pratiques de gratitude
ont été réalisées en amont de l’événement, il est plus facile de se
reconnecter à ce sentiment de lien social et à ses ressources. Lorsque Jon
Kabat-Zinn invite à la pratique quotidienne de la pleine conscience, il
utilise une image très éclairante pour comprendre pourquoi il était utile de
pratiquer même lorsqu’on va bien : au moment où vous allez sauter de
l’avion il ne sera plus temps de tisser votre parachute ; il importe de le tisser
en amont, afin qu’il soit suffisamment solide pour vous permettre d’atterrir
sain et sauf.
Accorder une priorité à cet entraînement régulier implique le fait qu’on
ne réalise pas l’exercice seulement quand on est d’humeur à le faire… En
effet, pour progresser, un violoniste pratique ses gammes même lorsqu’il
n’en a pas envie. C’est la répétition de la pratique qui développe
progressivement les compétences. Lorsqu’on se trouve confronté à une
difficulté et que l’on ne parvient plus à trouver le courage d’y faire face ou
qu’on n’a l’impression d’avoir perdu de vue le sens et la cohérence de tout
ce que nous menons de front, il peut être utile de regarder la situation sous
un autre angle, afin de redonner du sens à ce que nous vivons et pouvoir
puiser dans l’énergie de l’optimisme pour surmonter la difficulté.
Pour mieux cerner comment il est envisageable de développer
l’orientation reconnaissante dans les situations difficiles, voici un petit
exercice.
1. Commencez par penser à une situation qui vous a affecté(e) au cours du
mois passé. Pour une première pratique, choisissez un événement pour
lequel l’intensité des émotions suscitées n’est pas trop élevée.

a. Quelle est la situation sur laquelle vous souhaitez vous pencher pour faire
l’exercice ?
...................................................................................................................................
........
Par exemple : J’avais décidé de m’inscrire enfin à une activité physique, mais le
cours était déjà complet, donc j’ai dû renoncer à cette pratique.

b. Quelles sont les émotions suscitées par cette situation ?


...................................................................................................................................
........
Par exemple : De la déception, un peu de colère envers moi-même, un peu
d’inquiétude du fait de ne pas parvenir à pratiquer régulièrement une activité
physique…

c. Si je prends cette situation et que j’essaie de voir les choses autrement : au lieu
de baisser les bras, est-ce que je peux identifier des conséquences positives
inattendues de cette situation ?
...................................................................................................................................
........
Par exemple : Je cherche d’autres manières de pratiquer une activité physique : je
peux marcher une fois par semaine avec ma fille dans la poussette en faisant une
boucle d’une heure trente en profitant des paysages montagneux alentour ; je
peux accompagner mon fils pour une balade à vélo une fois par semaine pour une
heure ; je peux faire du trampoline avec les enfants dans le jardin vingt minutes
par jour en rentrant de l’école… Finalement, beaucoup de pistes peuvent s’ouvrir
suite à cette mauvaise nouvelle. Comme la nouvelle a suscité de la colère, cette
énergie (il s’agit d’une émotion activatrice, c’est-à-dire qui mobilise de l’énergie)
peut être réinvestie dans d’autres pratiques qui nécessitent une plus grande
autodiscipline, mais dont les bénéfices sont plus importants que ceux de la
pratique visée à l’origine.

Cette première partie de l’exercice peut vous aider à reconnaître ce pourquoi on


peut être reconnaissant dans une situation, même difficile.

d. Si je regarde les choses autrement, qu’est-ce qui aurait rendu la situation pire ?
...................................................................................................................................
........
Par exemple : Il y a deux ans, il n’était pas possible d’envisager de m’inscrire à
une activité physique étant donné que je venais d’accoucher, que les enfants
étaient en bas âge, que toute notre attention était tournée vers la meilleure façon
de répondre aux besoins de chacun des enfants. Prendre conscience de la
possibilité de faire une activité pour soi permet déjà de susciter des émotions
positives et de l’optimisme ce qui favorise la capacité à rebondir et à trouver
d’autres solutions pour répondre à la situation.

2. Dans un deuxième temps, vous pouvez prendre le temps d’apprécier


l’émotion que peut susciter ce nouveau regard sur la situation.

a. Quelle(s) émotion(s) suscite la prise de conscience des ressources ou des


opportunités découvertes au cours de cet exercice ?
...................................................................................................................................
........
Par exemple : De la gratitude envers mon conjoint qui soutient cette démarche, de
la joie de pouvoir partager ces moments avec les enfants…

b. En quoi cela est-il important pour vous ?


...................................................................................................................................
........
Par exemple : Je me sens comprise ; cela me donne en sentiment de cohérence
entre mes valeurs et mes activités.

Comment s’en tenir à son plan ?


Malgré les nombreux effets bénéfiques sur le bien-être individuel et
collectif, les pratiques de gratitude sont encore peu répandues. Or permettre
un changement d’attitude et de comportement face à soi et aux autres
nécessite un entraînement – ici un entraînement à la réorientation de
l’attention vers les aspects satisfaisants de l’expérience. La mise en œuvre
requiert un degré de motivation suffisant, mais aussi une adhésion à la
pratique proposée. Les représentations préalables à l’intervention peuvent
donc constituer un frein ou une aide à la motivation concernant ces
pratiques. En effet, les personnes qui bénéficient le plus des interventions
163
sont celles qui les considèrent comme étant plus utiles et plus efficaces .
Plusieurs pistes de recherche gagneraient à être explorées en vue de
communiquer sur ces pratiques dans le but de les rendre accessibles et
attractives.
Par ailleurs, il ne suffit pas d’avoir une représentation positive, ni même
une motivation élevée ou encore de la bonne volonté pour mettre en place
un comportement que l’on a choisi (ceux qui ont déjà essayé d’arrêter de
fumer auront sans doute fait l’expérience de cela…). Plusieurs moyens ont
été testés pour augmenter les chances de mettre en œuvre un comportement
souhaité : la mémorisation prospective, l’imagination incarnée,
l’implémentation de l’intention et les techniques d’engagement.

Utiliser la mémoire prospective


La mémoire prospective est la capacité que nous avons à prévoir à
l’avance une action à effectuer dans le but de ne pas oublier de nous
164
rappeler de le faire au moment choisi . Cette mémoire s’appuie sur des
situations que vous savez que vous allez rencontrer (vous vous imaginez en
train de vous lever le matin et de voir la lumière de jour) et, au moment où
vous percevez la lumière, vous savez que vous allez vous dire : « Oh non…
c’est déjà le matin… », ce qui ne va pas vous aider à vous motiver pour la
journée. Vous pouvez alors prévoir une autre réponse au moment où vous
allez voir la lumière du jour. Vous pouvez par exemple décider qu’à ce
moment-là vous allez penser à une chose satisfaisante qui aura lieu dans la
journée. Vous vous représentez alors en train de vous réveiller le matin et,
au moment de voir la lumière, vous vous voyez en train de penser à cette
situation agréable. En d’autres termes, vous programmez votre cerveau à se
souvenir de votre intention d’orienter l’attention au moment du réveil vers
une pensée agréable, dans le but d’augmenter la motivation pour la journée
à venir. Ce processus peut être décomposé en quatre étapes. La première
étape consiste à formuler l’intention : quelle est la pratique que je souhaite
mettre en œuvre ?
La deuxième étape consiste à choisir le moment (choix temporel) ou
l’événement (choix situationnel) au cours duquel je souhaite réaliser la
pratique. Par exemple, tous les soirs avant le coucher, ou encore lorsque je
sens que j’ai besoin d’une pause. La troisième étape consiste à repérer les
indices qui feront office de rappel le moment venu : quel indice de
l’environnement puis-je utiliser pour me souvenir de mon intention ? Il
existe deux types d’indices : les indices spatiaux (quelque chose dans mon
environnement me rappelle l’intention de pratique, par exemple je peux
placer un autocollant à un endroit stratégique), et les indices événementiels
(lorsqu’il se passe telle chose, je mets en place telle pratique). La quatrième
étape consiste à imaginer les bénéfices de cette pratique : comment je me
sens après avoir effectué cet exercice ? Cette dernière étape vise à ancrer
davantage l’intention dans la mémoire et augmente également la motivation
à la pratique.

L’imagination incarnée
Vous utilisez spontanément la mémoire prospective dans la vie courante
pour vous aider à ne pas oublier un rendez-vous téléphonique, la prise d’un
médicament ou ne pas manquer l’horaire de sortie de l’école. Plus vous
parvenez à visualiser en détail les conditions de la mise en œuvre de l’acte,
plus vous augmentez vos chances de réaliser cette action : comment est la
situation ? Qui est présent ? Quelles sensations éprouvez-vous dans cette
situation (en image mentale) ? Il importe d’identifier précisément ce que
vous percevez au moment où vous allez réaliser l’acte en image mentale,
comme si vous y étiez « pour de vrai ». C’est ce que l’on appelle
l’imagination incarnée.
Pour vous aider, appuyez-vous sur toutes les perceptions que l’on peut
avoir dans une situation donnée : lorsque je suis en train de pratiquer,
qu’est-ce que je perçois à travers mes cinq sens ? Je suis assise à la table de
la cuisine et je viens de poser mon cahier devant moi. Il est plutôt léger et
très doux ; la couverture brille un peu. Je prends quelques secondes pour
penser à ce pourquoi je ressens de la gratitude en ce moment. Pendant que
je pense, il n’y a pas de bruit autour de moi, les enfants sont déjà couchés et
mon conjoint est en train de lire. Je prends mon stylo et je commence à
écrire une première chose pour laquelle je suis reconnaissante aujourd’hui.
J’entends le bruit du stylo sur le cahier…
Plus vous pouvez détailler cette expérience en image mentale, plus vous
facilitez sa mise en œuvre par la suite. Cette technique serait une forme
d’« imagination incarnée ». Des chercheurs ont montré que le fait de répéter
mentalement une tâche requérant de la dextérité améliorait
165
considérablement son exécution par la suite . Les sportifs de haut niveau
se préparent ainsi à leur compétition en répétant leur parcours mentalement.
Cette technique pourra donc vous être utile pour devenir des experts de la
mise en pratique de vos intentions ! Et si cette technique n’est pas assez
efficace pour vous, une autre méthode a fait ses preuves : l’implémentation
de l’intention.

L’implémentation de l’intention
Lorsque vous vous êtes donné pour objectif de pratiquer un exercice de
votre choix, il est utile d’identifier les leviers et les freins à la mise en
166
œuvre concrète. L’implémentation de l’intention est une technique qui
vise à mieux vous préparer à affronter ces situations si vous voyez que vous
rencontrez toujours une bonne raison pour ne pas pratiquer !
Imaginez que la situation suivante se produise : vous êtes assis
tranquillement à votre table et vous allez commencer l’exercice. Le
téléphone sonne. Que faire ? Faut-il répondre ? S’agit-il d’une urgence ou
est-ce que cela peut attendre quelques minutes ? Pour vous préparer à cette
situation, vous pouvez utiliser la formule suivante : « Si la situation X se
présente, alors je vais réaliser le comportement Y. » L’implémentation de
l’intention favorise ainsi l’identification des situations et la réponse choisie
en amont afin d’atteindre le but fixé (réaliser la pratique). Cette méthode
aide à stocker en mémoire la réponse pour en faciliter la mise en application
le moment venu. Il existe deux manières de procéder, soit avec la
formulation originale qui consiste à verbaliser la phrase en « si…, alors »,
soit en visualisant l’image de la situation et de l’action réalisée en réponse.
Une combinaison des deux méthodes apparaît comme étant le plus
167
efficace .
L’implémentation de l’intention a été testée dans de nombreuses
recherches et s’est montrée utile pour divers comportements tels que la
168
prise de médicaments ou la réduction des comportements addictifs . Elle
complète ainsi l’utilisation de la mémoire prospective en potentialisant son
169
efficacité . Pour ceux qui ne sont pas familiers ou qui ne sont pas à l’aise
avec ces méthodes d’imagerie mentale, il existe un autre type de moyen
pour augmenter la pratique. Il s’agit de techniques d’engagement.

L’engagement
On envisage généralement le changement de comportement comme la
170
conséquence d’un changement d’attitude . Ainsi, il suffirait de modifier
ses croyances ou attitudes pour modifier son comportement. Si votre
objectif est d’améliorer votre bien-être en portant davantage votre attention
aux aspects positifs de votre existence, les travaux sur la gratitude vous
auront peut-être convaincu du bien-fondé des pratiques de gratitude.
Pourtant, il ne suffit pas d’être convaincu pour une mise en œuvre effective
des pratiques. Vous êtes sûrement convaincu du bien-fondé du don de sang
et pourtant une partie d’entre nous n’a pas encore mis en œuvre cette
pratique.
Jusqu’à présent, un grand nombre d’interventions de prévention se sont
fondées sur cette idée selon laquelle il suffit de convaincre pour changer les
comportements. C’est ainsi que nous avons été abreuvés d’informations
concernant les risques du tabac, des maladies sexuellement transmissibles,
etc. sans pour autant que cela aboutisse nécessairement à des modifications
tangibles et durables des conduites. À titre d’exemple, les résultats d’une
étude longitudinale portant sur une intervention de 65 séances visant la
prévention du tabagisme auprès d’élèves de 8 à 17 ans montrent que la
probabilité d’être fumeur à 17 ans n’est pas plus faible chez des élèves
ayant suivi le programme de sensibilisation comparé aux élèves n’ayant pas
171
assisté à ces séances . L’information n’est pas inutile, mais reste
insuffisante dans une majorité de cas. Nombre de recherches illustrent ce
172
décalage existant entre les idées et les actes . Alors comment faire pour
vous aider à mettre en œuvre les pratiques ?
Il existe un champ de recherche portant sur l’engagement qui offre de
nombreuses pistes pour vous aider, ainsi que pour favoriser ce premier pas
173
vers la pratique pour d’autres personnes . Parmi ces pistes, il est possible
de retenir qu’un engagement réalisé publiquement a plus de chances d’être
suivi d’un comportement effectif. Si vous décidez de mettre en œuvre un
journal de gratitude, vous aurez plus de chances de vous y tenir si vous en
informez une tierce personne. Toutefois, il importe de garder à l’esprit que
vous avez choisi librement cette pratique et qu’elle correspond à vos
valeurs.
Selon les périodes de votre vie, vous aurez plus ou moins de facilité à
mettre en œuvre les comportements de votre choix et vous pourrez vous
appuyer sur l’une ou l’autre de ces techniques d’aide à la mise en pratique,
ou sur une combinaison de plusieurs méthodes. Vous pouvez aussi varier
selon les jours ou les semaines pour maintenir un degré de motivation
174
optimal. Les approches centrées sur les compétences s’avèrent également
particulièrement utiles pour vous aider à identifier ce qui vous a permis de
mettre en œuvre les pratiques et en quoi cela parle de vos qualités, des
valeurs qui sont importantes pour vous et qui constituent une boussole qui
vous guide dans vos actions.
CONCLUSION

Les pouvoirs de la gratitude


au quotidien

« Le bonheur se construit : il résulte d’un travail sur soi, d’un sens


donné à sa vie et des engagements qui en découlent. »
Frédéric LENOIR 175.

Éprouver de la gratitude envers les autres, mais aussi de la


reconnaissance pour ce qu’il nous a été donné de vivre, n’est pas seulement
une qualité, une vertu ni même une émotion agréable passagère. La
gratitude est en quelque sorte la mémoire du cœur et constitue un moteur de
développement d’un bien-être durable pour celui qui veut bien la faire
grandir en lui en la travaillant au quotidien. Cette pratique apporte les plus
grands bénéfices pour soi, mais aussi pour l’entourage. C’est ainsi que la
gratitude représente le fondement d’un bonheur partagé. À travers la lecture
de cet ouvrage, vous avez pu découvrir les pouvoirs de la gratitude par
l’intellect en comprenant les mécanismes qui contribuent à faire de la
gratitude un ingrédient essentiel au bien-être, et par l’expérience, en
pratiquant ces exercices qui favorisent le développement de l’orientation
reconnaissante.
Pour vous accompagner dans la suite de votre cheminement, gardez à
l’esprit qu’il existe deux voies complémentaires qui vous mènent vers le
développement de l’orientation reconnaissante. Passer de l’une à l’autre
vous permettra de cultiver à cette occasion la flexibilité psychologique qui
est un déterminant essentiel de l’adaptation aux événements de vie et qui
favorise par là le maintien d’une bonne santé mentale. Christophe André
décrit ainsi ces deux voies : « La voie de l’intelligence (intervenir, agir,
malaxer la réalité avec notre volonté, notre lucidité, nos efforts) et celle de
l’expérience (accueillir la réalité toute nue et la laisser nous recouvrir, nous
habiter, nous imprégner, dans un mouvement de lâcher prise intensément
attentif) 176. »
Vous pouvez ainsi alterner entre des pratiques où vous décidez
explicitement d’augmenter votre degré de gratitude par exemple en utilisant
le journal de gratitude ou l’exercice « d’où vient cet objet ? », et des
pratiques où vous portez simplement votre attention à l’instant présent pour
vous laisser toucher et imprégner par les petites surprises du quotidien. En
cela, les pratiques de pleine conscience peuvent être d’une grande aide s’il
vous est difficile de vous arrêter un moment pour prendre le temps de
remarquer, de savourer… la voix d’un enfant, le sourire d’une personne
âgée que vous croisez en chemin…

Le pouvoir de la présence attentive


Simplement être là, porter notre attention à l’instant présent nous ouvre
une porte vers l’expérience de la plénitude de l’existence 177. Les exercices
favorisant la présence attentive, telles que les pratiques de pleine
conscience, complètent l’ouverture que nous offre la gratitude : une
ouverture à soi, à l’autre et au monde. Nous avons tendance à chercher
toujours plus, toujours plus loin, alors qu’en réalité le sentiment de bonheur
est lié à ce que nous sommes capables de vivre dans l’instant, où que nous
soyons. Si nous sommes toujours ailleurs, en pensée (nous prévoyons le
prochain week-end, la prochaine réunion…), nous avons toujours un train
d’avance, mais les recherches montrent que plus on passe de temps à
divaguer, moins l’on est heureux.
Alors, entraînons-nous à focaliser notre attention sur ce que nous
sommes en train de faire, d’éprouver, de partager. Cela nécessite du
courage, le courage de rester dans l’instant, de faire face à la situation,
d’accueillir ce qui survient et donc de l’accepter. « Accepter ce n’est pas
dire “tout est bien” (cela c’est l’approbation), c’est dire “tout est là, tout est
déjà là” 178. » La souffrance naît de la lutte contre cette réalité ; plus nous
cherchons à la fuir, plus elle nous effraie. Mais nous pouvons tenter de
l’apprivoiser petit à petit, soit par le biais de pratiques de pleine conscience,
soit par le biais de pratiques de gratitude qui nous permettent de voir que
malgré les difficultés, des aspects positifs peuvent être identifiés et donner
du sens à l’existence.

Le pouvoir de l’attitude
Apprendre à réorienter notre attention vers les aspects que nous avons
tendance à laisser au second plan est un changement d’attitude qui peut
modifier en profondeur notre rapport à l’existence. La consigne du journal
de gratitude est particulièrement éclairante quant au pouvoir de l’attitude :
« Il y a beaucoup de choses dans nos vies, petites ou grandes, pour
lesquelles nous pouvons éprouver de la reconnaissance… » Nul besoin
d’attendre que tout soit parfait ou qu’il vous arrive quelque chose de
particulièrement positif pour éprouver de la gratitude. L’orientation
reconnaissante offre des lentilles permettant de repérer les aspects positifs
des situations rencontrées tout au long de l’existence, quels que soient les
événements ou les conditions de vie. L’orientation reconnaissante rend plus
attentif aux petites choses qui augmentent la perception que la vie vaut la
peine d’être vécue. Ces petites choses auxquelles on a parfois du mal à
prêter attention tant les stimulations publicitaires multiples attirent notre
attention vers ce dont nous manquons. Le pouvoir particulier de
l’orientation reconnaissante est que plus on aiguise cette attitude, plus on
perçoit de raisons d’être reconnaissant, ce qui augmente en retour les
émotions positives éprouvées.
Nous ouvrons les yeux sur ce qui nous entoure et nous percevons la
chance que nous avons, pour des choses toutes simples, « banales », comme
le fait de pouvoir percevoir le monde à travers nos sens, de pouvoir nous
déplacer pour aller à la rencontre d’autrui, de pouvoir éprouver des
émotions et les partager. La chanson « Gracias a la vida » de Violeta Parra
dépeint avec simplicité la gratitude envers ces cadeaux de la vie et comment
ils nous permettent de mieux aimer autrui.

179
Extrait de la chanson « Merci à la vie »
Merci à la vie qui m’a tant donné,
elle m’a donné le rire et elle m’a donné les pleurs,
ainsi je distingue bonheur et déchirement,
les deux matériaux qui composent mon chant,
et votre chant à vous, qui est le même chant,
et le chant de tous, qui est mon propre chant.

Merci à la vie

Violeta PARRA

Le pouvoir du don
Éprouver de la gratitude nous pousse à plus de bienveillance envers
autrui, même inconnu. Cette émotion augmente ainsi la tendance à offrir en
retour et à aider les personnes que nous rencontrons sur notre chemin. Au-
delà des bénéfices que l’on peut ressentir suite au don que l’on fait à autrui,
nous recevons aussi en retour la confiance de l’autre et sa bienveillance.
C’est la spirale ascendante de la gratitude : plus on éprouve de la gratitude,
plus on a tendance à donner en retour, ce qui encourage l’autre à donner à
son tour, augmentant à chacune de ces étapes le bien-être des deux parties.
Les comportements prosociaux induits par le sentiment de gratitude
permettent de répondre au mieux aux trois besoins psychologiques
fondamentaux que sont : le sentiment d’autonomie (sentir que l’on peut
choisir les comportements que l’on met en œuvre, qui sont ainsi fondés sur
une motivation intrinsèque), le sentiment de compétence (pouvoir donner à
autrui implique que l’on a les compétences pour le faire) et le sentiment de
proximité sociale.

Le pouvoir du sens
L’impossibilité de donner du sens entraîne un mal-être indéfinissable. À
l’inverse, lorsque l’individu trouve un sens à sa vie, cela procure un
sentiment de bonheur durable, malgré l’adversité 180. Etty Hillesum, jeune
femme juive, déportée et décédée à l’âge de 29 ans à Auschwitz, écrivait
dans son journal, malgré l’injustice et les conditions de vie déplorables
qu’elle devait supporter : « Pourtant, je trouve cette vie belle et riche de
sens 181. » Les témoignages de cette femme rapportés dans ses lettres et dans
son journal sont un symbole de la capacité de l’être humain à pouvoir faire
face à des situations dramatiques, en s’appuyant sur l’orientation de
l’attention vers les aspects de l’existence qui permettent de tenir malgré
tout.
Les recherches portant sur les facettes de l’existence qui donnent du
sens à celle-ci, ont montré que, quel que soit l’âge, ce sont les relations qui
182
jouent le rôle le plus important . Les pouvoirs de la gratitude évoqués ci-
dessus contribuent à augmenter le sens de la vie notamment par le biais de
la qualité des relations que la reconnaissance permet. Être capable de
savourer davantage les expériences positives quotidiennes, de consolider les
relations positives, constitue un atout essentiel pour surmonter les
difficultés que l’on rencontre et garder le cap malgré les aléas de la vie.
C’est ce qui explique pourquoi l’orientation reconnaissante est si
étroitement liée au bien-être. Cultiver le jardin de la gratitude peut modifier
en profondeur notre regard sur nous-même et sur nos expériences et nous
offre la possibilité de partager le bonheur qui en découle. Le philosophe
Alain écrivait : « Le bonheur, j’entends celui que l’on conquiert pour soi,
est l’offrande la plus belle et la plus généreuse 183. » Il rejoint en cela les
184
propos d’André Gide qui considérait le bonheur comme un devoir moral .
Comme nous l’avons montré au travers des nombreuses recherches citées
dans ce livre, la gratitude permet de contribuer au bonheur d’autrui. Ainsi,
le choix de développer l’orientation reconnaissante, au-delà d’une quête de
bien-être individuel, contribue au bien-être social.

Semer un peu de gratitude…


Au terme de ce voyage au cœur de la gratitude vous avez découvert
pourquoi et comment l’on peut cultiver la gratitude. En lisant ces pages, il
vous sera sans doute arrivé de réfléchir à la manière de donner la chance à
d’autres de vivre en étant davantage connecté au sentiment de gratitude. La
meilleure manière de les aider à découvrir les pouvoirs de la gratitude est
peut-être de leur offrir votre soutien, ou « simplement » un peu de temps, ou
mieux, un peu de patience. En effet, la patience peut être considérée comme
une forme d’altruisme. Lorsque vous ressentez une forme d’agacement face
à une personne qui vous oblige à rester en attente ou qui ne réagit pas aussi
rapidement que vous l’espériez, offrez-lui votre patience ; ce sera une
attention précieuse qui pourra faire émerger une émotion de gratitude.
Certaines études ont mis en évidence que le fait de donner rend plus
heureux que de recevoir… Donc s’il vous semble difficile pour le moment
de rentrer en contact avec l’émotion de gratitude, vous pouvez toujours
semer un peu de gratitude autour de vous ; ces plantations porteront leurs
fruits.
TABLE

Titre

Copyright

Dédicace

Les Carnets de Vie

Prologue

Introduction

PREMIÈRE PARTIE - Qu’est-ce que la gratitude ?

CHAPITRE 1 - La gratitude : un amplificateur du positif

Gratitude et échange social

La gratitude, plus qu’une simple formalité

Être redevable ou ne pas l’être, telle est la question

Gratitude et politesse

CHAPITRE 2 - Les conditions d’une gratitude authentique

L’orientation reconnaissante

Prédisposition ou aptitude à développer ?

L’humilité, berceau de la gratitude


Coût et valeur de l’acte : le rôle de l’empathie

Ouverture attentionnelle et orientation de l’attention

Les effets du genre sur la gratitude

CHAPITRE 3 - Le développement de la gratitude chez l’enfant

Le rôle des parents

La progression au cours de l’enfance

DEUXIÈME PARTIE - Pourquoi s’intéresser à la gratitude ?

CHAPITRE 4 - La gratitude, c’est bon pour le moral !

Les effets de la gratitude sur le bien-être

Quand la gratitude s’invite à l’école

La gratitude comme facteur de résilience

La gratitude au pays de la dépression

La gratitude, c’est bon pour la santé !

CHAPITRE 5 - La gratitude, c’est bon pour la société !

Comment la gratitude fait du bien à la relation

Un poste pour la gratitude au travail ?

Gratitude et intégration sociale

Gratitude et altruisme

TROISIÈME PARTIE - Et si nous cultivions la gratitude ?

CHAPITRE 6 - Voyage au cœur de la gratitude

Choisir, initier et maintenir des pratiques de gratitude au quotidien

Le journal de gratitude

La soustraction mentale d’éléments satisfaisants


La lettre de gratitude

La visite de gratitude

Pourquoi faut-il varier les plaisirs ?

CHAPITRE 7 - Pratiquer jour après jour

Pratiquer en famille

Développer la gratitude en classe

Mesurer les progrès

CHAPITRE 8 - Et si ce n’était pas si simple…

La motivation à la pratique

Comment s’en tenir à son plan ?

Utiliser la mémoire prospective

L’imagination incarnée

L’implémentation de l’intention

L’engagement

CONCLUSION - Les pouvoirs de la gratitude au quotidien

Le pouvoir de la présence attentive

Le pouvoir de l’attitude

Le pouvoir du don

Le pouvoir du sens

Semer un peu de gratitude…

Dans la même collection


DANS LA MÊME COLLECTION

M. Mari-Bouzid, Les Pouvoirs de la tolérance, 2015.


Éditions Odile Jacob
Des idées qui font avancer les idées

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1. Proust M. (2013), Œuvres
complètes. Les 40 titres et annexes
(nouvelle édition enrichie), Paris,
Arvensa Éditions.
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l’ouvrage : Bègue L. (2011),
Psychologie du bien et du mal,
Paris, Odile Jacob. Pour une
description du potentiel de
bienveillance chez l’humain, voir
également Lecomte J. (2012), La
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149. Pour reprendre l’acronyme
proposé par Thiriet J.-F. (2015), La
Pratique de la gratitude. L’art
d’être déjà heureux, Gap, Éditions
Le Souffle d’Or.
150. Thiriet J.-F. (2015), La
Pratique de la gratitude. L’art
d’être déjà heureux, Gap, Éditions
Le Souffle d’Or, p. 119.
151. Grâce à un financement
accordé par l’Institut national de
prévention et d’éducation pour la
santé, les pratiques de psychologie
positive simples à mettre en œuvre
dans les classes ont été répertoriées
et mises en ligne pour les
enseignants sur le site
www.educationpositive.org. On y
trouve ainsi des pratiques visant à
développer l’orientation
reconnaissante, les relations
positives à l’école, le repérage de
ses forces et la présence attentive.
152. Froh J. J. et Bono G. (2014).
Making Grateful Kids : A Scientific
Approach to Helping Youth Thrive,
West Conshohocken, Templeton
Press, p. 191.
153. Froh J. J. et Bono G. (2014),
Making Grateful Kids : A Scientific
Approach to Helping Youth Thrive,
West Conshohocken, Templeton
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154. DeSteno D., Li Y., Dickens L.
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155. Shankland R., Kotsou I. et
André C. (2015), Programme
CARE : Compassion, Attention,
Relations, Engagement, manuel
d’un programme de psychologie
positive en cours de validation.
156. Thiriet J.-F. (2015), La
Pratique de la gratitude. L’art
d’être déjà heureux, Gap, Éditions
Le Souffle d’Or.
157. Si vous souhaitez utiliser
d’autres questionnaires, vous
pouvez en trouver d’autres dans
l’ouvrage Shankland R., La
Psychologie positive (Dunod, 2014)
sur la capacité à pardonner,
l’orientation vers le bonheur, la
pleine conscience ou encore la
croyance en un monde juste.
158. Stewart-Brown S. et
Janmohamed K. (2008), Warwick-
Edinburgh Mental Well-being Scale
User Guide, NHS Health Scotland,
traduction et validation françaises
par Marion Trousselard associée à la
chaire « Mindfulness, bien-être au
travail et paix économique » de la
Grenoble École de Management.
159. Sin N. L. et Lyubomirsky S.
(2009), « Enhancing well-being and
alleviating depressive symptoms
with Positive Psychological
Interventions : A practice-friendly
meta-analysis », Journal of Clinical
Psychology, 65, p. 467-487.
160. Amabile T. M. et Glazebrook
A. H. (1982), « A negativity bias in
interpersonal evaluation », Journal
of Experimental Social Psychology,
18, p. 1-22.
161. Thiriet J.-F. (2015), La
Pratique de la gratitude. L’art
d’être déjà heureux, Gap, Éditions
Le Souffle d’Or, p. 42.
162. Emmons R. A. (2013),
Gratitude Works ! A 21-day
Program for Creating Emotional
Prosperity, San Fransisco, Jossey
Bass, p. 33.
163. Huffman J. C., DuBois C. M.,
Healy B. C., Boehm J. K., Kashdan
T. B., Celano C. M. et Lyubomirsky
S. (2014), « Feasibility and utility of
positive psychology exercises for
suicidal inpatients », General
Hospital Psychiatry, 36, p. 88-94.
Voir aussi Kaczmarek L. D.,
Kashdan T. B., Drażkowski D.,
Enko J., Kosakowski M., Szäefer A.
et Bujacz A. (2015), « Why do
people prefer gratitude journaling
over gratitude letters ? The
influence of individual differences
in motivation and personality on
web-based interventions »,
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Differences, 75, p. 1-6.
164. McDaniel M. A. et Einstein G.
O. (2007), Prospective Memory: An
Overview and Synthesis of an
Emerging Field, Thousand Oaks,
Sage Publications.
165. Allami N., Paulignan Y.,
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« Visuo-motor learning with
combination of different rates of
motor imagery and physical
practice », Experimental Brain
Research, 184, p. 105-113.
166. Gollwitzer P. M. (1999),
« Implementation intentions :
Strong effect of simple plans »,
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167. Chen B., Vansteenkiste M.,
Beyers W., Boone L., Deci E. L.,
Deeder J., Lens W., Matos L.,
Mouratidis A., Ryan R. M., Sheldon
K. M., Soenens B., Van Petegem S.
et Verstuyf J. (2015),
« Psychological need satisfaction
and desire for need satisfaction
across four cultures » Motivation
and Emotion, 39, p. 216-236.
168. Gollwitzer P. M. et Sheeran P.
(2006), « Implementation intentions
and goal achievements : A meta-
analysis of its effects and
processes », in M. P. Zanna (éd.),
Advances in Experimental Social
Psychology, New York, Academic
Press, vol. 38, p. 69-119.
169. Chen B., Vansteenkiste,
M. Beyers W., Boone L., Deci E. L.,
Deeder J., Lens W., Matos L.,
Mouratidis A., Ryan R. M., Sheldon
K. M., Soenens B., Van Petegem S.
et Verstuyf J. (2015),
« Psychological need satisfaction
and desire for need satisfaction
across four cultures », Motivation
and Emotion, 39, p. 216-236.
170. Girandola F. et Joule R.-V.
(2008), « La communication
engageante », Revue électronique de
psychologie sociale, 2, p. 41-51.
171. Peterson A. V. Jr, Kealey
K. A., Mann S. L., Marek P. M. et
Sarason I. G. (2000), « Hutchinson
smoking prevention project : Long-
term randomized trial in school-
based tobacco use prevention :
Results on smoking », Journal of
the National Cancer Institute, 92,
p. 1979-1991.
172. Webb T. L. et Sheeran P.
(2006), « Does changing behavioral
intentions engender behavior
change ? A meta-analysis of the
experimental evidence »,
Psychological Bulletin, 132, p. 249-
268.
173. Ces pistes sont détaillées avec
beaucoup d’humour dans le Petit
traité de manipulation à l’usage des
honnêtes gens de Robert-Vincent
Joule et Jean-Léon Beauvois, tous
deux professeurs émérites de
psychologie sociale (Grenoble,
PUG, nouvelle édition complétée,
2014).
174. De Shazer S. (2007), Au-delà
des miracles. Un état des lieux de la
thérapie brève solutionniste, Paris,
Satas.
175. Lenoir F. (2015), La Puissance
de la joie, Paris, Fayard, p. 33.
176. André C. (2011), Méditer jour
après jour, Paris, Les Arènes, p. 16.
177. Par exemple : Siaud-Facchin,
J. (2014), Tout est là, juste là, Paris,
Odile Jacob ; Midal F. (2014),
Simplement être là, le cœur grand
ouvert, Paris, Éditions du Grand
Est.
178. André C. (2011), Méditer jour
après jour, Paris, Les Arènes,
p. 172.
179. Violeta Parra Sandoval, ©
WarnerChappel Music Argentina
(traduction libre de l’auteure). Pour
écouter la chanson :
https://www.youtube.com/watch?
v=w67-hlaUSIs.
180. Frankl V. E. (1956), Man’s
Search for Meaning, New York,
Pocket Books.
181. Hillesum E. (1985), Une vie
bouleversée. Journal, Paris, Seuil,
« Points ».
182. De Vogler K., Ebersole P.
(1981), « Adults’ meaning in life »,
Psychological Reports, 49, p. 87-90.
183. Alain (1923), Propos sur le
bonheur, Paris, Gallimard, p. 473.
184. Gide A. (2012), Les
Nourritures terrestres. Les nouvelles
nourritures, Paris, Gallimard.
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