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Bulletin de l'APAD 7 1994) Les sciences sociales et lexpestise en développement Norman Long Du paradigme perdu au paradigme. retrouvé ? Pour une sociologie du développement orientée vers les acteurs. ‘Avertissement Le contenu de ce ste reléve de la lgisation ranclee sla proprté intlactule et est la propriété exclusive de edteur Les eeuvres fgurant su ce ste peuvent are consuées et repodutes sur un support paper ou numérique sous reserve ules sient sictementréservées& un usage sot personnel, sot scientfque au pédagogique excluat toute exploitation commeriale. La reproduction dewa obligatorement mentioner Téiteur, le nom de la rewe, auteur et a reference du document. 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Ce chapitie ' est constitué de deux pasties. Le premier dépeint le carnctéxe paradigmatique de Vopposition entre approche structurale et approche basée sur les acteurs dans Lérude du développement et du changement social et se prononce en faveur de Tinjection dans Jn sechesche empirique d'une perspective baste sur les acteurs plus approfondie et mieux théosisée. Le second chapitye setmce mes propres expériences et mes propses luttes pour concilier 1a théorie et la pratique dans mes travaux en Amérique Latine, au Pérou et au Mexique. La conclusion souléve le probleme du changement de paradigme et Ia soi-disaat “cxise" en sociologie contemporaine du développement * L'univers des paradigmes de la recherche On ne peut trouver meilleuse introduction au débat sur le développement et Je déclin des paradigmes que le traitement intéressant que fait Cynthia Hewitt de Alcantara (1982) des pamdigmes anthropologiques dans le Mexique post-sévolutionnaire. Hewitt setmce en détail Thistoixe desécoles de pensée et des pratiques de la sechesche en anthropologie surla vie surale et es problémes agraires au Mexique. Dans son exposé, elle souligne la fagon complexe dont es approches et les découvertes théosiques se sont tmasformées pour s¢pondre aux conditions changeantes de !€conomic et de Ia politique mexicaines, et Vinfluence exercée sur elles par les luttes intellectuelles et politiques qui ont opposé "différentes communautés de chescheuss” tant au Mexique qu’ ua aiveau international plus large. Hewitt tie son concept de "paradigme” de Yceuvre originelle de Kun (1962) sur le caractére et Ia succession de "paradigmes" ou "visions du monde” opposées, dans le développement de la science. Eu le paraphrasant, ele décrt les parndigmies comme "constituant une sorte de croyance métaphysique selon Iaquelle certains domaines de 1a nature, impliquant certaines frontitres dlattention et engagement, sont particuliérement dignes d’étude, et forment la ase de taditions spécifiques de secherche au sein desquelles Ia théorie est élaborte et Jn méthodologie séglementée [sic ie. standasdisée] pour donuer un fondement seconau & Jn pratique d'une discipline particulitre” (Hewitt de Alcantiva 1982 : 2-3). Kuhn soutient par ailleurs que le développement scientifique soptse en passant par des pétiodes de ce quill appelle "la science normale" oft une vue dominaate du monde structure V'investigation scientifique selon un objet ct des méthodes spécifiques, pour atteindre des épisodes de semous "sévolutionnaires” au cours desquelles un nouveau pandigae lutte pour émesges. 1 explique également que, par rapport aux sciences naturelles ct physiques, les sciences sociales sont restéesa un stade "protoscientifique” étant dépourvues pour le moment d'un cadse pamdigmatique universellement acceptable. Hewitt (@ 1a suite de Mastemman (1970 : 74) ; voir également Mey (1982 : 223), modifie la vision unilinéaire du développement des paradigmes de Kuhn, et suggére que les sciences sociales ont toujours comporté une multiplicité de paradigmes, dont aucune n'a jusque la xéalisé Je statut hégémonique de théorie centrale ou de paradigme universel Par conséquent, bien que des théories ou des images pasticulitues de la société puissent étxe considéxées & cextaines périodes comme plus crédibles que d'autres, 8 cause du soutien quelles recoivent de la part de savants ow d institutions académiques, les vents du changement ne tardent pas A souffler. Cela s produit, selon moi, essentiellement parce que les théories ct les métaphores en sociologie sont surtout ancrées sur des épistémologies opposées, voire incompatibles ; clest-A-dire que Ieurs conceptions des phénoménes sociaux sont tts différentes. Parilleurs, Ia caractétisation par Kuhn des sciences sociales comme étant & un stade protoscientifique de développement sévéle Ia prééminence quill accorde aux modéles positivistes et universalistes de la science Bulletin de TAPAD, 7 | 1098 10 Duparaiigne pewuau paraigme...etouve ? Pour ure socologe du developement orient.) comme T'déal A atteindre dans toute investigation ou explication. Ce point de vue, serait ccontesté anjourd hui par beaucoup de chescheuss. Ea dépit de tout cela, comme étude de Hewitt te démontre ués bien, il est possible de dépeindre 1a montée et le déclin de paradigmes dounés & wavers Ie temps et d'identifier des pésiodes au cours desquelles cestaines images et certains types danalyse ont prédominé sur les autres. Peu de spécialistes contesteroat par exemple Yobservation selon laquelle le cours général des débats et des intexpsétations sur les processus de développement depuis la Seconde Guesre Mondiale est passée des perspectives basées sur le concept de modemisation (au milieu des années 50), pour se concentrer par la site sur celui de 1a dépendance (au muiliew des années 60), puis sur celui de !€conomic politique (au milieu des années 70) et enfin sur une sovte de "post-sodemisme” mal défini au milieu des années 80. Cette demise phase "post-modemmiste” est décrite dans beaucoup de suilieux (méime posi certains marxistes structuralistes inconditionnels) comme entrainant une dé-construction des coxthodoxies précédantes ‘et peut-€tre méme un agnosticism sure plan théorique que cestains chercheurs situent& la lisitxe de Yempisisme * Beaucoup pensent que nous vivons dans une période d'incertitude intellectuelle (assortic de remous politiques et économiques dans plusicurs parties du monde). Cette incestitude a cependant l'avantage de nous permettre de comiger Ia "vision du tunnel” (de Mey 1982 : 85) proposée parles paradigmes existants (la soi-disant "science normale” de Kuhn), méme siclle ne nous pesuet pas pour le moment dloffsis des alternatives bien élabortes. Je seviendrai plus Ionguement sur Ia nature de cette “cvise" de la théorie vers la fin de ce chapitee. Antécédents des signes actuels de crise Un coup del sur Ia littérature daprés-guenre sur le développement et le changement social smoatre claiement une division nette entre d'une post, les tavaus tritant de structures et de tendances globales (souvent décrites comme "macro" por nature) et daub part, des études ésisent Ia natwe des changements au aiveau des unités dopération et d'action (souvent décrtes comme "micso") . Les premiéres situent généralement leurs analyses dans le cadre de concepts tités de la théorie de la modernisation ou bien adoptent une perspective structursle néo-marniste. Le deuxiéme groupe détudes, bien quil puisse également mettre en lumiére des dimensions pestinentes pour ces mémes théories générales, est plus susceptible de fournis une description détillée des séponses dfférentilles aux conditions structueles, et dexplorer les statégies et les dispositions culturelles des acteurs sociaux: impliqués. A un certain niveau, cette difference d'analyse coincide en gros avec la division entre 1économic, Jes sciences politiques et Ia sociologie en opposition & Yanthropologie et Vhistoie ; ou plus précisément entre les chescheurs préoccupés parla verification de modéles structusaux et cous qui chescheat & dépeindse la manitze dont les geas se débsouillent face & des changements stoucturaus. existe quelques études remarquables qui ont séussi& combines ces niveau avec assez de bonheur, mais dans Yenseuble elles constituent des cas res et disperses Une des sisons principales qui send difficile Yintégration des pesspectives structursles et de celles basées sur les acteurs résident dans le fait qu’elles impliquent des postuats épistémologiques opposés (ou tout au moins divergents), semblables aux paradigmes de Kuha qui demeusent incompatibies jusqu’a ce quluue "sévolution scientifique” confisme la suprématie de Tune dielles. qui carsct Convergences entre modéles structurels du développement En dépit des différeaces évidentes dans leurs hamachements idéologiques et théoriques, les modéles de ia modemisation et ceux ngo-mamistes conticunent des similaités sur Ie plan parndigniatique. Ces similastés donnent des indices our certains faiblesocs analytiques La théorie de 1a modemisation comprend 1e développement en tennes de mouvement progresif vers des formes de societé"mmodeme”, technologiquetuent ct insttutionnellement plus complencs et plus intéges, Ce processus est mis en marche et mainteaw gsice & tine sri dinterventions impliquant le tiansfeit de technologies, de savoir, de sessources Bulletin de TAPAD, 7 | 1098 B “ Duparaiigne pewuau paraigme...etouve ? Pour ure socologe du developement orient.) ct de formes d'orgauisation des parties du monde ou du pays plus “développées” vers les moins "développées. Ains, la "société taditionnelle” est propulsée dans le monde modeme synduellement, non sans quelques soubresauts intitutionnels cependant (ie. ce quon désiane souvent comme "les obstacles sociaux et cultuels au changement"), et son économie et ses stouctures sociales acquitreat Yaccoutsement de la “modemnite”. Les théories néo-marxistes quant & elles, mettent Yaccent sur Ia nature exploiteuse de ces processus, en esattribuaat.latendance expansionnisteinhérente au monde capitaliste et son besoin constant douvrir de nouveaux marchés, d’augmenter Ie niveau d'extraction du surplus et daccummuler du capital. Ii c'est image des intééts capitalistes,étrangers et nationau, qui subordonnent (et probablement détruisent & long, terme) les modes et les selations de production non capitalistes et qui ligotent les pays du Tiess-Monde et leurs populations pauvies dans un filet de dépendance politique et économique. Bien que la période et le degyé dintégration des pays dans économie politique du monde alent varé, le xésultat est structurllement similaire : ils sont foscés de sejoindse Ia fratesnité des nations selon des termes définis non pas par eux-mémes, mais par leurs "partenaires" industries plus riches et politiquement plus puissants. Méme sicettethéorie n€o-masxiste comporte une vasieté diécoles de pensée, au fond le message central demeuse fondamentalement le méme ; & savoir que les schémas de développement danse Tiers. Monde peuvent mieux stexpliques dans e cadse d'un modéle générique du développement capitaliste& échelle mondiale * Cesdeus perspectives seprésentent des positions idéologiques opposées -1a premitve épousant ‘un point de vue dit "ibéral” et croyanten demiése analyse aux effets bénéfiques de Vextension sgessive du développement, et la seconde qui prend la position dite "sadicale” et voit le -veloppement” comme un processus inégal par essence impliquaat exploitation continue des sociétés "péviphériques”. Pourtant & un autre aivean, les deux modeles sont similaires fu seas oit tous les deux voient le développement et le changement social comme émanant principalement des ceatres du pouvoir sous forme d'une intesvention de Itt ou des intséts internationaus et suivant une piste de développement dont les grandes lignes sont détenminges et jalonnées par des "stades de développement” ou par une succession de “modes domsinants de production”. Ces forces extemes cement de toutes pasts les populations du Tiers-Monée, séduisentIeurautonomie eta lafin spent toute forme de coopération etde solidavté endogéne, ce qui aboutit A une différentiation socio-économique et 8 un contsble central aceru par des youpes, des institutions ou des entreprises économiques ou, politiques puissants. A cet égard, il semble peu importer que Thégémonie de Ita soit basée sur une idéologie capitaliste ou socialiste: il se produit des tendances similaires vers une incorporation et une centralisation de plus.en plus grandes. Les deux modéles sont par conséquent entachés de vues déterministes, linéaires et extemalistes du changement social ”. Le sésumé que je viens de faire de leurs points de vue simplifie et caricature peut-éte leurs arguments, mais une lecture attentive de 1a littérature sur le Tiers-Monde ménem, je cris, & la conclusion qu‘lles ont en commun un ensemble de croyances pardigatiques. Cet argument est également souteau par une comparnison analytique sécente des écoles de la commescialisation (Le. modesnisation) et de ‘marchandisation” dans 'érude du développement agmare (voir Vandergeest 1988 ; et Long et van der Ploeg 1988). Un paradigme basé sur les acteurs Tatoujoussexisté une sorte de contrepoids&l‘analyse structuselle, quoigue moins bien auticulé jusqu’a une période relativement récente, dans ta littérature sur le développement. Crest ce ue jlappelle le pardigme orieaté vers les acteurs, Ce qui sous-tend (soit explicitemeat ou implicitement) cet intérét pour les acteurs sociaux est la conviction que, méme si certains changements stucturaux importants peuvent sésulter de l'impact de forces extemes (dues & Jn pénétration du marché ou de 1Ftat), il est théoriquement peu satisfaisant de baser une analyse sur le concept de détermination exteme. Toute fomme de domisation exteme entre nécessairement dans les espaces de vie actuels des individus et des groupes sociaux quielle affecte, ct est de ce fait tansmise ct transformée par ces mémes acteurs et structures. De Bulletin de TAPAD, 7 | 1098 16 uw 18 Duparaiigne pewuau paraigme...etouve ? Pour ure socologe du developement orient.) méme, sides forces sociales ‘loignées” et de grande enverguse altévent les trajectoises de vie ct le comportement des individus, elles ne peuvent le faire qu’en fagonnant, directement ou indirectement, les expériences quotidiennes ct les perceptions des individus coucemmés, Ainsi, comme lexprime James Scott (1985 : 42) (Cees seulement en saisissant Yexpérience d'un phénomitne dans 1 quasi-totalite, que nous pourons éte en mesure de die quelque chote de significatif sur ia manitre dont un systéme ooncmigue doaue influence ceux qu le constituent et Lentetieunent ou le euerteat en cause, Br, bien entendu, sl ccla est val pour fa paysanneric ou fe proletariat, cela est certainement vial pour la bourgeoisic, la petite bourgeoisie, ct méme fe tumpen-profétarit. (On a done besoin, pour comprendre le changement social, d'une approche plus dynamique qui mette Faccent sur T'intesaction et la déternination sautuelle des facteurs et des relations intemes” ct "extemes", et qui reconnaisse le réle central joué par Yaction et 1a conscience humaines ". (On peut séaliser cela en conduisant des types d’analyses prenant en compte les acteurs, conmne celles qui étaient populaises en sociologie générale et en anthropologie vers la fin des années 60 et au début des années 70. Les approches basées sur les acteurs vasieat des modéles uonsactionaels et de prise de décisions jusqu‘aux analyses internctionnistes symboliqueset phénoménologiques. Un avantage de lapproche en tesmes dacteursestque lon partd'un intéxét pour lexplication des s¢ponses différeatielles Ades cisconstances structuselles similaires, méme si les circonstances semblent relativement homogénes. Ainsi, on admet comme postulat que les schémas différentiels qui appasaisseat sont en pastic Ia cxéation des acteurs eux-mémes, Les acteurs sociaux ae sont pas simplement vus comme des catégories sociales désincamées (basées sur Ia classe ou tout autre critére de classification) ou comme des récepteurs passifs de l'intervention, mais plutét comme des participants actifs qui traitent Vinformation et poursuivent des stratégies dans leuss selations aussi bien avec divers acteurs locaux qu'avec les institutions et le pessonnel extérieur. Les couss précis du changement et ce quils signifieat pour ceux impliqués ae peuvent étxe imposés de lextésicur ni expliqués par application d'une certaine logique structurelle inexorable, comme celle qu'implique le modéle de la "périphérie désasticulée” de Janvry (1981) ". Les différents modéles d'organisation sociale qui émergent sont les résultats des interactions, des négociations et des luttes sociales qui oat cours entie les différents types d'acteuss, Ces desaiers comprennent non seulement ccoux qui sont présents dans un face-A-face donné, mais également les absents qui influencent anganmioins la situation en affectaat les actions et les sésultats I nen demeuse pas moins aécessaise cependant de souligner les faiblesses de plusieurs approches orientées vers les acteurs qui ont été promues dans les années 60 ct 70, particuliérement par les anthropologues (voir Long 197b : 105-43). Dans leur tentative de combattre les vues culturalistes et structuralistes simples du changement social, ces études se sont concentiées sur le comportement novateur d'entrepreneurs et d opérateurs économiques, sur les processus de prise de décision individuelle ou sur 1a maniére dont les individus mobilisent les ressources & travers létablissement de séseaux sociaux, Poustant beaucoup de ces études ne sont pas allées assez loin & cause de eur tendance A adopter une vue voloatariste des prises de décision et des stmtégies tmasactiounelles sans accosder assez dlattention & Yexamen de la maniéve dont les choix individuels soat fagonnés pas des cadves de signification ct dlaction plus larges (i. par les dispositions culturelles, ow par ce que Bourdieu (1981 305) appelie habitus ou “histoire incamée” et par la distribution du pouvoir ct des ressources dans Yaréne plus large). Et certaines études se sont embourbées en adoptant une forme extéme dindividualisme méthodologique qui chesche & expliques Ie comportement social cssenticllement en termes de motivations, d'intentions ct dintéréts individuels *. Un autie type de sechesche orientée vers les acteuss (qui psévaut sustout parm les chescheurs cen sciences politiques et ea économie sais également utilisée par des anthropologues Economistes comme Schneider (1974) est celui qui utilise un modéle généralisé du choix rationnel basé sur un nombre limité d’axiomes, tels que 1a maximisation des préférences ou de Lutilite, Alors que les types d'analyse fondés sur les acteurs mentiounés ci-dessus oat tendance A titer la vie sociale et particulitvement le changement social comme pouvant se Bulletin de TAPAD, 7 | 1098 20 2 Duparaiigne pewuau paraigme...etouve ? Pour ure socologe du developement orient.) séduire essentiellement aux actions constitutives des individus, l'approche du choix rationnel propose un modéle “universe!” dont "les noyaux comportent les proprittés fondamentales du comportement humain" (Gudeman 1986 : 31). La principale objection a cette approche cst qulelle présente un modéle ethnocentrique occidental du comportement social bast sur Vindividualisme de "homme utilitaiste” qui ne tient aucun compte des spécificités de la culture et du coatexte. L'importance centrale de I"'agency”, de la connaissance et du pouvoir Ea 1977, j'ai publié "Une Introduction & ta Sociologie du Développement” (Long, 19776). A Lépoque, In sociologie du développement était sur le plan théorique A 1a croisée des chemins et personne ae pouvait savoir avec certitude quelle disection les analyses et les débats allaient prendre. Un objectif majeur que je visais en écsivant ce livre était d’encoumager une discussion plus ouverte entre cheschewss de convictions théoriques différentes et de plaider pour In nécessité de combiner les approches basées sur les acteurs et celles hiistoriques-structurales. Depuis lors il sest passé beaucoup de choses, dont entre autres Yexplosion d’écsits post-modesnistes et l€mergence de formes moins doctrinaises d économie politique qui ont ouvest ua espace permettant de prendve en considération les questions et les perspectives des acteurs. Cependant, ces efforts risquent davorter tant qu‘on a'affrontera pas fraachement certains problemes méthodologiques clés. Le probléme le plus important & cet égaud est celui de Ia conceptualisation de "Vacteus social” Pour tenter d'améliorer des formulations antériewres, beaucoup d'auteurs sont revenus sur la nature essentielle et 'importance de "I'actant” (human agency). Cette notion se trouve au coeur méme de toute sevitalisation du paradigm de V'acteur social etcoastitue le pivot autour duquel toument les discussions visant A séconcilier es notions de structuse et d'acteus. Mais avant de retiacer ces discussions, il est important de souligner que la question d”"agency" n'a pas été confismée uniquement dans le cescle des théoriciens et de leur audience sociologique, mais quelle a également pénéu le travail empirique en sciences politiques (Scott 1985),en analyse politique, (Blwert ct Bierschenk 1988) ten histoire (Stem 1987). Ea terme général, 1a notion d"agency" attribue A V'acteur individuel ta capacité de titer Texpérience sociale et d’élaborer des moyens pour se débattre dans ta vie, méme sous les formes les plus extrémes de coercition. Dans les limites dues 8 Vinfonmation,& 'incertitude, et ‘aux autres contrainte s (¢.g, physiques, normatives, politico-¢conomiques), les acteurs sociaux sont "compétents” (knowledgeable), et "capables’. Is tentent de sésoudre des problémes, apprennent comment intervenir dansle flot des événements sociaux autour d'eux, et surveillent continucllement Ieurs propres actions, en observant comment les autres séagissent leur comportement, eten prenant note des diverses citconstancesdu moment (Giddens 1984: 1-16) Pourtant, bien que Ia quintessence de l'action humaine puisse sembler se matérialiser dans Vindividu, les simples individus "ne sont pas les seules entités qui prennent des décisions ct agissent en conséquence. Les entieprises capitalistes, les organismes étatiques, les partis politiques et les organisations des églises sont des exemples d'acteuss sociaux : ils out tous les moyens datteindse et de fosmuler des décisions et dagir au moins sur cestaines deatre elles.” (Hindess 1986 : 115). Mais comme Hindess le soutient plus loin, 1e concept d'acteur ne devrait pas éte utilisé pour représeater des collectivités, des agrégats ou des categories sociales qui n'ont pas une fagoa discemable de formuler et d'exéouter des décisions. Suggérer par exemple que "Ia société" dans le sens global du teste, ou les classes et autres catégories sociales basées sur l'ethnicité ow le sexe, prennent des décisions et essaient de les mettre en ceuwre, clest leur attribuer& tort Ia qualité d'actant “. Cela tend également vers une sification des schémas classificatoises qui font pastie de Yappareillage conceptuel qu'ua individu ou uae organisation utilise pour titer les données du monde social aubiant et pastir desquels Yaction est entyeprise. Nous devons donc aous attacher & sestycindse Lutilisation du tesme “acteur social” uniquement aux entités sociales auxquelles on peut de maniése significative attribuer le pouvoir d'agence. Bulletin de TAPAD, 7 | 1098 24 26 2 28 Duparaiigne pewuau paraigme...etouve ? Pour ure socologe du developement orient.) imposte également de soulignes que!”agency" ne se séduit pas tout simplement A aptitude & Ja prise de décisions. L”agency” humaine, que nous econnaissons quand des actions données sésultent en un état daffaires ou en une touure des événements différents de ceux qui existaient auparavant, est composée de relations sociales et ne peut devenir effective qu’a travers elles. Une agence efficace requiest par conséqueat des capacités éorganisation ; elle ae découle pas simplement de Ia possession de certains pouvoiss de pessuasion ou de formes de charisme. La capacité& influencer les autres ou donner des ordtes (c.g. pourles amener A accepter un message de vulgavisation agyicole donné) repose fondamentalement sur “les actions d'une chaine d'agents oi chacua les "traduit” en fonction de ses propres projets"..tle "pouvoirest x ici etmaintenanten ens6laat beaucoup dacteurs dans.ua progsasnsne politique ou social donné” (Latour 1986 : 264) Ea d'autres temes, laction (ete pouvoir) dépendent de amaniéve critique de Vémergence d'un séseau dacteurs qui deviennent portiellement, et presque jamais complétemeat, engagés dans les "projets" d'ua aube ou d'autres pessonses. Liefficacité de agency sequiert donc la création/manipulation stratégique d'un réseau de wations sociales et la canalisation de certains éléments spécifiques(tels que les revendications, les commande, Jes biens, les instruments et Vinfommation) & travers certains “points aodaux" interaction Comme te dit Clegg (1989 : 199) Pow alice une action stat gique i faut suis ia lbest de mance des sues acta: dans te melieurdes as, dupont de vue du stattge ces autes actants deviendrot des relals autres, des extentions de Inctant suatégique. Ques que soient es intéets que ces actati-teais pulsient avoir, ils serieat [dans le cas extéme] entitement ceux que Tact statégiquesuboriaateur seurateibue 1 devient essentiel par conséquent que les acteurs sociaux gaguent les luttes qui se méneat pour attribution de sens sociaux spécifiques & des événements, des actions ou des idées données. Vus sous cet angle, les modétes particuliers (ou idéologies) d'intervention ca développement deviennent des ames stratégiques dans les mains de ceux chargés de les promouvois. Toutefois, Ia bataille n'est jamais tenminée puisque tous les acteurs exercent une fosme de "pouvoir", méme ceux qui sont dans des positions tes subordonnées. Comme Texplique Giddens (1984 : 16), "toute forme de dépendance offre des ressources permettant & ceux qui sont subordonnés d'influencer les activités de leurs supérieurs’. Et de cette minniére, iis sont activement eagagés (bien que ce ac soit pas toujouss au aiveau de 1a conscience discursive) dans ta construction de leurs propres mondes sociaux, méme si, comme nous le fait observer avec prudence Marx (1962 :252), les circonstances qu'ils rencontrent ne sont pas toujours choisies par eux-miémes, Bsaminant les selations entre acteur et structure, Giddens soutient de fagon convaincante que Inconstitution des structures sociales, qui A In ois limite et permet le comportement social, ne peut €t comprise sans accomder une place a la capacité d'action humaine. D écrit Bn suivant ies routines de ma vie quotidiemne, jnide a reprodulte des institutions sociales pour fa cxfation desquelles je ala joue aucun s6le, Bes ue sout pas seulement leavisoanement de mes actions daas ia mesure oU..elles entrent de fagoa constitutive dans ce que je fas en tant quiaget. De fa méme manitre, mes actions constituent et reconstituent les conditions institutionnetles des actions des autes, tout comme leur actions agissent sur ies micanes... Mes activités soat ainsi Integrées dans les propsetés suuctustes dinstitutions sétendaat bien au-dela de mol-néaae dans Je temps et espace eten sont des ¢léments constitutifs. (Giddens 1987 : 11) Cette intégsation de V'action dans les structures et les processus institutionnels ne signifie pas bien sir que le choix d'un comportement est remplacé par une routine immuable. En effet, comme nous Yavons souligné plus haut, Lnalyse orientée vers les acteurs suppose que les facteurs sont capables (miéme dans un espace social txts resteint) de fonmuler des décisions, dlagir surelies, etd innover ou d'expérimenter).Par ailleurs, “un tat caractéristique de Vaction cestque lagent, 8 tout moment, “aurait pu agirautement” : soit positivement sous forme d'une tentative d'intervention dans fe processus des "événements du monde”, ou négativement par abstention” (Giddens 1979 : 56). Hindess (1986 : 117-19) pousse argument plus loin en faisant remarquer que pour atteindre tune décision, il faut utiliser explicitement ou implicitement" des moyens discursifs” dans la Bulletin de TAPAD, 7 | 1098 Duparaiigne pewuau paraigme...etouve ? Pour ure socologe du developement orient.) formulation des objectifs et dans la psé sentation des arguments en faveus de la décisioa prise. Ces moyens discussifs ou types de discouss (ie. les constructions cultuelles utilisées pour cexprimes soit vesbalement soit parla pratique sociale, des points de vue ou des jugements de valeur) " varient et ne sont pas seulement des traits inhérents aux acteurs eux-mémes : ils font partie du stock différencié de connaissances et de ressousces disponibles a difféseats types acteurs. Comme la vie sociale n'est jamiais assez unitaise pour qu’on puisce la bats sur un seul type de discours, il sen suit que, quelles que soient les limites de leurs choix, les acteurs ont toujours devant eux quelques altematives pour formuler leurs objectifs, déployer des modes spécifiques d'action et donner des saisons pour leur compostesneat, I est important de dise ici que la secounaissance daltemnatives de discouss utilisées ou susceptibles d’éue utilisées par les acteurs, remet en cause, d'une part, 1a notion que 1a rationalité est une propriété intrinséque de Vacteur individuel, et d'aute part, qutelle refléte tout simplement Ia localisation structurelle de Lacteur dans Ia société. Toutes les sociétés renferment en leur sein un sépertoire varié de styles de vie, de formes culturelles et de sationalités que ses membres utilisent dans leur recherche de Yordse et du sens et ces membres joueat eux-mémes ua séle (voloataise ou involostaire) dans leur confismation ou leur sestructuration. Ainsi donc les stntégies et les constructions cultuselles employées par les individus ne susgissent pas du néant sais sont tixées d'un stock de discours (vesbaux et non verbawx) disponibles qui sont dans une certaine mesure partagés par d'autres individus contemporains ou peut-eue par des pxédécesseurs. Cest A ce point que lindividu est, ea quelque sorte, transmué métaphoriquement en un acteur social, ce qui signifie que Vacteur social est une construction sociale plutét qu‘un simple synonyme dlindividu ou de membre de Thomo sapiens. On doit également distinguer deux types différents de construction sociale associés au concept d'acteus social : d'abosd celui qui est cultusellement endogene au sens oft illest base sures genses de seprésentations camctéristiques de Ia culture dans laquelle Vacteur social particulier est ancré ; ct deuxiémement celui qui nait des catégories ct des orientations théoriques des chescheurs et des analysteseux-snémes (quiestbien entendu également cultusel dans ce sens quill est associé A une école pasticuliére de pensée et A une communauté de savant) Cette construction sociale des acteurs touche crucialement le probléme de I"agency". Nous poustions cestes prétendse savoir parfaitement ce que nous voulons dize avec “competence” et “capacité” (mowledgeability and capacity) - les deux principaux éléments de Tagency identifiés par Giddens -, mais en fait ces concepts doivent étre traduitsen fonction du contexte cultuel de leur utilisation avant qu'ils ne preanent toute leur signification. On ue devrait done pas présumer (méme si Yon est en mesure de produise, par exemple, des évidences d'une marchandisation et d'une occidentalisation accrues) d'une intexprétation constante, ‘universelle” et transculturelle du concept de Vagency. Il est condamné & vavier dans sa. constitution et dans sa rationalité culturelle. Pour cela, nous avons besoin de découvrir ce que Marilyn Strathem (1985 : 65) appelle la "théoric endogéne de lagency". Se basant sur des exemples afticains et mélanésiens, Strathern montre comment des notions d'agency sont constwuites différemment dans différentes cultures. Elle démontre que des attsibuts tels que connaissance, pouvoir et prestige soat attachés différemment au concept de "pessonne”. Ea Afrique, la notion de personnalité (personhood )est généralement lie AV idée de "fonction” ic. Jes gens "occupent” certaines positions, "jouent” certains soles, subissent des rites d'initiation ctdinstallation en vue d'assumer ces fonctions, et sont perpts comme exergant des influences surlesautres en vertu de leur position relationnelle par rapport eux. Par contre,en Mélanésic, statut et autres attibuts igs & la personne sont moins pexgus comme attachés en permanence ux individus ou définis en selation avec une smatrice de position donnée ; au contiaize, ils font continuellement lobjet de transactions, de négociations ou de contestations. De méme, Yon peut identifier des continstes similaixes ent les theories cultuselles du pouvoir et de influence de différents segments des société latino-américaines ; par exemple entre paysans ct populations urbaines, ou au sein de 1a bureaucratic, de 1Eglise et de Yamée. De telles différences reafoscent Importance que sevét lexamen des différentes manitses dont les notions de personnalité et donc d'agency (compétence et capacité) se constituent selon Bulletin de TAPAD, 7 | 1098 Duparaiigne pewuau paraigme...etouve ? Pour ure socologe du developement orient.) les cultures et influencent Ia gestion des relations intexpersonnelles et les types de controle que des acteurs peuvent chercher 8 exescer les uns vis-a-vis des autres, Dans le domaine du développement rural, ceci revient & analyser comment des conceptions différentes du pouvoir, de Tinfluence, de la connaissance et de Ia capacité fagonneat les réponseset strategies de différents acteurs (par exemple paysas, agents de développement, propritares terriens, fonctionnaises locaux). On devrait aussi chercher& savoir quel point la notion d'agency, qui varie en fonction du type de politique mise en oeuvre, peut te imposée & des groupes locaux. Iki, je pense par exemple aux concepts de "participation", “ciblage des pauvres” ow "Ie sole du paysan leader dans le développement planifie” " Par ailleurs, si nous considérons que nous avons affaise A des “séalités multiples", a des intéxéts sociaux et normatifs potentiellement conflictuels, et des configurations diverses et discontinues de Ia connaissance alors, nous devons chercher & savoir quelles interpretations cou quels modéles (par exemple ceux des agronomes, des politiciens, des paysans ou des valgarisateurs), dominent sur ceux d'autres acteurs et dans quelles conditions. Les processus de Ja connaissance sont intégiés dans des processus sociaux qui impliquent des aspects de pouvoir, d’autorité et de légitimation ; et ils sont tout autant susceptibles de refléter et Golimenter le conflit entre groupes sociaux qu'ils sont supposés conduise & ltablissement diintéréts et de perceptions communs. Cette discussion fait ressortie certains paralléles entre les processus du pouvoir et ceux de la connaissance. Comme le pouvoir, la connaissance n'est pas simplement quelque chose qui est possédée et accumulée (Foucault, in Gordon 1980). Elle ne peut pas non plus étre mesurée de moniéve précise en terme d'une quelcongue notion de quantité ou de qualité. Elle jaillit des processusd interaction sociale etestessentiellementun produit conjoint de la rencontre et de la fusion d’horizons. Eile devrait donc, comme le pouvoir, tre abondée de maniére relationnelle ct non traitée comme si elle pouvait étre épuisée ou comme si 'on pouvait en tier pastic. Le fait que quelqu'un ait du pouvoir et de Ia connaissance n‘implique pas que d'autres en soient dépourvus. Un modéle & somme nulle est ainsi déplacé. Néanmoins, pouvoir et connaissance peuvent étre réifiés dans la vie sociale. Souvent, nous les considérons comme étant des choses, matérielles réelles possédées par les acteurs, et nous tendons a les considérer comme des données que l'on ne peut remettre en question. Ce processus de tification est, bien sti, une composante essentielle des luttes courantes & propos du sens et du contréle des relations et ressources stratégiques. Les rencontres relatives la connaissance comportent Ia lutte entre des acteurs qui visent A en enséler d'autres dans leurs “projets”, a les amener & accepter leurs schémes patticuliers de signification et & les convaincre de leurs points de vue. ils y séussissent, alors d'autres parties leur "déleguent” du pouvoir. Ces luttes se focalisent autour de Ia cristallisation de points clés qui permettent le contréle surles échanges et attributions de sens (y compris V'acceptation de notions rifiées telles que celle d"autorité Cette discussion a clarfié, je Tespére, In mison pour laquelle le concept dagency est d'une importance théorique centrale. Comme nous Vavons suggéxé plus haut, une approche centrée sur les acteurs commence avec Ia simple idée que des formes sociales différentes se développent dans des cisconstances structurelles identiques ou similaires. Ces différences reflétent des variations dans In manitre dont les acteurs tentent de se soisir, de fagon cognitive et organisationnelle, des situations quils rencontrent. Dés lors, une comprehension des différents modéles du comportement social doit étre enmacinée dans Ia "connaissance des sujetsactifs” (Knorr-Cetina, 1981b : 4),etnon simplement vue comme Yimpactdifférentiel de lrges forces sociales (telles que Ia pression démographique ou écologique, ou incorporation danse capitalisme mondial). Dés lors, une tache principale pour Yanalyse est didentifieret de camnctéviser les différentes stratégies et rationalités des acteurs, les conditions dans lesquelles elles émergent, leur viabilité on efficacité 4 sésoudse des problémes spécifiques, et leurs résultats structurels. Ce demier aspect souléve deux autres questions clés que je ne pousrai pas border ici pour des questions de place. II sagit de l'étude des situations interactionnelles & petite échelle et de leur importance pour la comprehension des soi-disant macro phénoménes ; etde la nécessité de Ia notion de structures et de contextes "émergents” qui prennent naissance Bulletin de TAPAD, 7 | 1098 Duparaiigne pewuau paraigme...etouve ? Pour ure socologe du developement orient.) cen tant que sésultats combinés de conséquences intentionnelles et non intentiounelles de action sociale " Défi théorique a la recherche dans les hautes terres du Pérou Je voudrais maintenant tenter de rendre plus conciéte cette longue excursion plutot théorique en lint tout cela A mes propres tentatives dallier Ia théorie et la pratique dans le contexte de Amérique Latine ". Cela donnera, je crois, une toile de fonds oi resituer mes arguments théoriques. En 1071, jétais dans ta Vallée du Mantaro au centre du Pérou, oit jai trvaillé avec Bryan Roberts sur des problémes de développement régional, de migmation, de petites entreprises et de changement social en milieu rural et urbain (Long et Roberts 1978 et 1984). En venant 4’Aftique, jai été fappé A la fois par les similortés et les differences dans le processus social Comme ces villageois Zamibiens avec lesquels jiavais vécu et travaillé dans les années 60, Ja main-d’ceuvre paysanne dans la vallée était intégée A un secteur minier A travers une migration tempomise, et une partie des économies quelle réalisait était eapatriée au village pour financer des activités de petites entreprises. De nombreuses petites boutiques dans le village ot nous vivions étaient gérées par des épouses ou des veuves de mineurs. La grande différence cependant est que le centre du Pérou avait conan le commerce depuis des siécles, depuis Varsivée des colons espagnols. I présentait donc une économie complexe, diversifiée et orientée vers léconomie de marché dans les domaines de Vagyiculture, du commerce, du ‘wansport, de la petite industrie et des mines. La propriété fonciéve était tits fmgmentée et dans une grande mesure privatisée. C'était une population mue par Vesprit du capitalisme. Les Zambiens que j'ai connus étaient "habiles’, mais les populations locales de 1a Vallée du “Mantaro avaient Vopportunité de lt encore plus. Tai également été frppé parla grande mobilité gEographique des gens. Toutle monde semblait @tre en train de bouger, s‘occupant de leurs lopins de terre ici et 18, de leurs troupeaux, ailleurs dansles paturnges des hautes teres, et de leurs petits investissements dans Thabitatet Yéducation en dehors du village. I y avait un flot incroyable de produits écoulés. travers les marchés locaux, mais encore plus transférés directement des villages vers Lima et les villes ainiéres. Ces divers schémas économiques et sociaux sentrelagaient dans une vie culturelle siche faite d'événements familiaux, de fétes de saints patrons, de clubs xégionaux et de réseaux, informels d’amis et de compadces. Cette nouvelle situation de terrain représentait un défi sur 1e plan analytique. Mon profil G'anthropologue social me donnait les moyens de décrire et d'analyser les micro-processus sais ne me donnait pas tellement un cadre théorique pour cemer la maniére dont ces processus senchainent pour former des systémes économiques et sociaux & grande échelle. Je me suis alors toumé vers la littérature Iatino-amricaine sur le développement. Les éléments que je rencontrais dans mes lectures apportaient progressivement un éclairage sur différents aspects du théme mais, en demiére analyse, les modéles de dépendance ne semblaient pas expliquer certains desaspects les plus intéressants de la situation & Mantoro. Le probléme le plus difficile que nous devions affronter était que, tout en étant tres influencé parla présence d'une enclave nize possédée par des étrangers, Yamiéve-pays était caractérisé par un secteur dynamique de paysannerie et de petites entreprises, au sein duquel il se produisait une accumulation de capital. Cela semblait contredise Jes hypotheses du modéle de dépendance de Yenclave. Une autre difficulté théorique est qu'il n'existat pas une chaine ou une hi¢rarchie évidente de dépendance lint Ie village au centre provincial, & la capitale régionale, 8 la métropole. Cela {etait également le doute sur les formulations sur la dépendance. Les données du Mantoro nous présentaient une montagne de complexités dont l'une était comment analyser une région en prenant en compte non seulement des crttres économiques ct administratifs mais aussi des dimensions culturelles et socio-politiques. Un autre probleme Giait de savoir comment analyser les interrelations entre proces du travail et formes organisation économique capitalistes et non capitalistes. Nous avons également essayé de

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