Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Dans son laboratoire situé au sud-est de Paris, le professeur Grégory Von de Puch, en compagnie d’une petite
équipe de chercheurs et de techniciens, expérimente par ses travaux et ses calculs les lois de la physique et de
la chimie. Ses résultats d’expériences sont ensuite soumis à un bureau d’études du CNRS qui valide ou non
lesdits résultats.
La réputation du professeur n’est certes plus à faire car, outre d’être un excellent physicien, il a pour lui
d’être également un mathématicien hors pair.
Toutefois, en dehors de ses recherches quotidiennes, il se glorifie pour lui-même d’une aspiration secrète
dont nul n’est au courant si ce n’est un grand cahier bleu qu’il garde toujours précieusement enfermé dans le
coffre de son cabinet. Aussi, chaque soir, après le départ de son personnel, il retire de l’endroit où la veille il a
placé ledit cahier puis, gravement s’installe à son bureau.
Ses yeux, couleur du ciel, s’illuminent alors et les profondes rides qui barrent son front s’estompent au fur et
à mesure que ses doigts longs et minces en feuillettent les pages. Ces dernières, bourrées d’annotations et de
calculs font sa fierté car il se sait, à présent, non loin du but qu’il s’est fixé.
En fait, son grand dessein, depuis sa plus tendre enfance, est de pouvoir remonter dans le passé et d’y
voyager à son aise. En cela, son travail acharné depuis déjà deux décennies est presque sur le point d’aboutir.
Selon ses théories, il ne lui reste plus qu’à découvrir deux, voire trois petites formules pour parachever le
système électromagnétique du casque « espace-temps » relié au caisson de survie prévu pour le voyage. Sa
conviction de réussite l’encourage à tel point que, parfois, ce sont des nuits entières qui le voient assis devant
son ordinateur ou bien penché sur des feuillets à griffonner chiffres et formules.
Pourtant, ce soir, peut-être un peu plus las qu’à l’accoutumée mais aussi à court de réflexions, Grégory ouvre
son cahier à la première page et se met à relire les mots qu’il a couchés sur le papier quelque trente ans plus
tôt alors qu’il n’était qu’un jeune collégien.
■ L’avenir est un vaste océan dans lequel l’espoir des humains peut, à tout instant, se fracasser sur le
rocher du non savoir.
■ Le présent a la saveur que l’on veut bien lui consentir
■ Quant au passé, il a pour moi le goût sucré d’une source de miel où j’aimerais m’abreuver jusqu'à mon
enivrement ».
A cette relecture, son regard s’embue et les pulsations de son cœur s’accélèrent. Que de chemin parcouru
depuis ce jour où sa main, encore maladroite, tenait son stylo plume pour inscrire les ambitions de son futur.
Enfin, après ce bref instant de nostalgie, il décide tout de même de s’atteler à son travail.
Les heures passant, une soudaine fatigue se fait ressentir. Un coup d’œil à la pendule sur son bureau lui
indique qu’il est 11h45. Décidant d’interrompre un instant ses écrits, il quitte donc son fauteuil, s’étire en
baillant bruyamment puis, se saisissant de son thermos, avale d’un trait le peu de café restant. Malgré ce, une
sensation de lourdeur s’empare de tout son corps aussi, n’a-t-il d’autre alternative que de se laisser choir sur
le vieux canapé du bureau où, comme bien souvent ces dernières semaines, il y passera la nuit. Jean.-Pierre,
son aide laborantin et ami le réveillera au matin lors de son arrivée.
Grégory est déjà bien assoupit lorsque plusieurs coups de klaxon le tire rudement de son sommeil. Surpris, il
se redresse et, d’un bond se dirige vers la fenêtre. De là, au travers de la vitre opaque, il aperçoit deux formes
blanches qui, au pas de course, se dirigent vers l’entrée du laboratoire. Bien que somnolent encore, son
premier réflexe est d’aller récupérer son cahier laissé sur son bureau, afin de le mettre en lieu sûr. Seulement,
il n’en a guère le temps car déjà, les deux individus font irruption dans son bureau. Se précipitant sur sa
personne, ces derniers, à l’aspect plutôt louche, le harponnent chacun par un bras et l’immobilisent.
Interloqué par cette imprévisible intrusion, Grégory ne comprend pas du tout ce qui lui arrive aussi reste-t-il
sans voix. C’est alors, que tout aussi bizarrement vêtu de blanc comme le sont ses comparses, un troisième
Se sentant fortement secoué, Grégory se réveille soudain étonné de se retrouver assis dans le fauteuil de son
26 (c) Diane Lorgere
bureau.
_ Salut Greg. Alors, encore une nuit passée tout seul au labo, lui lance J-P, avec un rire plutôt taquin
Mais, par trop troublé et encore sous l’emprise de sa léthargie, Grégory ne répond pas à la galéjade de son
ami. Il lui semble sortir d’un horrible et heureux cauchemar à la fois, car, si charme il y avait eu, charme
venait d’être rompu. Que s’était il donc réellement passé cette nuit ? S‘interroge-t-il. Avait-t-il vraiment-il
effectué ce périple dans le passé ou tout cela n’était-il purement et simplement que l’objet de son
imagination ?
_ Il y a du café tout frais. Viens donc en prendre une tasse
_ Très bien. Merci. J’arrive, objecte Grégory sans quitter son fauteuil
_ Bon, nous t’attendons. A de suite
Se frottant alors énergiquement les yeux afin de reprendre place dans la réalité, Grégory s’étire tel un chat
quand, son attention est soudain attirée par une enveloppe bleutée libellée à son nom et posée sur son bureau.
D’un geste prompt il s’en empare et en sort sitôt un feuillet blanc sur lequel est écrit :
Dans le bureau, le silence règne en maître. On dirait que des anges sont passés par là pense Grégory très ému.
Il quitte cependant son fauteuil, enfourne la lettre dans le profond de la poche de sa veste puis dirige ses pas
vers le laboratoire. Lorsqu’il en ouvre la porte, une bonne odeur de café vient lui titiller les narines. Et tandis
qu’il s’avance en direction de J.P., une charmante jeune femme tenant un dossier en main s’approche de lui
toute souriante.
_ Monsieur le professeur, je vous attendais afin de vous faire signer ces documents…
Surpris et presque vacillant, Grégory n’en croit pas ses yeux et, tout bêtement rétorque :
_ Moi aussi, je vous attendais….